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U IVERSITE DE DROIT, D'ECONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-MARSEILLE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D'AIX-MARSEILLE
COURS DE
SCIENCES CRIMINELLES
D.E.U.G. 2ème ANNEE
•
Par
Monsieur le Professeur Jacques BORRICAND
Directeur de l 'Institut de Sciences Pénales et de Criminologie
1995-1996
1
111111 Il 11111111111 11111 11111
D 094 120234 2
Edition entièrement refondue
Mise à jour en octobre 1995
�UN1VERSITÉ DE DROIT, D'ÉCONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-:YL-\RSEILLE
FACUlTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D'AIX-MARSEILLE
: -C;'
~
U::V~
D. E. U. G. Deuxième année
Monsieur le Professeur Jacques BORRICA!\'D
Directeur de j'Institut de Sciences Pénales et de Criminolog:e
1993-1996 - Tom e 1
�2
Edition entièrement refondue
Mise à jour en féurier 1996
N. B. : Les articles du nouveau code pénal sont référencés: N.C.P., par
opposition à J'ancien code pénal, c.P.
�li
INTRODUCTION
CHAPITRE l - LA PERyIANENCE DU PHÉ N OMÈ~E
CRI:vlINEL
SECTION 1 - L'AMPLEuR Du PHENOME~1: CRIMI;";1:L
S 1- Les méthodes de connaissance de la criminalité
A - Les méthodes classiques
1° Les documents historiques
2° les statistiques
B - Les méthodes contemporaines
1° les méthodes d'ordre socio-criminologique .
2° Les méthodes d'orère économico-criminologique
i:: 2 - Le volume de la criminalité
A - Le plan factuel
l e La criminalité de comportement
2° La criminalité économique
B - Le plan évolutif
1° L'évolution quant itative
2c L'évolution quali tative
SECTI00: II - LES ACTECRS
De: PHÉ:\"O:\lÈ:\"E CRI:'>!I:\EL
S 1- Le délinquant
A - Le droit classique
1 0 Les caractères
20 La typologie des infractions
3° L'éventail des sanctions
B - La conception criminologique
1° Les caractères
2° Les aspects différentiels de la criminalité
�ID
S 2 - La victime
A - Sous l'angle juridique
1° les conditions de l'indemnisation 1
2° les modalités d'inè em nisation
B - Sous l'angle criminologique
1° la victime innocente
2° la victime coupable
CHAPITRE II - L'ÉTUDE DU PHÉNOMÈNE CRIMINEL
SECTION l - L'ÉTUDE JURIDIQUE DU PHÉr\O:'vlÈNE CRI:'vIIN""EL
S 1- La spécificité du droit pénal
A - Les caractères essentiels
1° la sanction pénale 1
20 l' infraction
3° le procès pénal
B - La distinction du droit pénal et des autres disciplines
normatives
P Droit de la délinqu2.nce et moral e
2° Droit de la délinqu=.:,ce et autres branches du droit
S 2 - Contenu du droit vénal
A - L'obj et
1° le droit pénal géné:=.l
2° Le droit pénal spéci:.l
3° la procédure pénale
4° La pénologie ou science pénitentiaire
B - Le champ d'application
C - La port ée
�IV
SECTIO::-..i II - L'ETUDE SCIENTIFIQl.TE DU PHENO.\lENE
CR!ylINEL
S 1- La criminalistique
A - La police scientifique
1°) Anthropométrie criminelle.
2°) Médecine légale.
3C ) Police scientifique
B - Les techniques policières
C - La psychologie judiciaire
S 2 - La criminologie
A - Définitions
1')
Criminologie et Criminalistique
2°) Criminologie et Droit pénal 1
3°) Criminologie et Pénologie
n
Criminologie et Sociologie de la justice pénale 1
B - Contenu
Une science
2°) l.:ne méthode
P)
C - Apports
1C) Le s premières explications
2 C ) Les explications modernes
~
3 - La politique criminell e
A - Le contenu de la politique criminelle
B - La crise de la politique criminelle
�CHAPITRE III: HISTOIRE DE LA RÉACTION SOCIALE
CONTRE LE PHÉ::\OMENE CRIMINEL
SECTION l . LA PÉRIODE DES RÉACTIONS INSTINCTIVES
61. La réaction privée
A - La vengeance privée
B - La justice privée
S 2. La réaction publique
A - Fond
B - Forme
SECTION II. LA PÉRIODE DES RÉACTIONS R.ATIOl\)'""ELLES
~
1. L'école utilitariste
A - Les idées
B - La réaction l égaliste
1°) Le droit pénal rh ol utionnaire
2°) Le droit pénal impérial
S 2 - La doctrine de la justice 2bsolu e
A - Les penseurs
1°) KA:'\T
2°) Jose ph d e MAIST R-=
B - Leur influence
S 3 - La doctrine de l'Ecole cl assique
A - Expo sé
B - Influ ence
�Vl
SECTION III - LA PÉRIODE DES RÉACTIONS SCIENTIFIQUES
SI - Les courants doctrinaux
A - L'école positiviste
1°) Exposé de la doctrine
2°) Influence de l'Ecole positiviste
B - Les écoles transactionnelles
1°) Le Néo-classicisme
2°) Le Positivisme critique italien
3°) Le Pragmatisme
C - le mouvement de défense sociale nouvelle
P) La tendance extrémiste de GRAl\lATICA
2C ) La tendance modérée d'ANCEL
D - la doctrine de la non-intervention
E - le Néo-classicisme nouveau et autres tendances
S 2 - L'évolution des droits positifs
A - En France
B - les autres systèmes juridiques occidentaux
1°) Le système des pays continentaux
2°) Le système anglo-saxon
�VH
,
PREMIERE PARTIE
LA NORME PÉNALE
CHAPITRE l - L'ÉLABORATION DE LA I\ORME PÉ::\ALE
SECTION 1 -LE PRIN CIPE DE LA LÉGALITÉ CRIMI~cUE
S 1- La const-itut-ion du prin cipe
A - Histoire
B - Justification
C - Energie du principe
.
S 2 - Portée du -onncioe
A - Vis -à-vis du législateur
B - Vis-à-vis du juge
1°) I ncrim inations
2e ) Sanctions
S 3 - Evolution
A - Le déclin en matière législative
B - l e déclin en matière judiciaire
SECTION II - LES SOURCES DE LA LÉGALITÉ CRL\II~cLLE
S I - Sources national es
A - Les sources premières
1°) Actes éma n a"t du pouvoi r législatif
2°) Actes réglementaires
3°) Les circulaires
�vm
B - Les sources secondaires
1°) La coutume
2°) Le5 principes génératL'( du droit
§ 2 - Sources supranationales
A - Les dispositions à vocation purement répressive
1°) L'éventail des conventions à finalité répressive
2°) La portée des conventions
3°) L'interprétation des conventions
B - Dispositions à vocation accessoirement répressive
1°) les dispositions à vocation économique
2°) les dispositions à vocation philosophique
CHAPITRE II - L'APPLICATION DE LA NORME
SECTION 1- l'APPUCUIO:\ DE LA NORME PAR LE LÉG ISL ATEUR
E 1- L'application de la loi dans le temps
A - Domaine dans le temps des lois pénales de fond
1°) l\on-rétroactivité des lois pénales plus sévères
2°) La rétroactivité des lois plus douces
B - Domaine dans le temps des lois pénales de forme
1°) l ois de compétence
2°) l ois de procédure
3°) l ois relat ives à l'exécution des peines
4°) Lois de prescription
E 2 - Application de la loi pé nale dans l'espace
A - Les conflits de lois
1C) Infractions comm ises sur le territoire de la RépubE::.ue
2°) Infractions commise hors du territoire de la Répu b iique
B - La collaboration ré pressive internationale
1°) La collaboration policière
,
2°) La collaboration jud iciaire: ['extraditio n
.
•
�IX
C - Les effets internationaux des jugements répressifs
1°) Les effets négatifs
2°) Les effets positifs
SECTIO~
II - L'APPLICATION DE LA NOR:\1E PAR LE]1: GE
SI - L'appréciation des règlements
A - Les conditions d'application du contrôle de la légalité
1°) Les juridictions compétentes
2e ) Les actes administratifs visés
3°) Les cas d'illégalité
B - Les effets du contrôle de la légalité
1°) La saisine du juge
2°) La sentence du juge
S 2 - La qualification des fa it s
A - Les principes directeurs
1 C) La qualification
r,é ~es 5 aire
2e ) La qualification ré';isible
B - Les difficultés pratiques
1C) Les qualifications incompatibles
2°) Les qualifications alternatives
3C ) Les qualificatio ns co ncurrentes
S 3 - L'interprétation des text es répressifs
A - Domaine d'application
B - Portée d'application
�,
DE UXIEME PAR TIE
L'INFRACTION
CHAPITRE l -LES CLASSIFICATIONS DE L'INFRACTION
SECfION 1 - CLASSIFICATIONS TRADITIO NNEllES
E 1- Classification d'après la gravité
A - Intérêts pratiques
1°) A l'égard de la procédure pénale
2°) A l'égard du fond du droit
B - Critère de distinction
P)
Principe de la dis ti.l1.ction
2e ) Altérations de la distinction
S 2 - Classifications d'après la nature
1°) Distinction des infractions militaires et des infrac t:ons de
droit commun
2' ) Distinction des in fractions politiques et des infra ct:ons de
droit commun
SECTION 2 - LES CLASSIFICATIONS i\"OUVELLES
A - La délinquance d'argent
1°) Les infractions fis cales
2°) Les infractions douanières
3°) Les infractions économ iques
B - La grande criminalité
1°) Les infractions de violence
2°) Les infractions terroristes
3°) Les crimes contre l'humanité
�CHAPITRE II - L'ÉTABLISSE:YlENT DE L'ÉLÉMENT MATÉRIEL
SECTION l - LES MODALITÉS DE l 'É! ÉMENT MATÉRIEL
SI - Classifications extra-temporelles
A - Infractions matérielles et infractions formelles
P) L'infraction matérielle
2°) L'infraction formelle
B - Délits d'action et délits d'omission
l e) La position de la jurisprudence: le rejet de la théorie du
délit de commission par omission
2' ) La position du législateur: l'admission du délit d'omission
S 2 - Classifications temporelles
A - Délits simples et délits complexes
n
Délits simples et délits d'habitude
2' ) Délits simples et délits complexes proprement d:!s
B - Délits instantanés et délits continus
1' ) Intérêts de la di stinction
2=) Critère de distinction
SECTIO~ II - LA NÉCESSITE DE L'ÉLÉME~T MATÉRIEL
S 1 - Acte concrétisé
A - La tentative interrompue
1C) Commencement d'exécution
2e ) Absence de dési stement volontaire
B - La tentative infructueuse
1°) Le délit manqué
2°) Le délit impossible
S 2 - Acte virtual isé
A - Abstention délictueuse
B - Comportement répréhensible
1°) La notion d'état dangereux
2°) L'incrimination de l'état dangereux
�XII
CHAPITRE III - LA DISPARITION DE L'INFRACTIO:\i
SECTION 1 - LES F.-\ITS JUSTIFICATIFS LÉGAUX
S 1- L'ordre de la loi
A - Le fondement du fait justificatif
1°) L'ordre fondé sur un texte
2°) L'ordre émanant d'une autorité légitime
B - Le fonctionnement du fait justificatif
P) Les systèmes concevables
2°) Les solutions
S 2 - La légitime défense
A - Les conditions de la légitime défense
1C) Légitime défense des personnes
2°) La légitime défense des biens
B - La preuve de la légitime défense
1 0 ) Légitime défense prouvée
2°) Légitime défense présumée
S 3 - L'état de nécessité
A - La consécration de l'é tat de nécessité
1°) La jurisprudence
2") Le nouveau code pénal
B - Les conditions de l'état de nécessité
1°) Conditions relatives au danger
2°) Conditions relatives à l'acte justifié
C - Les effets de l'état de nécessité
�XlII
SEcrION 2 - UN FAIT JUSTIFICATIF DISCUTÉ:
LE
CONSE~TEMENT
DE LA VlCTIME
S 1- Le principe du rejet du consentement comme fait justificatif
A- Le duel
B - L'euthanasie
C - La stérilisation
S 2 - L'admission exceotionnelle du consentement de la victime
L
A - Suppression de l'infraction
B - Permission légale ou coutumière
1°) Permission légale
2e ) Permission coutumière
�3
INTRODUCTION
Pendant longtemps, l'enseignement des sciences criminelles était consacré en
seconde année au droit pénal, à la procédure pénale et à la science pénitentiaire. Si
cette présentation pouvait se justifier tant que la science criminelle n'avait d'autre
contenu que la "matière pénale", elle ne l'est plus aujourd'hui, car de multiples
disciplines contribuent de plus en plus à sa formation.
Sans doute, le phénomène criminel constitue d'abord une abstraction juridique:
c'est un fait prévu et puni par la loi pénale en raison du trouble qu'il cause à l'ordre
social. Mais, depuis un siècle, on le considère aussi comme une réalité humaine et
sociale: c'est l'action d'un homme, doué d'intelligence et de raison en réaction contre
l'ordre social.
Le phénomène criminel et la réaction sociale contre ce phénomène sont devenus
des objets positifs d'investigation scientifique et leur analyse a donné naissance à
toute une série de sciences nouvelles au contenu très divers, notamment à la
criminologie. L'ensemble de ces disciplines est dénommé sciences criminelles. Dès lors,
il n'était plus possible de conserver la conception traditionnelle du cours. L'étude du
droit pénal ou droit criminel ne peut se faire sans l'éclairage de ces sciences nouvelles
que sont la psychologie judiciaire, la sociologie criminelle, la philosophie de la justice
pénale, sans lesquelles le droit pénal ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui.
Dans un souci de méthodologie, il apparaît souhaitable de partir de l'observation
du phénomène criminel.
De tout temps, la société a cherché à se protéger contre le crime, en établissant
une liste des interdits à ne pas franchir, liste variable adaptée à l'évolution des mœurs.
Mais il arrive que certains individus s'écartent de la règle posée. Cette violation
est appelée infraction pour les pénalistes, déviance par les criminologues. On entend
par là, l'ensemble des comportements qui ne sont pas conformes aux normes sociales
en vigueur et qui donnent lieu à des réactions de types divers que l'on désigne par
l'expression de "contrôle social" (inadaptations physiques, psychiques). La différence
entre ces deux concepts se rattache à une analyse globale des conduites antisociales ou
asociales. Tantôt, il y a franchissement d'un interdit pénal (crime-délit-contravention),
-{:'est l'infraction-, tantôt, il ya simple treuble d'adaptation sociale ne constituant pas
pour autant une infraction, c'est la déviance. En fonction de l'évolution des mœurs, un
comportement peut passer d 'une catégorie à l'autre (marginaux). Il faudra vérifier si
�4
5
l'infraction commise entraîne pour autant la responsabilité de son auteur. Ce sera
l'objet des trois premières parties du cours.
Gàn~
l'hypothèse affirmative, la société réagit par l'application d'une peine à
l'agent. Cette peine vise un double but à la fois la liquidation de l'émotion causée dans
CHAPITRE 1 - LA PERMANENCE DU PHÉNOMÈNE CRIMINEL
le groupe social par l'infraction et l'application d'une sanction au délinquant. Cette
étude qui relève d'un enseignement de maîtrise, sera cependant abordée, compte tenu
de son importance, dans une quatrième partie.
Au commencement était la violence. L'Ancien Testament s'ouvre par un
Ainsi apparaît une "chronologie du phénomène criminel" (LÉAUTÉ)1 expliquant le
fratricide. Le Nouveau Testament se ferme sur une exécution. La violence se manifeste
renouvellement du cycle interdit-infraction-peine et l'accroissement de la délinquance.
Avant de décrire cette "chronologie du phénomène criminel", il apparaît
partout dans la nature. Entre les espèces, depuis la création, la lutte est incessante.
souhaitable de consacrer une introduction un peu approfondie au phénomène criminel
pour:
Quoiqu'en disent certains idéologues, le genre humain n'échappe pas à la règle. "Le
crime ne s' obseroe pas seulement dans la plupart des sociités de telle ou telle espèce, mais dans
toutes les sociétés de tous les types" 2.
- Relever la constante du phénomène criminel et en mesurer l'ampleur ;
1
Cependant, au cours des siècles, l'apprentissage de nouveaux comportements
- Faire l'inventaire des disdplines qui, à l'heure actuelle, s'attachent à l'étude du
phénomène criminel ;
moins instinctifs modifie le type de violence. Celle-ci s'est diversifiée. Elle est aussi
- Décrire l'histoire de la réaction sociale contre le phénomène criminel.
industrielle, suicidaire, culturelle, verbale. Mais elle est toujours aussi présente et aux
Chapitre 1 - La permanence du phénomène criminel
dires de certains, croissante. Elle affecte toutes les couches de la société. Mais à cette
Chapitre il - Les sciences criminelles
diversification touchant l'ampleur du phénomène criminel, s'ajoute une diversification
Chapitre ID - L'histoire de la réaction sociale contre le phénomène criminel
qui intéresse les acteurs du phénomène criminel.
LEAUTE, Criminologie et science pénitentiaire, P.U.F., 1972p. 12.
2
DURKHEIM, les règles de la méthode sociologique, 1893, nouvelle édition PUF 1968.
�6
SECTION 1 - L'AMPLEUR DU PHÉNOMÈNE
CRIMINEL
Depuis l'Antiquité, essais philosophiques, tragédies, romans ont pris pour thème
le phénomène criminel. Plus récemment, le développement du roman noir et des films
policiers révèle l'intérêt que le grand public porte au crime 3. C'est dire combien la
conscience collective demeure fortement imprégnée par le phénomène criminel. Mais
reconnaître son existence n'est pas pour autant en mesurer l'importance; car beaucoup
d'infractions demeurent impunies, soit que leur auteur ne soit jamais découvert, soit
que les charges retenues contre l'auteur présumé soient insuffisantes.
Dans cette perspective, on distingue trois modes d'approche de la criminalité.
- La criminalité légale est représentée par le nombre de condamnations
prononcées par les tribunaux. Celles-ci sont comptabilisées dans le compte
général de la justice criminelle depuis 1825.
- La criminalité apparente est beaucoup plus vaste puisqu'elle recense le nombre
des affaires pénales traitées par la police et le parquet. Depuis 1963, la police
judiciaire publie, chaque année, des statistiques.
- La criminalité réelle, constitue l'ensemble des infractions effectivement
commises et l'écart avec la criminalité apparente constitue le "le chiffre noir"
(dark nurnber). Bien évidemment, l'importance de ce chiffre noir varie selon le
type d'infraction considérée et selon l'efficacité des services de police.
On peut, pour illustrer notre propos, recourir à une image, celle de trois cercles
successifs d'importance croissante. Au centre, un noyau dur, les infractions
sanctionnées par les tribunaux. Puis un cercle plus important représentant les affaires
traitées par la police. Enfin, une sorte de nébuleuse concentrique entoure ces deux
cercles, c'est la criminalité réelle.
Si les deux premières formes de criminalité paraissent assez facilement
quantifiables, il n'en va pas de même pour le chiffre noir qui laisse planer beaucoup
d'incertitude.
x:
Pour mesurer, autant que faire se peut, le volume de la criminalité, on a recours à
diverses méthodes d'investigation de plus en plus affinées.
3
M. MASSE et M. ROCER, Cinéma et sciences criminelles: élément de filmographie, Déviance
et Société, 1982, p. 17.
�8
7
judidaire. De multiples tableaux différendent le sexe, l'âge, la réddive, la situation
§ 1- LES MÉTHODES DE CONNAISSANCE DE LA CRIMINALITÉ 4
familiale, la gravité des infractions. ils permettent ainsi de suivre la régression ou la
progression de telle infraction, de mesurer les probabilités de délinquance pour chaque
Pendant longtemps, on s'en était remis aux statistiques officielles, sources
tranche d'âges. On peut cependant déplorer des lacunes (ordonnances de non lieu,
fondamentales pour mesurer la criminalité. Mais, depuis une trentaine d'années, une
acquittements non comptabilisés) et des insuffisances (par exemple en cas de pluralité
critique de ces statistiques a montré qu'elles sont insuffisantes. D'où le recours à des
d'infractions commises par un même individu, seule la condamnation la plus grave est
méthodes plus affinées, destinées à mieux cerner le chiffre noir.
retenue, conformément au principe du non cumul des peines) 6.
A - Les méthodes classiques
2) Statistique policière.
Depuis 1963, la police judiciaire comptabilise les plaintes et dénonciations
La connaissance de la criminalité utilise deux sortes de sources, les documents
enregistrées par procès-verbaux dans les commissariats de police et les brigades de
historiques et les statistiques.
gendarmerie. Cette criminalité apparente se révèle considérable. En 1992 les crimes et
délits enregistrés s'élevaient à 3 881 894. Sont recensés une centaine d' infractions
précises ou voisines.
1°) Les documents historiques
Leur exploitation s'avère indispensable pour les périodes antérieures à la création
Un vingtième seulement de ces affaires a été déféré devant les juridictions sans
des statistiques criminelles, c'est-à-dire 1825, et même après cette date. Ces
conduire inévitablement à une condamnation. La statistique policière demeure
documents ne sont pas négligeables dans la mesure où ils peuvent combler des lacunes
cependant incomplète puisqu'elle exclut les contraventions, les infractions relevées par
statistiques. (cf. par exemple, l'enquête sur les délits contre les biens faite dans la ville
les services du Ministère des finances et réglées par ce Ministère et les accidents de la
d 'Aahrus au Danemark en 1730, portant sur trois années). Cependant, l'utilisation des
circulation jusqu'en 1988, les contentieux para-pénaux, le "chiffre gris" 7.
documents historiques se révèle peu fiable parce qu'ils ne comptabilisent que la
3) Statistique pénitentiaire
criminalité légale, qu'ils sont souvent incomplets et qu'enfin ils comportent une marge
L'administration pénitentiaire publie un rapport annuel dont le principal intérêt
importante d'erreurs.
réside dans les chiffres sur l'application des peines en milieu fermé et en milieu ouvert.
2°) Les statistiques
hl L'exploitation d.fi statistiques,
Elles constituent le procédé essentiel de la connaissance de la criminalité.
Les statistiques visent à la connaissance des aspects quantitatifs, qualitatifs et
Pourtant, malgré leur diversification, il convient de se montrer prudent sur leur
exploitation.
évolutifs de la criminalité. Mais il importe d'en relativiser l'exploitation.
1) Ainsi, les statistiques policières ne font pas de distinction entre infractions
.!il L.tl nature dn. documents statistiques ru
judiciaire, policier fi pénitentiaire,
ru. tI..Qis. ordres:
consommées et infractions tentées .
2) D'autre part, le classement des infractions ne s'opère pas de la même manière
selon la statistique considérée. Les statistiques judiciaires distinguent les infractions
1) Statistiqu e judiciaire.
4
5
contre les personnes, contre les biens, et contre la sûreté publique. De leur côté, les
Depuis 1825, le Ministère de la Justice comptabilise les affaires instruites et
statistiques policières divisent la criminalité en quatre groupes: vol, infractions
jugées, dans le Compte général de la justice criminelle 5. Cet ouvrage présente une
économiques et financi ères, crimes et délits contre les personnes, autres infractions
photographie de la criminalité légale de l'année fondée sur l'étude des fiches du casier
(dont stupéfiants).
LASSALLE, ,Compte .re~dud,u XXXI cours, int~rnational de criminologie, Aix, 7-11 décembre
1981, Connaltre la Cnrrunahte: Le derruer etat de la question. PUAM. 1982, p. 579.
6
Remplacé depuis 1980 par deux documents, l'Annuaire statistique de la justice et les
Statistiques annuelles sur la justice pénale.
Ch. LAZERGES et CAMILLIERI, Atlas de la criminalité en France, La Documentation
Française, 1992.
7
AUBUSSON de CAVERLAY, R.S.c. 1988, P. 620.
�10
9
3) Une troisième objection à une exploitation sûre des statistiques est la
D'abord sur le fait d'être victime. Elles consistent à relever des témoignages. Les
remarque selon laquelle les définitions juridiques de telle ou telle infraction peu vent
intérêts de la méthode sont multiples: meilleure appréhension du chiffre noir, chiffrage
varier avec le temps, (ex. viol).
En conclusion, on peut formuler deux observations :
1) Tout d'abord, les statistiques ne sont que des indicateurs de tendance. A
du coût du crime, propositions pour une politique criminelle plus adaptée.
titre d'exemple on relèvera que le nombre des condamnations prononcées par les Cours
d'une agression, peur qui touche plutôt les femmes et les personnes âgées et qui se
d'Assises était de 1 378 en 1974, de 2 342 en 1984 et de 2 620 en 1992, que celles
révèle à l'expérience souvent injustifiée. Un rapport américain (Figgie 1980) nous
prononcées par les tribunaux correctionnels étaient de 240 674, en 1974, de 492 000 en
apprend que 0,009 % de la population est victime d'un meurtre, alors que 17 % des
1984 et de 398 999 en 1992.
gens ont peur d 'être tués ; que 0,06 % des femmes sont violées, mais que 55 %
:x
- Ensuite sur la peur d'être victime. C'est l'étude aujourd'hui faoùlière dans le
grand public du sentiment d'insécurité 8. C'est la peur diffuse d'être un jour victime
2) En second lieu, quelles que soient les améliorations que l'on puisse apporter
redoutent de l'être.
aux méthodes statistiques, celles-<i ne pourront jamais prétendre mesurer exactement
De ces travaux il résulte que le sentiment d'insécurité n'est pas la conséquence
la criminalité réelle. Un chiffre noir important existe que l'on s'efforce aujourd'hui
inéluctable de la majoration de la délinquance (contra PRADEL)9
d 'appréhender par le recours à de nouvelles méthodes.
Mais la connaissance du sentiment d 'insécurité peut permettre de définir un seuil
de tolérance à la criminalité susceptible d'expliquer le taux des plaintes déposées aux
B - Les méthodes contemporaines
services de police et d'inciter à proposer des mesures destinées à résorber ce sentiment
pour éviter une véritable paralysie de la société moderne dans certains quartiers
Ces méthodes s'appuient sur les différents facteurs qui contribuent à maintenir
urbains.
un chiffre noir considérable. Parmi ces facteurs, l'attitude des victimes est souvent
2°) Les méthodes d'ordre économico-criminologique
déterminante: refus de porter plainte, pitié de l'auteur, doute dans la justice ou même
ignorance du fait délictueux. il faut également citer le développement de formes de
Elles visent essentiellement à déterminer le coût du
criminalité liées à une société de profit: fraudes, délinquance en "col blanc" ou
crime~
Elles se sont
développées surtout aux U. S. A. et en France. il faut citer ici les travaux de Ph.
infractions d'ordre éconooùque ou financier, vols à l'étalage.
ROBERT 10, réalisés depuis plus de 25 ans qui ont donné lieu à des études régulières.
L'existence de ces facteurs explique le recours à deux types de méthodes,
Ces recherches permettent d'élaborer une politique d'indemnisation des victimes plus
méthode d'ordre socio-crirninologique et méthode d'ordre économico-criminologique.
adaptée à la réalité. Elles peuvent également conduire, en fa isa nt apparaître
1°) Les méthodes d'ordre socio-criminologique
l'importance de l'évasion fiscale, à la mise en place d 'une politique plus répressive Il
En conclusion, les différentes méthodes de connaissance de la criminalité
Elles portent sur les deux acteurs du drame criminel, l'auteur et la victime.
présentent des intérêts multiples.
1) Elles permettent tout d 'abord de mesurer les variations de la criminalité dans
!!lIn. enquêtes d'auto-confession.
le temps. Cela peut aider à la relativiser par rapport au sentiment actuel d'insécurité.
Elles consistent à interroger un groupe de personnes sur leur délinquance cachée.
Cela peut contribuer également à affiner les prévisions et influer les politiques
Elles reposent donc sur les aveux des auteurs d 'infractions. Elles sont surtout
criminelles.
pratiquées aux États-Unis, notamment pour oùeux cerner la délinquance juvénile, peu
en France. On a douté cependant de la fiabilité de telles enquêtes en raison, soit de
l'occultation de certains délits, soit du risque d'exhibitionnisme.
8
S. ROCHÉ, Le sentiment d' insécurité PUF, Paris 1993. H. LAGRANGE, Appréhension et
préoccupation sécuritaire, Dév. et Soc. 1992-1-29.
9
Droit pénal général, Paris Cujas, 1994, p. 37.
10
Annales Internationales de Criminologie, 1970, vol. 9, nO2-599 ; et avec la collaboration de
GODEFROY, le coût du crime, Masson 1977.
11
LOMBARD, GODEFROY et LAFF ARGUE, Les coûts du crime, C. E. S. D. l. P. nO68, 1993.
hl In. enquêtes de. v ictimisation
Elles ont été développées par des criminologues depuis une trentaine d'années.
Elles portent sur deux objets différents d'étude.
�12
11
2) Elles autorisent, en second lieu, des comparaisons dans l'espace L avec la
- La violence à caractère individuel est illustrée par des pressions exercées soit
relativisation qui s'impose, compte tenu des différences de culture. Elles permettent
sur les personnes (assasSinat, homicide, prise d'otage, rapt, racket, hold-up, vol avec
par exemple de tirer des enseignements sur l'efficacité ou l'inefficacité de la peine de
mort, sur l'accroissement de la victirnisation en fonction de l'urbanisation, ou encore
violence), soit sur les biens. Il n'est pas besoin de souligner l'accroissement considérable
de toutes ces infractions.
sur les risques de récidive à la sortie de prison, ainsi que de conduire à une unification
- La violence à caractère collectif est le fait d'individus qui se veulent les
des politiques criminelles européennes.
représentants d'une catégorie plus vaste dont ils prétendent servir les intérêts. Elle
3) Elles facilitent enfin l'appréciation du volume de la criminalité.
s'exerce tantôt sur les personnes (séquestrations de chefs d 'entreprise, barrages
routiers), tantôt sur les biens (occupations de locaux, plasticages de perception, etc. ..),
§ 2 - LE VOLUME DE LA CRIMINALITÉ
soit le fait d'individus agissant dans leur intérêt propre (criminalité organisée).
hl Criminalité astucieuse
TI peut être apprécié sur deux plans, un plan factuel et un plan évolutif.
il s'agit de la délinquance économique et financière : " Le stylo au lieu du couteau".
A - Le plan factuel
Cette forme de délinquance est moins ressentie par l'ensemble de la population que la
première puisque 8 % seulement la considère comme grave. Cependant une majorité de
Vue sous cet angle, la criminalité peut se présenter sous deux formes, la
personnes sondées (81 %) estime graves certains aspects de cette forme de délinquance
criminalité de comportement et la criminalité économique.
(chèques sans provisions - fraudes).
1°) La criminalité de comportement
La délinquance astudeuse a une importance croissante depuis le début du siècle.
Tantôt, elle porte sur la violation des réglementations économiques (prix, concurrence,
Elle représente environ 2,3 % de la criminalité globale. Ce type apparaît dans
droit des sociétés), tantôt il s'agit de la violation de règles concernant le crédit et la
l'éventail des infractions relevées dans les statistiques parce qu'il s'agit de
comportement.
création de monnaie (chèques sans provision, cartes de crédit, fausse monnaie, fraude
fiscale, fausses factures) .
- Violence mortelle : homiddes volontaires, empoisonnements ;
Le développement de techniques nouvelles contribue à élargir le champ de cette
- Violence corporelle : coups et blessures volontaires;
forme de délinquance (ordinateurs par exemple).
- Violence sexuelle: viols, attentats à la pudeur.
il s'agit toujours d'atteintes volontaires aux personnes (d. État de la criminalité).
B - Le plan évolutif
2°) La criminalité économique
Le discours actuel de beaucoup est de souligner l'accroissement inquiétant de la
Représentant approximativement 97 % de la criminalité globale, cette forme de
criminalité a pour moteur, soit le profit, soit l'astuce 12
d élinquance. Les médias s'en font l'écho. Mais cette analyse n'est pas partagée par tout
le mond e 13 . Il est vrai que, depuis les conclusions du rapport PEYREFITTE, la
al Criminalité inspirée 121H. k profit
criminalité a progressé dans beaucoup de domaines encore qu'on note récemment une
certaine décélération.
Elle se caractérise par le fait que ses auteurs commettent des actes réprimés par
Pour clarifier le d ébat, il nous apparaît souhaitable d 'apprécier l' évolution de la
la loi en ayant recours généralement à !a force brutale pour parvenir à leurs fins. C'est
criminalité, d'abord sur le plan quantitatif, ensuite sur le plan qualitatif et d'évaluer
sans doute le type de violence le plus profondément ressenti par la popuiation. Elle se
présente sous deux formes:
12
son impact sur le plan économique.
A
Rapport PEYREFITfE, Réponses à la violence, rapport du comité d'études prés·dé
PEYREFITfE, 1977.
1
par .
13
CHESNAIS, Histoire de la violence, Laffont 1981 .
�13
JO>
14
L'évolution quantitative
hl Li:. ~ terme
L'insuffisance des infonnations statistiques rend impossible la description, de
Le thème de l'insécUrité est développé par la majorité des partis politiques. Force
manière exhaustive, de l'évolution des différents types de criminalité. D'autre part, la
est de constater qu'il y a en France aujourd'hui un sentiment d 'insécurité important et
modification de la qualification juridique de certains actes, la survenance de lois
notamment l'idée d'un certain laxisme de la justice. L'examen des statistiques pour une
d'amnistie faussent les statistiques. Ce n'est que tout récemment, en 1972, que ces
période de dix ans 1973-1984 (Ministère de la Justice) ou douze ans (Police Judiciaire)
anomalies ont été supprimées. Dès lors l'analyse ne saurait être conduite qu'avec une
ne doit se faire qu'avec prudence, car les statistiques ne font pas de distinction entre
certaine prudence. On peut cependant, avec une marge d'erreurs négligeable opposer le
les infractions tentées et les infractions consommées et présentent des lacunes
long tenne au court tenne.
(infractions d'imprudence).
Force est tout de même de constater que le nombre de viols est passé de ~ en
.al 1&. Ùll1g terme
1982 à 5 613
eI{l99~ (peut-être en partie par l'accroissement des plaintes). Mais les
condamnations pour viol sont au nombre de 892 en Q99~ Les infractions à la
Sur une longue période l'observation principale est une décélération de la grande
législation sur les stupéfiants ont été multipliés par près de trois (21 230 en 1982, 62
criminalité que ce soit en France ou à l'étranger 14.
021 en 1991). Les vols avec violence ont augmenté de + 40,42 % au cours des dix
En France, tout d'abord le nombre d'accusations de meurtres et assassinats est
en diminution constante depuis 1825.
dernières années. L'accroissement de la délinquance est commun à tous les pays de
l'Union Européenne 16.
Années
Nombre
Taux
Années
Nombre
Taux
Années
Nombre
Taux
1825/30
436
1,37 1871/80
352
0,96 1931/38
372
0,89
1831/40
397
1,19 1889/90
397
1,04 1946/50
374
0,91
1841/50
408
1,17 1891/1900
373
0,97 1951/60
170
0,39
1851/60
332
0,92 1901/1910
427
1,09 1961/70
219
0,45
1861/70
300
0,79 1921/30
448
1,11 1971/75
240
0,4 6
Aspects de la criminalité et de la délinquance constatées en
France en 1993 17
Comme l'a écrit un auteur 15, "Prolongeant le lent déclin amorcé au XVIIlème siècle, la
grande violence celle qui tue ou mutile à vie, recule régu lièrement depuis 150 ans ". Le risque
d'être victime d'un accident de la route est quarante fois plus grand que celui d'être
victime d'un homidde.
Si on se tourne vers l'étranger on peut relever une sinùlitude dans l'évolution des
comportements antisociaux. Le taux des homicides volontaires est sensiblement le
même dans tous les pays d'Europe à l'exception de la Grande Bretagne où le taux est
cinq fois inférieur.
68 % : Vols y compris recels
10,5 % : Escroqueries et infractions économiques et finandères
17,5 % : Stupéfiants, paix publique et réglementation
3,9 % : Crimes et délits contre les personnes
Pour les blessures ou les coups graves, on observe un contraste entre le Nord et le
Sud de l'Europe qui se signale par une plus grande criminalité. L'étude comparative du
Viol. confinne que le taux français est très faible par rapport à d'autres pays tels que
les Etats-Unis, l'Allemagne et la Suède (CHESNAIS, op. cit.).
14
SZABO, Concept et stratégie, R. S. C. 1984-685.
15
CHESNAIS, op. cit. p. 137, d'où sont extraits ces tableaux.
16
Aspects de la criminalité et de la délinquance en France en 1991, 1992, p. 35 (+ 38 % au
Luxembourg, + 31 % en Belgique, + 23 % en Italie, + 18 % en Angleterre et au Pays de Galles, +
12 % en Grèce, + 6 % au Portugal, + 5 % aux Pays-Bas). En revanche, la stabilité s'observe au
Danemark, en Allemagne et en Irlande.
17
La Documentation Française, 1994, p. 43.
�16
15
A la lecture de ces statistiques, deux observations s'imposent:
• Stabilité d'une criminalité "structurelle".
Depuis le milieu du XXo siècle, les profondes modifications de la vie économique
La criminalité et la délinquance de 1984 à 19!
et sociale en France n' ont pas sensiblement modifié l'importance des comportements
délictueux.
Qu' il s'agisse des homicides, infanticides, coups et blessures volontaires,
4000000
atteintes aux mœurs, la plupart des crimes et délits contre les personnes, en taux pour
3500000
1 000 habitants, sont restés pratiquement stables. La vie moderne n'a pas aggravé
3000000
"l'asociabilité inter-personnelle".
Malgré les variations dans les textes, les mêmes constatations valent pour les
2500000
infractions relatives aux étrangers, etc. On notera cependant une augmentation des
contrefaçons et fraudes .
2000000
• Explosion de la petite délinquance et des stupéfiants.
1500000
En revanche, se sont multipliées les infractions liées au développement de la
société de consommation et à ses manifestations de non-insertion.
1000000
- En premier lieu, les vols passent de 187 496 en 1950 à 2 640 417 en 1993.
500000
Représentant 32,65 % des faits constatés en 1950, ils en recouvrent 68,02 % en 1993.
o
Cette progression se manifeste aussi bien en ce qui concerne les vols qualifiés (vols
191j4.
19~5 .
19j6. 19!17.
1~8.
1~89.
1'90. 1SJ91.
!1992. 1 Ul93
avec violences et cambriolages principalement) que les vols simples.
Parmi les hausses les plus spectaculaires, olLCitera l'automobile, objet-symbole
devenu omniprésent et "à portée de main" : 2507 vols en 1950 et 383 728 en 1993, soit
153 fois plus. Mais un grand nombre de vols e ve ëiiles sont des "vols d'usage" ; ils
sont souvent le fait de jeunes qui abandonnent les véhicules après s'en être servis. Ils
Aspects de la criminalité et de la délinquance constatées en France en 1993
sont donc l' une des marques de notre civilisation motorisée et de ses méfaits. Plus de
60 % des véhicules d éclarés volés sont retrouvés par les services de police et de
gendarmerie. De même le nombre des destructions-dégradations, souvent liées à
ANNÉES
NOMBRE DE CRIMES ET DÉLITS
1984
3 681 453
3,30
- En second lieu, on soulignera l'explosion de la criminalité et de la délinquance
1985
3 579 194
- 2,78
en matière de stupéfiants. Qu'il s'agisse du trafic ou de la toxicomanie, les faits
1986
3 292 189
- 8,02
constatés passent de quelques centaines jusqu'en 1968 à 64 841 en 1993 ; après
1987
3 170970
- 3,68
plusieurs périodes de fortes progressions (de 1969 à 1971, multiplication par 4,5 en 2
1988
3 132694
- 1,21
ans, puis deuxième poussée de 1974 à 1981), la hausse se poursuit à un rythme moins
1989
3 266 442
4,27
1990
3 492 712
7,00
rapide.
Outre la gravité qu'elle présente en elle-même, cette énorme propagation de la
1991
3 744,112
7,20
drogue induit souvent des phénomènes de petite délinquance voire parfois de
1992
3 830,995
2,32
criminalité.
1993
3 881 894
1,33
ÉVOLUTION EN %
l'automobile, a été multiplié par 10 entre 1950 et 1993.
Ces tendances françaises n'ont rien de spécifique et se retrouvent dans les pays
comparables.
�17
18
2°) L'évolution qualitative
Cette diversification des formes de délinquance contribue à expliquer en partie le
sentiment d'accroissement de la criminalité. Mais la référence aux statistiques est
Le rapport PEYREFITTE,
18
observe deux tendances nouvelles de la criminalité
insuffisante. Récemment des travaux ont porté sur l'impact économique du phénomène
contemporaine, une diversification des fonnes et une déprofessionalisation des
criminel. ils ont permis de mettre en lumière l'importance des fraudes fiscales ou des
auteurs.
/
infractions d'imprudence.
fÙ L1! djversj(jeation
L'estimation monétaire des criminalités serait en million de francs et par rang :
lli/onnes
les fraudes fiscales, les atteintes à la vie, etc...
On peut certes, souligner le développement de la délinquance astucieuse: les
fausses factures, la fraude fiscale, les fausses cartes de crédit, la fraude par ordinateur
Estimation monétaire des criminalités
(en millions de francs)
ce qui devient considérable dans la mesure où les victimes, souvent les banques, ne
portent pas plainte pour garder la confiance de leurs clients.
- La violence industrielle, en second lieu s'est développée à la fin du XIXème
1986
siècle. Elle est la troisième cause de mort après le cancer et les maladies cardiovasculaires. Plus de 90 000 morts et deux millions de blessés en Europe.
Toutes les couches sociales sont atteintes, mais le prolétaire l'est plus que le
Atteintes à la vie humaine
1987 % PIB
108 099
114 429
1,96
37679
37581
0,64
bourgeois. Le coût de cette violence est très élevé. Pourtant, les condamnations sont
Diverses infractions économiques et finandères
6674
5 390
0,09
faibles. En 1975, 11 % d'auteurs d'homicides involontaires avaient été condamnés à
Infractions à la réglementation des changes
3871
106
-
Proxénétisme
5500
5 500
0,09
Délinquance informatique
3275
4000
0,07
Vols de véhicules
4 152
4248
0,07
Vols
3072
3 390
0,06
Émissions de chèques sans provision
4573
5 366
0,09
Fraudes douanières
2500
2500
0,04
Vols dans les grands magasins
788
603
0,01
Fraudes aux cartes bancaires
455
490
-
services de police, plutôt d'âge mûr. Aujourd'hui le milieu n'a pas disparu. Bien au
Trafic de stupéfiants
625
625
0,01
contraire, il s'est investi dans des domaines difficiles à repérer (blanchiment des
Destruction de biens (incendiés)
606
615
0,01
capitaux introduits dans des entreprises françaises) et est concurrencé par une
Hold up et agression à main armée
561
471
délinquance peu connue de la police. On peut en fournir deux illustrations, la
délinquance des mineurs et celle des immigrés.
Faux monnayage
26
36
Infractions aux réglementations de la communauté
économique européenne
31
31
-
des peines fermes, tandis que 67 % des vagabonds avaient été emprisonnés. L'étude
du droit pénal du travail est éloquente à cet égard. Sur un million d'infractions
constatées, guère plus de 30 000 peines sont prononcées.
- La criminalité organisée a pris une dimension considérable avec l'ouverture
des frontières et se développe dans de multiples secteurs (drogue, fraude, fausse
monnaie, terrorisme, etc. .. ).
hl L1! dé.prqfessionalisation lli auteurs
Jadis, la délinquance violente était le fait de bandes organisées connues des
- La délinquance juvénile qui, pendant longtemps, avait été un phénomène
marginal, connaît dans tous les pays, une extension inquiétante. Le nombre des
mineurs mis en cause était en 1992 de 93 000.
- La criminalité étrangère, souvent soulignée par certaines formations politiques,
a toujours été plus forte que la criminalité des Français, par rapport à la population.
18
Fraudes fiscales
1987
Réponses à la violence, rapport du comité d'études présidé par A. PEYREFITTE, 1977.
Voilà précisée l'ampleur du phénomène criminel. Reste à définir le rôle joué par
ses acteurs.
�19
SECTION Il - LES ACTEURS DU PHÉNOMÈNE
CRIMINEL
Longtemps, les systèmes répressifs sont demeurés des systèmes objectifs.
L'infraction, d'une part, la peine, d'autre part, constituaient les deux piliers du droit
pénal. Les acteurs du drame étaient, de ce fait, rejetés dans l'ombre.
Ce n'est qu'avec la montée de l'individualisme triomphant, d'abord, avec le
développement des sciences humaines, ensuite, que les projecteurs du droit pénal se
sont progressivement tournés sur le délinquant puis sur sa victime.
§ 1 - LE DÉLINQUANT
Pratiquement ignoré du droit pénal classique, le déHnquant est devenu, sous la
poussée de l'école positiviste italienne à la fin du XIXème siècle, "le protagoniste de la
justice pénale", selon la célèbre expression de FERRI. Il convient de décrire cette
évolution en exposant, tour à tour, le droit classique et la conception crinùnologique.
A - Le droit classique
Les caractères du droit classique expHquent la typologie des infractions retenue
par le Code pénal de 1810, débouchant sur un éventail de sanctions.
1°) Les caractères
Le droit classique consacre une théorie abstraite du déHt : "Le délit n'est pas une
notion de fait , mais une notion juridique ", écrivait l'auteur italien CARRARA. Dans cette
optique, le délit est une infraction, il n'est pas une action, car l'infraction n'existe que
dans sa définition légale, tandis que l'action, comme tout fait humain, est susceptible
de plusieurs interprétations. SALEILLES 19 expHquera les conséquences de la théorie
en présentant ses trois caractères fondamentaux :
- C'est une théorie objective en ce que dans cette doctrine, si les circonstances
du crime varient, sa nature juridique et sa défuùtion légale ne peuvent varier; tous les
criminels sont identiques en face du même crime: le droit classique connaît le vol, il ne
connaît pas le voleur.
- C'est par là même une théorie abstraite. Tous les délinquants sont égau x
puisque tous les hommes sont égaux devant la loi pénale. La Hberté morale est la même
19
Auteur de l'individualisation de la peine, A1ean 1898.
�21
20
pour tous. La seule exception à cette règle est celle de la démence et de la contrainte
C 1. C et leur interprétation par les juges répressifs, rejoints dans leur effort par
(A. 121-1 et 121-2 N.CP. ; ancien art. 64 CP.). Cela explique que le législateur
l'adoucissement législatif entrepris dès 1832, pouvait être attribuée à plusieurs causes :
révolutionnaire ait consacré un système de peines fixes et quand le Code pénal
le courant libéral, issu du romantisme, la naissance de la sociologie, le développement
admettra une certaine individualisation, ce sera une individualisation non pas de l'acte
de la psychiatrie enfin. Dans ce terrain particulièrement fertile, la révolution positiviste
délictueux, mais de la peine. Les femmes, les vieillards, les enfants bénéficiaient d'un
ne pouvait que s'épanouir et ouvrir la voie à une conception crirninologique du
régime spécifique. Ainsi, au plan de l'incrimination, le criminel apparait dans la
délinquant.
Le nouveau code pénal accentue la diversification des sanctions et les pouvoirs
I
conception classique comme l'homo-economicus ou le bon père de famille du droit civil.
du juge. En effet, il développe les mesures alternatives qui s'inspirent directement des
- Enfin, c'est une théorie juridique. Est délinquant celui qui a commis une
idées crirninologiques.
infraction définie et prévue par la loi pénale. La peine constitue un véritable paiement
au sens technique du terme. On retrouve la même idée dans le langage courant ou l'on
disait souvent qu'un condamné à mort avait payé sa dette. Mais dans la doctrine
B - La conception criminologique
classique, on considère que de même que le paiement éteint l'obligation, l'exécution de
la sanction libère le condamné.
C'est la doctrine positiviste italienne de la fin du XIXème siècle qui devait
contribuer à faire admettre que derrière le fait criminel se dissimule un homme vivant
2°) La typologie des infractions de 1810
possédant une personnalité déterminée, conditionnée par des stimulants extérieurs.
Les rédacteurs du Code pénal avaient consacré une distinction tripartite des
L'ouvrage de LOMBROSO, "L'homme délinquant" 20, traduit les préoccupations de
infractions. Tout d'abord, les crimes et délits contre la chose publique (art. 70 à 294
cette École, tandis que FERRI qualifie le délinquant de "protagoniste de la justice pénale"
CP.) comprennent les crimes contre la sûreté de l'État, la Constitution ... Ensuite, les
21 .
crimes et délits contre les personnes (art. 295 à 378 CP.) englobent les atteintes à la
présentait le délinquant comme un individu différent des autres hommes et s'orientait
personne humaine, les infractions contre les personnes (meurtres, empoisonnements,
vers une recherche stérile des traces ataviques. Elle eut cependant le mérite de
menaces, blessures et coups volontaires, attentats aux mœurs, arrestations illégales et
développer les recherches crirninologiques.
o
Sans doute, cette doctrine devait-elle encourir des critiques justifiées, car elle
séquestrations de personnes, faux témoignages). Enfin, les infractions contre les biens
1°) Les caractères
(vols, banqueroutes, escroqueries, destructions, dégradations; art. 379 à 462 CP.).
o
Cette distinction est globalement maintenue dans le nouveau code pénal, mais
La conception crirninologique présente des caractères diamétralement opposés
dans un ordre inversé, qui traite successivement des infractions contre les personnes
au droit classique.
D'abord, c'est une conception subjective qui considère que la répression doit
(art. 211-1 à 227-30), des infractions contre les biens (art. 311-1 à 323-7), des crimes
et délits contre la Nation, l'État et la paix publique (art. 410-1 à 450-3).
être calquée uniquement sur la personnalité du délinquant en fonction de la dangerosité
3°) L'éventail des sanctions
qu'il présente pour la société.
C'est qu'en effet, et c'est le second caractère, les criminologues sont
Dans le passé, la priorité était donnée aux peines privatives de liberté à l'égalité
déterministes~ Le
dans la répression, poussée à l'extrême par le droit révolutionnaire par le système d
.
pernes
fu
les actes sont fonction de facteurs endogènes ou exogènes.
Enfin, la doctrine se veut scientifique dans l'étude du phénomène criminel en
es
es, puis assouplie par la fixation d'un minimum et d'un maximum dont le
Juge ne devait pas s'écarter. Cependant, des circonstances aggravantes élevant alors 1
maximum étaient largement prévues tandis qu'à l'inverse 1 ' .
. _ e
.
'
e mtnlffium pouvait etre
t
1
exceptionnellement abaissé (excuses atténuantes et circonstances att '
'
.
.
enuan es pour es
rnfractions correctIOnnelles ayant causé un préjudice inférieur à 25 F. l.
:outefois, on peut observer que la doctrine classique n'avait pas été appliquée
completement dans les faits. L'absence de conformite' en tre 1es textes du C P. et du
libre arbitre n'existe pas. Le délinquant est "une force qui va," dont
ayant recours à des disciplines diverses telles que la médecine, la psychiatrie, la
sociologie...
Les recherches criminologiques ont permis d'apercevoir le fossé séparant le
délinquant juridique du délinquant crirninologique. Le premier peut être aisément cerné.
20
2ème édition française, ALCAN 1895.
21
Sociologie criminelle, traduction française 1905.
�23
22
)cf
C'est celui qui commet une infraction définie et prévue par la loi pénale. Le second, en
quelques procès retentissants, sont moins nombreuses que les empoisonneurs. Enfin,
revanche, est plus insaisissable. Tout d'abord, il est certain qu'il existe des malfaiteurs
depuis peu, se développe une délinquance violente (terrorisme par exemple, où l'on
assez habiles pour utiliser une interprétation stricte des textes à leur profit, et,
relève une participation féminine).
inversement, l'auteur d'une violation manifeste à la loi peut n'avoir de délinquant que le
• Les expIicatj on s
nom. Mais surtout, les criminologues contemporains hésitent à consacrer une typologie
trop marquée. Certains proposent de distinguer les faux délinquants (malades
LOMBROSO soutenait que "la femme criminelle" est un homme manqué, arrêté
mentaux, pervers sexuels, épileptiques) des vrais délinquants (apparemment pourvus
dans son développement "comparable" aux chèvres qui en vieillissant, deviennent souvent
d'une personnalité normale et cependant atteints d'une altération de la conscience
"méchantes ". Plus sérieusement, deux séries de causes ont été avancées.
socio-morale). D'autres opposent les personnalités criminelles et les personnalités
Tout d'abord, des causes biologiques et psychologiques expliqueraient la
anormales. Les premières constitueraient le véritable domaine de la criminologie,
criminalité moindre de la femme. La puberté, la grossesse et la ménopause seraient des
tandis que, pour les secondes, la délinquance ne serait qu'un signe de leur anormalité.
événements favorables à l'accomplissement d'infractions chez la femme (SEELIG).
"X En résumé, les tendances modernes de la criminologie psychiatrique et
Cette analyse a été fortement remise en cause par l'école américaine 22 On peut
psychologique conduisent à une étude non de l'infraction, mais de la mentalité sociale
formuler des observations du même ordre pour l'explication psychologique qui
de son auteur dont l'acte répressif n'a été que le révélateur. Ce sont les troubles de la
conduirait à dire que la femme a un sens de la justice moins développé et qu'elle est
socialisation qui débouchent éventuellement, mais pas obligatoirement, sur la
inapte à distinguer le bien du mal 23.
délinquance. TI conviendra donc inévitablement de prendre des mesures à l'égard des
C'est la raison pour laquelle une explication sociologique a été avancée.
asociaux qui risquent de devenir des délinquants. Ce qui n'est pas sans poser de
En premier lieu, l'exclusion de la femme des activités sociales justifierait la
délicats problèmes avec les exigences de la liberté individuelle. Malgré ces réserves, ces
faible criminalité. DURKHEIM l'avait déjà noté 24 et cette observation se vérifie pour
études ont eu l'incontestable mérite d'attirer l'attention des juristes sur l'auteur de
certaines formes de délinquance comme la délinquance d'affaires. La contre preuve
l'acte, jusque là laissé dans l'ombre et de dégager les aspects différentiels de la
criminalité.
peut être fournie dans l'examen de la criminalité dans les périodes de guerre pendant
lesquelles les femmes assument les tâches réservées aux hommes (voir par exemple au
2°) Les aspects différentiels de la criminalité
1er janvier 1946, le pourcentage de la population féminine en milieu carcéral était de
15,9 %. En 1958, il était tombé à 3 %. Il remonte progressivement (4,4 %) 25
Les travaux entrepris par les criminologues ont fait apparaître une diversité de
En second lieu, le rôle de mère et d'épouse aurait un effet sécurisant et
l'action criminelle en fonction du sexe, du lieu de vie, du niveau de vie, du mobile, des
idéalisant sur la femme, tandis que l'adolescent et l'homme, contraints à lutter pour
habitudes délinquantielles de l'agent ou de l'origine ethnique. Nous ne reviendrons pas
sur la crinùnalité des étrangers déjà évoquée.
assurer leur vie professionnelle, seraient en proie à des conflits, source de criminalité.
L'évolution des mentalités à laquelle nous assistons aujourd'hui risque de remettre en
cause ces explications.
al. Criminalité masculine, criminalité féminine
hl Criminalité urbaine fi criminalité rurale
Les criminologues ont depuis longtemps dégagé la spécificité de l'action
criminelle en fonction du sexe et avancé des explications.
• Le constat
- Le constat
Sur le plan quantitatif, il est indéniable que la criminalité rurale est plus faible
que la criminalité urbaine. Sur le plan qualitatif, on observe une typicité de la
Les études criminologiques soulignent une différence de criminalité à la fois
q~ntitative et qualitative. Quantitativement, la criminalité fémiIùne est beaucoup plus
faible que la criminalité masculine (11,9 % de la criminalité globale) alors que la
population féminine est plus importante.
Qualitativement, les vols à l'étalage, les escroquen·es, les chèques sans prOVISIOn
..
représentent l'essentiel de l'activité féminine . En revanche, les empoisonneuses,
.
malgré
22
SUTHERLAND et CRESSEY, Principes de criminologie, Cujas 1956, p. 112.
23
LOMBROSO, "L'homme criminel p. 144.
24
DURKHEIM, Le suicide, p. 389.
25
CARlO, Les femmes et le crime. De la résistance positive des femmes à la criminalité, in
Problèmes actuels de science criminelle 1993 n° VI; Femmes et criminelles, Eres, 1992.
�25
24
' ( § 2 - LA VICTIME
délinquance rurale (incendies volontaires, délits sexuels, infractions contre les
personnes) que l'on oppose à la délinquance astucieuse ou économique qui connaît un
accroissement considérable dans les zones urbaines.
En tant que sujet positif de l'infraction, la victime a subi un préjudice qui doit
- Les explications
Elles sont multiples : la construction des grands ensembles, l'apport de
être réparé par les tribunaux. Mais des études criminologiques conduisent à s'interroger
sur le principe d'une réparation systématique.
personnes déracinées ou étrangères, l'anonymat favorisent un accroissement de la
délinquance urbaine et sa banalisation.
A - Sous l'angle iuridique
cl Criminalité de. dliill commun, criminalité politique
S'il est vrai que le droit pénal réprime également les atteintes portées aux choses
Le courant libéral du milieu du XIXème siècle avait dégagé la différence de nature
ou aux animaux et celles portées aux particuliers, il apparaît, qu'en définitive, c'est
entre la délinquance de droit commun et la délinquance politique, d'où la création
toujours la personne humaine qui se trouve protégée. C'est pourquoi, l'un des buts de la
d'une échelle des peines spécifiques en matière politique en 1832 (déportation dans
sanction pénale est d'assurer la réparation matérielle et morale des victimes. Mais
une enceinte fortifiée; déportation simple; détention ; bannissement; dégradation
l'expérience a révélé le caractère aléatoire d'une réparation, d'autant qu'en 1958 la
ci vique) et la suppression de la peine de mort en 1848.
possibilité de demander le prononcé de la contrainte par corps, peine privative de
Les positivistes devaient reprendre cette analyse considérant que le délinquant
liberté destinée à garantir l'exécution des peines d'amende, a été retirée aux victimes.
politique devait être soumis à un régime spécifique, plus libéral que pour le délinquant
C'est la raison pour laquelle, à côté de l'indemnisation réclamée à l'auteur de
de droit commun, compte tenu des mobiles élevés qu'il était censé véhiculer. Les
l'infraction, l'État a tout récemment mis en place sa propre indemnisation 26
attentats anarchistes à la fin du XIXème siècle, le développement du terrorisme à
Avant d 'évoquer les modalités de l'indemnisation, il faut brièvement préciser les
l'heure actuelle tendent à affaiblir l'opposition entre délinquant politique et délinquant
conditions de l'indemnisation.
de droit commun (cf. infra).
1°) Les conditions de J'indemnisation
dl Criminalité d'occasion, criminalité d'habitude
Pour que la victime puisse obtenir réparation, il faut d'après la jurisprudence,
L'école positiviste considérait que le criminel d'habitude, professionnel du crime,
que trois conditions soient remplies.
devait être soumis à des mesures d'élimination, tandis que le criminel d 'occasion,
Tout d'abord il est nécessaire que l'infraction soit effectivement punissable
appelé "criminaloïde", ne devait être l'objet que de mesures bénignes destinées à éviter
(exemple, survenance d'une loi d'amnistie).
la corruption du milieu carcéral.
Ensuite il faut qu'elle porte atteinte à un intérêt pénalement protégé (exemple,
Le droit positif français devait, très tôt, tenir compte de cette opposition en
le mensonge n'est pas pénalement réprimé).
proposant, pour les premiers, une aggravation de la pénalité pouvant aller jusqu'à la
déportation perpétuelle (1885) et, pour les seconds, le sursis à l'exécution des peines
Enfin, il faut que le dommage soit en relation directe avec l'infraction (exemple:
(1891). Ainsi, sur ce point au moins, les analyses des criminologues ont trouvé une
délit d'abstention délictueuse ayant entraîné la mort), exception faite des
expression juridique, tenant compte de la personnalité des auteurs d 'infractions.
contraventions sanctionnées indépendamment de tout résultat dommageable.
Pour démontrer l'existence de ces trois conditions, la victime dispose d 'une
Ce n'est que beaucoup plus tard que l'on devait accorder la même attention à la
victime de l'infraction.
liberté de choix entre la voie civile et la voie répressive. Pour éviter une contrariété de
jugements, la Cour de cassation avait posé le principe de
la solidarité des
prescriptions entraînant l'unité de la faute civile et de la faute pénale 27. Cette solution
présentait la conséquence regrettable que la victime d'un dommage pénalement
26
F. BOULAN, Les droits de la victime, un choix de politique criIninelle in Problèmes actuels de
science criIninelle, PUAM 1985, p. 7.
27
Civ. 19 décembre 1912, 5. 1914-1-249, note MOREL.
�26
27
purussable était plus mal traitée (prescription de trois ans) que la victime d'un quasi
sanctionnés sont tous ceux qui, commerçants ou non, organisent leur propre
délit dvil (prescription 30 ans), dans la mesure où la juridiction civile saisie d'une
insolvabilité. La peine est de trois ans de prison et une amende de 300 000 F (art. 314-
demande en réparation devait se plier à la prescription triennale.
Des textes récents s'efforcent d'améliorer son sort. Tout d'abord, la loi du 23
7 CP.). Une peine du quintuple est prévue contre les personnes morales.
hl L'indemnisation PM l'État
décembre 1980 a modifié l'article 10 du Code de procédure pénale supprimant la
solidarité des prescriptions. La prescription trentenaire joue si la victime choisit la voie
Le mouvement de défense sociale l'avait affirmé. Mais le droit positif était resté
dvile tanclis que la triple prescription répressive (un an en matière contraventionnelle,
insensible à l'injustice du sort de certaines victimes d'infractions (sous réserve de la loi
trois ans en matière délictuelle, dix ans en matière criminelle) est maintenue devant la
du 31 décembre 1951 , indemnisant les victimes d'infractions au Code de la Route
juridiction répressive 28 . Toutefois, la loi du 5 juillet 1985 a réduit la durée de
lorsque l'auteur est insolvable).
prescription à 10 ans en matière extracontractuelle, la durée de 30 ans étant maintenue
Quatre textes importants aménagent cette indemnisation.
en matière contractuelle.
Ces réformes s'inscrivent dans un courant indemnitaire qu'illustre la loi du 5
- Tout d'abord, une loi du 3 janvier 1977 prévoyait une indemnisation de l'État
pour toute victime d 'un dommage corporel, causé à la suite d'une infraction volontaire
juillet 1985, offrant une réparation systémati ue à ce ~~ ividus,
ou non, dont l'auteur est inconnu ou insolvable. Mais la loi posait des conditions très
ainsi que dans les textes instaurant une indemnisation des victimes par l'Etat.
strictes pour la percevoir : seuls les préjudices d 'ordre économique pouvaient être
indemnisés et la victime devait se trouver dans une situation matérielle grave (entre
2°) Les modalités d'indemnisation
1977 et 1981 seulement 410 personnes avaient été concernées par les fonds de l'État
s'élevant à 26,4 millions de francs).
Cette indemnisation peut être assurée soit par l'agent, soit par l'État.
- C'est pourquoi la loi du 8 juillet 1983 a assoupli les conditions afin de
ru L'indemnisation par l'agent
permettre à un plus grand nombre de victimes de pouvoir bénéficier d'une
Elle ressort de différentes mesures spédfiques prises par le législateur :
indemnisation. Désormais pouvaient donner lieu à indemnisation les préjudices
- D'abord, le Code pénal (art. 55 CP.) a instauré la solidarité à l'encontre des
d 'ordre économique et les atteintes à l'intégrité physique et mentale. Pour être
personnes condamnées pour un même crime ou délit pour le paiement des dommages-
indemnisée, la victime devait soutenir que l'infraction lui avait causé "un trouble grave
intérêts. Ces clispositions ont été transférées dans le code de procédure pénale, par la
dans ses conditions de vie". Mais l'indemnisation par l'État demeurait subsidi ire et ne
loi d'adaptation.
jouait donc que pour la part du préjudice qui n'aura pu être réparée par le délinquant
- En second lieu, la loi du 17 juillet 1970 organisant le contrôle judiciaire a prévu
ou un organisme quelconque. Une commission d 'indemnisation constituée dans le
que l'une de ses modalités pourrait consister dans le cautionnement à verser par
resso rt de chaque tribunal de grande instance et composée de deux magistrats et d 'un
l'intéressé pour garantir la réparation des dommages causés.
particulier, s'étant signalé par l'intérêt qu'il porte aux problèmes des victimes, statuait
- Enfin, la loi du 8 juillet 1983 a créé une nouvelle infraction. Elle est destinée à
sur les demandes d'indemnisation dans la limite maximum de 250 000 F (décret du 17
da~s
protéger les victimes contre les manoeuvres frauduleuses de leurs débiteurs tendant à
février 1983), présentées
augmenter leur passif, diminuer leur actif ou dissimuler certains de leurs biens. TI s'agit
mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis ou lorsqu 'il a subi une
du délit d'organisation frauduleuse de l'insolvabilité (art. 314-7 CP.). L'objectif de
aggravation de son préjudice ou pour tout autre motif légitime.
la loi est d 'instaurer un système suffisamment répressif pour dissuader certains
le délai d'un an, allongeable si l'intéressé n'a pas été en
La loi du 9 septembre 1986 indemnise les victimes d'actes de terrorisme par
débiteurs de se soustraire à leurs obligations en se rendant insolvables. La loi vise les
l'instauration d'un fonds de garantie alimenté par les contrats assurant les biens 29
créances qui sont nées à la suite d'une condamnation prononcée par une juridiction
Enfin, la loi ~ 6 juillet 1990 élargit encore les possibilités d 'indemnisation. Il
répressive ou par une juridiction civile. Mais, dans ce dernier cas, il doit s'agir d 'un
suffit que les faits aient entraîné une incapacité totale de travail égale ou supérieure à
délit, d'un quasi délit ou d'une dette alimentaire, étant précisé que la dette alimentaire
un mois. Le délai est porté à trois ans et toute association qui, de par ses statuts, se
peut également trouver son origine dans une convention homologuée. Les débiteurs
28
ROGER, chronoD. 1981-1 80; PRADEL, Chrono D. 1983-241.
29
RENUCCI, L' indemnisation des victimes d'actes de terrorisme, D. 1987-197.
�29
28
propose d'assister les victimes d'infractions, peut exercer les droits réservés à la partie
relations antérieures qui pouvaient exister entre la victime et son criminel. Une enquête
dvile 30. La dite indemnité peut être réduite en cas de faute de la victime.
faite dans la région de Philadelphie a révélé que dans 21 % des cas considérés, le
meurtrier était, soit un parent, soit un proche ami ; dans 24 % des cas c'était un
Cet éventail de réformes, soudeuses d'améliorer le sort de la victime, ne coïncide
membre de la famille, dans 13% des cas, le meurtrier était connu de la victime. Mieux
pas toujours avec les préoccupations des criminologues.
encore, le rapport de la seconde commission, effectuée aux États-Unis, a souligné que
B - Sous l'angle criminologique
souvent la victime ne portait pas plainte dans le désir de ne pas nuire au criminel, ce
qui révèle l'importance de ces relations. Ces observations faites, les recherches
criminologiques envisagent la victime sous les deux aspects qu'elle peut présenter, soit
Dans la conception classique du droit positif, dans tout crime s'affrontent,
celui d'une victime innocente, soit celui d'une victime coupable.
nécessairement, un criminel coupable et une victime innocente. Les victimologues ne
nient pas cette opposition. Ils la nuancent en estimant que, dans certains cas, la
1°) La victime innocente
victime a pu participer à l'infraction et que d'une façon générale, un examen de la
personnalité pourra mieux faire comprendre le mécanisme du passage à l'acte. Il arrive,
Les criminologues observent que certaines personnes sont plus exposées que
cependant, que l'aptitude à la réparation est parfois fonction, soit de la qualité, soit
d'autres à l'infraction: les mineurs, les personnes âgées, les faibles d'esprit. Dans tous
du comportement de la victime. Le~C~od~eJ'..$'=.u;:\!!!!?!2~:..Rl!.Dm;LS.~~~~~~l!l
de la victime modifie la criminalité objective de l'acte. La pénalité varie selon que la
les cas, ces personnes constituent des victimes latentes que l'on peut définir comme la
prédisposition inhérente à leur personnalité à être objet d'une agression.
victime est majeure ou mineure, fonctionnaire ou non fonctionna.ire, descendan~ ou non
-
--
---
C'est pourquoi, les criminologues proposent deux séries de mesures. Tout
descendant. D'autre part, le consentement de la victime est pris en considération par le
drOIt.
d'abord, la mise sur pied d'une politique de prévention, afin que la "vidime née" ne
est des cas où le consentement efface l'infraction. il n'y a pas vol si la victime a
devienne pas une "vidime récidiviste" (par exemple: blindage des portes). En second
consenti à être dépouillee ;) n y a pas viol Si la fe~e s' abandonne complaisamment
lieu, une politique d'indemnisation par une législation adaptée. Le législateur, les
aux assauts de son séducteur, mais il s'agit là de cas exceptionnels. En règle générale,
municipalités, ont partiellement satisfait à ces suggestions par les réformes récentes
le consentement de la victime est ignoré par le droit.
instaurées en France à la suite de certains pays étrangers (Grande-Bretagne, Canada,
Les victimologues posent le principe inverse que le comportement de la victime
n'est jamais étranger à la réalisation de l'infraction. La victimologie est une discipline
toute récente. Depuis l'ouvrage fondamental de VON HENTIG
31,
États-Unis).
de nombreux
2°) La victime coupable
travaux ont été consacrés à ce problème.
Pour les victimologues, la victime contribue parfois à la genèse de l'infraction, elle
Au préalable, deux observations doivent être faites.
La première porte sur le sens du mot victime~ Pour le juriste, la victime est la
est donc coupable. Son comportement peut constituer une véritable provocation. Un
personne qui a subi une infraction, bien qu'il n'y ait pas, dans le Code pénal français
auteur propose de distinguer trois sortes de victimes en fonction de ce comportement.
de définition de la victime. Pour le criminologue, le terme doit être entendu de façon
La victime peut être, soit totalement responsable (auteur d 'acte illicite soumis au
plus compréhensive. A la limite, nous sommes tous des victimes. En ce sens, le criminel
chantage), soit encore partiellement responsable (faute de la victime ayant incité au
peut d'abord être une victime avant de passer à l'acte. Un groupe, une société peut être
"vidimisé".
passage à l'acte)
32,
soit avoir la double qualification d'auteur et de victime (bourreau
domestique qui tyrannise sa famille avant d'être tué).
Ces recherches ne présentent pas un intérêt purement théorique.
La deuxième observation vise à rectifier le portrait caricatural que l'on fait des
victimologues qui considéreraient la victime comme toujours coupable. Cela est
Tout d'abord, elles permettent d'éclairer le mécanisme du passage à l'acte. En
inexact. Les victimologues s'efforcent simplement de souligner le rôle important joué
second lieu, elles s'efforcent de mieux doser la sanction pénale en tenant compte du
par la victime dans la genèse de l'infraction. C'est ainsi qu'ils ont mis en lumière les
comportement de la victime. Enfin, elles proposent un examen de personnalité des
30
J. c. P. 1990-Ill-M024.
31
VON HENTIG, Le criminel et sa victime, 1948
32
EL FAITAH, La victime est-elle coupable? Montréal, 1971.
�31
victimes. C'est dire l'importance de ces recherches dans l'étude du phénomène criminel,
étude qu'il convient maintenant d'aborder.
CHAPITRE II - L'ÉTUDE DU PHÉNOMÈNE CRIMINEL
LECTURES
}
Rapport PEYREFITTE, Réponses à la violence, 1977.
CHESNAIS, Histoire de la violence, Latfont 1981.
il est significatif de constater que toutes les civilisations, quel que soit le degré
Ph. ROBERT, Les comptes du crimq, l'Harmattan, 1994.
d'évolution, se sont efforcées de résorber l'ampleur du phénomène criminel par des
mesures appropriées. C'était l'objet du droit pénal dont la finalité était purement
répressive. Mais pendant longtemps, on s'était contenté d'une approche purement
juridique, désincarnée, ignorant pratiquement tout de la
per~naiité
criminelle et des
motivations de l'agent. Il fallait chercher dans la littérature antique (SOPHOCLE,
ESCHYLE ... ), ou plus récente (SHAKESPEARE, ZOLA) une analyse des pulsions
criminelles.
Ce n'est qu'au XIXème siècle que l'on a songé à s'interroger, de façon scientifique,
sur le pourquoi du crime et que des propositions constructives ont été émises par les
criminologues. Cela explique que l'on observe depuis le XIXo siècle une interaction des
\
études scientifiques sur les études juridiques. il est donc aujourd'hui difficile de
dissocier l'aspect juridique de l'aspect scientifique. Cependant, pour la clarté de
l'exposé, nous examinerons successivement les études juridiques puis les études
scientifiques.
SECTION 1 - L'ÉTUDE JURIDIQUE DU
PHÉNOMÈNE CRIMINEL
On peut définir le droit pénal ou droit criminel, comme étant la branche du droit
qui détermine quelles sont les conduites antisociales et en quoi consiste la réaction de
la société contre ces divers comportements.
f.
L'ex ress ion droit pénal se justifie parce que la sanction des infractions consiste
dans un châtiment, une peine, mais elle apparaît insuffisante, car elle néglige les
mesures à caractère préventif et elle omet de préciser quelles sont les infractions et
quelles personnes peuvent être considérêes comme délinquants.
L'ex
ression
_ .'"-- droit criminel a le mérite de mettre l'accent sur l'infraction et son
auteur, mais laisse alors de côté les sanctions applicables.
C'est pourquoi, certains auteurs préfèrent recourir à une troisième dénomination :
le droit de la délinquance expression plus large qui a le mérite de recouvrir les deux
L
aspects indissolubles du droit pénal, la conduite incriminée et la sanction pénale, mais
-
qui présente l' inconvénient d'être opposé à la grande criminalité (statistique policière).
�33
32
Pour délimiter la matière pénale, il conviendra tout d'abord d 'en souligner
l'originalité, sa spécificité par rapport aux autres droits pour préciser ensuite son
contenu, à la fois vaste et complexe.
s'applique au délinquant déjà condamné. On peut également douter de son efficadté,
compte tenu du nombre des réddivistes.
- Fonction de rétribution: c'est la fonction morale de la peine dégagée par
l'Église sous l'Ancien Régime et encore reconnue par les criminologues sous certaines
§ 1- LA SPÉOFIOTÉ DU DROIT PÉNAL.
conditions. Cette fonction détermine les caractères de la peine, afflictive, infamante,
déterminée et définitive.
Pour souligner l'originalité du droit pénal, il faut en énumérer les caractères
essentiels permettant de le différenàer d'autres disciplines normatives.
A - Les caractères essentiels
Le droit répressif se définit par la sanction consécutive à la violation d'un
- Fonction de resocialisation : c'est la fonction moderne qu'avait exprimé le code
de procédure pénale, dans son article 728 abrogé, qui précisait que le régime privatif
est institué en vue de favoriser l'amendement des condamnés et de préparer leur
reclassement social, fonction réaffirmée par les nouvelles règles pénitentiaires du
Conseil de l'Europe (1987).
• La mesure de sûreté
interdit prononcé à l'issue du procès pénal.
--
Imaginée par les Positivistes, elle s'efforce de concilier les intérêts de la
F) La sanction pénale
C'est le caractère premier permettant de différenàer le droit de la délinquance
d'autres disàplines juridiques.
IÙ Traits principaux
Tout d'abord, la sanction présente un caractère coercitif, résultant d'une action
en justice exercée au nom de la société: l'action publique aboutissant à l'incarcération
du condamné. En second lieu, la sanction ne s'applique qu'aux être humains, non aux
choses. Les mesures coercitives du droit civil ont pour objet de forcer l'exécution d'une
collectivité et ceux de l'individu. Elle a une double fonction, une fonction de
neutralisation des délinquants les plus dangereux, irrécupérables pour la société et
une fonction de réadaptation par traitement médical ou rééducation. Elle est tournée
vers l'avenir et non vers le passé comme la peine. Elle présente, de ce fait, des
caractères inverses: pas de coloration morale, révisibilité, durée indéterminée.
Pour le Président ANCEL, cette distinction devrait être abandonnée au profit
d 'une mesure de défense sociale. Cette mesure consisterait à combiner les différents
aspects de la peine et de la mesure de sûreté que le nouveau code pénal confond.
20 L'infraction
obligation ou d 'un devoir juridique précis : ce sont des choses qu 'elles affectent au
travers d'un sujet de droit précis.
On peut définir l'infraction comme tout acte, action ou omission prévu et réprimé
Enfin, la sanction présente un intérêt social, elle est infligée dans l'intérêt de la
par la loi d 'une sanction pénale. Les nombreuses infractions définies par le droit de la
soàété toute entière, ce qui permet de la distinguer de la peine pri vée édictée dans un
délinquance n'ont d 'ailleurs pas toutes la même gravité; si bien qu'au-delà de la notion
intérêt particulier ou de la sanction disàplinaire infligée dans l'intérêt d'un groupement.
juridique d'infraction, il y a une gradation des infractions.
x, hl Diversité
IÙ 1il notion juridique d'infraction
....,
Notre droit positif connait deux types de sanctions, la peine et la mesure de
sûreté.
• La peine a une triple fonction.
Dans le droit p~nal classique\ l'infraction est un acte préds incriminé par la loi
pénale en raison du dommage qu 'il cause au corps social tout entier. Cependant, le
droit mod erne de la délinquance retient aussi des modes de vie ou des attitudes
dangereuses appelés par les criminologues états dangereux. L'infraction représente
- Fonction d'intimidation : c'est la plus ancienne. Elle tend à détourner de la
délinquance les délinquants potentiels. C'est la prévention générale dont on conteste
l'efficacité: la peine de mort n'arrête pas les assassins. La prévention spéciale
donc deux aspects, un aspect cl~sique et un as~oderne.
�34
35
a) L'infraction classiq.ue
amnistie), et sur le plan formel. C'est la division tripartite des infractions qui
Elle se définit par la sanction qui la frappe . Échappe à la qualification
détermine l'organisation et la compétence des tribunaux répressifs.
d'infraction tout acte ou comportement qui n'est pas réprimé par la loi pénale même si,
aux yeux de la morale ou d'une certaine morale, il apparaît répréhensible (par
3° Le procès pénal
exemple, la grivèlerie non réprimée jusqu'en 1873, la pédophilie, le suicide etc. .. ).
Certains auteurs (GAROFALO) ont cru cependant faire une distinction.
ny
aurait, d'une part, les délits naturels, inspirés par certains principes de morale et
indépendants de la structure de la société (exemple: vol, meurtre, etc. .. ), et d'autre
part, des délits artificiels suscités par des impératifs divers et traduisant la variabilité
de l'ordre social (infractions économiques ou fiscales par exemple). Dans les deux cas,
il s'agit d'actes considérés par la majorité du corps social comme néfastes à la survie et
au fonctionnement normal minimum de la société. li en va de même pour l'état
li constitue un passage obligé entre l'infraction et la sanction. L'exigence du
procès s'exprime par la formule "Nul/a poena sine judicio". Mais, compte tenu du fait
qu'il s'agit du sort d'un homme qui est en jeu, le procès pénal est soumis à des règles
spécifiques plus rigoureuses que dans les autres disciplines. Un souci de recherche de
la vérité gouverne le procès pénal et confère aux autorités judiciaires un rôle
prépondérant, à la fois pour le déclenchement du procès et pour sa conduite. Ce souci
de rechercher l'exacte vérité justifie, de ce fait, la lenteur de la procédure judiciaire
française en matière répressive.
dangereux.
(3) L'état dangereux
lÙ.1&. déclenchement dM. procès
il se définit comme la très grande probabilité qu'un individu réalise une
Toute infraction à la loi pénale, si elle porte souvent atteinte à des intérêts
infraction. A la différence de l'infraction classique qui incrimine des faits préàs, l'état
privés, cause toujours un trouble à l'ordre social. Deux sortes de préjudices peuvent
dangereux incrimine certains modes de vie. Le Code pénal de 1810 avait ignoré ce type
donc être causés par la commission d'une infraction pénale. C'est la raison pour
de comportement si ce n'est la répression du vagabondage et de la mendicité. Ce sont
laquelle le Code de procédure pénale prévoit deux actions différentes. L'action
les positivistes italiens qui, à la fin du XIXème siècle, ont imaginé et développé le
publique, "action pour l'application des peines" (art. 1, C. P. P.), qui tend à punir le
concept d 'état dangereux. Le législateur a fait des applications de ces idées
coupable et l'action civile "action en réparation du dommage causé" (A. 2, C. P. P.), qui
(alcoolisme, tox.icomanie, mineurs en danger), faisant de la notion d'état dangereux un
vise à faciliter l'indemnisation de la victime de l'infraction. Mais, compte tenu du fait
concept moderne, encore qu'il n'ait pas trouvé sa place dans le droit de la délinquance.
que tout préjudice causé à un individu a un retentissement sur la collectivité, le code a
-li n'y a pas de définition de la notion- notamment dans la gradation des infractions.
posé une corrélation entre les deux actions, en ce sens que l'exercice de l'action civile
hl. LH gradation ru infractions
Toutes les infractions n'ont pas le même degré de gravité et ne sont donc pas
punies aussi sévèrement. Toutes les législations consacrent une classification des
infractions. Pour ce qui est du droit français, il y a trois catégories d'infractions. Au
sommet, les crimes représentant les infractions les plus graves sont sanctionnés par
met en jeu l'action publique. li demeure, cependant, que chacune des deux actions
présente des traits originaux, qu'il convient de dégager tour à tour.
1)
L'action publique
L'application de sanctions consécutives à une infraction est subordonnée à la
mise en jeu de l'action publique. Elle présente une triple originalité.
des peines de réclusion à perpétuité ou à temps. En dessous, les délits sont des
- Originalité tout d 'abord, quant à sa mise en œuvre. C'est le Ministère public
infractions de gravité moyenne sanctionnés notamment par des peines de prison de
qui en assure principalement l'exercice, même si certaines administrations
dix ans au plus et des peines d'amendes. Au bas de l'échelle, enfin, les contraventions
(contributions indirectes, douanes etc.) disposent d'une prérogative identique.
constituent des infractions minimes qui ne sont sanctionnées essentiellement que par
- Originalité, en second lieu, quant à son exercice. En effet, la procédure varie
des peines d'amendes dont le montant varie de 250 F pour la 1ère classe à
selon la juridiction compétente: avertissement, procédure simplifiée devant les
la 000 F pour la Sème classe et 20 000 F en cas de récidive (art. 131 -13 N.C.P.).
tribunaux de police, citation directe devant les tribunaux correctionnels et de police,
La classification actuelle a des intérêts pratiques importants, à la fois sur le
fond du droit (tentative, complicité, concours d'infractions, sursis, récidive ou
réquisitoire introductif devant les Cours d'assises.
Dans tous les cas, le Parquet est juge de l'opportunité des poursuites. Cette
solution est inspirée par le souci d'éviter des poursuites insignifiantes ou animées par
\1
�36
37
des passions partisanes (le taux des classements sans suite est passé de 78 % en 1965
l'application de la sanction. Mais elle ne peut agir que si elle démontre un préjudice
à 89 % en 1990).
- Originalité, enfIn quant à son extinction. L'article 6 du Code de procédure
certain né d'une infraction punissable.
pénale détermine les divers modes d'extinction de l'action publique. Le décès du
associations, ordres professionnels, avec une certaine réticence de la jurisprudence
prévenu, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale n'appellent pas d'observation
lorsque les intérêts en cause affectent plus la collectivité que le groupement.
