Colonies françaises]]> Histoire de la colonisation]]> Économie coloniale]]>
le destin national d'une exposition locale

de la pose de la première pierre
(R. Poincaré, 12 oct. 1913)
à l'inauguration officielle
(A. Millerand, 7 mai 1922)

1913

1919

1921


A partir du n°14, couverture monochrome, puis, à partir du n° 41 (mai 1921), couverture illustrée en couleurs. - De septembre 1914 à avril 1919 absorbé par : "Journal des colonies : organe des interêts français". - Mensuel (1919-1922). - Bimensuel (1913-1914) (Notes)


En 1913, la 1ère grande Exposition coloniale de 1906 est encore très présente dans la mémoire des marseillais qui se souviennent encore comment elle avait été conçue : un Grand Palais de l'Exportation complété de deux annexes : la section de l'art provençal (Musée Longchamp) et le Palais de Marseille et de la Provence (Art et histoire). Y était présentée l'histoire de la matière grasse sous tous ses aspects, scientifique, industriel et commercial, sachant que les corps gras constituent depuis des siècles la source principale et traditionnelle de la richesse industrielle locale : huileries, bougies et glycérines.

Convaincu de l’action humaine et civilisatrice quelle mène dans ses colonies, la France veut montrer à ses nationaux et aux étrangers tout ce que les colonies lui apportent : elles sont donc invitées à participer à une seconde Exposition, beaucoup plus ambitieuse que la précédente, et basée sur une double organisation géographique et thématique qui sera confiée à Jules Charles-Roux qui a déjà présidé celle de 1906 (il décèdera en 1919 et sera remplacé par A. Artaud).

Le JO proposé ici est un authentique journal de bord, quasi au quotidien, de la conception et de la construction de l’Exposition, de la première pierre jusqu’au denier jour précédent sa fermeture, des meilleurs jours jusqu’aux petits différends : destiné à faire connaître au plus grand nombre l’état de l’avancement des travaux (chaque grande colonie se voit construire un véritable palais en contrepartie d'objets d'art ou quotidiens), il est imprimé sur un papier glacé de luxe et illustré de très nombreuses photographies (monochromes de qualité), loin du standard de la presse classique.

Avec ses 10 millions de km² (presque 25 fois la surface de la métropole), l'Empire colonial permet aussi à la France de rappeler à l’Allemagne, dénoncée comme étant « pangermaniste », qu’elle n’est ni défaitiste ni sur le déclin démographique (de fait, sa population double). Ne pouvant oublier l’engagement des troupes coloniales, Albert Sarraut rendra un hommage appuyé aux locaux (1921) «Pour nos Frères de Couleur » en faveur des indigènes qui représenteront leurs territoires respectifs ou qui viendront visiter l’Exposition (par chance, le calendrier la cantonne aux plus beaux mois de l’année).

Parallèlement à l’Exposition, sont ouverts des stands et des salons plus spécialisés et se tiennent des congrès coloniaux consacrés à quatre grandes thématiques : Santé, Production, Outillage et Organisation. Une synthèse révélatrice des préoccupations majeures de l’administration française.

L'agriculture coloniale y tient une place de choix (le JO rappelle la crise du caoutchouc de 1914) et c’est tout naturellement que l'Institut Colonial de Marseille, qui s’était illustré par la création d'un Laboratoire d'Études des Céréales et Plantes Féculentes (1914) et ses travaux sur le palmier à huile (1921), se voit chargé par A. Artaud (commissaire général de l'Exposition) de l'Exposition du matériel agricole.

L’Empire colonial couvrant de grandes surfaces océaniques (suite au nouveau mode de calcul de 2018, la France revendique aujourd’hui le second domaine maritime avec ses près de  11 millions de km², juste derrière les États-Unis), un Palais de la Mer Coloniale s’imposait et fera dire à ses organisateurs : « l'Exposition Coloniale doit être la source d'un enseignement colonial permanent. Il faut que dans tous les ports français, des musées coloniaux soient créés, rappelant la richesse de nos colonies et les débouchés qu'elles offrent à notre commerce et à notre industrie ».

Le JO étant d’abord un organe de presse à destination de la presse, de nombreux journaux couvrent l’évènement : le journal leur rendra hommage en toute fin d’exposition en offrant au public une galerie de portraits des directeurs de publication présents sur le site. La publicité n’est pas un accessoire et c’est elle qui assurera le retentissement de l’évènement : une véritable propagande est organisée, jusque dans les écoles, et, progrès technique oblige, l’Exposition promeut un Cinéma lntercolonial.

L’Exposition connaîtra un très grand succès, local, national et même  international, auprès des autorités belges, par ex. : les politiques doivent s’y montrer, les Présidents de la République française n’y manqueront pas, et les maréchaux héros de 14-18 en feront tous la visite, très largement médiatisée et relayée dans le JO, entourés d’officiels, sinon obséquieux, tout au moins très déférents.

Inquiets de son futur succès, les organisateurs alertent très tôt la ville de Marseille sur l'accueil des visiteurs et la possible crise du logement. Les accès ne sont pas en reste : l'Avenue du Prado, chaussée défoncée et pleine de fondrières tant redoutées par les automobilistes même les plus intrépides, est entièrement refaite et reçoit un revêtement d’un bleu du plus bel effet.

L’Exposition prend alors des airs de fête et à côté des animations, des tables populaires gratuites sont installées pour permettre aux moins fortunés d’y organiser leur propre pique-nique et de pleinement profiter de l'abonnement qu’ils ont pu prendre pour toute la durée de l'Exposition.

Une nouvelle offre apparaît : le tourisme. Mélange de technique et d’audace,  on propose alors des croisières en hydravions jusqu’à Monaco. Le tourisme exotique aux Colonies pourrait aussi séduire les classes plus aisées et aventurières : la France a les moyens de vous faire voyager aux quatre bouts de monde : ne seriez-vous pas tenté par une croisière aux Antilles ou dans le Pacifique ?

Comme l’Exposition pense à tout, les tables à manger en témoignent, elle n’a pas oublié les Français plus modestes qui n’ont pas la possibilité de partir dans les îles : un stand propose donc des articles de camping (le tourisme à la ferme !) et le très fréquenté stand du tourisme, qui fait la promotion de nos belles régions de province, souligne, en feignant de ne pas en saisir toute la possible ambivalence, combien la France métropolitaine est  assurément « la Maison du Bonheur ».

Peu avant de fermer ses portes, naissent déjà  les projets d'une foire coloniale et d'un jardin colonial. A suivre…

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