AccueilExpositionsScience & croyances - Festival des sciences et des arts 2025

Science & croyances - Festival des sciences et des arts 2025

 

Science & croyances

Festival des sciences et des arts 2025

 

La science est une raison avertie par et contre les sens. Que sont les lois qu’elle a dégagées sinon quelque chose de toujours potentiellement falsifiable (K. Popper) ? À certains égards ce sont des vérités en sursis, et donc des croyances après-coup                     (G. Bachelard). Et qu’est-ce que la croyance sinon une condition héritée que l’on cherche plus ou moins à dépasser, quelque chose qui fait ciment personnel ou collectif ? On pourrait évoquer les mots célèbres de Kant rappelant que des pensées sans contenu sont vides et que des intuitions sans concepts sont aveugles. On pourrait aussi mettre en avant la sentence rabelaisienne énonçant que science sans conscience n’est que ruine de l’âme, où, avec la morale, se profile la question religieuse.

Alors, science contre croyances ? Oui, mais tout contre et donc en un sens science avec croyances. Au fond, raison et croyance n’ont-elles pas au moins ce point commun, même si de façon diamétralement opposée, de vouloir donner du sens et des moyens d’action pour apprivoiser, voire dompter, l’insécurité fondamentale de la condition humaine ?

 

Science contre croyance

Le De l’usage et de l’abus de l’esprit philosophique durant le XVIIIe siècle est un traité philosophique rédigé de mai à décembre 1799 par Jean-Etienne-Marie Portalis. L'auteur, juriste aixois renommé et futur père du Code civil, souhaitait avec cet ouvrage chercher « les causes morales qui ont fixé les caractères généraux de notre révolution et le chaos qui s’en est d’après lui suivi ». La révolution au nom d’une certaine raison, qui n’est pas l’esprit philosophique et la science qui en découle, a jeté la religion avec l’eau trouble des superstitions et des préjugés :

« Les anciens sages voulaient que leurs disciples fussent philosophes, et que tout le monde fût religieux ; les nôtres veulent que personne ne soit religieux, et que tout le monde soit philosophe. On ne voit pas qu’il n’y a point d’inconvénient à ce que la religion soit l’unique philosophie des ignorants et des faibles, et qu’il y en aurait beaucoup à ce que la philosophie fût l'unique religion des savants et des forts. »

Ces quatre chapitres issus de l'ouvrage abordent plus particulièrement l'esprit philosophique avant et après les sciences :

Couverture du chapitre 4 : Des grands changements... Couverture du chapitre 5 : Etat de la physique...

Chapitre 4 : Des grands changements opérés par l'esprit philosophique dans l'art de raisonner et de s'instruire

Chapitre 5 : Etat de la physique générale avant le développement de l'esprit philosophique, et tableau de nos progrès dans toutes les sciences naturelles et expérimentales depuis ce développement

Couverture du chapitre 6 : Des rapports de l'esprit... Couverture du chapitre 24 : De l'enthousiasme...

Chapitre 6 : Des rapports de l'esprit avec les sciences exactes, et de ses effets dans la métaphysique

Chapitre 24 : De l'enthousiasme, du fanatisme et de la superstition

 

 

Couverture de la Revue de la recherche juridique, 1988 N° 2

Ce numéro de 1988 de la Revue de la recherche juridique et droit prospectif retranscrit les propos d’une table ronde sur le philosophe Gaston Bachelard.

Epistémologue et poète phénoménologue, il n’a cessé d’interroger les rapports qu’entretiennent l’imagination et la rationalité. Il a su autant dénoncer les pièges de l’imagination et des croyances dans la constitution des sciences, que, dans un autre versant de son œuvre consacré aux rêveries poétiques sur la matière, en révéler la fécondité heuristique pour la compréhension de l’esprit humain.

 

« Pas d'hésitation : il faut aller du côté où l'on pense le plus, où l'on expérimente le plus artificiellement, où les idées sont les moins visqueuses, où la raison aime à être en danger… Dans le règne de la pensée, l'imprudence est une méthode »

G. Bachelard, L'engagement rationaliste, p. 11

 

 

 

Image de la Faculté des Sciences de Marseille

Le XIXe siècle crut aux pouvoirs sans limite de la science et  enfanta à ce titre positivisme et scientisme. Mais il est aussi ce siècle où souffla, souvent à bas bruit, un regain d’intérêt pour les puissances irrationnelles, tandis que régnait la forte présence d’un formalisme religieux qui aboutira à la loi de 1905.

