Droit international]]> Jurisprudence après 1789]]> Dans toutes ces circonstances, de grandes luttes ont été menées, sans distinction de nationalité, au service de la justice". Pourquoi cette histoire de spoliation, si fréquentes dans les périodes de conflit, amène-t-elle La Pradelle à une telle déclaration ?

Revenons à l'affaire : Hugo Stinnes est un industriel et un homme politique allemand très ambitieux. Le groupe minier et manufacturier qu'il a bâti à partir de 1893 connaîtra une belle prospérité pendant la Première Guerre Mondiale et deviendra l'un des plus importants d'Allemagne (1). Parallèlement à l'ascension de Stinnes, un certain Dr Mayer Wilderman, né en Bessarabie (alors partie intégrante de la Russie) invente en 1900 un nouveau procédé pour fabriquer par électrolyse de la potasse caustique, de la soude caustique et du chlore. En 1910, il accorde une licence de brevet à une société allemande : le succès et les bénéfices sont tels que l'entreprise tente de lui acheter son brevet. Wilderman refuse mais deux ans plus tard, très mal inspiré, il cède la licence de ses principaux procédés pour l'Allemagne à Stinnes.

À partir de ce jour, les rapports entre l'industriel et le scientifique ne fut qu'une lutte continue et commence alors une chronologie funeste : de 1912 à 1915, Stinnes accepte que Wilderman, seul chimiste à maîtriser les process de production, supervise la construction des usines mais avec dans l'idée de l'évincer tôt ou tard. De 1918 à 1920, Stinnes accumule des bénéfices considérables, bénéfices masqués par une comptabilité falsifiée qui laisse à penser que l'entreprise est en mauvaise posture. À l'usure, le savant abandonne tous ses droits pour une somme dérisoire.

Hugo Stinnes, industriel et homme politique allemand (1870-1924)

À l'issue de la guerre, le savant se retrouve complètement spolié. Mais en 1918, la Bessarabie est annexée à la Roumanie et Wilderman tente alors de reprendre ses actifs. Cependant, Stinnes fait tout pour faire échouer Wilderman en mettant en cause sa nationalité et l'accuse même d'avoir falsifié son certificat de naissance. Si cela ne suffisait pas, Stinnes prétend également que les actifs avaient été dissipés et, par conséquent, il n'y avait plus rien à récupérer. De 1920 à 1923, Wildermann tentera de dénoncer ce contrat déloyal devant les tribunaux allemands. En vain. Devenu citoyen roumain ( Stinnes l'attaque sur ce point : il aurait dû l'être à la signature du contrat en 1918), il fait appel au Tribunal Arbitral Mixte Roumano-allemand de 1923 à 1931. Inquiet de ces procédures, Stinnes n'aura de cesse de brouiller les cartes sur le plan juridique en jouant sur le transfert des propriété industrielles vers une autre société hors d'Allemag
ne et de soulever toutes les exceptions possibles et imaginables contre le Tribunal arbitral.

Si La Pradelle insiste tant sur cet historique, c'est qu'il démontre que non seulement Wildermann a bien été victime des manœuvres de l'industriel mais que les richesses accumulées grâce à ses procédés se sont révélées d'une ampleur insoupçonnée.

Malgré le décès brutal de Stinnes à la fin de 1924 (son épouse, seule héritière, reprend l'action), le Tribunal les réfutera toutes au cours des années 1925 et 1926, à l'exception de la question de la nationalité réelle de Wildermann : la jurisprudence internationale aura retenu que le tribunal international est autorisé à examiner les conditions dans lesquelles un certificat de nationalité a été accordé (2).

La Pradelle en tire d'autres enseignements qui relèvent du droit international : la question est de savoir à quel moment Wilderman doit avoir la nationalité roumaine pour pouvoir saisir le Tribunal mixte roumano-allemand et de savoir si Wilderman avait bien la nationalité roumaine à l'entrée en vigueur du Traité de Versailles. Pour lui, les réponses ne font aucun doute :

  1. Wilderman est bien né en 1863 citoyen roumain
  2. la réponse à la 2nde question est évidente, le Traité de Versailles datant de 1919. Mais le juge réfute cette évidence objectant que s'il y a bien eu transfert de souveraineté, le changement de nationalité n'a pas été ratifié par les deux États (Russie/Roumanie). Ce qui est absurde puisque le traité s'applique sans le consentement de la Russie.

