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200
3
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/1021/BUSC-15323_Rivals_Leon-Charve.pdf
e323dd5869fe5b05fe77d66918e2cb4d
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Notice sur la vie et les travaux de Léon Charve (1849-1937)
Subject
The topic of the resource
Histoire de l'université
Sciences & techniques
Biographie
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rivals, Paul (1864-1939). Auteur
Source
A related resource from which the described resource is derived
BU Saint Charles - Sciences, Lettres et Sciences Humaines.(Marseille), cote BUSC 15323 (Réserve - Fonds local)
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Impr. Marseillaise (Marseille)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1938
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : https://www.sudoc.fr/091404479
vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/BUSC-15323_Rivals_Leon-Charve_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
40 p.-2 f. de pl.) : ill.
(27 p.-2 f. de pl.) : ill. ; 26 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/1021
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Marseille. 18..
Marseille. 19..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Notice sur la vie et les travaux de Léon Charve, doyen honoraire et professeur honoraire de la chaire de Mécanique rationnelle et appliquée à la Faculté des Sciences de Marseille par M. Paul Rivals, doyen honoraire de la Faculté des Sciences de Marseille
Abstract
A summary of the resource.
Léon Charve est professeur de mécanique rationnelle et appliquée lorsqu'il est nommé en 1899 Doyen de la Faculté des Sciences de Marseille, fonction qu'il occupera 11 ans, jusqu'en 1910.<br /><br />
<div><img src="https://odyssee.univ-amu.fr/files/thumbnails/Leon-Charve.jpg" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></div>
<div style="text-align: center;">Leon-Charve (1849-1937)</div>
<br />Homme décrit comme entier, passionné et autoritaire mais proche de ses étudiants, il s'engagera totalement dans la partie de bras de fer qui opposera Marseille à Aix-en-Provence : la création d'une véritable université à Marseille construite sur les neuf hectares de l'ancien cimetière Saint-Charles impliquait le transfert des Facultés aixoises, celle de Droit fondée en 1808 et celle des Lettres, créée en 1846. Elle comprenait également une Faculté de médecine et un nouveau bâtiment pour la Faculté des Sciences, créée en 1854, et qui était alors en très mauvais état.<br /><br />Léon Charve, qui n'avaient pas que des amis, et ses collègues, n'eurent pas gain de cause contre les appuis politiques qu'Aix et Montpellier, qui voyaient d'un très mauvais œil la création à Marseille d'une Faculté de médecine, disposaient dans la capitale.<br /><br />
<div><img src="https://odyssee.univ-amu.fr/files/thumbnails/Leon-Charve_age.jpg" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></div>
<div style="text-align: center;"><em>Léon Charve, à un âge plus avancé (1849-1937)</em></div>
<br />Après 10 ans de bataille (et de blocage au sujet d'un budget d'État destiné à l'Enseignement Supérieur mais utilisé par la ville pour construire des écoles primaires), Charve obtint l'adoption du projet de construction de la nouvelle Faculté des Sciences (on ne parle plus d'Université ni de certains services centraux). Avec le sentiment d'avoir accompli sa mission, Charve démissionna de son décanat et confia la suite des affaires à ses successeurs. Mais la suite ne fut pas tout à fait celle qu'il attendait : le projet initial avait perdu de sa séduction et, sensible à l'évolution des campus à l'américaine, l'idée d'Instituts dispersés dans un grand parc prenait le pas sur celle d'un imposant et prestigieux palais très 19ème... En réalité, les tutelles avaient tranché : la Faculté se ferait donc à Saint-Charles (ou ne se ferait pas...). En 1921, L. Charve partait en retraite. Il aurait probablement savourer, exactement 100 ans plus tard, la création à Marseille d'une université unique qui se choisira un nom à la fois très séducteur, assez neutre et totalement détaché de son passé.<br /><br />
<div><img src="https://odyssee.univ-amu.fr/files/thumbnails/amphi-Charve.2.jpg" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></div>
<div style="text-align: center;"><em>Léon Charve (doyen 1899-1910), un nom gravé dans le marbre de l'amphi de mathématiques<br /></em></div>
<br />Les obsèques de l'ancien doyen étant restées privées, le Conseil de la Faculté décida, en guise d'hommage à titre posthume, de baptiser l'Amphithéâtre de l'Institut de Mathématiques et de Physique de la nouvelle Faculté des Sciences du nom du professeur de mécanique, inchangé depuis.
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
BU Saint Charles - Sciences, Lettres et Sciences Humaines (Marseille)
Description
An account of the resource
Le 20e siècle naissant, un professeur de mécanique, passionné par son enseignement et ses étudiants, devient doyen avec l'idée en tête de construire une nouvelle Faculté de Sciences, et, pourquoi pas, une université unique à Marseille !
Charve, Léon (1849-1937) -- Biographie
Faculté des sciences -- France -- Marseille (Bouches-du-Rhône) -- 19e siècle
Faculté des sciences -- France -- Marseille (Bouches-du-Rhône) -- 20e siècle
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/774/BUT-RES-22587_Imbert-Souvenirs.pdf
c81625ae8f9fdbe099111a20fd5f1086
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Souvenirs personnels
Subject
The topic of the resource
Histoire de l'université
Médecine tropicale et coloniale
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Imbert, Léon (1868-1955). Auteur
Source
A related resource from which the described resource is derived
BU médecine-ondotologie (Marseille), cote BUT MS in-4°-21 (RES 22587)
BU des Fenouillères - Arts, lettres et sciences humaines (Aix-en-Provence), cote BULA 82138
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n (sl)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1938
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/255071396
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/BUT-RES-22587_Imbert-Souvenirs..jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
113 p.
In-8°
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/774
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Marseille. 18..
Marseille. 19..
Abstract
A summary of the resource.
Dédicace manuscrite "Offert par l'auteur à la bibliothèque de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Marseille. Signé Imbert" (Notes)<br /><br />Mention autographe de l'auteur sur la page de titre "<em>Ce petit volume pourra être consulté par tous ceux qui s'y intéresseront, mais je désire qu'il ne sorte pas de la bibliothèque</em>" (Notes)<br /><br />
<div><img src="https://odyssee.univ-amu.fr/files/thumbnails/Imbert-Leon_1868-1955.jpg" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></div>
<div style="text-align: center;"><em>Léon Imbert (1868-1955)</em></div>
<br /><span>Dans le milieu médical marseillais, Léon Imbert est connu pour son double engagement dans la recherche et la pratique : en 1906, il fonde la Société de Chirurgie de Marseille et devient directeur du journal </span><em>Marseille médical</em><span>. </span><br />
<div><br /><img src="https://odyssee.univ-amu.fr/files/thumbnails/hopital_1914-1918.jpg" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></div>
<div style="text-align: center;"><em>Un hôpital au cours de la Guerre 1914-1918</em></div>
<br /><span>Il est nommé directeur de l’École de Médecine de 1927 à 1930 et occupera le poste de doyen de la nouvelle Faculté de Médecine Générale et Coloniale et de Pharmacie de 1930 à 1937. C'est donc peu de temps après la cessation de ses fonctions qu'il prend la plume pour rédiger, en forme de mémoires, l'histoire de la Faculté de médecine dont il est indissociable mais qu'il ne connaîtra pas en tant que doyen.<br /><br /></span>Son ambition d'une véritable Faculté de médecine à Marseille, et dont la création s'est faite dans les plus grandes difficultés, et ses espoirs déçus, expliquent une certaine amertume et des propos fort peu diplomatiques : ainsi au détour d'un détail sur cet historique, il observe que "<em>Dans l'espèce, la Ville de Marseille, qui ne se souciait pas plus des Hôpitaux que de la Faculté, tenait surtout à récupérer les terrains de St Charles</em>". Remarque à corréler au constat sans équivoque du prix du m² en plein centre ville ! Ou encore, du fait de l'opposition de ses collègues à son projet de nouvelle Faculté, la perte du crédit de 25 millions de francs qui lui était pourtant promis (p. 93).<br /><br />Le milieu médical universitaire n'est pas non plus épargné, et les remarques plutôt acides sur ses confrères se concluent sur un jugement sans appel : "<em>Le petit parlement que constitue un Conseil de Faculté, s'il peut rendre d'incontestables services, est trop souvent impuissant et par conséquent malfaisant</em>" (p. 94).<br /><br />En adoptant le titre très neutre du simple témoignage subjectif "<em>Souvenirs personnels</em>", Léon Imbert à l'élégance de ne pas revendiquer "<em>la véritable et triste histoire de la Faculté de Médecine de Marseille</em>" mais après la lecture d'un tel manuscrit, on mesure toute la malice de cet ancien doyen qui en fait don à la bibliothèque et en recommande la lecture mais pas son emprunt : on comprend bien pourquoi !<br /><br />Réfs<br />- Notice biographique sur Léon Imbert / <em><a href="http://patrimoinemedical.univmed.fr/rues/rues_imbert.htm" target="_blank" rel="noopener" title="L’Association des Amis du Patrimoine Médical de Marseille">L’Association des Amis du Patrimoine Médical de Marseille</a></em> <br />- "Misère de nos hôpitaux" : une enquête à Marseille en 1938, par Marina Bellot, <em><a href="https://www.egora.fr/actus-pro/histoire/46307-misere-de-nos-hopitaux-une-enquete-a-marseille-en-1938" target="_blank" rel="noopener" title="Retronews le 16-02-2019">Retronews le 16-02-2019</a></em>
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
BU médecine-odontologie (Marseille)
BU des Fenouillères - Arts, lettres et sciences humaines (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
Un témoin direct de l'histoire de la création de la Faculté de Médecine raconte son combat mêlé de réflexions désabusées sur la ville de Marseille, uniquement soucieuse du prix du foncier, et sur l'impuissance du Conseil de la Faculté Médecine
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Création (La) de la Faculté de Médecine (Contient)
Histoire (L') de l'Institut de Médecine Coloniale et celle de l'Hôpital Colonial de Marseille (Contient)
Projets (Les) Projets de Construction d'une nouvelle Faculté de Médecine) de Construction d'une nouvelle Faculté de Médecine (Contient)
Enseignement médical -- France -- Marseille (Bouches-du-Rhône) -- Histoire
Facultés de médecine -- France -- Marseille (Bouches-du-Rhône) -- 20e siècle
Médecine -- France -- Marseille (Bouches-du-Rhône) -- Histoire
Université d'Aix-Marseille (1409-1973) -- Histoire
Universités -- Marseille (Bouches-du-Rhône) -- 20e siècle
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/290/RES-9118_Raynaud-Loi-naturelle_V2.pdf
f1a45cc6bb46b151d4123a970a5b1113
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RAYNAUD
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DROIT
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L ’U N I V E R S I T É
D 'A IX -M A R S E IL L E
LA LOI NATURELLE
en Eco no m ie
POLITIQUE
II
LES LOIS NATURELLES ECONOMIQUES
LES LOIS GÉNÉRALES
P A R IS
ÉDITIONS DOMAT-MONTCHRESTIEN
F. LOVITON ET O
158-160, Rue Saint-Jacques
19 3 8
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RAYNAUD
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D 'A IX -M A R S E IL L E
LA LOI NATURELLE
EN ÉCONOMIE
POLITIQUE
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il
LES LOIS NATURELLES ÉCONOMIQUES
LES LOIS GÉNÉRALES
P A R IS
ÉDITIONS DOMAT-MONTCHRESTIEN
F.
LOVITON ET O
160, Rue Saint-Jacques
19 3 8
�INTRODUCTION
Après l'étude de la notion de loi naturelle en Econo
mie politique \ il s'agit maintenant d'aborder l'étude
des lois économiques elles-mêmes à ce iour formulées.
Ce second problème, pour très différent qu'il soit du
précédent, ne manque pas de soulever lui aussi de nom
breuses difficultés.
Il
sera facile de les exposer ici : elles sont au nombre
de trois :
1° des formules à retenir ;
2° de l'ordre dans lequel il les faut étudier ;
3° du cadre de chaque élude séparée.
I. Des formules à retenir.
Il existe aujourd'hui plus de trente formules qui pas
sent pour des lois économiques. Existe-t-il un critérium
a priori permettant de discriminer les vraies lois et les
fausses lois ?
Une loi n étant que la constatation d'une régularité
vérifiée par les faits, il n'est point d'autre critérium de
la loi économique que la vérification de cette loi par
l'observation.
Il faudra donc provisoirement faire le plus large cré
dit aux formules proposées, n'en écarter aucune a priori
et les examiner une à une et successivement.
Il y aura donc lieu — et c'est l'objet de cette seconde
élude — de foire un tri sérieux entre les lois naturelles
1 Qui a fait l ’objet du tome I de cet ouvrage.
�—
8
—
économiques valables el les prétendues lois économi
ques.
On étudiera donc ici toutes les lois qui, à des titres
bien divers, ont été formulées par leurs auteurs : seul
un travail critique, la confrontation avec les faits, la
vérification de la loi, permettra d'éliminer les lois faus
ses pour ne retenir que les lois exactes et vraies.
II. De l'ordre dans lequel il les faut étudier.
Plusieurs classifications sont a priori possibles pour
l'élude des lois économiques :
On pourrait songer tout d'abord à une classification
historique : les diverses formules dont il s'agit ont vu le
jour à des dates très diverses et il serait possible au
jourd’hui avec le progrès de l'histoire des Doctrines
économiques, de les présenter dans l'ordre historique
de leur apparition.
Cette solution présenterait sans doute le précieux
avantage de fournir une base solide et un ordre
rationnel.
Mais chacune de ces lois ou prétendues lois
depuis
son apparition, évolué et du point de vue actuel l'origine
de la loi perd beaucoup de son importance en présence
de ces nombreuses transformations.
On pourrait encore s'arrêter à une classification des
lois d’après les Ecoles économiques qui les ont formu
lées.
On aurait ainsi les lois formulées par l'école libérale,
les lois dues aux Ecoles Socialistest les lois de l'Ecole
Autrichienne, etc...
Ce procédé, du point de vue de l'histoire des idées,
aurait le grand avantage de rendre à chacun son dû et
de permettre de dresser un tableau de l'apport de cha
que Ecole dans la constitution de la science économique.
Mais ici encore le fait de l'évolution de chacune des
formules enlève une partie de son intérêt à celte solu
tion : uric fois versées dans le trésor commun de la
science économique, le droit d’auteur, si j'ose dire, de
chaque Ecole sur sa découverte s'est perdu et c'est le
— 9 —
patrimoine commun de la science économique qui est
devtnu le bien de tous.
Enfin une dernière solution demeure possible et
c'est une classification des lois économiques d après leur
portée et leur objet.
En effet certaines de ces lois peuvent être qualifiées
de lois générales, c'est-ù-dire dominant la vie économi
que toute entière : d'autres peuvent être dénommées lois
spéciales, c’est-à-dire ne concernant qu’une catégorie
de faits économiques.
Du point de vue critique qui est ici le nôtre, cette
classification a le grand avantage de présenter la science
économique contemporaine comme un tout vivant et de
permettre le départ entre les formules valables à retenir
et les formules fausses à écarter.
C'est la solution que nous adopterons. Il y a donc
lieu d’envisager successivement :
l r£ partie : Les Lois générales :
Ce deuxième volume leur sera consacré.
On les peut d'ailleurs aisément classer en‘ trois grou
pes fondamentaux :
d'abord les lois de la Vie Economique, j'entends par
là celles qui concernent la vie économique en général, ce
sont :
I la loi du matérialisme historique,
Il la loi de la concurrence,
III la loi des grands nombres,
IV la loi de l’effet proportionnel
V la loi du déplacement de l'équilibre,
VI la loi du moindre effort,
VII les lois de population\
VIII la loi de l'extension croissante des fonctions de
l'Etat,
IX la loi des crises,
ensuite les lois de la Valeur, savoir X la loi de la
Valeur travail et XI la loi de Vutilité finale.
enfin les lois des Prix qui sont :
XII la loi d’indifférence,
�— 11 —
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
la loi de l'offre el de la demande,
la loi des prix en régime de commerce,
la loi des prix en régime de monopole.
la loi de Gregonj King,
la loi du coûl de production,
la loi de compensai ion des changements de prix.
2* partie : Les Lois spéciales \
Pour les présenter, le plus simple et le plus commode
sera sans doute de conserver le cadre traditionnel de la
science économique française et d'envisager succincte
ment :
les
les
les
les
lois
lois
lois
lois
de
de
de
de
la production,
la circulation,
la répartition,
la consommation.
par l'observation 1 ou au contraire fausse et à rejeter
parce que contredite par la réalité.
Une fois ces divers problèmes résolus pour chaque loi,
il ne restera plus qu'à dégager une double conclusion :
faire le bilan d'abord des lois économiques véritables el
insister sur le caractère logique des dites lois ; confron
ter ensuite les résultats ainsi obtenus avec ceux qui se
dégagent du tome I et conclure enfin sur la nature
exacte de la loi économique.
D'avance il est permis de demander au lecteur beau
coup de patience et d'indulgence : la route à parcourir,
d'après le schéma ci-dessus indiqué, est sans nul doute
longue et dfficile.
Mais nous sommes au cœur même de la science éco
nomique. Celle-ci est-elle vraiment digne de ce nom ?
Tel est au fond le problème vital qui est ici posé.
Théoule, le 26 juillet 1935.
III. Du cadre pour l’étude de chaque loi séparée.
Enfin un dernier problème reste à résoudre : dans
quel cadre présenter l'élude séparée de chaque loi.
Il semble nécessaire d'envisager, ici et pour chacune
des formules proposées :
a) origine et évolution de la loi ;
b) formule actuelle ;
c) vérification par les faits.
L ’origine et l'évolution de la loi permetlront de fixer
incidemment quel auteur• quelle Ecole est responsable
de la loi et de donner ainsi les indications sommaires
qu'une classification complètement historique ou com
plètement doctrinale eut mieux mis en relief.
La formule actuelle de la loi fixera sur la valeur
scientifique qui lui est accordée et permettra une mise
au point nécessaire du contenu scientifique de l'Eco
nomie politique contemporaine.
Enfin la vérification par les faits demeure naturelle
ment l’essentiel : la loi est-elle vraie parce que vérifiée
1 Elles feront l’objet d'un tome III (en préparation).
1 Ici se pose la question de l ’expérimentation en Economie
Politique.
�BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
Les ouvrages englobant les lois naturelles économiques sont
rares. On peut citer cependant :
De Metz Noblat. Les lois économiques (1867), résumé d’un
cours d’Economie Politique fait à la Faculté de Droit de
Nancy. 2e édition avec une introduction de Clavidio Jannet. Pa
ris, Pedone, 1880.
J.-B. Clark. Essentials
Macmillan, 1907.
of Economie
Theory.
New-York,
Traduit en français par \Y. Ouaîid et O. Leroy. Principes
d’Economique dans leur application aux problèmes modernes
de l ’industrie et de la politique économique avec préface de
W. Oualid. Paris, Giard, 1911.
Madami-Lâmé. Les Fondements de l ’Economie dirigée et ses
applications pratiques. Thèse Droit. Grenoble, 1936.
�CHAPITRE I
LA LOI DU MATÉRIALISME HISTORIQUE
La loi du matérialisme historique a été dans le passé
et est encore aujourd’hui présentée comme une des lois
générales de l’Economie politique.
Comme notion approchée et comme point de départ,
encore, on le verra qu’on ait mis sous ce mot des choses
bien différentes, on peut dire que le matérialisme histo
rique, c’est le déterminisme dans l’histoire avec prépon
dérance des facteurs matériels.
Il faut ici étudier :
1° l’histoire de la loi (§ I) ;
2° les formules actuelles (§ II) ;
3° l’examen critique (§ III).
§ I. H istoire
de la loi
(1)
C’est à Karl Marx (2) et à Engels (3) qu’il faut remonter
pour trouver les origines de notre loi.
La notion de matérialisme est diffuse dans l’œuvre
de K. Marx (4).
(1) Bib. Trumer. Le Matérialisme historique chez K. Marx et
F. Engels. Thèse Droit. Paris, 1933.
(2) 1818-1883.
(3) 1820-1895.
(4) Pour cette raison quelques auteurs ont en quelque manière
fait évanouir cette notion même:
D'abord V. Pareto estime qu’il y a une interprétation vul
gaire du matérialisme historique qui consiste à tout interpréter
en dernière analyse par les conditions économiques du peuple.
�— 16 —
Dans le Manifeste du parti communiste, K. Marx dit
déjà : Les conceptions théoriques des communistes ne
reposent nullement sur des idées. Elles ne sont que
l’expression, en termes généraux, des conditions réelles
d’une lutte de classes existante, d’un mouvement his
torique évoluant sous nos yeux (5).
C’était déjà le germe de l’affirmation du matérialis
me historique.
Plus tard, dans sa Critique de l’Economie Politique (6)
K. Marx est plus explicite : « Ma recherche m’amène à
penser que les rapports juridiques et les formes politi
ques ne peuvent être compris par eux-mêmes, ne peu
vent s’expliquer non plus par le soi-disant développe
ment général de l'esprit humain. Ces rapports et ces
formes prennent leur racine dans les conditions de la
vie matérielle dont l’ensemble constitue ce que Hegel
appelle, avec les Anglais et les Français du xvm® siè
cle, la société civile, c’est dans l’économie politique
qu’il faut chercher l’anatomie de la société civile. »
Et plus loin (7) : « l’ensemble des rapports de produc
tion constitue la structure économique de la société,
c'est-à-dire la base réelle sur laquelle s’élève une super
structure politique et juridique, et à laquelle répondent
des formes sociales et déterminées de conscience ».
Le mode de production*de la vie matérielle détermine
en général le processus social, politique et intellectuel
de la vie. Ce n’est pas la conscience de l’homme qui
détermine sa manière d’être, mais sa manière d’être
sociale qui détermine sa conscience. »
Il y voit d’ailleurs une erreur. Pareto admet une interprétation
scientifique qui sera discutée plus loin.
G.-G. Pirou. Les théories de l’équilibre économique. L Walras
et V. Pareto, i vol. Ed. Domat-Montchrétien, 1934, p. 361 et s.
Ensuite G. Sorel, dans une communication en date du 20 mars
1902, à la Société française de philosophie (Bulletin de la Société
Française de philosophie, 1902, p. 91.)
Ces interprétations n’ont pas été retenues.
(5) Manifeste du parti communiste par K. Marx et Engels.
Trad. Andler. Paris, 1925, Giard et Brière, p. 27.
(6) Zur Critik der politischen Œkonomie. Préface Critique de
l ’ Economie politique, traduction française L. Rémy, Paris, pu
bliée en 1859. Schleicher, 1899. Préface p. III et IV,
(7) Préface p. IV et V.
— 17 —
Enfin dans sa Misère de la philosophie (8) K. Marx
développe sa pensée par des exemples :
« M. Proudhon, l’économiste a très bien compris que
les hommes font le drap, la toile, les étoffes de soie,
dans des rapports déterminés de production. Mais ce
qu’il n’a pas compris, c’est que ces rapports sociaux
sont aussi bien produits par les hommes que la toile,
le lin, etc. Les rapports sociaux sont intimement liés
aux forces productives. En acquérant de nouvelles for
ces productives, les hommes changent leur manière de
production et en changeant le mode de production, la
manière de gagner leur vie ; ils changent tous leurs rap
ports sociaux.Le moulin à vent vous donnera la société
avec le suzerain ; le moulin à vapeur, la société avec
le capitaliste industriel. El les mêmes hommes qui éta
blissent les rapports sociaux conformément à leur pro
ductivité matérielle, produisent aussi les principes, les
idées, les catégories conformément à leurs rapports
sociaux. »
Ainsi pour M. K. Marx, le matérialisme historique
consiste à affirmer que tout est dominé par la tech
nique de la production. Toute la vie sociale est sous
l’étroite dépendance des conditions économiques (9).
F.
Engels arrive à une notion du matérialisme his
torique sensiblement identique :
Sa thèse est surtout formulée dans son AntiDuhring (10).
(8) Misère de la philosophie. Réponse à la philosophie de la
misère. 1 vol., Paris, Giard et Brière, 1S96. Chap. II § I La
Méthode, 2me observation, p. 151-152.
(9) Cf. Ch. Turgeon. La conception matérialiste de l’histoire
d’après Marx et Engels. Travaux juridiques et économiques de
l ’Université de Rennes, 1908-1909, t. II, p. 1-112, surtout p. 5.
Il précise que la pensée de Marx oscille entre deux points
extrêmes: point de départ très large et très vague, l’influence
prépondérante des facteurs naturels; un point d’arrivée très pré
cis et très étroit : le machinisme est la force créatrice des sociétés
modernes.
(10) F. Engels. Hern Eugen Dürings Umvâlzung der Wissenchaft. Einleitung, 3e éd., p. 12.
Traduction française par Laura Lafargue. Ere Nouvelle, mai
1894.
On a publié "divers passages de l ’œqvre de F. Engels qui
illustrent ces textes:
«( L ’existence et les copflits de classes sont conditionnés par
a
�« La structure économique de la société est toujours
le fondement réel par lequel s’explique en dernière ins
tance la superstructure des institutions juridiques et
politiques, et des conceptions religieuses, philosophi
ques et autres. »
« Les causes dernières de tous les changements so
ciaux et des évolutions politiques ne doivent pas être
cherchées dans les têtes des hommes, mais dans les
changements des formes de la production et de l’é
change. »
Ainsi pour Fr. Engels « la nécessité qui se fait jour
à travers tous les hasards, c’est finalement la nécessité
économique » (11).
Un double mouvement s’est ensuite dessiné :
l’un cherche à préciser et à réviser peut-être la pensée
des auteurs du matérialisme historique ;
l’autre, d’inspiration néo-Marxiste est franchement
critique et révisionniste.
Labriola (12) dans son Essai sur la conception maté
rialiste de l’histoire (13) précise ainsi la conception ma
térialiste qu’il veut faire adopter : « Il s’agit seulement
d’expliquer «en dernière instance» (14) tous les faits his
toriques par le moyen de la structure économique sousjacente. »
le degré de développement de leur état économique, par leur
mode de production, enfin par le mode d’échange qui dérive de
ce dernier. » Préface de F. Engels à la 3'® édition du X V III Bru
maire de Louis-Bonaparte. Trad. franç. Olivier. Paris, 1928,
p. 189.
Les conditions économiques sont finalement décisives. » Lettre
du 21 septembre 1890.
« Les rapports économiques, si influencés qu’ils paraissent
être par les autres rapports politiques et idéologiques sont en
dernière instance les rapports décisifs et forment le fil conduc
teur qui permet seul de comprendre l’histoire. » Lettre du 25 jan
vier 1894.
Lettres d’Engels publiées par Labriola en Appendice II
(p. 242), à son ouvrage Socialisme et philosophie.
(n) Lettre du 25 janvier 1894. Ibid.
(12) 1843-1904.
(13) 2® éd. Trad. franç. Bonnet. 1 vol. Paris, Giard et Brière,
1902.
(14) Expression employée par Engels dans une lettre à Labriola
du 21 sept. 1890. Appendice II du Socialisme philosophique,
p. 241.
« Tout ce qui est arrivé dans l’histoire est l'œuvre de
l’homme, mais ce ne fut que très rarement le résultat
d’un choix critique ou d’une volonté raisonnable » (15).
