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3f7f4608a3154a6c45ade0c56006166c
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RÉPONS
P 0 U R les Procureurs du Païs des Gens des
Trois E tats de P rove nce .
Au . Iv1émoire du Languedoc intitulé:
Ex A
MEN
des nouveaux Ecrits de la Ptovence
jùr la propriété du .Rlz6ne.
Es E tats de Provence ne rcntreroient point
en lice, fur la qu efl:ion de la pro ptiété du
l;lhône, fi ceux de Lang uedoc 2 v c.Î 1:' nt voulu
fuivr~ la marche ordinaire de lïnfrruétion
d'une affaire, & produire d'abord ce qu'ils
:.ppellent iuas titres : mais le Languedoc a lai!fé faire à la
l'ro venc e deux productions & deüx Mémoires, a \~ ant que de
s'expliquer. Cette rufe de Palais n'eft pas fans doute Urie
bonne preuve de la confiance que le LanguedoA veut pa~
�S. '
roître avoir dans fa Caufe : mais il vient enfin d'en expofer
fes moyens dans un Ecrit de plus de trois cens pages d’impreflion, où il dit que la matière étoit déjà fujjfifamment éclair
cie : & après avoir employé plusieurs années à compofer ce
Mémoire , il veut faire juger l’affaire avant que la Provence'
ait préparé fa réponfe.
Cette réponfe eût fans doute coûté moins de tems & de
travaux , fi le Languedoc eût cherché de bonne foi à éclaircir
la matière , & fi dans une affaire prefqu’entierement hiftoriqu e, il eût voulu fu ivre, comme nous l’avions fait, l’ordre
chronologique, feul capable de jetter de la lumière fur une
queflion qui dépend de faits , dont la chaîne remonte aux
tems les plus reculés ; il a préféré de la traiter par differtations ifoiées , & qui intervertiffent l ’ordre des tems ; enforte
qu’il faut l ’attention la plus opiniâtre pour le fuivre dans le
dédale où il a tout enveloppé, ôc où l’on a peine à reconroître l’affaire.
L e foin de pénétrer cette obfcurité n’a pas été notre feul
embaras : en dénaturant l'état de la queflion, l’on nous a prêté
des prétentions contre lefquelles nous avions protefté plus
d’une fois. O n a toujours de l’avantage à combattre des chi
mères lorfqu’elles font notre propre ouvrage. Quoique nous
les ayons déjà détruites, le Languedoc n’en fupofe pas moins
encore dans fon nouvel é c rit, que l’objet de la Provence eft
d’attaquer les droits de la Couronne & de contefter au R o i la
fouveraineté , ou au moins la propriété du Rhône. Faut-il
répéter de nouveau que notre unique prétention eft que le
R o i eft Souverain du Rhône , en vertu des mêmes titres qu’il
l ’eft de la Provence, & que le Rhône coulant fur un terrein
Provençal , ce fleuve fait partie d e là Proven ce, à compter
de la Durence jufqucs à la m er, mais que le R o i n’en eft pas
moins Souverain & Propriétaire du fleuve.
�Par combien de titres, de Lettres Patentes, d’ Àrrêts de
Cours fupérieures & du Confeil n’avons-nous pas établi cette
proportion ; 8c en les invoquant de nouveau ne pourrionsnous pas rendre avec jufiiee au Languedoc les imputations
deshonnêtes qu’il nous fa it , d'attaquer les droits de la Cou-
Prç. 4- & autres de
1 examen des titres de
renne , de démentir ou rejeîter nombre de Lettres royaux , a al- ^ Provence fur ic
terer Vhijtoire, de défigurer la plûpart des fa its, G? de contredire
même plufieurs Arrêts folemnels du Confeil.
L es Procureurs du Pays de Provence feront mieux que de
dire des injures à leurs Adverfaires. Ils vont les fuivre pas à
pas dans leurs erreurs, 8c les réfuter. Si cet écrit n’a pas le
même ordre que les précéd ais, c’eft qu’on y eft forcé de
s’engager dans des difcuflions découfues aufquelles il faut
répondre. Ces réponfes fuppoferont même qu’on a fous les
yeux Vcxtamen du L an gu ed oc, ôc quoique cette méthode
jette quelque embaras dans le difeours , on l ’a préférée au
foin de rapporter d’abord les raifonnemens de nos Adverfaires
pour ne pas tomber dans des longueurs interminables.
L ’on préfentera enfuite,fous trois titres diflerens, une ré
capitulation des faits & des actes fur lefquels la Provence fa
fonde. Nous ferons vo ir, dans le premier, qu’elle a poffedé
des terres à la droite du Rhône du côté du L an guedoc, fans
que le Languedoc ait jamais eu ni prétendu avoir la moindre
portion de terrein à la gauche du fleuve du côté de la Pro
vence : L e fécond fervira à prouver que les Souverains ôt les
grands Vaftaux de Provence ont établi & poffedé les péages
fur le R hôn e: Et le troifiéme contiendra la preuve qu’ils ont
également poffedé les ifles du fleuve. L ’on répondra enfin
aux moyens de droit qu’oppofe le Languedoc ; les détails
dans lefquels nous fommes obligés de nous engager pourront
paroître trop minutieux pour entrer dans une hiftoirc générale,
A ij
�mais l ’on fentira facilement qu’ils font indifpenfables avec
des Adverfaires, qui femblent moins ocçupés de la défenfe
de la Caufe , que du foin d'épiloguer fur les mots dont
nous nous fommes fervis dans les précédens écrits, avec
des Adverfaires qui s’érigent en Défenfeurs des droits de la
Couronne qui ne font point attaqués , avec des Adverfaires
enfin q u i, fans rapporter la moindre preuve de leurs droits ,
exigent encore qu’on leur produife des titres des nôtres ,
quand nous les en avons accablés.
P R E M I E R E
P A R T I E
Examen de la quejlion confiderée au fond.
article de l’exam en
au q u el npus ré p e n -
daas-
*
^
Si le Rhône a appartenu de tout tems a la Provence ; h
les Rois de France n’en ont joui que du moment & tant qu’ils
ont été Propriétaires de la même Province ; fi les ufurpations
des Pays connus fous le nom de Royaume de Provence , leur
enlevèrent en même-tems la pofleflion de ce fleuve , il n’eft
pas douteux qu’on ne puifle le regarder que comme une dé
pendance de cette Province.
C e point de vue qu’on ne préfente que pour une pure fuppofltion , & qui doit être le réfultat de l’examen propofé ,
montre que s’il y a des droits honorifiques ou pécuniaires à
exiger fur le R h ô n e ,c e n’eft pas aux Officiers du L anguedoc,
quels qu’ils foient, à les exiger: il répond de plus à toutes les
queflions que forment ici les Défenfeurs de cette Province.
Combien d’art employent-ils pour faire croire que les droits
qu’ils défendent font ceux de la Couronne ? Mais outre qu’ils
ne font pas chargés de la défendre, la Provence ne craint pas
de répéter qu elle reconnoit dans fon Souverain les mêmes
�droits qu’elle reconnoîtroit dans celui du Languedoc, fi le
Rhône appartenoit à cette Province. Envain le Languedoc
veut-il unir fes titres à ceux de la Couronne ; une différence
effentielle s’oppofe à cette union , c’eft que les droits de la
Couronnefont imprefcriptibles. Dans cefen s-là , les ufurpationsde Bofon & de fes luccefieurs n’ont privé la France , du
Royaume de Provence , que de fa it, le droit lui en a toujours
été confervé ;mais elle n'a pas confervé un droit particulier
fur le Rhône : fes titres à cet égard ont luivi le fort du princi
pal ; &c en rentrant dans l’exercice de fon pouvoir fur celui-ci >
elle eft rentrée dans l’exercice du même pouvoir fur toutes
fes dépendances , parmi lefquelles il faut compter le Rhône.
L a maniéré dont s’eft faite cette union en 14.81 , eft indiffé
rente au Languedoc, & n’intéreffe que les Parties contrac
tantes, N i le R o i, ni la Provence ne s’en plaignent: mais
celle-ci n’eft-elle pas en droit de fe plaindre de ce que fous
prétexte de remarquer quelque différence dans la maniéré dont
le Languedoc ôe la Provence font partie du Royaume de
France ,o n veut donner une prétendue convenance pour une
raifon décifive ? C ’eft faire injure à l’équité du C o n fe il, qui
fçait que depuis trois cens ans la Provence eft auffi Françoife
qu’aucune autre Province du Royaume , & qu’elle en a donné
des preuves dans toutes les occafions.
Il eft vrai que le Défenfeur de la Provence s’eft fervi
comme on le lui reproche ici , du mot de Languedoc x
pour défigner le terrein qui compofe aujourd’hui cette Pro
vince, en parlant du tems où elle portoit le nom de Gothie
ou Septimanie. Il ne i ’avoit fait que pour foulager l ’attention
& faciliter l ’intelligence de l’affaire , mais jamais d une façon
qui puilfe influer en rien fur la queftion ; 6c l ’on défie le1
Languedoc de citer une feule occaffon où il puiiTe en tirer.
�aucun avantage : cependant on tâchera de n’employer déforirais que les mots qui lui plaifent.
A R T I C L E
P R E M I E R .
Origine des droits de la Couronne fur le Rhône.
,
I l ne feroit peut-être pas auffi difficile que les Advcrfaires
le prétendent, de démêler qui des Volces ou des Salyens ôc
Liguriens excerçoient le plus d’autorité fur le Rhône ; mais on
paffera fur ces difeuffions , qui au fond ne présentent que des
An. aeRome «29. vrai-femblances & des conjeûures. On s’abftiendra auffi de par
ler des premiers tems qui fuivirent la conquête faite par les R o
mains , du Pays auquel ils donnèrent le nom de Province ou de
A n . de R o m e 7 2 7 .
Province Romaine , qui prit celui de Narbonnoife fousslugufle ,
ôc qui comprenoit à peu près ce que nous connoiffions aujour-
H;ft deL a n ç . to m . d’hui fous les noms de Dauphiné , Provence ôc Languedoc. Tant
j/fuiv.' 33>P18-,#î4 que les deux bords du Rhône furent fournis à un même G ou .yerneur , il ne fe paffa aucun événement qui puiffie faire juger
f lc ’étoit comme maître de la rive droite ou de la rive gauche
qu’il exerçoit fon autorité fur ce fleuve : réflexion qui doit
avoir lieu dans tous les cas femblables.
E«am cn > p a g . 1+.
Mais on ne paffera pas avec la même facilité fur les tem s ,
où les befoins de l’Empire exigèrent qu’on partageât les G ouvernemens. Sans entrer dans le détail de ces diviuons, qui
nous ccarteroient de notre o b je t, il fuflîra de dire que la
Hift deiane.t. 1, JViennoife dût être féparée de la Narbonnoife fur la fin du troi«nî «& * pagleoo dénie fiécle de l ’Ere chrétienne, ôc que l ’une ôc l ’autre firent
& (Soi.
partie des cinq ôc des fept Provinces dont il eft fait mention
à la fin du quatrième fiécle ôc au commencement du cin
quième.
�7
11 feroit difficile de décider quelles furent dans Porigine Ifcs
limites de la Narbonncife & de la Viennoise ; fi on les fuppofe
différentes de celles qu’on retrouve environ cent ans après ,
M . de Marca , (u) auquel le Défenfeur du Languedoc prend
grande confiance , prétend que le Rhône en faifoit la répara
tion; mais il auroit dû continuer fa leéiure encore une lig n e ,
& il auroit vû que les Hiftoriens de fa Province , fes garants,
abandonnent eux-m êm es l ’autorité du fçavant A rchevêque,
jL;d not_
fur ce qu’il ne donne aucune preuve de fon opinion, 5c !',Péonf.’ ^gÙi w 'c
encore plus fur ce que le Diocèfe de Viviers avec les parties
des Diocèfes de Vienne, de Valence, d'Avignon 5c d'A rles,
qui font à la droite du Rhône , o n t, fuivant toutes les notices,
appartenu à la Viennoife. L a plus ancienne qu’on croit avoir
été dreffée au commencement du régné d Honorius , attribue
à cette Province les Diocèfes que l ’on vient de nommer,
comme le font les notices poftérieures : à la vérité ni les unes
ni les autres , qui n’entrent dans aucun détail, ne font mention
des parties de ces Diocèfes féparées de leurs Capitales par le
R h ôn e; mais fi l ’on vouloitqu’elles euffent d’abord été foumifes à d’autres Evêchés, on feroit obligé d’en fournir la
preuve , 5c de donner l’époque du changement ; ce q u i paroîtra impoffible à tout homme inftruit, puifque les plus anciens
titres qu’on ait fur ces Paroiffes , les placent fous les Eglifes
dont elles dépendent encore aujourd’hui. Une nouvelle preuve
quelles en dépendoient originairement pour le temporel
comme pour le fpirituel, eft que nous les verrons dans le
moyen âge faire partie du Com té des mêmes V ille s , dans
( <t ) Exam. pa~. 14 . où l’on cite la pag. 1 y 8 de primat, comme au commence
ment de la note 34 de lH ift. de LaVg. page 614 ; tandis que le pailàge de
M. de Marca fe trouve à la pag. 164 du même ouvrage. Toute l’érudition de ce
Défenfeur feborneàdes extraits de l ’Hiitoire de ik Province , fouvent-même peu
«xatSs >comme dans cet endroit.ci.
�r.Hifp.
M^rc.
i.c les D iocèfes defquelles elles font fituées. Telles font les
MÙc.'dctrJmet.§• * reftriclions d’après lefquelles il efc convenu entre les Sçavans,
&i8,p/<s/.’n/73’ eue les Romains ne changèrent point les limites des Cités
Jdront.Gdi. qu’ils fournirent ; qu’à l’établiiTement de la Religion chrcP . 1 2 . Hift. d e la n g . ^
1
M
r
'
t. i,not. s,p.p.<sos- tienne , les Gouvernemens ecclcfiafhques furent régies lur les
Gouvernemens civils , & qu’on n’a pas d’autre méthode dans
les difeu liions de la nature de celle qui nous occupe.
L a vérité de cette méthode doit être bien conftante , puifqu’elle a été reconnue par le Défenfeur du Languedoc ; mais
il prétend l’affoiblir en ce qu’on n’y a pas toujous eu égard
dans les arrangemens des tems poftérieurs ; & il fembleroit
à l’entendre , accufer la Provence d’employer des équivoques
G des raifonnemens plus fpécieux que foiides, dont cependant
il ne releve aucun , parce qu'il eft plus aifé d’éluder l’état de
la queftion par des généralités, que de faire des réponfes
précifes à chaque objetlion : il fembleroit donc que la Pro
vence veut fe fonder fur l’attribution des limites données à
ces Cités fous l ’Empire Romain , pour demander le rctablifTement de l’ordre ancien , puifqu’il lui fait entrevoir obli
geamment qu’il lui feroit perdre une portion confidérable du
D iocèfe d’Avignon. Comme ce n’étoit point l’objet de la
Provence , elle fe croit difpenfée de le remercier de fes avis.
Son but a été feulement d’en établir Pufage , pour les teins
dont elle parle ; d’en faire remarquer l ’origine pour les tems
où il fe trouvera établi ôc fixé par les acles, & d’en conclure,
i°. que comme les Romains ne changeoient point les limites
des Cités qu’ils foum ettoient, la fixation de celles qu’on voit
ici au territoire de la V ille d'Arles en particulier, devoit être
antérieure à la conquête des Romains : & 20. que le R hône
qui couloit au milieu du territoire de la même V ille devoit
dépendre du même Gouvernement ôc des mêmes Officiers.
Cette
�Cette preuve générale eft confirmée par des faits particu
liers (a). On voit par les aftes autentiques du martyre de Saint
Ferreol arrivé à Vienne vers l ’an 304., qu’une portion de la
rive droite du Rhône étoit foumife à l ’autorité du Prélident
ou Proconful de la Viennoife ; Saint Ferreol s’étant fauvé de
prifon , avoit traverfé le Rhône à la nage ; mais le Magiflrat
le lit pourfuivre & arrêter au lieu de fa nouvelle retraite. Si
le Rhône eût fervi de borne à la Viennoife, le Gouverneur de
cette Province auroit-il pu envoyer des gens en armes à la
pourfuite d’un homme qui fe feroit trouvé fur des ferres foumifes au Proconful de la Narbonnoife, ou au Vicaire de la
Lyonnoife f Car il faut rappeller ici un autre principe du
Gouvernement Romain ; c’eft que les Officiers d’une Province
n’avoient ( b ) aucune efpece de pouvoir hors des limites de
leur Province. Il réfulte donc de la conduite de ce G ouver
neur que la partie du D iocèfe de Vienne qui eft à la droite du
Rhône , &t par conféquent le Rhône même dépendoient de
fon Gouvernement.
L a V ille d’Arles y étoit auffi comprife alors ; mais elle
devint bientôt confidérable 6c M étropole. Conftantin en aima
le féjour ; non content de l’avoir rétablie & augmentée , il lui
donna fon nom & y fit conftruire un Palais qui devint dans
les Gaules le lieu de fa réfidence 6c de celle des Empereurs.
C ’eft depuis ce tems-là que nous la voyons bâtie des deux (c)
V U . Saxy PontifA rc l. p. 9 &
V alef. tiotit.
F* 3 8 *
«♦ .o-
( a ) Rhodanum . . . . paucis tfajicit mpuljibus . . . . uli cum à perfecutorilus
ccmprehenderetur Éyc. A6i. Martyr. Jirc. pag. 40S , 407 , 408. édit. Veron. 1731..
( b ) In rebus omnibus eequale crat jus omnium Frovinciarum , ita utnuüi exConfuleribùsin ali-ram cliquod ejjet imperium. Marc, de primat. §, 83, pag. 114 , ! v etf.
& §• 9 3 , pag. 149
feq.
( c ) Pande duplex Arelate, tuos Manda hofpita portus
Precipitis Kkodaiti Jic intercifa Jluentis ,
Ut mediam facias navali pont; plateam.
Aufon. iirb. *» P'
................................Duplicemque per urbem
«17 , édit. iy}0 “ '*■
Qui méat U dsxtra Rhodanus, dut nomma ripas
B
Ibid, fidyll. p. 3 J Î'
�10
côtds du grand R hône avec un pont de communication. L e
Fauxbourg qui fubfifte encore à la droite de la riviere , porte
le nom de Trinquet aille. Ainfi le grand Rhône renfermé entre
les deux parties de la V ille ne pouvoit appartenir aux Habi-
p.
s?.
tans de la rive droite du petit Rhône , quels qu’ils fuffent. C e
principe mene plus loin ; car comme le grand bras de ce
fleuve depuis fa féparation en deux branches principales jufqu’à fon embouchure , coule entre des terres qui font ôc qui
ont toujours été du terroir d'Arles, on doit en conclure que
des étrangers n’ont jamais eu ni pu avoir de prétention fur
cette partie du fleuve. Ainfi c’eft mal-à-propos que le Défenfeur tju Languedoc a avancé que c'étoit en 1 12 J , pour la pre
mière fois , que le fort de la Camargue , cette même ifle où étoit
fltude au quatrième fiécle la moitié de la V ille $ A rles. paroît
être déterminé, à la Provence , par lin monument autentique ; s’il
ne convient pas maintenant de fon erreur, fon aveuglement
fera bien volonraire.
L e féjour des Empereurs procura bientôt de nouvelles
grâces à la V ille d'Slrles, qui devint la première des Gaules ,
quand le Siège du Préfet du Prétoire y eût été transféré fur la
Hîfi. aurang. 1.1) fin du quatrième fiécle. Honorius àtJheodofe le jeune la choifirent dans la fuite pour le lieu de l’affemblée annuelle desfept Provinces qu’ils avoient établies par un Edit dont la date
revient au 17 d’A vril 418. On y trouve (a), comme dans les
été vit. S.
Prœcipitem Rhedanum mo’ i quœ ponte fubegit,
Et jUi.xit gemmas connexo tramite ripas.
g, cp. IO.
Arelate ejl tivitas fuvra und.is hk dard lonfitura (jutz in orientis profpeSium, taiaire ia t Ho- latumpontem per nuncupatiJiuminis dorfa t anfmittit.
In u t i iorcm ripam de civitate in civitatem . . . . tramgreditur.
ixy .P - ” •
Mirât- B.
Via ilia navalis, quâ inter conjœderatas jibi urles illius terrililis Rhodani terga
p IÎ&Pcalcantur , &c.
K oK ■17 1
(a) Jam vero decurfus Rhodani & Thirreni recurfus , necefe e(f ut vicinum faciant
,d. pair s. cc pe.ne conterminum, vei quod Ole preeterjiu it, vel quod ïïle circuit. Cum ergo huic
8 , a<3
ferviat ùvitati, quidquid habet terra prœcipuum , ad hanc veto , remo ,vehiculo, terrâ ,
ne. P 4 7 *
,r. de glor. mari, jhiwine inferatur, quidquid JinguUs nafdti.r , £rc. ùirm. not. inüidon. pag,
[, c. 68, 69» M 7 j &• alibi pajjim.
60
89 ■> Edit»
Bûcher,
n. t. 5> B it.
�Hifloriens * du tcms , qu’il s’y faifoit alors le plus grand *v. Au.*».
*
p. i l 4 . Creg. snccommerce 7, ainfi que
du
tems
de
Strabon
**.
Peut
on
les
ennym. ^ivixitcnf.
*
tantii a talc»
tendre , fi on n’y joint une liberté totale de navigation fur l a * * s t » b . i . 4, P . u i .
rivière qui baigne fes murs ? A fuivre même les expreffions
de ces Princes , le Rhône ne couloit que pour y apporter les
richefles de la Gaule êc de tout l ’Univers. Ainfi le fleuve dépendoit fans doute de la V ille d'Arles:.
Cette conjecture , paroît pleinement confirmée par un
paflage de la notice des dignités de l ’Empire : ouvrage T llem. art. 6s fur
rédigé vers le milieu du régné à'Honorms , & antérieur p. «s+,«s5, an.
,
.
,
Sur Val. t . 6 , p. 266,
d’environ douze ans à la conftitution que l ’on vient de citer*&»ot. i3»p.
On fçait qu’il contient un détail dej tous les Officiers de
l'Empire , ôt que leurs fondions y font indiquées par les
noms de leurs Charges : In Provincia G allia Ripznfi ( y eft-il dit)
Prœfeffus clajjls fiuminis Rhodani ,V kn n o t, five Arelati. Arles
ou tienne étoient donc le Siège fixe du Prefet de la flotte du Panï?r. in not,
cid. c. 90,
1 8 0 , é d it. Venet*
Rhône , c’efi-à-dire qu’il habitoit alternativement chacune de f- î*o‘
9
A
.
.
.
ces deux V ille s, félon les befoins de la navigation. L e détail
de fes fondions, dont l ’examen tiré des L o ix Romaines &
1601.
des lettres de CaJJioàore, nous meneroit trop lo in , indique
qu’il avoit la police de la riviere , tant fur les Marchands
que far les Pêcheurs, que la caiffe principale des impofitions
du Rhône étoit auffi dans les mêmes V ille s , ôt que c’étoit nutor. Mon.Func
là qu’on armoit & défarmoit la flotte deftinée à la garde du 17+2 in f°,
Rhône. En fe rappellant le principe que les Officiers d’une
Province n’avoient aucune Jurifdidion hors de la Provin ce,
fe contentera-t-on de dire que cela prouve feulement que le
Rhône couloit fous les L o ix des Empereurs f Et pourra-t-on
difputer à ces Villes la propriété d’une riviere fur laquelle
des Officiers qui y réfidoient, exerçoient des droits (1 mar
qués ? Certainement la fixation de cette réfidence devint une
B ij
E x a m .p . k .
�t2
fuite de cette propriété ; car il auroît etc contradictoire de
mettre des Officiers dans un lieu dont n’auroit pas dépendu
la chofe fur laquelle ils dévoient exercer leur autorité.
V. Hift. de I-ang.
Paffons légèrement fur les premiers établiffemens des Vi[i'176,177^06 gels dans la Narbonnotfe , à Touloufe en 4.18 ou 4.15), à A a rbonne en 462. Mais arrêtons-nous fur le régné d Euric leur
R o i , qui monta fur le trône en 466. Saint Sidoine nous
apprend que ce fut un Conquérant qui voulait pouffer fa do
mination jufqu’a l’océan , au Rhône ôt à la Loire , pour leur
faire fervir de barrière à fes Etats (a). La première lettre de
cet Auteur contient la preuve que c ’étoit fa feule prétention
v.Tniem. arr. 2: par rapport à la Z-cire; car vers l’an 473 , où elle dut être
14s. ~
1 écrite , les Francs o u ïe s Saxons étoient maîtres FFAngers ôc
v.Tiiiem. Anthem. des iffes de la Loire , d’où les Gots ne travaillèrent point à les
a u j , Lmÿ. t. s, P. cpaq\.r>
q l)e i es expreffions font les mêmes pour les deux
rivières j on doit en conclure c\u Euric ne forma pas plus de
prétention fur l’une que fur l’autre.
Quand même il en auroit form é, ce ne feroit pas un pré
ju ge, à moins qu’on ne lui eût accordé par la paix tout ce qu’il
demandoit ; mais à en ju g er, par ce qui nous refte de la négov. Vov. o.TiHen-. ciati° n qui fut entamée fur la fin de l’année fu ivan te4 74 , ôc
r^odoac. art. 4,v. j ans ]aqUen e put employé Leonce d'Arles avec plufieurs autres,
v . s;a. Apoii. 1 ; ,
ep. 6 , P !«+•
ri',
cp- 7 > p. i 8«.
il paroît qu’il n’étoit queffion de céder aux Vifigots que VAu
vergne & le refie de la Narbonncife ; car dans une lettre adreflee
parô. Sidoine à un des Négociateurs , ôc où il employé toute
forte de motifs pour les engager à refufer la ceffion de VAu
vergne , il ne leur fait pas feulement entrevoir qu’il fût queftion
de faire perdre à aucun d eux la moindre de leurs pofleffions ;
( a ) llli CGothi ;■ veterum Jinium limiiibus ejjraitis . . . . . . po^ejjionis metas in
Rhoâanun Ligerimque proterminant. L , 3. ep. p. 63.
Ruedum terminas fuos ab oceano in Rkodanum Ligeris alveo limnmrunt L . 7*
tp. 1 ,2 % . 171.
�15
cependant fi les Pays cédés à Euriceuffent dû s’étendre Jufqu’au Rlione , Leonce auroit perdu la portion de fon D iocèfe
qui eft à la droite du fleuve : car comme lorfqu’un Prince foumettoit à fa domination une V ille épifcopale, il la faifoit
V . Hift» Me Lanr«*
paffer fous la Jurifdiction d’un Métropolitain dû fes Etats 5 1. 5»§•**’ *■ x»l#
169
pour admettre dans les Conciles qu’il faifoit affembler les feuls iS
Evêques qui étoient fous fa puiffance : de même dans le cas
où il s’emparoit d’une portion d’un Diocèfe étranger, ce dé
membrement ou formoit un nouvel E vêch é, ou devoit être
5 » c ‘ 5 : p. 107'
réuniau Diocèfe le plus voifin. On en trouve la preuve dans .dPj.. Kuin.
un pacage de Grégoire de Tours , fuivant lequel Dalmace,
Evêque de Rodei, répetoit vers l’an 5 7 3 , quinze Paroiffes enle
vées à fon Evêché par les Gots qui en avoient formé celui
cF/lriJitum.
Il paroît encore 1®. par une lettre du même E vêq u e, adreffée à Batiens > Evêque de Lyon, fur la fin de l’année 4745
■*
5
s
cp- *’
’P
v. hmi. de Lang;
1. 4 , §. ISS , t. 1 r
ou au commencement de la fuivante, qu’Euric n’avoit pas p-119alors pouffé fes conquêtes jufqu au Rhône, puifque la naviga
tion du fleuve relloit abfolument libre aux Sujets de 1 Empire»
fk. 2°. par le détail de la négociation de Saint Epiphane qui p’;E""
mit la derniere main à la conclufion du traité en
^ , que le s‘r™,jLOA(K art s>
R o i des Vijigots, touché des reprefentations du S. Evêque de
Pavie, fe relâcha fur quelqu’une des conditions quil avoit exigées jufques-là.
Il les obferva tant que vécut l ’Empereur Nepos, avec lequel
il avoit traité ; mais après la mort de ce Prince, arrivée le ip
M ai 480 , il porta la guerre en Provence , où il s’empara des
V illes d’Arles & de Marfcille , qui lui furent cedées bientôt
après , avec tous les Pays qui s’étendoient jufqu’aux Æ pes,
par Odoacre , C h ef de ces diverfes Nations barbares , qui fur la
fin de l’Empire Romain compofoient toutes fes m ilices, &. à
nfà dcunV-
y s , P. 6go.
t w p'Jcopl
�14
canâ. Hift, Byt. qui Zenon , fuccefleur de Nepos, venoit de les donner. O n
croit qu’Euric établit alors fa demeure dans la V ille d’Arles : il
y mourut fur la fin de l ’an 484., &c il eut pour fuccefleur
j
o
Alaric IL fon fils. Celui-ci qui périt à la bataille de JAouglé en
$07 , ne laifla qu’un fils nommé Amalaric , fous le nom duquel
Theodoric fon grand pere maternel régna fur tous les Etats
des J/ifgots. I l étoit lui - même R o i des CJlrogots , 6c avoit
achevé la conquête de l’Italie fur Odoacre, au commencement
de 4.93.
Quoique les deux bords du Rhône fuffent alors fournis à
la même domination, on retrouve cependant quelques traces
de la dépendance où il étoit de la V ille d’Arles. Thierry , fils
de Clovis , qui pourfuivoit fur les Gots les avantages de la
bataille de F'cuglé, fut repouffé l ’année fuivante , à l’attaque
du Pont d'A rles, pofle important, 6c q u i, fuivant l’exprefTion
de l ’Hiflorien de L an guedoc, étoit alors lefeul qui pût faciliter
le paffhge du Rhône. ( a ) On le demande à tout homme qui ne
fera pas aveuglé par un intérêt particulier; peut-on croire
qu’alors le Pont ôc le Rhône ne dépendiffent pas d e là V ille
■ d’Arles ?
I l eft impcflible de ne pas tirer la même conféquence d’une
circonftance du Siège que les François ôc les Bourguignons
leurs alliés vinrent mettre deux ans après devant la même
vit.s.cifar.a™*. V ille . Saint Ceiaire qui en étoit E vêq u e, fut accufé par la
B . B*ncd» ord . t. 1 , G arnifon , de favorifer les Ennemis ; on l ’arrêta , ôc il fut
¥■ ««3.
réfolu de le tranfporter au Château d'Ugernum, qui ne peut
être antre chofe que la V ille de Be2ucaire (b). L e proiet man< a ) L. 5. S 45 , t. ' p. '-‘\9 , luri’i rportanc? de ce porte , U comme i ren
voi t maître du Rhône, V. Dubos, étab. d elà Monarch. Franc, t. i. p. . 66, 49}»
t. ». p, 199 édit. 1741 in 4 °.
( h 1 II ferait BÎfé d'en multiplier les preuves, mais ilfu flît c'e renvoyer à D Mabiil.-not.üîJ. F.(def. not. G a ll.p .
de Lang. t. not. }S ,p . t>i8 & t. J,
p . 6-61 .
�qua , parce que la crainte des Ennemis répandus fur les deux
bords du fleuve, empêcha de tirer le bateau dans lequel on
avoit mis le Prifonnier. Il n’en réfulte pas moins : i°. que le lit
du Rhône étoitlibre aux Ojlrogots : 2°. que le Château d'Ugernum ddpendoit du même Gouverneur que la V ille d’Arles ; &
celafe rapporte à ce que nous avons établi fur les limites de
fon territoire , tant pour les tems antérieurs que pour les poftérieurs, où nous verrons la même V ille dominer pour le civil
comme pour le fpirituel fur toute la partie de fon Diocèfe qui
elt à la droite du R h ô n e , & par confcquent embrafler le
R hône même. L e Défenfeur du Languedoc veut faire croire
qu’il ne voit dans cet événement, que les François maîtres des
deux bords du Rhône ; ils letoient fans doute, mais pour le
m om ent, & de la même maniéré dont toute armée l ’eft du
territoire d’une Place qu’elle aflîege : le Siège levé , le terri
toire rentre fous la domination de fes Maîtres légitimes.
Theodoric, après avoir repris fur les enfans de Clovis tout ce
que ce Prince avoit enlevé aux Fifigots , mourut le 50 d’Aôut
5 26, & ne laiflfa que deux petits fils ; l ’un , nommé Àtlialaric,
lui fucceda en Italie & dans les Gaules , tandis que la portion
d’ /lmalaric fut bornée à ÏEfpagne. Cet arrangement qui prîvoit celui-ci de la Septimanie, héritage de fes peres, excita
fans doute des murmures ou des plaintes de fa part. Q uoiqu’il
en fo it, la portion des Gaules qui avoit appartenu à leur ayeul ,
fut partagée entr’eux. L e R oi d'Italie ou des Oflrcgots , eut ce
qui croit à la gauche du Rhône , & le R oi d’EJpagne ce qui
étoit à la droite du fleu ve, fans qu’i^foit queftion de la pro
priété du fleuve, dans l'Hiftorien qui rapporte ce traité ; de
forte qu a prendre fes expreffions à la lettre , il faudroit croire
que le Rhône ne relia à aucun de ces Princes. L e feul moyen
de reconnoître celui à qui il fut adjugé, eft de confulter les
Exam p. 3j .
Tur. r
t
• 21 > p. 1 *7 .
§
Page ad h u n r m
V. Cafftod. l t j
'• 6
Procop, vtjnp. J j
'• 178. 179.
1
�16
✓ to n s poftérieurs. O n y verra les Souverains de Provence 5
fucceffeurs d'Athalaric , regner paifiblement fur la partie du
D iocèfe d'Arles q u ieftà la droite du Rhône , & par conféquent fur le Rhône môme & fur les ifles qu’il forme , dont la
Camargue eft une, fans qu’on puiffe en adigner d’autre caufe
que ce traité de partage , dont on prit pour bafe le rétabliffenient des anciennes limites qui fe trouvoient fur les frontières
xefpéQûves.
Nous touchons au moment où la domination des Rois de
France s’approcha des bords du Rhône. Jufqu’ici tout le monde
avoitcru que ce fut par le côté deProvence.llplaîtauDéfenfeur
sam.p.7-
du Languedoc d’en donner l’avantage au Vivarais, ktUfege&c
à Argence , ou Ugernum qui eft la partie du D iocèfe d'A rles,
fituée à la droite du Rhône. Rapportons fes propres expreffion s, pour qu’on ne nous accufe pas de diminuer la force de
fes preuves.
Pag.15 &fu'.v.
'
r. s . c. 30.
» On trouvera dans les meilleurs Hiftoriens ,
que dès l’an
» 5 3 3 , T h eo d ebert, petit fils de C lo v is , enleva la V ille ôc le
» Pays d'U fezaux Vifigots qui. . . . n’y regnerent plus dans
» la fuite. 2°. Que ce Prince s’empara en même-tems du Châ» tcau nommé Ugernum , 6c du territoire de Beaucaire, qui
» furent à la vérité , repris
ans après par Reccarede & fes
» V ifigots, par reprefailles de l’irruption que le R o i Gontran
» venoit de faire en Septimanie jufqu’à la V ille de N irnes,
» fuivantle récit de Grégoire de Tours , mais qui furent aufil» t ô t , ou prefqu’auffitôt abandonnés par fes troupes , & qui
» en effet ne furent pkrs fournis au pouvoir des Vifigots.
» 30.Q u e l’année fuivante J 3 4 , dans le partage qui fut fait
» entre les R ois de France, du Royaume de Bourgogne, le
» Vivarais échut à Theodebert. 4 0. Q ue dès-lors, ce Prince
» régna
�17
» régna fur les Pays arrofés par la rive occidentale du Rhône
» qui de ce moment fe trouvèrent fournis à demeure à la domi- /
» nation Françoife; fçavo ir, les Pays de Vivarais ôc d’Ufege,
» ôc enfuite le territoire de Beaucaire qui étoit connu dans ce
» tems-là fous le nom de Terre d’Argence (a) , qui comprenoit
» alors comme aujourd’hui toute la plaine de Fourgues, 8c
» qui n’appartenoit point aux Oftrogots , puifque c’eft fur les
®Vifigots que Theodebert s’en empara, ôc puifqu’Amalaric
» n avoir abandonné aux Oflrogots p arle Traité de 526, tii
» le Rhône, ni des terresftuées fur la rive droite du Rhône, comme
» on le fuppofe fans fondement, mais leur avoit feulement cédé le Mém. psg. 1.
» Pays qui n'eut le nom de Provence que vers ces tems - là , ôc
» qui étoit borné alors, comme l ’eft depuis plus de 600 ans ,
» le Comté de Provence , par la D urence, les A lp es, la M et
» ôc le Rhône. Les Etats de Provence n’ont pas encore
» prouvé non plus , que Pille de Camargue ait fait partie de
» ce Pays cédé aux Oflrogots en y 26.
Si pour fournir cette preuve, il faut produire l ’original du
T ra ité, la Provence doit y renoncer, parce qu’elle eft fondée
à croire qu’il n’exifte nulle part. E lle ne l ’elt pas moins à aflurerque fous l ’Empire Romain ôc fous le régné dcTheodoric,
immédiatement avant le Traité dont il eft queftion, la moitié
de la V ille d'sirles étoit bâtie dans cette mêmelfle de Camar
gue qu’on voudroit lui difputer. Pour le faire avec quelque
ombre de vrai-femblance , il faudroit au moins indiquer le
tems ,où cette dépendance a dû celfer, quoiqu’elle ait continué
jufqu’à nos jours. Ainfi nous regarderons cet article comme
hors d’atteinte, jufqu'à ce qu’il plaife au Défenfeur du L a n '
guedoc de produire fes titres. La Provence vient de propofer
( a ) On ne connoit point de titre anterieur au neuvième fiècle, où il foit
mention du nom d’Argence.
G
�les tiens , fur ce qu’on doit penfer du fort d'Argence dans le
»partage de $26 3elle va les fortifier par l’examen de ce qui fe
paffa en 533.
Ex»™™,P 75 &4°v. Frappés du ton de confiance que l’on vient de rappeller ,
ce n’a été qu’avec inquiétude que nous avons confulté les
meilleurs Hijîoriens>tant anciens que modernes, dont le Lan
guedoc réclame le témoignage unanime, & dont ce Critique
fevere con clu t, fous préeexte qu’il n’tfi point fait mention d’un
fait très - particulier dans une hiftoire générale écrite par un
1Ko
Etranger , que rifle de Camargue ne tomba pas dans le lot de9
C ftrogots, ôc ne dépendit pas de la V ille à'Arles , quoiqu'on
voye dans le même tems la moitié de cette V ille bâtie dans la
même Me : Croira-t’on qu’aucune de fes affertions n’eft ap
puyée de l ’autorité d’aucun ancien Hiftorien ? L es modernes
lui feront peut être plus favorables ; mais non : & on l'allure
ici après l’examen le plus fcrupuleux , ni Ade^erai, ni le
P . Daniel, ni l’Abbé Dubos qui a traité avec plus d’étendue
que perfonne1, les ccmn encemens de la Monarchie Françoife ,
ni lePréfidentHui/jmdr, ni l’Abbé de VeUy en parlant de l’ex<pédition dcTheodebert en 533 , n’ont donné le moindre lieu
aux conjectures qu’on érige ici en certitudes. Enfin les Ediî>f 4, teurs du recueil des Pliftoriens de Irance , fe contentent de.
' '■
dire que Theodebert prit alors le Pays de Rhode£ , le Gevaudan,
le Velay , & peut être VAlbigeois.
Mais cependant, après avoir invoqué le témoignage una
nime des meilleurs Hiftoriens , il faut bien au moins pouvoir
s'étayer d’un feul 3 ôc c’eft l ’Hiftorien du Languedoc : ôc
encore ce que le Défenfeur de cette Province donne comme
une certitude , le premier ne le propofe que comme une
vrai-femblance. Ecoutons-le
xaifons.
I
parler , avant d’examiner fes
�•rp
» Theodebert, apres la prife du Château de Cabrieres , nm.d«tune. î.»,
» prit la route du R h ô n e , fuivant Grégoire de T o u rs, ôc c-8>'•*> p-iSS» entra en Provence. C ’eft alors qu’il dut reprendre fur les l .
» Vifigots le Gevaudan, le V êlai . . . & la V ille d’Ufez.....
» qui depuis cette expédition de T heodebert, demeura tou» jours foumife aux Rois d’Auftrafie......... Nous ne doutons
» pas qu’il n’ait fournis alors le Château d’Ugernum fitué
» entre Nimes Ôc le R h ô n e , que les Vifigots reprirent dans
» la fuite : C ’eft de ce c ô té -là qu’il entra fans doute en
» Provence.
E t dans une note particulière fur les expéditions de
Theodebert, il ajoute :
» C e n’eft que depuis l’an y 33 que Theodebert, fils de Not.«$,p.««,s79.
» T h ierry , R oi d’Auftrafie, ayant reconquis furies Vifigots
» les places que Theodoric avoit enlevées aux François
» après la mort de C lo v is , la V ille & le Pays d’Ufez furent
» fournis aux François, ôc l ’on ne fçauroit donner aucune
• preuve du contraire. Ainfi c ’eft avec raifon que nous met» tons ce Pays au nombre des conquêtes de Theodebert........
» Nous y avons ajouté le Château d’Ugernum , parce qu’outre
» que ce Prince porta fes conquêtes du côté du Rhône ÔC
» de la V ille d’Arles qu’il aftiégea , nous voyons d’ailleurs
» que ce Château fut un de ceux que le Prince Reccarede
» reprit fur les François l ’an y8y. Ces peuples dévoient pac
» conféquent l’avoir enlevé auparavant aux V ifig o ts, & fans
» doute pendant l ’expédition de Theodebert ; « puifqu’entre
ces deux époques, auroit-on dû ajouter, nous n’en voyons
point d’autre où iis euffent pu s’ emparer de ce Château.
Q uelle différence entre ce ton-là ôc celui que prend l’A u
teur du Mémoire ! Encore y a-t-il à remarquer que c ’eft
fans aucune preuve qu’on y avance que Theodebert prit la route
C ij
�56
du Rhône , ôc entra en Provence. Grégoire de Tours qu’on
cite , dit feulement , à l’occalion d’un tait très-étranger aux
t . ï >p.
323-
conquêtes de ce P rin ce, qu’il avoit des otages de la V ille
à' Arles, {a) Audi l’Abbé du Eos, qui n’avoit point de fiftême
à faire valoir en cette occafion, obferve-t-il que c’étoit pour
fureté que la V ille obferveroit une exa£te neutralité durant
la guerre ; 6c cela vraifemblablement pour fauver du pillage
ôc des contributions les terres qu’elle poffédoit à la droite
du R h ô n e , telles que le Château d Ugernum. Mais ne fuppofons rien , & prouvons.
i°. Il ne paroît par aucun monument que Theodebert ait
jamais été maître d’ Ufei : on ne trouve point la foufeription
v. C o m de l ’Evêque de cette V ille parmi celles du concile de C/er».T, p?439>4+:^’ mont, tenu en
par les Evêques de la domination de
Theodebert : au contraire Saint Firmin, Evêque d’U f e i, aftifta
v . gm.chr.t.61 aux q.e. ôc j e. conciles d'Orléans, en 541 6c y 49 , ôt au
fécond de Paris en y 71 , convoqués les uns ôt les autres par
Childebert, R o i de Paris, 6c non par Theodebert ; 6c l’on a
Dcmtn. jtmh.fii- dans l a v ie de Saint Ferrcol, Succeifeur de Saint Firmin, la
mil. rediv. afjend.
17■ iiu
preuve la plus précife que ce Prince étoit maître de l'Ufcge
vers y yy ou y y 6 : car fur des plaintes qu’on lui avoit portées
contre l’Evêque , il le manda à fa C o u r, 6c l ’y retint comme
en exil pendant trois ans. Il eft donc plus fimple de convenir
qu’on ne fçait pas comment l'Ufege paffa fous la domination
Françoife ; que ce ne fut pourtant pas par la prétendue con
quête de Theodebert, mais plutôt par le partage du Royaum e
de Bourgogne entre les Princes François, arrivé en y y4 ; 6c
enfin que la première preuve qu’on ait de cette foumiifion ,
fe tire de la foufeription de Saint Firmin au concile d’ Orléans
en
( a ) Àrslatenfem enim tune urbsm Gothi pervaferant, de qui Theudebertus otj.des.
eontinelat.
�21
a°. Il fera encore plus aifé de montrer contre ces Ecrivains J
quUgernum ne fut point la proye de Theodebert en y 3 3.
Dans ce cas-là il auroit appartenu en y 8 y à Childebert II*
Roi dAujlrafie, 6t. non à Contran, R o i de Bourgogne ôc
d 'A rles, à qui il appartenoit effectivement. Thierry I . R oi
dA uftrafic, n’étoit pas encore mort au tems de cette expé- 118>edlt- R»>n.
dition : ainfi Theodebert combattoit pour fon pere , ôt les
conquêtes qu’il faifoit appartenoient à Thierry. A la mort de
Clotaire I. qui avoit réuni toute la Monarchie Françoife fur fa
tête , Sigebert (a) fon fils eut le Royaume de Thierry : ôt
quoiqu’il y eût eû dans la fuite quelques démêlés entre
Gontran ôt Childebert IL fils de Sigebert, le premier avoit rendu
à l’autre , avant l’expédition de Reccarede, généralement tout
ce qui avoit appartenu à la fucceflion de fon pere (b). D onc
dès qu Ugernum n’appartenoit pas à Childebert II. après cette
reflitution , il n’avoit appartenu non plus, ni à Sigebert, ni à
Thierry I. D onc il n’avoit pas été pris par Theodebert en
533 Mais s’il l ’eûtvpris, ce n’auroit pu être fur les T'ifigots
qui n’en furent jamais les maîtres (c). Suivant Jean de Biclar ,
Auteur contemporain , Leuvigilde rétablit dès la premiers
année de fon régné, ou l ’an y69 , la Province des Gots, c’eftà-dire la Septimanie, ou la Narbonncife I. dans fes anciennes
limites ; cependant Leuvigilde ne régna point alors fur Ugernum,
ni même après que Reccarede fon fils en eut fait la conquête
en y 8 y , puifque celui-ci 1 évacua tout de fu ite, le reprit,
(a ) Deditque fors Sigiberto regnum Theuderiri , ibid. I, 4 , C. n , pag. 163,
V . Pred. epijl. n°. t t . p .
9.
(b) Tune ei ( Childeberto ) reddidit rex Guntchrannus omniu quæ pater ejus Sigibertas
haluerat. Greg.Tur.L7. c. 31 >v. 359.
( c ) Juliini imperii anno 111. Leovegildus in regnum citerions Hifpanix conftituitur .& Provinciam Gothorum quæ- jamrebellione diverforum fuerat diminuta, min-;
Miter adprijiinos revocat terminas. Hifpan, iïlufr.t. 4 ,p. 154.
stT.
�le pilla ,
Î2
l ’abandonna une fécondé fois deux ans après : &
il eft à remarquer q u e, fuivant Grégoire de Tours (a) qui nous
a fait connoître ces deux expéditions de Reccarede ,Ugernum
appartenoit à Gontran, R o i de Bourgogne ou d’A r le s , ôc
q u il répété à chaque fois que ce Château dépendoit de la
V ille ou de la Province d’Arles. Nous vo yo n s, par les m onumens les plus autentiques, le Souverain de la Provence
regner paisiblement fur Ugernum, à la droite du Rhône , ea
51 0, y8y & £87.
Il y eut dans cet intervale de tem s, deux changemens de
Souverains dans ces cantons-là : on veut parler du traité de
partage pâlie entre les Uifigots &. les OJlrogots en y 2 6 , ôt de
la ceflion que ceux - ci firent de la Provence aux Princes
François, dix ans après. N ’eft-il pas tout naturel de penfet
que dans ces cas Ugernum fuivit le fort de fa Capitale ? E t
d’autant mieux qu’il appartenoit en 58 j au Souverain de
cette même Capitale : au lieu que dans la fuppofition de
l ’Hiûorien & du Défenfeur du Languedoc , il auroit dû
appartenir au R o i d’Aujlrafie : mais ils ont fenti l ’un ôc
l ’autre que la poffefiion d’Ugernum par la P ro ven ce, dé™
montroit qu’au fixiéme fiécle le R hône ne pouvoit dépendre
que de cette P ro vin ce, ôc ils fe font retournés de tous les
côtés pour le lui enlever. Quand on foutient une mauvaife
caufe, qu’on connoît peut-être pour te lle , car l’un ôc l’autre
ont connu ôc cité le paffage de Grégoire de Tours , dont on
vient de faire u fage, il n’eft pas étonnant qu’on tombe dans
( a) Ugernum Arelatenfe .eajlrum irrupit . . . . . fixe audisns Bex Leudegifi"
lum . . . . Ducem deligens , omnemei Provinciam Arelatsnjem commijit. Tut. i, 8,
c . J O , p . 4 0 1.
Gothi vero . . . in Arslatenfem Prarinciam proruperunt...... unum etiam eajlrum
Ugernum nomme , cuir1 rebus atque kabiiAtoribus deiolantes , nullo rctillente, regrelli
func. Ibid. L. 9 , c. 7 , p. 41$.
�1?
des contradiâions înexpliquables. Dans notre opinion au
contraire, tout va de fu ite, fans que Ton éprouve d’embarras >
fi ce n’eft pour fe dégager des entraves qu’on voudroit ap
porter fur la route : l ’on doit remarquer que la poflelfion
d’Ugernum par la V ille d’Arles lui alfure la propriété du
Rhône ; au lieu que ce même Château , entre les mains d’un
des Souverains qui regnoient en Septimanie, ne prouve rien
en fa faveur pour la propriété du Rhône ; deforte qu’on
pourroit accorder au Défenfeur du Languedoc tout ce
qu’il a cherché à prouver, & qu’on croît avoir détruit, fans
qu’il pût en tirer le moindre avantage. Cependant à l ’entendre»
ici & ailleurs, ( p. 2 2 & alibi,) il femble qu’il ait démontré
les droits de fa Province fur le R h ô n e , ôt Je nom de
Rhône ne fe trouve que dans fa bouche , ôc jamais dans
aucun des Hiftoriens originaux , & des titres dont il voudroit
fe prévaloir.