Pour La Pradelle, la décision du Tribunal est non seulement un non-sens mais une violation du droit des minorités (Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes). Dans son arrêt, le juge a méconnu le droit international en contestant la portée internationale des Traités de 1919 et de 1920 : cela s'appelle un abus de pouvoir, pire : une rébellion contre les Traités signés entre États souverains. Mais rien de surprenant quand on sait que la Russie, l'ancienne comme l'actuelle (1931) refuse de reconnaître le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Une façon de ne pas reconnaître les droits de l'homme...

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1. À aucun moment La Pradelle n'évoque les 135 000 tonnes de chlore produites par l'Allemagne pendant la guerre (près de 6 fois la production française), dont près de 80 000 à un usage militaire. Les noms de Stinnes et de Wildermann ne semblent pas apparaître dans les articles qui analysent l'industrie chimique impliquée dans la conception et la fabrication de gaz de combat (cf La Guerre des Gaz ou la guerre chimique pendant la Première et Deuxième guerre mondiale).
2. On trouve cette réponse dans la décision Meyer-Wildermann c. Hoirie Stinnes et consorts, rendue par le tribunal arbitral germano-roumain, le 6 novembre 1924 (Recueil des décisions des tribunaux arbitraux mixtes, t. IV, p. 842) dans laquelle le tribunal arbitral se réserve explicitement le droit de vérifier les conditions de la reconnaissance officielle de la nationalité. (https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/18/018-19550406-JUD-01-03-FR.pdf)

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1931]]> fre]]> Roumanie. 19..]]> Allemagne. 19..]]> Bessarabie. 19..]]>
Droit international public]]> Jurisprudence après 1789]]>
Mais si l'on conçoit facilement ce qu'est la neutralité politique et territoriale d'un État (définition juridique très précise), comme celle perpétuelle obtenue par la Suisse en 1815, on comprend aussi qu'elle n'est pas un gilet pare-balles pour ses concitoyens, où qu'ils se trouvent, particulièrement à une époque, ici le début du 20e siècle, où le règlement des discordes entre nations par la voie des armes n'est pas toujours la dernière option retenue, comme l'a montré l'effarante spirale de la Guerre de 1914-1918.

Entrainement de l'armée suisse (1914)

Si aucune instance internationale n'est officiellement saisie de cette question, elle doit être documentée : il n'e s'agit pas seulement d'un problème juridique, il s'agit avant tout d'une question de justice. La Pradelle s'y attèle en rassemblant dans ce recueil une quinzaine de documents : rapports, déclarations, consultations et réponses, qu'il clôture par une synthèse sur l'opinion publique française, le point de vue des partis politiques et de la jurisprudence, notamment en matière d'indemnisation des Suisses pour les dommages qu'ils ont subis en France.

La ville de Zürich, bombardée par les Alliés (américains) en 1945

Si la question des réparations dues aux pays neutres et à leurs ressortissants exigeait à l'évidence l'élaboration de nouveaux textes, les traités et autres accords ne suffisent pas toujours à refermer les plaies de l'histoire : alors que les générations politiques qui ont été directement témoins du conflit ont disparu ou sont en train de disparaître, et après la Grèce en 2019, la Pologne a officiellement réclamé à l'Allemagne plus de 1 319 milliards d'euros au titre des réparations de dommages de guerre le 1er septembre 2022, 83 ans après le début de la Seconde Mondiale. Pour le Gouvernement fédéral allemand, cette demande est irrecevable puisque la Pologne y a officiellement renoncé en 1953. A suivre...