La loi devient ainsi beaucoup plus contingente: Karl
Marx et Engels auraient dit : « explique » et non
« détermine » (16).
Il y a révision de la pensée des auteurs du matéria
lisme historique.
Le mouvement critique s’affirme d’autre part avec
Bernstein, G. Sorel et Loria.
Bernstein (17) dans son ouvrage Socialisme théorique
et Socialdémocratie pratique (18) met en avant les quatre
arguments suivants :
a) il y a eu une évolution de la théorie chez Marx et
ses disciples : ils sont de moins en moins affirma
tifs (19).
b) il y a pluralité de facteurs, matériels et idéologiques
sans qu’on puisse « affirmer d’où, dans un cas donné,
émane la plus considérable force d’impulsion. »
c) il faut avoir la compréhension des lois de l’évo
lution.
d) il faut faire leur place aux facteurs idéologiques.
L’auteur conclut (20): la conception historique marxiste
n’est pas déterminée et elle n’attribue pas aux bases
économiques de l’existence des peuples une influence
déterminatrice inconditionnelle sur les formes de cette
existence.
G.
Sorel (21) dans un article « La polémique pour l’in
terprétation du marxisme » (22) après des développements
analogues à ceux de Bernstein, affirme : « Les néces(1 5) Op. cit.} p. 120 et p. 133.
(16) CL Ch. Andler. La conception matérialiste de l ’histoire de
Labriola. Rev. de métaphysique et de morale, 1897, P- ^49(17) Bernstein, 1850.
(18) Socialisme théorique et socialdémocratie pratique, trad.
franç. Cohen. Paris, Stock, 1900, p. 7-23.
(19) Il rapporte notamment une lettre de F. Engels datée de
1890, publiée dans le Sozial Academikes oct. 1895: « Nous
avons envers nos adversaires à prouver le principe essentiel par
eux nié et alors nous n’avons pas toujours le temps, la faculté
et l’occasion pour faire suffisamment ressortir les autres fac
teurs participant à l ’action réciproque. »
(20) Op. cit.j p. 23.
(21) 1847-1922.
(22) Revue intern, de Sociologie, 1900,
�sités de l’évolution technico-économique déterminent
de moins en moins l’évolution des institutions socia
les. »
Le Néo Marxisme avec Benedetto Croce (23) dans son
ouvrage Matérialisme historique et Economique mar
xiste (24) et R. délia Vol ta dans un article de la Revue
d’Economie Politique (25) abandonne de plus en plus
les positions initiales.
Loria (26) dans un article intitulé La Terre et
le Système social (27) admet bien que l’infrastructure éco
nomique se puisse expliquer par l’appareil de la pro
duction, mais pour lui ce n’est qu’une explication in
suffisante : « elle laisse inexpliquée la nécessité et l’im
possibilité de leur substituer simplement selon l’inté
rêt général une forme plus convenable (28).
Ainsi depuis K. Marx et Engels, la loi du matéria
lisme historique a beaucoup évolué vers moins de ri
gueur et partant plus de contingence.
§ II. — F ormules
actuelles
A l’époque actuelle le Matérialisme historique est
certainement en recul (29).
La majorité des auteurs rejette la formule :
Ch. Gide (30) écrit: « Cependant ce serait à tort qu’on
verrait dans ce déterminisme marxiste une sorte de
fatalisme musulman ou un retour au laisser faire de
l’école manchestérienne, car même si l’évolution sociale
(23) 1866.
(24) Trad. franç. Bonnet. 1 vol. Paris, Giard, 1901.
(25) Rev. d’Ec. Pol. 1904, p. 117.
(26) 1857(27) Revue d^Economie Politique, 1892, p. 696.
On retrouve ce même point de vue dans Le base economiche
délia Constituzione Sociale. Turin, Bocca, 3* éd., 1902. 1 vol.
1900, trad. franç. La constitution sociale. Paris, Giard et
Brière, 1900.
(28) On sait que pour Loria c’est dans le régime des terres
que repose en dernière analyse l’explication suprême de
l'évolution.
(29) M. Trumer. Le Matérialisme historique chez K. Marx et
Engels. Thèse. Paris, 1933, surtout p. 100 et suiv.
(30) Cours d’Economie Politique, 10e éd. 2 vol. Paris, Libr. du
Rçc. Sirey, 1930, t. I, p. 33.
est déterminée par le moulin à vapeur substitué au
moulin à bras, il ne faut pas oublier que l’un rt l’au
tre moulin, sont des produits de l’industrie humaine, et
que par conséquent l’action collective de l’homme est
elle-même le premier facteur de cette évolution qui l’en
traîne et le dépasse. »
M. Heboud (31) résume ainsi l’état doctrinal actuel : après
avoir rappelé la position de K. Marx, il ajoute : « Mais
ses commentateurs protestent contre cette interpréta
tion qu’ils qualifient de vulgaire et d’absurde. La théorie
matérialiste de 1histoire, d’après eux, n’est qu’une réac
tion contre l’interprétation idéologique de l’histoire,
contre la thèse d’après laquelle la question sociale ne
serait qu’une question morale. »
M. Cli. Turgeon en deux volumes importants (32) fait
successivement la critique du matérialisme en tant que
thèse marxiste et du même matérialisme historique en
tant que non solidaire du marxisme.
Du premier point de vue, il expose le matérialisme
chez ses principaux représentants collectivistes et mon
tre qu’il a été à tort lié à un système directement collec
tiviste.
Du second point de vue, il critique la thèse marxiste,
la thèse déterministe, la thèse proprement matérialiste.
Le Matérialisme historique subsiste d’une part com
me thème de réunion publique pour les orateurs collec
tivistes. u La question sociale est une question de ven
tre ». Celte formule de Schalïle peut servir de thème
à des développements oratoires, mais le matérialisme
historique, même chez les écrivains collectivistes, pa
rait avoir perdu toute valeur vraiment scientifique (33).
D’autre part, quelques rares auteurs retiennent en(31) Précis d'Economie Politique. 2 vol. Paris, Lib. Dalloz,
6® éd. 1934, t. I, p. 69, note 2.
(32) Ch. Turgeon. Critique de la conception socialiste de l ’his
toire. 1 vol. Paris, 1930.
Ch. Turgeon. Critique de la conception matérialiste de l'his
toire. 1 vol. Paris, 1931. Libr. du Recueil Sirey.
(33) V. Parcto. Les systèmes socialistes. 2 vol. Paris, Giard.
1902, t. II, p. 385 et suiv.
Séligman. L ’interprétation économique de l’histoire. 1 vol.
Paris, Rivière, 19 11, p. 45.
�— 23 —
core non sans quelques modifications, la formule avec
de multiples adjonctions et réserves.
Ainsi Achille Loria dans l’article précité de la Revue
d'Economie politique (34), écrit: « Etant donné un mo
ment de structure des moyens de la production, un sys
tème correspondant de production s’établit, et ce sys
tème créé des rapports économiques qui déterminent à
leur tour un état social. »
Ainsi encore Paul Lafargue (35) reste fidèle disciple de
K. Marx.
On peut en mentionner quelques autres comme :
en Russie, George V. Plekhanov (36), Boukharine (37)
et Lénine (38).
en Allemagne, K. Kautsky (39), Frenz, Mehring (40) et
H. Cunow (41).
Au total abandon presque complet à l’époque actuelle
de la loi du matérialisme historique.
§ III. — E xamen
critique
facilités plus ou moins grandes données par la nature
pour le transport de biens produits et bien d’autres
choses encore.
b) les facteurs économiques déterminent sans doute
les faits sociaux mais ceux-ci, à leur tour réagissent sur
les causes qui leur ont donné naissance : telles les
Ligues sociales d’acheteurs, les mutualités, les syndi
cats, etc...
c) à préciser l’influence des facteurs matériels, quelle
est leur action ; servent-ils à déterminer, à expliquer, à
rendre possibles les institutions sociales.
M. Landry conclut : « Les facteurs économiques ont
toujours joué un grand rôle dans l’évolution de l’hu
manité : ils ne l’expliquent pas à eux seuls, tant s’en
faut » (43).
Ainsi la loi du matérialisme historique n’est pas va
lable : elle ne doit pas être inscrite au nombre des lois
scientifiques de l’Economie Politique.
Etant donné ce recul marqué dans l’adoption de la
loi, l’examen critique de sa valeur, la vérification de la
loi par les faits perd beaucoup de son intérêt.
Cependant on peut avec Landry (42) résumer comme
suit les démentis donnés par les faits à la thèse collec
tiviste :
a) il y a incertitude sur les « conditions économi
ques » et la « structure économique » déterminante :
état d avancement de la technique productive, abon
dance plus ou moins grande des richesses naturelles,
(34) Ach. Loria. Rev. d'Ec. Politique, 1892, p. 696.
(35) P. Lafargue. Le Déterminisme économique de K. Marx.
Recherches sur l’origine des biens, de l ’âme et de Dieu. Paris,
1909.
(36) Le Matérialisme militant. Paris, 1930. Trad. Engelson.
(37) La théorie du matérialisme historique. Paris, 1927.
(38) Matérialisme et empiriocriticisme. Paris, 1928.
(39) Die materialitishe Geschichtanfassung. Berlin, 1920.
(40) Lessing Legende. Appendice. 1 vol. Stuttgart. 1893.
U 0 Die Marxsche Geschichts-Gesellschaft und Staatheorie.
Berlin, 1920.
(42)
Manuel d’Economique. r vol. Paris, Giard, 1908, p. 19 et
suivantes.
(43) Op. cit.j p. 2i.
�CHAPITRE II
LA LOI DE LA CONCURRENCE
Il s’agit ici de la loi de la concurrence, plus encore
que de l’idée de concurrence (1). Celle-ci a évolué, on le
sait, de la notion de liberté à la notion de lutte pour
la vie et les formules de la loi suivent les changements
de l’idée.
On étudiera ici comme de coutume :
1° l’histoire de la loi, § I ;
2° les formules actuelles, § II ;
3° l’examen critique, § III.
§ I. — H istoire
de la loi
Les Physiocrates (2) envisagent la concurrence comme
une pièce essentielle de l’ordre naturel qu’ils préconi
sent.
Quesnay (3) écrit : « C’est la plus grande concurrence
possible, sans nulle restriction ni sur le temps, ni sur
les personnes, qui est la seule et unique règle du com
merce : la seule justice qu’il doit demander au gou
vernement, c’est de ne mettre aucun obstacle à cette
(1) Cf. B. Raynaud. L ’idée de concurrence en Economie Po
litique. Rev. d’Economie Politique, 1903, p. 769.
E. Sella. La Concorrenza. 2 vol. Turin, 1914 et 1916.
(2) Avant eux D. Hume envisage (Ed. Say, p. 55), cette concur
rence qui diminue les bénéfices du commerce en même temps
qu’elle accroît le commerce lui-même et cet effet, conforme
au progrès social, est dû seulement à l’abaissement du prix
qu’elle réalise. Cf. A. Schatz. L ’œuvre économique de D. Hume.
1 vol,, Paris, 1902.
�— 26
plus grande concurrence possible : tout ce qui la gêne,
est inique et absurde. Les seules faveurs qu’il puisse
espérer d’une bonne administration, ce sont des faci
lités qui augmentent partout cette concurrence : des
chemins, des canaux, des rivières navigables, des trans
ports : sûreté, liberté pour la production, les acheteurs,
les façonniers, les vendeurs et les consommateurs. Voilà
toute la législation qui s’exprime en ce peu de mots,
la plus grande concurrence possible » (4).
Lelrosne (5), dans son ouvrage de l'Intérêt Social (6)
affirme: « Elle seule (la concurrence) peut établir les pro
ductions à leur prix naturel, de manière qu’elles
n’éprouvent que les variations de l’ordre physique,
qu elle rend même bien moins pénibles. »
Enfin Mercier de la Rivière (7) dans l’Ordre naturel et
essentiel des sociétés politiques (8) affirme que la concur
rence aboutit à établir le produit net maximum.
« Les reprises des cultivateurs ne sont jamais que ce
qu’elles doivent être nécessairement, quand le gouver
nement se trouve conforme à l’ordre, c’est-à-dire
quand la liberté sociale est telle que l’ordre veut
qu’elle soit : alors, sans le secours d’aucune autorité
civile, l’autorité naturelle de la concurrence, qui se
trouve entre les cultivateurs, détermine la mesure
essentielle de leurs reprises, et les maintient dans la
proportion nécessaire quelles doivent avoir avec les
bénéfices de toutes les autres professsions ».
Ainsi la concurrence est pièce essentielle de l’ordre
naturel.
Ad. Smith (9) traite de la concurrence (10) pour montrer
comment sous son action le prix du marché gravite
autour du prix naturel (11) et conclut dans une autre par
tie de son ouvrage (12): « L’effort naturel de chaque indi
(4) Lettres sur le langage économique, 1767.
(5) 1728-1780.
(6) De l’intérêt social. Ed. Daire, p. 955.
(7) 1720-1793.
(8) Ed. Daire, p. 459.
(9) 1723-1 790(10) Recherches sur la Nature et les Causes de la Richesse des
Nations, 2 vol., Paris, Ed. Guillaumin.
T. I. Liv. I, chap. V II. *
(11) Cf. infra.
112) T. II. Liv. IV, chap. II, p. 36.
27 —
vidu pour améliorer sa condition, quand on laisse à cet
effort la faculté de se développer avec liberté et con
fiance, est un principe si puissant, que seul et sans
autre assistance, non seulement il est capable de con
duire la société à la prospérité et à l’opulence, mais
qu’il peut encore surmonter mille obstacles absurdes
dont la sottise des lois humaines vient souvent embar
rasser sa marche, encore que l’effet de ces entraves soit
toujours plus ou moins d’attenter à sa liberté ou d’atté
nuer sa confiance » (13).
La concurrence d’un mot, pour Ad. Smith, c’est tout
le système de la liberté naturelle qu’il préconise.
Ainsi la concurrence envisagée comme la liberté des
professions, est pour les économistes libéraux de la pre
mière époque une pierre angulaire de l'ordre écononvque qu’ils préconisent.
Cependant bientôt la notion de concurrence se trans
forme : elle tend à devenir la lutte pour la vie et la
position des économistes vis-à-vis de cette notion et de
ses effets est naturellement bien différente.
Le premier Simonde de Simondi se livre, dans ses
Nouveaux principes d’Economie Politique (14), à une cri
tique approfondie de la concurrence. Il insiste sur les
troubles sociaux que produit la concurrence libre et
demande comme remède l’intervention de l’Etat.
Fourier (15) entrevoit déjà la concurrence biologique
devenir la concurrence économique : il y veut substituer
l’association.
Proudhon (16) lui aussi accuse les méfaits de la con
currence au sens de liberté économique.
L. Blanc ensuite dans son Organisation du travail (17),
publiée en 1845 (18), affirme : « La concurrence est pour
le peuple un système d’extermination. »
(13) Nouveaux principes d’Economie Politique, i vol. Paris,
1829. I. chap. V II, livre IV.
(14) Nouveau Monde industriel, 1929, préface p. io.
(15) Contradictions économiques, 1848, chap. V, t. I, p. 179.
Edition Flammarion.
(16) 1811-1882.
(17) P. 6 et suiv.
(18) Dès 1841 dans son ouvrage Droit au travail et Organisation
du travail, il décrivait les effets fâcheux de la concurrence en
montrant le travail mis aux enchères par un entrepreneur et
�Il conclut après de superbes développements sur les
effets néfastes de cette concurrence :
« Les fabriques écrasant les métiers ; les magasins
somptueux absorbant les magasins modestes ; l’artisan
qui s’appartient remplacé par le journalier qui ne s’ap
partient pas ; l’exploitation par la charrue dominant
l’exploitation par la bêche et faisant passer le champ du
pauvre sous la souveraineté honteuse de l’usurier ; les
faillites se multipliant ; l’industrie transformée, par
l’extension mal réglée de crédit, en jeu, où le gain de la
partie n'est assuré à personne, pas même au fripon :
et enfin ce vaste désordre, si propre à éveiller dans l’àme
de chacun la jalousie, la défiance, la haine, éteignant
peu à peu toutes les aspirations généreuses et tarissant
toutes les sources de la foi, du dévouement de la poésie:
voilà le hideux et trop véridique tableau des résultats
produits par l'application du principe de la concur
rence » (19).
V. Considérant (20) dans sa Destinée Sociale,
/?. Owen (21) dans son Nouveau Monde Moral, expri
ment des idées très analogues.
La personne et l’œuvre de St. Mill se placent au
confluent en quelque manière des deux courants et des
deux notions précédemment analysées.
Stuart Mill (22) occupe dans cette évolution une place
originale : il admet bien (23) la concurrence comme la
liberté au sens traditionnel du mot (24) mais « ce serait
bien mal comprendre la marche actuelle des affaires
baissant selon les prétentions décroissantes des prolétaires. « La
concurrence qui est la base du régime, est-elle un moyen d’as
surer du travail aux pauvres ? Mais poser la question de la sorte,
c’est la résoudre ». (Op. cil., p. 56).
(19) Ibid.., p. 65-66.
(20) Ibid. Destinée Sociale, 3e série, 1848. T. I, p. 59.
(21) Ibid. Nouveau Monde Moral, chap. III, p. 12.
(22) St. Mill. Principes d’Economie Politique, publiés en 1848.
Trad. franç. Dussard et Courcelle Seneuil. 3e éd., 2 vol. Pajis,
Guillaumin, 1873, L L P- 281.
(23) « En tant que les rentes, les profits, les salaires, les prix
sont déterminés par la concurrence, on peut lui assigner des
lois. Supposez que la concurrence soit leur unique régulateur,
et l’on pourra poser des principes d’une généralité étendue et
d’une exactitude scientifique qui les régiront ». Ibid., p. 281.
(24) Ibid., p. 282.
humaines que de supposer que la concurrence exerce
réllement celle influence d’une façon illimitée » : ce sont
la coutume ou l'usage qui interviennent comiue facteurs:
« la concurrence ne se manifestant alors d’aucune ma
nière, ou produisant ses effets d’une manière toute dif
férente de celle qu’on suppose ordinairement lui être
naturelle. »
« Ces observations doivent être admises comme un
correctif général à appliquer, qu’il soit ou non men
tionné expressément aux conclusions contenues dans
les parties suivantes de ce traité » (25). C’est le point de
vue de l’art social.
Mais du point de vue scientifique « nos raisonnements
doivent s’enchaîner en général, comme si les effets
connus et naturels de la concurrence étaient réelle
ment produits par elle, dans tous les cas où elle n'est
pas arrêtée par quelque obstacle positif » (26).
Les années suivant 1850 marquent l’apparition de
deux œuvres importantes, celle de Darwin (27) : De l'ori
gine des espèces par voie de sélection naturelle (28) et
celle de Spencer (28), Social Slatics (30).
Ch. Darwin (31) dans les deux chapitres de son Origine
des Espèces (32) intitulés: De la lutte pour l’existence et de
la sélection naturelle, expose, en l’appliquant à l'espèce
humaine comme aux autres espèces, l'importance de la
lutte pour la vie : « C'est grâce à cette lutte que les
variations si minimes qu’elles soient d’ailleurs, et quelle
qu’en soit la cause déterminante, tendent à assurer la
conservation des individus qui les présentent et les
transmettent à leurs descendants, pour peu qu elles
soient à quelque degré utiles et avantageuses à ces
membres de l’espèce, dans leurs rapports si complexes
(25) Ibid., p. 288.
(26) Ibid., p. 288.
(27) Ch. Darwin, 1809-1882.
(28) De l’origine des espèces par voie de sélection naturelle. 1S59.
(29) 1820-1903.
(30) Social Statics. 1850.
(31) Dans une note de son Introduction à la science sociale
publiée en 1871 (p. 871), H. Spencer réclame la simultanéité de
l ’apparition de l’idée chez lui et chez Darwin.
(32) L ’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle de
la lutte pour l ’existence dans la nature. Trad. franç. Moulinié.
1 vol., Paris, Reinwald, 1873, p. 65 et p. 84.
�- 31 —
avec les autres êtres organisés et les conditions phy
siques dans lesquelles ils se trouvent » (33).
H. Spencer dans ses Principes de Sociologie distin
gue deux types de sociétés : le type militaire ou auto
ritaire à coopération forcée et le type indviduel ou con
tractuel à coopération volontaire.
Dans ce second type la concurrence des échanges est
absolument libre et chacun est rémunéré à proportion
de ses mérites.
Cependant une loi nouvelle la lutte pour la vie —
régit toutes les sociétés : son action est d’ailleurs
multiple :
Elle éliminera les sociétés qui ne sont pas conformes
au type industriel et assurera le triomphe des sociétés
de ce type.
Au nom de celle-ci elle assurera le triomphe des indi
vidualités supérieures (34).
Le nouveau courant de la concurrence lutte pour la
vie fut suivi par de nombreux biologistes et sociologues:
Elisée Reclus (35) dans son ouvrage intitulé: Evolution
et Révolution (36) affirme l'empire souverain de la lutte
pour la vie : « C’est bien en effet le droit du plus fort
qui triomphe par l’accaparement des fortunes. Celui
qui est le plus apte, matériellement, le plus favorisé par
sa naissance, par son instruction, par ses amis, celui
qui est le mieux armé et qui trouve devant lui les enne
mis les plus faibles, celui-là a le plus de chances de
réussir, mieux que d’autres ; il part se bâtir une citadelle
du haut de laquelle il méprisera ses frères infortunés.
Ainsi en décide le grossier combat des égoïsmes en
lutte. »
Benjamin Kidd (37) adopte dans son Evolution So
ciale (38) une théorie analogue : la guerre seule, la
guerre à outrance est le facteur du progrès.
(33) ib ii., p. 66.
(34) Cependant H. Spencer admet une atténuation à ce principe
de la concurrence lutte pour la vie par le développement de
l’altruisme qui en corrige les maux.
(35) 1830-1905.
(36) L ’évolution, la révolution et 1 idéal anarchique. 1 vol. Pa
ris, 1896.
(37) 1858-1916.
(38) L ’évolution sociale, trad. Le Monnier. Paris, 1896.
Deux sociologues adoptent à cet égard une posi
tion divergente.
B. Wallace (39) remarque que la sélection naturelle est
insuffisante à expliquer l’évolution des sociétés : il faut
tenir compte de la coopération, de la solidarité et de
la division du travail qui assurent dans une certaine
mesure la conservation des faibles (40).
C. Laveleye (41) substitue pareillement dans le Socia
lisme contemporain (42) à la sélection naturelle la sélection
artificielle : « Dès qu’un embryon d’organisation sociale
prend naissance, dès qu’un germe de concurrence so
ciale, obscure et vague tout d’abord fait son apparition,
cet organisme, par ses représentants, change les condi
tions de la lutte, les accommode à ses fins, fait ce que
les hommes ont fait avec les animaux et les végétaux.
La sélection, de naturelle quelle était, devient artifi
cielle ».
La majorité des Economistes après 1850 se rallient
à la nouvelle idée de la concurrence lutte pour la vie.
De Molinari (43) dans son ouvrage L évolution écono
mique au xixe siècle (44) constate qu’avec l’avènement de
la grande industrie le monde économique moderne n’a
cesse d’évoluer, en dépit de tous les obstacles, vers un
régime de concurrence illimitée qui amène progressive
ment un ordre merveilleux avec une justice distribu
tive plus exacte. « Est-ce à dire, ajoute-t-il, que l’avène
ment de la concurrence doive inaugurer l’âge d’or du
repos et des tranquilles jouissances ? Non, la concur
rence, c’est la lutte, c’est la forme civilisée de la guerre,
qu’elle est destinée à supprimer en la remplaçant » (45).
Le même auteur, dans un important article intitulé
(39) 1818-1870.
(40) La Sélection Naturelle, trad. de Candolle.
(41) 1822-1892.
(42) Le Socialisme contemporain, 1896. Appendice II.
(43) 1819-1912).
(44) 1 vol. 1880, p. 84.
(45) Et ailleurs (p. 88): « La lutte pour l’existence ne s’impose
plus seulement à une classe dominante, elle s’impose à tout le
monde
industriel, agriculteur, simple ouvrier libre, sont
tenus de déployer toutes leurs forces physiques et morales,
sous peine de succomber tôt ou tard dans la lutte pour
l ’existence. »
�— 33 —
« La fonction régulatrice des lois naturelles de la con
currence et de la valeur » (46), énonce ainsi ce qu’il dé
nomme la loi de concurrence :
« Comment les lois naturelles de la concurrence et de
la valeur agissent, en ce cas, pour fixer au niveau des
frais et du profit nécessaire de la production, et l’y
ramener aussitôt qu'il s’en écarte, on se l’explique en
examinant l’opération combinée de ces lois ».
Il expose alors le mécanisme de gravitation écono
mique qui fait cadrer le prix de marché avec le prix
naturel.
Il retrace aussi l’action de cette même loi pour la
répartition et pour l’équilibre de la population.
Il Ireconnaît néanmoins l’existence d’obstacles qui
faussent le mécanisme et souhaite la réalisation d’un
milieu vraiment libre « où les lois naturelles pourront
remplir avec une pleine efficacité leur rôle de régula
teur ».
Le Nouveau Dictionnaire d’Economie Politique (47)
enregistre comme définitive la notion nouvelle : « On
appelle concurrence toute compétition s’établissant
entre individus qui aspirent aux mêmes avantages et
qui s’efforcent à l’envi de les obtenir. Ces compétitions
sont à tout instant innombrables et se renouvellent sans
cesse, de telle sorte que la concurrence apparaît comme
une modalité presque inévitable de toute activité
humaine. »
Paul L e ro y Beaulieu (48) dans son grand traité (49)
donne la définition suivante de la concurrence :
(46) Journal des Economistes, mai 1905, p. 169.
(47) Léon Say et Joseph Chailley. 2 vol. Paris, 1890-1892.
(48) 1843-1916.
(49) Traité théorique et pratique d’Economie Politique, 4 vol.,
3e édition. Paris, Guillaumin, 1900, t. I, p. 624.
Ailleurs (t. IV, p. 705), l’auteur affirme bien : « C’est une
fausse interprétation que de confondre la concurrence économi
que avec ce que l’école Darwinienne entend par concurrence
vitale entre les espèces ».
Il vient d’écrire cependant quelques lignes plus haut: « La
concurrence relègue à des rangs subalternes les gens peu capa
bles, mais elle ne prive personne du droit et des moyens de
vivre, et en accroissant l ’actif général, elle rend au contraire
« Quand les diverses libertés humaines se mêlent, sont
en contact et aux prises les unes avec les autres, sans
aucune limitation artificielle du dehors, c’est-à-dire sans
aucune restriction imposée par l’autorité, on a le phé
nomène très complexe, dominateur en économie poli
tique, que l’on appelle la concurrence ».
Ainsi entendue, la concurrence joue un grand rôle :
« Son action se fait sentir sur toutes les parties de
l’économique : sur la production des richesses, sur la
distribution des forces et des efforts, sur le partage des
produits dans la répartition, sur la circulation et le cré
dit, sur les consommations elles-mêmes. »
Au fond et sauf l’élimination complète des incapables,
Leroy-Beaulieu admet la concurrence lutte pour la vie.