3°. O n convient qu’en J 3 4 , Theodebert acquit le F'ivarais'
des dépouilles du Royaume de Bourgogne ,* furquoi il eft à
remai quer que cette Province dépendit toujours dans la
fuite du Royaume qui porta ce nom.
Mais 4°. On nie que la propriété de VUfege mît fes PoffelTeurs, quels qu’ils fuflent, en poffellion du Rhône , ni
même de la rive droite de ce fleuve , ainfi que l'avance
quelque part l ’Hiftorien de Languedoc, citant le 47e. chapitre du 4e. livre de Grégoire de Tours : c ’eft fans doute
fuivant l ’édition de T). Ruinai t; car dans toutes les éditions
antérieures , ce livre n’a que 45 chapitres. On a lû ôc relu ,
avec la plus grande attention, celui qu’ils indiquent : comme,
on n’ y a pas vû le moindre mot qui puiffe faire foupçonner
qu’il y foit queftion du R h ô n e , on a penfé qu’il devoir y
avoir une faute d’impreiïîon, quoiqu’elle ne foit pas marquée
�dans l’eriata , 6c a force d’examen , on a cru qu’on devoit
lire 43 au lieu de 47 : en effet il eft parlé dans ce cha
pitre-là du paffage du R h ô n e , mais l ’Auteur ne dit pas ce
qu’on lui fait dire ; il dit feulement que quand on étoit à
Avignon, (a) il failoit paffer le Rhône pour fe rendre dans
les Etats de Sigebert, R o i d’sdujirafie ; 6c de la façon dont
il en p arle, il paroît qu’ils étaient un peu éloignés du fleuve*
I l feroit même très-aifé de montrer , par l’expédition dont
i-s» e . ?,r- Grégoire de Tours rend compte en cet endroit là , 6c par le
heu ou Gorüran enferma le traîcre Monderic, que la pofp. i7o.
jbt d,
407, v'l d
30,
. à
11 4
>
V•
y
-,
1
A
fefüon du Pays TUfe\ ne rer.doit pas Sigebert Maître du
Rhône. Mais évitons des difeu(fions qui ne convaincroient
pas des Adverfaires obflinés. Il fuflit de les indiquer aux
perfonnes défintéreffées , qui verront dans ce qui a précédé ,
comme dans ce qui va fuivre , i ° . que la Provence 6c Urgence,
comme une de fes dépendances , ont été Françoifes , même
avant VUfege, 6c longtems avant que les autres P a ys, qui
forment aujourd hui le Languedoc, fulfent fournis à la même
domination. E t 2°. que le Rhône a toujours dépendu de
celui des Princes François qui regnoient en Provence: d’où
il faut conclure que c’eft de la pofleflion de la Provence
que la Coutonne de France tire fes premiers droits fur le
Rhône.
{ a ) ConjunSlique funt in Avennico territorio.Verum pojîquam . . . ad litus Rhoiam amnis accgerunt, uttranjatto torrentî , re^r.o Je lie^ts Si&iberti conferrent, Sx.
Ijb i fup. p. 184»
A R T IC L E
�»
%•
25
A R T I C L E
II.
Etat du Rhône feus la fécondé race de nos Rois, G* principale
ment dans les tems des premiers Ujurpateurs
de la Provence.
Les Provinces où coule le R h ô n e, avec toutes celles qui
compofent la Monarchie Françoife, & celles en plus grand
nombre qui la compofoient alors, fe trouvèrent foumifes au
pouvoir de Charlemagne. Ce Prince réunit en fa perfonne
tous les droits qu’avoient eu fur le Rhône les Romains &
les Cjlrogots, & non les Cifigots, qui n’y avoient jamais eu
•ni droit, ni prétention, ainfi qu’il vient d’être prouvé: &
quoiqu’en dife le Défenfeur du Languedoc. Loin d’en dis
convenir ^ la Provence fe glorifiera toujours d’avoir vécu ,
avec toutes fes dépendances , fous les L o ix d’un des plus
grands Princes qui ayent régné en Occident ; mais ce dont
elle ne conviendra pas, eft que la pofleflion du Rhône par
Charlemagne fon Souverain , ait nui à la propriété qu’elle
réclame. A u contraire elle met au nombre de fes titres , tous
les droits que ce P rin ce, & ceux de fes Succeflfeurs qui ont
été dans le même casque lu i, ont exercés fur ce fleuve; ôc
elle eft fondée à le faire , à moins qu’on ne lui prouve qu’il
ait démembré la Provence pour gratifier la Gothie, ou changé
les anciennes limites de ces Provinces, comme il étoic le
Maître de le faire, & comme il le fit en 806 pour la Pro
vince d’aquitaine. Tant qu’on ne prouve pas qu’il l ’ait
il fuit que ces limites furent confervées ; & la même
féquence réfulte de ce qu’il exerçoit les droits de fes
déceffeurs ; car il devoir les exercer au même titre ôc
D
fait,
conPréde la
Exsra. p. î 3-
R ec . des H ift. de
F ia n c e , c. 5 , p . 77*>
�'a*
même maniéré qu’eux ; ce qui fait voir que tout ce qui a
précédé cette époque > ne devient point inutiLe à la queftion
préfente, comme l’avance notre Adverfaire.
Il a un intérêt qu’il dillimule en cet endroit, mais qu’il a
dévoilé ailleurs ; c’eft de faire croire que les droits de la
Couronne fur le Rhône , font les mêmes que ceux du
Languedoc. Cependant le contraire eft évident, fi dans le
tems même où les deux Provinces ont commencé à être
foumifes aux Rois de France , il paroît qu’ils n’ont exercé
des droits fur le Rhône qu’en qualité de Souverains de la
Provence. On feroit en droit de le conclure, de ce qu’on
n’a aucune preuve qu’ils en ayent changé les limites ; car
avant l ’avenement de Charlemagne à la Couronne , le
diftrict civil de la V ille d’Arles embraiïbit, ainfi que fon
D io cèfe, les deux rives du Rhône , & par conféquent le
Rhône meme.
Mais il faut laifler au Défenfeur du Languedoc le pri
vilège de n’étayer aucun de fes raifonnemens fur la moindre
preuve. Nous en trouvons pour notre opinion dans une
donation que Vigo , Evêque de Cirone, fit à l ’Eglife à'Arles
le 23 de M ais de l ’an 797 , de tout Valleu qu'il pojjedoit au
territoire de cette Fille dans Vijle de Saint André, (a) Cette
ille n’exifte plus 3 mais nous verrons fous l’année 9 60 , qu’elle
( a ) Vigo S. Gerundenfis Ecclejice F.pifcovus donator . . . ad domum S. Strphani
Sedis Arelatenjis . . . concedqqae ibï omnern alodsm quem habeo in pago Arelatenfe,
in locum quem vacant in!'u!a S. Andréæ , îrc. Cartul. de l’Eglife d’ Arles, fol 3 1.
L ’néle eft daté X , Kal. Anr. anno J XI}'. Quando Karolus regnanci fum.pjit exordium:
Ce qui ne peut convenir qu’à Ch irlemagne dont la vingt neuvième année , à compter
du 14 Septembre 758 jour de la mort de P pin fon pare, tombe à l’an 797 ; ce ne
peut ’-tre ni Charles le Chauve qui ne fut Maître de Pa Provence que la trente-cin
quième année de fon régné, ni Charles le Simple qui ne le fut jamais. D ’ailleur: il
y a la dénaturé d’Harimbert ou d’ Himbert Eveque d’Avignon , & d’Enbaldus Pré
vôt de l’Eglifè d’Arles , qu’on retrouve fous i’Archevtque Elifknt qui fiégeoit en
7$4. Voy. G ail. C hrijl. t. 1 , col, 545, 595 , 803.
�*7
étoit fituée dans le R hône , un peu au-deflus de la V ille
d'Arles, ôc v is - à - v is l’endroit qui porte le nom de Jonquicres. Les ifles du Rhône faifoient donc alors partie du
territoire d'Arles ; car il faut remarquer que fi le Rhône
eût dépendu de la Cothie ou Sepîimanie} aucune ifle de ce
fleuve n’auroit pu être comprife dans le territoire d’une
V ille étrangère , parce que cet arrangement particulier fe
feroit trouvé contradictoire avec l ’arrangement général. Il
n’eft donc pas v ra i, comme on le hazarde fans preuve, que r*im. p. 88 & fuiv.
le traité de l ’an 1123 foit le premier monument autentique
qui dépofe de la polfeiTion de la Camargue , 6c du grand
bras du Rhône en faveur de la P roven ce, puifque voilà un
aéte antérieur de plus de 300 ans qui ne laifTe aucun doute
à cet égard. O n l’avoit obrnis dans les premières pro
duirions ; on s’étoit contenté de faire valoir les aétes des
années S24 ôc 823 , qui font relatifs à l’échange fait entre
A ’ato , Archevêque , 6c Leibulfe, Com te d'Arles. E t fi le
Mémoire du Languedoc les a laiffés fans réponfe, c ’eft
que l ’échange même ôc la confirmation qu’en donna Louis
le Débonnaire, fils ôc fucceffeur de Charlemagne, prouvent
évidemment qu'Argence 6c l ine dont on vient de parler ,
étoient comprifes dans le territoire d'Arles. Sur quel moyen
pourroit-on établir que les bras du Rhône renfermés entre
ces limites , n'étoient pas compris dans le même territoire T
Au refte cette ihe fut donnée peu de tems après par le
même Leibulfe à l ’Abbaye à'Aniane qui ne la pofféda pas
toujours; car on la retrouve au 12e. 6c au 13e. fiécle entre
les mains des Vaffaux des Archevêques d’Arles,
On ne regardera pas comme une fingularité que le Comté
d’Arles eût alors la même étendue que le Diocèfe de cette
V ille ; ceto it encore l ’ufage com m un, conftaté par tous les
D ij
H Æ t e Isnguei}.
i,pr. n.
p.s)S_
rSid.n. 2, P. 7U
�i8
monumens \ Ôc par les Hiftoriens contemporains ; l ’on ne
fuivoit point d’autre réglé dans les pairages qui fe faifoient
de la Monarchie. Prenons-en pour exemple celui de 1 an
837 , comme le plus voifin du tems dont il eft queftion.
A'ithard , neveu de Louis le Débonnaire , qui nous en a
tranfmis le d é ta il, après avoir nommé les V illes que cet
Empereur 'deftinoit à Châties , Ton quatrième fils , ajoute , (a)
» &. tous les Evêchés , A bbayes, C om tés, Fiefs , fit autres
>3 chofes
contenues dans les limites fufdites , avec toutes
» leurs appartenances 6t dépendances, en quclqu’endroit
» qu’elles fuffent fituées. « Ces faits-la font plus pofitifs que
les raifonnemens vagues que le Languedoc oppofe à cet
Exam. p. 17&UÎ- arrangement : dans le moment où on lui prouve qu’une
chofe exifie , il fe contente de faire voir quelle auroit pû
être autrement.
Cette vérité va être mife dans un plus grand jour par le
détail des évenemens qui fuivirent la mort de Louis le Debonaee Lan
c> naire arrivée le 20 de Juin 840. Lothaire l ’aîné de fes enfans
r ■*Hift. «
allE
I.
1
p. 5:
* V id . ib. §• i 5
S li» 523 v
regret p rivé, par un dernier arrangement, d’une partie des
r- Etats, qui lui avoient été afiignés, par le projet de partage
de l’an 817 ; la force qu’il employa dans cette occafion n’eut
aucun fuccès. Ses difgraces ne le découragèrent pas , il re
gagna par l ’intrigue ce que le fort des armes lui avoit fait
perdre, (b) Charles le Chauve , le dernier de fes freres, étoit
en poffeflion de la Septimanie 6c de la Provence, par un traité
( a ) Omnes videlïeet Epifcopatus , Ahbatias , Comitatus , Fifcos C omnia infra prxdiàas fines confiflenna , cum omnibus ad fe pertinentilus, Ce. Nit. 1. - , c. 6 ,
Rec. des Hift. de Fr. t. 7 , p. 1 4. VU. et. ann. Bertin. ann. ad hune ann, t. 6 , p. 199
ad ann.
, 859 , r. 7 , p 73 , 75 , Ce.
( b ) Per Saugonnam ufque ad confluentem Rhodani, C fie deinde per Rhodanum
ufque in mare Tyrrenum , omnes videlicet Epifcopatus, Abbatias, Comitatus, Fifcain
Alpibus conjijlentia. Nith. L. 4 , §. 3 , Rec. des Hifl, de Fr. t, 7 , P- 3.0.
�59
provifionnel du mois d’Août 840, un autre traité de même Hift.dc Iang. 1.t*.
efpece ligné au mois de Juin 842 le dépouilla des Etats s; P S *
fitués entre les //Ipes, la Saonne & le Rhône jufqua l’embou
chure de ce fleuve , avec tous les Lvèchés, abbayes, Comtés (y
litfs qui en dépendaient ; & cet arrangement devint fixe un an
après par un nouvel accord, au moyen duquel (a) en aban
donnant la Septimanie à Charles , Lothaire jouit paîfiblemeut
des Comtés ajfis aux deux côtés du Rhône. Ici l ’on ne fait que
copier les cxpreiiions équivalentes l ’une à la u tre , des deux
Hilioriens contemporains ; &. quels Hiftoriens ! C ’eft Nithard
coufin germain de Charles le Chauve & de fes freres, Miniftre
& Général de ce Prince , employé en chef dans fes guerres
&. dans fes négociations , qui a dû connoitre exactement la
vérité, & ne peut être foupçonné de l ’avoir déguifee au pré
judice du Souverain auquel il s’étoit attaché : Q u ’on en fafle
l ’application au fujet que nous traitons, & qu’on fe rappelle
l ’étendue de l’Evêché & du territoire d'slrles, pourra-t-on
difputer à Lothaire la propriété d’unf fleuve enclavé de
toute part dans fa domination ?
Cet arrangement, qu'on voit fuivi de fiécle en fiécle , eft
fondé fur tous les monumens du tem s, & fur les plus autentiques. T e l eft l’aête par lequel L o u is, R o i de Germanie,
& Charles le Chauve partagèrent entr’eux le 8 d’Àoût S70 ,
les Etats du Roi Lothaire, fils de l’Empereur du même nom.
L es V illes & les Comtés de Iy o n , de Viviers <k d’CT/èj , y
font nommés comme des dépendances de cette fucceflion ; nu. P. no, m,ôc cette circonftance arrache en plus d’une occafion un aveu P. “ J!1' Bjl’ ,-Ij
(®) DUkiliuis portionibus . . . . fortitus ejf Lotharius . . . . nfque ad Anrerti
Rodano influemem
per deflexum Rodani in M ire, cum Cbmitatibus Jimiliter fibi
mrimque adhærentibus. Cœtera ufque ad Hifpaniam Carolo cejjerunt, A an. Bénin»
lid. p. j i . V. Ann. Fuid. ibid. p. 160. Ce traité fut religieufement obfervé dans
ia faite , & confirmé en 844 , 851 Sc 854, V. ann, Berna, ubijup.p. 63, 67 , yoj.
�30
■ remarquable à l’Hiftorien de Languedoc. N on-feulem ent
t . 10, §. *+> ’ 4'
* « . « • « ’ P-53<5’
J + 1 > 5l5îj &.
$• 57 & 85 ’
p, 5+3»56*‘
il reconnoît que la partie du D iocefe d'Arles fituée à la droite
du R hône obéiffoit à l’Empereur 6c au R oi Lclhaire , mais il
juge même avec beaucoup de vraiferr.blance que le Vivaraàs
& le D iocefe d'I/fez dépendoient alors du D uché ou du G ou
vernement de Provence. Après cet aveu, on ne foupçonnera
pas cette dernière Province de fe laifler aveugler par fon in
térêt ; & quel eft l ’homme de bonne foi qui ne reconnoîtra
pas dans ces arrangemens uniformes ôt qui paroiffent n’avoir
eu d’autre réglé ni d’autre m o tif, que la continuation d’un
ufage ancien , fuivant lequel la rive droite du R hône ôc
par conféquent ce fleuve, appartinrent toujours au Sou
verain qui régna fur la Provence ?
Une autre remarque non moins importante à faire fur ce
partage de l’an 84,3 , eft que ce fut relativement à cet aêbe
que tous les Succelfeurs de Lothaire dans le Royaume de Pro
vence , poflederent des terres à la droite du Rhône. Si dans
la fuite elles furent cédées aux Comtes deTculcufe, ils n’envifagerent eux-mêmes, dans cette ceiïion , que le droit qu’ils
avoient à la fucceflion des Comtes de Provence : ainli ce
changement ne détruit en rien , ce qu’on vient d’avar.cer, Ôc
dont on jugera mieux quand il fera tems de le développer ;
car autant il eft de l’intérêt du Languedoc d’accumuler les
faits & les objets pour les confondre , autant eft-ii de celui de
la Provence & de la vérité , de remonter à la fource de
toutes les poffeflions, ôc d’examiner la fuite des évenemens.
O n ne rappellera pas les preuves qu’on a produites dans
le Mémoire de la Provence , pour montrer que l ’Empereur
Lothaire régna feul fur le Rhône. A fa mort arrivée le 28
.Septembre
S jp
, Charles le plus jeune de fes trois ftls ,e u t
�?»
pour fon partage le D uché de Lyon 6c la Provence. SoUs fon
régné le Rhône devint le théâtre des pirateries dés Normands
(a) qui s’arrêtèrent dans Tille de Camargue, d’où ils portèrent
leurs ravages fur les deux bords du fleuve. Il ne paroît par
aucun monument que Charles le Chauve qui regnoit en Sepiimanie, fe donnât le moindre mouvement pour les en chaffer ;
au lieu que le D uc Gérard, Miniftre ôt Gouverneur du fils de V . Splc.t. 3 ,p . iS4s
Coinin b. ep. vir. /. i »
Lothaire , qui J’appelle fon Pere , fon Nourricier & fon p. Î 03 j e d it.fi/.
M aître, eft loué par Loup Abbé de Ferrieres, de les avoir E p. 1 2 2 , p . 1 6 7 ,<
exterminés, ou mis en fuite ; car on ne doute point qu’il ne
faille entendre les Normans, fous le nom qu’emploit l’Ecrivain
Ecclefiaftique.
A u R oi Charles mort en 863, fucceda l’Empereur Louis I L
fon frere. On a vû dans le premier Mémoire de la Provence
que de fon tems le quartier d’Argence (b) faifoit partie du ter
ritoire diArles : on va voir que l ’ifle de Camargue dépendoit
alors de ce Prince : circonftance qu’on avoit négligé de re
marquer dans les premiers écrits , parce qu’on ne prévoyoit
pas que le Languedoc pût jamais porter fes prétentions jufques
fur cette ifle. L ’Abbaye de S. Ce^aire y pofledoit des biens
confidérables, ôt Roland Archevêque d’Arles jouifioit de ces
biens en 8 '9 , en vertu de la conceflion que lui avoient faite
de TA bbaye, l’Empereur Louis & fa femme Engelberge (c).
Ainfi l’ifle de Camargue dépendoit du Pvoyaume de Provence.
(a ) Pirata Danorum . . . . Rk:danim ingrediuntur . . . . in infula quæ Camaria
dicitur, fedes 'po ni t. Ann. Bert. ub, fiip. p. 75.
(b ) In villa Gaudiaco, in villa de Campo publico , in pago Arelatenfi , in agro
Argentea. Invent, des tit, de l’ Arch, d'Arles , Bibl. du Roi. M AI. ue Gagnieres ,
pag 9 9 ‘
( c ) Betlandus Arelatenfis Archiepifccpus, Albatiam S. Cœfarii apud Ludovicum
bnvçratOTem G Engellergam . . , adentus, in infulâ Camariâ . . . in quâ rcs ipjius
Ablatiæ plurimx cenjcicent » . . . Cajlellum xdificans , É>c. Ann. Bert. ubi lupty
p. 10 7 .
edit.
I5 « 4 . V .
Baln\. ib. ),ot. p. 45OC7 Mabill. an», £lc~
ned. I. 35 . §. 7 S o
t - J , p . S S J * 6.
�32
Il eft donc prouvé qu’au commencement de la fécondé race
de nos R o is , ainfi qu’à la fin de la première, lorfque les Pro
vinces qu’on connoît aujourd’hui fous les noms de Provence
\
& de Languedoc, appartinrent à des Maîtres différens, celui
qui le fut de la Provence régna aufii fur le Rhône. L e Lan
guedoc n’eft donc nullement fondé à vouloir identifier fes
droits avec ceux de la Couronne, puifque celle-ci dans l’ori
gine a joui du fleuve fans interruption pendant plus de 350
ans, fans que le premier y ait pu former la moindre préten
tion ; & une conféquence nécefîaire de ce principe, eft que
lorfque dans le même-tems les deux Provinces fe trouvèrent
réunies fous la même main , chacune d’elles dut conferver fon
étendue & fes lim ites, à moins qu’elles ne fuffent changées
par l ’autorité du Souverain ; on ne le prouvera jam ais, puif
que les clrofes font toujours reftées fur le même pied : ce
feroit du moins au Languedoc à le prouver, & tel eft le
véritable état de la queftion.
L e raifonnement qu'il fait en cette occafion , & fur lequel
il paroît fonder le principal mérité de fa défenfe, demande
Exam. p*
une attention particulière. Les partages des diverfes portions
du Royaume , d it - il, naltercrent peint les droits de la Couronne
fur les différentes Provinces objets de ces partages, parce quelles
ne ceffoient point d’ ebéir à des Princes François , G' d’appartenir
toutes à la Monarchie Trançcife. Sans répéter ici que les droits
de la Monarchie lui font étrangers, & qu’elle treuveroit en
Provence des Dcfenfeurs aufii zélés & aulli empreffés , fi ces
droits étoient attaqués, ne peut on pas lui demander ce qu’il
entend par ces mots de Monarchie Trançcife. ? S ’il veut dire
que tous les Princes qui regnoLnt alors fur cette étendue de
Pays ne compofoient qu’une feule famille , on en convient
^vec lui i mais s’il veut faire entendre > comme on a lieu de le
foupqonner,
�foupçonner, que ces différentes parties ne formaient qu’un
tout fous un même C h e f, fous lequel, dans un certain point
de v u e, elles pouvoient être regardées comme réunies, 6c
qu’elles confervoient entr’elles des rapports qu’on pouvoit
taxer d’affociation ou de dépendance, comme il arriva après
l ’établilfement des Fiefs, il fe trompe. Les différensRoyaumes
fondés alors en France, étoient entièrement ifolés 6c indépendans les uns des autres. S ’ils ne l ’euffent pas été , la caufe
du Languedoc n’en deviendroit pas meilleure; car depuis la
mcrt de Louis le Débonnaire, 6e la féparation des deux Pro
vinces de Provence 6c de Septimanie , la première appartint
toujours ou à l ’aîné de la Maifon , ou au moins à des Princes
de la branche aînée, en faveur de laquelle aurait dû être la
dépendance; mais encore une fois, il n’y en eut point; 6c
l ’Adverfaire de la Provence en conviendra aifément, s’il daigne
Hifl. detan 1. 10,
faire attention aux preuves fans nombre qu’en a donné l’H if- § 15, t. i , p. s 31 >
& n o t. 94 , n . 4 , p,
torien de Languedoc : or dès qu’il n’y avoit point de dépen 74I & flUY.
dance d’une Souveraineté à l ’autre, lorfque les deux Pro
vinces limitrophes du Rhône ont appartenu à divers Souve
rains , il eft allez indifférent qu’ils fulfent de la même Maifon ;
il fuflit de reconnoître celui des deux qui regnoit & qui devoit regner fur le Rhône.
O n ajoute que s'il Jubffle quelqu1autre propriété ( du R hôn e)
pcfléricure, peur être légitime, elle doit nécejfairement émaner de
la leur ( celle des Rois de France , ) & quil paroît jufle de
chercher dans Vhifloire, fi nos Rois nauroient point perdu la pro
priété de quelque portion du Rhôjie , [mon par abandon , tranfport
eu ceffïon , du moins par les ufurpations qui devinrent communes
fous les derniers Rois de la fécondé race nous voilà d’accord au
moins fur le principe : il ne s’agira que d’en faire l ’application.
T out le monde convient que l’élévation de Bcfon 6c de les
E
îL/UO.Jt
TjejroA2,
Exam. p. 13.
�fucceflfeurs fur le T r ô n e , fut un crime & une ufurpation fut
la Couronne de Fiance , laquelle a toujours confervé les droits
qu’elle avoit fur les Pays ufurpés. Mais on ne peut pas dire
qu’elle ait confervc des droits particuliers fur quelques dépen
dances des mêmes Pays, à moins qu’on ne prouve qu’elle les
ait fait valoir aufli en particulier. A in fi, le Rhône ayant tou
jours été jufques là une dépendance de la Provence , s’il a
continué à en dépendre , la Couronne de France n’a confervé
aucun droit particulier fur ce fleuve ; mais fes droits fur cette
partie, ont été renfermés &c compris dans ceux qu’elle avoit
en général fur la Provence , & qu’elle a confervés : de maniéré
que iorfqu’elle eft rentrée dans la poffeflion du Pays , elle a
repris de fait l ’exercice de tous fes droits qui n’étoit que fufpendu , &. elle a dû y rentrer pour les exercer de la même
maniéré qu’ils lui étoient acquis. Il ne s’agit donc que de
montrer que cet exercice a été fufpendu de fait, car le point
de droit efl devenu indifférent, depuis trois cens ans que les
chofes font rentrées dans l’ordre où elles doivent être; & il
le feroit encore au Languedoc , fi elles enflent fubflflé en
Pétat où elles étoient, avant la réunion de la Provence à la
Couronne j puifque n’ayant jamais eu de droit fu rie R h ô n e,
lorfque cetre derniere Province appartenoit à la France , il ne
peut pas en avoir acquis depuis qu’elle en a été féparée : ainfi ,
la légitimité de la propriété ne lui importe en rien , 8t il n’efi:
pas plus recevable à la faire valoir , que fi fous ce prétexte
il vouloir traiter la Provence en Province tiib u ta ire,y établit
les impofitions , y faire des reglemens & c. fa prétention feroit
certainement peu accueillie ; ôc pourquoi celle qui forme fut
le R h ô n e, dépendance non interrompue de la Provence , le
feroit-elle m ieux? Il faut donc toujours en revenir au point
de fa it, ne pas regarder le R hône comme un être ifo lé , mais
%
�.1
Amplement comme la partie d’un tout dont il n’eft ni équi
table, ni permis de le féparer. Ainfi loin de chercher, comme
on le propofe, de quelle maniéré la Provence aurait pu acquérir
Exam . p . 23.
la propriété de la partie du Rhô ne quelle s’attribue, il faut chercher
fi elle l ’a perdue, & de quelle maniéré.
L e moyen le plus sûr , ou, pour mieux dire, l ’unique de s’en
affûter, eft de continuer à examiner quel fut le Souverain qui
régna effectivement fur le Rhône. Mais avant de reprendre
cet examen , le detail dans lequel le Défenfeur du Languedoc
eft entré au fujet de l’ufurpation de Eofon ôt de fesfucceffeurs,
nous oblige d’ajouter quelque chofe à ce qui a été dit à cette
occafion dans le premier?vlémoire de la Provence. Que l ’ufurpation du Royaume de Provence ait été confommée par
Eofon en 879 , par Louis l ’aveugle fon fils , par Hugues de
Vienne , fucceffeur de celu i-ci, ou par Rodolphe IL Cefiionnaire de ce dernier en 930; que les R ois de France de la fécondé
race ayent reconnu ou non leur Souveraineté i que l Ufege ôc
le Vivarais qui avoient certainement dépendu des deux pre
miers, ayent cefifé de dépendre de leurs fucceffeurs ; que l’on
faffe l’apologie ou la critique du gouvernement féod al, l ’éloge
ou la fatire des premiers Souverains de Provence & des pre
miers Marquis de Gothie : tout cela eft abfolument étranger à
la queftion préfente ; & il n’y a que la crainte d’engager de
nouveaux débats & de nouvelles difcullions , qui empêche de
contredire les affertions hazardées par l’Kiftorien , & d’après
lu i, par le Défenfeur du Languedoc. Loin de regarder ces
faits comme prouvés ou convenus, on eft prêt d’entrer en lice ,
s’il le juge à propos, & avec d’autant plus d’aflurance qu’on
connoît les efpeces de preuves qu’il peut alléguer.
D ’ailleurs, la pofieflion de l Ufege & du Vivarais , ne donne
pas au Languedoc le même avantage qu’à la Provence. Ces
E ij
I
�cantons entre les mains de la derniere , entraînent & fuppofent
la propriété du Rhône en fa faveur, parce qu’alors ce fleuve
fe trouve renfermé entre des terres de fa domination; mais
leur réunion au Languedoc ne prouve rien pour la propriété
du Rhône , puifque ce fleuve leur fert de borne, au moins à
W feg e, & que le point dont il s'agit refte toujours en queftion.
C e n’en feroit pas une pour des efprits fans paflîon. Faut-il
rappeller ici l ’aveu fait par l’Hiftorien du Languedoc , que
Rofon G Louis l’aveugle fon fils regnerent fur la partie des
Diocèfes de tien n e, de Valence, à Avignon & d’A rle s, qui eft
à la droite du R h ô n e, &c en d’autres termes, fur les deux côtés
du Rhône depuis Lyon jufqu a fon embouchure dans la mer ?
t . X . § . 1 8 , 8J.
Comment le Défenfeur de cette Province a-t’il cru pouvoir
le dillimuler ? Il le fait fans doute avec art, mais plus il en
em ployé, plus il découvre que ce qu’il voudroit cacher eft
décifif contre lui. Etoutons-le parler lui-même. Ce Royaume
de Provence , d it-il, embraflait les deux rivages du Rhône , non
Exim. p. i S.
pas en totalité, mais en grande partie. Il ejt certain. , par exemple,
opte le Diocèfe de Nimes qui borde la partie baffe de la petite brefflere du Rhône , riappartenait point à ce Royaume , G ne lui a
jamais appartenu ; d'un autre côté il riejl point encore prouvé que
VJfie de Camargue G la Terre d'Argence même fijjent partie du
Royaume ufurpé.
Dans la vérité , ce Royaume de Provence embraffoit exac
tement les deux rivages du Rhône en totalité, à la referve
lu ia .p
I:
i
i9>n
2
d’une portion du Diocèfe de Nîmes qui touche une partie de la
petite brajjîere du Rhône, G qui dans la fuite a eu le nom de
Comté de S. Gilles.......... portion fort peu étendue , puifquelle
embraCe à peine quatre ou cinq lieues fur le bord du plus petit bras
du fleuve feulement. C ’eft ainfi que le même ouvrage défigne le
même canton dans une occafion où il avoit intérêt de le repre-
ill
A,
�37
fenter tel qu’il eft. Ici au contraire , il voudroit faire entendre
que le Diocèfe de Nîmes en entier, borde la partie baffe de
la petite bralliere du R h ô n e , ce qui abforberoit la Terre
à 'A rgence; ôt il donne comme un exem ple, ce qui eft une
exception unique, pour faire croire qu’on pourroit en ajouter
pluiieurs autres. La Provence convient qu’elle n’a joui dans
aucuns tems de cette portion du D iocèfe de Nîmes. Mais
' quel avantage peut-il en revenir au Languedoc? Laconfcrvation de quatre ou cinq lieues de Pays le long du bord du petit
bras du Rhône , lui auroit-elle acquis la propriété du fleuve
dans tout Ion cours ? S ’il ne le prétend pas, comme on lui
rend la juftice cîe le croire, pourquoi a-t’il préfenté ce petit
canton comme un avantage pour lui dans la Caufe préfente,
à moins qu’il n’ait voulu par-là en faire entendre plus qu’il n’y
en avoit ? N e doit-il pas craindre qu’en le voyant fl avantageux,
on ne le foupçonne de facrifier rexaditude à fes intérêts ?
C ’eft furtout en lui entendant dire qu’il n’eft point prouvé
op Argence & l ’Ifle de Camargue ayent dépendu de Bofon & Exam
de Louis l'aveugle , ôt qu’après e u x , le Comté de Provence fut
borné par le Rhône au couchant, qu’on peut former ce foupçon. Comment ! On a vu ce s cantons faire conftamment partie
de la Povence depuis le 4e. fiécle, avec les plus fortes préfomptions que cet arrangement partoit des tems antérieurs ;
on les verra encore fous la même dépendance dans les tems
poflérieurs & fucceffifs ; ôt parce qu’on n’a pas produit de
titre exprès fous le régné de ces deux Princes, on voudra
faire croire qu’il y a eu interruption dans cette pofleffion ! Si
ce doute peut avoir lieu , il n’eft plus rien d’afluré ni dans l’hiftoire , ni dans aucune propriété; car comment fe flatter que
les faits les plus minces , tels que celui dont il eft ici queftioaq
puiffentêtre rappcllés dans les regîftres oublies au moins tous
�38
les i o ans , ôc dans des fiécles dont la plupart des monumens
font égarés ? C ’eft prefque réduire la vérité à l’impoftibilité
d’être prouvée. D ’ailleurs, cette preuve, quand on l’a pro
duite , a-t’clle arraché l’aveu qu’on en devoit attendre, c’eft-à.
dire , que la qualification de territoire d'Arles donnée à
A rgence, fuppofe néceffairement que l ’ide de Camargue ôc
toute la portion du Rhône renfermée entre le chef-lieu ÔC
cette même Argence, étoient comprifes fous la même qualifi
cation? N on. L e Défenfeur du Languedoc fe contente de
garder le filence , ôc n’en annonce pas moins de confiance,
lorfqu’il peut s’étayer de la plus legere conjecture. D es gens
moins prévenus n’adopteront pas fes préjugés , ôc c’eft pour
eux qu’on va produire une fuite d’aêtes, qui démontrera que
le Royaume d: Provence ou d'Arles , ne fut démembré dans
la partie qui nous intéreffe , ni fous Louis Vaveugle, ni fous
les R ois de Bourgogne fes fucceffeurs, fie par conféquent que le
Rhône enfermé dans les limites du même Royaume , dût con
tinuer d’en dépendre. Comme ces aéfes n’entraînent aucune
difcuiïion , nous nous contenterons d’en préfenter de fuite les
parties cffentielles à notre objet ; il fuffira, pour pouvoir les
apprécier, de fe fouvenir que la mort de Louis l'aveugle dut
arriver vers l’an 9 30 , ou peu avant ; que Rodolphe IL Ceftîonnaire d'Hugues, fucceffeur de Louis, mourut en 937 ; que
Conrad le pacifique, fils de Rodolphe 1 1 . régna à fa place
jufqu’en 993 , ôc qu’il eut pour fucceffeur Rodolphe JJI. dit le
Fainéant, après la mort duquel arrivée le 6 Septembre 1032,
le Royaume de Provence paffa aux Empereurs d'Allemagne.
A la première des époques dont nous avons à parler, le
Siège de l ’Eglife fd'Arles étoit occupé par Manaffés, Cou fui
de l'Empereur Louis l'aveugle du 3e. au 4e. degré. C e Prince
crut devoir répandre fes grâces fur lu i, ôc par un diplôme
�39
daté du premier Février , la vingtième année de fon Empire ;
il lui confirma tout ce que fon pere Bofon avoit accordé à
Rojlagnus, prédécefifeur de ManaJJes, ôc y ajouta de nouveaux
bienfaits. Ceux qui intéreflent la queflion préfente, font les
Abbayes de Gcudargues (a) ôc de Cruas, fituées dans l'Ufege ôc
dans le Vivarais , le Port d’Arles ôc un droit de péage tant fur
les Grecs que fur les autres Etrangers. Un pareil aCte n’a befoin
d’aucune réflexion , pour montrer que Louis l’aveugle regnoit
fur le Rhône en là qualité de R o i de Provence : c’eft en vertu
de cette concdfion que l ’Archevêque d’Arles y jouit encore
d’ un péage allez confidérable fur le R h ô n e, ôc du droit d’at
tache de tous les bâtimens qui y abordent. A in fi, c’eft une
affertion bien hazardée que d’avoir avancé , comme l ’a fait le
Fxam p ^ &
Défenfeur du Languedoc, qu’avant le partage de l ’an 1 125-,
le Souverain de Provence n’avoit jamais jo u i, même du grand
bras du Rhône.
Continuons notre production.
Echange entre Ripert ôc le D u c Hugues , de quelques D o
maines fitués dans le Comté d’Arles , au lieu dit Jonquieres ,
du 3 d Octobre 5)21. Comuto itaque cum Domno Hugoue , Duce
(y Marchione, in comitatu Arelatenli, in valle Saxellicâ in terminio de L'ilia Juncarias, Manfiones très & c. Aflum Arelati
civitatc publicè l \ non. oct. anno Dominicœ incarn. D c e c c x x 1.
Ind. 1 x. L e lieu de Jonquieres fubfifte toujours fous le même
nom dans la partie du D iocèfe d’A rles, qui eft à la droite du
Rhône.
Echange entre Rcjlagrras, Archevêque d’A rles, du confentement de fon Chapitre, ôc Bcncijl ôc fa femme Richilde, d’une
(a) Abbatiam Saniïœ Mariœ d* Gordanicis, atque de Crudatis......... portumeti im
Arelatujem , tam ex Grœcis, quam ex alüs adveniemibus hominibus nec non (y teiontum
ù c. G ail. Chrift. tora. i. inft. n». 5 , pag. 514 ,
Bouch- rom. I , page 781 &c .
cattui. de
y A rles , je /. 1.3- M-. ■
�4 °,
ftid.fol. 1s•
vigne fituée dans le territoire d'Arles , quartier dfArgence ï
lieudit Cam p-public, quartier de Gaujac, du 11 Mars pc8*
Convenientiafeu promijjio qualiter convenu inter venerabilem
in Chrijlo Domino nojlro Roftagno gratiâ Dei Archiepijcopo
Arelat. Ecclefias, nec non G aliquos hommes, BenediBto G* uxoris
fuce Richildis , unaper confenfu G voluntate Arelat. Ecclefios, de
vinea. qucs eji de raccone Soucie M arie, nec non G Sanfti Stephani protcmartiris , quos fita eji in paga Arelatenfi, in agro
Argentea , in Villa Campo - publïco , ubi vocant Gaudiaco G c.
fa d a convenientia in Arelate civitate, publics V . id.Mar.anno
vin . régnante Lodoïco lmperatore. Camp-public &. G au jac,
Ib id . fol.
font encore des lieux connus auprès de Eeaucaire.
Donation d’un Domaine fitué dans le territoire d'Arles,
quartier d’ Argence, lieudit Cccifione, datée du 30 O ctobre,
fous le régné de Louis , fils de Bofon (a).
Diligenda mihijidele mea Helena, ego in Dei nomme Teudoinus prejbiter . .. . dono tibi aliquid de proprietate mea quos eji
in Paso Arelatenfc infra agrc Argentea, in Villa quce dicitur Occifione G c. fa£ia donatione i f a ïd. kl, Nov. anno régnante G imperante Rudoie0 Rege filïo Bofcni.
Donation d’une vigne fituée dans le Comté d’ ylrles , & dans
lifle de Gallico, lieu appellé Craufa, datée du mois de Janvier,
la troifiéme année du régné de Rodolphe (b).
DileCto . . . Raino jilio meo , ego in Dei nomine Dominion . . .
deno tibi aliquid de proprietate mea......... hase eji in comitatu
Arelatenfc in infula Gallico fupra ipfa Villa , in loco quos nuncu.pant Craufa ibique dono tibi de vinea G c. Fa6ia e f donatio in
(a.1 Dans le même cartulaire foi. i6 , il y a une autre donation du même à la
meme , d’un autre Domaine finie dans le meme canton , laquelle cft datée du 3 des
nones ou du J d'Oâobre la 15e. année du régné de L ouis, fils de Bofon.
[b) Ibid fol. 68 , verl'o. Rien n’indique dans i’aêle s’il faut le rapporter à Rodolphe
II. ou a Rodolphe III, c’eft la meme chofe pour la queùion préfente.
Arelate
�4»
Arelate civîtate publicè, in menfe Januar. anno ni. régnante
Rodulpho Rege.
A la vérité , l’a£te ne porte pas que cette ifle fut formée par
le Rhône ; mais le fait n’eft pas moins certain , pour quiconque
connoîtla fituation du territoire d'Arles, où il n’ y a ni ruitfeau
ni fontaine , ôc où les Habitans de la campagne n’ont de reffource pour leur u fage, ôc celui de leurs beftiaux,que les
eaux du Rhône : ainfi, toute ifle fituée dans ce canton-là ,
ne pouvoir être formée que par ce fleuve ; ôc celle-ci qui doit
s’être jointe au continent dans la fuite, paroît être la même
chofe que le lieu de Gallegues que nous retrouverons le long
du petit R hône, ôc qui dépendoitde même de l’Eglife d’Arles.
Donation du lieu de Jonquieres dans le Comté d’A rles, à
l ’Abbaye de Montmajour, faite au mois de Janvier # fous le
régné de Conrad , indict. x. ce qui répond fous le même
régné aux années 5537, 952 , 967 ôc 9 82. L a Parodie de
Jonquieres efl: dans le canton indiqué.
Ego Regimbartus notum ejfe volo qualiter complacuit de rebus
proprietatis meœ , videlicet de Villa quœ dicitur Juncarias . . . .
quœ ejl fita in comitatu Arelat. D ono, Gc. Facla charta vel
donaûcne i f a in menfe Janu. régnante Gondrado Rege Alaman-
Hift. mfl. Ibid.
dorum fv è Prov'mciœ, rndiCt. x . Signum Regimbarti G uxore
fua üdila.
Echange paffé au mois de Novembre* la vingt-deuxièm e
année du régné du même Conrad, entre l’Archevêque M anajjes ôc Aicardus, de terres fituées dans le territoire d’Arles ,
quartier d’Argence, lieu dit üccifone.
Ego Domnus Manajfes Archiepifcopus commuto atque concedo
Aicardo . . . terra quœ pertinet Vuarmunno in benejîcio. Quœ
efl ftum in pago Arelat. in agro Argentea fubtus Villa quæ
nommant Occifone G c. Tafia commutations i f a in Arel. civitats
F
Cartul. de l’ Eçlife
d’ A r le s , f . 23 verf.
�4.2
publîcè, in menfe Nov. anno xxu. régnante Conrado Rege Àlamannorum G* Provinciarum.
m.f. 4i u 42.
D eux ventes paflees , l ’une le premier Mars , la 24e. année
du régné de Conrad, &. l ’autre au mois d’Août l’année fuivante, de deux champs fitués dans le Comté d'A rles, ifle de
Saint André, lieu dit Junquieres , dans le voifmage de Ragimbertus & d'üdila fa femme ce qui indique le même canton
dont il eft parlé dans la donation ci-deffus faite à l’Abbaye
de Montmajour ; ce qu’on remarque pour montrer la correfpondance des différens a clés produits.
Domnis femper fuis Martino & uxor. fuce BenediElce . . . . .
ego in Deinomine Donatus G* uxor fua Martha . . . . vobis
lendimuy . . . . aliquid de prcprietate noflrâ . . . que eflfitutn
in comitatu Arelat. in infula S. Andrce , ubi vocant ad ifpo Juncario . . . eft inter confortes . . . de ambofque froutes terra
Ragimbarto, & c. TaCta cartula ijîa in Arelate civitate publicê>
kl. Mar. anno x x iiii, rognante Conrado Rege.
Domno femper fuo Martino G* uxor fuce Benedidce. Ego in
Dei nomineTeutbartus G* uxor mea Dofpetla . . . vobis vendemus aliquid de proprietate noftrd. . . . quee ejl fttum in comitatu
Arelat. in infula S. Andréas, in loco ubi vocant Juncarias . . . .
de una fronts Rcgimberto G- uxor fua Odila, G c. Tacla venàitio ifta in Arel. civitate publicè, in menfe Avg. anno xxv.
régnante Conrado Rege.
rud. fri. 21 v. a
D eu x nouveaux baux , l'un de quatre muias de terre, du
mois d’A v ril, la trente-fixiéme année du régné de Conrad, fie
l ’autre d’un muid de terre, deux ans après, tous les deux
pour des terres fituées dans le Com té d'Arles, quartier d'Argence.
Nofcitur quomodo convenijjet inter illos de terrâ quee eft in
comitatu Arelatenfi in agro Argentea fubtus turre Annonce in
�45
loco que nommant Tamiciago, ôte. Fafta cofrvenientià ijîa ift
Arel. civitate publicè, menfe Aprilis anno x x x v i, régnante
Conrado Rege.
Nofcitur quomodo convenijjet inter illos de terra egrejla: ejî
in comitatu Arelatenfe inagro Argente a 3 propè Ecclefia Sanfti
Pétri in loco denominato ubi dicitur Lacunas, & c. Fatta convenientia ifla in Arel. civitate publicè, anno xxxviii. régnante
Conrado Rege.
Donation faite le p d’Avril de la même année à l ’Eglife
Ibid»fil. 2) #
à'Arles par Pontius Juvenis, qu’on croit être la tige de la
Maifon des Baux, d’une vigne fituée dans le Comté d'A rles,
quartier d’Argence fous Occijione.
Ego Pontius Juvenis . . . dono aliquid de proprietate mea . : ;
eft in comitatu Arelat. in agro Argentea fubtus Occifione. Fatta
donatio ifla in Arelate civitate publicè ,viii. Aprilis, anno xxxvïii.
régnante Conrado Rege.
Vente faite au mois de N ovem bre, la quarante-cinquième
année du régné de Conrad , d’une vigne fituée dans le Comté
d’A rles, quartier ddArgence,\Tintinago fou sRavaiJJa.
Vindimus in comitatu Arelat. in agro Argentea fubtus Villa
Ravaijfa ubi dicunt Tintinago . . . . de vinea culta, Grc. Fada
venditio ifla in Arelat. civitate publicè , in menfe Novb. anno xlv.
régnante Conrado Rege.
Echange fait au mois de Décembre fous le régné de
Conrad & l ’Epifcopat de Manajfes, de quatre champs fitués
à Earcianicus ou Meines [a), dans le territoire d'Arles , contre
trois autres champs fitués dans le même territoire au lieu
(a I4 i 7 ) 47 Aug. nct- Petr. Bertrandi Arelat, inflituitur Vicariat in Ecclefiâ
Varochiaü Sar.cii Michadis de Barfaniçis als de' Mcdinis Arel. Diocejis. Hift. mfl'.
JVlonaft. Monimajour*
F i;
\
Ibid» f i l . 2J
ib id .fiL
37.
�dit Claufone , qui exifte encore fous le même nom auprès de
V . G x ll. chrljl. 1.1
In ftr. n .
P- 101
Beaucaire.
Sic tradunt Cf commutant inter fe in pago Arelat. in terminio
de Villa Barcianico , Cfc. Cf contra donat ManaJJeus gratia Del
Epifcopus in pago Arelat. in terminio de Villa quæ nuncupant
Claufona , Cfc. Fatta carta vel commutatio ijla in menfe Decemb.
régnante Conrado Rege.
En voilà fans doute allez avec les preuves déjà produites
dans le Mémoire , pour démontrer , même aux yeux les plus
prévenus , que les R ois de Bourgogne fuccelfeurs de Eofon
de de Louis Vaveugle au Royaume de Provence , continuèrent
à regner fur la portion du D iocèfe d'Arles qui eft à la droite
du Rhône , Ôc par conféquent fur le Rhône même. N ’eft-il
pas étonnant après ces titres , de voir le Défenfeur du L an
guedoc difputer dans le même tems la propriété de Pille de
Camargue à la Provence ? Nous pourrions l’accabler d’un plus
grand nombre de titres , mais nous les réfervons au moment
ou nous difeuterons le traité de partage de Pan 112 J. La
même nécelïité d’abreger nous empêche de répéter les éve-
uém.v-*4&fuiv- nemens arrivés fous les premiers Empereurs d'Allemagne,
fuccelfeurs & héritiers de Rodolphe I I I , de même que ceux
qui fe font palfés fous les premiers Comtes de Provence \
ils font reliés fans réponfe de la part du Défenfeur du Lan
guedoc , ôt Pon s’attache ici fimplement à relever les erreurs
qu’il voudroit accréditer. Mais on efpere que les Juges ne
perdront pas de vue ce 3 évenemens fi décififs dans l ’affaire,
qu’ils les regarderont même comme des monumens inatta
quables de la continuité de la pofleffion du Rhône par la
Provence.
r ,e c a p . t u l a t i o n .
I l faut donc , d’après les titres produits , faire une récapi
tulation abfolument différente de celle qu’on trouve dans
�4?
îe Mémoire du Languedoc. En effe t, avoir montré d’abord E«m. f . 3^
que dès les premiers tems où les Provinces Narbonnoife ôc
Piennoife furent féparées, le Rhône ne put appartenir qu’à la
derniere ; que depuis le commencement du fixiéme fiécle
jufqu a la fin du dixiéme , ôc même plus tard, le territoire de
la Province ou Comté d’A rles, embrafîoit les deux rives du
R h ôn e, ôc par conféquent le Rhône même ; que la Couronne
a été en pofïeffion de la Provence , & par la P rovence, des
terres fituées à la droite du Rhône , avant de pofTeder aucun
des cantons qui ont formé depuis la Province de Languedoc y
ôc plus de deux cens ans avant la poffeflion du corps de cette
Province ; qu’aux divers partages de la Monarchie Françoife ,
entre les Princes de la fécondé race, le Rhône ôc les terres
qu’il baigne à fa droite , ont toujours appartenu au Souverain
de la Provence ; que lorfque cette Province en a été détachée
à la fin du neuvième fiécle , les mêmes terres qui en dépendoient originairement, continuèrent à en dépendre; de forte
que le fleuve a conflamment fuivi le fort des Pays baignés par
fa rive gauche, ôc que les ufurpations q u i, dans le d ro it,
n’ont point altéré les droits de la Couronne fur la Provence ?
en ont de fait arrêté ôc fufpendu l’exercice, tant fur la Pro
vence que fur le Rhône qui en étoit une dépendance : c’eft
avoir pofé des fondemens inébranlables , pour afflirer à cette
Province la propriété du Rhône. C ’eft donc très-mal-à-propos
qu’on lui demande de montrer un titre qui le lui affure. Q uel
eft le meilleur titre qu’une jouiffance non interrompue pendant
plus de mille ans , qu’elle n’a perdue ni par conventions ni
par abandon, ôc qu’elle a continué d’exercer depuis le 10e.
fiécle , comme elle avoit fait avant ? C ’eft ce qui réfulte des
preuves produites dans fon premier M ém oire, ôc ce qui pa-
�4 <$
roîtra encore plus clair, lorfqu’on aura répondu aux obje£tlonS
que le Languedoc a cru pouvoir y oppofer.