La même exigence est posée pour les personnes
particulière, mais la prescription et l'autorité de la chose jugée nécessitent quelques
L'idée de vengeance privée que l'on trouve sous-jacente dans l'action civile se
développements.
La prescription L on le sait, consiste à faire échapper le délinquant à toute
poursuite pénale lorsqu'un certain délai s'est écoulé depuis l'infraction. Ce délai varie
en fonction de la gravité de l'infraction. il est d'autant plus long que l'infraction est plus
grave. il est de dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits, un an pour les
contraventions. il dépend non de la peine appliquée, mais de la nature de l'infraction.
Cette mesure d'oubli assure au délinquant une impunité que d'aucuns estiment parfois
scandaleuse (criminologues, notamment), et que certaines législations ignorent.
morales , syndicats,
retrouve dans ses modalités d'exercice.
x
~)
Les modalités d'exercice de l'action civile sont définies par les articles 3 et 4
du CP.P .. L'article 3 dispose : "L'action civile peut être exercée en même temps que l'action
publique et-de.l;!ant la même juridiction". L'article 4 affirme: "L'action civile peut être
7
exercée Is ' aréme
victime
de l'action publique". Le Code de procédure pénale donne ainsi à la
' .. e~mfraction la faculté d'opter entre la voie pénale et la voie civile pour
exercer l'aEion en réparation dy dommage causé.
Toutefois, la durée ou les points de départ de la prescription peuvent être affectés.
Le principe de l'option s'appuie sur deux séries de raisons.
Tantôt la prescription est allongée (trafic de stupéfiants, terrorisme, délit d ' initié),
Sur un plan historique, l'option apparaît comme un vestige de la procédure
tantôt l'imprescriptibilité est de règle (crimes contre l'humanité), tantôt le point de
départ de la prescription est retardé (crimes commis sur un mineur par un ascendant,
art. 7 CP.P.).
accusatoire.
Sur le plan pratique, on considère que l'intervention de la partie lésée secoue
l'inertie du Ministère Public, évite les contrariétés de jugements, permet enfin à la
victime de choisir la voie qui lui paraît la plus rapide et la moins coûteuse. L'article 5
L'autorité de la chose ~'Ugée interdit également la reprise de tout action
r--publique. Si une décision éfinitive 'acquittement est intervenue, il n'est plus possible
du CP.P. affirme l'irrévocabilité de l'option, sur le fondement de l'adage: "Electa una
au Ministère Public, en se fondant sur une qualification différente d'engager de
via non datur recursus ad a/teram" pour éviter que le délinquant ne soit traîné d'une
nouvelles poursuites (A. 368 C P. P.) à condition, bien entendu, que ce soit le même
fait qui soit reproché à l'agent.
Cependant, rappelons la réforme de la loi du 8 juillet 1983, qui autorise le juge
répressif, malgré une décision d'acquittement à accorder des dommages-intérêts.
2) L'action civile
juridiction à une autre. Cependant, cette irrévocabilité est limitée au choix de la voie
civile. Ce qui autorise donc la victime qui aurait, d 'abord, choisi la voie répressive de
se désister pour prendre la voie civile, jugée plus favorable par le délinquant.
-L'option en faveur de la voie criminelle
Elle présente pour la victime de multiples avantages: rapidité de la procédure,
S;ette action est l'action en réparation du préjudice causé par une infraction. Elle
facilité de preuves, dommages-intérêts plus largement accordés. Mais pour éviter
appartient à "tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par-rintr-;(ion"
l'inflation de telles actions, l'article 2 CP.P. subordonne leur recevabilité à la preuve
(art. 2 C P. P.). C'est dire que sa finalité est autre que celle de l'action publique. Les
d'un préjudice personnel et direct, tandis que la jurisprudence en interdit l'exercice
impératifs d'indemnisation des victimes ont récemment conduit le législateur à élargir
pour certaines infractions qui ne sont destinées à assurer que la protection de l'intérêt
son champ d 'application, tant en ce qui concerne les demandeurs à l'action que
l'exercice de celle-ci.
général (infraction aux lois sur les prix par exemple). Enfin, le choix de la juridiction
répressive impose le respect des délais de prescription pénau x plus courts que la
prescription trentenaire du droit civil.
a) Les demandeurs à l'action sont constitués, aussi bien par des personnes
physiques que par des personnes morales. Parmi les premières, la victime apparaît
comme un auxiliaire de la justice répressive, car elle est la première intéressée par
�39
l
(Î)ù L1I conduite du. procès
• L'option en faveur de la voie civile
••
Lorsque la victime porte son action devant les tribunaux avils, elle donne lieu à
Elle est fonction du système procédural choisi. La procédure inquisitoire est
un procès strictement civil, bien que l'action puise sa source dans une infraction pénale,
secrète, écrite et non contradictoire, tandis que la procédure accusatoire est publique,
ses conditions de recevabilité sont celles de la responsabilité civile.
orale et contradictoire. La première privilégie la défense de la société, la seconde
Le caractère ambigu de cette action civile ayant sa source dans une infraction,
entend défendre les droits de l'individu au risque de méconnaître l'intérêt général.
explique que la jurisprudence avait en 1912 posé le principJ! de...la solidarité des
Notre droit français réalise un compromis entre ces deux formes de procédure.
prescriptions, principe en vertu duquel quand l'action publique était prescrite, l'action
On peut, chronologiquement, distinguer deux phases, la phase préparatoire du
dvile ne ouvait être intentée, ni devant le juge p~al, ni devant le juge dvil (ancien art.
procès, puis la phase décisoire.
10 C. P. P.) solution qui ~it le mérite d'~er une contrariété de dédsions. ./
La doctrine était très hostile à ce princi~qUi conduisait l'auteur d'une infraction
'f' 1)
La phase préparatoire
à bénéfider d 'une prescription plus courte que l'auteur d 'un délit dvil. C'est pourquoi la
Elle tend à la fois au déclenchement de la poursuite et à la mise en état de
loi du 23 décembre 1980 a modifié l'article 10 décidant que "l'action civile se prescrit
l'affaire. Elle est minutieuse, puisque sa finalité réside dans la découverte de la vérité.
selon les règles du Code civil" (soit 30 ans).
Plusieurs étapes jalonnent cette phase dont le point commun réside dans une théorie
Ce texte consacre donc une indépendance de la juridiction d vile par ra pport à la
des preuves spécifiques en matière répressive qu'il faut, au préalable, sommairement
juridiction répressive. Toutefois, cette indépendance n'est que partielle. En effet,
exposer. C'est la raison pour laquelle seront examinées successivement la théorie des
demeurent deux règles qui affirment encore la dépendance du civil, vis-à-vis du
preuves, l'enquête, la poursuite et l'instruction préparatoire.
criminel
• La théorie des preuves
. Le sursis à statuer est affirmé par l'article 4, alinéa 2 du c.P.P .. En
vertu de ce texte, une fois la juridiction répressive saisie de l'action publique, la
juridiction civile ne peut plus statuer sur la demande en dommages-intérêts de la
victime, tant que le tribunal répressif n'aura pas rendu lui-même sa dédsion ; le sursis à
Elle revêt en droit pénal un~importance considérable car c'est l'administration de
la preuve qui conditionne la culpabilité ou l'innocence de l'inculpé. On comprend dès
lors que le juge pénal soit investi de pouvoirs plus étendus que le juge civil pour
parvenir à la manifestation de la vérité. Mais ce soud de la vérité ne saurait conduire à
statuer se justifie par le souci d'éviter une contrariété de jugements.
méconnaître les intérêts de la personne poursuivie.
. L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil affirme également
la primauté du criminel. Toutefois, ce prindpe appelle deux importantes réserves. Tout
d'abord, les dédsions ne possèdent cette autorité, que si elles portent sur le fond de
l'affaire et constituent le soutien nécessaire de la condamnation ou de l'acquittement.
En second lieu, l'autorité de la chose jugée au pénal ne concerne que les jugements
rendus par les juridictions françaises.
Cet équilibre fragile apparaît à deux niveaux:
au niveau des principes
généraux d'une part, au niveau des moyens de preuve d 'autre part.
• Pour ce qui est des principes générauxL ceux-ci intéressent la charge de la
preuve et l'autori té d es preuves.
- Dans notre procédure, la charge de la preuve incombe au demandeur,
c'est à dire au Ministère Public et à la partie civile: "Actori incumbit probatio ".
La loi de 1980 modifiant l'article 10, a eu une incidence sur cette primauté
Cependant, en matière pénale, le fardeau est plus lourd car l'inculpé est couvert par
puisque "le juge civil a désormais la possibilité de statuer sur un fait que le juge pénal ne peut
une présomption d'innocence, en vertu de laquelle le doute doit profiter à l'accusé "ln
plus connaître" source d 'une nouvelle contradiction entre le civil et le pénal
Cette
dubio pro reo". il appartient donc au demandeur de démontrer l'existence de l'infraction
indépendance a été renforcée par les lois (13 janvier 1968 et 8 juillet 1983, autorisant
sous réserve des facili tés que le législateur accorde en certaines matières (fiscale ou
les tribunaux correctionnels à accorder une indemnité, malgré une relaxe), et par le juge
douanière), ou pour les infractions bénignes.
33.
(Crim. 9 mai 1984), admettant la faute de l'enfant, malgré son irresponsabilité. La loi
du 5 juillet 1985 réduit à 10 ans la prescription en matière extracontractuelle.
- Le principe de l'autorité des preuves se d édo uble en d eu x règles
logiquement liées, la règle de la liberté des preuves et celle de l'intime conviction.
. La liberté des preuves permet à la partie poursuivante
d'utiliser tous les moyens en sa possession pour parvenir à la manifestation de la vérité
33
RCCER, Chrono D. 1981-175.
réserve faite des atteintes qui pourraient être portées à la liberté individuelle (torture,
�41
40
procédés déloyaux, penthotal, narco-analyse). La chambre criminelle, qui avait
personne sollicitée de répondre peut toujours s'y refuser. Cependant, un moyen indirect
autorisé les tables d'écoutes, a été condamnée par la Cour européenne des droits de
de coercition s'offre aux autorités de police dans l'instauration de la garde à vue qui
J'homme comme procédé contraire à l'article 8 (24 avril 1990, affaire Kruslin) . La loi du
permet à la police judiciaire de maintenir à sa disposition toute personne lorsque les
10 juillet 1991 réglemente J'utilisation des écoutes téléphoniques.
1
• L'intime conviction est formulée par les articles 353 et 427
nécessités de l'enquête l'exigent. Sa durée est, de 24 heures, renouvelable, et peut être
CP.P. à J'occasion de la procédure d'assises qui commande aux jurés de juger dans la
interrogatoires pour éviter le renouvellement d'abus regrettables et organise un contrôle
sincérité de leur conscience. Le juge n'est tenu par aucune preuve. Les faits relèvent de
médical qui est de droit au bout de 24 heures si la personne détenue le demande. La loi
son pouvoir souverain d'appréciation, sous réserve de la force probante de certains
du 24 août 1993 autorise J'assistance d'un avocat à compter de la 21ème heure, quelle
procès verbaux. Toutefois, le nouveau code pénal a introduit l'obligation de motiver en
que soit la gravité de l'infraction reprochée. Enfin, le Code de procédure pénale permet
matière correctionnelle quand il opte pour la peine d'emprisonnement.
une sorte d'arrestation, tolérée par la pratique antérieure. En effet, l'Offider de police
• Pour ce qui est des moyens de preuve, le législateur, soucieux d'éviter des
abus, a réglementé minutieusement la mise en ŒUvre des preuves.
On peut citer les constatations matérielles effectuées par les organes de police,
portée dans des cas exceptionnels à quatre jours. Cependant, la loi réglemente les
judiciaire peut déférer la personne détenue au Parquet avant l'expirati Cl1l d~ la garde à
vue, à condition, toutefois, que des indices graves et concordants soient de nature à
justifier une mise en examenJ
de justice et surtout les experts qui constituent une preuve extrêmement sûre. En
Cet arsenal de mesures, destiné à assurer le respect de la liberté individuelle, se
revanche, les témoignages, les "yeux et les oreilles de la justice", doivent être recueillis
révèle dans la pratique inefficace, la loi n'ayant assorti d'aucune sanction les
avec circonspection. L'aveu est laissé à la libre appréciation des juges (art. 428 C P.
irrégularités commises, et la Cour de cassation refusant de prononcer l'annulation
P.). Les indices, enfin, consistent dans des faits matériels qui, rapprochés les uns des
d'actes irréguliers et la loi du 24 août 1993 n'a pas apporté d'améliorations.
autres, permettent de présumer la réalisation de tel événement. Ce sont les experts qui
• L'enquête de flagrance
sont chargés de les rassembler et de les présenter à la justice.
Cette forme d'enquête suppose que l'infraction se trouve découverte sur le champ.
• L'enquête
Elle constitue la phase policière du procès pénal. Le souci de parvenir à la
manifestation de la vérité commande des investigations immédiates. C'est pourquoi le
Code de procédure pénale prévoit deux formes d'enquêtes, J'enquête préliminaire et
l'enquête de flagrance.
Dès lors, la rapidité des investigations de police est primordiale et justifie l'attribution
à la police de pouvoirs exorbitants.
. La définition de la flagrance appelle certaines précisions. Tout d'abord,
est flagrante J'infraction qui se commet actuellement Ge coupable est surpris par sa
victime, art. 53 CP.P.). En second lieu, est flagrante l'infraction qui vient de se
commettre (exemple : le coupable est découvert sur les lieux peu de temps après
• L'enquête préliminaire se définit comme une procédure de caractère policier
l'infraction). Mais, dans la pratique, il est difficile de préciser exactement cette
diligentée d 'office ou sur les instructions du Parquet par un officier de police judiciaire
expression. Le Code d'instruction criminelle étant muet, la jurisprudence avait admis
ou un agent de police judiciaire.
que l'infraction devait avoir été commise au plus tôt la veille du jour où les autorités
Pendant longtemps, cette enquête fut ignorée de la loi. Pourtant, la pratique avait
s'étaient saisies de l'affaire. Le Code de procédure pénale emploie J'expression "de
consacré l'enquête officieuse en raison des avantages évidents qu'elle représentait
temps très voisin de l'action ". li semble donc que cette formule soit plus exigeante qu'on
(classement rapide des plaintes, décharge des cabinets d 'instruction, etc. ..).
l'entendait précédemment. En troisième lieu, est flagrante l'infraction réputée telle,
C'est pourquoi, le Code de procédure pénale a préféré officialiser cette enquête en
J'entourant de garanties certaines (art. 75 et suivants CP.P.). Désormais, en effet, seuls
les officiers de police judiciaire sont investis du pouvoir de conduire cette enquête
préliminaire. D'autre part, le déroulement de celle-ci traduit le soud du législateur de
c'est-à-dire le cas de l'individu poursuivi par la clameur publique ou trouvé en
possession d'objets laissant penser qu'il a participé à l'infraction.
,Si la d étermination de la flagrance apparaît quelque peu malaisée, le
régime de J'enquête apparaît, en revanche, plus facile à déterminer.
respecter les libertés individuelles. C'est ainsi que les perquisi d ons et saisies ne
- Tout d'abord, les autorités chargées de J'enquête sont nombreuses.
peuvent être réalisées qu'avec le consentement exprès de la personne chez qui
Les officiers de police judiciaire sont normalement les premiers avisés. Ils se
J'opération a lieu. De même, les auditions ne revêtent aucun caractère coercitif. La
�42
43
transportent sur les lieux, doivent en infonner aussitôt le Procureur et sont dessaisis de
responsabilité pénale de la personne soupçonnée paraît bien engagée (causes
leur pouvoir dès que ce dernier arrive sur les lieux.
Le Procureur peut prescrire aux officiers de police judiciaire de poursuivre leurs
d'irresponsabilité, exemption de peine, faits justificatifs). Indépendamment de ces
opérations ou accomplir de lui-même tous les actes de police judiciaire. Il dispose,
devra vérifier s'il est bien compétent, si l'action publique n'est pas éteinte ou n'est pas
d'autre part, de pouvoirs propres (décerner un mandat d'arrêt, procéder à
conditionnée par une autorisation préalable (plainte de la partie lésée, ou autorisation
l'interrogatoire de la personne mise en examen).
Le juge d'instruction peut, en cas d'urgence, se transporter sur les lieux et
donnée par une assemblée parlementaire).
prendre lui-même en main la direction de l'enquête. Mais, il peut aussi laisser aux
officiers de police judiciaire le soin de poursuivre leurs opérations.
- En second lieu, les actes de l'enquête sont multiples. Ils rappellent
ceux de l'enquête préliminaire, mais sont assortis, cependant, d'une moins grande
rigueur.
Tout d'abord, le transport sur les lieux est le premier acte imposé par le Code de
1
procédure pénale. Il est obligatoire (Art. 54 c.P.P.). La loi précise les mesures à
prendre pour éviter la disparition des indices, traces ou objets trouvés sur les lieux de
l'infraction. Ensuite, les perquisitions et saisies peuvent être réalisées malgré le défaut
problèmes de fond, le Procureur doit porter ses investigations ~r le plan procédural. Il
. Examen de l'opportunité des poursuites. Ce système,
d'abord juris-prudentiel, a été consacré par le Code de procédure pénale (Art. 40
c.P.P.), aux termes duquel "le Procureur de la République reçoit les plaintes et les
dénonciations et apprécie les suites à leur donner". On veut éviter des poursuites dans des
cas où le préjudice social apparaît bénin. On pourrait craindre, cependant, que cette
liberté d'appréciation ne conduise à un pouvoir discrétionnaire, si des garanties
n'avaient été posées. Il s'agit du contrôle hiérarchique auquel le Procureur est soumis.
Des observations peuvent lui être adressées par ses supérieurs hiérarchiques. Il s'agit
également du droit ouvert à la victime.
- La victime a, en effet, la possibilité de mettre en mouvement
du consentement des personnes intéressées, à la différence de l'enquête préliminaire.
Enfin, il est possible de procéder à des auditions auxquelles la personne convoquée ne
saurait se dérober. Naturellement, la garde à vue est organisée dans les mêmes
conditions que dans le cas de l'enquête préliminaire. Et surtout, la flagrance pennet
l'arrestation du délinquant présumé.
Ces opérations entreprises, l'officier de police judiciaire en réalise la dôture et se
trouve, dès lors, dessaisi de ses pouvoirs. Il appartient désormais au Procureur de la
République de prendre une décision sur la suite à donner à l'affaire, soit dassement
sans suite, soit ouverture d'une instruction, soit mise en mouvement de l'action publique
l'action publique lorsque le procureur n'a pas encore pris de décision ou a pris une
décision de classement. Il lui suffit de se porter partie civile devant les tribunaux
répressifs. Sa décision n'est pas cependant toujours empreinte de sérénité. Les
réactions de la victime sont souvent passionnelles, elle ne dispose pas des éléments
d'information suffisants. Cela explique que la mise en mouvement de l'action publique
engage la responsabilité de la victime qui s'expose à une condamnation à des
dommages-intérêts si elle a agi imprudemment, ou même à une condamnation pénale.
X.
L'exécution de la décision
La victime a la possibilité de poursuivre ou de renoncer à la poursuite. Le
par voie de citation directe.
'f- . La poursuite
Ministère public a des possibilités du même ordre, qui s'expriment techniquement par
une décision de classement ou une décision de poursuite.
Sur le vu des renseignements recueillis par l'enquête, il va falloir prendre une
décision sur la poursuite, puis mettre à exécution la décision prise.
- La décision de classement sans suite est prise lorsque le
parquet estime que les éléments de l'infraction ne sont pas réunis ou que la prescription
• La décision sur la poursuite
/
Elle appartient au premier chef au Ministère public, et éventuellement à la
victime.
est acquise au profit de la personne soupçonnée. Cette décision n'est d 'ailleurs pas
irréversible. Il s'agit d 'une pure décision administrative, non assortie de l'autorité de la
chose jugée, sur laquelle le Procureur peut à tout moment revenir.
- Le Ministère public est l'autorité la plus qualifiée pour
prendre une décision sur la poursuite. 11 reçoit, en effet, les renseignements relatifs à
l'enquête. Plus spécialement, il examinera deux points.
. Examen de la légalité des poursuites. Il lui appartient
de vérifier que les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis et que la
- La décision de poursuite, en revanche, est irrévocable et
irréversible. Cela est vrai du Ministère public qui a saisi par un acte juridictionnel la
juridiction compétente. Cela l'est aussi de la part de la victime qui a porté son action
dvile devant le juge pénal, son désistement n'arrêtant pas le déroulement de l'action
publique. Exceptionnellement, le Parquet peut voir sa liberté de décision limitée. Les
�45
44
• L'instruction par le juge d'instruction
limites à la liberté de poursuivre découlent de l'exigence d'une plainte de la victime
(exemple: contrefaçon), de l'administration (exemple : contributions), ou d'une
autorisation préalable (exemple: fonctionnaires), ou encore de la solution d'une
Le juge d'instruction est investi d'une double fonction, une fonction d'information
et une fonction de juridiction.
question préjudicielle. Inversement, on trouve des limites à la liberté de ne pas
poursuivre (exemple: obéissance hiérarchlque).
1. Les procédés techniques de la juridiction compétente sont au nombre de trois :
/
l' ,-
- La fonction d'information
C'est la mission essentielle dévolue au juge d'instruction. Mais s'il est maître de la
conduire dans le respect du droit des parties, il ne lui appartient-pa.s..d
'ouvrir.
---
- La procédure de comparution immédiate est réservée au
L'ouverture de l'information est subordonnée l une initiative de la victime u du
Ministère ublic. Elle s'ouvre lorsqu'il s'agit d'un délit flagrant passible d'une peine
Ministère public. Cela résulte du principe de la séparatio:-n:-:;d~e'l"'a-p~o~ur
--su:-:
it-e et de
d'emprisonnement. Elle a pour effet de donner au Procureur de véritables pouvoirs
l'instruction. Cependant, le juge est saisi in rem. li en résulte qu'il peut qualifier
d'instruction : interrogatoire, mandat de dépôt, etc ..., et d'opérer la saisine du tribunal
librement les faits dont il est saisi et qu'il peut mettre en examen librement toute
correctionnel.
personne.
- La citation directe est laissée à la disposition de la victime_et
Les modalités de la mise en examen sont plus étendues que celles de
clu Ministère public. C'est le procédé normal de saisine du tribunal de police en matière
l'inculpation puisqu'un O.P.J. peut y procéder sur instruction du juge. La règle de la
contraventionnelle. On peut l'utiliser également en matière délictuelle pour des affaires
communication du dossier à l'avocat est maintenue. Toutefois lorsqu 'aucun
de peu d 'importance. Si l'affaire revêt une certaine complexité ou s'il s'agit d'un crime,
interrogatoire n'est prévu, la consultation du dossier ne peut se faire que "sous réserve
on doit faire appel à l'information.
des exigences du bon fonctionnement du Cilbinet d'instruction ".
- L'information est le procédé technique le plus élaboré offert à
Les actes d 'information doivent permettre au juge de rassembler les preuves et de
la victime et au Ministère public. Elle consiste à saisir un juge d 'instruction qui va
trouver le coupable. Mais cette tâche est si ample qu'il est parfois obligé de déléguer
procéder à une enquête sur l'affaire. Elle est bligatou pour les crimes, vu leur gravité,
certains de ses pouvoirs.
l'aut:ur de l'infraction est un mineur ou est inconnu. Le Parquet rédige u
Pour lui-même, le juge se voit réserver les actes les plus graves. Les plus
réquisitoire à fin d'informer où sont exposés les faits. La partie lésée dépose, pour s
importants concernent la personne du délinquant. Pour rechercher l'individu, le juge
part, une plainte avec constitution de partie civile. L'issue de ces opérations es!
l'ouverture de l'instruction préparatoire.
dispose de quatre sortes de mandats. Le mandat de comparution est une invitation à
et
IOI~e
comparaître. Le mandat d'amener est une injonction adressée aux représentants de la
force publique, conduire l'intéressé devant le juge. Le mandat de dépôt permet de
• L'instruction préparatoire
détenir J'individu dans un établissement pénitentiaire. Enfin, le mandat d'arrêt combine
L'instruction préparatoire a pour objet de préparer l'instruction définitive et le
les effets des mandats d'amener et de dépôt. Ces mandats permettent au juge de
jugement en rassemblant les preuves destinées à asseoir la culpabilité de la personne
procéder à des interrogatoires et à des confrontations. La loi du 8 décembre 1897,
c., cette procédure était secrète, écrite, non
reprise par le Code de procédure pénale, assure le respect des droits de la défense.
contradictoire. Divers textes de la fin du XIXème siècle, ainsi que le Code de procédure
Lors de la première comparution, la personne mise en examen prend connaissance des
pénale, ont progressivement atténué ces caractères. Si l'article Il du Code de procédure
faits qui lui sont reprochés et peut ne faire aucune déclaration. Pendant le cours de
pénale confirme le secret de l'instruction, il ne le fait qu'à l'égard des tiers. Désormais,
l'instruction, elle peut être assistée d'un avocat qui est présent à tous les interrogatoires,
les droits de la personne mise en examen et, dans une moindre mesure, ceux de la
et faire appel des ordonnances qui lui font grief. La partie civile dispose des mêmes
partie civile se trouvent mieux défendus. La loi du 24 août 1993, entrée en vigueur le 2
droits. Le Ministère public, de son côté, peut assister aux interrogatoires et
septembre 1993 confirme la réforme intervenue quelques mois auparavant remplaçant
confrontations et solliciter du magistrat tous actes lui paraissant nécessaires à la
l'inculpation par la mise en examen. Elle apporte toutefois quelques modifications. Il
manifestation de la vérité. Le juge peut ordonner la détention provisoire, si les
revient ainsi au juge d~ins~n~LàJui seul de procéder à la mise en examen. En
nécessités de l'instruction le commandent, ou si la peine encourue est supérieure à deux
revanche, les pouvoirs de la chambre d'accusation n'ont pas été modifiés.
ans de prison (L. du 17/ 07/70), a fortiori, lorsqu'il existe des indices graves et
mise en examen. Sous l'empire du C. 1.
concordant de culpabilité. La détention est possible pour les mineurs de 13 à 18 ans.
�47
46
C'est dire le préjudice que peut subir un individu qui fait, par la suite, l'objet d'un nonlieu. C'est pourquoi la loi nouvelle consacre le principe d'une indemnisation lorsque la
d 'accusation, de déclarer son appel suspensif des effets du mandat de dépôt jusqu'à la
décision de la chambre d 'accusation.
détention a causé un préjudice manifestement anormal et d'une particulière gravité.
- A la clôture de J'information, le juge rend les ordonnances les
'/ Ce même texte a institué le contrôle judiciaire qui s'est substitué à la liberté
plus lourdes de conséquences. Lorsqu'il estime avoir achevé sa tâche, il rend une
provisoire. Cette mesure, dont la durée d'application est indéterminée, impose à celui à
ordonnance de règlement, appelée aussi ordonnance de clôture qui a pour effet de le
qui elle est infligée le respect de certaines obligations motivées par son état dangereux.
dessaisir : ou bien le magistrat rend une ordonnance de non-lieu s'il estime que
Enfin, le juge peut effectuer des constatations matérielles et procéder à des
perquisitions et des saisies. Mais, généralement, il délègue ces pouvoirs à des
auxiliaires.
J'information ne fait pas ressortir des charges suffisantes ou s'il s'appuie sur des motifs
de droit (fait justificatif, cause de non-imputabilité, amnistie, etc.) ; ou bien le juge
d'instruction, estimant qu'il existe contre la personne mise en examen des charges
Les auxiliaires du magistrat instructeur sont étroitement associés à la recherche
de la vérité. Des raisons à la fois matérielles et juridiques expliquent les commissions
rogatoires, tandis que des raisons techniques justifient le recours à des experts. La
commission rogatoire est un acte par lequel le juge délègue ses pouvoirs à des autorités
constitutives d 'infraction, rend contre celui-ci une ordonnance de renvoi devant la
juridiction de jugement.
Dans tous les cas, à condition cependant que J'ordonnance revête un caractère
juridictionnel, elle est susceptible d'appel porté devant la Chambre d'accusation.
chargées d'agir en son nom, magistrats d'un autre ressort, officiers de police judiciaire
ou experts. Pour réagir contre l'abus des commissions rogatoires, le Code de procédure
pénale a interdit toute commission rogatoire générale (art. 151). D'autre part, la
délivrance des mandats ne peut jamais être déléguée et l'interrogatoire de l'inculpé ne
peut être confié qu'à des magistrats.
• L'instruction par la Chambre d'accusation
il s'agit d'une juridiction collégiale siégeant dans chaque Cour d'appel, composée
d'un président et de deux conseillers. Son rôle est double : procéder à une nouvelle
instruction dans certains cas, examiner les appels formés contre les ordonnances
rendues par le juge d 'instruction et pour contrôler la régularité de la procédure.
L'expertise a subi de la part du Code de procédure pénale des modifications
- La juridiction de mise en accusation
destinées à assurer une meilleure protection de la défense, mais que des textes
postérieurs ont fortement réduite. Le juge fixe la durée de l'expertise, il en contrôle la
marche, mais la loi du 30 décembre 1985 est revenue à l'expert unique, solution
regrettable, que la récente loi du 8 février 1995 n'a pas modifié (réserve faite pour la
possibilité, dans certains cas, pour la faute adverse, de demander une contre
expertise).
. En matière criminelle
La loi exige un nouvel examen de l'affaire par la Chambre d 'accusation. Celle-ci
est saisie par le Procureur général. Elle examine les charges retenues par le juge
d 'instruction. Si elle estime les charges suffisantes, elle rend un arrêt de mise en
accusation qui produit un double effet. Tout d'abord, il est attributif de compétence ; il
renvoie l'accusé devant la Cour d'assises. En second lieu, il purge les vices de
- La fonction de juridiction
Le magistrat instructeur est conduit au sein des divers stades de l'information à
J'instruction préparatoire. Désormais, il n'est plus possible de se prévaloir de ceux-ci
devant la Cour d 'assises.
exercer une fonction juridictionnelle par voie d'ordonnances.
- A l'ouverture de J'information, le juge statue sur la
compétence, la recevabilité de l'action publique.
- Au cours de J'information, le magistrat statue sur la détention
. En matière extraditionnelle
Elle rend un avis sur les demandes extraditionnelles fournies par des États
requérants.
- La juridiction d 'appel
provisoire, le contrôle judiciaire, accepte ou refuse de prendre une mesure d'instruction
Le droit d 'appel varie avec la partie habilitée à interjeter appel. Le Ministère
demandée par une des parties en cause. Seules les ordonnances à caractère
public peut exercer ce droit à J'égard de toutes les ordonnances du juge d'instruction. il
juridictionnel peuvent être susceptibles d'appel par la personne mise en examen et par
exerce un contrôle étroit sur les pouvoirs du juge d 'instruction. En revanche, le mis en
la partie civile. A cette fin, elles sont portées à la connaissance des conseils.
examen ne peut interjeter appel que de certaines ordonnances. li s'agit principalement
La loi du 24 août 1993 instaure une garantie nouvelle appelée le "référé liberté" qui
d es ordonnances rendues sur la recevabilité d 'une constitution de partie civile et de
permet à la personne mise en détention de demander au Président de la chambre
celles touchant la liberté. La partie civile n'a également qu'un droit d'appellirnité à
�48
49
certaines ordonnances (refus d 'informer, non-lieu, etc.). Dans tous les cas, l'appel ne
imposée par les textes. Toutefois, le public peut être écarté si l'affaire présente un
suspend pas le cours de l'information. La chambre d'accusation examine le bien-fon é
danger pour l'ordre public ou les bonnes mœurs et si elle porte sur un mineur délinquant
de la requête , puis statue par un arrêt qui vide l'appel.
(huis clos). De la même façon, divers textes permettent au Président d'expulser les
- Le contrôle de la régularité des instructions
En tant que juridiction d'instruction au second degré et que juridiction d 'appel, la
Chambre d'accusation est tout naturellement conduite à vérifier la régularité des
opérations effectuées par le juge d'instruction et à annuler éventuellement certains
perturbateurs. En second lieu, la presse a le droit de relater les débats à condition qu'il
s'agisse d'un compte-rendu fidèle fait de bonne foi. En effet, les articles 434-16 c.P.
sanctionnent les écrits cherchant à jeter le discrédit sur une décision ou à faire pression
sur celle-ci. Enfin, pour prévenir certains abus, l'emploi de tout appareil
d'enregistrement ou de diffusion sonore, de caméra, de télévision ou de cinéma et
actes.
X 2) La phase décisoire
Si psyd~ol~giquement la phase préparatoire apparaît aux yeux du public comme
une pré-condamnation, malgré le principe de la présomption d 'innocence, la phase
décisoire est le point d'aboutissement du procès pénal. Cette phase comporte deux
étapes, le jugement et les voies de recours.
• Le jugement
d'appareils photographiques est subordonnée à l'autorisation du Président.
- La contradiction des débats
Devant la juridiction de jugement, les parties se trouvent placées sur un pied
d 'égalité. Elles peuvent discuter les preuves présentées à l'audience. Cela ne signifie pas
que le procès soit la chose des parties comme c'est le cas dans la procédure anglosaxonne. Le Président de la juridiction conserve la direction des débats. Chacune des
parties peut solliciter toute mesure d'instruction qu'elle estime utile. Mais leur présence
Le jugement au sens large, est la décision rendue par l'autorité compétente. Au
n'est pas strictement requise. li serait trop commode à un prévenu en fuite d'éviter une
sens étroit, c'est la décision rendue par le tribunal de police et le tribunal correctionnel,
condamnation. C'est pourquoi, si la personne ne comparaît pas régulièrement, l'affaire
tandis que le terme d'arrêt est réservé à la Cour d'appel et celui de verdict désigne la
sera jugée par défaut, et, dans certains cas, la décision est réputée contradictoire.
réponse donnée par la Cour d'assises aux questions posées. L'objet de cette phase du
procès est de statuer sur la culpabilité et sur la peine. Il convient d'en préciser les traits
essentiels avant d'examiner la variété de leurs applications dans les différentes
procédures.
• La procédure devant les tribunaux répressifs
- L'instruction définitive
Cette instruction traduit le souci du législateur d'assurer la protection la meilleure
des justiciables. Elle débute par l'interrogatoire du prévenu. Le Président vérifie son
• Les caractères généraux
identité afin d'éviter tOute erreur. Puis, il procède à l'audition des témoins. Certains
Alors que la phase d'instruction est à dominante inquisitoire, la procédure
peuvent être récusés. Ils doivent prêter serment, déposer oralement et apparemment,
d'instruction définitive et de jugement est commandée par le système accusatoire qui lui
soit sur des faits reprochés au prévenu, soit sur sa personnalité et sa moralité. Des
confère trois caractères essentiels.
experts peuvent être également entendus, des pièces à conviction produites. A
- L'oralité des débats
l'administration des preuves succède la discussion des preuves. La partie civile
L'existence du dossier écrit transmis par la juridiction d 'instruction n'empêche
présente ses observations et le Ministère public prend ses réquisitions. La défense
pas la juridiction de jugement de procéder à une nouvelle instruction dite définitive.
s'exprime ensuite. La clôture des débats ne résulte que du prononcé du jugement -qui
L'audition des témoins, de l'accusé, permet au tribunal de se forger son intime
peut être remis à une audience ultérieure-.
conviction. L'oralité n'est cependant entendu de façon stricte que dans la procédure de
- Le jugement
la Cour d'assises. Les experts doivent faire leurs rapports oralement. Le président doit
Le tribunal de police et le tribunal correctionnel doivent toujours vérifier leur
procéder à un interrogatoire oral. La délibération de la Cour et du jury réunis sur la
compétence avant de prononcer le jugement. Celui-ci doit être obligatoirement précédé
culpabilité et la peine doit se faire, en principe, sans consulter le dossier.
d'une délibération secrète permettant une discussion entre les membres du tribunal.
- La publicité des débats
Puis, sauf décision d'incompétence, la juridiction statue au fond par une décision de
La publicité constitue une des meilleurs garanties des droits de la défense. Elle
relaxe, absolution ou condamnation. Dans ce dernier cas, elle peut accorder à la partie
est assurée de deux façons. Tout d'abord, l'admission du public à l'audience est
_civile des dommages-intêrets pour le préjudice subi et décerner un mandat de dépôt ou
�50
51
d'arrêt. En revanche, en cas de relaxe ou absolution, le prévenu doit être
prendre toutes mesures qu'il estime utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité.
inunédiatement relâché.
Cependant, le législateur, dans un soud d'efficacité, a développé des procédures
A l'issue des débats, il en prononce la clôture et donne lecture des questions auxquelles
la Cour et le jury auront à répondre. Chaque fait donne lieu à une question principale.
sommaires, le système de l'ordonnance pénale (loi du 3 janvier 1972) applicable en
Si l'accusé est en fuite, la procédure de contumace est mise en œuvre. Son
matière de contravention de police devant le juge et le système de l'amende forfaitaire
particularisme tient à ce que les jurés n'y sont pas associés 35.
par laquelle le contrevenant s'acquitte de sa contravention au moyen d'un timbre
- La procédure postérieure aux débats
amende (contraventions des deux premières classes).
Elle porte sur deux points essentiels: l'action publique et les intérêts dvils
Jusqu'au nouveau code pénal, le juge n 'était pas tenu de motiver sa décision.
. la décision sur l'action publique incombe à la Cour et
Désormais l'article 132-19 N.C.P. prévoit que le tribunal qui prononce une peine
au jury réunis en Chambre du conseil. Elle nécessite une majorité de huit voix au moins
d'emprisonnement sans sursis est tenu de motiver sa décision.
/\.
• la procédure devant la Cour d'assises
quand elle est défavorable à l'accusé. Si ce dernier est reconnu non~oupable, la Cour et
34
le jury prononcent son acquittement. En audience publique, le Président fait
Cette procédure est plus longue et plus solennelle que les précédentes. Elle peut
comparaître l'accusé, donne lecture des réponses faites aux questions, puis lit l'arrêt
se diviser en trois phases.
portant condamnation, absolution ou acquittement.
- La procédure antérieure à l'audience
TI n'y a pas d'appel possible, seul un pourvoi en cassation peut être introduit. Le
Cette phase se situe entre l'arrêt de renvoi de la Chambre d'accusation et
système contraire aux exigences de la Convention Européenne a conduit le Ministère de
l'ouverture des débats. Elle nécessite l'accomplissement de certaines formalités.
la Justice a proposer un double degré de juridiction.
· Les formalités de poursuite consistent dans la
. La décision sur l'action civile est réservée à la Cour
signification de l'arrêt de renvoi par le Procureur général à l'accusé, le transfert de ce
seule. Des dommages-interêts peuvent être alloués à la victime. Mais l'arrêt dvil ne doit
dernier au siège de la Cour d'assises, la notification à l'accusé de la liste du jury de
pas contredire ce qui a été préalablement jugé sur l'action publique.
session et la liste des témoins.
·
Les
formalités
d'instruction
comportent
• La chose jugée et les voies de recours
un
interrogatoire de l'accusé par le Président de la Cour d'assises et éventuellement un
L'aboutissement normal du procès pénal est une décision ayant l'autorité de la
supplément d'information si l'affaire ne paraît pas en état d 'être jugée.
chose jugée ; cependant, des voies de recours peuvent être exercées, qui ont pour effet
de retarder l'acquisition de cette autorité.
- La procédure d'audience
Elle est minutieusement réglée par le Code de procédure pénale.
1) La chose jugée
- l'ouverture des débats débute par la constitution du jury de jugement (9
En vertu de l'autorité de la chose jugée, la décision répressive est considérée
membres). Puis le président, après avoir interrogé le mis en examen sur son identité,
comme l'expression de la vérité par l'effet d'une présomption irréfragable de la loi. De
reçoit le serment des jurés, tandis que le greffier lit l'arrêt de ren voi.
ce principe découlent deux conséquences fondamentales: d'une part, qu'il n'est plus
· les débats s'engagent alors dès la lecture de l'arrêt de
possible de poursuivre pour les mêmes faits déjà jugés (autorité de la chose jugée au
renvoi et doivent se poursuivre sans discontinuer jusqu'au jugement. Le Président
criminel sur le criminel) ; d 'autre part, que la décision pénale lie le juge d vU (autorité de
procède à l'interrogatoire de le mis en examen sans manifester son opinion sur sa
la chose jugée au criminel sur le dvil).
culpabilité, puis à l'audition des témoins en commençant par ceux de l'accusation. JI
• Autorité de la chose jugée au criminel sur le criminel
entend le rapport oral des experts. Les réquisitoires et les plaidoiries sont alors
34
Destiné à éviter que l'on ne recommence indéfiniment des procès, ce principe est
prononcés, l'avocat de la défense prenant la parole en dernier. Au cours de cette
exprimé par la règle "non bis in idem ", c'est-à-dire la chose jugée par une juridiction
procédure, le Président est investi d'un pouvoir discrétionnaire en vertu duquel il peut
répressive interdit au~ autres juridictions répressives de connaître de l'affaire (A. 6
FAYOLLE, De la Cour d' Assises, in Problèmes actuels de science criminelle, 1992, p. 54.
3S
GASSIN, L'audience de jugement, Bilan des réformes depuis 1993. Actualité législative,
Dalloz 1995-103.
R.
�53
52
CP.P.). Dès lors, si une nouvelle poursuite était exercée devant une autre juridiction,
procédure pénale a conservé la distinction traditionnelle entre les voies de recours
elle se heurterait à l'exception de chose jugée qui est d'ordre public. Cependant, cette
ordinaires, largement ouvertes aux parties, et les voies de recours extraordinaires qui ne
exception ne saurait être systématiquement invoquée.
L'application des principes commande une distinction entre les décisions des
peuvent être exercées que dans des cas limités.
juridictions d'instruction et celles des juridictions de jugement.
L'autorité des décisions de juridiction d'instruction ne s'applique qu'aux
• Les voies de recours ordinaires
Elles ne sont ouvertes qu'en matière correctionnelle et de police. Il s'agit de
l'opposition et de l'appel.
décisions de non-lieu motivées en droit (exemple: fait justificatif, amnistie). Une
simple motivation de fait ne confère à la décision qu'une autorité provisoire. Les
ordonnances et arrêts de renvoi n'ont aucune autorité.
L'autorité des décisions des juridictions de jugement est beaucoup plus forte.
Mais, pour que l'exception de chose jugée puisse être opposée avec succès, la
jurisprudence exige entre les deux poursuites, trois conditions: identité d'objet, identité
des parties, identité de causes, c'est-à-dire identité du fait délictueux qui a motivé la
poursuite. Rappelons cependant la modification réalisée par la loi du 3 juillet 1983
autorisant le juge répressif, malgré une décision de relaxe, d'accorder des dommages-
- L'opposition est une voie de recours ouverte contre les
décisions rendues par défaut. C'est une voie de rétractation parce que son exercice
conduit à porter l'affaire devant la même juridiction qui a statué. Pour éviter les abus,
on a progressivement réduit son domaine au cas où le prévenu régulièrement cité à
personne n'a pas comparu en raison d'un empêchement valable, ou n'a pas eu
connaissance de la citation. L'effet de l'opposition, qui doit être introduite dans les dix
jours, est double: d'une part, un effet suspensif à l'égard de la décision rendue par
défaut; d'autre part, un effet extinctif, anéantissement de cette même décision.
- L'appel s'applique aux décisions rendues en premier ressort
interêts.
• Autorité de la chose jugée au criminel sur le civil
Cette règle, purement jurisprudentielle, est destinée à éviter toute "contrariété" de
décisions.
dans les affaires soumises à l'application du principe du double degré de juridiction
(tribunal de police, tribunal correctionnel). C'est une voie de réformation parce qu'elle
saisit du procès une juridiction supérieure à celle qui a statué, c'est-à-dire, dans tous
les cas, la Chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel. Elle doit être intentée
- Les caractères de la règle sont doubles. Le caractère absolu
signifie que le principe s'applique non seulement aux personnes parties au procès
dans un délai de dix jours et produit un double effet, suspensif interdisant l'exécution
du jugement attaqué, et un effet dévolutif consistant à saisir les juges d'appel.
pénal, mais encore à celles qui participent au procès civil, même si elles sont restées
étrangères au procès pénal. Le caractère d'intérêt privé ne permet pas au juge de
soulever d 'office l'exception si les parties négligent de l'invoquer, ni au Ministère public
d'en faire état.
• Les voies de recours extraordinaires
Elles sont portées devant la Cour de cassation et ne sont ouvertes aux parties
que dans des hypothèses limitées : erreur de droit (pourvoi en cassation) ou erreur de
fait (pourvoi en révision).
- L'étendue de la règle doit être précisée. Elle ne vise que les
décisions des juridictions de jugement. Et, parmi celles-ci, elle se limite à la sentence
- Le pourvoi en cassation. Il s'agit d 'une voie de recours
pénale prononcée sur l'action publique et aux constatations positives et principales qui
destinée à permettre l'annulation de la décision rendue en violation de la loi de fond ou
sont le support nécessaire de cette sentence. De ce fait, les décisions des juridictions
de forme: la Cour de cassation ne constitue pas un troisième degré de juridiction. Elle
d'instruction, celles portant sur les intérêts civils, ainsi que celles qui constatent un
n'examine pas le fond du procès, mais contrôle la légalité des décisions de justice.
doute justifiant l'acquittement de l'inculpé, ne la possèdent pas.
2) Les voies de recours
X - L~ourvoi dans l'intérêt des parties est la forme de recours
..:I:=a.>-"-_:::==,,,"_Son exercice est subordonné au respect de diverses conditions. Il
suppose que la décision attaquée ait été rendue en dernier ressort. D'autre part, les
Les décisions rendues par les juridictions répressives peuvent être entachées
d'erreurs de fait et de droit. C'est pourquoi, les parties ont le droit de retarder l'effet de
l'autorité de la chose jugée en d emandant un nouvel examen de l'affaire par une autre
juridiction répressive: c'est l'effet suspensif des voies de recours qui interdit
provisoirement l'exécution de la décision répressive qui vient d'être prise. Le Code de
parties ne peuvent se pourvoir que dans la mesure où elles y ont intérêt. Ainsi, la
victime ne peut se pourvoir que quant à ses intérêts dvils. En troisième lieu, le pourvoi
doit se fonder sur une violation de la loi de forme ou de la loi de fond. Enfin, le délai
est de cinq jours francs.
�54
55
pP
L'effet du pourvoi est de saisir la Chambre criminelle de la Cour de cassation.
JO> Droit de la délinquance et morale
Celle-ci peut, soit rejeter le pourvoi, soit annuler la décision attaquée en tout ou en
partie et renvoyer l'affaire, sauf cassation par voie de retranchement, devant les juges
C'est là un problème classique qui conduit à évoquer successivement les rapports,
du fond. Si la juridiction de renvoi ne s'incline pas, un nouveau pourvoi est possible,
puis les différences du droit pénal et de la morale.
soumis cette fois à l'examen de l'Assemblée plénière. Si celle-ci confirme la décision de
fil. Rap.ports,
la Chambre criminelle, la nouvelle juridiction de renvoi est tenue de se conformer à la
doctrine de l'Assemblée plénière.
Jadis le droit pénal se confondait avec la morale, car ces deux disciplines
- Le pourvoi dans l'intérêt de la loi est d'application
précisent à l'homme ce qu'il ne doit pas faire. Dans l'Ancien droit, la liste des
exceptionnelle. il peut être exercé dans deux cas. Le Procureur général près la Cour de
incriminations se confondait avec celle des fautes morales. Ce n:'est que vers le XVillème
cassation peut, sur ordre formel à lui donné par le Ministre de la justice, dénoncer à la
siècle que la séparation s'est opérée. Cependant, aujourd'hui encore, le système des
Chambre criminelle les décisions contraires à la loi. Le même magistrat peut également
incriminations conserve dans la plupart des législations un rapport étroit avec l'état
se pourvoir d'office, malgré l'expiration du délai de cinq jours, contre une décision
des mœurs. Bien plus, une sorte de montée de sève morale a entraîné la pénalisation
réprouvée.
d'agissements immoraux qui n'étaient pas réprimés jusque là (exemple: omission de
porter secours art. 223-6 N.C.P.) ou l'aggravation de certains autres (infanticide
- Le pourvoi en révision. Cette voie de recours présente
criminalisé en 1941, cf. le débat sur le livre "S uicide, mode d'emploi", déclenchant la
l'originalité de pouvoir être exercée même contre une décision judiciaire ayant acquis
création du délit de provocation au suicide) 36.
autorité de la chose jugée. Elle vise à réparer les erreurs judiciaires.
Le nouveau code pénal a développé les impératifs de solidarité humaine en
L'ouverture du pourvoi est très large. Elle est offerte à toute personne reconnue à
sanctionnant l'abus de la faiblesse d'autrui, la mise en danger de la personne 37.
tort coupable d'un crime ou d'un délit ou au "principe de la justice" lorsqu'un fait
A l'inverse des impératifs moraux s'est manifesté un courant de dépénalisation
nouveau s'est révélé (voir également, victime vivante; contrariété jugements;
(libéralisation de l'avortement en 1975 qualifié I.V.G. expression moins culpabilisante,
condamnation pour faux témoignage). En toute hypothèse, le pourvoi est porté devant
décriminalisation de l'émission de chèque sans provision, suppression du délit
la Chambre criminelle de la Cour de cassation.
d'homosexualité sur un mineur (L.16 août 1982). On assiste donc à une
L'effet du pourvoi est de conduire à un nouvel examen au fond de l'affaire, soit
interpénétration du droit pénal et de la morale 38
devant une autre juridiction du même ordre et de même degré que celle qui a rendu la
décision annulée, soit par la Chambre criminelle elle-même, (exemple: décès du
hl Différences
condamné). D'autre part, une réparation pécuniaire doit être allouée à la victime de
Toutefois, la majorité des auteurs estiment que le droit de la délinquance et la
l'erreur judidaire, ou à ses proches (Loi du 23 juin 1989).
morale doivent être distingués. On peut noter trois différences.
Tout d'abord, la frontière des actions légitimes et illégitimes n'est pas tracée
B) La distinction du droit pénal et des autres disciplines
normatives
dans le même esprit. Le but du droit pénal est d'assurer l'ordre social, alors que la
morale tend au perfectionnement de l'être humain.
Elle n'est pas tracée non plus avec la même énergie. La règle du droit pénal est
La notion de droit pénal évoque d'autres disciplines normatives telles que la
sanctionnée par l'autorité publique, tandis que la règle morale n'est assortie que d'une
morale et les autres branches du droit. C'est qu'en effet jadis, le droit de la délinquance
sanction purement intérieure.
se confondait avec ces disciplines. Aujourd'hui, il a conquis son indépendance, mais
Enfin et surtout, le domaine des prescriptions édictées de part et d'autre est
conserve cependant avec elles des rapports étroits qu'il s'agisse de la morale ou des
différent. Le droit pénal consacre, en principe, des devoirs de justice non de charité, les
autres branches du droit.
36
Loi 31 décembre 1987.
37
PUECH, De la mise en danger d'autrui, D. 1994, chrono154; D. MAYER, La mise en danger des
personnes in Problèmes actuels de science criminelle, 1995, p. 7.
38
D. MAYER, R. S.c., 1989-442.
�57
56
seules actions et non les simples résolutions. C'est pourquoi, on a pu représenter le
déduisent que le droit pénal ne peut être ni du droit public, ni du droit privé 40. li est
droit pénal et la morale en deux cercles ayant un même centre, mais des circonférences
vrai que le droit pénal n'est plus le "satellite" des autres disciplines juridiques comme
différentes. Donc, le domaine du droit pénal est plus restreint que celui de la morale.
au XIXème siècle.
Mais J'inverse peut se produire; le droit pénal peut incriminer certains agissements
On peut exprimer cette évolution en soulignant deux caractères principaux du
indifférents aux yeux de la morale (alcoolisme, tabagisme). C'est pourquoi, on peut
droit de la délinquance, qui le différenci~ autres branches du droit {so-;-;;ractère
corriger J'image précédente en disant que le droit pénal et la morale constituent deux
autono~et ~n caractère sanctionnateur. \
cercles qui se recoupent mais dont chacun possède une surface propre à côté de celle
JÙ L'autonomie tfu. dnill tk l.a. délinquance
qui leur est commune.
Aujourd'hui, le débat est loin d'être clos (exemple: procès de Liège, au cours
A la remorque des autres droits au XIXème siècle, le droit pénal a aujourd'hui
duquel une mère était accusée d'avoir tué son enfant victime de la thalidomide). Pour
conquis son indépendance grâce à la jurisprudence L'autonomie signifie que le droit
les uns, la loi pénale doit faire valoir la moralité, donc la moralité commande la
pénal s'applique sans tenir aucun compte des règles du droit privé ou du droit public;
répression (exemple: dans cet esprit J'homosexualité sera réprimée). Pour d'autres, une
quelquefois il s'applique même au mépris de ces règles 41.
distinction nette doit être maintenue entre les deux disciplines. Le droit pénal ne doit
1) Les aspects de ['autonomie,
se manifester que dans la mesure où J'ordre public est troublé (exemple: à J'inverse,
J'inceste ne serait pas réprimé). Le nouveau code pénal semble avoir choisi la seconde
• Le législateur l'avait consacré expressément en permettant au juge
voie.
répressif de condamner celui qui pourtant n'a fait qu'exécuter une obligation imposée
par la loi civile. Ainsi l'ancien article 334-3 c.P. rt!ndait coupable du délit de
2°) Droit de la délinquance et autres branches du droit
proxénétisme celui qui, vivant sciemment avec une personne se livrant à la prostitution,
Le problème est important car il commande la situation du droit pénal au sein de
ne pouvait justifier de ressources. Le mari d'une prostituée pouvait-il être condamné?
la distinction droit privé droit public. Le droit pénal est-il un simple prolongement des
non, au regard du droit civil : oui, en vertu du texte pénal. Cette solution paradoxale a
différentes disciplines extra-pénales dont il assure la sanction ou dispose-t-il d'une
disparu avec le nouveau code pénal (art. 225-6).
autonomie?
• De son côté, la jurisprudence a développé l'autonomie.
Cette question a été agitée dès le début du XIXème siècle. 39. Trois opinions sont
- Au niveau de la répression, les tribunaux ne tiennent parfois
avancées. Pour certains, le droit pénal serait une branche du droit public. Le droit de
pas compte des irrégularités commises et considèrent comme valables, pour
punir, qui est au cœur du droit pénal classique, est une prérogative essentiellement
J'application de la loi pénale des actes nuls au regard de la loi civile ou commerciale.
étatique. La sanction pénale est prononcée dans J'intérêt public, le délinquant est jugé
Ainsi, la Chambre criminelle décide qu'il y a émission de chèque sans provision, même
par des organes étatiques et au nom de celui-<i.
si le titre qui a été émis ne vaut pas chèque au regard du droit commercial parce que
Pour d'autres auteurs, au contraire, le droit pénal constituerait une branche du
non daté. De même, la répression de J'abus de confiance n'est pas paralysée par la
droit privé en raison des méthodes de la disci?line utilisée. D'abord, le procès pénal se
nullité du contrat civil sur la base duquel le d étournement a été effectué. Dans un autre
déroule devant des juridictions civiles. Ensuite, la victime est présente au procès par
domaine, la qualité de fonctionnaire public prévu par de nombreuses lois pénales est
J'exercice de son action civile. Enfin, les droits qui sont en jeu dans le procès pénal sont
plus largement entendu qu' en droit administratif. Ainsi un notaire, un conseiller
les droits subjectifs les plus essentiels de J'individu.
municipal, sont des fonctionnaires aux yeux du juge pénal. De même encore, la notion
Enfin, une opinion plus récente, soutient que le droit pénal serait une discipline
de domicile a une signification beaucoup plus large en droit pénal qu' en droit civil.
spécifique. MERLE et VITU prenant appui sur la phrase célèbre de PORTALIS "les lois
! - Au niveau de la réparation, le dommage qui a sa source dans
pénales sont moins une espèce particulière de lois, que la sanction de toutes les autres" en
une obligation immorale ou illicite n'est pas pris en considération par le juge civil en
39
R. GASSIN, Le droit pénal; droit public ou droit privé, in Problèmes actuels de science
criminelle, P.U.A.M. 1991 p. 51.
40
Traité de droit criminel, Cujas, 1988.
41
GOUTAL, L'autonomie du droit pénal ; reflux et métamorphoses, R. S. C. 1980-911.
�58
59
raison de la règle d'après laquelle on ne peut se prévaloir de sa propre turpitude "nemo
auditur propriam turpitudinem allegans
N
•
Pourtant, la Chambre criminelle a accordé
depuis longtemps à la prostituée des dommages-intérêts à titre de réparation du
dommage résultant du délit de proxénétisme pour les gains versés à son souteneur dont
elle réclamait le remboursement: dans ce même esprit, la Cour suprême a alloué
réparation à la concubine de la victime d'un délit d'imprudence et la Chambre mixte
s'est finalement ralliée à cette solution. Ici, le droit pénal déteint sur le droit dvil et l'on
peut, à bon droit, s'interroger sur le bien-fondé de cette autonomie.
On doit cependant souligner que le développement de lois techniques en matière
d'environnement, de pollution, de droit du travail ont pour effet de réduire le champ
sans provision en 1971, adultère en 1975) que dans le nouveau Code pénal, d'autant
qu'il existe d'autres formes de répression efficaces. La dépénalisation n'est d'ailleurs
pas sans risque. En 1984, on a compté, 3 600 000 émissions de chèques sans provision,
en 1993 le nombre des interdits de chéquier dépassait 2 000 000.
r
hl I&. caractère sanctionnateur d.H dIIill. pin.al
Les disciplines juridiques, disciplines normatives comme le droit pénal
connaissent des formes de répression spécifiques qui peuvent évoquer la sanction
pénale. Cependant des différences profondes existent.
- La finalité de la répression civile est tout autre que la finalité
de l'autonomie, dans la mesure où il est difficile au juge d'avoir sa propre
de la répression pénale. il s'agit de rétablir un équilibre rompu à la suite d'une violation
interprétation de concepts techniques.
d'une règle de droit dvil ou de droit commercial. Sans doute, existe-t-il des sanctions
2) La justification de l'autonomie
qui ont la coloration d'une peine (exemple : amendes civiles, révocation pour cause
- Elle est aisée en ce qui concerne la répression . L'autonomie
d'ingratitude en matière successorale, les dommages-intérêts pour le préjudice moral,
tient à un but particulier de ce droit: la défense de l'ordre social. La répression pénale
astreinte tendant à préverur la violation d'une règle de droit). Mais, malgré leur
n'est pas la sanction anonyme d'une infraction, appliquée abstraitement,
caractère sanctionnateur, il ne s'agit que de peines privées dont la finalité et les
indépendamment de la personnalité de son auteur. Dès que l'intention criminelle est
caractères sont étrangers au droit pénal dont le but essentiel est la défense de l'ordre
établie, le juge répressif doit condamner l'auteur et déjouer les malfaiteurs assez
social.
astucieux pour s'abriter sous la protection de la loi civile ou commerciale.
- En revanche, il est plus malaisé de dégager les mérites de
conclusions analogues. il est vrai que, souvent, une faute disdplinaire est également une
l'autonomie au ruveau de la réparation. L'intérêt social ne peut plus être invoqué.
faute pénale (exemple : usurpation d'identité dans un examen, escroquerie commise par
L'autonomie s 'explique néanmoins par cette justification fournie par la Chambre
un médecin), car la finalité du droit disciplinaire est destinée à assurer l'ordre dans un
criminelle que le dommage dont on réclame réparation représente un préjudice moral
groupement. Mais, au-delà de cette finalité normative, demeurent de profondes
qui prend sa source dans une infraction. La
~risprudence
voit dans la réparation un
différences entre le droit de la délinquance et le droit disciplinaire. TI y a une spécificité
complément de la répression : "L'action en réparation prolonge l'effet répressIf de la
de la sanction disciplinaire qui réside dans la gamme de ses sanctions (blâme,
conda~ " .
La participation de la victime au délit ne doit pas améliorer la situation
du coupable au plan matériel.
avertissement) et dont le prononcé implique un particularisme procédural et un
Les apports criminologiques récents renforcent les justifications de cette
exemple : la loi du 4 août 1981, exempte de l'amnistie les "manquements à la probité, aux
autonomie dans la mesure où on insiste aujourd'hui sur la nécessité de tenir le plus
compte possible de la personnalité du délinquant. La conséquence de cette autonomie
est une "inflation pénale" (CARBONNIER). Tout devient droit pénal conduisant à une
véritable perversion de l'ordre juridique. Une enquête effectuée au Canada a révélé
qu'un citoyen pouvait se rendre coupable de 37 967 infractions. II est probable qu'une
enquête menée en France aboutirait à un chiffre équivalent. 42 . C'est pourquoi, un
mouvement de dépénalisation s'amorce tant dans le droit positif (émission de chèrjue
42
- L'étude de la répression disciplinaire conduit à des
R. GASSIN, La crise des politiques criminelles occidentales in Problèmes actuels de science
criminelle, 1985, p. 21.
manquement à des devoirs moraux plus étendus que le droit de ia délinquance (par
bonnes mœurs et à l'honneur").
- On pourrait faire des observations du même ordre pour la
répression fiscale ou douanière qui comportent des sanctions propres (majorations de
droit, nullités, déchéances) et des sanctions pénales régies par une procédure
spécifique.
C'est dire que le droit pénal apporte le secours de ses peines aux autres droits
lorsque les sanctions particulières qu'ils édictent sont ou paraissent insuffisantes. On
doit même remarquer que plus une branche du droit est jeune, plus ses prescriptions
sont assorties de sanctions (droit pénal du travail, droit économique, par exemple).
�61
60
2°) Le droit pénal spécial
C'est ce qui explique en partie l'inflation des lois pénales à notre époque, et la richesse
du contenu du droit pénal qu'il convient maintenant d'aborder.
Il étudie l'application des principes généraux au cas de chacune des diverses
infractions. C'est, a-t-on dit, le "catalogue des infradions ". Historiquement, il a précédé
le droit pénal général. Toute société commence par prévoir des interdits, ce n'est que
§ 2 - LE CONTENU DU DROIT rÉNAL
plus tard que sont élaborées des théories générales sur l'infraction, la responsabilité, la
peine. L'étude de ce droit apparaît instructive à un double titre.
Vu de l'intérieur, le droit de la délinquance apparaît très diversifié. Pour en
Pour le juriste, c'est la partie du code auquel il fait le plus souvent référence (art.
préciser tous ses aspects, on peut proposer une triple distinction visant l'objet, le
211-1 à 450-3 N.C.P.). Il faut y ajouter les incriminations contenues dans d'autres
champ d'application et la portée de ce droit.
codes ou dans des lois particulières. Il appartient au juge de vérifier si l'acte antisocial
qui lui est soumis tombe bien sous le coup d 'un texte répressif: c'est la qualification
A - L'obiet
des faits.
Et quand bien même cela serait-il, le principe de l'opportunité des
poursuites offre au Ministère public la possibilité de ne pas donner suite à la plainte
L'objet du droit pénal est de détenniner la liste des interdits pénaux, et de définir
déposée.
un éventail de sanctions susceptibles d'être appliquées. Concourent à cette finalité, le
Pour le sociologue, l'étude du droit pénal spécial par la nomenclature des faits
droit pénal général, le droit pénal spécial, la procédure pénale et la pénologie.
incriminés, constitue un révélateur de la société du moment qui, pour être exact, doit
être corrigé par le phénomène de l'effectivité du droit pénal 43.
1°) Le droit pénal général
Le nouveau code pénal introduit un certain nombre d'innovations: infractions de
L'objet de ce droit est de préciser les conditions générales d'incrimination et de
mise en danger, atteintes à la dignité, terrorisme écologique, harcèlement sexuel, crimes
fixation des peines. TI est contenu essentiellement dans les articles 111-1 à 133-17
contre l'humanité, délit de risques causés à autrui.
N.C.P .. C'est le droit pénal général qui prévoit les trois éléments de l'infraction, légal,
-,
matériel, moral, les causes d'irresponsabilité (trouble mental, contrainte, minorité),
détermine le jeu de la tentative et de la complicité punissable, c'est lui également qui
3°) La procédure pénale
Elle vise l'étude des règles qui gouvernent le procès pénal. Elle s'attache à
détermine les pénalités applicables, les causes d'atténuation ou d'aggravation de la
l'organisation des différentes juridictions, à leur compétence et à leur fonctionnement.
peine. Le cours de cette année sera consacré à l'étude du droit pénal général.
Elle réglemente avec minutie les différentes phases du procès pénal depuis la saisine
La matière a peu évolué depuis le début du XIXème siècle, si ce n'est en ce qui
des juridictions jusqu'aux voies de recours (art. 1 à 705-2 et 800 à 802 c.P.P,).
concerne l'application de la peine.
'iJ Le nouveau code pénal est l'aboutissement de plusieurs avant projets qui ont
Instrument essentiel de garantie des libertés individuelles, on comprend que cette
branche soit fortem ent codifiée avec des possibilités nombreuses de censure des
débouché sur la loi du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions générales du
décisions rendues par les différentes juridictions d'autant que la procédure échappe à
code pénal (J. O. 23 juillet 1992). Le livre premier relatif aux dispositions générales
certaines règl es qui gouvernent le droit pénal, telles que les principes de non-
comprend trois titres consacrés respectivement à la loi pénale, à la responsabilité
rétroactivité ou d'interprétation restrictive de la loi pénale. Divers projets de réforme
pénale et aux peines. TI est beaucoup plus complet que le code napoléonien, dans la
ont récemment été élaborés (DELMAS-MARTY, SAPIN). L' une des dernières lois
mesure où il intègre de nombreuses règles de nature jurisprudentielle ou figurant
portant réforme de la procédure pénale est datée du 24 août 1993. Elle est entrée en
aujourd 'hui dans le Code de procédure pénale ou dans d'autres codes. On peut noter,
vigueur le 2 septembre 1993. S' en est suivie, la loi sur l' organisation judiciaire du 8
dès à présent, un certain nombre d'innovations: la responsabilité pénale de la personne
février 1995.
morale, l'admission de l'erreur de droit et de l'état de nécessité; la notion de démence
est remplacée par celle de trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli le
discernement de la personne; enfin l'échelle des peines est modifiée (peine de 30 ans en
matière criminelle, maximum de l'emprisonnement correctionnel porté à 10 ans,
confirmation de la suppression de l'emprisonnement en matière contraventionnelle).
43
LASCOUMES, Réforme du code pénal et redéfinition de l'ordre public, in Problèmes actuels de
Science Criminelle, P.U.A.M. 1995, p. 19.
�63
62
l'O.N.U. à décider la création d'un tribunal pénal international pour juger les
4°) La pénolQgie ou science pénitentiaire
responsables de crimes de guerre (son siège est à La Haye) (Résolution 808).
Elle s'est progressivement détachée du drcÏit pénal général à la fin du XIXème
L'instruction d'une trentaine d'affaires est en cours, où sont impliqués des auteurs
siècle. Elle comporte deux aspects.
D'abord la pénologie est le droit de l'exécution des sanctions pénales appelé
d'atrocités. La police allemande a procédé à l'arrestation d'un tortionnaire
44.
On peut
émettre cependant quelques réserves sur le rôle effectif d'un tel tribunal.
droit pénitentiaire. C'est l'étude du régime juridique et administratif de l'exécution des
En revanche, il faut mentionner deux instrUInents diplomatiques internationaux.
peines. Certaines législations étrangères ont adopté un code de l'exécution des peines.
li s'agit de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés
Mais, en second lieu, la pénologie est la science de la val eux et de l'efficacité
fondamentales signée en 1950, (ratifiée par la France en 1974) et le Pacte international
des peines. A la fin du XVillème siècle, on a assisté au remplacement des p~ines
relatif aux droits civils et politiques de 1966 (ratifié par la France en 1981). La
corporelles par des peines privatives de liberté, ce qui a donné naissance à l'Ecole
Convention a prévu une Coux Euxopéenne dont le rôle est aujourd'hui très actif.
pénitentiaire. A la fin du XIXème siècle, sous l'influence de l'école positiviste italienne,
TI convient également de différencier le droit pénal international du droit pénal
une diversification des peines s'est opérée avec une évolution dans la finalité de la
comparé qui n'est qu'un instrUInent au service de la science pénale. li vise à rapprocher
sanction tendant au traitement des délinquants, la privation de liberté ne représentant
les différentes solutions adoptées en matière pénale par les États pour choisir les
aujourd'hui que l'un des aspects de la sanction pénale (environ 57 000 détenus en
meilleures 45.
France).
On a pu s'interroger sur l'intérêt de la méthode comparative dans la mesure où
le droit pénal de chaque État a été construit à partir de valeurs morales, sociales,
B - Le champ d'application
religieuses, qui lui sont propres.
En réalité, il ne s'agit pas de transposer purement et simplement telle institution
Le champ d 'application permet d'opposer le droit pénal interne au droit pénal
d'un État dans un autre, mais de l'adapter au système juridique (par exemple: système
international.
Le droit pénal interne suppose qu'aucun élément étranger ne se présente dans le
anglais de la probation adopté en France en 1958 par l'instauration du sursis avec mise
à l'épreuve). Au surplus, on observe un fonds commun entre les États pour beaucoup
déroulement du procès et l'application des sanctions.
d'infractions (white collar crime, par exemple). C'est dans le domaine pénologique que
En revanche, le droit pénal international nécessite un élément d'extranéité
la méthode comparative a été la plus utilisée (par exemple, traitement des délinquants;
(exemple : crime commis par un français en Italie ou inversement). Autrefois,
jours amende, médiation-réparation).
l'importance de ce droit était réduite. li s'intégrait dans le droit pénal général dans le
cadre de la loi pénale dans l'espace. Aujourd'hui, il n'en est plus de même. Le
C - La portée
développement des échanges internationaux favorise une criminalité internationale que
les États s'efforcent de résorber par des conventions internationales.
Cet aspect permet d 'opposer le droit pénal ordinaire et le droit pénal
Le domaine du droit pénal international détermine l'application des lois pénales
pénales dans
d 'exception.
Le droit pénal ordinaire est la partie du droit qui s'applique en temps ordinaire
l'espace et les modalités de la collaboration internationale dont les illustrations les plus
à l'ensemble des individus. li se caractérise à la fois par sa généralité et sa permanence.
marquantes sont l'extradition et les effets internationaux des jugements répressifs.
Le droit pénal d'exception ne vise que certaines catégories d 'individus, certains
Cette définition permet de le distinguer du droit international pénal ou droit pénal
types d 'infractions, ou a une application limitée dans le temps. Ce droit recou vre d eux
dans l'espace. li s'efforce de résoudre les conflits de lois et de
j~dictions
interétatique qui vise la répression des infractions contre le droit des gens. Ce droit est
catégories d e lois, les lois spéciales et les lois de circonstance.
apparu au lendemain de la seconde guerre mondiale, lorsqu'il s'est agi de juger les
grands criminels dangereux (tribunaux de Nuremberg et de Tokyo).
Malgré ce précédent, il faut reconnaître que l'idée d'un code pénal international et
44
G. Df MARINO, Le tribuna l international pénal R.l.D.P. 1993-1485 ; K. LESCURE e t F.
TRINTIGNAC, Une justice pour l'ex-Yougoslavie, éd . L'Harmatan, 1994.
4S
J. PRADEL, Droit pénal comparé, Dalloz 1995.
d 'une justice répressive internationale demeurent encore à l'état de projet. On
rappellera cependant que les atrocités développées dans l'ex-Yougoslavie ont conduit
�65
64
Tout d'abord des lois spéciales, qu'il ne faut pas confondre avec le droit pénal
spécial, comprennent, d 'une part, des lois extérieures au code péml et d'autre part, des
dispositions insérées dans le code, or u'elles apportent à des cas particuliers une
solution différente de ceUe qui est retenue en règle générale 46 et pour lesqueUes il est
SECTION II - L'ÉTUDE SCIENTIFIQUE DU
PHÉNOMÈNE CRIMINEL
fait application de l'adage "specialia generalibus derogant ". Vues sous cet angle, on parle
également de lois spéciales, en ce sens que ces lois, en concours avec une loi générale,
co~u~idéal d'infr;;;tions qui en limite la
Ce n'est que dans la deuxième moitié du XIXème siècle que se sont développées
portée.
En second lieu, les lois pénales de circonstance, appelées encore lois
diverses sciences crimineUes chargées d'explorer de façon scientifique tous les aspects
concrets du phénomène criminel et de proposer des mesures susceptibles d'agir contre
d'exception ou lois de combat sont destinées à écarter momentanément le droit
ce phénomène. L'importance de ces sciences n'a cessé d'augmenter au point qu'on a pu
commun pour instaurer un système répressif plus rigoureux (taxation des prix,
craindre un moment qu'elle n'absorbent le droit pénal. Leur connaissance s'impose à qui
juridictions d 'exception par exemple), afin de résorber une situation que l'on espère
veut comprendre le phénomène dans sa totalité (statistiques, psychiatrie, sociologie
momentanée. L'expérience révèle que le fugitif devient parfois permanent donnant
criminelle). On prendra garde cependant de ne pas négliger l'incidence des structures
naissance à un "nouveau droit commun" (R. GASSIN, chrono préc.).
politiques, ou des impératifs du moment, susceptibles de modifier parfois durablement
le
riment, réserve faite cependant du
l'aspect du phénomène criminel et son évolution. Parmi ces sciences, trois apparaissent
essentielles en fonction du but qu'elles poursuivent, une science d 'investigation: la
criminalistique, une science explicative: la criminologie, enfin une science d'orientation:
la politique criminelle.
§ 1 - LA CRIMINALISTIQUE
Elle peut se d éfinir comme l'ensemble des procéd és scientifiques et techniques qui
sont utilisés pour établir la preuve des infractions et l'identité de leurs auteurs. Elle
apparaît comme une discipline annexe de la procédure pénale comprenant des sciences
et des techniques diverses que nous exposerons sommairement.
A - La police scientifique
Elle a p our objet l'application d es sciences exactes et des connaissances
médicales et psychiatriques à l'administration de la preuve des infractions et de la
culpabilité d e leurs auteurs. Elle comprend trois branches.
1°) Tout d'abord l'anthropométrie criminelle,
EUe a pour objet la constatation de l'identité des malfaiteurs (BERTILLON) et de
leurs particularités physiques, complétée par la dactyloscopie que la génétique vient de
renou veler, tout récemment, par la technique d es empreintes génétiques, consacré par la
46
loi du 29 juillet 1994, relative au respect du corps humain et que le Comité National
R. GASSIN, Lois spéciales et droit commun, Dalloz 1961-91.
d'Éthique (avis 15 décembre 1989) réserve à quelques laboratoires spécialement agréés
�67
66
§ 2 - LA CRIMINOLOGIE
en raison de leurs compétences et désignés par un magistrat instructeur 47. La police
scientifique a réussi à éludder des crimes délicats.
2°) En second lieu, la médecine légale.
Dès sa naissance, la criminologie a connu un succès considérable. Elle a inspiré
de nombreux codes, dans le passé, (Italie, Norvège, U.R.S.s., Cuba) et son influence
Elle consiste dans l'application de l'ensemble des connaissances médicales visant
transparaît dans le N,C.P. (délit de mise en danger). Pourtant, au bout d'un siècle, le
la recherche de l'état mental des criminels, ou l' identification des personnes, ainsi que
concept même de criminologie est diffidle à cerner. A la limite, chaque criminologue a
les éléments de preuve touchant la constatation des infractions.
sa propre conception de la criminologie.
C'est la raison pour laquelle avant d'en préciser le contenu et d'en mesurer les
3°) La police scien tifique
Enfin, entendue dans un sens restrictif, est l'étude des divers procédés techrùques
tendant à la recherche et à l'arrestation des malfaiteurs (chimie-biologie etc ...). C'est
apports, il apparaît indispensable d'en limiter les contours.
A - Définitions
l'expertise (armes, traces, indices, etc. .. ).
On peut distinguer trois conceptions de la criminologie.
B - Les techniques policières
- A la fin du dix neuvième siècle, une conception très large
"totalisatrice" s'était imposée. C'était l'idée de FERRI pour lequel toutes les sciences
Elles représentent l'ensemble des procédés empiriques utilisés par la police dans
s'intéressant au phénomène criminel devaient être rangées sous le vocable crùninologie.
la conduite de l'enquête. Elles impliquent la connaissance du monde criminel
Le droit pénal bien entendu était absorbé par cette nouvelle science. C'est encore la
(indicateurs), l'utilisation de techniques criminelles, enfin une enquête crùninelle bien
conception de certains auteurs (STANCIU, SZABO) et de l'école américaine de
conduite. Le cinéma a largement diffusé ces techniques 48.
SUTHERLAND appelée "the nw criminology".
C - La psychologie iudiciaire
- Une deuxième conception, plus étroite, défirùt la criminologie
comme la .seule étude des causes du crimel. Cette conception, développée jadis par
-
------
CUCHE, est active en Europe. Elle présente l'inconvénient d' être tro réductrice.
Elle est la branche de la psychologie appliquée consistant dans l'application des
données de la psychologie sdentifique à l'établissement de la preuve en justice.
- Une troisième conception enfin défirùt la criminologie d' un
point de vue théorique et pratique. Elle comporte à la fois l'étude des causes du crime
En conclusion, la criminalistique présente le mérite de faire régresser le chiffre
(criminologie générale) et l' étude du traitement du délinquant (criminologie clirùque et
noir de la criminalité et d'éviter des erreurs judidaires (affaire Marie Besnard). En
criminologie préventive). C'est la tendance à laquelle se rattachent PINATEL et
revanche, les techniques utilisées doivent être accueillies avec prudence, car elles
GASSIN. Pour exposer cette conception, on peut préciser ce qu' elle n' est pas.
représentent un risque d 'atteinte aux libertés individuelles, (penthotal, écarté en droit
français; bandes magnétiques accueillies avec prudence par la Chambre criminelle,
puis condamnées par la Cour européenne des droits de l'homme 49 et réglementées par
la Chambre criTIÙnelle 50, puis par la loi du 10 juillet 1991 (art. 100 à 100-7 c.P.P.).
JO) Criminologie et Criminalistique
D'abord, bien évidemment, la criminologie ne se confond pas avec la
criminalistique qui est, nous venons de le voir, l'ensemble des techniques policières
utilisées pour la d étection des actes délictueux. C'est une scence probatoire.
47
J. BORRlCAND, Rev. in!. de pol. techn. 1989, p. 68.
48
G. DI MARINO, L' indicateur, in Problèmes actuels de science criminelle, PUAM 1990, p. 63.
49
24 avril 1990, affaire I<ruslin et Huvig, D. 1990-35.
50
Crim. 15 mai 1990, B. nO193.
2°) Criminologie et Droit pénal
En second lieu, la criminologie ne saurait absorber le droit pénal. Le droit pénal
édicte ce qui doit être, la criminologie ce qui est. L'un est normatif, l'autre positive. Mais
�68
69
il est incontestable que les idées criminologiques ont contribué à enrichir le droit pénal
pouvoir exécutif, alors que le criminologue considère que la répression doit s'exprimer
qui doi cependant conserver son indépendance.
dès l'instant que la dangerosité du sujet est révélée.
Cette intervention judiciaire traduit le ressenti populaire devant le crime (peine
al L'influence ik l..a criminologie 5.1JI. k Iillill.péna 1
de mort). La perception crirninologique est autre et il faudra beaucoup de temps pour
Elle s'explique par le fait que les recherches sur la genèse du processus criminel
que l'opinion publique se rallie à une politique criminelle d'inspiration criminologique.
sont très profitables au législateur et au juge.
Au niveau de l'incrimination, les études criminologiques ont
comportements inoffensifs (vagabondage) ou peu répréhensibles
0)
ré~é
que certains
30) Criminologie et Pénologie
(drogu~ alcoolisme)
prédisposent leur sujet au crime. Dès lors, le législateur sera amené à les réprimer, soit
La frontière est plus difficile à tracer entre la criminologie et la pénologie. Celle-
en imposant des mesures préventives de prophylaxie sociale pour empêcher les
ci étudie les fonctions des sanctions pénales, leur exécution appliquée à chaque
situations dangereuses d'exister, soit en élargissant le champ des incriminations
délinquant. C'est pourquoi, à la fin du XIXème siècle, on confondait ces deux
(vagabondage, mendicité, proxénétisme).
disciplines. Cette conception est consacrée aux États-Unis où la criminologie recouvre
Au niveau de la répression, la criminologie a permis au juriste de mieux adapter
deux domaines, l'étiologie criminelle et la pénologie. Cette analyse apparaît cependant
la sanction à la personnalité de l'auteur de l'acte. La peine, d'abord fixée d'après la
discutable dans la mesure où les techniques pénitentiaires constituent du droit positif.
gravité objective de l'acte, est aujourd'hui individualisée par le pouvoir souverain du
Seules les méthodes de traitement peuvent être rattachées à la criminologie par le biais
juge. C'est l'individualisation judiciaire de la peine. Le nouveau code pénal, en offrant
de la criminologie clinique.
au juge les pleins pouvoirs dans le prononcé de la peine, n'a pas jugé utile de maintenir
les circonstances atténuantes.
4 0 ) Criminologie
et Sociologie de la justice pénale.
po
Les mesures de sûreté, imaginées par les criminologues, ont été introduites dans
le droit positif (mesures d'assistance éducative: Ordo 2 février 1945; L. 15 avril 1954
Enfin une assimilation se fait souvent aujourd'hui entre la criminologie et la
sur les alcooliques; L. 31 décembre 1970 sur les toxicomanes), mais de façon timide,
sociologie de la justice pénale. En effet, un certain nombre de criminologues
car, lorsqu'elles se situent avant la commission de toute infraction, elles risquent de
contemporains estiment que seules les défaillances du système pénal expliquent la
compromettre les droits individuels. Cette exigence souligne la nécessité de sauvegarder
criminalité. On a parlé à ce propos de criminologie nouvelle. Cette conception
l'indépendance du droit pénal par rapport à la criminologie.
réductrice apparaît excessive dans la mesure où les défaillances du système pénal
n'expliquent pas entièrement la délinquance.
hl. L'indépendance d.JL droit pénal12-fU. rapport id..1l
Cette sociologie étudie les divers aspects de la réaction sociale contre le crime en
criminologie
tant que faits sociaux susceptibles d'être appréhendés par les méthodes de la
En effet, au niveau de l'incrimination, le juriste demeure fidèlement attaché au
principe de légalité, méconnu par les criminologues favorables au développement des
1
mesures "anle delictum ", c'est-à-{jire des mesures applicables à un individu avant qu'il
n'ait commis une infraction. D'autre part, les points de vue divergent sur la conception
de l'incrimination. Ainsi, le juriste réprime les infractions politiques, fiscales,
sociologie.
\~
~
La notion de criminologie étant ainsi limitée à l'étude des causes et des
mécanismes de la délinquance, il importe maintenant d'en préciser le contenu.
B - Contenu
économiques, indifférentes aux yeux du criminologue, parce qu'elles ne révéleraient
aucune perversité criminelle chez leurs auteurs. Pour le juriste, le temps est un facteur
d'oubli, ce qu'il n'est pas pour le criminologue "plus rancunier". Enfin, la conception
morale de la responsabilité de l'homme est étrangère au criminologue.
Cette opposition se retrouve au niveau de la répression. L'intervention du juge
est toujours nécessaire estime le juriste. Elle est une garantie contre l'arbitraire du
La criminologie contemporaine apparaît d'abord comme une science, mais elle est
aussi une méthode.
