Colonies françaises]]> Histoire de la colonisation]]> Économie coloniale]]> Journal des colonies illustré : ex Journal officiel de l'exposition coloniale (Suite)

Six mois avant l'armistice de 1918, le décès de Jules Charles-Roux, industriel et homme politique, fait la Une du Journal des colonies.

Jules Charles-Roux (1841-1918)
À l'Exposition universelle de 1900, Charles-Roux avait créé une section des colonies et en 1906, il avait organisé la première Exposition coloniale de Marseille dont il fut le commissaire général, assisté d'Édouard Heckel, son adjoint. L'énorme succès de l'évènement (la seule grande exposition bénéficiaire) lui vaudra de nombreux honneurs et une très grande autorité en matière coloniale.

Dans l'Entre-deux-guerres, le Journal des colonies, se limite à traiter les grandes questions coloniales et leurs thèmes associés récurrents (souvent une pleine page), sans y apporter une grande originalité : on trouve sans peine des articles de même ton et de même teneur dans d'autres publications locales, avec une sensibilité plus ou moins grande selon leur ligne éditoriale respective : le Supplément économique du Sémaphore (infrastructures, point de vue économique et financier national et international), les Alpes et la Provence (produits agricoles), les Cahiers coloniaux (production industrielle dans ses aspects scientifiques et techniques).

Il reprend sans recul les discours dominants qui s'imposent à la sortie de l'effroyable 1er conflit mondial : plusieurs pages sont consacrées à "notre Afrique blanche", "notre Afrique noire, "notre Afrique orientale". On notera moins de distance avec "l'Océanie française", "l'Amérique française" (Antilles-Guyane) et, plus franchement encore, "notre France d'Asie" !

La disparition du qualificatif "illustré" n'est pas qu'anecdotique : les illustrations se limitent à une photographie par bulletin, s'atténuent davantage à partir de 1928 et disparaissent totalement à partir des années 1930. Seules la 1ère de couverture et la page de titre conserveront leurs illustrations tout au long de la vie de la publication. Elles resteront par ailleurs toujours identiques : modeste concession, un médaillon changeant à chaque numéro affiche le portrait d'une nouvelle personnalité liée, de près ou de loin, à l'Empire colonial.

Au rythme des manifestations, le thème des expositions vient rompre cette monotonie éditoriale (les nouvelles liées à la future Exposition coloniale sont dévolues à la publication parallèle Journal officiel de l'Exposition coloniale, Marseille... ). Ainsi, on apprend que pour l'Exposition coloniale internationale de 1931 qui se tiendra à Paris, au détriment de sa rivale marseillaise, la Chambre de Commerce de Marseille, qui mène des voyages d'études en Afrique du Nord, inaugurera bien son pavillon.

Une promesse de la Chambre des députés (1933)
A l'opposée des années 1920, pleines de confiance dans l'avenir, les années 1930 amènent leurs lots d'inquiétudes et d'interrogations face aux périls du monde extérieur et se traduisent par une question pleine de pessimisme : avons-nous réellement une politique économique, que l'on peut comprendre également comme : avons-nous réellement une politique coloniale ? 

Une Europe des colonies : une proposition jugée peu sérieuse (1933)

A côté de propositions jugées utopiques, des voies s'élèvent pour prôner une nouvelle organisation des marchés nationaux et coloniaux, non plus basée sur la concurrence mais sur la coopération et la complémentarité (Pierre Mendès-France, 1933).

L'année 1933 et son atmosphère politique de plus en plus pesante marque un tournant dans les commentaires critiques du journal envers le pouvoir (ce même virage se retrouve dans les journaux déjà mentionnés). Le journal fait état d'une rumeur selon laquelle les actuels dirigeants français auraient l'intention de s'occuper activement de la mise en valeur du Domaine colonial français : "Tous les vrais coloniaux se réjouiront de cette « Nouvelle Politique Coloniale Française » si conforme au programme qu'ils ont toujours préconisé et il faut espérer que cette fois il ne s'agira plus seulement de discours ou de conférences qui n'ont donné naissance qu'à des velléités bien vite oubliées". La conscience qu'une crise plus profonde touche tout l'Empire colonial se fait jour.

Une prise de conscience tardive malgré de nombreux signaux d'alerte
Si des crédits supplémentaires peuvent résoudre temporairement les déficits budgétaires, ils ne suffiront pas à endiguer un malaise grandissant et qui dépasse le seul cadre économique.

L'Afrique du Nord : un révélateur de l'état d'esprit de l'Empire colonial ?

Pendant que l'Académie des Sciences coloniales tient des conférences sur la "mission civilisatrice" de la France et que la métropole poursuit ses investissements dans les infrastructures lourdes (routes, électrification, lignes de chemins de fer, radiophonie, hôpitaux, etc...) faites pour le long terme, le sénateur Manfroni rappelle cette définition qui a été donnée des colonies : « des fruits qui se détachent de l'arbre qui les a nourris, à peine ont-ils atteint la maturité ». Et d'ajouter : « Aujourd'hui prédomine chez ces peuples un sentiment croissant d’intolérance de la domination européenne, plus ou moins vivement ressenti et exprimé, mais dont les symptômes sont assez préoccupants" (n° 1352 du 15 juin 1933).

Notre collection s'achève sur l'année 1936 (le Journal des colonies cessera définitivement de paraître en 1939) qui fait une large promotion de l'Exposition Internationale de Paris de 1937 au titre enthousiaste "Exposition des Arts et Techniques dans la Vie moderne". Et qui rappelle que dans un idéal commun, "la France totale est faite d'infinies nuances...".

___________________________
Cette collection a été numérisée avec le soutien financier de la Bibliothèque Nationale de France qui en assure une diffusion nationale sur sa bibliothèque numérique Gallica. Qu'elle en soit ici grandement remerciée.
]]>
1918-1939]]> fre]]> Marseille. 19..]]>