Cette adoption de la concurrence lutte pour la vie
amène d’ailleurs des examens critiques intéressants.
Par exemple le Dr B. Foldes, dans un article inti
tulé : Examen théorique de la libre concurrence (50),
relève trois séries des critiques principales :
a) il y aurait une tendance de la concurrence à se dé
truire elle-même: après l’élimination des faibles, il y a
entente entre les forts et le monopole se substitue à la
concurrence ;
b) elle tend, même là où elle est possible, à s’éliminer
avec le temps, par suite de l’effort de chacun pour s’en
débarrasser.
c) souvent la concurrence est immorale et coûteuse
(concurrence déloyale, réclame, etc.)...
L’auteur conclut: « La supposition que la concurrence
existe partout est donc fausse. L’idée qu’elle est un
principe absolument efficace est faux. La croyance
qu’elle garantit le meilleur ordre de l’économie sociale
est fausse » (51).
On trouvera une critique ironique de la loi de la
meilleure la situation même des gens qui sont aux derniers
échelons ».
Il y aurait donc lutte, survivance des plus aptes, sans élimi
nation totale des incapables.
(50) Revue d’Economie Politique, 1905, p. 937.
(51) Ibid., p. 941.
)
�— 35 —
concurrence lutte pour la vie dans une lettre de Karl
Marx à Kugelmann du 27 juin 1870 : (52)
« M. Lange est l’auteur d’une grande découverte.
Toute l’histoire peut se ramener à une seule grande loi
naturelle.Cette loi naturelle se résume dans l’expression:
struggle for life, lutte pour l’existence (ainsi appliquée
la formule de Darwin n’est plus qu’une formule creuse)
et le contenu en est la loi de la population ou plutôt
de la surpopulation de Malthus. Au lieu d’analyser les
manifestations de ce struggle for life dans les diverses
formes sociales, il ne reste donc plus qu’à substituer à
toutes les luttes concrètes la phrase struggle for life et
à cette dernière la fantaisie malthusienne sur la popu
lation. Convenons-en, cette méthode est très convain
cante... pour l’ignorance suffisante et emphatique qui
se donne des airs, et pour la paresse intellectuelle. »
Très rares sont ceux qui veulent rejeter la notion
nouvelle et revenir à la concurrence entendue au sens
de liberté seulement.
Marshall, en Angleterre et Schmoller, en Allemagne,
voudraient conserver la liberté économique en combat
tant la lutte pour la vie.
Marshall (53) dans ses Economies of industrÿ (54),
affirme vouloir conserver la première et rejeter la
seconde.
Schmoller (55) dans ses Principes d’Economie Poli
tique (56), a cherché lui aussi les « barrières salutaires
autant que nécessaires » posées à l’acte de la concur
rence lutte pour l’existence.
Dourguin (57) écrit excellemment : « A cet égard on a
donc raison de dire que le principe de vie et de progrès,
(52) K. Marx. Lettres à Kugelmann, p. 147.
"Bib. marx. n° 11. E. S. I.
Citée dans M. Prenant. Biologie et Marxisme. 1 vol. Paris.
Edit. Sociales Internationales, p. 221, 1935.
(53) 1842-1924.
(54) 1 vol. Londres, 1906, surtout p. 160 et p. 263.
Cf. Principes d’Economie Politique. Trad. franç. SauvaireJourdan. 1 vol., Paris, Giard, 1907.
(55) 1838-1917.
(56) 5 vol. Paris, Giard. Surtout t. III, p. 100-141, trad. franç.
Polack, le chap. intitulé: la Concurrence.
(57) Les systèmes socialistes et l ’évolution économique. 1 vol.
Paris, Colin, iri éd., 1904, p. 303.
pour les sociétés comme pour les organismes se trouve
dans la coordination, la coopération et l’équilibre des for
ces, et non dans la lutte meurtrière et la subordination des
plus faibles... les mesures de contrainte et de protection
qui défendent l’individu, loin de porter atteinte à l’in
dividualisme, sont des mesures de salut qui préservent
les sources de l’activité individuelle. »
Ch. Gide (58) dans une conférence intitulée : Concur
rence ou Coopération (59) énonce très nettement son point
de vue : « ... ce que du moins je vois clairement, c’est
que la concurrence se présente sous deux aspects, l’un
celui de la liberté du travail, l’autre celui de la lutte
pour la vie... Eh bien ! le premier nous l’acceptons, le
second nous le rejetons » (GO).
§ II. L es F ormules A ctuelles
Un triple travail s’accomplit à l’époque contempo
raine : d’une part, on dénie que la concurrence lutte
pour la vie soit une des lois des sociétés (Section I).
d’autre part on s’ingénie à conserver la concurrence
liberté en rejetant la concurrence lutte pour la vie
(Section II).
Et enfin d’autres reprochent à l’économie politique
contemporaine d'être trop exclusivement basée sur la
concurrence (Section III).
S ection I
La concurrence lutte pour la vie
est-elle à conserver comme loi des sociétés ?
L’évolution qui a amené à douter que la loi de con
currence lutte pour la vie fût la loi souveraine des
sociétés s’est faite si l’on peut dire en trois étapes :
(58) 1847-1932.
(59) Ch. Gide. La Coopération. Conférence de propagande. Pa
ris. Société du Rec. Sirey, 1900, p. 230.
(60) Cf. Principes d'Economie Politique. 25e éd., 1926. Paris,
Lib. du Rec. Sirey, p. 158.
Cours d’Economie Politique. 2 vol., 10® éd. 1930. Paris, Libr,
4 u Rec, Sirey, t. I, p. 210,
�— 37 -
d’abord, avant la guerre 1914-1918, par un examen
critique des théories biologiques ;
ensuite, pendant la guerre, par de nombreuses dis
cussions avec les Allemands ;
enfin, après la guerre et à une époque tout à fait
contemporaine, par un renouveau assez complet de la
discussion.
A) La critique des théories biologiques.
Le mouvement d’après un spécialiste compétent (61)
s’analyse en deux aspects caractéristiques :
A partir des développements de Darwin et des exa
gérations de Hœckel sur la concurrence lutte pour la
vie. on tenta d’établir que d’une part la sélection naturelle
n’implique pas la guerre. « La lutte pour l’existence,
dont parle Darwin, résume H. de Varigny, c’est la lutte
pour la pâture quotidienne, c’est le mouvement qu’il
faut, se donner pour trouver à manger, à boire, à éta
blir son nid, à rfêtre ni gelé, ni noyé, ni brûlé, ni écrasé,
ni mangé. C’est l’ensemble des obstacles à l’existence
accumulés par la nature » (62).
Et d’autre part on tend à admettre que la sélection
naturelle n’est qu’une hypothèse, de plus en plus rem
placée aujourd’hui par la théorie des variations brus
ques (63).
Ainsi dès avant 1914, il y avait déjà des doutes nom
breux sur la loi de concurrence lutte pour la vie, sur
le terrain biologique lui-même.
B) Les discussions pendant la guerre 1914-1918 (64).
Elles eurent pour point de départ les affirmations
d’auteurs allemands prédisant au nom de la théorie
(61) H. de Varigny. La guerre est-elle justifiée par le Darwi
nisme? Rev. hebdomadaire, 1917, n° 7, p. 187-209.
Ibid.j n° 3, p. 190.
(62) Cf. R. Berthelot. Le Darwinisme n’est pas l ’évolutionisme.
Bulletin de la Société française de philosophie, 1905, p. 249-270.
(63) Hugo de Vries. Die Mutationstheorie. 2 vol. Leipzig, Veit
et C°, 1901-1903.
Hugo de Vries. Espèces et variétés. Leur naissance par muta
tion. Traduction BLaringhem. Paris, Alcan, 1909.
Blaringhem. Les transformations brusques des êtres vivants.
Paris, Flammarion, 1911.
(64) La bibliographie sur ce point est très abondante: on indi-
de la lutte pour la vie et de la sélection naturelle, le
triomphe de l’Allemagne (65).
L’ouvrage précité de Chalmers réalisa une réfuta
tion victorieuse des thèses allemandes ; la loi de la con
currence lutte pour la vie n’est pas applicable à l’hu
manité ; pour celle-ci la conscience, qui en est le carac
tère distinctif, supprime la guerre dans la lutte pour
la vie : « L’homme n’est pas sujet aux lois de l’incons
cient et ce n’est pas par elles qu’on doit juger sa con
duite, mais par l’harmonie qu’elle présente avec l'édi
fice moral que l’homme a construit à travers les âges. »
Boutroux, dans la préface à la traduction française
du livre de Chalmers, souligne de la manière la plus
nette :
« En fait, la lutte pour la vie et la sélection naturelle
n'ont pas eu dans l’édification des organismes et dans
leur perfectionnement l’influence décisive que leur prê
tent certains savants allemands. Sans doute les lois
naturelles sont souveraines, elles dominent la matière
même lorsqu’elle est engagée dans des êtres vivants,
même lorsque cet. être vivant est l’homme.Mais elles ont
amené chez lui l’évolution d’une faculté par laquelle il
s’élève au-dessus de tous les êtres vivants, par laquelle
il dirige faction des lois naturelles, en corrige les effets,
asservit la matière, domine toutes les forces et se do
mine lui-même. C’est de cette raison que l’on peut dire
— et non de la guerre — qu elle est d’essence divine... »
« C’est pourquoi la guerre est immorale au premier
chef et ceux qui ont le triste courage de la provoquer
quera seulement: Chalmers. Evolution and the war. 1 vol.
Londres, John Murray, 1916, traduit en français sous ce titre:
Le Darwinisme et la guerre. 1 vol. Paris, Alcan, 1916.
H.
de Varigny. La guerre est-elle justifiée par le Darwinisme?
Rev. hebdomadaire 1917, n° 2, p. 187.
William Osler. Science and the war.
Ed. Perrier. La lutte pour la vie et la guerre. Causerie scien
tifique. Temps, 28 octobre 1916.
(65)
Quelques affirmations de Cari Schrœder reproduites en juin
1915, dans le New-York World, reproduites par de Varigny (art.
cité) donnant le ton de la discussion: « Combien il est insensé
pour les ennemis de l ’Allemagne de s’imaginer vouloir la con
quérir ... Les Allemands ne sont-ils pas les plus capables en
tout... » Aussi, nous autres Allemands, disons-nous que les cha
rognes pourrissent, il n’y a d’hommes nobles que les Allemands.»
�— 38 —
sont d’autant plus criminels, quelque excuse qu’ils puis
sent invoquer, qu’elle met aux prises un plus grand
nombre d'hommes. »
Au surplus la victoire de 1918 donne raison à Chaîmers et à Boutroux.
Ç) Les discussions tout à fait contemporaines.
Elles se résument en un livre très important de M.
Gérald lieard (66).L’auteur repousse l’idée que la nature
primitive est brutale, « une nature aux griffes et aux
crocs sanglants ».
Il insiste sur des exemples de bêtes, notamment au
Zoo de Londres, qui ont répondu à l’appel de bonté de
l’homme. 11 revient sur la question de l’origine de
l’homme qui pour l’auteur ne descend pas du singe. La
science moderne répudierait, dit-il, avec l’idée de la
fixité des espèces, l’immutabilité de l’instinct, la violence
devenant règle de la nature et le triomphe du plus lourd
et du plus fort.
La loi de la concurrence lutte pour la vie ne serait
ni celle de la jungle, ni celle des sociétés humaines.
Ainsi et par certains revirements de la Biologie, la
concurrence, à l’époque actuelle, ne saurait être rete
nue comme la loi des sociétés humaines.
II
L'aménagement de la concurrence
S ection
Il s’agit en somme de conserver la concurrence liberté
économique et de supprimer la concurrence lutte pour
la vie.
Un double travail s’impose : quel sera ou quels sont
les critériums de l’une et de l’autre.
(66) Science in the Making. i vol.Londres, Faberet Faber, édit.
1934. Ce livre est, paraît-il, un remaniement d’une série de cau
series scientifiques radiodiffusées en 1934, qui eut un grand
Hetentissement.
Cf. R. L. Cru. Lettre d’Angleterre. Réaction entre les théo
riciens de la force. Temps, 25 août 1935.
(67) Bib. B. Raynaud. Concurrence lutte pour la vie ou liberté
économique. Rev. d’Economie Politique, 1910.
S. Stevens. Unfair compétition. Political Science Questerly,
1914, janv., p. 282-307.
— 39 —
A quels résultats concrets aboutira l’application de
ce critérium ?
A) Le critérium ou les critériums.
On en peut envisager trois :
1°) Il y a concurrence si le résultat de l'émulation est
le profit commun ; il y a lutte pour la vie si le conflit
tourne à l’intérêt exclusif de l’un des combattants.
2°) La concurrence est toujours publique ; la lutte
pour la vie dissimule et cache ses procédés.
3°) La concurrence opère heureusement sur le ter
rain professionnel, la lutte pour la vie opère dans le
domaine extraprofessionnel.
Sans doute l’application de l’un ou de ces trois cri
tériums est délicate et la pratique peut révéler une infi
nité de cas où le départ et la discrimination sont diffi
ciles.
L’essentiel est que le principe d’un aménagement de
la concurrence soit acquis.
B) Leur application.
L’application de cet aménagement de la concurrence
se pratique partiellement encore il est vrai à l’époque
contemporaine. Il suffira ici de rappeler quelques exem
ples :
a) le développement du contrat collectif ou plus exac
tement de la convention collective est un effort méritoire
pour ramener la concurrence sur le seul terrain où elle
soit acceptable, le terrain professionnel (68).
b) Les progrès du salaire minimum (69) établi par la
loi marquent une autre direction de ce même effort.
On connaît les progrès de la réalisation du salaire
(68) Cf. Raynaud. Le Contrat collectif du travail, i vol. Paris,
Rousseau, 1901. Thèse de la Faculté de Droit de Paris.
Raynaud. Le Contrat collectif en France, i vol. Paris, Rous
seau, 1921.
Raynaud. Le Contrat collectif à l’étranger, i vol. Paris,
Rousseau, 1929.
(69) Raynaud. Vers le salaire minimum. 1 vol. Lib. du Rec.
Sirey. Paris, 1913.
Raynaud. Manuel de Législation Industrielle. 1 vol. Paris,
de Boccard, 1922. Edition mise à jour en 1937, p. 130, et sup
plément, p. 16.
�— 41 —
minimum, tant en France qu’à l’étranger, soit par la
convention collective, soit par la loi (70).
c)
Le mouvement contemporain dit de rationalisation
de l’économie (71).
Ce passage de Simiand résume bien du point de vue
américain le problème et l’œuvre de rationalisation :
« Mais la grande idée du ministère H'oover s’est pro
posée d’aller encore plus loin et plus vite, en arrivant
par une action plus large et plus directe, à supprimer à
sa source même une des causes majeures des gaspilla
ges de la vie économique moderne ; cette idée est qu’à
l encontre du dogme traditionnel, la libre concurrence
illicite aboutissait plutôt à des gaspillages de matières
premières, de main-d’œuvre, à des productions qui n’é
taient pas susceptibles de se réaliser au meilleur coût,
dans les meilleures conditions de rendement...
Au contraire une entente, un groupement des produc
teurs plus ou moins contraint, mais efficace, permet de
concentrer la production sur un nombre de types bien
choisis, bien étudiés, mais moins nombreux, et de les
produire en bien plus grande quantité chacun et donc
de pouvoir arriver pour un même objet à un meilleur
prix de revient. » (72)
Plus récemment M. Coutrot, dans un ouvrage intitulé
L'Humanisme économique (73), revenait à une affirma
tion analogue :« La concurrence ne sera pas supprimée,
mais limitée et humanisée, il n’y a pas d’autre solution
que la sincérité : constituer immédiatement des ententes
limitant la concurrence entre les entreprises qui accor
dent des salaires accrus et s’appuyer sur les forces jeu
nes de l’organisation donnée pour garantir le bon fonc
tionnement des dites ententes » (74).
(70) Pour la France. Loi du 10 juillet 1915 sur le salaire mini
mum des ouvriers de l ’industrie du vêtement — depuis lors
étendue à l ’ensemble des travailleurs (ouvriers et ouvrières) du
travail à domicile.
(71) F. Simiand. La Rationalisation économique. Cours professé
au Conservatoire des Arts et Métiers (1928-1929), publié sous
forme de notes polycopées. Edit. Domat-Montchrestien, 1931.
(72) Op. cit., p. 11.
(73) Paris. Centre polytechnicien d’études économiques, 12, rue
de Poitiers.
(74) Cité par L. Naudeau. La Grande Contradiction de notre
temps. Illustration 29 août 1936, p. 510.
M. Laurent Dechesne affirme : « En somme la con
currence est une force précieuse, mais d’un maniement
délicat ; sans doute elle est un moteur tellement puissant
de l’activité économique que l’on ne conçoit point d’or
ganisation sociale qui ne lui laisse une large place.
Mais, de même que pour éviter des désastres, nous dis
ciplinons les forces naturelles dont nous nous servons,
de même la concurrence, cette puissance naturelle de
l’homme, doit être judicieusement étudiée, surveillée,
dirigée en vue du bien général, si l’on veut éviter les
écarts funestes » (75).
Ainsi la concurrence doit être dirigée et rationalisée.
III
Critiques de la concurrence lutte pour la vie
S ection
La volonté nette de ne plus accepter la concurrence
lutte pour la vie était heureusement exprimée par M.
Flandin dans son discours du 27 novembre 1934, au
banquet de la Confédération des groupements commer
ciaux et industriels de France :
« Le concept de libre concurrence s’inscrit dans le
cadre de la civilisation humaine. Cela ne peut pas être
la loi de la jungle. La plus grande conquête humaine,
c’est l’amélioration du sort de la grande masse des tra
vailleurs. Sous prétexte d’égalisation des prix, faudraitil que le paysan français soit ramené aux conditions mi
sérables d’existence de certains de ses concurrents dans
le monde, faudrait-il que l’ouvrier, la femme et l’enfant
de chez nous soient traités sur la base du plus faible
salaire et du plus fort travail dans le monde ? Régres
sion absurde qui vient à l’encontre même de notre
idéal. » (76)
M. André Lalande, dans un discours à la séance pu
blique de l’Académie des Sciences Morales et Politiques,
pose ainsi le problème :
« C’est l’idée que le grand ressort du progrès a été
(75) Le Capitalisme, la libre concurrence et l ’économie dirigée,
1 vol. Paris, 1934, P- 80.
(76) Cité par M. A. Pose. Retour au libéralisme. Rev. polit, et
parlementaire, 10 avril 1935, p. 55.
�et reste la lutte pour la vie. Effort de chaque être pour
avoir et jouir davantage, pour devenir le maître ou le
parasite d’autrui, guerres et carnage, voilà ce que l’op
timisme religieux d'un Darwin considérait comme une
admirable organisation providentielle, aboutissant à la
floraison des êtres supérieurs ; et l’on s’est empressé,
pour des raisons faciles à comprendre, de transporter
ces idées commodes de la concurrence vitale au domaine
économique et militaire, de l'histoire naturelle à l’his
toire et à l’avenir humains. Oui donc, parmi les philo
sophes contemporains et les savants éclairés, voudrait
encore souscrire à ces rêves béats de progrès néces
saire ? Et combien d’hommes, pourtant, restent sous
la suggestion de ces doctrines agonistiques dont ils
n’admettent plus le principe ? Combien d’éducateurs,
pleins de bonnes intentions, croient avoir rempli leur
tâche s’ils forment des enfants « bien armés pour la
lutte » ? On commence à savoir que la guerre des peu
ples civilisés, la guerre proprement dite, celle des ca
nons et des avions, est un désastre presque aussi grand
pour le vainqueur que pour le vaincu ; mais dans la
vie quotidienne, les hommes ne manifestent-ils pas bien
souvent, par leurs relations, par leur concurrence au
couteau, qu'ils croient arriver à la supériorité et au
bonheur en traitant les autres comme des clients à ex
ploiter, ou comme des rivaux à abattre ? » (77)
Rares sont aujourd’hui les tenants de l’ancienne
conception la concurrence lutte pour la vie. Quelquesuns cependant la maintiennent intégralement.
Tel M. Emile Coni, professeur à l’Université de
Buenos-Aires. Dans un article récent (78) l’auteur
conclut (79) :
« Protéger les faibles en attaquant les forts, sans dis
tinguer la faiblesse de l’incapacité, c’est simplement
pratiquer une sélection à rebours, favoriser la prolification des incapables en diminuant le nombre des ca
pables. Une société qui pratique pendant un certain
(77) Temps. 16 déc. 1935.
(78) Rev. économique intern. Août 1935. Sur la nécessité de ne
pas confondre le libéralisme politique avec le libéralisme éco
nomique, p. 397.
(79) P. 407.
temps cet original système de sélection, s’anémie, s’atro
phie, puisqu’elle limite ou détruit ses élites, sa propre
aristocratie, sans laquelle une société ne mérite même
pas ce nom. »
D’autres vont plus loin encore et se demandent si la
concurrence n’est point une pure hypothèse même envi
sagée comme liberté des professions.
Les économistes de l'Ecole mathématique et en par
ticulier V. Parelo (80) construisent la science économique
sur l’hypothèse de la libre concurrence.
Pour lui la libre concurrence se caractérise par le
fait que l’échangiste subit les prix du marché sans
essayer de les modifier de propos délibéré. Elle réalise
l’équilibre économique.
Il reconnaît d’ailleurs que c’est là une construction
idéale.
Barone, dans de nombreux articles (81) du Giornale degli Economisii, adopte une position semblable.
Henry L. Moore (82) adopte le point de vue de l’hypo
thèse, non sans montrer qu elle renferme d’assez nom
breux paradoxes.
C’est un économiste italien, Ugo Spirito, qui a le
plus énergiquement adopté ici une attitude critique.
Dans une série d’articles, aujourd’hui réunis en vo
lume (83), Spirito reproche à ses prédécesseurs Pareto et
Barone (84) de construire toute la science économique sur
l’hypothèse de la libre concurrence. De fait cette hypo
thèse est de moins en moins réalisée dans la vie écono
mique contemporaine. Dès lors une économie politique
basée sur celte hypothèse est une science qui s’éloigne
du réel, une science vaine (85).
(80) 1848-1923.
(81) Voir Pareto. Cf. G. Pirou. Les théories de l’équilibre éco
nomique. L. Walras et V. Pareto. Les Editions Domat-Montchrestien. Paris, 1934, p. 255 et suiv.
Giornale degli Economisé, 1924, p. 25.
(82) Paradoxes of Compétition. The Quaterly Journal of Econo
mies. Feb., 1906, p. 211.
(83) Articles parus dans les Nuovi Studi dont Spirito est rédac
teur en chef.
(84) La critique de l'économie libérale, 3 vol., 1930, surtout le
t. I intitulé Les sophismes de l'économie pure.
(85) Cf. ci-dessus p. 38, l’aménagement de 1^ concurrence.
�On peut mentionner encore dans le même sens un
économiste italien comme F. Carli.
Celui-ci dans un ouvrage* Teoria generale délia economia politica nazionale (86) écrit : (87)
« L’équilibre général n’a pas seulement le défaut
d’être hypothétique et statique : il ne peut pas être
rendu semblable à un équilibre réel ou mobile, parce
qu’à mesure qu’on le rapproche de la réalité, on détruit
toute l’armature de suppositions sur lesquelles il re
pose. » 11 suffit de rechercher les conditions dans les
quelles les fonctions réelles conduisent à l’équilibre
mobile. « C'est la concurrence dans le sens fondamental
du mot et il n’est nullement besoin d’invoquer une
précision irréelle de libre concurrence absolue ni d’ad
mettre une condition hypothétique statique dans un
équilibre stable. »
Ainsi et pour résumer, la concurrence a été très
diversement interprétée par les économistes, pour les
uns c’est la liberté, pour les autres c’est la lutte pour
la vie. Son rôle est dans les deux cas très différent.
On pourrait citer encore bien d’autres manifestations
de ce même aménagement de la concurrence, par exem
ple la législation moderne entre les trusts, la réglemen
tation de la patente des grands magasins, plusieurs réa
lisations de la politique d’économie dirigée dans divers
pays, etc...
Il en a été assez dit pour montrer comment par une
évolution aussi riche que vivante la distinction entre
la concurrence liberté économique et la concurrence
lutte pour la vie se développe de plus en plus à l’épo
que contemporaine.
En résumé les formules contemporaines dans leur
grande majorité semblent revenir à la véritable notion
de la concurrence — la concurrence liberté économique,
la seule qui sera retenue plus loin pour tenter la vérifi
cation critique de la loi.
(86) x vol. Milan, 1931.
(87) Op. cit., p. 75. Cité par Perroux dans Schumpeter.Théorie
de l ’évolution économique, 1 vol. Dalloz, 1935.Introduction P- 77-
§ III. — E xamen
critique
L’examen critique de la loi de concurrence liberté se
présente comme particulièrement délicat et difficile, en
raison du fait que la concurrence est loin d’être tou
jours parfaite et que par suite il est facile d’imputer aux
obstacles que rencontre cette concurrence l’absence des
effets attendus et la non vérification de la loi.
Aussi la seule méthode possible pour tenter cet exa
men paraît être de procéder par vues d’ensemble et de
chercher des impressions de masse, à défaut de vérifi
cation de détails impossible.
D’une manière générale et de ce point de vue, on peut
dire cependant que la loi de la concurrence liberté sem
ble vérifiée au moins dans ses grandes lignes.
Pour tenter d’établir que la loi est exacte, on envisa
gera ici :
1° l’action de la concurrence dans le temps (Section I),
2° l’action de la concurrence dans l’espace (Section II).
S ection I
L'action de la concurrence dans le temps
Deux époques qui se font antithèse peuvent être ici
retenues pour étudier l’action de la concurrence enten
due au sens de liberté des professions :
a) la fin du xvm° siècle et le début du xix° siècle carac
térisés par l’abolition des réglementations existantes et
la réalisation des effets de la concurrence.
b) la période de guerre, période d’un accroissement
de réglementation — interventions multiples de l’Etat et
régime des consortiums : a contrario l’absence de con
currence supprime les effets ordinaires de celle-ci.
a) L'abolition des réglementations (88).
La fin du xviu® siècle et le début du xix* siècle sont
marqués dans l’histoire économique par la réalisation
de la liberté des professions.
On sait comment après une première et éphémère
(88)
P. Pic. Traité élémentaire de législation industrielle, 6® éd.
Paris, Rousseau, 1930, p. 67 et suiv., p. 135 et suiv,
�— 47 —
abolition du régime corporatif en France par Turgol
(1776), la suppression définitive est réalisée en France
par la loi des 2-17 mars 1791, portant, suppression des
maîtrises et jurandes.
L’art. 7 de cette loi porte : « A compter du 1er avril
prochain il sera libre à toute personne de faire tel né
goce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu'elle
trouvera bon, mais elle sera tenue de se pourvoir aupa
ravant d’une patente, d'en acquitter le prix suivant les
taux ci-après déterminés et de se conformer aux règle
ments de police qui sont ou pourront être faits ».