�71
70
JO> Une science
2°) Une méthode
Historiquement, la criminologie a utilisé les données fournies par différentes
La criminologie étant une science empirique, la méthode utilisée est inductive, en
sciences.
Par ordre chronologique, sont intervenues les sciences médicales, sociales,
ce sens que, pour cerner les causes de la criminalité, elle a recours à un éventail de
techniques que l'on peut situer à la fois sur un plan quantitatif et qualitatif.
Bien entendu, l'aspect quantitatif est d'abord représenté par les statistiques
psychologiques, contribuant à la formation de la criminologie générale.
- Les sciences médicales ont donné naissance à l'anthropologie
qui, née au milieu du XlXème siècle, a connu son plein essor avec le médecin italien
LOMBROSO, auteur de l'Homme criminel. Ce1ui-<:Ï a cru pouvoir déceler les stigmates
de la délinquance dans le fadés des malfaiteurs. Plus tard, la biologie criminelle s'est
attachée non à l'anatomie du sujet, mais à son système physiologique. Les découvertes
sur les glandes endocrines ont permis d'établir que le fonctionnement de celles-ci
exerçait une influence déterminante sur le système nerveux, le caractère, les impulsions
nationales et internationales qui, quelles que soient leurs imperfections, sont des
indicateurs de tendance. Ce qui est plus nouveau, ce sont les schèmes de pronostic et
les tables de prédiction qui ont pour fin d'évaluer les chances de délinquance ou de
récidive d'un individu déterminé.
Sur le plan qualitatif, les criminologues ont recours à diverses méthodes. On peut
dter les biographies de criminels, sujettes à caution, l'observation systématique des
délinquants et surtout les études suivies de cas (Follow-up-studies) qui permettent de
vérifier ce que deviennent les condamnés après l'achèvement de leur peine.
du sujet.
- Les sciences sociales ont contribué à établir l'importance du
C-Apports
milieu sur les causes de la délinquance. L'italien FERRI a été l'un des pionniers de la
Sociologie criminelle (ouvrage qui a été publié en 1881). Et ce sont des savants
La finalité de la criminologie est d'expliquer le phénomène criminel et de tirer de
américains (SUTHERLAND, SELLIN) qui ont entrepris des travaux sur l'influence du
cette explication des conséquences quant à l'efficacité de la prévention eldu traitement
milieu physique, démographique, économique, sodal.
de la délinquance. Mais la recherche des facteurs du crime ou criminogénès s'avère
-----
- Les sciences psychologiques ont ouvert la voie à la
délicate pour deux raisons. La première, valable pour toutes les recherches ou les
psychologie criminelle qui s'attache à la dynamique du crime; on s'efforce d 'expliquer
enquêtes est de savoir si l'échantillonnage des criminels est suffisarnm..ent représentatif.
pourquoi tel individu a commis telle infraction. Dans cette perspective, on parle de
La seconde, propre à la motivation criminelle est d'inventorier les facteurs pouvant
criminologie clinique, qui a pour objet l'étude individuelle du délinquant dans le but de
expliquer le franchissement de l'interdit et quelle priorité accorder à tel ou tel facteur.
- -
- --
Les recherches criminologiques se sont réalisées dans de nombreuses perspectives
déterminer les mesures qui sont susceptibles de l'éloigner d'une récidive éventuelle (R.
GASSIN).
Ainsi, ces diverses sciences ont conduit à une analyse de plus en plus profonde
avec des succès inégaux. Beaucoup d'explications apparaissent périmées, certaines
sont remises à la mode.
Chronologiquement, on peut d'abord évoquer les premières explications pour
de la personnalité du délinquant entreprise, cependant, avec des méthodes différentes
et avec un soud différent. La criminologie apparaît éparse. "Roi sans rr1!faume", à qui
exposer ensuite les explications modernes.
rien n'appartient en propre: tel se présente le criminologue.
-r:
Aujourd'hui, cependant, la criminologie apparaît comme une science autonome
dans la mesure où elle a un objet propre, l'étude positive du phénomène criminel. Mais
la question est discutée. Cela tient au fait que se sont développées des criminologies
JO) Les premières eJq1lications
Elles se sont faites dans trois directions, l'une anthropologique, l'autre
sociologique, la troisième plurifactorielle.
spécialisées. En ce sens, on parle de criminologie sociologique, psychologique ou
psychanalytique.
al ill facteurs anthropologiq.ues
Ce sont, sans doute, chronologiquement, les facteurs les plus anciens. Dès le
XVIlème siècle, des travaux de DELLA PORTA, LAVATER, GALL, se sont efforcés
d'établir un e corrélation entre la d élinquance et ses formes et certains traits
ana tomiques ou physiologiques des malfaiteurs, tandis qu'à la fin du XVlIlème siècle,
�73
72
des médecins (pINEL, CABANIS) tentèrent d'établir une autre corrélation avec la
- L'école sociologique de DURKHEIM est plus solide dans la mesure où elle
maladie mentale.
C'est, nourri de ces influences, que LOMBROSO a construit, à la fin du XIXème
établit une relation entre les conduites criminelles et la structure socio-culturelle. De ce
fait, la criminalité doit toujours être entendue par référence à la culture dans laquelle
siècle, sa théorie de l'homme criminel, d'après laquelle certains individus seraient
elle s'inscrit. D'autre part, DURKHEIM explique la conduite délinquantielle par
conduits au crime par une dégénérescence atavique résultant d'une série d'anomalies
l'anomie (a-nomos, sans loi), c'est-à-dire J'affaiblissement des normes sociales, théorie
crâniennes, analogues à celles que l'on trouve chez les vertébrés inférieurs. Ces
qui sera reprise par le sociologue américain MERTON.
individus seraient une survivance du sauvage primitif.
Ainsi, pour LOMBROSO, le délinquant se reconnaît par une série de stigmates
;<
cl11l théorie multifactorielle lk FERRI
anatomiques, physiologiques et fonctionnels, ainsi que sur le plan psychique par une
Elle constitue surtout l'explication la plus achevée. En effet, FERRI considère que
insensibilité morale. LOMBROSO partait du postulat évolutionniste selon lequel une
trois séries de facteurs agissent sur la délinquance. Ils sont d 'ordre biologiques,
conduite anormale aujourd'hui était normale jadis.
physiques et sociaux. D'où un classement des délinquants en cinq catégories. D'abord,
n n'est pas besoin de souligner les excès de cette théorie: postulat évolutionniste,
le criminel né, mis en lumière par LOMBROSO et le criminel aliéné, délinquants pour
travaux postérieurs non confirmatifs. L'anglais GORING a montré que le type criminel
lesquels les facteurs anthropologiques et biologiques sont prédominants et qui
n'existe pas. "L'examen du crâne permet de distinguer plus facilement un étudiant anglais
nécessitent une neutralisation. En second lieu, l'influence des facteurs sociaux permet
d'un étudiant écossais que de distinguer un délinquant d'un non délinquant".
de dégager trois autres types de délinquants. Les délinquants d'habitude, les
professionnels du crime qui nécessitent, eux aussi, une politique d'élimination, les
\:. hl W facteurs sociologiques
délinquants d 'occasion ou criminaloïdes, qui ont délinqué par accident et pour lesquels
Diverses explications ont été avancées.
une réinsertion sociale peut être envisagée, enfin, les délinquants passionnels (beaux,
- L'école géographique, (QUETELET ET GUERRY) ne doit être mentionnée que
bien faits, sympathiques), qui ne sont pas de vrais délinquants et pour lesquels la
pour mêmoire. Partant de la constatation que les crimes contre les propriétés
simple réparation du préjudice suffit.
J'emportent dans les régions du Nord et pendant les saisons froides, tandis que les
Si critiquable que soit cette classification, la théorie de FERRI a eu le mérite de
crimes contre les personnes prédominent dans les régions chaudes, les auteurs ont
dégager J'idée que le phénomène criminel est le produit de différents facteurs et, par là,
énoncé la loi thermique de la criminalité.
\ a ouvert la voie aux explications modernes.
- L'école socialiste de MARX et ENGELS est plus sérieuse dans la mesure où elle
prétend établir une corrélation entre le crime et le milieu économique. Pour la
doctrine marxiste, la criminalité est un sous-produit du capitalisme, appelée à
disparaître avec l'avènement du communisme. S'il est vrai que les périodes de crise
économique révèlent un fort accroissement de la criminalité acquisitive, on doit
reconnaître une certaine constante des autres formes de criminalité, quel que soit l'état
de la société considérée. Au surplus, dans les pays communistes, la criminalité n'a pas
disparu pour autant, bien au contraire.
2°) Les eX1'lications modernes
Pendant longtemps, les recherches ont porté sur l'étiologie de la délinquance et,
en particulier, sur l'identification des facteurs qui forment la pers onnalité
d élinquantielle. Mais, depuis une quarantaine d 'années, les observateurs se sont
tournés également sur le mécanisme du passage à l'acte. Dès lors, il apparaît
souhaitable d e distinguer, tour à tour, les facteurs prédisposants, puis les facteurs
déclenchants du passage à l'acte.
- L'école du milieu social de LACASSAGNE a souligné l'influence
prépondérante du milieu social dans J'étiologie criminelle. Théorie exprimée dans deux
formules célèbres: "Les sociétés n'ont que les criminels qu'elles méritent " et "le milieu social
est le bouillon de culture de la criminalité".
- L'école de l'interpsychologie de TARDE part du postulat que les rapports
sociaux sont régis par la loi de l'imitation que de ce fait chacun se conduit selon les
coutumes adoptées par son milieu. Explication valable pour les délinquants
professionnels, fragile pour les autres délinquants.
ru. w
facteurs prédisposants
n est difficile d'inventorier toutes les explications avancées depuis un siècle. On
peut, cependant, s'efforcer d'en rassembler la majorité autour de quatre pôles
d'attraction en envisageant successivement les explications corporelle, culturelle,
économico-politique et psychosociale.
�75
74
des modèles de conduites non utilitaires et négativistes (vandalisme, infractions
1) Explication corporelle
ludiques). Il s'agirait d 'une sous-culture de violence.
Des travaux récents ont mis l'accent sur l'hérédité pathologique (tuberculose,
- La théorie de l'anomie (du grec a nomos : sans loi), imaginée par DURKHEIM,
épilepsie) et ont révélé que la proportion de ce type de maladie est beaucoup plus forte
a été reprise par le sodologue américain MERTON (Éléments de théorie et de méthode
chez les délinquants que chez les non délinquants (une enquête effectuée au Centre
sodologique, 1965). La criminalité résulterait de l'affaiblissement ou de la disparition
National d'Orientation nous apprend que sur 1 296 condamnés, 50 % avaient des
des normes sociales qu'exerçait traditionnellement la société sur ses membres et qui ont
antécédents pathologiques). Tandis que l'hérédité alcoolique a souvent été relevée
tendance à se diluer avec le développement de la société de consommation.
comme facteur de délinquance (une enquête a révélé 83 % d'alcooliques chez les grands
- MERTON classe les individus en deux catégories. La première catégorie accepte
parents de malfaiteurs).
les normes sociales. S'y rangent, d'une part, les conformistes qui acceptent à la fois les
D'autres recherches se sont orientées vers la morphologie des individus:
buts et les moyens définis par la société, d 'autre part, les ritualistes qui sont des
classification de ICRETSCHMER distinguant les pycniques (large thorax, visage
résignés.
arrondi), les leptosomes (maigres), les athlétiques (forte pilosité) et les dysplastiques
(croissance retardée). Les théories constitutionnalistes
La deuxième catégorie comprendrait des individus qui contestent les normes
de DI TULLIO et de
sociales et qui se caractérisent par des procédés d'innovation, d'évasion ou de
l'inadaptation biopsychique de KINBERG considèrent que la délinquance s'explique
rébellion. L'innovation consisterait à utiliser des procédés interdits, mais efficaces pour
par des défectuosités biopsychiques constitutionnelles. Il y aurait des délinquants
parvenir à la réussite (exemple: hommes d'affaires). L'évasion s'exprimerait par les
par tendance.
inadaptés sociaux (clochards, hippies, marginaux). Enfin, la rébellion conduirait à
Enfin, les explications cytogénétiques doivent être mentionnées. Certains
l'infraction.
travaux auraient fait apparaître l'existence d 'un chromosome "Y" supplémentaire en
Cette théorie du contrôle sodal ne vise pas à expliquer le crime. Elle s'efforce
plus forte proportion chez les délinquants.
plutôt de rendre compte du respect de la loi. La question n'est pas quelle est la cause
2) Explication culturelle
du crime, mais plutôt pourquoi la plupart des gens se conforment-ils aux lois? 51
- Thorsten SEL LIN. Suédois enseignant aux États-Unis, très marqué par le
- La théorie de l'association différentielle de SUTHERLAND réalise une sorte
problème de l'immigration aux États-Unis, a développé en 1938 une théorie des
de synthèse de J'anomie et des conflits de cultures. Pour SUTHERLAND, le
conflits de cultures. D'après cet auteur, ce conflit apparaîtrait lorsque les valeurs
comportement criminel individuel n'est pas héréditaire. Il est appris au contact d'autres
morales et les normes de conduite sanctionnées par le Code pénal, sont en désaccord
personnes par un processus de communication 52 Pour ces auteurs, un individu ne
avec les valeurs et les normes adoptées par des groupes d'individus qui ont une
devient criminel que si, dans son milieu, la violation de la loi l'emporte sur son respect.
conception différente de la vie en société. L'histoire nous fournit des illustrations de ce
C'est dire l'importance du modèle parental.
genre d 'affrontements. Le système de la colonisation a mis en conflit la culture
,Y
européenne avec la culture indigène. Plus près de nous, l'attitude des milieux gauchistes
3) Explication économico-politique
Cette explication a été avancée, nous l'avons vu, par la doctrine marxiste, comme
contestant les structures de la société ou la délinquance tzigane en sont de bons
un des facteurs probables de la délinquance. Le rapport PEYREFITTE considère ces
exemples. Ainsi, la criminalité serait l'expression d 'un courant minoritaire en conflit
facteurs comme la cause prindpale de la criminalité. C'est qu'entre temps l'urbanisation
avec un courant majoritaire.
est devenue un fait de civilisation entraînant deux phénomènes successifs ou
- Dans cette perspective, a été développée par COHEN, autour des années 1960,
contemporains, la misère ou l'abondance, liés, soit à l'habitat, soit au niveau de vie. La
la théorie des sous-cultures délinquantes. Par opposition à la culture à laquelle
faillite des institutions pénales complète cette explication. Ces faits de société ont
adhèrent les membres du groupe sodal et par laquelle ceux-ci se sentent intégrés et
trouvé leur projection dans les doctrines conflictuelles.
valorisés, se développeraient des sous-cultures avec leur propre échelle de valeurs
offrant à leurs membres la valorisation à laquelle ils aspirent. Seulement, alors que la
culture dominante s'exprime par le culte du travail, le sens des responsabilités, la
51
CUSSON, La théorie du contrôle social et l'évolution de la criminalité in Problèmes actuels de
science criminelle 1989, p. 39.
52
Principes de criminologie, Cujas 1966, avec la collaboration de CRESSEY.
soctabilité, la sous-culture serait d'inspiration hédonistique, à court terme, favorisant
�77
76
• ùs faits de société
- L'habitat
La croissance de la population urbaine est générale. Pourtant, notre pays n'a
positive a été démontrée dans une enquête effectuée en Allemagne qui établit une
corrélation entre la montée du prix du seigle et l'accroissement des vols en Bavière. De
même, aux États-Unis, une corrélation entre la majoration du chômage et celle de la
criminalité a été soulignée.
connu qu'une urbanisation tardive. En 1930, 16 % des Français vivaient dans des villes
de plus de 1 000 habitants, contre 39 % d'anglais et 30 % d'allemands. Le rapport
En revanche, d'autres enquêtes, conduites aux États-Unis, montrent qu'une ère
PEYREFTITE a évoqué la "pathologie de la viIle".
Tout d'abord, la ville est agressive. La concentration urbaine développe les
de prospérité coïncide avec une forte délinquance. On a cru pouvoir trouver
interdits, les frustrations. La consàence de vivre dans un milieu agressif augmente avec
biens susceptibles d'être volés se restreint, ce qui n'est plus le cas en période
la diversité démographlque. Les désirs de violence sont plus forts. A Paris, plus d'un
d'abondance. En France, on a pu constater l'accroissement relatif du vol de voitures en
quart des personnes sondées avaient eu envie depuis plus d'une semaine de frapper
corrélation avec l'accroissement du parc automobile.
l'explication de cette contradiction dans le fait qu'en période de pauvreté, l'éventail des
quelqu'un, 3 % avouent s'être battues. Près de la moitié se disputent avec un membre de
Pour les marxistes, le droit représente la volonté de la classe dominante. li
leur famille. (Une étude réalisée aux États-Unis nous apprend que 2 % des américains
contribue à préserver les intérêts de cette classe. Dans la société capitaliste, les
ont utilisé une arme pour se défendre contre les cambrioleurs).
infractions ne sont que le produit des contradictions antagonistes de cette société de
classe caractérisée par l'exploitation de l'homme par l'homme.
En second lieu, la ville se révèle criminelle: Les grandes villes sont affectées par
la criminalité. Aujourd'hui, les 3/5 des actes délictueux sont commis dans la région
par l'édification d'un ordre social nouveau.
parisienne, le Nord, la Provence, Côte d'Azur. Marseille représente 70 % de la
Mais l'effondrement du bloc soviétique révèle l'importance de la délinquance et a
criminalité des Bouches du Rhône. Les études entreprises aux États-Unis nous
entrainé la mise en chantier de nouveaux codes pénaux dans la majorité des pays de
apprennent que le seuil optimum d'une ville serait de 220 000 habitants et que le taux
l'Est.
de criminalité croît avec la hauteur des étages (- 6 étages, 45 pour mille; + 6 étages 67
pour mille). 53
- Le niveau de vie
L'influence des facteurs économiques est controversée à la fois en criminologie et
sur le plan des idéologies politiques. Le marxisme attribue la criminalité au monde
capitaliste. Cette criminalité doit disparaître dans un système marxiste. Cette analyse
impliquerait qu'il soit prouvé que la criminalité dépend effectivement de la structure
économique dans les pays capitalistes. Les libéraux contestent cette analyse en
montrant que les pays les plus avancés dans la voie du socialisme n'ont pas fait
disparaître la criminalité.
Pourtant, l'enjeu n'est pas purement politique. Il présente un intérêt pour la
prédiction de la criminalité. Il apparaît, dès à présent, que la criminalité est
relativement faible dans les pays peu industrialisés, beaucoup plus forte dans les pays
53
La société socialiste, au contraire, doit permettre la disparition de la délinquance
Le nouveau Code pénal chlnois du 1er juillet 1979 définit le droit comme un
instrument de domination de la classe au pouvoir, son dépérissement n'étant prévu que
pour la future société sans classe que sera le communisme.
La doctrine marxiste vient d 'être renouvelée, il y a peu, par deux mouvements
doctrinaux nés aux États-Unis, la labeling theory et la criminologie radicale.
- La Faillite des Institutions Pénales
Le rapport PEYREFTITE en fournit trois illustrations.
Tout d'abord, on observe l'inefficacité croissante des services de police. Le
pourcentage des affaires élucidées reste très faible.
- Crimes et délits contre les personnes
77 %
- Stupéfiants
49 %
- Infractions économiques
80 %
industrialisés. Il y a donc, apparemment, corrélation entre le niveau économique du
14 %
- Vols
Mais, pour l'ensemble des infractions, le pourcentage des affaires élucidées qui
pays considéré et le taux de la criminalité. Pourtant, ce n'est pas certain. La relation
était de 61 % en 1955 est tombé à 32,53 % en 1992 (contra, au Japon, pour des
cf. SZABO, Crimes et villes 1960 : J. BORRICAND, Espace urbain et prévention de la
délinquance, R. S. C. 1990~22 ; Séminaire international de formation "La prévention de la
criminalité en milieu urbain et XXVllème Congrès de l'Association Française de Criminologie,
Aix~n-Provenœ, 29 septembre-S octobre 1991, PUAM 1992; Deuxième Séminaire International
de Formation, Aix-en-Provence, avril 1993, P.U.A.M. 1993.
infractions graves, le taux d'élucidation atteint 86 %).
li en résulte, en second lieu, une perte du crédit de la justice. Les sondages
révèlent que l'opinion publique a une mauvaise image de la justice. Justice est synonyme
�78
79
de lenteur. Les instructions s'allongent, les détentions provisoires représentent 40 % de
droit à la différenceS? Ainsi, plutôt que d'inadaptation de notre système répressif, il
la population pénale. Cet état de fait, "ce grippage de la machine judiciaire" 54 a une
serait préférable de parler d'une hypothèse d'éclatement des valeurs éthiques 58. Ces
double conséquence. Il conduit, d'une part, à un développement des polices
1\
divers faits de société contribuent à l'éclosion de doctrines explicatives nouvelles.
municipales et des agents de surveillance, le gardiennage représenterait plus d'un tiers
• Les doctrines conflictuelles
du personnel de la gendarmerie et de la police 55, ce qui peut être inquiétant, mais ce
qui l'est plus, c'est la renaissance de la justice privée. Ça et là éclosent parfois des
Ces doctrines, également fondées sur l'idée de domination de classe ou d'intérêts,
"milices spontanées". il contribue, d'autre part, à l'accroissement de la criminalité, la
ont fait leur apparition il y a trente ans. Il s'agit de la "labeling-theory" et de la
justice ne présentant plus d 'effet dissuasif pour les malfaiteurs.
La troisième illustration de la faillite des institutions pénales peut être trouvée
"criminologie radicale" 59.
- La labe ling theory
dans l'inadaptation de notre système répressif. D'abord, la pratique judiciaire est
Cette théorie est connue en France sous le nom de la théorie de la stigmatisation
souvent condamnable. On a démontré, depuis longtemps, la nocivité de la prison.
ou de l'étiquetage. Elle s'appuie sur l'observation d'après laquelle des appréciations
Pourtant, on n'hésite pas à emprisonner pour des délits mineurs. On a dénoncé les
négatives portées par les institutions et l'entourage immédiat de l'individu auraient
méfaits des amnisties généralisées. Pourtant, systématiquement le législateur y a
pour effet d'engager l'étiqueté dans une carrière déviante.
recours. On pourrait citer les peines de substitution trop systématiques, les grâces
Dans un ouvrage paru en 1963, BECKER pense, contrairement à la conception
médicales trop largement accordée 1ais, surtout, on soutient que le droit et les
traditionnelle qui voit dans la délinquance la violation de règles de conduite
institutions pénales ne se sont pas suffisamment adaptés à l'évolution de la société, si
préétablies, que c'est le groupe social qui élabore les interdits sociaux et applique ses
bien que les valeurs actuellement protégées par la loi pénale ne sont plus reconnues par
règles à certains en les désignant comme des déviants. Ainsi, la déyjance serait une
l'unanimité du groupe social ni même par sa majorité. Certes, des réformes ont essayé
création du groupe social en ce que c'est à la fois celui-ci qui élabore les interdits
de tenir compte de ce constat. On a dépénalisé l'avortement, l'émission de chèque sans
pénalement sanctionnés et qui applique les normes ainsi créées 60.
provision, l'adultère, l'homosexualité, le vagabondage ou la mendicité. En revanche, on
Pour ce courant interactionniste, c:: est le contrôle social qui mène à la déviance.
a incriminé le sexisme ou le racisme. Ces mesures illustrent le souci du législateur de
Cette analyse se situe aux antipodes de la théorie de DE GREEFF insistant sur la
suivre l'évolution des mœurs. Il est significatif que le nouveau code pénal ait placé en
structure délinquantielle et le processus du passage à l'acte. 61
premier la protection des personnes. Il arrive que le législateur précède l' évolution des
mœurs, (exemple : abolition de la peine de mort, en 1981).
- La criminologie radicale ou CIitique
Elle est née vers les années 1970 aux États-Unis et en Angleterre. Aux États-
Toutefois, on a pu contester l'explication de l'inadaptation de notre système
Unis, c'est l'École de BERKELEY (SCHWENDIGER, Tony PLATT). En Angleterre, ce
répressif. D'abord, il ne semble pas que ces réformes aient influé en quoi que ce soit sur
sont les représentants de la "New Criminology " (TAYLOR, Walter YOUNG). Ce
l'évolution de la criminalité. En second lieu, il n'apparaît pas qu'un consensus nouveau
mouvement a contaminé la France 62
se soit dégagé exprimant une nouvelle éthique sociale "A l'ancienne éthique sociale
D'inspiration marxiste, cette théorie a été en relation avec les mouvements des
uniforme a fait place, non pas une éthique nouvelle, mais une multiplicité de systèmes de
valeurs différents et souvent contradictoires assurés par de multiples minorités" 56. De
nombreux désaccords apparaissent dans de multiples domaines. Le droit à
droits civiques, les mouvements étudiants contre la guerre au Vietnam.
57
l'avortement a fait l'objet de polémiques passionnées. Les homosexuels réclament le
WEINBERGER, jAKUBOWICZ et ROBERT, Société et gTavité des infractions, R. S. C. 1976915.
58
R. GASSIN, art. préc. p. 46.
S9
cf. R. GASSIN, De quelques tendances de la criminologie anglaise et nord-américaine, R. S. C.
1977-249.
S4
R GASSIN, La crise des politiques criminelles occidentales, in P.U.A.M. 1985, p. 35
60
BECKER, Outsiders, studies in the sociology of deviance, 1963.
55
100 000, in OCQUETEAU, rapport sur la Prévention des occasions de vol Colloque Aix 4-5
décembre 1987.
'
"
61
CARBONNIER, Théorie de la stigmatisation et sociologie du droit pénal in XVlllème
Congrès Français de Criminologie, 18-20 octobre 1979 à Aix-€n-Provenœ, PUAM 1981.
56
R GASSIN, art. prée. p. 46.
62
FOUCAULT: Surveiller et punir, Gallimard 1975.
�81
80
)CI
Elle présente un double caractère (R. GASSIN, art. préc.). Elle se veut, à la fois,
explicative et militante.
4)
L'explication psychosociale
La conjonction de1'lusieurs phénomènes de société, l'appauvrissement des
rapports sociaux, l'effritement des valeurs morales, le poids des incivilités, peuvent
Caractère explicatif
L'action criminelle est l'acte politique par lequel le délinquant refuse l'organisation
expliquer l'accroissement de la criminalité qui s'inscrivent dans l'émergence d'un
sentiment d'insécurité.
sociale en place.
il faut faire une analyse sociologique et historique des systèmes pénaux des pays
C'est là un postulat de départ du rapport PEYREFITTE. Pourtant, ce sentiment
est moins vécu que ressenti. Si la majorité d'entre nous éprouve, en ce moment, ce
capitalistes dans une perspective marxiste.
La loi n'est pas neutre comme d'ailleurs son application; l'une et l'autre ne sont
sentiment, peu l'ont vécu. Une enquête révèle que 95 % des Français n'avaient pas subi
que l'expression et l'exercice de la domination des intérêts de la bourgeoisie sur le
d'attaque au cours du mois écoulé précédent l'enquête, et que 87 % n'avaient même pas
prolétariat. La criminologie radicale doit donc rejeter les définitions légales du crime
été témoins dans le mois d'un acte de violence. "La violence est ressentie comme lointaine
pour rechercher des définitions qui reflètent, au contraire, la réalité d'un système injuste
et indirecte ". Cette confusion entre le vécu et l'imaginaire s'explique sans doute par les
basé sur le pouvoir et les privilèges. Pour le couple SCHWENDIGERS, il faut redéfinir
médias. "La France a peur" avait dit un présentateur de télévision. Un phénomène
le crime comme la violation des droits de l'homme, définis dans une optique socialiste:
d'identification apparaît lors d'une prise d'otages ou de crimes crapuleux.
droit à la vie, à la nourriture, au logement, droit à la dignité et droit à la liberté. il en
TOCQUEVILLE ne disait-il pas déjà "Plus un phénomène désagréable diminue, plus ce
résulte un programme d'études entièrement renouvelé.
qu 'il en reste est perçu ou vécu comme insupportable". Ainsi, toute diminution du niveau de
violence s'accompagne d'une sensibilité accrue à la violence. Dans le même temps, le
Caractère militant
seuil de tolérance à la violence s'est abaissé. Les progrès de la médecine ont
Le criminologue radical doit être un homme d'action. il faut lutter pour le
désaccoutumé l'individu à la souffrance. Un sondage réalisé en 1989 auprès de 15 000
changement social et l'établissement d 'une société conforme à son idéal.
personnes fait apparaître un certain consensus sécuritaire dans la population 63 .
• L'appauvrissement des rapports sociaux
La conclusion sur l'intérêt de ces recherches peut être la suivante :
La concentration urbaine a développé l'individualisme qui entraîne trois
La "labeling theory " a contribué à éclairer le phénomène du passage à l'acte face à
conséquences.
une criminologie traditionnelle orientée vers l'étude de la structure de la personnalité du
Tout d'abord, la solitude apparaît. C'est la famille nucléaire qui rejette les vieux
délinquant.
dans des sortes de ghettos (maison de retraite) et oublie les jeunes avec le
Elle a également montré l'influence des institutions répressives sur la récidive (ce
développement de l'activité professionnelle des femmes.
qu'on savait déjà : la prison criminogène).
En second lieu, l'indifférence s'installe avec l'absence de civisme, le désintérêt
En revanche, il est abusif de parler de criminologie de la réaction sociale. Il est
pour la chose publique, le refus de s'engager.
contestable de dire que la déviance est liée à la qualité des actes incriminés par la loi.
Simplement, on peut admettre que différents aspects de la réaction sociale peuvent
Enfin, l'anonymat explique l'accroissement de la criminalité. A Paris 2/ 3 des
avoir une influence sur la formation de la personnalité des délinquants et sur la
malfaiteurs opèrent le jour. Cet isolement entraîne le repliement sur soi et des
constitution des situations pré criminelles.
habitudes de vie différentes. D'où le maintien de l'alcoolisme et la montée de la drogue.
De même, il est abusif de dire que les règles pénales ne sont que le produit de
• L'effritement des valeurs morales
groupes sociaux spécifiques qui détiennent le pouvoir politique et économique. Tout au
Ici encore, on observe la défaillance du sens moral et le développement de
plus, peut-on dire que c'est l'absence de règles pénales mises en place qui a pour origine
morales en marge.
tel groupe social au pouvoir (législation industrielle).
- La défaillance du sens moral est un élément souvent présenté surtout vis à vis
On peut faire les mêmes observations pour la criminologie radicale.
des jeunes. Plusieurs raisons l'expliquent.
63
I.H.E.S.I., Ca hier nO 1 avril-juin 1990.
�83
82
La déchristianisation a été avancée par certains (TARDE) tandis que FERRI
Outre l'ensemble de ces différents facteurs prédisposants, depuis longtemps
contestait ce facteur. Une enquête a révélé que les catholiques avaient tendance à être
répertoriés, il faut faire une place à ce qu'il est convenu d'appeler les facteurs
plus criminels que les protestants et ceux-ci. plus que les juifs. Une autre enquête
déclenchants.
effectuée dans l'Ouest de la France nous apprend le faible nombre d'homicides et de
~
vols, mais l'importance des délits sexuels.
La déscolarisation est également discutée. "Ouvrir une école, c'est fermer une
hl W facteurs déclenchants,
Assez curieusement, les recherches criminologiques ne se sont tournées que très
prison" disait HUGO. n ne semble pas que l'instruction ait une influence sur le volume
récemment sur ce qu'il est convenu d'appeler le passage à l'acte.
de la criminalité; en revanche, on dénote une influence sur la nature de celle-ci: des
C'est le Belge De Greeff qui a, le premier, perçu l'existence d'un processus
illettrés se cantonnent dans la délinquance violente, tandis que les plus instruits
complexe du passage à J'acte criminel et s'est efforcé d'en décrire les phases. L'intérêt
s'accomplissent dans la délinquance astucieuse (cartes à puces). Sans doute, une
de ses travaux est capital. Expliquer le mécanisme du passage à J'acte doit permettre
enquête effectuée au CN.O. sur 2.00S condamnés, révèle le faible degré d 'instruction.
de recenser les probabilités criminelles et de proposer des mesures préventives pour
Cela ne paraît pas probant, car il est bien connu qu'il est plus facile de détecter
empêcher la réalisation de ce passage à l'acte 66. A la suite de De Greeff, d'autres
l'infraction violente que J'infraction rusée.
auteurs ont proposé des processus d'interaction qui permettent de préciser, d'une part,
Le rôle des médias est également discuté. Pour certains, leur pouvoir est néfaste :
les conditions du passage à l'acte et, d'autre part, le mécanisme du passage à l'acte.
fragilisation des individus, pouvoir amplificateur de la télévision, etc .. Pour d 'autres,
1) Les conditions du passage à l'acte.
les médias sont bénéfiques : liquidation de J'émotion causée par le crime, (catharsis)
La soudaineté de la réalisation de J'infraction est en réalité l'aboutissement d'une
publicité nécessaire, contribution au besoin social de justice 64.
longue maturation variable selon la personnalité criminelle considérée 8
Les cannees éducatives sont, en revanche, dénoncées comme contribuant
selon la
situation criminogène.
fortement à J'acte criminel, qu'il s'agisse de familles dissociées, où la proportion de
délinquants qui en sont issus est plus forte, que de familles corruptrices susceptibles de
- La personnalité criminelle.
développer des conflits de culture (SELLIN) ou encore de familles déficientes.
Pour la préciser, on peut poser le problème à l'envers et s'interroger sur la
Le développement de morales en marge
personnalité non criminelle. Qu'esH:e qui empêche le non délinquant d~sser à l'acte?
n apparaît comme une autre illustration de l'effritement des valeurs morales.
La crainte du châtiment, la déconsidération familiale ou sociale, la pitié pour la
D'abord, les marginaux représentent aujourd'hui une philosophie et une idéologie.
victime, le sentiment de l'immoralité de l'acte représentant, autant de freins qui, chez le
Le marginal rejette l'individualisme pour retrouver le sens de la communication
délinquant, n'ont pas joué. PINATEL énumère 4 composantes de la personnalité
primitive. Ensuite, la formation de bandes occasionnelles constitue un facteur de
criminelle : l'égocentrisme, la labilité, l'agressivité, l'indifférence affective 67.
criminalité. Chez les jeunes, la loi de J'imitation accélère le processus délinquantiel.
- La situation criminogène.
Chez les adultes, le terrorisme en est aujourd'hui une illustration.
Le crime ne suppose pas seulement un certain type de personnalité, il implique
Enfin, le milieu ou plutôt des milieux différents se sont constitués (drogue,
également l'existence d'une situation pré-criminelle. Pour SEELIG "le milieu s'est avéré
terrorisme, fausse monnaie).
jouer un rôle décisif dans le déclenchement des actes criminels, dans leur date et dans leur mode
• Le poids des incivilités, (dégradation de boîte aux lettres ; groupe de jeunes
d'exécution ".
agressifs; vitres brisées ... ) constitue d'a près des recherches américaines récentes, une
Pour cet auteur, toute situation pré-criminelle comporte, d'une part, un ou des
cause inéluctable de la croissance de la délinquance. "Elles manifestent par leur nombre et
événements qui ont suscité la formation du projet criminel dans l'esprit du délinquant
leur permanence, le lâcher prise dans les institutions et de la collectivité su r les questions
d'ordre public" 65.
et, d'autre part, des circonstances qui ont entouré la préparation de l'exécution du
crime.
64
d . LEAUTE, Criminologie PUF 1972, p. 396.
66
E. De Greeff, introduction à la criminologie, 1947.
65
s. ROCHÉ, Le poids des incivilités, Le Monde 31 mai 1995.
67
J. PIN ATEL, La criminolog;e, '2ème éd.
�84
85
L'événement varie selon les individus, il peut être important -l'état de misère- ou
idée. Puis, vient la phase de la crise au cours de laquelle l'agent accepte à la fois le
insignifiant -un geste mal interprété-. Il peut y avoir succession d'événements (scènes de
risque et la honte du crime et où il passera à l'acte, parfois à la suite d'un fait minime.
ménage). Ces circonstances sont des faits plus ou moins recherchés par le futur
Enfin, la phase du dénouement traduit un changement d'attitude. Le délinquant peut
délinquant qui le mettent en situation de réaliser son projet criminel (se trouver seul
manifester, selon les cas, soulagement, regrets, joie... 68.
avec la victime, avoir accès à un tiroir caisse). CUSSON a dégagé le facteur
Le processus a été notamment étudié dans le crime passionnel où l'on trouve la
d'opportunité. L'existence de ces circonstances est décisive dans le passage à l'acte.
présence de deux autres processus. Un processus de réduction qui consiste à ramener
Sans elles, le projet criminel n'aurait pu se concrétiser et, avec l'écoulement du temps, se
sa victime au rang d'abstraction et un processus suicide se caractérisant par un
résorber. Aussi, convient-il de développer les mesures de prévention (système d'alarme,
désengagement de l'agent devenu indifférent à son propre sort.
blindage de portes, îlotage), pour éviter l'émergence de telles circonstances.
Pour le vol, De Greeff observe que presque tous les voleurs justifient leur acte par
I<INBERG s'est efforcé d'inventorier trois types de situations pré-criminelles;
l'injustice du monde.
d'abord, les situations spécifiques ou dangereuses se caractériseraient par le fait que
- Le drift de David MATZA
l'occasion de commettre une infraction habite en permanence l'agent (jalousie). En
Pour ce sociologue américain69, l'action criminelle ne serait pas liée à des facteurs
revanche, les situations non spécifiques ou amorphes impliqueraient que l'occasion de
endogènes ou exogènes, mais résulterait du libre choix du délinquant, aux termes d'un
commettre un délit n'est pas présente mais doit être recherchée (acquisition d'outils,
processus de flottement , de laisser aller, de "drift ". La négation de la culpabilité et le
reconnaissance des lieux). Enfin, il y aurait les situations mixtes où l'occasion de
sentiment d 'injustice subie trouveraient leur fondement à la fois dans notre système
commettre le crime est donnée à l'individu, sans qu'il ait à la rechercher mais sans pour
répressif (légitime défense, cause de non imputabilité, force majeure, mécanismes
autant qu'il y ait corrélation entre l'agent et la réalisation de l'infraction (ex.
d'exonération de la responsabilité de l'agent largement exploitées) et dans notre
exécutants).
système culturel où la responsabilité de la société, des parents est souvent soulignée.
~
2) Le mécanisme du passage à ['acte.
D'où un sentiment de fatalisme. Mais cette explication de la délinquance n'a été
envisagée par MA TZA qu'à propos de la délinquance juvénile.
Pour expliquer le franchissement de l'interdit, plusieurs explications ont été
Ces diverses recherches ne sont pas purement dogmatiques. Elles présentent de
proposées, on peut en retenir trois :
- Le processus de maturation criminelle de SUTHERLAND trouve sa source
multiples intérêts. Sur un plan immédiat, elles permettent une meilleure différenciation
dans une situation spécifique, c'est-à-dire non dangereuse, celle dans laquelle l'occasion
des criminels, une meilleure connaissance de la délinquance juvénile, grâce à MATZA,
doit être recherchée par l'agent. Ce type de passage à l'acte comporte deux éléments :
une meilleure approche de la tentative punissable, grâce aux travaux de De Greeff.
Sur un plan plus général, et cela est valable pour tous les auteurs, leurs travaux
tout d'abord, l'adoption délibérée de la carrière criminelle par l'agent, en second lieu,
l'acquisition des techniques nécessaires à l'exercice de son activité coupable.
devraient permettre de mieux orienter les politiques de prévention.
SUTHERLAND cite le cas d'un caissier qui, éprouvant des difficultés financières,
t
"emprunte ", mais n'a plus la possibilité de restituer l'argent. Dans d 'autres cas, le
§ 3 - LA POLITIQUE OUMINELLE.
processus est plus rapide (malfaiteur professionnel).
- Le processus d'acte grave de De GREEFF trouve, au contraire, son point de
Cette expression, inventée par le pénaliste allemand FEUERBACH, au début du
départ dans une situation spécifique ou dangereuse. L'occasion de l'infraction n'a plus
19 ème siècle, a été utilisée, depuis lors, dans des sens différents. On peut la définir,
à être recherchée par l'agent. Elle est présente et domine sa vie. Ce processus
tout d'abord, comme étant l'organisation de la luite contre la criminalité dans un État
comprendrait quatre étapes. La première serait celle de l'assentiment inefficace, où
donné à un momen t d onné. Mais on entend, également, par là, les politiques
l'agent enregistre l'idée du crime, mais ne la fait pas sienne en tant que projet. Il accepte
criminelles effectivement appliquées par les États. On parle ainsi de politique
l'idée d 'une disparition de la victime (lassitude d'un conjoint à l'égard de son
criminelle, lib érale, autoritaire. C'est le Français DONNEDIEU de VABRES qui,
partenaire). C'est ce que les psychiatres appellent le deuil anticipé. La deuxième phase
est nommée phase de l'assentiment formulé au cours de laquelle l'agent commence à
concevoir son propre rôle dans l'accomplissement du crime, tout en résistant à cette
68
De GREEFF, Introduction à la criminologie, 1947.
69
Delinquency and drift,
J. Willeyandson, 1982.
�87
86
publiant en 1938 "lA politique criminelle des États autoritaires", a donné l'impulsion à
coordonner ces actions 71. Le gouvernement JUPPÉ a préféré répartir entre divers
cette disàpline nouvelle qui se fait connaître par les "Archives de politique criminelle" et
ministères cette politique de prévention.
de nombreux colloques. Ces travaux font apparaître la difficulté de définir le contenu
Le degré de criminalité d'une société est fatalement fonction des facteurs
de la politique criminelle et révèlent que toutes les sociétés occidentales connaissent une
criminogènes du milieu et de leur action sur les facteurs criminogènes tenant à la
crise des politiques criminelles 70 •
personnalité des individus. La difficulté est de dégager les mesures à prendre. Il est
certain, par exemple, que la construction des grands ensembles développe des bandes
A) Le contenu de la politique criminelle
d'adolescents livrés à eux-mêmes et portés à la délinquance, et que le maintien des
taudis entretient certains délits sexuels. En revanche, on peut s'interroger sur l'action
Apparemment, la politique criminelle ne se distingue pas du droit pénal puisque
néfaste ou bienfaisante de la pornographie. Jusqu'à ces derniers temps, les conventions
la lutte contre la criminalité se situe sur deux plans, celui des incriminations: apprécier
internationales luttaient contre le développement des publications obscènes. Mais
le caractère délictueux de tel ou tel comportement, celui des sanctions: juger quelle est
d'éminents criminologues prétendent qu'une libération en ce domaine, loin d'entraîner
la meilleure.
Cependant, elle s'en sépare, car la politique criminelle est l'ensemble des
une aggravation de la criminalité, est de nature à amener une diminution de celle-à. On
moyens orientés vers la lutte contre la criminalité. Or, le droit criminel n'est qu'un de
certains films.
peut poser une interrogation du même ordre pour l'influence corruptrice ou non de
ces moyens. A côté, la politique criminelle envisage des mesures dites de prophylaxie
Le problème est amplifié par le fait qu'entre dans les politiques criminelles une
sociale (ex. BECCARIA suggérant l'éclairage des rues pour lutter contre la criminalité).
part d'opportunisme qui adopte des solutions particulières en contradiction avec le
f' Les moyens d'action de la politique criminelle apparaissent extrêmement
système d 'ensemble de la politique criminelle et que toute politique criminelle est
étendus.
(
Tout d'abord, elle dispose de tout l'arsenal des incriminations et des sanctions
fonction des conceptions politiques et sociales générales. Toute politique criminelle d 'un
\ pénales. La politique criminelle commande un élargissement des faits délictueux et un
toujours conduite par des hommes d'expérience "quand ... sortira-t-elle enfin du
État dépend de la politique suivie dans les États voisins et peut-être n'est-elle pas
néolithique? " s'écrie un auteur n
assouplissement des conditions d'incrimination qui s'étendent au droit des affaires, au
droit économique. Quant aux sanctions, l'accent est aujourd'hui mis sur des mesures
B - La crise de la politique criminelle
non corruptrices (sursis, libération conditionnelle, etc.) et sur des mesures de sûreté
(retrait du permis de conduire à l'encontre des alcooliques, fermeture d'établissement,
retrait de licences).
11 est manifeste, aujourd'hui, que les politiques criminelles des pays occidentaux
En second lieu, la politique criminelle comprend des mesures de prophylaxie
sont devenues incapables de remplir la fonction essentielle pour laquelle elles ont été
sociale. FERRI qualifiait déjà ces mesures de "substituts pénaux" et voyait en elles un
créées: "elles n'assurent plus un contrôle satisfaisant de la criminalité" (R. GASSIN, art.
remplacement souhaitable des peines traditionnelles. Depuis une dizaine d'années, la
préc. p. 25).
politique d
rev
tion, tous azimuts, s'est développée sous l'impulsion de G.
Depuis une trentaine d 'années, la criminalité !l'a cessé d'augmenter_dans des
BONNEMAISON et avec la création du Conseil National de Prévention de la
proportions allant de 200 % à 1000 % selon les crimes.
Délinquance, des conseils départementaux et communaux et plus récemment la
délégation interministérielle à la ville (DIV) qui entend développer une politique de
prévention en milieu urbain en luttant contre l'illétrisme, l'exclusion, le chômage, la
drogue, etc. .. Le Ministère de la Ville, créé en décembre 1990, entendait maintenant
71
J. BORRICAND, La nouvelle politique française de prévention de la délinquance en milieu
urbain, in Problèmes actuels, 1992-23 ; XXVII, Congrès de l'Association française de
criminologie, Aix, 4-5 octobre 1992 : La prévention de la criminalité en milieu urbain, PUAM,
1992.
72
70
Ch. LAZERGES, La politique criminelle, Que sais-je? 1990 ; D. SZABO, Criminologie et
politique criminelle, Vrin 1978.
R. GASSIN, la criminologie et les tendances modernes de politique répressive, R.5 .C. 1981,
279;'Ch. LAZERGES, Les problèmes actuels de politique criminelle, in Problèmes actuels,
1992,90.
�88
89
On peut avancer plusieurs hypothèses d'explication de cette crise. Tout
d'abord, on observe une inflation des lois pénales 73 conduisant à une sorte de
banalisation des comportements délinquantiels. En second lieu, on constate une
dégradation progressive du taux d'efficacité des services de police et de justice
(/j (
(allongement des procédures, détentions provisoires entretenues, dépénalisation
développée). Ensuite, rappelons l'éclatement des valeurs morales. Enfin, la sanction
pénale ne paraît plus adaptée. Les méthodes de réinsertion sociale sont des échecs74 .
CHAPITRE III: HISTOIRE DE LA REACTION SOCIALE
CONTRE LE PHÉNOMÈNE CRIMINEL
Les programmes de prévention mis sur pied ici ou là, (Oücago Area project de Chicago
en 1934 pour la délinquance juvénile), les campagnes publicitaires n'ont pas donné les
résultats attendus (campagne anti "été chaud" : déplacement de la criminalité).
\
Devant ce constat d'échec, le problème qui se pose est de savoir comment sortir
\ de la crise et si cela est possible. L'histoire de la réaction sociale contre le phénomène
criminel peut nous fournir des réponses. C'est ce qu'il convient maintenant de vérifier.
Sans entrer dans les controverses relatives à l'histoire de la justice pénale, on
peut supposer que la réaction sociale contre le phénomène criminel remonte à des
temps très anciens. D'abord, brutale et désordonnée, cette réaction
s'est
progressivement humanisée. A l'origine, la part des religions était très importante. Puis,
avec l'affermissement de l'État, celui-ci va codifier la mesure de cette réaction. Sous
l'influence des philosophes, la réaction sociale prend un autre aspect, elle devient
LECTURE
rationnelle. Une nouvelle politique criminelle à caractère humanitaire est mise en place.
R GASSIN, Criminologie, 3ème éd. 1995.
Ce n'est qu'à la fin du 19 ème siècle que s'ouvre une 3° étape, dans laquelle nous nous
C. LAZERGES, La politique criminelle, Que sais-je? 1980.
trouvons actuellement, qui est celle des réactions scientifiques, fortement influencée par
des mouvements doctrinaux.
Bien entendu, cette évolution n 'est pas linéaire, ni irréversible. Les pulsions
instinctives demeurent. Elles sont parfois inscrites dans le droit (ex. la légitime défense,
art . 122-5 c.P. ; l'arrestation en cas de crime flagrant, art.73 c.P.P.) ou l'étaient, il y a
peu, (peine de mort), ou affleurent parfois à la surface du vécu (autodéfense). D'autre
part, des impératifs opportunistes liés à des périodes de crise ont pu contrarier cette
évolution . Globalement, cependant, on peut décrire l'histoire de la réaction soàale en 3
phases successives :
- phase d es réactions instinctives
- phase des réactions rationnelles
- phase des réactions scientifiques
73
DELMA>-MARTY, L'inflation pénale, rapport au 6 ème Congrès françai s de droit pénal,
Montpellier, 7-9 novembre. 1983.
74
CUSSON, le contrôle social du crime, P.U.F. 1983 ; Délinquants, pourquoi ? Colin 1981 ; Le
contrôle social du crime, P.U.F. 1983; G. PICCA, La criminologie, Que sais-je, 1983.
�90
SECTION 1 - LA PÉRIODE DES RÉACTIONS
INSTINCTIVES
Cette période se développe des origines jusqu'au milieu du 18 ème siècle. Elle se
caractérise par une réaction brutale et spontanée contre le crime.
Dans le schéma habituellement présenté, la réaction sociale serait passée par
deux étapes successives, celle de la réaction privée, puis celle de la réaction publique,
encore que cette chronologie soit aujourd'hui remise en cause par nombre d'auteurs.
§ 1- LA RÉACfION PRIVÉE
Cette phase s'exprime par le passage insensible de la vengeance privée à la
justice privée.
A) La vengeance privée
Elle s'est maintenue, tant que l'État n'était pas constitué ou assez fortement
établi. Cette vengeance, sentiment inhérent à la nature humaine, s'exprimait, soit dans
le cadre familial, le chef de famille châtiant le coupable, soit dans le cadre du dan, tous
les membres tenus d 'un devoir moral de vengeance, sans tenir compte de la
responsabilité. D'où des luttes incessantes que seule l'existence d 'un État pouvait
canaliser.
B) La justice privée
Cette phase a pour objet de mettre un terme à l'exercice de la fo rce brutale. L'État
apporte une triple série de restrictions : dans l'exercice de la vengeance, l'État limite
les sujets actifs et passifs du droit de vengeance. Celui-ci ne peut plus être exercé que
par certains proches parents et, en cas d'abandon noxal, c'est-à-dire de livraison du
coupable à la famille de la victime, la vengeance ne peut frapper que le coupable ; dans
le degré de la vengeance : le système des compositions pécuniaires permet à la victime
de recevoir une indemnité, d'abord libre, puis tarifée; dans les modalités de la
vengeance: dans l'espace (droit d'asile) et dans le temps (trèves, paix d e Dieu).
�91
92
Les ethnologues actuels contestent la chronologie, vengeance privée, justice
A-Fond
privée. Dans beaucoup de peuples, la vengeance a cohabité avec la composition
pécuniaire. 7S
Tout d'abord, l'arbitraire domine dans tous les domaines. Mais le sens du mot
Le système accusatoire illustre cette période de la réaction privée. Il est
arbitraire doit être compris comme choisir la peine la plus adaptée à l'exigence du cas
l'expression d'une lutte, qui oppose deux adversaires. Dans sa forme primitive, il se
(arbitrer la peine).
rapproche étroitement du procès civil, car les sanctions prévues ne lui sont pas
On doit souligner tout d'abord le caractère hétérogène des sources du droit
spécifiques. il se caractérise par les traits suivants. Tout d'abord, accusateur et accusé
pénal, malgré les efforts de codification (ordonnance de 1670), codifiant la procédure
sont placés sur un pied de complète égalité "Ils tiennent prison tous /es deux" . il faut un
pénale.
accusateur pour saisir le juge, la victime ou un membre de sa famille. Il n'y a pas
Ensuite cet arbitraire se manifeste à différents niveaux :
d'accusateur public. En second lieu, la procédure est orale, publique, contradictoire.
- Arbitraire du Roi qui, disposant de la justice retenue, pouvait mettre fin à la
L'accusateur fait valoir ses preuves, l'accusé les discute, le procès est la chose des
peine par des lettres de rémission, comme infliger lui-même les peines selon son bon
parties. Enfin, de ce fait, le juge est dépourvu de toute initiative, il est neutre. C'est un
plaisir (lettres de cachet).
simple particulier, chargé d'écouter et de constater les preuves qui lui sont présentées.
- Arbitraire du juge, doté cfe pouvoirs très larges dans la définition des
Ces différentes caractéristiques assurent à la défense des garanties. Mais les
infractions. Celles-ci consistent, non seulement, dans des actes positifs, mais,
inconvénients sont évidents : impunité favorisée, passions déchaînées, moyens de
également, dans des attitudes purement internes (athéisme, hérésie, déviations
preuve primitifs (ordalies, duels). Pas d'accusation, pas de procés.
sexuelles sans publicité) et, d'une façon plus générale, dans tout manquement aux lois
divines ou naturelles. Enfin, la responsabilité pénale repose sur l'idée de responsabilité
§ 2 - LA RÉACTION PUBLIQUE
morale inspirée par l'Église. De ce fait, seuls les actes volontaires sont sanctionnés. "II
ne peut exister de pêché sinon volontaire" (Saint-Augustin).
Mais, le juge a toute latitude pour disposer des circonstances atténuantes selon le
L'affirmation progressive de l'État, la référence au droit romain va permettre la
cas.
reconstruction de l'État royal et le triomphe du droit pénal public.
Mais, l'arbitraire se manifeste, aussi, dans le système répressif 76, car le juge
il est bien certain que la transition a été insensible. Elle s'est opérée, notamment,
peut choisir n'importe quelle peine pourvu qu'elle soit "en usage dans le royaume".
par la reconnaissance, de plus en plus large, des délits publics à côté des délits privés.
Au XVIO siècle, cette substitution était réalisée. Certes, l'idée de vengeance n'avait pas
En effet, le système répressif se caractérise par sa finalité et par sa rigueur. La
disparu, mais elle était devenue sociale. D'autre part, l'Église développait la
finalité de la peine est, d'abord, son exemplarité. En punissant le délinquant, on
responsabilité individuelle, humanisait les prisons, mais la justice rendue par les
rappelle à la raison ceux qui seraient tentés de les imiter. L'exemplarité apparaît
ecclésiastiques perdit peu à peu ses justiciables et fut absorbée par l'autorité royale.
évidemment dans la cruauté de certains supplices mais aussi dans la publicité qui leur
Des traits essentiels dominent la phase de la réaction publique, respectivement, au
est donnée. Les exécutions capitales ont lieu en plein jour, parfois devant la maison de
fond et dans la forme.
la victime, parfois en effigie (pilori). La sécurité publique est un deuxième but visé par
la peine. Le bannissement éloigne les indésirables. L'enfermement les cloître. Les
mendiants sont systématiquement incarcérés. Un auteur définit ainsi la prison : "Prison
est un lieu public destiné à garder les criminels et aussi quelquefois les deôiteurs dans les cas où
ils se sont obligés par corps . Les prisons ne sont établies que pour garder les criminels et non
pour les punir" n Enfin, la peine représente l'espoir d'un amendement 78. L'influence
75
N. ROULAND, les modes juridiques de solution des conflits chez les !nuits - Études Inuit
'
numéro spécial, p. 3 - 1979.
76
LAING ur, L'homme criminel dans l'Ancien Droit, R.S.c. 1983-15.
77
FERRIERE, Dictionnaire de droit et de pratique
78
LAINGUI et LEBIGRE, Histoire du droit pénal, Cujas 1979, p.I22.
VO Prison,
1769.
�93
94
de l'Église est manifeste sur ce point. la prison doit permettre la réflexion, le repentir,
l'instinct de vengeance (réserve faite de la politique pénale de l'Église) une politique
l'ouverture à la grâce divine.
la rigueur des peines n'a pas à être soulignée. il n'y a pas de peine moyenne. la
criminelle fondée sur la raison.
peine capitale est encourue naturellement pour le meurtre ou l'empoisonnement, mais
utilitariste, illustré par BECCARIA et BENTHAM, a exercé une grande influence sur les
aussi pour l'inceste, la sodomie, le suiàde, le vol en réunion.
législations révolutionnaire et napoléonienne.
Chronologiquement, trois courants prinàpaux animent cette période. Un courant
Puis, le début du 19 ème siècle a été marqué par la doctrine de la justice absolue
B.Forme
Le système procédural est inquisitoire. il est dominé par la formalité initiale de
qui, à l'inverse, n'a guère influé sur le droit positif.
ri
Enfin et surtout, l'école classique a do iné le droit pénal jusqu'à l'apparition des
idées positivistes à la fin du 19 ème siècle.
l'enquête (inquisition) qui traduit le contrôle étatique dans le procès. D'où les traits
suivants. L'initiative des poursuites est laissée à un magistrat professionnel, le
§ 1 - L'ÉCOLE UTILITARISTE
ministère public. la victime et les tiers ne jouent plus qu'un rôle secondaire dans la
mise en mouvement des poursuites. La procédure est secrète, écri te, non contradictoire,
tant au cours de l'instruction qu'au cours des débats. Les preuves sont étroitement
Assez curieusement, les critiques contre le système répressif français sont venues,
réglementées, c'est le système des preuves légales, qui ne laisse au juge aucune liberté
d'abord des philosophes français (d'ALEMBERT, MONTESQUIEU, ROUSSEAU),
d 'appréciation. L'aveu est la reine des preuves, ce qui assure à la répression une très
mais surtout de deux étrangers, l'Italien BECCARIA et l'Anglais BENTHAM dont les
grande efficacité, mais compromet les intérêts de la défense puisque, pour obtenir
idées devaient recevoir consécration dans le droit positif.
l'aveu on a recours à la torture.
On conçoit que de tels excès aient suscité de sévères critiques, parfois injustifiées
A - Les idées
d 'ailleurs (50 % de non-lieu) de la part des philosophes du XVIIIème siècle, traumatisés
)
par des affaires célèbres (Calas), encore que certains d'entre eux aient célébré les vertus
10 ) BECCARIA publie en 1764, à l'âge de 26 ans, son Traité des délits et des
des travaux forcés et de la déportation en pays lointains pratiquée par l'Angleterre et
peines, qui connaît, dès sa parution, un immense succès. Cet ouvrage est exalté par
la Russie contre leurs criminels 79. Ces critiques ont ouvert la voie à la période des
l'avocat général SERVAN dans son discours de rentrée devant le Parlement du
réactions rationnelles 80.
Dauphiné, mais contesté par JOUSSE et MUYART de VOUGLANS.
Le droit pénal contemporain s'est construit à partir d' une critique globale du
droit de l'Ancien Régime.
A partir d'une critique du système répressif français, BECCARIA propose une
politique criminelle entièrement nouvelle.
il s'affirme comme le champion de l'utilitarisme, c'est-à-dire qu'il fait ressortir que
l'effet d'intimidation est mieux réalisé par la certitude d~:;:h-;â~t--:-e
im ~n-:t~uC-:e-----:---'--
SECTION II - LA PÉRIODE DES RÉACTIONS
RATIONNELLES
~
peine est une mesure dictée par l'utilité sociale. Une peine modérée à laquelle
on ne peut échapper a plus d'effet préventif qu'une sanction atroce dont l'application
est incertaine si la grâce, la prescription, l'arbitraire du juge ou du Roi s'y appliquent. il
condamne, d'ailleurs, la rigueur des peines et la torture et l'idée d 'amendement est
Cette période s'ouvre vers le milieu du 18 ème siècle et s'étend jusqu'à la fin du
XIXème siècle. Elle peut être qualifiée de rationnelle dans la mesure où elle substitue à
sous-jacente.
En second lieu, il développe la prévention générale. On cite, souvent, l'exemple
qu 'il donne d'une rue mal éclairée, infestée de malfaiteurs. BECCARIA propose
l'éclairage de la rue pour réduire le taux de la criminalité.
79
LAINGUI et LEBlGRE, op. cit. p. 124.
80
N. ROULAND, L'anthropologie juridique, Que sais-je? ; LAlNGUI et LEBlGRE, Histoire du
droit pénal, Cujas 1979.
Enfin, BECCARIA combat l'arbitraire en soumettant les délits et les peines à une
prévision et à une
déterminati~n
légale et en cantonnant le juge dans le rôle d'arbitre,
chargé de départager la loi et l'inculpé.
�96
95
r) Comme BECCARIA, l'anglais Jérémie BENTHAM (1747-1832), auteur de la
Théorie des peines légales, du Panoptique et du Traité de législation civile et pénale, est
application ce principe (loi des 19-22 juillet pour la police municipale et
correctionnelle; loi du 25 septembre et 6 octobre 1791 pour les crimes).
un utilitariste. Mais c'est un utilitarisme pur, non teinté d'humanisme.
TI part de cette idée que l'homme est égoïste, mû par son intérêt. La répression ne
doit intervenir que si elle peut avoir quelque efficacité. Les peines doivent être
Deux principes sont posés :
suffisamment rigoureuses pour que la perspective de la peine afférente au délit que le
- Principe de la légalité criminelle en vertu duquel ne sont sanctionnés que les
délinquant s'apprête à commettre le détourne de la délinquance et doivent tenir compte
faits causant un dommage à la société (par exemple : la tentative n'était pas
des circonstances ayant influé sur la "sensibilité" de l'agent (âge, sexe, fortune). Enfin,
punissable). Sont exclus les anciens délits religieux (sorcellerie, athéisme ... ).
BENTHAM est favorable à l'emprisonnement et son panoptique, sorte de prison
- Principe de l'égalité des peines posé en réaction contre les inégalités de
modèle où l'amendement doit être prôné, en fait un des pionniers de la science
l'Ancien Régime qui consacre le système des peines fixes, déterminées à l'avance par
pénitentiaire.
Les idées de BECCARIA et de BENTHAM, dont on trouve trace dans les cahiers
leur nature et leur durée, n'offrant aucun pouvoir d'appréciation au juge et d'une rigueur
---
des États généraux, ont animé la réaction légaliste.
----------
diminuée (abolition des peines corporelles autres que la mort, 32 cas de mort au lieu de
115 cas sous l'Ancien régime) .
hl Sm. l.e.12l1!11 d.e.l.!!. pro cé dure.
B - La réaction légaliste
La loi des 16-29 septembre 1791 instaure un système inspiré du droit anglais. Le
Courte par sa durée, cette réaction fut capitale par son retentissement, puisque le
procès était oral, public, contradictoire, avec une large place faite au jury.
Très vite, l'échec de ces réformes se fit sentir. L'absence d'établissements
droit révolutionnaire et le droit impérial, nous ont régi jusqu'à aujourd'hui.
A vrai dire, sous l'influence de BECCARIA, diverses réformes visant
pénitentiaires adaptés, l'adoucissement de la réaction dans cette période troublée
l'adoucissement du système répressif avaient été entreprises dans différents pays
accrut la criminalité. Une réaction en sens inverse ne devait pas manquer de se
d'Europe. On peut citer: en Autriche et en Lombardie, l'abolition de la peine de mort
produire au cours de l'Empire.
en 1788, la suppression de la torture par Frédéric de Russie, la rédaction d'un code de
procédure criminelle par Catherine de Russie, l'adoucissement par le Pape Clément IX
des institutions répressives des États pontificaux. En France, Louis XVI avait tenté des
réformes. En 1788, il avait annoncé une réforme générale de l'organisation judiciaire et
des lois criminelles.
x
2°) Le droit pénal impérial
Il a été marqué par la rédaction des deux codes préparés par une Commission
nommée en Germinal an IX (avril 1801), présentés par le Conseil d'État en 1804, puis
promulgués en 1808 pour le Code d'instruction criminelle, en 1810 pour le Code pénal.
L'opposition des Parlements entraîna l'abandon des réformes projetées et le
renvoi du Garde des Sceaux LAMOIGNON. Les États généraux, convoqués par le Roi,
rédigèrent alors des cahiers dans lesquels l'adoucissement du système répressif et la
suppression de l'arbitraire du juge étaient notamment réclamés. Ce sont ces aspirations
que devait satisfaire le droit révolutionnaire et, dans une certaine mesure, le droit
impérial.
al l&. CQd.e.. d'instruction criminelle,
Il réalise une transaction entre la procédure inquisitoire et la procédure
accusatoire. L'instruction n'est pas publique, mais le jugement est contradictoire, oral,
public. Dans l'ensemble, ce Code est apparu, très vite, peu satisfaisant. R. GARRAUD
écrivait que le Code était "archaique" dès sa naissance.
1°) Le droit pénal révolutionnaire
Il est dominé par les principes contenus dans la déclaration des droits de
Il est également une œuvre de compromis. D'une part, plus inspiré par
l'homme (A. 8). "Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée
BENTHAM que par BECCARIA, il marque un retour vers l'Ancien régime par
antérieurement au délit et légalement appliquée" ainsi que dans les textes mettant en
l'adoption d'un système intimidant : multiplication des cas où la peine de mort est
applicable, répression de la tentative et de la complicité, rétablissement de certaines
�97
98
peines corporelles (marque, carcan, mutilation du poing du parricide), multiplication
2°) Joseph de MAISTRE !l7S3-1821),
des circonstances aggravantes ainsi que de la répression des comportements dangereux
L'auteur des "Soirées de Saint-Pétersbourg", estime que les souverains n'exercent
(mendidté, vagabondage).
D'autre part, le système des peines fixes est abandonné, les circonstances
leur autorité et ne rendent la justice qu'en vertu d'une délégation divine. L'infraction est
atténuantes sont introduites, si le préjudice n'excède pas 25 francs; le droit de grâce
un péché, et la peine la pénitence infligée au pêcheur. "Punitur quia peccatum est " : il est
est rétabli.
puni parce qu'il a pêché. La souffrance est considérée, non comme un moyen
d'intimidation, mais comme un but en soi. On a pu dire qu'il y avait, chez cet auteur, un
Ces codes devaient avoir un large rayonnement en Europe (Belgique, Bavière) et
"véritable sadisme de l'expiation" (SERTILLANGES).
même ailleurs (certains pays arabes).
1
Mais J'utilitarisme excessif de ces codes allait être attaqué, d'une part, par des
B - Leur influence
écrivains 81, d'autre, part par des philosophes au nom de l'idée de justice mise en
"avant par les doctrines dites de la justice absolue.
L'influence de ces auteurs a été modérée sur le plan des applications. Quelques
x. § 2 - LA DOcrruNE DE LA JUSTICE ABSOLUE
dispositions, prises sous le règne de Charles X, traduisent J'influence de J. de MAISTRE,
la loi du sacrilège par exemple. En revanche, J'influence sur le plan doctrinal a été
beaucouJLl2lus notable, car J'idée de justice devait être utilisée par la suite
Contrairement aux champions de J'utilitarisme, certains philosophes ont voulu
la ri
fonder le droit de punir, non sur les nécessités de la défense sociale, mais sur les
ur limiter
eur de J'utilitarisme du Code de 1810. La combinaison des deux courants devait
donner naissance à J'École classique.
exigences de la justice. La sanction pénale est destinée à faire expier à l'auteur son
crime. Elle doit donc être exemplaire. Ces penseurs ont eu une certaine influence sur
§ 3 - LA DOCTRINE DE L'ÉCOLE CLASSIQUE
notre droit positif.
A - Les penseurs
Elle représente un apport considérable dans l'évolution des idées et de leurs
application
n matière ré ressive. Elle se situe vers le milieu du XIXème siècle et a
pour représentants : GUIZOT, auteur de "La peine de mort en matière politique" ; ROSSI,
1°) KANT (1724-1804)
professeur de droit à Bologne puis à Paris; JOUFFROY, auteur d'un "Traité de droit
naturel" ; Ch. LUCAS, fondateur de la science pénitentiaire 82
n s'est rendu célèbre par sa Critique de la Raison Pure (1781) et sa Critique de la
Raison Pratique (1788), mais son influence ne s'est fait sentir que beaucoup plus tard.
A - Exposé
Au point de vue juridique, KANT se révèle comme un idéaliste et un individualiste. La
peine est destinée à rétablir J'ordre moral troublé par le crime. Le mal causé par le
L'exposé de cette doctrine peut se ramener aux traits suivants :
criminel ne peut être réparé que par le châtiment infligé. Pour illustrer sa théorie, KANT
a écrit l'apologie de l'ile abandonnée.
- Doctrine rationaliste, elle envisage le délinquant à travers J'infraction comme un
n imagine une île sur le point d'être désertée par
être abstrait. Elle fonde sa responsabilité sur une série de postulats classiques.
ses habitants, alors qu'un criminel n'a pas encore été exécuté. Il serait possible de l'y
L'homme a une âme; cette âme est douée de libre arbitre, donc celui qui, ayant la
laisser: pourtant, la justice commande sa mort. Cette idée de la justice absolue a été
latitude de se bien conduire, agit mal, doit être sanctionné;
développée par un autre penseur, mais dans une perspective religieuse.
- Doctrine éclectique, elle s'efforce de combiner la théorie morale et la théorie
utilitaire de la peine. La loi peut et doit punir certains actes, lorsque cela est nécessaire
81
82
HUGO, Les derniers jours d'un condamné 1829, les Misérables, 1862, BALZAC, Souvenir d'un
paria, 1830 ; E. SUE, Les mystères de Paris, 1842.
Un autre courant représenté par TOCQUEVILLE et BEAUMONT (note sur le système
pénitentiaire (1831), considère que la prison doit avant tout proté er la société contre les
criminels.
�100
99
pour assurer le fonctionnement régulier de la société. Mais la répression ne saurait
s'exercer, que si elle est conforme à la justice. D'où la formule célèbre de la doctrine:
SECTION III - LA PÉRIODE DES RÉACTIONS
SCIENTIFIQUES
"Ni plus qu'il n'est juste" -ce qui conduit à la condamnation des supplices de l'Ancien
régime- "ni plus qu'il n'est utile". Ce qui vise à écarter les incriminations proposées par
J. de MAISTRE à propos de la défense de la religion.
Les auteurs de cette doctrine sont, d'autre part, amenés à proposer une
atténuation des sanctions, notamment à l'égard des délinquants politiques, et à
Cette période est marquée par l'influence prépondérante des doctrines sur le
préconiser l'amendement du coupable par un régime pénitentiaire mieux approprié.
droit positif. Leur point de départ est représenté par les travaux d'Auguste COMm, et
de Claude BERNARD 83, dans lesquels les auteurs considèrent que les faits humains et
B - Influence
sociaux doivent être étudiés de façon scientifique.
Cet ouvrage devait susciter divers courants doctrinaux, qu'il convient de retracer
brièvement, avant d'exposer l'évolution des droits positifs à l'époque contemporaine.
Cette doctrine a eu sur le droit positif une influence considérable qui s'est
traduite par une série de réformes :
- L'instauration d'un régime propre aux infractions politiques : échelle des
§ 1 - LES COURANTS DOcrRINAUX
peines moins rigoureuse (L. 28 avril 1832) et la suppression de la peine de mort
(Constitution de 1848) ;
- L'adoucissement de la répression, illustré par la généralisation des
Ce qui frappe l'observateur, c'est la floraison des doctrines à partir de la fin du
circonstances atténuantes (L. 28 avril 1832), la suppression de la mort civile (L. 31
XIXème siècle. Il n'est pas question ici de les évoquer toutes. On retiendra les courants
mars 1854), la correctionnalisation d'un certain nombre d'infractions (L. 13 mai 1863) ;
principaux en observant, toutefois, que chacun d'entre eux a été suivi d'une critique
s'efforçant de réaliser un compromis.
- L'amélioration du régime pénitentiaire, par la création du régime cellulaire et
d'un régime de peines coloniales (L. 30 mai 1854), afin "d'améliorer l'homme par la terre
A - L'école positiviste
et la terre par l'homme". Pour les mineurs est créée en 1837, la maison de rééducation
de Mettray, près de Tours, et en 1850 la loi du 5 avril organise les colonies
Son fondateur a été l'italien LOMBROSO, médecin à Turin, auteur de "L'homme
pénitentiaires pour jeunes adultes.
criminel", 1876. Les continuateurs étaient : FERRI, professeur à Rome, auteur de "La
sociologie criminelle", 1881 et GAROFALO, magistrat à Naples, auteur de "La
Cette école connut également un vif succès à l'étranger (Belgique, Italie), mais
certaines des réformes, appliquées sans discernement (généralisation des circonstances
criminologie", 1885.
atténuantes) conduisirent à une multiplication des courtes peines et à un accroissement
Surnommés les trois évangélistes du droit pénal, ces auteurs sont partis de l'idée
sensible de la criminalité. Condamnée par l'expérience, cette doctrine fut vivement
nouvelle, d'après laquelle les faits humains et sociaux doivent être analysés de manière
critiquée avant d'être attaquée dans son fondement même : la liberté de l'individu n'est
scientifique. Cette doctrine a exercé une influence considérable sur le droit positif.
qu'un mythe affirme une école scientifique: l'École positiviste.
;x
1°) EX1'osé de la doctrine
Malgré quelques divergences entre ces auteurs, une unité de pensée se dégage,
tant en ce qui concerne le fondement de la répression que son organisation.
83
A. COMTE, Cours de philosophie positive 1830-1842 ; Cl. BERNARD, Introduction à l'étude
de la médecine expérimentale, 1865.
�101
102
al Fondement lk Ùl rq,ression
2) Les facteurs externes ou exogènes
La doctrine positiviste s'inscrit en réaction contre la doctrine classique. Les
ils ont retenu l'attention de FERRI. Déjà, les français QUETELET et GUERRY
positivistes nient le libre arbitre. L'homme est "agi", c'est à dire conduit par des forces
avaient remarqué l'influence du climat sur la criminalité. FERRI a repris ces
qui le dépassent. Le crime n'est pas le résultat d 'un choix libre de l'agent, mais le
observations en les élargissant et en soulignant, notamment, le rôle du milieu familial et
produit fatal de causes di verses, internes ou externes.
social dans la délinquance. il a dégagé, d'autre part, la loi de saturation criminelle,
1)
d'après laquelle, dans une époque donnée, dans un pays donné, demeurent des
Les facteurs internes ou endogènes
constantes criminelles. Est-ce à dire dès lors que, l'homme, n'étant pas libre de ses
ils ont été dégagés par LOMBROSO, et FERRI a systématisé sa pensée par un
actes, mais animé par un déterminisme universel, aucune peine ne doit lui être infligée?
triage des délinquants. il a été c;:,nduit à établir une classification entre les criminels
Non, mais à la lumière de ces observations, la sanction pénale doit être entièrement
d'après la prépondérance des causes qui les font agir et qui sont inhérentes au criminel
repensée. Cette analyse évoque l'école franco-belge du milieu social de LACASSAGNE,
lui-même, à son hérédité, à sa morphologie et à son tempérament. li opère le classement
qui, à la fin du XIXème siècle, évoquait l'influence du rôle criminogène des facteurs
suivant:
sociaux.
- Le criminel-né se reconnaît par des stigmates anatomiques; physiologiquement, il
hl Organisation lk Ùl répression
est généralement gaucher, insensible à la douleur ; psychologiquement, il est
imprévoyant, et amoral. il s'agit d'un fou moral, c'est-à-dire jouissant de ses facultés
La notion de défense sociale consacre la primauté de la protection de la
inte1l-?<:tuelles, mais ne discernant pas le bien du mal. LOMBROSO propose des
collectivité. Elle est dominée par deux traits.
mesures d'élimination: mort, internement, castration. il le décrit ainsi: "Il a le
1) Préférence de la prévention sur la répression.
regard CTuel et dur, le sourire cynique, la taille basse, le crâne petit, brachycéphale et
asymétrique, le front étroit, les arcades sourcilières proéminentes, les yeux enfoncés et
obliques, la face longue et large, les pommettes saillantes, les os zygomatiques proéminents,
les lèvres minces, les mâchoires volumineuses, les oreilles écartées en forme d'anses, les
cheveux abondants, la barbe rare, le uisage pâle". 84;
Les positivistes ne croient guère à l'efficacité des peines, qui repose sur l'idée de
faute et d'expiation. ils proposent des mesures dépourvues de toute coloration morale,
calquées sur la personnalité de celui auquel on les applique et à caractère indéterminé,
mais, surtout, ils préconisent des mesures préventives que FERRI appelle substituts
pénaux, destinées à combattre les causes de la criminalité (lutte contre le
- Le criminel aliéné constitue un danger aussi grave que le précédent. il nécessite un
vagabondage, l'oisiveté, l'alcoolisme, le chômage). FERRI illustre ses suggestions par un
internement dans un asile;
exemple célèbre. Dans une rue obscure, se commettent de nombreuses infractions: il
faut éclairer la rue pour les faire cesser. Il développe la notion d'état dangereux,
- Le criminel d'habitude a été conduit au crime sous l'influence du milieu sodal.
"microbe social", selon LOMBROSO.
Professionnel du crime, il est particulièrement dangereux pour la société et il
"" 2)
nécessite des mesures de répression analogues à celles applicables au criminel-né;
Individualisa tion de la peine.
Déjà, l'École classique l'avait mise en évidence, mais en s'attachant à une
- Le criminel d'occasion ou criminaloïde, en revanche, est peu redoutable. Il a agi
personnalité envisagée d 'un point de vue juridique et moral, alors que les positivistes
dans un moment de faiblesse qu'il regrette ensuite. il convient de lui appliquer une
s'attachent à la personnalité réelle du délinquant et déterminent la réaction sociale en
peine modérée, notamment un internement dans une colonie agricole;
fonction du danger qu'il représente pour l'ordre social, de sa "temibilité".
- Le criminel passionnel, enfin, est animé par une impulsion violente de caractère
2°) Influence de l'École positiviste
élevé. C'est une sorte de héros qui ne mérite aucune sanction pénale.
il est certain que la refonte de nombreux codes étrangers, même lointains, a été
inspirée par l'École positiviste 85. Le droit français, pour sa part, sans avoir connu de
84
D'après JAMBU-MERLIN, Criminologie et science pénitentiaire, Cours polycopié, 1966-1967.
85
c. P. danois 1883, italien 1889, norvégien 1902, soviétique 1926.
�103
104
réformes d'ensemble, a appliqué les idées positivistes dans de nombreuses dispositions
y) Le Pragmatisme
législatives.
Le Pragmatisme est l'école qui a eu le plus de retentissement. Van HAMEL,
al I& drfli1 da ma jeurs
hollandais, PRINS, belge, et Von LISZT, allemand, ont fondé, en 1889, l'Union
il a subi de multiples aménagements: élimination des récidivistes par la création
internationale de droit pénal, reprise, en 1924, par l'Association internationale de droit
de la relégation, peine perpétuelle obligatoire (L. 27 mai 1885) ; réinsertion sociale
pénal. Ces auteurs proposent que cessent les querelles doctrinales peu constructives et
facilitée des délinquants primaires par la création du sursis (L. 26 mars 1891) et
que l'on s'attache exclusivement aux enseignements de l'expérience. SALDANA diffuse
l'instauration de la libération conditionnelle (L. 14 août 1885).
les idées dans la criminologie nouvelle.
ils admettent, cependant, nombre de conclusions de l'École positiviste : nécessité
hl k dmit. da mineurs
d 'individualiser la peine; développement des mesures préventives en fonction de l'état
dangereux du sujet. En revanche, ils critiquent l'élimination du délinquant voulue par
il a reçu droit de cité par la grande loi du 22 juillet 1912, soumettant ceux-ci à un
les Positivistes, nient l'existence de criminels-nés. Mais, comme pour les positivistes,
régime totalement différent de celui des majeurs.
l'intérêt de la société doit primer sur l'individu.
Sur le plan pratique, il faut reconnaître que les suggestions de l'École positiviste
n'ont pas donné les résultats attendus. La criminalité n'a pas baissé pour autant, ce qui
-1
C - Le mouvement de défense sociale nouvelle
a renforcé, sur le plan doctrinal, les critiques adressées aux aspects excessifs du
positivisme (exemple: criminel-né). De nouvelles tentatives doctrinales se sont donc
La défense sociale constitue un mouvement. Elle n'est pas à proprement parler
multipliées, dans des horizons très divers.
une doctrine cohérente aux contours nettement définis s'opposant à d 'autres doctrines
pénales. "Elle ne cherche pas à formuler un dogme" 86.
B - Les écoles transactionnelles
Le terme de défense sociale n'est pas nouveau, PRINS est l'auteur d'un ouvrage
intitulé "La défense sodale et les transformations du droit pénal" (1910). Mais, depuis
Devant les excès de l'école positiviste, un certain nombre de courants doctrinaux
la dernière guerre, l'expression a été reprise par GRAMATICA, dans une perspective
se sont efforcés de réaliser la synthèse du classicisme et du positivisme.
différente. Il ne s'agit plus, comme l'entendaient les Positivistes, de défense de la
société : cette doctrine s'inspire des idées chrétiennes de relèvement des pêcheurs et de
P) Le Néo-classicisme
rachat des fautes. Les nombreux congrès internationaux ont fait apparaître deux
Le Néo-classicisme (TARDE, CUCHE et surtout SALEILLES, auteur de
tendances au sein de ce mouvement, une tendance extrémiste, celle d 'un italien: le
l'Individualisation de la peine) admet certaines conclusions pratiques des positivistes,
comte GRAMATICA, et une tendance modérée, celle d'un français, le magistrat
la nécessité d 'individualiser les peines et celle de développer les mesures préventives,
ANCEL.
mais s'en sépare en attribuant à la peine une fonction morale.
1°) La tendance extrémiste de GRAMATICA.
2°) Le Positivisme critique italien
Cet auteur expose ses idées, dès 1934, mais les synthétise dans les Principes de
Le Positivisme critique italien a cherché, au contraire, la conciliation dans une
défense sociale, parus en 1960. il assigne un nouveau fondement au droit de punir : le
direction opposée. S'ils demeurent fidèles à la conception déterministe du Positivisme,
perfectionnement de l'homme. Il supprime les notions d'infraction, de peine et de
ses auteurs estiment, cependant, que l'on devrait maintenir à la peine son rôle
responsabilité qu'il prétend remplacer par la notion nouvelle d 'antisociabilité
d'intimidation collective. CARNEVALE, ALIMENA ont fondé la Terzascuola, la
subjective. Il se révèle aussi révolutionnaire dans la réaction sociale contre le crime. Il
troisième école.
propose des mesures de défense sociale, destinées à remplacer les peines et un monde
sans prison, au sens traditionnel du terme. Enfin, il suggère une procédure nouvelle,
86
ANCEL, La d éfense sociale, que Sais-je? 1985, p. 32.
�105
106
axée non plus sur la preuve de l'infraction, mais sur la mise en évidence de la
rompt totalement avec les systèmes classiques où les juges se prononcent toujours en
personnalité du délinquant.
même temps sur la culpabilité et sur la peine.
On conçoit qu'un tel programme ait soulevé de sérieuses critiques au cours des
2) Une deuxième caractéristique consiste dans l'observation du délinquant, qui
congrès, au sein même du mouvement de défense sociale. Une minorité au sein de la
devrait se situer après l'achèvement de la première phase, puisque ce sont les résultats
société internationale de défense sociale est devenue majoritaire en imposant un
de l'observation qui permettront de choisir la sanction la plus adaptée, sans pour
programme minimum destiné à préciser les points d'accord. Cette tendance est, en
autant que l'examen de personnalité soit communiqué à l'intéressé pour ne pas le
réalité, l'expression d'une tendance modérée, ayant pour chef de file, le conseiller
choquer.
ANCEL.
