Le titre de couverture de ce livre de cuisine (numérisé par la BnF *), publié à Marseille en plein milieu du 19e siècle et sans nom d'auteur (au recto de la page de titre apparaît seulement la mention "
Propriété de l'éditeur") laisse à penser que l'on va apprendre plein de truculentes recettes provençales : les quelques dizaines de préparations, toutes traditionnelles et par ailleurs les plus connues, laissent le lecteur, si l'on ose dire, sur sa faim. Passons donc aux choses sérieuses : prétextant qu'il s'adresse au plus grand nombre, notre auteur s'empresse de traiter de la vraie gastronomie, celle bourgeoise, autrement dit l'art culinaire pas vraiment à la portée de toutes les bourses et auquel il consacre la plus grande partie de son travail.
Une cuisine provençale (illustration de 1858)
Dans cette seconde partie, substantiellement plus riche que la première qui présente une Provence apparemment bornée au poisson, le reste de la France sait apprécier toutes sortes de viandes et volailles. Les nombreuses recettes sont complétées d'une section nommée
Office dédiée aux préparations à base de fruits (compotes et confitures) et s'achève sur la manière de conserver les vins et les rectifier si, par mésaventure, ils avaient souffert.
À l'évidence, l'intérêt et les compétences du sommelier dépassent ceux du cuisinier. Occasion d'apprendre quelques ficelles du métier, ce qu'il faut faire pour sauver des vins (de table, pas des grands crus) qui ont tourné, qui sont devenus aigres ou ont pris un mauvais goût de bouchon. Conseils parfois surprenants comme ceux à suivre pour leur donner un goût agréable ou les rendre mousseux. Le plus troublant reste la méthode pour vieillir artificiellement une bouteille : on lui soutire un verre, on la referme puis on la place dans un four de pâtisserie tiède**. Au bout de quelques heures, on complète le niveau et on remet la bouteille en cave. "
Le lendemain, notre Bordeau de deux ou trois ans en a dix ou douze. On peut tenter sur d'autres vins ce procédé qu'emploient les restaurateurs". Preuve que l'authentique cuisine fait des miracles : parions que le client ignore tout de cette magie !
*
Manuel de la cuisinière provençale contenant la préparation et la conservation des aliments particuliers à la Provence, 1858 - Gallica
https://gallica.bnf.fr/
** Parce que le viellissement entraîne toujours des pertes de produit, les vignerons restent attentifs aux diverses techniques de vieillisement artificiel de leur production : copeaux de bois, température, houle, enfouissement. Sans rapport avec les pratiques intentionnellement frauduleuses.