A l’étranger (89) un mouvement analogue (90) se déve
loppe au cours du xix® siècle : suppression des corpora
tions en Autriche (1859), en Wurtemberg et en Saxe en
1861 et 1862, dans l’Allemagne du Nord (1869).
Les effets au point de vue économique semblent bien
avoir été dans l’ensemble ceux que prévoyait la formule
théorique : abaissement du prix, développement de la
production, etc...
b) La période de guerre: recrudescence de réglementa
tion (91).
La multiplication des interventions de l'Etat dans tous
les pays belligérants, la création du régime des consor
tiums marquent au contraire une régression de la
concurrence.
Les effets ne tardent pas à se faire sentir : hausse
des prix et diminution de la production.
Ainsi et à prendre une vue d’ensemble dans le temps,
il semble bien par la double constatation relevée cidessus que la loi de concurrence soit exacte.
(89) Cf. Pic, of. cit.j p. 68.
(90) Seule l’Angleterre avait devancé la France sur ce point.
Cf. Mantoux. La Révolution industrielle au XVIII* siècle, 1 vol.
Paris, 1907.
(91) Bib. Et. Clémentel. La France et la politique économique
interalliée. 1 vol. Paris. Les Presses Universitaires, 1931.
Publication de la dotation Carnegie pour la paix interna
tionale, p. 39.
Ch. Gide et W. Oualid. Le Bilan de la guerre pour la France.
1 vol. Paris. Les Presses Universitaires, 1931.
Publication de la dotation Carnegie pour la paix internatio
nale.
II
L'action de la concurrence dans l’espace
S ection
Un double examen s’impose de ce point de vue :
a) entre pays, ceux où la concurrence est le mieux
observée semblent les plus prospères.
b)
dans chaque pays, à comparer les diverses profes
sions, celles où règne la liberté des professions accu
sent aussi les heureux effets de cette concurrence.
a) Comparaison des pays.
Certains pays, comme les Etats-Unis jusqu’à la crise
actuelle, la Hollande, dans une certaine mesure l’An
gleterre peuvent être considérés comme des pays de
liberté.
On y retrouve les heureux effets prévus par les for
mules ci-dessus examinées des effets de la concurrence.
A l’inverse certains autres pays, comme la Russie
Soviétique, les Etats-Unis d’aujourd’hui, l’Italie fas
ciste, fournissent la contre-épreuve dans cet examen.
b) Comparaison par professions.
On pourrait dans chaque pays relever les professions
où règne la complète liberté d’action (92), celles où au
contraire s’est instaurée une limitation à la liberté
d’accès (93) et une règlementation.
Et encore le contraste qu’on peut observer dans les
faits permet grosso modo de vérifier les énoncés de la
théorie et l’action de la concurrence.
Ainsi pour conclure, dans la mesure où l’examen cri
tique par les faits est possible, il est permis d’affirmer
que la loi de concurrence liberté est vérifiée et par
suite doit être retenue au nombre des lois économiques
valables.
(92) En généra] professions industrielles et commerciales.
(93) Professions d’avocat, d’agent de change, etc., avec les
mouvements de réforme contemporaine pour la profession de
médecin, de journaliste, etc,
�CHAPITRE III
LA LOI DES GRANDS NOMBRES
On peut prendre comme point de départ la formule
approchée de la loi des grands nombres que donne
M. Landry : (1)
« On constate une certaine uniformité dans la fré
quence de tels et tels événements lorsqu’on l’envisage
par grandes masses. »
Il est vrai qu’avec cette loi, nous envisageons ici plu
tôt une loi statistique qu’une loi économique : cette
dernière cherche des rapports de cause à effet : la pre
mière ne marque que la résultante probable des
causes (2).
Néanmoins, le rôle joué par cette loi justifie l’étude
suivante qui sera d’ailleurs faite dans le cadre habituel.
Il faut successivement étudier :
§ I. L’histoire de la loi,
§ IL Les formules actuelles,
§ III. Vérification critique.
§ I. H istoire
de la loi
Elle se résume en deux principaux courants :
un courant d’idées dû surtout aux mathématiciens
(Sect. I), entièrement favorable à la loi ;
une certaine réaction tendant à diminuer son rôle et
son importance (Sect. II).
(1) Manuel d’Economique. i vol. Paris, Giard, 1907, p. 398.
(2) Sur cette différence. Cf. M. Block. Traité théorique et
pratique de Statistique. 1 vol. Paris, Guillaumin, p. 120-121.
2® éd. 1886,
�— 50
S ection I
Les partisans convaincus
C’est Bernouilli, contemporain de Leibnitz (3). qui
peut être justement regardé comme le précurseur de
notre loi.
De l’ensemble de ses œuvres (4) résultent deux théo
rèmes fondamentaux sur la probabilité :
I.
En multipliant les expériences, le rapport des évé
nements de diverse nature approche plus de celui de
leurs possibilités respectives que de tout autre rapport
spécifié ;
IL On peut toujours assigner un nombre d’expérien
ces assez grand pour atteindre une probabilité, aussi
voisine de la certitude qu’on voudra, pour que la diffé
rence entre les deux rapports, celui des événements
et celui de leurs possibilités, tombent dans des limites
données, quelques petites qu’on les suppose.
C’est dans cette deuxième proposition que se trouve
le germe de la loi des grands nombres.
Süssmilch (5) a le premier formulé véritablement la
loi dans son ouvrage « L’ordre divin », publié en 1741.
Il était pasteur dans une des paroisses de Berlin, sa
ville natale, et s’était livré à des études très complètes
sur les facteurs de la population : mariages, naissan
ces et décès.
Il avait remarqué une permanence dans le nombre
de ces naissances, mariages, décès : cette permanence
était pour lui une loi supérieure d’ordre divin.
Il insiste longuement dans son ouvrage sur cette per
manence qu’il qualifie loi. Voici un texte entre beau
coup d’autres :
« C’est ainsi que nous trouvons dans l’état actuel du
monde, que l’un dans l’autre, mariage fécond et ma
riage stérile, ont en moyenne quatre enfants dans un
pays, un peu plus dans un autre, un peu moins selon
les circonstances locales. La loi actuelle de la mort est en
(3) Bernoulli (1654-1705).
(4) Ars conjectandi, publication posthume en 1713. Baie. Trad.
franç. par Vastel. Paris, 1801. Specimen theoriæ novæ de mensura sortis, 1730-1731.
Jacobi a publié Genèse, 1744, les Bernouilli opéra, 2 volumes
in-40.
($) 1707-1767,
moyenne, villages et villes inclus et dans les années
ordinaires, de 1/36 (6).
Süssmilch s’adresse au mathématicien Euler pour
poursuivre ses travaux, mais il a posé le principe en
matière de population que tout est réglé selon des nom
bres et. des proportions définies.
Laplace (7) généralise dans deux ouvrages impor
tants (8) la théorie précédemment formulée.
Il écrit: « Il suit encore de ce théorème (de l'influence
de la multiplicité des événements) que dans une série
d’événements indéfiniment prolongés, l'action des cau
ses régulières et constantes doit l’emporter, à la lon
gue, sur celle des causes irrégulières. »
Il généralise le calcul des probabilités et l'applique
aux décisions des tribunaux, aux résultats des élections
populaires, à l’influence des peines sur la répression
des crimes, etc... (9)
Son ouvrage a eu une influence considérable.
Denis Poisson (10) mathématicien, a l’honneur
d’avoir baptisé notre loi « loi des grands nombres ».
Il écrit : (11) « Dans les domaines qui sont du domai
ne de la statistique, c’est à l’aide des grands nombres,
ou des nombres plus ou moins grands qu’on distingue
ce qui est constant de ce qui est variable ou acciden
tel ; en d’autres termes qu’on établit des lois ou du
moins une règle qui dans la pratique peut en tenir
lieu ».
Poisson s’efforce de calculer la grandeur de l’erreur
admissible.
(6) Die Gôttliche Ordnung in den Verânderungen des menschlichen Geschleets aus der Geburt, dem Tode und der Fortpflanzung derselben erwiesen. Edition de 1765.
Cf. Etude sur Süssmilch du Dr Frederick S. Crum, publiée par
l’American Statistical Association. 1901.
(7) I 749' I^27(8) Théorie analytique des probabilités, 1S12.
Essai philosophique sur la probabilité, 1816.
(9) Essai, p. 76.
(10) 1781-1840.
(11) Recherches sur la probabilité des jugements en matière
criminelle et en matière civile, précédée des règles générales du
calcul des probabilités. Paris, 1837.
On désigne souvent l’ouvrage soqs le titre; Théorie du calcul
des probabilités,
�Voici ce calcul de Poisson, formule simplifiée par
OEsteilen : (12)
En 1825 il est né en France 904.494 enfants légitimes,
soit 468.151 garçons et 436.443 filles : cela fait sur
10.000 naissances 5.175 garçons : de sorte qu'à chaque
naissance la probabilité en faveur d’un enfant mâle est
de 0,5175.
Il s’agit de déterminer de combien ce nombre peut
dépasser la moyenne réelle ou de combien il peut être
au-dessous.
Calculons la probabilité :
Soit m le nombre de cas où le fait s’accomplit, c’està-dire où un garçon est né,
soit n le nombre de cas où il ne s’accomplit pas,
soit fx le nombre total de ces deux groupes de cas.
On obtient
468.151
= 0,5157
904.594
436.443
= 0,4823
904.594
La formule de Poisson, destinée à calculer l’écart
admissible, est la suivante : (13)
m n
Ce qui avec les chiffres ci-dessus donne le nombre
0,0015. L’écart sera donc de 0,0015 en plus et en moins.
Quételet (14) dans sa « Physique Sociale » (15) re
prend la loi des grands nombres (16) et dans des passa(12) Block, op. cit.j p. 132.
(13) Avec cette formule on obtiendra un critérium pour
apprécier si un chiffre est ou non un grand nombre. On opère
sur diverses séries d’années et si on obtient des résultats par
trop différents, c’est que les nombres n’étaient pas assez grands.
(14) 1796-1874.
(15) T. L P- 98.
(16) « Ainsi les phénomènes moraux quand on observe les
masses, entreraient en quelque sorte dans l ’ordre des phénomè
nes physiques ; nous sommes conduits à admettre comme prin-
ges vraiment dithyrambiques affirme que tout le monde
moral et soumis à cette loi.
11 indique encore que la précision des résultats croît
comme la racine carrée du nombre des observations.
Wagner, dans « Recherches statistiques et anthropo
logiques sur les lois naturelles qui agissent dans les
acte des hommes, en apparence les plus arbitraires
1864, se montre enthousiaste de l’œuvre de Quételet et
souscrit à ses conclusions.
Telle est la série des partisans convaincus.
II
Les critiques et les partisans de réserves
S ection
Cournot (17) dans sa Théorie des chances et des
probabilités (28), écrit : « Lorsqu’on considère un grand
nombre d’épreuves du même hasard, le rapport entre
le nombre des cas où le même événement s’est produit
et le nombre total des épreuves, devient sensiblement
égal au rapport entre le nombre des chances favorables
à l’événement et le nombre total des chances, ou à ce
qu’on nomme la probabilité mathématique de l’évène
ment... En ce sens pareillement la probabilité mathé
matique exprime un rapport subsistant hors de l’esprit
qui le conçoit, une loi à laquelle les phénomènes sont
assujettis et dont l’existence ne dépend pas de l’exten
sion ou de la restriction de nos connaissances sur les
circonstances de leur production. »
Il ajoute plus loin : (19) <c Si le nombre des épreuves
d’un même hasard croissait à l’infini, elle (la probabilité
mathématique) serait déterminée exactement, avec une
certitude comparable à celle de l’événement dont le
contraire est physiquement impossible.
cipe fondamental que plus le nombre d’individus que l’on observe
est grand, plus les particularités individuelles, soit physiques,
soit morales, soit intellectuelles, s’effacent et laissent prédomi
ner la série de faits généraux en vertu desquels la société existe
et se conserve. »
(17) 1801-1877.
(18) A. A. Cournot. Le problème de la théorie des chances çt
des probabilités. Paris, Hachette, 1843J p. 437 et suiv.
(19) Ibid., p. 439.
�Lorsque le nombre des épreuves est peu considéra
ble. les formules données communément pour l’évalua
tion des probabilités, a posteriori deviennent illusoires :
elles n’indiquent plus que des probabilités subjectives,
propres à régler les conditions d'un pari, mais sans ap
plication dans l'ordre de production des phénomènes
naturels. »
Ainsi il existe une loi des grands nombres.
Cournol dans divers ouvrages mais surtout dans un
« Traité de l'Enchaînement des idées fondamenta
les » (20), fait quelques réserves sur le caractère de loi
à assigner à la loi des grands nombres (21). La loi n’est
que « l’ordre dans les successions régulières » (22) mais
la série des observations n’est, pas propre à nous donner
l’idée de loi (23).
Ailleurs, dans T « Essai sur les fondements de nos
connaissances », il avait écrit : « Si au contraire la loi
présumée ne se soutient pas dans les résultats des obser
vations nouvelles, il faudra bien l’abandonner par la
suite et reconnaître qu’elle ne gouverne pas l’ensemble
de la série : mais il ne résultera pas de là nécessaire
ment que la régularité affectée par les observations
précédentes soit l’effet d’un hasard ; car on conçoit très
bien que des causes constantes et régulières, agissent
pour une portion de la série et non point le surplus ».
E. Rhenisch consacre deux articles à notre loi (24) et
combat la position de Quételet. Il n’y a pas régularité,
constance absolue : les résultats obtenus ne sont que
les moyennes du groupe d’années qu’on envisage.
M. Block (25), dans son ouvrage (26), critique la va
leur absolue accordée à la loi des grands nombres :
« La loi, ou mieux l’effet d’un grand nombre, n’est
pas absolue : quelque grand que soit le nombre des faits
qui se présentent à la fois ou successivement, s’ils sont
(20) 1861.
(21) et (22) Enchaînement, t. I, p. 64.
(23) 1851. § 42.
(24) Zeitschrift f. Philos, und phil. kritik, t. L X V III et L X IX .
(25) 1816-1901.
(26) Traité théorique et pratique de Statistique. 1 vol. Paris,
Guillaumin. 2® éd. 1886, p. 136.
influencés par des causes variables d’une égale force,
peut-être contradictoires, il ne pourra jamais se déga
ger de loi ni de règle. Celle-ci, loi ou règle, ne se mani
feste que s’il y a dans le nombre une cause dominante
ou constante, accompagnée des causes plus faibles,
agissant en sens divers, se contrariant et se compensant
parfois. »
Il donne comme exemple la durée moyenne de la vie
humaine fixée à 35 ans. Il y a pour lui compensation des
causes secondaires.
Rumelin {21) critique surtout l’expression loi des
grands nombres : c’est là, dit-il, une expression malheu
reuse parce qu’elle semble laisser échapper la généralité
essentielle de la loi, pour une pensée d’ailleurs exacte
en soi.
« Les grands nombres n’expriment immédiatement
qu’un fait social ou historique. C’est la régularité cons
tatée qui est intéressante. La loi obtenue n’aura plus
rien à faire avec le grand nombre, sinon que celui-ci a
servi à le découvrir et peut encore aider à la démon
trer. »
§ II. L es
formules actuelles
A l’époque contemporaine, nous retrouvons assez
nettement les^deux courants précédemment distingués
dans l’histoire de la loi.
Il y a d’une part les partisans de la loi sans réserve,
il y a d’autre part les auteurs qui l’admettent avec diver
ses restrictions.
Parmi les premiers figure surtout Paul Leroy-Beau
lieu. Voici comment il prend position à l’égard de
notre loi : (28)
« Ici intervient aussi une influence bien connue,
(27) 1861-1931.
(28) Paul Leroy-Beaulieu. Principes
T. III, p. 59-
d’Economie
Politique,
�quoique assez mystérieuse, celle qu’on appelle la loi des
grands nombres :
Quoique chaque homme soit absolument libre de
s’abandonner à sa fantaisie, on sait que tous les princi
paux phénomènes de l’activité de l’homme offrent une
certaine régularité, parfois même une régularité qui
paraît merveilleuse. Qand on considère un groupe
d'hommes très étendu, et plus il est étendu, on voit dis
paraître en quelque sorte comme noyés dans l’ensem
ble et n’exerçant sur lui aucune action perceptible, les
actes de pure fantaisie individuelle. Les hommes et les
sociétés se modifient, de même les besoins et les désirs
humains, mais en général, comme la nature, sans faire
de sauts, par gradations insensibles ».
Parmi les partisans de réserve on peut surtout citer
F. Faure (29) ; dans ses Eléments de statistique (30) il
donne, comme formule de la loi, la suivante :
« Plus les nombres sont grands, plus grande est la
probalité des prévisions qu’ils autorisent » (31).
Il rappelle la mesure de probabilité adoptée par les
statisticiens : la probabilité croîtrait comme le carré
des observations mais ajoute « Une mesure aussi pré
cise nous semble bien difficile à justifier. »
Il demande : Combien de chiffres faut-il pour cons
tituer un grand nombre ? — Beaucoup de chiffres. Mais
encore combien ?
Cette loi est une notion variable et relative qui ne se
laisse pas renfermer dans une formule rigoureuse.
§ III.
V é r ific a t io n c r it iq u e (32 )
On est quelque peu embarrassé pour procéder à la
vérification de cette loi, étant donné son ampleur et sa
portée très large.
Cependant, d’une manière générale, les progrès de
(29) 1841-1899.
(30) 1 vol. Paris. Larose. 1906, p. 54.
(31) Ibid., p. 55.
.
(32) Pierre Daure, professeur à la Faculté des Sciences de
Bordeaux.
Réflexion sur l’évolution monétaire et l’application de la loi
des grands nombres aux phénomènes sociaux. 1 broch. Lib. du
Rec. Sirey, 1936.
la statistique dans les temps modernes semblent la
confirmer.
Il suffira de mettre ci en lumière quelques séries de
faits particulièrement importants.
On peut envisager :
Section I. Les statistiques démographiques ;
Section IL Les problèmes d’assurances ;
Section III. Quelques autres constations.
S ection 1
Les Statistiques démographiques (33)
D’une manière générale il existe une relative stabi
lité dans les facteurs natalité, mortalité, mariages.
Au cours du xixe siècle, le taux moyen de natalité (34)
a été calculé à 36 pour 1.000.
Voici les chiffres pour l’Allemagne par périodes :
1841-1850
1851-1810
1811-1870
1871-1875
1876-1880
1881-1885
1886-1890
1891-1895
1896-1900
36,1
35,3
37,2
38,9
39,2
37,0
36,5
36,3
36,0
De même le taux de mortalité (35), au xix® siècle tou
jours, paraît dans certains pays à peu près constant : il
est en France en moyenne de 25 pour 1.000.
(33) Bib. E. Levasseur. Population française. 3 vol. Paris,
Rousseau (1889-1892).
Landry. Manuel d’Economique. 1 vol. Paris, Giard, 1899.
Hi’ber. Bunle et Boverat. La populaation de la France. Son
évolution et ses perspectives. Paris, Hachette, 1937.
(34) C ’est le rapport entre le nombre des naissances N et la
population totale, soit N ramené à 1.000 habitants.
P~
(35) C’est le rapport entre le nombre desjdécès D et l ’effectif
de la population P, soit D ramené à 1.000 habitants.
�— 59 —
Voici à litre d'indication quelques chiffres :
1861 23,2
1801 27,8
1866 23,2
1806 26,9
1870 28,3
1810 24,6
1876 22,6
1815 25,8
1881 22
1821 24,3
1886 22,5
1826 26,3
1891 22,8
1831 24,6
1896 20,2
1836 22,3
1910-1912 18,4
1841 23,2
1920-1922 17,5
1846 23,2
1925-1929 15,9
1851 22,3
1931-1935 15,7
1856 23,1
Les progrès de l’hygiène amènent cependant une
baisse assez notable de ce taux de mortalité.
Encore le taux de nuptialité (36) présente une relative
constance.
Au xix® siècle, en France, il a été en moyenne entre
7, 8 et 8, 3 pour 1.000.
Voici les détails :
1801
1806
1810
1815
1821
1826
1831
1836
1841
1846
1851
7,3
7,2
7,9
8,3
7,3
7,8
7,5
8,2
8,2
7,6
8
1856
1861
1866
1870
1876
1881
1886
1891
1896
7,9
8,2
8
7,2
7,9
7,5
7,4
7,5
7,6
Au xx* siècle
1936 13,4
1906-:1910 15,8
15.
est
supérieur
à
jusqu’en 1930 i1
(36) C'est le rapport du nombre annuel des nouveaux maria
ges célébrés à la population P, soit M ramené à la population
pour 1.000 habitants.
p
D’autres facteurs peuvent encore être considérés
comme constants : (37)
l'âge moyen du mariage qui oscille entre 30, 25 (18511855) et 29,65 (1896-1900) pour les hommes, entre 26
(1851-1855) et 25, 20 (1896-1900) pour 1.000.
la natalité légitime par mariage qui se maintient au
tour de 3 naissances pendant une grande partie du
xixe siècle.
II
Les problèmes d'assurances
S ection
Trois séries de faits importantes peuvent, semble-t-il
servir à vérifier la loi des grands nombres.
a) l’essor des assurances au xix° siècle pour les divers
risques coïncide avec l’établissement de la loi des
grands nombres.
b) le développement de chaque assurance en particu
lier coïncide avec l’établissement des tables de fréquence
des divers risques.
Il y a développement très poussé des AssurancesIncendie et vie,
il y a développement moyen des diverses assurances
sociales,
il y a développement plus difficile pour certains ris
ques moins bien connus : grêle, épizootie, mortalité du
bétail,
il y a développement impossible pour certains autres
risques : inondations, tremblement de terre, choléra,
etc...
c) enfin autre corollaire bien connu servant de vérifi
cation indirecte, les grands établissements sont restés
leurs propres assureurs : on sait que tous ceux qui pos
sèdent un nombre d’unités suffisant et assez diversifié
comme situation d’objets soumis à la cause déterminée
d’un sinistre, pour que la loi des grands nombres s’y
applique, n’ont aucun avantage à contracter des assu
rances et doivent être eux-mêmes leurs propres assu
reurs.
(37) Cf. Levasseur. Population française. T. III^ p. 150.
�— 60 —
II
Quelques autres constatations
S ection
Avec ces données concernant la population et les assu
rances, la liste des vérifications de la loi des grands
nombres n’est pas close.
On peut citer encore quelques autres cas curieux.
C’est ainsi que le nombre de lettres mises à la poste
sans avoir écrit, l’adresse est relativement constant (38).
D'autres comme P. Leroy-Beaulieu (39) ont affirmé
dans le même sens une relative stabilté dans l’ensem
ble des besoins humains. « Les hommes et les sociétés
se modifient, de même les besoins et les désirs humains,
mais en général, comme la nature, sans faire de sauts,
par gradations insensibles. » (40)
CHAPITRE IV
LOI DE DÉPLACEMENT DE L'ÉQUILIBRE
Ainsi la loi des grands nombres peut et doit être ins
crite au nombre des lois valables, des lois à retenir de
l'Economie Politique.
Le développement historique de cette loi a cepen
dant souligné qu’elle aussi comptait une certaine
contingence.
La loi moderne qui porte le nom de loi Le Châtelier
(1886) est une loi très générale applicable dans toutes
les sciences physiques et chimiques.
Elle s’énonce ainsi :
« Dans un système en équilibre isolé, lorsqu’une cause
agit sur un des facteurs de l’équilibre, celui-ci se dé
place dans le sens qui annule les effets normaux de cette
cause ».
On l’a appelée (1) loi « du déplacement de l’équi
libre ».
Ainsi en généralisant la loi affirme :
« La modification d’une quelconque des conditions
pouvant influer sur l’état d’équilibre d’un système pro
voque une réaction dans un sens tel quelle tende à ame
ner une variation de sens contraire à la condition
extérieure modifiée. » (2)
On a souligné à ce propos, qu’à côté des facteurs
mathématiques à l’aide desquels la loi joue, il existe
(38) Cf. Ch. Gide.
(39) Op. cit.j t. III, p. 60.
(40) Loi des Petits Nombres.
Un économiste allemand, L. von Bortkewitsch, avait parlé il
y a quelques années de la loi des petits nombres. (Das Gesetz der
Kleinen Zahlen. Leipzig. Tenbner. 1898). Il entendait par là le
fait généralisé que des phénomènes qui arrivent rarement s’uni
formisent aux chiffres normaux du calcul des probabilités. Un
économiste italien, Giori (La legge dei picoli numeri. Giornale
degli Economist, i Sept. 1907, f. 758) a très fortement contesté
l'existence de cette loi et depuis lors à ma connaissance la for
mule n'a pas été reprise : on peut donc la négliger et ne pas
la compter, car elle ne paraît apporter rien d’ original, au nom
bre des lois scientifiques de l ’Economie Politique.
(1) On en pourrait donner de multiples exemples:
en chimie, lorsqu'on dissout du sucre dans l’eau, la tempéra
ture de l ’eau s’abaisse et il y a diminution de la solubilité du
sucre,
en physique, tout courant induit dans un circuit par un cou
rant, ou par déplacement dans un champ électrique, est de sens
tel que ses effets s’opposent à la cause qui l’a produit. (Loi de
Lenz).
Note sur les lois numériques des équilibres chimiques. C. R.
Académie des sciences. 1885, t. 102, p. 1005.
Cf. Vezès. Leçons ae chimie physique, 1 vol. Vuibert, 1927,
p. 442.
(2) Citée sans référence dans Bousquet. Institutes de Sciences
économiques, Rivière, 1930, t. I. Introduction, p. 227.
(3) H. de Varigny, chronique citéç col. 2,
CONCLUSION
�— 63 —
aussi des facteurs psychologiques : peur, égoïsme, pa
triotisme, sentiment, etc., qui peuvent momentanément
en contrarier l’action.
M. Dubuisson formule même les deux lois suivantes:
Loi Le Chatelier : Quand un phénomène économi
que ne dépend que de facteurs pondérables, l’effet de la
cause produit une réaction qui tend à diminuer l’intensité
de la cause. (4)
2e La Loi Chatelier (inverse) : Quand un phénomène
économique ne dépend que de facteurs ou paramètres
psychologiques, l’effet, de la cause produit une réaction
qui tend à accroître l’intensité de la cause. »
On a voulu trouver de multiples applications de cette
loi à la vie économique.
MM. G. et Ed. Guillaume, dans une étude récente (6),
l’admettent comme loi générale : « Mais on conçoit
qu’un léger déplacement de l’équilibre, suite d’une telle
incidence, déclanche les réactions propres à la loi si
générale du déplacement de l’équilibre de Le Chatelier,
lesquelles ramènent ainsi le système à une position
très voisine de la première. C’est en Economique le jeu
de la contreprestation, d’où découle en particulier le
phénomène du fait accompli.
D’abord dans le domaine de l'échange.
« Si. écrit M. Vallon (7), le prix d’échange d’une mar
chandise s’écarte, pour une raison quelconque, du prix
(4) Pour l ’application de cette deuxième loi, l’auteur cite le
cas du trafic postal augmenté par l’abaissement des tarifs.
