Parlement de Provence]]> Les Parlements, muselés par Louis XIV, avaient retrouvé durant la régence du jeune Louis XV leur pouvoir d’antan. Les parlementaires n’hésitant pas à s’opposer aux tendances absolutistes du monarque, il est logique que le règne de Louis XV ait connu de nombreuses tensions entre les Parlements et le roi. L’affaire de Bretagne (1764-1771) et la séance de la flagellation (1766) n’en sont que les exemples les plus marquants. À ces tensions parlementaires, il faut ajouter une dimension religieuse. Le conflit opposant le clergé au jansénisme ne fit que cristalliser le conflit avec le roi.
Le jansénisme, doctrine théologique née au XVIIème siècle, sous l’impulsion de l’évêque d’Ypres Jansen, affirme que Jésus-Christ n’est pas mort pour tous les hommes et qu’il ne veut pas le salut de tous (il ne donne pas à tous les moyens de salut). Cet « évangile du désespoir » a été condamné par les papes, comme Innocent X en 1653. D’autres jansénistes, notamment en France l’abbé Arnauld, éloignaient les chrétiens de la confession et de la communion, considérés comme une récompense et non comme un remède.
Louis XIV considérait également le jansénisme comme un danger pour l’État. Il procéda à la fermeture du monastère de Port-Royal, bastion janséniste, en 1709 puis rasa le bâtiment, devenu lieu de pèlerinage, deux ans plus tard. Cette même année, en 1711, il demanda également au pape la condamnation d’un ouvrage du janséniste Pasquier Quesnel. Clément XI condamna cent une des propositions de Quesnel dans la bulle Unigenitus en 1713.
Or, les parlementaires français étaient en majorité gallicans, voire jansénistes. Ils refusèrent donc d’enregistrer la Bulle. Un lit de justice, en avril 1730, obligea finalement le Parlement de Paris à enregistrer la constitution papale. Le conflit fut ravivé en 1746 par Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, dans l’affaire dite des billets de confession. Le prélat exigeait que les fidèles signent un document attestant de leur adhésion à la bulle Unigenitus sous peine de se voir refuser les derniers sacrements. Le décès d’un oratorien janséniste sans sacrements provoqua un scandale au Parlement de Paris en 1752 qui arrêta l’interdiction aux partisans de la bulle de recevoir les sacrements. Le roi, méfiant à l’égard du jansénisme du fait de son entourage jésuite, prit parti contre les parlementaires. Il cassa l’arrêt et en 1753 exila le Parlement à Pontoise pour une durée de seize mois.
La solidarité des parlements étendit le conflit à l’intégralité du royaume. En Provence, le Parlement se trouva confronté à plusieurs affaires où des fidèles se virent refuser un sacrement en raison de leurs opinions jansénistes. Le Parlement de Provence avait pourtant longtemps été composé de nombreux membres favorables aux jésuites, ce qu’avait mis en exergue l’affaire Girard-Cadière (disponible en ligne) dans les années 1730. Le procès avait néanmoins permis la diffusion des sympathies jansénistes dans les milieux notables et parlementaires de Provence. Toutefois, l’archevêque d’Aix, Jean-Baptiste Brancas, auteur des Ordonnances synodales du diocèse d’Aix (disponible en ligne), était un farouche opposant au jansénisme et encouragea dans son diocèse la pratique du refus des sacrements.
Quatre affaires de refus de sacrements furent particulièrement retentissantes. Trois sont répertoriées dans cet ouvrage. La quatrième concerne la veuve du conseiller au Parlement Charleval qui est relaté dans un ouvrage intitulé Relation des refus de sacremens faits à M. Garnier et à Mme de Charleval en la ville d’Aix, imprimé en 1756 (BMVR, cote 6533). Les trois autres cas sont repris dans l’ouvrage.
Le lieutenant général au siège de Forcalquier Eymard, soupçonné d’opposition à la Bulle Unigenitus, décéda sans avoir reçu les derniers sacrements en mai 1753. Les ecclésiastiques responsables de ce refus furent condamnés par le Parlement, qui sursit à statuer concernant leur supérieur, l’évêque de Sisteron (pièce A). Le Parlement condamna également deux vicaires de l’église de la Madeleine à Aix, qui refusèrent la communion lors des fêtes pascales, à un homme du nom de Garnier (pièce B). Cette décision provoqua la colère de Brancas qui considérait qu’il n’appartenait qu’à lui de les juger (pièce C).
En octobre 1753, le Parlement fit des « itératives inhibitions et défenses à tous les ecclésiastiques du ressort de faire aucun acte tendant au schisme et d’introduire des formules de profession de foi arbitraires ». Cet arrêt du Parlement de Provence, envoyé à toutes les sénéchaussées de la Province, fut toutefois contesté par Joseph de Saint Michel, lieutenant général civil en la sénéchaussée de Marseille. Il fit noter ses protestations en marge de l’arrêt sur le registre de la sénéchaussée, et y ajouta une déclaration qu’il aurait reçu du chancelier Lamoignon : « le roi me charge de vous mander qu’il vous ordonne de suspendre la publication de l’arrêt du Parlement de Provence du 2 octobre jusqu’à ce que vous ayez reçu de nouveaux ordres de sa part ». Saint Michel est convoqué par le Parlement, qui l’emprisonne (pièce D). Des remontrances sont adressées au roi (pièces E, F et G).