A R T I C L E
îj.
III.
Obfervaüons détachées fur divers objets relatifs à Vétat
de la quefion.
L ’établiffement des deux principaux fondemens du fyjlême
liifiorique des Etats de Provence, entraîne nécejjairement celui de
la plûpart des confèquences qu'ils en déduifent. Mais comme le
Défenfeur du Languedoc croit trouver des obje&ions viftorieufes contre ces confèquences, dans les dix obfervations
qu’il réunit dans cet article, il eft convenable de les exami
ner en détail, quoique la plûpart foient indifférentes à l’état
de la queftion ; mais il eft fi accoutumé à tirer avantage
de to u t, qu’il feroit à craindre
qu’ il n’en prît un grand ,
s’il pouvoit fe flatter que la moindre de fes raifons, qu’on
n’auroit fait que n égliger, fût reliée fans réponfe.
psç.îé&fuiv,
$. I. Topographie de la partie contentieufe du Rhône.
L a Provence pourroit laiffer fubfifter tout ce que renferme
cet article, fans craindre qu’il lui fût d’un grand préjudice ;
loin d’en difeuter le fon d, elle l’adopte, à la réferve de la
fixation de la petite Camargue que le Languedoc paroît borner
au canal de Sïlvereal, tandis qu’elle eft formée par l’ancien lit
du petit Rhône , un peu plus occidental que le canal que l’on
vient de nommer, ôt dont la trace fubfifte toujours : à cela près
la Provence fe bornera à relever quelques affertions bazar
dées fans preuve. Si elle a eu tort de qualifier de nouveau
�. .,.
.
.
'47
lit du Rhône, le petit bras de ce fleuve (a), ce tort ne forme
tout au plus qu’une mauvaife dénomination : car fuivant les
plus anciennes notions qu’on ait de ces quartiers-là, le Rhône,
auprès de fon embouchure, s’eft toujours divifé en pluiieurs
branches qui ont pû de dû varier, & qu’il eft fort difficile
d’affigner entr’elles aucun rang de priorité ; mais cet objet
eft de la plus grande indifférence pour la queftion préfente,
Suppofons qu’il n’ait jamais paffé de riviere à l ’endroit où
coule le Rhône , i l n’en fera pas moins fur que le terrein fur
lequel il paffe, & celui qu’on connoît fous le nom d’slrgencc,
quoique joint au continent qui porte aujourd’hui le nom de Lan
guedoc , n’ait dépendu vifiblement de la Provence & n’en ait
fait partie jufqu a la fin du dixiéme fiécle, & même plus
tard. Q ue ce terrein-là foit coupé par un ou par plufieurs
bras de la riviere , cela ne change en rien la nature des lieux
par rapport à la dépendance ôc aux limites qui relient toujours
au même point. Ainfi les Juges qui auront vu les preuves
multipliées qu'Argence faifoit alors partie du Comté & du
territoire d'A rles, croiront fans peine que la Provence a confervé longtems plufieurs terreins Jitués en de là delà branche dw
fleuve fuppofée nouvelle. On n’ajoute rien de particulier par
rapport à la Camargue, qui étoit certainement Provençale
lorfqu’Argence letoit. Ce fera le moment d’en parler lorfqu’on difeutera le traité de 1 12? , fur lequel le Défenfeur du
Languedoc prétend fonder la poffefiîon de la Camargue. En
attendant , qu’oppofe-t’il aux preuves antérieures à ce traité
( a ) Le fait eft qu’on ne connoît paj le teins où s’eft formé le petit bras du Rhône,
mais l’irduâion que ie Languedoc youdroit tirer de ce point , n’eil pas moins fauffe,
& il enrefulte au contraire , que dans quelque rems que cette partit- du fleuve ait
formé l’isle de la Camargue , puilque cette isle nous eft reliée , c’elf une preuve
que ce terrein étoit auparavant du territoire de Provence, lequel dans cette puni*:
ainfi qu’à Argent» s'étendent en de-là du bord occidental du fleuve.
�[ '■ /
48
que nous avons produites, ôc aux preuves fans réplique de la
propriété d'Urgence ? I l croit les faire évanouir en paroiffant
l ’oublier ou les négliger.
Eiam.p.^o & fulv.
§. 1 1 . Chronologie des noms de Languedoc G de Provence.
Comme la Provence n a jamais prétendu élever des difputes
.de mots } à moins que les noms n’influaffent fur les queftions
q u elle avoit à traiter ; elle paffe volontiers condamnation
fur tout ce qui eft traité dans cet article, à la réferve de ce
qui peut intéreffer le partage de l’an 112 5 , qui fera difcuté
en fon lieu.
ü/m p 47&fuîv. $• I I I . Origine des droits que les Rois d'Arles G leurs Fataux
ont eus dans leurs Etats.
T o u t eft d it, quand on eft convenu que les entreprifes de
Bofon , de Louis l'aveugle d'Hugues ôc de Rodolphe IJ. furent
des ufurpations ; de-là il fuit que leurs guerres , leurs traités >
leurs partages n’ ont pu préjudicier aux droits des Monarques
François, ni de leur Couronne. Mais encore une fois , comme
au tems des ufurpations , ainfi qu’avant ôc après , le Rhône &
les terres qu’il baigne à fa droite , dépendoient du Royaume
de P rovence, ôc vis-à-vis d’ A r le s , du Comté de cette V ille;
le Pays qui porte le nom de Languedoc n’y avoit aucun
droit, ôc ne peut en avoir acquis que par conceflion, tant
qu’a duré l’ufurpation ; de forte qu’à moins qu’il ne produife
une pareille conceftion, il n’a point d’intérêt à faire valoir
les droits de la Couronne. Ceux-ci n’en font pas moins in
tacts dans le principe ; mais danns le fa it, ils ont fouftert une
éclipfç
�éclipfe rée lle, &
4P
l’exercice de ceux qu’elle avoir fur le
R h ôn e, ainfi que de ceux qu’elle avoit fur le Port de
Marfeiile , & fur toutes les autres parties de la Provence, a
été fufpendu jufqu’au moment qui a réuni cette partie au
to u t, duquel elle avoit été détachée.
E lle y a été réunie avec la confervation de tous fes droits
ôc de fes privilèges; ainfi elle ne doit pas être moins bien
traitée , que fi elle avoit encore le malheur d’en être féparée.
Cela eft fl v ra i, que toutes les fois que les Infpeêteurs ou
les Receveurs du Domaine en Provence ont attaqué quel
qu’une des aliénations faites par les Souverains du Pays , le
Confeil du R oi les a jugées fuivant les L o ix qui fubfiftoient
dans le. Pays au tems de ces aliénations, & non fuivant les
L o ix qui exifioient en France dans le même tems, ainfl qu’il
devroit s’enfuivre? de tout le raifonnement que fait en cet
endroit le Défenfeur du Languedoc , que tout ce qui eft
arrivé pendant une ufurpation ôc une ufurpation de flx
cens ans , devient nul de fait ; ce que perfonne n’ofera ja
mais foutenir , même par rapport à un Pays de conquête.
D ’ailleurs , ici ôc dans tous les autres endroits où il eft
queftion du même o b jet, la defenfe du Languedoc paroît
contradictoire. D ’un côté , il avance , fans en donner la moin
dre preuve, qu’après la mort de Louis V Aveugle } le Rhône
avec les terres qu’il baigne à fa droite, refta tous la domi
nation Françoife, êc de l ’autre fentant la foibleffe ou l'in_
fuffifance de la preuve de fa it, il s’appéfantit fur l’ufurpation
de Bofon & de fes fuccdfeurs. Mais fl le Rhône refta fous la
domination Françoife , toutes les queftions fondées fur les
ufurpations alléguées , deviennent indifférentes à l ’objet préfen t, & fl le Rhône fuivit le fort de la Provence, la C ou
ronne, quoique Souveraine légitime de cette Province , n’eft
�yo
rentrée de fait dans l’exercice des droits qu’ elle avoit fur le
fleuve , qu’en réunifiant dans fa main le tout dont il étoit
une partie ; ou fi l’on veut que cette partie en ait été détachée
avant l’époque de la réunion du to ta l, ce fera comme Souve
rains légitimes de la Provence , feule qualité qui donnât aux
R ois de France le moindre droit fur le Rhône , qu'ils fe feront
mis en poffeflion du fleuve comme d’une portion d’un bien
qui leur appartenoit, fans qu’il en réfulte aucun avantage
pour le Languedoc : au contraire , la cliofe confiderée fous ce
point de vue j tous les raifonnemens que forme le Défenfeur
de cette Province, pour prouver le retour à la Couronne des
terres fituées à la droite du R h ô n e, après la mort de Louis
l'Æ'eugle, tournent contr’elle-même ; car fi d’un côté il eft
prouvé que les premiers fucceiïcurs de Louis ont régné fur le
R h ô n e , 8c qu’il paroiffe de l ’autre que les R ois de France
en ont été en pofleflion dans la fuite , il eft clair que ce n’a
pû être que comme légitimes Souverains des Pays ufurpés;
ce qui exclut abfolument le Languedoc de toute propriété.
Mais tous ces raifonnemens ne font que des fuppofitioris,
tant qu’on ne les fonde pas fur l’examen des évenemens. Ainfi
tout concourt à faire voir que c’eft ici une pure queftion
de fait.
Nous le redirons encore : fl le Languedoc jouit du Rhône
depuis le fixiéme fiécle , comme il le prétend, pourquoi fon
Défenfeur revient-il à d ire , que c’eft uniquement par égard
pour des Princes de leur M aifon, que les R ois de France
ont fouffert des entreprifes préjudiciables à leur Couronne?
Si d’un autre côté on veut faire entendre que jufqu’à ce que
la Provence tombât entre les mains de la Maifon d’slnjou, la
France fut en mauvaife intelligence avec les Souverains de
cette P ro vin ce, oti fe trom pe, ou l ’on veut tromper ; car
�'%1
outre que l’hiftoire fournît peu de monumens de diffenfions ,
& encore moins de guerres entre ces deux Puiffances, il ne
feroit pas difficile de prouver quelles vécurent en bonne in
telligence dès la lin du neuvième fie'cle & le commencement
du dixiéme ; ainfi dans le fa it, rien ne peut détruire les
arrangemens qu’on prouve avoir fubfifté.
Mais peut-on vouloir rendre n u l, quant au fa it, le chan
gement arrivé dans l ’Etat par l’ufurpation de Bofon, tandis
qu’on le voit fubfifter encore par rapport à la formé ? En
effet, on ne peut regarder la qualité de Comtes de Provence >
Forcalquier G Terres adjacentes, prife par nos Rois dans tous
les aétes relatifs à cette Province, que comme un aveu ÔC
une fuite de ce changement: fans cela , ils ne devroient point
prendre la qualité de Comtes , mais celle de Rois ; ou plutôt
la Provence feroit réunie pour le titre , comme elle l’eft pour
la fucceffion , à la totalité de la Monarchie. Encore moins
devroient-ils s’intituler Comtes de forcalquier G Terres adja
centes , puifque ces cantons ne furent enlevés ôc enfuite réunis
au Corps de la Province, que longtems après le régné de
Bofon. Enfin ce qui démontre qu’on n’avance rien ici que de
conforme à la Jurifprudence du Royaum e, eft que les Fer
miers du Domaine ayant prétendu, vers l’an i y j y , que les
Rois de Bourgogne ôc d'Arles ôc les Empereurs n’avoient pii
donner à l’Eglife T Arles les terres dont elle jouit ; ôc lefquelle s , difoient-ils, étoient de la mouvance de la France : Jean
Verrier , alors Archevêque d'A rles, fut maintenu, par Arrêt v
Poitt-lf.
du Confeil , dans la poffeffion des biens qu’on lui con- Arelat' p‘ 387<
teftoit ; ainfi il eft reconnu que dans le fait on agit comme
fi Bofon ôc fes fucceffeurs euffent été Souverains légitimes de
la Provence ; ôc fans c e la , quels défordres dans toutes les
propriétés !
G ij
�F.xm. pag-
fu;.v.
50 & §. I V . Egalité des droits que les P'affaux de la Couronne
d’ Arles ont eus fur les Fiefs qu’ils tenaient des Empereurs
Rois d’Arles.
L e Défenfeur du Languedoc cherche à établir que les \
Feudataires du Royaume d A rles, Pairs de la mtmc C o u
ronne , ont dû avoir les mêmes droits les uns que les autres,
chacun dans fes Etats ; pour en conclure , s il eft prouvé , ou
convenu qu’un de ces Feudataires n’eût aucun droit fur le
R h ô n e , que tous les autres doivent en être entièrement
exclus. Mais avant que de tirer cette conféquence , i l faudroït
qu'il eût prouvé fit non fuppofé cette égalité de droits ; &
encore que celui de ces grands Vaffaux qui dans le même
tems ou dans la fuite paroît privé de toute propriété du
' R h ô n e , ne l ’eût pas été par quelque titre ou arrangement
particulier; car les évenemens n’ayant pas été les mêmes pour
tous les Pays qu’arrofele R h ô n e ,le s conféquences aufquelles
ils donnent lieu doivent être différentes. Jufqu a cette preuve
les droits de chaque partie relient entiers fie indépendans les
uns des autres.
A cette conféquence il en ajoute deux autres , que la
Provence n’a garde de défavouer : la première , que tous ces
Feudataires n’ont pas eû plus de droits dans leurs Fiefs refpeclifs , que lesR ois d’ Arles n’en avoient dans leur Royaume:
ôc la fécondé , que les Fiefs de la Couronne d’ Arles n’ont pas
pû avoir plus d’étendue que les polfeiïions des R ois d'Arles}
fit que les limites du Royaume d’ Arles ont dû fervir de limi
tes aux Fiefs qui en faifoient partie. L a Provence adopte fi
bien ces conféquences, qu’elle en fait les principes de fa défenfe ; de forte qu’il ne relie plus qu’à en faire l ’application à.
�n
la queftion préfente ; mais pour peu que l ’on ait eu d’atten
tion , on l’aura faite foi-même en fe remettant fous les yeux
les preuves que la Provence a fournies dans ce Mémoire &
dans le précèdent. L ’on verra i°. que depuis Bofon jufqu’à
l ’union du Royaume d'Arles à l ’Empire , il n’eft aucun de
ces Rois qui n’ait exercé diredlement fa puilfance fur le Rhône
par des conceflions de péages ou par d’autres titres équivale n s, tandis qu'il ne relie aucune trace du prétendu pouvoir
qu’on veut attribuer dans le même tems fur le même fleuve y
aux Rois de France qui regnoient alors en Septimanie : 20. que
pendant tout le dixiéme lié c le , c’eft-à dire pendant tout le
tems qui a fuivi immédiatement l ’ufurpation de Bofon ôc de
fes fuccefleurs, le Comté d'Arles qui dans fon canton ne
pouvoit avoir de limites moins étendues que le Royaume de
ce nom , embralfoit la partie du D iocèfe de la même V ille ,
qui eft fituée à la droite du R hône, ôc par conféquent le
Rhône même. Il ne paroît pas vraifemblable que le Langue
doc puilfe oppofer la moindre réponfe aux preuves fans nom
bre qu’on vient d’en produire : il fuivra plutôt fa méthode
ordinaire , c’eft de croire, en les paffant fous filence , qu’il les
fera oublier aux Juges.
R elie à détruire une erreur que le ton du Languedoc pourroit accréditer. A l’entendre, les Etats de Provence ont avoué
que les diverfes Souverainetés , fltuées le long ôc à la gauche
du R h ô n e, n’avoient rien à prétendre fur les parties du fleuve
qui confinent à leurs Etats. Où a-t’il vu un pareil aveu ? C e
n’eft pas aux endroits cités à la marge , dont la plûpart difenc
le contraire de ce qu’on leur prête , à la referve de celui qui
regarde le Pape, alors pofleffeur du Comtat. O n eft convenu,
il eft vrai, que jamais fa Sainteté ni les Habitans du Comtat fes.
Sujets , n’ont eu aucun droit fur le Rhône ; mais c’eft par une.
�fuite d’évenemens particuliers à cet Etat , qui n’influent en rieni
fur la Provence.
L e Pape pofledoit Avignon ôt le Comté VenaiJJin à deux
titres diflerens.' C e dernier canton lui fut abandonné par
Philippe le Hardy qui s’en étoit mis*en pofleflion, après la
mort cVAlphonfe, Comte de Poitiers, ôt de Jeanne deTouloufe
fa femme. C e n’eft pas ici le lieu d’examiner la validité de
cette cefiion , il n’eft queftion que de fçavoir fl elle a pu
comprendre le lit du Rhône. Il eft certain que le R o i de F rance
qui étoit déjà en pofleflion de la rive droite du fleuve , depuis
le traité de l’an 1229 , devenant maître de la rive gauche ou
du Comtat VenaiJJin \ la mort de Jeanne, fut par conféquent
ôt fans contredit à cette époque , Propriétaire ôt Souverain de
la portion du Rhône qui couloit dans l ’efpace indiqué ; ôt ces
droits , il les a confervés , à moins qu’on ne montre qu’ils ont
été compris dans l ’abandon qu’il fit poftérieurement du Com té
VenaiJJin ; car les ceflions ôt les donations font des a&es de
rigu eu r, qu’on ne peut pas étendre au - delà de ce qu’ils expriment : C ’eft donc au Pape à prouver qu’il fut en même-tems
mis en pofleflion du Rhône : mais comment le prouveroit-il,
puifqu’on a aujourd’hui des preuves précifes du contraire?
L a ceflion du Comtat ne fut pas faire par un atle où l’on ftipulât des claufes , des conditions ôt des referves. C e fut un
fimple aéle de la volonté de Philippe le Hardy , qu’il déclara
verbalement au Commiflàire qui fut chargé de l ’exécution »
ôt ce Commiflàire ou fes D élégués mirent ceux du Pape en
pofleflion de tous les lieux qui dévoient être remis à l ’Eglife
Romaine. O r , il eft impoflible de trouver dans toute cette
procédure , un feul mot qui puifle faire foupçonner qu’on lui
abandonnât le moindre droit fur le Rhône. L e R o i n’av oit donc
pas compté le ceder : ainfi ; quelle qu’eût été la dépendance de
�la rivîere le long du Comtat V*enaijjîn avant le traité de 1229 ;
il eft sûr qu’elle refta au R o i de France dans cette partie , après
l ’an 1271.
Dans la forme de ceffion qui fu tch o ifie, moins que dans
toute autre , ii n’étoit néceflairede ftipuler des referves; elles
étoient toutes renfermées dans la limple volonté de celui qui
la faifo it, fans qu’elles puffent jamais donner Heu à aucune
réclamation de lapait du Cefiionnaire. Cela eft li vrai, que
celles du Roi ne fe bornèrent pas au Rhône feul ; il en fit une
autre confidérable , de la moitié de la V ille d’Avignon , en
laquelle il avoit fuccedé en m êm e-tem s, ôc au même titre
que dans le Comté Venaijfin , & qui ne fut point rernife aux
Commiffaires du Pape. L e R.oi continua d’en jo u ir, ôc Philippe
le Bel fon fils & fon fuccefleur , la céda en Septembre 12510 à
Charles IL R oi de Naples , ôc Comte de Provence. Rien dans
cet a£te ne peut faire conjecturer que le R o i prétendît céder
au Comte , la moindre portion du Rhône vis-à-vis la même
V ille : aufli n’en connoît-on aucun , par lequel il paroiffe que
ce dernier Prince ou fes fuccefleurs, ayent exercé la moindre
Jurifdiction furie Rhône au-deiïus de la Durence ; ôc quand la
Reine Jeanne, arriéré petite fille dëCharles 11 . vendit , 1e 1p de
Juin 1348, la V ille d'Avignon au Pape Clement V I. elle ne put
E o u stie , tom,
pag. j l ÿ .
aliéner en fa faveur que [ce qu’elle y poffedoit.
S’il refte quelque doute , on peut confulter l ’ufage des
tems poftérieurs, unique Juge de ces fortes de quefîions , ôc
montrer que depuis l ’époque indiquée, les Rois de France
ont exercé la Jurifdiêtion fur cette partie du Rhône.
i°. Si Philippe le Hardy en cédant le Comté Henaiffin au
P a p e, lui eût cédé la portion du Rhône qui en aveit dépendu
jufques-là, les Ifies du fleuve auroient été comprifes dans la
ceiïion. Cependant, Garhert de Laval, Archevêque d'Arles ôc
i~ r
V. î / i p. 57#
�d’autres co-Seigneurs de Montdragon, étaht en Procès avec
leProcureur du R o i & le Prieur (\q Saint Saturnin, pour une
ifle fituée dans le R h ô n e, entre T Ifere ôc la Durence, ôcapînvcnt. aes «. de pellée laCroix des Merciers, l’Archevêque y fit élever en 1 3 3 2 ,
/«fr.'p. »«8.rks’ Mb‘ des fourches patibulaires, comme marque de fa Juvifdiûion i
mais Philippe de Valois qui regnoit en F ran ce, ordonna quelles
fuffent abbatues comme un attentat contre la Tienne , qui ne
pouvoir fouffrir d'atteinte pendant le Procès ; ôc il eft à remar
quer que l’Archevêque quin’étoitniVaffal, ni Sujet de Philippe,
ne réclama point la protection du Pape ; d’où il eft aifé de
conclure que perfonne ne le reconnoiffoit pour Souverain de
l ’ifle conteftée. L e Pape ne le prétendoit pas lui-même : c’eft
Eoiiar. Aven. p. ce <lu*1 téfulte de la donation faite par Charles P7, à Urbain V .
Langui.4,'n.'Vs;
î de Décembre 1 3 6 8, de la moitié du Pont d'Avignon ôc
p 801'
du lit du R h ô n e , le long du territoire de cette V ille . Y a-t’ii
apparence que ce Pape eû t, non pas follicité , mais feulement
accepté une pareille donation, s’il eût cru avoir quelque droit
fur le Rhône , foit par l’abandon du VenaiJJin fait à Grégoire X .
foit par la vente d’Avignon paffée à Clement V I ? Il ne s’étoit
même écoulé que 20 ans depuis cette vente : la lettre ôc l’efprit
de l’adte en dévoient être connus ; ôc l’acceptation de la dona
tion de Charles V . eft une preuve fans répliqué , que la Reine
Jeanne n’avoit n ip û , ni voulu aliéner le R hône en faveur de
l’Eglife Romaine.
L es preuves fe multiplient encore plus dans les années
fuivantes. D es lettres de l’Univerfité de Touloufe qui favorifoientBenoiji XIII. traité alors d’Antipape , ayant été condam.
nées par Arrêt du Parlement de Paris du 10 Juillet 1406, il
J bld. Hift. du Lan?.
r
^
7
i.v.rj.S-7«>P'4îi. fut ordonné qu’elles feroient lacérées a Paris, à Touloufe, ôc
fu rie Pont d’ Avignon. C e Parlement croyoit donc que le Pont
(PAvignon dépendoit du R o yau m e, hors duquel il n’auroit eu
aucune
�aucune Jurifdi&ion. Cela eft expreffément déclaré dans un
acte pafie en 1427 entre Lcuis, Seigneur de Montlaur, & fes
v. ihj.
1. «,$
VaiTaux , du lieu de Ccuvillargues, & daté deffus le Pont P A - + P"H+‘
vlrnon dans le Royaume de France. L e Pont s étant abbatu au
mois de Septembre 1430 , les Officiers de la Sénéchauflec de
Beaucaire établirent un bac furie Rhône, pour palier d'Avignon
à Villeneuve : les difficultés füfcitées à ce fujet par les K abitans d'Avignon , furent terminées le 18 d’Août 1432 parmi v.«w. §. Jg, p.
Arrêt du Parlement de Paris qui rétablit le R oi dans l ’exercice *7i *+7Sde fi Jurifdiétion; & fuivant les apparences, cet Arrêt mit
fin aux querelles; car le même Pont ayant befoin de quelques
réparations en 1431 , le Légat & les Habitaus s’adrefferent
pour y pourvoir à Charles V îî. qui regnoit alors en France (a).
Enfin pour terminer un détail déjà trop long, les Châteaux de
Lers & de lloauemaure
, bâtis dans le R h ôn e,y dépendoient
en Hift. d„e l a n g .
1
l
I $63 du Gouvernement de Languedoc, fans aucune contefla- n-3iS’ p- ’>+•
tion de la part du Comtat.
Il eft donc démontré qu’on a tore de vouloir affimiler la
Provence aux anciens Etats du l ape dans l ’étendue de ce
Comté , contre lefquelsil y a des titres exprès & particuliers,
tandis qu’on n’en produit, & qu’on n’en peut produire de
valables contre nous. A l ’égard des Sujets du R oi de Sardaigne
en Savoye , c ’eft avec raifon que nous avens dit, que le R oi
venait tout récemment en 1760 , de leur faire la grâce de fixer
le milieu du fleuve pour ligne de réparation, puifque par le
premier article du traité, ligné à ly c n entre les deux Puifiances,
le 27 Janvier 1601 , tout le lit du Rhône depuis la fortie du
lac de Genève , étoit cédé à la France ; de forte que les droits
( a ) V . ibi,l t. <;, pr. n 4 , p. 10. On fçait d’ailleurs que le Cardinal de F o ix ,
dont il eû p a rlé dans ces lettres , étoit alors Légat d’Avignon, V , i l'i d . Hilï. 1. 3? ,
§. 4 S , p. j t & lùiv. S ix j Po/ttif. Arelat, p. 363.
il.
�S.8
antérieurs qu’auroient pû avoir les D ucs de Savcye fur cette
portion du fleuve, ce qu’on ne fçait ni ne veut difcuter ,
avoient été entièrement éteints par ce traité, & qu’eux & leurs
Sujets n’ont pu y rentrer que par une nouvelle conceflion de
la France. A in fi, ces deux articles n’ont aucun rapport avec
Recap. p. 68
Merci. p. 83.
la queftionqui divife la Provence Ôt le Languedoc.
Quant au Dauphiné, le Défenfeur du Languedoc allure
que c’eft de celui de la Provence qu’on tient que le Dauphiné
n’a point de titres particuliers qui lui donnent des dreits fur le
Rhône , & que ce fleuve au-dejjus de la Durence na jamais cejjé
d'appartenir au Roi de France. Mais de bonne f o i , la première
conléquence peut-elle fe tirer de l’endroit cité , dont on croit
devoir rapporter les propres termes ? Les flx Arrêts allégués,
prouvent, fi l'on veut, tout ce que le Languedoc peut déflrer
contre le Dauphiné; mais que prouvent-ils contre la Provence?
Çu le Dauphiné s’ejl mal défendu, ou les droits du Languedoc
contre lui étoient incontejlables. Mais quimporte à la Provence
quia des titres particuliers , Cj*des droits très-indépendans de ceux
du Languedoc , vis à-vis d'une Province qui tdarien de commun
avec elle ? Ces expreffions-là difent-elles que le Dauphiné n’a
point de titres particuliers qui lui donnent des droits fur le
Rhône? E t ne voit-on pas au contraire, que la Provence n’a
cherché qu’à écarter des difeufiions étrangères , pour fe ren
fermer uniquement dans ce qui l'interefloit? Au lieu d’avouer
que le Rhône au - deffus de la Durence n’a jamais ceffé d’ap
partenir au R o i de France, comme on le prétend; elle a feu
lement dit que les Lettres patentes de la Reine Marie du $
Décembre 13985 prouvent que le R hône au-deffus de la
D urence tout lelong duComtat, n’avoit jamais ceffé d'apparte
n i r au R o i de F rance, puifquil n’avoit pas été compris dans la
cejjlon qu’ on dit avoir été faite de ce Pays au Pape : ainfi, il tâ
�19
vîfible que Paveu qu’on voudroit oppofer à la Provence, eft
un aveu très-particulier,reftraint pour l’étendue au feu! Comtat,
ôt pour le tems , à celui où furent expédiées ces Lettres
patentes, ou plutôt à celui de la cefiîon même du Pays faite à
l ’Eglife Romaine en 1274., & fondé uniquement fur les évenemens particuliers à ce même canton ; au lieu que par les
réticences affectées , puifqu’on n’a pas mis des points à la place
des mots qu’on a fupprimés , on voudroit le donner pour un
aveu général, & pour le tems & pour l ’étendue. Il faut qu’on
fe fente bien dépourvu de bonnes raifons, pour employer de
fi minces reffources.
O n ne difeutera point fi à l'extinétion de la Maifon de
Souabe arrivée en 1264 , les Empereurs ceflerent totalement
d’exercer des droits de fuzeraineté fur le Royaume d’A rles,
comme l ’avance ici le Languedoc. Il faut convenir au moins}
que depuis cette époque , l’exercice de ces droits diminua
Exam. p.si.
confidérablement, & futprefque réduit à des occafions d’éclat,
dont on ne trouve même plus de traces après le régné de
Charles IV. poftérieur d’un peu plus d’un fiécle à la mort de Charlîs IV. mou
rut le aj Novembre
Conradin. Cet examen eft abfolument inutile à la queftion qui 137*.
nous divife, puifque les droits des Empereurs ne furent recueil
lis par aucune Puiffance étrangère , & que ce changement
n’opéra qu’une indépendance entière 2e abfoiue en faveur des
Comtes de Provence. En tout cas , il eft indifférent à la
queftion préfente, qu’elle ait eu lieu cent ans plutôt ou plus
tard.
§. V .
Nature des entreprifes que les Comtes de Provence ont
faites fur le Rhône Gf fur fes dépendances.
Quand on conviendroit avec le L anguedoc, non que les
H ij
Exam.P. j,;
�6o
Feudataires du Royaum e à'Arles n’ont pas pu avoir plus de
droits les uns que les autres fur le Rhône , mais qu iis n ont
pas pu y en avoir plus que les Rois d'Arles , leurs Sei
gneurs fuzerains , que deviendroit ce principe, dès qu'il eft
ians application ? Comment peut-on enfuite pafier fur les
uiurpations de Eofcn &. de Louis l'aveugle , fous prétexte
qu’elles n’eurent pas plus de fuites l’une que l’autre ?
Ignore-t-on qu’elles furent l ’origine du Royaume d'A rles,
qu’il a fubfifté fans interruption , jufqu’à ce qu’il fe foit
évanoui entre les mains des Empereurs d’Allemagne , ôt que
les changemens qui font arrivés fucceffivement dans fon
étendue , n’en ont apporté aucun à la domination du
Rhône ? L e Languedoc avance , il eft vrai , qu’avant la.
ce (T,on laite en 930 par Hugues à Rodolphe II. le bord oriental
du Rhône faifoitla féparation delà Provence & du Royaume
de F ran ce,
il renvoyé pour la preuve , à fa propre hif•s toire. Mais cette hiftoire eft entre les mains de tout le
monde ; ôt on défie le L eû eu r le plus attentif ôt le plus
fubtil d’y trouver la preuve qu’on annonce. T o u s les faits
allégués par l ’Hiftorien fe réduilent à prouver que depuis
Louis l'aveugle, les Comtes de Tculoufe ont joui du VivaraxS
ôe de lÜfege fous la fuzeraineté des R ois de France. Quand
ces preuves feroient aufti inattaquables qu’on le fuppofe, ôc
que nous fommes éloignés d’en convenir , quel eft le bon
efprit qui pourvoit en conclure que dcs-lors le lit du Rhône
>
fut réuni au Languedoc ? Il diroit au contraire ; dès qu’on
ne donne aucune preuve précife de domination ni de pro
priété , davis ce tem s-là, fufpendons notre jugem ent , ôc
cherchons-en dans-les tems qui ont fuivi. Il eft vrai que les
deux régnés d'Hugues & de Rodolphe II. furent fi courts,
qu’on n’en connoit aucun monument relatif à la queftion
�Ci
qui nous agite. Cette ignorance qui peut être détruite un
jour, fiiffit-elle pour publier avec confiance, qu'il e(l confiant
que Rodolphe IL b fes Succeffeurs nont pojjedé aucuns droits
fur le Rhône, tandis que fous Conrad le Pacifique , ôc fans
Rodolphe 777. Succeffeurs immédiats de ce P rin ce, on voit
pendant près d’un liécle, ainfi que nous l’avons montré dans
le premier M ém oire, & fous l'article fécond de celu i-ci, 6c
de l ’aveu même de l’Hiftorien de L anguedoc, les Etats de
ces Princes embralfer les deux rives du Rhône dans tout
fon cours, ôc par conféquent le Rhône même. N ’eft-il pas
plus fimple ôc plus naturel de penfer , qu’ils leur avoient
été biffés dans la même étendue par leurs Prédéceffeurs ,
plutôt que d’imaginer fans preuve , fans monument, fans
aucune indication , des changemens de limites alternatifs ôc
M cm p.
contradictoires ? Cette conféquence en araene une autre tout
auffi néceffaire , c’eft que quand les Succeffeurs de Conrad ôc du
dernier Rodolphe, ainfi que leurs Vaffaux, ont régné fur les
mêmes cantons & fur le R h ô n e, ôc en ont joui paifiblemenr,
fans obftacle , fans réclamation, au lieu de crier à l'entreprife,
à l’ufurpation , comme fait ici le L an guedoc, on doit reconnoîtrc de leur part une poffeflion confiante ôc avérée. A
la bonne heure, fi quelqu’autre Souverain eût dans le même
terns fait de pareils actes fur les mêmes lieux : ce feroit alors
le cas de douter ôc d’examiner lequel des deux a dû em
piéter fur les droits de l ’autre ; mais on b e n produit aucun-,
ôc. on fe contente de répondre à des faits réels, par des raifonnemens qui fuppofent d’autres faits contraires , qu’on ne
préfente jamais. Ainfi les aêtes de fouveraineté b de reffort
fur le R h ô n e , émané’s des Comtes de Provence ôc des Rois
à'1Arles , fubfifient ôc doivent fubfifter , tant qu’on ne leur
montrera pas qu’ils y avoient au moins des Compétiteurs; ôc
J
Si
;
Liv-I^§.3
M o.
�62
ce ne font point des entreprifes contre les droits de la C ou
ronne de Fiance. Cette Couronne n’en avoit point de par
ticuliers fur le Rhône , qu’elle n’eût fur tout le Royaume
de Provence. L a longue poffeilion, antérieure même à l’établiflement de ce Royaume , n’eft applicable à l’un , que
comme dépendance de l’au tre, ainfi qu’on s’eft attaché à le
montrer fous la fécondé race de nos Pvois : ôt quand on
prendra le véritable état de la queftion , on ne dira point que
nos Rois n ont jamais fait cejfwn ni tranfport aux Rois d’Arles
eu à leurs Feudataires, des droits de la Couronne de France fur
le Rhône, parce que cette objection ne peut pas plus tomber
fur le Rhône , que fur toute autre dépendance du Royaum e
ôt du Comté de Provence , telles que les V illes dôÆx ou
de Nice. Dira-t-on que ces Comtes n’ont pu exercer leurs
droits fur ces V ille s , parce qu’ils n’avoient point de ceflions
particulières ? Et n’en reconnoitra-t-on aucun , fous prétexte
qu'ils tiroient leur origine d’une ufurpation ? C e feroit
vouloir tout rejetter dans un cahos qu’il feroit enfuite impoilible de débrouiller. Les Rois de France onr confervé
tous leurs droits fur le Royaume de Provence , malgré
l’ufurpation , & quoique dans le fait ils euffent fouvent traité
avec les Rois d’ Arles ôc les Comtes de Provence , comme
xeconnoifl'ant les titres ôc les qualités qu’ils prenoient. Mais
ces droits fur la to ta lité, n’en donnent point de diftin&s fur
les dépendances particulières ; ôc fl le Rhône a continué
d’être annexé à la Provence , après l ’ufurpation comme avant,
on ne peut nier qu'il n’en ait toujours dépendu ; ou fi par
une voye de fait qu’on n’indique p oin t, les Rois de France
s’en fuffent emparés , avant: que de réunir la Provence à
leur Domaine , leur jouiffance qui auroit été en qualité de
Souverains légitimes de la Proven ce, ne donneroit aucun
�63 ,
droit au Languedoc , à moins qu’il ne juftifiât d’une réunion
en forme. Ainfi c’eft à cette Province , Ôc non à la Provence ,
à chercher ôc à produire des titres de propriété.
§. V I. Réunion -prétendue de la Provence à la Couronne.
txam.p. 5+*^,
Il y a , 1:’on en convient, de la différence dans les maniérés
dont le Languedoc ôc la Provence ont été réunis à la C ou
ronne de France. Cette derniere Province eft bien aife que
tout le monde le fçache, & que fes Adverfaires mêmes le
publient. Mais que fait cette différence à la queflion pré
fente ? Si elle pouvoit y influer, ce ne feroit qu’en faveur
de la Provence , en préfentant les titres particuliers qu’elle
doit à la bonté ôc à la protection du R o i ; car quoique tous
les privilèges émanés de la grâce ôc quelquefois de la juftice
des Souverains , foient également refpeétables , s’il en eft
qui doivent être encore plus facrés , il femble que ce font
ceux qui ont été accordés à des Sujets qui fe font fournis
volontairement, ou qui pouvoienr, fans injuftice , paffer fous
une autre domination. V oilà les réglés qu’avouent l’hu
m anité, la juftice, & la faine politique. On eft doublement à
plaindre, fi on croit avoir befoin d’en invoquer d’autres, ôc
qu’on fe permette d’en faire ufage. C ’eft à regret qu’une
défenfe légitime nous force à le dire. L e Languedoc ne
cherche ici qu’à rendre fa caufe favorable , en tâchant de
rendre odieufe celle de la Provence, ôc en infinuant au
C o n f.il du R o i , que Sa Majefté eft intéreffée à adjuger le
Rhône au Langued oc , puifque la Provence ne s’eft donnée
à la France qu’à condition qu’elle garderoit fes L o ix , ôc ne
feroit pas réputée du Royaume. Mais le llo i en eft-il moins
Maître des deux Provinces l N ’cn a-t-il pas éprouvé la même
\
�■ fidélité, tiré les mêmes fecours ? N ’ont-elles pas également
droit
à
fa protection &;
à
fa juftice ? L a Provence ne fe
glorifie d’avoir de plus grands privilèges, que pour pouvoir
faire de plus grands facririces ; mais elle veut qu ils tournent
au profit du R oi à qui il eft indifférent que tels ou tels de
fes Sujets jouiffent de certains droits , parce qu'il fçait que
ceux de fa Couronne font également refpeétés.
L e Languedoc d'ailleurs eil-il bien en droit de faire de
pareils reproches à la Provence, lui qui a les mêmes pré
tentions , fans avoir peut-être les mêmes moyens pour les
foutenir ? Ecoutons un de fes plus fameux Jurifconfult.es.
Bien que le Comté de Touloufe, dit Maynard dans fes quellions
notai», liv. 4 , ch. 57 , ait été acquis à notre Roi par titre do
donation , il n’efl toutefois uni , mais feulement acquis fans
accejfion , le même étant Roi G Comte, G‘ tel fe devant dire G
porter comme de cliofe diverfe , qui ne fut or.cques confufe G
incorporée au Royaume , au préjudice G extinction des droits ,
libertés G privilèges des Tolofains qu'ils aurcient toujours retenus
avec leurs Statuts G forme de vivre. L aiffon s, après cela , le
Languedoc s’applaudir d’avoir voulu nous rendre odieux
en rappellant les flipulations de nos peres.
&fuiv.
§' V U . üifpcfitions des Loix Romaines fur la propriété
des rivières G de leurs ijles.
L a Provence, après avoir expofé fes titres ck fes moyens
pour prouver que le lit entier du Rhône coule lur un terrtin
Provençal, & ccnféquemment qu’il fait partie de fon terri
toire : après en avoir conclu,d’une façon abfolue.que la totalité
du fleuve lui appartenoit,avcit, par efprit de p a ix , cité les Loix
Romaines qui donnent les crémens
à
celui du côté
duquel
�6 5"
ils fe trouvent , ainfl que les ifles, ôc qui veulent que l ’on
partage entre les deux Riverains celles qui naiÔent au
milieu. Comme la prétention du Languedoc eft d’avoit
également le lit entier du fleuve, nous avions fait envifager
les difpofitions du Droit écrit qui gouverne les deux Pro
vinces , comme offrant au Confeil un expédient pour juger
l ’affaire , quoique par ce moyen la Provence fe trouvât léze'e
de la moitié de Tes droits. T o u t autre Adverfaire que le
Languedoc eût été honteux de n’avoir pas propofé le pre
mier un plan aufii conforme à l’efplit d’équité qui doit faire
des facririces pour obtenir la paix.
L e Languedoc au contraire a tiré grand parti de notre
modération, fie en avouant les principes des L o ix Rom aines,
il a fou tenu qu’elles avoient leurs exceptions, & que cette
partition n’avoit lieu que lorfqu’un des Riverains n’étoit pas
feul en poffeffion du fleuve ; 6c fur le champ , il nous a
cité l'exemple du Pape à A vign o n , fie le dire de l’Infpecteur
dans la même affaire. Mais qui ne voit que c’eft-là décider
la queflion par la queftion même? Nous adoptons volontiers
l ’exception qui veut que le fleuve appartienne à celui des
Riverains qui en a joui feul , fie qui feul a des titres. O r
comme le Languedoc n’a point jo u i, fit n’a point de titres ,
fi: que la Provence a titres fit poffeffion , le Rhône fait partie
de fon terrein, fie non de celui du Languedoc. T out fe ré
duira donc toujours à la quefiion de fait. L e Mémoire même
de l lnfpecteur des Domaines , concourt à faire voir que
ccs fortes de queftions ne peuvent être éclaircies que par
1 examen des faits Ôc de la jouiffance ; Ôc que des principes
vagues relient fans application , quand ils ne font pas foutenus par une fuite défaits. On a enfuite, fur ce même
article, accumulé les citations d’Auteurs. Guypapea dit que
I
�€6
les Officiers de L y o n empêchoient les Breffois d’ empiéter
fur le R hône dans le tems que la Breffe étoit à la Savoye.
Q ue nous importe ? Salvaing a dit que le Rhône a toujours
appartenu à la Couronne de France. L e Préfident Boyer a
dit la même chofe. Mais fur une queflicn de fa it, que iert
l'opinion des Jurifconfultes ? Ces Auteurs avoient-ils vu les
titres que nous venons d’analiler ?
E iira. f*. 6S ‘
fui.,.
$. V I I I .
Traité
de Vannce 1 7 6 0 ,
entre Sa Majejié
& le Roi de Sardaigne, Duc de Savoye.
L e même efprit de pacification nous avoit fait propofer
pour exemple le traité de 1760 , fait entre le R o i ôt le
R o i de Sardaigne, par lequel les deux Princes conviennent
de prendre le milieu du fleuve pour réparation des deux
Etats. Mais ce n’a toujours été que fans déroger aux preuves
abfolues que nous avions rapportées de notre droit inconteftable fur la totalité du fleuve -, ce n’a été que pour faire
fentir combien le Languedoc étoit déraifonnable de v o u lo ir,
fans titres & fans droit, infifter à vouloir avoir le lit entier
& empiéter fur la rive Provençale. Il n’en a pas moins conclu
que nous abandonnions notre Caufe , que nous en reconnoiffions l ’injuftice , puifque nous nous réduifions enfin à
demander la même grâce que le R o i avoit accordée aux
Sujets du R o i de Sardaigne. E t combien de bonnes plai
santeries ne nous a-t-on pas prodiguées à ce fujet ? Combien
d’efforts d’efprit n’a-t-on pas- fait pour relever une con
tradiction aufli grofliere ? Mais qu’on life les écrits de la
Provence, ôc l ’on verra que la contradiction n’eft que dans
la façon infidicufe avec laquelle l'Adverfa’n e les rapporte.
Eft-ce donc par un pareil genre de défenfe que l ’on doit dif-
�6l
cuter une affaire où toutes ces petitefles de Palais dévoient
être bannies (a) ?
N e fuflit-il pas qu’il foit évident, qu’en confentant de
partager le fleuve, elle facrifie la moitié de fes droits pour
jouir paifiblement de l ’autre , ôc que ce partage ne porte
aucun préjudice au R o i qui conferve également tous fes
droits ? Si Sa Majefté elle-même a fait le facrifice d’une
partie des fiens au R o i de Sardaigne , elle peut être dé
terminée par les mêmes motifs en faveur de fes propres
Sujets , qui ne cherchent qu’à vivre en paix fous fa prote&ion , ôc fous celle des L o ix. C e n’eft point fa fouveraineté
que nous difputons , comme nous l ’impute l ’Adverfaire , nous
ne conteftons qu’au Languedoc la propriété du fleuve : les
droits de la Couronne feront toujours les mêm es, quelle que
foit celle des deux Provinces dont il fera partie. L e feul in
térêt que Sa Majeflé ait à l ’affaire , c’eft de rétablir ôc de
maintenir la paix entre deux Provinces voifines, furtout
quand l’une des deux confent à l’acheter par le facrifice
de la moitié de fes droits.
§. IX . Motifs préfentés par la Provence comme ejje/itiels
à la quejlion.
A entendre ici le Défenfeur du L an guedoc, il femble
que la Provence ait fondé principalement fa défenfe fur les
motifs qu’il lui prête. L e feul qui la faffe a g ir, le feul qui
( a ) Rien n’eft plus odieux que cet article de l’examen , & il ne tend à rien
moins qu’à dire que le Roi a pu ctre déterminé , par une for'e de crainte de guerres ,
à accorder au Roi de Sardaigne , ce que 1 on voudroit refufer aux Provençaux fes
Sujets qui le demandent par des motifs de jtiflice & d’équité ; enforte que les Sujets
du Roi 'fondes fur des titres, & appuyés d’ailleurs par des confidérations qui doivent
les faire participer également aux bontés paternelles de Sa Majefté , feroient traités
plu» rigoureufement qu’un Pays étranger & qui peut être ennemi.
I ij
�<58
doive déterminer Tes J u g e s, eft l’équité. En effet fi elle a
des droits fur le Rhône ; fi elle les fait connoitre , on ne
peut l’en dépouiller fans injuftice. T oute autre confidération
devient absolument étrangère, furtout le Roi ni fa Couronne
n’ayant aucun intérêt à la queûion qui divife les deux P ro
vinces ; celle de Provence ne réclame que les droits de
propriété que s’arroge le Languedoc. L a Souveraineté refte
toujours également entre les mains du R o i ; &c c’eft trèsmal-à-propos qu’on affecte fans ccffe de répandre des nuages
fur cette égalité qui eft entière. Il eft d'ailleurs inutile de
revenir {ans ceffe fur des objets auxquels on a répondu mille
lois ; & il on s’engageoit au combat toutes les fois qu’on
les repréfente, ce ne feroient que des excurfions intermi
nables j pour faire perdre de vue le véritable état de l’affaire.
Ici le Languedoc a voulu faire entendre qu’un Réglement
qui fixeroit pour limite divifoire entre les deux Provinces
le milieu du cours du fleuve , ne les pacifieroit pas m ieux,
que fi le Languedoc étoit déclaré Propriétaire de l’un ôc
l ’autre bord ; mais c’eft parler contre l’évidence des ch ofes}
ôt de plus, c’eft faire ouvertement la critique du traité de
176 0 , qui n’a pu avoir pour m otif, & qui en effet n’en
exprime pas d’au tre, que celui de déterminer la limite na
turelle , la plus propre à maintenir la paix , & à tarir la
fource des difputes : de forte que , quand après avoir prouvé
que la Provence a des droits inconteftables fur le Rhône
dont elle jouit encore , & dont elle n’a jamais été dépoffédée , nous follicitons un R églem en t, le Languedoc , loin
de trouver cet expédient contradictoire avec les conclurions
de notre P^equête , auroit dû y reconnoître l ’efprit de paci
fication qui nous dirige , & fentir encore que fi par de
pures conftdérations, ce Réglem ent a été accordé aux Sujets
�êg
du R oi de Sardaigne , il ne fçauroit être refufé à la Provence
qui joint à ces confide'rations , des motifs de juftice & de
d ro it, & avec laquelle la Couronne de France confervera
également les droits de fon Domaine.
§. X . Répoufe à ckùx quefions ejfentielles à la Caufe.
Quoique le Languedoc femble annoncer qu'il va répondre
précifément à ces deux queftions , il eft aifé d’appercevoir
que plus elles l ’ont p relie , plus il s’eft enveloppé dans fa
répoufe : il répété partout qu’il n’eft point Partie dans cette
C a u fe , & qu’il n’y fait que défendre les droits de la C o u
ronne , & néanmoins il v e u t, d’un autre coté , que le Rhône
foit tellement inféparable du territoire du Languedoc, que
le R oi lui-même ne puilfe faire un arrangement entre les
deux Provinces.
Il répété tout autant de fois que c ’eft par condefcendance
que le R.oi trouve bon de laifler au territoire de P roven ce,
le grand bras du R hône, & l ’Ille de la Camargue, & il ne
veut pas que Sa Majefté puilfe également nous lailfer les
ifles & terreins que nous polfédons de la même manière &C
par le même titre dans la partie fupérieure du fleuve.
V o ici la première queftion que nous avions faite.
Efi-ce parce que le Rhône appartient au Rci quil fait partie
du Languedoc ? Ou ejl ce parce qu'il fait partie du Languedoc
quil appartient au Roi ? L e Languedoc répond: i°. que le
Rhône appartient au Rci , parce qu’il a toujours fait partie d un
Pays qui n’a jamais été f paré delà Àlonarcliie....................
qui porte aujourd’hui le nom de Languedoc. Mais il fuppofe
ce qui eft en queftion, ou plutôt il l ’avance , fans en fournir
la moindre preuve ; c a r, que le Pays qui porte le nom de
Exam pag, 73 3c
uiiv,
�70
Languedoc ait été féparé ou non de la M onarchie, cela eft
fort indifférent à la queftion préfente. L a feule chofe qui
l ’intéreffe , eft de prouver que le Rhône a toujours fait partie
du même Pays. Mais on le demande à toute perfonne défintéreflée , quelle preuve de fait en a-t-il apportée jufqu’à
préfent ? Cette première réponfe n’eft donc qu’une pétition
de principes, qui tourne toute à l’avantage de la P roven ce,
laquelle fournit la preuve demandée. V oyons ft les autres
défaites ( du Languedoc ) ne feront pas dans le même cas.
2°. Le Rhône appartient au Roi comme Roi, G* à caufe de fa.