Normalement (première loi) l ’effet devrait être le suivant, avec
un budget postal constant, le public écrirait plus mais les frais
d'exploitation restant fixés, l'Administration viendrait à un relè
vement des tarifs.
Mais le public augmente son budget postal : en ce cas avec
une augmentation de tarif, l ’Administration peut songer à une
nouvelle baisse des tarifs.
(5) H. de Varigny. Revue des Sciences, Journal des Débats, 7
décembre 1922. Le Puits qui parle (revue des élèves de l’Ecole
des Mines), 1922, art. de M. Dubuisson. Le rôle de la loi Le
Chatelier dans l’Economie.
(6) Cf. L. Vallon, Socialisme expérimental. Edition du Centre
pol)ùechnicien d’études économiques, n° 2, 1936, p. 45.
(6) C. et Ed. Guillaume. Economie rationnelle. Edition du Cen
tre Polytechnicien d’ études économiques, 1 vol., Paris, 1937,
p. 26.
(7) Op, cit. p. 45.
défini par les équations d’équilibre, et se trouve, par
exemple, supérieur à ce prix, la production de cette
marchandise a tendance à croître et à ramener le prix
à sa position d’équilibre. »
Dans le concret, de Varigny présentait ainsi cette
action : « L’avoine est chère ; on en produit plus : elle
baisse. Le frêt diminue, d’où accroissement de trans
port bientôt suivi d’augmentation du fret. »
Il est possible que cette tendance existe, mais elle
peut être contrariée par de nombreux autres facteurs.
Ensuite dans le domaine de la production.
Le même auteur (9) écrit à ce sujet :
« Dans une société sans endettement, il peut y avoir
des déséquilibres passagers, entre les prix des diverses
branches de la production et leurs valeurs à l’état d’é
quilibre, mais il n’y a jamais déséquilibre d’ensemble: le
pouvoir d’achat provenant de l’échange des marchan
dises permet de racheter l’ensemble des valeurs produc
tives : au contraire, dans une société connaissant l’en
dettement, ce dernier introduit, et cela durablement, un
déséquilibre entre le pouvoir d’achat disponible pendant
une période donnée et la valeur globale de la produc
tion au cours de cette période. » (10)
Enfin l’Ecole classique a elle aussi plusieurs lois (11),
plusieurs lois d’équilibre automatique qu'il sera néces
saire d’étudier en leur temps : loi de l’équilibre des
changes de Ricardo, loi de la coïncidence du coût de
production et du prix de marchés, etc...
Plus récemment que M. Aftalion dans son ouvrage
L'Equilibre dans les relations économiques internatio
nales (12), fait des réserves sur cette tendance au réta
blissement de l’équilibre. « Le déséquilibre ne se cor
rige pas spontanément de manière qu’on puisse à coup
sûr attendre, les bras croisés, l’effet bienfaisant des ac
tions régulatrices. La volonté des hommes, l’effort per(8) Chronique citée, supra première col.
(9) Op. cit. p. 46.
(10) Cf. pour les détails, pp. 47 et suiv.
(11) Cf. t. III, les lois spéciales.
(12) 1 vol., Paris, Ed. Domat-Montchrestien, 1937.
Cf. Ch. Rist, Rev. d’E. P., 1937, p. 381.
�CHAPITRE V
LA LOI DE L'EFFET PROPORTIONNEL
C’est à une époque tout à fait contemporaine, exacte
ment en 1931, que fut proposée pour la première fois
cette nouvelle formule.
Il suffira donc d’étudier ici :
§ I. Les formules actuelles ;
§ II. Vérifications critiques.
ütWl&Cï&C
§ I. F o rm u les A c t u e l l e s
En 1931 M. R. Gibrat consacrait un important ou
vrage (1) à la loi qu’il affirmait et à sa vérification, la
loi de l’effet proportionnel.
L’auteur prend comme point de départ une loi natu
relle du domaine des sciences : la loi de Gauss (ou de
Laplace) qui affirme la répartition des écarts des gran
deurs observées — dans une série de phénomènes ob
servés — est comprise (2), par rapport à la moyenne,
entre certaines limites vis-à-vis de cet écart. (3)
Il affirme que cette loi est applicable aux divers phé
nomènes économiques.
(1) R. Gibrat, Les inégalités économiques ; application aux iné
galités des richesses, à la concentration des entre prises, aux po
pulations des villes , aux statistiques des familles, etc... d'une loi
nouvelle: la loi de l'effet proportionnel, i vol., Paris, Sirey,
!93L
(2) D’autres travaux avaient été faits pour préciser -et mo
difier la loi de Gauss: Marcel Ollivier. Les nombres indices de la
variation des prix, 1927.
Marcel Lenoir. Cf. art. Carminé cité p. 277.
(3) Sur une application de la loi de Gauss aux prix, cf. Bau
din, La Mesure et la formule des prix, première partie, les élé
ments, 1 vol. Sirey, 1936, t. VI du Traité d’Economie Politique
publié sous la direction de M. H. Truchey, p. 324.
5
�Mais il précise les particularités de cette application
et c’est alors qu'il formule la « loi de l’effet proportion
nel », « l’effet d’une cause sur la grandeur des phéno
mènes est proportionné à cette grandeur. »
IVauteur donne ici des développements spécialement
mathématiques dans lesquels nous ne le suivrons pas.
Peu d’années après, M. Carmille dans un article im
portant (4) souscrivait à la formule proposée.
§ II.
CHAPITRE VI
LA LOI
DU MOINDRE EFFORT
V ér ific a t io n s C r it iq u e s
M. Gibrat, dans l’ouvrage précité a multiplié les ob
servations pour établir l'exactitude de la loi formulée.
11 en fait application aux salaires, à la concentration
des entreprises, à l'inégalité des revenus.
« Dans 600 groupements choisis par hauteur le gra
phique de distribution relevé d'après les données statis
tiques, coïncide, parfois jusqu’à l'identité absolue, avec
la courbe calculée. » (5)
Il y a donc une loi de dispersion des phénomènes éco
nomiques autour de la moyenne : l’auteur paraît avoir
fait faire un grand pas à la science économique à cet
égard.
La précision plus grande des statistiques permettra
peut-être quelque jour de préciser encore (6).
On peut donc, provisoirement peut-être, accepter celte
loi comme valable en économie politique.
(4) Moyens statistiques et Science économique. Revue Politi
que et Parlementaire, 1933, p. 271.
(5) M. Carmille, cité p. 279.
(6) Ibid., Carmille, cité pp. 283 et 284,
Il est une autre loi générale que l’on peut provisoire
ment formuler : « L'homme cherche toujours à attein
dre le résultat le plus considérable avec le moindre
effort » qui joue un grand rôle dans la vie économique.
La loi du moindre effort passe avec raison pour une
des lois les plus importantes de l’Economie Politique.
M. J. Lescure, professeur à la Faculté de Droit de
l’Université de Paris, s’exprime ainsi (1) à son sujet :
« Notre science part d’un axiome, tiré de l’expérience,
analogue par son évidence à l’axiome de la ligne droite
et que nous appelons la loi du moindre effort. Tout en
découle, les lois de la production et les lois de la répar
tition. Une formule les résume : beaucoup produire et
au moindre coût, puis beaucoup répartir — et bien ré
partir pour beaucoup produire. »
Deux questions préalables doivent être ici esquis
sées : l’une et l’autre tendent à nier le caractère éco
nomique de cette loi.
On (2) a d’abord remarqué que cette loi très générale
joue dans bon nombre d’autres domaines que le do
maine proprement économique : elle a son rôle en pho
nétique et en sémantique ; elle joue dans la vie intellec
tuelle, dans la vie sociale (M. Lebureau), dans la vie
judiciaire.
(1) J. Lescure. Il n’y a qu’une économie rationnelle. Revue
de Paris, 15 juillet 1936^ p. 299.
(2) L. Dugas. Le moindre effort et le travail. (Psychologie
collective et Sociologie). Rev, de l’Institut de Sociologie, juil
let 1290, p. 33.
�— 69 —
Tes constatations sont exactes mais cela n’enlève rien
cà la valeur économique de la loi : elle joue aussi en
matière économique et comme telle mérite ici une
étude.
On (3) a ensuite affirmé que la loi du moindre effort
au lieu d’èlre une loi économique, serait une loi sociologique et à ce second point de vue on serait tenté d’en
interdire l’étude à l’économie politique.
IJ est vrai que la loi est une loi sociologique, mais
elle est aussi une loi économique : la preuve en est
qu’une des plus importantes lois économiques, la loi
de Gresham (4) est précisément basée sur la loi du
moindre effort.
11 n'y a donc pas lieu de s’arrêter à ces deux ques
tions préalables : il faut maintenir l’étude de la loi du
moindre effort comme loi économique.
Il faut étudier ici dans le cadre ordinaire,
1° 1histoire de la loi (§ I),
2° les formules actuelles (§ II),
3° l’examen critique (§ III).
L ’H ist o ir e de la L oi
On peut distinguer, dans l’histoire de la loi, un dou
ble courant d’idées, d'ailleurs parallèle, un courant
économique et un courant philosophique. 11 les faut
exposer successivement :
A) Le courant économique.
Ce sont surtout les économistes de l'Ecole libérale
qui ont insisté sur la constatation (5) en lui donnant
d'ailleurs comme d’habitude une valeur absolue.
Ouesnay a le premier sans doute formulé notre loi :
« Obtenir la plus grande jouissance avec le minimum
d’efforts possible, c’est la perfection de la conduite éco
nomique.
Courcelle Seneuil (6) dans le « Nouveau Dictionnaire
d’Economie Politique » (7), écrit : « Comme la géomé
trie élémentaire a des axiomes, l’économie politique a
les siens : l’homme s’efforce d’obtenir le plus de ri
chesse qu’il peut au prix du moindre travail possible. »
En d’autres termes, l’homme cherche la richesse et
fuit le travail. Cet axiome lui-même a trouvé des contra
dicteurs, mais peu fermes. Dans les études suivantes,
la contradiction est moindre, mais peu d’esprits suivent
l’exposition avec une attention suffisante et on discute
facilement à côté. »
Roscher (8), représentant de l’Ecole historique alle
mande, souscrit à la notion classique : « L’effort sys
tématique de tout individu raisonnable dans l’adminis
tration de ses affaires, tend à obtenir avec un minimum
de sacrifice de plaisirs et d’énergie, le maximum de
satisfaction de ses besoins. » (9)
M. Block (10), dans son ouvrage Les Progrès de la
Science économique (11), affirme : « Le principe du
moindre effort qui est fondé sur ces particularités de la
nature humaine
1° d’être très sensible à la peine et au plaisir,
2° d’employer l’intelligence pour éviter l’un et se
procurer l’autre,
explique le phénomène économique peut-être mieux
que l’égoïsme qui a été si longtemps mis en avant en
pareil cas. »
Yves Guyol (12), dans sa Science Economique,
souscrit lui aussi (13) : « Non seulement l’homme veut
acquérir, mais il veut acquérir avec le moins de peine
possible. En un mot, au point de vue économique,
l’homme obéit à deux impulsions : le désir d’utilités et
l’aversion du travail. » (14)
(6) 1843-1892.
(7) V° Economie Politique, t. I, p. 768, 2 vol., Paris.
(8) 1817-1894.
(9) National Economie der Gegenwart, 1S48.
(10) 1816-1901.
(11) 2 vol., Paris, Guillaumin, 1890, t. I, p. 275.
(12) 1843-1928.
(13) 1 vol., Paris, Schleicher, 4* éd., 1911, p. 5.
(14) Par ailleurs, dans son livre sur l ’Economie de l’Effort
�— 70 —
Paul Leroy-Beaulieu (15), dans son Traité théorique
et pratique d'Economie politique (16), recueille sans ob
servation notable cette tradition bien établie :
« Le principe de la moindre action, c’est-à-dire du
moindre effort, pour obtenir un résultat déterminé,
ainsi que le principe de l’économie de frais qui n’en est
que l’extension, dominent toute la vie économique. »
L.
Cossa (17), dans son Histoire des Doctrines écono
miques, admet sans restrictions notre loi ; il écrit, en
parlant de l’agriculture et de son travail technique :
« Il s'inspire au contraire de critères économiques
quand il prépare et exécute les travaux agricoles de
façon à obtenir la plus grande utilité avec la moindre
somme d’efforts, de sacrifice et de risques. » (18)
Pantaleoni (19), dans ses Principii di Economia pura (20), reprend la loi du moindre effort en ces termes:
« Les hommes agissent poussés exclusivement par le
désir d’atteindre la plus grande satisfaction possible de
leurs besoins ou moyen du plus petit sacrifice indivi
duel possible. »
Déjà dans ce courant économique on relève un cou
rant de réserves et de critiques :
Ad. Wagner (21), dans ses Principes d'Economie po
litique, admettant la formule courante (maximum de
satisfaction pour minimum de sacrifice) affirme que ce
principe doit être souvent appliqué : ce qui implique
une réserve sur sa portée absolue. (22)
Cohn (23), accepte le principe du moindre effort dans
(i vol., Paris, Colin, 1906), il revient sur cette loi à laquelle
toute l’histoire humaine obéit : « L ’homme cherche la moindre
résistance: plus il est ingénieux, plus il cherche à diminuer son
effort. »
(15) 1843-1916.
(16) 3* éd., Guillaumin, Paris, 4 vol., 1900, t. I, p. 145.
(17) 1831-1896.
(18) 1 vol., Paris, Giard, 1899, p. 12,
(19) 1837-1924.
(21) 1 vol., Firenze, 1887, p. io.
(21) 1835-1917.
(22) Lehrbuch der pol. Ækonom. Grundlegung. 1879. Leipzig
et Heidelberg. 2® éd., 1879, P- 10(23) 1840-1919.
— 71 —
les rapports de l’homme avec la nature, mais le déclare
contestable dans les rapports entre les hommes. (24)
Edgeworth (25), économiste anglais, précise la loi du
moindre effort dans ses « Mathematical psychics ». (26)
B) Le courant philosophique.
Deux grands noms sont ici à retenir, ceux de Rosmini et de Ribot.
Antoine Rosmini (27) est d’une part l’auteur de la
dénomination donnée à la loi (28) et l’envisage comme
la généralisation d’un principe plus général des scien
ces. (29)
Ribot (30), dans son ouvrage intitulé La vie incons
ciente et les mouvements (31) constate qu’il y a des
hommes actifs, haïssant le repos, pour qui le remue
ment ou l'agitation est un besoin, il ne faut pas parler
pour eux de la loi du moindre effort ; cependant pour
la généralité des autres hommes « la tendance au moin
dre effort est la règle. En ce sens, la tendance est une
loi. »
Les philosophes (32) acceptent donc la loi du moin
dre effort.
§ IL L es F ormules A ctuelles
Deux attitudes peuvent être finalement relevées parmi
les économistes contemporains :
Les uns se rallient à la théorie traditionnelle et clas
sique (Section /).
(24) System der Nationalôkonomie, t. I, p. 198, Stuttgart,
F. Enke, 1885.
(25) 1845-1926.
(26) P. 24.
(27) 1797-1835(28) Teodicea. 2 vol. Torino 1857, t. II, livre III, chap. V II,
p. 46.
(29) Le principe d’inertie du domaine physique, l ’axiome de
Maupertuis (quantité d’action la plus petite possible en astro
nomie) la loi d’économie et de parcimonie de Miln Edwards en
biologie, les difficultés de l ’attention en psychologie, etc...
(3°) 1839-1916.
(31) 1 vol., Paris. Chap. IV. Le moindre effort en psycholo
gie. L ’ article a paru séparément. Rev. Philosophique, octobre
1910, p. 361.
(32) Cf. à titre de curiosité, L. Ferrero. Les lois psychologi
ques du Symbolisme. 1 vol., Paris, Alcan, 1895.
�— 73 —
M. .4. Schalz, dans son ouvrage « L’individualisme
économique et social » (38), adopte une définition de
l’individualisme qui sous-entend la loi du moindre
effort : L’individualisme économique peut donc être dé
fini une doctrine qui, partant du réel pour ne viser que
le possible, voit dans les aptitudes psychologiques de
l'individu le principe nécessaire et suffisant de l’orga
nisation économique et cherche à réaliser le progrès
social par le complet développement des individus qui
composent la société et par l’extension de la liberté qui
est le principal agent de leur perfectionnement (34).
Ch. Gule (35), dans son Cours d’Economie Politique
écrit : « En tout cas présentement, tout homme qui tra
vaille est soumis à l’action de deux forces opposées :
d une part le désir de se procurer une jouissance quel
conque ; d'autre part le désir de se soustraire à la peine
que le travail lui cause. Naturellement toute l’ingéniosité
de l’homme depuis l’âge de pierre s’est appliquée à
obtenir le maximum de satisfaction avec le minimum
de peine : c’est « la loi du moindre effort. »
M. Reboud, dans son Précis d’Economie Politique (36)
énonce sans aucune réserve la loi du moindre effort :
« Obtenir le maximum de satisfaction avec le minimum
d'efforts » et ajoute : « On donne parfois à ce principe
le nom de principe hédonistique. »
S ection II
Les critiques
Politique (38) demande pour l’énoncé de la loi si c’est
ce qui est ou ce qui paraît d’avantage le plus grand qui
est poursuivi avec la moindre somme d’efforts.
Et. plus loin (39) : « Cette création continue, c’est la
loi du moindre effort qui la commande, mais seulement
si l’homme est placé dans des conditions telles qu’il soit
contraint au travail. Si l'homme est placé dans des con
ditions politiques et sociales qui lui permettent d’échap
per au travail, la loi du moindre effort, au lieu de le
conduire à la création économique, le porte au pillage
et au gaspillage des biens accumulés. »
Ainsi la loi serait en quelque sorte une arme à deux
tranchants selon les conditions de milieu dans lesquel
les elle joue.
■M. G. Valois (40) dans son Economie Nouvelle (41)
institue une critique plus détaillée de la loi du moindre
effort.
« L’homme, écrit-il, est un être dont l'énergie, comme
toute énergie, suit la voie de la moindre résistance, du
moindre effort, dont la sensibilité recherche la moindre
fatigue, la moindre douleur et que son instinct de con
servation dirige vers le moindre risque. »
« La loi du moindre effort, qui porte les hommes à
la guerre dans l’état de nature ou dans un état social
faible, les porte au plus grand effort et au progrès
technique dans un état social bien organisé. La connais
sance de cette loi est d’une importance considérable
dans l’organisation des nations selon que l’on tient
compte de son existence ou qu’on la méconnaît, les so
ciétés vont à la prospérité ou à la décadence. » (42)
Ainsi la-s!oi est excitatrice de l’intelligence, créatrice
d’inventions...
§ III.
E xamen critiq ue
On peut, pour tenter un examen critique de la loi du
Simiand (37) dans sa Méthode positive en Economie
(38) La méthode positive en Science économique, 1 vol., Paris,
Alcan, 1912, p. 24.
(39) Ibid,., p. 141 (40) i vol., Paris, Nouvelle Librairie Nationale, 1919, p. 127
et suiv.
(41) lbid.} p. 127.
(42) Ibid., p. 137.
�la loi du moindre effort dans la production des ri
chesses, Section 1,
la loi du moindre effort dans la circulation des ri
chesses, Section II,
la loi du moindre effort dans la répartition des ri
chesses, Section III,
la loi du moindre effort dans la consommation des
richesses, Section IV.
Il faut, en présentant cette division d’ailleurs classi
que, remarquer une fois de plus le rôle très général
de la loi en matière économique : dans tous les domai
nes, son action est présentée, surtout par l’Ecole clas
sique, comme éminemment bienfaisante.
S ection I
La loi du moindre effort dans la production
des richesses
D’une manière générale la loi du moindre effort
trouve dans le domaine de la production une vérifica
tion à peu près constante.
Le développement du machinisme (43) et les appli
cations modernes du système Taylor (44) en sont des
manifestations éclatantes.
Cependant une exception à cette application de la loi
du moindre effort dans la production a été formulée
par la constatation du « chômage technologique » (45).
On entend par là un chômage dont la cause immé
diate est un progrès technique insuffisamment com
pensé par de nouveaux emplois offerts à la maind’œuvre.
Les exemples donnés par M. Duboin (46) sont parti
culièrement impressionnants : exemples individuels iso
lés par l’industrie des vins en Tchécoslovaquie: mille
ouvriers au lieu de 8.000 parviennent à fabriquer deux
fois plus de bouteilles.
Deux hommes au lieu de deux mille pour actionner
aujourd’hui les charriots roulants dans les usines,
4.000 ouvriers en 1865 pour creuser le canal de Suez,
5 ouvriers seulement pour le canal de Welland au Ca
nada il y a quelques années.
' exemples tirés de moyennes : augmentation de la
puissance productrice d’un ouvrier en Allemagne de
1925 à 1929 : dans l’industrie de la houille 33 %, dans
l’industrie de la potasse 39 %, dans l’industrie de la
fonte et de l’acier 50 %, dans la manipulation du coke
67 %.
Aux Etats-Unis, en huit années d’après guerre, la
production d’un ouvrier moyen a augmenté de 88 %
dans le raffinage du pétrole, 97 % dans l’industrie au
tomobile, 139 % dans les hauts fourneaux, 163 % dans
les hauts fourneaux.
M. Belin dans une étude récente, « La Position du
Syndicalisme Français devant les problèmes éconoini-
(45) Bib. :Mantoux. La Révolution industrielle en Angleterre
au XVIIIe siècle. 1 vol., Paris, Colin, 1902.
Khérian. Le chômage technologique. Rev. d’E. P. JanvierFévrier 1932.
B. I. T. Les aspects sociaux de la rationalisation. 1 vol., Ge
nève, 1931.
J . Duboin. La grande relève des hommes par la machine. 1 vol.,
Paris, 1933.
V. Delacroix. Rationalisation et chômage. Thèse, Paris, 1933.
Vigreux. Sismondi et le progrès technique du machinisme.
1 vol., Paris.
J. Weiller. La crise et les controverses sur le progrès techni
que. Annales du Droit et des Sciences Sociales, n° 1.
(46) Duboin, op. cit ., pp. 30 et suiv.
�— 77 —
ques actuels cite de nombreux faits à l’appui du chô
mage technologique (47).
En Grande-Bretagne, de 1932 à septembre 1936,
l’indice de la production industrielle a passé de 83 à
117, soit une hausse de 41 % ; le pourcentage des chô
meurs est descendu de 20 % à 12,1 %, la reprise était
de 9,8 %.
Aux Etats-Unis, de 1933 à octobre 1936, l’indice de
la production industrielle passe de 70 à 98 % soit une
baisse de 40 % ; le pourcentage de la main-d’œuvre
utilisée passait de 75,7 à 88,8 %, soit une hausse de
17,3 %.
Il conclut : « Nous venons donc à cette conclusion,
c’est qu’en quatre ans les progrès techniques, la ratio
nalisation introduite dans les entreprises ont permis une
reprise de la production réellement massive, sans qu’il
y eut une reprise correspondante dans l’emploi. C’est
là un chômage qui a une origine technologique. »
Ici donc le chômage technologique au lieu d’amener
dans la production le maximum de résultats avec le
minimum d’efforts, amènerait un résultat fâcheux, la
surproduction et la mévente, le suroutillage et la crise
à l’état permanent.
On a justement remarqué (48) que le chômage tech
nologique n’était pas un mal général que l’on puisse
constater dans tous les pays : la France, 1 Italie, la Bel
gique, le Japon en seraient exempts.
On a noté aussi que des compensations se produi
sent par de nouveaux apports à la main-d’œuvre pour
la fabrication, le transport et l’installation de l’outillage
moderne et que sans cet outillage perfectionné bon nom
bre de travaux n'auraient pas été entrepris.
Ainsi le chômage technologique n’a qu’une portée
limitée.
Ainsi envisagé constitue-t-il une exception véritable
à notre loi ?
A vrai dire il ne le semble pas : même avec le chô-
mage technologique, on obtient bien le maximum de
résultats avec le minimum d’efforts.
Ce qu’il faut noter ici, c’est que les conséquences de
l’applicalion de cette loi peuvent être dommageables
au point de vue individuel et au point de vue social :
perte d’emploi ici et là développement du nombre des
sans-travail.
C’est seulement un point de vue nouveau, certes des
plus valables, qui a été ainsi mis en lumière (49), il
n’infirme cependant pas la valeur scientifique de la loi
du moindre effort.
II
La loi du moiridre effort dans la circulalion
des richesses
S ection
Ici encore le développement de la circulation maté
rielle et le développement de la circulation juridique à
l’époque contemporaine sont des illustrations valables
de notre loi.
Seule la situation du commerce de détail dans les
divers pays apporterait un démenti à la formule : il y
aurait ici maximum de satisfaction avec maximum
d’efforts.
L’explication de ce paradoxe tient, on le sait, à la
multiplilé des commerçants de détail qui augmentent
beaucoup le prix de revient des produits.
Un mouvement de rationalisation du commerce en
général (50) et du commerce de détail en particulier est
en plein développement de nos jours.
S ection I II
La loi du moindre effort dans la répartition
des richesses
Le principe de la répartition, l’équivalence en utilité
(49) On comprend toute l’importance de ce nouveau point de
vue pour juger de la valeur du remède à la crise mondiale,
consistant dans un nouvel accroissement de la production et de
l’activité économique !
(50) Cf. Economie internatiornale, juin 1933, p. 2.
Un bureau international pour l’étude de la Distribution fonc
tionne depuis quelques années: le Secrétariat du bureau inter
national est à Paris: 38, cours Albert-Ier.
�— 78 —
sociale, aboufit pratiquement grâce à la loi du moin
dre effort :
La répartition des richesses peut et doit être envi
sagée comme un échange d'utilités : sur le marché des
produits et des services, chaque fndividu apporte le
résultat de son activité et ce résultat est librement ap
précié par ceux qui s’en veulent rendre acquéreurs.
La concurrence joue ici comme ailleurs, elle produit
alors ces deux résultats importants suivants :
a) au point de vue individuel, mis en concurrence les
uns par rapport aux autres, chaque individu tâchera de
réaliser une diminution du coût de production de son
effort, marchandise ou service : ainsi se réalise le pro
grès économique ;
b) du point de vue social cette libre estimation des uti
lités offertes est conforme à la justice telle que l'enten
dent les Economistes de l’Ecole libérale.
Telle est la thèse formulée par les libéraux (51).
Du seul point de vue critique qui est ici le nôtre, il
paraît possible de faire les deux réserves fondamentales
suivantes.
D’abord en fait il ne semble pas, surtout dans ce do
maine de la répartition, que la concurrence produise les
heureux effets annoncés : en fait, il ne semble pas, à
en juger par certaines rémunérations excessives, que la
concurrence aboutisse à une réduction dans le coût de
production des marchandises offertes et des services
offerts. Sans qu’il y ait sur ce point de statistiques pré
cises, on a nettement l’impression d’une élévation à
l’époque contemporaine, surtout pour l’après guerre,
du coût des services et des marchandises, abstraction
faite, bien entendu, de l’aspect monétaire du problème.
Ensuite et en droit — cette justice sociale selon la
conception libérale paraît à certains égards très défec
(51)
Cf. Deschamps. Cours d’histoire des doctrines économi
ques, professeur à la Faculté de Droit de Paris, 1903-1904.