3) Le déroulement du procès, enfin, devrait être presque entièrement repensé.
Sans doute, admet-on la procédure classique dans la première phase. Mais la seconde
2°) La tendance modérée d'ANCEL.
nécessite une publicité restreinte, la possibilité d'exclure le délinquant du débat pour
Celui-d a développé ses idées dans un ouvrage, la défense sociale nouvelle,
éviter qu'il ne soit traumatisé par les révélations faites sur sa personnalité, une
publié en 1954. Contrairement à GRAMATICA, il ne prétend pas rejeter le droit pénal,
collaboration étroite entre le Ministère public et les avocats de la défense, enfin une
mais l'aménager à la lumière des sciences humaines. il veut organiser la lutte contre le
participation des magistrats à l'exécution de la sentence, non pas figée mais
crime de façon rationnelle et scientifique, en s'inspirant des connaissances acquises.
constamment modifiable, compte-tenu de l'évolution de la personnalité du sujet. Ce
Cette doctrine se distingue à la fois du Positivisme, en ce qu'elle considère qu'il y a chez
courant, longtemps ignoré de certains gouvernants, (FOYER) a été récemment intégré
tout homme un sentiment de la responsabilité, du droit et de la faute, et du classicisme
dans la politique criminelle (BADINTER), du moins verbalement.
qui voyait dans le crime une entité juridique abstraite et abusait des fictions juridiques
XJ
(système de l'emprunt de criminalité).
al Sm: k
D - La doctrine de la non-intervention
121mI d.Y. d.r.ai1. pén a 1
Dérivé des doctrines crirninologiques interactionnistes et radicales, le courant est
Ce mouvement marque un rattachement à la responsabilité morale. il convient
représenté aux États-Unis (SHUR, MATZA) et en Europe (HULSMAN). Il vise à
donc de se livrer à l'étude de la personnalité de chaque délinquant, car l'infraction n'est
réduire au minimum l'application du droit pénal au profit de mesures non répressives
qu'un symptôme d'une nature qu'il faut découvrir, afin de pouvoir la traiter. Ayant
ce qui doit conduire à une dépénalisation considérable. li faut abolir le système pénal
cerné la personnalité du sujet, il sera plus aisé de choisir la sanction pénale qui
qui est un mal social, changer de terminologie pour remplacer crimes et délits par
paraîtra la plus appropriée. La doctrine accueille aussi bien les peines que les mesures
"situations - problèmes" . Seules les infractions les plus graves resteraient sanctionnées
de sûreté. Ce traitement permettra de faire acquérir ou retrouver les valeurs morales
87.
perdues. On a parlé de "pédagogie de la responsabilité". Cependant, fidèle au droit
sur 1380 personnes jugées en flagrant délit montre que 5 % d' entre elles avaient commis
classique, ce mouvement refuse les sentences indéterminées.
des infractions violentes. Le taux des homicides volontaires ne représente que 0,09 %.
Les infractions violentes sont très résiduelles. Une statistique faite à Paris en 1980
Si cette doctrine a eu le mérite de souligner l' excès de pénalisation, elle encourt le
hl Sm: k
121mI fk li! procédure péna le
reproche, si elle était appliquée, de briser la cohésion sociale.
En revanche, il propose un système scientifique qui se sépare radicalement des
E - Le Néo-classicisme nouveau et autres tendances
systèmes traditionnels. il se caractérise, par les trois points suivants :
1) Tout d'abord, par la césure du procès pénal en deux phases, traduisant ainsi
le soud de prendre en considération la personnalité du délinquant. La première phase
Si séduisantes que soient les analyses de la défense sociale, qui ont trouvé des
porte sur la culpabilité de la personne poursuivie. La seconde sur le choix de la mesure
applications dans le droit positif, elles n'ont pas manqué de soulever des critiques, tant
nécessaire, et demande, pour atteindre son but, le recours à des techniciens (médedns,
dans les pays de l'Est que dans les pays occidentaux. Un certain nombre d'auteurs
psychologues, éducateurs). Cette distinction a été empruntée au droit anglo-saxon. Elle
(MERLE, STEFANI et LEV ASSEUR) souhaitent maintenir à la peine son caractère
87
L. HULSMAN et J. BERNAT DE CELIS, Peines perdues, Le Centurion 1982.
�107
108
rétributif, tout en conservant les acquis de la défense sociale sur l'individualisation de
Le droit pénal apparaît, sans contexte, comme la discipline juridique où les
la peine.
1°) Tout d'abord, ces auteurs estiment que la condamnation pénale doit garder
théories doctrinales ont eu l'impact le plus décisif. De ce fait, les réformes législatives
intervenues dans les différents pays, avec une ampleur variable, trouvent leur
son caractère rétributif. Ils contestent la position de Marc ANCEL qui prétend
inspiration dans les courants doctrinaux.
restituer au délinquant le sens de ses devoirs, tout en commençant par refuser de
Cette marche en avant du droit pénal se trouve cependant contrariée, d'une part,
blâmer sa conduite. il faut tenir compte du sentiment populaire de la responsabilité,
par les impératifs du moment imposant la mise en place d'un "droit pénal de nécessité",
qui est une réalité sociologique sur laquelle une école, dite l'École d'Utrecht, a insisté.
d'autre part, par une résistance à l'innovation des milieux judiciaires confortés par
Dans une thèse célèbre, un auteur, FAUCONNET a soutenu que la peine avait une
l'insuffisance des moyens mis à leur disposition. il en est résulté des oscillations de la
fonction d'hygiène sociale. Dans cette optique, la politique relative à la délinquance
politique pénale que l'on retrouve, aussi bien en France qu'à l'étranger.
juvénile mériterait d'être revue, et celle relative aux malades mentaux reconsidérée. En
effet, les enseignements de la psychiatrie moderne nous révèlent qu'un malade mental
A- En France
est apte à comprendre la portée de certains de ses actes, qu'en somme la liberté d'agir
est irréductible chez l'homme (cf. étude de la démence, infra).
Avant de présenter sommairement l'état actuel du droit pénal français, il est
2°) En second lieu, ce courant entend conserver les apports de la défense sociale
indispensable de dégager les influences qui l'ont traversé.
en ce qui concerne la protection des libertés individuelles. Il faut une connaissance
al J&..s. influences
approfondie de la personnalité des criminels.
Avec l'augmentation de la criminalité, un courant plus dur se manifeste. 88 Il faut
Elles peuvent se situer à la fois sur le plan technique et sur le plan idéologique.
oser punir, écrit-on dans la presse. Préoccupation partagée par la majorité de l'opinion
1) Sur le plan technique
publique.
La neutralisation s'impose pour les professionnels du crime 89.
L'état de la législation contemporaine permet de dégager trois caractères
A l'inverse, un mouvement de gauche s'est dessiné, il y a quelques années, qui
essentiels.
soutient que les réformes de politique criminelle, et singulièrement la réforme
D'abord une inflation législative qui, si elle n'est pas nouvelle, est inquiétante
pénitentiaire, apparaissent comme des procédés subtilement hypocrites destinés à
par l'ampleur qu'elle revêt. Tout devient droit pénal. Le droit répressif vient au secours
perpétuer la main mise sur l'individu désarmé. Le traitement de resocialisation
des autres disciplines juridiques incapables de faire respecter leurs prescriptions (droit
apparaît suspect (MARCUSE et FOUCAULT).
civil, droit commercial, droit du travail ...).
On comprend qu'à la même époque, devant ce désarroi, ait été proposé un N éo-
Ensuite une astucieuse complexité est générée par la multitude des textes (ex. :
pragmatisme (R GASSIN), suggérant que cessent ces querelles doctrinales et que l'on
réglementation de l'affichage, de la publicité, de l'environnement ... ), accentuée par
s'attache exclusivement aux données de l'expérience en répudiant toute métaphysique.
l' intrusion des règlements et des directives de la communauté européenne.
Enfin, il résulte une incohérence inquiétante dans la hiérarchie des valeurs à
~
protéger. Le justiciable est plus sévèrement sanctionné pour avoir renversé, dans le
§ 2 - L'ÉVOLUTION DES DROITS POSmFS
milieu naturel, de l'huile de vidange d'un moteur ou avoir écrasé un hérisson que pour
la création non autorisée d' une centrale nucléaire 90.
il n'est pas question, faute de temps, d'évoquer les systèmes venant des pays
socialistes en profonde mutation. Nous nous contenterons de présenter le droit positif
des pays occidentaux en distinguant la France, d 'une part, et les autres pays
occidentaux, d'autre part.
88
J. C. SOYER, "Justice en perdition Plon 1982-
89
PEYREFrITE, Les chevaux du Lac ladoga, Plon 1981.
90
J. H. ROBERT, REMOND-GOUILLOUD, Droit pénal de l'environnement, Masson 1983, p. 29.
�110
109
2) Sur le plan idéologique
La législation pénale de ces dernières décennies a été marquée par un phénomène
d'alternance entre un modèle autoritaire et un modèle libéral, encore qu'il n'y ait pas de
concordance systématique avec la coloration politique du moment.
a) Le modèle autoritaire exprime l'illustration d'un droit pénal
de nécessité.
Pour les majeurs, de multiples réformes ont vu le jour. On peut citer, le sursis
avec mise à l'épreuve, la diversification dans l'exécution des traitements, la
suppression de la relégation, les substituts à l'emprisonnement, les dispenses de peines,
le travail d'intérêt général, les jours amende, la suppression de la peine de mort.
Sur le plan de la forme, le code de procédure pénale a, en 1958, remplacé le
vieux code d'instruction criminelle. Il a fortement amélioré la protection des libertés
individuelles. D'autre part, ont été supprimées, la Cour de sûreté de l'État et les
-Avant 1981
On peut relever des incriminations destinées à lutter contre une délinquance
lourde, tant sur le plan du fond (proxénétisme, infractions de violence, législation
anticasseurs en 1970), que sur celui de la forme (Cour de sûreté de l'État en 1963).
juridictions d'exceptions.
Plus récemment, des procédures de médiations ont été expérimentées tendant à
réduire le recours au procès répressif. Les expériences ont été légalisées dans les
dispositions du droit positif actuel.
hl Llllégislation pénale actuelle
- Depuis 1986
Sur le fond du droit de nombreuses dispositions expriment un impératif
sécuritaire. Ainsi : La lutte contre le terrorisme (loi 9 septembre 1986), celle contre
Le mouvement de rénovation intervient tant sur le plan national que sur le plan
européen.
l'immigration clandestine a fait l'objet de plusieurs textes successifs (1986, 1993, 1995)
1) Le plan national
destinés à durcir les conditions d ' entrée et de séjour des étrangers en France, le
durcissement des peines pour la conduite en état d'ivresse, l'incrimination du
Sur le fond
blanchiment de capitaux et plus récemment les lois relatives à la prévention de la
- Le Code pénal français était le plus vieux du monde. Sur le plan de la forme, il
corruption (loi 1er décembre 1990 et 29 janvier 1993) complètent ce dispositif.
comportait beaucoup de rajouts, de textes inutiles, de lacunes. Sur le plan du fond, des
Sur la forme, on observe la mise en place de textes exorbitants du droit commun.
défaillances nombreuses et des inadaptations (notion de démence, irresponsabilité des
Au niveau de la poursuite, la garde à vue est prolongée à 4 jours en matière de
personnes morales, insuffisance de la répression des infractions d'imprudence ... ). Les
terrorisme et de trafic de stupéfiants, la centralisation des poursuites est réalisée en
changements qu'il a subis n'ont pas suffi pour le rajeunir.
matière de terrorisme, les perquisitions et saisies peuvent être faites sans l'assentiment
de la personne chez qui elles ont lieu.
Au niveau du jugement, on élargit la procédure de comparution immédiate, une
Cour d ' Assises spéciale est instaurée en matière de terrorisme, le domaine
d ' intervention du juge unique est élargi.
Plusieurs projets de réformes avaient été mis en chantier. En 1887, en 1930 ... Plus
près de nous, cinq projets ou avant-projet, 1976, 1978, 1983, 1985, 1986, 1989 se sont
succédés.
En juin 1981, une nouvelle commission avait été nommée chargée d'une nouvelle
rédaction. Elle a publié ses travaux en 1983. Le nouveau texte comportait 162 articles
Cet éventail de mesures, pour nécessaires qu'elles soient et quel que soit le
pour la partie générale, répartis en trois titres: la loi pénale, la responsabilité pénale, la
consensus qu' elles recueillent, tant auprès des responsables politiques que de l'opinion
peine. La discussion parlementaire de ce texte, déposé en 1986 sur le bureau de
publique, n'est pas sans devoir susciter des réserves. A nouveau s' installe un droit
l'Assemblée et scindé, vue son importance en trois projets de lois, n'a débuté qu'en
pénal de nécessité, souvent dénoncé en raison des abus auxquels il peut conduire, mais
1987. (Dispositions générales, crimes et délits contre les personnes et contre les biens).
parfois légitimé par l'état de droit.
Deux ans plus tard, la réforme a été parachevée par le dépôt du projet de loi visant les
P) Le modèle libéral
Sur le plan du fond du droit, le régime de la minorité pénale a été prévu par
l'ordonnance du 2 février 1945 instaurant un régime spécifique marqué par des mesures
éducatives.
crimes et les d élits contre la Nation, l'État et la paix publique. Après trois années de
débats parlementaires, les quatre projets de lois ont été définitivement adoptés par
l'Assemblée Nationale des 2 et 7 juillet 1992 et publiés au Journal Officiel du 23 juillet
dans quatre lois.La principale innovation du Livre 1er est évidemment l'institution de la
responsabilité pénale des personnes morales. Il résulte des nouveaux textes que celles-ci, à
�112
111
l'exclusion de l'État, peuvent être dêclarées pénalement responsables des infractions
ont été criminalisées. Par ailleurs, ont été créées de nouvelles circonstances aggravantes,
commises, pour leur compte, par leurs organes et leurs représentants. Elles encourent,
comme la qualité de conjoint ou de concubin de la victime en matière de violences.
outre l'amende, des peines spécifiques pouvant aller, dans les cas les plus graves,
Le Livre III apporte moins de modifications au droit actuel que les livres II et IV.
jusqu'à la dissolution. Cette responsabilité n'est cependant pas générale. Elle ne peut
U convient toutefois de noter que ce livre modifie de fru;on importante la répression du vol
être mise en œuvre que si elle a été expressément prévue par le législateur pour
en instituant notamment de nouvelles circonstances aggravantes et en
l'infraction concernée. Tel est notamment le cas en matière d'homicide ou de blessures
correctionnalisant certains vols. Il élargit en outre l'incrimination de /'abus de confiance en
involontaires.
_ D'autres innovations importantes doivent être relevées dans la partie du livre 1er
supprimant la référence aux six contrats limitativement énumérés par l'actuel article
relative aux causes d'irresponsabilité pénale. La notion d'état de démence est
L'œuvre de rénovation entreprise lors de l'élaboration du Livre IV est beaucoup
remplacée par celle, plus moderne, de trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le
plus importante. Ce livre est tout d'abord marqué par la refonte totale des dispositions
discernement de la personne ou le contrôle de ses actes. Sont par ailleurs reconnus comme
cause d'irresponsabilité l'erreur de drmt et l'état de nécessité. S'agissant de la légitime
défense, le livre 1er consacre le principe de proportionnalité entre la riposte et l'attaque
actuelles en matière de sûreté de l'État, notion à laquelle est substituée celle, plus large,
tout en excluant l'homicide volontaire pour la légitime défense d'un bien.
nouveau délit de terrorisme écologique sanctionné de peines très élevées 91. Il
408 et il donne une définition légale des éléments matériels du rece/.
d'intérèts fondamentaux de la Nation. li érige en outre les actes de terrorisme en infractions
spécifiques punies de peines aggravées. Notamment, le nouveau code pénal instaure un
Le titre relatif aux peines est également très novateur. Ainsi, l'échelle des peines
modernise par ailleurs, en les simpliIiant et en les clarifiant, de très nombreuses
privatives de liberté est modifiée sur trois points importants : une peine de trente ans de
infractions, notamment en matière de faux . Enfin, il supprime plusieurs incriminations
réclusion criminelle est créée entre celle de vingt ans et la réclusion à perpétuité, le
maximum de l'emprisonnement correctionnel est porté à dix ans et l'emprisonnement en
matière contraventionnelle est supprimé. Par ailleurs, afin de favoriser le recours à d'autres
archaïques ou désuètes comme les crimes et délits contre la Constitution ou le
peines que l'emprisonnement, le nouveau Code prévoit l'obligation pour les juridictions,
au 1er mars 1994. Doivent être ensuite votées les dispositions relatives au droit
de motiver spécialement les décisions prononçant une peine d'emprisonnement ferme.
économique et technique.
vagabondage et la mendicité.
L'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, fixée au 1er mars 1993, a été reportée
Dès à présent, les commentateurs sont assez partagés sur le travail accompli :
Enfin, plusieurs innovations traduisent la volonté d'accroître le rôle du juge, comme par
exemple, la suppression des peines minimales et du mécanisme des circonstances
"œuvre assez remarquable" pour PRADEL
atténuantes.
Madame RASSAT 93 . Le numéro 3 de la Revue de science criminelle 1993 est tout
92 ;
"Désordre intégral de la pensée" pour
spécialement consacré à des commentaires sur le nouveau code pénal 94.
Le Livre Il est, des trois livres spéciaux, celui qui comporte le plus d'incriminations
nouvelles. Les plus remarquables d'entre elles sont évidement le génocide et les autres
crimes contre l'humanité. Mais, sans être exhaustif, il convient également de citer les
tortures et les actes de barbarie qui deviennent des crimes, alors qu 'ils ne constituaient
auparavant que de simples circonstances aggravantes, les conditions de travail et
d'hébergement contraires à la dignité de la personne humaine, infractions destinées à
Sur la forme
En 1990, la commission DELMAS-MARTY, intitulée "Justice pénale et droits de
l'homme", avait rendu deux rapports sur la mise en état des affaires pénales. Elle avait
dégagé dix principes permettant une réforme d'ensemble de la procédure pénale, la
légalité, l'égalité entre les justiciables, la garantie judiciaire, la dignité de la personne
assurer une répression plus sévère des employeurs de travailleurs clandestins et des
humaine; la protection de la victime, la présomption d'innocence de l'accusé, le respect
"marchands de sommeil", le harcèlement sexuel qui complète le dispositif relatif aux
agressions sexuelles, la mise en danger délibérée de la personne, délit qui permettra de
réprimer certaines attitudes dangereuses en matière de circula tion rou tière et de sécurité
91
dans le travail, même lorsqu'elles n'ont pas provoqué d 'accident et enfin la provocation
J. BORRICAND, Le terrorisme écologiq ue in Problème actuels de sciences criminelles,
1995, p. 29.
des mineurs à certains comportements dangereux ou illicites comme la consommation
92
A. L. Dalloz 1993, p. 167.
excessive d'alcool ou la mendicité.
93
Libres propos sur le nouveau code pénal, in Problèmes actuels de sdences criminelles, 1993.
94
M. L. RASSAT, Les infractions contre les biens et les personnes dans le nouveau code pénal,
Dalloz 1995.
Le Livre II modifie par ailleurs profondément la répression d'infractions
existantes. Ainsi, les formes les plus graves de trafic de stupéfiants ou de proxénétisme
�113
114
des droits de la défense, l'équilibre entre les parties, la proportionnalité et la célérité de
Tout récemment, une loi du 8 février 1995 comporte un certain nombre de
la procédure.
dispositions relatives à l'organisation des juridictions pénales et administratives.
Ces propositions aboutissaient notamment à faire du juge d'instruction, un juge
Notamment ce texte multiplie les hypothèses du juge unique en matière correctionnelle
de l'instruction, en confiant au Parquet le soin d'instruire.
95
Cette réforme, jugée trop hardie, avait été écartée au profit du projet SAPIN-
2) Au plan européen
VAUZELLE qui avait choisi de maintenir la fonction du juge d'instruction et qui
proposait plutôt de renforcer les droits de la défense. Le projet s'inspirait de la réforme
S'il est vrai que punir relève de la compétence exclusive des États, que le droit
engagée dès 1985 par M. BADINTER. TI avait pour objet de donner toute sa portée au
répressif illustre le pouvoir de souveraineté des Nations, force est de constater que le
prindpe de la "présomption d'innocence qui devait être respectée non seulement dans le cadre
continent européen est devenu une zone d 'intense circulation pour les personnes et les
de toute procédure à caractère pénal, mais également hors procédure, par tout membre du corps
social" (Projet de loi n° 2585). Cette réforme avait débouché sur la loi du 4 janvier 1993
marchandises, générant une criminalité transfrontière (drogue, fausse monnaie, crime
organisé, atteinte à l'environnement).
Certes, depuis le XIX o siècle, des conventions ou des accords inter-régionaux ont
dont les grandes lignes étaient les suivantes: suppression de l'inculpation remplacée
par une procédure en deux temps comprenant une "mise en examen" qui ouvre les droits
de la défense et une "mise en cause" qui intervient lorsque le juge d'instruction relève des
"charges constitutives d'infraction". La mise en détention, était prescrite ou prolongée par
un collège comprenant trois magistrats du siège, dont le juge d'instruction chargé du
dossier.
été signés. Mais ils présentent l'inconvénient d'être des instruments fragmentaires. D'où
La loi du 24 août 1993, portant réforme de la procédure pénale a apporté divers
d'infractions violentes, le blanchiment, le dépistage, la saisie et la confiscation des
aménagements à la loi du 4 janvier 1993 sur les suggestions d'un groupe de travail mis
produits du crime, la répression du terrorisme, le contrôle de l'acquisition et de la
en place par le Garde des sceaux en avril 1993 ayant débouché sur une proposition
sénatoriale.
détention d'armes à feu ont fait l'objet de dispositions internes prises par les États.
l'idée de faire appel à des organismes supranationaux pour impulser une coopération
européenne dans le domaine pénal.
- Le Conseil de l'Europe, par le biais de recommandations adressées à ses
membres (33), s'efforce d'harmoniser la politique pénale des États. Le dédommagement
- La Communauté Européenne, de son côté, voudrait se voir reconnaître des
pouvoirs répressifs que les États leur refusent au nom de l'absence de compétence
Le nouveau texte, entré en vigueur le 2 septembre 1993, apporte deux sortes de
pénale de la communauté. Toutefois, on peut noter la directive du 1er juin 1991 relative
modifications :
à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de
- D'abord, des changements sont apportés aux règles de la garde à vue. L'O.P.].
capitaux.
- L'accord de Schengen, signé le 14 juin 1985, entre la France, la Belgique, le
doit informer du placement en garde à vue le procureur ou le juge d'instruction dans les
meilleurs délais, ainsi que la personne avec qui l'intéressé vit habituellement.
Luxembourg, les Pays-Bas et l'Allemagne, tend à promouvoir une coopération policière
Le droit à l'assistance d'un avocat, inauguré par la loi du 4 janvier 1993, est
européenne accrue du fait de la suppression graduelle des contrôles aux frontières
maintenu à partir de la vingt et unième heure de garde à vue. L'avocat doit être informé
communes. A court terme, les signataires s'engagent à lutter contre le trafic illidte de
par les enquêteurs de la nature de l'infraction recherchée. Le délai est porté à 36 heures
stupéfiants. A long terme, ils prévoient de développer l'entraide judiciaire et
pour des infractions graves (extorsion de fonds, participation à une association de
d'harmoniser leurs législations (Art. 19).
Le 19 juin 1990, a été signée la convention d'application de l'accord auquel se
malfaiteurs, proxénétisme aggravé... ).
- Ensuite, des modifications sont apportées aux règles de J'instruction
sont joint l'Italie, l'Espagne et le Portugal. Ce texte, qui comporte 142 articles, organise
préparatoire. TI appartient au juge d'instruction et à lui seul de procéder à la mise en
une coopération policière accrue avec, notamment, la mise en place du système
examen. Toutefois, un O.P.]. peut y procéder sur commission rogatoire du juge.
d'information Schengen, appelé 5.I.S., qui doit permettre, grâce à une procédure
L'avocat peut avoir accès au dossier pendant les 4 jours ouvrables qui précèdent
d'interrogation automatisée, "de disposer de signalements de personnes et d'objets à
l'interrogatoire. Si aucun interrogatoire n'est prévu, la consultation ne peut se faire que
sous réserve du bon fonctionnement du cabinet d 'instruction.
9S
G. P. 31 mars-1er avri11995, Act. Lég. Dalloz, 1995, p. 41.
�115
116
l'ocC/lSion de contrôles de frontières et vérifications ..." et de "préserver l'ordre et la sécurité
ainsi "l'embryon d'une police européenne". Cette prudente mise en route s'explique sans
publics".
doute, par les difficultés de réaliser une véritable coopération judiàaire européenne 98.
Les services poliàers d'un État signataire pourront se rendre sur le territoire d'un
autre État de l'espace Schengen pour "observation" lors de filatures dans les enquêtes sur
Conclusion
les infractions graves et lors de poursuites "en flagrant délit". La convention énumère
treize infractions pour lesquelles le droit de poursuite sera autorisé: assassinat,
Quels que puissent être les acquis de la politique criminelle actuellement
meurtre, viol, incendie, fausse monnaie, vol et recel aggravés, extorsion, enlèvement,
conduite, elle apparaît insuffisante dans la mesure où elle ne développe pas une
conception méthodologique de la réaction sociale contre le phénomène criminel.
trafic d'être humain, trafic illicite de stupéfiants, infractions aux dispositions en
Voilà trois orientations qui pourraient être prises en compte dans les travaux
matière d'armes et explosifs, transport illiàte de déchets toxiques, délit de fuite après
législatifs:
un acàdent ayant entraîné la mort ou des blessures graves.
- Il conviendrait tout d'abord de fonder la politique criminelle sur une
L'accord de Schengen aura inévitablement pour effet de contraindre les États
connaissance réelle du phénomène criminel ce qui impliquerait de faire le point des
signataires à redéfinir les fonctions de contrôle et de répression.
recherches et de lancer des programmes de recherche, pour connaitre l'effectivité du
Indépendament de ces documents diplomatiques, des instruments de
système répressif et les résultats des réformes conduites à l'étranger pour éviter de les
coopération poliàère sont mis en place.
transposer parfois trop hâtivement en France. Quelques études très intéressantes nous
- Le Traité de Maastricht, enfin, traité sur l'union européenne en date du 7
renseignent sur l'érosion des peines, la récidive 99
février 1992 qui vient d 'être ratifié par l'ensemble des États signataires comporte dans
n faudrait les multiplier.
- En second lieu, il apparaît nécessaire de repenser entièrement les moyens de
son titre VI des dispositions sur la coopération dans les domaines de la police et de la
lutte contre la criminalité par le développement des mesures préventives et par une
justice et des affaires intérieures %.
finalité aux peines prononcées.
- La création d'un groupe anti-mafia a été décidé à Bruxelles le 15 septembre
- Enfin, il est impératif de réorganiser le système de justice pénale, en lui
1992 à l'occasion d 'une réunion des ministres de l'Intérieur et de la Justice. "Cette
offrant les moyens matériels qui lui manquent (cf. budget de la justice), et en impulsant
réunion, sans précédent, de tous les ministres de /'Intérieur et de la Justice européens constitue
un signe politique extrêmement fort pour tous les peuples européens, en même temps qu'elle
montre notre solidarité avec /'Italie" avait déclaré le Garde des sceaux français, Michel
une réforme des mentalités.
" B - Les autres systèmes iuridiques occidentaux
VAUZELLE. Plusieurs spécificités ont été retenues par l'Italie et la France pour
qualifier les organisations mafieuses: une activité criminelle systématisée (trafic de
L'étude des autres systèmes répressifs fait appel aux enseignements de la
stupéfiants, extorsion de fonds, évasion fiscale etc. .. ), un développement international,
méthode comparative 100
des profits considérables. Cette réunion, a, d'autre part, décidé de créer un groupe
Elle est instructive dans la mesure où elle permet d 'apprécier le fonctionnement
européen des responsables anti-mafia qui, composé de magistrats et de poliàers, devra
de telle institution pénale originale et éventuellement de l'intégrer dans le droit français
conduire une réflexion sur les activités mafieuses, définir les stratégies pour les
quitte à l'aménager.
combattre 97.
Les systèmes juridiques se partagent en deux groupes, le système des pays
- L'Europol a été créée à Strasbourg le 4 septembre 1992. Dans un premier temps,
continentaux et le système des pays anglo-saxons.
il se cantonnera à l'échange d'informations intéressant le trafic de stupéfiants. Aux
yeux du Ministre de l'Intérieur français de l'époque, Paul QUILES, Europol constitue
98
96
M. DELMAS-MARTY, Le n:eilleur ou le pire, Le Monde 23 octobre 1992.
97
J. BORRICAND,
La criminalité organisée transfrontière, à paraltre.
J. BORRICAND, Vers l'Europe pénale, Problèmes actuels de sciences criminelles, vol. VII
1994, p. 107.
99
FAUGERON et LE BOULAlRE, Quelques remarques à propos de la récidive, CESDIP 1992,
n° 65.
100
DELMA5-MARTY, Les grands systèmes de politique criminelle, PUF 1992 ; J. PRADEL, Droit
pénal comparé, Dalloz 1995.
�117
118
JO> Le système des pays continentaux
Court" (outrage à la Cour) permettant de censurer tel commentaire erroné ou
tendancieux 101 .
Ces pays ont connu une évolution similaire au droit français avec cette différence
Le régime des voies de recours fait intervenir, d'une part, la Cour d'appel criminel
qu'ils se sont en général plus modernisés que celui,i. Ils ont subi l'influence combinée
instituée en 1907 et, d'autre part, la chambre des Lords qui constitue une Cour d'appel
des idées pragmatiques, néoc1assiques et de défense sociale, ce qui n'est pas sans
suprême.
introduire quelques incohérences dans les législations respectives.
Quant à la peine, le système de la sentence indéterminée et de la probation
alâlL niveau M l'incrimination
offrent au juge de très larges possibilités d 'individualisation. Mais récemment aux
États-Unis après que des commissions aient constaté l'échec de la politique de
La nomenclature des interdits est sensiblement la même avec une tendance à la
"réhabilitation" et de certains abus des juges, la Cour suprême est intervenue pour
rappeler les nécessités du "due process of law" et qui a conduit certains Etats
dépénalisation (cf. Code allemand de 1975 éliminant les contraventions). L'exigence de
la faute est presque toujours maintenue. Le principe de la légalité criminelle est toujours
(Californie) à abandonner la sentence indéterminée pour en limiter les pouvoirs des
affirmé. Enfin, l'état dangereux est incriminé. En Belgique, une loi de 1930 vise les
juges, ce qui ne signifie pas que les États-Unis abandonnent toute idée de réinsertion.
anormaux mentaux. En Espagne, une loi sanctionne les vagabonds et les mendiants.
Elle demeure pour les peines privatives moyennes. Mais l'emprisonnement a augmenté
hl AH niveau M lA sa"ction
de 50% en dix ans.
Un mouvement de diversification des sanctions se manifeste. La possibilité
d'individualiser la peine, grâce aux circonstances atténuantes ou aggravantes, est
largement pratiquée. La prison est en déclin au profit des amendes, des peines
LECTURES
privatives de droit, des jours-amende.
L'exécution de la peine est dominée par les idées d 'individualisation et
d'humanisation.
N. ROULAND, L'anthropologie juridique, Que sais-je?
LAINGUI et LEBIGRE, Histoire du droit pénal, Cujas 1979.
cl d.!!. niveau M lA procédure
CARBASSE, Introduction historique au droit pénal, P.U.F. 1990.
On retrouve les mêmes principes avec des variantes. Le système mixte consacré
PRADEL, Histoire des doctrines pénales, Que sais-je? P.U.F. 1989.
en France se retrouve dans la plupart des pays limitrophes à l'exception de l'Italie qui
ANCEL, La défense sociale, Que sais-je? P.U.F. 1985.
vient de se rapprocher du système anglosaxon.
J.
PRADEL, Droit pénal comparé, Dalloz 1995.
2°) Le système anglo-saxon
Le système anglais est très différent dans la mesure où la procédure est
accusatoire. On plaide coupable ou non coupable. Dans le premier cas, le juge peut,
sans former le jury, prononcer la peine. Dans le deuxième cas, un jury de douze
membres doit être constitué. On examine les preuves, les témoins sont interrogés par les
parties, l'accusé est entendu comme témoin à décharge de sa propre cause. A la fin du
procès, le Président étudie les charges produites, mais ne délibère pas avec le jury.
Celui,i doit se prononcer à l'unanimité. On notera une différence avec le droit
américain qui permet à l'accusé de renoncer au jury pour être jugé directement par le
juge. Dans tous les cas, la décision judiciaire est protégée par la notion de "contempt of
101
DAVID, Le droit anglais, Que sais-je ?
�Toute société humaine pose des interdits destinés à assurer un rnllUmum de
cohésion dans le groupe social et s'attache à en assurer le respect L'élaboration de
cette règle, de cette norme pénale s'effectue différemment selon le type de société
considérée. Dans les sociétés modernes, notamment la France, l' édiction de la norme
s'exprime par un texte répressif visant le comportement antisocial. Il y a là une garantie
suprême, l'affirmation d' un Etat de droit. Mais au-delà de l'élaboration de la norme
pénale, son application soulève un certain nombre de difficultés, plus ou moins bien
résolues dans la pratique.
Nous envisagerons donc successivement l'élaboration de la norme (Ch. I), puis
l'application de la norme (Ch. II).
�120
•1
CHAPITRE 1 - L'ÉLABORATION DE LA NORME PÉNALE
Le contenu de la nonne pénale varie selon le type de société considéré. Dans les
sociétés pastorales, priorité est donnée à la protection du bétail, à celle de l'eau. Dans
les sociétés agricoles, on s'attache surtout à celle des produits de l'élevage, des récoltes,
on opte pour une répression sévère de l'incendie. Dans les sodétés industrielles, qui
sont les nôtres, les valeurs protégées visent plutôt la personne humaine et un certain
nombre de biens qui traduisent l'activité de ces sociétés (propriétés industrielles,
artistiques, biens incorporels, etc ...). Pour ce qui est de la France, le mythe de la loi est
un héritage de la Révolution et son culte est particulièrement vivace en droit pénal. Cela
n'est pas étonnant si l'on observe que c'est en ce domaine que les garanties les plus
strictes doivent être érigées pour assurer la sécurité du justiciable. La loi s'exprime par
le célèbre principe de la légalité criminelle (Section 1) qui trouve son origine dans un
certain nombre de sources qui tendent à s'élargir (Section m.
'K
SECTION 1 - LE PRINCIPE DE LA LÉGALITÉ
CRIMINELLE
Ordinairement, ce prindpe est connu sous l'appellation de principe de la légalité
des délits et des peines. Quoique courante cette expression n'est pas pleinement
satisfaisante, car elle laisse croire que le droit pénal est seul concerné par ce principe.
Cette interprétation réductrice tient, sans doute, à la formulation de l'ancien article 4
Î
c.P. aux termes duquel "Nulle contravention, nul délit, nul crime, ne peuvent être punis de
peines qui n'étaient pas prononcées par la loi, avant qu'ils fussent commis" qu'évoque l'adage
latin: "Nullum crimen, nulla poena sine lege".
En réalité, ce texte n'exprime que l'un des aspects du principe de légalité. En
effet, ce ne sont pas seulement les incriminations et les peines, mais toute l'organisation
répressive etsmllonctionnement qui doiv~t obéir au prindpe de légalité 102
102
MERLE et VITU, op. cit. nO 155.
�121
122
il est regrettable que le nouveau code pénal reprenne une formulation linùtée de la
droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950 dans ses articles 5 et 7. Ces
règle 103, l'étude du principe de la légalité criminelle doit être envisagée dans sa
derniers textes montrent le retentissement immense du principe à travers le monde.
globalité. Seront successivement traitées, la constitution, la signification et enfin
D'ailleurs, de nombreux pays devaient l'adopter, dès le XIXo siècle.
l'évolution du prindpe.
Si la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ne l'ont pas consacré, c'est parce que leur
procédure est gouvernée par la règle du précédent judidaire qui leur est propre et qui
constitue une barrière efficace contre les risques d'abus.
§ 1- LA CONSTITUTION DU PRINCIPE
B - Justification
A :: Histoire
;Xl
Contrairement à ce que l'on serait tenté de croire, le principe n'était pas
On avance traditionnellement en faveur de la légalité criminelle trois arguments :
Le premier est d'ordre psychologique . Il faut que la loi avertisse avant de
complétement ignoré avant 1789. Ainsi le droit romain le prévoyait pour les crimes et
frapper afin que le dtoyen sache avant d'agir ce qui est interdit et qui est puni. Les
au Moyen-Age certaines chartes le visaient expressément. Toutefois, la formule
criminologues insistent sur l'importance de la loi pénale, surtout pour les délits
fameuse de l'Ancien Régime "Les peines sont arbitraires en ce royaume" semblaient
artificiels, peu condamnés par la morale et même pour certains délits naturels comme
signifier une méconnaissance du principe de légalité. Cette analyse est erronée. On a
montré qu'un certain nombre d 'édits et d'ordonnances royales avaient prévu de
l'inceste dont bon nombre de sujets ignorent le caractère punissable.
Le second argument est d'ordre politique. Vivant en société, les individus ne
nombreuses infractions avec des peines précises que les juges ne pouvaient ignorer. De
doivent cependant pas être trop brimés par la collectivité sous peine de perdre toute
surcroît, l'usage constant d'une solution par les tribunaux avait créé en de nombreux
liberté et ce conflit ne peut être réglé que par la loi, expression d'un consensus général.
domaines une coutume scrupuleusement respectée 104. Il reste, toutefois, que
C'est le fameux contrat social exprimé par les philosophes du XVIllo siècle.
l' interprétation par analogie était utilisée par les juges et que des abus était fréquents.
~
D'où la formille célèbre "Dieu nous garde de l'équité des Parlements".
~
Enfin, un troisième argument est d'ordre institutionnel. Le principe de la
séparation des pouvoirs confie au pouvoir législatif, expression de la volonté
On comprend que les philosophes du XVIllo siècle se soient émus et aient vu,
populaire, une compétence exclusive en la matière. Ni le pouvoir exécutif, ni le juge ne
dans le principe de la légalité, le rempart des droits de l'homme. Les écrits de
peuvent y prétendre. Le juge est un rouage de l' État et ne peut imposer un droit auquel
Montesquieu et de Beccaria, notamment, expriment cette exigence.
le citoyen n'aurait pas consenti.
C'est pourquoi, le premier soud du législateur révolutionnaire fut d'affirmer avec
force le principe de légalité. L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du
C - Energie du principe
dtoyen, énonçait "Nulle contravention, nul délit, nul crime ne peuvent être punis de peines
qui n'étaient pas prononcées par la loi avant qu'ils ne fussent commis", tandis que l'article 5
édictait que "tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être
contraint de faire ce qu'elle n'ordonne pas".
Le faisceau de justifications expliquent qu'à la suite de pénalistes éminents
(Garçon, Garraud), les préambules des constitutions de 1946 et 1958 ont, depuis,
solennellement proclamé leur attachement aux prindpes posés par la Déclaration de
Par la suite, le principe a été réaffirmé par les constitutions de 1791 (art. 8 et 10)
1789 et le Conseil Constitutionnel a confirmé la force constitutionnelle du principe en
de 1793 (art. 19) et de l'an ID (art. 14), puis par le code pénal dans son article 4. La
s' appuyant sur l'article 8 dans plusieurs décisions importantes lOS Cette consécration
Déclaration Universelle des droits de l'homme de 1948 consacre, elle aussi, la règle
n' a toutefois pas la portée totale à laquelle elle serait en droit de prétendre, car le juge
dans les articles 9,10 et 11, tout comme la Convention Européenne de sauvegarde des
se refuse à contrôler la constitutionnalité d'une loi. Les tribunaux judiciaires se voient
103
Art. 111-3, "Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas
définis par la loi ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par 1
réglement. Nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi si l'infraction est un
aime ou un délit ou par le réglement si l'infraction est une contravention.
104
LAINGUl et LEBlGRE, Histoire du droit pénal, t. l, p. 130.
I
105
ainsi contraints d'appliquer une loi qui pourrait être contraire au principe de la légalité
19-20 janvier 1981 , J.c.P. 1981-D-19701, note FRANCK
�123
ri
124
et donc contraire à la Constitution. Tout repose sur la vigilance du Conseil
2°) S'agissant des sanctions, il n'appartient pas au juge d'adjoindre une peine à
( Constitutionnel 106.
une loi dite imparfaite qui aurait permis de la prévoir ou de prononcer une peine
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~§ .2 - PORTÉE DU PRINOPE
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complémentaire non prévue par la loi 109.
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-4.
A - Vis-à-vis du législateur
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§ 3 - EVOLUTION
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Longtemps admis sans discussion, le principe de la légalité criminelle a fait
l'objet de vives critiques à partir de la fin du XIX o siècle. L'école positiviste italienne
1°) Tout d 'abord, le législateur a le pouvoir d'établir des normes pénales et
soucieuse de développer ~ prévention des infractions et de suivre lâ"~ du
procédurales. Cette compétence exclusive n'interdit pas, cependant au pouvoir
phénomène criminel avait exigé l'abandon du principe de légalité. Cette idée de
exécutif, d' établir des incriminations mineures, ce qui traduit un effritement de la
potentialité criminelle a trouvé des échos dans les doctrines totalitaires. L'Allemagne
légalité criminelle.
hitlérienne et l'Union soviétique d'avant 1959 n' ont pas hésité à bannir le principe de
2°) En second lieu, le principe de la légalité impose au législateur l'élaboration de
légalité qui ne pouvait qu'entraver leur politique d'élimination de toute personne
textes clairs et précis. il est évident qu' une incrimination vague ôte toute garantie aux
suspectée de ne pas adhérer à la doctrine officielle.
citoyens et les laisse en particulier à la merci de l'arbitraire du juge. A diverses reprises,
(
le Conseil constitutionnel a été conduit à censurer certaines dispositions adoptées au
légalité criminelle, qui en démontrent l' irréversible déclin; la France est de ceux-là.
D'autres pays, sans aller aussi loin, ont apporté des altérations au principe de la
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loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le
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pluralisme des entreprises de presse, punissait d ' assez lourdes amendes
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Parlement en violation de cet impératif. Ainsi l'article 28 de la loi du 23 octobre 1984"
A - Le déclin au profit de l'exécutif
~
Ce phénomène n' est pas nouveau. C'est, à compter de la illème République, que
l'inobservation des dispositions de l'article 6 de la même loi. Or ce texte ne précisait
! la pratique des délégations du législatif à l'exécutif se sont multipliées sous forme de
pas à quelle personne, cédant ou concessionnaire, incombait l'obligation d'insertion
qu'il posait. Le Conseil Constitutionnel a annulé l'article 28, l'infraction qu' il portait
étant "édictée en méconnaissance du principe constitutionnel de la légalité des délits et des
décrets-lois.
D' importants textes ont été de la sorte adoptés comme la seconde partie
peines puisque la détermination de son auteur est incertaine" 107
législative du code de procédure pénale. La définition des prix illicites (ord. 30 juin
1945), du taux de l'intérêt usuraire (L. 28 décembre 1966), de la réglementation du
"'f.
B - Vis-à-vis du iuge
tra vail ou de la chasse, etc ...
Un pas de plus a été franchi avec la Constitution de 1958 qui a complètement
~
retiré du domaine législatif la matière des contraventions de police, désormais de la
P) S'agissant des incriminations, il appartient au juge de rechercher la
disposition la plus adéquate au fait poursuivi. Bien entendu, le juge ne saurait invoquer
compétence exclusive du domaine exécutif.
'P Cette "décadence de la loi" que l' on a pu justifier par le souci d' une répression
l' usage ou la coutume pour créer une incrimination ou la d éclarer disparue sous
optimale a fini par dénaturer la fonction incriminatrice du pouvoir législatif pour
prétexte qu'elle n'est plus appliquée 108.
devenir synonyme de répression aveugle aux horizons illimités. L'ancien article 82 c.P.
réprimait "quiconque, en temps de guerre, accomplira sciemment un acte de nature à nuire à la
106
défense nationale non prévu et réprimé par un autre texte". L' article L. 481-2 qui vise toute
Il a été cependant jugé que la confonnité d'une loi à la Constitution peut être contestée, lors de
l'examen de dispositions législatives qui la modifient
note LUCHAlRE).
(c.
Const. 25 janvier 1985, 0.1985-361,
107
Conseil Constitutionnel 10-11 octobre 1984, FAVOREU et PHIUP, op. cit. nO40.
108
V. toutefois, infra les jurisprudence développées à propos des dispositions conventionnelles
conclues en droit du travail.
entrave apportée à l' exercice du droit syndical est si large que la Cour de cassation a
~ e lÀ,
109
().
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~f
~ O--~ IV , ~o.-vI('
.b-- (O'M ~
JV.- ~ ~ ~ a.P'I'~~
Crim. 22 mai 1986, B. n° 167.
r},Dc 'ft d.P ,......:.", ('l
L
t. R.J.
~I/J .
~
)
~ fi. ~
�125
pu juger que celle-d avait été commise par l'employeur ayant poursuivi, par la voie
judiciaire, la résolution du contrat de travail d'un délégué syndical 110
En matière procédurale, il n'est pas excessif d'estimer que la légalité a connu de
126
b)1
Par ce phénomène, la loi est ouvertement bafouée, ce qui donne à réfléchir sur
l'insignifiance qui peut être sienne.
véritables éclipses. Une loi du 21 mars 1941 créant une cour criminelle spédale pour
sanctionner les infractions èe marché noir, attribua à la cour elle-même, le pouvoir de
déterminer sa procédure. Une autre loi du 20 janvier 1944 créant des cours martiales,
SEC TI 0 N II - LES ~ 0 U R CES DEL J\J, ÉG.A..U....T....É
CRIMINELLE
renvoyait à un arrêté du Secrétaire d'Etat au maintien de l'ordre, l' institution de ces
cours et la fixation de leur procédure!
On doit, toutefois, reconnaître que la censure du Conseil constitutionnel permet
d ' éviter certains abus. La haute instance exige une rédaction précise des textes pénaux
~
~
~
l'infraction énoncée (décision du 3 septembre 1986). Cette mise sous tutelle est
i . .,,'
'r W'.
~.J'
postulée par l'article 8 de la Déclaration des Droits de 1789, selon lequel '1a loi ne doit
0-;-
V
§ 1- SOURCES NATIONALES
et se reconnaît le pouvoir de vérifier la proportion entre la pénalité édictée et
Contrairement à l'Anden Droit où les coutumes jouaient un grand rôle, la règle de
établir que des peines strictement et évidemment nécessaires". Désormais, le prindpe
0i!9-it s'exprime essentiellement par la loi et d'ailleurs ne semble pouvoir s'exprimer que
de proportionalité des délits et des peines a valeur constitutionnelle. Si la protection
l!'ar elle, car seul un texte peut édicter une sanction. Elle est accessible à la
des citoyens y gagne, la condition du législateur en sort amoindrie, puisque le respect
connaissance de tous et ce caractère de généralité lui confère l'autorité nécessaire pour
à côté de cette source
de l'article 8 de la Déclaration des droits est assuré effectivement par le juge de la
constitutionnalité.
remière 1
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ell_e.
•
YJ B - Le déclin au profit du iuge
Les pouvoirs du juge dans la fixation des peines n'ont cessé de s'accroître.
L'éla rgissement des circonstances atténuantes, en 1960, le développement de
A - Les sources premières
Jusqu'en 1958, la loi présentait une certaine homogénéité, puisque le Parlement
définissait la matière de toutes les incriminations pénales. La Constitution de 1958 a
,.---
possibilités nouvelles: ajournement ou dispense de peine, travail d ' intérêt général,
marqué l'effritement de 1~lité cr~le'. Du fait de la combinaison des articles 34
jours amende en sont quelques illustrations.
et 37 de la Constitution, s'est opérée "la décadence de la loi". Désormais, l'interdit
Le nouveau code pénal, en supprimant les drconstances atténuantes, et en ne
fixant qu'un maximum accroît cette évolution.
D'autre part, l'introduction de la sentence indéterminée réduit dans certains
"pénal peut émaner de deux catégories d'act~, les uns émanant du pouvoir législatif, les
autres éma·RaRt-dul'0uvoir-el<écutif.
1°) Actes émanant du pouvoir législatif
domaines cette exigence du maximum. Aussi, depuis, 1945 existent, pour les mineurs
/
délinquants, des mesures de rééducation toujours révisables, quant aux majeurs,
Toutes les lois ont la même fin : édicter des incriminations, des règles
libération conditionnelle, réduction de peine et grâce leur permettent de recouvrer la
procédurales et les assortir de sanctions. Cependant, elles n'ont pas toujours la même
liberté avant le terme normal, donc, à un moment où leur état dangereux est présumé
forme. On peut tenter un classement, en opérant la distinction suivante opposant trois
avoir cessé.
sortes de textes.
Dans le domaine de la procédure pénale, la manifestation la plus notable de
l'effritement de la légalité est, sans nul doute, le procédé de la correctionnalisation
judiciaire implanté depuis le début du XIXo siècle.
al ill textes. expression législative directe
Dans cette catégorie, on peut y faire entrer:
- Les lois contenues dans les codes, CP., CP.P., C].M.
- Les lois particulières : soit intégrées dans de nouveaux codes (c. santé
110
Ass. Plén. 28 juin 1983, D. 1983-269, cone!. CABANNES.
publique, C d ébits de boissons, C de la route, C rural, etc ... ) ; soit restées extérieures
�127
128
(Loi 29 juillet 1881 sur la presse, Loi 1er août 1905 sur les fraudes, Loi du 28 décembre
Ainsi, le Préambule affirme l'égalité de l'homme et de la femme, tandis que la
1966 sur l'usure, Loi du 16 janvier 1978 sur l'informatique, Loi du 29 juillet 1982 sur la
Déclaration des droits pose les règles de la présomption d'innocence (A. 9), du
communication audiovisuelle etc. ..).
caractère exceptionnel de la détention provisoire (A. 4) et de la non-rétroactivité des
,><l
lois pénales de fond (A. 8).
hl W textes assimilés .à 1JI]Qi
X
Dans ce groupe on peut distinguer chronologiquement deux types d'actes.
Mais, il y avait, jusqu'à présent, une quantité infime d'arrêts, faisant
expressément référence à une décision du Conseil constitutionnel (sur
150000 arrêts de la Chambre criminelle, six seulement y font expressément référence)
• Les actes antérieurs au droit napoléonien.
111
L'ancien article 476 du Code pénal disposait: "Dans toutes les matières qui n' ont
Cependant, la réforme de 1974 ayant élargi la possibilité de saisine du Conseil
pas été réglées par le présent code et qui sont régies par des lois et règlements particuliers, les
cours et tribunaux continueront de les observer", à condition que le texte:
constitutionnel aux parlementaires, on observe que, de plus en plus, cet organisme est
saisi de requêtes formées contre les textes à caractère pénal le conduisant à affirmer
- n'ait pas été abrogé, ni expressément, ni tacitement.
des principes qui ont valeur de loi. Ainsi, la non-rétroactivité des lois nouvelles plus
- ait un caractère permanent.
sévères 112, la rétroactivité des lois nouvelles plus douces 113 ou la liberté individuelle
- soit compatible avec les principes de notre droit criminel contemporain.
114
Le nouveau code pénal n'a pas jugé utile de reproduire cette disposition.
;Il
• Les lois étrangères
Un nouveau pas a été franchi par les arrêts rendus par la Chambre criminelle le
25 avril 1985 115 . Dans ces deux affaires, était posé le problème de l'énergie de la loi
L'article 113-6 N.e. P. énonce : "La loi pénale française est applicable à tout crime
du 10 juin 1983 instituant une nouvelle réglementation des contrôles et vérifications
commis par un français hors du territoire de la République. Elle est applicable aux délits
commis par des français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la
d'identité, en ayant omis d'abroger le décret du 18 mars 1946 relatif à la police des
législation des pays où ils ont été commis". Ce texte pose le principe de la réciprocité
l'autorité "les pièces ou documents sous le couvert desquels ils sont autorisés à résider en
d 'incrimination.
France".
étrangers faisant obligation à ceux-ci de présenter à toute réquisition des agents de
Dans la première affaire, BOGDAN, citoyen hongrois, avait été soumis à un
'.'!
cl W textes supérieurs .à 1JI /.Qi.
contrôle d'identité alors qu'il se trouvait comme passager dans un véhicule immatriculé
Sur le plan du droit interne, on assiste actuellement à une constitutionnalisation
en Allemagne. La Cour de Paris avait annulé la procédure estimant que seul le
du droit pénal en France, conduisant à la reconnaissance d 'un certain nombre de
principes fondamentaux
conducteur d'un véhicule était tenu de présenter des papiers. Tout en approuvant
l'arrêt d'appel d'avoir apprécié la régularité de la procédure, conformément aux
dispositions combinées de l'article 66 de la ConstituUon, aux termes duquel l'autorité
1) Le phénomène de constitutionnalisation.
judiciaire est gardienne de la liberté individuelle qui énonce que "dans les cas d'atteinte à
Sans doute, les déclarations de droit américaine et française de la fin du
la liberté individuelle, le conflit ne peut jamais être élevé par l'autorité administrative " et que
XVlllème siècle renfermaient de nombreuses dispositions limitant le pouvoir répressif
les tribunaux de l'ordre judiciaire sont toujours exclusivement compétents, et de l'article
de l' État au profit des personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction pénale;!
136 du e. P. P. la Cour de cassation le censure, la cour n'ayant pas vérifié si les
Néanmoins, pendant tout le XIXème siècle, ces dispositions n'ont eu aucune valeur de
droit positif, sauf aux États-Unis où les juges admirent, très vite, la supériorité de la
111
Chiffres cités par M. FAVOREU, La Cour de cassation, le Conseil constitutionnel et l'article
66 de la Constitution, D. 1986, chrono p. 169.
En Europe, de nombreuses constitutions étrangères avaient progressivement
112
C. Const. 10-11 octobre 1984, R.5.C. 1985-341, obs. BOULOC.
intégré des principes d'ordre pénal, (Suisse, Autriche) . Par exemple, le principe
113
C. const. 19-20 janvier 1981, I.c.P. 1981-1I-1970, note FRANCK.
procédural du contradictoire est affirmé par les constitutions italienne et portugaise.
114
C. cons!. 12 janvier 1977, D. 1978-173, note HAMON et LEAUTE.
115
Affaires VUCKOVlC et BOGDAN, D. 1985-329, concl. DONTENVILLE, J. C. P. 1985-11-20465,
note JEANDrolER ; Gaz. Pal. 1985-1-408.
Constitution sur la loi.
La France avait suivi le mouvement dans sa Constitution de 1958. Son
Préambule renvoie à celui de 1946 et à la Déclaration des droits de l'homme de 1789.
�129
130
conditions requises pour que joue le décret de 1946 n'étaient pas rétmies. En somme, la
On citera, tout d'abord, la réaffirmation du principe de la légalité des délits et
Cour d'appel a appliqué la loi de 1983, excluant de ce fait, le décret de 1946.
des peines (20 janvier 1981) auquel on peut rattacher le principe de la non
Dans la deuxième espèce, VUCKOVIC avait été interpellé sur un quai de gare.
rétroactivité (20 janvier 1981).
Traduit d'abord devant le tribunal correctionnel pour situation irrégulière, en appel, la
On peut citer également, le principe de l'égalité procédurale dégagé dès 1975.
cour avait estimé qu'il fallait surseoir à statuer et il avait été renvoyé devant le juge
Une loi de 1975 avait envisagé de laisser au Président du tribunal de dédder de façon
administratif, compte tenu que cette interpellation "s'anl1lysant en un acte administratif
discrétionnaire et sans recours, les matières pouvant être jugées par un juge unique. Le
individuel qui n'est pas lui-même sanctionné, alors même que de sa légalité dépend la solution
Conseil constitutionnel censure la loi au motif qu'elle portait atteinte à l'égalité. En
du procès", interdisant au juge judiciaire d'apprécier la légalité d'un tel acte, la Cour de
revanche, la loi du 9 septembre 1986 sur le terrorisme a décidé la compétence de
cassation a censuré partiellement la décision d'appel.
magistrats professionnels.
De cette jurisprudence nouvelle de la Cour de cassation, on peut tirer les
A été dégagé le principe de la responsabilité personnelle en vertu duquel nul ne
enseignements suivants.
peut être soumis à une peine s'il n'a pas commis lui-même l'infraction (2 décembre
Tout d'abord, le décret de 1946 continue à s'appliquer pour les contrôles
1976). Ce principe a été toutefois atténué ultérieurement dans une décision posant
d'identité des étrangers, sous la réserve qu'il y ait des "éléments objectifs déduits de
"qu'aucun principe constitutionnel ne s'oppose à ce qu'une amende puisse être infligée à une
circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé de nature à faire apparaître
personne morale" (30 juillet 1982)
On peut ajouter les autres principes suivants:
- Prindpe de la nécessité de l'incrimination et de la peine 119 ;
sa qualité d'étranger "ou, qu'à défaut de ces éléments, la "procédure de contrôle d'identité
prévue par l'article 78-1 du C. P. P. ait fait apparattre la qualité d'étranger". En toute
hypothèse, que le contrôle soit opéré au titre du décret de 1946 ou de la loi de 1983, le
_ Principe de proportionnalité entre infractions et peines 120, impliquant un
juge judiciaire est compétent pour en apprécier la régularité et cela en vertu de l'article
certain rapport entre la gravité de l'infraction et la gravité de la peine
66 de la Constitution et de l'article 136 du c.P.P." 116.
encourue;
En second lieu, et c'est là l'aspect le plus novateur de ces arrêts, pour la première
- Principe du respect des droits de la défense qui résulte des prindpes
fois, la Chambre criminelle, suivant les conclusions de l'avocat général, consacre la
-
fondamentaux reconnus par les lois de la République 121 Parmi ces droits
prise en considération des normes constitutionnelles dans l'interprétation donnée par le
Conseil constitutionnel.
-
figure le droit de la personne à s'entretenir avec un avocat au cours de la
garde à vue 122.
De son côté, le Conseil d ' État a fait application, le 20 décembre 1985, dans un
Le Conseil, interrogé, a estimé qu'il est loisible au législateur de prévoir des règles
arrêt d'assemblée, d'une décision du Conseil constitutionnel à laquelle il reconnaît
autorité de chose jugée 11 7.
de procédure différentes selon les faits, les situations, et les personnes auxquelles elles
il semble bien que ces décisions amorcent un tournant dans le rôle joué par le
s'appliquent, pourvu que ces différences ne procèdent pas de discriminations
injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales.
Conseil constitutionnel dans l'application des principes du droit pénal et de la
La doctrine s'accorde pour admettre que la reconnaissance par les deux plus
procédure pénale.
hautes instances juridictionnelles des décisions du Conseil constitutionnel va modifier
Xl 2) Les principes fondamentaux
sensiblement les différentes branches du droit et, notamment, pour ce qui est du droit
En effet, le Conseil constitutionnel a dégagé un certain nombre de principes
pénal, la valeur constitutionnelle du principe de l'autorité judidaire, gardienne de la
souvent tirés de prescriptions contenues dans la déclaration de 1789 ou des deux
préambules, s'opposant par là, au Conseil d' État qui les trouve trop vagues pour qu'ils
puissent être sanctionnés juridiquement 118.
119
20
janvier 1981.
116
FAVOREU, chron. prée.
120
30 décembre 1987.
117
D. 1986-283, note FAVOREU.
121
20
118
C. E. 28 novembre 1968, TALLAGRAND, Rec. 6lJ7.
122
Il août 1993, j.c.P. 1993-11-66355.
janvier 1981, 3 septembre 1986.
�131
132
liberté individuelle s'impose au juge répressif 123. On peut s'inquiéter de l'emprise du
Bien qu'autonomes, ces règlements n'ont pas la même autorité que la loi fonnelle.
Conseil Constitutionnel sur le pouvoir judiciaire dans la mesure où cette juridiction
Ce ne sont, en effet que des actes administratifs. Ils peuvent, dès lors, faire l'objet d 'un
entend faire prévaloir, dans la nature pénale, un certain nombre de prindpes généraux.
recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État statuant au contentieux et ils
'f'
doivent être soumis au contrôle de légalité par le juge répressif comme les autres
( règlements administratifs.
2°} Les actes émanant du pouvoir exécutif
il en va différemment pour une deuxième catégorie d'actes administratifs que l'on
Jadis, ce type d'acte représentait une source limitée du droit pénal. Avec la
peut qualifier d'équivalents à la loi.
constitution de 1958, cette source s'est élargie au point d'être promue parfois au rang
de la loi elle-même. Dès lors, les actes réglementaires apparaissent, soit subordonnés à
hl ill ~ équivalents .à.liI fui
la loi, soit équivalents à la loi.
Cette catégorie regroupe un éventail de textes très hétérogènes .
.al ill ~ soumis .à.liI fui
• Les textes pris dans des circonstances exceptionnelles.
ils sont de trois sortes:
Ils peuvent être illustrés par les décisions présidentielles prises en vertu de
• Tout d'abord les actes pris en vertu de l'article R. 610-5 c.P.
l'article 16 conférant au Président de la République une sorte de pouvoir législatif. Ces
décisions ne peuvent faire l'objet d'aucun recours devant aucune juridiction 124.
"lA violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les décrets
et arrêtés de police sont punis de l'amende prévue pour la contravention de la Ure classe".
• D'autres textes résultent d'une délégation de pouvoirs.
Cette délégation traditionnelle se justifie par le fait que la loi ne peut tout
Cette délégation peut être opérée par la Nation. Cest le cas de l'article 11
prévoir, qu'il faut laisser une liberté relative de manœuvre aux autorités préfectorales
autorisant le Président de la République à légiférer par voie de référendum. Ce type de
ou munidpales, sans pour autant les laisser légiférer au gré de leur fantaisie (exemple:
loi est fragile parce que attaquable devant le Conseil d'État par voie de recours pour
réclusion à perpétuité édictée pour un stationnement interdit !).
excès de pouvoir.
• En second lieu, des lois spéciales.
Mais cette délégation peut être également consentie par le Parlement
Elles peuvent être prises dans des matières particulières (lois sur la police des
Sous la Troisième République, c'était la fameuse pratique des décrets-lois. Sous la
chemins de fer, lois en matière économique ou fiscale). Elles confèrent à l'administration
Quatrième République, il en était de même, avec cette différence que le droit pénal en
le pouvoir de déterminer les incriminations et les sanctions.
était exclu.
Sous la Cinquième République, ces textes ont pris le nom d'Ordonnance. Les
• Enfin et surtout, les règlements autonomes.
unes, fugitives prises en vertu de l'article 92 avaient pour finalité la mise en place de la
ils sont pris en vertu des articles 34 et 37 de la Constitution et confèrent au
Cinquième République (entre le 4 octobre 1958 et le 4 février 1959). Elles avaient la
pouvoir exécutif une compétence dans le domaine contraventionnel (Art. R. 610-1
même autorité et la même valeur qu'une loi votée par le Parlement. Par suite, elles ne
N.C.P.).
1
pouvaient faire l'objet d'un recours devant le Conseil d' État pour excès de pouvoirl25 .
Si le décret est pris en Conseil d'État, les rédacteurs du décret peuvent choisir
,.,
En revanche, les autres, permanentes, prises en vertu de l'article 38, à la suite
librement les pénalités dans les limites des peines de police jusqu'à concurrence de
d'une ;'utorisation du Parlement, sont soumises à la censure du Conseil d ' État et à
10000 F.
l'exception d 'illégalité 126. En revanche, si elles ont été déposées et ratifiées par le
S'il s'agit de décrets simples, d 'arrêtés ministériels, préfectoraux ou municipaux,
la sanction se trouve obligatoirement dans l'article R. 610-5 N.C.P .. C'est à dire une
amende de 250 F. au plus.
123
LE CALVEZ, Les principes constitutionnels en droit pénal, j.CP. 1985-1-3198 ; PHILIP, La
constitutionnalisation du droit pénal français, R.S.C 1985-711 ; D. MAYER, L'apport de droit
constitutionnel au droit pénal en France, R.S.C 1988-439.
124
T. C 16 novembre 1964, C E. 13 novembre 1964, j.CP. 1965-11-14286, note LANGAV ANT, Crim.
21 août 1961, B. nO363; Crim. 23 mai 1%2, j.CP. 1962-II-12800.
125
Crim. 25 juin 1959, Bull. nO331 ; C. E. 12 février 1960, j.c.P. 1960-11-11629 bis, note VEDEL,
R.5.C 1961-104 obs. LEGAL.
C. E. 19 octobre 1%2, CANAL, D. 1962-687, annulant l'Ordonnance en date du 1er juin 1962.
126
�134
133
Parlement dans le délai voulu, l'exception d'illégalité n'est pas recevable et les
conduite à admettre que ce règlement pouvait consister même en une simple circulaire
tribunaux répressifs doivent les appliquer 127.
130
Le nouveau code pénal entérine la distinction loi, règlement (art. 111-2) lui
On observera, cependant, que l'autorité de la circulaire n'est que relative, dans la
donnant une "valeur légale et une consécration pénaliste" 128.
mesure où elle n'intervient que sur délégation d'un texte législatif ou réglementaire.
Il n'en est pas de même en droit administratif. La position du Conseil d'État est
3°) Les circulaires
beaucoup plus libérale. Pour mieux protéger les administrés, il déclare recevables les
recours pour excès de pouvoir des circulaires créant une véritable règle de droit
On sait l'importance que les circulaires revêtent aujourd'hui (270 pages du code
opposable aux intéressés, c'est-à-dire qui présentent un caractère réglementaire 131.
Dalloz pour l'application du nouveau code pénal !).
Un certain courant doctrinal souhaiterait que le juge pénal adopte une attitude
similaire à celle du Conseil d'État. 132.
Pourtant le principe est que les circulaires ne peuvent déterminer, en droit pénal,
les éléments d'une incrimination. Elles ne sauraient non plus, en outre, être considérées
comme une source secondaire assimilable aux règlements ou aux autres actes
B - Les sources secondaires
administratifs. Solution logique, les seules sources du droit pénal sont la loi et le
règl~~
Le doyen CARBONNIER appelle les sources secondaires des "autorités". Celles-
En conséquence, un justiciable ne peut s'abriter derrière une circulaire.
ci ont tendance à voir leur importance s'~tre sensiblement en droit pénal, depuis le
Cependant, le rôle des circulaires en droit pénal est loin d'être négligeable.
XIXo siècle.
a) Tout d'abord une circulaire peut apporter des précisions sur les
On peut citer la coutume et les
éléments constitutifs d'une infraction pénale.
rinci es généraux du droit dégagés par la
--.ajoutera pour mémoire, que le droit du travail a donné naissance à une
jurisprudence.
-
Ainsi il est admis que, parmi les règlements des articles 221-6 et 222-19 N.CP.,
On
figurent non seulement les lois, mais aussi de simples circulaires administratives ou
nouvelle source en admettant que des accords de volonté spontanément conclus lient
instructions de service à caractère réglementaire.
les partenaires et que leur méconnaissance constituerait le délit d'entrave à l'exercice du
droit syndical dans l'entreprise. La cour de cassation l'a admis dans des arrêts
f3) En second lieu, il peut arriver qu'exceptionnellement une
remarqués 133. Cette jurisprudence a été consacrée et même étendue par la loi du 13
circulaire crée une incrimination.
novembre 1982 qui a créé un nouvel article L. 153-1 C. T. , (accords collectifs) 134.
Une ordonnance du 30 mai 1945 sanctionnait de peines sévères le contrôle des
changes. Ce texte a été abrogé par une loi du 28 novembre 1966 permettant cependant
au gouvernement d'intervenir par décret. En application de cette loi, un décret du 24
On connaît l'importance que revêtait la coutume sous l'Ancien Régime. Elle était,
novembre 1968 a rétabli certaines mesures de contrôle et a prévu qu'une autorisation
souvent, cause d'extinction des peines. Dans certaines régions, il était d'usage de ne
exceptionnelle de transfert de devises pourrait être accordée par drculaire. Ce qui fut
pas faire exécuter la peine de mort, si certains événements survenaient Oa rencontre
fait par une circulaire en date du 9 août 1973. Un individu n'entrant pas dans les
d'un cardinal sur le chemin du supplice, la rupture de la corde, le mariage du condamné
précisions de cette circulaire a été condamné 129
avec une jeune fille ou une prostituée). On sait le rôle capital que joue encore
Il en va de même en matière d' homicide involontaire (art. 221-6 N.CP.) et de
aujourd'hui la coutume dans les pays anglo-saxons.
blessures involontaires (art. 222-19 et R. 625-2 N.CP.). Ces infractions pouvant être
constituées notamment par la violation d'un règlement ; une jurisprudence a été
127
Crim. 13 avril 1976.
128
RASSAT, "Libres propos sur le nouveau code pénal" in Problèmes actuels de sciences
criminelles, 1994, p. 63.
129
Crim. 16 janvier 1976, B. n° 18; 24 novembre 1980, B. n° 311.
130
Paris 20 décembre 1971, G.P. 1972-1-317.
131
C.E. 29 janvier 1954, Institution N. D. du KREISKER.
132
PUECH, op. dt. pp. 29-30.
133
Crim. 14 février 1978, D. 1978-384.
134
J. BORRJCAND, Remarques sur les quelques décisions sociales de la chambre criminelle,
chrono D. 1980-323; PRADEL, Dr. social. 1979-10) .
�135
136
Depuis l'admission du principe de la légalité criminelle (Art. 111-2 C P.), la
constitutionnalité. Si bien qu'aujourd'hui la Cour de cassation et le Conseil
coutume n'a plus de valeur créatrice, modificatrice ou abrogative du droit pénal. ~
constitutionnel concourent à leur intégration dans le droit positif.
coutume ne peut donc pas créer d'infraction nouvelle, ni de peine, ni modifier les
"
infractions ou les peines existantes. La Cour de cassation le rappelle fréquemment.
C'est dans la procédure pénale que ces principes se sont le plus épanouis. On
connaît le principe de la présomption d'innocence, ou encore celui d'après lequel le
Cependant, une manifestation résiduelle de la coutume peut être illustrée par un
doute profite à l'accusé (in dubio pro reo). Le principe du respect des droits de la
double rôle, un rôle d'interprétation et un rôle supplétif.
défense a conduit à une réforme législative à la fin du siècle dernier et a permis plus
récemment à la Cour de cassation, en créant le système des nullités substantielles, de
ru Le. rQk d'interprétation
compléter la liste légale trop étroite 138. On peut citer également les prindpes d'oralité
La notion de bonnes mœurs ou de pudeur n'ayant pas été définie, le juge va se
139, de publicité 140, de double degré de juridiction (appel de certaines ordonnances du
référer à la pratique effective. C'est BAUDELAIRE, condamné au siècle dernier pour les
juge d 'instruction au-delà de ce qu'autorise l'article 202 du CP.P.) 141 et celui d'après
Fleurs du Mal, réhabilité en 1949. C'est la faute d'imprudence appréciée compte tenu
lequel le mis en examen doit avoir la parole le dernier 142. On observe, ici, de multiples
du comportement usuel des hommes 135. C'est le tapage nocturne apprécié en fonction
illustrations de l'indépendance des tribunaux vis à vis du législateur. En procédure
de l'évolution des mœurs 136.
pénale, l'enquête de personnalité, obligatoire dans le Code de procédure pénale, a été
jugée facultative par la Cour de cassation. Le recours en cassation en matière
hl 1& rQk supplétif
d'extradition a été admis malgré l'interdiction posée par la loi du 10 mars 1927 143 On
il apparaît de deux façons.
doit remarquer toutefois que, paradoxalement, les tribunaux se trouvent parfois plus
Le plus souvent, la coutume est une source négative en ce qu'elle exclut la
réticents que la cour de cassation 144, (refus de s'immiscer dans l'exercice du pouvoir
répression. C'est le droit de correction manuelle des parents sur leurs enfants. C'est la
du législateur pour préférer la loi naturelle à la loi positive). C'est dire que si le rôle des
permission chirurgicale. C'est la vente du muguet, tolérée le 1er mai. Ce sont les courses
tribunaux est fort utile -il fait l'économie d'une loi- il se révèle parfois excessif.
de taureaux et les combats de coqs, autorisés s'il y a une "tradition locale ininterrompue"
Mais le droit pénal de fond connaît quelques uns de ces principes. Telles la
(Art. 511-1 CP.). Ce sont les coups et blessures consécutifs à la pratique des sports
présomption de bonne foi 145, la dispense de peine pour le complice de dénoncer le
(cl. l'étude de la disparition de l'infraction).
crime auquel il a participé 146, sur la base des "principes fondamentaux du droit pénal
français". Le droit de la minorité pénale a été modifié par référence aux principes
Exceptionnellement, la coutume peut être une source positive. En matière de
g~u-dreit 147.
fraude, lorsque le produit n'est pas réglementé, le juge peut faire appel aux "usages
loyaux et constants du commerce" pour déterminer si le produit mérite la qualification
Certains de ces principes intéressent à la fois la procédure et le fond comme celui
donnée par le prévenu 137.
de l'égalité. C'est sur sa base que le Conseil constitutionnel a annulé une loi de forme
La procédure pénale fournit, pour sa part, de nombreux exemples de ce rôle
supplétif. Rappelons l'usage des commissions rogatoires, la pratique des enquêtes
officieuses qui ont conduit à des réformes législatives, ainsi que la correctionnalisation.
2°) Les principes généraux du droit
On sait J'importance des principes généraux en droit administratif. Ceux-ci
pénètrent, de plus en plus, le droit criminel, ce qui a conduit certains auteurs à parler
de "pubIicisation du droit pénal ". On sait, en effet, qu'ils ont la qualité de principes
constitutionnels. La déclaration des droits n'a-t-elle pas été intégrée dans le bloc de
138
Crim. 12 juin 1952, j.c.P. 1952-11-7241.
139
Crim. 31 mars 1965, j.CP. 1966-II-14547.
140
Crim. 10 juillet 1974, B. n° 253.
141
crim. 24 février 1981, p. 489.
142
Crim. 23 septembre 1983, D. 1984-156, p. 188.
143
Crim. 17 mai 1984 j .CP. 1985-11-20332, note BORRICAND.
144
Tribunal de Bobigny, 22 novembre 1972, Gaz. Pal. 1972-2-89.
135
Nîmes, 28 mai 1966, j.CP. 1967-II-15311.
145
Crim. 1 avril 1965, B. nO102.
136
Crim. 4 février 1970, D. 1970-289.
146
Crim. 27 décembre 1960, B. nO624.
137
Crim. 5 octobre 1967, B. nO242.
147
crim. 26 décembre 1956, D. 1957-349, note PATIN.
�138
137
qui donnait au Président du tribunal, le droit de répartir les affaires entre un juge
unique et une juricliction c llégiale 148.
A ces difficultés de fond et de forme, s'ajoute l'ambition du droit international
qui se voudrait uniformisateur de la norme pénale.
En effet, la finalité du droit international tend à définir un certain nombre de
§ 2 - LES SOURCES SUPRANATIONALES
comportements prohibés et à les sanctionner. Cependant, son rôle ne porte que sur les
points sensibles que les législations nationales sont impuissantes à résoudre. Cela
implique un certain consensus des États soucieux de résorber tel ou tel comportement
La jurisprudence contribue ainsi à l'édification d'un ordre public économique et
social. Elle y est désormais associée par la Cour européenne des droits de l'homme 149
Le nouveau code pénal a intégré un certain nombre de solutions jurisprudentielles
(principe de la personnalité des peines, état de nécessité).
répréhensible. Mais cela implique aussi que le droit international se glisse dans les
interstices des législations nationales.
Ce processus peut se réaliser de deux façons.
Tantôt, le droit international complète la politique des États par la mise en
, L'entraide répressive internationale peut se manifester, soit par le recours au
œuvre de la sienne. La signature de conventions ajoute à la palette déjà existante des
droit pénal international, soit par référence au droit pénal interétatique. Rappelons que
incriminations codifiées par les États. Le nouveau code pénal a inséré un titre 10 dans
le premier a pour fin la solution des conflits de lois et de juridictions entre États, tandis
le Livre 4 du CP.P. visant la compétence des juridictions françaises (L. 16 décembre
que le second vise à l'établissement d'un ordre public international avec des organes
supra-nationaux. Seule, cette branche du droit tend à une véritable internationalisation
1992).
Tantôt, le droit international prétend aller plus loin et jouer un rôle de substitut
des systèmes répressifs. Ce qui faisait écrire à DONNEDIEU DE VABRES, "Les raisons
des dispositions contenues dans les législations internes. Ce qui ne va pas sans mal, les
de justice ou d'utilité sociale d'où procède le principe de légalité des délits et des peines ont une
valeur générale et pennanente".
États étant très jaloux de leur souveraineté.
Ces considérations sont pertinentes en droit international, mais malaisées à
mettre en œuvre, malgré la finalité du droit international.
Cest la raison pour laquelle ce double rôle est différemment accueilli selon le type
de disposition considérée.
Deux hypothèses doivent être envisagées. Si la disposition internationale est à
Les difficultés sont nombreuses.
vocation purement répressive, elle rejoint, le plus souvent, les préoccupations des
Tout d 'abord, les corollaires de la légalité criminelle, c'est-à-dire le principe de
législations internes et, de ce fait, elle recevra un accueil relativement favorable.
non rétroactivité de la loi pénale, celui de l'interprétation restrictive, l'exigence du
En revanche, si la disposition internationale est à vocation accessoirement
caractère écrit de la règle de droit, sont une gêne pour le développement des infractions
répressive, cela est plus douteux parce que, comme nous l'évoquions à l'instant, les
\ internationales.
États demeurent très attachés à leur souveraineté.
En second lieu, la lenteur des procédures utilisées rend plus sensible ce décalage
entre la constatation de ce type d'infraction et leur répression . Une sorte de
A - Les dispositions à vocation purement répressive
"pétrification " du droit peut en résulter et une dysharmonie des législations apparaître.
Une illustration de cette clifficulté peut être fournie par la répression de la prise
Depuis le XXème siècle, on assiste à un développement considérable de la
d'otages. En 1945, seule l'exécution des otages a été jugée criminelle par les tribunaux
criminalité internationale (facilités des moyens de communication, perméabilité des
militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo. Ce n'est qu'en 1948 que des
frontières etc. ..) et de certains types d'infractions (stupéfiants, terrorisme, délinquance
conventions signées à Genève se sont résolues à sanctionner la simple prise d'otage.
On comprend, dès lors, le particularisme de la légalité internationale. En droit
d'affaires etc. .. ).
Pour lutter contre ces formes nouvelles de criminalité, le droit international a
international, le texte n'est que la mise en forme d'une volonté qui lui est extérieure, le
nettement progressé, grâce au concours, notamment, de l'Association internationale de
plus souvent antécédente. Fréquemment, la coutume dicte la norme. Mais, ce peut être
droit pénal et à des motions prises dans de multiples colloques.
une délibération internationale qui élabore la loi internationale.
Sans doute, le succès des tribunaux militaires de Nuremberg et de Tokyo, au
lendemain de la seconde guerre mondiale, n'a pas eu de prolongement durable. La
148
Cons. const. 23 juillet 1975, D. 1977-629, note HAMON et LEVASSE UR.
création d'une juridiction internatiônale n'a pu se réaliser, non plus que la coclification
149
Arrêt KRUsLIN cl FRANCE, 24 avril 1990.
du droit international.
�139
140
Ce n'est que par le biais de conventions portant sur les points les plus sensibles
(crimes de guerre, génocide) que s'élabore insensiblement un droit pénal interétatique.
• La répression déguisée du terrorisme, 5' est exprimée par deux
sortes de conventions qui visent des domaines spécifiques.
Ces conventions constituent des sources du droit pénal français. Elles expriment
Les premières visent les infractions de piraterie aérienne. La Convention de La
une volonté de collaboration interétatique dans la lutte contre la criminalité. il n'est pas
Haye, en date du 16 décembre 1970 réprime la capture illicite d'aéronef. La convention
question, dans le cadre de ce cours, d'en dresser un inventaire exhaustif, mais plutôt,
de Montréal, en date du 23 septembre 1971, réprime les autres actes d'intervention
de préciser la portée de ces conventions et les limites de leur interprétation.
illicite dirigés contre l'aviation civile internationale. Ces conventions font obligation aux
1°) L'éventail des conventions à finalité répressive
États signataires de procéder à l'extradition des coupables ou de soumettre ceux-ci aux
autorités compétentes des États respectifs.
On peut distinguer trois groupes de conventions signées et souvent ratifiées par
les États depuis un demi-siècle.
ru. 1fi infractions !le. tmfk
Entrent dans cette catégorie les conventions réprimant les publications obscènes
(12 septembre 1923), le faux monnayage, la traite des êtres humains (2 décembre
1949), le trafic de stupéfiants (19 février 1935), etc ...
Les secondes sont relatives à la protection du personnel diplomatique. Elles
sont multiples.
Sur un plan régional, il faut retenir la convention, adoptée le 2 février 1971 , par
l'Assemblée extraordinaire de l'organisation des États africains, réunie à Washington,
relative aux enlèvements de personnes ayant droit à une protection spéciale.
Sur un plan international, l'Assemblée générale des Nations Unies a voté, le 14
décembre 1973, une résolution à laquelle a été annexée une Convention sur la
prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une
1211fi infractions !le. génocide
protection internationale, y compris les agents diplomatiques.
Les exterminations massives et systématiques de population en période de guerre
La finalité de ces textes est de dépolitiser ce type d'infraction et de permettre
ou même de paix ont abouti à une Convention, signée à Genève le 9 décembre 1948,
l'extradition des coupables. Toutes ces infractions ont été reprises dans des
ratifiée par la France par le décret du 24 novembre 1950.
conventions illustrant une répression affirmée du terrorisme.
De même, la Convention de Londres du 8 août 1945 et une résolution des
Nations Unies du 13 février 1946 ont donné des crimes contre l'humanité une définition
qui a été adoptée par la loi française du 26 décembre 1964, qui déclare imprescriptibles
de tels crimes. Le Ministère des affaires étrangères ayant estimé que cette loi était
interprétative de l'accord de Londres, donc rétroactive, la Cour de cassation en a fait
l'application dans l'affaire BARBIE 150. La Déclaration universelle des droits de
l'homme du 10 décembre 1948 a donné naissance à une Convention européenne des
droits de l'homme et une Cour européenne des droits de l'homme ayant pour objet la
définition des crimes contre l'humanité. La Convention de New-York du 10 décembre
1984 contre la torture a été ratifiée par la loi du 12 novembre 1987.
rl1fi infractions di. terrorisme
• La répression affirmée du terrorisme est illustrée par les
Conventions de Strasbourg, de Dublin, l'accord de Schengen et le Traité de Maastricht.
- La Convention de Strasbourg, en date du 27 janvier 1977,
avait pour but la résorption de la violence terroriste. Les membres du Conseil de
l'Europe ont rédigé un texte destiné à rassurer l'opinion européenne. Une liste très
longue d'actes ne pouvant jamais être considérés comme politiques est présentée dans
cette convention, autorisant, de ce fait, soit obligatoirement (Art. 1), soit
facultativement (Art. 2) l'extradition. En résumé, tout acte grave autorise l'extradition.
Ratifiée aujourd' hui par 22 États, la Convention n'avait été ratifiée à l'origine que par la
République Fédérale Allemande, le Royaume-Uni et le Danemark.