Couronne, de laquelle les contrées de Languedoc, baignées par
le Rhône, ont toujours relevé. Q ue veut-on dire ic i, que le
Rhône appartient à la Couronne, indépendemment des bords
qu’ il baigne ? Ce feroit une abfurdité : car quel eft le Sou
verain qui pût prétendre de l’autorité fur une riviere, dont
aucun des bords ne lui appartiendroit ? I l faut au moins qu’il
foit en poffeftion d’un des deux •, ôt fi alors il a été véritable
ment le maître de la riviere, c ’eft une preuve fans réplique
q u elle faifoit partie du même canton. V o ilà donc le Lan
guedoc encore réduit à prouver , non à fuppofer ce qui eft
en queftion.
I l répond, 30» que le Rhône appartenait au Roi, à caufe de
fa Couronne, dès avant que le nom de Languedoc fût connu,
& qu’après cette époque, la Provence a été longtems hors
de la dépendance des Monarques François. Il eft fort indif
férent à la queftion préfente, de fçavoir en quel tems le
nom de Languedoc a commencé. I l fuflit de reconnoître >
fous les différens noms qu’ il a portés , les mêmes Pays qui le
portent aujourd’hui. I l eft vrai que la Provence a été long
tems démembrée de la Couronne de F ra n ce-, mais cette fépatation, qui pouvoit ôc qui devoit lui nuire dans le tems
�71
qu’elle fubfiftoit ] ïie peut plus lui être d’aucun préjudice ;
quand par fa réunion ellç a été maintenue dans tous fes
privilèges, dont fon étendue eft un des plus déterminés. Nous
convenons donc que le Rhône appartenoit au Roi à caufe
de fa Couronne , non-feulement dès avant que le nom de
Languedoc fût connu , mais longtems avant que le Pays
qui le porte aujourd’hui, fût fournis à la même Couronne.
E t c ’eft notre obfervation fur fa quatrième réponfe, où
il avance que le Rhône n’a jamais ceflc d’appartenir à la
Couronne depuis l ’an
de notre E re, tandis que la Pro
vence faifoit encore partie du Royaume des OJlrogots. L e
voilà qui revient à la prétendue conquête de la rive occiden
tale du Rhône par T/ieodebert en y j j ou 5*34, que nous
croyons avoir entièrement détruite. Tl réfulte aufii de nos
obfervations, & d’une maniéré inconteftable, que la Pro
vence fut cédée aux Monarques François l ’an 336 ou 537 ;
que depuis cette époque, ils furent maîtres des paffages du
Rhône & du canton fitué à la droite du Rhône compris dans
l ’étendue du Pagus ou Comté d’slrles, tandis que les
ôt les Sarraiins , qui regnerent après eux fur le Pays qui
porte aujourd’hui le nom de L anguedoc, ne jouirent jamais
ni du R h ô n e, ni des terres du même Comté qui le bordoient le long de leurs Etats ; ôt enfin que le même Pays
ne fut fournis à la domination Françoife qu’en 7 y 2 ; de forte
que fi la priorité de polfeftîon doit être de quelqu’avantage
a lun e des deux Provinces, il eft tout en faveur de la Pro
vence qui a été Françoife plus de 200 ans avant l ’autre. Ainfi
elle peut convenir que depuis l ’an y 36 le Rhône n’a pas
ceflTé d appartenir à la Couronne ; ôc cet aveu , loin de
confirmer la cinquième 6c dernicre alfertion du Languedoc ,
que les droits de la Couronne Gr ceux du Languedoc Jur le
�Rhône, font tellement inféparcibles, qu'ils ne forment qu’un feul
même droit , la détruit entièrement (a).
Ainfi en y 3<5 la Couronne a joui du Rhône comme an
nexe de la Provence ; & depuis cette époque , elle en a tou
jours joui ou du jouir au même titre. Si dans 1 intervale
qui s’eft écoulé jufqu’à nos jours , il y a eu une éclipfe dans
cette jouiffance , occafionnée par l’ufurpation de Bofon , &z
les fuites qu’elle e u t, cette éclipfe porta fur le corps entier
de la Province , &. non en particulier fur le fleuve qui en
dépendoit , & qui en dépend ; de forte que la Couronne
étant rentrée de fait dans l’exercice de fes droits fur la
Provence, a repris de fait la même autorité fur le R hône , êt
la queftion lui eft indifférente. Dans les deux fuppofltions >
elle eft également Propriétaire du lit & d u fond de la riviere j
& les permiflions q u il lui plaira de concéder à ceux de
fes Sujets q u elle voudra favorifer , ne fo n t, ni des cédions ,
ni des tranfports de propriété ; & la Provence ne s’élèvera
jamais contre de pareilles grâces , quand il plaira au R o i d’en
gratifier quelqu’un de fes Sujets du Languedoc. T o u s les
François doivent fe regarder comme Citoyens du même
Pays \ les grâces qui retombent fur l'un > doivent exciter la
reconnoiffance de l ’autre , plutôt que fa jaloufie ; &. il n’y
a en ce genre que le préjudice caufé par la lélion des
droits refpeclifs, qui puifle donner lieu à des plaintes lé
gitimes.
( a ) Le Languedoc nous demande fans cefîe , c,nel eft le titre tranflatif qui nous a
donne la propriété du Rhcne? Mais avons-nous befoin de produite un pareil titre,
lortque nous prouvons que c’eft de la Provence elle-même, & par ia ce (lion de
Y itifc s , de l’an <;}<5 , que la Couronne de France a acquis la fouveraineté fur le
Rhône, comme lur le refte de la Provence , en^orte que la Provence n'a pas plus
befoin de titre translatif, pour la propriété du Rhône que pour la V ille ü ’A i x , &
pour les autres Villes & lieux q u i compofcnt cette Province.
XL
«
�Il réfute de tout ce que nous venons de dire, que la quejïion
qui fait la matière du procès intenté par la Provence au i
Languedoc ,f e réduit à cet unique point de fçavoir, fi le Rhône,
depuis la Durence jufquà la mer ejl du Domaine du Languedoc
ou du Domaine de la Provence, c'ef-à-dire s'il appartient au
Roi comme Souverain , ou du Languedoc , ou de la Provence :
car il n’y a pas de milieu ; le R oi qui poflede le Rhône en
vertu des droits de fa Couronne, ne peut lepofféder qu’autant
que ce fleuve eft une annexe ou une dépendance des deux
Provinces qu’il baigne ou qu’il fépare. Toute autre maniéré
de poflefïion feroit illufoire ôc de pure imagination. Or fi Von
s'en rapporte à Vkifioire dont la Provence a invoqué le fecours
à l'appui de fes prétentions, ôc dont le Languedoc ne peut
rejetter le te'moignage , il e f certain , i°. que les contrées
affifes fur le bord occidental du Rhône , n'ont jamais été conquifes par le Roi Theodebert ; que la Provence a été cédée à ce
Prince par Dirigés, Roi des O frcgots, (y enfuite par l Empereur
Jujiinien, plus de 200 ans avant que le P ays, connu alors
fous les noms de Septimanie ôc de Gothie, ôc aujourd'hui fous
celui de Languedoc , parvînt aux Princes François; que les
droits que la Couronne a fur le Rhône par la Provence, font
plus anciens que ceux qu'elle ri*aurait eû que pofé rieur ement par
le Languedoc, G par ccnfequent que le Roi a , comme Roi de
Iran ce j & par la Provence , fur le Rhône le droit de premier
Occupant. 20. Que pendant que les deux Provinces furent
féparces de domination , foit tandis que celle qui porte le
nom de Languedoc fût foumife aux Difigcts , foit lorfque
l ’une ôc l'autre furent fous la domination Françcife , mais
fous des Princes difîerens , G pendant plus de trois fiécles G
demi , les iiles du Rhône , ôc les terres qu’il baigne à fa
droite, comprifes dans l’étendue de la Province ou Comté
R
�d’Arles , ne cefferent jamais d’appartenir au Prince qui regnoit
fur la Provence ; ce qui fuppofe inconteftablement que le
fleuve fuivit la même domination. 30. Q ue les ufurpations
de Eofon, de Louis Vaveugle, d'Hugues, 6c de Rodolphe II.
ayant l'ait perdre de fait, 6c non de d ro it, à la C ouronne,
l ’autorité qu’elle exerçoit fur la Provence, elle a perdu de
même la jouilTancc de tout pouvoir fur le R h ô n e, comme
fur les autres dépendances de là Provence. q-°. Q ue loin que
fous ce même Rodolphe , 6c fous fes Succefleurs , le bord
oriental du Rhône ait fait la féparation du Royaume de France,
Cf du Royaume de Bourgogne , qui jut nommé peu de tems le
Royaume d'Arles , il eft démontré par une foule de monumens
autentiques , que les mêmes ifles 6c la même portion du
D iocèfe d'Arles fituée à la droite du Rhône , étoient aufli
compvifes dans le territoire ou le Comté de la même V ille , ôc
foumifes au même Souverain. 5p . Quà la fuite de ces évenemens, l'introduction du Gouvernement féodal ayant occafionnè le
partage du Royaume d'Arles en dijférens Fiefs, Cf ce Royaume
ayant paffe vers le méme-tems dans les mains des Empereurs d’A l
lemagne , les Fiefs de la Couronne d’A rles, du nombre defquds
étaient les Comtés de Provence, 6c le Comté d’Arles , relevèrent
des Fmpereurs , Rois d’A rles, fous la foi Cf hommage , 6c conferveient la même étendue qu’ils avoient eue auparavant.
6e . Que les Ftudataires de l’Empire Cf du Royaume d'Arles purent
avoir autant de droits dans leurs Iiefs refpeciifs , qu'en avoient
les Empereurs, Rois d’A rle s, leurs Seigneurs fu\erains, ôc que
fl quelques-uns ne les ont pas eus , ou les ont perdus dans la
fuite par des circonftances particulières, comme il l’a été
prouvé pour le P ap e, leur privation n’influe en rien fur la
poffeilion légitime ôc continue des autres. 7 ° . Q ue par conféquem les Comtes de Provence , en continuant d’exercer
�fur le Rhône une autorité qui leur avoit été tranfmife de main
en main, ôc fans interruption, par leurs Devanciers, n’ont
fait qu’ufer d’un droit légitim e, reconnu ôc avoué, ôc que
ceux de leurs voifins qui ont voulu les y troubler , n’ont pu
le faire que par emreprifes ôc par attentats. Et 8°. enfin , que
le Comté de Provence étant rentré fous Pautorité du R oi, avec la
confervation de tous fes privilèges, dont fou étendue eft un
des principaux, elle doit, d’une part, jouir des droits dont
elle avoit joui précédemment fur le Rhône ; ôc de l ’autre, la
Couronne eft rentrée de fait dans la jouilfance des droits
qu’elle avoit confervés fur le fleuve, comme fur le refte de
la Province.
Tant que ces faits fubfiferont dans l'hifloire, il faut que le
Languedoc renonce à toute prétention fur le fieuve du Rhône ,
dont il n a jamais pu pojféder la moindre partie qu’à titre d’ufurpation,
au préjudice de la Provence. L e R o i n’en eft pas
moins Propriétaire ôc Souverain du Rhône. Il l ’eft, parce
qu’il a acquis la Provence dès l’an 536. Il l ’eft, parce que
depuis cette époque, il en a toujours joui ou dû jouir, ÔC
que l’interruption qu’il y a eu dans cette jouilfance, fans
nuire au fond de fes droits, a été entièrement réparée par la
réunion de la Provence à la Couronne. Comme il ne peut
jouir du Rhône qu’en qualité de Poffeffeur d’une des deux
rives du fleuve, loin d’impliquer aucune contradiction que
ce fo it, comme maître de la rive droite ou de la gauche , le
fait lui eft totalement indifférent ; ôc il fera également Poffeffeur tranquille ôc légitime de tous les droits de propriété
ôc de fouveraineté. Il ne peut l ’être même en qualité de
, premier Occupant, Gr de premier PoJJeJjeur , qu’en les dérivant
de la Provence.
A la fuite de tous les titres que nous avons produits, le
K ij
�76
Languedoc auroit dû nous fçavoir gré de notre modération ;
en nous vo ya n t, pour ainfi dire, invoquer le fecours des Loix
R om aines, êc du traité fait en 1760 avec le R o i de Sar
daigne. C ’étoit annoncer des difpofitions à ne pas exiger le
rétablilfement de nos droits à toute rigueur. En tout C3S,
les Loix de tous les tems & de tous les Pays , difent &
doivent dire que fi quelqu’un a joui d'une propriété de tout
tem s, fans interruption, ôc fans qu’on en voye l ’origine, il
doit y être maintenu. La Provence eft dans ce cas-là pour
le R h ô n e, dont la polfeflion remonte pour elle jufqu’aux
premiers établiffemens des Romains dans les G a u le s , fans
que le Languedoc y oppofe aucun fait qui puifle fe foutenir.
Il eft donc de l’intérêt de la Juftice que le Rhône lui foit
adjugé definitivement, ôc cet intérêt, le premier de tous dans
tous les c a s , eft ici d’autant plus preflant, que les droits du
R.oi font toujours les mêmes dans les deux fuppofitions.
De Vexamen que nous venons d éfa ire, de Vétat de la quefiion, nous fomrnes fondés à co n clu re, quant ail fond de
Vaffaire, que les droits de la Provence fur le lit du Rhône', b
fur fes dépendances, font démontrés. L e Languedoc a cru
les affoiblir, en propofant des obje&ions contre quelquesuns des titres qu’elle a produits. Nous allons les
exa
miner. Dès que le fond ejl folide, on ne doit pas craindre
qu’il ne fournilfe des réponfes fatisfaifantes fur tous les
détails.
�77
S
E
C
O
N
D
E
P
A
R
T
I
E
.
Examen des titres de propriété produits par les
Procureurs du Pays de Provence.
L e Défenfeur du Languedoc auroit fans doute défiré
pouvoir fupprimer tout-à-la-fois la multitude des titres pro
duits par la Provence. Mais cette méthode auroit mal ré
pondu au ton de fécurité & de confiance qu’il affe&e partout.
Il a donc cru fuffifant d’en écarter le plus grand nombre , 6c
de fe contenter d’en rappeller quelques-uns contre lefquels il
s’eft flatté de propofer des obje&ions raifonnables : ce choix
a du lui procurer quelqu’avantage ; mais d’un autre c ô té , fi
dans une aufli grande quantité de titres , il y en a qui ne fourniffentpas tontes les induôtions qu’on croyoit en pouvoir tirer,
cette efpece d’erreur n’influe en rien fur les conféquences que
fourniflent les autres ôc qui relient entières, pour légitimer
les a£les de Jurifdiélion qu’elle a exercés fur le R h ô n e, de
la qualification odieufe iVentreyrifes. Et par qui eft-clle don
née ? On l’a déjà d it; celui qui ne produit aucun titre ni de
propriété ni de jouiflance ( a ) , quoiqu’il ait eû communica
tion de tous les dépôts publics & particuliers de fa Province ,
& que cette affaire lui tienne fort à c œ u r, ofe qualifier d Ufurpateur fon Adverfaire qui n’a été embarafle que du choix
dans le nombre des pièces qu’il a eû à produire, 6r à qui
chaque fiécle & chaque dépôt en ont fourni une foule: c'clt
encore une chofe digne de remarque ; la fauffeté qui a intérêt.
( a) Il eft fort fînguiier que dans la quantité îmmeufe de titres, cités ou nulUirs
dans PHiftoire de Languedoc, il n’y en ait point de relatif à la propriété du Rhône,
qu’on vouloit pourtant arroger à cette Province..
Exam-p-*°-
�78
à fe cach er, n’acquiert de publicité qu’à la fuite d’un long
tems ; & fi l’on remonte à celui où elle a été fabriquée, il
eft aifé de la découvrir par mille contradi&ions qu’il a été
impolïible de prévoir ou de prévenir: -Audi dans le fyftême
du L an gu ed oc, trouve-t-on à tout moment des chofes ( a )
qu’on ne peut pas expliquer, tandis que dans celui de la
P rovence, les évenemens fe tiennent pour ainfi dire , s’expli
quent les uns par les autres, amènent naturellement ceux
qui doivent fuivre. C e tableau q u i, dans toute autre occafio n ,feroit le cara&ere diftin0.it de la v é rité , éprouveroit-il
ici un fort contraire ? N on fans doute ; ôc nous avons déjà
été prévenus dans l ’application , par tout L e 0 eur attentif ôc
défintéreffé ; il aura vu que nos titres, en quelque quantité
qu’ils foient, viennent fe placer d’eux-mêmes , & que fi nous
avons eû quelque peine , q’a été uniquement pour mettre dans
un plus grand jour les Jlratagêmes qu’emploie le Languedoc ,
pour faire prendre le change fur le véritable état de la quefion ,
fur la nature des objets contentieux, fur les faits & les attes
quil expofe, furies raifonnemens qu’il en tire , b fur tous les
moyens artifxieux qu’il met en œuvre. Mais il eft tems de voir
quels avantages il compte en tirer en détail.
A R T I C L E
PREMIER.
Titres confitutifs.
O n doit donner ce nom aux a0es dans lefquels les Parties
intéreffées font intervenues, ôc où l’une a reconnu le droit
(a) Comme quand on prétend qu’Ugernum appartenoit aux Vifigots en 530 ;
que la partie du Dioc'efe d’A rle s, qui eft à la droite du Rhône, fut enlevée au
Royaume de Bourgogne vers l’an 3130.
/
�1 9
de l’autre. Dans le moyen âge où les grands Vaflfaux jouîffoient de tous les droits régaliens, ils n’avoient pas befoin
de l ’intervention du Suzerain pour tranfiger fur ces mêmes
droits, furtout quand ils relevoient du même Suzerain , qui
dès-lors avoit peu d’intérêt aux conventions qu’ils faifoient
entr’eux , parce qu’il acquéroit fur l’un les droits qu’il pou
voir perdre fur l ’autre. En parcourant Amplement les preuves
de l’hifloire du L an guedoc, on y trouvera une infinité de
conventions paffées entre les Comtes de Touloufe & les E vê
ques du Pays, ou d’autres grands Seigneurs , fans que le Sou
verain ait paru s’en mêler ; ainfi c’eft à tort qu’à la tête de cet
article on paroît vouloir réduire à la qualité d’adtes conftitutifs
feulement ceux où feroient intervenus les Rois de France ôc
les Empereurs d’Allemagne ; & ce tort elt d’autant plus
grand , qu’il eft prouvé par tous les monumens produits, que
dans ce tems-là la domination & l ’autorité du R oi de France
ne s’étendoient pas jufqu’au R h ô n e, fur lequel il ne confère
voit que le droit qu’il avoir fur le refie de la Provence».
S.
I.
Traité de partage entre Æphonfe Jourdain, Comte de Touloufe j
b Raimond Berenger 1 1 1 . Comte de Barcelone, tous deux
Comtes de Provence par indivis, en date du 16 Septembre
»1 2 y.
Cet aéîè efi des plus importans pour la queflion qui divife le
Languedoc & la Provence ; il devroit même feul la décider)
fi nos Adverfaires vouloient ouvrir les yeux à la lumière.
Nous convenons tous du droit qu’avoient les Parties con
tractantes , du titre qui le leur donnoit, êe que jufques-là elles
p. »*&rw*
�8o
avoient polfedé la Provence comme par indivis. C ’ait déjà
un grand poinE de n avoir pas à difputer fur ces préliminaires.
L e défir d’écarter toute conteftation fait aulfi palier fur plu-,
fieurs expreifions qui tomberont d’elles - mômes, quand on
aura éclairci l’elfentiel.
I.
C ours
du
Rhône.
Dans tout cet acte, il riy a pas un feul mot qui ait rapport à
la propriété du Rhône, eu qui déjïgne aucune efpece de droits à
exercer fur ce fleuve : c’ejl qu’il riétoit quejlion ni de cette pro
priété ni de droits fur le Rhône dans le traité que faifoient les
deux Comtes , O quil n’en avoit pas été quejlion non plus dans
leurs querelles. C e préambule du Défenfeur du Languedoc a
un air de vérité capable d’en impofer. Nous demandons feu
lem en t, pour faire tomber le mafque qui la cache ôt avant
que d’entrer dans l’examen du fond de l’aéte , de rappelles deux
préliminaires qui n’ont pas été conteltés, & que dès - lors
nous devons regarder comme inattaquables: i°. le territoire
ri Urgence avoit fait jufqu’à ce tems - là portion du Comté
ri Arles ; le R hône qui étoit renfermé dans ces limites faifoit
donc portion du même Comté : 20. avant le traité de 112 j , les
Cohues de Provence feuls avoient fait des ades de propriété
& de JurifdiCtion fur le R hône ; ou fi le Com te de Saint-Gilles
en exerça quelqu’un , ce fut en fa feule qualité de Com te ou
Marquis de P ro v e n ce , ôt d’une maniéré fubordonnée à la
* 3‘- branche ainée de la Maifon de Provence. O n l’a vu dans le
premier Mémoire de cette Province. L e Pvhône en faifoit
donc partie alors ; ôc fi on n’en fit pas mention exprelfe, c’eft
qu’on 11’eut pas intention de le partager, & qu’il dut relier en
entier à l’une des deux Parties contractantes. Après cet éclaircilfement,
�Si
cillem ent, il ne relie qu’à y o ir, par les termes de.l’a& e, à
laquelle des deux on crut l’affurer.
Quand ç’auroit été en faveur d’Alphonfe, la Provence n’y
devroit rien perdre. Quoiqu’il réunît en fa perfonne différens
Fiefs , ces Fiefs nenètoient pas moins difiingués pour les droits
& pour les limites qui ne fe confojidoietit pas ; Ôc d’après tout
ce qui a été prouvé jufqu’ic i, on n’auroit pu lui adjuger le
Rhône que comme une dépendance ôc une annexe de la
portion de la Provence qu’on lui aflignoit ; de forte que le
Rhône réuni dans la meme main qui gouvernoit le Com té
de Touloufe Ôc de fes dépendances, n’en auroit pas été moins
étranger à ce dernier Comté ; éc la Provence feroit toujours
fondée , finon à en réclamer la propriété, comme elle vient de
réclamer celle du Marquifat de Provence , du moins à n’être
pas traitée en étrangère dans une de fes anciennes dépendan
ces , quin’avoit été détachée du corps qu’en faveur d’un de fes
légitimes polfefleurs , & qui par-là même n’avoit jamais perdu
fa qualité de Provençale.
Mais certainement perfonne ne peut dire que le traité de
xi 2? ait adjugé à Alphonfe la moindre faculté fur le R h ô n e,
puifque le fleuve n’eft pas feulement énoncé dans aucune des
cédions, abandons ou remifes qu’on lui fait ; ôc cepen
dant on lui abandonne le territoire ÜArgence, fltué le long,
ôc à la droite du Rhône ; de forte qu’on peut en conclure que
s’il eût prétendu lui-même fe réferver quelque droit fur le
fleuve , c’étoit bien le cas ôc le moment de le déclarer ; ôc que
s’il ne l ’a pas fa it, c’eft une reconnoiflànce précife qu’il n’y
formoit aucune prétention. Adoptons pour un moment celle
du L an gu ed oc, Ôc difons avec lui quArgcnce ôc le Rhône
relevoient de la Couronne de France , & que par cette raifon
jl n’étoit pas nécelfaire de faire mention du Rhône dans un
L
�82
a£te où il n’étoit queftion que d’un Etat qui ne relevoit pas
de la Couronne de France, & qui par conféquent nepôuvoit
rien avoir de commun avec le Rhône. Mais dans ce fyftême
même , on y fît mention d’Argence & de Valabregu.es, comme
de lieux à reftituer. L a différence de mouvance n’empêchoit
donc pas qu’on ne défignât les cantons qui dévoient revenir *
chacun i & fi la poffelTion de ces cantons devoit entraîner
celle de quelques droits fur le R hôn e, comme bacs , péages,
& c . , il droit tout fimple de les fpécifier. D ’ailleurs , fi le
Rhône eût été encore de fait fous la fouveraineté de la
France, les droits utiles fur ce fleuve auroient été perçus par
les Comtes de Tculoufe, Vaffaux de'la Couronne les plus
voifîns du fleuve, ou par ceux à qui ils les auroient inféodés ;
ôc certainement dès que dans les reftitutions on faifoit mention
d'urgence qui étoit plus éloignée de la Provence que le
R h ô n e , à plus forte raifon auroit-il fallu faire mention du
fleuve , fi on-eût voulu l’y comprendre en tout ou en partie.
C e raifonnement même devient encore plus concluant, s’il
eft vrai, comme il n’y a pas lieu d’en douter , qu’avant cette
époque les Comtes de Provence euffent exercé leur autorité
fur le Rhône , fans effuyer aucune contradiction de la part de
perfonne , & fl Urgence avoit toujours été regardé comme
une dépendance d'Arles & de la Provence ; car comme on en
démemhrcit une partie qu’on fpécifioit, il eût été indifpenfable de fpécifier auiïi le Rhône qui en étoit une autre partie,
fi on eût eu intention de le joindre au démembrement.
Mais non , on compta qu’il refteroit toujours à la branche
aînée des Comtes de Provence ; fi l ’aCte ne le dit pas dans les
mêmes termes , dont on auroit exprimé une ceflîon ou l ’aban
don d’un chofe conteftée , il le fait affez entendre ; mais pour
le d é co u v rira i faut en rapporter la claufe en entier, ôt ne
�8*
pas en fupprimer les expreffions eiTentielles, comme a fait le
Languedoc. Les voici : Ce font Alphonfe ôc fa femme Faydide
qui parlent: Et ego ILdefonfus prtxdidus Cornes Tolo fanus, G
uxor mea Faydida diffinimus, G‘c. tibi Raymundo Barcilonenfi
Comiti G Provincial Marchioni G uxori tuce Dulcix Comitijfce,
G c. tota/n ïerram Provinciœ. , cum ipfo caftro de Mefoaga, ficut
in monte Jani fmmen Durencice nafcitur, G vadit ufque in
ipfwnfiumen Rhodani, G ipfe Rhodanus vadit inter infulam de
Lupanis G Argentiam, G tranfit per fur cas, G vadit ante
Villam Sanâi Ægidii , G tranfit ufque in ipfum mare. Le fens
naturel de ces expredions eft ôc doit être qu’on n’a articulé
6c décrit le cours de la Durence 6c celui du Rhône, que pour
les adjuger à Raimond Beranger. Envain le Languedoc alleguet’il que ces rivières ne font nommées , ainfi que le mont Genevre 6c la m er, que comme bornes ôc limites de la terre
cedée ; 6c qu'aucune de ces limites ne fut ni donnée , ni cédée
ni évacuée : ( pefons bien cette exprelîion, nous aurons occafion d’y revenir.) Et il fortifie fon alfertion d’un palfage de
l ’aéte qu’il a rapproché, quantum infra praedidos terminos
continetur, dit-il. Sans prétendre tirer avantage du change
ment qu’il a fait dans les termes de l ’original, nous dirons
que ceux qu’il préfente paroilfenc reftraindre les chofes cé
dées, tandis que les véritables ont été mis pour les étendre.
Immédiatement après le palfage que nous venons de rappor
ter , on ajoute : cum civitatïbus G caflellis omnibus G fortitudP
nibus univerfis Archiepifcopatibus , Epifcopaûbu; G faillis G
territorüs omnibus quantum dici vel numerari potejl infrà proedictos terminos. Evitons toute difcufïïon grammaticale, 6c raprochons de cet abandon celui qu’on fait dans le même acte
à Alphonfe Jourdain : Totam terram de Provincia, ficut hab-etur
G continetur ab ipfo famine Durencice ufque ad flumen de
L ij
�Jfera. Certainement dans cette claufe la Durence ôc Ylferc
font nommées ôc délignées comme bornes extérieures de la
portion cedée à Alphcnfe. Mais la Durence couloit entre le
Marquifat ôc le Comté de Provence ; elle a dû être néceffairement ou partagée entre les deux Comtes , ou abandonnée à
l ’un d’eux. N ’eft-il pas clair que ce ne peut être qu’en faveur
de celui dans le lot duquel on décrit le cours de la riviere ?
Defcription abfolument inutile dans le cas contraire, ôc à
l ’exclufion de celui auquel elle a été altignée pour borne.
D e ce que le cours de la Durence G celui du Rhône font
fpécifiquement défgnés de la même fa ço n , il réfulte qu’on a
prétendu donner le même fens ôc les mêmes effets à des e x prefiions équivalentes employées pour ces deux objets. Ainû
la Durence étant adjugée au Com te de P roven ce, il faudrait
faire violence au texte ôc avoir des preuves convaincantes du
contraire pour lui enlever le Rhône. E t que fera-ce, fi le
texte même ne peut recevoir que cette application ? N e ré
pétons pas cp\ Argence qui tomba dans le lot d’Alphonfe,
longe le Rhône comme le Marquifat de Provence longe la
D uren ce, ôc que le Rhône n’eft pas feulement énoncé dans
l ’abandon fait à Alphonfe, tandis qu’on en décrit le cours
très-exaêlement, quand il eft queftion de la portion qui échut
a Raimond Beranger. Tenons-nous à cette defcription , comme
le Rhône coule entre Vijle de Lubieres G Argence, pajjc par
l'curques G devant Sai?it Gilles, G fe jette dans la mer. Il eft
fur que par cette defcription, dans tous les endroits où le
R hône étoit divifé en plufieurs branches , tant en deffus qu’en
deffous de la V ille d’A rles, on a voulu déftgner la plus
occidentale , puifqu’on prend pour termes ou pour confronts
Argence , 1 'ourques G Saint Gilles qui font au couchant fur la
terre ferme. De-là il réfulte néceffairement, 18. que toutes
�les branches & les ifleS du fleuve renfermées entre cette
branche occidentale ôc la terre de Provence, furent, on ne
dira pas adjugées , mais reconnues appartenir à Raimond Beranger , 6c qu’on doit appliquer ici toutes les conféquences
dont le Languedoc convient à l’égard de la Camargue (exam.
pag. 85 :) 20. que dans tous les lieux où les eaux du llhone
remplirent tout fon lit fans divifion , elles dévoient appartenir
à celui à qui elles appartenoient étant partagées ; car il feroit
fans exemple que le long de la domination d’un Prince, une
riviere lui appartînt uniquement lorfqu’elle feroit divifée en
plufleurs branches , furtout lorfque les ifles q u elle forme lui
font foumifes, ce qui le fuppofe Propriétaire de la riviere ; au
lieu que l ’alternative oppofée jetteroit le plus grand embarras
dans la Société 6c dans le commerce, parce que ces mêmes
ifles font expofées à être ou emportées ou jointes au conti
nent le plus voifin , d’où naîtroient journellement des conteftations 6t des conféquences toutes plus extraordinaires, 6c
on ofe le dire, plus ridicules l ’une que l ’autre: 30. enfin que
cette branche occidentale , telle qu’elle eft décrite , dût refter
au même Propriétaire que le refte de la riviere , à moins qu’il
n’y ait une ceiïion exprefîe & formelle en faveur d’un autre..
Et comment dans ce cas-ci pourroit-on prétendre en trouver
en faveur d’Alphonfe , tandis que le Rhône n’eft feulement
pas nommé dans le lot qui le concerne ? T o u t cela eft (1 clair
6c fi aifé à découvrir, qu’on eft prefque honteux d’y avoir tant
infifté ; ôt ce n’eft ni fans raifon ni fans examen que l ’Hiftoriea de Provence a dit que tout le Comté de ce nom , avec
le fleuve du Rhône inclusivement, fit la portion de Raimond
Eeranger.
L’ufage des tems qui fuivirent ce traité : ufage qu^
peut feul manifefter. l’intention des Parties contractantes %
�85
n’efl favorable qu’à ce dernier Prince. O n peut fe rappeller
M é m . p . l e s preuves qu’en a fournies la Proven ce, qui font reliées
fans réponfe de la part du Languedoc , êc qu’on auroit pu
fortifier par une nouvelle production , fi leur nombre &. le
filence des Adverfaires ne les déclaroient fuffilantes. L a plu
part de ces a£tes de propriété qu’on a fait valoir ont été
exercés fous les yeux &. quelquefois du confentement ôc
pour l’intérêt des Comtes de Tcuioufe. L e Languedoc l'a
p.s7. *?. fen ti, puifqu’il s’efi réduit adiré qu’ au pis-aller on ne pouvait
rien conclure de ce traité contre la Couronne qui n'y étoit point
intervenue, qui n avoit jamais cédé fes droits fur le fleuve en
queflion , & qui avoit toujours été à portée de les exercer par
elle même ou par fes Vaflaux >puijqu’elle avoit confervé le haut
empire & les droits de Jureraineté Jur tous les Pays baignés par
la rive droite du Rhône &■ fur le. Rhône même.
O n l ’a déjà d it, & on ne craint pas de le répéter, la C o u
ronne avoit des droits très-réels fur le R hône depuis 336
qu’elle fut en polfefiion de la Provence: elle les a conftamment exercés par les mains de ceux de fes Princes qui régnè
rent fur la Provence , jufqu’à ce que cette Province lui fut
enlevée avec toutes fes dépendances par Eofon ôc fes fucceffeurs. Alors elle perdit de fait l’ufage ôc l’exercice de fou
autorité, q u elle conferva toujours de droit. Mais comme au
tems du traité dont nous parlons , elle n’en exerçoit aucune,
toute intervention ou ceffion de fa part eût été regardée
comme fort inutile ; & d’autant plus que ne tenant dans fa
main aucun des Domaines qui lui appartenoient à la droite du
R h ô n e , fi elle avoit eu des droits à exercer, ce n’ auroit pu
être que par fes V affau x: elle n’en avoit point d’autre dans
la partie contentieufe que les Comtes de Touloufe ; ôc fi le lit
&. les ifles du Rhône euffent fait partie des Domaines qu’elle
�. s ?
leur avoît inféodés, ils auroient eu le plus grand intérêt ôt le
plus grand droit à les réclam er, fans qu’on pût leur rien
■ oppofer ; non-feulement ils ne les réclamèrent ni à ce titre ni
à aucun autre, mais perfonne alors ne put imaginer que celuilà pût leur être de quelque u tilité , puifque tout le monde
fçavoit qu’^ rge 72ce , ce terrein qui dans la partie contentieufe
longeoit le Rhône à fa droite, n’étoit pas
même F ie f de
la Couronne de France. Nous en avons allez dit dans la
première partie de ce Mémoire , pour n’être pas obligés d’en
répéter les preuves. S’il y a quelque chofe à ajouter , ce fera
dans l ’article particulier que le Languedoc a jugé à propos
de faire pour ce canton-là : & s’il faifoit toujours partie du
même Etat que la rive gauche du fleuve, s’il relevoit du
même Suzerain qui étoit alors l ’Empereur , comment ne pas
convenir que le Rhône couloit fous la même domination , ôc
comment avancer, fans aucune preuve de fa it, que la Cou
ronne de France avoit confervé le haut empire G les droits de
fu^eraineté fur tous les Pays baignés par la rive droite du Rhône
G fur le Rhône même ? L e Mémoire du Languedoc annonce
trop d’intelligence Ôt trop de talent, pour qu’on puifle fe
perfuader que 1 intérêt de fa caufe ait pû lui faire illuflon
à ce point - là.
II
.
C
a m a r g u e
.
T o u t ce qu’on a renfermé dans cet article fe réduit à dire, r.«m.p. st&fuiv.
que par la maniéré dont le traité fut rédigé , ïifle de Camargue
G la grande brajfiere du Rhône qui coule entre cette ijle G la
terre jerme de Provence, fe trouvent comprifes dans le lot cédé
par sllphonfe au Comte de Barcelone , mais que Ceji la première
fois que le fort de la Camargue parcît être déterminé par un
�88
monument autentiquè : : 1 & que la Couronne de Trance, dont
les droits font imprescriptibles, fut privée par cet acte de
Vexercïce de fon autorité légitime fur la grande brajfiere dufleuve
& fur la Camargue.
Il y a tout lieu de douter que le Languedoc n’ ait pas fenti
l ’influence que fon raifonnement par rapport à l’ ifle de Camar
gue , doit avoir fu ries ifles fupérieures à celle-ci; elles fe
trouvent également renfermées ôt limitées par la branche occi
dentale du Rhône qui eft feule décrite ôt déflgnée dans le
traité ; & on ne peut appliquer aucune conféquence à l’une ,
q u elle ne tombe également fur les autres ; mais c’eft une
raifon que nous avons déjà fait valoir, ôc fur laquelle on n’inflftera pas ici ; on eft feulement obligé de le remarquer, pour
faire voir non qu’il tombe dans une contradi&ion à cet égard,
elle eft trop feniible pour qu’ il ne fuflife pas de la relever,
mais d’où part la néceflité de cette contradiction. Il a vû la Pro
vence en pofleflion de la Camargue , & il a cru rendre le titre
de cette pofleflion nul ôt abutif, en avançant qu'il ne droit fon
origine que du traité de u q . L oin de dire que c’eft-là le
premier monument autentique qui la lui adjuge,nous ne craignons
pas d’affurer qu’il n’y en a aucun d’où on puifle inferer le
contraire. L a Provence avoit négligé d’en produire, parce
qu’elle ne croyoit pas qu’on pouffât l ’incrédulité jufqu’à paroitre en douter. O n la force donc de juftifler un fait que le
Languedoc étoit feul capable d’attaquer. Dans le nombre des
preuves q u elle pourroit produire , elle fe bornera aux terns
qui fe- font écoulés entre l’ ufurpation de Bofon , ou plutôt
celles de Hugues ôc de Rodolphe , ôt l’époque du traité de par
tage , pour faire voir qu’au tems de ce traité , la Camargue ne
reconnoiffoit d'autres Maîtres que les Comtes de Provence.
On pourra fe rappeller que dès le q.c. flé c le , la V ille d'Arles
étoit
�, .
«9
etoir comme double , & qu’il y en avoir une partie bâtie
dans cette même ille de Camargue , qu’on voudroit difputer à
la Provence; il feroit aifé de montrer qu’elle en a conftamment dépendu depuis cette époque; mais comme la préfomption efi totale en faveur de ce fentiment, jufqu’à ce qu’on ait
montré le contraire, ce qu’il eft impoffible de faire, il fuffira
de le prouver pour les deux fiécles qui ont précédé immédia
tement le traité de l ’an i i 2 j : d’où réfultera la faufifeté de ce
que l ’on a ofé avancer. Comme cette preuve n’entraîne aucune
difcuifion , on fe contentera de produire les titres, fuivant leur
ordre chronologique.
Donation à l’Eglife d’Arles de quelques Domaines fi tués
dans le Comté d’Arles en Pille de Camargue , & au quartier dit
de la Correge, du ip Mars , la feiziéme année du régné de Ro
dolphe , ce qui revient à l'an 1008.
Sunt ipfas res in comitaîu Arelatenfe in infula Camarias in
Corrigia quee nommant ad regno. . . . laCla carta . . . . in Arelat.
civitate , publicè , in menfe Mart. x 1 1 11 kL. Apt. anno x v i ,
régnante Rodulpho Rege Alamannorum ftuProvinciarum.
Au mois de Mais 1048, Raimbaud, Archevêque d'Arles,
Cartiiî. de l’EgJîfe
d Arles» fol. 33 v.
Ibid. fol. to verf.
V . G a il Chrifi. t. 3 •
fait donation de quelques-unes de fes propriétés fituées à
Mejanes en Camargue dans le Comté d'Arles.
Au mois de Février 1061 , le même Raimbaud ôt Foulques
fbn frere, l’un & l ’autre proches parens des Vicomtes de Mar.
feiile, donnent à l ’Eglife d'Arles celle de Notre-Dam e delà
Mer , fituée dans le Comté d'Arles.
coli. i 150. E.
Aliquid de nojlris Beneficiis, quœ jacent in comitatu Arelat. Gr
in infula Camarica. Hoc e jl, Ecclefiam Sandtz Marice de Ratif
Fada ejl carta ifnus donationis in menfe Tebruario, régnante lien-
Hift. mflC Mont.
Major, ad banc arm.
rïco Rege anno Incarnat, ml x i .
V . Gall. Cbrift, t. r,
col. 53 i , C.
jb i l & Gall.Cbrift»
Peu de terns après, BertrandII. Comte de Provence, fa
M
tom. 1 , inftr. p. ptf»
k.
X.
�Aid. Sc Hift.
t:
555 > & H i f t . M on t.
M a or, où l’ aâe cft
rappoité en entier.
Ces deux B ulles
fo n t rapportées t n
entier dans la même
H iü o ire ,
mere Etiennete, 6c fa femme Mathilde défemparerent par un
a£te fans date le même lieu à la même Eglife , dont l’Arche
vêque Æcardus, fucceffeur immédiat de Raimbaui, conjointe
ment avec fes Chanoines , en fit préfent par un autre a£te fans
date à l’Abbaye de Montmajour qui en reçut la confirmation de
plufieurs Papes, 6c entr’autres de Pafcal II. en 1114., 6c de
Calixte II. en 1123 ; dans l’une ôt l’autre de ces Bulles , le lieu
de Notre - Dame de la Mer eft dit être fitué dans le Comté
d'Arles , in comitatu Arelatenfi Ecclefiam SanElœ Maries de
Mare.
On doit donc regarder comme inconteftable , qu’au tems
du traité de l’an 11 2 j , 6c antérieurement à ce traité, la Camar
gue étoit comme le refte de la Provence , foumife aux Comtes
de ce nom , ôc que l’arrangement qui réfulta de ce traité fut
tout (impie 6c conforme à l’ufage du tems ; 6c delà, que devient
toutlefiftêm e du Languedoc? Il devoit s’attendre qu’il feroit
aifé d’en fapper les fondemens , 6c que dès-lors il s’écrouleroit
en entier.
P 'a u t-il le fuivre de nouveau dans les raifonnemens qu’il
répété en cet endroit, pour enlever le Rhône à la Provence,
êc qu’on croit avoir détruits? O n n’en relevera qu’un ; c’eft
l ’abus manifefte qu’il f a it, non d’un aveu arraché aux Etats
de Provence , mais d’une déclaration expreffe faite de leur part,,
que jamais le Pape ni les Habitans du Comtat n’ont eu aucun
droit furie R h ô n e , pour en tirer la même conféquence pour
la partie du Rhône inférieure à la Durence. Mais cette déclara
tion n’a été faite 6c prouvée que pour les tems poftérieurs
à l’an 1 2 7 4 ,6c rélativement aux arrangemens qu’on prit alors ;
6c l’on n’eft pas fondé à l’appliquer à des tems antérieurs. Le
nom du Pape ou de fa Sainteté qui fe trouve dans la phrafe,
devoit fuftifamment indiquer qu’on ne devoit pas la remonter
�jpl
au - delà du tems où cette Puiffance a été en pofleflîon du
Pays.
Il réfulte de tout cela, que les droits anciens de la Couronne
de France fur le bras oriental ôc occidental du R hône, ôc fur
la Camargue, ne furent pas plus léfés par le traité de l’an 11 ?. j ,
que ceux qu’elle avoit fur le reffe de la Provence, puifqu’on
difpofa également de Domaines qui dévoient lui appartenir ,
mais fur lefquels elle n’exerçoit alors aucune autorité. Si dans
la fuite nos Rois par égard pour les Princes de leur Maifon ,
qui étoient devenus Comtes de Provence, ont bien voulu
lailfer fubliiler une poffeflion abufive, cette condefcendance
faite pour le Prince, ôc indifférente aux Sujets , ne doit s’ap
pliquer qu’à la totalité de l ’E tat, Ôc non à une de fes parties ,
comme onvoudroit le faire croire ici.
Les Etats de Provence conviennent cependant, que parmi Exam.p.93,
les titres qu’ils ont produits, il y en a plufieurs qui regardent
la grande brafliere du Rhône , ôc ils ne pouvoient s’en difpenfer. L e Languedoc annonce des prétentions fi étendues, qu’il
faut l ’arrêter de toute part aujourd’h u i, même où il déclare
n’en avoir aucune fur cette brafTiere ; comme il ne fonde fon
déiiftement que fur le traité de l’an 1 i2y , il eft bon qu’on lui
ait montré que l’Archevêque d'Arles y jouiffoit du droit d’at
tache , plus de 200 ans avant cette époque , ôc qu’il en jouif
foit par la concedion d’un Prince qui ne regnoit que fur la
Provence ôc fur les cantons qui en dépendoient à la droite du
Rhône. Mais fous le prétexte que cette brafliere n’efl pas dis
putée , il ne faut pas y comprendre beaucoup de lieux qui n’y
font pas fitués , ôc qu’il faut chercher ou dans celle qui paffe
à Fourgues ôcà Saint Gilles , ou dans la partie fupérieure , tels
que les péages du Baron de Tarafccn , ôc les bacs de Fourgues ,
de Saint Gilles ôc de Confolde. L ’autorité confiante que les
Mi>
�P2
Souverains de Provence, où leurs grands Vaffaux y ont exer
cée , eft une preuve inconteftable de leur poffdTion , 6c c’eft-là
ce qu’il nefaut jamais perdre de m e , non une vaine déclamation
qui n’a aucun fondement dans l’hiftoire , ôc qui n’a été didée
que par la néceftité de défendre une Caufe defefperée par
toute forte de moyens.
III. A A GE NC E .
. Exam. p. 95.
Les Etats de Provence ont regardé Urgence comme cornprife dans le partage de la Terre de Provence. Le Languedoc
le nie, 6c fe fonde fur ce que ce canton eft nommé à part de la
Terre. Enfuite au lieu de travailler à demêler le droit de chaque
prétendant, il ne cherche qu’à augmenter le cahos qui le
couvre , pour pouvoir ajouter cette phrafe à la Hn : tant il ejî
vrai que le fort de ces droits illégitimes qui n'ont d’ autre origine
Cf de fondement que l’ufurpation , ejl de nepréfenter rien defixe Cf
d.e fuivi.
Alfurément on ne devoit pas s’attendre à trouver ce prin
cipe par rapporta Argence} dans un Mémoire du Languedoc ;
car s il y a une ufurpation prouvée, c’eft celle de ce canton
par les Comtes d eTouloufe, puifqu’on a là-delfus les aveux
H;:t a-T.?nç. r.:, les *plus formels de leur part en 1070 ôc en 110c; le dernier
p r- n. î f l &’ 340 ,
pag.177 &?«j . furtout contient des détails qui annoncent une ame tourelée
des injuftices manifeftes qu’elle fe reprochoit ; 6c s’il y a de
l ’embaras ,c e n’eft pas àreconnoître le véritable Propriétaire,
mais uniquement à découvrir quand les Comtes de Touloufe
Eiam. p. «s.
s’en emparerent. On nejçait comment, dit avec vérité le Rédac
teur du M ém oire, 6c nous nous empreflons de lui rendre cette
)uftice quand il la mérite : une récapitulation fuccinte du fort
à’ Argence, depuis les premiers Mémoires qu’on peut avoir
�fur ce canton-là, achèvera de nous éclairer fur le parti qu’il
faut prendre.
31 eft prouvé x°. qu’au fixiéme fiécle , & fans doute avant,
Ugernum & tout ce canton qui prit depuis le nom d’urgence,
étoit compris dans la Province civile ou Comté d'Arles ;
2°. qu’au commencement du neuvième fiécle, la propriété
de ce canton fut cédée à l'Fgiife d'Arles par Leïbulfe , Comte
de la même V ille, qui vraifemblablement ne le pofledoit que
de Lang. t. » .
comme dépendance de fon Comté , ex beneficio videlicet fiuo , pr.H ift.
n.
. p. <S3>
p o rte la tte de confirmation qu’il reçut de l ’Empereur; ce qui
a fait que les Hiftoriens de Languedoc parlant de cet événe
Ibid. H ift. t. 9i
ment , ont dit que Leïbulfe pofiedoit ces Terres en Bénéfice, § . l o i , p . 4 S I 6c ont foufligné ce dernier m ot; ôc ce n’ell pas la feule fois t
H ift. L .
pour le dire en pafiant, qu’ils ont reconnu que la Provence IOV, .$.Ibid.
24 , 14 , p .
541. 1.. 14 ,
embrafloit les deux rives du R h ô n e , quoique le Languedoc 4i J(S,
, t. 2, p. 178 , not.
. §■ < 9, pag. SS9
veuille infinuer, fans ofer l’articuler précifém ent, qu’ils n’ont 14
£7 a lib i.
reconnu que la dépendance fpirituclle d’Argence ; j°. que
depuis cette époque comme avant, jufqua celle du traité de
partage, le même canton a toujours été déligné comme fai'
fant partie du Comté ou territoire d'Arles , incomitatu , in pago■■
§ .
Arelatenfe.
Voilà tout ce que les Etats de Provence ont avancé, 6c ils
n’ont pas eu tort d’en conclure, que le Rhône qui étoit alors
renfermé dans ces limites , devoir faire portion de leur terri
toire. Cependant à entendre le Langnedoc, ils n’ont tiré cette
conféquence que de ce qu 'Argence appartenoit aux Arche
vêques d'Arles ; on le délie de montrer un feul endroit où ils
ayent fait de cette polfeilion feule, le fondement de leur
défenfe. E t qu’importe après tout dans une queûion de la na
ture de celle qui nous divife, quelque fut le Propriétaire d’Ar
gence , dès que la pofition de ce canton eft conftammcnt en.
�£icam.p.9S.
P ro ven ce, ôc que les limites G* les mouvances des Fiefs ne fe
confondaient pas ?
En e ffe t, on en retrouve les traces jufqu’au tems où ce
canton poiïedé par les Rois de France , ne conferva plus
aucune dépendance féodale. Sans parler des hommages que
les Comtes de Touloufe en ont rendus aux Archevêques
Voy. ibi.t. Hift. T-.1 d'Arles , tranfportons-nous à l ’an 121 y , où Raimond NI. fut
2. 77 . t. 1 j P>
$ .57dépouillé de tous fes Etats par le Concile de Montpellier qui
les donna à Simon de AI ontfort. Celui-ci obtint l ’année fuivante,
ibid. pr. n. 1 2 0 , c j e Philippe Augufle qui regnoit en France, l ’inveftiture du
Duché de Narbonne ôc du Com té de Touloufe ; 6t il avoit
déjà acquis les droits de Bernard Atton fur la Vicom té de
,?■ Nîmes, qui depuis près de 30 ans étoit réunie aux Etats du
& 17s-
* C o m te, ôc qui auroit pu feule lui donner quelque droit fur
le Rhône parle voifinage. Cependant la réunion de tous ces
titres ne lui donna aucun droit fur Argence ; il fallut que l’Ar;>
t. 11 »chevcque d'Arles la lui inféodât le 30 de Janvier de l’an 121 <
G M . Chrijt.
inftr. n. 23 > P- 100
ôc qu’il payât cette complaifance ou cette injuftice, d’une
fomme de 1400 marcs d’argent , ôc fous l’obligation d’un
cens confidérable.
