A. Borrely Fils, entrepreneur des travaux de déblai et de terrassement de la nouvelle Faculté des Sciences".
Le 14 avril 1883, A. Borrely, issu d'une famille très connue à Marseille, obtient l'adjudication des "Travaux de terrassement et transport pour nivellement du sol et disposition générale des terrains en amphithéâtre à exécuter, pour faciliter la construction d'une Faculté des Sciences, sur les terrains que la Ville possède entre l'Observatoire, le Palais de Longchamp et le boulevard de l'Observatoire". L'entrepreneur a cinq mois pour terminer le chantier (donc, fin prévue le 14 sept. 1883). Les travaux ont beau démarrer tout de suite et, par dérogations, les jours fériés suspendus, il apparait évident que les délais ne pourront pas être tenus. Le service d'architecture de la ville, en conflit avec celui de la voirie, tente de se défausser. Pour sa défense, objet du présent mémoire, A. Borrely fait valoir plusieurs points, tous dûment constatés :
- des maisons qui devaient être démolies sont toujours là au début du chantier
- les Services de la voirie n'ont pas aménagé les zones de dépose des déblais prévues Boulevard Chave (au lieu de servir de remblais au boulevard, les 9 000 m² de déblais finiront, à grand frais, par être jetés à la mer par le Service de l'architecture !)
- le chantier subit des infiltrations dues à l'arrosage du plateau de Longchamp
- à la place de la terre et des cailloux annoncés, le sous-sol recèle de très gros blocs de roche difficiles à extraire (recours aux tirs de mine)
En résumé, ce n'est pas un chantier mais un véritable calvaire ruineux, en très grande partie du fait des agents municipaux : au lieu de le menacer de pénalités, la ville devrait plutôt lui verser des indemnités. A. Borrely achève son mémoire en se déclarant confiant dans la justice...
Le Palais Lonchamp tel que pouvait le voir A. Borrely (Marseille, ~ 1870)
Pour toute réponse, les travaux à peine commencés sont abandonnés. Pourquoi une telle précipitation ? En fait, comme le rappelle Florence Marciano, le projet croulait déjà sous les critiques et était condamné d'avance : éloignement du centre-ville (à l'époque...), projet coûteux, difficultés financières (le préfet ne s'engage que sur le terrassement !), hostilité des astronomes en faveur de l'aggrandissement de leur l’observatoire... Mais le coup de grâce viendra du rapport de Louis Dieulafait (un scientifique !) daté de 1885 qui prône une université unique à Marseille, intégrant les Facultés de Droit et de Lettres d’Aix-en-Provence (2). Les deux premières conclusions de ce rapport sont catégoriques :
- la faculté ne doit pas être construite à Longchamp
- le traité passé entre M. le Maire et M. David, entrepreneur, pour résiliation de l'adjudication des travaux de la Faculté des Sciences est approuvé [la partie d'A. Borrely concerne la préparation des terrains]
À la suite de ce fiasco technique et financier, la Ville ouvrira un concours national en 1895 qui sera remporté par Victor-Auguste Blavette l'année suivante. Ce n'est qu'en 1910 (doyen Charve) que les travaux seront lancés pour bâtir uniquement une nouvelle Faculté des sciences (Aix réussira à s'opposer au transfert de ses deux Facultés) et c'est seulement en 1919, après le retour à la paix, que les trois instituts scientifiques (mathématiques-physique, chimie et sciences naturelles) pourront s'installer dans les locaux de Saint-Charles tels que nous les connaisons encore aujourd'hui (les trois amphithéâtres dits historiques).
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1. Florence Marciano, « La faculté des Sciences saint-Charles À Marseille : le grand œuvre de Victor Blavette », Livraisons de l'histoire de l'architecture [En ligne], 13 | 2007, mis en ligne le 10 juin 2009, consulté le 17 mai 2023. URL : http://journals.openedition.org/lha/412
2. 4. Dieulafait, Louis. - Rapport sur la Faculté des sciences et l'enseignement supérieur... (mise en ligne prochainement sur Odyssée)
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