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est mensuelle de 1895 à 1897. De 1897 à 1900, sous son nouveau titre
, elle devient hebdomadaire.
Il y a la presse coloniale et il y a la presse colonialiste : au cours des toutes dernières années du 19e siècle,
se range résolument dans la seconde catégorie, position que n'édulcore pas l'évolution de son sous-titre pourtant plus généraliste. Il n'est pas seulement question de promouvoir et de mettre en valeur les colonies, il s'agit avant tout de les défendre, de les renforcer, de les étendre et de les multiplier, en résumé, aller plus loin que les gouvernements en place, bien trop timides. La construction du Second empire colonial français n'est pas une œuvre particulièrement pacifique : avant d'être un assujettissement économique et culturel, la colonisation est d'abord une occupation territoriale. Parmi les portraits régulièrement publiés par la revue, bon nombre sont ceux de gradés engagés dans des opérations militaires.
Le général Zurlinden, Ministre de la Guerre (1895)
Peu étonnant que le Ministre de la Guerre serve d'illustration à l'une des Unes intégralement consacrées aux troubles qui agitent Madagascar. Cette association dénote une vision très particulière de
l'avenir de l'île, et l'on comprend très vite que les intérêts politiques et économiques de la Métropole justifient tous les moyens, y compris celui de la
terreur : les rebelles et la reine malgache (très probablement Ranavalo III, régnante depuis 1883, et non Ranavola II), finiront bien par comprendre que le fusil Lebel, du pur made in France (1886), fait de vraies merveilles !
La Reine des Hovas, Ranavalo II (1895)
Mais le coprs expéditionnaire français n'a pas que des ennemis extérieurs : les vrais patriotes, défenseurs du droit et de la liberté, savent que les ennemis intérieurs sont tout aussi redoutables : les abus, les fonctionnaires et autres...
L'engagement de la nouvelle Tribune (1897)
L'éditorial de l'édition politique, qui suit un cri d'alarme lancé en août 1897 (on veut la mort de la représentation coloniale) n'est pas démenti ni par les commentaires du journal, la dette dreyfusarde par ex. (le journal considère que Dreyfus, traite et juif, n'a pas reçu le châtiment mérité du fait de la défectuosité des lois) ni par ses grands titres (1898) :
L'occasion pour la Tribune de dénoncer certains confrères de la presse coloniale, tels
La Politique coloniale et la
Dépêche coloniale entre autres, qui prônent la recherche d'un terrain d'entente et de conciliation avec l'Angleterre : "
ils sont entrés dans la voie des capitulations".
Au delà de cette ligne éditoriale idéologiquement dure et peu nuancée,
La Tribune des Colonies reste un témoignage sur le vif et au jour le jour de la constitution d'un empire colonial et de la manière dont une certaine presse, parfois très politique et partisane, en rendait compte. En dehors de portraits de personnalités, elle nous laisse quelques rares archives photographiques de vie quotidienne et d'infrastructures des colonies, comme ce pont transbordeur flambant neuf inauguré en Tunisie en 1898, un des premiers ouvrages de ce type érigés dans le monde, celui de Bizkaia (Espagne) datant de 1893). Conçu par le même architecte français, Ferdinand Arnodin (1845–1924), le pont transbordeur de Marseille sera mis en service en 1905.
Le pont transbordeur de Bizerte (1898)
Plus anecdotique,
La Tribune n'oublie pas de relayer les nouvelles des colonies trouvées dans le reste de la presse, comme cette annonce de l'existence du Royaume d'Adélie dénichée dans le journal illustré
Le Petit Bleu de Paris et à laquelle il ne croit pas seul un instant pas plus qu'à ses mines d'or.
La Tribune serait probablement étonnée et sûrement ravie d'apprendre que la Terre-Adélie est un territoire austral toujours revendiqué par la France au titre d'Etat possessionné...
Le Royaume d'Adélie : une colonie française ? (1899)