* la notion d'indemnité de guerre est récente : elle apparaît après la Guerre de 1870-1871 avec les compensations que la France devra verser à l'Allemagne victorieuse. Celle de dommages de guerre s'imposera quelques mois seulement après le début de la Première Guerre Mondiale quand il deviendra évident que l'ampleur des destructions (civiles) était telle qu'elle entrainerait des coûts de reconstruction insupportables pour la collectivité et les particuliers.]]>
1931]]> fre]]> Suisse. 19..]]>
Économie coloniale]]> Aménagement du territoire]]> Les têtes de chapitres et culs-de-lampe sont d'André Bermon. Les clichés des hors-textes ont été fournis par le Service des Archives de la Chambre de Commerce de Marseille".

"On ne conçoit pas une Exposition Coloniale de l'envergure de celle qui se prépare, sans la participation de l'une des plus grandes métropoles coloniales du monde, de la plus grande métropole coloniale française". En reprenant in extenso l'invitation du Gouverneur-Général faite aux négociants et industriels marseillais à participer à l'Exposition Coloniale de Paris prévue pour l'année suivante, en 1931, on comprend que l'éloge de la grande maison et de la grande cité ne vas pas faire dans la nuance. Son rôle dans la colonisation pas davantage : "Ce n'est pas par les armes qu'on colonise, Marseille, métropole coloniale de la France, a toujours pratiqué l'expansion bienfaisante, s'imposant par les services rendus, et souhaitée par ceux auprès de qui elle s'exerce".


Le pavillon de la CCIMP, mausolée du commerce colonial (Expo Paris à Vincennes, 1931)

La construction du pavillon de la Chambre de Commerce est bien la reconnaissance de son rôle historique et exemplaire (la seule et unique photographie en rapport direct avec l'Exposition parisienne). Une fois passés ces éloges, où transparaît toute l'amertume de Marseille d'avoir été écartée de la sélection finale des villes pouvant accueillir la Grande Expo Coloniale de 1931*, le principal intérêt de cette courte monographie tient dans sa trentaine de photographies des années 1930-1931 montrant les installations portuaires, dont quelques panoramiques aériens, fournies par le Service des archives de la Chambre de commerce.

Le Bassin national (Joliette, 1931)

Si certaines sont assez bien connues, comme celles de la Joliette où s'alignent cargos et engins de manutention dont les fumées de charbon noircissent la ville, d'autres sont moins répandues, comme celles de l'aérodrome de Marignane qui annonce 4 400 mouvements annuels avec 9 lignes régulières, pour l'essentiel le fret, les échanges postaux et un trafic passager encore modeste avec 6 330 passagers par an, principalement avec Ajaccio, Lyon et Barcelone.

Les débuts du traffc aérien local - hydravion à Marignane (1930)

Moins accessibles au grand public, les installations portuaires proprement dites montrent l'ampleur des travaux de génie civil entrepris pour faciliter le déchargement des navires (quais et outillages de Caronte) et le transport du fret vers le nord du pays, comme le percement sous la chaine de l'Estaque du tunnel du Rove, tout juste inauguré en 1927, alors plus grand tunnel-canal reliant l'étang de Berre à la rade de Marseille (cette liaison sera mise hors service à la suite d'un éboulement en 1963 - sa réouverture est toujours à l'étude...)

Le tunnel du Rove - une liaison Rhône-Méditerranée de 7 km (cliché 1930)

L'ouvrage s'achève sur les actions de la Chambre de Commerce en matière d'enseignement, ses subventions à diverses écoles (Ecole supérireure de commerce, Ecole d'ingénieurs, Institut technique supérieur, Cours coloniaux) et autres institutions de recherche (Institut et Musée colonial), son soutien à la formation professionnelle et à ses formations théoriques gratuites pour permettre aux mécaniens, radiotélégraphistes,  chauffeurs de marine, dessinateurs, électriciens, etc., déjà dans la vie active, d'acquérir un niveau de compétence plus élevé.