O n eut foin de ftipuler dans cet a£te l’agrément du Pape ,
ôc les fuites firent voir combien cette claufe étoit néceffaire.
Raimond F I. dépouillé de tous fes Etats , crut devoir recourir
à la clémence du Souverain Pontife qui fe trouva inéxorable
pour le pere ; mais lorlque le fils fut prendre congé de l u i , le
S. Pere fléchi par fes follicitations , lui dit en propres termes ;
H ift- J e L an g . t. 3
> Je vous donne le Comté Nenaijfmavec toutes fes dépendances, la.
Provence & Eeaucaire pour pourvoir à votre entretien. En voyant
Bcaucaire fuivre le fort du Comté Nenaïjfiti, ôc du Marquifat
de Provence, n’efl il pas clair qu’il en étoit encore regardé
comme un membre ôc une dépendance ? Car fans cela il n au
roit pas été compris dans l’abandon du refte.
�9$
L a même conféquence réfulte encore d’un autre arrange
ment qui fui vit peu d’années après {a). L e premier de Juin
1 2 2 5 , les Officiers du Com te de Touloufe, chargés de la
garde du Marquifat de Provence , engagèrent à la V ille d’Avignon le Pays de f^enaijfin Ôc Ecaucaire avec toutes leurs
dépendances. Auffi ce n’eft pas fans raifon que Gervais de Til
bury , Auteur du tems ôc du P a ys, dont les connoifiances en
fait d’hiftoire & de géographie, font reconnues de tous les
Critiques , dit à deux fois que Beaucaire efl fitué dans le
Royaum e ôc dans la Province d'Arles, ôc qu’il appelle fes
Habitans Provençaux. Enfin , la conduite de Saint Louis ,
devenu Propriétaire d’Argence par la ceffion ou l’abandon du
Comte de Tculoufe, démontre que ce canton n’avoit jamais
été enclavé, ni dans le Comté de Touloufe , ni dans aucune de
fes dépendances ; car alors il eût relevé de la Couronne, au
moins en dernier reffort, ôc le R o i n’auroit jamais été tenu
à un hommage qu’il eût fallu lui rapportera lui-même : cepen
dant , Saint Louis reconnut qu’il étoit dû, ôc qu’il feroit rendu
à l ’avenir par tout autre Tenancier que lu i; qu’il n’en étoit
difpenfé que par fa qualité, ôc qu’il falloit un dédommage
ment à l ’Archevêque d'Arles , dédommagement qui fut réglé
en même-tems, ôc qui a toujours été acquité depuis (b).
Mais pourquoi chercher dans des aveux étrangers , la
preuve qu’Argence étoit F ie f de l’Empire, ôc par conféquent
compris dans la Provence, puifquenous avons celui-même du
Défenfeurdu Languedoc ? Entraîné par la force d’une vérité
(a ) Hiftoire de Languedoc-, t. 3 , pr. n. 169 , pag-.'3o8. Les qualités de ces
Officiers ne fo n t pas fpécifices dans l’a f le , on ne les leur donne que d’après les
Hifloriens de Languedoc. Ibid. L . 24 , § . 11 , pag. 35/1.
( £ ) Mémoire, p. 48. Il efl à remarquer que S. Louis ne donne à TA relie vêque
d’Arles que la qualité de DileSius 8c non point celle de Fidslis , parce qu’il
tt’étoit ni Ton Sujet ni lbn VaiTaL
Voy. ibld. t. ii, nor.
§-3> P- $93, C7V*L
yey. Franc. 1. z-, . p*
50J.
Script. Frunf. r. 2 ...
P. 991 , 995 >
�9* .
qu'il n'a pas pu obfcurcir : apres avoir dit que c ’étoit un F ie f
Exam. p. 9?-
d e l ’Egüfe d’A rle s, il lui eft échappé de dire que les deux
Princes contraelans dans le traité de î i a j , avaient eu peu.
d’égards peur les droits de leur co - Teuiaiairt de l Empire l A r
chevêque , Comte £ Arles. Convenons, li l’on v e u t , de ce peu
d’e'gards ; convenons encore qu’il feroit fort difficile aujourdliui d’affigner au jufte ce qui appartenoit à chacune de ces
trois perfonnes \ Argence, ou ce que chacune d’elle y rcclaHjoit ; mais convenons que c cd la feule obfcurité qu’il y ait
dans ce point d hiftoire , 6c qu’il ceffe de nous intéreffer , dès
qu’il eft confiant d’ailleurs que ce canton étoit alors reconnu
pour être du territoire de Provence.
I l l ’eft par le traité même , quand même il n’auroit pas été
compris dans l’objet du partage. Il fe peut que le Comte de
Provence voyant celui d eT ou lou fe enlever à un tiers Poffeffeur , un Domaine , qui quoique de Provence n’avoit
jamais appartenu ni à l ’un ni à l’autre , eût voulu lui en ravir
une portion, fauf à en faire enfuite lui* même hommage à
l ’Archevêque d’Arles ; & alors l’abandon qu'il lui eu fit en
i ïa y , doit être appellé reftitution & non partage ; mais quel
que nom qu’on lui donne, il n’en eft pas moins vrai qu’Argence
fut lubftitué au Com te de Barcelonne , comme le Marquifat de
P rovence, dans le cas où Alphonfe mourroit fans enfans ; Cyfi
Ibid. p. 9
obieroJine infante de uxore propriâ dit cedernier Prince à l'autre,
totum quod fuperius diCtum eft, vobis prœfcriptis ,Jine omni dilaîione , dimitümus , laxamus atque conceàimus. L e Défenfeur du
Languedoc voudroit reftraindre la fubltitution à la mouvance
des Domaines de Beautaire, que le Comte de Tculouje avoit
inféodés à Aimeri de Narbonne , ôc celui-ci à Bernai d d'Andufe ]
mais il eft clair que c’eft ici une claufe particulière , qui loin
de déroger à la claufe générale , montre au contraire qu’Ar
gence
�gence ctoit compris dans ce totum quoi fuperius diÛwn efl,
& que ce fut feulement une marque de bonté êc de faveur,
que le Souverain voulut donner à des Va (Taux auffi diftingués,
en leur afiurant à tout événement les Domaines qu’il leur
avoir cédés ; c ’d l comme s’il eût die au Comte de Provence :
fi je meurs fans enfans , vous vous mettrez enpoflejfion d'urgence
fans aucune formalité> Sa alors vous maintiendrez les inféodations
que j]y ai faites. Comment le Comte de Provence auroit-il pû
maintenir ces inféodations, s il n’eût pas écé lui-même à la
5c fous quelle appa
place du Souverain ? E t en vertu de qu oi, <
rence de fondement l ’auroît on mis à cette place- là , s’il n’avoit
été généralement reconnu qu’Argencc étoit du territoire de
Provence ? Qualification qui fuppofe toujours que le Rhône
qui couloit entre deux, ne pouvoir être que du même territoire.
I V . Portion des Diccèfes d'Avignon (y de Valence.
V oici encore le prétendu aveu des Etats de Provence , que
jamais les Habitans du Comtat n ont eu aucun droit fur le Rhône ,
qui revient fur la feene. Il cft inutile de repeter que cet aveu
ne regarde que les tems poflérieurs à la ceftion du même Pays,
faitepar nos Rois aux Papes en 1274 , qu’il s’y rapporte uni
quement, & que pour en faire l ’application à des tems anté
rieurs, il faudroit en fournir des preuves. L e Défenfeur du
Languedoc annonce qu’il pourroit en produire une infinité ;
cependant il fe borne au filence de l ’a&e , pour démontrer que
les cantons défignés dans le titre n’étoient pas Provençaux ,
c ’eff à-dire , ni du R oyau m e, ni du Domaine de Provence.
Cependant, ce n'e'toit pas fans examen qu’on avoit avancé
dans le Mémoire delà Provence, qu’ils avoient été abandonnés
au Comte de Touloufe par le traité de l’an l i â t . L ’aête n’en
N
Exair. p.
99-
�$8
dit rien à la vérité ; mais d’une part, on les v o y o it, antérieu
rement au traité, compris dans l ’étendue civile des memes
V illes dont iis dépendoient pour le fpirituel ; de l ’autre, on les
voit poftérieurement fournis à la domination des Comtes de
Touloufe, fans qu’on voye d’autre titre ou événement qui ait
pû les en mettre en polfeilion. On a donc eu raifon de conclure
quec’étoit en vertu de ce traité ; ôc le filence de l'ade ne nuit
pas à cette explication , puifqu’ctant renfermés dans les limites
du Pays adjugé à ces Princes , il étoit inutile de les défigner
en particulier.
Il eft vrai que la chofe étant comme étrangère à la queflion
préfente , les Etats de Provence avoient lupprime les preuves
fur lefquelles ils fondoient leur raifonnement, pour ne pas
allonger un Mémoire qui n’eft déjà que trop long ; aujourd’hui
qu’on ahufe de cette condefcendance , elle n’arrêtera plus : 6c
toujours par le même m o tif, on fe bornera feulement pour
les tems antérieurs au traité , à ceux qui fe font écoulés entre
ce mente traité fie les ufurpations de Eofon ôc d'Hugues , en
affûtant que ce n’eft-là que la continuation d’un ufage auffi
ancien que les premiers Mémoires que nous avons fur ces
Provinces , ôc dont il feroit aifé de fournir la preuve fi elle
• étoit difputée. Nous croyons aufii qu’on nous difpenfera de
donner celle des Comtes de Tculoufe dans les tems poûérieurs
au traité : c’eft un point convenu entre les Parties. Nous allons
difeuter chaque canton féparément, en commençant par le
fupérieur, ou celui de Valence.
L es lieux de Soyon ôc de Cornas , fitués à la droite du Pvhône,
font dits être dans le Pagus ou territoire de Valence, ôc appartenoient au Comte de la même V ille , fuivant un aéte daté du
régné de Conrad le Pacifique.
£fl;cn.*rt;q.Bc»e<r.
Geylinus Cernes. . . . dédit Monajlcrio Sancli Pétri Santtique
\
�99
7'hçcfredi ( Saint Chaffre ) i/z pago Valentinenfi, in Vicarici Sub-
Hift. deUng- '• *'
not. i s ,
§•
11 > ” *
dwnenfe.) in aice de [Alla quee dicïtur Cornatis, colonicam unam sS3‘
G'c. üoam 11. K al. Julii,feria 11. régnants Conrado Iiege.
V . Gall.Cnrlp. t
E t en effet, ce fut ce Prince qui confirma au même Ivlonaf- irftr. n. j s . c o i . it<*
z6 i *
t e r e , les donations que le Comte Geilin lui avoit faites dans
les Comtés de Valence & de Die.
Quelques années après, la huitième du régné de Rodolphe
le Faimant, ou l ’an ic o i j un Seigneur nomméLéotard, donna
V . H ift. deLafigà la même Abbaye quatre Métairies fituées aufll à Cornas: l.IJ , § .3«>
preuve que Rodolphe III. qui fuccéàaen 993 à Conrad le Pacifique p-Ii0fonpere, dans le Royaume de Bourgogne & de Provence, fut
reconnu dans la partie du Valenûncis qui ejl en-deça du Rhône,
& qui dépend aujourd'hui du Vivarais, difent en propres termes
à cette occafion les Hifloriens du Languedoc.
Vers l'an 1043, un autre Geilin , suffi Comte de Ralenti/, ois, me. §. ?*>p ;5+
donna à la même Abbaye l’Eglife de Saint Barthélémy y fituée
dans la partie du Diocèfe de V.aknce , qui eft à la droite du
I l lie ne, (a) régnant le R oi Henry: donc fon Com té ou fes
Domaines s'étendoient encore de ce coté-là.
Ce qui vient d’être prouvé pour le D iocèfe de Valence, va
( a) Les Hiftoéjens ce Languedoc croyent pouvoir appliquer ce nom à Henry I.
fils du Roi Robert qui régnait en France depuis Fan 1031 , & lui adjuger la partie
du Valennnois dont il eft ici queiiion , par ia raifon que s’il Le fut agi d’Henry fils
de Conrad, on lui auroit donné la qualité à'Empereur ; mais outre qui! eit plus
naturel de fuppofêr qu’Henry fils de Conrad hérita de tous les Pays iur idqutis avoit
régné Rodolphe III. ; ces Ecrivains auroient dû 1er.tir d’eux-memes la foiblefle ce
leur objection, pailqu’ils ont publié une donation faite par Bertrand I. Comte de
Prov ence à l’Abbaye de é>'. ! iBor de Marfeille anno intarn. Dom. M XL 1V. Hmrico
liege rgznante ,ïbul. pr. n. 1S4, p. 1 1 0 . V . Gall. Ckrijift 1. wjlr. n. 3 , p, 64.
lo in que cette formule foit unique, on peut dire que c'eft la plus commune,
Marten, coil
ampl. 1.
1 . 11 , p. 409
403 , 41*
4 1 1 ,> 44<.
441. tant.
haut. tajt.
hiJL a/lvvn.
d’A iy n . parc z , l.
1. 1 ,
yCVv . marte
toit, arnyi.
c- 4 , F . 4 i , C e .) &. rarement donnoit-on à H.nry , dans ies axes palliés en PP r o Yence, la qualité d’Empereur, ‘qui n’étoit pas le titre en vertu duquel il1regnoit fur
le, Pays.
Vai
. D't :Heurs leur objeâioh ne „porte .point fur l’étendue du Comté
_ — é de Vcdennnois qui eft détermine e par la petfoane du Donateur, & fait la preuve ia plus forte
dans la caufe que nous défendons.
N
>•; 1' V>, »'
�TOO
l ’être encore plus positivement pour celui d'Avignon , toujours
dans la même époque, c ’eft-à-dire, depuis le régné de Ro
dolphe I I jufqu’à l'an ! 127.
Ruffilefi!s, dîifer.
En 985 , Guillàume I. Comte de Provence , fait une dona-
x , §. i î , p .
16
.
.
.
,
tion au Monadere de Saint André de Villeneuve , fitué dans le
Com té d'Avignon , Monajlerio Sancli Andréa, in comitatu
Avenionenfe.
spv.t. 3, p. i»t,/ En 1006 , Hüdebert, Evêque d'Avignon, donne au même
xoi. sus. J
Monadere 1 Eglile de Saint Pierre de Liron , fituée dans le
Comté d'Avignon, Ecclefiam Saniti Pétri quæ ejl in comitatu
Avenionenfe, in Aleriaco monte.
En 10 19 , Gerberge , veuve de Guillaume II.
RufK uhi g p . §. us,
D i l*
Comte de Pro
& fes quatre enfans , donnent au même Monadere la
qui ed autour du Mont Andaon, fur lequel il ed bâti ;
vence
plaine
ejl autem ijlud territorium ad radicem Montium ipfius Monaflerv.Kî/l, cte T.arg. t. x,
p r. n . 300 & 3.31, p .
3*4 & 471.
Cet aâe doit fervir à en expliquer deux des années 1088 ôc
1 1 35, par lefqucls Raimond de Saint Gilles Sc Alfonfe fon (ils ,
Comte de Touloufe , & Marquis de Provence , confirment la
Montagne Andaon au même Monadere , ainfi que leurs prédéceiïaus l ’avoient donné , [tout anteceffores nojlri donaverunt.
T?> Ç-1.9, ibid.
D e cette expreflion , les Hidoriens de Languedoc veulent
T- *34 > -'SS.
conclure que les Comtes de Touloufe ont été les Fondateurs
ou les Reftaurateurs de l’Abbaye de S. André, & de - là qu’ils
dominoientle long du Rhône dans la partie orientale du Lan
gu ed o c, longtems avant qu’ils fuffent en poffedion du Marquifat de Provence : mais n’ed elle pas applicable aux Comtes
de Provence comme aux Comtes de Touloufe , puifque Rai
mond de Saint Gilles étoit également le fucceifeur des uns ôc
des autres ? Il paroît même qu’on doit l’appliquer aux pre
miers
j
car
fi
Raimond eût voulu parler des autres, il les auroit
vraifemblablemenc délignés par le mot d’ancêtres,progenitores,
�loi
comme il le fait a l ’égard de Saint Pons deThomieres. T a ille u rs, A H;fl_<îc,,
vouloir regarder les Comtes de T ouloufe comme Fondateurs ^ i,r- »• ***> pdu Monaftere de Saint A ndré, c’ell contredire formellement
un monument refpetlable du mois de Février 999 , publié
par 1 s mêmes Hiftoriens , ôc où, il eft dit politivement que la
montagne Andaon étoit venue au Monaftere de Saint André
par un échange fait avec plufieurs perfonnes qui y font nom
mées , & dont aucune ne portoit les mêmes noms que les
Yjid' n. I3 +'< P 1
’SS> 15«.
Comtes de Provence ôt de Touloufe , antérieurs à cette
année-là. Et il eft à remarquer que Raimond de Sai?:t Gilles , &
Alphonfe fon fils, prennent dans les deux actes dont il eft ici
queftion , le titre de Marquis de Provence, qu'ils fe donnoient
toujours dans les actes relatifs à cette Province, au lieu
qu’ils le prenoient très - rarement dans les chartes qu’ils fai- ,r ...
foient expédier pour leurs autres Etats , ôt enfin que celui de it£>
1088 fut fcellé en plom b, ôt que fuivant la remarque des Hif- p';, Eoé.m . *c
toriens de Languedoc , les Comtes de Touloufe fe fervircnt
de Iceaux de plomb dans tous les aôles qu ils firent expédier
AdJ.aut. î i
6so.
pour le Marquifat de Provence, à la différence des autres tqui furent également fcellés en cire : d’où il réfulte que
Raimond de Saint Gilles regardoit le Monaftere de Saint A i àré
comme une dépendance du Marquifat de Provence, ôt que
les aétes qu’on voudroit nous oppofer, fervent encore à le
confirmer: êc cela eft fi v ra i, qu’une Bulle à'Urbain IL donnée
à la réquifition de ce Prince le 22 de ju ille t l ’an î c g t j , eft
datée $ Avignon dans le Monaftere de Saint André. Certainement
o n n ’auroit pas confondu ce .Monaftere avec la V ille à' Avignon,
s’il eût dépendu d’une autre V ille ôt d’une autre Province :
& les Etats de Provence n’ont pas eu tort de regarder les
portions des Diocèfes de Valence ôt d’Avignon qui font à la
droite du. R h ô n e , comme des dépendances du Marquifat de;
f,.d
3+j.
n> *»
�t02
Provence , qui furent ddlaiffees à la Maifon d e T o u lo u fe par
le traité de l ’an 1127 , ôc d’avancer que fi on n’en fit pas
mention expreffedans le traité, c’eft qu’elles dévoient fuivre le
fort des autres cantons fitués comme elles entre l'ifere ôc la
Durence qui dévoient fervir de limites aux pofleliions des
Comtes de Touloufe.
Exjtn. p. i c o , i c i ;
V.
V a l a b r z g u
ns .
Les Etats de Provence perfiftent à croire que cette ifle du
Rhône faifoit portion du Domaine de Provence ; qu’elle
entra en cette qualité dans le traité de partage de l ’an 1 1 2 5 ,
Ôc qu’011 n'y en fît mention expreffe , que parce qu elle ne
fuivoit pas le fort des autres ifl.es du fleuve. L e Défenfeur du
Languedoc penfe au contraire que c’étoit un ancien Domaine
des Vicom tes d'Ufei. I l n’y a point de monument antérieur à
l’an 112 j quipuiffe décider entièrement cette diniculté; mais
on obfervera 1
que par le traité m êm e, V aldbrsgu.es n’eft
point exclufe de la fubftitution générale portée en faveur de
Raimond Reranger, dans le cas où Alphonfe mourroit fans
enfans , îQium quod fuperius diâum ejl, ôc Raimond ne pouvoir
y avoir de droit que comme fur une Terre de Provence , ôc
n’en auroit eu d’aucune efpece, fi c’eût été un Domaine de la
Maifon d’Ufeç. 20. Q ue les K ifïoiiens de Languedoc, quelque
.attention qu’iis ayent eu à ne rien dire qui pût nuire à cette
P ro vin ce, ont pourtant laiffé échapper qu’ils regardoient Va.
lab régnés comme comprife alors dans la Provence ; car après
avoir avancé que la Maifon de Touloufe dominoit fur lUfege
Ton». »> mu »j, dans les dixiéme ôc onzième fi scie , ils ajoutent, on pourrait
objecter que par le traité de partage de la Provence de Van 1 1 2 7 ,
le lieu de V:dabrégnés feus dans une ijle du Rhône, ôc (dans) le
�ï °3
Diocèfe d'UfeiyycJl compris (dans la Provence ; mais ceft au
contraire une preuve que le rejle de ce Diocèfe ne dépendoit pas de
la Provence. Affurément des Provençaux font tout au moins
excufables depenfer à ce fujet comme leurs Adverfaires.
I l eft vrai qu’au tems où ceux-ci écrivoient, on n’imaginoit
pas qu’ils duflênt avoir befoin d’enfanter un nouveau fiftême.
Et 3°. enfin qu’il paroît par le récit de Pierre, Moine de
Haux-de Cernay , Auteur contemporain qui étoit fur les lieux,
ôt 1 ennemi le plus déclaré de la Maifon de Touloufe, que
l ’ifle de Valabxegues avoit été comprife dans la reftitution de
la Provence ôc de B caucaire, faite par le Pape à Raimond le
jeune en 1 2 1 6.
V I,
D U R E N C Ëi
r.Mm.p. 101 &tuiv*
L es Etats de Provence ont toujours fenti qu’il étoit indiffé
rent à la queftion préfente , de fçavoir auquel des deux
Contratlans, la Durence fut adjugée. Ils n’en ont parlé que
par analogie , & pour faire voir que fi le lit de la Durence
refia au Comte de Provence , on ne peut non plus lui refufet
celui du Rhône , parce que c ’eft avec les mêmes exprefiions
qu’on décrit le cours de ces deux rivières. On ne répétera
point ici ce qui a été dit dans le §. 1 , fur ce qui devoir
faire l’objet principal de celui c i , parce qu’on fe flate d’avoir '
démontré ce qu’on vouloit y prouver; mais on eft.forcé de
s’arrêter à quelques obfervations q >e le Défenfeur du Lan
guedoc juge à propos d’ajouter à cet article.
D'abord on attaque les Etats de Provence pour avoir dit
qu’en 1623 le Pape étoit aux droits d'Hlphonfe, Comte de
Touloufej puifque le Comté Venaffin lui avoit été abandonné
par Philippe le Hardi en 1274., & qu’il falloit dire qu’il étoit
�104aux droits du R oi. Mais i° . le Roi lui-même ne s’c'toit mis
en pofiedion de ce canton qu’en la feule & faiijje qualité
d’héritier àJÆphonfe , puifqu il ne l’étoit pas dans cette
partie-là. 4°. Cela eft liv ra i, que toutes les réclamations que
la Couronne en a faites depuis 100 ans, pour la taire réunit
à fon D om aine, font fondées fur l'erreur ôc la nullité du
titre qu'avoit fait valoir Philippe le Hardi. 30. Dans le peu
d’années qu’en jouit Philippe, il en jouit comme avoit fait
Hlp' cnfe , ôc celui-ci relativement à ce qui étoit échu à
Sllphonfe Jourdain en 1123. 40. Ainfi donc en 12 7 4 , Phi
lippe ne put céder que ce qui avoit appartenu à cet /Üphcnfe ;
6c les Etats de Provence n’ont pas eu toit d avancer que le
Pape étoit aux droits de celui ci ; car c ’ell celui-ci, 6c non
le Comte de Poitiers, qui eft déligné dans leur Mémoire.
Enfuite , écoutons le Défenfeur du Languedoc , c’eft
comme R o i de France qui avoit des droits bien établis fur
la Durence dès le fixiéme lié cle , 6c plus anciens que le Com té
6c le Marquifat de Provence, que le R oi a agi dans le con
cordat de 1623. L a Provence convient des droits que la
Couronne a (ur la Durence dès le <?e. liécle q u elle fut en
polfeliion des Pays où coule cette riviere : elle convient encore
que ces droits font plus anciens que les noms de Comté 6c
de Marquilat de Provence mais elle croit en même-tems
qu’on doit convenir que les noms ne font rien à la chofe ; que
ce font 1 exiitence , la polition 6c la polfeliion qui donnent
des droits fur un Pays ; que l ’exercice oe ceux de la Couronne
fur la Durence, fut (ufpendu tant que fa domination ne s’é
tendit pas fur les Pays qu elle arrofe ; qu’elle ne rentra dans
l ’exercice de ces droits qu’en rentrant dans une partie des
mêmes Pays ; que jufques-ià elle n’a exercé ni pu exercer
aucun de fes droits -, que par conféquenten 1623 > elle n’a
�„
.
10?
pu 2gir que comme Souveraine de la Provence ; car fi elle
eût voulu agir en vertu des droits q u elle tiroit du fixiéme
fiécle , il falloit qu’elle évinçât totalement le Pape, dont la
domination étoit alors , avec celle du Prince d'Orange, le
feul relie de l’ufurpation de Bofon ôc de fes Succefleurs; que
ce concordat de 1623 , eft fondé uniquement fur le partage
de l’an 1 1 2 5 , ainfi que tous les aêtes intermédiaires, & la
réclamation du Comtat faite en dernier lieu : G enfin , quc
c ’eft dans ce cas-là feulement que le droit du R o i doit être
regardé comme ancien , puifque la Provence , dont il eft
Souverain ôc en polfelfion, ôc dont il exerce les droits , en
eft en pofiTeftion réelle , au moins depuis l ’an 1 12J , ôc même
vraifemblablement de beaucoup plus loin.
Si les Etats de Provence ont étendu ce point de l ’affaire } hucapituiation
ils y ont été forcés par les propofitions hazardées du D é - Eium' P-I0S'
fenfeur du Languedoc. Il étoit d'ailleurs ejjèntiel d'apprécier ,
à fa jujle valeur , le mérite que ce traité peut avoir dans la
Caufe. Et ils fe flatent d’avoir porté jufqu’à l’éviden ce, que
fuivant ce traité , i°. le Rhône fupérieur, depuis la Durence,
jufqu’à la Camargue , refta, ainfi que l’inférieur ôc le grand
R h ô n e , au Comte de Earcdonne, en fa qualité de Com te
de Provence , quoique le dernier ne foit pas feulement nommé
dans l’ade , mais parce qu'à la maniéré dont eft décrit le
cours du fleuve , toutes fes ifles , tant les fupérieures que
celle de Camargue , ne purent entrer que dans le lot de la
Provence proprement dite (a). 2 0. Cette defeription étant
faite dans les mêmes termes que celle de la Durence} qui refta
(a ) On frit cette explication pour éviter les difputes de m ots, aufquelles le
Détenteur de Languedoc fe livre continuellement, & notamment en cette occniîon.
O
�06
ïnconteftablement à la Provence , il doit en être de même
du Rhône. 3e . Loin que ce foit-là le premier titre qui afligne
la Camargue à la Provence, comme on ofe le dire , il eft dé
montré que cette ifle en avoit toujours dépendu auparavant,
comme elle a continué d’en dépendre depuis. Et 4 0. opéArgence, & Pille de Valabregues, étoient fùbftituées aux Comtes
Eï.m. p,10s.
de Provence , comme le refte des Etats à partager; d’où il
réfulte néceffairement que le Rhône étoit regardé alors comme
partie & dépendance de la Provence : ôc le Défenfeur du
Languedoc a raifon de dire que ce traité ne doit pas être mis
au rang des titres vraiment translatifs du droit de propriété, dans
le fens où cette propriété paffe, & eft transférée d’une main
à l’autre. Mais il n’en eft pas moins vrai qu’il n’en eft point de
plus vraiment déclaratifs du même droit.
§• II. Accord pajje en Tannée 1070, entre Raimond de S. Gilles,
Comte de Provence, de N îm es, b c . b Aicard , Archevêque
d’A rle s, b codicile du même Raimond} en Tannée 1 1 0 ;.
Ces deux a£tes ont une telle liaifon entr’e u x , qu’il eft
très-à-propos de les joindre l ’un à l’autre, ôc de comparer
l’effet qu’ils doivent produire. On les a préfentés fort fimplement dans le premier Mémoire de la Provence , mais le
Exam. p-17’
Exam.
Défenfeur du Languedoc en donne un extrait fi altéré ôc fi
107& 1J1" captieu x, qu’il nous met dans le cas d’en rappeller toutes
les difpofitions. Il auroit dû d’abord en faire l ’examen avant
celui du traité de l ’an 1 1 2 ; , mais voulant établir dans
celui ci qu’ Argence ne dépendoit nullement de la Provence >
il a craint que les impreffions qu’auroient laiffées ces deux
acles, ne nuiuffent à fes vûes. Pour nous qui ne voulons
�io 7
•établir que la v é rité , nous nous flattons de la retrouver par
quelque route qu’on nous mene.
L e premier de ces afites, eft une convention par laquelle
le Comte Raimond remet à Aicard, Archevêque d’A rle s, tout
l'honneur d'Argence , qui appartenoit à fon E g life , comme
l ’avoir eû l’Archevêque Raimbaud, a Fourgues, s’il eft entouré
de m urs, le tiers du lieu fie des Vaffaux ; au Château d 'A lbaron, quand il l ’aura , la m oitié, parce que l’Archevêque
Raimbaud l’avoit e u e , fie la moitié d’un droit fur les navires
que le Comte Eertrand avoit à A rle s, s’il peut l ’avoir.
Par le fécond , le même Prince qui prend la qualité de
Comte de S. Gilles, fe trouvant à l’article de la m ort, confus
fie repentant des injuftices en grand nombre que lui fie fes
ancêtres avoient commifes envers l’Eglife d'Arles , cherche
à commencer à les réparer. I l déclare d’abord que toute la
Terre voifine du R h ô n e, qu’on appelle Argence , eft propre
de cette E glife ; que cependant l ’affe&ion outrée qu'il a encore
pour fa famille , l ’a engagé à difpofer de la plus grande partie
de ce canton en faveur de fes enfans, mais fous l’efpérance
d’en dédommager cette E glife , fie de le lui reftituer en
entier ; fie en attendant, fie dès-lors , il lui en rend, remet fie
reftitue une petite portion , fçavoir le lieu de Tourques, avec
toutes fes dépendances du Rhône , des marais , des terres, du
Port du Rhône , fiée, fie en outre le quart des Châteaux
d'Albaron fie de Fos , qui avoit été ufurpé fur cette E glife
par fes ayeux , fie qu’il avoit lui-même poflédé injuftement ; fie
enfin dans la V ille d'Arles , le quart des pâturages , des leides ,
fie du droit fur les navires qui lui appartenoit.
T o u t ce que pourra conclure de-là tout efprit impartial fie
défintéreffé, eft que le canton d'Argence appartenoit de droit
en entier, fie en toute propriété à l ’Eglife d'Arles ,* que comme
O ij
�ioS
il fe trouvoit à la bienféance des Comtes de Touloufe, de
Nîmes , ou de Saint G illes, car ici la qualité ne l'ait rien à
la c h o fe , ils l ’ufurperent fur elle par force ôt fans titre; que
Raimond, l ’un d 'eu x, preffé fans doute par les follicitation3
de l ’Archevêque, confentit, en 1070 , à lui remettre une
portion de ce qu’il occupoit réellem en t, & lui en promit une
plus conlidérable fur ce qu’il ne pclfédoit pas, mais qu’il
efpéroit pem-être obtenir par le crédit de l'Archevêque qu’il
mettoit par-là dans fes intérêts ; que celui-ci ne pouvant mieux
faire, acquiefça à un arrangement que lui diêloit un voifin
plus puilfant que lui ; & que ce même voilin , troublé par
les remords de fa confcience, reconnut enfuite l’ufurpaûon
de la maniéré la plus exprefle ; mais que malgré cela , il ne
reftitua qu’une partie des Domaines ulurpés : êc la fuite des
aêtes produits au Procès , nous apprend que la reftitution or
donnée &. promife , n’eut lieu que pour une petite partie , ôc
que tout ce que purent obtenir les Archevêques d’ Arles , feuls
légitimes & véritables Propriétaires d’ Argence, fut que les
Comtes de Touloufe, qui en étaient les Détem pteurs, leur en
fiffent homm age, par où ils devinrent fuzerains d’un canton
qui devoit leur appartenir.
A ux yeux du Défenfeur du Languedoc , c’efl tout un autre
fiftême. 11 regarde d’abord Raimond , comme Propriétaire
d’ Argence, & il ajoute que ce n’é to it, ni comme Com te de
Touloufe , puifqu’il ne l’étoit pas encore en 1070 , ni comme
Com te de Provence , puifque ceux-ci n’ont jamais rien poffédé
à Argence ; d’ où il conclut qu’il falloit que ce fût comme
Comte de Nîmes on de Saint G illes; & il fortifie cette conféquence par la convenance , attendu que ces cantons étoient
limitrophes ; que d’ailleurs depuis (a) l’an 121 y , la Jurifdiûion
(a ) Au lieu du mot depuis il a mis dés, qui n’auroit dû être employé que dans 1*
�io p
de Beaucaire ôc de Nîmes a toujours <5té réunie ; & enfin ^
qu’on ne peut pas en douter, fi on fait attention que dans
l ’aéle de i i o j , Raimond ne prend que la qualité de Comte
de Saint Gilles] ôc par conféquent qu’il faut y comprendre,
non-feulement Urgence , mais encore Pifle de Camargue , dans
laquelle eft fitué le Château d'Albaron) ôc la grande braffiere
du Rhône fur laquelle on levoit à Arles un droit au profit
des Comtes.
Cette maniéré de raifonner paroîtra fans doute dangéreufe :
avec deux ou trois a£tes pareils , le Com té de Saint Gilles
pourroit devenir entre fes mains l ’Etat de l 'Europe le plus
étendu. Il eft prouvé par l’a â e de n o j , que le lieu de Pos
étoit du Comté de Saint Gilles ; il fera aifé de prouver par
quelqu’autre , que les V illes dé Gap & de Nice appartenoient
au même Prince que le lieu de Pos : donc les Provinces qui
portent aujourd’hui les noms de Dauphiné ôc de Piémont dépendoient du Comté de Saint Gilles, ôte.
Mais lailfons la plaifanterie à ceux qui n’ont que ce moyeu
de défenfe. Si Raimond eût été légitime Poffeffeur d’Argence ,
il feroit très-à-propos d’examiner à quel titre ; mais dès que
l ’ufurpation eft: confiante , il n’eft plus queftion de titre, il ne
faut chercher que la convenance: elle eft toute trouvée dans
le voifinage des Comtés de Nîmes ôc de Saint Gilles, qui
donnèrent à leurs Poftcffeurs la facilité de s’emparer d’un
Domaine voifin qui étoit abfolument fans défenfe. Une fois
Proprietaires de ce D om aine, car les reftitutions promifes
n’eurent jamais lieu que pour de petites parties, ils en réunirent
l ’adminiftration à celle du Comté de Nîmes] mais cette réunion
cas où la date, qui eft à la fuite aurait été antérieure aux a&-s de 1070 & 1 to f.
£e n’eft pas faits raifon -, il afleéte dans tout le cours de fon Mémoire de ihoific
les expreüions qui peuvent contribuer à augmenter riilufion.
�poftérieure à lufiirpaticn , ne prouve rien pour les tems anté
rieurs. Ici même il y a incertitude & contradiction de la part
du Défenfeur du Languedoc ; car après avoir avancé que les
Fiefs ne fe confondaient pas, il hézite auquel des Comtés de
Nîmes ou de Saint Gilles, on doit adjuger Argence; &c fi la
communauté d’adminiftration , établie feulement dans le
15e. fiécle , indique le prem ier, la qualité de Com te de
Saint Gilles, prife dans l ’acte de i i o y , le fait pancher vers
celui-ci. Cette incertitude de la part d’un homme qui ne
doute de rien , annonce le peu de confiance qu’il a lui-même
en fon affertion. C ’efc en effet le feul des Ecrivains de L an
guedoc qui ait cru trouver dans ces aCtes la preuve du fiftême
qu’il a voulu établir, Dans ce fiftême m êm e, l ’aête de n o j
prouve trop ; car Raimoni y rend à l’E glife d'Arles , dans les
Châteaux d'Albarcn & de Tos, le quart qui avoit été ufurpé
par fes Prédéceffeurs, ôc qu’il poffédoit lui-même injuftement.
Si l ’on s’obftine à dire qu’il l ’a paffé comme Comte de Saint
Gilles , il faut foutenir auili que le lieu de Fos , qui eft avancé
dans les terres de Provence auprès de Martigues, dépendoit
aufii de ce Comté ; ce que perfonné n’ofera jamais avancer.
Ainfi il eft c la ir , par les difpofitions de l ’aéte , que c’étoit
comme Comte de Provence que Raimond jouiffoit, en i i o y ,
des Châteaux d'Albaron & de Fos , Sc du péage ou droit qu’on
levoit à Arles fur les navires, & qu’il en reftitua une partie.
Si en 10 70 , il promet feulement de faire ces reftitutions
lorfqu’il en fera maître , c’eft , ou que l ’indivifibilité pour
l ’adminiftration du Comté d'Arles , n’étoit pas établie alors ,
comme elle paroît l ’avoir été en iop^ , ôt qu’il efpéroit de
la faire établir, ou que le Com te Bertrand lui reten oit, fous
quelque prétexte que nous ne connoiftbns p a s , la portion
qui lui revenoit.
�I 1T
L a reflitution promife par Raimond eut lie u , au moins
pour les Ports du petit R h ô n e , puifqu’on les voit depuis
entre les mains de l’Archevêque d’Arles , ou de fes Vaffaux.
L a Provence a produit fous les nçS. p ôc 12 de fa première ^BtompP'I+Vivt
R e q u ê te, ôc fous le nQ. 18 d e là fécondé, divers hommages
rendus à ces Archevêques par la Maifon des B aux, depuis l ’an
1 i p i , jufqu’en 1259 , -pour les Ports du petit Rhône, de Fourques
& de Saint Gilles ; ôc il lui auroit été très-aifé d’en produire
un plus grand nombre qui auroient pouffé cette chaîne jufqua
l ’an 1300, que le bac de Fourques, fur le petit R h ô n e, rentra Mém.p.r*
dans les mains de l’Archevêque d’^ r k y , qui en jouit encore
aujourd’hui. Au refte on n’imagine pas fur quel fonde
ment le Défenfeur du Languedoc fe plaît d’accufer les
Exam-P-rro*
Procureurs du Pays de Provence d’avoîr abufé des trois hom
mages qu’on vient de rappeller, non plus que de l ’aête de
i i o y . Quand il fe fera expliqué de maniéré à fe faire en
tendre , on fe date de trouver des répondes convenables à fes
obfervations ; ôc malgré la crainte qu’il a de s’égarer, on
efpere de le remettre dans le bon chemin , ou du moins fes
L ecteu rs, qui jugeront fans doute que les deux aêtes que
nous examinons , forment la preuve complette du droit de
propriété que l ’Archevêque d’ Arles avoit fur Urgence, 6c
qui dégénéra ,en fimple fuzeraineté, lorfque cette propriété
leur eut été enlevée, ôc détenue injuftemenr Ôc fans titre par
les Comtes de Touloufe, de Nîmes, ou de Saint Gilles : enfin
ils verront l ’influence que cette propriété a fur la queftion
préfente , lorfqu’ils fe rappelleront que jufqu’à l’époque de
cette ufurpation, Argence avoit toujours fait partie du Com té
d’Arles.
n;d_v. m;
�ï Tî
tx a m . p. i i - & l'ulV'
$. I I I .
Lettres de Frédéric 1 . Empereur , G Roi d'Arles ,
en faveur de VArchevêque G de l'Eglife d 'A rles,
données en Vannée 1154.
Par ces lettres , l ’Empereur confirme à l'Archevêque
cTArles les droits régaliens dans tout Ton Archevêché , retins
iui Archiepifccpntus regalia , les péages , les fleuves £ pedatica...
jlumina & c. ces grâces n’étoient pas nouvelles ; elles lui
avoient été accordées par Conrad III. en 1144 ; & le même
y. Saxv* P-Iî6- Frédéric I. les confirma de nouveau en 1164 ; il eft vrai que
dans aucun de ces diplôm es, on nç nomme (a) ni le Rhône ,
ni Argence, fans doute par des raifons que nous ignorons»
& dont nous ne fommes pas Juges. Mais il fufht de faire
quelques réfléxions pour reconnoître qu’ils y font défignés
de maniéré à ne pas s’ y méprendre. L a temporalité du Com té
à’Arles appartenant aux Archevêques de la même V i l l e , avait
la même étendue que fon D iocèfe. Indépendemmènt des
preuves qu’on a produites , quand il a été queftion de prouver
qu’ Argence étoit du Comté d’A rles, on n’a qu’à confulter
les deux inféodations de ce canton faites à Alphonfe Jourdain
en 1143 , & à Simon, Comte de M ontfort, en 1214. Totam
Argentiam, eft-il dit; & dans la fécondé, cum tetâ Argentiâ
V. G ail. Cliriji
inftr. n. ï S &
col. 57 & ioo.
A ’’ G quantumeumque Arelatenfs Diœcefs extenàitur. Argence
étoit donc compris dans la temporalité de l’Archevêché
d’A rles, dont la poflefTion lui étoit confirmée par 1 Empereur,
ôt d’autant mieux, que dans les deux derniers diplômes qu’on
( a 1 I.e Château d'Allaron eft nommé dans tous les trois, cependant on vient
de voir que le DcLnleur de Languedoc vouloit le comprendre dans le Comté de
Haitit Gilles.
vient
�vient de c ite r , Conrad III. ôc Frédéric I. confirment en g é
néral à l ’Eglife d'Arles tout ce qu’elle avoit inféodé (a), tant
dans la V ille que dehors. Si Argence étoit comprife dans
linféodation ou confirmation des Em pereurs, tout le Rhône ,
tant le fupérieur, que la petite braiïiere qui pafle à Fcurques ,
devoit y être compris ; car jufqu’à cette heure , toutes les
fois qu’on a mis Argence en avant , ce n’a été que pour
conclure de fon identité avec la Provence, ou le Comté
d'Arles , celle du Rhône.
Mais ces raifons, quoique préfentées fous une infinité de
faces , n’ont jamais paru fatisfaire le Défenfeur du L an
guedoc. Quand on infiflera fur le R h ô n e , il foutiendra tou
jours que ce ne peut être que la grande braiïiere qui paffe
à Arles : on lui oppofera envain que la jouiffance de la petite
braiïiere du Rhône , eft prouvée par les hommages de la
Maifon des Baux , il fe contentera pour toute réponfe , de
hazarder qu’on abufe de ces hommages : il faut donc lui prouver
que Conrad III. & Frédéric I. ont prétendu inféoder ôc con«
fïrmer cette même braiïiere à l ’Eglife d’Arles , ôt que l ’autorité
des Empereurs s’étendoit immédiatement fur cette même
branche. Hugues Boardy ou Beroardy, Archevêque d’Arles »
qui avoit eu à fouffrir de la guerre des Albigeois , obtint en
dédommagement de l’Empereur Frédéric 11 . par des lettres
datées du camp auprès de Cepparano , en Août 1 23 0, la
permiffion d’établir, fa vie durant, fur le fleuve du Rhône au
près de la Ville d’’ A ries, & fur l'autre bras qui pajje devant le
Château de Fcurques, un péage de cinq fols tournois fur chaque
gros b a llo t, fit de trois fols fur chaque ballot moindre , tant
( a ) Et quidquid Arclatenfis Ecclefu in civitate vel extrâper Seculares feu EcclefiaJ-^
tkas perfonas habet & pojjidec.
�Y 14
vi montant qu’en defcendant le Rhône, ôc un droit de deux
fols fur chaque muid de fel qui y pafferoit en montant (a).'
Certainement dès que Frédéric II. jouifloit du Rhône , fes
Piédécefieurs dévoient en avoir j o u i , puifqu’ils étoient plus
voifins de l’origine ôc de la formation du Royaume d’Arles ,
ou de Eourgogne , ôc que tout Etat qui n’eft pas habité par
fon Souverain, eft plutôt expofé à perdre qu à acquérir. E t
on ne peut pas dire que Frédéric IL abufât alors de fon pou
voir ; car outre qu’il faut des titres ôc des raifons pour de
pareilles allégations , il eft fur que fi la grâce eût été illufoire , l’Archevêque , loin de la fo lliciter, ne l’auroit pas
acceptée, puifqu’elle ne l’auroit feulement pas dédommagé
des frais qu'il avoit faits pour fe rendre à la Cour de l’Em
pereur qui étoit alors dans le Royaume de Naples; ôc d’un
autre c ô t é , l’Empereur ne l ’auroit pas bornée à la vie de
l ’Archevêque. Ici on ne peut fe défendre d’une réfléxion ,
c ’eft que plus on difpute à la Provence fes prétentions lé
gitimes , plus les titres que ces chicanes lui donnent occafion
de rechercher, fe multiplient ôc les fortifient; ce qui eft le
caraétere diftin&if de la juftice ôc de la v é rité , qu i, étant
u ne, doit toujours tenir le même langage.
L e Languedoc voudroit affoiblir toutes ces preuves, en
difant qu’elles ne regardent pas les Etats de Proven ce, mais
(a )
D e j u p e r a k u n d a n t io r i
quoquè g ra tiâ
co n ctd v t u s
e i d e m A r c k i s p i f c o p o , in
vitcL
J u c L , q u o i i n f t u m i r e R h c d a n i j u x t d c iv it a t e m A r e l a t e n f e m & i n a lio I r a c h i o t r a n f e u n t e
a n t e c a ft r u m t u n h i r u m
,
p ro q u o lib e t m a g n o in v o l u c r o J i v è t r o f e l l o , ta m a fc e n d e n d o
,
p r o m e d io c r i t r o f e l l o
, n e c n o n & p r o m o d 'o f a l i s
a fc e n d e n d o , d u o s f o l i d . 7 u r . J hi lic e a t r e c i p e r e C- h a b e r e . I, E m p e re u r é to it e ffe d iv e m e n t
c am p é près de C a p p a ra n o au m o is d’A o u t 123 0 . V . G ia n n H ift. de N a p l. 1. i é ,c h .7 ,
î o m . i , pag. 5 3 5 . C e t a d e tiré des a n h . de l ’À rc h e v . d ’A rîe s , liv . v e rd , f. 1 1 v. n ’a pas
e n c o re été p ro d u it ; o n l ’a cité fe u le m e n t dans le p re m ie r M é m o ire de la P ro v e n c e ,
c o m m e a y an t été in d iq u é p a r l ’H ift. de L an g . t. 3 , p . 1 9 t . C ’eft u n e faute de
C o p ifte o u d ’im p r e f lio n , il fa lio it dire f o r e n t , d e s t i t r e s de l ’A rc h , d’A r l e s , u b i
fu p . p. i 9 i .
qu a tr. d e fc e n d e n d o p î r P .h o d a n u m q u i n q u e f o l i d o s T u r o n e n f t s
t u m a fc e n d e n d o q u .im d e f c e n d e n d o , t r è s J'o lid o s d iâ læ m o n etee
�ny
les Archevêques $ Arles qui ne font point en caufe. Il n’cft
pas poflible qu’il n’ait fenti lui-même la foiblefîe de fon raifonnement. Les Etats ne fe fervent point de ces diplômes pour
réclamer contre les Archevêques les droits qui leur jfpnt
accordés ; ils s’en fervent pour montrer que ces droits dépendoient du Comté d’Arles qui faifoit partie du grand F ie f de
Provence.
Ce Com té d’ailleurs n’étoit pas auffi étranger aux Comtes
de Provence qu’on voudroit le faire croire , puifque tous les
droits régaliens qui appartenoient aux Empereurs fur lesm onnoyes, les ports, les eaux, les falins , & c . furent en 1162
inféodés par le même Frédéric au Com te Raimond Eeranger III.
à la réferve de ce que l’Archevêque & l ’Eglife d’Arles y
poffédoient depuis cent ans ( a ) , Cf omnia alla quæ ad jus
Impériale fpettant, excepto eo quod A reinep if copus Cf Ecclefia
Arelatenfis habet vel habuit à centum annis rétro in eadem civitate. E t le même Empereur, en confirmant l ’établiiTemenc
des Confuls à Arles , leur abandonna le droit de rendre la
J u ftice, fous la réferve des droits qu’y avoit l ’Archevêque
d’A rles, aufquels il ne prétendoit pas déroger: Salvo tamen,
in omnibus, jure quod in creandis Confulibus Cf Jutifdictions
ipfius Urbis , Reverandus pro tempere Arelat. Ecclefice Antilles
habere dignofeitur, cujus privilegiis nequaquam volumus , fient nec
debemus in aliquo derogare. Privilèges & réferves qui furent
enfuite confirmés ( 6 ) par Frédéric II. en 1214.. I l n ’eft pas
étonnant que ce mélange & cette confulion de droits ayent
( a ) V- Diago Hift. de Lor. cond. de Barc. 1. i , c. 1 7 4 , fol. 256 v. &*feq. Bouch,
t. » , p. 132 Mart. coll. ampl. t. 1 , p. 860
feq. V. Append. Marc. Hifp. n. 4 3 7 ,
p. 1331 , 1332 .
(b )
N o u s n ’av o n s que
c e tte c o n firm a tiç n q u i efi im p rim é e dans
Ard.-p. 254, iSS»
P ij
S a x y P o n tif,
�116
occafionné diverfes conteflations entre les Parties ; mais dès
qu'ils procédoient d’une fource non-feulement étrangère au
Languedoc , mais qui devient une barrière infurmontable à
fes prétentions , puifquc ces conte d ations même annoncent
q u elles procédoient des diverfes concédions des Empereurs ;
dès que les Repréfentans de cette Province n’y prirent êc n y
purent prendre aucune p art, on ne voit pas quel avantage
elle voudroit en tirer aujourd'hui, êe on peut lui recom
mander , ce femble , avec fondement , de garder pour
elle-même l’avis officieux q u elle donne aux autres : ipjî
viderinî.
ixam.p iis&A-i. §.
I V . Traité entre Thilippe-le-Ed G* Charles II. pour le
tirage du fe l en 1 3 0 1 , Lettres patentes de Louis XI. pour le
même objet, des 20 Juillet 14.71 G1 28 Septembre 14.80.