Cf. Perreau. Cours d’ Economie Politique. T. II, p. 207, 50 éd.
Paris, 1934. Pichon et Durand Auzias.
Bodin. Principes de Science économique, 1 vol. Paris, Libr.
du Rec. Sirey, 1926. p. 570 et suiv.
Truchy. Cours d'Economie Politique, 3e éd. Paris, Libr. du
Rec. Sirey, 1934, t. II, p. 139.
tueuse (52). Sans doute le postulat initial — la justice
c’est, tout, ce qui est conforme à l’équivalence en utilité
sociale — permet de repousser à priori toute considéra
tion critique.
Cependant il est permis d’affirmer que les jugements
de l’opinion, qu’enregistrent les variations des prix et
des services, ne sont pas toujours conformes à une idéale
justice : par exemple des cachets très élevés accordés
à des artistes de café-concert ou de cinéma sont-ils'véri
tablement en conformité avec l’intérêt social. N’est-il
pas d’autres services plus importants, ceux des hommes
d’Etat, du médecin, des avocats, etc...
Ainsi dans ce domaine de la répartition des riches
ses, il est permis d’affirmer que sans doute dans l’en
semble la loi du moindre effort se trouve vérifiée mais
qu’elle est loin de réaliser tous les effets heureux que
ses partisans ont affirmés à prioii.
IV
La loi du moindre effort dans la consommation
des richesses
S ection
C’est peut-être de tous les domaines de l’économie
politique celui où l’application de la loi du moindre
effort, semble le moins apparente.
Il ne parait pas vrai d’affirmer que tous les objets de
consommation sont obtenus aujourd’hui pour produire
le maximum de satisfaction avec le minimum d’efforts.
Deux théories célèbres qui ont le caractère commun
de ne pas se placer au seul point de vue économique
donnent l’explication de cette anomalie apparente.
Ce sont la théorie des consommations vicieuses et .a
théorie des consommations de luxe.
En vertu de la première l’homme aime à consommer
(52)
Cf. Vidal, précurseur français du Socialisme Scientifique,
écrivait dans son ouvrage: La Répartition des richesses ou de la
justice distinctive, 1846, p. 79: « Ils (les économistes libéraux),
proclament que la science doit se borner à décrire les faits, à
constater des phénomènes, puis à laisser faire et ils ont en effet
décrit le mécanisme de leur production et de la distribution dans
nos sociétés, mais jamais ils ne se sont demandé si la produc
tion était convenablement organisée, si les produits étaient ré
partis d’après la justice. »
�-
80
—
certains produits : tabac, alcool, opium... qui consti
tuent ce qu’on a justement appelé des consommations
vicieuses : pour se les procurer, l’individu ne regarde
pas à la dépense.
En vertu de la seconde, le consommateur des pro
duits de luxe ne regarde pas non plus à la dépense et
ce sera même pour lui une forme de snobisme que de
payer les produits à un prix relativement assez élevé,
plus cher qu'ils ne valent réellement.
Mais dans l’un et l’autre cas, on quitte le terrain pro
prement économique pour passer sur le terrrain psy
chologique : tout compte fait il y a tout de même une
jouissance qui atteint son maximum pour un effort qui
n’est peut-être pas le moindre au point de vue absolu,
mais qui du point de vue individuel très relatif donnera
un minimum d'efforts par rapport à la consommation
obtenue.
On pourrait encore chercher, du point de vue criti
que, une vérification de la loi du moindre effort dans le
développement de la vie économique internationale
contemporaine.
Comme l’écrit exactement Brocard (53) : « Toutes ces
formes solidaires d'élargissement du cercle se ratta
chent à une cause initiale d’ordre économique. Elles ne
sont que la manifestation de cette grande loi du moin
dre effort, qui régit toutes les formes de la vie, qui les
pousse, en même temps à réduire l’effort et à en accroî
tre le rendement en l’utilisant mieux, c’est-à-dire, dans
le cas qui nous occupe à substituer, au travail indivi
duel et isolé le travail de plus en plus divisé, concen
tré, critiqué. »
Il est donc permis, après cet examen, de conclure
que la loi du moindre effort s’applique dans l’ensemble
des faits économiques et par suite que cette loi doit
être retenue pour figurer au nombre des lois exactes
que proclame la science économique.
I. La loi de Malthus,
II. Les lois contemporaines sur la croissance de la
population,
III. Les lois démographiques sur les détails des
mouvements de la population.
I. L a
loi de
Malthus
On envisagera ici, dans le cadre habituel :
1° l’histoire de la loi (§ I) ;
2° les formules actuelles (§ II) ;
3° l’examen critique (§ III).
On peut prendre comme formule approchée celle-ci :
« La population tend à croître en progresssion géomé
trique, quand la subsistance ne croît qu’en progression
arithmétique ».
(i) René Gonnard. Histoire des Doctrines de la Population.
I vol.. Paris, Lib, Nationale, 1923.
6
�— 83 —
On a trouvé de nombreux précurseurs à Malthus (2).
D’abord Machiavel (3) déclare que la fertilité plus ou
moins grande du sol el la quantité des subsistances
opposent des limites à l’accroissement de la popula
tion (4
Ensuite Beccaria (5) dans ses Eléments d’Economie (6)
conseillait de développer la subsistance plus que la po
pulation.
Encore James Steuart (7) publie en 1767 un volume
intitulé « Recherche des principes d’économie politi
que » (8). Le premier livre est consacré à l’étude de la
population et de l’agriculture.
Voici les principaux passages intéressant notre pro
blème :
« Le principe fondamental de la multiplication de tous
les animaux et. par conséquent des hommes est la géné
ration ; ensuite la nourriture : la génération donne
l'existence ; la nourriture la conserve. » (9)
Dans tous les pays... si l’on examine l’état des ani
maux, on verra que leur nombre est proportionné à la
quantité de nourriture, que la terre produit régulière
ment dans le cours d’une année, pour leur subsis
tance. » (10)
La faculté génératrice produira... son effet naturel en
en résultera
la nature était moins libérale qu’à l’ordinaire, l’espèce
s’en ressentirait ; il pourrait survenir une épidémie
qui enlèverait un nombre plus grand que celui qui serait
proportionné à la disette de la saison. Que résulte-t-il de
là ? Que ceux qui ont échappé, trouvant des vivres en
plus grande abondance, deviennent plus vigoureux,
plus forts ; la génération donne la vie à un plus grand
nombre, la nourriture la conserve, jusqu’à ce que le
nombre primitif soit rétabli. (11)
La population doit donc être, à mon avis, en raison
des vivres et elle ne s’arrête pas jusqu’à ce que l’cquilibre soit à peu près établi (12).
La faculté génératrice, la tendre sollicitude et l’amour
que nous avons pour nos enfants, nous excitent d’abord
à multiplier et nous engagent ensuite à partager avec
eux. La suite de ces divisions et subdivisions, dans un
pays où la quantité d’aliments est limitée, est que les
habitants sont nourris dans une progression décrois
sante régulière depuis l’abondance jusqu'à la disette,
quelquefois même jusqu’à la famine... Les autres degrés
de besoin occasionnent des maladies et une langueur
qui éteint, la faculté génératrice, ou du moins l’affaiblit
au point qu’on n’engendre que des enfants faibles ou
malsains.
Comment proposer un remède à cet inconvénient sans
gêner les mariages ? Et comment gêner les mariages
sans révolter l’esprit du temps. Je l’ignore : ainsi je
laisse le champ libre aux spéculations des politi
ques » (13).
Benjamin Franklin (14) publie en 1751 ses observa
tions sur l’accroissement de la population et le peuple
ment. des pays. 11 y énumère les causes agissant sur la
population et affirme que la population s’accroît avec
î’aisance.
Encore Arthur Young, dans son «Voyage en France»
(11) Ib id ., pp. 35-36.
(12) Steuart est relativiste et admet quelque différence entre
la théorique et la pratique.
Malthus est beaucoup plus absolu.
Cf. Titres de leurs ouvrages. Steuart. Recherches des prin
cipes de l ’E. P.
Malthus. Essai sur le principe de population.
(13) P. 284.
(14) 1706-1790,
�— 84 —
(1792) considère la France comme surpeuplée et. attribue
le fait à une division excessive de la propriété foncière.
Enfin G. Ortès, dans ses « Réflexions sur la popula
tion de la nation par rapport à l’Economie natio
nale » (16), envisage les deux fameuses progressions,
arithmétique et géométrique.
Malthus a-t-il connu ses prédécesseurs directs : Fran
klin, Arthur Young et Steuart ?
Il affirme n’en avoir pris connaissance qu’après la
publication de la première édition de son essai.
C’est étonnant, car il y a grande ressemblance des
idées. Malthus a été professeur d’histoire et d'écono
mie politique (17).
C’est en 1798 que Malthus (18) publia son Essai (19)
sur le principe de population. (20)
A se borner à l'essentiel, la théorie de Malthus com
porte deux points fondamentaux :
1°) la loi de population,
2°) les obstacles au jeu de la loi.
a) /’énoncé de la loi :
La population a une tendance à augmenter plus rapi
dement que les subsistances.
La première, la population, tend à croître selon une
progression géométrique : « Nous pouvons donc, écritil après quelques développements sur certaines obser
vations, en particulier sur l’Amérique du Nord, tenir
pour certain que, lorsque la population n’est arrêtée
(1 5 ) 1713-179°-
(16) Reflessioni sulla populazione dette Nazione per rapporto
ail economia nazionale, 1790.
(17) M. Hersch appelle Malthus l ’Améric Vespuce du Malthu
sianisme.
(«8) 1766-1834.
(19) On sait comment cet ouvrage eut plusieurs éditions: la
première anonyme parut en 1798. écrite un peu à la hâte. La
seconde publiée en 1803, beaucoup plus complète et plus docu
mentée qu’il est plus raisonnable de tenir comme l ’expression
de la pensée définitive de l’auteur.
On sait aussi quelle fut l ’occasion de cette publication, la
réfutation de Godvvin.
Sur tous ces points Cf. Connard, op. cil., p. 260 et suiv.
(20) « An Essay on the principle of Population as it affects
the future improvement of Society, with remarks on the spécu
lations of Godvvin, Condorcet and other writers, »
— 85 —
par aucun obstacle, elle va doublant tous les vingtcinq ans et croît, de période en période, selon une pro
gression géométrique. » (21)
La seconde, les subsistances, augmente selon une
progression arithmétique. « Nous sommes donc en état
de prouver, en partant de l’état actuel de la terre habi
tée, que les moyens de subsistance, dans les circonstan
ces les plus favorables à l’industrie, ne peuvent jamais
augmenter plus rapidement que selon une progression
arithmétique » (22).
b) le iea des obslacles.
Mais l’action de la loi est pour Malthus paralysée par
deux séries d’obstacles. (23)
Les obstacles répressifs, ce sont toutes les causes qui
tendent à abréger la durée de la vie humaine par le vice
ou par le malheur. (24)
L’obstacle préventif qu’il dénomme la contrainte mo
rale et qu’il définit « l’abstinence du mariage jointe à la
chasteté. » (25)
Ainsi « le principe de population l’emporte tellement
sur le principe productif des subsistances que, pour main
tenir le niveau, pour que la population existante trouve
des aliments qui lui soient proportionnels, il faut qu’à
chaque instant une loi supérieure fasse obstacle à ses
progrès, que la dure nécessité la soumette à son empire,
que celui, en un mot, de ces deux principes, dont l’ac
tion est si prépondérante, soit contenu dans certaines
limites. »
Telle est la loi de Malthus, une tendance de la po
pulation à dépasser les subsistances, combattue par le
jeu des obslacles répressifs et préventif (26).
(21) Op. oit., 2® édition, p. 8.
(22) Ibid., p. 10.
(23) P. 19 et 20.
(24) Ibid., p. 14.
(25) Ibid., pp. 27-28.
(26) Sur l’importance respective de cette double série d’obs
tacles, Malthus écrit:
Sur les obstacles répressifs: « Les obstacles qui agissent cons
tamment avec plus ou moins de force dans toutes les sociétés
�Après Malthus (27), les économistes se partagent en
deux groupes :
les partisans, d’ailleurs les plus nombreux, de la loi
de Malthus :
Quételet ; (28)
Ricardo ; (29)
J.-B. Say ; (30)
J. Stuart Mill ; (31)
\V. Roscher ; (32)
M. Block ; (33)
Rumelin ; (34)
Schàffle ; (35)
A. Wagner ; (36)
G. Cohn ; (37)
humaines et qui y maintiennent le nombre des individus au
niveau des moyens de substances ». Ibid., p. 19.
Sur l’obstacle préventif: « On a dit... que je n’avais pas donné
assez d’importance à l ’effet préventif de la contrainte morale
et à l ’influence de cette disposition pour prévenir l ’accroisse
ment de la population. Mais je crains bien qu’on ne trouve
que j'ai eu raison d’envisager l’action de cette cause comme
étant aussi peu active que je l’ai représentée. Je m’estimerai
heureux de croire que je me suis trompé à cet égard. » Ibid .,
pp. 24-25, note.
(27) J. Z. Spengler. French population Theory since 1800.
The journal of political economy. Oct. 1936, p. 577.
..Denis. Histoire des Systèmes économiques et socialistes, 2 vol-,
Paris, t. II, p. 59.
Brentano. The Doctrine of Malthus and the increase of popula
tion during the last decader.
The Economie Journal. Sept. 1910, p. 371.
(28) Physique Sociale. Paris, 1835.
(29) Ricardo. Principes de l’Economie Politique et de l ’Impôt,
1817.
(30) J.-B. Say. Cours d’Economie Politique, 1828. V Ie partie,
chap. V.
(31) St. Mill. Principes d’Economie Politique, 1848, t. II,
P- 3 *7(32) System der Volkswirthschaft. 4 vol. Stuttgart, 1854-1894.
Principes d’Ec. Politique, trad. Wolovski. 2 vol., Paris, 1857,
t. II, p. 275 et suiv.
(33) M. Block. Progrès de la Science Economique depuis
Ad. Smith, 1890, p. 539.
(34) Problèmes d'Economie Politique et de statistique, traduct.
Riedmatten, 1 vol., Paris, Guillaumin, 1896, p. 173.
(35) Die Nationalôkonomie. Tubingue, 1861.
(36) Wagner. Grundlagen. 2® édit., p. 439.
(37) Cohn. System der Naturalœkonomie.
Sir John Bird Summer ; (38)
Kautsky ; (39)
Il faut dans cette rapide revue faire une place spé
ciale à un économiste anglais, William Crooks, (40) qui
fut un partisan convaincu de la loi de Malthus.
Une première fois en 1871 il affirmait péremptoire
ment la valeur de cette loi.
Une seconde fois, en 1900, il reprit sa prophétie et
fixait à une échéance relativement prochaine (1931) la
date où l’humanité commencerait vraiment à mourir
de faim.
Il y a d’autre part les adversaires de la loi, par exem
ple :
Ernest Engel ; (41)
Sismondi ; (42)
Bastiat ; (43)
List ; (44)
Carey ; (45)
Doubleday ; (46)
H. Georges ; (47)
K. Marx ; (48)
Fr. Oppenheimer ; (49)
Cauwès ; (50)
Un publiciste allemand contemporain, Moritz Bonn,
affirme même que domine de nos jours une « loi de
(38) Archevêque de Cantorbéry.
(39) Der Einfluss der Volksvermehrung auf dem Fortschutt
der Gesellschaft, 1880.
(40) Assez peu connu d’ailleurs.
(41) Statisticien allemand.
(42) Nouveaux principes de l ’Economie politique, 1819, II,
1. V.
(43) Bastiat. Harmonies économiques. Œuvres de Bastiat.
Edition Guillaumin, 1854, t. III, chap. X V I, p. 448 et suivv
(44) Système national d’Economie Politique, 1841.
(45) The Unity of law, t. II, p. 347.
Principes de Science sociale, t. III, p. 295.
(46) The true law of population, 1853, p. 20.
(47) Progrès et Pauvreté, 1879.
(48) Le Capital, 1867, t. I.
(49) Fr. Oppenheimer. Une nouvelle loi de population. Rev.
d’E. P., 1903.
(50) Cours d’Ec. Politique, 3e édit., Paris, 1893, t- M» PP- 9)
32, 44, 46, 64, 69.
�—
88
—
Malthus à rebours » : croissance géométrique de la
production des subsistances, croissance purement arith
métique de la population. {51)
On sait enfin comment un groupe important de suc
cesseurs de Malthus déforme sa doctrine sous le nom
de Néo Malthusianisme (52). Ces auteurs font entrer en
ligne de compte tous les motifs qui peuvent prévenir la
procréation de l’enfant, tels que l’avortement, les pra
tiques anticonceptionnelles, l’infanticide, etc.
C’est là une déformation certaine de la théorie de
Malthus.
§ II.
:
L e s formules actuelles
On peut affirmer d'une manière générale que rares
sont aujourd’hui les fidèles disciples de Malthus.
Quelques contemporains affirment que Malthus n’a
pas été réfuté.
Par exemple, Charles Gide écrit : (53)
« Est-ce à dire, comme on le répète sans cesse dans
tous les livres sur la matière, que les lois de Malthus
aient été démenties par les faits ? — Non, point ses
lois, qui demeurent intactes, mais seulement les prévi
sions qu’il en a tirées. »
Un économiste américain contemporain, Warren
Thompson, dans son ouvrage : Population, a study on
Mallhusianism (54), conclut à une confirmation géné
rale par les faits de la loi de Malthus pour tous les pays
à l’exception de la France.
Un autre courant contemporain revient à Malthus en
le modifiant, c’est le courant du « Birth Control » (55).
M. Pearl, Mlle Marguerite Sanger en sont les princi
paux représentants ; un congrès de la population mon
diale. Genève, 1927, en fut une des principales mani
festations. (56)
Se basant sur la thèse de Malthus, on veut instaurer
la limitation de la population, même par les moyens
que prohibait Malthus.
III. E tude
critique de la loi de
Malthus
Comme l’a bien montré Ch. Gide (57), la vérification
critique de la loi de Malthus est des plus difficiles.
Il s’agit, en effet, on l’a vu, d’une tendance à des
accroissements divers de la population et des subsis
tances, tendance que viennent contrarier les divers
obstacles.
11 ne peut être question d’interpréter les statistiques
de population et de subsistances pour montrer que les
premières ne réalisent pas la progression géométrique,
ni les secondes la progression arithmétique.
Il faut cantonner la discussion comme l’a voulu Mal
thus, sur le terrain des tendances à l’accroissement.
De ce point de vue, il semble possible d’établir
d’après les chiffres, que l’hypothèse de Malthus encore
une fois en tant que tendance, est contraire à la réalité
des faits.
Ainsi, à prendre les statistiques américaines d'abord
pour les Etats-Unis, on trouve à comparer les périodes
1871-1875 et 1901-1905 que l’accroissement de la popu
lation a été, brut, de 93 % ; déduction faite de l’émi
gration il ressort à 63 % (58).
Pendant ce même temps la récolte annuelle de fro
ment a passé de 74,5 millions de quintaux (année
moyenne 1871-1875) à 180,6 millions de quintaux
(année moyenne 1901-1905), soit un accroissement de
142 %.
Ces deux données de fait : accroissement de la popu(56) Cf. H. Brenier. Le Congrès de la population à Genève et
la Conspiration bis Malthusienne. Art. Correspondant. 1927.
(57) Cours d'Economie Politique, t. II, p. 538 et suiv. io* éd.
Paris, Libr. du Recueil Sirey, 1931.
(58) Sundbârg. Aperçus statistiques internationaux. Stockholm,
1908, p. 55.
�— 91 —
lation 63 %, accroissement des subsistances 142 %,
rendent invraisemblables les affirmations de Malthus.
Pour l’Europe on trouve aux mêmes périodes 18711875 et 1901-1905 un accroissement de la population de
310 à 610 millions d'habitants, soit un accroissement
de 32 % (59) et dans le même temps la récolte moyenne
de froment passe de 329 millions de quintaux à 469 mil
lions de quintaux, soit un accroissement de 41 %. (60)
Ces deux données de fait, accroissement de la popu
lation, 32 % ; accroissement des subsistances, 41 %,
vont à l'encontre des tendances à l’accroissement posées
par Malthus.
Enfin on pourrait d’une manière générale tirer un
argument analogue de l'allure des statistiques de popu
lation à l'époque contemporaine qui accuseraient toutes
une série descendante comparée à l’allure des statisti
ques des subsistances qui accuseraient au contraire
toutes une série ascendante. (61)
Il ne semble donc pas, dans la mesure où la discus
sion est possible, que la loi de Malthus ait été confirmée
par les faits. Elle n’est pas à retenir au nombre des lois
économiques valables.
II. L es
lois contemporaines sur la croissance
DE LA POPULATION
1 n trait commun réunit les lois contemporaines sur
la population : elles cherchent en général à expliquer
la dépopulation, c’est-à-dire le défaut d’accroissement
de la population dans les temps modernes.
On peut énumérer comme particulièrement à signa
ler les lois suivantes :
(59) Sundbârg, Ibid., p. 55.
(60) Sundbârg. Ibid.., p. 209.
(61) Par ex. de 1913 à 1918 augmentation de la population du
globe, estimée à 10 % augmentation de la production du blé
18 %. Cf. H. Hauser. La concurrence internationale. Rev. écon.
intem . Avril 1397, p. 17, les autres références indiquées.
A) La loi de la capillarité sociale.
C’est dans deux ouvrages (62) que M. Arsène Dumont
expose la formule qu’il a ainsi baptisée :
L’homme tend à s’élever dans la société des fonc
tions inférieures aux fonctions supérieures : or, de ce
point de vue l’enfant apparaît comme un obstacle au dé
veloppement individuel : s’il a trop d’enfants, l’indi
vidu pourra moins facilement réaliser son maximum de
développement personnel. Donc — et c’est la formule
de la loi —* « Le progrès de la natalité est en raison
inverse de la capillarité sociale » (63).
La loi de Dumont a été favorablement accueillie à
l'époque par P. Leroy-Beaulieu (64) et d’autres écono
mistes français et étrangers (65).
Du point de vue critique, il semble que la généralité
croissante à l’époque moderne de la dépopulation dans
tous les pays contemporains, comporte quelques réser
ves à faire en face de la loi de capillarité sociale. Cer
tains pays, même ceux à régime socialiste, comme la
Russie soviétique, apportent des démentis consacrés par
les statistiques à la formule générale de M. Dumont.
B) La loi de P. Leroy-Beaulieu.
Cet auteur écrit dans son Traité théorique et pratique
d’Economie Politique :
« La vraie loi de population est toute différente du
principe de Malthus : elle se traduit par la tendance à
une prolifîcité décroissante : la civilisation arrivée à un
certain degré de bien-être et d’idées ou de sentiments
démocratiques achemine vers l’arrêt de l’accroissement
de la population ».
(62)
Dépopulation et Civilisation. Etude démographique. Pa
ris, 1890.
Natalité et Démographie. Paris, 1898.
(6j) L ’auteur ajoute que le jeu de la loi de capillarité sociale
est particulièrement intense dans les sociétés démocratiques et
individualistes modernes, en particulier pour la France de 1890.
Il admet d’ailleurs qu’on peut combattre cet excès d’individua
lisme.
(64) P. Leroy-Beaulieu. La question de la dépopulation et la
civilisation démocratique. Rev. des Deux-Mondes, 15 oct. 1897.
(65) Cf. R. Gonnard. Dépopulation et Législateurs. Rev. d’Éc.
Pol., 1902 et 1903.
�-
La civilisation réduit irrémédiablement la natalité,
ce sont les causes d’ordre moral qui sont en l’espèce
prédominantes (66).
C) La loi de Nilti (67).
« Dans toute société où l’individualité sera fortement
développée et où le progrès de la socialisation ne dé
truira pas toute activité individuelle, dans toute société
où la richesse sera largement subdivisée et où les causes
sociales d’inégalité seront éliminées, grâce à une forme
élevée de la coopération, la natalité tendra à s’équili
brer avec les subsistances, et les variations rythmiques
de (l’évolution démographique n’auront, plus rien
d’effrayant pour l'humanité » (68).
D) La loi d'Oppenheimer (69).
Dans un ouvrage publié en 1901 (70), le docteur
Oppenheimer cherchait à prouver qu’au xvm® siècle et
antérieurement l’accroissement de la richesse et des
moyens de subsistance avait été plus grand que celui
de la population. La surpopulation n’est pas une cause
de misère sociale mais la garantie d’une augmentation
de bien-être. La misère lient pour lui à des causes dif
férentes (71).
Ce sont donc plus une négation de la loi de Malthus
que de nouvelles formules proprement dites.
E) La loi de Cauderiier (72).
Dans un article de la Revue internationale de Socio
logie (73), intitulé Les lois de la Population, Cauderiier
(66) 3* édit. Paris, Guillaumin, 1900, t. IV, p. 613.
(67) 1851-1905.
(68) La population et le système social. Trad. franç. Paris,
Giard, 1897.
(69) 1864(70) Das Bevôlkerungsgesetz de Maltusand der neueren Nationalœkonomie, 1901, Berlin.
(71) Voir la controverse engagée:
J.
Wolf. Une nouvelle loi de la population. Rev. d’Ec. Pol.,
1902, p. 499
et la réponse: J. Oppenheimer. Une nouvelle loi de la popu
lation. Rev. d'Ec. P., 1903, p. 363.
(72) Cf. discussion à ce sujet dans le journal de la Société de
Statistique, 1901.
(73) Année 1903, p. 108.
93 —
estime que la loi fondamentale de la population est la
suivante :
« La nécessité et les facilités de satisfaire aux besoins
de la vie règlent tous les mouvements de la population
dans leur totalité et leurs éléments essentiels.» En appe
lant P la population, R les ressources et B les besoins,
il donne la formule algébrique suivante : P = R (74).
Il y ajoute des lois spécialement démographiques sur
la mariabilité, la fécondité et la mortalité (75) qui, dit-il,
ont une valeur maximum constante (76).
11 ne semble pas que cette formule ait été accueillie
par d’autres économistes et sociologues : il ne paraît
pas non plus qu’elle soit, du point de vue critique, véri
fiable par l’observation.
III. L es
lois démographiques sur les détails
DES MOUVEMENTS DE LA POPULATION
(77)
Je les mentionnerai brièvement.
Il s’agit de lois concernant :
A le taux de natalité,
B le taux de nuptialité,
C le taux de mortalité,
D la fécondité conjugale,
E la proportion des sexes.
A) Le taux de natalité.
On a étudié les variations du taux de natalité et cons
taté, dans tous les pays, une tendance à la baisse de ce
(74) Pour la démonstration il renvoie à ses ouvrages: Les lois
de la Population avec leur application en Belgique et Les lois
de la Population en France.
(75) Voir infra , p. 94.
(76) Pour celle-ci toutefois les conditions de l’hygiène modi
fient le coefficient de mortalité.
(77) Levasseur. La Population Française. 1 vol., Paris, Rous
seau, 3 vol., 1889-1892.
Bib. Dublin et Lotka. Length of life. A study of the life table.