S’appuyant sur une dénonciation des « fausses sciences du Moyen-Âge », le Recteur de l’Académie fait ici un discours apologétique de la science en la plaçant néanmoins sous la haute autorité de Dieu :

« L’installation de la Faculté des Sciences de Marseille a eu lieu le 29 janvier 1855, dans la grand’-salle de l’Hôtel-de-Ville ; la messe du Saint-Esprit avait été célébrée à la cathédrale, le même jour, par Mgr l’Évêque. M. Mottet, Recteur de l’Académie, présidait la séance. »

 

La raison face au destin

L’astronome allemand Johann Elert Bode nous propose dans cet ouvrage 21 planches recensant 102 constellations. Elles représentent le plus souvent des figures humaines, d'inspiration mythologique ou animalières, et on peut y voir combien se conjuguent dans les figures du ciel étoilé astrologie et astronomie, croyance et science.

 

Uranographia - 56. Capricornus ; 57. Aquarius ; 58. Piscis Notius ; 59. Microscopiwn ; 60. Globus aeroflaticus ; pp.23

 

Uranographia - 61. Cetus feu Monftrum Marinum ; 62. Eridanus Tab. XVII. IXVIII. et XX ; 63. Apparatus Sculptoris ; 64. Machina
electrica ; 65. Apparatus Chemicus ; pp.24

 

 

Le provençal Michel de Nostredame, dit Nostradamus, est l’auteur des célèbres Centuries où se déploient jusqu’à nos jours la puissance de suggestion d’obscurs quatrains offerts à toutes les interprétations. Cet apothicaire, médecin à ses heures, est un enfant du XVIe siècle. Tour à tour décrié et adulé, il dresse ses horoscopes en un temps où les lumières naturelles de la Renaissance baignent désormais toute l’Europe et qui, pourtant, se terminera dans le bain de sang des guerres de religion.  

 

Voici un petit ouvrage qui se propose de suivre à travers les âges les marches très différentes de l’astrologie et de l’astronomie. Nostradamus représente pour l’auteur le point culminant du rayonnement de l’astrologie, mais donc aussi le commencement de son déclin. Nicolas Copernic, son contemporain, signe quant à lui le début de la montée en puissance d’une science proprement astronomique, sa fameuse révolution venant heurter de plein fouet les dogmes et croyances puisés au livre saint.

 

Cette miniature est issue d’un ouvrage de Pétrarque qui eut beaucoup de succès lors de sa diffusion à l’aube de la Renaissance. Elle représente une roue de Fortune qui est un topos de l’antiquité et du Moyen-Âge pour représenter les aléas du destin humain. On la retrouve dans le tarot de Marseille à l’arcane X. Mais l’originalité de Pétrarque, poète et humaniste, est non pas de s’en remettre à la divine Fortuna pour conjurer malchance et s’attirer la chance, mais de se servir pour l’un et l’autre cas de la raison, c'est-à-dire de la philosophie, comme d’un antidote, un pharmakon contre toutes croyances.

La roue de Fortune

La roue de Fortune, p.18

 

Les croyances ont toujours trouvé un puissant ressort et une forme de légitimité dans ce qui se développe à l’ombre du secret.  Le XXe siècle n’échappe pas à la règle. Lorsque l’occulte émerge au grand jour de la société, quels sont les garde-fous ?  C’est la question que se pose le juriste Marc Bruschi. Voici comment son collègue Norbert Rouland introduit sa réflexion :

 

« Le droit est de ce monde. Banale, cette constatation n'est avérée que depuis peu ; encore ne vaut-elle que pour un certain type de sociétés, qu'on a coutume de nommer modernes, parce qu'elles ont fait le choix culturel du développement économique et de la laïcisation du droit. Se voulant depuis deux siècles a-religieux, le droit français n'a jamais pour autant rompu les liens qui l'amarrent au sacré : les jaquettes de nos codes sont rouges, comme les pourpres impériales et cardinalice, et non loin de l'ocre dont les hommes de la Préhistoire saupoudraient les cadavres de leurs proches en signe d'espoir de l'immortalité (le sang peut être symbole de vie). Appartenant à la génération qui voit se reformer les interrogations sur la dimension religieuse de l'homme, M. Bruschi fait le tour des digues qu'élève le droit positif contre la marée montante de l'occulte de bon et mauvais aloi. »

 

 

Couverture de la Revue de la recherche juridique, 1991

 

Première partie : Le droit des sciences occultes

Deuxième partie : Le droit aux sciences occultes

 

La science face à la maladie

Il s'agit d'un florilège d'écrits médicaux sur de prétendus soins à distance par l'application d'une poudre ou d'un onguent sur l'arme ayant causé une blessure... ou sur un objet représentant celle-ci.

L’exemplaire conservé à Aix-Marseille Université est issu de la réédition d'un ouvrage à succès, car cette théorie était en vogue du XVIe au XVIIIe siècle alors que l'on cherchait de nouvelles idées pour remplacer la médecine des humeurs de l'Antiquité.

Article sur le sujet : Pinet Patrice. « Petite histoire des remèdes magnétiques ». In: Revue d'histoire de la pharmacie, 95e année, N. 360, 2008. pp. 469-482.