* Sur le thème colonial, l'Exposition coloniale internationale de Paris de 1931 sera la plus grande et la plus populaire organisée jusque là avec plus de 8 millions de visiteurs (33 millions de tickets vendus, source Le Monde, édition des 28 & 29 août 2022, p. 17) qui se sont rendus au Palais de la Porte Dorée (Vincennes), anciennement Musée de la Colonisation, devenu aujourd'hui, après cinq changements de nom, Musée national de l'histoire de l'immigration. Marseille, déjà malheureuse en 1916 et 1931, se voit déjà organiser la suivante, prévue pour 1939...
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1931]]> fre]]> Marseille. 19..]]> - Feuille S.n. ; 58-59 ; 1970 ; Institut géographique national (France), ISBN : C60_058_70. "Prises de vues aériennes de 1969 ; Révisé en 1970"
- Lien vers la page : http://www.cartomundi.fr/site/E01.aspx?FC=51470]]>
Epidémies]]>
Depuis le début du 20e siècle, la peste, qui avait laissé un peu de répit à l'Europe au siècle précédent, réapparait fréquemment dans les ports méditerranéens. Sa présence quasi permanente à Marseille justifie l'intérêt des doctorants en médecine qu'ils soient de Paris, de Lyon ou encore de Montpellier : Guglielmi soutient donc la cinquième thèse déjà défendue sur cette question depuis 1901.

BnF - Vaincre les épidémies (1900-1929)

L'originalité de son travail est qu'il fait grand cas des données fournies par le Bureau municipal d'Hygiène de Marseille, ce qui l'autorise à soutenir une assertion peu triviale concernant la ville portuaire :

- les cas nautiques, i.e. les cas importés par les navires, sont sans intérêt épidémiologique : ces bateaux ont bien pu accoster dans des ports sains autant que suspects mais ils sont souvent eux-mêmes infestés de rats porteurs du bacille et sont déjà particulièrement surveillés sur le plan sanitaire.

La rue Peyssonnel, un habitat pauvre et insalubre (Marseille, 1930)

- les cas sporadiques sur le territoire sont plus intéressants à étudier mais beaucoup plus difficiles à analyser lorsqu'ils sont totalement isolés : leur origine mal identifiée ne permet pas de comprendre comment ils ont pu franchir les barrières sanitaires.

Habitat précaire : camions et roulottes (Marseille, 1930)

Il y a bien un problème méthodologique fondamental : il faut plusieurs faits voisins suffisamment rapprochés dans le temps et dans l'espace pour émettre des hypothèses crédibles. La quarantaine de cas survenus entre 1921 et 1929, suivie d'une micro-épidémie locale, répond à ce postulat et permettra de comprendre s'il s'agit de cas sporadiques exogènes, faciles à combattre, ou s'il s'agit de foyers autochtones, donc hélas endémiques et sans espoir d'éradication définitive. L'étude montrerait que Marseille relève du premier cas de figure et ne connaît que des cas importés que le service sanitaire de la ville peut contenir efficacement.

Les quelques illustrations photographiques (rues de Marseille proches des bassins de la Joliette), qui témoignent de la misère et de l'insalubrité de certains quartiers et qui sont reproduites ici, sont extraites de la thèse originale : leur apparition dans un mémoire académique de ce type est assez exceptionnelle pour l'époque.

1. Agnès Sandras - Vaincre les épidémies (1900-1929) : isolement, masques, sérums, ... - Blog BNF 2020]]>
1931]]> fre]]> Marseille. 19..]]>
Médecine tropicale et coloniale]]> Santé publique]]> Histoire de l'université]]>
Un an après la création de la Faculté de Médecine de Marseille, le Ministre des colonies, prenant en compte par les recommandations de l'Institut Colonial de Marseille, lui attribue les 2/3 des crédits affectés à la santé publique des colonies pour son Ecole d'application du service de santé colonial, son Institut de médecine coloniale et crée du même coup un nouvel Hôpital colonial]]>
1931]]> fre]]> Marseille. 19..]]> Colonies françaises. 19..]]>
Histoire de l'université]]> Annales de la Faculté de droit d'Aix (1907-1972), 1931 - N° 20]]> 1931]]> fre]]> Provence. 18..]]>