L es deux dernîeres Lettres ne font que l ’exécution des
premières ; elles ne difent rien par elles-mêmes, &c on ne les
a produites que pour faire voir que le traité de l ’an 1302
avoit été exécuté , jufqu’à ce que la Provence ait été réunie
à la Couronne de France. Il fuffit donc de voir laquelle des
deux Puilfances ou des deux Provinces, les termes du traité
primitif paroiffent favorifer pour la propriété du R hône ; car
cette propriété n’étoit point conteftée. O n traitoit Ôt on
agiffoit fuivant les idées reçues. T ous les falins refpe&ifs
furent vilités 6e examinés par les Commilfaires des deux
Princes; ceux du R oi de France font déclarés être dans la
Scncchauffée de Beaucaire ôc de N îm es, & fon reifort endeçà 6c aux environs du R h ô n e , citrà G1 circà Rhoianum.
Ceux du R o i de Sicile , tant ceux qui exiftoient alors que
ceux qui pouvoient fe former à l ’avenir, tam prefentibus quàtn
�117,
fuiuris : claufe qui n’eft pas employée pour ceux du R o i de
France , font dits être fitués dans le Com té de Provence,
tant dans les ifles du R hône qu au - delà & aux environs du
f l euve, in comitatu Provincial ïam in infulis feu infra infulas
in famine Rhodani conflitutas quàm ultrà O circà Rhodanum;
& on ne peut pas dire que tant les unes que les autres de
ces expreilions ayent échappé au Rédacteur du traité , puiC
qu’elles lont toutes répétées dans le préambule êt dans le
premier article, Si toutes les ifles de tous les bras du Rhône
n’avoient pas appartenu St dû appartenir au Roi de Sicile en
fa qualité de Comte de Provence, on ne fe feroit certaine
ment pas exprimé en ces termes. L e Défenfeur du Langue
doc veut les réduire à la Ample ifle de Camargue. On convient
que deux des falins déügnés dans le traité y étoient fitués {a) i
on convient encore que s’il devoit s’en former à l ’avenir ,
c’étoit furtout dans cette ifle , à caufe de fa grandeur ôt de
fon aîtenance à la mer ; mais on ne convient pas qu'il ne pût
s’en former que là ; ôc les Parties intervenantes au traité ne
le penferent pas non p lu s, puifqu’au lieu de fpécifier feule
ment cette ifle , comme ils auroient dû le faire dans la fuppofltion contraire , ils les énoncèrent toutes , & reconnurent
qu’elles dépendaient du Comté de Provence. Il eft clair que
s’il y en avoit eu une feule dans le petit R h ô n e, qui eût dé
pendu de la Sénéchauffée de Beaucaire ôt de N îm es, & en
cette qualité du R o i de P’rance, on l ’auroit comprife dans
la déflgnation générale. Il ne l ’eft pas moins que fi les ifles qui
pouvoient s’y former à l'avenir euffent dû en dépendre, on
lui auroit réfervé la même faculté qu’on réferva au R o i d e"
( a ) C e u x de Nore-Dam e de la M e r & de M a n ic a B a lz an a .
C e ’tti de la V .
e étoit fur la te rre fe rm a d e P ro v e n c e dans le te r r o ir d ’A rle s ^
O n ig n o re la. lîtu a tio n de c e lu i de L o n a lo n g a ,
�Y
p. sv, *i.
1 18
Sicile pour les nouveaux falins, futuris ; & cet arrangement
eft le feul qui puiffe s’accorder avec les preuves de poffeflion
des iiles du Rhône que la Provence a produites en différens
endroits de fon premier Mémoire.
T ous les raifonnemer.s vagues qu’on voudroity oppofer »
ne fçauroient détruire des titres clairs ôc précis , ôt qui tien
nent fuccefüvement entr’eux par une chaîne non interrompue,
v. k pasç. S6 <tu Mais le Languedoc fe garde bien de rapporter la claufe
Mcm. de laProvcr.cc.
°
w
*
1
du traité qui conferve les Propriétaires des péages dans leurs
droits : c’eft que ces péages appartenoient aux Provençaux;
& il eft difficile de croire que le lit du fleuve appartienne à
une Puiflance différente de celle qui poffede ces péages.
Lïsro. p. 11J &fuis. §, V . Lettres patentes du Roi Louis X II. du 13 Avril 150p.
L e Languedoc fe fait encore à lui-même des avantages à
l’occafion de ce titre, en difant qu’il n’ y eft point queftion
de conteftations entre les Corps des deux Provinces , mais
que le R o i n’a v o u l u , p a r ces L ettres, renvoyer au Grand
Confeil que des Procès entre Particuliers. L ’on peut voir
page 39 de notre Fvécapitulation , que nous ne les avons pas
préfentées fous un autre afpeift , & que quels qu’ayent été les
efforts du Languedoc pour dénaturer, dans fon Exam en,
ces Lettres patentes , les indudHons que nous en avons tirées
n’en fubfiftent pas moins dans toute leur force.
§. V L
Quatre Lettres royaux des 13 Avril 1 535, 19 Mars
154.3, Septembre 1 596, G* 3* Janvier 1629.
L es Etats de Provence ont produit ces quatre Lettres
.comme des titres qui manifeftent, fans équivoque, que le R oi
\
I
�1X9
poffede le Rhône comme Com te de Provence. Par les pre
mières, François Ier. maintient les Habitans à"1Arles &ans le
droit excluOf de pêcher dans la riviere du Rhône, autant que
fe contient le territoire décries, & femblablement aux marais
dudit séries.
Par les fécondés de i £43 , » les Commiffaires du Pvoi dé» putés pour la vente de fon Domaine de Provence, vendent
» le Port de Confolde que le R oi tient fur la
»
»
»
»
p e t it e
brafïiere
du Rhône D E d e - l a l ’ifle de Camargue , de môme les droits
que ledit Seigneur prend ou a coutume de prendre fur le
paffage dudit P o r t, à la charge de payer 180 liv. par au
au Receveur du Domaine de Provence, ou à fou Receveur
» d’Arles , fauf le rachat perpétuel, « lequel a été exercé
par la fuite; enforte que le Receveur du Domaine de Provence
afferme encore ce péage.
Plenry I V . avoit donné celles de 1596 pour l ’aliénation
des iflcs ôc attériffemens du Rhône qui lu i appartenoient en
fon Pays de Provence.
Enfin celles de x6"27 avoient pour objet de vérifier les
autres ifles & crémens qui pouvoient relier à aliéner dans le
Rhône ; elles font adreffées à la Chambre des Comptes de
Provence.
V o ici les réponfes du Languedoc à ces titres décififst
» Ces Lettres font des aôles par lefquels nos Rois ont exercé
» fur le Rhône ce droit de propriété comme Comtes de Pro» vence, en attendant qu’il leur plaife d’exercer le môme droit
» en qualité de Rois de France.
. .
Exam. p. &&
.
Avec une pareille logique, on répond a t o u t ; mais aufîl
l’on fournit à fon Adverfaire les mêmes réponfes, fi l ’on peut
appeller ainfi un fubterfuge aufii puérile.
» I l faut convenir, ajoute-t-on, que chacun de ces titres
%
�T 20
» autorife la Provence pour le tems auquel îl appartient, k
» jouir des droits qui y font énoncés, tant fur la Camargue
» que fur h grande bradiere du Rhône.
Q u o i ! ces titres ne donnent de droit que fur la grands
brafhere du R h ô n e , tandis qu’ils dénomment formellement
(celui de 1 5:43) la -petitebrafllere : ils ne donnent de droits que
dans la Camargue, tandis qu’ ils en donnent textuellement en
de là de 1 ifle , tandis qu’ils énoncent le Fort de Confolde
qui tfl fur la petite brafllere
en de-là de l'ille ! O n a peine
à croire qu’un pareil genre de défenfe foit employé de l’aveu
des Adminiftrateurs du Languedoc. I l eût mieux valu palfer
fous filence ces titres accablans, comme le Languedoc en
oublie tant d’autres, que d’y faire des réponfes de cette
efpece, pour finir par dire que ccs monumens ne font que
des preuves de la condescendance de nos Rois de laijjer fubfifler
une pojfeflïon illégitime Cf préjudiciable aux droits de leur Cou
ronne. Ainfi nos Rois trahiiTent les droits de leur Couronne
quand ils font affermer à leur profit, comme Comtes de PrOr
vence , les ifies ôc attériffemens & les péages dépendans de leur
Domaine de Provence. Quand on fait de pareils raifonnemens ,
il faudroit prendre un ton plus modefte que celui qui caracterife la défenfe du Languedoc.
§. V I I .
Lettres des 12 Janvier 1532 > 23 Août 15 5 7 ,
G* 17 Décembre 1375.
Il faut porter le même jugement de tout ce que dit le
Languedoc fur ces deux titres. Par celles de 1^32 , Irançois
Ier. comme Comte de Proven ce, confirme le bail fait par la
Chambre des Comptes de P ro ven ce, de deux ifies , k la
Cçmmunauté de Barbantane. Henry I I . parcelles de i? S 7 >
confirme t
�confirme) comme Comte
mêmes ifles.
î 21
de Provence, d’autres baux des
Suivant le L a n gu ed o c, ces Lettres patentes données par
nos Rois eux-mêmes » font des titres que la Provence s’eft
» faits à elle-même , des entreprifes ou dés aûes émanés de
» l ’autorité ou Jurifdi&ion d’une feule Partie, en l ’abfence
» ou à l’infçu de l ’autre, c’eft-à-dire à l ’infçu ou au détriment
» du R o i , vrai Propriétaire du Rhône par droit R o yal «. O n
Ewm.p.n».
a de la peine à en croire fes yeux , lorfqu’on lit de pareilles
chofes.
§•
VIII.
Inféodation faite à Antoine P etit, de Vife de
E»m*.P*I3Ii
Trefbon, du 20 Février 1 y 35?. Lettres patentes & Arrêt
du Coitfeil de Septembre 1 611.
C e feroit fatiguer le Confeil que de répéter les mêmes
réponfes aux mêmes paralogifmes. * L ’Arrêt du Confeil de * V. les préretiens
1 6 1 1 , rendu en faveur de la Jurifdiflion du Parlement de v.-nec far «stitres.
Provence, far les ifles & accroiflemens du R h ô n e , ne juge
rien, fuivant le L anguedoc, les Lettres patentes font à fes
yeux les effets des moyens artificieux que la Provence met
en ufage depuis longtems pour couvrir l ’autorité de nos Rois
comme Comtes de Provence , & c. La défenfe du Languedoc
e ft, comme l ’on v o it, aufli honnête que convaincante.
§. I X . Vente & cejfion de quelques crémens, i f es & pâtis
dans le tenitoire & difricl de Bculbon , faite le 1 6 OBlcbre
1544 , par les CommiJJ,aires des Domaines du Roi en
Provence.
Le [leur de Boulbon, dit le Languedoc , s’étoit emparé des
Q
Exam.p.
�ijles Cf accrcijfemens de la riviere du Rhône, étant dans le ter
roir dudit Eoulbon , au préjudice des droits que le Roi a fur le
Rhône, en fa qualité de Souverain 6c Comte de Provence»
Les CommiJJaires députés par Sa Majejlé pour la recherche ôc
iéunion de fon Domaine aliéné au Pays de Provence , fe faijlrent de ces terreins pour la confervation des droits du R oi, Cf
enfuite enfirent en fon nom vente ........... au fieur de Boulbotu
IL réfulte clairement de cet aéte, qu’on qualifiera comme on
voudra, que les objets vendus appartenaient au Roi , comme
Comte 6c Souverain de Provence , 6c c’eft tout ce que les
Etats deProvence ont voulu en inferer ; car ayant été dans tous
les tems antérieurs à leur réunion à la Couronne , en poffeffion du Rhône ôt de fes dépendances, ils ne peuvent com
munément donner que des preuves de d é ta il, mais q u i, par
leur multiplication , em bralïent, on peut le dire , tous les
points du Rhône. Il en réfulte encore que d’après les propres
aveux du L an guedoc, les Magiftrats de Provence veillent à
la confervation des droits de la Couronne, 6c n’employent
pas toujours des moyens artificieux pour les ruiner.
L es Juges qui font exempts des préventions des Parties p
verront qu’en 1544 les ifles ôc crémens de ce fleuve
vis-à-vis B ou lbo n , appartenoient au R o i en fa qualité de
Souverain ôc de Comte de Provence ; ils en conclueront que
toutes les autres ijles Cf crémens du fleuve lui appartiennent en
la meme qualité : il n’y a qu’une opinion aufli raifonnable
qui puifle mettre celui qui foutiendroit le contraire , dans le
cas de le prouver autrement qu’en n iant, ou en déguifant
tous les actes ôc tous les faits ; elle doit furtout mettre les
Parties intéreflées à l’abri des entreprifes 6c des véxations
d’un voilin ambitieux qui, fous le prétexte de quelques Arrêts
rendus contre des Particuliers qui nont ni fçu ni pu fe dé-
�123
fendre , ne cefle d’inquieter la Provence &c fes Habitans. Tant:
qu’on laiüera lubfifter l ’opinion du point de droit que le Lan
guedoc s’eft formée de fa propre autorité , il naîtra tous les
jours des queftions défait capables de troubler l ’ordre Ôc de
ruiner les Parties ; la plupart aimeront mieux racheter leur
repos par une contribution illégale , mais paffagere, que de
venir foutenir une Inftance au C o n fe il, pour des objets qui
n’en valent le plus fouvent la peine que par les conféquences.
L es Etats de Provence efperent que l’examen qu’ils viennent recapituiauow
de faire des 18 titres particuliers,achèvera de mettre leurs droits
dans le plus grand jour. I l en réfulte en effet que depuis le 6e.
fié c le , & fans doute antérieurement, le territoire de Pro
vence ou Comté d'Arles embraffoit les deux rives du R hône :
que la portion de ce territoire connue dans le moyen âge fous
le nom d'urgence , devint, dans le neuvième fié c le , propre
aux Archevêques ôc à l’Eglife d'Arles : que les Comtes de
Tculcufc ou de Saint Gilles s’en emparerent fur eux dans le
onzième fiécle par force ôc fans titres : que quoiqu’ils euffent
reconnu folemnellement leur ufurpation, ils n’eurent jamais
le courage de reftituer, ni les Archevêques d’ Arles le pou
voir de les dépoffeder : que ceux-ci furent enfin contraints
de leur inféoder ce canton , ôc que c’eft cette inféodation qui
a fait perdre les traces de fon ancienne dépendance ; que ce
pendant les droits que ces Archevêques exerçoient fur le
Rhône en vertu des conceflîons faites par les Souverains de
Provence, ne furent pas compris dans cette inféodation, ôc
refterent entre leurs mains : que le refie des mêmes droits
appartient aux Comtes de Provence, Vaffaux des mêmes
Souverains : que lors du partage de cet Etat entre les deux
Q U
�! 24
branches de la Maifon Comtale , le Rhône & fes ifles relièrent
à celle qui repréfentoit les aînés, qui porta par préférence
le nom de Provence: qu’en effet depuis cette époque , on voit
cette branche en poffeffion de toute autorité & propriété fur
les ifles du Rhône exclullvement à l’autre , ôc que cette pro
priété a été reconnue par les Riverains de l’autre bord , ôc
notamment parles Rois de France dans le traité de l'an 1302,
traité qui a été fidèlement exécuté jufqu’à la réunion de la
Provence à la Couronne: que depuis cette réunion, nos
Rois ont continué à exercer leur autorité fur le Rhône en
la même qualité , toutes les fois qu'ils n’ont confulté que
l ’ufage ancien, & qu’ils n’ont pas été entraînés parles faux
expofés du Langedoc ôc de fes Officiers : enfin que la Pro
vence ayant toujours joui du Rhône , elle n’a befoin , pour
prouver fon droit , que de produire des aétes de cett: jouiffance ôc d’une poffeffion paifible, comme elle fa it, ôc que
cette poffeffion étant prouvée, comme elle l ’eft , loin qu’on
puiffe exiger d’elle des titres tranflatifs de propriété , c’eft à
elle à en demander à ceux qui forment des prétentions con
traires, ôc qui les forment fans rien prouver, toujours de
mandant des titres fans en rapporter, toujours s’érigeant en
Défenfeur des droits de la Couronne que perfonne n’attaque.
A R T I C L E
S E C O N D .
Titres produits par la Provence comme ènonciatifs. y
confirmatifs, Crc.
O n l ’a déjà dit , ôc on ne craint pas de le répéter
auffi fouvent qu’on nous l ’oppofe : il eft contre la nature
d’une poffeffion auffi ancienne que celle
que réclame la
�12? _
Provence pour le Rhône , de produire un feul titre tranfiatif
de propriété, dans le fcns que cette propriété lui ait été cedée
par un autre. C e feroit difputer la noblefTe aux premières
Maifons du m onde, fous prétexte qu’elles ne produifent point
de titre primitif, qui leur en accorde le droit. D e même que
celles-ci ne peuvent préfenter que des titres qui énoncent
leurs qualités: de même on ne peut exiger d’un Poffeffeur
ancien que des actes de jouiffance, & lorfque ces a&es ont
été multipliés fans effuyer de contradiction , on doit les
regarder comme des preuves inattaquables de propriété. C ’eft
le cas où fe trouve la Provence par rapport au Rhône. E lle
ne craint pas l ’examen des titres quel l e a produits , parce
qu’elle ne peut que gagner à éclaircir les difficultés.
§. I. Enquête de Van 1306. Articles préfentés aux Commijjaires
des Rois de France & de Sicile, & procès-verbal des mêmes
Commijjaires du mois de Décembre 1307.
F3S'
Ces trois a£tes ont liaifon par leur o b jet, ainfi il eft bon
de les réunir : on les a produits dans l’ordre où ils font inférés
dans les regiftres d’où on les a t k é s , & cet ordre ne fera pas
difficile à juffitier , non plus que les prétendues contradic
tions qu’il plaît au Défenfeur du Languedoc dJy trouver.
Dans la forme , l’enquête de 1 305 n’a aucune relation an
noncée avec les deux aCtes fubféquens. L e Juge - Mage de
Provence , Lieutenant du S én éch al, fe trouvant à Tarafcon
le 1 5 de Mai 1 305, charge un Notaire de la même V ille de
fe rendre fur les lie u x , pour s’informer par titres & par té
moins , des droits dont la Cour du R o i fon Maître jouiffoît
ôt avoit joui anciennement dans fille de Stel. L ’objet de cette
commiffion n’eft pas annoncé : il fe peut que ce fut une ope-
i
1
�I 26
xation préparatoire de celle que dévoient exécuter les Com miffaires des Rois de France ôc de Sicile ; ôc dans ce ca s-là , il
y a apparence qu’il en fut expédié de pareilles pour les autres
ifles dénommées dans les procès-verbaux , quoique ce foit ici la
feule qui foie parvenue jufqu’à nous. O n la produit, Ôc on
devoir la produire dans le teins à la fuite des articles propofés
par le Procureur du R o i de Sicile, parce qu elle venoit à
l ’appui de ces articles, dont la date eft poftérieure d’environ
vingt mois ; ainfi cet ordre n’a rien que de fimple ôc de natu
rel. La pofition de l'ille de Stel, qui en fait l’objet, n’eft pas
difficile à déterminer ; cette ifle étoit formée par la mer ôc par
deux bras du petit Rhône. L es dépolitions de tous les T é
moins font uniformes 1à-d elfes ; ainli il faut la chercher dan*
la partie la plus méridionale ôc la plus occidentale du petit
R h ô n e , ôc environ à la hauteur de Peccais. Audi un des
Témoins du lieu à!Æguefmortes, pour affurer fa dépofition
toute favorable au R o i de Sicile pour la pofTeffion de tous
les bras du Rffiône, ajoute que EermoJid d'Ufe\ , qui avoit
vendu Peccais à la Cour du R o i de France, n avoit vendu
que jufqu’au bord du Rhône ôc non au-delà, ufque ad ripam
Min.iktsBg-l * u Rhodani G
non ültrà. C ’étoit en effet de ce Seigneur que
Peccais avoit été acquis au mois de Février 1291 , pour être
réuni aû Domaine. Auffi la partie feptentrionale de l’ifle de
Stel ne pouvoir pas remonter jufqu’à Silvereal, ou commence
la petite Camargue , dont l ’origine eft moderne ôc connue : il
faut la rapporter à peu près au tems où l’on conftruifit le
canal de Silvereal ; M . de Riquet, qui en fut l’auteur, rejetta
toutes les eaux du Rhône dans un nouveau lit qu’il s’étoit
creufé ; ôc tout ce qui étoit au couchant renfermé entre le
canal ôc l ’ancien lit du Rhône , a confervé le nom de petite
Camargue, ôc eft refté terrein de Camargue.
�127
Cette enquête n’a pas la même autorité que fi elle eût été
faite enfuite ôc en vertu de la commifiion des deux Rois : dans
ce cas-ci, ce feroit un Jugement inattaquable de propriété:
au lieu que dans l ’état ce n’eft qu’un titre de jouiffance qui ne
peut être attaqué que lorfqu’on lui en oppofera un autre de
même nature, fait à peu près dans le même tems. En atten
dant , voyons ce qu’elle renferme.
Treize T ém oin s, dont cinq du lieu d’Aignefmortes ôc Sujets
du R oi de France, dépofent tous unanimement ôc avec fer
ment , que fuivant la connoiffance qu’ils en ont depuis 30 »
4 0 , yo ôc 70 ans, cette ifie eft del à Jurifditlion du R oi de
Sicile, ainfi que les deux bras du R hône qui la form ent, ôc
qui eft en entier du même Prince jufqu’à la mer. Les preuves
qu’ils en donnent font i°. qu’il n’y avoit que les Sujets du
R o i de Sicile qui euffent le droit de pécher dans les deux braA
fieres ; qu’ils en chaftoient les étrangers, tels que les Habitans
de Bcaucaire, d'Aiguefmortes, ôcc. 20. que le Baille ou Bailli
du Château déAlbaron venoit tous les ans fur les lieu x pour
affermer le droit que la Cour du R oi de Sicile avoit à perce
voir fur les alofes qu’on prenoit dans les deux braflîeres: un
des Témoins en avoit été le Fermier ô c l’Exaéleur: 30. que
cette même Cour percevoir tous les droits de bris ôc de
naufrages faits dans les deux braftieres, dont elle ne gardoit
que le tiers , donnant le refte à ceux qui avoient découvert
Ôc indiqué les bâtimens naufragés ; plufteurs des Témoins
en avoient eu leur part: 4 0. que le R oi de France ne per
cevoir rien de ces droits.
enfin que la Jurifdiélion appartenoit exclufivement au R oi de Sicile ; ôc un des Témoins
ajoute qu’ayant rencontré dans J’ifle un Habitant d'Aiguefmortes, nommé Julien Raoul, dont il avoit à fe plaindre, il
le maltraita, de quoi Julien porta fa plainte à la Jurifdiclion
�123
de Notre Dame de la Mer. Des dépofitions aufïi précifes 51
Eatn.p. i4j-
suffi unanimes , ne laiiTent aucun doute fur l ’objet de la
queftion , à moins qu’on ne foit décidé à nier tout.
L e Languedoc voudroit balancer & compenfer les dépofitions, fur ce que d autres Témoins , même Provençaux, depofent
au contraire , que la Alaifcn de Saint Gilles en Languedoc, avoit
fes pâturages dans cette i j l e ....................... que l’ijle de Stel
appartenait à la Maifon de Saint G ille s ...................... que les
Officiers de la Juftice cVÆguefmortesy exerçoient leur Jurifiliction, G y avaient fait brûler une femme quelques années aupara
vant ; qu'il y a même un Habitant de Notre-Dame de la Mer
qui certifie que lui Témoin s’étant tranfporté avec quelques autres
dans l'ijle de Stel, ils y avaient tous vû le poteau à demi brûlé,
auquel cette femme avoit été attachée , & quils l'avoient renverfe par %ele pour la Jufùce de Notre-Dame de la M er, qui
çlierchoit donc alors à s’ établir dans cette ijle. Enfuite il laijfe à
la Provence le foin de concilier toutes ces contradictions, Cy d'ex
pliquer comment il a pu fe faire que des Habitons d'Aiguefmortes, Sujets du Roi, ayent répondu à des ajfignations qui les
appelaient en Provence devant les Officiers Provençaux , pour y
certifier que la France n avoit point de droit fur l'ijle de Stel, O
comment des François ont pu porter des plaintes dans les Tribu
naux de Provence , 6* reconnaître pour Juges des Officiers Pro
vençaux précifément contre les droits d'un Tribunal François.
L e peu d’exactitude qui régné dans tout cct expofé d’un
bout à l’autre , n’annonce-t’il pas combien l ’on craint la lui
rniere que ce titre porte fur l ’affaire ?
'*
i ° . C e ne font point d’autres Témoins, ce font les mêmes',
qui loin de dépofer au contraire, certifient tous que l ’ifle de
Stel eft de la Jurifdiction du R o i de Sicile. Quelques-uns à la
vérité
�*
jy
vérité ajoutent, non ce qu’on leur fait dire, maïs ce qu’on
voudroit faire croire qu’ils ont dit.
2°. Q uelle eft cette Maifon de Saint G illes qui avoir les
pâturages dans fille , ou à qui elle appartenoit ? Il feroit ImpolTible de la découvrir, fi le monument même ne désignait la
Maifon du Tem ple de S. Gilles; mais fAdverfaire, en nommant
celle-ci , failoit tomber toute la preuve qu’il pouvoit en
tirer, parce qu’elle tenoit à un Ordre protégé en ce tcms-là par
tous les Souverains de 1 Europe, & dont les privilèges particu
liers pouvoient dilfiper les nuages qu’on vouloir élever. L e pre
mier desTémoins après avoir alluré que les Sujets de tout autre
Prince que le R oi de Sicile ne pouvoient lien faire-dans fille de
Si cl , ajoute, excepté les Templiers de la Ivlaifon de Saint
Gilles q u ij ont le pâturage pour les bejliaux de ladite Maifon (a)Dans la rédaction delà dépofition d’un autre T ém o in , après
la même affertion qu’avoit faite le premier, on ajoute Ample
m ent, excepté les Templiers ci-devant dits. Enfin le premier ^
(
desTém oins d ' Aigufmortes dit que VijledeStelejl de la Jurif- <l"“ dliih‘
diction du Roi de Sicile, &e que cependant, la propriété en efi:
au Tem ple. Dixit quoi diclum Stellum ejl in Jurfdiction? Domini nojlri Jerufalsm & Sicilioe Regis, tamen proprietas ejl T em
pli. On demande s’il y a la moindre contradiction dans ces
dépolirions ; & que fera-ce fi elles font conformes aux monumens de fhifioire ?
En e ffe t, la Maifon de Barcelonne devenue maitreffe de
la Provence , étoit lingulierement attachée à l ’Ordre' du
Temple. Raimond Eerenger IIIe. du nom , embraffa (b ) cet
initient en i x j i . Æphonfe I. fon petit fils, R oi d’Arra(a) £: non. au: homi/us aiterius regionis, nec etiam. in diSlâInruli aihjuid faerre;
exc^tis Templariis Domus Templifanffi Ægidii qui liaient ibi pafeua amidalibus Mat
Domus.
G ) V. Marc. Hifp. pag. 4jm , 458 , 74*; & Marten, Coll, ampl. t. t , p. 7o,'.
R
�1
g o n , & Marquis de Provence, (a) accorda àTO rdre au mois
de Mars i i6p ( 1 170 ) , la permifiion de faire dépaître fes beftiaux dans toute la Provence ; permifiion qui fut confirmée
par le Comte Alphonfe II. le 13 Décembre 1202 , & par Rai
mond Berenger V . le 22 de Novembre 1 2 3 5 , avec tous ^es
autres privilèges accordés à l’Ordre par leurs Prédecefleurs.
Ainfi il étoittout fimple que la Maifon du Tem ple de Saint
G illes, la feule voifine de lille de Stel, profitât de la faculté
qui avoit été accordée à fon Ordre. Si l ’on infifte fur la dépofition du dernier T é m o in , & que l ’on veuille que la pro
priété de cette ifle appartînt à cette M aifon, outre que la
propriété ne décide rien pour la Jurifdi&ion , il ne feroit pas
difficile de montrer que l ’Ordre tenoit de grands biens de la
1 ^ ’ a"'decîaina- libéralité des Comtes de P roven ce, & notamment de celle du
lor’ n I*
même Alpîionfe I. dans le voifinage de la Camargue ôc de Saint
Gilles : ôc il y a encore à celui de Peccais & de la mer , un
canton qu’on appelle Vljlel de Saint Jean ôc l’IJlel de la V ille,
formé par deux branches atteries du Fvhône, dénommées le
Rhône v if ôc le Rhône m ort, Ôc qui doit être l ’ancienne ifie
de Stel.
Mais qu’importe cette identité ? Il nous fufiit d’avoir montré
que bien loin qu’il y ait de la contradiction dans les dépofitions des Tém oins, ce qu’on veut donner pour tel, eft con
firmé parles monumens du tem s, & montre au contraire que
ces Témoins étoient des gens très-inftruits. Au refie , il ne fera
peut-être pas inutile de rappeller ici que ce même Alphonfe I.
( a ) Arch. du Grand Prieuré de S. G illes, titre de la Command. de Marf, art.
Solegues , n. l a , & privüeg. des Comtes de Prov. n. 6 & 9 , cités dans i’Hift.
mlT. du Grand Prieuré de S. G ille s, ciiap. de l ’P /ift. Je lu Province de Provence
de l’Ordre du Temple, cornpofée par feu M.Raybaud Avocat, qui avoit été plus
de jo ans Archiviste de te Grand Prieuré.
�accorda (a) en T i7 p à l ’Ordre du Temple, franchife de toute
forte de péages fur toutes les rivières de Provence, & notam
ment fur le petit Rhône in Rodaneto : ainfi on ne lui fait point
de grâce, en lui adjugeant & à fes SuccefTeurs , une ille for
mée par les divifions de cette même branche: aulli v o it - o n
par l ’enquête de 13 y4 produite fous le n°. 34 d e là première
Requête, que la Provence continua de jouir de Pille de Stel.
30. Si les Témoins eulfent dépofé que les Officiers de la
Juftice d’H iguefmortes exerçoient leur Jutifdiéiion dans P ille,
la Provence auroit certainement tort d’y former la moindre
prétention ; mais on ofe le dire, où font ces Tém oins? E t
ceux à qui on prête une pareille dépofition, ont-ils dit ce qu’on
leur fait dire ? L e premier de tous les Tém oins entendus, qui
devoit être fort â g é , puifqu’il dépofe de 70 ans ôt p lu s,
ajjiire que l'ijle de Stel & les deux brajjleres qui coulent des deux
côtés, ont toujours été fans aucune contradiction fous la Seigneu
rie du Roi de Sicile, G* qu'il na jamais rien f ç u , vû ni entendu au
contraire ,f i ce nefl en dernier lieu , qu’on dit que le Roi de France
ou fes Officiers j forment des prétentions , comme étant du D o
maine du Roi de France, ce qui n'ejl point. Quod verum non ejl.
Et un autre Témoin qui dépofe de 40 ans & a u - d e là ,
ajoute aux alïcrtions com fri unes & unanimes fur la Jurifdiction de l ’ifle, que les années precedentes, iis præteritis annis,
■ Pierre Flugcleni alors Brûle de Notre-Dame de la M er, ayant
appris que les Officiers du Roi de France à Higuefmortes, avaient
fait brûler unefemme dans cette ijle, s'y tranfporta avec le Dépofant GJ plufieurs autres Habitons de Notre-Dame de la M e r ,
trouva le poteau à demi brûlé, G* l e f t arracher pour la conferva( a) Bouche, tom. 2 , p. i f & , il y en a un viàimus du 3 A vril 1420 , dans le*
regiftre; de Guillaume Bertrand Notaire d’Arles,
R ij
�152
tion du droit que la Cour Royale ( de fon Maître ) y avoit de toute
ancienneté. V oilà tout ce qui en eft dit : en comparant cet
extrait qui eft très-littéral avec celui qu’en a donné le Lan
guedoc , en verra s’ily a d'autres Témoins qui dépofent au con
traire, file s Officiers de la Jufice d’Aiguejmortes y exerçoient
leur Jurifdiciion G c. Et enfin (i c etoit celle de Notre-Dame de
la Mer qui cherchoit alors à s'établir dans rifle. L a Provence
fe croiroit fort à plaindre (i tlle fe voyoit obligée d’alterer les
pièces pour foutenir fa Caufe.
Il eft aifé de fentir qu’il n’y a aucune contradiction dans
ces dépolirions : li perfonne n’eût élevé des prétentions fur
l ’ille, l’enquête eût éré inutile, & n’eût pas eu lieu. C e furent
les entreprifes des Officiers ü’y'Jiguefmortes qui la rendirent
néceflaire i & il étoit dans l’ordre que les Tém oins qui en
étaient inüruits, en parlaient dans leurs dépofitions. Leur
exaditude à cet égard qui eft prouvée par les monumens du
teins , pour les points étrangers à l’enquête , comme pouf ceux
qui en formoient l ’o b je t, fortifie même leurs témoignages ;
& il n’y auroit de contradiction que dans le cas où quelqu’un
eût dépofé en faveur des prétentions des Officiers d’/liguefmorles. 11,faut que le Languedoc ait bien mauvaife opinion de
la lineétité des Kabitans de cette V ille , puisqu'il ne peut
expliquer ni comment ils fe déterminèrent à dire ce qu’ils
croyaient eue la vérité, ni comment on pût les attirera NotreDame de la Mer pour cette procédure. Mais outre qu'il eft
difficile , pour ne pas dire impofuble , d’c-tre au fait des for
malités que Pon devpit faire, en ce tems là , & de Celles qui
furent faites, il fe peut très - bien que ces Témoins fe troitvaflent fur les lieux , & que i’occaP.on fit qu’on les affignat.
B a ille u rs , quand ms faits fo n tconftans,.& qu’ils n’impliquent
pas de contradiction phifique: on n’eft pas obligé de déyelop-
�135
perles moyens qui les ont amenés, ni la maniéré dont ils fc
font palTés.
20. La Provence n’a jamais regarde ni produit les articles
prdfentés par Jacques Aràoyn, Procureur du Comte de Pro
vence , comme des décidons, mais Amplement comme des
moyens de décidon. Sans doute qu’il faudroit leur oppofer de
même ceux de Mathieu de Matines, Procureur du Roi Philippe
le Bel; & ce ne fera qu’alors qu’on pourra décider qu’ils valent
bien les autres. Jufques là il paffera pour confiant, que la Provence offrit de prouver comme une vérité confiante & notoire,
que les files dont il étoit queftion avoient toujours dépendu
d’elle;. & tout au moins que Mathieu ne propofa aucune
preuve contraire ; peut-être même que les Juges qui auront lu
avec attention le procès-verbal dans toute fon étendue , en
concluront que les longueurs & les tergiverfarions qu’il y
apporta , donnent lieu de croire qu'il n’avoit rien à produire ,
ê: qu’il crut de 1 intérêt d e fa C a u fe , de la iaifier traîner en
longueur..
3q. L e procès-verbal des deux Evêques ne juge rien fur les
objets contefiés , il eftvrai : mais il cfi aifé de voir par les dires
des deux Parties , qu’on ne croyoit pas alors que le Comte de
Provence fut exclus de toute propriété furie Rhône , comme
on le prétend aujourd’h u i, & qu’il ne tînt pas à fon Procureur
que les cii'fiérendvS ne furent di feu tés & décidés, puifque dès.
la prend ere alïignation etc \*r p ê t à p ré!
v .rom-ireur du R fi c.e Fr ance dernai
que 1rZ>D,
fous 'p r é tex te cu ’i-i ni é t Oit | £S infiruit; &
il dc^panda encore la P U i .,'p:ation d’i.m
taufe de l'rbI
force üe fon Àvoçat y ‘ e fm que
X ia ce ni
ecncl ure
nia ce GV.'V: n c r n( !JS & iqu on appellera tou*jours des teigiverLûm
.die dtuais & qui ne jufiifie guère3
Exam. f. i , 5 .
�m
le ton avec lequel PHiftorien du Languedoc avoit raconté
cette affaire.
Sans répéter ce qui a été dit à ce fujet dans le premier
Mémoire de la Provence, on voit clairement par le procèsverbal j que le R oi de France ne formoit aucune prétention
fur les ille s, ou accrémens joints à la rive orientale du Rhône »
au lieu que le R o i de Sicile en formoit fur des terreins unis,
à la terre ferme de Languedoc , & que c’étoit ici la principale
défenfe du Procureur dvt premier par rapporta Pille Bertrand.
Lccus Ecrtrandi non efl infula injlumine Rodani ftuata , fed eft
pendus citra jlumen Rodani, G dato quodreperiretur aliquo tempore infula fuijje , nunc G diu e jl, infula défit ejje; nec e f in
flumine Rodani .fed . . . . ccnfolidata terrœ. Domini Regis Francise
feufucrum Vafallcrwn G eft citrà Rodanum. Nous n’avons pas
les articles qui durent avoir été dreffés pour cette-ille, dont
la propriété fut renvoyée à examiner après toutes les autres;
mais il y a apparence que le Procureur du R o i de Sicile auroit
avancé que ce terrein avoit toujours dépendu du R o i fon
Maître , fie qu’il ne devoit pas en être dépouillé par la feule
raifort que le Rhône avoit ceffé de couler fur celui qui la
féparoit de la terre ferme ; fie pour preuve de ce qu’il avançoit,
il n’auroit pas manqué d’alléguer deux faits récens alors , &
que nous connoiffons encore malgré le IzfS de tems ; c’eft
qu’en 1282 , Charles I. Comte de Provence , avoit fait don à
Air. du Ct>nf.
May 1691. p. 4..
Rofain de Ganielme de cette même ifle Bertrand, fituée dans
la Jurifdicüon de Boulbon , ôt que le Sénéchal de Provence
adreffa le 28 Juin 1298 , à fon Lieutenant à Tarafcon , une
commüTion pour failir le F ie f de Boulbon , ôc les ifles de Me%oargues fit de Bertrand qui en dépendoient : il y a toute appa
rence que cette commiffion eut fon effet, car nous voyons par
le récit des Hifforiens de Languedoc , qu’en î j o y l’ille Ber•
�trand appartcnoit à Rojlain Gaucelin, Seigneur de Romany :
o r , ce Fief-ci efl un F ie f de Provence qui étoit depuis longtems dans la Maifon de Gantelme: on le confifqua fans doute
.
,
en 125» 8 avec Pille Bertrand, ôc Charles 11 . gratifia de l ’un ôc
de l ’autre Rojlain Gauceiin qui étoit d’une famille ( a ) noble
deTarafcon. C ’étoit à ces deux preuves qui font viérorieufes
au fond, que devoit répondre le Défenfeur du L an gu ed oc,
au lieu de s’attacher i° . à donner du foupqon fur l ’autenticité
du procès'Verbal , fur ce qu’aux lettres de Philippe le Bel, le
mot Roberti s’eft glilfé dans le Mémoire de la Provence, par
erreur de Copifte ou d’imprellîon, tandis qu’il y a , & qu’il
doit y avoir dans la pièce le mot Caroli, ( Exam. pag. 1 y 5 ^ )
& 2°. à une vente particulière faite d’une portion de Pille
Bertrand, le p Février 1227 ( 1228). Il efb indifférent que
l ’Acquéreur fut d’sîramont, ôc le Vendeur de Boulbon ; mais
ce qui n e l’efî pas , & qu’on ne peut pas difputcr, clf que le
terrein vendu fût de la Jurifdidion & de la mouvance du
F ie f de Boulbon. Fgo Berengarius de Buïbone laudo & confirmo
vobis prœdictis emptoribus & veflris, falvo mihi Cr meis Dominio
(y jure leudi. C?c. ôc c ’elt-là ce qui confiitue la vraie dépen
dance : aufli voit-on dans les articles de Pan 13>4 , produits
fous le n°. 34 de la première Requête que Pille Bertrand étoit
un démembrement ôc une dépendance de celle de Ale^oragues,
& que les Seigneurs de Boulbon y percevoient les lods & ventes.Comment ofe-t-on demander pourquoi le Comte de Provence
n intervint pas dans cette vente ? Parce qu il n’y avoit réelle
ment que faire ; dès que le terrein avoit été inféode au Sei
gneur de Boulbon, celui-ci feul avoit intérêt aux ventes qui
( a ) P ie rre G a u c e lin é to it S y n d ic de la C o m m u n a u té d e T a r a f c c r r , ftiivant la
tran fa âio n du 7. S e p te m b re 1 2 2 6 . , d o n t il fera p a rlé dans le $ . V U I .
Bouche, t. »,
3P5*
�s'en fai (oient, & il en reportoit l'hommage à fon Suzerain le
Comte de Provence , (hommage qui lui avoit été prêté pour
plufieurs ifles de Me\cargues, & nommément pour celle de
Bertrand au mois de Mars 1 2 J 2 , ainfi qu’on le voit par la pièce
produite fousn®. 27 de notre fécondé Requête:) il faut avoir
bien envie d'obfcurcir les chofes pour trouver de l’obfcurité
dans celle-ci.
I l eft vrai que le terrein fut mefuré fuivant lamefure de
Beaucaire ; mais ce fut fans doute parce qu'on emprunta un
Arpenteur dans cette V ille , ôc jamais on n’a pu fe faire un titre
d'une pareille opération. En un m o t , tout eft dit quand on fe
rappelle que les procédures de 1307 ne dépouillèrent point
le Comte de Provence de la propriété de l'ille Bertrand, pu i f
que le 19 Août 1323, le Roi Robert adrelfa une commiflion
au Sénéchal de Provence , pour connoître d’un Procès con
cernant des héritages fitués dans Pifle Bertrand,
T o u s les raifonnemens qu’on ajoute à cet égard , deviennent
inutiles. Q uoiqu’il ne foit pas dit précifément dans les eommiftions, qu’il étoit queftion de décider de la propriété du
R hône ou d’un partage , ce n’étoit pas moins 1 objet des deux
Cours, puifqu’il falloit décider de la propriété des ifles , ou
de certaines ifles du Rhône 3 & il n’en eft pas moins vrai par
la leêlure des pièces, qu’on n’imaginoit pas alors que le R oi de
Trance pût former à aucun titre la moindre prétention fur les
terres attenantes à la Provence , & que le R o i de Sicile ,
Comte de Provence , en forment fur des terres jointes au Lan
guedoc. C e Ample coup d’œil fera voir lequel des deux Princes
paroilfoit avoir plus de droit fur le fleuve.
1S+L e Languedoc l'a bien fenti, puifqu’il voudroit, i°. faire
entrevoir qu’il n’étoit queftion dans la commiiTion, que de
terres attenantes aux deux rivages ; mais la feule enquête fur
1 rfle
�l ’ifle de Stel, prouve que c ’étoit réellement une iHe entourée
de bras du Rhône allez confidérables, pour qu’on pût y
pécher & y naviguer. Il fe rejette encore fort inutilement fur
la différence des droits refpe&ifs des Provinces ôc de ceux
de la Couronne. Sans doute qu’aujourd’hui que les deux Pro
vinces appartiennent au même Souve ain, ils font très-différens ; aulfi la Provence ne réclame que ceux que voudroic
s’arroger Je Languedoc, & reconnoît tous ceux qui appar
tiennent à fon Souverain : mais au tems du procès - verbal
que nous examinons, les droits contentieux entre chaque
Province , l ’étoient également entre leurs Souverains. L a
feule lumière naturelle le montre ; & on le verra bientôt
encore plus clairement.
2V. Encore une fo is, la quellion de la fouveraineté du
Rhône n’d l plus une quellion , depuis que les deux Provinces
riveraines font foumifes au même Maître. L es droits de la
Couronne font abfolument les mêmes ; & elle eff aulli allurée
de les conferver d’une maniéré que de l ’autre : mais fi elle
n’a été mife en poffelîion du Rhône que par la Provence, fi
elle n’a joui réellement , & de fa it, de fes droits fur le
Rhône, qu’autant q u elle a joui de la Provence, comme on
l ’a démontré, celle-ci eff fondée à réclamer une propriété
quelle ne peut pas avoir perdue par fa réunion, puifqu’à
s’en tenir au titre de cette réunion , elle ne doit rien
perdre.
5°. Comment le Languedoc a-t-il pû foutenir que les droits
du Roi & de cette Province ont dû être féparés , lui qui a fçu
& dû fçavoir, que depuis la mort dJAlphonje de Poitiers, &
celle de Jeanne de Touloufe , fa femme, arrivées en 1271 >
jufqu’à l ’Edit donné par le R oi Jean en Novembre 1361 ,
pour la réunion à la Couronne des Duchés de Bourgogne
S
E«m. p. i s g)
�138
Hift de Lang I
26 » t. 3 , p . j z j , & 6c de Normandie j & des Comtés de Champagne & de Tou
L 3 2-} t. 4 , p. 32 ç.
V . Rec. des Orcl. loufe , les Rois de France gouvernèrent les différens Pays dont
.
..
t* 4 > p. 2 H , a n i
& C atel. C tn ft. p.
.4S>8.
ils avoient hérité par la mort de Jeanne, en qualité de Succejjeurs
des Comtes de Touloufe , comme Comtes particuliers de cette
V ille, Cf comme fi tous ces Pays eujjent compofé un Domaine
qui leur étcit propre Cr particulier. On ne fait ici que copier les
expreiïions de l ’Hiftorien de Languedoc , qui répété la même
chofe fous l ’annce 1 361, en termes équivalens. Ainfi dans
tous les aêtes intermédiaires de propriété ou de Jurifdi&ion
qu’ont exercé les Rois de France , on ne p e u t, ni dire qu’ils
k s ont exercés en qualité de Rois de France , ni féparer cette
qualité de celle de Comtes de Touloufe , qui étoit proprement
celle en vertu de laquelle ils agifl’oient. L e Languedoc n’eft
donc pas fon dé, dans cette occafion, &. dans plufieurs autres
pareilles, de mettre en avant les droits de la Couronne. On
en fait la remarque ici feulem ent, perfuadés que l ’application
en fera aifée à faire dans l ’occafion.
4°. Il n’eft pas douteux que le détail des monumens du tems,
relatifs à la propriété du R h ô n e , n'eût été le fujet de Vhifîoire de Languedoc , où Pon s'étend beaucoup Jur d autres objets
bien moins intéref ans. Il en a fans doute pâlie un'grand nombre
par les mains du fçavant ôc laborieux Bénédictin, qui en
avoit été chargé. Par quelle raifon n’en a-t-il publié aucun,
tandis qu’il n’y a point de fiécle qui ne fourniile à la Provence
plufieurs productions ? On ne peut s’empêcher de le dire &
de le penfer, ces titres contrarioient trop le fiftême qu'il avoit
à défendre ; & de ce nombre eft certainement l ’aéte dont on
va nous obliger de faire l ’examen..
�§. II. Acte paffé à Beaucaire le 3 Août 1 327 , concernant
les PoJJeJJeurs defonds dans l'ijle de Lubieres.
Exam, pag. ij 8 &
fuiv.
Quoique l ’ilîe de Lubieres n’exifte plus , il ne faut pas s’é
tonner qu'elle paroiffe fur la fcêne pour les tems où elle a
exid é, dans toutes les occafions où la Provence a eû des
preuves quelle lui appartenait. L ’aêle que nous examinons eu
ell une des plus décifives , quoiqu’en dife le Languedoc. Il a
fallu toutes les reffources d’un efprit fécond en expédiens*
ôc qui fe dévoue à la trille occupation d’en chercher , pour
y trouver des difficultés.
Il commence par avancer que Pille de Lubieres &* le cours
du Rhône font fpécifiquement defignés dans le partage de Van
1 1 2 ; , comme limites de la Terre cédée au Comte de Provence.
Mais il manque ici de mémoire ; car dans l ’examen du traité,
il s’éroit contenté de donner le Rhône pour limites à la por
tion de Raimond Berenger ; il y ajoute à préfent Pille de Lu
bieres, par la raifon que cette addition lui ell nécelfaire, ôc
fans fonger, ou plutôt croyant qu’on ne s’appcrcevroit pas ,
1?. quelle ell abfolument contraire à la lettre du traité,
feut Rodanus vadit inter infulam de Lupariis & Argentiam :
& 2°. qu’il eft convenu lui-m êm e, fur une defeription pa
reille, que Pille de Camargue rtfia au Comte de Provence.
Quoique ce Prince jouit & dû jouir de même de l ’ilie de
Lubieres ; le 30 de Mai de Pan 1 327, les Officiers de Beau
caire y firent publier, à fon de trompe & cri public , que
tous ceux qui pofiédoient des Domaines dans Pille de Lu
bieres , eulfent à en faire leurs déclarations pardevantla Cour
Royale de Beaucaire, fous peine de la perte de ces mêmes
Domaines. L es Officiers du R o i de Sicile, inftruits de cette
Exam. P. %(. j0f.
�J40
procédure, en portèrent fans doute leurs plaintes à ceux du R oi
de France.c\m fentirent qu’ilsavoient fait une fauffe démau-ue,
puifque celui qui exerçoit l’Office de la Sénéchauifëe de
Beaucaire ordonna au Lieutenant du Viguier de Beau:aire ,
de la révoquer. L e Juge d'Avignon, pour le Roi de Sicile ,
fe tranfporta à Beaucaire, ôc y reçut, le 3 Août fuivant, le
défaveu ôc la révocation que fit le Lieutenant pardevant un
Notaire du lieu. Qui dcminus locum tenens..............exequendo
mandatum litteratoriè Jibi faftum per Regentem Senefcalliam
Bdlicadri G* Nemauti prxàiCtam.prœconifaùonem Cr alias emnes
clim faüas per curiam diSli Domini Regis Franciœ, Juger fafto
dicice infulce Luperiarum , incontinenti revocavit. J outes les
réfléxions que l’on pourroit faire à l’avantage de la Provence,
feroient au-deïïous de celles qui fe préfentent naturellement
à l ’efprit ; ôc perfonne ne fera étonné de voir qualifier la pro
clamation du 30 M a i, d’entreprife de la part du Languedoc.