- C'est pourquoi avait été mise sur pied par les membres de la Communauté
européenne, (ils étaient neuf à l'époque), une nouvelle convention, signée à Dublin, le 4
Le développement du terrorisme international est un des faits marquants de ces
trente dernières années. Pour lutter contre ce fléau, les États ont mis sur pied deux
types de conventions, les unes assurant une répression déguisée, les autres une
ré;Jres5ion affirmée du terrorisme.
décembre 1979.Ce texte constitue une réplique de la Convention de Strasbourg. En
effet, dans ses articles 1 et 2, le dit texte affirme que ne peut plus être considéré comme
politique, outre les actes de piraterie aérienne et les attentats contre les représentants
diplomatiques, tout acte grave de violence dirigé contre la vie, l'intégrité corporelle ou la
liberté des personnes. Après réticence, la France s'est finalement résolue à ratifier les
150
Crim. 24 janvier 1984, J.c.P. 1984-1I-20197.
Conventions de Strasbourg et de Dublin par la loi du 16 juillet 1987.
�141
- Cette convention a été confortée par l'Accord
142
de
Enfin, nombre de conventions instaurent un système de compétence universelle,
SCHENGEN, signé le 14 juin 1985 entre la France, le Bénélux et l'Allemagne, qui tend à
c'est-à-dire donnant compétence à tout État signataire de connaître d'une affaire. Le
promouvoir une coopération policière européenne accrue du fait de la suppression
traité s'impose aux administrations et aux tribunaux qui doivent l'appliquer d'office
graduelle des contrôles aux frontières communes (décret du 30 juillet 1986).
sans avoir pour autant, en règle générale, d'effet rétroactif.
- Le Traité de Maastricht, signé le 7 février 1992, prévoit pour sa part, dans son
hl Valeur re lative
titre VI "Dispositions sur la coopération dans les domaines de la justice et des affaires
Elle est illustrée par les trois conséquences suivantes :
intérieures" la coopération policière en vue de la prévention et de la lutte contre le
terrorisme, le trafic illicite de drogue et d'autres formes graves de criminalité
- Tout d'abord, on peut souligner que la Convention entraîne
internationale (Art. K 1)
suspension de la loi nationale ce qui permet à celle-ci de retrouver éventuellement la
plénitude de son efficacité quand le traité est abrogé ou devient caduc (une illustration
dl]"fi conventions relatives ru! blanchiment d'argent
a contrario peut être fournie par les dispositions du Pacte de l'OTAN, devenues
Le 8 novembre 1990 a été signé une Convention relative au blanchiment, à la
caduques par le désengagement français de ce Pacte).
saisie et à la confiscation des produits du crime par douze États membres de la
- En second lieu, la ratification du traité est évidemment
communauté. Elle entend s'attaquer essentiellement au trafic de drogue. Ce crime
nécessaire. Nombre de conventions sont signées, mais jamais ratifiées (exemple: les
constitue l'une des préoccupations majeures des membres du Conseil de l'Europe 151.
Conventions de Genève ou de Dublin sur le terrorisme).
X2°) La portée des conventions
- En troisième lieu, l'autorité de la Convention est subordonnée
à son respect par les parties contractantes.
Une fois ratifiées, ces conventions ont une autorité supérieure à la loi interne et
- Enfin, la pratique des réserves vide parfois le contenu de la
doivent être appliquées d 'office par le juge répressif. C'est ce qui résulte de l'article 55
convention.
de la Constitution "Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur
publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité,
de son application par l'autre partie".
~
3°) L'interprétation des conventions
La nature spécifique des conventions internationales explique qu'elles ne sont pas
Ce texte définit donc la valeur des conventions et en pose les limites.
soumises aux mêmes règles d 'interprétation que les lois ordinaires.
al Valeur supérieure li La. J.Qj
La Cour de cassation établit une distinction. Les tribunaux judiciaires ont
Le traité est pleinement intégré dans le droit interne et contribue par là à amorcer
compétence pour interpréter eux-mêmes les dispositions des conventions
une unification des droits nationaux qu'illustrent les projets de Code des crimes contre
internationales qui font naître les litiges d 'intérêt privé, pas pour celles qui touchent au
la paix et l'humanité et d'une Cour criminelle internationale.
droit international public. Or les traités qui regardent le droit pénal et la procédure
Pour ce qui est du droit positif, la convention de Londres, en date du 8 août
pénale appartiennent à cette deuxième catégorie. La Chambre criminelle affirme
1945, et la résolution des Nations-Unies, en date du 13 décembre 1946, ont donné une
l'incompétence des juridictions répressives et considère que le droit d 'interpréter ces
définition des crimes contre l'humanité adoptée par la loi française du 26 décembre
actes diplomatiques ne peut appartenir qu'au Ministre français des Affaires Étrangères
1964 qui déclare imprescriptibles de tels crimes.
152. il y a un souci d'uniformité juridique qui s'avère critiquable dans la mesure où l' État
est à la fois juge et partie.
La même solution a été retenue par le Conseil d'État qui ne fait même pas la
De même, la loi du 15 juin 1977 sur la protection des enfants maltraités est
inspirée d'une recommandation du Conseil de l'Europe.
distinction des tribunaux judiciaires et qui estime que tout traité est de la compétence
151
cf., la directive du 1er juin 1991, relative à la prévention de l'utilisation du système financier
aux fms. de b~anch.lment de capItaux ; PAROON, Le blanchiment de l'argent et la lutte contre
les cnrrunahtes axees sur le profil, Rev. dr. pén. et Crim. 1992-740.
152
Crim. 4 juillet 1967, D. 67-281.
�143
144
exclusive du Ministre 153. Mais depuis l'arrêt GISTI, de 1990, le Conseil d'État n'est
dans les droits internes posent problème 156. L'objectif est à plus long terme d'unifier
pas lié par l'interprétation donnée 154
les droits pénaux des pays ayant adhérés à l'Union Européenne pour parvenir à la
On peut discuter cette solution, dans la mesure où l'interprétation officieuse peut
reconnaissance d'un espace pénal européen appelé à s'installer en dépit des
souverainetés nationales.
être tendandeuse.
L'étude sommaire du Traité de Rome oblige à envisager tour à tour, la hiérarchie
B - Dispositions à vocation accessoirement répressive
des règles communautaires, l'application des règlements communautaires, enfin,
l'interprétation des sources communautaires.
Les vieux nationalismes resurgissent "Les grands principes soufflent toujours
g),Ll! hiérarchie ID règles communautaires
l'universalisme, mais, dans les codes s'embusquent les petits nationalismes " 155. De ce fait,
l'intégration du droit international dans les législations internes se réalise, avec plus ou
Le traité de Rome a, non seulement engendré de nouvelles obligations
moins de facilités, selon le type de dispositions considérées. On peut distinguer deux
conventionnelles pour les États signataires, mais aussi il a entraîné un transfert de
types de dispositions, en fonction de la finalité qu'elles poursuivent, les unes ont une
certaines compétences des autorités étatiques aux organismes communautaires. Ces
vocation économique, les autres ont une vocation philosophique.
organismes sont le Conseil de la Communauté et la commission exécutive du Marché
commun. D'après l'article 189, ces organes ont le pouvoir d'édicter des règlements, des
1 0 ) Les dispositions à vocation économique
directives, des décisions, des recommandations et des avis.
Les recommandations et les avis ne lient pas les instances nationales.
Un certain nombre de pays d'Europe occidentale ont mis sur pied des traités
Les décisions ne sont obligatoires que pour les destinataires qu'elles désignent.
visant l'instauration d'un ordre juridique commun. Pour faire respecter cet ordre, les
Les directives, en revanche, lient tous les États membres de la Communauté,
communautés européennes ont du établir des règles prohibitives assorties de sanctions.
quant au résultat à atteindre, mais en laissant aux instances nationales leur
- Le Traité de Paris, du 18 avril 1951, instituant la C.E.C.A.,
compétence propre "quant à la forme et aux moyens ". Les directives ne peuvent être, par
comporte un certain nombre d 'interdictions (dépassement des quotas de production,
conséquent, que des sources indirectes de droit criminel, car elles n'ont pas
pratiques relatives aux prix, ententes, concentrations) frappées d'amendes. §ans.i!,oute,
d'application directe en droit pénal interne et n'emportent d'effets qu'à travers les
~actère pénal n'est
dispositions législatives ou réglementaires nationales prises pour leur mise en œuvre.
pas formellement reconnu, mais matériellement, il apparaît
qu'il s'agit d 'amendes pénales, car elles satisfont au principe de la légalité criminelle et
celui de la personnalité des peines.
Les règlements, enfin, se situent au sommet de la hiérarchie. lis ont une portée
générale et obligatoire dans tous leurs éléments. Ils sont directement applicables (effet
self-executing). Ce sont eux qui retiendront notre attention, car ce sont eux qui posent
- De son côté, le traité instituant EURATOM (Communauté de
l' Énergie Atomique), en date du 2S mars 1957, ne prévoit pr~ement pas...ç!e
les problèmes les plus épineux.
dispositions à caractère répre~if. Cependant, l'article 194 vise les atteintes à la sûreté
hl L'application des règlements communautaires
de l'État résultant des divulgations dont seraient auteurs les membres et agents de la C.
La mise en œuvre de ces règlements soulève deux difficultés majeures, d'abord
E. C.A ..
leur incidence sur le droit français, en second lieu, la nature des dits règlements.
- Enfin et surtout, le Traité de Rome, signé le 25 mars 1957,
• L'incidence des règlements sur le droit français
comporte des interdictions visant les accords tendant à fausser la concurrence et l'abus
de position dominante et édicte des dispositions dont l'application et l'interprétation
Trois conséquences essentielles méritent d'être soulignées.
- Tout d 'abord, le règlement communautaire entraîne son application directe
sur les législations nationales. De ce fait, de façon immédiate, les dispositions
153
C. E. 18 novembre 1955, PETA LAS, j.c.P. 56-9185, note VITU.
154
29 juin 1990, 0.561.
155
Rapport LOMBOIS, colloque 20-21 mars 1974 sur la Belgique et le droit international pénal
AGO,1975.
156
BOULOC, Droit communautaire et droit pénal, in Problèmes actuels, 1993, p. 7.
�145
146
pénales internes préexistantes sont mises en sommeil, dans la mesure où elles sont
d'autres États membres 162 ou encore que le Traité de Rome prévalait sur le Code des
contraires au contenu des règlements communautaires.
douanes 163.
Cette solution avait été implicitement consacrée en 1964 par la Chambre
On peut donc dire que les règlements ont un effet négatif direct sur les
criminelle dans l'arrêt Nicolas 157, puis expressément affirmée dans deux arrêts
incriminations nationales 164.
RAMEL de 1970 158 et GUERINI de 1972 159.
On observera que la chambre criminelle, après s'être référée à l'article 55, s'appuie
Dans la première espèce, la Cour de cassation avait refusé d'appliquer les
aujourd'hui sur l'article 189-2 du Traité 165. Cette évolution se comprend, car le Traité
pénalités prévues par le droit français à des vins importés d'Italie conformément aux
de Rome n'est pas un Traité ordinaire, les États signataires ont limité leur souveraineté
dispositions d 'une décision et d 'un règlement communautaires.
et même créé des organes supranationaux. En outre le recours à l'article 55 entramerait
Dans la deuxième espèce, la Cour de cassation avait refusé de retenir le délit de
une rupture de l'unité d'application du droit communautaire dans les divers États, en
tromperie en matière de commerce des œufs prévu par un décret, en date du 15 juin
raison de la diversité des constitutions.
1939, à un commerçant qui avait mis en vente des œufs extra-frais au motif que "si les
L'entrée en vigueur des règlements se fait à la date qu'ils fixent ou à défaut, le
œufs n'avaient pas droit à cette appellation aux termes du décret de 1939, ce décret avait été
vingtième jour, suivant leur publication (A. 191, Traité CE.E.).
implicitement abrogé par divers règlements communautaires qui étaient déjà en vigueur à la
De son côté, le Conseil d'État, après avoir fait prévaloir la loi interne 166 a
date des faits poursuivis ".
L
changé d' attitude. Depuis l'arrêt NICOlO, il accepte de faire prévaloir la suprématie
De son côté, la Cour de justice des communautés à décidé en 1969, 160 que si les
du Traité de Rome sur la loi postérieure qui lui serait contraire 167. Il était en effet
autorités nationales peuvent intervenir contre une entente en application de leur loi
inadmissible que le législateur interne puisse contredire un engagement international de
interne, même lorsque l'examen de la validité de cette entente est pendante devant la
la France. Cette analyse a été étendue aux règlements communautaires 168, par des
commission, c'est cependant, sous la réserve que cette mise en œuvre du droit national
directives 169.
ne puisse porter préjudice à l'application pleine et uniforme du droit communautaire et
à l'effet des actes d 'exécution de celui~i.
Ces analyses ont été confirmées par nombre de décisions postérieures. Ainsi jugé
dans l'affaire Jacques Vabres "le traité du 25 mars 1957", qui, en vertu de l'article 55 de
la Constitution, a une autorité supérieure à celle des lois, institue un ordre juridique
presque intégré à celui des États membres "en raison de cette spécificité, l'ordre juridique
qu'il a créé est directement applicable aux ressortissants des États membres et s'impose à leu rs
juridictions" 161
Plus récemment, la Chambre criminelle a décidé qu'on n e peut soumettre des
produits nationaux à des prohibitions ou à des restrictions que les règles
communautaires défendent d'appliquer à ceux des produits concurrents provenant
162
Crim. 16 juin 1983, J.CP. 1983-11-2044, note DECOCQ.
Crim. 5 décembre 1983, D. 1984-217, note COSSON.
157
22 octobre 1964, D. 753, RT.D.C 809.
163
164
158
22 octobre 1970, D. 1971-221.
165
Crim. 11 mai 1982, B. n° 121.
159
7 janvier 1972, J.CP. 1I-17158.
166
1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoule de France.
160
13 février 1969, D. 1971-221, note RlDEAU.
167
20 octobre 1989 ; Chrono CAlVET, J.CP. 1990-1-3429.
161
Ch. mixte 24 mai 1975, J.CP. 1975-11-18180 bis, conclusions TOUFFAlT; TOUFFAIT, La Cour
168
24 septembre 1990, BOISDET AJDA 1990-86.
de cassation et l'ordre juridique communautaire, J.CP. 1975-1-2743 ; FAVOREU et PHILIP,
Chronique RD.P. 1975-1335 ; TOUFFAIT, Du conflit du traité avec une loi postérieure,
Mélanges ANCEl, tome 1-391.
169
28 février 1992, Société Arizona, Tobacco AJDA 1992-210.
R GASSIN, Incriminations pénales et marché commun, Mélanges JAUFFRET, p. 321.
�147
148
f"
- Ensuite la deuxième conséquence de l'effet direct conduit à
Aussi, ce type de règlement se présente avec des traits originaux qui ne
interdire au législateur national, la promulgation à l'avenir de normes internes Oois
pennettent pas de l'assimiler à une catégorie de textes français préexistants et
ou règlements) dans un domaine qui a été l'objet de dispositions précises d'un
certainement pas au règlement du droit interne français.
règlement communautaire. Cette solution a été précisée par la Chambre criminelle 170.
S'il lui est inférieur en ce qu'il ne peut édicter de sanction pénale, il lui est
La loi nationale peut, cependant, compléter le dit règlement sur des points que celui-ci
hiérarchiquement supérieur en ce qu'il est directement applicable dans tout État
n'aurait pas définis de façon complète (BIGAY, article précité).
membre: 'Tout règlement, inséré automatiquement dans l'ordre juridique des États membres
- Enfin la troisième conséquence est l'obligatoire prévision de
y abroge les dispositions de droit national contraires" ~4. Pourtant, la Chambre criminelle a
sanctions par le droit interne. En effet, les autorités de la communauté ne peuvent
procédé à une assimilation regrettable du règlement communautaire au règlement du
édicter elles-mêmes des sanctions pênales. Elles renvoient aux États membres le soin de
droit interne. "Il est de principe, a affirmé la haute juridiction, le 10 novembre 1970, que les
les préciser.
textes réglementaires en matière économique ou fiscale ne rétroagissent pas, à moins de
dispositions contraires, formellement exprimées" 175
Cette conséquence entraine deux risques importants.
_ Prenant prétexte que les dispositions intervenant en matière économique et
.D'abord le manque d'harmonie entre les diverses
fiscale, la Cour de cassation leur a fait application de la solution exceptionnelle bien
sanctions édictées par les législations nationales.
connue jadis, adoptée pour les arrêtés de taxation des prix, en décidant que ces
.En second lieu, la négligence d'un État à ne pas prévoir
dispositions ne rétroagissaient pas.
de sanction.
Par cette astuce, la Chambre criminelle s'est efforcée de retarder J'intégration des
Toutefois, le traité de Rome peut avoir un effet d'incitation, soit dans le sens de
dispositions communautaires dans le droit pénal interne 176.
la modération fondée sur le principe de la proportionnalité posée par la Cour de
Cette résistance de la Cour de cassation se retrouve dans J'interprétation des
Justice, soit du renforcement fondé sur le principe de J'effet utile et de J'indispensable
sources communautaires.
valeur dissuasive des sanctions.
En effet, la Cour de justice, en posant le prindpe de proportionnalité, fait en
cl L'interprétation 4fi. sources communautaires
sorte qu'il n'y ait pas de différence substantielle de régime entre les États 171 .
Pour ce qui est de la France, le législateur ne reprend pas le règlement
L'unité de la législation communautaire implique une unité dans leur
communautaire qu'il décide de sanctionner. il se borne à y renvoyer. (C'est J'intégration
interprétation. C'est pourquoi, J'article 177 donne compétence à la Cour de justice des
par référence). Cette technique a été légalisée par une loi du 10 janvier 1978 172
communautés pour statuer à titre préjudiciel sur J'interprétation du Traité et sur la
validité et J'interprétation des actes pris par les organes communautaires .
• La nature des règlements
Le recours est facultatif, quand la question est soulevée devant une juridiction de
fond . il est obligatoire, lorsque cette question est soulevée devant la Cour de cassation.
En droit interne, la notion de règlement revêt un sens précis. Le règlement émane
Pourtant, la Chambre criminelle refuse cette analyse. Faisant application de la
du pouvoir exécutif par opposition à la loi dont la source est parlementaire.
Au contraire, le règlement du droit communautaire est élaboré par le conseil ou la
théorie dite de "l'acte clair", la Cour de cassation refuse de faire-droit à la demande de
commission et ne peut être modifié que par eux. il ne peut être interprété que par la
recours en interprétation, lorsque la disposition visée ne lui parait comporter aucune
Cour de justice de la communauté européenne. Enfin, il a une autorité supêrieure à celle
des lois 173
ambiguïté et n'appeler qu'une appréciation de fait.
Cette solution, implicitement énoncée dans l'arrêt NICOLAS 177 a été affirmée, à
titre principal, le 5 janvier 1967 et 21 juin 1973.
174
Cour de justice, 14 décembre 1971, Recueil 1971-1039, conclusions DUTHEILLET de LAMOTHE.
7 janvier 1972 précité; Chambre mixte 24 mai 1975, précité.
175
10 novembre 1970, D. 1971-509, note MAZARD.
176
172
Cour de justice, ~ février 1988, affaire RAINER DREXL R.S.c. 1988-591, obs. BONICHOT.
article 13-1 L. 1er août 1905.
J. BORRICAND, La non-rétroactivité des textes réglementaires en matière économique et
173
Soc. 12 février 1970, B. n° 105; J.c.P. 1970-II-I6544, note G.L.c..
177
170
171 )
fiscale, D. 1978, chronique p. 235.
19 février 1964 précité.
�149
150
Elle apparaît critiquable car elle revient, en somme, pour la juridiction nationale
Enfin, si la Cour n 'a pas été saisie dans le délai sus-indiqué, le comité des
qui l'invoque à s'ériger elle-même en juge de l'interprétation des textes que l'article 177
membres du Conseil de l'Europe examine lui-même le rapport de la commission et
avait précisément réservée à la compétence de la juridiction communautaire. De son
décide, à la majorité des deux tiers, s'il y a eu ou non violation de la Convention. Sa
côté, le Conseil d'État, depuis l'arrêt GISTI 178, s'autorise à interpréter les conventions
décision s'impose à l'État concerné, comme tous les arrêts.
internationales.
• Le contenu
~2°) Les dispositions à vocation philosophique
Les articles 2 et 8 de la Convention énumèrent les droits fondamentaux reconnus
aux personnes privées. Le droit à la vie, la protection contre la torture et l'esclavage, le
Ce type de dispositions affirme un certain nombre de principes fondamentaux
droit à la liberté, à un jugement équitable et public, la liberté de conscience et de
qui rejoignent ceux posés dans notre système répressif.
religion, d'expression et de réunion, le droit au respect de la vie privée. Pour retenir un
critère suggéré par la convention elle-même, on peut distinguer entre les droits absolus
A ce jour, deux textes méritent d'être signalés, la Convention européenne des
droits de l'homme et le Pacte de I"ON.U.
et les droits relatifs.
Les droits absolus sont de dérogation, même en présence de circonstances
alLA convention européenne !li. sauvegarde ru droits fk
l'homme d. dfi libertés fondamentales
exceptionnelles. Ils forment une sorte de "standard minimum du droit européen des droits
de l'homme" (F. Sudre) et constituent en même temps les bases du droit pénal de toute
société démocratique. Il s'agit du droit à la vie, des droits à l'intégrité physique, à la
Signée en 1950, cette Convention est entrée en vigueur en 1953 et a été ratifiée par
dignité, à la sécurité, l'interdiction de l'esclavage, la non rétroactivité de la loi.
la France en 1973 (L. 31 décembre 1973). Elaborée dans le cadre du Conseil de
l' Europe, elle est aujourd' hui ratifiée par une trentaine d' Etats dont bon nombre de
Les droits relatifs sont susceptibles d'être limités par l'autorité publique, voire
pays de l'Est. Elle présente le mérite d'offrir aux individus le bénéfice d' un contrôle
complètement abolis en cas de circonstances exceptionnelles. C'est le cas de la liberté
judiciaire, du respect de leurs droits, par une juridiction internationale. Elle a pu être
individuelle (art. 5), le droit à un procès équitable (art. 6), le droit au respect de la vie
qualifiée de "charte vivante des droits et libertés" (F. SUDRE).
privée et familiale (art. 8), le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, le
droit à la liberté d'expression et d'opinion (art. 10), le droit à la liberté de réunion (art .
• Les organes
Il ), le droit au mariage et l'égalité entre époux (art. 12), le droit d'aller et venir sur le
Tout d'abord, la Commission européenne des droits de l'homme est un organisme
territoire d' un Etat (protocole n° 4, art. 2), le droit de ne pas faire l'objet d'une mesure
d'instruction et de conciliation composé d'autant de membres que d'États auxquels
s'applique la Convention.
d'expulsion collective (protocole n° 4 art. 4) ou prise au mépris du droit de la défense
(protocole nO7, art. 1er).
Elle est saisie, soit par le secrétaire général du Conseil de l'Europe, so it par un
• La mise en œuvre de la garantie des droits.
État membre, soit par une personne physique si l'État, dont elle relève , a accepté le
recours individuel en ratifiant la Convention, ce qui est maintenant le cas de la France
-Le contrôle international.
(bien entendu après épuisement de tous les recours internes).
Afin de garantir le respect des droits qu' elle proclame, la convention institue un
Si l'instruction faite, la Commission ne parvient pas à un règlement amiable avec
mécanisme de contrôle international assuré par la Commission européenne des droits
l'État mis en cause par la requête, elle transmet un rapport motivé au comité des
de l'homme et selon le cas, par la Cour européenne. Le mécanisme de contrôle peut être
ministres du Conseil de I"Europe en formulant éventuellement toute proposition utile.
déclenché, soit à l'initiative d'un Etat, soit à celle d'une personne physique ou morale.
En second lieu, la Cour européenne est saisie dans les trois mois de la
A titre d'exemple, la Cour a décidé que la prohibition des traitements inhumains
transmission du rapport au Comité des Ministres, soit par un État membre, soit par la
excluait l'application des châtiments corporels 179, un traitement carcéral, destructeur
Commission elle-même. Véritable juridiction, la Cour rend des arrêts dont la solution
s'impose aux États intéressés.
179
178
C.E. 29 juin 1990, D. 561.
Fouet dans les écoles anglaises, 25 février 1982, CAMPBELL.
�152
151
de la personnalité 180. De même, la France a été condamnée pour expulsion d ' un
position inverse 192. Au surplus, cette critique tombe depuis que l'assistance d 'un
algérien de la deuxième génération 181 .
défenseur est prévue à partir de la 21ème heu:e.
Mais c'est dans le domaine procédural que les décisions de la Cour sont les plus
Cette analyse libérale se retrouve dans une autre décision qui a jugé que ne
nombreuses. La France a été déjà condamné à plusieurs reprises pour
violent pas l'article 6 de la Convention, les règles qui subordonnent la communication
dysfonctionnement des services judiciaires. Ainsi en était-il dans les affaires DELTA
182, LETELLIER 183, IŒMMACHE 184, TOMASI 185, SAlOl 186.
du dossier à l'assistance d 'un avocat 193.
De même, depuis l'arrêt BARIBEAU, la Cour de cassation 194, décide que les
écoutes téléphoniques sont contraires à l'article 8 de la Convention qui exige que les
_ Le contrôle par les juridiction nationales
ingérences dans la vie privée soient "prévues dans la loi ". Des policiers, qui n 'ont pas
La chambre criminelle est très réticente pour écarter l'application d'une loi sur le
reçu commission rogatoire d'un juge d'instruction, ne peuvent procéder à l'écoute et à
fondement de la convention. Elle a jugé que le droit de se marier n'invalidait pas les
l'enregistrement de conversations téléphoniques. Le Code de procédure pénale
textes par lesquels le code pénal frappe le proxénète marié 187, que le statut des
n'habilite le juge que sous certaines conditions 195. La loi du 10 juillet 1991 légalise à la
objecteurs de conscience n'autorisait pas à se soustraire à ses obligations militaires 188,
fois des écoutes judiciaires et les écoutes administratives ou préventives.
que l' obligation du titulaire de la carte grise au paiement des amendes pour
"
stationnement irrégulier n' était pas contraire à la présomption d 'innocence 189, que la
On doit souligner qu'un décret du 9 octobre 1981 a autoŒjé le droit de requête
individuelle jusque là exclu par la ratification. La reconnaissancè de ce droit autorise
suspension administrative du permis de conduire ne heurtait pas l'exigence d' un procès
désormais un justiciable contre lequel a été rendue une décision définitive intervenue en
équitable 190, que les modalités de la garde à vue n'étaient pas incompatibles avec les
violation des droits de l'homme, à déposer une requête devant la commission.
exigences de l' article 5 191 .
Pour sa part, le Conseil constitutionnel, saisi du problème de la constitutionnalité
Cette solution prête à discussion, car l'article 5, paragraphe 3 de la Convention
de la loi autorisant l'interruption de la grossesse et de la méconnaissance par cette loi
dit "Toute personne arrêtée doit aussitôt être déférée à un juge ". Or, la garde à vue peut
du droit à la vie proclamé par la convention, s'est estimé incompétent pour apprécier la
être de quarante huit heures et même de 96 heures en cas de terrorisme. Pourtant, la
compatibilité de cette loi avec cette convention, son pouvoir se limitant à contrôler la
Cour de cassation a interprété libéralement le texte. On a pu contester le laxisme de
conformité des lois avec la Constitution 196
cette analyse, car la garde à vue implique des interrogatoires policiers au cours
La Convention européenne pénètre ainsi progressivement dans le droit positif
desquels l'intéressé n'est pas assisté d 'un défenseur. Cette situation n'est-elle pas
français, qui y fait de plus en plus référence. Un intérêt supplémentaire apparaît du
contraire à l'article 6 paragraphe 3, selon lequel, tout accusé a droit, s'il le d emande, à
fait que la supériorité des traités sur la loi interne permettrait au juge d'apprécier la
l'assistance d 'un d éfenseur ? Cependant, une décision plus récente a adopté une
constitutionnalité des lois dans la mesure où la convention reprend plusieurs de nos
180
8 février 1978, ENSSLIN-BAADER CRFA.
principes constitutionnels. Il n'en va pas encore de même pour le Pacte de l'O.N.U.,
181
BELDjOUI et TEYCHENE, 26 mars 1992.
pourtant ratifié par la France.
182
19 décembre 1990, violatio n des droits de la défense en raison de l'impossibilité pour la
personne pouiruivie d'interroger les témoins à charge.
183
26 juin 1991, durée excessive de la détention provisoire.
184
27 novembre 1991, durée excessive de la procédure de la détention provisoire.
185
27 août 1992, Sévices subis pendant la garde à vue et durée excessive de la détention
provisoire.
186
5 octobre 1993, procès non équitable du fait d' une condamnation sur témoignages sans possibilité
de confrontation.
187
4 juin 1980 ; 22 octobre 1980, D. 1981-IR-1431 .
188
5 mai 1978, D. 139; 4 mars 1980, D. 330,concl. DULLlER.
189
17 décembre 1990, Dr. pén. 1991, com. n° 145.
190
23 mars 1992, Dr. pén. 1992, com. nO233.
191
28 janvier - 28 février -10 mars 1992, Dr. pén. 1992, conv. 242
hll&. ~ international relatif!llG droits ~ fi politiques
Ce Pacte, en date du 19 décembre 1966, a été ratifié par la France par d écret en
date du 29 janvier 1981 (0.1 981 , Lég. 79).
192
Crim. 6 mars 1986, D. 1986-315, note MAYER.
193
Crim. 9 février 1978, B. nO52.
194
Assemblée plénière, 24 novembre 1989.
195
PRADEL ChronoD. 1990-15.
196
Conseil constitutionnel, 15 janvier 1975, D. 1975-529, note HAMON.
1
�153
Cette ratification tardive s'explique sans doute par la similitude avec la
154
LECTURES
Convention des garanties édictées par le Pacte. On comprend, dès lors, que, jusqu'à
présent, les juridictions françaises n'aient pas eu l'occasion d'y faire référence 197.
Le Pacte affirme un certain nombre de droits essentiels. C'est le droit à la vie (A.
6) ; l'interdiction de l'esclavage (A. 7), le droit à la liberté et à la sécurité, ainsi qu'à être
jugé dans un délai raisonnable (A. 9), le droit à être traité avec humanité (A. 11)
l'égalité devant les tribunaux (A. 14) ainsi que les garanties procédurales, le droit à la
liberté de pensée, de conscience de religion (A. 18) et de réunion (A. 21). Parfois,
certains de ces articles sont la reproduction intégrale des dispositions de la convention.
Cependant, le Pacte apparaît plus complet dans l'éventail des garanties qu'il
P. DURAND, La décadence de la loi dans la constitution de la 5ème République, J.c.P.
1959-2-1470.
D. MAYER, L'apport du droit constitutionnel au droit pénal en France, R.S.c. 1989439 .
L. FAVOREU, La Cour de cassation, le Conseil constitutionnel et l'article 66 de la
Constitution, D. 1986, chrono p. 169.
B. BOULOC, L'influence du droit communautaire sur le droit pénal interne, Mélanges
LEVASSEUR, Litec 1992, P. 103.
propose. D'abord, énonce le Pacte, "Toute personne déclarée coupable d'une infraction a le
J. PRADEL, Vers des principes directeurs communs aux diverses procédures pénales
droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la
condamnation, conformément à la loi" (A. 14 al. 3). Ce texte exprime l'exigence du double
européennes. Mélanges LEVASSEUR, Litec 1992, p. 459.
degré de juridiction que la convention n'affirme pas.
"Si postérieurement à l'infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le
délinquant doit en bénéficier". Or, comme le Pacte s'est incorporé à notre ordonnancement
juridique et est supérieur à nos lois internes, il doit l'emporter sur elles, de sorte que les
tribunaux répressifs français doivent faire prévaloir le principe de rétroactivité in
mitius en refusant de donner effet à toute loi pénale plus douce, qui, par une
disposition expresse, exclurait de son domaine d'application les infractions commises
avant son entrée en vigueur. Or une jurisprudence récente de la Chambre criminelle
méconnaît cette primauté du droit international sur le droit interne, en subordonnant le
jeu de la rétroactivité in mitius "à l'absence de dispositions contraires expresses" 198. Sans
doute, jusqu'à présent, cette formulation n'a pas eu d'incidences pratiques dans la
mesure où les lois plus douces sur lesquelles les arrêts récents de la Cour de cassation
se sont prononcés, ne contenaient pas de dispositions contraires expresses à la
rétroactivité in mitius. il n'en demeure pas moins que la formule utilisée méconnaît les
exigences du droit international.
D'autre part, l'article 15 pose le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale :
"Nul ne sera condamné pour des actions ou des omissions qui ne constituaient pas un acte
de1idueux d'après le droit national ou international, au moment où elles ont été commises ".
197
V. tout, Paris 5 déc. 1990, G. P. 13-14 mars 1991 et RS.C. 1991-297, obs. PANNŒR.
198
Crim. 3 février 1986, Bull. nO211.
M. DELMAS-MARTY, La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et le droit pénal de fond in Mélanges LEV ASSEUR, Litec 1992.
�155
CHAPITRE II - L'APPLICATION DE LA NORME
SECTION 1 - L'APPLICATION DE LA NORME PAR
LE LÉGISLATEUR
§ 1- L'APPLICATION DE LA LOI DANS LE TEMPS
On suppose qu'une loi nouvelle vient à être promulguée. Est-elle applicable aux
délits commis antérieurement et qui n'ont pas été définitivement jugés ou ceux-ci
resteront-ils régis par la loi qui était en vigueur au jour où ils ont été commis? L'article
112-1 c.P. répond à cette interrogation "Sont seuls punissables les faits constitutifs d'une
infraction à la date où ils ont été commis ". Peuvent seuls être prononcées les peines
légalement applicables à la même date. Ce texte exprime la non rétroactivité de la loi.
L'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme, l'article 7 de la Convention
européenne des droits de l'Homme affirment le même principe.
Le nouveau code pénal réaffirme sous une forme légèrement différente, la solution
du code antérieur 199 .
.J Ce principe s'explique essentiellement par la nécessité de concilier l'intérêt social
et l'intérêt individuel. L'intérêt social commande qu 'une loi, dès lors qu 'elle est
opportune et par conséquent supérieure à celle qui l'a précédée, soit appliquée de façon
immédiate. L'intérêt individuel, de son côté, exige que l'auteur d 'une infraction ne soit
pas frappé avant d'avoir été averti. il doit pouvoir connaître, à l'avance, la liste des
interdits pénaux, qu'il ne doit pas enfreindre.
Mais ces considérations ne sauraient avoir une valeur abstraite. L'intérêt de
l'individu n'est pas engagé de la même façon, en présence d'une loi de fond ou d'une loi
de forme.
199
Art. 4 : ''Nulle contravention, nul délit, nul crime ne peuvent être punis de peine qui n'étaient
pas prononcées par la loi avant qu'ils ne fussent commis" .
�156
\JI'
A - Domaine dans le temps des lois pénales de fond
"
une incrimination. Pouvait-on admettre la survie de la loi ancienne? Consacrant la
\
-solution jurisprudentielle antérieure le nouveau code tranche le débat dans l'article 1124 : "La peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un fait qui, en vertu
nature. Si la loi est plus sévère, elle ne s'applique pas aux faits qui lui sont antérieurs.
~~
r,tj.
1°) Non-rétroactivité des lois pénales plus sévères
Une autre difficulté s'est présentée dans l'hypothèse où la loi nouvelle supprimait
f\
Pour les lois de fond, la non-rétroactivité de la loi pénale est commandée par sa
Si elle est plus douce, en revanche, la rétroactivité entre en jeu.
,1-'
(
d'une loi :ostérieure au jugement, n'a plus le caractère d'une infraction pénale". Ainsi la
mendia te et le vagabondage ayant été décriminalisés par le nouveau code, le 1er mars
1994, il sera impératif d'arrêter l'exécution d'une peine prononcée pour ce type de
La loi plus sévère est celle qui crée une incrimination nouvelle, élève la peine
comportement.
encourue, supprime un fait justificatif ou une cause de non imputabilité, etc. ..
il a été longtemps développé en invoquant le respect de la liberté des citoyens
(PORTALIS). Un souci de sécurité guide l'interprète. La loi plus sévère est la règle. La
loi plus douce, l'exception. La doctrine moderne (ROUBIER) renverse la formule. La loi
plus sévère est l'exception. La loi plus douce, la règle. Pour ROUBIER, il faut analyser
la situation pénale déclenchée par l'infraction. Le jugement de condamnation est
constitutif d'état: c'est à ce moment-là que l'individu est doté de son statut de
d~e condamnati~I2..9.ue
cl. Exceptions
Un certain nombre d 'exceptions doivent être apportées à la non-rétroactivité.
al I&. fondement!k ~ principe
condamné. C'est donc en fonction d':, ~
157
y '
doit être réglé le
~
Les lois interprétatives précisent le sens d'une loi antérieure demeurée obscure et
controversée, (par exemple la loi du 3 janvier 1967 sur ventes d 'immeubles à
construire). Elles sont rétroactives arce qu'elles s'identifient à la loi plus ancienne
qu'elles interprètent. Mais c'est parfois un moyen commode pour le législateur de
promulguer des lois rétroactives sous couvert d'interprétation. C'est la pratique des
errata au Journal Officiel, éminemment condamnable. Ainsi, l'ordonnance du 28 août
1944 relative à la répression des crimes de guerre a donné des interprétations
conflit de lois. La loi nouvelle doit être appliquée immédiatement à toute infraction
extensi ves à certaines notions reçues du Code pénal.
Les lois édictant des mesures de sûreté échappent également parfois à la non-
commise mais non définitivement jugée sous l'emprise de la loi andenne' Sauf si la loi
~
7-nouvelle est plus sévère que celle qu'elle remplace. On s'accorde pour admettre que la
rétroactivité. Ainsi, la loi du 19 juin 1930 édictant l'interdiction de la profession de
loi plus douce constitue le prindpe, la loi plus sévère l'exception. En cas de doute sur la
notion de sévérité de la loi, c'est la règle de l'application immédiate qui joue. En
revanche, si la loi nouvelle est à l'évidence plus sévère, son application sera
commandéeyar la date de l'infraction. Or celle-ci n'est pas toujours aisée à déterminer.
Les modalités de l'infraction peuvent faire hésiter sur le moment de sa commission.
1
@hl Difficultés d'application
banquier à des délinquants s'est appliquée à des délinquants condamnés
antérieurement à cette loi.
Les lois incriminant des atteintes à des valeurs essentielles de civilisation sont
également d' application immédiate. Dans le passé, l'article 6 du Tribunal militaire
.....i nternational de Nuremberg visait les crimes contre l' humanité. Plus près de nous, le
statut du tribunal international créé en 1993 pour juger les crimes commis dans l' ex
Yougoslavie, prévoit que les infractions au droit. humanitaire, qu'il énumère, pourront
Ainsi, le délit d 'habitude est constitué par la répétition d'actes qui, pris isolément
être retenues dès lors que les faits ont été commis depuis le 1er janvier 1991.
Enfin et surtout, certaines lois sont déclarées rétroactives par le législateur, qui
ne constitueraient pas une infraction. Quand celle-ci est-elle réalisée? (exemple : recel
estime que les circonstances d\l .!l'~e~~o;;mandent une_ sanction immédiate,
de malfaiteurs, article 434-6 c.P.). La jurisprudence estime que deux actes créent
généralement en matière politique Ooi du 14 novembre 1918 visant la confiscation des
l'infraction. Quant au délit successif caractérisé par une action ou une abstention
sommes perçues par les traîtres au cours de la guerre: ordonnance 26 décembre 1944,
susceptible de se prolonger (exemple: port illégal de décorations), il suffit que les
créant l'indignité nationale; A. 215 du Code des douanes appliqué à la détention d'or
agissements se soient poursuivis après la loi nouvelle.'%:n revanche, si le délit est
en vertu d 'un arrêté du 11 décembre 1981 autorisant l'administration à exiger des
constitué par l'écoulement d'un certain délai (exemple loi du 7 fé vrier 1924, instituant
justifications attestant l'origine régulière de l'or , alors que, l'anonymat était de règle
l'abandon de famille qui est le fait d 'être resté plus de deux mois sans payer une
antérieurement ; L. 9 septembre 1986 disposant que les circonstances aggravantes
pension alimentaire), la Cour de cassation exige que le délai soit dans sa totalité
s'appliquent aux condamnations prononcées postérieurement à l'entrée en vigueur de
postérieur à sa promulgation, parce qu'il est un des éléments constitutifs du délit.
\ la loi.
�159
158
reste punissable sous la qualification de violences et actes de barbarie. D'autre part, la
Si limitées qu'elles soient, ces exceptions n'en demeurent pas moins
condamnation reste inscrite au casier judiciaire.
condamnables, car elles traduisent un affaiblissement notable du principe de légalité.
Cette tendance ne doit pas être confondue avec l'affirmation jurisprudentielle des lois
n~ plus
hl Notion
douces, qui s'appuie au contraire sur le principe de légalité strictement
individuel. On comprend, dès lors que, dans la mesure où ces deux intérêts se
il est évident que la loi est plus douce lorsqu'elle supprime une incrimination, fait
,r
disparaître une circonstance aggravante, admet un fait justificatif nouveau ou une
conjuguent, il n'y a plus de place pour de telles exceptions et que le prindpe de légalité
excuse, de même, au niveau de la sanction, lorsqu'elle l'abaisse ou la supprime. Il
est largement appliqué: c'est le cas de la rétroactivité des lois plus douces.
semble, d'après ces exemples, que la loi soit toujours favorable au délinquant. Cela
entendu, mais elles s'expliquent par le conflit latent entre l'intérêt général et l'intérêt
n'est pas toujours vrai. La pratique de la correctionnalisation judiciaire qui conduit à
F
2°) La rétroactivité des lois plus douces.
faire descendre un crime dans l'échelle délictuelle est commandée par le souci d'une
répression plus énergique, plus rapide dans certains cas.
On envisagera successivement le prindpe de rétroactivité, la notion de loi plus
cl Difficultés d'application
douce, les difficultés d'application.
ru l&. principe
Elles portent sur deux points essentiels, la date d'effet des dispositions plus
douces, la nature de certaines lois.
1) Le moment à partir duquel la loi plus douce peut être invoquée n'a, pendant
il s'applique, non seulement si elle intervient entre une infraction et son jugement,
mais encore avant le jugement définitif, c'est-à-<lire jusqu'à l'expiration des voies de
longtemps, guère susdté d' interrogation. On s' accordait pour admettre qu'il devait être
recours.
~ourtant,
la rétroactivité in mitius
n'était_~formulée
fixé au jour de la date prévue pour l'entrée en vigueur de la loi. Mais une décision du
~el du 21 février 199~ait semblé considérer que le législateur
par une disposition
d'ordre général. Cependant, une jurisprudence constante l'avait consacré~le Conseil
constitutionnel avait d
é~vAL 200~
n'avait pas le droit de reporter l' entr~ en vigueur de dispositions rép rëSsfves plus
--
L'article 112-1 al. 3 N.C.P. fait œuvre de
douces. Opinion partagée par certains. Cette position apparaît excessive. il parait
consolidation en disposant: "Toutefois les dispositions nouvelles s'appliquent aux
naturel que le législateur puisse estimer en certains cas qu' il est de l'intérêt général de
infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une
condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions
andennes " (cf. art. 15-1 Pacte O.N.U.).
l'
permettre la survie temporaire d' une législation plus sévère en reportant l' entrée en
vigueur de la loi plus douce. On a cité le cas de figure du projet de dépénalisation de
l'usage de stupéfiants en remplaçant la répression de ce comportement par l'obligation
La justification d'un tel principe est aisée.
de suivi en traitement médical. Le dispositif ne saurait être mis en place du jour au
Sur le plan des intérêts de la répression, on présume que la loi nouvelle traduit
de la technique juridique. On observera toutefois, que la règle peut
lendemain 201
2) Le concept même de loi plus douce s'avère parfois difficile à cerner. Voici
conduire à des résultats inéquitables, car elle fait dépendre le bénéfice de la loi plus
quelques illustrations tirées des lois complexes, des lois temporaires et des lois
~rfectionnement
douce à la célérité plus ou moins grande de la procédure. Dans le passé, seule la grâce
économiques ou fiscales
_ Les lois complexes sont de deux sortes. Elles comportent tantôt des
ou l'amnistie pouvaient gommer ces injustices. Le nouveau code pénal atténue les
injustices les plus manifestes en précisant que "la peine cesse de recevoir exécution qUilnd
dispositions divisibles, tantôt des dispositions indivisibles.
Le conflit suscité par la promulgation d'une loi complexe est aisé à résoudre,
elle a été prononcée, pour un fait, qui en vertu d'une loi postérieure au jugement, n'a plus le
caractère d'une infraction pénale" (art. 112-4 c.p.).,n en résulte que, si la loi nouvelle
quand elle comporte des dispositions divisibles. La solution consiste à appliquer
.
laisse subsister une qualification pénale ou si elle se borne à adoucir la répression, elle
distributivement les deux ordres de dispositions, les plus sévères ne rétroagissent pas,
sera sans effet sur la condamnation prononcée : ex. la suppression du crime de
les plus douces sont d'application immédiate. Témoin, la loi BERENGER du 26 mars
castration ne peut entraîner l'élargissement du condamné, dans la mesure où un tel acte
200
Cons. Cons!. 19-20 janvier 1981, D. 82-441.
201
J. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Le nouveau droit pénal, n° 340, Economica 1994.
�160
161
1891, instituant le sursis, mesure plus douce et créant la petite récidive correctionnelle,
1) Sur le plan du droit pénal commun
mesure plus sévère. il en est ainsi du Nouveau Code Pénal.
La question s'est posée au lendemain de la première guerre mondiale où de
En revanche, il peut arriver que la loi nouvelle comporte des dispositions
nombreuses dispositions_ réglementaires étaient intervenues l'0'!! taxer certaines
indivisibles. bI jurisprudence ne semble pas avoir adopté une position uniforme.
denrées ou marchandises. Toute majoration de prix constituait le délit alors nouveau
1) Certains arrêts considèrent qu'il faut faire prévaloir la disposition la plus
de hausses illicites. Mais la taxation était inévitablement soumise à des fluctuations
importante. C'est le maximum le moins élevé qui détermine l'application de la loi. Ainsi
diverses. A cette époque, la Chambre criminelle opérait une distinction. En cas de
~\ jugé pour la loi du 2 septembre 1941, correctionnalisant l'infanticide, tout en retirant le
simple modification du niveau de la taxe, l'arrêté précédent était maintenu. En
bénéfice des circonstances atténuantes 202. De même, pour la fermeture d 'établissement
revanche, en cas de suppression de la taxe, la loi nouvelle plus favorable était
devenue temporaire, jugée plus bienveillante malgré son caractère obligatoire.
appliquée. Après la seconde guerre mondiale, la . lu art des décisions ont consacré une
.
s~e généralisée de la ~e antérieurement établie, sans distinguer selon la nature de la 1 ~:~
i) Mais un autre courant jurisprudentiel se livre à une appréciation d'ensemble de la
réforme pour décider si, prise globalement, elle est favorable ou non à l'individu. Cette
modification ordonnée, qu'il s'agisse de prix, de droit fiscal ou douanier. Pendant
solution a été appliquée pour l'ordonnance du 4 juin 1960 sur les circonstances
longtemps, les dispositions concernées étaient présentées comme des exceptions au ' /
atténuantes, jugée plus douce, bien que les travaux forcés à temps de 5 à 20 ans aient
principe de l'application immédiate de la loi nouvelle plus douce. Mais, dans un arrêt
été remplacés par la réclusion à temps de 10 à 20 ans 203. La Chambre criminelle a
très important, en date du 10 novembre 1970, r@tif au droit commu~re, la
appliqué ce système à la réforme du sursis opérée par la loi du 17 juillet 1970. Cette loi
Chambre criminelle avait érig~exceptions au rang de principe gén~ en affirmant \
a été jugée d'application immédiate, compte tenu du fait qu'elle facilitait l'octroi du
tf ":u 'il
«
sursis simple et rendait plus difficile sa révocation, bien qu'elle ait institué un sursis
partiel 204.
est de pri~cipe . que les textes régleme~taires en matière économique ou fiscale ne
rétroagISsent pas, a mOins de dIspOSItIons contraIres formellement exprimées". Donc survie de
la loi ancienne 205, décision confirmée par la suite 206. Cet arrêt était remarquable dans
9<1 Une autre difficulté apparaît pour les lois temporaires, c'est-à-dire affectées
la mesure où il faisait échec à deux exigences fondamentales du droit communautaire,
d'un terme extinctif. La question se pose de savoir si l'arrivée du terme prévu doit être
le principe de l'effet direct et sa supériorité sur le droit interne. il appelait l'interprète àJ
considérée comme interdisant, désormais, toute poursuite pénale pour des faits
s'interroger à la fois sur la portée et sur la signification du principe nouvellement posé.
commis à l'époque où la loi, désormais caduque, était en vigueur. La jurisprudence a,
• La portée du principe
d 'abord, consacré cette solution. Elle a jugé que le délit de spéculation illidte, prévu par
Deux points méritent examen :
la loi du 20 avril 1916, applicable jusqu'à la fin des hostilités, ne permettait plus une
Tout d'abord, le contenu de la matière économique et fiscale doit être délimité.
condamnation pour des faits commis pendant la durée d'application de la loi, mais
La matière fiscale est relativement facile à circonscrire. Elle est contenue dans le Code
jugés postérieurement, solution bienveillante que refusent certaines législations (Italie,
général des impôts et le Code des douanes. La matière économique est plus délicate à
Grèce). Ce qui nous conduit à une troisième difficulté, les lois de circonstances
définir. Indépendamment de la législation sur les prix, terre d'élection du droit
intervenant dans le domaine économique ou fiscal.
économique, il faut y faire entrer la coordination des transports, le contrôle des
.... y::: En matière économique et fiscale, les tribunaux se sont ingéniés pour écarter la
changes.
')< En second lieu, la nature des actes doit être précisée. La Chambre criminelle
loi nouvelle. La question est épineuse. Pour la clarifier, il convient de se situer
successivement sur deux plans, d'abord sur le plan du droit pénal commun, ensuite sur
évoque les textes réglementaires. En droit interne, la notion de règlement revêt un sens
le plan international.
précis. Il émane du pouvoir exécu tif et offre, pour certains d'entre eux (règlements
autonomes), la possibilité de fixer des peines. Il n'en va pas de même pour les
règlements communautaires qui présentent, en revanche, la supériorité d'être
immédiatement applicables dans tout État membre. il y a donc une différence profonde
202
Crim. Il mars et 15 avril 1942, G. P. 1942-2-87.
203
Crim. 10 mai 1961, B. nO248.
205
204
Crim. 5 juin 1971, J.c.P. 1972-1I-17039, note VITU.
206
D. 1971-509, rapport COSTA.
Crim. 23 novembre 1973, B. n° 435; 3 mai 1974, B. n° 157.
�162
163
entre ces deux types de règlements 207. Il semble bien, cependant, que la Cour de
la loi plus douce serait faire perdre toute valeur intimidante à la réglementation
cassation ait procédé à une assimilation contestable du règlement communautaire au
économique ou fiscale du moment.
règlement du droit interne.
X.
Le Conseil constitutionnel par une décision en date des 19 et 20 janvier 1981, a
L
• La signification du principe
érigé en un prindpe ayant valeur constitutionnelle, la règle de l'application immédiate
des textes nouveaux plus doux 208
Pour justifier la jurisprudence admettant la non rétroactivité des textes en
matière de taxation, la doctrine avait avancé plusieurs explications. Pour certains,
/" La portée de cette décision a été discutée. Certains l'ont minimisé en soulignant
c'est le but poursuivi par le législateur qui devrait guider le juge. Il faudrait rechercher,
qu'elle était inapplicable aux texte réglementaires' onomiques, parce que la décision
dans chaque cas d 'espèce, la volonté de l'autorité qui a modifié le contenu de
concernerait seulement les lois pénales, tandis que les textes réglementaires seraient
l'incrimination. D'autres ont proposé de distinguer entre les lois pénales qui fixent les
d'ordre extra-pénal (MERLE). Mais, d'autres auteurs soutiennent que le principe
conditions nécessaires pour qu'il y ait incrimination et les lois extra pénales qui fixent
constitutionnel de la rétroactivité in mitius est général et qu~ englobe les règlements et
les conditions relatives à l'existence et à l'étendue du droit violé.
les lois.
~
D'autres encore, ressusdtant la vieille opposition entre les délits naturels et les
Au lendemain de cette décision, s'est posée la question du devenir de la
jurisprudence de la chambre criminelle en la matière.
délits artificiels suggéraient de classer les textes pénaux en dispositions-but et
~
dispositions-moyen. La disposition-but serait la transposition d'un impératif moral en
Cette nouvelle jurisprudence repose sur une distinction entre les lois et les
droit pénal et, de ce fait, par essence permanente (exemple: prohibition du vol). Au
règlements économiques dont elle admet de façon inégale la rétroactivité. L'arrêt
contraire, la disposition-moyen serait purement circonstancielle, inspirée par la
BREJENT, en date du 12 novembre 1986 209, relatif à l'abrogation d 'un règlement
politique économique ou la technique juridique (exemple: Code de la route) et de ce
communautaire, maintient la position de la C~~ j~ sa~on. "En matière économique
fait échappant à la rétroactivité in mitius.
droit a vec ses principes autonomes est le reflet d'un certain nombre d'exigences
et douanière, l'abrogation d'un texte réglementair4ln'affecte pas les infractions, qui étaient
l'objet d'une poursuite en cours". Toutefois, l'arrêt admet la rétroactivité "lorsque à la fois,
lors du procès-verbal de poursuite, lors du réquisitoire introductif ou de la saisine par voie de
citation directe de la juridiction pénale, les textes de répression invoqués servant de support
effectif et nécessaire aux poursuites, n'ont plus d'existence légale en raison de leur abrogation".
économiques que les économistes traduisent par une distinction qui leur est familière et
En l'espèce, il y avait eu importation de filets de merlus congelés à un prix inférieur à
qui consiste à opposer la structure et la conjoncture. La structure se caractériserait par
la nonne fixée par un règlement communautaire du 5 novembre 1975. Ce règlement
un invariant, tandis que la conjoncture serait "/'étude des variations à court terme des
avait été abrogé le 23 décembre 1975. Or, plusieurs procès-verbaux avaient été établis
grandeurs les plus caractéristiques de l'économie" . Ne peut-on dire qu'à la structure
de décembre 1976 à mai 1978. Les actes de procédure datant de 1979, la Cour d'appel
Toutes ces analyses nous paraissent difficiles à mettre en œuvre. Toute loi ne
porte-t-elle pas en elle une part de contingence? TI nous paraît préférable de proposer
une autre explication fondée sur les aspects économiques de ce droit pénal nouveau. Ce
avait refusé de condamner et la Cour de cassation avait suivi cette analyse en rejetant
correspond la loi dans la mesure où celle-ci est dotée d 'une certaine pennanence, tandis
le pourvoi. En revanche, si les actes de procédure avaient été accomplis alors que le
que la conjoncture s'exprime par des dispositions réglementaires à durée par nature
limitée, donc plus fugitives. Cette explication a le mérite de résoudre les
la cœxistence_de deux
l'autre refusant
cet~
rinciRe~
diffi~!!és
règlement était valable, l'abrogation de celui-ci n'aurait pas empêché la condamnation.
de
La rétroactivité in mitius apparaît donc cantonnée en matière de règlements.
l'un affinnant la rétroactivité de la loi plus douce,
En revanche, pour ce qui est de la loi, la Chambre criminelle affirme le prindpe
rétroactivité. Ces principes ne sont ni concurrents, ni de valeur
applicable immédiatement de sa rétroactivité, qu'elle prévoit des peines plus douces ou
inégale. Ils régissent des situations différentes. Le principe de la rétroactivité de la loi
qu'elle abroge des incriminations 210. Le tenne de loi ne doit pas s'entendre au sens
plus douce conserve sa valeur et sa portée lorsqu'il vise des dispositions législatives,
fonnel, mais tous les textes qui, sous l'effet d'une habilitation législative peuvent
qui ont vocation à la durée, tandis que le principe de la non rétroactivité des textes
réglementaires tfouve la justification de son existence dans le caractère éphémère des
dispositions concernées. La révisibilité est de l'e~~ence du droit économique. Appliquer
207
J. BORRICAND,
La non rétroactivité des textes réglementaires en matière économique et
fiscale, Chronique D. 1978-285.
cf.
208
0 . 1982-441, note DEKEUWER, J. C. P. 1981-11-19701, note FRANCK.
209
Gaz. Pal. 1987-1-287, note COSSON.
210
Crim. 16 février 1987, NOUVEL, G. P. 1987-1-221, note MARCHI ; 16 mars 1987, BILLlNG, D.
1988-439, note DEKEUWER.
�164
165
intervenir en matière délictuelle, c'est le cas des ordonnances, des décrets ou même des
légère, le délinquant doit en bénéficier". TI semble bien qu'il faille interpréter cette
disposition largement.
Dans ces conditions, dans la mesure où le Pacte s'est incorporé à notre
ordonnancement juridique, les arrêts de la Chambre criminelle qui limitent le jeu de la
rétroactivité in mitius des textes réglementaires en matière économique, apparaissent
contraires au droit international (HUET, Chrono précitéel Cette analyse, discutée par
certains, a le mérite de la clarté. Elle s'impose, également, en présence d'une disposition
de droit transitoire qui exclurait formellement la rétroactivité in mitius. Si d'aventure
une loi qui aurait échappé au contrôle préventif du Conseil constitutionnel ou un
règlement dérogeait ouvertement au principe de la rétroactivité in mitius, les tribunaux
répressifs français devraient même d'office faire prévaloir le pacte et refuser
arrêtés précisant les éléments de définition d'incriminations contenues dans une loi.
Dans l'affaire BILLING, un hôtelier avait été poursuivi pour pratique de prix illicites
sur la base d'un arrêté du 26 juin 1945, puis, en vertu de l'ordonnance du 30 juin 1945,
le prévenu avait soulevé, sans succès l'exception d'illégalité de cet arrêté. Toutefois, par
un moyen relevé d'office, tiré de l'abrogation de l'ordonnance de 1945, la Cour de
cassation annule la condamnation pénale. Il aurait fallu pour maintenir la
condamnation que la poursuite se fonde sur la loi du 26 décembre 1966 sanctionnant
certaines infractions en matière de publicité. Ainsi, la Cour cristallise la qualification,
afin d'empêcher les tribunaux de requa1ifier pour éluder l'abrogation de la loi pénale.
TI y a là une application renforcée du principe de la rétroactivité in mitius, qui
mérite approbation.
( d'appliquer la règle interne qui lui est contraire.
l'
En revanche, apparaît contestable la jurisprudence qui a décidé que les deux
Apparaît, dès lors, contestable, l'analyse de la Chambre crimin~e qui prétend
ordonnances de 1945 avaient été abrogées en même temps le 1er janvier 1987, alors que
qu'en l'absence de dispositions contraires expresses, une 101, meme de nature
l'une d'entre elle -45-1484- l'avait été dès le 11 décembre 1986, afin qu'il y ait une
économique qui abroge une incrimination pénale ou qui édicte des peines plus douces,
continuité avec le décret du 29 décembre 1986.
s'applique aux faits connus avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés.
En effet, une jurisprudence ancienne et constante décide que dès l'abrogation
Comme l'écrit le Professeur HUET "La solution est simple: le principe de la rétroactivité in
d'une loi, les infractions commises auparavant échappent définitivement à la
sanctions pénales plus faibles en matière de publicité, n'entrait en vigueur que le 1er
mitius s'impose dans tous les cas; peu importe que le texte nouveau plus doux soit une loi ou
un règlement , qu'il concerne ou non la matière économique, qu'il se déc/are ou non
. .
. . " 212
expressément inapplicnble aux infractIOns
commIses avant son entree
en VIgueur
.
On peut regretter que le nouveau code pénal n'ait pas pris position sur l'épineux
problème posé par l'application dans le temps des textes en matière économique et
fiscale. il n'en va pas de même pour le domaine dans le temps des lois pénales de
janvier 1987. il Ya là une utilisation de la rétroactivité au d étriment du prévenu pour
forme.
répression, même si ces comportements sont réincriminés par la suite. En l'espèce,
NOUVEL, vétérinaire avait été déclaré coupable de défaut de marquage, d'étiquetage
et d'affichage du prix de ses services (45-1483), délit prévu par l'ordonnance 45-1484
du 30 juin 1945 désormais caduc, tandis que le décret du 29 décembre 1986, assorti de
combler un vide juridique qu'aurait entraîné l'impunité du délinquant.
~ B - Domaine dans le temps des lois pénales de forme
Au surplus, la formulation de l'arrêt énonçant "en l'absence de dispositions
contraires expresses, la loi nouvelle, même de nature économique, qui pour une des
incriminations déterminée, prévoit désormais des peines plus douces, s'applique aux faits
!:.e principe est
l'applicatiOn( ~ des lois
énales de forme. On peut y
commis avant son entrée en vigueur et non encore définitivement jugés" peut prêter le flan à
la critique. L'incidence "en l'absence de dispositions contraires" n'est-elle pas contraire au
trouver trois justifications. Tout d'abord, les lois de forme ne créent pas d'incrinùnation
droit international ? C'est ce que soutient un auteur qui entend résoudre la difficulté en
là. En second lieu, elles ne sont pas susceptibles d'influer sur le comportement de
se plaçant sur le terrain du droit international 211.
l'individu lorsqu'il prend sa décision. Enfin, ces lois sont présumées supérieures à celles
et n'édictent pas de pénalités. Or, l'ancien article 4 du Code pénal ne visait que celles-
qu'elles remplacent, parce qu'elles traduisent un perfectionnement de la technique
2) Sur le plan du droit international
juridique. En l'absence de disposition formelle, la jurisprudence avait depuis longtemps
L'article 15-1 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques de
consacré le principe de l'application immédiate.
1966, entré en vigueur en 1981, consacre expressément le principe de la rétroactivité in
mitius : "Si postérieurement à une infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus
211
HUET, Une méconnaissance du droit international, J.c.P. 1987-1-3293.
212
HUET, chronoprécitée.
�167
166
Le nouveau code pénal l'énonce expressément dans l'article 112-2 : "Sont
2°) Lois de procédure
applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en
Elles visent la mise en mouvement de l'action publique, la façon de conduire les
vigueur:
1°) Les lois de compétence et d'organisation judiciaire, tant qu'un jugement au fond n'a pas
été rendu en première instance ;
2 0) Les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure:
3°) Les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines; toutefois, ces lois,
lorsqu'elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la
décision de condamnation, ne sont applicables qu'aux condamnations prononcées pour des
faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur;
recherches et de réunir les preuves, la réglementation des voies de recours.
La distinction n'est pas toujours facile, cependant, avec les lois de fond. C'est le
cas des dispositions extraditionnelles. La question s'est posé pour les ravisseurs du roi
de la bière Heineken où l'avocat général a soutenu que les textes étaient des textes de
procédure, tandis que les avocats des ravisseurs, objets d'une demande d'extradition
du gouvernement néerlandais, soutenaient, de leur côté, qu'il s'agissait de textes
d'incrimination (Le Monde, 20 juin 1986).
4°) Lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, les lois relatives à la prescription de
l'action publique et à la prescription des peines, sauf quand elles auraient pour résultat
d'aggraver la situation de l'intéressé."
e rincip de l'application immédiate peut être diversement illustré. Pour les
1 lois rela
aux voies de recours, l'application immédiate entre en jeu pour les voies
Toute/ois, il apparaît que cette solution ne se révèle pas toujours bénéfique pour
\ de recours nouvellement créées (Art. 112-3 N.C.P.). Les lois relatives aux modes de
le délinquant. On peut le vérifier en examinant, tour à tour, les lois de compétence, de
preuve subissent le même régime. Les lois relatives au droit de la défense sont
procédure, d'exécution des peines et de prescription.
également immédiatement appliquées.
Toutefois, l'application immédiate subit deux limitations. Tout d 'abord, lorsqu'il
1 0) Lois de compétence
existe, au profit du condamné un droit acquis, la loi ancienne continue à s'appliquer.
\
Si la rétroactivité des lois de compétence est bonne, dans son principe, ses
applications apparaissent parfois critiquables. La loi de compétence vise divers buts.
Ainsi, la loi qui supprime une voie de recours ou en modifie le délai d 'exercice ou les
effets, ne peut pas être opposée à celui qui en bénéficiait au moment où a été rendue la
Ce peut être une modification directe de la juridiction compétente: sans modifier la
décision qui l'a condamné. Il en va de même pour les lois relatives à la poursuite. En
peine applicable, une loi nouvelle vient attribuer la connaissance du procès à une autre
second lieu, la loi nouvelle ne peut entraîner la nullité d'actes régulièrement accomplis
juridiction (exemple: délits de presse transférés de la compétence des Cours d'assises
sous l'emprise d 'une loi antérieure. "L'application immédiate d'une loi nouvelle est sans
aux tribunaux correctionnels) ; ou bien une modification indirecte, par exemple, la
effet sur la validité des actes accomplis antérieurement à la loi ancienne", énonce l'article} 12-
peine applicable est modifiée, ce qui provoque la compétence d'une autre juridiction.
4 N.C.P ..
Mais la jurisprudence n'a pas toujours admis l'application immédiate (exemple: loi du
-
3°) Lois relatives à l'exécution des peines
13 avril 1954, recriminalisant l'infanticide: la Cour de cassation, écartant l'application
1
immédiate, a estimé que les infanticides non encore jugés devaient l'être par les
Pour ce type de loi, la cour de cassation avait admis l'effet immédiat de la loi
tribunaux correctionnels). Enfin, la loi de compétence peut modifier la composition de
nouvelle sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la nouveauté apportée était plus ou
la juridiction (par exemple, la Chambre des appels correctionnels a vu son nombre
moins favorable au condamné. On pouvait justifier cette analyse en considérant que les
réduit de sept à cinq, puis à trois membres) ou la nature de la juridiction (exemple:
règles sur le régime d'exécution ne constituent que des modalités secondaires d'une
création de juridictions d'exceptions: Cours de justice à la Libération).
situation définitivement fixée, et que le nouveau régime qu 'elles instituaient était
On s'aperçoit, par ces exemples, que l'application immédiate de la loi de forme
présumé supérieur à l'ancien ( cf. loi du 9 février 1855 décidant que la déportation
peut méconnaître les intérêts des individus. Réduire le nombre des magistrats d 'une
dans une enceinte fortifiée s'exécuterait, non plus en Nouvelle Calédonie, mais en
juridiction, correctionnaliser une infraction n'obéit qu'à des impératifs étrangers à la
protection individuelle: pénurie de magistrats et exigences de la répression. D'ailleurs,
Guyane). Il en va de même pour la création des Q.H.5 ..
Le Conseil constitutionnel ne partageait pas cette analyse. Il considérait les règles
la jurisprudence écarte l'application immédiate lorsqu'un jugement a été rendu sur le
nouvelles du régime de sûreté, non comme des modalités d'exécution, mais comme des
fond en premier ressort. On estime que l'individu a un droit acquis à demeurer
dispositions liées à la peine elle-même 213.
justiciable du même ordre juridictionnel. C'est cette analyse que' retient le nouveau code
pénal• .
213
décision 3 septembre 1986.
j
�169
168
C'est cette solution qui a été finalement retenue malgré la complication inévitable
de la tâche des services pénirentiaires (Art. 112-2-3° N .C.P.).
infractions qui met en conflit plusieurs lois nationales exige une collaboration
internationale, dont l'illustration la plus marquante est l'extradition. Enfin, reste à
déterminer l'autorité d'un jugement répressif sur le plan international.
4°) Lois de prescription
A - Les conflits de lois
~
1\
Elles touchent aux lois de fond parce qu'elles provoquent l'impunité du
délinquant, mais elles peuvent être assimilées à des lois de forme, en ce sens qu'elles
La solution des conflits de lois dans l'espace déroge au droit commun, en ce que
déterminent les conditions de la poursuite et l'exécution des peines. La jurisprudence a
la compétence judidaire commande la compétence législative, car le juge compétent au
longtemps hésité entre ces deux analyses. Elle a semblé en 1956, les assimiler à des lois
regard du droit international ne peut appliquer au procès qui lui est soumis que sa loi
de fond 214, (Espèce dans laquelle un déserteur de la guerre 14-18 à une époque où la
nationale, à l'exclusion de toute loi étrangère. Divers systèmes de solution des conflits
désertion était prescrite pour 20 ans, s'était vu opposer, à son retour en France, le
de lois sont concevables. ,Le système de la territorialité consiste à appliguer la loi
nouveau code de justice militaire de 1928 rendant la désertion imprescriptible). Elle a
pénale à tous les individus -quelle que soit leur nationalité ou !=elle de leurs victimeS)
fait valoir que, par ses effets, la prescription rappelle l'amnistie ou la grâce.
qui ont commis une in
Cependant, on a pu faire remarquer, tout d'abord, que l'arrét de 1956 ne visait que la
système de la personnalité implique que la loi pénale suit les personnes où qu'elles '
prescription de la peine. L'action publique serait-elle, dès lors, soumise à un régime
aillent.1'La personnalité active réprime les actes du délinquant, en fonction de sa IOi
différent? D'autre part, l'assimilation faite entre la prescription, l'amnistie et la grâce
personnelle et par le jeu de sa juridiction nationale. La personnalité passive consiste à l1
est discutable. Elle semblait, aujourd'hui, s'orienter vers une distinction fondée sur la
se placer du côté de la victime. Enfin, le système de la compétence universelle, donne
nature de la prescription en admettant la rétroactivité pour la prescription de l'action
au tribunal du lieu d'arrestation, vocation à juger toutes les infractions commises.
publique 215. Cette distinction est abandonnée dans le nouveau Code pénal. La loi
"
nouvelle est immédiatement applicable à la prescription de l'action publique et des
alinéa 1 C. C. : "Les lois de police et de sûreté, obligent tous ceux qui habitent le territoire". Le
peines, "sauf quand elles auraient pour résultat d'aggraver la situation de l'intéressé" (Art.
texte vise, incontestablement, les lois pénales et, malgré sa mauvaise rédaction, ce n'est
112-2-4° N.C.P.).
pas la considération du domicile des coupables qui dicte la compétence, mais celle du
c:ilim-sw;...le-temt~tfe-de
l'Etat où cette loi est en vigueur. Le
-
Le droit positifJrançais a consacré le système de la territorialité dans l'article 3,
-
-
lieu de' l'infraction. Mais notre droit écarte la territorialité au profit de la personnalité
---
§ 2 - APPLICATION DE LA LOI PÉNALE DANS L'ESPACE
L'application de la loi pénale française dans l'espace relève du droit pénal
international. Celui·<i apparaît, lorsqu'un élément d'extranéité entre en jeu (exemple:
infraction commise par un Français à l'étranger ou par un étranger en France). Deux lois
sont en conflit: la loi française et la loi étrangère; le problème est de déterminer
<
-----~----
dans les articles 689 à 696 du Code de procédure pénale et l' article 113-1 et suivants
du nouveau code pénal.
Le nouveau code pénal traite désormais de l'application de la loi dans l'espace
en distinguant les infractions commises ou réputées commises sur le territoire de la
( ;République et les infractions commises hors du territoire de la République.
1°) Infractions commises sur le territoire de la République
laquelle des deux doit être appliquée. La solution du conflit a été et demeure en grande
partie liée à la notion de souveraineté nationale. Mais, depuis le XXème siècle, la
Le droit français consacre le principe de la territorialité: Art. 3 du C. C. et Art.
criminalité internationale a pris une ampleur insoupçonnée. Les migrations de
113-2 N.CP. "La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire
population, du fait de l'insécurité qu'elles entraînent, développent la criminalité:
de la République".
(criminalité nord-africaine en France). La nature de certaines infractions (traite des
êtres humains, faux-monnayage, trafic de stupéfiants) appelle la constitution de
bandes de malfaiteurs implantées dans de nombreux pays. La répression de ces
Deux séries de raisons sont traditionnellement avancées. Sur un plan pratique,
une bonne administration de la justice, commande d'attribuer compétence au juge du
lieu de l'infraction. Il sera le mieux placé pour réunir les preuves, entendre les témoins.
Sur un plan théorique, le principe de la souveraineté nationale exige que l'Etat, dont
214
Crim. 26 décembre 1956, R.5.C. 1957.027.
215
Crim. 29 avril 1970, D. 1971-1-37.
l'ordre public a été troublé, ait la charge exclusive d'assurer son rétablissement.
�170
171
L'application de la territorialité appelle, cependant, deux précisions. Il convient,
tout d'abord, de cerner la notion de territoire national. Par territoire, il faut entendre
principe. Tout d'abord, les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation
autorisent des poursuites devant les juridictions françaises (Art. 113-10 N.C.P.).
non seulement le territoire réel, terrestre, maritime, c'est-à-dire la mer territoriale, aérien,
n en va de même en cas de crime ou délit commis à bord d'un aéronef étranger,
qui est la portion de l'atmosphère située au-dessus du territoire terrestre, mais encore
si l'auteur ou la victime sont de nationalité française (Art. 113-1 N.C.P.)., que
les portions détachées du territoire, les navires et aéronefs battant pavillon national,
l' infraction ait été commise par ou contre un Français, la répression est assurée par les
lorsqu'ils circulent dans les zones internationales. En second lieu, la localisation de
articles 113-8 et 113-9 N.C.P., à savoir l' exigence d'une plainte ou d'une dénonciation
l'infraction sur le territoire, doit être établie avec certitude, ce qui est parfois délicat.
et la mise à l'écart de la règle non bis in idem.
L'infraction d'habitude peut se dérouler dans plusieurs États. Dans la mesure où un
Enfin, certaines infractions lésant la communauté internationale autorisent une
seul acte a été commis en France, le principe de territorialité interdit de prendre en
compétence universelle (Conventions sur le trafic des stupéfiants, le faux-monnayage,
considération les actes commis à l'étranger, constitutifs de l'habitude. Dès lors,
la traite des esclaves) (Art. 113-10 N.C.P.). Mais il est également possible aux États
l'impunité doit être accordée: solution regrettable que des accords internationaux
concernés d'user de la procédure de l'extradition.
s'efforcent parfois d'écarter (exemple: accords sur la traite des êtres humains).
n arrive
d'autre part fréquemment, que les éléments constitutifs de l'infraction soient morcelés
B - La collaboration répressive internationale
dans plusieurs pays (exemple: escroquerie).JoLa jurisprudence consacre la territorialité
sur le fondement du caractère indivisible des éléments constitutifs (contrefaçon émise
en Italie et dont la victime résidait en France: compétence française) 216.
On observera toutefois que le nouveau code, parle de "fait constitutif" et non
d'élément constitutif (Art. 113-2), dont le caractère vague avait été souligné.
Le développement de la criminalité internationale lié aux facilités de
communication et à la perméabilité des frontières ont, depuis longtemps, conduit les
États à mettre en œuvre une politique commune. Celle-ci n'est, cependant, pas facile à
réaliser, car les États sont particulièrement jaloux de leur souveraineté. Outre les efforts
Une exception remarquable doit être apportée au principe de la territorialité:
de codification du droit international, restés jusqu'à présent à l'état de projet et la mise
c'est l'immunité diplomatique. Les agents diplomatiques étrangers n'ont pas à
sur pied d 'un certain nombre de conventions, dont un exposé sommaire sera donné
répondre devant les juridictions de l'Etat auprès duquel ils sont accrédités des
plus loin, la collaboration internationale en matière répressive se réalise de trois façons,
infractions qu'ils commettent sur le territoire de cet État.
par une entraide policière, par le biais de politiques extraditionnelles et par une
1 2°) Infractions commises hors du territoire de la République
certaine prise en compte par les États des jugements répressifs.
1°) La collaboration policière
Si l'infraction a été commise par un Français, le droit positif consacre le
principe de la personnalité active. L'article 689 du Code de procédure pénale attribue
Elle est rendue nécessaire par le développement d'infractions internationales
aux juridictions françaises une compétence pour les crimes et délits commis à l'étranger
(stupéfiants, fau x monnayage, proxénétisme, traite des êtres humains). Dans un
par un citoyen français. Toutefois, cette compétence est subsidiaire. Elle n'apparaît que
premier stade, de simples circulaires avaient amorcé la collaboration interétatique. Puis
dans la mesure où le délinquant n'a pas été définitivement jugé à l'étranger. L'article
ont été signées des conventions décidant de la création dans les divers pays adhérents
113-6 c.P. reprend cette formulation. Mais il étend la compétence française non
d'offices centraux destinés à centraliser les renseignements obtenus pour des infractions
seulement aux crimes, mais aussi aux délits punis de peines d'emprisonnement, ce qui
internationales. Enfin, en 1923, était créé à Vienne "IN TERPOL " (Organisation
recouvre la quasi totalité des délits. Au surplus, la règle s'applique sous condition de
Internationale de Police Criminelle, O.l.P .c.) qui siège à Lyon (174 adhérents). Cet
réciprocité d'incrimination établie, même si l'auteur est un Français.
organisme comporte une assemblée générale qui détermine les grandes orientations de
Si l'infraction a été commise par un étranger, la règle de la territorialité écarte
sa politique criminelle, un comité exécutif qui les met en application et des bureaux
toute compétence des tribunaux français. Ce système est apparu regrettable lorsque
centraux nationaux. Il possède un fichier sur les délinquants internationaux, un réseau
l'infraction revêt une gravité particulière et diverses dérogations ont été apportées au
informatisé. Son action est complétée par la communication des casiers judiciaires et le
recours à d es commissions rogatoires internationales.
216
Paris 30 mars 1987, J.c.P. 1988-11-20905.
�172
173
Cette collaboration polidère a été renforcée par l'Accord de Schengen du 14 juin
abrogation en France en 1981 . Un certain nombre d'États avaient pris pour règle, de
1985, le Traité de Maastricht du 7 février 1992, dont le titre VI appelé le troisième
refuser l'extradition demandée par la France. Pour sa part, la convention européenne
pilier jette les bases d'une coopération dans le domaine de la justice et de la police,
d'extradition de 1957 avait, cependant, prévu la possibilité d'extradition à condition
ainsi que par la création d'organismes au niveau européen (groupe TREY l, créé en
que l'Etat requérant "donne des assurances jugées suffisantes par la Partie requise, que la
1976; EUROPOL, créé en 1992) 217.
peine capitale ne sera pas exécutée" (Art. 11). Une application récente de l'exigence de
Le Groupe TREY! rassemble les Ministères de l'Intérieur ou de la Justice des 12
réciprocité nous est fourni par l'arrêt du Conseil d'État en date du 15 octobre 1993
pays de la C.E.E.. TI s'efforce de coordonner l'action policière en matière de crime
refusant d'annuler le décret accordant l'extradition de Madame AYLOR soupçonnée
organisé. EUROPOL, non encore opérationnel, doit constituer l'embryon d'une police
d'assassinat "sous réserve, si l'intéressée est condamnée à la peine capitale par l'Etat du
européenne.
Texas, que la sentence ne suit pas exécutée" 218.
La troisième exigence touche la nature de l'infraction. Elle ne doit être ni
2°) La collaboration judiciaire: J'extradition
militaire, ni politique. On rappellera ici la différence d'appréciation entre l'ordre public
il s'agit d'une procédure internationale consistant dans la remise par un État,
interne et l'ordre public international. On rappellera également que la Convention de
d'un individu se trouvant sur son territoire, à un autre État, afin de le juger pour une
Strasbourg contre le terrorisme, qui est entrée en vigueur, a décidé que ne seraient
infraction qu'il aurait commise ou pour faire exécuter une condamnation.
jamais considérées comme politiques, un certain nombre d'infractions particulièrement
graves (Art. 1), tandis que d'autres infractions pourraient l'être (Art. 2).
La pratique est ancienne, mais n'a été institutionnalisée que par une loi du 10
mars 1927, qui ne s'applique d'ailleurs qu'en l'absence de traités. Cette procédure est à
Une quatrième condition vise l'exigence du caractère pénal de la sanction. Ce
la fois judidaire et diplomatique, puisque le gouvernement a toute latitude pour donner
qui pose le problème des mesures de sûreté ou des sanctions qui pourraient être
suite à l'avis favorable donné par l'autorité judiciaire. Cette procédure est, également,
qualifiées comme telles. Enfin, l'extradition n'est accordée que si l'infraction a été
formaliste, -expliquant le développement de pratiques détournées contestables, telles
commise, soit sur le territoire de Etat requér
que l'expulsion (BARBIE) ou la capture (EICHMANN ou ARGOUD)-, encore qu'une
de ses nationaux.
procédure accélérée ait été mise sur pied.
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2( !Ù1&s. conditions!k./Qru1
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,q~~ lM t,J.J_
Elles révèlent l'originalité de la procédure qui présente, à la fois, un caractère
judiciaire et diplomatique.
Elles touchent aux délinquants et aux infractions
- Si la France est l'Etat requérant, le déroulement de la procédure est le suivant.
- En ce qui concerne les délinquants, la loi exige d'être auteur ou complice d'une
--
infraction pénale, et ne pas être justiciable des juridictions français es. La France
Le Procureur de la République transmet au Procureur général une demande
n'extrade pas ses nationaux, contrairement aux pays de la Common Law. Cette réserve
d'extradition avec copie de la décision du mandat d'arrêt. Après avis, le Procureur
'( est ancienne.
e exprime
général transmet le dossier à la Chancellerie, qui à son tour saisit le Ministre des
défiance de la France, vis-à-vis des institutions judiciaires
Affaires étrangères, pour communication à son homologue étranger. En cas d 'urgence,
étrangères.
une demande d'arrestation provisoire est diffusée par INTERPOL, la procédure
- L'infraction susceptible d 'entraîner l'extradition, doit répondre aux exigences
habituelle se développant ensuite.
suivantes.
- Si la France est l'Etat requis, la procédure est à la fois administrative et
Tout d'abord, elle doit satisfaire à la réciprocité d'incrimination, c'est-à-dire,
En second lieu, elle doit être d'une certaine gravité, crime ou délit d 'une durée de
judiciaire.
La première phase de la procédure est administrative. L'Etat étranger requérant
plus de 2 ans d'emprisonnement pour la peine encourue, plus de 2 mois pour la peine
adresse sa demande au Ministre des Affaires étrangères, qui en saisit le Parquet. Celui-
prononcée. Cette exigence a soulevé des difficultés pour la peine de mort, jusqu'à son
ci fait procéder à la recherche et à l'arrestation de l'individu réclamé. En cas d'urgence,
être punissable par les deux pays.
217
t, soit en dehors de son territoire, par un
J. BORRlCAND, Crime organisé et coopération européenne, Rev. Int. Crim., Pol. Techn 1992445, Yers l'Europe pénale in Problèmes actuels 1994, p. 109.
218
RFDA 1993, n° 6, p. 1116, cond. VIGOUROUX.
�174
175
une demande d'arrestation préventive, autorise un interrogatoire, au fond par le
d'État prétend pousser plus loin son contrôle, vérifier si les conditions de fond de
Procureur généraI.