1 vol. in-8° New-York. The Ronald press Company, 1936.
Huber, Bunle et Boverat. La Population de la France. Son
Evolution et ses perspectives. 1 vol., Paris, Hachette, 1937.
Encyclopédie Française, t. V II, L ’Espèce humaine.Paris, 1936.
�faux avec le développement du bien-être, de l'instruc
tion, des idées démocratiques et nouvelles (78).
Les statistiques contemporaines (79), tant pour la
France que l’étranger, confirment une baisse continue
de la natalité.
En France le nombre des naissances a été en :
1920
1921
1925
1929
1930
1932
1936
834.000
812.000
770.060
730.060
749.953
732.371
630.059
Le taux de natalité est en 1936 de 153 pour 10.000
habitants.
A l’étranger même abaissement du taux de natalité.
La situation est en 1936 la suivante, pour 10.000 hab.
Japon, 316.
Roumanie, 307.
Portugal, 192.
Pays-Bas, 202.
Irlande, 195.
Allemagne, 189 (80).
Finlande, 185.
Tchécoslovaquie, 179.
Ecosse, 178.
Danemark, 177.
France, 153.
Angleterre, 147.
Norvège, M6.
Suède, 138.
Autriche, 132.
(78) Cf. Leroy-Beaulieu. Traité d’Economie Politique, i vol.,
Paris, Guillaumin, 3e éd., 1900, t. IV, p. 583 et suiv.
(79) Rapport sur le mouvement de la population en 1936 par le
Directeur de la Statistique générale et de la Documentation.
/. Off. 13 juin 1937.
(80) De 276 (pr 10.000 h.) en 1913 le taux de natalité passe
à 147 en 1933 et remonte à 180 en 1 9 3 4 , >89 en 1935 et 1 5 0
en 1936.
Des études démographiques plus récentes (81) ont
substitué à l’étude des taux de natalité, l’étude des deux
autres taux, le taux brut de reproduction et le taux net
de reproduction.
Le taux de reproduction est le rapport entre le nom
bre annuel des naissances et la population en supposant
le taux de mortalité constant et constant aussi le nom
bre moyen d’enfants par famille (82).
On peut le calculer comme taux brui de la reproduc
tion, en supposant qu’il n’y a point de décès au-dessous
de 50 ans.
Voici pour 1933 les taux bruis de reproduction dans
quelques pays (83).
Angleterre
Allemagne
Autriche
Suède
France
Danemark
Australie
Bulgarie
0,84
0,8
0,8
0,83
1
1,04
1,06
1,8
Si l’on fait intervenir les décès au-dessous de 50 ans,
on obtient le taux net de reproduction (84).
Les chiffres de ce taux net en 1933 étaient :
0,735
Angleterre
0,7
Allemagne
0,67
Autriche
0,73
Suède
(Si) Cf. R. F. Harrold. La menace de la dénatalité en Europe
Occidentale et aux Etats-Unis. Economie Internationale, juin
•937, P- 47(82) Cf. les œuvres du Dr Kuczynski.
Encyclopédie Française, t. V II, pp. 8. 88. 12.
(83) Avec un taux égal à i, la population serait stationnaire
avec un taux de reproduction égal à 1.5 la population augmen
terait de 50 % par génération; avec un taux égal à 0,5, la popu
lation diminuerait de 50 % en une génération.
(84) Celui-ci ne définit le rapport du nombre d’enfants à la
population effectivement féconde et s’exprime : T = n, T étant
1000
le taux net de reproduction, ni le nombre de naissances réelleç
par rapport au nombre de naissances possibles,
�-
%
France
Danemark
Australie
Italie (1931)
Portugal
Bulgarie
Etats-Unis (1930)
0,82
0,91
0,97
1,7
1,3
1,3
1,08
On voit que malgré ces correctifs, la recherche abou
tit à enregistrer d’une autre manière la diminution
presque générale de la population particulièrement en
Europe Occidentale et aux Etats-Unis.
B) Tawc de nuptialitéOn a pareillement étudié le taux de nuptialité. Sa ca
ractéristique principale est d’être assez variable.
En voici un aperçu pour la France :
pour 1.000
1817 7
1818 7,2
1819 7,2
1820 6,9
1821 7,3
1815-1869 taux assez élevé
1870 6,2
1871 7,2
1872 9,8
1873 8,9
1874 8,3
1875 8,2
1876 7,9
1890 7,01
1906-1910 15,8
1915 4,2
1920 31,2
1928 16,5
1936 13,4.
C) Le taux de mortalité.
On a pareillement étudié les variations dans le temps
et dans l’espace du taux de mortalté et on a mis en
relief la décroissance de ce taux.
Pour la France, par exemple, de 1815à 1830 ce taux
moyen était de 25,18 pour 1.000 hah,
Roumanie
Portugal
Japon
Cf. France
Espagne
Hongrie
Irlande
Pologne
Italie
Autriche
Tchécoslovaquie
Ecosse
Belgique
Suisse
Finlande
Allemagne
Angleterre
Suède
Danemark
Norvège
Autriche
Pays-Bas
Nouvelle-Zélande
Cependant on a cherché
(85) 1930: j 5,6 ; 1931: 16,2
; ' 935: ‘ 5,7 et 1936: 15,3,
212
176
168
157
155
153
141
140
139
136
135
132
128
121
120
118
117
117
110
102'
95
87
82
à corriger ces taux bruts de
i932 :
iS,8 ;
1933:
15,S ;
1934:
15,1
7
�— 99
mortalité par l’application à une même population type
des taux par âge déterminé dans chaque pays.
On trouve avec cette correction que la France a un
taux de mortalité plus faible que l’Autriche, l’Italie,
l'Eslhonie, la Tchécoslovaquie, la Lithuanie, la Hon
grie et la Pologne, le Japon, le Portugal et la Rouma
nie et plus élevé que les pays de l’Europe septentrionale.
D) Loi de la fécondité conjugale.
On a cherché à donner des précisions sur la fécon
dité des deux époux (86).
« Pour la femme, écrit M. Korosï (87), la fécondité de
la femme arrive d'emblée, c’est-à-dire dès 18 à 19 ans,
à son maximum et elle décroit ensuite en ligne régu
lièrement descendante (88) jusqu’à Page de 45 à 50 ans,
où elle arrive à son terme. »
Les hommes atteignent au maximum de leur fécon
dité à 25-26 ans, elle est à cet âge de 35 %, à 35 ans
elle tombe à 23 %, à 45 ans à 9 1/2, à 55 ans à 2,2, à
65 ans à 1/2 %.
Le même auteur donne pour ce qu’il appelle la fécon
dité bigène les tableaux suivants :
Pour 100 femmes des âges suivants, la probabilité
de naissances dans l’année varie avec l’âge de l’homme
dans les proportions ci-contre :
Age du père
Age de la mère
25 à 29
30 à 34
35 à 39
40 à 44
45 à 49
50 à 54
25 ans
35,6 %
31,2 %
27,5 %
))
»
))
30 ans
25 %
23,6 %
21,8 %
16,7 %
14,4 %
))
35 ans
21,2 %
19,9 %
19.4 %
14,0 %
10,9 %
10,9 %
(86) Il s’agit de la fécondité conjugale effective, c’est-à-dire
mesurée par les statistiques et non de la fécondité physique qui
demeure inconnue.
(89) Korosi. De la Mesure et des Lois de la fécondité conju
gale. Revue d’Economie Politique, janvier 1895, P- 8.
(88) D’après le même auteur, à 25 ans, 32 % ; à 30 ans, 24 % ;
à 35 ans, 17 % ; à 40 ans, à peine, 10 % ; à 45 ans, 1,7 % ; à
50 ans, de 0,1 %.
Age de la mère
Age du père
25 ans
au-dessous de
20 ans
de 20 à 24 ans
de 25 à 29 ans
de 30 à 34 ans
de 35 à 39 ans
de 40 à 44 ans
35 ans
45 ans
55 ans
»
»
31,3 % 16 %
»
27,3 % 18,5 %
23,7 % 14,4 % 8,1 %
18,9 % 11,8 % 6,7 %
3 %
6 % 6,1 %
Bodio (89) établit des comparaisons internationales
qui aboutissent, à des constatations analogues.
49 %
43 %
30,8 %
35,5 %
»
»
E) Loi de la proportion des sexes.
On s’est demandé s’il existait une loi de la propor
tion des sexes (90).
La loi d’Hofacker et Sadler prévoit qu’il naîtra plus
de garçons quand le père sera plus âgé, plus de filles
quand ce serait la mère et que le maximum de garçons
serait atteint quand les deux époux ont le même âge.
Les faits semblent la confirmer (91).
CONCLUSION
Que conclure sur les lois de la population ?
La loi de Malthus, dans la mesure très limitée, où
l’on peut en poursuivre la vérification, ne nous a pas
paru possible à retenir comme loi.
Les autres lois, dans l’effort commun de leurs au(89) Movimento delta Populazione, confronti contemazionali,
Berne, 1894.
(90) Cf. Ed. Périer. Natalité et Biologie. Causerie scientifique.
Journal des Débats, 30 avril 1917.
M. Halbwachs. Recherches statistiques sur la détermination des
sexes à la naissance. Journal de la Société de Statistique de Pa
ris, Mai 1933.
Dr Charles Willigens. Sur la proportion des sexes dans les
naissances en Suisse (1876-1925). Journal de Statistique et Revue
économique suisse. 1927, fasc. 2.
Encyclopédie française, t. V II, p. 7. 82. 5.
(91) Ibid.j Encyclopédie Franç., t. V II, p. 7. 82. 14.
�leurs, pour expliquer la dépopulation ou mieux la dimi
nution de population à l’époque contemporaine n'ont
pas paru, non plus, apporter des formules à retenir
comme lois économiques.
Par contre les lois démographiques sur les détails des
mouvements de population, avec la précision statistique
qui les caractérise, ont paru pour la plupart valables,
au moins d une manière approchée.
C’est donc dans le sens de ces dernières lois qu’il
faut souhaiter voir se continuer les recherches démo
graphiques.
CHAPITRE VIII
LOI DE L’EXTENSION CROISSANTE
DES FONCTIONS DE L’ÉTAT
Le développement de la vie économique moderne et
la part chaque jour croissante qu’y joue l'Etat ont pro
voqué l’affirmation d’une nouvelle loi naturelle : la loi
de l’extension croissante des fonctions de l’Etat.
Il faut étudier ici, dans le cadre ordinaire :
l’historique de la loi (§ I),
les formules actuelles (§ II),
l’examen critique (§ III).
§ I. H istorique
de la loi
Il se résume assez brièvement en deux noms :
un précurseur Dupont White,
un créateur A. Wagner.
Dupont White (1), fut, on le sait, un des précurseurs
de la doctrine interventionniste. 11 semble donc avoir
formulé et aussi énoncé d’une manière, il est vrai, un
peu vague et imprécise, la loi en question :
Il écrit : (2)
« Toute société qui se perfectionne doit avoir un
gouvernement plus fort, par la même raison qu’elle a
une langue plus riche. Les idées ne s’expriment pas
seulement. Elles se réalisent.
A plus de vie il faut plus d’organe ; à plus de for(1) 1807-1878.
(2) Dupont White. L ’ Individu et l’Etat, 3* édit., p. 64.
�ces, plus de règles : or la règle et l'organe d’une so
ciété c’est l’Etat. »
Ainsi est énoncée formellement celte idée qu’avec le
développement de la société, l’Etat voit son rôle
s’accroître.
Plus loin (3) l’auteur développe assez heureusement
sa pensée :
« L'Etat trouve un principe d’attribution, non seule
ment dans les nouveaux devoirs, mais dans les moyens
de finances, dont il ne peut se passer pour les accom
plir. L’action de l’Etat dans les temps modernes est
surtout une charge du fisc, parce que cette action est
surtout la tutelle du faible relevé et protégé, non seu
lement par des droits politiques ou par des pénalités,
mais par le surcroît de bien-être et de lumière que
l’Etat met à sa portée. »
Ce sera donc un accroissement nécessaire des dé
penses.
« En général on peut dire que plus la société se
civilise, plus le gouvernement est dispendieux (4).
D’abord le gouvernement prend à son compte certains
besoins de l’individu, il crée pour cela les services pu
blics et transforme ainsi les dépenses privées en dépen
ses d’Etat. En outre les anciens services publics ne
peuvent pas tenir dans leur cadre d’autrefois : or l'épa
nouissement des services publics n’est pas pour rien,
la civilisation a son prix : tout cela finalement aboutit
à une plus grosse demande d’impôts.
Mais l’impôt est odieux, il importe de le varier, de
le déguiser, même à une société qui s’enrichit. L’Etat
s’imagine alors à demander de l’argent, non à titre de
souverain, mais comme vendeur de services, en sup
plantant l’individu dans certains modes d’activité qu’il
exerce ou qu’il aliène. Tout concourt ainsi à mettre
dans la main de l'Etat de nouveaux moyens d'action
et d'influence » (5).
Ainsi et chez ce précurseur une vue très nette de
l’extension croissante des fonctions de l’Etat.
(3) Ibid.., p. 83.
(4) C’est nous qui soulignons: on peut trouver dans cette
phrase une première formule approchée de la loi en question.
(5) C’est nous qui soulignons encore.
Il est à noter que ces pages ont été écrites en 1859,
à une date où le grand mouvement d’interventionisme
moderne n’avait pas encore commencé.
A. Wagner (6) a le double mérite dans ses nombreux
ouvrages (7), d’une plus grande précision et de la for
mule même de loi qu’il affirme très nettement.
Wagner étudie l’évolution historique des ressources
de l’Etat : celles-ci peuvent prendre trois formes
possibles :
a) l’Etat peut se procurer les biens matériels dont il
a besoin volontairement ;
b) l’Etat peut encore se procurer les biens matériels
dont il a besoin en produisant lui-même ;
c) l’Etat peut enfin se procurer les biens matériels
dont il a besoin par contrainte et sans compensation.
L’évolution se fait en faveur de c : le rôle de l’Etat a
été en augmentnt surtout au xix° siècle par suite du
développement du point de vue de politique sociale.
Il y a extension du rôle de l’Etat et par suite aug
mentation des besoins financiers de l'Etat.
L’auteur arrive ainsi à des formules très nettes d’une
véritable loi : il la dénomme « loi d’extension crois
sante de 1activité de l’Etat » (8).
Il a écrit :
« En toutes circonstances, le rôle de fEtat devient
nettement plus important, aussi bien pour l’économie
politique en général que pour 1individu en particulier :
c’est lui qui satisfait une quotité croissante et de plus
en plus importante des besoins généraux d’un peuple
progressif : il y a donc augmentation du caractère
communautaire de toute l’économie politique » (9).
(6) 1835-1917.
(7) Wagner. Finanzwissenschaft, t. II, traduit en français.
Wagner: Die directen Steuern dans Handbuch der politischen
Œkonomic de Schonberg.
Wagner: Finanzwissenschaft und Staatsozialismus dans Zeits
chrift fur die Gesamte Staatwissenschaft 1877.
Wagner. Uber Soziale Finanz und Steuerpolitik, dans Archiv
für soziale Gesetzgelung und Statistik, vol. IV, 1891.
(8) « das Gesetz der wachsenden Ausdehnung der Staatstatigkeiten. »
(9) Wagner. Wolkwithschaftlehre Grundlagen, t. I, p. 260.
�..........
........
— 105 —
Et plus loin : (10)
« La connaissance des faits nous permet de déclarer
qu’il existe en économie politique une loi d’extension
croissante des services de l’Etat, loi qui se traduit en
économie financière par la loi corrélative d’exten
sion toujours croissante des besoins de l’Etat » (11).
Ainsi Wagner affirme très nettement la loi d’exten
sion croissante des fonctions de l’Etat.
§ II. F ormules actuelles
La loi de Wagner n’a pas connu à l’époque moderne
un très grand succès et rares sont les auteurs qui la
reprennent et l'adoptent.
Cette rareté s’explique par la prédominance en
France et à l’étranger des théories de l’Ecole libérale
pour laquelle ces interventions de l’Etat étaient acci
dentelles et mauvaises : le principal effort théorique
chez de nombreux auteurs contemporains se fait dans
le sens inverse, pour établir la nécessité de réprimer
voire même de supprimer ces interventions de l’Etat.
Quelques rares auteurs cependant acceptent la for
mule nouvelle.
§ III. E xamen
critique
(12))
Trois séries de faits permettent de conclure en fa
veur de l’exactitude de la loi de Wagner.
Ce sont :
1° la progression marquée des budgets modernes
(Section 1)) ;
2° l’élude du rapport entre l’annuité successorale et
l’impôt (Section II) ;
(10) Ibid..j p. 262.
(11) Plus loin Wagner développe le rôle croissant de l’Etat :
non seulement fonctions de justice, du pouvoir, de la dépense
publique de commandement des armées: action préventive de
l’Etat pour empêcher crimes et guerres mais surtout action de
l’Etat dans ses attributions d’ordre politique et social, sur le ter
rain de la législation et de l’administration.
(12) Bib. André Rendu. La loi de Wagner et l’accroissement
des dépenses dans les budgets modernes. Thèse, Paris, 1910,
1 vol., Rousseau.
3° l’examen spécial des catégories de dépenses de
l’Etat qui ont le plus augmenté (Section III).
I
La progression marquée des budgets modernes
S ection
La progression marquée des budgets des divers
Etats modernes est un fait bien connu : il suffira de
donner quelques chiffres.
Le budget de la France passe de 2.722 millions en
1872, à 3.686 millions en 1892, 3.699 millions en 1902,
plus de 5 milliards depuis 1914 et plus de 50 milliards
après 1930 (14).
Les budgets des Etats étrangers suivent une pro
gression analogue.
II
L’annuité successorale et l'impôt
S ection
On a étudié (15) les variations comparées de l’an
nuité successorale et de l’impôt.
Pour l’avant-guerre l’impôt qui représente 53 % de
l’annuité successorale en 1820 augmente progressive
ment jusqu’à représenter 61 % de cette annuité en 1906
et 78 % en 1913.
Le rapport du total des impôts à l’annuité successo
rale qui était, on l’a dit, de 78 % en 1913, atteint 334 %
en 1927, ce qui représente le coefficient 5 : le chiffre
a quintuplé (16).
(13) Francs de 1928. Ce total global correspond donc approxi
mativement à 10 milliards de francs or d’ avant-guerre.
(14) Nombre des fonctionnaires en France:
1914: 467.000 ;
i ç ' 2 : 625.000 ;
1932: 857.000.
Rapport de M. Gaston Doumergue, cité par C. Rousseau. An
nales de Droit et des Sciences Sociales, 1934, numér. 2-3, p. 208.
(15) Colson. Cours d’Economie Politique. Livre V. Les finan
ces publiques et le budget de la France. Paris, Gauthier-Villars
et Alcan, 1909, p. 468.
(iO) Colson. Cours d’Economie Politique, édition définitive,
Paris, Gauthier-Villars, 1931, livre V, p. 426.
�/L
— 107 —
III
Examen spécial des catégories
de dépenses de l'Etat qui ont le plus augmenté
S ection
A prendre enfin l'augmentation des dépenses des
Etats par catégories on trouve que ce sont les dépenses
correspondant au développement de la civilisation et
aux interventions de l’Etat qui accusent l’augmenta
tion la plus sensible (17.)
En France par exemple pour l’avant guerre, les dé
penses pour le commerce, l'industrie, les colonies,
l’agriculture et les travaux publics, passent de 111 mil
lions en 1871 à 322 millions en 1890 ; celles des servi
ces d'assistance sont déjà de 47 millions en 1906.
Le mouvement est sensiblement le même dans les
Etats étrangers (18).
On pourrait encore, semble-t-il, trouver une confir
mation de notre loi dans la récente réforme économi
que aux Etats-Unis (19) et dans ce que l'on a appelé
l’expérience Roosevelt.
M. Oualid résume exactement les choses : « L’Amé
rique était prête pour l’interventionisme étatiste. Ce
dernier atteignit tout de suite un niveau jusqu’alors
inconnu. Les moyens employés pour résoudre les pro
blèmes qui se posaient furent, en effet, extrêmement
nombreux » (20).
Il faudra voir seulement si cet accroissement des
fonctions de l’Etat est durable et permanent.
Une dernière question se pose à propos de cet exa
men critique : celle de la contingence de cette loi.
(17) Cf. A. Rendu, op. cil., tableau général, p. 71, et détails
pp. 130, 140, 146, 151, 157, 163 et 170.
L. Trotabas. Précis de Science et de Législation financière, 4e
édit., Paris, Libr. Dalloz, 1935, p. 8 et 9.
Colson, op. cit. Edition définitive, Livre V, 1937, p. 217.
(18) Cf. Rousseau. Réforme administrative. Annales du Droit
et des Sciences Sociales, 1934, numér. 2-3, p. 180 et suiv.
(19) Cf. particulièrement W. Oualid. La réforme économique
aux Etats-Unis. Rapport au Congrès des Economistes de langue
française 1935, suivi de discussion. Travaux du Congrès des éco
nomistes de langue française, Paris, Edit. Domat-Montchrestien,
*935, P- 97 et suiv.
(20) Oualid, op. cit., p. 147.
Certains auteurs, comme M. André Rendu (21) sem
blent après une approbation de principe de la loi,
apporter des réserves si importantes à cette loi que
celle-ci ne peut plus être considérée comme une loi éco
nomique sur le terrain de l’art social, ils concluent
pour des raisons nombreuses qu’ils exposent, en fa
veur d’une limitation de l'interventionisme.
Ces développements datent de 1910 et la limitation
souhaitée ne s’est pas réalisée : serait-ce que la loi est
plus réelle et plus vraie qu’ils ne le pensaient...
CONCLUSION
Ainsi la loi de l’extension croissante des fonctions de
l’Etat semble vérifiée par les faits et comme telle doit
être inscrite au nombre des lois économiques.
(21) o p . cit., p. 177.
�CHAPITRE IX
LA LOI DES CRISES
La question des crises fait l’objet d’une littérature
économique très importante (1). Il s’agira ici bien en
tendu non pas des théories explicatives des crises mais
seulement de la loi des crises.
Il la faut étudier dans le cadre ordinaire et envisa
ger successivement :
§ I. Histoire de la loi ;
§ IL Formules actuelles ;
§ III. Examen critique.
§ I. H istoire
de la loi
C’est Clément Juglar (2) qui, le premier en France,
cherche à formuler une véritable loi des crises en 1862.
Deux points essentiels caractérisent les résultats des
recherches de Juglar :
d’abord la périodicité des crises.
Par l’observation des crises en France, crises de
1810, 1818, 1825, 1830, 1837, 1847, 1857, 1867, 1877 et
(1) Cf. surtout J. Lescure. Des crises générales et périodiques
de surproduction, 2 vol., 4e édit., Paris, Lib. du Rec. Sirey, 1932.
(2) Economiste libéral.
(3) Clément Ju glar: Des crises commerciales et de leur retour
périodique en France, en Angleterre et aux Etats-Unis, à l ’occa
sion d’un concours à l’Académie des Sciences Morales et Poli
tiques dont le sujet était: décrire les crises, en rechercher l'évo
lution en France, en Angleterre et aux Etats-Unis. Le Mémoire
couronné par l ’Académie fut publié en 1S62 (Paris, Guillaumin).
L ’auteur en donna une 2e édition en 1889: Cf. notamment, p. 27
et suiv., p. 68 et suiv., p. 255 et suiv,
�—
111
—
110 —
1882, l’auteur aboutit à la constatation de leur pério
dicité.
Ensuite le cycle même parcouru par la crise : (4)
abaissement du taux de l'escompte — hausse de
l'encaisse — période de prospérité,
hausse des taux de l’escompte, diminution de l’en
caisse, phase de dépression.
La crise éclate au moment précis où les deux varia
tions inverses changent de sens (5).
Cl. Juglar suit les deux mouvements comparés de
l’encaisse et de l’escompte : ces deux mouvements sont
d’ailleurs inverses l’un de l’autre : pendant que le por
tefeuille augmente, l’encaisse baisse et réciproquement
l’encaisse augmente quand le portefeuille baisse.
« Les chiffres extrêmes auxquels on arrive après une
série d’années de hausse ou de baisse se rencontrent au
même moment où à une année près, l’explosion de la
crise coïncidant avec le moment où le maximum de
l’escompte a été atteint ; autrement dit, les crises écla
tent aux époques de grande élévation du portefeuille
et de réduction proportionnelle de l'encaisse » (6)).
On peut agir d’ailleurs, estime CL Juglar, pour, si
non supprimer, du moins adoucir les crises.
Stanley Jevons (7) admet, lui, une périodicité de dix
ans (8) et rattache les crises aux taches du soleil (9).
Le début de la période d activité commerciale coïn
cide souvent avec des récoltes favorables et celles-ci
sont directement sous la dépendance des taches du
soleil (10).
(4) Cf. Bulletin de Science et Législation financières 1908,
p. 335, un bon résumé des théories do Juglar.
(5) Cf. P. Beauregard. Notice sur la vie et les travaux de
C. Juglar. Bulletin de l’Académie des Sciences Morales et
Politiques. Fév. 1909, p. 153.
(6) Les Indices économiques et les crises.
Bulletin de Statistique et de législation comparées du ministère
des Finances, 1908, p. 335.
(7) Cf. t. I, p. 116.
(8) 1825, 1836, 1847, 18857, J866.
(9) The solar period and the price of corn. Londres, 1875
The periodicity of commercial crises and its physical expianation, 1878.
(10) La théorie a été reprise par Stanley Jevons fils dans un
article de la Contemporary Review (août 1909) sur la chaleur
solaire et l’activité industrielle.
J. Siegfried (11) dans un article intitulé : L’alter
nance des crises commerciales et des périodes de pros
périté (12), reproduit à peu près sans changements la
théorie précédente.
Il admet pour les crises une périodicité de neuf ans,
vérifiée par l’observation quoique non expliquée scien
tifiquement.
Il maintient aussi qu’à tracer un tableau où seraient
teintées de hachures noires les années de krach et de
hachures légères les années de reprise, « le tableau
que nous obtiendrions ainsi nous montre que la co
lonne des krachs correspond toujours à l’élévation la
plus grande du portefeuille et en même temps de
l’encaisse la plus basse » (13).
Inversement la colonne de la reprise de la prospérité
coïncide avec le portefeuille le plus réduit et en même
temps l’encaisse la plus basse (14).
« Il en résulte (15) clairement que c’est l’écart entre
le portefeuille et l’encaisse qui constitue le baromètre
commercial et financier dont la formule peut s’énoncer
ainsi : la crise est proche quand la course du porte
feuille s’élève considérablement pendant que la ligne
de l’encaisse s’abaisse de son côté ; la reprise n’est plus
éloignée quand au contraire c’est le portefeuille qui
est très réduit. »
Paul Leroy-Beaulieu (16) dans son Traité théorique
et pratique d’Economie Politique (17) distingue :
a) les crises commerciales ou financières pour les
quelles il admet que les recherches de Juglar et de
Jevons ont un certain fonds de vérité.
(u) Economiste libéral.
(12) Revue des Deux-Mondes, 15 décembre 1906, p. 823.
(13) Ibid., p. 837.