Après cela , il eft inutile de propofer l ’alternative , que l ’ifle
de Lubieres appartenoit à la Provence ou à la France , puis
qu’il eft conftant par l ’aête même , que c’étoit à la première >
non par ceffiorr, ou tout autre titre équivalent, mais parce
qu’elle lui avoit toujours appartenu, ôc que la Provence n’en
avoit jamais été dépouillée. I l eft tout aulfi inutile de re
chercher fi les Propriétaires des Domaines fitués dans l’ifle
étoient Provençaux ou François : les uns ôc les autres envifage's fous ce point de vû e, n’étoient Jufticiables que du
Com te de Provence ôc de fes Officiers. L e feul cas où ceux
du Languedoc auroient pu juftifier leur proclamation, auroit
été pour ordonner aux Sujets du R o i leur Maître , qui avoient
des Domaines dans les Pays étrangers, ôc notamment dans
l ’ifle de Lubieres, qu’ils euflent à s’en défaire; mais l’on doute
que le Languedoc adopte cette explication»
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Il auroît voulu que le Juge de Provence fe fût borné à
défendre à lés Provençaux de Lubieres , d’obéir à l ’Ordon
nance de la Cour de Beaucaire ; le Juge l ’auroit pû, & il y
a apparence qu’il s’en feroit contenté , fi la chofe eût regardé
VEmpereur de la Chine, qu’il plaît au Défenfeur du Languedoc
d’amener ici en Caufe ; car l ’Auteur du Mémoire du Languedoc v e u t , à quelque prix que ce foit , être plaifant. Mais
:
qu’il avoue de bonne fo i, que fi la chofe fe fût paffée ainil ,
il feroit aujourd’hui le premier à dire que c’eft un titre que
s’eft fait la Provence, 6c que nul ne peut s’en faire. L ’aveu
de fes Auteurs le gêne; il y cherche des invrai-femblances }
tandis qu’il eft clair que ce fut une chofe convenue par bon
procédé de la part du R oi de Sicile, qui en rendant au R o i
de France tous les égards qu’il lui d evo it, exigea pourtant
qu’on lui rendît juftice. Croira-t-on le L an gu ed oc, quand
il dit que ce fût un Notaire qui défavoua ou révoqua l ’O r
donnance de la C our de Beaucaire , lorfque l ’acle même , r^ate
porte que ce fut le principal Officier de cette même Cour, devant Notaire%&
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1 e moi ns quc Ja pro*
qui avoit trait iaire la proclam ation, a la vente en prelence ciamation faite,
ê
rs
d’un Notaire & de plufieurs Témoins ?
Il demande encore oîi trouver un fécond exemple d'une pareille
démarche ? L e hazard le fert mieux qu’il n’avoit cru. A peu
près dans le même-tems, en 1 5 35 , le Viguier de Beaucaire
engagea un Pécheur à aller tendre fes filets dans le Rhône du
côté du bois Comtal, Domaine de l'Archevêque d'Arles. Gafbert de Laval, qui occupoit alors ce S ièg e , s’éleva contre la
nouveauté &. l ’injuftice ; elles étoient fi criantes, que le
même Officier ordonna à un des Sergens de fa Cour , d’en
lever ou de faire enlever les filets qui faifoient l ’objet de la.
querelle. Celui-ci emmena fur les lie u x , le 24. Janvier 1333
( *334y ) le même Pécheur qui avoit fait la faute, & qui ne.
cation.
�144
s’excufa que fur ce qu’il n’avoit pas allez de force. On com-«
manda neuf hommes qui retirèrent un des quatre engins que
le Pécheur déclara par ferment avoir placés ; & il confentit,
.de même que le Sergent, que dès qu’on trouveroit les trois
autres, ils fulfent enlevés à la volonté du Seigneur Arche
vêque. Effectivement le ip Mars fuivant , le Clavaire , ou
Receveur de l ’Archevêque , en fît enlever & brifer un fécond
en préfence du même Pécheur, & de deux Sergens R oyaux
de Beaucaire, dont l’un étoit le même qui avoit aflîfté à la
procédure du 24 Janvier. Ce ne font pas-là des Jugemens , on
en convient, mais ce font des aveux & des démarches plus
concluans qu’aucun Jugement : & nulle L o i ne porte qu’on
ne pourra prouver une propriété par d’autres titres que des
Jugemens,
foam. P. m.
III. Procès-verbal du 4 slvrïl 1 4 7 4 , au fujet d'une barque
faifie au Port de Trinquetaille par le Lieutenant
de la Sénëchaujfée de Beaucaire.
L a Provence avoue que cet aéte regarde le lieu de Trin
quetaille, & la grande braflîere du Rhône , que le Languedoc
convient n’être pas difputée à la Provence. Dans un tems où
l ’on croyoit que tout l ’é to it, il a fallu fe défendre de tous les
côtés: du refte les proteftarions refpeétives n’ont fait que
conferver les droits des Parties ; & on s’en rapporte à ce qui
en a été dit dans les Mémoires de la Provence.
§. I V . Procès-verbal du xi Juin 1474.
L e Juge de Beaucaire, fuivant cette p ièce , avoit fai fi une
barque dans le Port de Trinquetaille, comme étant en con-
�travention aux ordres du R o i de France. L es Officiers d’Arles
s’y oppoferent, firent voir que la Jurifdiétion fur le Rhône
appartenoit à leur Archevêque Ôt au Ilo i René. L e Juge de
Eeaucaire, après quelques proteftations, donne mainlevée de
fa faifie , & confent que la barque foit faille de l ’autorité des
Juges Provençaux.
C ’eft ici qu’éclatent les refiources du génie du Languedoc.
Suivant lui , les Officiers Provençaux reconnurent le droit quavoit
Exam.p. is*.
eû le Lieutenant de pourfuivre la barque fur le Rhône, p u f qu'ils
lui promirent de faifir eux-mêmes cette barque. . . . . L a con-r
féquence n’eft-elle pas admirable ?
§. V . TranfaCiions de iyo-p Cf de
On avoir produit ces titres pour prouver que les ifles de
Me\cargues &. de Gaujac ont été pofiedées par des Pro
vençaux , ôt qu’ils en difpofoient entr’eux. L e Languedoc ne
veut pas que ces titres, s’ils étoient les feuls que nous eu/îîons>
fufient capables de nous faire adjuger la partie du Rhône que
nous réclamons : à la bonne heure. Mais iis font un anneau de
la chaîne de preuves que nous rapportons , &. qui ne laiifent
aucun doute lur nos droits.
§. VI. Arrêts du Grand Confeil des 13 A vril 1587 ^ Cf 50
Septembre' 1609.
On ne trouvera pas, dit-on, dans les dfpofitifs de ces deux
Arrêts, que la partie contenticufe du Rhône appartienne à la
Provence, il n’étoit pas queftion aux Procès de cette partie en
totalité ; ainfi les Arrêts n’ont pas pu prononcer là-deflus ; mais
ces Jugemens décident que les ifles qui faifoient la mariera
p- '7*-
�144
des deux P ro c è s, & qui étoient dans cette partie contentieufe , dépendoient de la Provence ; ce qu’on ne peut dire
fans préjuger que cette partie contentieufe en dépendoit aufli.
On ne trouvera pas, ajoute-t-on, que la Couronne ait jamais
cédé eu perdu fes droits fur tout le cours, ou fur quelque partie
du cours du Rhône. Jamais la Provence n’a rien dit de pareil ;
elle a toujours foutenu au contraire , & prouvé , que nos
R ois avoient été Maîtres du R h ô n e , en le devenant de la
Provence en y jtf, plus de 200 ans avant que de le devenir
de la Septimanie, ou Pays qui portent aujourd'hui le nom de
Languedoc -, que lorfqu’il y a eu dans la famille R oyale , des
partages de la Monarchie Françoife, & notamment des deux
Provinces qui font en Caufe , ceux de ces Princes qui ont
régné fur la Provence , ont aufti régné fur le Rhône ; que
lorfque le Royaume de Provence fut détaché de la Monarchie
par l’ufurpation de Bofon & de fes Succefleurs, la Couronne
conferva de droit tous les droits quelle avoir fur les Provinces
ufurpées, & fur le Rhône qui en étoit une dépendance, ÔC
qu’elle a repris de fait toute l ’autorité qu’elle avoit fur ces
Provinces , quand elles lui ont été réunies. Ainfi la Provence
a toujours tenu un langage oppofé à celui qu’on lui prête.
L ’ijïe de Trefbon..................a pû paroître au Grand Confeil
appartenir à la grande braffiere du Rhône. Comment prêter
ces vues au Grand C o n fe il, puifqu’il eft parlé dans l’Arrêt de
vues ôt plans figurés des lieux contentieux ; qu’il n’y eft pas
parlé une feule fois de cette grande braiïiere, & qu’il y eft
répété peut-être vingt fois que ces lieux étoient entre la partide ou féparation des terroirs de Eeaucaire (y de Fourques, qui
eft bien fupérieure à la V ille à'Arles. Le fort de ces ijles efl
encore indécis (y fournis au Jugement des deux Inflances indccifes
au Confeil du Roi. C ’eft parce qu’il n’y a rien d’afluré avec
les
�les Etats de L an guedoc, que Jes Procureurs des Etats de
Provence fe font enfin déterminés à prendre le fait & caufe
de fes rlabitans véxés par un voifin ambitieux.
On avoir rapporté, dans le premier Mémoire de la Pro
vence, le réquifitoire du Procureur Général du Grand Conf e il, lors de ces Arrêts, & parce que ce Magifîrat fe fert du
mot Théodore au lieu de Theodoric , de Cloâous au lieu de
Clovis, l ’Auteurdu Mémoire du Languedoc fait cette fortie
obligeante contre l ’Auteur de celui de Provence.
VAuteur du Mémoire auroit mieux fait fans doute de taire Eiam. p. I7i,
prudemment des expofés fau x Cf même contradictoires, des faits
évidemment romanefques, Cf des détails peu corrects d'un fjlêm e
imaginaire. Mais un homme auffi inftruit que le Défenfeur du
Languedoc , a-t-il pu croire que quelques exprefiions vicieufes
l ’autorifoienr à traiter de fau x, de romanefques &: de fables ,
des faits notoirement reconnus pour vrais ? L e R oi Théodore Exim.p.ir>*
elt vifiblement Theodoric -, le R o i Clodous, Clovis nommé dans
les Ecrivains du tem s, Chlodovechus & Chlodovcus. L es Pro
vençaux font les Habitans du Pays connu aujourd'hui fous
le nom de Provence. L e Pont qu'ils défendoient contre les
François, eil le Pont d’A rles, qui, fuivant l ’expreiîion des
Hilîoriens de Languedoc , étant alors le feul qui pût faciliter
It pajfage du Rhône >étoitpar conféquent un pofte très-important, t. s, §■ +j .
Et la plupart des faits qu’on avance dans la fu ite , ont été p'
prouvés dans le Mémoire de la Provence. L es allégations de
la Communauté de Ea/bentane Cf de Petit, qui faifoient valoir
les inféodations que leur avoient faites les Officiers de Pro
vence , font foutenues, <Se celles de leursAdverfaires, aujfi va- Ex3m. p. nv
gués que faujfes, ne portent jamais que fur des fuppolitions &
fur des raifonnemens que le Défenfeur du Languedoc a eu foin
de raffembler & de répéter, & qui font détruits par les M éT
�îq.6
moires de la Provence. Quand on envient aux'produ&ions du
fleur de Perraut, l’un d’eux , qu’ y trouve-t-on de cité , autre
que Demcfthcnes en fes oraifons, & l’Arrêt du Parlement de
Touloufe de 1493 ? Il eft vrai que dans la difcuflion des pro
cédures , on cita nombre de pièces relatives à ces procédures;
& c’eft-là ce que le Défenfeur du Languedoc veut faire valoir
( p. 181): mais toutes ces pièces , poftérieures à la réunion de
la Provence , ne furent regardées que comme des furprifes
faites à la religion de nos Rois*, & des entreprifes de la part
des Officiers du Languedoc. Quant aux principes généraux
qu’il veut établir, fans en donner la moindre preuve, comme
que tous allés de Jurifditlion ont été exercés exclufivement par,
les Officiers du Languedoc dans ladite riviere du Rhône, ècc. nous
en laiffons la décision à ceux qui auront lû les deux M é
moires avec la moindre attention.
ïxam-r. 179,uc;
J1 n’eft pas néceffaire de renvoyer à l’Arrêt de i y87 , pour
s’affurer de l’opinion que le Mémoire de la Provence a prêtée
à la Dame Eorrit ; il fulfit de voir les mots qu’on y a copiés
Ivîém. p. 102.
fidèlement. Cette opinion d’ailleurs, quelle qu’elle fû t, fut
profcrite par l’ Arrêt. Et ceux qui compareront exaélement
les moyens ôc les preuves fournies par les deux Parties depuis
ïx a m . p . i * 3 *
dou7Le (ïécles & p lu s, verront que la Provence , en réclamant
fes droits fur le R hône, ne réclame qu’une poffelfion dont
elle a toujours joui, & dont on veut la de'pouiller, & que
nos R ois n’ont aucun intérêt à cette conteftation, puifque
dans quelques limites que le Rhône foit renfermé , iis au
ront toujours fur lui les mêmes droits de propriété & de
Souveraineté.
�*47
§. V I I .
A â e de vente de l’iflon du Colombier faite par la
Communauté de Boulbon le 1 o Avril 1 6 17.
L a feule réponfe du Languedoc contre cet a &e , eft que
Pille du Cafelet avoit des albergues payables au Receveur
ib\d. p. u 3,
du Domaine de Nîmes. Mais il s’agit ici de Lille du Colombier ,
& le payement des droits du R o i n’eft pas feul capable de
dé/îgner la Province dans laquelle un terrain eft litué.
§. V III. Arrêt du Confeïl d'Etat du 3 1 Décembre 1 670.
Il eft vrai que la contefaticn qui amena l ’Arrêt dont il eft
ici queûion, fu t élevée entre des Provençaux pour des droits
refpeclifs, fur un péage purement Provençal: il l ’eft aufli que
ces Provençaux feroient bien étonnés de voir des Etrangers
vouloir aujourd’hui s’emparer de polfeftions fur lefquelles on
n’imaginoit pas alors qu’ils pulfent jamais former la moindre
prétention : mais il ne l ’eft pas que ce péage foit tout-àfait
étranger à la Caufe préfente. L ’examen des pièces produites
& rapprochées, avec raifon , par le Défenfeur du Languedoc,
fulHroit feul pour la décider en faveur de la Provence.
La première, eft une tranfaêlion palfée le 17 d'Octobre
iipp , entre les Seigneurs & les N obles de Tarafcon, & la
Communauté d e l à même V ille. Chacun d’eux récîam oit,
entr'autres, le péage ouufage de Lubieres. On prit des A r
bitres fur les prétentions refpeêtives : ils décidèrent que ce
péage appartiendrait à perpétuité aux Seigneurs de Tarafcon ,
avec franchife pour les Habitans de la V ille , & qu’ils ne
pourraient, fans l ’avis des C onfuls, mettre ni augmentation ,
ni nouvelle impofitionfur ceux qui pafleroient par le R h ô n e ,
p. ig^.
�148
de quelque lieu qu’ils f i f h n t , rec tranfeuntllus per Rcdamrn j
undecumque fuit, quodlibet ncvum vetfigal, feu ufancum, fine
ccjfilio omnium Confulumfmdicant. Certainement on ne savife
pas de prendre des Arbitres pour des droits qui n’appartiendroient à aucune des Parties contendantes. V oilà donc un
péag^ du Rhône en conteftation uniquement entre des Pro
vençaux , &c adjugé à des Provençaux, les Seigneurs de 7 arafeen. Comment la chofe auroi t-el l e pû être autrement >
puifque Rivant la defeription du cours du Rhône , portée
par le partage de l'an i i a j , Pille de Lubïeres, où ce péage
avoit du être établi originairement, dut néceffairement, ainfi.
que la Camargue , tomber dans le lot du Comte de Provence ,
& ipfe Rodanus vadii inter infulam de LuparüsC? Argenciam.
L a fécondé , des pièces produites, en date du mois de
n. s ,ibid.
Septembre 1221 ,eft une enquête de dix-huit T ém o in s, fur
les droits refpeôtifs des Seigneurs & de la Communauté de
Tarafcon, ou plutôt fur ceux du Comte de Provence que
celle-ci défendoit» Tous , ou prefque tous, dépofent les faits
qu’on va préfenter, & ceux qui ne difent rien en faveur de
ces mêmes fa its, déclarent iimplement qu’ils n’en font pas
inftruits. Suivant ces déportions:
i ° . Gernique ou Gernica appartenoit au Comte. L e D o
maine ( Cuiia) faifoit valoir une partie des terres , ôt le relie
avoit été donné à cens: aliam partem. . . . tenebant hommes
pro Comité. De Gernica. . . . vidit quoi terras quee finit fuper
futnum tenebat Curia ; cmnia alla erant acenfiata. . . . O data
per cordas, & c. O r Gernique étoit une ifle du Rhône entre
Tarafcon ôc Eeaucaire, ainti qu’il efb porté dans un traité du
Mem.p. 3S& 37 1 8 Avril i 176 , dont il a été parlé. Fattafuerunt fupra ficripta
omnia in infula de Gernica inter Tarafconem & Bellicadrum. O n
Ibid, p J6.
peut fe rapptllcr que le Comte de Provence y avoit tenu un
�ï 4P
plaid iclemnel en 1150 , pofiérieurement au traité de l ’an
1 12S > & en 1241 , tems où Eeauraire & sJrgence avoient paffé
entre les mains du H oi de lrance , en vertu du traité de
Paris de l’an 1229; elle appartenoit certainement au Comte
de Provence. Ce fut le lieu choifi pour rendre une Sentence t v. gu;11. h.-p^rde divorce entre Raimond V il. Comte de Touloufe , & Sancie édit, tie Catâi.
d/lrragon fa femme. L a Sentence auroit pu être rendue à
p1'
\
1
>/•
»
« La Chaife, Hifî. He
Montpellier, ou toutes les ram es sétoient rencontrées, oc s.Louis, 1.
où J affaire avoit été dilcutée: mais comme elle inte'reffoit l a ' ’ f
Cour de France, & quelle devoit lui déplaire , puifqu’elle
ne tendoit à rien moins qu’à faire perdre à yilphonfe, frere du
R o i , la fuccellïon du Comte de Tculoufe , dont il avoit époufé
la fille, on prit, pour rendre la Sentence, un lieu qui ne
dépendît en rien de la France, &. fille de Gernique fut choifie
comme le premier pofle dans les Etats de Provence. C e fu t . Ga<iumeieP«rpar cette conlldération que l ’Evêque deFoulcufe, qui avoic
accompagné ces Princes jufqu’à Eeaucaire, ne voulut jamais
en lortir, quelqu’inftance que lui en Ht le Com te. Audi en
reçut-il des remercirrens de la Cour de France. Au relie cette
fe'ancenedut être que l ’affaire de quelques heures, & pour
la forme : le lieu n’étoit pas propre à loger tant de Princes
& de Seigneuis ; & il parent, par le récit de l ’PJidorien , que
le Comte de loulonfe reprit tout de fuite la route de fes
Etats.
2°. L e Comte de Provence exigeoit à Tarafcon un péage
tant par eau que par terre , où l ’on tranfportoit les ballots
quipaffoient parla riviere, pour la vérification du péage -, 5c
les perfonnes mêmes qui étoient franches de cc péage, n’avoient pas la liberté d’acheter les marchandifes qui étoient
fur la riviere, ex quo erant in filo aquee, fans les faire trans
porter à terre pour éviter la fiaude & les aLus. Les con-.
c’e’ftvT
le méme
�ï fo
teftations auxquelles l’exaétion du péage donnoitlieu, étoient
jugées par les Officiers du Comte. L e Com te augmentoit ôc
diminuoit le taux de fon péage à fa volonté , quando volebat.
Il feroit difficile de trouver des actes plus formels de. pro
priété ; auffi voit-on continuellement dans les états de recette
des Comtes de Provence, des affignations de pendons fur le
péage de Tarafcon’, & la maniéré dont on l’exigeoit démontre
la domination du Com te fur le Rhône , qui en étoit le
théâtre & le véhicule.
3°. Ce Prince empêchoit les bateaux chargés de fel qui
venoient de Saint Gilles, de palier outre , &. les obligeoit de
s ’arrêter zTarafcon , &. il nefouffroit en aucune maniéré , nullo
àliquo modo Cornes fujlinebat, que ceux qui en avoient porté
par terre jufqu’à Tarafcon , le miflent fur le Rhône jufqu’à la
Durence, à Durentiâ citrà. Si le fleuve n’eût pas dépendu de
lui , & s’il n’avoit pas eu les moyens de faire exécuter fes
ordres , il y a apparence qu’on n’en auroit pas fait grand
cas.
4°. L e droit d’EJlurgeon appartenoit aux Comtes de Pro
vence , ôc avoit été par eux donné en gage à la Maifon de
Gantelme. V o ilà donc la pêche , ainfl que la navigation du
Rhône , foumife à leur domination.
5°. Enfin le péage de Lubieres appartenoit originairement
au C o m te; il exifloit encore en 1221 , des perfonnes qui y
avoient vu des Exacteurs pour lui. Les guerres qui furvinrent
en firent deffiner les fonds à la clôture de la V ille de
Tarafccn qui en jouit jufqu’à Pan i i p d , & qui mettoit an
nuellement ce péage aux enchères avec le droit de mefure.
Les Gentilshommes s’cn emparerent enfuite ; &. comme la
Communauté ne put y alléguer aucun droit, puifqu’il étoit
au C o m te, il leur fut adjugé par Sentence arbitrale ( de l’an
�I f*
^
i ipp ). Àinfi voilà encore un péage du Rhône qui appartenoic
inconteftablement à la Provence ; & fi cette propriété donnoic
lieu à quelque conteftation , ce n’étoit qu’entre des Provençaux
& comme Provençaux.
L a troiiiéme des pièces produites, eft une Sentence ar N. 6 prem._Re<3nêt«
bitrale rendue le 27 Novembre 1 2 2 1 , entre Raimond Berengert
Comte de Provence, d’une part, & les Seigneurs & Habitans
de Tarajcon , de l ’autre , fur leurs droits refpeêtifs. N ous
n'cn préfenterons que les articles qui intéreffent la queftion
préfente.
i®. On conferve le péage de trois fols par muid de fel
qui palfoit par eau devant Tarafcon, & la portion de ces
trois fois qui avoit été adjugée aux Seigneurs ; ôc à condition
que fi pour l ’intérêt des l'alins , ou par toute autre confidération, on venoit à défendre le tranfport du fel par ea u , on
dédommageroit les Seigneurs de leur portion , à dire d’E x °
perts; Cette condition de l ’intérêt des falins, pro commodo
falinariœ , fait voir qu’on com ptoit que la prohibition ne
pouvoit venir que de la part du Comte de Provence qui étoit
feul à y avoir intérêt ; & il eft clair qu’on ne l ’inféra que pour
prévenir l ’abus que fes Officiers ôc fes Miniftres auroient pu
faire de la claufe ou de l ’ufage, quiexcluoit les Seigneurs de
Tarafcon de tout droit fur le fel qu’on portoit par terre.
20. Si quelqu Habitant de Tarafcon ( ils étoient tous francs
du péage, ) acheté un bateau , ou une partie de bateau dans
le fl de Peau , il fera obligé de le conduire fur le rivage
&Avignon ou de Tarafcon.
3°. Si un Etranger relâche à Gernique avec un bateau ou
un radeau , le Comte y percevra fon péage ; 6c fi un H a
bitant de Tuiafcon en acheté quelque chofe , &r qu’il le
tranfporte dans la V ille , ce qu’il aura acheté fera franc de
�,
’1 ? 2
tout péage , tant pour le Vendeur, que pour T Acheteur;
4 °. Aucune denrée ni marchandée , pas même le f e l , ne
pourra être achetée dans le fil de l'eau , qu’elle n’ait été
mefurée ou péfée à Avignon, ou à Tarafcon.
j^ .S i un Etranger porte du fel par eau en fécret , pour
frauder le péage , le navire 6c le fel feront confifqués ; les
trois quarts de la confifcation appartiendront au C o m te, 6c
l ’autre quart à la Communauté: & le Comte fera punit le
coupable comme il le jugera à propos. Si la fraude efl commife par un Habitant de Tarafcon , la confifcation aura lieu
de même ; le coupable ne jouira plus de la franchife, 6c fa
perfonnefera livrée aux Confiais pour en faire'juftice.
6°. Enfin il étoit défendu à tout Habitant de Tarafcon, de
faire paffer fous fou nom des marchandifes qui appartînlfent à
des Etrangers res aliénas, [a) foit qu’elles vinifient de Marfeille,
de Montpellier ou d'ailleurs, tant en-delfius qu’en-deffüus.>
fous peine d’être privé avec toute fa poftèrité , de toute fran
chife du péage.
L a quatrième des pièces qu’on a citées , eft une nouvelle
tranfaétion palfiée le 7 de Septembre 1 226, entre le même
Comte ôc les mêmes Seigneurs ; ceux-ci lui remettent tous
les druits qu’ils avoient fur la V ille de Tarafcon , fous diffé
rentes referves , 6c entr’autres de leur ancien péage appellé
l ’ufage de Lubieres , 6c detous les droits qu’ils avoient fur l ’ille
de ce nom 6c fur fes dépendances. Jus pedagii antiqui.............
quodvocatur vulgariter ufaticum Luperiarum, G* jus quod habemus
in eadem infula & ejus pertinentiis.
( a ) Ce mot aliéna.!; étrangères doit fe rapporter aux Habitans de Tarafcon, qui
auroient voulu fauilement les faire palier lous leurs nom s, & non aux Pays d’où
venoientles marchandifes , comme l’a traduit le Défenfeur du Languedoc qui cherche
Iran la vérité, mais à tourner tout à fan avantage.
Toutes
�7 outes les re’flexions dont on pourroit accompagner ces
extraits, neferviroient qu’à affoiblir l ’impreflîon qu’ils doivent
avoir faite fur l ’efprit de tout Lecteur attentif. La propriété
du Rhône y éclate de toute part ; ides , péages , pêche, navi
gation j tout efl: entre les mains & fous la dépendance du Comte
de Provence : après cela ne doit-on pas être étonné d’entendre
dire au Languedoc , que cette affaire efl tout-à-fait étrangère
à la Caufe préfente ?
Les moyens qu’il emploit pour le prouver, font tout auiïî
linguliers. D e ce qu’on entendoit autrefois par péage, toute
forte d’impôts qui fe payoienr fur les marchandifes qu’on
tranfportoit d’un lieu à un autre , s’enfuit - il que le lieu
fur lequel l ’impofition étoit due, ne dépendît pas de celui au
profit duquel elle étoit le v é e ? O r, il eft viable parce qui a
été produit, que les denrées & marchandifes fujet tes à l ’im
pofition ou péage , y étoient afïiijetties en faveur du Com te
de Provence, dès quelles empruntoient la voye du R h ô n e , &
cela répond auffi à la derniere phrafe de cet article de l’examen
où il efl dit, les Comtes de Provence étoient les Maîtres de lever
chez eux , à Tarafcon eu ailleurs , des droits fur les denreés qu’on
y amenoit de Montpellier, de Beaucaire, ùr des Indes même,
feitpar terre, foit par mer, Joit par le Rhône y mais il ne s’enfuit
pas de-là qu'ils fujfent Propriétaires de Montpellier , des Indes,
de la mer ou du Rhône. Non fans doute: mais s’il étoit prouvé
qu’ils pereuffent l ’impofition à M ontpellier, comme il efl:
prouvé qu’ils la percevoient fur le R h ô n e, on feroit peu fondé
à leur en difputer la propriété.
Ainfi, toutes les pièces produites concourent à prouver la
jufîice de l ’Arrêt du Confcil d Etat du 31 Décembre 1670,
qui maintient un péage purement Provençal fur le Rhône; <3c
il n’a été produit pat la Provence qu’à caufe de cette maintey
�iÏ4
nue. C ’eftun fait confiant & de notoriété publique ] que ce
péage n’a jamais été levé , & ne fe leve aftuellement que fur
les marchandifes paffant fur le R h ô n e , de quelque part quelles
viennent, foit en m ontant, foit en defcendant.
§. I X .
Arrêts du Conftil des 24 Oâobre 1687
16$1..
L ’Arrêt de 1687 ne regarde que la grande brafliere du
R hône en-deflous de la V ille d’A rles, qu’on ne difpute pas
aujourd’hui : on l ’a produit fans doute , parce que le Langue
doc difputoit tout le cours du Rhône jufqu’à la mer: ainfi, ce
titre & les autres concernant la grande brafliere, a eu l ’effet
qu’on en attendoit.
L e fécond Arrêt ne regarde ôt ne peut regarder que la
partie contentieufe du R h ô n e , puifqu’il a été rendu à la re
quête des Procureurs du Pays de Provence , & qu’il porte un
abonnement avec eux pour des droits domaniaux aufquels ils
ont intérêt ; ils n’en auroient point, fi la chofe rcgardoit la
V ille d’Arles , dont l’adminiftration & les importions leur
font étrangères : ainfi la referve portée par l ’A rrê t, des illes
& crémens du Rhône , ne peut regarder que la partie conten
tieufe du fleuve ; & on a raifon de la donner comme une reconnoiffance portée par l ’A rrêt, des droits qu’a la Provence fur
cette portion du fleuve.
L eD éfen feu r du Languedoc confond ces deux Arrêts mala-propos ; le fécond n’eft point la fuite de l ’autre, comme il le
prétend: la redevance de 3J000 livres que le Pays de Provence
paye en exécution de l ’Arrêt de 16 9 1 , ne concerne nullement
la V ille ni le terroir d’A rles, qui paye de fon côté une autre
redevance d e ^ à y o o o livres en exécution de l ’Arrêt de 1(587.
\
�§. X
Arrêt du Confeil d’Etat du 22 Août 1690,
Exam.p. jso)
u
?.
O n ne s’arrêtera point à relever tout ce que dît le Langue
doc fur cet A rrêt, 6c les autres titres qui y font relatifs. Ses
objections ont été prévues & refutées dans les précedens écrits
de la Provence, où l ’on s’eft attaché à ne raifonner que d’a
près le texte même des Arrêts ôc des Lettres patentes dont il
s’agit ici: l’on ne pourroit faire à cet égard, que des répéti
tions inutiles.
Il réfulte donc de l ’examen des pièces qui forment ce fécond récapitulation-;
article dans le Mémoire du L anguedoc, que la Provence a Exa®.p. u>&fuir.
continué de jouir des iiles , des péages ôc de la pêche du
Rhône ; que quand le Languedoc a formé des prétentions
fur quelqu’une de ces propriétés par des voyes de fa it, il a
été contraint de les réparer, & que quand ces conteftations
ont été élevées par des moyens juridiques, il a eu ladre/fe,
ou le crédit d’en faire renvoyer la décifion. Il réfulte aufïï que
les droits de la Provence ont été reconnus une infinité de fois
par le Confeil du Roi ; 6c fi d’autres fois il a paru fe décider en
faveur du Languedoc, on doit efperer que les lumières four
nies par les écrits de la Provence , achèveront de l ’éclairer,
A R T I C L E
III.
Titres produits par la Provence fous la dénomination d'acles
pojjejjoires.
Le Languedoc cherche encore ici à établir l ’illufion qu’il
a voulu fe faire. De ce que pendant que les Rois de France de
.V ij
Em) p i 0j &
�t
{6
la première ôt de la fécondé race , ont été Maîtres de la Pro»
ve n ce, ôt depuis qu’ils l’ont été du R h ô n e, il conclut que la
Provence a perdu les droits qu’elle avoit fur le fleuve , à
moins qu'elle ne produife un titre qui lui en ait tranfmis la
propriété ; mais la Provence prouve au contraire que n’ayant
jamais perdu l ’exercice du droit quelle a voi t , foit qu’elle
ait été unie pu féparée de la Monarchie Françoife, elle n’a
befoin que de produire des aéles de jouiffance & de poffeffion.
Vainement on lui oppcfe de n’en produire que du 12e. fiécleOutre que les a £les antérieurs font rares ôt difficiles à trouver,
elle avoit cru y fuppléer par les monumens hirtoriques, qui
tous ôt comme de concert , font remonter la polTeffion de la
Provence , jufqu’aux tems les plus reculés , ôt d’une maniéré
inconfortable , au commencement du fixiéme fiécle, ôt avant
que la domination des Rois François s’approchât des bords
du Rhône ; car lorfqu’ils attaquèrent inutilement le Pont
d’Arles , cette V ille en étoit & en refta maîtreffe ; cependant
comme cette réponfe auroit pû ne pas fatisfaire le Languedoc,
îa Provence a bien voulu faire de nouvelles recherches qui
lui ont procuré une foule d’actes des 8e. 9e. 10e. ôt 1 1 e.
fiécles , qui montrent tous que les ifles du R h ôn e, compris
la Camargue , ainrt que le territoire d'Argerce , n’avoient
Exam . p.
jamais ceflé de faire partie du Comté d’Arles. Ainfi, la port’effion de la Camargue ôt de la grande brartierc du R h ôn e, eft
une continuation de l’ufage ancien , ôt non le fruit d’une ufurpation prétendue fondée fur le traité de partage de Pan 1125.
Une p e u t,y avoir de pcfieffion plus légitime, ni de meilleure
foi que celle dont jouit la Provence ; ôt li elle y a efiiiyé
quelque trouble, ce n’eft que dans les derniers fiécles, fans
qu’on en retrouve la moindre trace avant le 14e- Cependant il
paroitroit bien conféqueftt que le Languedoc qui veut faire
�r ?7
remonter fa poffeflion beaucoup plus haut, en produifit quel
que preuve , car il paroîtra toujours tingulier , que celui qui
fe prétend le véritable Propriétaire & avoir jo u i, ne donne
aucune preuve de fa prétendue jouiffance, tandis que l ’Adverfaire qu’il ne veut pas reconnoître , en trouve à chaque pas ,
de la Tienne propre: auffi les vains efforts du Languedoc pour
affoiblir une partie des titres produits par la Provence, n’an
noncent pas de plus grands fuccès pour ceux qu’il craint d’exa
miner en détail, &c fur la totalité defquels il fe contente de
jetter un coup d’œil rapide. Nous allons fuivre fa marche ôc
fa méthode , perfuadés que fi ce coup d’œil ne lui efl pas
favorable , on fendra que les titres de la Provence doivent
conferver toute leur force.
§. I. Actes relatifs aux droits des Archevêques Gr de VEglife Exam. i'. zoÆ,
d’Arles.
Ï 1eft vrai que la Provence a employé dans fon premier M é
moire , vingt-fept aéles qui font rélatifs aux droits des Arche
vêques & de IE glife d’Arles- L e Languedoc voudroit les
faire regarder comme étrangers à la Caufe préfente, par deux
raifons ; l’une, que ces titres poftérieurs à l ’an 112$ , ne
regardent prefque tous que la grande bralliere du Rhône ;
l ’autre , qu’ils étoient étrangers à la Provence & à fes Comtes ,
puifque ces Princes ne fe trouvent intéreffés aux droits doat
il s’agit, que depuis l’an 1251.
Mais 1 Q. les deux affertions contenues dans la première de
ces propofitions, font également bazardées, puifque de 27
titres indiqués, il y en a r 8 (a) qui ne regardent & ne peuvent
(
a)
J j
S ç a v o î r les N ° s . 1 ,
8, p,
io ,
m
,
ïz
,
9,
ij
1» ,
10
d e la p r e m i è r e R e q u ê t e , &
, 14 j i j >
16 &
18
de h
fé co n d e ..
les N ° - . i ,
i
�regarder que le petit Rhône & l ’ifle du Bois Comtal, dont la
fituation eft déterminée dans la partie contentieufe du Rhône»
à-peu-près à la hauteur de la réparation des terroirs d’Arles
'frie!'’ de 1Arch' & de T arafcon, par diverfes reconnoilTances paffées aux A r
chevêques d’Arles , entr’autres par Jean d’Arlatan & fes Succeffeurs, les 14 Décembre 1461 , 21 Novembre 1463,
Février 146^6^, 8 Janvier 1 4 7 7 , 3 8 Novembre 1 y 13 , & c.
Il n’eft pas plus vrai que les preuves fournies par la Pro
vence, ne remontent qu’à l ’an 112) , puifqu’indépendamment
des nouveaux titres qu’elle produit, & des monumens hifloriques qu’elle avoit indiqués , & qui font connoître quL/gernum & Argence étoient de la Province & du Comté d’Arles
dès le 6e. fiécle , elle avoit déjà cité la charte du Comte
Leibulfe, & le diplôme de Louis le Débonnaire des années 824
& %2<; qui prouvent la même ch ofe, & le don que l’Empe
reur Louis l'aveugle fît en ^20 à l ’Eglife d’A rles, du Port ÔC
du péage de cette V ille ; tous monumens qui détruifent l’affertiondu Languedoc. Quand on vçut tirer avantage des aveux
ou des productions de fes Adverfaires , il faut au moins être
exad à les rapporter ; ôc ce qu’on laiffe en arriéré, montre
qu’on ne fe croit pas en état d’y répondre.
i ° . L es privilèges ôc les Domaines dont jouifîoient les
Archevêques d’Arles , étoient étrangers aux Comtes de Pro
vence ; mais iis ne l’étoient, ni ne le font au Corps de la Pro.
vin ce, dont les premiers étoient un membre diftingué. L e Détxam.p.s8, us, jfengeur du Languedoc convient en plufieurs endroits, que le
Comté d’Arles dont les Archevêques de cette V ille jouiffoient en grande partie, étoit un F ie f de l ’Empire & de la
Couronne d’Arles,par conféquent les droits dont ils jouifîbient,
étoient un appanage ôc une dépendance de leur Comté : ôc il
eft indifférent au Languedoc de difcuter en quelles mains
�ns>
S o ien t ces droits, puifqu’ils partoient d’une fource qui lui
étoit totalement étrangère. Q ue diro it-il, fi la Provence lui
difputoit un Domaine , fous prétexte que ce Domaine avoit
appartenu aux Comtes d e A ^ e s , ou aux Seigneurs de Montpellier, & non aux Comtes de Touloufe ? Il répondroit que la
réunion de ces différens C o m tés, forme aujourd’hui la Pro
vince de Languedoc qui eft en droit de faire valoir les droits
de chacun contre des Etrangers ; qu’il fe peut que fes membres
ayent eu entr’e u x ,à cet égard, des difl'enfions particulières ;
mais que ces difienfions fortifient le droit du Corps, 6c donnent
l ’exclufion à tout Etranger. C e qu’il répondroit, il doit fup-i
pofer qu’on le lui répondra, Se fentir qu’il a mauvaife grâce
de vouloir fe futflituer aux droits des Archevêques d’A rles,,
qui ont été de tout tenrs reconnus pour Membres de la
Provence.
§. I I .
Actes rélatifs aux droits des Comtes de Provence.
fuiExaffl- p.-
*
L e Languedoc voudroit ici, comme dans l ’article précèdent,
faire croire que les qy titres qu’il défigne, ne regardent que
la grande brafiiere du Rhône , l’ifle de Camargue , & la terre
ferme de Provence, tandis qu’il y en a vingt de ceux-là qui sçavoîries nu#c.
ne regardent que le petit Rhône ou les ifies 6c péages del à 30,31,3,, 3S|.
partie contentieufe du fleuve. Ain fi , tous les railônnemens
s+ac iapr.R^.
*
'
e
t
h s Num. 17 & j i j
qu’il forme d’aprcs une faulfe fuppofition , tombent d’eux- d-'la fccondc».
mêmes, ou pour mieux dire, en comparant la fuite & l ’enfemble des pièces que la Provence a produites , on voit
qu’elle a eu de tous les tems fur la totalité du R hône, les
mêmes droits qu’on ne lui difpute plus fur la grande bralTiere
du fleuve, établiflèment de péages Se de cens fur les ifies,
�\6o
reglemens pour la pêche ôcc. ainll elle doit être maintenue
dans une poffeffion comme dans l ’autre.
Exam. p. 2 11 & fuiv.
§. I I I . sîdes relatifs aux entreprifes des Provençaux fur diffé
rentes if es, & divers crémens de la partie contentieufe du Rhône.
L e Languedoc convient que les vingt actes qu’il a rangés
fous cette clafte, intéreftent la queftion ; mais il remarque que
les objets n’ont jamais été poffedés fans trouble par la Provence;
& il cite pour le prouver , des procédures modernes qui n’an
noncent que l’avidité du Languedoc. On devoit s’attendre
que les aétes qu’il indique, auroient porté eux-m êm es les
traces des obftacles qu’il fuppofe à la poffeffion de la Provence;
Les Nam. 59 & 6
mais de tous ceux-là , il n’ y en a que deux qui faffent mention
de la pr. Requête.
de quelque oppofition de la part des Officiers de Languedoc.
T o u s les autres annoncent la poffeflion ôt la jouiffance la plus
taanquille ôt la plus confiante. E ff-on recevable à venir la
troubler au bout de y ou 6 fiécles ? E t ne faudroit-il pas,
pour la détruire , d’autres preuves, que des raifonnemens
vagues qui ne portent fur aucun fait folide ? T e l eft celui qui
fe renouvelle à chaque page de fon M ém oire, que parmi
tous ces actes il n’y en a aucun qui fuppofe que le droit de
propriété fur la totalité , ou fur la partie contentieufe du
Pvhône, ait été légitimement accordé à la Provence. Si par
accordé , on entend cédé , on a raifon : la Provence ne peut ni
produire ni admettre de ceffion pour des droits dont elle a
toujours joui fans trouble ôc fans obftacle , excepté dans les
derniers tems. Si au contraire on entend reconnu : quand eft-ce
qu’une jouiffance conftante & paiiible a eu befoin de reconnoiffance ? N ’eft-ce pas à celui qui veut la troubler, à prouver
qu’il y a porté obftacle l E t tant qu’il n’apporte point de preuves,
�i<5 t
la préfomption n’efl: - elle pas toute en faveur de celui qui
produit des aéles de pofieflion ? D ’ailleurs, peut-on dénier des
actes plus précis de reconnoiflance générale , que le traité de
partage de l’an 1 12 y , & celui de 1 1 7 6 , 6c les actes des années
1327 & 1333 , rapportés ci-defTus fous le §. II? L a maniéré
vidorieufe dont on fe flatte d’avoir répondu aux objedions
formées par le Languedoc , annonce le même fuccès contre
les nouvelles difficultés qu'il fe propofe d’élever dans la troi.
fiéme partie de fon Mémoire.
TROISIEME
PARTIE.
Examen des titres que la Provence prétend écarter
% réfuter, fo u s le nom de titres du Languedoc.
Eram. p. u s
& Cuir.
La Provence ne peut s’en prendre qu’au Languedoc dans
laconteftation préfente , puifqu’à proprement parler, ce n’efl;
ici qu’un différend de limites ; la Couronne dans quelque de
ces Provinces que le Rhône foit com pris, a les mêmes droits
de propriété & de Souveraineté fur le fleuve ; ainfi c’eft malà-propos qu’on la met fans cefie en C aufe, pour rendre celle
du Languedoc plus favorable. L a Provence protefte, comme
elle a toujours fa it, qu’elle ne réclame dans fes demandes que
les Amples droits que le Languedoc voudroit s’arroger, &
elle regarde la prétention de fon Adverfaire, aufli peu fondée
dans la forme que dans le fond. C e premier moyen elt le feul
qu’il ait jugé convenir à fa défenfe; on en fent la raifon ; il
faut encore le lui enlever > en examinant les pièces dont il
compte tirer avantage.
X
Exam. p. 11 fi
�I 62
A R T I C L E
P R E M I E R .
£xam.P. 217&fuîv- Lettres patentes du Roi Charles V I. du 30 Janvier 1380..
On ne dira qu’un mot fur ces Lettres , dont la fidélité efi:
ibid. p.;m.
d'autant plus fufpeéle, qu’elles n’ont été rapportées ni dans
l ’hiftoire du Languedoc ni dans le R ecu eil général des O r
donnances des Rois de France. Q u ’on en produife une copie
en forme , & qu’on cite le dépôt public où s’en trouve
l’original, jufques-là elles ne méritent aucune attention.
Quoique Paul de Nogaret, à qui elles font adrêflees, ne
feit pas un perfonnage imaginaire, comme on l’avoit cru ;
quoiqu’il tût été Maître des Eaux & Forêts des Sénéchaufiees
de Tculoufe & de Rigorre en 13766c 1 3 7 7 , il n’en réfulte pas
moins des recherches qu’a faites le Languedoc à fon occalion,
qu’il ne l’étoit plus en 1380 ; 6c quand il l’auioit é té , n’auroit-ce pas dû être plutôt au Maître de la Sénéchauiïêe de
Eeaucaire que les Lettres fuffent adreffées? Quand il l’auroit
é té , cette qualité auroit - elle fufii pour lui faire donner
le titre de Maître des Eaux du Roi du Pa.ys de Languedoc ?
T itre qui ne peut convenir qu’au Maître général des Eaux &
Forêts du même Pays. O n veut croire qu’il en exiftoit un
alors , & qu’on en a une fuite non interrompue depuis l’an
1308 ; mais il n’en efi pas moins fûr que Paul de Nogaret
n’étoit point alors revêtu de cette Charge; 6c dès quelle
étoic fur la tête d’un autre , la contradiction qui en réfuite
avec l ’adreffe des Lettres , marque la fuppofition de
celles-ci , qu’on fera toujours en droit de foupçonner , tant
qu’il n’en paroîtra pas une copie en forme judiciaire. O n fe
xéferve pour ce tems-là de montrer que ces Lettres prouvent.
�i e>3
trop ; car il paroît x°. qu’antérieurement & e n i 3 $ 3 & i 3 f 4 , '
le Roi de.France ôc. fes Officiers ne prctendoient pas exercer
leur Jurifdiclion fur toutes les ifles du Rhône : & 20. que ces
prétendues Lettres ne changent rien à l ’adminiftration de la
Voy. Mcm. <^c la
Provence, p. 6+ de
fuiv.
Ibid. p. 7 s & fuiY^
riviere, puifque poftérieurement à leur date, on voit les
Comtes de Provence y exercer les mêmes droits qu’ils y
avoient exercés auparavant. D ès-lors, que peut - on en con
clure ?
A R T I C L E
II.
Lettres patentes de la Reine M a r ie , du 9 Décembre 139$.
.
Ces Lettres patentes ont le même vice que celles de
Charles V I. On ne fçait d’où elles font tirées. O n n’en pro
duit aucune copie en forme , & certainement elles n’ont pas
été expédiées en François : outre qu’on n’en connoît aucune
de cette Princeffe en cette langue-là , les Sécretaires de fon
Confeil ne lui auroient pas donné le titre de Comteffe de
Remi, nom par lequel un ignorant a cru traduire le mot
Ronciaci qui veut dire Roucy , ôc qui exifte ou qu’on a fuppofé
exifter dans l’original; c’eft cet original qu’il faut v o ir, ÔC
d’autant m ieux, que les preuves qu’on veut en tirer, ne por
tent que fur la valeur de certaines expreffions ; la traduction
qu’on en donne ne rend que le fens qu’il a plû au Traduéteur
de leur attribuer.
Dans l ’état même elles ne décident rien que ce qui étoit
déjà décidé , ôc ne donnent aucun nouveau droit aux Parties :
on voit même qu’elles fuppofent que chacune en avoit fuivant les quartiers. Comme . . . . . n ’a guères , y eft il d it,
pour le dijlourbier dé/hnamy de Severac . . . nous avons
fait faire plufieurs exploits fu r la riviere du R h ô n e , fçavoir ;
X ij
I
�164
fa ifo n s , que ce que nous
P orts
du
R oyaume
TOUCHER
LA
GNEUR l e
R o i , Grc.
; . . .
et
SEIGNEURIE
en
y avons fa it faire
t a n t
ET
que
tou ch e
JüRISDICTION
DE
sur
et
les
peut
M ONSEI
Pour Ravoir quel avantage on peut en tirer, il faut connoître la partie du Rhône fur laquelle les Troupes de la Reine
M arie avoient du faire des exploits contre Am aury de SeveracC e ne pouvoir pas être dans 1a partie inférieure du fleuve,
puifque non-feulement il auroit eû deux bras de la riviere â
pafler, mais qu’il avoit encore un grand intérêt à ménager
ce canton-là ; car Raimond de Turenne s’étoit engagé, par un
traité avec la V ille d’Arles , à ne point envoyer ni faire pafler
des Troupes fur le territoire de cette V ille qui s’étend depuis
Anpr^b. <fr ce traite
par la Reine Marie'du
7 Gct. 1 ,9 6 . & par
J-ou s i.'. A rch iv . de
l*Mô:cl de V ille
d’ Arles.
celui de Tarafcon jufqu’à la m er, à condition quelle lui
donnât 50 écus d’or ôc 15 faumées ou 45 feptiers de bled par
mois. Am aury de Severac dut donc chercher à pafler le Rhône
aux environs de Beaucaire ou au-deiïus. Ecoutons le récit que
fait de cette expédition l ’Hiftonen du Languedoc ( L . 23 ,
§. 64 , tit. 4 , pag. 414. )
M ém .p . 75 & fuiv.
» Amaury de Severac & plufieurs autres Seigneurs de
» Rouergue fe liguèrent avec le Vicom te de T urenne, &c
» s’engagèrent de marcher à fon fecours malgré la défenfe
3» que le R oi en avoit faite ; enforte qu’ils dévoient pafler le
» Rhône au nombre de trois mille hommes, pour aller faire.
» la guerre en Provence contre le R.oi & la Reine de Sicile»
L e R o i informé de cette lig u e, ordonna au Sénéchal de Beau» c a ire ,le 19 Juillet de l ’an 1358 , d’empêcher que perfonne.
■»ne paffât le Rhône , de combattre Amaury de Severac , & de.
» fe faiflr de fa perfonne & de ceux de fa fuite. Raimond de.
» Turenne privé de ce renfort, tenta de fe rendre maître du
» Pont Saint Efprit ; mais l ’entreprife manqua, il s’empara
�» néanmoins
du lieu cîe Bays en Vivarais , 8 c établit fa place , Au ro Mars
•S
.
.
r
([ 3 SC). Cet exemple
» d’armes au Château de Eou?ois en V êlai. qui lui apparte-.VHéprisat*.ha,vi,dà
» n o it, & d’où ii continua la guerre dans tous les environs.