S'ouvre alors, la phase judiciaire. Le Procureur général saisit la Chambre
l'extradition ont été respectées par la Chambre d'accusation 222, de même pour les
d'accusation, qui doit faire comparaître l'intéressé dans les huit jours, à compter de la
d'accusation 223, la régularité de la procédure 224. Dès lors, s'opère une véritable
notification des pièces. Les débats sont publics, oraux, contradictoires. La Cour entend
"tutelle du Conseil d'État sur les Chambres d'accusation" 225. Sans doute, le souci de
défendre les libertés individuelles, l'absence de pourvoi en cassation jusqu'en 1984,
expliquent le développement de cette jurisprudence. C'est pourquoi, peut-être, un arrêt
plus récent a semblé amorcer un repli. L'arrêt GALDEANO 226, reconnaît, en effet, que
tout moyen de forme et de procédure touchant à l'avis, échappe à la compétence du
Conseil d'État. Peut-on, cependant, parler de rééquilibrage de compétences? Cela
conditions de forme, par exemple, la régularité de la composition de la Chambre
le fugitif, procède à un contrôle de la régularité formelle des charges, sans pouvoir
théoriquement apprécier, ni leur vraisemblance, ni leur gravité, sauf le cas d 'erreur
évidente (Art. 16). Après audition du conseil, la Chambre d'accusation émet un avis
motivé. S'il est défavorable, l'extradition ne peut être accordée. S'il est favorable, le
gouvernement a toute liberté pour refuser ou se conformer à ~vis favorablè>ODans ce
apparaît douteux 227.
Cette décision affirme, en effet, "il n'appartient pas au Conseil d'État d'examiner les
cas, il procède par voie de décret. Jusqu'à ces dernières années, l'avis échappait à tout
recours (Art. 16). Une évolution remarquable vient de s'opérer à la fois devant la
moyens de la requête mettant en cause la régularité externe de l'avis de la Chambre
d'accusation, le Conseil d'État doit, en revanche, se prononcer, d'une part, sur les vices propres
du décret d'extradition, et, d'autre part, sur la légalité interne de la mesure d'extradition , au
Chambre criminelle, renforçant les intérêts du justiciable et devant le Conseil d'État
contrôlant le dêroulement de la procédure.
- Devant la Chambre criminelle, indépendamment de l'article 14, autorisant le
regard des lois et conventions internationales, afin de vérifier si, notamment, d'après l'examen
de l'affaire par la Chambre d'accusation , le gouvernement a pu légalement décider que les
conditions de l'extradition, pour celles des infractions qu'il retient, étaient réunies ".
il apparaît donc que, "c'est au Conseil d'État que reviennent les tâches nobles, c'est-à-
pourvoi pour toute décision rendue en matière de liberté, la jurisprudence a procédé à
deux réformes. Tout d'abord, la Chambre criminelle a autorisé le pourvoi dans l'intérêt
de la loi formé par le Garde des Sceaux, désireux de maintenir l'unité de la
ju~prude~ce, dans l'interprétation des textes 219~n second lieu, et plus récemme;,
dire, le contrôle de la décision, au plan légal et au plan conventionnel, tandis que la Cour de
cassation se trouve cantonnée dans des tâches subalternes, la vérification de la régularité externe
un arrêt en date du 17 mai 1984, a décidé que, "si aux termes de l'article 16 de la loi du 2
1et formelle de l'avis de la Chambre d'accusation" 228.
mars 1927, l'avis motivé de la Chambre d'accusation sur la demande d'extradition est rendu
rsans recours, il résulte des principes généraux du droit, que cette disposition n'exclut pas le
L'arrêt Alba RAM[REZ 229, précise la position du Conseil d'État, en le
pourvoi en cassation, lorsque celui-ci est fondé sur une violation de la loi, qui, à la supposer
établie, serait de nature à priver la décision rendue, des conditions essentielles de son existence
légale". 220.
conduisant à définir quel effet produit l'introduction d'un pourvoi en cassation, sur la
Sans doute, la référence aux principes généraux du droit n'est pas nouvelle. Mais,
conséquences:
_ Tout d'abord, le décret d'extradition ne peut être pris tant que le délai du
suite de la procédure. Il reconnaît le caractère suspensif du pourvoi. D'où trois
jamais, et c'est ce en quoi la décision est révolutionnaire, la Cour de cassation n'avait
osé utiliser les principes
généraux~lï<tï'Olt con ra leg~ L'avantage essentiel de ce
pourvoi en cassation n'est pas expiré (cinq jours francs) ;
nouveau pourvoi est d 'être suspensif, alors que le recours devant le Conseil d'État ne
l'est pas.
222
24 juin 1977, ASTUDDILLO CALLEjAS, G. P. 1977-II-640.
ant longtemps, la Haute Assemblée s'était
223
7 juillet 1978, CROISSANT, G. P. 1979-[-34.
bornée à vérifier la régularité externe du décret 221, parce que le principe de la
224
27 juillet 1979, SALAT[, G.P. 1979-Il-686, note julien LAFFERRIERE.
séparation des pouvoirs interdisait d'apprécier, après la Chambre d'accusation, le
225
jEANDlDlER, R.S.C 1979-239.
respect des conditions de fond déjà vérifiées par lui. Mais depuis 1977, le Conseil
226
26 septembre 1984, D. 1984, F1asch nO33.
227
Cf. jEANDIDIER, note j.CP. 1985-Il-20346.
228
Commentaire des rapports de la Cour de cassation par les professeurs de la Faculté de SaintMaur, j.CP. 1986-1-3227.
229
CE. 8 mars 1985, 0 . 1986, inf. rap. 13.
d 'un recours pour excès de pouvoir.
219
Crim. 19 octobre 1950, j.c.P. 1950-II-5897, note AYMOND.
220
D. 1984-536, note jEANOlDIER, j.CP. 1985-II-20332 note BORRICAND.
221
30 mai 1952, KlRWOOD, S. 1953-III-33, note BOUZAT.
�176
177
_ En second lieu, si un pourvoi est formé dans ce délai, le décret ne peut
soit "oublié" dans sa cellule 232, en se fondant à la fois sur la Constitution de 1958 et
intervenir qu'après que la Cour de cassation l'ait rejeté ou l'ait déclaré irrecevable. il en
sur la convention européenne des droits de l'homme.
va de même, si le pourvoi n'est pas formé dans le délai;
Tout récemment le Conseil d'État vient d'opérer un renversement de
- Enfin, si une cassation intervient, le décret d'extradition ne peut être pris
jurisprudence. Jusqu'à présent le Conseil d'État s'interdisait de contrôler les refus
qu'après qu'un nouvel avis ait été donné par la Chambre d'accusation de renvoi et que
d'extradition, alors qu'il avait le droit de censurer des décrets satisfaisant à une
ce nouvel avis soit devenu définitif.
demande d'un gouvernement étranger puisqu'il y a risque de mise en cause de la liberté
~
Ce sont également les exigences de la protection du justiciable qui guident les
individuelle. il s'agissait du respect de la traditionnelle théorie des "actes de
solutions récemment rendues par la Chambre criminelle à propos du déroulement de la
gouvernement" . Mais on sait que cette théorie a vu progressivement son champ
procédure.
- D'abord, la présence de l'étranger à l'audience est obligatoire. C'est elle qui
d 'application se restreindre.
permet le point de départ du délai de pourvoi. L'arrêt KONUK, en date du 11 juin
refus d'extradition. il a annulé l'acte gouvernemental refusant à Hong Kong l'extradition
1985 a rappelé le caractère indispensable de la présence, de l'intéressé à l'audience 230.
d'un malaysien, accusé d'un détournement financier, en s'appuyant sur une erreur de
Le Conseil d'État vient de décider, le 15 octobre 1993, de ne plus l'appliquer au
- En second lieu, la demande de mise en liberté peut être sollicitée à tout moment
droit commise par le gouvernement français (SANIMAN).
Ces décisions fournissent une nouvelle illustration que la Convention pénètre peu
et l'intéressé peut former un pourvoi contre la décision qui refuserait son élargissement.
à peu le droit positif.
Si la situation de l'étranger détenu est parfaitement définie par l'article 14, alinéa
2, au cours de la procédure officiellement menée devant la Chambre d'accusation, une
ri ill ettm fk l'extradition
demande de mise en liberté pouvant intervenir à tout moment et dans les conditions
prévues par le Code de procédure pénale, il n'en va pas de même des requêtes en
- Sur le plan pratique
élargissement formulées pendant la période d'arrestation provisoire et après l'avis
Si la France est l'Etat requis, elle procède à la remise de l'intéressé à la frontière
favorable de la Chambre d'accusation. Lors de la phase préjudiciaire, l'article 20, pour
de l'Etat requérant, parfois avec une hâte non dissimulée: (par exemple, affaire
limiter une détention que l'inertie des autorités étrangères pourrait faire durer, avait
CROISSANT et affaire des basques espagnols, durant l'été 1984).
prévu des délais limités de 20 jours à 30 jours, selon la situation géographique du pays
- Sur le plan juridique
demandeur.
Passé ce délai, une requête de mise en liberté pouvait être adressée à la Chambre
Deux exigences doivent être respectées.
d'accusation et l'individu pouvait être remis en liberté.
Tout d'abord, l'exigence de la validité est posée par l'article 23 de la loi de 1927
La situation de l'étranger détenu était certainement contraire à l'article 5 de la
qui prévoit qu'en cas de violation dudit texte, l'intéressé peut s'en prévaloir, soit devant
Convention européenne reconnaissant à toute personne, le droit d 'être jugée sans délai.
la Chambre d'accusation dans le ressort de laquelle il a été saisi, soit devant les
C'est dans ce contexte, qu'est intervenue la décision de la Chambre criminelle
juridictions d'instruction ou de jugement où il est amené à comparaître.
GENGHINI, en date du 26 avril 1984, cassant l'arrêt d 'une Chambre d 'accusation qui
En second lieu, le principe de la spécialité est énoncé par l'article 21 "L'extradé
avait déclaré irrecevable une demande de mise en liberté, fondée sur l'article 20.
Mais cette décision se fonde, non sur l'article 20, mais sur l'article 14, apte à régir
ne peut être poursuivi ou puni pour une infraction antérieure à la remise autre que celle ayant
motivé /' extradition". Une méconnaissance de ce texte entraînerait la nullité de
toutes les demandes formulées par un étranger détenu provisoirement. Elle "confère à la
l'extradition. Ce principe est destiné à garantir l'intéressé pour des demandes
Chambre criminelle, un droit de regard sur les arrêts de mise en liberté antérieurs à la saisine
d'extradition dissimulant un motif politique. Il y a toujours eu là des risques d'abus
normale de la Chambre d'accusation ",231.
qu'a évoqués la note française du 10 novembre 1982.
Enfin, la Chambre criminelle a été amenée à étendre la compétence de la Chambre
Cependant, le principe de spécialité n 'es t pas absolu.
d'accusation, au-delà de l'avis favorable sur l'extradition, pour éviter qu'un étranger ne
230
D. 1986, infra p. 14.
231
)EANDIDlER, note D. 1984-537.
Tout d'abord, la
juridiction répressive peut modifier la qualification de l'infraction ex traditionnelle
232
Crim. 25 octobre 1984, Bul. n° 266; Crim. 7 février 1984, n° 43.
233
Crim. 15 juillet 1937, D.P. 1939-1-60.
233.
�178
En second lieu, l'Etat requérant peut sollidter une extension de l'extradition pour juger
179
2°) Les effets positifs
l'intéressé pour des faits autres que ceux contenus dans la procédure de livraison. Il est
même dispensé de cette requête si l'intéressé est resté plus de trente jours sur le
Le problème ici posé, vise l'énergie d'une décision étrangère en droit français. Est-
territoire français, après sa remise en liberté. Il est censé avoir accepté être jugé pour les
elle exécutoire en droit français? En principe, notre droit refuse tout effet positif en
infractions antérieures à sa remise 234. Enfin, et bien entendu, l'Etat requérant peut
France à une sentence rendue à l'étranger. il en résulte deux conséquences.
juger le fugitif pour des infractions commises postérieurement à son extradition.
- En premier lieu, la décision étrangère n'a pas, en France, de force exécutoire.
Est-il besoin de souligner que les deux prindpes sus-énoncés, ne sont pas
On ne connaît pas en droit pénal, la procédure de l'exequatur applicable en matière
toujours respectés ? C'est pourquoi, certains ont émis l'idée d'un tribunal
dvile, permettant l'application en France, de dédsions rendues à l'étranger. Cependant,
communautaire chargé de statuer sur les demandes d'extradition formulées par les
la Convention européenne pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées
États membres du marché commun, tandis que d'autres proposaient la mise sur pied
sous condition, signée à Strasbourg en 1984 et applicable en France depuis peu,
d 'une Cour pénale européenne chargée de juger les terroristes et les grands criminels
autorise un État de refuge, à faire exécuter une sentence prononcée par un autre État.
internationaux. Ce qui présenterait l'avantage d'éviter l'embarras dans lequel se
trouvent certains États soucieux de concilier le droit d'asile et la solidarité
interétatique.
Il en va de même pour la Convention sur le transfèrement des personnes
condamnées, signé à Strasbourg le 21 mars 1983, entrée en vigueur le 1er juillet 1985.
- En second lieu, la décision étrangère n'a pas d'incidence sur la récidive. Le
délinquant condamné à l'étranger, reste un délinquant primaire en France, sous réserve,
C - Les effets internationaux des iugements répressifs
ici encore, d e quelques conventions intervenues en certains domaines, autorisant un
État à donner efficacité à des interdictions professionnelles prononcées à l'étranger
il s'agit id d'un problème de droit international privé. Une dédsion rendue dans
un État étranger peut-elle avoir des effets dans un autre État. Le principe de
souveraineté inciterait à répondre par la négative, mais les intérêts du justiciable
obligent à admettre la solution inverse. La question est résolue différemment par le
droit français, selon que l'on reconnaît des effets négatifs ou des effets positifs à la
(voir par exemple: L. 19 juin 1930 pour l'interdiction de l'exercice de la profession de
banquier).
L'incidence des décisions rendues par des juridictions étrangères sur le droit
français nous conduit à appréder le rôle joué par le juge pénal dans l'application de
l'élément légal.
dédsion rendue à l'étranger.
1°) Les effets négatifs
On entend par là, qu'une décision rendue à l'encontre d 'un justidable dans un
HUET, Une méconnaissance du droit international, J.c.P. 1987-1-3293.
pays, n'autorise plus un autre pays à statuer sur le même fait. L'article 692 du Code de
J. BORRICAND, Crime organisé et coopération européenne, Rev. Int. Crim. 1992- 445.
procédure pénale dispose en effet "qu'aucune poursuite ne peut être exercée contre une
W. JEANDID1ER, La tutelle du Conseil d' État sur les chambres d'accusation, RS.C.
personne justifiant qu'elle a été jugée définitivement à /' étranger pour les mêmes faits et en cas
de condamnation que la peine a été subie ou prescrite". Ce texte n'est que l'application de la
règle non bis in idem, il est subordonné, cependant, aux conditions suivantes :
que le jugement étranger soit définitif ;
qu'il ait été rendu par une juridiction compétente ;
qu'en cas de condamnation, l'intéressé ait accompli sa peine ou ait bénéfidé d'une
mesure de grâce ou de la prescription.
234
LECTURES
Crim. 13 jumel 1939, G.P. 1940-1-37.
1979-239.
J. BORRICAND, Vers l'Europe pénale in Problèmes actuels de Science Criminelle, 1993109.
E. ROLIN, Développements récents du contrôle du Conseil d ' État en matière
d'extradition, RS.C. 1994-491.
M. MASSE, La compétence pénale française dans l'espace depuis l' entrée en vigueur
du nouveau code pénal, RS.C. 1995-839.
�o1
180
SECTION II - L'APPLICATION DE LA NORME PAR
LE JUGE
Tout juge répressif doit, à l'occasion de chaque affaire dont il est saisi, procéder
aux opérations suivantes.
n
lui appartient, out d'abor
de vérifier si les faits
reprochés à l'agent tombent sous le coup d 'un texte répressif et sont, de ce fait
. punissables
: problème de qualification. Il lui faut, également, se livrer à une
~
---
-
interprétation de la loi, rechercher le sens qu'il faut donner à la dis osition pénale :
problème d'interprétation. Mais il doit
pa~isl
et c'est là une opération préalab e,
apprécier la validité de la règle criminelle, vérifier si elle a été correctement édictée et
-par une autorité compétente: problème "d'appréciation des règlements.
)C§ 1- L'APPRÉCIATION DES RÈGLEMENTS
Le juge répressif ne Beut en France apprécier la constitutionnalité d'une loi pour
plusieurs raisons. D'abordUe prin~e de la séparation des pOUVO~interdit au juge de
s'immiscer dans la fonction législative. En second lieu, l'ancien article 127.1 du Code
pénal rendait coupable de forfaiture les magistrats qui empiéteraient sur le pouvoir
législatif. Enfin, l'article 56 de la Constitution instituant un Conseil constitutionnel
chargé d'examiner la constitutionnalité des lois que le Parlement a votées exclut toute
intervention judiciaire.
)<. n devrait en être de même pour l'appréciation des règlements. En théorie, les
juridictions de l'ordre administratif ont, sous le contrôle du Conseil d' État, une
compétence naturelle pour l'examen de la conformité des règlements. Dans un but de
simplification et par prorogation de compétence depuis longtemps, les juridictions
répressives se sont reconnues compétentes pour statuer en la matière.
Le nouvel article 111-5 énonce "Les juridictions pénales sont compétentes pour
interpréter les actes administratifs réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité
lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis" .
L'appréciation des règlements, peut se réaliser de deux façons différentes :
_ Par voie d'action, le contrôle du juge administratif tend à vérifier si le règlement
-
attaqué n'est pas affecté de l'une des irrégularités qui constituent les cas d'ouverture du
pourvoi (incompétence, vice de forme, d étournement de pouvoir, violation de la loi).
�181
182
L'intérêt de ce recours est, pour excès de pouvoir, qu'en cas d'annulation, le règlement
al W divergences passées.
disparaît complètement à l'égard de tous.
- Par voie d'exception, le prévenu soulève devant le tribu
réj2ressif l'irrégularité
1) Le tribunal des conflits appréciait la compétence du juge répressif
du règlement. Le tribunal est alors obligé d'examiner la régularité de l'acte. On dit qu;ïe
en fonction de la nature de l'acte.
prévenu -;ulèv 'l'exception d 'illégalité, encore que pour les règlements autonomes ce
- S'agissant d'un acte réglementaire, tout juge répressif pouvait en apprécier la
soit plutôt l'exception d'inconstitutionnalité. Si le prévenu triomphe, le règlement ne lui
~galité
est pas opposable, mais est maintenu à l' égard du tiers. Un nouveau justiciable
ou
l'interpr~r,
mais il ne pouvait, naturellement pas débattre de son
( opportuni;5X5 juillet 1951, Avranches, précité).
pourra, à son tour, en écarter l'application E ce que le juge répressif ne peut l' annul~
- S'agissant d'un acte individuel, le Tribunal des conflits avait décidé, en
revanche, que le juge répressif ne pouvait les apprécier. Cette incompétence était
A - Les conditions d'application du contrôle de la légalité
justifiée, d'abord, par le libellé même de l'article R 26 15° ne visant que les règlements,
ensuite parce que l'examen de la légalité a une portée plus grave pour l'acte individuel
Elles intéressent trois points : les juridictions, les actes visés et les cas d'illégalité.
qui est frappé de toute inefficadté, s'il est déclaré illé al. Cette dédsion était d'autant
plus remarquable qu'elle n'éta t nullement dictée par l'espèce qui visait un acte
1°) Les juridictions compétentes
réglementaire.
La lecture de l'article R. 610-5 N.C.P., comme celle de son prédécesseur, l'article
_ c
r"r.~,
1 - " "•
C
. . II e a d optaIt
' une pOSItIOn
. . d'ff
'
pl'.,.RL,
! erente.
2) La Ch am b re cnmme
.t,
R. 26-15, 235 peut laisser penser que seul le juge de police est compétent puisque la
Elle considérait que le juge pouvait et devait apprécier la légalité de tous les actes
peine prévue est une peine de police. Le tribunal des conflits dans la célèbre décision
administratifs, ~ la seule condition qu'ils soient assortis d'une sanction pénale 237.
"Avranches" en a décidé autrement 236. En l'espèce, le gendre et le fils d'un fermier
Sinon, la juridiction répressive devait surseoir à statuer tant que la juridiction
étaient poursuivis devant le ~ribunal corr§~ sur plainte du bailleur pour chasse
administrative ne s'était pas prononcée.
sur le domaine affermé. Ils invoquaient une clause du contrat type des baux à ferme du
département, ipprouvé par arrêtt"préfectoral qui octroyait au preneur le droit de
chasse. Le tribunal estima ce act~ntaché d 'illégalité car contraire aux prescriptions de
-
,
o
l't
Pour expliquer la position de la Cour de cassation, on pouvait avancer deux
justifications. Tout d'abord, la distinction entre acte réglementaire et acte individuel
n 'est pas toujours aisée à faire. En second lieu, la déclaration d 'illégalité d'un acte
l'ordonnance du 17 octobre 1945 sur les baux ruraux qui accorde seulement aux
individuel n'est pas plus grave que la déclaration d'illégalité d 'un acte réglementaire.
preneurs le droit de chasser (droit strictement individuel) et non le droit de chasse
(droit de portée générale).
hlI& nouveau ~pénal
Le Préfet éleva le conflit, mais le tribunal confirma la compétence de tout juge
Sur amendement du Sénat, l'article 111-5 N.C.P. retient la solution la plus
pénal pour apprécier la légalité des règlements administratifs invoqu és.
-
favorable aux juridictions répressives, en leur donnant une pleine compétence. Celles-ci
-
pourront interpréter ou apprécier la légalité d'un acte administratif réglementaire ou
2°) Les actes administratifs visés
individuel "dès lors que de cet examen dépend la solution du procès pénal qui leur est
n n'est pas inutile, avant d 'exposer la règle posée par le nouveau code pénal, de
soumis".
n n 'y aura donc plus à faire la distinction du Tribunal des conflits ni de celle
rappeler les divergences antérieures entre le Tribunal des conflits et la Chambre
de la Chambre criminelle. La compétence reconnue aux juridictions pénales est donc
criminelle.
large à raison des actes concernés, de la mission du juge et de l'enjeu de la difficulté.
3°) Les cas d'illégalité
La partie qui soulève l'exception d'illégalité peut invoquer les cas proposés par le
235
droit administratif.
R. 26-15: "Seront punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 1ère classe .... ceux qui
auront contrevenu aux décrets et arrêts de police légalement faits".
236
5 juillet 1951, D. 1952.271, note BLAVOET, S. 1952.3.1 note AUBY.
237
Crim. 21 décembre 1961; D. 1962. 102, rapp. COSTA, J.C.P. 1962.11.12680, note LAMARQUE.
/
�183
- Tout d'abord, l'incompétence. Le juge vérifie s'il n'y a pas méconnaissance des
184
2°) La sentence du juge
règles sur la répartition des pouvoirs 238.
- En second lieu, le vice de forme est parfois avancé. 239.
- Plus fréquent peut-être, est le cas de la violation de la loi. On notera le
caractère impropre de l'expression. Il vaudrait mieux parler de violation de la
Deux voies s'offrent à lui.
al L'acte administratif m ligill.
Constitution depuis l'apparition des règlements autonomes. On citera le cas de
TI peut, tout d'abord, considérer que l'acte administratif est légal et il doit en
règlements portant atteinte à l'égalité des citoyens devant 'la loi 240, le cas des
conséquence prononcer la condamnation, mais cette décision n'a qu'une valeur relative.
règlements portant atteinte à la libre circulation 241 Le décret du 28 juin 1973, sur
Rien n'empêche, à l'avenir, un autre prévenu de soulever à son tour l'exception
l'obligation du port de la ceinture de sécurité, a été fort contesté parce que
d'illégalité, même devant lui.
méconnaissant la déclaration des droits de l'homme dont l'article 4 énonce "la liberté
consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui". Pourtant, la jurisprudence a finalement
admis la validité de l'article R 53.1 du Code de la route 242.
hl L'acte administratif m illégal.
TI peut, également, estimer que l'acte administratif est illégal. Il doit l'écarter et
" - Le détournement de pouvoirs est le cas le plus controversé au motif qu'il
prononcer la relaxe. Mais, il ne peut l'annuler, de sorte qu'à l'avenir de ;"ouvelles
conduit à apprécier l'opportunité. Finalement, la Chambre criminelle s'est reconnue le
poursuites peuvent être engagées contre un justiaable ayant violé l'acte qui pourraient
pouvoir de contrôler les motifs de l'acte administratif, si l'autorité administrative a usé
éventuellement déboucher sur une condamnation.
de ses prérogatives dans un but autre que celui pour lequel elles lui avaient été confiées
243
C'est dire le caractère fragile de la décision du juge. L'avant projet de code pénal
avait proposé d'élargir les pouvoirs des juges en leur pennettant d'apprécier non
- Enfin, la Chambre criminelle admet, depuis peu, un cinquième cas l'erreur
seulement la légalité des règlements, mais aussi leur constitutionnalité lorsque la
manifeste d'appréciation 244. Il s'agit de l'erreur grossière que commettrait un
solution du procès dépend de cet examen. Cette solution n'a pas été retenue dans le
fonctionnaire dans l'appréciation des faits qui motivent sa décision.
nouveau code pénal, mais il semble que, compte tenu de l'accroissement des pouvoirs
du juge dans le nouveau code, il faille admettre la solution la plus large.
B - Les effets du contrôle de la légalité
§ 2 - LA QUALIFlCATION DES FAITS
Ces effets portent sur deux points: la saisine du juge et la sentence du juge.
1°) La saisine du juge
La qualification des faits s'impose au juge répressif pour qu'il vérifie si ceux-a
sont incriminables sur la base de telle disposition pénale et autorisant une sanction
Le contrôle de légalité a pour conséquence que le juge répressif est tenu
d'examiner la légalité du règlement lorsqu'une partie le lui demande 245.
dans les limites du texte retenu. Cette opération n'est pas si simple qu'elle apparaît au
premier abord. En effet, on peut se trouver en présence de plusieurs dispositions et de
ce fait, hésiter sur la disposition à retenir. D'autre part, certains facteurs peuvent faire
238
Crim. 3 juin 1935, S. 1937.1.234, maire imposant le curage d'une rivière dont la décision
incombait au Préfet.
obstacle à la qualification (exemple : amnistie, fait justificatiO. Pour faciliter la tâche
239
Défaut d'avis de tel ou tel organisme, Crim. 22 mai 1962; B. n° 144.
toutes difficultés d'application.
24 0
Crim. 25 octobre 1961; D. 1962.258, stationnement réservé à quelques administrés.
241
Crim. 2 février 1956, D. 1956-365 arrêté préfectoral interdisant le stationnement des
prostituées à Lyon.
242
Crim. 20 mars 1980, D. 1980. lR. 521.
243
Crim. 21 décembre 1961, dame LE ROUX, D. 1962.102, rapp. COSTA.
244
Crim. 21 octobre 1987, D. 1988-58, note IŒHRlG.
245
Crim. 25 octobre 1961, ].C.P. 1962, 0.12500, note A.P..
de l'interprète, des principes directeurs ont été posés qui n'excluent pas, pour autant,
A - Les principes directeurs
Ces principes ont pour dénominateur comm
le pouvoir souverain es juges. lis
peuvent se formuler par la double exigence d'une qualification
qualification révisible.
saire et d'une
!
�185
186
1°) La Q.ualification nécessaire
qualifications visées par cette loi, ni substituer à une qualification de droit commun une
qualification prévue par la loi de 1881, l'inverse demeurant possible 247.
Tout d'abord, la qualification doit se faire, quel que soit l'organe juridictionnel
saisi. Au niveau de l'instruction, le magistrat instructeur est saisi in rem, c'est-à-dire
qu'il est chargé d'instruire sur un fait matériel donné. De son côté,
;a
~
d'accusation, saisie in rem et in personam, n'est pas liée par la qualification retenue par
Elles apparaissent lorsque les agissements reprochés à l'agent sont susceptibles
~truction. Au niveau du jugement, les juridictions sont saisies in rem et in
de plusieurs qualifications pénales. Le problème se pose en des termes différents, selon
personam. Elles ne peuvent statuer que sur les faits portés devant elles et contre les
-
-
personnes qui leur
..2OnLdéférées.
B - Les difficultés pratiques
-
que l'on est en présence de qualifications incompatibles, alternatives ou concurrentes.
1°) Les qualifications incompatibles
---rn second lieu, la qualification est déterminée au moment de l'action. Cette
solution était déduite de la lecture de l'ancien article 64 c.P., même si la situation
C'est l'hypothèse dans laquelle une infraction objectivement imputable à l'agent
juridique s'était modifiée par la suite en faveur de l'agent (par ex. , le vendeur impayé
est la conséquence logique d'une première infraction. Par exemple, le recel consécutif au
qui reprend frauduleusement sa chose reste co~ble de vol, même si le contrat est par
vol, l'abstention de porter secours consécutive aux coups et blessures volontaires. A
la suite résolu). Il y a, a-t-on "dit, (PRADEL) une sorte de "cristallisation de la
première vue, la deuxième infraction est en quelque sorte incluse dans la première. n ne
qualification au moment des fails ".
pourra être poursuivi que pour vol ou pour coups et blessures.C'est la raison pour
Enfin, la qualification s'opère de façon autonome. Les définitions extra-pénales
laquelle la doctrine et la jurisprudence s'accordent pour exclure cette compatibilité
ne sont pas prises en compte par le juge répressif.
dans l'hypothèse de coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la
donner et de refus de porter secours. 248. Sur un plan intellectuel plus général, cette
2°) La qualification révisible
incompatibilité ne se justifie pas. MERLE et VlTU observaient (nO359) que l'anden
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~ ~ (J.(O
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changée. La juridiction doit la modifier ~ans les limites de sa compétence. il en résulte
en danger et qu'on ne voit pas pourquoi le délit d'omission de porter secours ne serait
que si la qualification nouvelle est de la compétence d'une juridiction plus élevée, la
pas reproché à l'auteur de coups et blessures volontaires. En revanche, si les éléments "
juridiction doit se déclarer incompétente. Dans l'hypothèse inverse, le tribunal
matériel et moral des deux infractions étaient différents, le 'uge pourrait retenir les
~
-----~~--~
deux délits en : violation de sépulture, et tentative de vol 249.
tribunal de police et la Cour d'assises demeure toujours compétente en raison de sa
Notre droit connaît cependant quelques exceptions ou changements de
1,;.
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qualification prévue par la loi de 1905, une qualification extérieure à cette loi. En
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revanche, il est possible de permuter deux qualifications de la loi 246
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of 'f X
à défaut, de coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la
donner ou même d 'homicide involontaire, si les violences sont simplement le fruit d'une
imprudence (Art. 221-6 N.C.P.) . Il ~artient à la jurisprudence de ~ire un choix
entre les différentes qualifications,-
Cour de cassation a décidé que les juridictions répressives ne peuvent ni permuter deux
:t~ .
. t, II« ~
246
N.C.P.) oU assassinat (Art. 221-3 N.C.P.) si l'agent avait l'intention de tuer sa victime;
mouvement les poursuites doit articuler et qualifier les faits incriminés (article 50) , la
~/_ltj~'v
U
imputable à leur auteur. Ainsi, les coups mortels sont qualifiés meurtre (Art. 221-1
De son côté, la loi du 29 juillet 1881 sur la presse décidant que l'acte qui met en
l
~ t"·
Code qualifie différemment certains agissements selon la nature ou le degré de la faute
' 1e 101. devra êtA re con 1"muee e1 t ermmee
. , en ve rt u des
poursuIte exercee en vertu d
e alpresen
mêmes textes " (article 8), la jurisprudence en déduit qu'on ne peut substituer à une
il' ;1.......
f;;jf
Dans ce cas, les qualifications s'excluent l'une l'autre. Il arrive, en effet, que le
qualification. La loi du 1er août 1905, en matière de fraudes, disposant que "toute
<1+;'\
",I;i'l
~l~
2°) Les qualifications alternatives.
plénitude de juridiction.
( ..f
;;
article 63 c.P. ne fait aucune distinction selon l'origine du péril éprouvé par la personne
correctionnel reste compétent même si lès parties demandent le renvoi devant le
(s.Jt.. Ji'
'"
Au cours de la procédure, il arrive fréquemment que la qualification doive être
Aff. GARRETI A, Trib. cor. Paris 23 octobre 1992.
P )57
~C.
~
247
Crim. 28 mai 1892, S. 1893.1329.
248
Crim.24 juin 1980, B. nO327.
249
Tribunal corr. de Fort de France 22 sept. 1967 J.c.P. 1968 HIS 583. ~
q
�187
~
188
Si l'agent a été relaxé sur la base d'une qualification détenninée, le Parquet peut-
article 5 c.P. (devenu 132-3 et 4) qui énonçait "qu'en cas de conviction de plusieurs crimes
il à nouveau reprendre des poursuites sur la base d'un autre texte?
ou délits , la peine la plus forte est seule prononcée" traitait du problème différent du cumul
Les auteurs répondent par la négative, au motif que la juridiction de jugement
réel où les infractions sont totalement distinctes les unes des autres.
avait l'obligation d 'examiner le fait sous toutes les qualifications qu'il était susceptible
La doctrine était partagée. Pour certains, s'il y a pluralité d'incriminations, il y a
de revêtir.
pluralité d'infractions. Le juge devra donc se prononcer sur chacune des incriminations
La jurisprudence adopte une position plus nuancée. En matière criminelle, le
et les viser éventuellement dans la condamnation. Exception faite de la règle posée par
Code de procédure pénale, confirmant un revirement jurisprudentiel antérieur, dispose
l'article 5 c.P., l'individu devra subir plusieurs peines.
"qu'aucune personne acquittée légalement ne peut être reprise ou accusée à raison des mêmes
faits sous une qualification différente" (A. 368 CP.P.). Mais, en matière correctionnelle et
concours de qualifications. il faut donc considérer le fait sous la qualification la plus
de police, la Chambre criminelle consacre une autre solution. Elle a jugé qu'un individu
grave. Le nouveau code pénal est plus explicite sur ce point, mais n' évoque cependant,
condamné pour homicide involontaire peut être poursuivi à nouveau pour homicide
dans ses articles 132-1 à 132-7, que l' hypothèse d' infractions séparées.
Mais, d'autres auteurs estiment cette solution trop rigoureuse et parlent de
volontaire lorsqu'il résulte des circonstances de fait révélées postérieurement à la
La position de la jurisprudence qui oblige à distinguer deux hypothèses, celle du
décision correctionnelle que la mort de la victime a été la consêquence d'un acte
intentionnel de son auteur
(
250,
(.cumul et celle du concours de qualifications, semble devoir, de ce fait, être maintenue.
espèce dans laquelle, après une condamnation pour
1Ù Cumul fk. qualifications
homicide par imprudence de son épouse, le condamné a été de nouveau poursuivi et
condamné pour assassinat de la même personne. il n'est pas étonnant que dans
Cette hypothèse apparaît lorsqu'il y a une double déclaration de culpabilité. Par
l'affaire du sang contaminé, le docteur ALLAIN, déjà condamné pour fraude dans la
exemple, une infraction au Code de la route avec homicide ou blessures volontaires ou
vente (loi 1er août 1905) puisse faire l'objet d ' une mise en examen pour
encore le jet par un terroriste d'une grenade à la terrasse d 'un café constituant deux
empoisonnement. il ne s'agit pas du même fait mais de deux faits différents qui se
infractions, une tentative d'assassinat et une tentative de destruction d'immeuble par
distinguent par leur élément moral
explosif
251 .
Une solution du ;nême ordre es consacrée par
La jurisprudence justifie sa solution par référence à l'élément moral. par
la jupsprudence dans l'hypothèse de qualifications concurrentes.
r
\
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~
l'existence de fautes pénales distinctes. Cependant, comme pour les infractions
3°) Les qualifications concurrentes
d'imprudence, ce critère serait difficile à mettre en oeuvre; la solution jurisprudentielle
s'appuie sur le fait que l'agent a porté atteinte à des valeurs sociales différentes
Cest l'hypothèse la plus frêquente en raison de l'inflation législative actuelle. Il
,
"lorsqu'un même fait peut et doit être sanctionné deux fois , c'est qu'en réalité, il a enfreint
deux catégories différentes pénalement protégées". 253. Dans l'arrêt précité, en date du 3
peut s'agir d 'un fait matériel unique (accident de la circulation faisant plusieurs
victimes ou viol dans un lieu public) ou d'une pluralité de faits matériels unis les uns
mars 1960, l'une des infractions est établie en vue d'assurer la protection de la
aux autres (exemple, la violation de domicile aggrave le vol pour en faire un vol avec
propriété, tandis que l'autre protège la vie et l'intégrité des personnes. Référence
effraction, ou encore, faux fabriqué en vue de réaliser une escroquerie) : conflit de
d'autant plus certaine que l'agent en était resté au stade de la tentative,
qualification.
1
252
accompagnée de blessures. Il y a là deux valeurs différentes violées, l'une protège la vie,
simple ou complexe peut faire l'objet d 'une double déclaration de culpabilité, car
l'autre défend la discipline dans la circulation routière 255. Plus récemment, la Chambre
entrant dans les prévisions de deux lois répressives. Faut-il retenir les deux
1 qualifications en présence ou choisir celle qui est le mieux adaptée? Dans le premier
......._--
cas, deux sanctions seraient prononcées; dans le d euxième cas, une seule sanction est
L'ancien
250
19 mai 1983, D. 1984.51, note CHAPAR.
251
Cf. J'article de M.L. RASSAT, Le Figaro 9 août 1994, Crim. 22/06/1994, J.c.P. 1994, n° 22310,
note RASSAT.
On peut
faire une observation du même ordre pour une infraction au Code de la route
Dans tous les cas, le problème est le même. Détenniner si une action pénale
applicable. La difficulté de IaSoïution tient au fait qu'il n'y a pas de text
254 .
252
Cf. Crim. 3 mars 1960 B. nO138.
253
Trib. Mâcon, 28 juin 1966,G.P. 1966. n.256.
254
R.S.c. 1961. 107, observations LEGAL.
255
Crim. 25 mars 1965, R.S.C. 1965.871, observations LEGAL.
�189
crinùnelle a retenu à l'occasion de la publication d'un même écrit, le cumul du délit de
Toutefois, le principe de spécialité est écarté par la Chambre criminelle par
diffamation et de violation du secret professionnel 256.
l'application de la théorie de la peine justifiée, théorie jurisprudentielle au terme de
Pour ce qui est de la sanction, la jurisprudence considère qu'il faut retenir celle
laquelle quelle que soit la qualification retenue, la peine pouvait être prononcée 260 Cet
afférente à l'infraction assortie de la pénalité la plus forte. C'est la règle de l'ancien
artifice évite des cassations trop fréquentes.
article 5 c.P. Cependant, cette règle n'est pas toujours appliquée. La Chambre
criminelle a admis le cumul d'une peine délictuelle et d'une peine contraventionnelle 257.
§ 3 - L'INTERPRÉTATION DES TEXTES RÉPRESSIFS
hl Concours de. qualifications
La conception du rôle du juge dans l'application de la loi a considérablement
Dans cette hypothèse, en revanche, la juridiction n 'éno nce qu'une seule
évolué. Au début du XIX o siècle, par réaction contre l'arbitraire de l'Anden Régime, on
déclaration de culpabilité. Par exemple, le délit d'injure à fonctionnaire comprend le
estimait qu'il ne fallait laisser aux magistrats aucune initiative. L'École de l'Exégèse, en
délit d'injure et injure à fonctionnaire. Pourtant, la jurisprudence ne retient qu'une seule
matière civile, recommandait de ne "toucher que d'une main tremblante" à l'oeuvre
qualification. "Un même fait ne saurait entraîner une double déc/aration de culpabilité" 258.
napoléonienne. A fortiori, en droit pénal, les tribunaux répressifs devaient-ils se borner
Ce principe est écarté, cependant, dans le cas où le fait unique a entraîné des
à une application servile de la loi. Une telle attitude se révéla, à l'expérience, néfaste.
conséquences dommageables diversement qualifiées (par exemple, incapacité de travail
Elle aboutissait, en effet, à figer le droit et conduisait parfois à l'impunité de certains
de différentes durées à l'égard de plusieurs victimes 259.) Il est nécessaire de viser
agissements pourtant répréhensibles. C'est pourquoi, la Cour de cassation a
toutes les qualifications pour permettre à toutes les victimes d'être indemnisées.
progressivement laissé plus de liberté au juge afin de corriger la rigueur abstraite de la
A la différence du cas précédent, une seule valeur sociale a été lésée. Dans
loi.
l'exemple de l'injure, cité plus haut, c'est la même valeur sociale d 'honorabilité des
-- ---
--
(!-e prindpe de légalité interdit au juge de créer une incrimination. Le prindpe de
personnes. Il est dès lors admis de ne retenir en principe qu'une seule qualification,
l'interprétation restrictive le complète en lui interdisant d'ajouter à la loi. Il s'exprime
mais la difficulté apparaît quand il s'agit de préciser quelle qualification retenir. Pour
par un adage: Poenalia sunt restringenda (les pénalités doivent être interprétées
la résoudre, la jurisprudence utilise selon les cas, soit le principe de la plus haute
restrictivement). Longtemps incontesté, ce principe a été attaqué par les partisans de la
expression pénale, soit le prindpe de la spécialité.
libre recherche scientifique, faisant valoir les nécessités de la répression. La
Le prindpe de la plus haute expression pénale consiste pour la juridiction à
jurisprudence a été fortement influencée par ces critiques. Si le domaine d'application
rechercher quelle est la pénalité la plus forte assortissant les infractions (Cf. étude du
du principe demeure inchangé, la portée d 'application a perdu de sa force. Il demeure
cumul réel d'infractions). Par exemple, la peine privative de liberté, qu'elleq~';~ soit l~
que le nouveau code pénal consacre le principe d 'interprétation stricte de la loi pénale
durée, est toujours considérée comme la plus forte . Le principe a pour effet de
(Art. 111-4).
déterminer la juridiction compétente.
Le principe de la spécialité est utilisé lorsque le juge se trouve en présence d'une
A - Domaine d'application
disposition générale et d'une disposition spéciale. Dans ce cas, le juge fait application
de la maxime "specialia generalibus derogant ", que n 'exprime aucun texte, mais que la
La règle de l'interprétation stricte ne s'applique pas indifféremment à toutes les
pratique et le bon sens consacrent depuis longtemps. Si la loi édicte une disposition
lois pénales. Parmi celles-ci, on oppose les lois défavorables au prévenu et celles qui
spéciale, c'est pour déroger à la disposition générale. Par exemple, la violation de
lui sont favorables. Seules les premières sont soumises à l'interprétation stricte, le
domicile commise par un individu quelconque est générale (Art. 226-4 N.C.P.).
principe de légalité reposant sur l'idée de protection des libertés individuelles. Ce sont
celles qui définissent les éléments constitutifs de l'infraction et fixent les peines.
En revanche, les lois favorables (exemple: instaurant des faits justificatifs ou
256
Crim. 19 octobre 1982, B. n° 225.
257
Crim.2S mars 1965, précitée.
258
Crim. 25 février 1921, 5.1923.1.89, note ROUX.
259
Crim. 4 avril 1957, B. nO 323.
des causes de non imputabilité, lois de forme) peuvent être interprétées par le juge
260
Crim. 19 avril 1967, B. n° 126.
�191
192
répressif de manière extensive, sans contredire le prinàpe de légalité. Cependant, cela
2) La méthode de l'interprétation té éo
0
i ue ou déclarative consiste à
n'est pas systématique ; ainsi les lois d'amnistie, favorables au prévenu, sont, d'après
s'attacher, non plus à la lettre du texte mais à son espri Il conviendra au juge de
la jurisprudence, d'application stricte. A l'inverse, les tnbunaux élargissent le domaine
chercher l'intention du législateur, déduite notamment des travaux préparatoires.
des lois favorables, en consacrant, par exemple, l'état de nécessité sur le fondement des
prinàpes généraux du droit.
"L'interprète doit donner à la loi sa capacité maximale d'extension, dans les limites de ce qu'a
voulu le législateur" 265 . Cette méthode est celle qui est généralement appliquée en droit
B - Portée d'application
françals·_
- Les tribunaux se sont toujours reconnu le droit de préciser les éléments
constitutifs d'une infraction (notion de commencement d'exécution dans la tentative :
1
:)
a) Il est certain que, si le texte de loi est obscur, le juge doit s'efforcer d'en
Art.121-5 N.C.P. ; d'outrage public à la pudeur: Art. 222-32 N.C.P., vol de chevaux
dégager le sens. Ainsi, si le texte est douteux, il est permis au juge d'en déterminer la
appliqué au vol d'un cheval (anàen A. 388 c.P.) ou encore de délimiter les contours
véritable portée grâce aux travaux préparatoires, à la tradition historique et à la simple
raison. Cependant, dans sa recherche, il doit être guidé par la maxime "in dubio pro
d'une notion).
- De même les tribunaux s'autorisent à étendre la loi pénale à des hypothèses
reo ", ce qui veut dire que le doute doit profiter à l'accusé. De même, si le texte est
que la loi n'avait pu prévoir pourvu, toutefois, qu'elles rentrent dans la .formule légale.
absurde, il appartient au magistrat de lui restituer son sens véritable. On cite,
C'est à ce propos que l'activité jurisprudentielle est la plus topique. Les tribunaux ont
traditionnellement, ce règlement sur la police des chemins de fer qui interdisait de
appliqué à la soustraction de courant électrique les peines du vol, bien que l'électricité
descendre "ailleurs que dans les gares et lorsque le train est complètement arrêté" .
ne soit pas une chose corporelle 266 ,à la diffamation par voie radiophonique, les
L'interprétation grammaticale conduisait à ordonner de descendre avant l'arrêt total.
dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse 267 , aux bateaux de rivière
C'est ce que soutenait un voyageur, poursuivi pour avoir sauté d'un train en marche.
propulsés par moteur diesel, la réglementation prévue pour les bateaux à vapeur 268 à
Les juges ont repoussé cette interprétation 261. Une solution identique devrait être
la falsification de vins, prévue par des procédés chimiques, celle réalisée par des
adoptée pour l'article 322-1 c.P. qui réprime le fait de faire des graffitis sans
opérations purement physiques 269, le fait d'utiliser les jetons de parcmètres s'analyse
autorisation préalable : "lorsqu'il n'en est résulté qu' un dommage léger". Une
en des manoeuvres frauduleuses constitutives du délit d'escroquerie 270.
Cette méthode rappelle la notion de typicité admise en droit allemand. Un type
interprétation littérale conduirait, en effet, à rendre impunissable les graffitis lorsque le
dommage est grave 262.
.., ( ,.
b) ,C'~st avec
l'a~:liCation
des text.es clairs qu 'entre
légal recèle en lui-même des possibilités d 'extension de son domaine d·application .
p l! le principe de
Mais on est alors très proche du troisième procédé utilisable.
3) La méthode analogique est, en principe, rejetée par le droit français. Elle
~mterpretation stnctL L evolution de la jlmsprudence s'est produite dans le sens d 'un
"consiste à résoudre une espèce pénale non prévue par la loi en se réclamant e son espritiatent
que la loi a défini ou prévu dans son texte" (JIMENEZ DE A5UA) 271 . Les tn unaux
plus grand libéralisme. Le juge peut faire appel à trois méthodes d·interprétation.
- 1) La méthode de l'interprétation littérale consiste à faire appel à la logique
opèrent, cependant, une distinction.
L'analogie in favorem a, toujours, été consacrée puisqu'elle ne peut que profiter à
( abstraite. Là où la loi ne distingue pas, il n'appartient pas au juge de distinguer,
déclare une maxime. Cette méthode, développée en réaction contre l'arbitraire de
l'accusé. Ainsi, l'ancien article 64 sur la démence et la contrainte, qui ne visait que les
l'Anàen Régime, ap'parait dans la première moitié du XIXo siècle. Elle a été, à juste
titre, critiquée, car elle aboutit à figer le droit. D'ailleurs, elle a reçu peu d'applications
265
MERLE et VITU; op. cit. 124.
263 . Tout récemment, la Cour de cassation a cassé un décrêt d'appel qui avait
266
considéré que le tir à l'arc était interdit, motif pris que les décisions administratives ont
267
Crim. 3 août 1912; 5.1913.337.
Trib. Cor. Dunkerque, Il juin 1954, J.CP. 1954.11.8. 229, note CHAVANNE.
toujours visé le tir au moyen d'une arme à feu 264
268
Crim. 1er avril 1965, R.S.C 1966.67 obs. LEGAL.
269
Crim. 26 octobre 1961, J.CP. 1962.11.12 441, note VIVEZ.
270
Crim. 10 décembre 1970, j.CP. 1972.11.17277, note GASSIN.
La Chambre criminelle vient de rappeler : "il n'appartient pas aux juridictions
correctionnelles de prononcer par induction, présomption ou analogie ou par des motifs
d' intérêt général" Crim. 30 novembre 1992, Dr. Pén. 1992, nO45.
261
Crim. 8 mars 1930, D. 1930.1. 101, G.P. 1930.1.663.
262
RAS5AT, Libre propos, op. dt. p. 210.
263
Crim. 11 mars 1831. 5.1831.1147, refus de rectifier la rédaction maladroite d'un texte de loi.
264
Art 124-4 C. rural; Ovil. 5 décembre 1992, Dr. pén. 1993, Comm. n° 67.
271
�193
194
crimes et délits a été appliqué tout naturellement aux contraventions. De même, les
voisin 276 Le nouveau code pénal vise cette hypothèse dans l'article 222-16. La
andens articles 327 et 328 c.P. n'admettant la justification issue de l'ordre de la loi ou
Chambre criminelle, en matière de détournement de correspondance réprime "tous
de la légitime défense qu'en cas d 'homicide ou coups et blessures, ont été étendus à
n'importe quelle infraction. La procédure pénale accueille également largement
agissements malveillants susceptibles de priver même momentanément le destinataire de la
correspondance" 277 alors que l'ancien article 387 CP. ne visait que la suppression ou
l'analogie parce qu'elle assure, entre autres, la protection des libertés individuelles.
l'ouverture de lettres. L'article 226-15 consacre la solution plus large de la Chambre
Ainsi, à l'instar des juridictions administratives, les tribunaux répressifs ont élaboré la
criminelle et vise les moyens modernes de télécommunication.
théorie des droits de la défense.
De même, la Cour de cassation a donné une interprétation large du mot
marchandise pour l'application de la loi de 1905 "Tout objet mobilier" 278.
L'analogie in malam partem a été, en revanche, toujours rejetée avec fermeté par
le droit français. Un exemple fameux nous est fourni par la filouterie d'aliments, qui
De même encore, sont receleurs, ceux qui ont tiré profit du produit 279
consiste à se faire servir un repas sans avoir les moyens de le payer.
En revanche, la détention d'engins incendiaires a été jugée non assimilable à la
La question s'est posée au XIX· siècle de savoir si un tel comportement pouvait
fabrication. Un décret en date du 12 mai 1973 a du être pris pour combler le vide
être réprimé. Les tribunaux s'y sont refusés en l'absence de texte adéquat. L'article 379
c.P. sur le vol n'était pas applicable, car la soustraction frauduleuse de la chose
juridique.
Le développement de l'informatique donne lieu à des difficultés, car nos
d'autrui n'apparaissait pas en l'espèce. il n'était pas davantage possible d'étendre les
incriminations classiques sont mal adaptées à la fraude informatique. Par exemple,
dispositions de l'article 405 c.P. sur l'escroquerie, puisque ce texte exige des
l'appropriation frauduleuse d'un logiciel ou d'informations constitue-t-elle un vol
manoeuvres frauduleuses, ni celles de l'article 408 c.P. relatif à l'abus de confiance, qui
lorsque l'agent n'a pas soustrait le support? On peut en douter car le vol ne porte que
suppose la dissipation ou le d étournement d'une chose remise avec charge de la
sur des biens corporels matériels.
restituer. Pour réprimer de tels agissements, le législateur a dû intervenir (L. du 26
La loi du 5 janvier 1988 a dû créer de nouvelles incriminations : accès frauduleux
juillet 1873). Dans le même esprit, a été réprimée la filouterie de transport (L.31 mars
à un système de traitement automatisé de données; entrave au fonctionnement d'un
1926), d 'hôtel (L. 28 janvier 1937), de carburant (L. 16 juin 1966). Ces diverses
système; introduction de données dans un système; falsification de documents
infractions sont réprimées dans le nouveau code dans un article unique qui les désigne
informatisés (Art. 323-1, 323-2, 323-3 N.CP.).
du terme de filouterie (art. 313-5 N.C.P.). De son côté, la Cour de cassation avait
Une illustration de ces difficultés, que le législateur n'a toujours pas réglé, peut
estimé que le fait de refuser d 'ouvrir le coffre de son véhicule en dehors des
être fournie par l'agent qui, grâce à une carte de crédit, se fait remettre par un
investigations entreprises dans les formes légales, ne tombait sous le coup d'aucun
distributeur automatique de banque une somme supérieure au montant de sa provision.
texte 272. Mais la Chambre criminelle 273 a décidé le contraire.
La Cour de cassation a considéré que ce procédé n'était ni un vol, ni une escroquerie, ni
un abus de confiance, 280. De même, la Cour de Paris estime que la qualification de vol
~ Cependant, il faut reconnaître que la ligne de partage entre l'interprétation
t~ogique
et le raisonnement par analogie n'est pas toujours aisée. Certaines
ne pouvait être appliquée à l' usage d ' un décodeur pirate destiné à capter
juridictions ont assimilé à des situations limitativement prévues par des textes des
frauduleusement des émissions de télévision, celles-d ne constituaient pas une chose au
sens des texte réprimant le vol 281. Le vide juridique a été comblé par la loi du 10 juillet
situations identiques. Ainsi, la loi du 5 août 1899 prévoyant l'usurpation d'identité a
1987 incriminant spécifiquement la captation frauduleuse d'émissions télévisées 282.
été étendue à l'usurpation d 'un numéro minéralogique d'automobile 274. Puis, la Cour
de cassation, le 3 janvier 1969, a appliqué le délit de violences et voies de fait à des
appels téléphoniques répétés 275, et celui de coups et blessures volontaires à celui qui
frappait au plafond toutes les nuits, déterminant une affection nerveuse chez le
272
Crim. 23 juin 1964, D. 1964578.
273
Crim. 8 novembre 1979, J.CP. 1980-11-19337, note OAVIN.
274
Crim. 17 juin 1911, 5.1912. 1. 65; 29 mai 1940, B. 32.
275
G.P. 1969.1249.
276
22 octobre 1936, O. 37.38.
277
Crim. 9 février 1965, B. n° 39.
278
Crim. 22 juin 1977, B. nO232.
279
Crim. 24 août 1981, J.c.P. 1982-19801, note ALLIX.
280
Crim. 24 novembre 1983,0 . 1984-465.
281
24 juin 1987, G. P. 1987-2-512, note MARCH.
282
1-30 septembre 1986.
�195
Enfin le "vol de temps machine" ou utilisation d'un ordinateur par un employé
indélicat peut-il être réprimé, et sur le fondement de quel texte? 283.
Les multimédias (Internet) ne pourront que soulever ce genre de problèmes dans
l'avenir.
LECTURES
P. SERLOOTEN, Les qualifications multiples, RS.C. 1973-45.
283
R. GASSIN, Les définitions dans les textes en matière pénale, Droit prospectif, PUAM
1020.
1987, p.
�197
On ne trouve pas dans le code pénal de définition générale de l'infraction, mais
seulement des définitions particulières à propos de telle ou telle infraction retenue par
le code. On peut toutefois préciser la notion, en disant que l'infraction est la violation
d'un fait prévu et défini par la loi et assorti d'une peine.
)(' Cette définition permet de distinguer l'infraction de notions voisines.
D'abord, elle permet de différencier l'infraction de la déviance. Celle-ci est une
notion criminologique beaucoup plus compréhensive de l'infraction, dans la mesure où
elle vise aussi des comportements non incriminés par la loi pénale. Le phénomène
déviant avait été déjà souligné par le français Joly à la fin du XIX· siècle, mais ce sont
les criminologues américains qui ont mis en évidence la déviance dans le monde des
affaires. Certains auteurs élargissent encore le champ de la déviance en y incluant
l'inadaptation sociale dans les domaines familial, scolaire, professionnel (Cohen).
" Ensuite, il faut rappeler que l'infraction se distingue également de la faute civile
et de la faute disciplinaire, même si parfois elle se superpose à elles.
Le délit civil, oblige son auteur à la réparation dès qu'il y a un fait dommageable,
même si aucun texte n' a pas vu spécialement ce fait (art. 1382 c.c.).
Le délit disciplinaire, établi par des organismes professionnels sanctionne
également un manquement professionnel (exercice illégal de la médecine) sans
pour autant se confondre avec le délit pénal.
Il est coutume de soutenir que l'infraction se compose de trois éléments : l'élément
légal, l'él ' ment matériel, l'élément moral, auxquels certains auteurs modernes ont ajouté
G<..(
,(fo. f, -~
l'élément injuste 284. Cette distinction est le fruit d'une élaboration doctrinale qui
remonte au XIX· siècle et qui, à l'heure actuelle n'est pas prête de s'achever 285. Il
importe de préciser le contenu de chacun de ses éléments.
L'élément légal, tout d'abord, signifie que l'infraction doit être nécessairement
prévue et réprimée par la loi. Certains auteurs contemporains considèrent que la loi est
un agent de la répression plus qu'une composante de l' infraction. La loi crée
l'infraction, mais n' en fait pas partie. M. Decocq estime que l'appellation d' élément
légal "implique que la loi est partie de /'infraction, proposition inadmissible, car une norme ne
284
On rappellera toutefois que la doctrine positiviste avait proposé la suppression des éléments
constitutifs en les remplaçant par le concept d'état dangereux.
285
J. H. ROBERT, L'histoire des éléments de l'infraction, R.S.c. 1977-269.
�199
198
rattacher l'étude de l'élément moral au délinquant. Comme l'écrit M. Jeandidier, "la
peut s'intégrer à un fait , au surplus illicite" 286. " Le prétendu élément légal n'est autre qu' une
condition d'existence de l'infraction, un préalable indispensable", écrit M. Jeandidier 287.
)<1 On retrouve cette distinction entre élément et conditions en droit pénal spécial.
La condition préalable définit le domaine dans lequel l'infraction peut se commettre.
faute qui est un état d'esprit particulier paraît certainement plus proche de l'homme que de
l'acte. Sans doute l'activité n'est-elle délictueuse que si elle est fautive, seulement la volonté
dont elle procède et qui lui confère ce caractère émane de l'homme pour rejaillir sur l'acte" 289
Elle précède l'activité délictueuse. Les éléments spédaux constituent les différentes
C'est la conception que Merle et Vitu ont adopté, nous l'avons dit, dans leur traité 290.
parties de la conduite incriminée. L'exemple classique était celui de l'abus de confiance
Reste donc à envisager l'élément matériel ou ce que certains auteurs appellent
qui supposait la violation de certains contrats limitativement énumérés par l'article 408
de l'ancien code pénal. De même, la dédsion de justice statuant sur la garde d'enfant
l'acte infractionnel.
Une infraction n'est constituée que si elle se traduit par un acte extérieur. ROUX
constituait une condition préalable du délit de non représentation d'enfant prévu par
exprime cette condition en qualifiant l'infraction "une manifestation fautive d'une volonté
l'ancien article 227-5 N.C.P .. Le nouveau code ne semble pas devoir remettre en cause
agissant contre le Droit ". Les juristes définissent cet acte extérieur sous le terme
cette distinction 288.
d'élément matériel. Cest le Droit pénal classiq4e qui a posé cette exigence qui s'appuie
Ces arguments nous semblent suffisamment convaincants pour écarter l'élément
sur une double série de raisons. Raisons politiques, tout d'abord, fondées sur le respect
arme. pénale qui est le
de la liberté individuelle: les pensées intimes sont difficiles à connaître, à moins
légal comme composante de l'infraction. L'élément lé al es
d'avoir recours à des procédés d'inquisition intolérables, et d 'autre part, elles ne
fondement de la ré ression. C'est pourquoi nous avons jugé préférable de l'étudier
troublent apparemment pas l'ordre sodal. Raisons psychologiques, en second lieu: la
dans une première partie.
promesse de l'impunité constitue un moyen de dissuasion efficace qui, si elle n'existait
L'élément injuste proposé par M. Garraud, sous l'influence de la doctrine
pas, engagerait peut-être l'agent à concrétiser ses velléités criminelles. Rien n'établit au
allemande, consiste dans l'absence de fait justificatif. L'absence de tel ou tel fait
reste, de façon formelle, ce que les criminologues appellent "le passage à l'acte". Le
justificatif se ramène à la commission de l'infraction, telle qu'elle est définie par la loi.
On a pu dire que l' élément injuste apparaît comme un "mythe" (Decocq) et "brille par
risque d'erreurs judiciaires n'est pas mince (Ch. II).
Au surplus, certaines circonstances exceptionnelles peuvent entraîner la
son inutilité" Ueandidier). Nous partageons ce dernier point.
disparition de l'infraction. Il conviendra d' en étudier les principales (Ch. III).
Mais au préalable, il importe d 'évoquer les classifications de l' infraction dont le
L'élément moral, en revanche, pose problème. Il exige de la part de l'agent, une
droit contemporain a profondément élargi la gamme (Ch. 1).
volonté libre et consciente. C'est la raison pour laquelle certains auteurs contemporains
considèrent qu'il intéresse, non les faits, mais le délinquant qui les a commis et qu'à ce
titre, il doit être inclus dans le concept de responsabilité (Merle et Vi tu). Mais d'autres
auteurs, tout aussi éminents estiment que le contenu de l' élément m oral précise la
nature juridique de l'infraction et qu'à ce titre, doit en faire partie. Au surplus dans la
mesure où la responsabilité des personnes morales est consacrée, on a soulevé la
difficulté d'attribuer l'élément moral à son titulaire. On comprend dès lors qu'un fort
courant doctrinal continue à considérer l'élément moral comme une composante de
l'infraction. C'est la position que nous avions jusqu'alors adoptée. Toutefois
l'expérience nous a démontré que, si la théorie classique présente des avantages
indéniables, -ainsi le dément impuni reste l'auteur d'une infraction- elle aboutit à un
éclatement de l'élément moral dont la consistance varie selon les au teurs. Pour des
raisons toutes aussi pratiques que théoriques, il nous apparaît finalement préférable de
286
DECOCQ Droit pénal général 1971, p. 6l.
287
w. JEANDIDIER, Droit pénal général, p. 199.
288
d . cirrulaire d'application p. 15 et PRADEL, Chron. D. 1993, note 103.
289
op. cit. p. 20l.
290
op. cit. p.
�200
CHAPITRE 1 - LES CLASSIFICATIONS DE L'INFRACTION
SECTION 1 - CLASSIFICATIONS
TRADITIONNELLES
Elles sont multiples, mais deux sont fondamentales, l'une déterminée par la
gravité de l'infraction, l'autre par la nature de celle-ci.
§ 1 - CLASSIFICATION D'APRÈS LA GRAVITÉ
C'est la distinction fondamentale en crimes, délits, contraventions. L'article 1 du
Code pénal de 1810 disposait en effet que : "L'infraction que les lois punissent de peines
de police est une contravention. L'infraction que les lois punissent de peines correctionnelles est
un délit. L'infraction que les lois punissent d'une peine afflictive ou infamante est un crime".
Le Code pénal opérait ainsi une classification tripartite des infractions, fondée sur leur
gravité respective.
Cette classification est capitale, car elle commande à la fois, le droit pénal et la
procédure pénale.
Elle n'est pas la seule possible. il faut évoquer la distinction propos élU'ar la loi
du 2 février 1981 opposant les infractions de violence et les infractions de droit
commun, distinction abrogée par la loi du 10 juin 1983. D'autre part, l'avant-projet de
Code pénal de 1983 a~oposé une autre distinction opposant les crimes et délits
définis comme l'atteinte aux valeurs essentielles de la société et les contraventions
constituant de simples atteintes à l'organisation de la vie sociale (A. 1).
Finalement, le nouveau Code pénal a maintenu la distinction tripartite, en ce qui
concerne les personnes physique, dans une formulation plus laconique: "Les infractions
pénales sont classées suivant leur gravité, en crimes, délits et contraventions"
(art. 111-1). La
durée de la réclusion criminelle temporaire est portée à 15 ans, celle de
l'emprisonnement correctionnel est également portée à 10 ans, la peine d'amende
contraventionnelle de Sème classe est fixée à 10 000 F.
Ce critère de gravité comporte des intérêts pratiques importants, mais la
distinction du Code pénal, apparemment simple, ne l'est pas toujours.
�201
202
A - Intérêts pratiques
La procédure de jugement Très simplifiée en matière contraventionnelle, elle est
plus élaborée en matière correctionnelle et très formaliste en matière criminelle.
ils sont nombreux. il est possible de les regrouper autour de la procédure pénale
et du droit pénal.
L'examen de personnalité, enfin, traduit la dernière différence. il est obligatoire
pour les crimes, facultatif pour les délits, et n'est pas prévu pour les contraventions.
1°) A l'égard de la procédure pénale
2°) A l'égard du fond du droit
Les intérêts de la distinction concernent trois points essentiels.
Id encore, les intérêts de la distinction sont multiples.
al Compétence
Aux trois sortes d 'infractions correspondent trois catégories de juridictions
Prescription de
~pe9 C'est
peut plus être exécutée.
le délai au-delà duquel la peine
pro~o~cée ne
est également variable: vingt ans pour les pernes cnmrnelles,
cinq ans pour les peines correctionnelles, deux ans pour les peines de police.
appelées à en connaître: les contraventions relèvent des tribunaux de police (juge
Sources de l'incrimination. Jusqu'en 1958, il Y avait unité de sources. Les crimes,
unique) ; les délits, des tribunaux correctionnels (trois magistrats) ; sauf exception,
délits, et contraventions relevaient tous de la loi. La Constitution de 1958 a consacré
pour certaines infractions (circulation routière, coordination des transports, etc ...) ; Les
une dualité de sources, source législative pour les crimes et délits, source réglementaire
crimes, des Cours d 'assises (juridictions mix tes composées de trois magistrats
pour les contraventions.
professionnels et de neuf particuliers appelés jurés).
hl Prescriptiol! fk ['qction publique
Régime juridique général. il fait apparaître, également, des différences
notables. La tentative, toujours punissable en matière criminelle, l'est parfois en matière
correctionnelle, ne l'est jamais en matière contraventionnelle. La complicité, toujours
La prescription est une mesure d 'oubli. C'est le délai au-delà duquel une
punissable en matière criminelle et correctionnellf' l ' e~ 'parfois en matière
infraction ne peut plus être poursuivie: dix ans pour les crimes, trois ans pour les
contraventionnelle (art. R 610-2). LE(rion-cumul d 'infractio s ~applicable en matière
délits, un an pour les contraventions.
criminelle et correctionnelle, ne l'est pas en matière contraventionnelle, sauf pour les
cl Instruction préparatoire
- En matière criminelle, la procédure comporte deux phases,
l'une d 'instruction devant le juge d'instruction, puis la Chambre d'accusation, l'autre
devant la juridiction de jugement, qui statue sur la culpabilité et sur la peine. C'est dire
les garanties dont on s'entoure pour assurer la protection des personnes mises en
examen.
- En matière délictuelle, en revanche, l'instruction préalable est
facultative car le prévenu peut être traduit d irectement devant la juridiction de
contraventions de cinquième classe.
9
B - Critère de distinction
Apparemment simple, dans son application, le principe posé soulève des
difficultés d'application.
1°) Principe de la distinction
C'est par la peine applicable que l'on reconnaît la gravité de l'infraction. La peine
de police consiste dans une amende de 250 F. à 10 000 F. La peine correctionnelle
jugement, généralement par voie de citation directe et, si elle a lieu, elle ne présente
qu'un seul degré.
consiste dans un emprisonnement pouvant aller jusqu'à 10 ans et une amende à partir
- En matière contraventionnelle, enfin, avant 1958, aucune
exemple, le vol, défini par l'article 311-1 du Code pénal est sanctionné d ' une peine
instruction n'était ouverte. Depuis cette date, le Code de procédure pénale offre la
d'emprisonnement d' une durée variable selon les circonstances de sa réalisation par
possibilité au Ministère public de faire ouvrir une informa tion, en fait seulement pour
l' article 311-3 à 10 CP ..
Cette distinction a suscité, depuis le XIXème siècle, de vives critiques. D'un point
les contraventions les plus glaves, dites de cinquième classe.
il faut ajouter deux points importants :
de 25 000 F. La peine criminelle consiste dans la réclusion à perpétuité ou à temps. Par
de vue scientifique, on a fait remarquer que la mesure de la sanction pénale doit
dépendre non de la gravité objective de l'acte, mais de la personnalité du délinquant:
�203
204
celui qui a tué par passion n'est pas obligatoirement plus dangereux que le petit
récidiviste.
'"
D'un point de vue pratique, on souligne la facilité avec laquelle une infraction
tribunaux correctionnels), simplification des procédures, désencombrement de certaines
juridictions.
passe, en raison de telle ou telle circonstance aggravante, de la catégorie des délits
Correctionnalisation judiciaire.
dans celle des crimes ; le vol, délit correctionnel (Art. 311 C. P.), s'il est accompagné de
Elle doit être comprise dans un sens large. Elle consiste pour les tribunaux à faire
certaines drconstances aggravantes, devient un crime (Art. 311-7 et 8 C. P.).
tomber au rang des délits correctionnels, des crimes, ou au rang des contraventions, des
C'est pourquoi, on a proposé, depuis longtemps, de substituer à cette division
délits. Au point de vue technique, la correctionnalisation s'opère de diverses manières,
tripartite une division bipartite, fondée sur l'intention du délinquant, sa perversité
notamment en "oubliant" une circonstance aggravante, qui ferait passer l'infraction de
criminelle."'L'École néo-dassique avait distingué les délits fondés sur l'intention
la catégorie des délits dans celle des crimes. Il est certain qu'un tel procédé est
criminelle de ragent et les contraventions exclusives de toute intention criminelle. Cette
parfaitement illégal. Ignorer que le vol s'est commis la nuit, circonstance aggravante,
distinction avait été appliquée par plusieurs législations étrangères (Code pénal
c'est nier une évidence. Cependant, cette pratique a été encouragée par des drculaires
suédois de 1864, danois de 1886, hollandais de 1881, italien de 1889, norvégien de
~s,
1902, italien de 1930). Elle paraît plus confonne aux enseignements de la criminologie,
procédure plus rapide, de moindres frais, une répression accrue. Mais son inconvénient
mais le législateudran ais s'y est toujours refusé, car elle remettrait en cause la division
est de compromettre les intérêts du délinquant et, à ce titre seul, elle est condamnable.
et consacrée par le législateur belge. Son avantage est d'offrir une
tri artite des juridictions.. l1 faut reconnaître, cependant, que cette division, simple en
§ 2 - CLASSIFICATIONS D'APRÈS LA NATURE
apparence, n'est pas sans soulever de sérieuses difficultés d 'application,
~
Dans le nouveau code pénal, la peine privative de liberté de 10 ans peut être,
selon le cas, de nature criminelle ou correctionnelle.
Si un crime est nonnalement passible de 15 ans de réclusion, le juge a la
,.J
possibilité de prononcer 10 ans d'emprisonnement.
~
~
(
_9
Aux infractions de droit commun, on oppose traditionnellement les infractions
~olitiques et les infractions militaires. C'est qu'en effet, la criminalité de droit commun
-
-
ne connaît pas le même recrutement que la criminalité politique et militaire. Certes, une
Si le nouveau code pénal a supprimé les excuses absolutoires et atténuantes, il en
atteinte à l'ordre politique et sodal est portée par les auteurs d'infractions politiques ou
a conservé le mécanisme par la notion de cause légale d'exemption ou de diminution.
militaires. Mais, il convient de ne pas s'attacher à la gravité objective de l'acte pour
'" Le problème reste entier de savoir quelle est l'incidence de cette circonstance sur la
tenir compte des données sociologiques. Les auteurs des infractions politiques ou
1
nature punitive de la peine. Faut-il s'attacher à la criminalité objective de l'infraction
militaires sont souvent animés de mobiles élevés. On les a qualifiés "d'aristocrates de la
1
ou celle-ci change-t-elle de nature du fait de la minoration de peine.
délinquance". C'est pourquoi, de nombreuses législations prévoient un régime particulier
Dans le passé, la jurisprudence était partagée sur cette incidence : la rédaction
à leur profit. Mais, à leur tour, les infractions politiques et les infractions militaires
nouvelle adoptée par le législateur semble indiquer qu'il considère que la nature initiale
diffèrent entre elles par certains côtés. 11 convient donc de comparer successivement les
de l'infraction est modifiée du fait du recours à ce nouveau concept.
deux types d'infractions avec les infractions de droit commun.
2°) Altérations de la distinction
-
1°) Distinction des infractions militaires et des infractions
de droit commun
il arrive que la classification du Code pénal soit affectée et par le législateur et
par les tribunaux.
Les infractions militaires sont des manquements à la discipline des années dont
Déclassement législatif.
la gravité s'explique par le fait qu'elles ne concernent pas seulement la sodété restreinte
il consiste à changer la nature primitive d 'une infraction en transfonnant un crime
dont le militaire fait partie, mais le sort même de l' État. Avant d'étudier les intérêts de
en délit: correctionnalisation, ou un délit en contravention: contraventionnalisation. Le
la distinction des infractions militaires et des infractions de droit commun, il
procédé obéit à des impératifs di vers: soud d'une répression plus efficace (exemple :
conviendra de préciser le critère des premières.
avortement, infanticide correctionnalisé, en raison de la plus grande sévérité des
�205
ru Critère k
206
l'infraction
militaire
,
2°) Distinction des infractions politiques
La difficulté tient au fait que le militaire est un homme comme les autres qui peut
et des infractions de droit commun
être amené à commettre, à côté d'infractions relevant de la vie militaire, d'autres
L'infraction politique est très ancienne, mais l'idée de soumettre le délinquant
infractions (meurtre, attentat à la pudeur) étrangères à son état.
Le Code de justice militaire a fait l'objet, ces dernières années, de nombreux
politique à un régime de faveur est toute récente. Sous l'Ancien Régime, l'État
remaniements: La dernière loi en date est celle du 21 juillet 1982. On peut distinguer
s'identifiait avec le Roi. Aussi les crimes politiques étaient-ils considérés comme des
deux sortes d'infractions. D'abord, l'infraction purement militaire, qui est
crimes de lèse-majesté et sévèrement réprimés. La Révolution française fut aussi sévère
inconcevable en dehors de la vie militaire (insoumission, désertion, infraction contre
et le Code pénal de 1810, tout ~.n
~uchant
une distinction entre les peines politiques
et les peines de droit commun, maintenait la mort et la surveillance de haute police. il
l'honneur ou la discipline, ex. : capitulation, complot militaire, insubordination, etc. .. ).
faudra attendre la Monarchie de Juillet pour que le statut de délinquant politique soit
Ensuite, les infractions de droit commun commises par un militaire (outrage commis
envisagé avec une certaine bienveillance. La loi du 28 avril 1832 rée une échelle des
dans la caserne ou même à l'extérieur de celle-ci), puisque, depuis la loi de 1982 les
peines, spécifique aux infractions politiques : mort,
juridictions de droit commun spéàalisées en matière militaire sont compétentes pour
eportation, bannissement,
dégradation civique. La Constitution de 1848 supprime la mort. Deux séries de raisons
juger, non seulement les délits militaires, mais aussi les délits de droit commun commis
expliquent cette évolution.
dans l'exécution du service par les militaires (A. 61 à 63 du Code de justice militaire).
- Raisons politiques : Les idées libérales flottent dans l'air (GUlZOT,
r
hl Intérêts k 11l distinction
LAMARTINE) et les changements de régime révèlent la relativité de la notion
d 'infraction politique : "Les conspirateurs vaincus sont des brigands; vidorieux, ils sont des
- En droit international, l'auteur d'une infraction militaire n'est pas soumis à
héros" (BALZAC).
l'extradition, sauf s'il s'agit d'un marin déserteur ou d'une infraction punie par la loi
- Raisons criminologiques : les positivistes soulignent l'absence de perversité
française comme infraction de droit commun (Art. 4, Loi du 10 mars 1927).
criminelle du délinquant politique, et les mobiles élevés qui l'animent.
- En droit interne, la loi de 1982 a modifié le régime de l'instruction et du
Pourtant on assiste en France, depuis la fin du XIXème siècle, à un rétréciss
jugement. En temps de paix, les délits militaires sont de la compétence des juridictions
spécialisées en matière militaire (Art. 697 CP.P.), sauf pour les gendarmes pour les
délits commis dans l'exercice de leurs fonctions politico-administratives ou judiciaires
qui sont du ressort des juridictions de droit commun. Les crimes sont déférés à une
Cour d'assises spéciale (un président et six assesseurs, magistrats professionnels, Art.
697-1 CP.P.J.
En temps de guerre, les juridictions des forces armées sont compétentes (Art.
701 CP.P.). Toutefois, en cas d 'urgence, le Procureur de la République et le Juge
d 'instruction peuvent agir sauf à se dessaisir dès que l'urgence a cessé.
La procédure est pratiquement celle du droit commun. Le contentieux est
progressif de l'infraction politique. Les menées anarchistes..so.nt sanctionnées de eines
)("
J de droit commun; les délits de presse relèvent de la compétence des tribunaux
correctionnels; les crimes contre la sûreté de l' Etat sont traités comme des infractions
de droit commun, l'extradition et la mort sont écartées en la matière. Plus près de nous,
( le terrorisme est devenu une infraction de droit commun.
De leur côté, les pays totalitaires considèrent l'infraction politique comme étant
la plus grave, car contraire à la conscience révolutionnaire. Malgré les vicissitudes de
l'infraction politique, cellKi se différencie sur bien des points de l'infraction de droit
commun. il conviendra de préciser les intérêts dela distinction pour rechercher, ensuite,
le critère de l'infraction politique à travers les méandres de la jurisprudence.
relativement réduit. il n'en va pas de même pour les infractions politiques.
Quant aux règles de fond, on signalera qu'il existe, à côté des peines de droit
)4
ru Intérêts tk 11l distitlction
commun, des peines spécifiquement militaires, telles que, la destitution et la perte de
ils sont considérables, aussi bien en droit pénal international qu 'en droit pénal
grade. D'autre part, le protocole nO 6 de la Convention européenne des droits de
l' homme, concernant l'abolition de la peine de mort autorise les Etats à prévoir cette
interne.
En droit pénal international, les délin uants Eolitiques bénéficient d 'un régime
peine "pour des ades commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre", formule
de faveur. En effet, ils ne sont
qui recouvre principalement les infractions militaires.
délinquants de droit commun que les États s engagent, pa convention réciproques, à
--
----
as soumis à l'extraniflO
à la différence des
livrer\ Les jugements étrangers sont sans incidence sur leur état, ce qui ne veut pas dire
~
.'
�207
208
que tout délinquant politique doive bénéfiàer du droit d'asile. Seuls ceux "persécutés en
raison de leur action en faveur de la liberté" (préambule de la Constitution) peuvent
aspirer à cette protection.
~
En droit pénal interne, les intérêts, quoique moins notables, sont nombreux.
Au IÙveau de l'incrimination, on relève u n particularisme qui vise notamment les
infractions contre la Nation, l'État et la Paix publique. Celles-à sont de la compétence,
en temps de guerre, des juridictions des forces armées et, en temps de paix, des
juridictions de droit commun.
fonctionnement d'un État déterminé, mais à l'organisation sociale elle-même,
indépendamment de la forme politique des États. Entrent dans cette catégorie les
menées anarchistes, le terrorisme. Compte tenu des atteintes portées, le législateur ou la
jurisprudence ont tendance à les assimiler à des infractions de droit commun.
- En second lieu, la difficulté de trouver un critère résulte de l'absence de
'"
définition légale.
Le législateur, lorsqu'il en avait l'occasion (L. du 27 mars 1927 sur
l'extradition par exemple), s'est bien gardé de proposer une définition. On pourrait
Au IÙveau de la répression, :réchelle des peines est spécifique en matière
c~lleJ {détention à perpétuité, détention à temps, bannissemen~, dé~radatio.n
civique). Le nouveau code pénal maintient les deux formes de detentton, malS
supprime le bannissement et la dégradation civique. Le régime d'exécution est, tantôt
plus libéral, tantôt plus strict (isolement).
Cependant, elles en diffèrent parce qu'elles visent à porter atteinte, non pas au
En~n,
les
~nséquences
attachées aux
condamnations sont moins rigoureuses que celles applicables aux condamnations de
-
droit commun (absence de contrainte par corps et d'interdiction professionnelle,
songer à se référer à la nature de la peine. Mais, en matière correctionnelle, il n'y a pas
de spécificité des peines politiques et, en matière criminelle, on constate que des crimes
contre la sûreté de l' État sont frappés de peines de droit commun. De même, on ne
saurait non plus s'attacher à la compétence juridictionnelle car le jugement des crimes
et délits contre la sûreté de l' État est confié en temps de guerre aux juridictions des
forces armées et en temps de paix, aux juridictions de droit commun. La confusion est
accrue par les contradictions du droit interne et du droit international en ce domaine.
aucune entrave à l'application du sursis).
Ces diverses raisons expliquent les incertitudes de la jurisprudence.
hl Critère fk la distinction
fl La jurisprudence
il s'avère très malaisé de distinguer l'infraction politique de l'infraction de droit
commun. C'est, sans doute, l'une des questions les plus épineuses du droit pénal que
L'analyse faite par les tribunaux n'est pas la même selon que l'on se situe SUT le
. al .
plan interne ou sur le plan internatlOn
- Tout d 'abord, les infractions commises en matière politique revêtent un
caractère multiforme.
il existe des infractions politiques par nature, par exemple les atteintes aux
intérêts fondamentaux de la Nation(Art. 410-1 N.CP.), les attroupements (Art. 431-3
N .CP.), les infrê.ctions à la liberté de la presse (L. du 29 juillet 1881), au Code
électoral, etc .. . Le caractère politique de ces infractions n'a jamais été contesté, quel que
soit le mobile qui a guidé l'agent
En revanche, d'autres infractions ont une nature discutée ; ce sont les infractions
complexes, les infractions connexes et les infractions sociales.
Les infractions dites complexes sont des infractions de droit commun commises
----
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les tribunaux ne sont pas encore parvenus à résoudre. Les raisons de la difficulté sont
doubles.
\.. \
1) En droit interne
f
/
La prépondérance du système objectif est manifeste. Sera politique toute
infraction qui a pOUT objet l'organisation ou le fonctionnement de la vie politique. Dans
cette perspective :
- Sont politiques sans discussion:
· Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation (trahison, complot,
espionnage, Art. 410-1 à 413-12 N.CP.).
· Les attroupements sur la voie publique ou dans des lieux publics (Art. 431-3
N .CP.). Ainsi la contrainte par corps est inapplicable.
· Les crimes ou délits commis dans l'exercice d'une liberté publique (presse,
réuIÙon, association, culte, travail, enseignement, Art. 431-1 N.CP.).
sous l'influence d 'un mobile politique (exemple, vol pour un mouvement politique).
Les infractions connexes sont des infractions de droit commun, mais commises
_ Soulèvent des difficultés, deux types d'infractions
à l'occasion d 'événements politiques se rattachant par un lien de causalité à une
Les infractions complexes et les infractions connexes. En ce qui concerne les
infraction politique (exemple, le pillage d 'une armurerie au cours d'une émeute
infractions complexes qui lèsent un intérêt privé, mais sont commises dans un but
politique).
politique, la jurisprudence est partagée. Le critère objectif est retenu, depuis longtemps,
Les infractions sociales rappellent les infractions politiques pures en ce que leurs
auteurs poursuivent un but d 'intérêt collectif, manifestent des buts désintéressés.
�209
210
)
1
(b
J p"'!
pour le meurtre d'un chef d'État 291, pour les coups et blessures commis sur des agents
,. 2) En droit international
de la force publique 292.