En mai 1754, le Parlement condamna le curé de la Madeleine, dont les vicaires avaient refusé un sacrement au dénommé Garnier et interdit à l’archevêque « d’autoriser directement ou indirectement les curés, vicaires et autres ecclésiastiques du diocèse à aucun acte tendant au schisme » (pièce H). Pourtant, à la fin de la même année, Monsieur de Johannis mourut sans avoir reçu les derniers sacrements. L’affaire fut résolue par l’exil de Brancas à Lambesc, décidé par le roi, et à la condamnation au bannissement du curé de la Madeleine par le Parlement (pièce I).
Un des acteurs les plus investis dans ces affaires, Jean-Baptiste Leblanc de Castillon, s’illustra par la suite lors de l’expulsion des jésuites du royaume (plusieurs documents à ce sujet sont disponibles en ligne).

Sources :
- Encyclopédie départementale, Masson.
- La bulle Unigenitus et le jansénisme politique, Jacques Parguez, Paris, Presses modernes, 1936 (Paris T 11 437).
- Le diocèse d’Aix en Provence, Jean-Rémy Palanque (dir.), Paris, Bauchesne, 1975.

(Résumé rédigé par Morgane Derenty-Camenen)
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A) Acte. 1753. Arrêts du parlement d'Aix, rendus au sujet du refus des sacremens fait à Mr. Eymard lieutenant général au siége de Forcalquier. Extrait des registres du parlement. - [S.l.], 1753. - 50 p.; in-12 Titre de départ. Arrêts des 21 mai, 7 et 27 juin 1753, suivis de la "Lettre du parlement de Provence au roy, en exécution de l'arrêté du 7. juin 1753. & de l'arrêt du 27. du même mois", en date du 26 juin 1753. - Sig. A-D8/4, E1.
B) Acte 1754 - Lettre du parlement de Provence au roi. - [S.l.], 1754. - 43 p.; in-12 Du 28 juin 1754, sur le refus des sacrements. - Sig. A8, B4, C8, D2. C) Observations sur la lettre du parlement de Provence au roi, du 26 juin 1753. - [S.l.], 1753. - 15 p.; in-12 Titre de départ. - Texte daté du 20 octobre 1753, sur le refus des sacrements fait à M. Eymard. - Sig. A8.
D) Acte. 1753. 1002. Acte. 1753. 1217. Acte. 1753. 1218. Acte. 1754. 0208. Acte. 1754. 0307 Arrêt de la cour de parlement de Provence, les chambres assemblées. - [S.l., 1754. - 36 p.; in-12 Titre de départ. - Arrêts des 2 octobre, 17 et 18 décembre 1753, 8 février et 7 mars 1754. - Sig. A-8, B4, C6.
E) Acte. 1754. 0121 Remontrances du parlement de Provence au Roi. - A Aix. M. DCC. LIV. - 108 p.; in-12 Du 21 janvier 1754, sur le refus des sacrements fait à M. Eymard. - Sig. A-I6. Fleuron au titre.
F) Extrait des registres du parlement d'Aix. Du 8 février 1754 [Texte imprimé]. - [S.l., s.d.]. - 4 p.; in-12 Arrêté du 8 février 1754 (p. 1-2). Arrêté du samedi 9 février 1754 (p. 2-4). - Sign. [ ] 2
G) Acte. 1754. 0427 Remontrances du parlement de Provence au roi. - [Aix, 1754 (Chez la veuve de Joseph David & Esprit David). - 22 p.; in-12 Du 27 avril 1754, sur le refus des sacrements. - Sig. A11.
H) Arrest de la Cour de parlement de Provence. Du 4 mai 1754. Extrait des registres du Parlement [Texte imprimé]. - [Aix], 1754 (Chez la veuve de Joseph David & Esprit David). - 12 p.; in-12 Sign. a6.
I) Acte. 1754. 1218. Acte. 1755. 0304 Remontrances du parlement de Provence au roi, sur le refus de sacremens fait à M. de Joannis, ancien officier, commandant pour le roi la citadelle de Mantoue, chevalier de l'ordre militaire de S. Louis. - [S.l.] M.DCC.LV. - 40 p.; in-12 "Réquisitoire de M. Le Blanc de Castillon... du 16 décembre 1754" (p. 3-8); "Lettre du parlement de Provence au roi, au sujet du refus des sacremens fait à M. de Joannis... Par arreté du 18 décembre 1754" (p. 9-39); "Arrêt du parlement de Provence, qui condamne au bannissement perpétuel le sieur Ravanas, curé de La madeleine de la ville d'Aix, pour avoir refusé les sacremens à M. de Joannis...", 4 mars 1755 (p. 39-40). - Sig. A12, B8. Fleuron gr. s. b. au titre.]]>
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