Il eft clair par ce récit, qu ’Amaury deSeverac s’étoit arrangé
pour palier le Rhône aux environs de Beaucaire , ôc que trou
vant les p aliages fermés, il remonta la riviere, foit pour
épier la facilité de la traverfer, foit pour fe répandre aux
environs, foit pour les piller. Il eft de même dans l ’ordre des
cholps que la flotte (a) armée par la Reine Marie , pour s’oppofer à ce paflage , ignorant les véritables vues de l’Ennemi >
&: lui fuppofant toujours l'intention de palier en Provence ?
ait fuivi fa marche depuis Beaucaire jufqu’au Pont Saint Efprit
& au-defîiis ; & fe trouvant alors au milieu des Etats du R oi
de France, ii eft tout Ample qu’elle ait donné l ’efpece de
Lettres reverfales qu’on cite ; dans le fond m êm e, elles ne
regardent pas les exploits qui avoient été faits fur le R h ô n e,
mais feulement ce qu’elle y avait fait faire fur les Ports du
Royaume. O r , il fe peut très-bien que les Troupes qui montoient les bâtimens euflent. mis pied à terre ôc fait ou des
efpe’ces de redoutes ou d’autres ouvrages propres à éloigner
l’Ennemi des endroits qui auroient favorifé fon paflage ; ôc
c’eft même-là le fens le plus naturel de ces Lettres.
Quoiqu’il en fo it, il faut les accorder avec le3 autres monumens de cette Princefle ; & très-certainement un abandon
abfolu du Rhône de fa part eft inconciliable avec, les preuves
de propriété, de Jurifdiélion ou de Souveraineté qui ont été
produites d’après le journal de l ’Evêque de Chartres fon Chan
celier, non plus qu’avec celles qu’il fournit encore,. O n doit:
(a) F/ïanutcnendo Cf nmlagsndo ncives . . . . Cf barcar foldèndo pro dsfjenfione
ift’ Rhodano paf.agii gentiurn Tburonenjïum. prædiôlarum, C sc. Quittance de là. Reine
Marie du 15 Murs 1 jso >, Arch, de l.’Hotel de Ville d’Arles.
�i 66
remarquer furtout entre les premières, les Lettres démarqué
accordées à deux Habitans dcTarafcon contre les Catalans qui
navigueroient fur le Rhône , fuper Catalanos navigantes per
Rhodanum ; ôt parmi les fécondés , de nouvelles Lettres de
marque accordées aux Habitans d Arles le 21 Février 138J
( i j S t f ,) un traité fait le 2 de Mars fuivant, par lequel le
bâtard de Terride d evoit, dans tout le mois courant, faire
palier le Rhône à quarante Bacinets (a) , la Reine fourniffant
les navires ; enfin le détail de l ’arrivée de la Reine à Arles
qu’il faut entendre dans le langage original.
» Ce jour ( 5 Décembre 138 j ) Madame partit du Pont de
Journ. k•■ifip.fii.
$o C7 verjh,
» Sorgue par eaue, vint au Pont d'Avignon. L à vint en fon
» batel Melïire Enguerran de Cadin ( qui étoit alors Séné» chai (b) de Beaucaire,) ôte. Je entre au batel de Madame
» ôc vcnifmes à Beaucaire, ôt avant que nous fuffiens à Beau~
» caire , trois barques armées de ceulx d’Arles nous furent
» au devant pour tenir obftacle devant Tarafcon ( qui tenoit le
» parti de Charles de Duras. )
» L e quart jour dîna Madame à Beaucaire ; après dîner nous
» mifmes à chemin par eaue pardevant Tarafcon , les barques
» armées paffant devant, ôte. « V oilà un fait bien confiant
paffé devant le principal Officier du R o i de France , qui ne
fit ni difficulté ni réclamation, ôc rapporté Amplement par
un Tém oin oculaire digne de toute créance par fon état ÔC
par fa p la c e , ôt qui n’imaginoit certainement pas que de
Amples notes qu’il ne prenoit que pour fon ufage , duffent un
jour être produites en Juftice. Dans la fappofition que le
R hône dépendoit de la Provence, tout eft en réglé dans ce
( a ) Et il d o it dedans
M a d a m e liv ra n t n a v ire .
fin de ce mois mettre xi. bacines oultre le Rhône ,
{b ) V. Hilt. de Nîmes , fucc. chron. à la fin du lîxiéme vol, p. f,
a
�1
récit : Dans l ’hipotèfe contraire, tout eft contradictoire. Les
.Villes de Provence avoient feules des bâtimens armés en
guerre fur le Rhône. Si Beaucaire en avoit e u , le Sénéchal
les eût envoyés. Cette précaution fuppofe même que Tarafcon en avoit armé de fon cô té ; & h le Rhône eût appartenu
exclufivement au L an gu ed oc, les Officiers de cette Pro
vince n’auroient pas fouffert que des Etrangers fe fuffent fait
la guerre fur un fleuve de leur dépendance, dont ç’auroit été
à eux de protéger la navigation.
E t qu’on ne dife pas que la Cour de France , entièrement
dévouée à celle de Sicile, fermoit les yeux fur tout ce qui
pouvoit la blefîer. L e voyage du Sénéchal de Beaucaire auprès
de la Reine Marie de Blois, montre que fon affection étoit
fubordonnée à d’autres intérêts , puifqu’ii n’avoit pour
objet que de s’excufer (a) pour des chofcs qu’il avoit faites
contre ceux de la R eine, fur les ordres qu’il en avoit reçus par
écrit du R o i & du D uc de Berry ; & l’on peut fe rappeller
que les Minières de France témoignèrent à ceux de Sicile le
mécontentement de leur M aître, fur ce que le Château de
Voy. Mém. p. yî,-
Tarafcon étoit trop femblable aux flens. Quand on pouffe la
jaloufie de l ’autorité jufqu’à de pareilles minuties, fur lefquelles on n’a point de droit, il efb hors de doute qu’on n’eff
pas difpofé à fouflrir la moindre atteinte à une autorité
légitime.
L ’on ne peut pas dire non plus que la Reine Marie dûtdonner d’autres Lettres reverfales pour le voyage qu'elle fit
fur le Rhône en 1 58 > ; il n’en exifie aucune trace dans les
mémoires de fon Chancelier, qui avoit pourtant l ’attention
(a )
Là
w â o r it a te
Joutn. al.
vint
en
fon
b a te l jlî rc, F r.- n e r r a n c!e C a d in ,
R e g i s F ra n cin e.
fu jjr,
fo y
D u c i s B i t u r i c e n f i s , d ic e n s f e
e x e u fa n t
v er
d e f a f l i s , q u ia
H u e r a s o fien C u ru m
J
I
�1 68
icTy marquer les plus petits évenemens, comme la permîffioni
donnée à un Notaire d’expédier des atles tirés du protocole
d’un de fes Confrères. Son journal eft connu , confervé dans
un dépôt public , ôc communiqué à tous ceux qui veulent le
confulter. Q u ’on y fafle les perquifitions les plus exaétes ,
on y trouvera d’une part mille preuves que la Reine fa
Maîtreffe difpofoit des divers péages du R h ôn e, comme d’une
chofe à elle appartenante ; & de l ’autre , on n’y en trouvera
aucune , ni que cette propriété lui fût dilputée, ni que
perfonne voulût la partager avec elle.
M a is, dira-t-on , comment y trouver note des reverfales qui
durent être expédiées en 138?, puifqu’on n’y en trouve pas
non plus de celles qui le furent réellement en 1398 ? A-t-on
oublié que ce journal finit au t 3 de Juin 1388 ? E h ! plût à
D ieu qu’il eût été continué jufqu’à l ’époque dont il eft ici
queftion ! on y trouveroit certainement la folution des
difficultés qu’on oppofe à la Provence.
D e ce que le Vicom te de Turenne ne devoit attaquer que
la Provence, il fa llo it, dit-on, qu’il paflât le Rhône audefîous de la Durence , fans quoi il n’auroit pas été plus
avancé , puifqu’il auroit eu encore cette derniere riviere à
traverfer. En effet, au mois de Septembre de cette même
année 13 9 8 , il traverfa le Rhône au Pont Samt Efprit avec
le Maréchal de Bcucicaut qui alloit affieger Benoît X III. dans
Avignon , fans qu’il ait fongé alors à attaquer la Provence ;
fit de-là on conclut que les exploits que la Reine Marie dût
faire fur le Rhône , ôc les Lettres qu’elle donna en conféquence , ne peuvent regarder que la partie du fleuve inférieure
à la Durence.
I l eft vrai que le chemin qu’on indique étoit le plus court
qu’eût eu à tenir le Vicom te de Turenne ; mais il n’en eft pas
moins
�moins vrai qu'ayant été arrêté par les difpofitions que Te
Sénéchal de Beaucaire avoit faites , il fe vit obligé de re
monter jufqu’en Vivaraxs , où il ne lui fut pas plus aifé de
paffer le Rhône. P eu t-être n’étoit-ce pas fon deffein, mais
on eft en droit de le lui fuppofer , comme on étoit alors fondé
à le croire. L ’obftacle de la Durence, qu’on fait valoir , n’en eft
pas un au mois de J u ille t, tems où l’hiftoire du Languedoc
rapporte cette expédition , & où il eft aifé de palier cette
riviere à gué en mille endroits. Enfin l ’exemple de ce qui fe
paffa au mois de Septembre fuivant, eft mal ch o ifi, puifqu’à cette derniere époque Turenne étoit joint avec les T ro u
pes de France, ce qui lui donna la facilité de paffer le R hône
au Pont du Saint Efpnt. L e Général François n’eût pas permis
qu’il s’en fût féparé pour aller vexer un Prince qui é t o it ,
pour ainfi dire , fous la protection de la Couronne ; au lieu
qu’au tems <FAmaury de Severac, il étoit également ennemi de
la France. Les guerres de ce temsdà ne confiftoient qu’en des
expéditions paflageres , après lefquelles les différens Chefs
paffoient fouvent à la folde des mêmes Princes qu’ils ve-,
noient d’attaquer.
A R T I C L E
III.
Sur les Lettres patentes du Roi Charles F I I L du 2S Août
14B8, que nous avions dattées par erreur de 1388
dans notre premier Mémoire.
L e Languedoc remarque, page 2 3 3 , que quoique le R o i
fût alors, (y depuis plus d'un fiéde , Souverain du Dauphiné,
les Officiers de cette Province n’en font pas moins blâmés dans
ces Lettres de Charles V U L d'avoir étendu leur Jurifdiction
Exafti. p.
�’v jô
fur le Rhône , G* qu'il y ejl déclaré pofitivement que le Roi même
comme Dauphin , ny avoit ni Jurifdiclion ni Seigneurie, G’c.
O r , il ne faut rien de plus pour démontrer que le R o i
n ayant jamais fait une pareille déclaration à l’égard du
Rhône dans la partie de Provence , &; au contraire cette por
tion du fleuve ayant toujours été adniiniftrée par les Ofliciers
R oyaux de Provence ou par le R o i comme Comte de Pro
ven ce, après la réunion de cette Province à la Couronne :
c ’eft une preuve convaincante que la partie du Rhône qui
coule le long de la P rovence, a toujours été diftinguée de
celle qui coule le long du Dauphiné, & que le fens ni l’objet
de ces Lettres ne peut être appliqué à la Provence.
Pour tâcher de prévenir cette conféquence qu’il n’étoit
pas difficile de prévoir, l'Ecrivain du Languedoc cherche à
perfuader que la Provence peut être comprife fous ces termes
généraux des Lettres de 1488 , tant vers le. Dauphiné comme
en quelconques autres parties : mais outre que ces autres parties
peuvent fe référer , foit à la Savoye , foit au Com té de
Venaijfin , il eft évident quelles ne peuvent avoir leur
application à la Provence , puifque dans ce fens elles embrafferoient la partie du Rhône depuis le commencement du ter
ritoire d’ /Jrles jufqu’à la mer ; & comme le Défenfeur le plus
zélé du Languedoc eft obligé d'avouer que la grande brafliere
du Rhône depuis Arles jufqu’à la mer a inconteftablemenr
appartenu aux Comtes de Provence , il ne lui refte ni pré
texte ni raifon de traiter différemment la partie fupérieure du
même fleuve depuis la Durence jufqu'à slrles.
Ainfl lorfqu’il termine cet article de fon examen en difant
(page 236) que le R o i Charles F I I I . a déclaré en 1488 >
qu’il n’avoit aucun droit fur le R hône comme Dauphin, G*
par conféquent comme Comte de Provence, ces derniers mots
�17 1
font une addition que cet Ecrivain provenu fait de fon chef,
de même que la diflin&ion qu’ii lui plaît d’établir entre les
deux parties ci-deffus du Rhône ; & l ’on s’appercevra aifément que le Languedoc en a fouvent ufé ainfi dans le cours
de ce long ouvrage i il commence par fubftituer fes propres
idées aux termes des titres qu’il exam ine, après quoi il les
réfume dans la conclufion , comme fi ces idées étoient deve
nues des vérités, quoi quelles n’ayent pour garant que fon
alfertion ou le befoin de fa caufe.
A R T I C L E
I V.
Sur VArrêt du Parlement de Touloufe du 8 Mars 14^3.
C ’eft peut-être un des articles dans lequel le Languedoc
a marqué plus de confiance, & dans lequel il eft le plus aifé
de montrer combien fon fyftême eil inconcluant.
iS . Il avance que l ’Arrêt du Parlement de Touloufe a eu
fon effet & n’a pas été contredit par des Jugemens con
traires des Tribunaux de Provence, tandis qu’il a dû lire dans
les Lettres patentes de Louis X I I . du 13 A vril r y o p , ces
termes bien pofitifs qu’il a évité de tranferire: Vû G confideré
que Arrêts G Jugemens contraires en ladite matière , ont été
donnés G prononcés, tant en notre Cour de Parlement de Tou
louse que de Provence, par quoi le différend a demeuré G de
meure fans aucuns définition , G c.
20. Il veut faire entendre que les Jugemens qui ont déclaré
que des portions de Rhône ou de fes ifles êt crémens étoient du
territoire de Provence,ne font pas contraires à l’Arrêt du Parle
ment deTculoufe,parce que, dit-il, cetArrêt n’eft pas intervenu
entre des Particuliers , mais a Amplement déclaré que le R oi
r«m.
�172
comme R o i de F ran ce, ôc à caufe de fa Couronne, étoit
Seigneur du Rhône Ôc de tout fon cours. Mais puifque lors
des differens Jugemens qui ont été rendus fur des portions du
Rhône ôc de ffs ides ôc crétuens, il a été queftion de fçavoir
& de décider fi ces propriétés étoient comprifes dans le teriitoire de Provence ou dans celui du Languedoc , n’eft-il pas
fenfible que les Jugemens donnés en faveur du territoire de
Provence ont décidé la même queftion des limites dont il
s’agit aujourd’hui ?
3°. L e Défenfeur du Languedoc foutient que l'Arrêt de
1493 a eu fa pleine exécution, fous le prétexte qu’il le
trouve énoncé dans des Lettres patentes ou des Jugemens
poftéricurs, ôc fin e fait pas attention que ces mêmes Juge
mens ayant décidé,nonobftant le vû de cetArrêt, que lesParties
contentieufes étoient dans le territoire de Provence , c’eft
précifément ce qui prouve que l ’Arrêt de 1493 n’a pas paru
être un obftacle à cette décifion , ôc n’a été regardé que
comme une entreprife des Officiers du Languedoc , pour
étendre leur Jurifdiction. L e R o i n’avoit fans doute pas befoin de leur témoignage pour maintenir fa fouveraineté fur
le Rhône vis-à-vis de la Provence, puifqu’il étoit Souverain
de cette Province aufti bien que du Languedoc : ôc n’avonsnous pas eu raifon de dire que ce font les Jugemens rendus
en faveur du territoire de Provence , qui ont eu vraiment leur
pleine ôc entière exécution, puifqu’en conséquence nous
avons réellement ôc conftamment poiTedé les terreins adjugés
aux Provençaux ; enfbrte que la différence notable qu’il y a ici
entre la défenfe du Languedoc ôc la n ô tre, c’eft que Pexé’cution dont parle le Languedoc , ne réfide, quant à la P ro
vence , que dans les mots ôc dans les énonciations qui ont
4 té faites de l’A rrêt de 1493 ? au lieu que l ’exécution fur
�171
laquelle nous nous appuyons, eft dans l ’effet même des Jugemens contraires à cet Arrêt ôc dans la poffeffion réelle ôc
de fait qui les a fuivis.
4 R L e Défenfeur du Languedoc fe permet de dire ( page
24.7 ) au fujet des deux Arrêts du Grand Gonfeil de 1 J87 ôc
i6op , qu’il ejl vrai que le Procureur Général du Grand Confeil
trompé par les Provençaux, adopta leurs raifonnemens £r leurs
fables même , Or qu’il donna des concluions en leur faveur ; qu’il
efl vrai auffi que l’Arrêt du Parlement de Touloufe fut regardé
comme nul, (ère. T e lle eft la méthode ordinaire du Langue
doc ; il traite d’erreurs & de fables tout ce qui eft jugé contrer
l u i , & il ne trouve creance ôc vérité que dans ce qu’il juge
à propos d’alleguer pour fon intérêt. Mais le Grand Confeil
étoit fans contredit le Juge compétent de la conteftation ,
ôc pour juger le différend que les Arrêts ôc Jugemens con
traires des Cours de Touloufe ôc de Provence avoient laiffé
indécis , puifque ce fut-là précifément l ’objet de l’évocation
ôc du renvoi au Grand C o n fe il, portés par les Lettres pa
tentes de 1 j 09.
5°. Combien d’autres témoignages n’avons-nous pas que le
R o i lui même j malgré l ’Arrêt du Parlement de Touloufe de
1493 > a penfé , ainfi que fon Procureur Général au Grand
C o n fe il, qu’il avoir des illes , iflots Ôc crémens , des péages
ôc ports du Rhône dans fon Domaine de Provence , puifqu’il
en a fait des ventes ôc concédions fous ce titre, notamment
en 1545 pour le Port de Confolde,e.n 1744 pour les illes ôc
accroiffemens de la riviere du Rhône dans le terroir de Bonibon , ôc en 1
pour les illes , iilons Ôc attériffemens de la
rivière du Rhône appartenais à Sa Majefté dans fon Pays de
Provence. N e feroit-il pas abfurde de penfer , comme v eu droit le perfuader le Languedoc , que le Grand Confeil eût
�-----------------------------------------
4
dépouillé nos R ois des droits de leur Couronne, & quils
s’en fuffent eux- mêmes dépouillés par ces divers a&es, fous
le prétexte qu’ils exerçoient ces droits comme étant de leur
Domaine de Provence ? E t n’eft-il pas plus extraordinaire
encore de repréfenter les Provençaux comme attaquant les
droits du R o i fie de la Couronne, tandis qu’ils défendent des
pofTefTions qui leur ont été accordées ou confirmées par nos
R ois eux-mêmes, ou par le Tribunal qu’ils avoient commis
pour en décider définitivement ?
Ixam. p. i48&fuW*
A R T I C L E
V.
Sur VArrêt du Confeil du 26 Juillet 1681.
D ès que le Languedoc convient que cet Arrêt ne dit pas,
ainfi qu’il l’avoit annoncé , qu’il foit fondé fur ce que le
Rhône fait partie de ladite Province d’un bord à l’ autre, cet aveu
fuflit pour juftifier le reproche que nous lui avons fait d’a
voir ajouté cette énonciation de fon c h e f, 6c le Languedoc
eft forcé de faire ici un autre aveu bien plus décifif, c ’eft
que quoiqu’en qualité de Subrogé au bail général de Violet,
il ait perçu le franc-fief des illes du Mouton , la Provence
n’ en perçoitpas moins les tailles fur ces memes ifles. O r , c’eft-là
le point qui influe véritablement fur la queftîon préfente »
parce que la taille étant l’impofition réelle 6c territoriale,
la perception de la taille démontre que ces ifles, depuis leur
origine , n’ont jamais ceffé d’êre poffedées ôc regardées comme
étant du territoire de Provence.
L e Languedoc peut-il, après cela , fe flatter de fe débatvaffer de ce point de fait avoué , ôc de la conféquence nécefîaire qui en réfulte fur le d ro it, en répondant que depuis
-
�quelques années la Communauté d’Aramont, en Languedoc;
a intenté Procès à celle de Barbentane, pour lui enlever la
taille de ces ifles ? Il ne relie plus qua fçavoir fi la fimple
prétention ou tentative d’une Communauté du Languedoc ,
excitée ou foutenue parles E tats, elt capable d’effacer une
poffellion que la Provence a eue dans tous les tem s, ou fi
au contraire nous ne fommes pas en droit de conclure de cettè
ancienne & invariable polfefïion , que le Languedoc n’eft
arrêté par aucune barrière.
A R T I C L E
VI .
Exam. p. u s & foW
Sur VArrêt du Confcil du 8 Mai 1691.
L es mêmes raifons que nous avons données fur l ’article
précédent, s’appliquent à celu i-ci, & il faut furtout ne pas
perdre de vûe deux réflexions..
L a première, elt qu’il n’ell pas extaordinaire que le R o i
faifant un bail général des droits de fon Domaine en L an
guedoc , y ait compris les ifles & crémens du Rhône dans la
très-petite partie qui fe trouve depuis la Durence jufqu’au
terroir d'A rles, pour la joindre à toute la partie firpérieure,
tant vis-à-vis le Comté de Venaijjili que vis-à-vis le Dauphiné s
dont le Languedoc étoit en pofleffion , & dont l’étendue ell
infiniment plus confidérable que celle de la partie dont il
s’a g it, qui n’embraffe qu’une longueur de quatre à cinq lieues ;
mais cet arrangement de Finance n’a changé ni altéré en rien
la perception des tailles qui dépend de l ’encadallrement ter
ritorial, & qui a toujours été continué en Provence fur ces
mêmes terreins ; d’où il fuit clairement que cet arrangement
particulier à l ’objet des Finances, n’a eu & ne peut avoir
�17 ^
aucune influence fur la queflion des limites des deux Pro-*
vinces.
L a fécondé réflexion eft que lorfqu’on a oppofé au Lan
guedoc l’exception que l’Arrêt même de 1691 a faite des droits
relatifs au terroir d'slrks , il a répondu dans une requête du
2 j Octobre 176? , que la V ille d’A^rles a des titres de concefllon qui lui font particuliers, 6c que c’eft ce qui a opéré
en fa faveur cette exception.
Aujourd’hui le Languedoc veut faire entendre que c’eft
par pure condefcendance que la V ille d'Arles a été maintenue
dans toute l’étendue de fon territoire , fur cette partie du
Rhône , ôt que cette poffeîlion n’a qu’une fource abulive ÔC
illégitime dans l’aête de partage de 112$ ; par-là il eft évident
que le Languedoc revient fur fes p as, 6c élude totalement
l ’objeétion qui lui a été faite , ôc qui conflfte en ce que ,
puifqu il eft forcé de reconnoître que la V ille d'Arles a des
titres particuliers qui lui ont procuré la maintenue fur cette
partie du R h ô n e , ces titres étant émanés des Comtes de
Provence 6c de la même autorité que ceux que nous appor
tons pour la partie fupérieure depuis la Durence jufqu’au
territoire d’ A rles, il faut parconféquent que le Languedoc
reconnoilfe en même-tems, 6c par la même raifon , l’effet ôc
la valeur de ces titres pour une partie comme pour l ’autre.
D ’ailleurs l’Ecrivain du Languedoc fait i c i , comme dans
beaucoup d’autres endroits , une équivoque, en ce qu’il
affecte de croire que l ’exception faite en faveur du territoire
d'Arles , ne regarde que la grande braffiere du Rhône , ou la
partie du fleuve inférieure à cette V ille , ôc par-là il cherche
à fe dégager d'un grand nombre de titres , en répondant qu’ils
font étrangers à la partie contentieufe du Rhône , tandis
flu’il n’a pas dû ignorer un fait aulfl notoire que confiant ;
fcavoir
�*77
fçavoir que le territoire d'Arles commence plus d’une lieue
au-deflus de la V ille &: du point où le Rhône fe divife en
deux branches, de que parmi les titres produits concernans
le territoire d’Arles , il y en a plufieurs qui s’appliquent précifément à cette partie fupérieure, tels que l ’Arrêt du Grand
Confeil de 1609, celui du Confeil d’Etat de 1692 , ôc tous
ceux qui concernent l ’ifle du bois Comtal, lefquels titres font
par conféquent relatifs à la partie du Rhône contentieufe.
A l ’égard de l ’Arrêt de 174.3 > contre la Communauté de
Alontdragon, il fuffit de fe référer à l ’obfervation qui a été
faite, que cette Communauté étant fituée au-deflus de la
Dur once, ayant fon territoire enclavé entre le Dauphiné & le
Comtat F^enaiffen , & étant d’ailleurs indépendante de
l ’adminiflration des Etats de Provence , c’efl un exemple
particulier qui ne peut intéreffer la Caufe préfente.
A R T I C L E
VI I .
Arrêts du Confeil regardés comme étrangers, oucommedejîmples £*am.p. 144&hiv.
Arrêts déformé.
L e Languedoc a fans celle deux poids & deux mefures. Il a
fait valoir comme un point fondamental, lors des Arrêts
qu’il a obtenus contre le Dauphiné, que les terreins con
tentieux avec cette Province , étoient encadaftrés & payoient
la taille en Languedoc , & il ne veut pas que nous employons
efficacement le même argument contre lui.
Quant aux Arrêts rendus contre le Comtat, il lui plaît de
conjecturer que lî cet Etat n’eût pas été réuni à la France,
peut-être nous ferions venus au fecours des anciennes pré
tentions du Comtat fur le Rhône > & il ne daigne pas conZ
�. 178
fidérer que tien avant qu’il fût queftion de cette réunion , &
que nous pufflons la prévoir, nous avons déclaré très-pofltivem en t, ôt prouvé que le Pape ôt fes Sujets n’avoient aucun
droit fur le fleuve.
D ’un autre côté , il préfuppofe contre la notoriété ôt
contre la propre connoiflance de tous les Languedociens qui
habitent le long du R h ô n e , que les péages de Provence
établis fur le Rhône , ôt qui n’ont jamais été impofés en
L an guedoc, ne font perçus que fur terre , ôt il fe livre à cette
préfuppofition dans la vue d’en induire que l’impoP.tion que
la Provence perçoit fur ces péages, ne conclut rien pour la
propriété du R h ô n e , ôt qu’ils font dans un cas différent des
péages du D u c de Valenùnois , dont l ’impofition a été
adjugée au Languedoc : d’où il fuit qu’étant au contraire
confiant que nos p éages, tels que ceux de Lubieres, des Celejlins, d’Arles ôt du Baron, fe lèvent fur la riviere du Rhône ,
ôt qu’ils n’ont jamais été impofés en Languedoc , la vraye
conclufion qu’il faut tirer de ce fait, eft que ces péages ont
été regardés comme valablement établis par nos anciens
Comtes fur le fleuve, ôt comme dépendans d elà Provence
ôt de fon territoire , ôt que les Arrêts obtenus contre le
D u c de Valenùnois, bien loin de pouvoir nous être oppofés,
fe tournent en notre faveur par la raifon des contraires.
Enfin fous le prétexte que par des Arrêts de forme de 17 j 6
ôt 1 7 5 8 , le Languedoc a été reçu Oppofant à l’Arrêt
du Confeil de 1690 , il met au nombre de fes titres ces Arrêts
de forme ; il défaprouveroit fans doute que nous en ufaflions
de même pour l’Arrêt du 21 Août 1 7 6 4 , q u ia admis plus
récemment notre Requête envers l’Arrêt de 1724: ôt en un
m ot, il veut que fa prétention lui ferve de préjugé par fa
hardieffe même qui le porte à attaquer des Arrêts rendus
�179
depuis des ficelés, ôc une poffeflion de tous les tems.
A R T I C L E
V I I I .
Arrêt du Confeil du 26 Juin 1724.
Remarquons d’abord que le Languedoc n’a plus contefté
ici nos moyens de contrariété, ni de Requête civile ,en point de
D r o it, ni du coté de la forme , quoiqu'il eût tenté de les
attaquer dans fa précédente Requête. Il fe replie aujourd’hui
à dire que l ’Arrêt de 1724. n’eft pas contraire aux Jugemens
que nous lui oppofons, parce qu e, dit-il, les uns regardent
la grande bralfiere du R h ô n e, ôc les autres fo n t, ou attaqués
par la voye de l ’oppofition, ou relatifs à des terreins qui font
encore en litige dans des Inftances pendantes au Confeil.
L e Languedoc répété que l’Arrêt de 1724 a été fignifié à
P artie, c ’elt-à-dire aux Procureurs du Pays , en la perfonne
du lieur Saurin, Affelfeur d’A ix , l’un d’e u x ; mais il auroit
dû confidérer que cette lignification ne fut faite qu’à la re
quête du lieur de G ravefon , Polfelfeur des ifles du Caftelet
& du R o d ad o u , qu’ainfi elle n’eft relative qu’à la difpofition
particulière de l ’ Arrêt de 1 7 2 4 , dont il ne s’agit pas ic i, ôc
qu’il demeure très-vrai qu’il n’y a jamais eû de fignification
ni d’exécution de la part des Etats de Languedoc par rapport
à la difpofition générale qui les concerne.
Nous conviendrons avec le Languedoc > que l ’Arrêt de
1724 a deux difpofitions, l ’une particulière, ôc l ’autre g é
nérale ; que la première , concernant les ifles du Caftelet ôc du
Rodadou, n’eft pas directement contraire aux titres ôc Arrêts
par lefquels la Provence a été maintenue dans tant d’autres
ifles du R h ô n e , parce qu’ils ne portent pas fur les mêmes
EMm.P.i7s & ^
�iSo
terrcins ; ôc voilà pourquoi nous n’attaquons pas , par voye
de contrariété, l’Arrêt de 1724, dans cette difpofition par
ticulière : mais il faut que le Languedoc convienne à fon tour,
que s’il vouloit mettre à exécution la difpofition générale
qui lui adjuge toutes les autres ifics du R h ô n e, pour nous
évincer de ces autres ifies que nous poffédons , dès lors cette
difpofition générale eft formellement contraire aux divers
Arrêts par lefquels nous avons été maintenus dans la poiïeflion
de ces ifles.
Il eft inutile de revenir fans cefîe à dire que les Arrêts
concernans la grande braiïiere du Rhône , trouvent un fonde
ment particulier à la V ille d'Arles dans le traité de partage
de l ’an 1125’. Cette obje&ion, déjà vingt fois réfutée, nous
donne lieu d'ajouter ici une nouvelle réfléxion, qui feule fuffiroit pour décider le Procès. Pourquoi le Languedoc eft-il
forcé de convenir que le grand bras du Rhône refta au ter
ritoire de Provence par le traité de partage de i i 2 j ? C ’eft
parce que la limitation que cet aête contient, ne fait mention
que du petit bras du Rhône. O r la même limitation ayant
trouvé , vis-à-vis le territoire de Tarafcoii, le Rhône divifé
en deux branches par une ifle confidérable, l iflé de Lubieres ,
& n’ayant pareillement fait mention que de la branche, oc
cidentale du fleuve, il s’enfuit que le Languedoc doit être
également forcé d’avouer que les ifles du R h ô n e, dans cette
partie , & la branche orientale du fleuve, dépendent du
territoire de P rovence, comme la Camargue, ôc la grande
brafliere dans la partie inférieure.
Sur la tranfaftion de 1 ççq. , le Languedoc répond, p. 288 y
que c’eft un afte pajje en Provence par des Officiers de Pro
vence , au nom du Comte de Provence, en Vabfe7ice & à Vinfçu
fa La France & des. François j ôt il ue fait pas attention que
V-.
�8i
les Officiers qui pafferent cet a£te , étoient commis ôc autorifés
ï
par des Lettres patentes du Roi de France, Comte de Provence.
A l ’égard de nos autres titres ôc A rrêts, il n’y a que celui
de 1690, contre lequel les Etats de Languedoc ont formé
oppolicion en 1 7 y ; mais cette oppofition m êm e, ôcletem s
dans lequel elle a été formée , bien loin de pouvoir fervir de
prétexte au Languedoc pour éluder notre moyen de con
trariété , juftifient néceffairement que l ’Arrêt de 1724. efl:
contraire à celui de 1690 , qui fubfiftoit alors pleinement ôc
fans trouble.
Quant aux Arrêts de 15* 87 5 i<5op ôc 1 6 9 2 , le Languedoc
y répond vaguem ent, en difant page 301 , qu’iZ n'y a pas uns
feule ijle , ni unfeul crément dans la partie contentieuje du Rhône
du côté de la Provence, qui trait été ou ne foit l'objet d'un
Procès s u s c i t e ' p a r l a P r o v e n c e . Mais comment peut-il nous
reprocher d’avoir fufcitéces P rocès, ôc d’être continuellement
les Agrelfeurs , tandis que nous avons conflamment po/Tédé,
ôc que nous polfédons encore les terreins qui font la matière
de ces Frocès ; & qu’ainfi nous n’y fommes occupés qu’à
défendre nos pulTeffions contre les attaques opiniâtres ôc
multipliées du Languedoc ?
Ainli le Languedoc a un double to rt, i ° . de vouloir nous
faire envifager comme les Moteurs des Procès fubfiftans au
fujet des terreins adjugés à la Provence par ces A rrê ts ,
tandis que nous ne fommes que Défendeurs dans ces Procès,
2 0. D e fe faire un titre de ces Procès mêmes qui ne font que
fon feul ouvrage , pour écarter le moyen de contrariété de
l ’Arrêt de 1724 , avec les Arrêts ci deffus ; comme fi ces
A rrêts, non attaqués par des voyes juridiques, étoient mis
au néant, par c ia feul qu’il plaît au Languedoc d bazarder,
après des ii 'cles, les prétentions les plus téméraires, fur les
mêmes terreins qu iis nous ont adjugés,
�Sî
L e Languedoc répond a l ’indutUon tirée de la poiïefïîoiî
de la grande braiïiere & de l’ifle de Camargue, que c’eft le
lieu d’appliquer la maxime , tantum prœfcriptum , quantum
i
EïtM.p. 3°4*
pojfejfum : l’on pourroit fe fervir avec avantage de cette même
réglé contre le Languedoc, pour en conclure qu’il doit donc
nous lailTer pareillement en poffefflon de toutes les illes ôc
des terreins fupérieurs que nous poffédions auffi paifiblement
de toute ancienneté , avant les troubles qu’il n’a fufcités que
dans ces derniers tems , & qu’il doit fe borner de fon côté
à ce qui lui a été nommément ôc individuellement adjugé >ÔC
dont il a eû la poffellion effective.
S
u r
l a
C
o n s u l t a t i o n
.
V ouloir entrer dans la difcuffion de la Confultation mife
au bas de l'examen du L an guedoc, ce feroit rentrer dans toutes
les difcuflions dont nous venons de nous occuper. Il fuffit de
dire que cette Confultation eft fondée fur ce qu e, fuivant ceux
qui l’ont foufcrite, le Languedoc a parfaitement rempli l'objet
de fa défenfe ■, il n’eft pas étonnant de voir enfuite les Confultans adopter toutes les affertions de leurs Parties. E t avoir
détruit, comme nous venons de le faire, toutes ces affertions
téméraires , c’eft avoir réfuté d’avance le réfumé que les
Confeils du Languedoc en ont fait dans leur avis.
R E C A P I T U L A T I O N
G U N UR A LE.
E n examinant', comme nous l’avons fa it, le mérite de la
queftion défendue par le Languedoc, en appréciant les titres
dont il a voulu affoiblir les indu&ions, nous nous fommes pro~
pofé, pour lui rendre fes propres termes, de ne laijjer fubfiflerj
�i8?
aucun des artifices qu’il defline à foutenir un JîJléme aujji ambitieux
que chimérique : dans cette vue nous avons tâché de ramener à
Vexa fie vérité, £r de réduire à leur jujle valeur lesfaits, les monumens G les raifonnemens reunis dans l’écrit que nous venons
d’examiner, G nous avonsfidèlement,8c pas à pas, fuivi la marche
que le Défenfeur de cette Province s’efl faite G nous a tracée.
IL étoit néce faire de commencer par établir les principaux fon demens ,fur lefquels eft appuyé le droit de la Provence; de détruire
les chimères qu’on veut y oppofer, ôc de puifer dans l ’hifloire ,
des notions vrayes, claires G certaines fur l ’état des diverfes
contrées baignées par le Rhône, G par confequent fur l'état dit
Rhône même, particulièrement aux époques où ces deux Pro
vinces ont commencé d’être Françoifes, ôc où elles ont ceffé
d’appartenir au même Maître.
I.e témoignage unanime de tous nos Hijloriens, ôc de tous les
monumens du tems, nous a appris que la Provence fut foumife
à la France dès l ’an y 3 6 , ôc que la Septimanie ou Gothie aujour
d’hui Languedoc, ne le fut qu’en Pan 752.
Q u ’on n’a aucune preuve que l'Ufege ait appartenu aux
Princes François avant l ’an 5^41 ,8c qu’ils ne l ’acquirent, ainll
que le Vivarcàs, que par la deftruêtion du Royaume de Bour
gogne.
Q u ’il eft faux que ces cantons, non plus que le territoire
de Beaucaire, ayent été conquis en y 3 5 par Theodebert qui n’étoit pas encore R o i ; qu’avant & après cette époque pendant
tout le fixiéme fiécle , ce territoire de Beaucaire appartînt
conftamment au Souverain de Provence.
Q ue dès le quatrième fiécle , la tête de fille de Camargue
faifoit partie de la V ille d’A rles, 8c qu’elle a toujours conti
nué d’en dépendre : qu’au huitième une ille du Rhône eft défi»
gnée être du territoire de la même V ille .
�\ 84.
Q u’au commencement du neuvième) Urgence qui comprenoit toute la partie du D iocèlè d’Arles qui eft à la droite du
Rhône , dépendoit du Comté d'Arles & du même Souverain
que cette V ille. Que cette dépendance a continué fous la
fécondé race de nos R o is , toutes les fois que les cantons
fitués des deux côtés du R h ô n e, ont été féparés de domina
tion. Q u ’après l ’ufurpation de Bofon, tk celles d’Hugues Cr de
Rodolphe R oi de Bourgogne, le même canton d’Argence con
tinua de faire partie du Com té d’Arles ; & que cette dépen
dance confiante ôe continue , ne s’eft perdue que par l’ufurpation averée qu’en hrent les Princes de la Maifon de Touloufe ,
qui ne commença cependant que depuis qu’ils eurent été aux
droits d’une branche de la Maifon de Provence , êc qui n’em
pêcha pas qu ils ne reconnuffent que ce canton appartenoit
aux Archevêques d’Arles , que ces ufurpations de Bofon &
d’Hugues n’ont pas fait perdre à la Couronne le droit qu’elle
avoit fur la Provence & fur le Rhône qui en étoit une dépen
dance ; mais que dans le fait elle avoit perdu l’exercice de
ce p ou vo ir, qui des Rois de Bourgogne avoit paflé aux Em
pereurs d’Allemagne, jufqu’à ce qu’il fe fut trouvé comme
éteint 6c aboli par le non ufage , 6c qu’elle l ’a repris en entier
dès que la Provence lui a été réunie ; au moyen de quoi la
Couronne n’a aucun intérêt à cette C a u fe, qui n’eft propre
ment qu’une difcuffion de limites entre les deux Provinces de
Provence 6c de Languedoc, parce que quelle que foit celle des
deux à qui le R hône foit adjugé , elle a tous les mêmes droits
de propriété 6c de Souveraineté à exercer.
Q ue les Etats de Provence ayant été partagés en 1 1 2 $, entre
le Comte de Barcelonne qui étoit aux droits de la branche
aînée, ôc le Comte de T ouloufe qui étoit à ceux de la cadette,
�i8 f
le Rhône refia ôt ne put relier que dans le lot du premier ;
qu’en effet, depuis cette époque comme avant, la navigation ,
la pêche , les ides & les péages du Rhône depuis la Durence
jufqu’à la m er, n’ont ceffé d’appartenir aux Comtes de Pro
vence ou aux Archevêques d'Arles leurs co-Feudataires des
Empereurs qui ont établi de nouveaux péages fur le petit
R h ô n e, même dans le 13e. fiécle.
Q ue ce n’a été que dans le fuivant, que les Officiers Royaux
de Languedoc ont commencé à vouloir troubler la poffeffion
de ces Princes ôt Prélats ; mais que leurs premières entreprifes,
ou furent réparées par leurs ordres ôt de leur aveu, comme
■ en 1 327 & en 1333 , ou entraînèrent des commiffions qui ne
décidèrent rien , mais qui laifferent les chofes en fétat où
elles étoient, c’efbà-dire , la Provence en poffeffion des ides
qu’on vouloit lui enlever ; que cette poffeffion a continué juf
qu’à l ’époque de fa réunion à la Couronne ; que par les paêles
de cette réunion on l’a maintenue dans tous fes droits , ufages,
privilèges ôte. dont le principal eft de conferver la même
étendue ; car indépendamment du préjudice qu’on porteroit
au Corps , ceux qu’on en fépareroit auroient à fe plaindre de
ce qu’on les prive d’une participation légitime à des privilèges
qui leur étoient acquis.
O n a encore détruit toutes les difficultés oppofées par le
Languedoc aux titres produits par la Provence, aind que le
fjftême qu’il a voulu établir pour la première fois, qu’Urgence
ôt la Camargue faifoient partie du Com té de Nîmes ou de celui
de 1Saint Gilles dans le onzième fiécle ; & on l ’a détruit d’une
maniéré à n’y revenir jam ais, puifqu’on a démontré par des
a£les antérieurs à cette époque, que l ’une Ôt l ’autre dépendoient du Com té d’Arles.
On a encore montré que la Provence qui a toujours été en
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pofTeflion du R h ô n e , n’a pas befcin de titre translatif de pro
priété qui feroit abfolument contraire à la nature de fon dro it,
& par conféquent qu’on n’efl pas fondé à en exiger; que fon
droit dans la totalité du Rhône depuis la Durence jufqu’à la
m er, eft fuffifamment prouvé, i ° . par fa pcfTeflion d*Urgence
qui s’étend du côté du Languedoc depuis le Gardon jufqu a
Saint Gilles , ôc 20. par le traité de partage de l ’an 1 12J ,
qui lui adjuge toutes lesifles du Rhône , à la referve de celle
d eP~alabregu.es. Que quand le Rhône aurait été adjugé par ce
traité au Comte de Tculoufe , ( ce qui n’eft pas ) le Languedoc
n’en feroit pas plus avancé , parce que s’agiffant de partager
les Etats de Provence, laceffion même aurait prouvé que le
Rhône faifoit partie de cette même Province. Q ue lui ayant
été adjugé une fois par un titre folem nel, c ’eft au Languedoc
à prouver qu’elle doit en être dépouillée ; que tout ce qui s’eft
paffé depuis cette époque , annonce qu’elle ne l ’a jamais été ,
puifqu’il n’y a aucune portion du Rhône , même dans la
partie contentieufe , où il ne foit prouvé qu’elie a exercé
tranquilement quelque a£le de propriété.
Quant à la partie judiciaire de l’affaire , nous ferions obligés
fi nous voulions la réfumer, de répéter tout ce que nous avons
dit depuis la page J7 de notre Récapitulation jufqu a la fin. L e
Languedoc nous avoit dès-lors oppofé les mêmes raifonnemens
qu’il a plus étendus dans fon Examen & dans fa Confultation ,
ôc nous y avons répondu de façon , qu’il n’a eu d’autre parti à
prendre dans fon nouvel écrit,, que de rebattre fes objeâions
fans entamer nos réponfes.
C O N S E I L
D E S
F I N A N C E S .
M e, D A M O U R S , Avocat.
De l’Impr. de C h. E st. C iienault , rue de la Vieille Draperie, 1770,
�T A B L E
DES
I D E
E
MA T I E R E S .
G E N E R A L E
D E
C A
F F A l
page I
RE.
P R E M 1 E R E P A R T I E . Examen de la quejlion confiderée
au fond........................................................................... 4.
A r t . I. Origine des droits de la Couronne fur le Rhône. . 6
A r t . I I . Etat du Rhône fous la fécondé race.
.
.
27
A r t . I I I . Ubfervations détachées fur Vétat de la qucfion. 4 6
§. I. Topographie de la partie contentieufe du Rhône.
ibid.
§. I I . Chronologie des noms de Languedoc & de Provence. 48
§. I I I . Origine des droits des Rois d'Arles Cf de leurs Vaffaux.
.
.
.
.
.
ibid.
§. I V . Egalité des droits des Vaffaux d’Arles fur les Fiefs.
$2
§. V . Nature des entreprifes des Comtes de Provence fur le
Rhône.
.
.
.
.
.
$9
§. V I . Réunion de la Provence à la Couronne.
.
6?
§. V I I . Difpoftion des Loix Romaines fur les Rivières. . 64
§. V I I I . Traité de 1760 avec le Roi de Sardaigne.
.
6S
§. I X . Motifs préfentés par la Provence comme effentielle à la
quefion.
.
.
.
.
.
67
§. X . Réponfe à deux quefions de la Caufe.
.
.
69
S E C O N D E P A R T I E . Examen des titres de propriété
produits par la Provence.
.
.
.
77
A r t . I. Titres confitutifs.
.
.
.
.
78ÿ .I . Traité de partage de i\a$.
.
.
.
79
I. C o u R S D U R H Ô N E.
.
.
.
.
80
II. C a M A R G U E.
.
.
.
.
S7
I I I . A RG EN C E.
.
.
.
.
„
pX
I V. Portion des Diocefes d’Avignon Cf de Valence.
•
97
V .
V
a
l a b r e g u
e s
.
.
.
r
.
102
V I . D u R E N C E.
.
.
.
.
I O£
S. 1 1 . Accord de 1070, entre le Comte de Provence Cf l'Arche
vêque d’Arles.
.
.
.
.
.
106
�ÿ.
§.
§.
§.
I TI . Lettres de l'Empereur de i i j 4.
;
:
112
I V . Traité pour le Jel,de 1302
.
.
n<?
V . Lettres Latentes de 1^09.
.
.
.
118
V I . (Quatre Lettres royaux de 152J, 1 543, 1 f p <5 & 1627.
ibid.
§. V I I . Lettres de i f 32 , I J J 7 & * 1 J 7 J .
.
1 20
5. V I I I . Inféodaticji de l’ifle Trebon.
.
.
121
$. I X . Te^te Je l'ijle de Boulbon G autres crémens. • ibid.
A r t . I I . T itr e s produits par la Provence comme énonciatifs Cs*
124
confirmatifs.
I2J
§. L Enquête de 1106.
§. I I . yff?e fur l'ijle de Lubieres.
139
142
§. I I I . Procès verbal de 14-74.
•
•
ibid.
§. I V . Procès-verbal de 1474.
143
§. V . Tranfadion de 1^04 G 1376.
ibid.
§. V I . Arrêts du Confeil de 1J87 G 1609.
147
f . V 1 1 . Tente Je Ti/Ze du Colombier en. 1617.
§. V I I I . Arrêt du Confeil de 1670.
ibid;
iJ 4
§. I X . Arrêt de 1687 G 1691.
§. X . Arrêt de 1690.
A r t . I I I . Titres peffeffoires.
ibid.
§. I. A des relatifs à Arles.
§. 1 1 . A d es relatifs aux Comtes de Provence.
§. I I I . A d es relatifs aux ijles G* crémens.
1 6o
T R O I S I È M E P A R T I E . Examen des titres de Lan
guedoc.
.
.
,
,
.
161
A r t . I. Lettres de 1380.
.
.
,
162
A r t . I I . Lettres de la Reine Marie > de 13.98.
.
.
153
A r t . I I I . Lettres Je 1488.
.
.
.
169
A r t . I V . Arrêt Je 1493.
;
,
,
171
A r t . V . Arrêt de 1681.
.
,
.
17^
A r t . V I . Arrêt de 1691.
.
.
.
1 7 <■
A r t . V I I . Arrêts regardés comme étrangers ou de forme. 177
A r t . V I I I . Arrêt de 1724.
179
S ur la C o n s u l t a t i o n .
182
ibid,
R E C A P I T U L A T I O N GENERALE.
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Reponse pour les procureurs du païs des gens des trois Etats de Provence au mémoire du Languedoc intitulé : Examen des nouveaux écrits de la Provence sur la proprieté du Rhône
Subject
The topic of the resource
Aménagement du territoire
Approvisionnement en eau
Factums avant 1789
Description
An account of the resource
Controverse entre la Provence et le Languedoc quant aux limites rhodaniennes et la propriété du Rhône
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Damours, Louis (1720-1788). Auteur
Chénault, Charles-Étienne (171.?-1773). Imprimeur / Imprimeur-libraire
France. Conseil des finances. Auteur
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES 33714
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Ch. Est. Chenault (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1770
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/234489626
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-33714_Reponse-procureurs_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol
186-[2] p.
In-4°
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/347
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Provence. 17..
Abstract
A summary of the resource.
Réponse sur la contestation de propriété sur le Rhône entre la Provence et le Languedoc. L’argumentation de ce factum comporte trois parties : il examine dans un premier temps la question au fond, puis les titres de propriétés produits par la Provence ainsi que ceux produits par le Languedoc.
La première partie traite de la propriété du Roi sur le Rhône et le statut de la Provence. Dans les examens des titres qui suivent, les conflits de propriété ayant opposé la Provence à des tiers sont détaillés selon une approche historique débutant au 6ème siècle et présentant les décisions justice rendues en faveur de la Provence.
Titre de départ. - Factum signé à la fin : Conseil des finances. Me. Damours, avocat.. - Bandeau, lettrine. - Sig. A-Z4, Aa2
Résumé Mélissa Legros
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Spatial Coverage
Spatial characteristics of the resource.
Reponse pour les procureurs du païs des gens des trois Etats de Provence au mémoire du Languedoc intitulé : Examen des nouveaux écrits de la Provence sur la proprieté du Rhône <br />- Feuille <i>Arles</i> ; 234 ; 1867 ; Dépôt de la Guerre (France) ; Beaupré (graveur)/Hacq (graveur)/Lefebvre (graveur), ISBN : F802341867. <br />- Lien vers la page : <a href="http://www.cartomundi.fr/site/E01.aspx?FC=27419" target="_blank" rel="noopener">http://www.cartomundi.fr/site/E01.aspx?FC=27419</a>
France. Parlement de Provence -- 18e siècle -- Ouvrages avant 1800
Languedoc (France) -- Territoires et possessions -- 18e siècle -- Ouvrages avant 1800
Provence (France) -- Territoires et possessions -- 18e siècle -- Ouvrages avant 1800
Rhône (cours d'eau) -- 18e siècle -- Ouvrages avant 1800
Rhône, Vallée basse du (France) -- 18e siècle -- Ouvrages avant 1800