Le problème se pose ici en des termes différents parce que l'ordre public français
En revanche, le critère subjectif a été consacré à l'occasion de dégradations de
n'a pas été troublé lorsque la France fait l'objet d'une demande d'extradition. Elle peut
monuments 293, (inscription effectuée sur un pont, déclarée "par son libellé objectivement
donc se montrer plus libérale pour apprécier l'infraction. Comme nous le verrons plus
politique" conduisant la Chambre criminelle à admettre que le "délit devait dès lors être
assimilé, en ce qui concerne la contrainte par corps, à une infraction politique"). Dans cette
loin, la procédure d'extradition se développe devant une juridiction spécialisée, la
Chambre d'accusation. Celle-ci ne rend qu'un avis. S'il est défavorable, il lie le
affaire, la preuve du mobile était en quelque sorte déduite du contenu même de
gouvernement, qui ne peut procéder à extradition. En revanche, si l'avis est favorable,
l'inscription.
le gouvernement conserve sa liberté, soit se conformer à l'avis en procédant à
Cependant, dans des espèces presque identiques, la Cour de cassation est
l'extradition, soit à l'inverse, se refuser à l'extradition.
revenue à la conception objective 294, (fraude fiscale commise par un enseignant
Le droit français a connu, en ce domaine, une évolution remarquable. il révèle le
refusant d'acquitter ses impôts).
"caractère ondoyant de la matière".
Les infractions connexes qui sont, de leur côté, des infractions de droit commun
\ • Jusqu'en 1978 la conception subjective triomphait
se rattachant par un lien de causalité à une infraction politique, se voient appliquer le
Ainsi, à propos d'infractions complexes, la Cour de Paris avait estimé que la ·
critère objectif>, La solution est ancienne 295. Sans doute, un arrêt plus récent avait
participation à un hold'up, dirigé contre la Banque Nationale Portugaise et commis par
déclaré la contrainte par corps inapplicable aux condamnations pour tentative
un mouvement révolutionnaire dont l'intéressé faisait partie, constituait un délit
d 'assassinat et association de malfaiteurs connexes à un crime d'atteinte à la sûreté
politique 298 de même que des attentats à la bombe réalisés par un séparatiste bernois
extérieure de l'État "ces infractions présentant dans leur ensemble un caractère politique" 296
299 . Dans ces deux espèces, la référence au mobile ayant animé l'agent a été
Mais cette solution d 'indulgence doit étre replacée dans son contexte: la "paix des
déterminante pour refuser l'extradition demandée.
Une solution identique était adoptée à l'égard de l'infraction connexe_assimilée à
braves" proclamée, à l'époque, par le Général de GAULLE.
' Enfin la jurisprudence considère depuis longtemps le terrorisme comme une
un délit politique, à la condition qu'elle ne constitue pas des actes de "barbarie odieuse
infraction de droit commun 297. De son côté, le législateur par la loi du 9 septembre
ou de vandalisme défendus suivant les lois de la guerre"
1986 unit les deux critères subjectif et objectif en définissant le terrorisme comme
(Art. 5-2, al. 2, L. du 10 mars
1927, a contrario).
l'accomplissement d'un certain nombre d'infractions de droit commun énumérées par
Cette attitude exprimait la vocation de la France en tant que terre d 'asile.
l'article 706-16 du Code de procédure pénale lorsqu'elles "sont en relation avec une
Justifiable dans un contexte de relative paix sociale, elle apparaissait de plus en plus
entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement /' ordre public par
contestable devant la montée de l'euro-terrorisme. C'est la raison pOUI laquelle les
l'intimidation ou la terreur ".
tribunaux ont cru devoir remettre en honneUI une conception objective de l'infraction
Le nouveau code pénal reprend cette c!éfinition et cette énumération dans l'article
politique.
421-1.
• A partir de 1978, en effet, la conception objective a été adoptée
Cette analyse se retrouve-t-elle en droit international ?
par les. tribunaux d'abord, par la pratique gouvernementale, ensuite.
_ La jurisprudence a ressuscité deux notions juridiques bien
291
Crim. 20 août 1932, D. P. 1932-121, GORGULOFF.
292
Crim. 12 mars 1969, B. nO116.
connues, celle de d élit sodal et ceUe de crime grave.
. Le délit social est celui qui , visant à ébranler
293
Crim. 28 septembre 1970, D. 1971-3.
l'organisation sociale, doit être considéré, quels que soient les mobiles de son auteur,
294
Crim. 4 février 1971 , j.c.P. 1972-Il- 17272, note KOERING-jOUUN ; 23 févri er 1973 B. nO. 74,
D. 1973-333, note LITrMANN ; 15 novembre 1983, D. 1984, I.R. 227 obs. ROUjOU DE BOUBEE'
Crim. 19 mai 1983, B. nO150.
'
'
somme un délit de droit commun. C'est SUI le fondement de cette notion qu 'à la fin du
295
Crim. 9 mars 1849, S. 1849, 1-207, affaire du général BREHAT.
296
Crim. 18 novembre 1959, j.c.P. 1960-11-11475, note LEGAL.
297
Crirn. 3 mars 1960, B. nO138.
XlXème siècle, l'extradition avait été accordée pOUI les auteurs d'attentats anarchistes.
298
Paris, 14 décembre 1967, Inado da PALMA, J.c.P. 1968-H-15387.
299
Paris 3 juillet 1967, HENNIN, J.c.P. 1967-11-15274.
�211
212
C'est à cette notion que s'est référée la Cour de Paris pour autoriser l'extradition de
décisions, tout en reconnaissant que les faits reprochés aux intéressés le sont en tant
GABOR WINTER, militant du Secours noir de Nuremberg, organisation de soutien aux
que membres de l'organisation politico-militaire basque E.T.A. ont estimé que dans
détenus politiques de la gauche allemande (20 décembre 1978, inédit) ...
chaque cas "il s'agit d'une infraction de droit commun par sa nature et qu'eu égard à son
. Le crime grave est celui auquel son caractère atroce
extrême gravité intrins?gue, cette infraction ne peut être considérée comme ayant un caractère
politique ~ comme tlant connexe à un délit politique et ce quel que soit celui qui a pu inspirer
son auteur ou le contexte dans lequel elle a pu s'inspirer". La seule réserve apportée par les
retire toute justification politique. Ce critère a été retenu, d'abord par le Conseil d 'État
dans l'affaire GABOR WINTER, qui a estimé que la gravité des faits reprochés
(agressions contre des personnes et des biens) ne permettait pas de les considérer
chambres d'accusation demeure le caractère non démocratique de l'Etat requéran®
comme des infractions politiques 300.{ La consécration de crime grave évoque
Cette jurisprudence ne s'est pas démentie ces dernières années, notamment vis-à-
irrésistiblement la notion d'acte grave proposée par les conventions de Strasbourg (28
janvier 1977) et de Dublin (4 décembre 1979), fort critiquées à juste titre en raison de
vis des autonomistes basques.
D'ailleurs, le nouveau code pénal facilite l'extradition des militants de l'E.T.A ..
l'imprécision de la formule 301 : "Ne seront jamais considérées comme politiques, énonce
En effet, la notion de bande année considéré jadis comme une infraction politique et à
l'article 1, les infractions graves constituées par une attaque contre la vie, l'intégrité corporelle
ou la liberté corporelle" tandis que l'article 2 vise "tout acte grave contre les biens ".
laquelle se raccrochaient les basques, disparaît dans le nouveau code. L'équivalent
français de la bande année invoqué par l'Espagne est désormais l'associapon (de r l'_
Q
Pourtant, les chambres d'accusation n'ont pas hésité à s'engouffrer dans la brèche
malfaiteurs, délit de droit commun 308 o.§ 0
ouverte par le Conseil d ' État en émettant un avis favorable à l'extradition de PIPERNO
l;\
(Paris, 17 octobre 1979, inédit) ou de LANFRANCHI PACE (Paris, 24 octobre 1979,
i
.u. .
n:
IdlL
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~Yl')..... ,~,
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t>U'
• . ~ ~ f-- ""
101
jC La pratique g uvernementale, face à cette continuité
jurisprudentielle, s'est révélée hésitante. Avant 1981, le gouvernement pour satisfaire
inédit), mais en refusant d'abord l'extradition de basques considérant que "les
aux exigences de la solidarité intérétatique, bien que théoriquement non lié par la
infractions dénoncées aussi graves fussent-eiles, ont tlé perptlrées dans le cadre de la lutte
Chambre d 'accusation, avait pris l'habitude de suivre l'avis favorable et de signer le
menée par une partie de la population des provinces basques espagnoles dans le but d'obtenir
son autonomie politique" 302.
décret d'extradition, avec une hâte non dissimulée. Les affaires CROISSANT,
WlNTER, SALATI, PlPERNO, révèlent que le décret a été pris et notifié avec une telle
Cependant, sans doute sensibilisées par la montée du terrorisme, les chambres
rapidité que la livraison de l'intéressé à l'Etat requérant a eu lieu quelques heures après
d'accusation ont progressivement admis l'extradition de basques auteurs d'assassinat
que l'avis ait été rendu.
L'arrivée des sodalistes au pouvoir eut pour ef·fet de mettre un terme à la
et de vol à main armée 303 ou d 'italiens, accusés de tentative d'homidde 304.
....... L'année 1983 a confirmé cette jurisprudence, Nombre de décisions de chambres
pratique du gouvernement BARRE, en ne procédant, à une exception près, à aucune
d'accusation se sont déclarées favorables à l'extradition 305. En été 1984, la Cour de
extradition. La France entendait redevenir une terre d'asile. Le gouvernement se bornait
Pau a statué à deux reprises les 9 et 24 août en émettant des avis favorables pour sept
à assigner à résidence les militants de l'E.T.A. les plus notoires.
des huit demandes d'extradition fonnulées par le gouvernement espagnol contre des
Mais très vite, la position française s'est révélée source de difficultés croissantes
militants basques de l'E.T.A. soupçonnés d 'avoir participé à divers attentats 306. Ces
devant le développement des mouvements terroristes dont les membres trouvaient en
France un territoire refuge. Cest pourquoi en 1982, la France s'est résolue à changer sa
300
C. E. 15 février 1980, D. 1980-449, conclusions LABETOULLE.
politique et une décision du Conseil des Ministres en date du 10 nov: mbre 1982 a
301
d. J. BORRICAND, L'extradition des terroristes, R.S.c. 1980-684.
récisé les quatre critères susceptibles de fonder un refus d'extradition: la nature du
d l" Ir t'
système politique et judidaire de l'Etat demandeur, le caractère politique . e m ac IOn
302
303
Miguel ALDANA-BARRENA, Pau, 8 juillet 1981, inédit; ARRUGAETA, Aix 24 juin 1981,
inédit, malgré l'absence de gravité des faits.
304
SCALZONE, Paris 20 août 1981, inédit.
305
de STEFANO Aix, 5 janvier 1983 ; GENGHINI Aix, 2 mars 1983 ; MARTINEZ-LORENZO
Versailles, 20 septembre 1983 ; DIMITRIUS Bastia, 22 septembre 1983 ; AKER, Dijon, 18
octobre 1983, toutes décisions inédites.
306
p
Aix, le 16 mai 1979, Apaoloza AZCARGORTA, inédit ; Voir également Aix, le 6 avril 1979,
GOIEDECHEA, inédit.
Voir par exemple GARCIA-RAM1REZ inédit.
poursuivie, le mobile politique de la demande d'extradition, enf~n le nsq~e
~ ~
II-.:rrAt
\1
308
d'aggravation en cas d'extradition de la situation de la personne conce~,ee. ToutefoIS,
dit le texte, l'extradition sera, en principe, accordée, lorsque auront ete commIS des
--l>
307
J '1
T."." q
OZKAN, Versailles, 7 octobre 1983 ; avis défavorable à la demande présentée par le
gouvemement turc.
SALEGUI-GARCIA, Paris 8 juin 1994.
�213
214
actes criminels de nature telle que la fm politique alléguée ne saurait justifier la mise en
§ 1- LA DÉLINQUANCE D'ARGENT
œuvre des moyens inacceptables.
A la suite du renforcement de la coopération franco-espagnole contre le
terrorisme au début de l'année 1984, le gouvernement a eu l'occasion de faire
Parallèlement au déclin de la spécificité des infractions politiques et militaires, se
application pour la première fois de cette doctrine pour les basques membres de
développent de nouveaux types d'infractions liées à la criminalité de profit. On peut
l'E.T.A ..
citer trois formes de criminalité liées à l'argent: les infractions fiscales, douanières et
A son tour, l'Italie a souhaité voir la France s'engager résolument dans une
économiques, solidifiée~ des caractères ro res ui les différencient des infractions
politique européenne de coopération contre le terrorisme et cesser d'abriter "une
de droit co
Sur un plan juridique, ce type d'infraction obéit à un régime s écifique commun
multinationale du terrorisme".
Ces arrestations illustrent la coopération européenne contre le terrorisme dont les
caractérisé par la compétence de juridictions spécialisées (loi 6 août 1975), des fadlités
bases avaient été jetées, le 5 février 1985 à Bonn, entre le Premier Ministre français et le
de preuve exorbitantes du droit commun, un régime répressif diversifié et plus
Ministre des Affaires Étrangères de la communauté.
Ponctuellement, des événements politiques viennent remettre en cause la position
(transaction) ou moins rigoureux (pas d'amnistie).
Sur un plan criminologique, leur auteur constitue un type original de délinquant,
.., gouvernementale qui rendent parfois incohérente la politique traditionnelle intimement
le "col blanc" en face duquel l'opinion publique apparaît partagée, soit indulgente, soit
>(
rigoureuse.
Au-delà de ces traits communs, un particularisme propre à chacune de ces
liée aux relations diplomatiques entre les Etats.
il y a là, manifestement, les signes d'un durcissement de la position française à
infractions doit être souligné, même si s'amorce un discret retour au droit commun.
l'égard du droit d'asile, jugé inquiétant par certains pour les libertés. Toutefois à
l'occasion du récent débat sur l'immigration, le Conseil constitutionnel, dans sa décision
A - Les infractions fiscales
du 13 août 1993, opérant un changement de jurisprudence, est passé d'une conception
timide du droit d 'asile à une conception forte : le droit d 'asile est d 'application directe.
La matière fiscale peut être aisément délimitée. il s'agit des infractions prévues
il implique "d'une manière générale que l'étranger qui se réclame de ce droit soit autorisé à
demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande"
par le c.G.l. (impôts directs, contributions indirectes, taxes sur le chiffre d'affaires
309
etc ... ). Ces infractions présentent par rapport au droit commun une originalité qui
On assiste donc à un rétrécissement constant du critère de l'infraction politique. Ce
apparaît et sur le plan procédural et sur le plan de la sanction.
dépérissement explique, sans doute, que le nouveau Code pénal ait préféré ne pas
définir l'infractio n politique tout en maintenant la détention comme peine criminelle.
1°) Au niveau de la procédure
Face à ce déclin, on observe le développement de classifications nouvelles.
• On peut observer, tout d 'abord, que le déclenchement des
r
poursuites est subordonné à une plainte de l'administration sur avis conforme d'une
SECTION 2 - LES CLASSIFICATIONS NOUVELLES
commission des infractions fiscales (L. 29 décembre 1977 sur les garanties offertes aux
contribuables). Ainsi, la mise en œuvre d'une procédure judiciaire se trouve dépendre
d'un organe administratif. L'administration se constitue partie dvile, non sur la base
Outre une majoration globale de la criminalité, la délinquance contemporaine
des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, mais sur le fondement de l'article L.
peut être illustrée par le d éveloppement, d'une part de ce que l'on pourrait appeler la
232 C des procédures fiscales "le but de la présence de l'Administration dans la procédure
délinquance d 'argent (A), d'autre part, par une augmentation de la grande criminalité
étant seulemen t d 'y sa uvegarder les intérêts du fisc" 311. On observera, ici, les effets
pervers de la loi du 29 décembre 1977. Ce texte soucieux de mieux assurer la
(B) 310.
Vu·.(..
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Mh\lÛv:.
J.
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protection des contribuables, les pénalise dans la mesure où le feu vert donné par la
)..
309
a. FAVOREU,le Figaro, 3 septembre 1993.
310
Il est évident que les 2 sortes de criminalité sont parfois en corrélation, ex. le crime organisé
dans le domaine économique.
commission peut apparaître comme un facteur déterminant de la culpabilité de l'agent.
311
Crim. 28 janvier 1971, D. 232.
�215
216
• En second lieu, la constatation des infractions est facilitée.
~
Contrairement à la règle que les procès verbaux valent à titre de simple renseignement,
la)
Au niveau de l'incrimination
ceux des contributions font foi jusqu'à preuve contraire et une procédure spéciale est
Pour faciliter la démonstration de la culpabilité de l'agent, le Code des douanes
prévue si le prévenu entend rapporter cette preuve.
développe des systèmes originaux. Ainsi, l'article 392 instaure une présomption de
'1
pour contrôler les
constatations et énonciations de fait retenues par les juges du fond" qu'il s'agisse
navires ou commandants d'aéronefs en cas de fraude commise à bord. li s'agit, selon
d'enregistrement 312 et de contributions indirectes 313.
une jurisprudence constante, d'une présomption irréfragable 318, sauf force majeure 319.
• Enfin, la Cour de cassation s'érige en juge d
participation à l'infraction contre les détenteurs de la marchandise, les capitaines de
};n,)
Le concept de complicité est élargi par la notion d'intérêt à la fraude. En cas de -)
20 ) Au niveau de la répression
contrebande, d'importation ou d'exportation sans déclaration sont punies comme
ç~J rrJ,..
Le droit fiscal connaît trois types de sanctions.
complices toutes personnes qui ont coopéré à un plan de fraude arrêté par un groupe
D'abord, des sanctions pénales (emprisonnement, amende, interdictions
d'individus (A. 399 du Code des douanes) quand bien même elles n'en auraient pas eu ~}'
professionnelles), dotées d'un régime spécifique, tantôt applicables, tantôt
expressément connaissance 320 ou qui auraient couvert les agissements, acheté ou
inapplicables. Ainsi, l'interdiction professionnelle prononcée par le juge répressif est
obtenu, même en dehors du rayon douanier, des marchandises provenant de
Jo
contrebande 321
subordonnée à un arrêté préalable prononçant contre le coupable cette mesure 314.
20 ) Au niveau de la sanction
• Ensuite, des sanctions fiscales (amendes, majorations de droit,
indemnités) présentent le double visage de peines et de réparations civiles, 315 ce qui
il faut , d'abord, observer que les infractions douanières ne correspondent pas
explique l'exclusion du sursis, des circonstances atténuantes 316, du non cumul des
peines 317.
toujours aux infractions de droit commun dans la mesure où les peines de prison sont
toujours de courte durée, tandis que les amendes sont très élevées. (Comparer R. 236
• Enfin, des sanctions administratives (retrait du permis de
du Code de la route et 61-413 bis du Code des douanes) .
conduire, impossibilité d 'obtenir des commandes de l'Etat) s'apparentent aux mesures
Compte tenu du préjudice causé à l'administration douanière, le Code des
de sûreté.
douanes prévoit un système répressif original. D'abord, les sanctions patrimoniales, vu
Mais le trait le plus original est, sans nul doute, la transaction que l'on retrouve
leur caractère de réparation civile, ne sont pas soumises au principe du non cumul et ne
également en matière douanière.
peuvent être assorties du sursis. De son côté, l'article 376 exclut la revendication du
propriétaire de la chose ou des créanciers privilégiés.
B - Les infractions douanières
En contrepoids de ces pouvoirs exorbitants, le Code autorise la transaction qui
peut intervenir avant ou après jugement et qui a pour originalité, soit d 'éteindre l'action
publique, soit de porter atteinte à l'auto,rité pe la chose jugée (A. 350).
-t- (I\.V>~ fJ... A ~û-.Ii oY'
Le particularisme de ces infractions est peut-être plus marqué et plus ancien,
puisque le Code des douanes est encore fondé sur deux ordonnances de COLBERT de
1681 et 1687. Il apparaît à la fois au niveau de l'incrimination et au niveau de la
'X
C - Les infractions économiques
sanction.
La délimitation des infractions économiques s'avère malaisée. Sans doute, il est
facile de dire que ce type d'infraction est l'affirmation du dirigisme économique, que les
312
Gv. 5 janvier 1825, S. 1825-1-6.
313
Crim. 25 mars 1825, B. n° 54.
31 4
Crim. 12 mai 1976, B. nO155.
31 8
Crim. 27 avril 1939, B. n° 126 ; 19 février 1958, B. n° ln.
315
Crim.6 février, 2 décembre 1960, B. nO65 et 321.
31 9
Crim. 25 janvier 1982, J.c.P. 1982, lV-132.
316
Crim. 7 octobre 1975, B. nO209.
320
Crim. 13 novembre 1974 B. n° 331.
317
Crim. 12 décembre 1983, B. n° 337.
321
Crim. 30 octobre 1978, D. 1979-200, note BERR.
incriminations sont tantôt minutieuses, tantôt compréhensives. Plus précisément, on
"-
�217
218
peut affirmer que les infractions sont relatives à la détermination des prix, des biens et
conduits à distinguer plusieurs types d'infractions, les infractions de violence et les
des services et celles qui visent l'organisation des marchés, la réglementation des
infractions de terrorisme auxquelles il faut ajouter-les crimes contre l'humanité définis
transports, la monnaie et les devises étrangères ou le rationnement et la répartition des
par la jurisprudence comme des crimes de droit commun.
denrées et marchandises. Le particularisme de l'infraction économique mérite d'être
A - Les infractions de violence
souligné, au niveau de l'incrimination et à celui de la sanction.
-;.{ ~ \.,~'r.t
l.fI\ . .;l.;t)J/'ILI'/\
r1'IJ. ~
~
1°) Au niveau de l'incrimination
cr
La loi du 22 novembre 1978 a introduit, au niveau de l'exécution des
Cl JW
rJj.
\('-tM
1tJl\)
peines~ une
\
distinction entre les infractions de droit commun et les infractions de violence.
L'originalité de ce type d'infraction apparaît à des titres divers. Tout d'abord, on
s..'oC"'{
r,;::::
Ce texte instaure une période de sûreté pendant laquelle les condamnés, pour
constate l'existence d 'une police économique complétant la police judiciaire. Cette
certaines infractions, ne peu vent bénéficier pendant l'exécution de leur peine et pour
police dispose de pouvoirs exorbitants avec notamment la possibilité de
une période allant de la moitié aux deux tiers de celle-ci (15 à 18 ans en cas de r»"'"J.h
réclusion à perpétuité) des mesures de faveur susceptibles d'être accordées aux détenus ~\"
perquisitionner la nuit. En second lieu, il faut souligner que la matière des pratiques
anticoncurrentielles et des abus de position dominante peut être traitée par des organes
(permission de sortir, placement à l'extérieur, libération conditionnelle etc ... ). Cette loi -
administratifs, Conseil de la Concurrence et Ministre de l'Économie. De son côté, le
a..~
stupéfiants, certains vols).
consommateurs ont désormais la possibilité de déclencher des poursuites pénales en
l
\#' ~ ~
Ce texte a été abrogé par une loi du 10 juin 1983, mais les dispositions de la loi
cas d 'infraction (loi 27 décembre 1973).
de 1978 demeurent dans l'article 720-2 du Code de procédure pénale et la loi du 1er
février 1994 a porté la durée de la période de sûreté à 30 ans pour des infractions très
2°) Au niveau de la sanction
spécifiques (atteintes graves portées aux mineurs de moins de 15 ans). De plus, le
En premier lieu, la gamme des pénalités est étendue (amendes, fermeture
nouveau code pénal a aggravé la répression dans le cas de violences commises en
d 'établissement, publicité du jugement de condamnation, retrait du permis de
bande organisée.
conduire). En second lieu, les peines sont rigoureuses. En matière de pratiques
'Xc B - Les infractions terroristes
anticoncurrentielles, le Conseil de la Concurrence peut infliger à une entreprise, une
sanction maximale de 5 % du montant du chiffre d'affaires et de dix millions de francs,
pour une personne physique (A. 13, Ordonnance du 1er décembre 1986), outre
A la fin du XIXème siècle, le législateur, soucieux de lutter contre l'anarchisme
l'emprisonnement de six mois à quatre ans et l'amende de 500 000 F infligés par le
naissant, avait jugé opportun de qualifier ce type d 'infraction, "infraction de droit
tribunal correctionnel. De son côté, le Ministre peut, en cas d'infraction aux règles sur la
commun ", permettant ainsi à leurs auteurs d'échapper au droit d 'asile (L. 18 juillet
concentration économique, prononcer après décision du Conseil de la concurrence, une
1894 ayant pour objet de réprimer les menées anarchistes). Devant la montée du
sanction pécuniaire, dont le montant peut atteindre dix millions de francs (A. 13).
terrorisme, les États se sont efforcés d'organiser un système répressif plus efficace en
harmonisant leur politique, mais pour l'instant, seules des réponses ponctuelles ont été
apportées par les États, dans certaines matières 322.
§ 2 - LA GRANDE CRIMINALITÉ
Quelques lois internes ont été prises par certains États secoués par le terrorisme
(Espagne, Grande-Bretagne, Italie, Allemagne Fédérale). Ainsi, l'Allemagne n'a pas
Les statistiques le révèlent, le quotidien le confirme, la dernière décennie connaît
hésité à créer un délit de terrorisme. La Grande-Bretagne a instauré une peine
une forte majoration de la grande criminalité : (hold'up). Certaines de ces infractions
(séquestration de personnes) se couvrent du manteau de l'idéologie politique. Pour
lutter contre ces formes nouvelles de criminalité, les rédacteurs du code pénal ont été
Jt
(proxénétisme aggravé, séquestration de personnes, détournement d'aéronef, trafic de lb !}I1êi\\JN-
pour recueillir leur avis (L. 12 juillet 1977, A. 18). Enfin, les associations de
(proxénétisme, trafic de stupéfiants) relèvent du pur droit commun, tandis que d'autres
'dr
visait certaines formes de violence : homicides et coups et blessures volontaires ,v.
juge d'instruction a la possibilité de consulter des organismes administratifs spécialisés
/J
~
,
322
Convention de La Haye, 16 décembre 1970) pour la répression de la capture illicite d'aéronef,
Convention de Montréal (23 septembre 1971), pour d'autres infractions, ainsi qu'en matière
diplomatique (Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les agents
diplomatiques 14 décembre 1973. Assemblée générale des Nations Unies, résolution.
<:;Mtu.
�219
220
incompressible de vingt ans, l'Italie a imaginé le système des repentis. La loi française
du 9
septembre~ ne
x
crée pas un délit de terrorisme, mais énumère un certain
garantie alimenté par les contrats d'assurance de biens. Elle porte sur l'indemnisation
--
nombre d'infractions déjà existantes pour les soumettre à un régime dérogatoire du
des dommages corporels résultant d'infractions d'actes de terrorisme, soit commis en
droit commun (Art. 706-12 c.P.P.). Le nouveau code pénal reprend cette analyse aux
France, soit subis par des Français à l'étranger 324
termes de l'article 421-1 c.P. "Constituent des actes de terrorisme, lorsqu 'elles sont en
L'apparition de la notio
relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement
l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, les infractions suivantes". Suit une liste
~
'1> " "
1987-39) et des
actions fiscale
~
d'infraction terroriste est un nouvel exemple de
"l'éclatement du droit pénal" 325 à la suite de _délits à caractère
impressionnante d'infractions, atteintes volontaires à la vie, vols, extorsion de fonds,
économiqu~ (Ord. D.
t douanières et conduit par l'effet d'un singulier
paradoxe à une magnification des droits de l'homme dans la mesure où les terroristes
dégradations, fabrication d'explosifs, détention d'armes etc .... L'article 421-2 ajoute
eux-mêmes qui les bafouent n'hésitent pas à les invoquer pour leur défense. 326
comme acte de terrorisme, "le fait d'introduire dans l'atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol
Devant la résurgence du terrorisme, le Garde des Sceaux a présenté en octobre
ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriales, une substance de nature à mettre en
péril la santé de l'homme ou des animaux ou le milieu nature/,,32&n peut donc admettre
1995 un projet de loi tendant à renforcer la répression du terrorisme.
pour le droit français, l'infra~tion de terro~me co~,porte deu~ é~éments : ~n
élément objectif, une infraction spedalement vISee et un element subjectif, ;tn mobile
notamment les délits en matière de groupes de combat ou de ligues dissoutes ainsi que
o
1que,
l
Quant à l'indemnisation de la victime de l'acte, elle est assurée par un fonds de
le recel de criminel. Il_ propose de réprimer de façon spécifique l'association de
d'intimidation ou de terreur.
malfaiteurs terroristes. Sur le plan de la forme, le projet offre la possibilité aux
Si le premier élément se révèle très précis (homicide volontaire, violences
enquêteurs de procéder à des enquêtes de nuit. Enfin, il vise à renforcer la répression
volontaires, enlèvement, menaces d'atteintes à la personne ou aux biens, association de
des atteintes commises contre les représentants de la puissance publique.
malfaiteurs, fabrication ou détention d'engins meurtriers etc. .. ), le deuxième élément, le
mobile d'intimidation ou de terreur
s'interroger sur le point de savoir si
Ce projet allonge la liste des infractions qualifiées d'acte de terrorisme pour viser
aJ.>J.>ar~t
~i nouvelle
On observe une tendance à l'extention du régime des infractions terroristes à
assez flou. Notamment, on peut
l'ensemble de la criminalité organisée. Cette tendance apparaît évidente en matière de
e réprime que l'action terroriste au)
trafic de stupéfiants, de proxénétisme et de façon plus générale, dans le domaine du
service d 'un idéal politique ou peut s'éten e au vulgaire malfaiteur de droit commun.
crime organisé.
Cette extension ne parait pas possible, si l'on se réfère au projet de loi faisant allusion
r
à la défense de la démocratie.
C - Les crimes contre l'humanité
Pourtant, l'énumération est très large et le débat reste ouvert. Il appartiendra aux
tribunaux de le trancher. La question est d'importance dans la mesure où le régime de
1°) En droit interne
l'acte de terrorisme est dérogatoire au droit commun à un double titre.
---~--------~~~~~~~~~~~En ce qui concerne la répression de l'auteur de l'acte, la loi de septembre 1986
La notion a été dégagée par le tribunal international de Nuremberg en 1945. La
organisait la centralisation des procédures à Paris, des aménagements dans la conduite
Cour de cassation définit le crime contre l'humanité "les actes inhumains et les
persécutions, qui, au nom d'un État pratiquant une politique d'hégémonie idéologique, ont été
commis de façon systématique ou collective, non seulement contre les personnes en raison de
leur appartenance à une collectivité raciale ou religieuse, mais aussi contre les adversaires de
des investigations, (garde à vue : quatre jours), une professionnalisation de la
juridiction criminelle de jugement. Sur le plan du fond, les innovations les plus
remarquées étaient une excuse absolutoire pour toute personne ayant averti les
cette politique, quelle que soit la forme de cette opposition ".
autorités judidaires de l'imminence de l'infraction et une réduction de peine pour toute
personne ayant permis ou facilité l'arrestation des malfaiteurs. Le mécanisme subsiste
dans le nouveau code sous une appellation différente (cause légale de diminution de
peine).
Toutes ces règles dérogatoires n'ont pas été modifiées.
323
J. BORRICAND, Le terrorisme écologique, in Problèmes actuels de Science Criminelle, nO VIII1995, p. 25.
324
1. F. RENUCCI, L'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme, D. 1987 chrono187.
32S
PRADEL, chronique D. 1987-39.
J. BORRICAND, La France à l'épreuve du terrorisme: régression ou progression du droit ?,
Revue de Droit pénal et de Criminologie, 1992-709.
326
�221
222
Bien que définis comme des crimes ç!e droit commun par la jurisprudence 327, les
les principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées ". La jurisprudence en a
crimes contre l'humanité n' en sont pas moins des "infractions hors du commun" 328.
fait application, lors du procès BARBIE 330.
Deux caractéristi ues essentielles les en distinguent, leur imprescriptibilité et leur
Dans l'arrêt TOUVIER, la Chambre criminelle considère, que constitue un tel
rétroactivité.
crime, la désignation de 7 personnes suivie d'assassinat dès lors que les crimes ont été
Hl Imprescriptibilité
\....;
"commis en raison de l'appartenance raciale ou religieuse des victimes, toutes juives"
331.
Toutefois, la haute juridiction a précisé que la qualification n'était applicable qu'aux
La loi du 26 décembre 1964 dispose que les crimes contre l'humanité sont
crimes commis lors de la seconde guerre mondiale "pour le compte d'un pays européen de
"imprescriptibles par leur nature". Elle fait application de l'article 6 du statut du tribunal
international de Nuremberg en énumérant "r assassinat, l'extermination, la réduction en
l'Axe" 332. C'est pourquoi il n'a pas été possible de l'invoquer à propos d'actes commis
pendant la guerre d'Indochine 333
esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles
Le nouveau Code pénal, suivant l'exemple de nombreuses législations étrangères,
avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou
consacre la notion de crimes contre l'humanité en faisant une distinction entre génocide
religieux" .
et autres crimes contre l'humanité. Sont qualifiées génocide, un certain nombre
En raison de l'ambiguïté des dispositions des documents internationaux au sujet
d'atteintes graves à la liberté de la personne, lorsqu'elles sont commises "en exécution
de l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, les juges du fond ont sollicité
d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national ethnique,
racial ou religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire" (A. 211-
l'interprétation du Ministre des Affaires étrangères qui pencha en faveur de
l'imprescriptibilité dès l'origine. Aussi tirant les conséquences de cette interprétation, la
1). La sanction est la réclusion à perpétuité. Elle est la même pour les autres crimes
Cour de cassation a décidé, par un arrêt du 26 janvier 1984 329 que l'imprescriptibilité
contre l'humanité, tels qu'enlèvements suivis de disparitions "alors même qu'ils auraient
des crimes contre l'humanité "se déduit tant des principes généraux de droit reconnus par
été commis en temps de guerre sur la personne de combattants" à condition que ceux-ci
l'ensemble des nations que du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de
soient en lutte contre un système idéologique (d. affaire BARBIE).
Londres du 8 août 1945, la loi du 26 décembre 1964 s'étant borné à confirmer que cette
2°) Tribunal pénal international
imprescriptibilité était déjà acquise en droit interne par l'effet des textes internationaux
auxquels la France avait adhéré". L'affaire Boudarel en est une illustration (Le Figaro, 17
Sur le plan du droit international, les atrocités commises par le terrorisme de l'ex-
septembre 1991).
Yougoslavie à partir de 1991 a conduit le Conseil de Sécurité à adopter, en février
hl Rétroactivité
1993, une résolution nO829 décidant la création d'un tribunal pénal international
pour juger les personnes responsables de violations graves du droit humanitaire
Quoique contraire à la déclaration des droits de l'homme et à la Constitution,
international.
cette rétroactivité trou ve sa justification dans les diverses conventions internationales
Le statut du tribunal s'inspire du souci d'assurer le plus grand respect du
(accord de Londres, Pacte de l'O.N.U., A. 15) . Notamment l'article 7 § 2 de la
principe de la légalité. Il définit les incriminations entrant dans sa compétence,
Convention européenne des droits de l'homme, dispose que le principe de non-
infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 1949, violations ou coutumes
rétroactivité "ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d'une personne coupable
de la guerre, telles qu'elles résultent de la convention de La Haye de 1907, génodde
d'une action ou d'une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d'après
défini par la Convention des Nations Unies, crimes contre l' humanité définis par
l'article 6 du Statut du Tribunal de Nuremberg.
330
Crim. 6 octobre 1983 D. 1984-113, rapport LE GUNEHEC ; j . F. RENUCCI, L'indemnisation des
victimes d'actes terroristes, D. 1987, Chrono 187 ..
Crim. 26 janvier 1984, j.c.P. 1984-11-20197, rapport LE GUNEHEC et conclusions
DONTENVILLE ; cf. LOMBOIS, Un crime international en droit positif français, (l'affaire
BARBIEl. R.S.C. 1987-937 et Mélanges VITU, p. 367.
331
Crim. 21 octobre 1993.
328
DESPORTES, LE GUNEHEC, op. cit. nO175.
332
Crim. 27 novembre 1992, B. nO394.
329
Affaire BAR BlE j .c.P. 1984-11-20197, conclusions DONTENVILLE.
333
Crim. 1er avril 1993, D 1993-IR-136, aff. BOUDAREL.
327
�223
224
La définition des personnes responsables écarte la possibilité de déclarer des
groupements pénalement responsables. En revanche, les personnes
phy~iques
ACl L-
ont une
responsabilité élargie, dans la mesure où leur qualité de chef d'État, haute
/t~f
Ac
:JI)
CHAPITRE II - L'ÉTABLISSEMENT DE L'ÉLÉMENT MATÉRIEL
fonctionnaire, ne sauraient les exonérer, tandis que les subordonnés ne sauraient
exciper de l'exonération tirée de l'ordre du supérieur hiérarchique.
Le tribunal comporte deux chambres: une chambre de première instance (3 juges)
Depuis le code de 1810, on assiste à une importance grandissante accordée à
et une chambre d'appel (5 juges) et l'instruction des dossiers est confiée au Procureur.
l'élément matériel. Le nouveau code ne dit-il pas : ':Nul n'est responsable que de son
propre faif" (art. 121-1 NCP).
.. ~ ~ /'
'kilt Jv"....~~ ~"'f'tl..
f.t ~
A
Cette exigence découle d'une conception politique de la société. La sécurité du
cr-
Tous ces magistrats sont désignés par l'Assemblée Générale des Nations Unies. TI
appartient aux États d'apporter leur coopération à l'œuvre du tribunal. Pour la France,
la loi du 2 janvier 1995 précise les conditions dans lesquelles les juridictions françaises
justiciable impose que la répression ne s'exerce que lorsque l'élément matériel est patent
/
et lorsqu~elle de l'agent est établie. Cependant, dans certains cas,
International.
cette intention est si forte qu'elle suffit pour que la répression s'exerce. C'est l'idée
Les pénalités applicables sont des peines d'emprisonnement par référence à la
/ c téveloppée depuis longtemps par les criminologues qui estiment qu'une politique
~,,-t'
\ II"'',.;~
grille générale des peines d'emprisonnement appliquée par les tribunaux de l'exYougoslavie.
(,./'
~
doivent se déclarer compétantes et se dessaisir, le cas échéant, au profit du Tribunal
~elle bien comprise ne doit pas s'en tenir à l'exigence d'un acte. Entre la criminalité
"immergée" qui demeure enfouie dans la conscience... écrivent MERLE et VITU, et la
criminalité "déclarée", qui s'exprime par la production effective d'un trouble social, il y
procédure, par défaut, a été écartée comme contraire au Pacte des Nations Unies sur
~ ~.
~ i"~
a place pour des états criminels embryonnaires, mais, cependant ostensibles, dont il
les droits civils et politiques de 1956.
"
faut fixer le régime pénal. C'est le concept d'état dangereux, dégagé depuis longtemps
On doit déplorer que le jugement effectif des coupables s'avère très aléatoire. La
A la suite des actes de génocide commis au Rwanda en 1994 par les Hutus sur
par les Positivistes, qui commande des mesures préventives, afin d'éviter le passage à
les Tutsis, le Conseil de Sécurité, par sa résolution nO 955 en date du 8 novembre 1994,
l'acte des délinquants en puissanc~ Le législateur et la jurisprudence ont été sensibles à
a décidé la création d' un tribunal international conçu sur le modèle de celui institué
ces observations en procédant à un élargissement de l'élément matériel. Cet
quelques mois plus tôt et siégeant à La Haye.
•
élargissement apparaît à l'évidence, si l'on observe que les modalités de l'élément
trrf\.J. -
matériel se sont multipliées et que la nécessité de celui-ci est entendue de façon
'20
LECTURES:
J.J. LEMOULAND,
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~")
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1
beaucoup plus compréhensive.
Les critères jurisprudentiels de l'infraction politique, RS.C 1988,
p. 16.
J. BORRlCAND, L' extradition des terroristes, RS.C 1980-684.
J. PRADEL, Les infractions de terrorisme, D. 1987, chrono 39.
fit- N~:
CÂ-C
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f SECTION 1 - LES MODALITÉS DE L'ÉLÉMENT
MATÉRIEL
\ lit·
M. DELMAS-MARTY, Le crime contre l' hymanité, les droits de l'homme et
J. BORRlCAND, La notion de fraude fiscale, J.CP., éd. Cr.,
L'élément matériel revêt des modalités fort diverses, certaines délicates à
1982-II-13856.
M. MASSÉ, Les crimes contre l' humanité dans le N.CP. français, RS.C 1994-376.
F. PALAZZO, La législation italienne contre la criminalité organisée, RS.C 1995-711.
préciser. On peut tenter un effort de regroupement en distinguant deux sortes de
classifications, les classifications extra-temporelles, et les classifications temporelles.
3-
J'" (
Vo..iu../:.t<
M. DELMAS-MARTY, La criminalité d'affaires, RS.C 1977-509.
l'irréductible humain, RS.C 1994-477.
?4-
tu:
�225
226
§ 1- CLASSIFICATIONS EXTRA-TEMPORELLES
tentative érigée en délit consomme"' (MERLE et VITU). Ce qui ne signifie pas que la
tentative du délit formel ne soit pas concevable, mais elle ne peut éventuellement
La notion de durée est ici négligeable pour la réalisation de l'infraction. On peut
apparaître que dans la phase des actes préparatoires de l'infraction. Donc, pour
effectuer deux types d'oppositions, infractions matérielles et infractions formelles d'une
l'infraction matérielle, la tentative permet d'incriminer comme commencement
part, infractions d'action et infractions d'omission d'autre part.
d'exécution des actes qualifiés de préparatoire dans l'infraction matérielle (poison
versé dans un puits même si la victime ne boit pas l'eau).
L
A-1
actions matérielles et .
actions formelles
B - Délits d'action et délits d'omission
1°) L'infraction matérielle
il est relativement aisé de définir ces deux infractions.
Le délit d'action se réalise par un acte positif qui consiste à faire ce que la loi
Elle se caractérise par son résultat. L'infraction n'est consommée que si le
interdit : tuer, voler, violer, blesser, etc... On parle alors de commission
action.
délinquant a obtenu le résultat cherché: celui-ci en représente l'un des éléments
Plus rarement, l'élément matériel réside dans un acte négatif qui consiste à ne pas
constitutifs. Le meurtre n'est constitué que si la victime est morte, le vol n'est réalisé que
faire ce que la loi ordonne: défaut de vaccination des enfants (Art. L 218 C S. P.),
si l'agent s'est approprié la chose d'autrui ou a tenté d'y parvenir. C'est dire que le
défaut de paiement d'une pension alimentaire (Art. 227-3 N.CP.). On est en présence
préjudice n'est pas toujours exigé. Sa simple éventualité caractérise l'infraction
d'un délit d'inaction ou d'omission. Il faut noter que la nature de l'infraction est souvent
punissable. Ainsi, en matière de faux en écriture, la jurisprudence déduit la nécessité
déterminée par sa définition même, par les conditions que pose l'incrimination : le vol,
d 'un préjudice, au moins éventuel, de l'exigence d'un écrit, par les articles 441-1 N.C
par exemple, n'est qu'un délit d'action. Mais, il est des infractions dont la définition
P .. En revanche, l'existence d'un préjudice est indifférente pour la constitution du délit
légale se concilie également avec une réalisation par action ou par omission: l'hoInicide
d'escroquerie (art. 313-1 N.CP.). La plupart des infractions constituent des délits
ou les blessures par imprudence, par exemple, peuvent résulter soit d'une maladresse,
matériels. En revanche, rares sont les délits formels.
acte positif, soit d'une négligence, simple abstention.
2°) L'infraction formelle
Elle est consommée indépendamment du résultat. Celle-ci ne fait plus partie de
Enfin et surtout, à la fin du XIXème siècle, on s'est demandé si certaines
infractions ayant le caractère d'une infraction de commission ne pourraient pas,
parfois, résulter d'une omission, dont il serait permis de dire
qut~ien\ à
commis~nomme se
la définition légale des éléments constitutifs de l'infraction. On cite, souvent,
une commission. Prenons le cas du meurtre, infraction de
l'empoisonnement, qui est consommé par le seul fait d 'avoir administré à une personne
noie, un autre passe son chemin sans lui prêter secours. Un tel comportement,
des substances toxiques et qui est punissable, quelles qu'en aient été les suites, même si
répréhensible sur le plan moral, ne peut-il être sanctionné? Peut-on le condamner pour
la victime n'est pas morte (Art. 221-5 N.CP.). Sont également des infractions formelles
: la fabrication de fausse monnaie, sans émission, ni mise en circulation (Art. 442-1
N.CP.), la corruption de fonctionnaire, punissable qu'elle "ait ou non produit son effet"
(Art. 433-1 N.CP.), l'incendie volontaire constitué dans sa matérialité par le fait de
mettre le feu à un certain objet ou par la destruction de l'objet par le feu (Art. 322-5
N.CP.). Ces divers exemples traduisent la spécificité du délit formeL L'infraction étant
meurtre? C'est la théorie célèbre de la commission par omission, consistant à assimiler
pleinement l'omission à l'action positive.
La jurisprudence a rejeté cette solution dont les conséquences regrettables ont
conduit à s'orienter vers l'admission délibérée des délits d'oInission.
1°) La position de la jurisprudence: Le rejet de la théorie du délit
de commission par omission
constituée par sa seule action, elle ne laisse pratiquement aucune place au d ésistement
volontaire de l'agent. L'infraction formelle constitue donc une protection de l'ordre
L'Anden Droit réprimait un tel délit sous l'influence du Droit Canon ; "qui peut et
public beaucoup plus efficace que le délit matérieL L'empoisonneuse qui, après avoir
n'empêche, pêche" disait LOYSEL. Mais le Code pénal n'a pas retenu cette conception.
administré un poison à sa victime, est saisie de remords, et lui fait absorber un
Droit individualiste, soucieux de faire prévaloir les droits individuels, il s'est bien gardé
contrepoison, demeure punissable. D'autre part, l'indifférence du résultat élargit le
d'édicter une disposition d'ordre général réprimant l'omission qui laisse planer parfois
domaine de la consommation de l'acte. On a pu écrire que l'infraction formelle était "la
�227
228
une certaine équivoque sur le comportement répréhensible de l'agent. Certes, les anciens
lN
articles 319 et 320 du Code pénal visant la "maladresse, imprudence, négligence et
L'article 434-1 N.C.P. punit de peines correctionnelles: "Le fait, pour quiconque
ayant connaissance d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou
dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être
empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois
ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende". Les parents et alliés des auteurs
inobservation des règlements" et le "défaut d'adresse et de précautions", en matière de
blessures et d'homicide par imprudence, avaient conduit très tôt les tribunaux à
consacrer l'omission. Mais était-il possible, en l'absence de dispositions générales, de
retenir l'homicide volontaire à la charge du riverain indifférent à la noyade du
jusqu'au quatrième degré sont toutefois dispensés de cette obligation. De son côté
baigneur?
l'article 223-6 N.C.P. énonce: "quiconque, pouvant empêcher par son action immédiate, sans
La jurisprudence avait refusé de procéder à une telle assimilation. Elle s'est
inspiré le roman de GIDE. Dans cette affaire, une certaine Blanche Monnier, aliénée,
risque pour lui ou pour les tiers, soit un fait qualifié crime, soit un délit contre l'intégrité
physique de la personne, s'abstient volontairement de le faire sera puni de 5 ans
d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende". On associe ainsi les particuliers à l'œuvre
avait été laissée par ses parents, dans une chambre, sans soin, ni air, ni lumière, dans
de la police par une action préventive. C'est la même idée qui inspire l'article 434-11
un état de saleté indescriptible, au point de compromettre son existence. Le tribunal
qui énonce: "Le fait, pour quiconque connaissant la preuve de /'innocence d'une personne
correctionnel avait condamné ses parents pour "délit de coups et blessures, violence et voies
de tels agissements ne sauraient constituer un acte de violence prévu par l'article 311
détenue provisoirement ou jugée pour crime ou délit, de s'abstenir volontairement d'en
apporter aussitôt le témoignage aux autorités judiciaires ou administratives est puni de trois
ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende" .
du Code pénal. Ce texte incriminait la privation volontaire de soins ou d'aliments aux
L'idée de solidarité humaine a été exprimée par l'article 63, al. 2, de l'ancien
enfants de moins de quinze ans. Or, en l'espèce, la victime avait depuis longtemps
code pénal repris dans l'article 223-6, qui sanctionne de 5 ans d'emprisonnement et de
dépassé cet âge 334. Cette solution pouvait être amplement justifiée par les raisons
500 000 F. d'amende: "quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en
suivantes: difficulté de prouver l'intention criminelle, l'abstention n'est pas la cause
directe du résultat, refus d'appliquer le raisonnement par analogie. L' incrimination de
péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son
action personnelle, soit en provoquant un secours ". Ce texte reprend la formulation de
non assistance à personne en pért! n'existait pas à cette époque. Néanmoins, le rejet de
l'ancien article 63 ce qui ne devrait pas modifier la jurisprudence. On soulignera la
notamment prononcée dans une affaire célèbre, dite de la "séquestrée de Poitiers", qui a
de fait". La Cour de Poitiers réforma ce jugement, en relaxant le prévenu, au motif, que
-la théorie du délit de commission par omission a fait l'objet de sévères critiques,
--
-
sévérité de celle-ci dans la précision des divers éléments du délit.
notamment de la part de certains criminologues. DE GREEFF estime, qu 'au point de vue
)1
Le péril doit être sérieux et son origine n'a pas à être prise en considération.
psychologique, l'omission n'est pas un néant, c'est un acte. D'autre part, cette solution
L'erreur d'appréciation est retenue, lorsqu'elle donne la conviction au prévenu qu'il n'y a
cadre mal avec les idées de solidarité de notre droit moderne.
pas de péril (témoin n'ayant pas porté secours à un blessé grave qu'il croyait ivre 335 ;
infirmière-chef qui, connaissant les troubles cardiaques d 'un malade, avait administré
2°) La position du législateur: l'admission du délit d'omission
une piqûre tonicardiaque 336 ; danseuse décédée à la suite d'une opération pratiquée
par un chirurgien plasticien ne lui ayant pas prodigué les soins que nécessitait son état
Le législateur s'est orienté vers l'admission délibérée des délits d 'omission. En
consécutif à l'opération non réussie 337 ; femmes enceintes se présentant dans un
vérité, les infractions de pure omission existaient dès l'époque de la codification
service d'hôpital afin qu'il soit procédé à leur avortement, refusé par le praticien et
napoléonienne. Mais elles étaient peu nombreuses. Le législateur, dans le courant du
ayant plaidé qu'elles étaient en état de péril, la décision constate que l'état de détresse
XXème siècle, les a multipliées : Abandon de famille, non-représentation d 'enfant,
dans lequel elles se trouvaient est différent de l'état de péril ; imminence du péril couru
omission de déclaration fiscale ou omission de passation d'écriture, et surtout les
par une personne âgée, séquestrée et privée de soins 338.
quatre infractions instituées par l'Ordonnance du 25 juin 1945 dans les articles 62 et 63
du Code pénal, éparpillées dans le nouveau code pénal.
334
Deux idées fortes traversent ces textes. D'une part, \'idée d'associer les
335
Crim. 17 décembre 1959, D. 1960-398, note BOUZAT; 5. 1960-1 76.
particuliers à l'œuvre de la police par une action préventive (art. 434-11 N.C.P.),
336
Crim. 25 juin 1964, D. 1964-594 ; Crim. 6 mars 1972, D. 394.
d ' autre part, l'idée de solidarité humaine (art. 223-7 N.C.P.).
337
Trib. corr. Rouen, 9 juillet 1975, J.c.P. 1976-2-18258.
338
Crim. 30 octobre 1990, aff. de Canson, j. Cl. pénal 1991-39.
Poitiers, 20 novembre 1901, D. P. 1902-2-81, note LE POITEVIN ; 5. 1902-2-305, note HEMARD.
�1
229
230
L'assistance, d'autre part, doit être donnée sous la forme la plus adéquate (beaupère sanctionné pour avoir laissé périr son gendre dans un trou d'eau pendant qu'il
allait chercher du secours au village voisin, alors qu'un bâton se trouvait à proximité
339). Mais, à côté du refus d'assistance que les tribunaux ont souvent relevé à la charge
des médecins (médecin refusant de porter secours à la victime d'une rixe qui perdait
son sang dans une rue voisine de son domicile, en se bornant à donner des instructions
par téléphone 340, l'assistance empirique est ignorée comme illusoire (thaumaturge chez
qui des parents avaient amené leur jeune enfant, se bornant à prier avec eux 341).
A - Délits simples et délits complexes
L'élément matériel peut consister, soit dans un acte unique (délit simple), soit
dans une pluralité d'actes (délit complexe). Mais, dans le second cas, les actes commis
peuvent être, soit de même nature, auquel cas
01\
parlera de délit d'habitude, soit de
nature différente, qualifiant alors l'infraction de délit complexe proprement dit.
JO> Délits simples et délits d'habitude
Enfin l'absence de risque n'est pas toujours commode à définir. A été condamné
un homme qui, sachant nager, ne s'était pas jeté à la rivière pour sauver un enfant de 13
l!l. 1& critère fk 1.tI distinction
ans qui se noyait 342 ; un médecin qui, ayant refusé de se rendre au chevet d'un malade,
la nuit, arguait pour sa défense une angine fébrile 343, tandis qu'a été relaxé un
automobiliste qui avait commencé par éteindre un véhicule qui brûlait avant de porter
secours à un mécanicien qui le réparait, au motif que l'incendie de la voiture risquait de
provoquer une explosion
344.
Sévère à l'égard des médecins
345,
souvent relaxés par le
Conseil de l'Ordre, la jurisprudence l'est aussi à l'égard des guérisseurs à qui elle refuse
le secours de l'ancien article 63 du Code pénal. Plus récemment, la Cour de cassation
en a fait l'application à la suite de poursuites pour exercice illégal de la médecine 346.
Le nouveau Code pénal ajoute à l'omission de porter secours l'entrave aux
mesures d 'assistance destinées à faire échapper une personne à un péril imminent ou à
combattre un sinistre (Art. 223-7).
§ 2 - CLASSIFICATIONS TEMPORELLES
il est aisé . Le délit simple ou d'occasion Oorsqu'on l'oppose au délit d 'habitude),
consiste dans un acte unique, c'est-à-dire que cet acte justifie à lui seul l'incrimination
(exemple : le vol qui consiste dans la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui
(Art. 311-1 N.C.P.). Le délit d'habitude suppose au contraire la répétition de plusieurs
actes semblables, dont chacun pris isolément n'est pas punissable (exemple: l'exercice
illégal de la médecine). L'article 227-21 permet de faire la distinction entre le délit
d' habitude et le délit d' occasion. Le texte énonce: "Le fait de prauoquer diredement un
mineur à commettre habituellement des crimes ou des délits est puni de cinq ans
d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende.
Lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans, /'infraction définie par le présent article est
punie de sept ans d'emprisonnement et de 1000 000 F d'amende".
Mw intérêts fk 1.tI distinction
ils sont importants. La prescription du délit d'habitude a pour point de départ le
Elles permettent de mettre en parallèle deux types d'infraction, les délits simples
et les délits complexes, les délits instantanés et les délits continus. Le critère de
destruction, dans ces classifications, présente l'intérêt essentiel de conditionner la
poursuite.
jour où a été accompli le dernier acte constitutif de l'habitude. Mais une difficulté
apparaît si les différents actes, au minimum deux d 'après la jurisprudence, sont
séparés par un délai plus long que la prescription. La Cour de cassation a décidé que
peu importait la durée d'espacement séparant les différents actes, dès lors que le
dernier acte entre dans les délais légaux de prescription~ Cette solution a été fort
339
Trib. cor. Aix, 27 mars 1947, D. 1947-304.
critiquée. La prescription est une mesure d'oubli. Si la loi décide qu'au bout d'un certain
340
Nancy, 27 octobre 1965, D. 1966-30, note LORENrZ.
temps une infraction doit être absoute, il devrait en être de même, à plus forte raison,
341
Crim. 29 juin 1967,J.C.P. 1968-IT-15377, note PRADEL.
342
Trib. cor. Abbeville, l2 juillet 1943, J.c.P. 1944-II-2624, note BORNECQUE.
343
Trib. cor. Riom, 20 mars 1947, D. 1947-304.
34 4
Trib. cor. de Bethune, 18 octobre 1950, J.c.P. 1951-11-5990.
345
Dr COLIN, placé en détention préventive, Nancy 27 octobre 1965 préc ..
346
Crim. 26 avril 1988, J.c.P. 1988-1-3 chrono BORRICAND, correspondance échangée entre l'un
des auteurs du livre "Suicide mode d'emploi" avec l'une des lectrices, ayant débouché sur le
suicide de celle-d.
pour un acte qui, à lui seul, n'est pas incriminé, et dont la moindre gravité se trouve
ainsi reconnue.
Un autre intérêt de la distinction se manifeste dans l'exercice de l'action civile.
Tant que l'infraction d 'habitude n'est pas réalisée, la victime n'a pas le droit d'exercer
d'action civile devant les tribunaux répressifs. Toutefois, si un acte unique lui a causé
un dommage, elle peut en demander réparation sur la base des articles 1382 et suivants
du Code civil.
�231
232
ZO> Délits simples et délits complexes proprement dits
JO> Intérêts de la distinction
ils se caractérisent, d'une façon générale, par un régime juridique plus sévère pour
al. L'infraction complexe
Elle comporte une double acception. Dans un premier sens, l'infraction complexe
les infractions continues, tant sur le plan de la procédure que sur celui du fond du
droit.
est l'infraction de droit commun commise sous l'empire d'un mobile politique. Nous
al. mIe. pltm ll.e..1a. procédure
l'avons déjà rencontrée et ce n'est pas cet aspect qui nous intéresse. Dans un deuxième
sens, elle se définit comme comportant une pluralité d'actes, de nature différente,
coordonnés et concourant à une fin unique. L'exemple le plus typique est l'escroquerie
qui consiste à se faire remettre une chose par le moyen de manœuvres et un acte
d'acceptation de remise de la chose (Art. 313-1 N.CP.).
hl 1.fu particularisme affirmé s'attache il. l'infraction complexe
La compétence des délits instantanés est déterminée par le lieu de leur
commission, tandis que celle des délits successifs est multiple. La prescription des
premiers a pour point de départ, le jour de la réalisation de l'acte, tandis que celle des
seconds ne débute que le jour où l'acte délictueux a pris fin (ainsi, en matière de recel,
la prescription commence le jour où le receleur s'est débarrassé de l'objet qu'il détenait).
Enfin une loi pénale nouvelle, même si elle est plus rigoureuse, s'applique à l'infraction
L'incrimination exige une pluralité d'actes. La compétence de la juridiction est
fonction des lieux où les divers actes ont été accomplis. Elle est donc souvent multiple.
d'habitude dès lors que le dernier acte qui la constitue est postérieur à l'entrée en
vigueur de cette loi.
Enfin, le point de départ de la prescription se situe au moment de l'accomplissement
du dernier acte constitutif de l'infraction et se trouve retardé d'autant. Ce dernier trait
de son régime juridique évoque une autre catégorie d'infractions, celle des infractions
continues, avec laquelle, cependant, il faut bien se garder de la confondre.
M B - Délits instantanés et délits continus
V
rn il-Q,l."it ~u (),)-
L'application de la loi pénale plus sévère est commandée par le prindpe de la
non-rétroactivité pour les délits instantanés, tandis que les délits successifs sont
immédiatement sanctionnés, même si des actes ont commencé avant la loi nouvelle. Les
p
L'infraction pénale suppose un certain temps pour son exécution. Cependant,
certaines infractions se réalisent en un laps de temps d'une durée négligeable, alors que
lois d'amnistie, d'autre part, ne sont pas applicables à l'infraction continue qui persiste
aprè~
la loi d'amnistie. Enfin, la durée de la peine peut parfois varier en fonction du
temps écoulé. Ainsi le délit de séquestration de personnes est sanctionné d'une pénalité
variable selon la durée de la séquestration (Art. 224-1 N.C.P.).
d'autres nécessitent pour leur accomplissement un temps plus ou moins long. Les
premières sont appelées des délits instantanés (ex. le vol est consommé dès que la
soustraction frauduleuse est réalisée). Les secondes sont qualifiées de délits continus:
ex. port illégal de décorations (Art. 433-14 N.CP.). - recel de choses (Art. 321-1
2°) Critère de distinction
La distinction des infractions instantanées et des infractions continues est
malaisée à opérer pour plusieurs raisons.
N.CP.), délit de construction sans permis (Loi nO 480-4 C urbanisme), délit
Raison théorique: les auteurs ne s'accordent pas toujours sur la terminologie à
d 'insoumission à l'obligation du service militaire (Art. 375 et 397 C. just. mil.), délit de
employer, et la jurisprudence dans un souci de répression, analyse parfois certains
proxénétisme (Art. 225-5 N.C.P.). En somme, l'infraction instantanée est un fait,
l'infraction continue est "un état de fait". Toutefois cette distinction, apparemment
délits instantanés en délits continus.
Raison pratique : la commission des infractions instantanées est souvent
simple, se révèle délicate à l'examen, car la jurisprudence opère souvent des confusions
accompagnée de faits qui se prolongent pendant un certain temps, leur donnant
pour appliquer à l'infraction considérée tel ou tel régime. il importe donc de préciser les
l'aspect d'infractions continues. Ainsi, en matière de vol, si la soustraction se réalise
intérêts de la distinction pour tenter ensuite d 'en rechercher le critère.
généralement en peu de temps, la détention de l'objet peut parfois durer très
longtemps.
c1m
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J.oJ-rjNJt __ ~"\fllAÂ ~
0--:> [1M-1 e.u "'-' .
�233
234
al W délits instantanés
SECTION Il - LA NÉCESSITÉ DE L'ÉLÉMENT
MATÉRIEL
ils s'exécutent en un seul laps de temps (ex. : le meurtre, le vol). Entren t dans
cette catégorie deux types de délits :
1) Le délit répété ou continué, consiste dans la répétition de plusieurs actes
Le Code pénal, parti de la conception objective, exigeait la commission d'un acte.
matériels qui, pris chacun isolément, constituent une infraction punissable (ex. : le
Celui-là seul manifestait à l'évidence le caractère antisocial de son auteur, mais cela ne
serviteur qui dérobe chaque jour, une somme d'argent à son maître) ;
2) Le délit permanent se réalise en un seul trait de temps, mais ses conséquences
signifiait pas nécessairement qu'il faille que ce dernier soit parvenu à son but. La
se prolongent pendant une durée plus ou moins longue (ex. : la bigamie, la construction
tentative était réprimée pour les infractions les plus graves. L'École positiviste et, à sa
sans permis de construire). il est donc soumis aux règles des délits instantanés et,
suite, les doctrines subjectives modernes sont allées beaucoup plus loin. Elles
notamment, la prescription doit avoir pour point de départ la date où l'acte a été
considèrent que des mesures préventives s'imposent à l'encontre de l'individu qui n'a
commis, et non le jour où les suites de l'acte ont disparu .
Cette solution, logique sur le plan des principes, est apparue regrettable pour les
tribunaux en ce qui concerne les intérêts de la répression. C'est pourquoi la
jurisprudence a tendance, et c'est ce qui explique la confusion entre délit permanent et
#1"
,:")\t
pas encore manifesté sa volonté criminelle, mais dont le comportement laisse craindre
j\(l'l\'.l p' II'I-P )\\ ~~q" la commission future d'une infraction. Le droit pénal contemporain sans consacrer
~è<') ~vN'~lJ,.
~
li \
pleinement ces idées, a élargi, cependant, la notion d'élément matériel. A côté du droit
pénal classique imposant un acte suffisamment concrétisé, le droit contemporain fait la
(l'
place à un acte matériel simplement virtualisé.
délit successif, à traiter, quant à la prescription, le premier comme le second, en
confondant les conséquences de l'infraction avec ses éléments constitutifs. La question
§ 1 - ACTE CONCRÉTISÉ
s'est posée pour une escroquerie ayant pour but l'obtention d'un titre permettant la
perception ultérieure d 'arrérages périodiques. La Cour de cassation a décidé que, dans
ce cas, la prescription commence à courir, non pas du jour de la décision d'admission
Il est rare qu'une infraction à la loi pénale soit improvisée et subite. Le plus
au bénéfice de la retraite, mais seulement de celui où les versements auront cessé d'être
souvent, sa commission est le résultat d 'une série de faits d'ordre psychologique et
effectués 347. Mais la Chambre criminelle est revenue sur cette position >18.
matériel, qui se succèdent dans le temps. A partir de quel moment la loi pénale peutelle intervenir? Cest le problème de la tentative interrompue.
.
hl W délits successifs Q1! continus
Parfois même, l'agent a accompli tous les actes qu'il se proposait, mais n'a pas
ils impliquent la notion de durée pour la constitution de l'élément matériel. ils
atteint le résultat qu'il poursuivait. De tels agissements sont-ils incriminables? Cest
s'exécutent en un certain laps de temps, au cours duquel se manifeste toujours la
l'hypothèse de la tentative infructueuse. En ce domaine, comme en beaucoup d'autres,
volonté coupable de l'auteur. Ce peut être, soit un délit d 'action : port illégal de
s'opposent deux conceptions du droit pénal.
décorations, (Art. 433-14 N.C.P.), séquestration arbitraire, (Art. 224-1 KC.P.), soit un
La conception objective s'attache au trouble social causé par le délit et la gravité
délit d 'omission: non représentation d'enfant (Art. 227-5 N.C.P.). Le point de départ
de ce trouble. Elle conduit à une notion de tentative restrictivement interprétée, et à
de la prescription remonte au jour de la cessation de l'acte délictueux.
Au sein de ces délits successifs, la doctrine a dégagé la notion de délit collectif
l'impunité du délit impossible.
La conception subjective, en revanche, est fondée sur la culpabilité du
par unité de but. L'infraction se réalise par une pluralité d 'actes matériels, mais reliés
délinquant. Elle est la même, que l'exécution ait été complète ou seulement commencée,
par une même résolution criminelle (ex. : vol de courant électrique en actionnant un
qu'elle ait réussi ou qu'elle ait manqué, qu'elle ait été possible ou impossible.
~commutateur). Cette analyse permet aux tribu.n aux d'appliquer la prescription à
Le droit français, après avoir consacré la théorie subjective dans l'Anden Droit
compter du dernier acte frauduleux réalisé, mais pour incriminer l'ensemble des
-"La noirceur du crime consiste moins dans le fait que dans le dessein" disait JOUSSE- a
agissements matériels qui, pris isolément, pourraient, du moins pour les premiers,
échapper à la répression, la cour de cassation consacre la notion de délit collectif.
/C
adopté à l'époque révolutionnaire, la théorie objective conduisant à une impunité de la
tentative. On s'est vite rendu compte des excès d'une telle théorie. Cest pourquoi les
rédacteurs du Code pénal avaient opéré un compromis entre les deux conceptions. Aux
347
crim. 1er mars 1955, 0 . 1955-348.
348
Crim.15 décembre 1965, B. nO279.
termes de l'article 2 du Code pénal, "Toute tentative de crime qui aura été manifestée par
�235
236
un commencement d'exécution, si elle n'a pas été suspendue ou si elle n'a manqué son effet que
raisons que précédemment. L'acte peut revêtir un caractère équivoque et, d'autre part, il
par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, est considérée comme le crime
même". L'article 3 du Code pénal ajoutait: "Les tentatives de délits ne sont considérées
faut inciter le délinquant éventuel à ne pas persévérer dans la voie où il s'est engagé.
comme délits que dans les cas déterminés par une disposition spéciale de la loi". En revanche,
altération de clefs, Art. 132-73 N.CP.).
la tentative de contraventio
"
. .
Exceptionnellement, le Code réprime les actes préparatoires, (ex. : contrefaçon ou
·mée. Le travail d'interprétation
- Le commencement d'exécution, en revanche, est toujours réprimé parce qu'il
entrepris par les tribunaux a permis de préciser les divers aspects de la tentative, selon
se situe à une distance très proche de la consommation de l'infraction. C'est ce
qu'elle apparaît interrompue ou infructueuse.
qu'énonce l'article 121-5 CP. prédté : "La tentative est constituée dès lors que manifestée
Le nouveau code pénal n'apporte pas de modifications sensibles. En effet
par un commencement d'exécution ... " (ex. : l'appréhension matérielle de la chose est un
'f.&-,['i n A~ion , la personne qui: 1°) commet les
commencement d'exécution du vol). En réalité, la frontière est délicate à tracer entre
ettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit".
l'acte préparatoire et le commencement d'exécution. Tout dépend de la conception
l'article 121-4 rappelle que: "Est auteur
faits incriminés ; 2") Tente de
COIll
r~~
""t-
n n'y a donc pas de tentative de contravention.
adoptée en ce domaine.
L'article 121-5 ajoute: "La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un
commencement d'exécution , elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de
Pour la clarté de l'exposé il apparaît souhaitable d'envisager successivement trois
critères:
circonstances indépendantes de son auteur". La seule différence avec le droit ancien, est
- Doctrinal
que le nouveau code n'assimile pas la tentative à l'infraction consommée, mais déclare
- Jurisprudentiel
auteur de l'infraction, non seulement celui qui commet les faits incriminés, mais aussi
- Crirninologique
celui qui tente de les commettre (Art. 121-4 N.CP.). Il semble donc que la
jurisprudence ne ôoive pas, pour l'avenir, devoir subir de modifications sensibles, qu'il
Y
ru Critère doctrinal
~ r 'le vi' 1 ;~
~L~'~
/'J iU- d.,.u ~
1
,
1
v·
Pour les partisans de la doctrine objective; le commencement d 'exécution n'est
s' agisse de la tentative interrompue ou de la tentative infructueuse.
réprimé que lorsqu'il figure, soit dans les éléments constitutifs, soit dans les
A - La tentative interrompue
circonstances aggravantes de l'infraction, posés par le Code. Ainsi, le vol ne sera
constitué que lorsque le voleur aura posé la main sur l'objet. Cette analyse,
L'article 121-5 N .CP. impose deux conditions fondamentales
un
satisfaisante dans la mesure où elle définit avec précision le commencement
d'exécution, est critiquable, car elle accorde une impunité scandaleuse à des actes très
commencement d'exécution et une absence de désistement volontaire.
proches du résultat final . Elle n'a obtenu aucun succès en pratique.
JO) Commencement d'exécution
A l'inverse, pour la conception subjective, le commencement d 'exécution est
entendu de façon beaucoup plus large. C'est tout acte qui témoigne d'une volonté
)
Cette exigence, posée par le Code, doit permettre de ne laisser planer aucune
définitive et arrêtée de commettre le crime. C'est, écrit DONNEDIEU DE VABRES,
équivoque sur l'intention criminelle de l'agent. La "trajectoire du crime" (îter crirninis)
"lorsqu 'il existe, entre le mal commis par l'agent et le but qu'il se proposait, une distance
n'est donc sanctionnée que dans sa phase finale. Deux étapes, l'une psychologique,
morale si faible que laissé à lui-même, il l'aurait presque certainement franchie". Dans cette
l'autre matérielle l'ont précédé.
conception, l'intention criminelle n'est pas une certitude, mais une très forte probabilité.
- La résolution criminelle constitue la phase psychologique du processus
Ainsi, quelqu'un découvert la nuit, déchaussé, dans une maison habitée, sera poursuivi
criminel. Elle échappe à la répression, parce qu'elle suppose des mesures d'inquisition
pour tentative de vol, bien que sa présence dans les lieux laisse place à d 'autre
délicates, et parce qu'on doit encourager sa révocabilité. Cependant, le législateur
hypothèses: curiosité, jeu, abri pour la nuit. Cet exemple illustre que cette conception
réprime exceptionnellement la résolution à titre de délit spécial (ex. : menaces écrites ou
n'est pas à l'écart de toute critique. Aussi d'autres auteurs ont-ils voulu donner plus de
verbales, Art. 222-17 N .CP. ; association de malfaiteurs, Art. 450-1 N.CP.).
rigueur à cette conception. GARRAUD propose de ne retenir que l'acte tendant
~,'agit
"directement et immédiatement à la perpétration du crime ou du délit", tandis que d'autres
d 'agissements matériels qui permettent au malfaiteur de réunir les divers instruments
opposent l'acte univoque qui ne peut s'expliquer que par l'intention criminelle de son
- Les actes préparatoires représentent la deuxième phase de la tentative. Il
du crime (ex. : l'achat d 'une arme). L'impunité est également accordée, pour les mêmes
�237
238
auteur, et l'acte équivoque, susceptible de plusieurs interprétations et assurant
modification de l'étiquetage d'un produit lors de sa présentation à la caisse d'un
l'impu 'té à son auteur.
'h1 ~ ..~#\~i\
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qu'ils re '
Depuis plus d'un siècle, la Cour de cassation exerce son contrôle sur
précisée. Au début
IN. \1(
d~ siècle,
la
-
ommer une infraction déterminée. Cependant, il faut
entre acte équivoque et acte univoque, ni censuré les décisions qui s'appuient sur les
aveux du coupable ou aux circonstances extérieures révélatrices de ses intentions
véritables. Le départ d'un directeur d'usine pour l'étranger, fait objectivement
équivoque, peut-être révélateur du désir de révéler un secret de fabrique, 359 ; le fait de
creuser la surface d'une tombe, acte constitutif du délit de violation de sépulture
apparaît équivoque pour faire admettre la tentative de vol : 360 ; le fait pour deux
étant entré dans la période d'exécution 351.
.'<.
De cette jurisprudence, il résulte que nos tribunaux exigent deux éléments pour
.§"
êtée d co
bien souligner que la Chambre criminelle n'a jamais dit qu'elle se référait à la distinction
Ch~bre c~~elle déf~issait , le .comm,~ncement
X A l'heure actuelle, elle hésite entre deux formules. De façon subjective, elle définit
le commencement d'exécution comme étant l'acte qui "tend directement au de1it lorsqu'il a
été accompli avec l'intention de le commettre" 350. De façon objective, elle le qualifie"
d'acte devant avoir pour conséquence directe et immédiate de consommer le crime" celui-ci
~'J
'-Sv
r.-w-;~ ~~
nent la tentative, c'est que les faits accom lis ne ouvaient s'ex liquer ue •
par la olonté bi
d'exécution "L'acte e.rteneur auquel Il n a manque qu un complement d executzon 349.
dl
'
A lire les arrêts, il semble qu'ils se réfèrent à la conceptio ~nivoq~ Chaque fois
hl Critère jurisprudentiel
l'appréciation judiciaire du commencement d'exécution. Mais la notion mérite d'être
0 1,
c.-Y' J
~
supermarché 358.
J." ck:s
individus de se promener sur la voie publique la nuit en compagnie d'un troisième
individu porteur d'une pince-monseigneur, acte équivoque, est un commencement
qu'il y ait commencement d'exécution: une intention irrévocable et un lien de causalité.
d'exécution, si les individus ont avoué leur intention de réaliser un vol. 361. Dans tous
>c - Tout d'abord, il faut une intention irrévocable. Celle-ci se déduit des espèces
ces exemples, l'acte est équivoque. Pourtant la juridiction a estimé qu'il y avait
suivantes: personne trouvée sans chaussures dans une maison habitée 352 ; médecin
tentative punissable.
~ .j'acceptant de procéder à un avortement, percevant des honoraires et arrêté au moment
L'existence du lien de causalité constitue le deuxième élément exigé par la
de se rendre chez sa cliente 3S3 ; malfaiteurs cachés dans une cage d'escalier avec un
jurisprudence. Il permet de situer le commencement d'exécution dans un temps
arsenal de cambrioleurs dans le but d'attaquer un encaisseur 354 ; effraction d'un
relativement proche des opérations de consommation proprement dites. Ainsi, est
véhicule automobile et installation au volant 355 ; malfaiteurs arrêtés au moment de
punissable l'individu trouvé la nuit, déchaussé dans une maison habitée, 362 ; des
l'arrivée d 'une camionnette chargée de fonds et trouvés porteurs de revolvers, les uns à
malfaiteurs trouvés dans une cage d'escalier au moment du passage d 'un encaisseur,
bord de véhicules volés, les autres à pied, tous munis de gants, faux nez, bombes
363 ; des malfaiteurs arrêtés au moment de l'arrivée d'une camionnette chargée de
lacrymogènes, ne laissant aucun doute sur leur projet criminel 356 ; Totalisateur d'un
fonds, 364 ; médecin trouvé les mains enduites de vaseline à proximité d'une femme
véhicule automobile indiquant un kilométrage inférieur au kilométrage réel 357 ;
enceinte allongée, 365.
~
En revanche, la Chambre criminelle s'est refusée à admettre la tentative dans les
affaires suivantes: instigateur d'un meurtre payant un homme de main qui n'a pas
fi\
349
Crim. 10 août 1906, B. n° 333.
350
Crim. 4 août 1927, S. 1929-1-33.
351
Crim. 25 octobre 1962, LACOUR, D. 1963-221, note BOUZAT, ].CP. 1963-11-12985, note
VOUlN, individu ayant pris contact avec un homme de main pour l'inciter, moyennant
finance, à commettre un assassinat; SCHlEB, réf. ibid ., individu ayant foumi de l'argent et
une arme à un exécutant.
commencé l'acte demandé: 366 ; mineur ayant remis de l'argent pour l'achat de drogue,
358
Crim. 9 mars 1983, D. 1984-209, note DEVEZE.
359
Crim. 4 juillet 1903, S. 1904·1-105.
360
Fort de France, 22 septembre 1967, J.CP. 1969-II-15553, note BlSW ANG .
361
Tribunal de police Nanterre, 6 juillet 1971 ; R.S.C 1972-100, obs. LEGAL.
352
Crim. 1er mai 1879, S. 1880-1-233, note VILLEY.
353
Crim. 30 juillet 1942, J.CP. 1942-U-2054, note BROUCHOT.
354
362
Crim. 3 janvier 1913, D.P. 1914-1-41, note DONNEDIEU DE VABRES; S. 1913-1-281, note
ROUX.
Crim. 1er mai 1879, précité.
363
Crim. 3 janvier 1913 précité.
355
Crim. 28 octobre 1959, J.CP. 1960-II-1l343, note CHAMBON.
364
Crim. 22 décembre 1970 précit.
356
Crim. 29 décembre 1970, J.c.P. 1971-11-16770.
365
Crim. 16 mars 1961, B. nO 172, etc ....
357
Crirn. 5 juin 1984, D. 1985-l.R.-89.
366
Crim. 25 octobre 1962, deux espèces, précitées.
�239
240
alors qu'un contact avec le vendeur n'a pas encore été pris 367, propriétaire d'un camion
son projet criminel, ne mérite pas d'être puni. Sur le plan social, en assurant l'impunité
incendiant sa propre chose, sans faire de déclaration de sinistre 368.
à l'agent, on l'encourage ainsi à renoncer à l'exécution de son projet criminel, tant que
Ces critères jurisprudentiels demeurent encore très éloignés des préoccupations
cri.minologiques.
celui-ci n'est pas achevé. Mais il faut préciser en quoi consiste la notion de désistement,
et à quel moment il doit se manifester.
(
l
ru Notion, Désistement volontaire QlI. involontaire
cl Critère criminologique
Pour les pénalistes, le commencement d'exécution est le signe tbbjecti du
caractère irrévocable de la résolution criminelle d'un délinquant qui a
~
La définition du désistement volontaire est moins facile qu'il ne parait au premier
, son
abord. Sans doute, n 'y-a-t'il pas de difficulté si le désistement est spontané (remords,
action. L'iter criminis comprend quatre phases: le projet, les actes préparatoires, le
peur). Dans ces cas, l'agent n'encourt aucune sanction. A l'inverse, il n'y a pas de
commencement d'exécution, enfin la consommation. li permet de faire apparaître le
problème non plus si le désistement est dû à une cause externe (au moment où le
seuil à partir duquel l'agent sera réprimé.
meurtrier s'apprête à tirer, quelqu'un lui saisit le bras). Mais, dans la plupart des cas, le
Pour les criminologues, ce découpage est artificiel et schématique. ils soutiennent
désistement revêt une nature mixte. Une cause externe a pesé sur la volonté de l'agent
que les vicissitudes de la psychologie du sujet sont susceptibles de modifier cette
pour l'inciter à abandonner son projet (mis en joue, l'agent a renoncé à son projet
chronologie des actes.
meurtrier). On a dit qu'il y avait mixture de causalité et de volonté. Plus simplement,
2/Pour de GREEFF, dans le processus d'acte grave, on ne retrouve pas trace d'une
on peut dire que le désistement est volontaire, sans être spontané.
décision criminelle réfléchie. Ce n'est pas au plan de la volonté que se déclenche le
La solution, admise par les tribunaux, consiste à rechercher quel est l'élément
passage à l'acte, mais au plan d'un état dangereux qui peut surgir, même au stade des
prépondérant dans la décision de l'agent. La jurisprudence est plutôt sévère
actes préparatoires. L'occasion de l'infraction n'a plus à être recherchée. C'est le cas du
(désistement d'une tentative de vol au moment de l'arrivée de passants; tentative
crime passionnel.
d'escroquerie à l'assurance abandonnée en présence d'une enquête judiciaire susceptible
En revanche, dans le processus de maturation criminelle, propre au délinquant
de dévoiler la supercherie).
professionnel, il y a deux éléments: l'adoption délibérée d'une carrière criminelle et
hl Moment, Désistement volontaire ct. repentir gQjf.
l'acquisition des techniques nécessaires à l'exercice de son activité coupable.
A la vérité, ces enseignements criminologiques sont difficilement utilisables en
droit positif. Cependant, on a montré qu'ils présentent une utilité à un double titre.
- Permettre une nouvelle classification des délinquants ;
- Développer les moyens de détection des possibilités de crime.369
Le d ésistement volontaire se situe avant la consommation de l'infraction. Il vise à
en interrompre le processus. Au contraire, le repentir actif se situe après la
consommation de l'infraction. Il consiste à réparer le préjudice subi par la victime
(restitution de l'objet volé). A la différence de certaines législations étrangères, le droit
français ne tient pas compte du repentir actif, sauf dispositions particulières (ex. :
2°) Absence de désistement volontaire
l'auteur d 'une séquestration bénéficle d'une diminution de peine s'il rend la liberté à sa
victime avant le septième jour de la séquestration: (Art. 224-1 , al. 3 N.C.P.) ; le
L'établissement du commencement d'exécution ne suffit pas pour que soit
réprimée la tentative. Encore faut-il que cette exécution n'ait pas été suspendue par des
permettant l' identification des autres participants (Art. 414-3 N.C.P.).
circonstances indépendantes de la volonté de son auteur. La tentative volontairement
La détermination de la date du désistement volontaire n'est pas toujours
arrêtée échappe à l'incrimination légale. La justification de cette solution est double.
possible. Elle peut être effectuée pour le délit matériel puisque la consommation
Sur le plan moral, celui qui a l'intention de commettre un crime, mais qui a abandonné
n'existe que si le résultat voulu par l'auteur a été atteint (ex.: le meurtre suppose la
367
Crim. 15 mai 1979, D. 1980-409, note CAMBASSEDES.
368
Crim.22 mai 1984, D. 1984~2, note J.M. ROBERT; cf. DEVEZE, Le commencement d'exécution
de l'infraction en jurisprudence, RS.C. 1981-m.