Image de Theatrum sympatheticum auctum

 

 

Manuscrit de Louis XIV

Ce court manuscrit, assez elliptique, relate la manière dont l'autorité royale a récompensé le travail d’un certain docteur Jean Gaspard Ailhaud, docteur agrégé de la Faculté de médecine d'Aix et exerçant à Cadenet (Vaucluse), qui, dans les années 1720, a mis au point une poudre purgative particulièrement efficace contre une multitude de maux.

Lire aussi : Caillet Robert. « Le remède universel du docteur Ailhaud ». In: Revue d'histoire de la pharmacie, 42ᵉ année, n°141, 1954. pp. 251-266

 

Couverture du Traité des maladies vénériennes

Pharmacien de son état, Boyveau-Laffecteur (1743-1812) fait la promotion de son remède appelé « Rob Laffecteur » ou « Rob antisyphilitique », lequel prétendait traiter les maladies vénériennes. Le Rob antisyphilitique, grâce à sa formule sans mercure, fut l'un des remèdes secrets qui connut la plus grande notoriété depuis la fin de l'Ancien Régime jusqu'au milieu du XIXe siècle.

Autre ouvrage de l'auteur sur le même thème Précis historique et observations sur les effets du rob antisyphilitique de Boyveau-Laffecteur

Lire aussi Bouvet Maurice. « Un remède secret du XVIIIe siècle : le rob Boyveau-Laffecteur ». In: Bulletin de la Société d'histoire de la pharmacie, 11ᵉ année, n°39, 1923. pp. 264-272.

 

 

Comment face au fléau, la religion l’emporte sur la science ?

En 1720, pour la 23e fois, Marseille est contaminée par la peste. Le secours des magistrats et des médecins ne suffit pas : la fête du Sacré-Cœur, instaurée par l'évêque du diocèse, stoppe enfin l'épidémie.

Image de la peste de Marseille

 

 

Science et croyance

Autour du premier lait maternel : le projet Colostrum

 

Le colostrum, premier lait maternel produit après l’accouchement, est bien plus qu’un simple aliment. Sa transmission à l’enfant s’inscrit dans l’allaitement, où se croisent des dimensions physiologiques, affectives et culturelles. Si ses propriétés immunitaires, vitales pour les nouveau-nés fragiles, sont souvent mises en avant, son rôle symbolique et sa capacité à tisser un lien unique entre la mère et l’enfant sont essentiels.

Dans de nombreuses sociétés, le colostrum ne fait pas l’objet d’un consensus, il peut être valorisé, négligé, ou même rejeté. Les enquêtes anthropologiques du programme COLOSTRUM, réalisées dans sept pays et dans huit langues différentes, ont cherché à documenter ces perceptions divergentes, indispensables à appréhender pour mieux adapter les messages de santé publique. Lorsque les campagnes de promotion du colostrum reposent uniquement sur des arguments biomédicaux, sans prendre en compte les logiques culturelles locales, leur efficacité reste limitée. Les représentations dites « traditionnelles » autour de la naissance et de l’alimentation du nouveau-né ne relèvent pas d’une simple ignorance : elles s’inscrivent dans des systèmes cohérents de valeurs, d’organisation familiale et de pratiques de soin.

Tous les matériaux collectés (entretiens, questionnaires, photographies) ainsi que leur cadre méthodologique ont été archivés et sont librement accessibles à la Médiathèque de la MMSH.  Ces archives offrent un double témoignage : celui d'une recherche collective en action et celui des rapports multiples au colostrum dans les différentes aires culturelles investiguées.

 

Consulter l'enquête Colostrum

 

ANR COLOSTRUM (2013-2016) - Données de terrain de l'Allemagne, photographies : Fauteuil, table, équipement médical, tableaux et matériel d'allaitement à l'intérieur de la salle d'allaitement de la maternité du Centre Hospitalier Universitaire Universitätsklinikum (Francfort-sur-le-Main, Allemagne) © Kathrin Knodel

 

ANR COLOSTRUM (2013-2016) - Données de terrain du Sud Marocain, photographies : Une femme Marocaine confectionnant une ceinture de mariage lors d'un entretien collectif sur le Colostrum, dans sa maison (Merzouga, Maroc) © Marie-Luce Gélard

 

ANR COLOSTRUM (2013-2016) - Données de terrain du Cambodge, photographies : Entrepôt des boîtes de lait artificiel et des produits de puéricultures de la maternité de l'hôpital Calmette (Phnom-Penh, Cambodge) © Eve Bureau

ANR COLOSTRUM (2013-2016) - Données de terrain de la Bolivie, photographies : photographie d'un panneau d'information non imagé dans une maternité (Cochabamba, Bolivie) © Céline Geoffroy