369
participant à un complot est exempt de peine s'il révèle aux autorités l'entente établie
ROUJOU DE BOU BEE, La genèse de l'acte infractionnel in Confrontation de la théorie
générale de la responsabilité pénale avec les données de la criminologie. Annales Faculté de
TOULOUSE, t. xvn, fascicule 1-1969, p. 61.
morth
n revanche, le d élit formel est consommé, même si le résultat ne s'est pas
produit. Donc, dès ce moment, le désistement volontaire est devenu impossible,
puisque tous les éléments de définition légale de l'infraction sont déjà réunis (ex. : celui
qui, pris d e remords, fournit un antidote après avoir administré du poison à sa victime,
�241
242
ne peut invoquer le désistement volontaire, l'administration de substances toxiques
convaincant. Un argument de politique criminelle consisterait à affirmer qu'aucun
étant le seul élément constitutif de l'empoisonnement).
Cette solution, qui maintient ainsi l'incrimination dans les délits formels, est
trouble n'a été porté à l'ordre social et que, de ce fait, l'impunité doit jouer. Ce serait
difficilement admissible, car elle n'encourage pas au désistement, si l'on admet, chez les
Une conception subjective, devant l'absurdité des résultats de la conception
faire bon marché de la volonté criminelle évidente qu'a révélée le criminel.
délinquants, une connaissance du Code pénal, ce qui est douteux. En revanche, si tous
précédente, a soutenu la thèse de l'incrimination, car le délit impossible révèle plus que
les actes constitutifs de l'infraction ont été accomplis, n'est-il pas normal que l'auteur
la tentative, l'intention coupable de l'auteur. Les Positivistes et, à leur suite, les
encoure une peine quel que soit le résultat obtenu?
criminologues contemporains, soulignent que l'infraction impossible demeure la
concrétisation d'une volonté criminelle dangereuse. Toutefois, une réserve est apportée.
_
\
B - La tentative infructueuse
C'est le cas où les moyens mis en œuvre par l'agent apparaissent si dérisoires qu'ils
révèlent l'inaptitude de celui-<i, voire sa stupidité (ex. : tirer un coup de feu à une
il arrive parfois que le résultat poursuivi par l'agent n'ait pas été atteint. Tous les
actes matériels tendant à la réalisation de l'infraction ont été accomplis, mais ils n'ont
distance invraisemblable).
;0 Enfin, une conception intermédiaire se révèle plus nuancée. Certains ont
pas été couronnés de succès. Cette exécution infructueuse caractérise le délit manqué et
proposé de distinguer entre l'impossibilité absolue (meurtre sur un cadavre), et
le délit impossible.
l'impossibilité relative (tirer dans une pièce vide), celle-d seule justifiant la répression
(ORTOLAN). Mais on a pu objecter que la n~tion d'impossibilité ne comporte pas de
la) Le délit manqué.
degré. D'autres opposent l'impossibilité de droit (tirer sur un cadavre), qui implique
----
l'absence d 'un élément constitutif de l'infraction -le droit ne saurait protéger des
il ne soulève aucune difficulté particulière. L'échec est dû à une circonstance
"fantômes de droit" (ROUX)- à l'impossibilité de fait (poche momentanément vide, cas
indépendante de la volonté de l'auteur (il tire, mais rate son adversaire). La culpabilité
où le délinquant est juridiquement répréhensible) (GARRAUD).
du premier ne fait aucun doute. C'est pourquoi l'article 121-5 N.C.P. assimile
complètement l'infraction manquée à la tentative interrompue ... "la tentative est
Xl hl La jurisprudence
constituée dès lors que manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou
Sensible à ces différentes doctrines, la jurisprudence a évolué. Dans une première
n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de son auteur".
étape, elle avait admis la doctrine objective (coups de feu tirés dans une pièce
momentanément vide). Puis, vers le milieu du XIXo siècle, la conception intermédiaire a
20 ) Le délit impossible
paru triompher. La Cour de cassation consacrait la distinction doctrinale entre
En revanche, il a suscité de vives controverses. Le résultat ne pouvait pas, à
l'impossibilité absolue et l'impossibilité relative. L'impossibilité absolue a été appliquée
priori, être obtenu, mais l'auteur l'ignorait. il y a impossibilité matérielle d 'exécution,
pour des manœuvres abortives pratiquées sur une femme supposée
encei te. En
(PH &neC,,1 )
ignorée de l'agent (ex. : tirer sur une personne déjà morte; plonger la main dans une
revanche, l'impossibilité relative a été illustrée à plusieurs reprises (tentative de vol
poche vide).@
dans un tronc d'église momentanément vide, tentative de meurtre par des coups de feu
suence législati!) a suscité des controverses doctrinales et
O
jurisprudentielles passionnées depuis le début du XIX siècle. Les rédacteurs du
tirés dans une pièce provisoirement inoccupée par la personne que le meurtrier voulait
nouveau code pénal n'ont pas jugé utile de légiférer en la matière.
atteindre). Enfin, depuis 1928, les tribunaux semblent appliquer la thèse subjective
370.
al LB. doctrine
A été jugée punissable, la tentative d'avortement à l'aide d'injections d'eau de
Cologne, substance impuissante à provoquer l'avortement. La tentative de vol dans une
Elle a été partagée au cours du XIXosiècle entre trois théories.
chambre d'hôtel vide ou dans une automobile vide. Reste le cas particulier des
Une conception objective a affirmé, au début du siècle dernier, la thèse de
infractions supposant, comme condition préalable, la vie de la victime (homidde
l'impunité. Deux arguments ont été développés à l'appui. Argument rationnel: la
volontaire, viol). L'agent poursuivi pur tentative d' homicide volontaire ou de viol peut-
tentative suppose un commencement d'exécution. Or on ne saurait exécuter ce qui est
inexécutable. Il est facile de répondre que l'impossibilité est attachée, non aux actes
d 'exécution, mais au résultat de ces actes. Le second argument n'est pas plus
370
Crim. 9 novembre 1928, D. 1929-2-97, note HENAY.
�243
244
il opposer qu'en réalité sa victime était déjà décédée au moment où l'infraction avait
§ 2 - ACTE VIRTUALISÉ
été réalisée.
Jadis, certains auteurs l'avaient admis (ROUX, GARRAUD). En revanche, la
}
jurisprudence s'y est toujours refusée. La Chambre d'accusation de Paris avait renvoyé
Le droit pénal classique estimait que seul un agissement positif traduisait sans
en cours d'assises un individu qui avait tiré sur une victime tuée immédiatement
équivoque l'intention criminelle de l'auteur de l'acte. Les progrès des sciences pénales
auparavant par une autre, mais maintenue debout par l'élan de sa course 371 Peu
ont révélé que cette intention criminelle pouvait également être déduite d'une pure
après, la Cour de cassation a approuvé la Cour d'assises d'avoir condamné, pour
abstention ou d'un simple comportement. ROUX observait déjà : "Il ne faut pas attacher
meutre, deux individus qui avaient agi de concert et dont l'un nécesairement avait
au mot, acte, la significaiion d'une activité positive, caractérisée par un mouvement physique
du corps ; cette expression doit être prise dans son acception la plus large, aussi bien Rositive
que négative". 374
~ tA) fk M d..L ~'\l. >t p>fi'lcti ~
.L> ,,J
frappé la victime alors qu'elle était déjà morte 372. Enfin, dans le célèbre arrêt
PERDEREAU, en date du 16 janvier 1986 373, la chambre criminelle a approuvé la
condamnation portée contre un accusé poursuivi pour tentative de meurtre et qui, en
A - Abstention délictueuse
réalité, avait tué un mort: en effet le fait que la victime fut déjà décédée est une
"circonstance indépendante de la volonté de son auteur". Le projet de Code pénal français
de 1934 avait consacré cette jurisprudence: "l.Jj tentative est punissable alors même que le
Une obligation pénale d'agir, rare sous l'empire de la stricte liberté individuelle,
est de plus en plus fréquente dans le droit moderne; on peut en donner quelques
but recherché ne pouvait être atteint, à raison d'une circonstance de fait ignorée de l'auteur" et
illustrations :
avait reçu une application dans l'anden article 317 ("femme enceinte ou supposée
- Les exigences de la solidarité sociale ont commandé la rédaction des anciens
enceinte ").
articles 62, 63 du Code pénal sanctionnant un certain nombre d'omissions jugées
n serait erroné cependant, de condure à une application généralisée de la thèse
subjectiv~ On s'accorde en premier lieu, pour exclure du champ de la répressl;;;
particulièrement graves devenues les articles 223-6 et 7, 434-1 et 11 N.CP .. Nous
avons déjà pu remarquer que ces textes reçoivent de très nombreuses applications
l'infraction dite surnaturelle, qui consiste à attirer le malheur sur autrui en invoquant le
pratiques;
- L'influence étatique s'est faite sentir sur les dtoyens en de nombreux domaines :
secours de Dieu, du diable, ou de certaines puissances. L'absurdité des ~oyens
• ou la SlIDp
'
liCl't e' d' espnt,
. exp l'lquent l"IIDpumte.
.. D e meme,
~- Il'''''la""':JUrisprudence
'\1.......
, ~11\.
emp1oyes,
obligation mise à la charge des parents de faire procéder à la vaccination de leur
s'est toujours refusée à sanctionner l'infraction putative, c'est-à-dire celle qui n'existe
enfant, obligation mise à la charge des automobilistes de se soumettre au test
que dans l'imagination de l'auteur (ex. : enlèvement d 'une jeune fille majeure en la
alcoolique, obligation mise à la charge des commerçants de tenir certains livres ;
croyant mineure). Enfin, il arrive que les tribunaux ne fassent jouer la répression que si
- Le droit pénal devient souvent un auxiliaire du droit civil, par exemple par la
la victime a été lésée. Ainsi, il a été fréquemment jugé que le faux n'est punissable que
création du délit d'abandon de famille ou par celui de la non-représentation d 'enfant.
dans la mesure où un préjudice est possible. De son côté, enfin, le Code pénal exclut
parfois expressément la répression de l'infraction impossible. Ainsi, l'article 301 ne
B - Comportement répréhensible
reconnaissait l'empoisonnement qu'en cas d 'administration de substances "qui peuvent
donner la mort plus ou moins promptement" cf. la définition du nouveau Code pénal :
"fait d'attenter à la vie d'autrui par l'emploi ou l'administration de substances de nature à
positif, qui se veut non plus seulement répressif, mais préventif. On parle de
entraîner la mort " (Art. 221-5 N.CP.).
criminalité latente.
il s'agit de l'état dangereux, concept cher aux positivistes, développé par le droit
On peut regretter que le nouveau code pénal soit resté muet sur l'infraction
1°) La notion d'état dangereux,
impossible.
Elle consiste dans la très grande probabilité qu'un individu commette une
371
Paris 9 avril 1946, R"C 1948-147, obs. GULPHE
372
Crim. 5 octobre 1972, G.P. 1973-1-25.
373
Crin\. 16 janvier 1986, PERDEREAU, D. 1986-265, note MAYER-GAZOUNAUD, PRADEL,
J.CP. 1987-II-20n4, note ROU}OU DE BOUBEE .
{
.t-
~0'~
""Y'
infraction à la loi pénale. Cette probabilité se révèle aisément si le sujet a déjà commis
374
Cours, op. cit. i, p. 94.
�245
246
des infractions. On peut craindre qu'il ne récidive. C'est l'état dangereux post-délictuel.
dangereuse. Ce procédé technique a le mérite de satisfaire à l'exigence de l'élément
En revanche, l'état dangereux pré-délictuel impllque l'absence d 'infraction préalable.
matériel en transposant le problème de l'état dangereux en termes de droit pénal
Cela expllque les objections qu'il a soulevées. Sur le plan crirninologique, on a fait valoir
classique. Mais il encourt aussi le grave reproche de traiter par des peines classiques ce
le risque que l'individu ne soit conduit à la délinquance. Sur le plan juridique, on a
qui relève en réaUté du domaine de la prévention.
r- Le nouveau code pénal vient d'ériger en délit le seul fait de mettre l'auteur en
invoqué la nécessité d'un acte matériel pour être conforme à la définition des éléments
constitutifs de l'infractiOl&ela explique les réticences du droit positif à le consacrer.
péril. En d'autre termes, le droit pénal intervient, ind 'penda
ent du dommage. C'est
On observe également que le respect des droits de la défense n'est pas toujours
l'infraction d'exposition d'autrui à des risques. Mais ce n'est pas la seule manifestation
respecté. Enfin, on peut déplorer que l'intervention judiciaire ne soit pas toujours
de l'idée de mise en péril dans le nouveau code. D'une part, cette idée sous-tend
présente. Elle est concurrencée par une intervention administrative.
d'autres infractions, "Ill mise en danger de III personne", et "La mise en péril des mineurs".
D'autre part "La mise en danger délibérée de la personne d'autrui" pénètre dans la partie
Le droit comparé a multipllé les appllcations de la notion d'état dangereux. Les
déllnquants par tendance, c'est-à-dire les criminels dont les actes ou la personnalité
~u
laissent prévoir la périculosité future, sont visés par diverses législations. Les
d' infractions, mais aussi changement de conception du droit pénal (art. 223-
code, ce qui est révélateur de ce qu'il n'y a pas eu seulemnt addition
n<:f.C15J.
~
dispositions les plus spectaculaires sont les lois de "vagos y maleantes " de l'Espagne et
L'intention des rédacteurs du nouveau code vise essentiellement à renforcer la lutte
de l'Amérique du Sud, qui frappent les vagabonds d 'habitude, mendiants, proxénètes,
contre les acddents de la route et du travail, La drculaire du 14 mai 1993 est éloquente
de mesures indéterminées. De son côté, le droit suisse a imaginé le cautionnement
à cet égard puisqu'elle insiste sur le caractère d'exemplarité du délit de risques causés à
préventif qui consiste à faire promettre à celui qui a menacé de commettre une
autrui 376.
infraction, de s'abstenir de tout acte délictueux et à faire déposer une caution dont le
Le deuxième procédé institue de véritables mesures de sûreté prédélictuelles, La
montant sera acquis à l'État si, dans un délai de deux ans, cet engagement n 'est pas
loi du 15 avril 1954 permet le placement des alcooliques dangereux pour autrui dans
un établissement spécialisé pour subir une cure de désintoxication. L'article 355-2 du
tenu.
Code de la santé publique ordonne en effet, que "tout alcoolique présumé dangereux pour
Le droit français faisait une application timide de la notion d'état dangereux
autrui doit être signalé à l'autorité sanitaire par les autorités judiciaires ou administratives
compêtentes dans les deux cas suivants: lorsque, à l'occasion de poursuites judiciaires, il
résultera de l'instruction ou des débats des présomptions graves, précises et concordantes,
permettant de considérer III personne poursuivie comme atteinte d'intoxication alcoolique; sur
le certificat d'un médecin des dispensaires , des organismes d'hygiène sociale, des hôpitaux, des
établissements psychiatriques". Le même texte prévoit que "l'autorité sanitaire peut
également se saisir d'office à la suite du rapport d'une assistante sociale lorsque celle-ci se sera
jusqu'au nouveau code pénal.
2°) L'incrimination de l'état dangereux
Sans être systématisée par notre droit positif, elle a reçu plusieurs applications
nécessitant, soit une intervention judiciaire, soit une intervention administrative.
ru Intervention judiciaire
rendue compte du danger qu 'un alco~que fajt ~,i!JMut~J."~"J""" ... r -1- cUf,'.~~~:
Le premier procédé est celui des délits obstacles. 11 s'agit d'infractions qui ont
La loi du 31 décembre 1970, sur le traitement des tOXIComanes, apparalt moms
pour but de faire obstacle à la perpétration d'infractions véritables. Ainsi, le
hardie que les textes précédents, car elle ne s'applique pas ante delictum. Ce texte a
vagabondage, la mendicité, ne sont guère en eux-mêmes répréhensibles, mais il est
remplacé la loi du 24 décembre 1953 prévoyant des mesures de désintoxication
prouvé que l'état d 'oisiveté et de misère qui en découle prédispose ceux qui adoptent ce
obligatoires en faveur des drogués, toujours citée, mais jamais appliquée. Le
mode de vie à la délinquance. C'est pourquoi le législateur avait érigé ces
développement de la toxicomanie a conduit le législateur à élaborer un texte mieux
comportements, (vagabondage et mendidté) en déllts pour faire échec à la commission
adapté, à la fois plus rigoureux à l'encontre du trafiquant de drogue, et plus indulgent à
d'infractions plus graves (Art. 269 N.C.P.). Le nouveau code pénal a supprimé ces
l'égard des drogués. L'usager de stupéfiants est considéré plus comme un malade que
délits 375 De même, un très grand nombre de contraventions ou de délits sont destinés
comme un délinquant. L'article 628 1er du Code de la Santé publlque prévoit,
à éviter des homicides ou blessures par imprudence. Prévus par le Code de la route,
indépendamment des pénalités, la possibilité pour le Procureur de la République
l'ivresse est réprimée, non parce qu'elle est scandaleuse, mais parce qu 'elle est
376
375
Réserve faite de la provocation de mineur à la mendicité (art. 227-20 N.C.P.).
a. p. 340, code Dalloz 1994-95.
�247
248
d'enjoindre au drogué une cure de désintoxication ou des mesures de surveillance
décision est prise par l'autorité administrative, solution critiquée par beaucoup, mais
médicale. C'est l'injonction thérapeutique. La même astreinte à un traitement médical
que la loi du 27 juin 1990 n'a pas changée. Cependant, le texte permet au tribunal de
peut également être prononcée par ordonnance par le juge d'instruction, ou par la
grande instance du lieu où est situé l'établissement, statuant en Chambre du conseil,
juridiction de jugement. D'autre part, et de façon plus large, toute personne qui use de
d'ordonner la sortie immédiate de la personne hospitalisée d'office, soit sur sa propre
stupéfiants est placée sous la surveillance de l'autorité sanitaire (A. L. 355 C. Santé
demande, soit sur celle de tout parent ou ami ou du Procureur de la République.
Pub.).
C'est cette même idée qui explique la législation du 9 septembre 1986 à l'égard
Le Ministre de la Justice avait proposé en 1986, pour remédier aux difficultés
des étrangers dans le souci de lutter contre l'immigration clandestine. C'est l'autorité
d'application de la loi de 1970 une réforme radicale touchant l'attitude de la justice
administrative qui a le pouvoir de décider de l'opportunité d'une expulsion en cas de
vis-à-vis des drogués. Elle consistait à permettre, soit à la famille, soit à l'autorité
menace pour l'ordre public (Art. 23 du 9 septembre 1986). Cette législation a été
judiciaire de faire procéder d 'office à une cure de désintoxication du toxicomane. Ces
maintenue dans certaines de ses dispositions par la loi du 2 août 1989, l'innovation de
hôpitaux prisons dont la construction était envisagée ont soulevé indignation et
ce texte consistant essentiellement à instaurer des garanties judiciaires pour éviter
stupéfaction.
Devant les protestations quasi unanimes, le Ministre est revenu sur ses premières
l'arbitraire d'une décision administrative. Une commission présidée par le président du
propositions et a maintenu le principe de l'alternative médicale en se contentant de
les possibilités de reconduite à la frontière, sous certaines réserves 382, lorsque l'ordre
renforcer le système répressif pour les trafiquants de drogue CL. 31 décembre 1987).
public risque d'être troublé par un individu, sans que la commission ait été consultée.
Plus récemment le Ministre de l'Intérieur, à la suite du rapport BROUSSARD (21
Un arrêté d'expulsion peut alors être pris à l'encontre duquel un recours contentieux
décembre 1992) a déclaré une guerre de harcèlement contre la drogue en donnant une
n'est suspensif d'exécution, que s'il est présenté au président du tribunal
administratif383.
g~ L0 J oxc. c..=>-t \MR-IM. -i c-.~~ll.,
~
(\.r.. \f\'\.V11.W -) :=-~
tribunal de Grande instance émet un avis 381. En outre, la loi du 24 août 1993 confirme
priorité au volet répressif ce qui n'a pas manqué de susciter de vives critiques du côté
médical 377 et une mise au point du Ministre 378. Le nouveau code pénal réprime le
b
trafic de stupéfiants de peines criminelles (Art. 222-34 c.P.) laissant l'usage de
f-
stupéfiants dans le Code de la santé publique. Toutefois, un certain courant de pensée
voudrait dépénaliser l'usage des drogues douces à l'instar de la législation
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LECTURES
néerlandaise. Une commission a été chargée par le gouvernement BALLADUR
J. DEVEZE, Le commencement d'exécution de l'infraction en jurisprudence, R.S.c.
d 'étudier les traitements de substitution de la drogue 379 tandis que le Comité
1981 , p. 777.
d'Ethique a posé, à son tour, le problème de la dépénalisation 380
A. VARlNARD, La théorie de l'infraction impossible : vers la disparition d' un mythe
On peut rattacher à ces mesures, celles prévues par le Code civil à l'égard des
mineurs en danger. L'article 375 c.c. prévoit en effet, que, lorsque la santé, la sécurité
doctrinal, Mélanges CHAVANNE, Litec 1990, p. 165.
ou la moralité du mineur sont en danger, ou lorsque les conditions de son éducation
D. MAYER, L' infraction de mise en danger, in Problèmes Actuels de Science Criminelle
sont gravement compromises, le juge peut ordonner des mesures d 'assistance
1994, à paraître.
Ch. LAZERGES, La participation criminelle, in Réflexions sur le nouveau code pénal,
éducative.
éd. pedone, 1995, p. 11.
hl Intervention administrative
L'article L. 343 C. santé pub. prévoit l'hospitalisation des personnes dont les
troubles mentaux compromettent, soit l'ordre public, soit la sécurité des personnes. La
377
Le Monde, 24 décembre 1992.
381
En 1991, 1800 personnes ont été reconduites à la frontière, Le Monde 14 janvier 1993.
378
Le Monde 16 janvier 1993.
382
379
Le Monde, 3 mars 1994.
380
CARPENTIER, L'ordre hors la loi, Le monde 8 décembre 1994.
Résidence en France depuis plus de 15 ans, marié depuis au moins 6 mois avec un conjoint
français .
Art. 27 et 28 Ord. 2 novembre 1945 modifiée.
383
<
�249
CHAPITRE III - LA DISPARITION DE L'INFRACTION
Outre l'abrogation de la loi pénale évoquée à propos de l'application dans le
temps des dispositions réglementaires (Art. 6 du c.P.P.), deux circonstances ont pour
effet de provoquer la disparition de l'infraction, les faits justificatifs d'une part,
l'amnistie d 'autre part. Renvoyant l'étude de l'amnistie à la fin du cours, nous ne nous
attacherons qu'à l'examen des faits justificatifs.
Lorsque les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis, celle-ci est
punissable. il peut arriver, cependant, que certaines circonstances ayant entouré la
commission de l'infraction la justifient et interdisent, de ce fait, la répression pénale.
Ces circonstances sont appelées faits justificatifs, parce qu'elles justifient le
comportement de l'agent qui avait le droit ou même le devoir d'agir comme il l'a fait. "Il
n 'y a ni crime, ni délit" énonçait le Code pénal dans son article 64.
-
Notre droit ne connaissait pas, en ce domaine, de construction d'ensemble. Ce
n'était qu'à propos d'infractions particulières, l'homicide et les blessures volontaires
q u'il prévoyait la légitime défense et l'ordre de la loi. L'œuvre des tribunaux a été
~
capitale. Non seulement, ils avaient étendu le champ d'application de ces faits
justificatifs à toutes les infractions, mais, de plus, ils avaient proposé d'autres faits
justificatifs.
L'évolution de la jurisprudence en la matière est le reflet des conceptions qui
divisaient la doctrine. La majorité des auteurs soutenaient une conception objective des
faits justificatifs. Les causes de justification étaient d'origine légale. Elles prenaient leur
source, soit dans une disposition expresse, soit dans le fondement même du droit de
punir. A l'inverse, d'autres auteurs prétendaient que le fondement des faits justificatifs
résidait dans le mobile. C'est son importance et sa qualité qui faisaient disparaître
l'infraction. Dans une perspective plus hardie , GRAMATICA estimait que l'infraction
n'existait qu'en fonction de l'antisociabilité subjective de son auteur. il faut apprécier la
personnalité globale à travers tous les aspects de la subjectivité du délinquant.
Si séduisantes que soient ces analyses, elles ne sauraient être retenues. il est vrai
qu'effectivement la qualité du mobile est prise en considération par les tribunaux, mais
simplement au niv~ de.!.a peine, non à celui de l'incrimination. Cette conception
extrémiste contraindrait le juge à se livrer à des investigations délicates. Or,
précisément, le grand avantage du fait justificatif, tel qu'il est compris en droit français,
est qu'il est facile à diagnostiquer. il opère "in rem". Cependant, les tribunaux ont fait
une place à la conception subjective en consacrant l'état de nécessité.
�250
251
Le nouveau code pénal a "officilllisé" cette jurisprudence en faisant de l'état de
A - Le fondement du fait justificatif
nécessité un fait justificatif légal au même titre que l'ordre de la loi et la légitime
défense. Mais ils ne sont pas les seuls. il y a des faits justificatifs sp éciaux. Par
rl L'ordre fondé sur un texte
exemple, ceux, résultant de circonstances exceptionnelles (Ord. 6 juillet 1943 déclarant
légitimes tous les actes postérieurs au 13 juin 1940 accomplis dans le but de servir la
a) L'article 122-4, al. 1 N.CP. évoque les dispositions législatives ou
cause de la Libération de la France), ceux, résultant de la loi sur la presse (L. 29 juillet
réglementaires.
Par dispositions législatives, il faut comprendre la loi au sens formel, mais aussi
1881 admettant que la preuve des faits allégués fait disparaître l'infraction de
diffamation, article 35), ceux visés par la loi du 19 déc. 1991 relative au renforcement
les textes équivalents à la loi. Par dispositions réglementaires, il faut entendre le
de la lutte contre le trafic des stupéfiants autorisant les agents des Douanes à
règlement qui aménage la portée d'une loi par délégation de celle-ci. En revanche, les
partidper au trafic de drogue384.
Nous limiterons notre étude à l'examen des trois faits justificatifs généraux,
circulaires doivent être écartées car elles n' ont aucune valeur justificative.
j.
l'ordre de la loi, la légitime défense, l'état de nécessité, pour exposer ensuite un fait
justificatif discuté, le consentement de la victime.
1-
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A
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L'ordre de la loi justifie à lui seul tous ceux qui n'ont d'ordre à recevoir de
quiconque et qui ne doivent obéissance qu' à la loi elle-même. Un juge d' instruction
peut, de lui-même, délivrer un mandat d'arrêt contre un individu sans commettre le
délit d'arrestation arbitraire. En revanche un O.P.J. ne peut accomplir des actes de
police judiciaire (ex. : perquisition) que sur mandat du juge d'instruction. S' il agissait
SEC T ION 1 - LES FA 1 T S JUS T 1 FI CA TIFS L É G A U X, '
sans mandat, il se rendrait coupable du délit de violation de domicile.De même, un
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§ 1- L'ORDRE DE LA LOI
J',wh h,uo
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particulier ne peut procéder à une arrestation en cas de flagrance s' il dépasse les
VlI~,\-
limites du raisonnable. Il peut neutraliser l' agent, non le tuer (art. 73 CP.P.).
. Une difficulté peut apparaître au cas de conflit d'incrimination. La question
.."
classique est celle des dispositions relatives au secret professionnel qui imposent de se
L'ancien article 327 disposait: "Il n 'y a ni crime, ni délit, lorsque l'homicide, les
taire et celles sur la non dénonciation de crimes qui imposait de parler. La
blessures et les coups étaient ordonnés par la loi et commandés par l'autorité légitime". Ce
jurisprudence était inexistante. Le nouveau code pénal a clarifié la question en
texte était triplement critiquable. Il omettait les contraventions, ne contenait aucune
disposant que les d élits de non d énonciation ne pouvaient être reprochés aux
allusion aux dispositions réglementaires et semblait subordonner la justification à la
personnes astreintes au secret (art. 434-1).
En revanche, les tribunaux ont refusé d'assimiler l'autorisation administrative à la
double exigence de l'ordre de la loi et du commandement d e l'autorité. Une réforme
permission de la loi. La question s'est posée dans la célèbre affaire du Stalinon, un
s' imposait, même si la pratique jurisprudentielle avait gommé ces critiques.
médicament qui avait fait de nombreuses victimes. Le fabricant poursuivi avait exctpé
L'article 122-4 N.C.P., énonce en effet: "N'est pas pénalement responsable, la
du visa d élivré pour tout médicament destiné à être mis sur le marché. Le tribunal
personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou
correctionnel de la Seine, 385 l'a condamné, d éniant au visa toute valeur de fait
réglementaires ".
"N'est pas pénalement responsable, la personne qui accomplit un acte commandé par
justifica tif. Une solution identique a été donnée à propos de l'exposition sur la voie
publique d'une affiche indécente, revêtue du visa de la commission de contrôle 386.
l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal".
\
Pour être mis en œuvre, 12 fait justificatif doit prendre appui, soit sur un texte,
, bl Mais l'ordre n'est pas seulement l'ordre formel qui résulte d'un texte légal. La
jurisprudence y assimile la simple permission légale de l' accomplir. Le bourreau qui
soit sur le commandement de l'autorité.
exécutait un condamné à mort, le soldat qui tue un ennemi se soumettent à cet ordre.
De même, la jurisprudence n'a jamais hésité à légitimer les infractions autorisées par
des permissions coutumières. Ainsi, la permission chirurgicale de porter atteinte à
384
PRADEL, corn. D.1992 chrono229.
385
Trib. Corr. Seine, 19 décembre 1957, S. 1958.11.137; note BREDIN.
386
Crim. 1er juin 1965, B.148; contra.: Douai, 15 mai 1962, J.c.P. 1962.11. 12709, note MIMIN.
�252
l'intégrité du malade est déduite de textes qui organisent la profession médicale. La
253
Enfin, une théorie
intermédiaire opère une distinction entre ['ordre
permission de commettre des violences dans la pratique de certains sports est déduite
manifestement illégal, qui, s'il est exécuté, engage la responsabilité de son auteur et
des règles du jeu appliquées, en l'espèce, dès l'instant qu'elles ont été respectées 387. Le
l'ordre d'apparence régulière qui, s'il est exécuté, exonère l'agent.
droit de correction manuelle des parents est implidtement inclus dans les prérogatives
de l'autorité parentale.
2°) L'ordre émanant d'une autorité légitime
2°) Les solutions
Muet dans l'anden code, le nouveau code consacre la troisième théorie -celle de
l'illégalité manifeste-. Cette analyse est conforme à la loi du 13 juillet 1983 portant
La jurisprudence passée avait précisé que pour être légitime l'autorité susceptible
réforme du statut général des fonctionnaires qui avait posé le principe que le
de donner un ordre devait remplir deux conditions. Le nouveau code n'infléchit pas la
fonctionnaire est délié de l'obligation d'obéir à son supérieur hiérarchique lorsque
jurisprudence.
l'ordre donné est "manifestement illégal et de nature à compromet/re un intérêt public". Le
D'abord une autorité légitime est une autorité publique et non privée. Dès lors,
n'est pas justifié le recel successoral commis par un fils sur l'ordre de sa mère, le recel
de malfaiteurs ordonné par un mari à sa femme, la violation de domicile ordonné par
un patron à son employé.
dans le même sens.
On doutait jadis que la même solution put être étendue aux militaires, car on le
sait, la discipline fait la force prindpale des armées. Mais le réglement de justice
Ensuite l'autorité doit être compétente, c'est à dire avoir reçu une investiture
militaire du 28 juillet 1975 a apporté des innovations remarquables. Si le texte rappelle
régulière. Parfois l'incompétence est flagrante. Un juge des référés ne peut ordonner une
que l'obéissance est le premier devoir du subordonné, il ajoute que: "la responsabilité de
arrestation. Parfois l' incompétence est discutée. La question s'est posée pour les actes
comporté que la stricte exécution, exclusive de toute initiative personnelle d'ordre ou
l'exécutant exc/ut l'obéissance passive ... Le subordonné qui exécuterait un ordre prescrivant
l'accomplissement d'un acte contraire aux lois et coutumes de la guerre, d'un crime ou d'un
délit contre la sûreté de l'État, la constitution ou la paix publique ou d'un acte portant atteinte
à la vie, l'intégrité, la liberté des personnes ou au droit de propriété, engagerait pleinement sa
responsabilité pénale et disciplinaire". Le militaire qui croit se trouver en présence d 'un tel
d'instructions reçus". C'est l'application bien connue de la théorie du fonctionnaire de
ordre a le devoir de faire part de ses objections à l'autorité supérieure et éventuellement
fait qui s'explique par l'apparence de légalité du gouvernement de Vichy.
de former un recours hiérarchique.
La jurisprudence pour sa part, a longtemps fait preuve d'une grande rigueur vis à
B - Le fonctionnement du fait justificatif
vis des subordonnés. La Cour de cassation a longtemps considéré que l'infraction en
ordonnés par le gouvernement de Vichy, gouvernement de fait, depuis l'ordonnance du
9 août 1944. Pour éviter l'annula tion de tous les actes faits entre 1940 et 1944,
l'ordonnance du 28 novembre 1944 a admis un fait justificatif "lorsque les faits n'ont
(
décret du 18 mars 1986, portant sur le code de déontologie de la police nationale, va
exécution d'un ordre illégal était, en principe, punissable (hauts fonctionnaires ayant
1°) Les systèmes concevables
fait retenir une correspondance sur l'ordre d'un Préfet).
Cet exemple illustre l' importance du critère subjectif. Le simple citoyen verra son
comportement apprécié différemment de celui du haut fonctionnaire. L'article 432-6
D'après un premier système, celui de l'obéissance passive, l'inférieur est
N.C.P., illustre cette conception en punissant les agents de l'administration
toujours tenu envers le supérieur. De ce fait, il est justifié, dès qu'il a obéi à un ordre,
pénitentiaire qui reçoivent ou retiennent des une personne "sans mandat, jugement ou
même illégal, à moins, cependant, que l'ordre soit absolument étranger aux fonctions
ordre d'écrou établi conformément à la loi"
dévolues à l' inférieur et au supérieur.
La seconde théorie, dite des "baïonnettes intelligentes" soutient à l'inverse, qu'il
Le nouveau Code pénal confirme l'analyse jurisprudentielle : "N'est pas
droit militaire est difficilement concevable, car il risque de compromettre la discipline
pénalement responsable, la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des
dispositions législatives ou réglementaires. N'est pas pénalement responsable, la personne qui
accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal"
des armées.
(Art. 122-4). Restera à la jurisprudence à déterminer ce qu'il faut entendre par
appartient à l'inférieur d 'apprécier la légalité de ['ordre reçu. Le système appliqué au
"manifestement illégal".
387
Crim. 21 octobre 1965, D. 1966.26.
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254
255
C'est ainsi que dans certains cas, la contrainte pourrait être invoquée et surtout
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A - Les conditions de la légitime défense
depuis le nouveau code, l'erreur invindble pourrait être soulevée, dans l' hypothèse où
l'agent n'a pas eu consdence, en obéissant, de l'illégalité de l'ordre qui lui était
1°) Légitime défense des personnes
transmis, ou dans le cas où il n'a pu se renseigner (art. 122-3 N.C.P.).
Vis-à-vis des tiers auxquels l'ordre s'applique, la Cour de cassation a longtemps
L'article 122-5, ail N .c.r. énonce: "N'est pas pénalement responsable la personne
considéré que ceux-ci ne pouvaient s'opposer à un ordre, même manifestement illégal,
qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dan.s le même temps, 1
un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a
disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte".
et devaient être poursuivis pour rébellion 388. Toutefois, une dédsion d'appel
beaucoup plus récente a refusé de condamner, pour rébellion, consacrant ainsi un droit
à la résistance 389.
Ce texte amène à distinguer successivement les conditions relatives à l'attaque,
puis celles relatives à la défense.
§ 2 - LA LÉGmME DÉFENSE
ru Conditions relatives il l'attaque
y 1) Les caractères de l'attaque sont multiples
Elle consiste dans le droit de repousser par la force une agression imminente et
injuste. Elle a traditionnellement toujours été consacrée. Cependant, dans l'Ancien
- Tout d'abord, il importe que l'attaque soit actuelle, c'est-à-dire la menace d'un
Droit, l'Église conseillait à l'agressé la fuite plutôt que la riposte. Elle accordait
mal imminent qui n'a pu être écarté (le péril de mort n'est pas nécessaire) qu'en
cependant, dans le cas contraire, des lettres de rémission. Celui qui avait répondu à
"
commettant le délit. Si le danger est passé, la violence n'est plus un acte de défense,
l'attaque était coupable, mais digne d ·indulgence.
/
;:p
mais de vengeance privée, interdit par le droit. TI s'agit là d'une question de fait, laissée
Avec le droit révolutionnaire et le code de 1810, une deuxième conception a fait
à l'appréciation des tribunaux. On peut cepe çlant
-<-\1
~ utV> 1.... 'V'
il ~
donc prévoir sa défense. ~
-$ ~ ~ de la légitime défense un droit, (art. 328 c.P. 1810). "Il n'y ni crime, ni délit lorsque
'\ .':/'. ...
l'homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime
S
... ~ dOl
- ou d'au t rul." .
~.
",ense de SOI. meme
J/ .
(. '~
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Le nouveau code pénal se situe dans cette perspective avec une formulation
" L
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fil'. -.. 't ~
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- En second lieu, l'attaque doit être injuste, ce qui suppose qu'elle n'est ni fondée
difficultés. La question s'est notamment posée pour les agressions illégales commises
L'auteur de la riposte n'exerce pas seulement un instinct de conservation, s'il
.
une agression éventuelle,
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légitime défense à l'égard du bourreau. Mais la jurisprudence a dû résoudre plusieurs
~ légèrement différente. Enfin, certains auteurs soutiennent qu'elle est un devoir.
~) ~
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en droit, ni ordonnée par la loi. Ainsi un condamné à mort ne saurait invoquer la
"\
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pr~voir
par un agent de l·autorité. La jurisprudence considère qu'il faut toujours se soumettre
concourt à la défense de la société et il doit y être encouragé. Devant la montée de la
aux actes de l'autorité 390.
délinquance, on est même allé jusqu'à prôner une quasi autodéfense (ROMERIO,
-., La question s'est également posée, de savoir si l'agression commise par un
~
Association Légitime défense).
irresponsable (jeune enfant ou dément) permettait d'appliquer l'article 328
_ Le nouveau texte apporte quelques modifications au régime organisé par le Code
c.p ancien.
Faute de discernement de la part de l'auteur de l'agression, la riposte apparaît juste
de 1810, qu' il s'agisse des conditions ou de la preuve de la légitime défense.
mais, objectivement, elle est injuste. On estime que, dans l'espèce, la victime de
Contrairement à l'anden article 328, le nouveau code distingue, dans l'article
l'agression doit prendre la fuite et, si elle est amenée à riposter, elle peut invoquer ';ln
.1
. . .. . . .
. .
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.~ c~r~ ..( ,uct!.\", dl~
autre falt Justiflcatif cree par la JUTISpru ence, etat e necessl e. '> ~~bC• •k;)Oda~
i>l~'î'~
_ Enfin les tribunaux exigent une attaque vraisemblab k ce qui conduit à une t. Il J..c.
122-5, deux cas de figure, la légitime défense des personnes et celle des biens.
~( .... ~...( X 11
,
investigation plus ou moins délicate. L'attitude de l'adversaire est souvent équivoque. --'
Cependant, l'expression du sujet, sa réputation de violence, peuvent constituer des
indices révélateurs. La légitime défense est vraisemblable. Elle s'impose dans l'esprit de
388
Crim. 5 janvier 1821, S. 1 821-1-358, arrestation sans mandat et sans flagrance.
389
Reims, 18 mars 1984, G.r. 1984-11-715, R.S.c. 85-69 obs. DELMAS SAINT-HILAIRE.
390
Crim. 28 novembre 1902, S. 1902-[-57 où il est rappelé que la défense, .même contre un acte
illéga[, n'est jamais légitime.
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1
�256
257
l'auteur de l'infraction comme dans celui des juges. En revanche, si l'agression n'existe
volontaire : "on ne se défend pas par imprudence ou inadvertance"). Cette solution va-t-elle
que dans l'imagination de l'auteur, elle est dite putative. Mais dès lors, l'infraction est
changer avec le nouveau code pénal, dans la mesure où le nouveau texte parle d'acte de
constituée car la légitimité de la défense est tonction de la réalité de l'agression.
défense. Cela n'est pas cenain 397, mais certains auteurs le souhaitent vivement 398.
Cependant, l'agent pourra plaider la bonne foi qui, si elle est reconnue, écartera sa
hl Conditions relatives li li! défense
culpabilité. A été jugé ainsi, le cas d'un père tirant sur un tiers qui, par jeu, menaçait
son fils d' un pistolet 391. En revanche, a été sanctionné un père qui, au milieu de la
La défense n'est légitime que sous une double condition.
nuit, avait tué son fils qu' il avait pris pour un voleur 392.
Défense nécessaire: elle est exigée par l'article 122-5 du Code pénaL Elle est
évidente. Elle doit constituer le seul moyen de se défendre, ce qui ne signifie pas que la
2) L'objet de l'attaque.
fuite soit une obligation légale, voir également jeunes enfants, fous, infirmes. Ce qui
_ D'après l'article 122-5, aL 1 N .CP., l'attaque doit être dirigée contre les
implique la concomitance entre l'attaque et la riposte. Celui qui revient dans une
personnes, contre leur intégrité physique, atteinte à la vie ou à l'intégrité corporelle.
Défense mesurée, c'est-à-dire proportionnée à la gravité de l'attaque. La victime
l'honneur, et même, à la moralité 393.
Ce même texte prévoit la légitime défense d'autrui 394. Cependant, la Cour de
d'une gifle ne saurait tuer son adversaire ... il s'agit d'une question de fait (exemple,
cassation déclare incompatible la légitime défense avec l'infraction d'imprudence 395, à
tuer par son employé) 400. En revanche, est légitime le fait de refuser de servir des
l'occasion d'une curieuse affaire. Un homme, aux cris poussés par une femme que deux
individus immobilisent, se précipite pour mettre un terme à ce qu'il croit être une
clients ivres et d'en blesser un au pied.
t' Certaines décisions sont allées plus loin en sanctionnant la simple imprudence
n tire en l'air, mais blesse l'un d'eux. La Cour d'assises l'avait acquitté pour
dans l'exercice du droit de légitime défense. Un homme repousse violemment un ivrogne
légitime défense, mais l'avait condamné à des dommages intérêts sur la base de l'article
menaçant qui tombe et décède d'une fracture du cràne 401 . Le propriétaire d'un
372 CP.P. estimant qu'en utilisant son arme de façon inconsidérée, il a eu un
magasin tire sur quelqu'un n'ayant pas répondu aux sommations 402 Un passant tente
comportement fautif distinct du crime pour lequel l'acquittement a été prononcé. Il
de désarmer un enfant qui lançait des pierres sur ses compagnons de jeu, lui tord si
appelle en garantie son assureur sur la base de la responsabilité civile. n est débouté au
violemment le bras qu'il lui cause une fracture 403. Un pompiste tire sur un voleur qui
motif que l'assuré n'a jamais cessé d'affirmer qu'il avait "involontairement et
menaçant son employé en le poussant dans le dos en dépit des sommations, tentait de
accidentellement appuyé sur la gâchette" au moment où il faisait le geste de relever son
pistolet de bas en haut que "dès lors qu'il conteste avoir eu la volonté de tirer en direction de
s'enfuir 404 . Un propriétaire charge un canon avertisseur contrairement aux
agression.
6
bagarre ne peut invoquer la légitime défense 399.
Mais, depuis longtemps, les tribunaux admettent l'atteinte à la pudeur (viol), à
tenancier de café menacé par des consommateurs auxquels il refusait à boire, les fait
prescriptions du constructeur 405. Dans ces diverses hypothèses, les tribunaux ont
la victime, il ne peut prétendre invoquer la légitime défense, celle-ci impliquant le caractère
volontaire des coups portés ". Solution réaffirmée le 28 novembre 1991 3%.
<]
{ accueilli la justification, mais une condamnation a été prononcée sous la qualification
d'homicide ou blessures involontaires. Dans le passé on retenait l'excuse de
provocation (Art. 321"TQu
La doctrine, unanime condamne cette analyse injuste, (sera acquitté celui qui
mê~trainte (art. 64). De même l'article 73 CP.P. qui
donne au citoyen le pouvoir d'appréhender l'auteur d 'un délit flagrant ne peut être
aura volontairement tué l'individu) et non fondée (l'acte de défense est nécessairement
391
Crim. 5 juin 1984, B. 209.
397
En ce sens PRADEL, nO929.
392
Crim. 21 décembre 1954, B. 423.
398
BOULOC, Droit pénal général, 15ème éd., p. 304, Dalloz.
393
Gifle donnée par une mère à une fille qui, par ses assiduités, mettait son fils en danger moral,
lui ayant envoyé sa photo largement dévêtue, Trib. pol. Valence, 19 mai 1960, 5. 1960-2715.
399
Crim. 16 octobre 1979, D. 1980-IR-522.
400
Crim.4 août 1949, RS.C 1950.47.
394
Tribunal correctionnel Lyon 16 octobre 1973, j.c.P. 1974.11.17812, note BOUZAT, individu X qui
blesse Y, lequel se servait de Z comme bouclier en le menaçant de le tuer.
401
Crim. 12 novembre 1975, D.P. 1976.1.141-
395
402
Toulouse, 15 novembre 1979, I·CP. 1981. 19 608, BERNARDIN!.
Crim. 16 février 1967, j.c.P. 1967.1L25 034, note COMBALDIEU.
396
BulL nO 446. Dame H importunée par un sieur F réussit à le faire sortir de son appartement,
mais lui coincer les doigts. Poursuivie de ce chef, elle fit vainement état de l'agression de son
adversaire. "La légitime défense est inconciliable avec le caractère involontaire de
403
404
Alger, 9 novembre 1953, D.1 954.369, note PAGEAUD.
Tribunal correctionnel de Lyon, 16 octobre 1973 I·CP. 1974.1 7 812, BOUZAT.
405
Crim. 18 janvier 1977, B. n° 2.
}' infraction" .
�258
259
assimilé à une cause de justification de l'infraction pénale 406. Une dame victime du vol
de son sac à main dans sa voiture, par des jeunes en scooter, se lance dans une folle
acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les mayens emplayés sont
proportionnés à la gravité de l'infraction". Ce texte, qui consacre la jurisprudence passée,
poursuite jusqu' à ce que le scooter heurte un véhicule entraînant la mort du conducteur
s'efforce de rassurer les Français, tout en évitant des abus liés à une défense excessive.
et des blessures graves au passager. Le tribunal avait reconnu que l'article 73 c.P.P.
Comme pour la légitime défense des personnes, les conditions de cette cause
était applicable, mais que la conductrice ayant commis une imprudence caractérisée, le
fait justificatif ne pouvait être invoqué. Décision confirmée en appel 407. Le professeur
d'irresponsabilité concernen ~ tant l'atteinte que la riposte.
IX "'~.... 1e texte precise
. . que, toute f orme d' attem
. t eaux b'lens
En ce qUi. concerne l' attemte,
't
LEVASSEUR pense que si l'article 73 c.P.P. est un fait justificatif, il connaît des
ne justifie pas une défense légitime, contrairement à ce qui est prévu pour la légitime
limites, conformément à l'article 122-5, al. 2 N.C.P. 408.
défense des personnes. Aux termes de l'article 122-5, la légitime défense des biens
n' est, en effet, possible que pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre
'- 2°) La légitime défense des biens
un bien. Il s'ensuit donc qu'elle est exclue en cas de contravention, c'est-à-dire en
pratique de riposte à des dégradations légères (R 635-1).
Ce cas de figure, non visé par le code pénal de 1810, avait donné lieu à un
En ce qui concerne la riposte, le texte impose également des conditions plus
contentieux jurisprudentiel important. Le nouveau code pénal précise la position du
rigoureuses que pour la défense des personnes.
législateur.
D'abord la riposte peut intervenir lorsque l' infraction est en cours d' exécution,
mais non lorsqu'elle est entièrement consommée. Cette règle ne semble pas interdire
JÙAvant~
l'utilisation de pièges automatiques se déclenchant au moment de la commission de
Un arrêt de prindpe rendu en 1902 avait semblé admettre la légitime défense des
l' inraction et même après.
En second lieu, la riposte doit être strictement nécessaire au but poursuivi.
biens 409 En réalité, cette décision ne traitait que du recours civil intenté par la victime.
Par la suite, d'autres décisions avaient été rendues par des juridictions
L'adverbe strictement semble exclure toute riposte violente qui ne serait pas précédée
répressives. Sans nier le principe de la légitime défense des biens, la plupart en
contestaient son application. Certaines retenaient une imprudence à la charge du volé
de sommations.
Enfin, les moyens employés doient être proportionnés à la gravité de l' infraction.
et le condamnaient pour homicide ou blessures involontaires 410, (canon avertisseur
On ne peut tuer pour défendre un bien. On doit donc admettre que l'article 122-5
chargé contrairement aux prescription du fabricant). D'autres retenaient les coups
interdit l'usage de pièges automatiques qui seraient destinés à tuer ou à blesser.
mortels ou les violences 411 .
On peut se demander si les exigences posées par le texte ne sont pas irréalistes.
Comment peut-on savoir, à moins d'être absent, si un cambriolage n'est dirigé que
hl1&. nouveau kQd..e.
contre des biens. Des malfaiteurs commettent un hold'up dans une banque. A priori ils
Le projet de loi de 1986 avait consacré la légitime défense des biens. Après une
se rendent coupables d'infraction contre les biens, mais s'ils mettent en joue les clients,
vive discussion entre Sénat et Assemblée Nationale, la commission mixte paritaire a
ils commettent simultanément une infraction contre les personnes 412
finalement admis la légitime défense des biens. L'article 122-5, al. 2 énonce: "N'est pas
pénalement responsable, la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un
B - La preuve de la légitime défense
délit contre un bien, accomplit un ade de défense autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet
406
Trib. corr. Paris 1er octobre 1991, D. 1992-486, note DECHElX.
407
Paris 28 février 1992.
408
409
R. S. C 1993-102.
Deux hypothèses doivent être distinguées.
Req. 25 mai 1902, S. 1903-1-5, note Lyon-Caen, affaire de Fraville, Chatelain jugé
irresponsable pour avoir placé des détonateurs à proximité d'un étang ayant occasionné la
perte d'une jambe d'un voleur.
410
Trib. corr. Aix, 21 avril 1969, R.S.C 1970-97 obs. LEV ASSEUR.
411
Trib. corr. Toulouse, 8 octobre 1969, R.5.C 1970-851, obs. LEGAL; Reims 9 novembre 1978, J.CP.
1979-lT-19046.
412
M . L. RASSAT, Libres propos sur le nouveau code pénal in Problèmes actuels de science
criminelle 1994, p. 63.
�260
261
:x
1°) Légitime défense prouvée
§ 3 - L'ÉTAT DE NÉCESSITÉ
C'est le droit commun de la légitime défense exprimé jadis par l'~ rticle 328,
aujourd'hui par l'article 122-6 N.CP .. Celui qui invoque la légitime défense doit
démontrer que ses éléments constitutifs sont remplis et cela pour deux raisons :
D'abord, parce que les faits justificatifs sont des circonstances exceptionnelles
il apparaît lorsqu'un danger ne peut être écarté ou qu'un bien ou qu'un droit ne
peuvent être sauvegardés que par l'accomplissement d'un acte normalement incriminé
par la loi pénale. L'acte peut servir, soit l'intérêt propre de l'agent (vol d'un pain), soit
l'intérêt d'autrui (enfant sacrifié à la mère, dans un accouchement). Parfois, l'intérêt
dérogeant à la loi pénale.
Ensuite, parce que le code ét.ablit des présomptions de légitime défense dans des
sacrifié est minime (bris de clôture pour éteindre un incendie), parfois les intérêts sont
cas différents. A contrario donc, on peut en déduire que la légitime défense doit être
égaux (naufragé d'un radeau tuant son compagnon). Tous ces exemples ont un trait
prouvée.
2°) Légitime défense présumée
commun : l'agent a fait un choix, alors que dans la contrainte,
~putabilité,
c~e
de non-
le choix s'est imposé à lui.
Bien que les droits romain, germanique et canonique aient consacré l'état de
nécessité, le Code pénal s'était montré muet à son propos, ne comprenant que quelques
_ L'ancien article 329 instaurait une présomption de légitime défense en cas
d 'agression nocturne et de pillage diurne 411 La jurisprudence avait précisé la force de
la présomption. Au début du XIX ème siècle, elle avait consacré le caractère irréfragable
dispositions particulières, par exemple l'abattage d'animaux domestiques (Art. R. 40,
9° CP. ancien), l'encombrement de la voie publique par des matériaux (Art. R 38, 11 °
CP. ancien).
(maris trompés tuant l'amant de leur femme 412). Puis, elle avait hésité (affaire des
Pourtant la vie quotidienne est riche d'états de nécessité. Exemple, dans un
dames de Jeufosse, traduites devant la cour d'assises de l'Eure pour avoir fait tuer, par
accouchement difficile, le médecin doit-il sauver la mère ou l'enfant? Face à un piéton
leur garde chasse, le soupirant de leur fille, acquittées en 1857) 413.
imprudent, l'automobiliste doit-il l'éviter ou l'écraser pour respecter le code de la
Enfin, elle avait consacré le caractère simple de la présomption (propriétaire
blessant l'amant de sa bonne, alors qu'il connaissait les habitudes de celui-ci 414).
Cette solution a été approuvée par la majorité de la doctrine. Elle évitait des
( impunités scandaleuses.
_ Le nouveau code pénal reprend l'article 329 dans le nouvel article 122-6 : "Est
présumé avoir agi en état de légitime défense, celui qui accompli l'ade : 1°) pour repousser de
route? Dans un incendie, peut-on commettre un bris de clôture pour l'éteindre? Des
exemples plus exceptionnels qui nous rapprochent de la contrainte évoquent des cas
d'anthropophagie (radeau de la Méduse; bateau La Mignonnette; rescapés d' un avion
dans la Cordillère des Andes).
On comprend que les tribunaux se soient progressivement acheminés vers la
consécration de l'état de nécessité avant que le nouveau code pénal ne l'admette.
nuit l'entrée par effradion, violence ou ruse dans un lieu habité; 2 °) pour se défendre contre les
auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence".
A - La consécration de l'état de nécessité
Le nouveau texte ajoute le terme de ruse pour tenir compte de la réalité
sodologique fréquente des agressions de personnes âgées.
1°) La jurisprudence
Les tribunaux sont passés d'une consécration officieuse à une consécration
officielle.
411
Art. 329 : "Sont compris dans les cas de nécessité actuelle de défense, les deux cas suivants: 1°)
Si l'homicide a été commis, si les blessures ont éfé faites, ou si les coups ont été portés en
repoussant pendant la nuit l'escalade ou l'effraction des clôtures, murs ou entrée d'une maison
ou d'un appartement habité ou de leurs dépendances; 2°) Si le fait a eu lieu en se défendant
cont les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence, Pén. 295, 309, 322, 393, 397.
412
Crim. 11 juillet 1844, 5.1844-1-778.
413
Cour d'Assises d'Evreux, 18 décembre 1857 ; V. ég. affaire POCHON, Cour d'Assises de la
Moselle, 27 février 1858, Le Droit, 8 mars 1858.
414
CriITl- 19 février 1959, Affaire Reminiac, J.c.P. 1959-1I-11112, note Bouzat.
al La cOllsécratioll officieuse
--
Les tribunaux ont, chronologiquement, fait référence à deux notions.
�262
X
263
D'abord, l'état de nécessité a été assimilé à la contrainte morale. L'agent était
sacrifié a une valeur moindre que le bien sauvegardé. La loi pénale est relative. Il peut
présumé avoir perdu sa liberté d 'agir sous la pression d'une force irrésistible 415.
arriver que certaines circonstances exceptionnelles en imposent la méconnaissance, tels
Cette analyse apparaît doublement critiquable. Elle aboutit à confondre deux
les événements de mai 1968. L'état de nécessité apparaît comme "un fait correcteur des
notions pourtant distinctes. Sans doute, y a-t-il des cas limites où la frontière entre les
règles de droit" 422, tandis que d'autres sentences ont fondé l'état de nécessité sur l'idée
deux notions est imprécise. Le naufragé qui jette un passager excédentaire à la mer agit
de conflits de devoir. L'agent doit établir une hiérarchie entre les divers devoirs qui
par nécessité. Il peut, cependant, invoquer la contrainte morale, car notre droit
s'imposent à lui et réaliser le plus important, quitte à méconnaître les autres.
n'impose pas l'héroïsme. Mais, en règle générale, l'état de nécessité implique un choix
~Ia contrainte exclut. D'autre p-;;:t, on ne saurait accueillir une présomp Ion de
2°) Le nouveau code pénal
contrainte, alors que cel1~i comme touces les circonstances exclusives de la partie
Les rédacteurs du N.C.P. ont légalisé et systématisé cette jurisprudence. L'article
poursuivante, doit être prouvée par la partie poursuivie. La confusion est parfois faite
122-7 dispose "N'est pas pénalement responsable, la personne qui face à un danger actuel et
par la jurisprudence: un automobiliste, victime de coups de feu, poursuivi pour excès
imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la
sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et
de vitesse pour avoir essayé de rattraper ses agresseurs 416.
A la fin du XIXo siècle, la jurisprudence a fait appel à une seconde explication
la gravité de la menace".
aussi critiquable que la première. C'est l'ag.sence d'intention coupable, qui justifierait
en défirùtive l'acte de Tagent. Tel est le cas de la célèbre affaire Ménard, dans laquel1e le
B - Les conditions de l'état de nécessité
Président MAG NAUD, dH le bon juge de Château-Thierry, acquitta une mère qui avait
volé un pain pour nourrir son enfant 417. Cette interprétation est erronée, car elle
Ce texte, dont le libellé évoque la légitime défense, impose deux séries de
confond intention et mobile~. Si les mobiles, en l'espèce, étaient honorables, la
conditions, les unes relatives au danger, les autres relatives à l'acte justifié.
conscience d 'appréhender la chose d'autrui, donc l'intention, était manifeste. Or les
1°) Conditions relatives au danger
mobiles n'ont encore, nous l'avons vu, que peu de place en droit positif français.
hl La consécration officielle
Une jurisprudencE)! abondante a précisé l'éventail des deux conditions. L' une
relative
C'est vers les années 50 que les tribunaux ont reconnu l'état de nécessité comme
'
·té-dûêlanger, l'autre relative à l'absence de faute antérieure.
_ Le danger doit être actuel et imminent, mais n'a pas à être grave. Il s'agit de
un. fait justificatif. Il est défi~_ com~e "La ~itu~tion dans laquelle se trouve une personne
questions d'espèce dont on peut donner quelques illustrations: mari en instance de
qUI pour sauvegarder un Interet supeneu r nad autre ressou rce que d'accomplir un acte
défendu par la loi pénale" 418.
divorce commettant une violation de domicile pour soustraire sa fille mineure à une
f
scène de débauche se déroulant dans l'appartement de sa femme
La Cour de cassation fit de même dans son arrêt du 25 juin 1958, 419. Solution
423 ;
berger ayant dû
abattre un chien furieux qui avait saigné un mouton, pour éviter qu'il ne décime son
réaffirmée en 1966 420 et en 1968 421. Ces décisions se fondent sur l'in térét social, ou
troupeau 424 ; père de famille entreprenant une construction sans se conformer aux
sur l'utilité sociale. La collectivité n'a pas à sanctionner les hypothèses où le bien
prescriptions légales, pour loger sa famille 425 ; automobiliste franchissant une bande
jaune pour éviter deux piétons 426 ; mise en service d 'un tracteur, sans que le
415
Crim. 15 novembre 1856, B. sno358 ; 2 mai 1878, D.P. 1878. 1.336 ; et plus récemment, Paris
5/01/1945,5.1946.2.88, note BOUZAT. Israélites poursuivis pour défaut de carte d'identité
pendant la guerre.
416
Paris, 11 octobre 1983 G.P. 17 janvier 1984, note DOUCET "<ontrainte et nécessité-.
417
Amiens, 22 avril 1898, 5. 1899.2.1, note ROUX.
418
Colmar, 6 décembre 1957 D. 1958-357 ; v. ég. Trib. cor. Colmar 27 avril 1956 D. 1956-500
construction sans permis pour loger une famille.
'
419
].CP. 1959-11-10141, note LARGUIER.
420
Crim. 6 janvier 1966, D. 1966, som. 99.
421
Tnb. corr. 22 octobre 1968, J.CP. 1969-11-15879, note Bouzat.
conducteur soit titulaire des autorisations exigées, destinée à pallier la carence d'un
422
423
424
425
426
MERLE et VITU, n° 345.
Colmar, 6 décembre 1957; D. 1958.357; note BOUZAT.
Riom, 22 juin 1966, D. 1966514.
Tribunal correctionnel Colmar, 27 avril 1956, D. 1956-500.
Tribunal correctionnel, Avesne sur Helpe, 12 décembre 1964, R.5.C 1964.416
�264
265
service public paralysé par la grève et justifié par l'utilité sociale du transport 427 ;
Cette condition fondamentale avait été clairement affirmée par la chambre
criminelle en 1958 exigeant que le risque de dommage soit" de nature à entraîner des
éducateur de prévention resté passif lors d'un cambriolage 428.
Un jugement du tribunal correctionnel de Dijon 429 confond état de nécessité et
dommages plus redoutables" que le péril résultant de l'infraction. Elle est reprise par
l'article 122-7 N.CP. qui exclut l'état de nécessité, s'il y a "disproportion entre les
moyens employés et la gravité de la menace".
contrainte morale. Un individu est traduit en justice pour avoir, malgré les injonctions
Il Y a des hypothèses où l'application de cette condition ne soulève pas de
de l'administration poursuivi la construction d'une petite maison destinée à son
difficulté. Le franchissement d'une ligne continue est justifié par le soud d'éviter
habitation. Il est relaxé au motif "qu'il se trouvait en état de nécessité, au sens de l'article 64
d'écraser un enfant, le vol d'un pain est justifié par la nécessité de nourrir un enfant. La
du Code pénal". Cette décision apparaît éminemment critiquable. Elle aboutit en effet à
crise économique récente ne saurait justifier le chantage au licenciement.
Ces exemples donnent un éventail de la diversité du péril nécessaire. Cependant,
la jurisprudence ne délimite pas toujours exactement les contours de l'état de nécessité.
Mais d'autres hypothèses sont plus délicates. Un exemple tout récent peut nous
traiter l'état de nécessité, non plus Co~! ~ fait justificatif, effaçant l'illicéité objective
1\de
--
être fourni par la lutte contre la propagation du SIDA. Les campagnes de prévention
l'ete, mais comme une cause d 'irresponsabilité subjective, une variété de la
-
émanant de l'État ou d 'associations suscitant l' usage de préservatifs auraient pu
contrainte morale, analyse dépassée.
'/' On retrouve une référence à la notion de contrainte dans l'exigence posée par
caractériser le délit de diffusion de messages pornographiques (art. 227-24 N.CP.).
Compte tenu de la gravité de la menace, les diffuseurs de ces messages sont justifiés
certains tribunaux, d 'après laquelle le péril ne doit pas être le résultat d'une faute
par l'impératif de santé publique (cf. circ. 1er août 1994, indiquant que de tels
antérieure de l'agent (chauffeur de camion ayant défoncé la barrière d 'un passage à
messages ne pourraient caractériser l'infraction précitée).
Le cas de l'avortement offre un cas de figure originaL Avant la loi VEIL du 17
niveau en raison d'une vitesse excessive, invoquant l'état de nécessité à tort, pour la
rupture de l'autre barrière 430 ; automobiliste braquant à gauche pour éviter d'écraser sa
janvier 1975, l'article L 161.1 C santé publique constituait un excellent (et rare)
femme et son enfant sur le point d'être projetés sur la chaussée à la suite de l'ouverture
exemple d 'éta t de nécessité, puisqu'il justifiait l'avortement "lorsque la sauvegarde de la
inopinée d 'une portière de son véhicule, occasionnant par cette manoeuvre des
vie de la mère était menacée". La loi de 1975 a doublement élargi (et dénaturé) l'état de
nécessité en la matière. D'une part, le nou vel article L 162.1 dispose que "la femme
enceinte, que son état place dans un état de détresse peut demander à un médecin l'interruption
blessures graves aux passagers d'une autre voiture 431.
Ce~e
condition est vivement critiquée par la doctrine. il semble que la
jurisprudenct;)lui pose cette exigence pour la contrainte, ait déteint en quelque sorte
,
de sa grossesse" pendant les dix premières semaines de celle-ci, et l'article L 162.4
ajoute que l'exécution est décidée par la femme "s'estimant placée dans la situation visée à
l'article L.162. ". La proportion entre l'acte d'avortement et le péril qu'il tend à éviter est
sur l'état de nécessité. Cet état est une situation objective qui, par définition, ne doit
-
-
\ pas s'apprécier par référence au comportement de l'agenf anterieur à la commission de
l'a~. Il faut voir là un résidù de
- -----
confusion jurisprudentielle assimilant contrainte
donc appréciée souverainement par la femme, sans aucune référence objective et l'on a
morale et état de nécessité. On peut se demander si le N.CP. va réduire cette
pu justement parler "d'un état de nécessité fictif, invoqué comme paravent de la liberté de
confusion.
/0
j. 2°) Conditions relatives à l'acte justifié
L'acte doit d'abord être nécessaire, c'est-à-dire le seul qui permette d ' échapper
au péril, qu'il s'agisse de la sauvegarde de la personne ou du bien.
Il doit surtout être proportionnel au péril que l'agent veut éviter.
l'avortement, pendant les dix premières semaines de la grossesse". 432. D'autre part, le
nouvel article L162.12 autorise l'interruption volontaire de la grossesse "si deux
1
\
médecins attestent... que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou
qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une
particulière gravité reconnue incurable au moment du diagnostic ". Le premier cas
d'avortement prévu par ce texte nous ramène en deçà du droit commun puisque la
santé de la mère l'emporte sur la vie de l'enfant (alors qu'avant 1975, la vie de l' enfant
ne pouvait être sacrifiée qu'à la vie de la mère). Le second cas, qui consacre une
427
Tribunal de grande instance Coutances, 22 octobre 1968, j.CP. 1969.11.15879 note BOUZAT.
428
Crim. 21 novembre 1974, j.CP. 1975. 18183, note CHAMBON
429
27 février 1968, j.CP. 1968. 11.15504; D. 1968. 738, note BOUZAT.
430
Rennes, 12 avril 1954, S. 1954.2.185, note BOUZAT.
431
Crim. 25 juin 1958, D. 1958.93, note M.RM.P., soL implicite.
hypothèse d'avortement eugénique est encore plus éloigné de l'état de nécessité .
432
A. DECOCQ, R.5.C., 1975, p. 727.
�267
266
La jurisprudence, pour sa part, a été appelée à adopter une position identique
Désormais, en matière d'avortement, la seule justification concevable réside dans la
dans plusieurs domaines.
permission de la loi.
A . . Le duel
C . . Les effets de l'état de nécessité
L'état de nécessité ne supprime que la responsabilité pénale. En revanche, depuis
Historiquement, c'est d'abord le duel qui a retenu son attention. Après avoir
plus d'un siècle, la chambre criminelle condamne \' auteur d'un délit nécessaire à
admis l'impunité des duellistes, les Chambres réunies ont consacré la solution de la
indemniser sa victime 433. Cette solution diffère de celle retenue en matière de légitime
répression (15 décembre 1837, S. 1838.1.5, conclusions DUPIN). On l'a critiquée, soit
défense et s'explique par le fait que l'infraction, si elle répond à une menace, ne lèse
par le défaut d 'intention coupable, ce qui est confondre intention et mobile, soit par la
normalement pas l'auteur de la menace, mais un tiers innocent, alors que la personne en
légitime défense, ce qui est également inexact, car elle suppose une riposte à une
état de légitime défense cause un préjudice à l'auteur même de l'atteinte.
attaque, alors que, dans le duel, les agressions sont simultanées. li y a, en réalité,
Les civilistes expliquent cette solution par la théorie de l'enrichissement sans
assassinat, et les témoins devraient être sanctionnés comme complices. Cependant, les
circonstances de l'affaire peuvent conduire à une certaine indulgence du tribunal ou
cause ou de la gestion d'affaire.
même du Ministère public (exemple: duel entre Serge LIFAR et le Marquis de
CUEVAS).
'" SECTION 2 . . UN FAIT JUSTIFICATIF DISCUTÉ
l '
LE CONSENTEMENT DE LA VICTIME
B . . L'euthanasie
Quoiqu'ayant très tôt préoccupé les tribunaux, elle a connu ces dernières années
li arrive parfois que la victime d'une infraction donne son consentement à
un regain d'actualité. Peut-on abréger les souffrances d'un malade incurable en mettant
l'accomplissement de celle-doLa question a pris un relief particulier avec l'euthanasie.
fin à ses jours? Depuis longtemps, la Chambre criminelle a répondu négativement 434.
On invoque souvent la maxime "Volenti non fit injuria " : on ne fait pas de tort à celui
L'euthanasie n~onforme ni à l'intérêt général, ni aux intérêts privés. En effet, tout
qui y consent. Pourtant, nous avons vu que toute infraction, même portant atteinte à
individu valide peut s'avérer productif. D'autre part, les progrès de la médecine sont
des intérêts privés, rejaillit toujours plus ou moins sur le corps soda!. C'est pourquoi, la
tels que l'incurable d'aujourd'hui pourra être sinon guéri, du moins soulagé, dans les
jurisprudence s'est refusée à consacrer le consentement de la victime comme fait
années à venir. On fait valoir, cependant, que l'impunité du suicide impliquerait que
justificatif sauf, cependant, des hypothèses discutées.
l'homme peut librement disposer de sa vie. Cet argument analogique doit être rejeté.
C'est simplement parce que le suicide échappe au domaine de la loi pénale. D'ailleurs,
les tribunaux ont eu l'occasion de réprimer le suidde collectif dans une espèce où deux
§ 1- LE PRINCIPE DU REJET DU CONSENTEMENT COMME FAIT
infirmières, ayant décidé de mettre fin simultanément à leurs jours, l'une avait survécu
JUSTI FI CATIF
et avait été poursuivie sous le qualificatif de non-assistance à personne en danger 435.
Le grand danger de l'euthanasie, c'est l'abus auquel elle pourrait conduire. Malgré
Quelques textes avaient pris la peine de spécifier que le consentement de la
l'évolution technique des procédés d'investigation médicale, pratiquement, ni le
victime ne saurait faire disparaHre l'infraction. Ainsi, l'article 317 c.P. ancien réprimait
diagnostic, ni le pronostic ne peu vent être établis avec une certitude absolue. Des
l'avortement "d'une femme enceinte ou supposée enceinte , qu'elle y ait consenti ou non ... ..
erreurs ont été commises par des médecins de bonne foi et des malades abandonnés
C'était inutile, les atteintes à l'intégrité physique de la personne, de quelque nature
par la médecine, présentant tous les symptômes d'une mort imminente, ont retrouvé la
qu'elles soient, sont des infractions et le pardon ou le consentement de la victime ne
saura ient rien y changer.
434
435
433
Crim. 27 décembre 1884, D. 1885-5-219; 22 avril 1992, D. 1992-353, note BURGELlN.
Crim. 13 juin 1838 S. 1838-1-5.
Tribunal correctionnel Paris, 27 juin 1968, J.CP., 1969, rl.1S 278, note de LESTANG.
�268
269
santé. Dans de tels cas, l'euthanasie, si elle avait été pratiquée, eut été criminelle. Et
§ 2 - L'ADMISSION EXCEPTIONNELLE DU CONSENTEMENT DE LA
VlCIlME
même si, dans un cas donné, un pronostic infaillible d'incurabilité était établi, il serait à
craindre que la tendance des médecins soit de l'étendre à l'agonisant plongé dans le
coma, au paralytique à charge de sa famille, à l'aliéné qui pèse sur le budget public.
Pourtant, il arrive que les tribunaux prononcent l'acquittement. Ainsi, la Cour d'assises
Parfois, le consentement de la victime assure l'impunité à l'auteur, non pas en
de Liège a acquitté une femme poursuivie pour avoir tué son enfant, victime de la
tant que fait justificatif, mais de façon plus radicale parce qu'il exclut l'un des éléments
constitutifs de l'infraction. Parfois, il y a bien fait justificatif, mais fondé sur une
thalidomide 436. Un mouvement d'idées se fait jour actuellement tendant, sinon à
permission implicite de la loi ou de la coutume.
légiférer, du moins à tolérer dans certains cas exceptionnels l'euthanasie en opposant
l'euthanasie active, toujours condamnable et l'euthanasie passive consistant dans
A - Suppression de l'infraction
l'arrêt des soins, tolérée.
On ne peut nier, toutefois, que tout homme a le droit de mourir dans la dignité
il arrive que le consentement donné par la victime supprime l'infraction parce
sans être obligé de subir un acharnement thérapeutique qui peut être la cause
qu'il représente un de ses éléments constitutifs. Ce sont les délits qui comportent la
d'insu portables souffrances.
violence ou la fraude .
il n'y a pas vol, si on a consenti à se laisser dérober les objets (à moins d'avoir été
Une proposition de résolution européenne, adoptée par une commission du
Parlement de Strasbourg vient d 'admettre, en avril 1991 , le principe de l'euthanasie, qui
placé dans un état hypnotique) 439 . Il n'y a pas viol, si la femme s'abandonne
a trouvé sa projection dans la loi néerlandaise du 9 avril 1992. En revanche, l'ordre des
complaisamment aux assauts de son séducteur. il n'y a pas contrefaçon d'un brevet
médecins et l'épiscopat français rejètent catégoriquement toutes formes d'euthanasie
d'invention sans plainte de la partie lésée. Il n'y a pas attentat à la pudeur, quand la
437
victime est consentante, si celle-ci a plus de 15 ans, de même que l'outrage public à la
pudeur n'est pas constitué, si les faits se passent entre personnes consentantes et si des
C - La stérilisation
précautions suffisantes sont prises pour qu'aucun témoin involontaire ne puisse
Elle est sanctionnée pénalement par les tribunaux. Un chirurgien avait pratiqué
survenir.
Cependant, la question fait difficulté en jurisprudence lorsqu'il s'agit d'un théâtre
l'opération de la vasectomie sur des néo-malthusiens qui lui avaient demandé de les
ou d'un cabaret. Pendant longtemps, les tribunaux ont estimé que le consentement du
priver de la faculté de procréer. Poursuivi, il s'était retranché derrière le consentement
témoin ne permettait pas des gestes obscènes ou la nudité intégrale. 440. Puis la Cour
de la victime. il fut condamné pour coups et blessures volontaires 438 Cependant, il
de Paris a eu l'occasion de relaxer du chef de proxénétisme, un gérant d'hôtel qui
semble que l'impunité soit accordée, si le but curatif était évident et si d'impérieuses
procurait, moyennant rétribution, le spectacle d 'exhibitions galantes par deux femmes
raisons médicales l'imposaient. Une certaine tolérance se développe de nos jours et le
441
Ministère de la Santé, compte tenu de la politique nataliste, se borne à fermer les yeux
poursuites, témoignent d'un plus grand libéralisme de la jurisprudence.
Les revues désormais célèbres, Hair et O! Calcutta, qui n'ont pas donné lieu à des
sur les stérilisations pratiquées dans les services hospitaliers. Mais c'est aborder les cas
B - Permission légale ou coutumière
où le consentement de la victime constitue un fait justificatif.
D'autres solutions jurisprudentielles s'expliquent par ce qu'il est convenu
d'appeler la permission implicite de la loi ou de la coutume.
436
5 novembre 1962, R.S.C. 1963.83,R.D.P.C 1962.63.421 .
439
Tribunal correctionnel Versailles, 13 mai 1970, G.P., 1971. 1.34.
437
L.lSRAEL, La vie jusqu'au bout, Plon 1993.
440
Paris, 16 décembre 1908, D.P., 19095.18 ; 28 février 1936, 5.1936.2.137.
438
Crim. 1er juillet 1937, S. 1938.1.193, note TORTAT, R.S.C, 1937.680, observations MAGNOL.
441
3 janvier 1952, G.P., 1952.2201 .
�270
271
1°) Permission légale
2°) Permission coutumière
- Ainsi les opérations chirurgicales comportent les éléments du délit de coups et
- Une permission coutumière explique la justification accordée pour les coups et
blessures volontaires. Pourtant l'activité du chirurgien n'est pas incriminable. Elle est
blessures consécutifs à l'exerdce des sports. Certains ont invoqué le consentement des
doublement justifiée: d'une part, par le consentement du malade à l'opération, mais il
participants pour expliquer l'exonération, à l'instar des pays anglo-saxons. Il est
fait parfois défaut; d'autre part, en raison d'une permission implicite de la loi!'En ce
qui concerne la chirurgie esthétique, la jurisprudence, après avoir refusé d'admettre le
préférable de justifier l'immunité par une autorisation de la loi ou une permission de la
coutume.
fait justificatif, opère une distinction. Si l'opération représente un but curatif en
L'examen de la jurisprudence permet de dégager certaines lignes directrices, dont
sauvant le malade de la neurasthénie, de névroses (blessure de la face, claudication,
bec de lièvre), elle apparaît justifiée. Mais le chlrurgien doit attirer l'attention du sujet
l'essentielle est le respect des règles du jeu. Ainsi, une bataille entre des enfants
disputée au moyen de frondes ne peut être assimilée à une véritable lutte sportive 447.
sur les risques de l'intervention envisagée et se refuser catégoriquement à l'opérer,
Il en va de même si le fait dommageable est survenu pendant un arrêt de jeu 448
quand il y a disproportion manifeste entre les risques encourus et les avantages à
D'autre part, seules sont soumises à un régime particulier les activités sportives qui, de
escompter.
C'est ce qu'a rappelé la Cour de Paris, 442 : HLe chirurgien plasticien méconnaît
par leur nature, impliquent un affrontement direct entre joueurs. Tel n'est pas le cas de
/' obligation de prudence et de diligence qui lui incombe s'il fait courir au patient un risque sans
proportion avec les avantages escomptés De même, a été relevé le délit de blessures
indépendamment les uns des autres 450. On peut relever, également, une réticence
certaine des tribunaux à déclencher la répression. Cela tient, sans doute, au fait qu'il
volontaires pour les suites fâcheuses de l'application d'une teinture capillaire noci.ve,
est difficile de discerner, dans la confusion d 'une partie, si l'auteur d'un coup
cependant acceptée par la cliente 443. A fortiori doit-il en être de même si l'opération
malencontreux a délibérément voulu frapper son antagoniste ou l'a, au contraire, atteint
revêt une pure gratuité 444.
à la suite d'une simple maladresse. Il est d'assez nombreuses espèces, où les faits qui
la chasse 449, ni du ski, du moins lorsque les skieurs évoluent sur des pistes
H.
L'expérimentation médicale, qui n'est pas motivée par le souci de guérir le
ont motivé la condamnation ont été qualifiés de simples imprudences, alors qu'ils
malade a appelé longtemps la même condamnation 445. En effet, l'expérimentation
présentaient tous les caractères d'une véritable agression 451, tandis que d'autres
soulève une double contradiction; culturelle d'abord, le groupe social aspire à une
décisions condamnent les joueurs sur le fondement de l'article 1382
meilleure thérapie, mais condamne les essais thérapeutiques; juridique, la mise sur le
l'action pénale ait été préalablement mise en mouvement 452.
>
c.c. sans que
marché d'un médicament présuppose un visa qui n'est délivré qu'après une série
d'essais longtemps interdits par la loi. Cela explique sans doute qu'il a fallu attendre la
loi du 20 décembre 1988, pour que soit autorisée l'expérimentation avec ou sans finalité
thérapeutique, à condition que le consentement soit libre, exprès et éclairé 446. L' article
LECTURES
223-8 N.C.P. sanctionne de 3 ans d 'emprisonnement, le fait de pratiquer ou de faire
pratiquer sur une personne, une recherche bio-médicale sans avoir recueilli le
J. PRADEL, La défense automatique des biens, Mélanges BOUZAT, p. 217.
J. Y. CHEVALLIER, L'état de nécessité, Mélanges BOUZAT, p. 227.
consentement libre, éclairée et expres de l'intéressé. Cette exigence est réaffirmée par la
loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain.
P. SALVAGE, Le consentement en droit pénal, R.S.c. 1991-699.
447
442
13 janvier 1959,0 . 1959.26.
448
Crim. 7 mars 1968, G.P. 1968, RS.C.1968.629, obs. LEVASSEUR.
Paris 2 décembre 1%7; J.c.P. 1968.1115 408, note O.S., R.5.C. 1968.335, obs LEVASSEUR
443
Poitiers, 19 novembre 1953, O. 1954.150; note VOUIN.
449
444
Crim. 12 octobre 1961, B. nO399, R.5.c., 1963. 103, obs HUGUENEY.
O . la castration d'un transsexuel, Aix-i!n-Provence 23 avril 1990, G. P. 1990, G. P. 1990-575, et
sur pourvoi, Crim. 30 ma; 1991, Bull. n° 232.
450
445
Lyon 27/6/1913 O. 1914.11.73 : Expérimentation ne présentant aucune utilité thérapeutique.
446
AUBY, chron. J.c.P. 1989.1.3384 ; BORRICAND Chron. O. 1989.167.
451
452
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Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
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Title
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Plan du cours de sciences criminelles : DEUG 2e année. Tome 1 (1995-1996)
Description
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Cours de science criminelle, édition entièrement refondue et mise à jour en février 1996 : la permanence du phénomène criminel et son étude juridique et scientifique
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Borricand, Jacques
Source
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Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES 14509/1
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Université de droit d'économie et des sciences d'Aix-Marseille (Aix-en-Provence)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1996
Rights
Information about rights held in and over the resource
soumis à copyright
restricted use
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/201841215
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES_14509-1-Borricand_Cours-vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
xiii-271 p.
30 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 19..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Cours de sciences criminelles : DEUG 2ème année
Subject
The topic of the resource
Droit pénal
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/256
Abstract
A summary of the resource.
Jacques Borricand (1933-…) soutient en 1958 une thèse sur Les effets du mariage après sa dissolution. Il enseigne ensuite le droit privé à l'Université d'Aix-Marseille et à Clermont-Ferrand. Directeur de l’Institut des sciences pénales et de criminologie, il est l’auteur d’une centaine de publications sur le crime organisé, le terrorisme, la délinquance juvénile, la corruption, la crise des valeurs ou encore la prévention de la délinquance. Il publie en 1998 un manuel de Droit pénal, procédure pénale avec Anne-Marie Simon, régulièrement réédité depuis. Ses Cours de sciences criminelles à destination des étudiants de 2e année de DEUG ont également fait l’objet d’une publication à partir de 1987, mise à jour jusqu’en 2001. Le présent document en est l’édition de 1995-1996, entièrement refondue. Dans l’introduction, l’auteur s’explique sur cette refonte, constatant que « pendant longtemps, l’enseignement des sciences criminelles était consacré en seconde année au droit pénal, à la procédure pénale et à la science pénitentiaire. Si cette présentation pouvait se justifier tant que la science criminelle n’avait d’autre contenu que la « matière pénale », elle ne l’est plus aujourd’hui, car de multiples disciplines contribuent de plus en plus à sa formation ». Cette nouvelle édition a ainsi pour but d’intégrer les nouvelles sciences criminelles, dont la criminologie, fondées sur une analyse du phénomène criminel et de la réaction sociale contre ce phénomène.
Source : Annuaire des juristes et politistes universitaires, Paris, Economica, 2002, p. 52.
(Luc Bouchinet)
Crimes et criminels
Criminologie
Droit pénal -- France