(14) Il en déduisait ce pronostic:« La crise est proche quand
la courbe du portefeuille s’élève considérablement pendant que
la ligne de l’encaisse s’abaisse de son côté, la reprise n’est plus
éloignée quand au contraire c’est le portefeuille qui est le plus
réduit. »
(15) Chose curieuse, écrit-il, que n’explique aucun raisonne
ment et qui peut n’être qu’une coïncidence, chacune des périodes
dure neuf ans, si l ’on en juge par le passé ». C’est encore inex
pliqué scientifiquement.
(16) 1843-1916.
(17) 4 vol., 3e édit. Paris, Guillaumin, 1900, t. IV, p. 404.
�K
—
112
—
b) Les crises économiques générales pour lesquel
les il élabore une théorie nouvelle, se rattachant à la
surproduction.
Ainsi une tradition nettement établie sur la pério
dicité des crises et la prépondérance des phénomènes
de crédit pour les expliquer, telle est en raccourcis
l'histoire de notre loi.
§ II. F o rm u les a c t u e l l e s
D'une manière générale l’époque contemporaine
semble avoir retenu, au moins jusqu’aux années 19291930 (18), l’idée qu’il existait une loi des crises (19).
Malgré leur extrême diversité, les théories modernes
d’alors conservaient les deux points ci-dessus indiqués:
une certaine périodicité — d’une dizaine d’années
environ,
un certain cycle, toujours le même, parcouru par la
crise.
Les attitudes des auteurs contemporains sur la loi
des crises sont assez diverses.
On peut pour plus de clarté les classer approximati
vement ainsi :
a) les traditionalistes,
b) les novateurs,
c) les chercheurs de la conjoncture,
a) Les traditionalistes.
On peut dénommer ainsi ceux qui avec quelques
nuances adoptent les formules précédemment dégagées
dans l’histoire de la loi.
Ch. Gide (20) souscrit à la périodicité des crises d’une
dizaine d’années environ. Après un exposé des diver
ses théories explicatives il semble conclure en faveur
de la théorie de la surcapitalisation (21).
JJ
(18) Dates du début de la grande crise économique mondiale
actuelle.
(19) Cf. Jean Lescure. Des crises générales et périodiques de
surproduction, 40 éd. Paris, Les Editions Donat-Montchrestien,
1932, surtout le tome II, Causes et remèdes.
(20) Principes d’Economie Politique, 2 vol., 10e édit, Paris,
Libr. du Rec. Sirey, t. II, p. 220 et suiv.
(2!) P. 3 2 2 ,
— 113 —
M. P. Reboud dans son Précis d’Economie Politi
que (22) adopte d’une part avec quelques réserves le
principe de la périodicité : « Il ne s’agit nullement,
écrit-il, d’une véritable périodicité mathématique, ra
menant toujours les mêmes phénomènes, avec une
môme grandeur, à des intervalles fixes. Appliqué aux
grandes crises économiques, le mot « périodiques »
doit s’entendre dans un sens plus large, simplement
pour indiquer qu’elles se sont reproduites dans le
passé, avec une régularité approximative, puisqu’au
xrx° siècle et au début du xxe siècle, l’intervalle entre
deux crises consécutives n’a varié qu’entre des limites
assez rapprochées, six ans au minimum et onze ans
au maximum. »
D’autre part et à propos de la généralité des crises,
M. Reboud introduit quelque contingence dans l’accep
tation de la loi des crises : (23) celle-ci Rendait surtout
aux différences des divers auteurs dans le détail de la
constatation des crises.
C’est ainsi qu’il y a une tendance contemporaine à
admettre une certaine durée plus courte entre les cri
ses : aujourd’hui on croirait plutôt à un intervalle de
sept ans, tandis qu’au début on admettait un intervalle
de dix ans environ (24).
C’est ainsi encore qu’il y a un mouvement tendant à
admettre une atténuation dans la violence des crises,
due sans doute à leur mécanisme mieux connu (25).
b) Les Novateurs.
On peut entendre par ce mot ceux qui modifient les
termes ordinaires de la loi des crises.
M. Aftalion.* (26) propose une nouvelle explication
des crises périodiques de surproduction : l’appât des
hauts profits en régime capitaliste incite les entrepre(22) 2 vol., 4° édition. Paris, Dalloz, 1934, t. II, p. 293 et suiv.
(23) Cf., p. 301.
(24 et 25) Cf. R. Gonnard. Un point de vue sur la crise.
L ’orientation économique, 4 avril 1936, p. 263.
(26) Articles Revue d’Economie Politique, 1908, p. 696. 1909,
p. 81. 1909, p. 241. 1927, p. 845.
Les crises périodiques de surproduction, 2 vol., Paris, 1913.
Cf. Bouniatian. Les crises économiques, 1 vol., 1908, trad. fr.
1926.
8
�— 114 —
i
neurs à transformer et à développer leur outillage : ce
qui exige du temps. Pendant ce temps, les hauts prix
se maintiennent, provoquant de nouvelles commandes
d'outillages. Il y a surproduction, accumulation des
stocks : la crise éclate. On suspend alors les nouvelles
commandes d’outillage jusqu’à ce que les produits an
térieurs s’écoulent. Apparaît alors une nouvelle exten
sion des besoins qui détermine à son tour un développe
ment nouveau des moyens de production.
M. Lescure (27), propose comme explication des cri
ses, les écarts du taux des profits des entrepreneurs.
Celui-ci se réduit pendant la période de prospérité,
d’où affaibissement de l’esprit d’entreprise et détourne
ment de l’épargne qui abandonne des emplois cessant
d etre rémunérateurs: la crise éclate. Elle se résout par
l’abaissement des coûts de production, résultant de la
réduction survenant dans la demande des capitaux de
toutes catégories. Reprise de la confiance et appel au
crédit : relèvement des prix, nouvel essor industriel et
nouvelle période de prospérité.
Par une tentative plus récente, M. D. Lavergne don
ne une nouvelle formule, à lui personnelle, de la théorie
psychologique des crises.
« La crise est le moment précis où, raisonnable
ment, la volonté de grève du consommateur finit par
l'emporter sur son désir d’achat » (29).
Il ajoute : « Telle est, à notre avis, l’explication fon
damentale de toute crise. En dernière analvse, comme
raison fondamentale des crises, la théorie psychologi
que de la valeur, le facteur dominant de la hausse
comme de la baisse des prix de vente, ce sont les dis
positions du public qui consacre tantôt une moindre,
tantôt une plus forte partie de son revenu à l’accumu
lation de l’épargne, qui par conséquent apporte volon
tairement au marché un pouvoir d’achat très variable ».
Affirmation qui au surplus ne semble pas démontrée.
L’Economiste américain Mitchell, de l’Université
(27) Op. cit.j p. 457, t. II.
(28) B. Lavergne. La Dépression actuelle et la théorie psy
chologique des crises. Rev. polit, et parlem, iq fév. 1937, p. 264.
(29) Art. cité, p. 272.
Columbia, New-York, dans son Business Cycles (30),
renonce à l’idée de périodicité à la suite de la distinc
tion des économistes américains concernant les cycles
en cycles séculaires, cycles majeurs, cycles saisonniers.
Un Economiste hollandais, le docteur Hamburger (31)
introduit la notion « d’oscillation de relaxation » (32)
dans l’explication des crises économiques.
Il constate que les amplitudes des oscillations éco
nomiques sont beaucoup plus constantes que les pé
riodes elles-mêmes et conclut : « Je suis d’avis que
seule une conception des cycles économiques conçus
comme les oscillations de relaxation, peut donner une
base rationnelle et suffisante pour une explication de
ces importants phénomènes.
C) Les chercheurs cle la conjoncture (33).
On doit tout d’abord signaler que ce troisième cou
rant dans le sens d’une recherche de la conjoncture en
matière de crises n’est qu’une partie d’un mouvement
plus général de prévision en matière économique (34).
11 ne sera ici traité que la seule conjoncture en matière
de crise (35).
(30) Encyclopedia of Social Sciences.
V° Business Cycles, p. 100-106, 1913. — Wesley C. Mitchell.
Business Cycles. The Problem and its Setting. New-York, 1927.
(31) Cf. sur cet auteur: L. Vallon. Socialisme expérimental,
p. 129. Edit, du Centre Polytechnicien d’ Etudes économiques.
Document n° 2. Paris, 1936.
(32) On dénomme ainsi un type d’oscillations périodiques, dif
ferent de la forme sinusoïdale ou pendulaire, qui se produit
chaque fois qu’un mécanisme contenant une source d’énergie
continue, permet à un phénomène périodique peu connu de se
répéter un nombre indéfini de fois, par exemple l’oscillation du
niveau de l’eau dans un appareil à chasse automatique.
(33) Bib. A. Aftalion. Le problème des prévisions économi
ques aux Etats-Unis. Revue d’Economie Politique, 1927, p. 833.
(34) Raynaud. La loi naturelle en Economie Politique, t. I :
L ’idée de loi naturelle-en Economie Politique, p. 161.
Cf. Pourquié. Le traitement rationnel des Problèmes écono
miques. X Crise des 29-30 février-mars-avril 1936. Centre poly
technicien d’études économiques, p. 25 et suiv.
(45) Sur l’ensemble du problème. Cf. Heilperin. Les instituts
de conjoncture économique dans leurs rapports avec l'évolution
contemporaine de la réalité et de la théorie économique. Rev.
éc. intern, Sept. 1937, p. 475’
�C’est d’abord le professeur H. L. Moore qui a pu
blié à ce sujet deux livres importants :
Economie Cycles, Their law and eauses, 1014.
Forecasting the yield and the price of cotton 1917.
Il y dégage la courbe de la production pour de nom
breux produits et essaie de prévoir les prix de certaines
denrées agricoles ou de certaines matières industriel
les (36).
Il aboutit ainsi à la notion de cycles économiques.
Les cycles sont pour lui de huit ans. La pluie et la
planète Vénus jouent un grand rôle dans l’évolution de
ces cycles.
A sa suite d'autres chercheurs s’engagèrent dans la
même voie.
Le Comité de recherches économiques de l’Universilé de Harward a poursuivi le travail (37). On connaît
les trois courbes fondamentales :
la courbe A de la spéculation (38) (spéculation), courbe
des prix ;
la courbe B des affaires (39) (business) de l’activité
des échanges ;
la courbe C du taux de l’escompte (money) (40).
Il y a variations cycliques de ces trois courbes avec
décalage entre elles. La crise commence avec la baisse
de la courbe A, suivie de la baisse successive des cou
ches B et C.
On aurait ainsi un baromètre des affaires.
On a pu ainsi prévoir la crise de 1920, mais pas celle
de 1929.
Après le début en 1929-1930 de la crise mondiale ac
tuelle, des doutes ont été émis sur le maintien éventuel
d’une loi des crises (41).
(36) Cf. infra , chap. La loi de l ’offre et de la demande.
{37) Cf. E. Lacombe. La prévision en matière de crises éco
nomiques, 1 vol., Paris, Rivière, 1925.
(38) C’était les indices des cours des actions industrielles.
(39) C ’était d’abord les compensations et ce sont aujourd’hui
les débits des banques dans 140 villes en dehors de New-York
City.
(40) Ce sont les deux courbes du taux de l’escompte concer
nant le papier à court terme.
(41) Cf. D. de Bernonville. Les Indices statistiques du mou
vement économique dans X crise. Organe du Centre Polytech
nique d’études économiques. Oct.-nov., déc. 1935, p. 40.
Cependant les travaux scientifiques ont continué sur
les cycles et les crises du point de vue de la conjonc
ture (42).
Un Economiste autrichien, Morgenstern, dans un ou
vrage intitulé Wirthschaftsprognose (43), étudie l’in
fluence de la prévision des crises sur les crises ellesmêmes. Il aboutit à cette théorie que la prévision des
crises tend à les intensifier plutôt qu’à les adoucir (44).
Simiancl (45) dans la brochure intitulée « Les Fluc
tuations économiques à longue période et la crise mon
diale » (46) prend parti sur l’explication générale des
crises et sur la crise actuelle.
Sur le premier point, il admet que « les fluctuations
économiques à longue période existent, et importantes,
centrales même dans le développement économique mo
derne et contemporain ».
Il insiste sur le rôle de l’expression monétaire des
biens économiques ou prix qui joue un rôle pour lui
prépondérant dans l'explication des crises : l’accrois
sement. du stock des moyens monétaires précède la
phase A, phase de prospérité, tout de même que la res
triction de cet accroissement précéda la phase B, phase
de restriction (47).
Sur le second point, la crise mondiale actuelle en
même temps qu’un tournant entre la phase d’expan
sion et la phase de resserrement d une fluctation intradécennale, est un tournant entre deux phases relevant
de l’une de ces grandes fluctuations à longue période
intradécennale, sinon séculaires, déjà rencontrées. » (48)
(42) Cf. les précisions données par M. Huber. lbïd.} X Crise,
oct., nov., déc. 1935, p. 57 et suiv.
(43) Vienne, 1928.
(44) Cf. X Crise, oct., nov., déc. 1935, p. 59.
(45) '872-1935.
(46) 1 vol., Alcan, Paris, 1932. Cette brochure est le résumé des
recherches de l’auteur poursuivies dans son grand ouvrage: Le
Salaire, l’Evolution Sociale et la Monnaie », 3 vol., Paris, 19331935.
(47) Résumé par L. Vallon. Socialisme expérimental, p. 123,
1 vol., Paris, 1936. Editions du Centre polytechnicien d’études
économiques.
(48) Ibid. Vallon, p. 123
�§ III.
E xamen C ritiq ue
On peut s’en rapporter ici aux conclusions de M. J.
Lescure (49) qui affirme :
« Malgré les perturbations profondes ayant boule
versé, depuis la guerre, le monde économique, la crise
de 1920 et celle de 1929 démontrent la survivance de
notre phénomène. »
En effet, la crise actuelle a, en raison de sa durée et
de son intensité, entraîné quelques doutes sur la valeur
rigoureuse de la loi des crises. On tâche d’expliquer
ces deux particularités par la concordance d’une crise
non périodique et par des facteurs psychologiques tels
que l'intervention des générations d’après-guerre, moins
informées et plus téméraires.
La prévision des phénomènes économiques jointe
surtout à l’expérience personnelle se perfectionne,
l’avenir permettra de mieux lutter contre les crises
économiques.
Les crises sont donc générales et périodiques. Il est
des moyens de les prévoir et des remèdes possibles à y
apporter.
M. Wagemann dans un article récent (50) est plus
sceptique ; il écrit : « Dans plusieurs pays, la reprise
économique présente déjà les signes d’une vraie pros
périté. Ne pouvait-on pas être tenté d’admettre que
cette période de relèvement se terminera de nouveau
suivant la cadence de huit années, c’est-à-dire en 1937 ?
Ce ne serait là qu’une foi superstitieuse dans la magie
des nombres ; et ce qui serait pire encore, ce serait
perdre de vue que la périodicité en question ne vaut
que par la moyenne d’une assez longue période (51). »
(49) Op. cil., t. II, p. 555. Tout 1-6 tome I de l ’ouvrage est
consacré à une étude minutieuse des crises qui aboutit à une
confirmation de notre loi.
Cf. Gonnard. Un point de vue sur la crise. L ’ Orientation
économique, 4 avril 1936, p. 263.
(50) Dr E. Wagemann. L ’Economie mondiale en 1937. Rev.
écon. intern. Février 1937, p. 219.
51 Op. cit., p. 223.
Il semble qu’on pourrait induire des dispositions ana
logues chez l’auteur du livre de M. le baron Mourre (52)
— un certain scepticisme — de la présentation même
du texte où les observations l’emportent de beaucoup
sur les systématisations doctrinales.
La loi des crises est donc à conserver parmi les lois
valables de l’Economie Politique.
(52) Baron Mourre. Les fluctuations de l’activité économique de
longue durée et les crises. 1 vol., Paris. Libr. du Rec. Sirey,
>937Cf. Le compte rendu de l’ouvrage par M. Marc Aucuy. Rev.
d’Ec. I. 1937, p. 204.
�DEUXIÈME
PARTIE
Les Lois de la uaieur
�LES LOIS DE LA VALEUR (1)
Elles sont au nombre de deux :
la loi de la valeur travail ;
la loi de l’utilité finale.
Il les faut étudier successivement
(i)
Bibliographie générale; Ch. et Ch. H. Turgeon. Etudes
sur la Valeur, t. I. La valeur, d’après les économistes anglais
et français depuis Ad. Smith et les physiocrates jusqu à nos
jours. 1925.
.
, .
,
T. II. La Valeur, Critique des doctrines anglaises et fran
çaises relative à la valeur, aux prix et à la monnaie. i 927T. III. La Valeur, son origine et son caractère psychologiques.
Ses conditions, ses formes et ses variations. 1927. 3 vol. Libr.
du Rec. Sirey, Paris.
�CHAPITRE X
LA LOI DE LA VALEUR TRAVAIL
Parmi les explications de la valeur, l’explication par
le travail est une des directions prises par la pensée
économique. Il existe de ce chef une loi de la valeur
travail.
Il en faut examiner le caractère scientifique toujours
dans le même cadre.
§ I. Histoire de la loi ;
§ II. Formules actuelles ;
§ III. Examen critique.
§ I. H istoire
de la loi
On est généralement d’accord pour faire remonter à
Karl Marx l’origine de la Valeur travail.
N’aurait-il pas eu cependant à cet égard des pré
curseurs ?
On a voulu les voir en la personne d’Adam Smith et
de Ricardo.
Ad. Smith écrit : (2) « Il est tout simple que ce qui
est d’ordinaire le produit de deux heures de travail
vaille le double de ce qui n’exige ordinairement qu’une
heure de travail. »
Et ailleurs : « Le prix réel de chaque chose, ce que
chaque chose coûte réellement à celui qui veut 1acqué
rir, c’est la peine et le trouble de 1acquérir... Le travail
(2) Richesse des Nations. Livre I, chap. 16.
�—
126
—
127 —
est donc la mesure réelle de la valeur échangeable de
tous les biens » (3).
Mais malgré ces affirmations et devant les difficultés
de cette solution (comment mesurer le travail et le tra
vail ne suffit pas seul à la fabrication des objets), Smith
réserve sa solution pour les seules sociétés primitives
et l'abandonne pour les sociétés aujourd’hui dévelop
pées (4).
Ricardo a dit aussi : « Je considère le travail comme
la source de toute valeur et sa quantité relative comme
la mesure qui règle presque exclusivement la valeur
relative des marchandises » (5).
On a justement interprété ce passage en affirmant
que la valeur pour Ricardo est déterminée par le coût
de production (6).
Ad. Smith et Ricardo ne sont donc pas des précur
seurs authentiques de la loi de la Valeur Travail.
K. Marx (7) est l'authentique auteur de la Valeur
travail.
Il écrit : « La valeur d’usage des marchandises une
fois mise de côté, il ne leur reste plus qu’une qualité
commune : celle d’être les produits du travail — non
plus le produit du travail du tourneur, du maçon, de
n’importe quel travail déterminé — il ne leur reste plus
que le caractère commun de ces travaux. Ils sont tous
ramenés à une dépense de force humaine sans égard à
la forme particulière sous laquelle cette force a été
dépensée » (8).
Et ailleurs il précise : « ce qui caractérise l'époque
capitaliste, c’est que la force de travail acquiert la forme
d'une marchandise... Cette marchandise de même que
toute autre, possède une valeur. Comment la déter
mine-t-on ?
Par le temps nécessaire à sa production. « Le temps
nécessaire à la production de la force de travail se
résout dans le temps de travail nécessaire à la pro
duction des moyens de subsistance de celui qui la met.
en jeu » (9).
Le temps de travail socialement nécessaire finit tou
jours par s’imposer comme loi naturelle régulatrice
dans les rapports d’échange actuels et toujours varia
bles.
Cette théorie et cette loi de la Valeur travail ont été
acceptées par la plupart des auteurs socialistes.
Bernstein (11) affirme après critique que la thèse de
Marx sur la valeur travail n’est qu’une hypothèse, une
abstraction.
Il faut signaler en passant la théorie de Bastiat qui
prétend que la valeur correspond à du travail épargné
pour l’acquéreur de la chose (12).
La valeur pour lui aurait pour cause et pour mesure
un service rendu.
La théorie d’ailleurs n’aboutit à aucune précision et
n’est pas soutenable (13).
Bœhm Bawertc énumère les différentes propriétés
communes aux marchandises : rareté, utilité, objets
de transaction ; appropriation : présence d’un élément
fourni par la nature et conclut : « Pourquoi le prin
cipe de la valeur ne pourrait-il pas résider dans l'une
de ces cinq propriétés communes aussi bien que dans
celle d’être le produit du travail ? » (14).
(3) Richesse des Nations. Liv. I, chap. IV, p. 32 et 33.
(4) Cf. Gide et Rist. Histoire des Doct. écon. i vol. Paris,
4e éd., 1922. Libr. du Rec. Sirey, p. 89.
(5) Principes de l’Economie Politique et de l ’ Impôt. Chap. I,
Section 2.
(6) Gide et Rist. H. D. E., éd. citée p. 175.
Gide. Principes d'Ec. Politique. Ed. citée, tome I, p. 68,
note 2.
(7) 1818-1883.
(8) Le Capital. Paris 1867, p. 23.
(9) Ibid.., Le Capital, p. 73.
C’est d’ailleurs le temps de travail socialement nécessaire qui
détermine, on le sait pour K. Marx, cette valeur travail.
(10) Le Capital, traduction fr. Roy, p. 83.
(11) Socialisme théorique et social démocrate pratique. 1 vol.
Paris, trad. franç. 1900, p. 66.
(12) Harmonies économiques. Œuvres complètes. Ed. Guil
laumin 1893, t. VI, p. 195.
(13) Cf. Gide. Principes d’Ec. Politique, t. I, p. 72, notç 1,
(14) Intérêt du capital, trad. franç., p. 95.
§ IL F ormules
actuelles
La quasi unanimité des auteurs contemporains aban
donne nettement la loi de la valeur travail.
Quelques brèves références suffiront ù le prouver :
�— 128 —
Ch. Gide (15) écrit : « C’est surtout sous la forme
extrême, celle formulée par K. Marx, que la théorie
de la valeur semble inadmissible ».
M. P. Reboud affirme : « Cette thèse est aujourd'hui
discréditée même parmi les collectivistes » (16) et
ailleurs : « la théorie de la valeur sur laquelle elle (la
thèse de la plus value) s’appuie, qui en forme la pierre
angulaire, ne résiste pas à l’examen » (17).
M. C. Perreau n’est pas moins affirmatif :
« Quelle que soit, écrit-il, la forme qu’elle ait pu
revêtir, la théorie qui fait du travail la substance et la
mesure de la valeur d’échange, soulève de multiples et
sérieuses objections » (18).
§ III.
— 129 —
5° la Société n’a pas besoin de choses ayant coûté du
travail, mais présentant une véritable utilité sociale,
ex.: arbalètes ou armes du Moyen Age.
CONCLUSION
La loi de la Valeur travail est donc à rejeter du nom
bre des lois valables de l’Economie Politique (20).
E xamen c ritiq u e
On peut remarquer que la loi de la valeur travail
n’est pas acceptable pour les diverses raisons suivan
tes : (19)
1° Si la valeur était du travail cristallisé, la valeur
devrait être immuable, ce qui n’est pas ;
2° Il y a des biens qui ont une valeur avant tout tra
vail, carrières, sites naturels, etc. ;
3° Il est des biens qui augmentent de valeur (vin qui
se bonifie en vieillissant, plus values immobilières), sans
que le travail effectivement dépensé et le travail socia
lement nécessaire aient changé.
4° il y a des biens ayant coûté même travail qui sont
de diverses valeurs
(15) Principes d’Ec. Politique, éd. citée, t. I, p. 71.
(16) Précis d’Economie Politique. 6e édit., 2 vol., 1934- Lib.
Dalloz, t. I, p. 69.
(17) T. II, p. 494(18) Cours d’Economie Politique. 6® éd. Paris, 1935. Libr.
générale de Droit et de jurisprudence, t. I, p. 333.
(19) Cf. art. Lehr. 2 articles.
Vierteljahrschrift. T. X L. 1886. Berlin. Herbig.
Adler. Die Grundlagen der Karl Marxschen Kritic bestehenden Volkswirth schaft Tubingen. Laupp. 1887.
(20)
Sans doute scientifiquement cette loi n’est plus admise,
mais elle garde une certaine importance comme base latente de
toutes les théories collectivistes. C ’est cette importance qui a
motivé 1 examen ci-dessus que d’aucuns trouveront peut-être
superflu.
9
�CHAPITRE XI
LA LOI DE L’UTILITÉ FINALE
Une des lois importantes concernant la valeur (I) est
la loi de l’ulilité finale (2).
Il faut ici encore étudier :
1° l’histoire de la loi (§ I) ;
2° les formules actuelles (§ II) ;
3° l’examen critique (§ III).
§ I. H ist o ir e de la L oi
La loi est d’ordinaire et avec raison attribuée à Karl
Menger. Il a cependant quelques précurseurs à bien
des égards intéressants.
Les plus notables sont Condillac et Gossen.
Condillac publie en 1776 un ouvrage intitulé : « Le
Commerce et le Gouvernement considérés relativement
l’un à l’autre », où l’on peut trouver l’origine de la
théorie psychologique de la valeur.
Deux points sont exactement mis en relief par cet
auteur :
(1) Bibl. Petit. Etude critique des différentes théories de la
valeur. Thèse. Paris, 1897.
Guilhol. Théorie de la Valeur d’après l’école Autrichienne.
Thèse. Lyon, 1907.
B. Lavergne. La Théorie des marchés économiques. Thèse.
Paris, 1910.
Cornélissen. Théories de la Valeur. Paris, Schleicher, 1903.
G. Pirou. L ’utilité marginale. Ed. Domat-Montchrestien. Pa
ris, 1932.
(2) On prendra ici comme formule approchée de la loi, la sui
vante: « la valeur d’un bien est déterminée par la valeur du bien
servant à satisfaire le dernier besoin satisfait ».
�— 133 —
d'abord que la valeur est. fondée sur l’utilité (3) ;
ensuite que la quantité du bien influe sur sa valeur (4).
Gide et Rist (5) concluent exactement : « Impossible
de mieux dire, même aujourd'hui. Toute la théorie
Jevonienne et Autrichienne de la valeur était là en germe
mais ne s’épanouira que longtemps après. » (6)
Gossen ensuite dans un ouvrage intitulé : « Dévelop
pement des lois de l'échange humain, 1854 » (7) donne
une analyse précieuse des besoins et formule lui aussi
les idées essentielles de la théorie moderne.
Après ces précurseurs, la loi de l’utilité finale est
formulée en 1871 simultanément (8), mais indépendam
ment fun de l'autre, par deux économistes, Stanley
Jevons et Karl Menger.
Stanley Jevons (9) dans son ouvrage « Theory of
political Economv » (10) reproduit les thèmes princi
paux de sa théorie (11).
(3) « La valeur est moins dans les choses que dans l ’estime
que nous en faisons et cette estime est relative à notre besoin :
elle croît et diminue comme notre besoin croît et diminue luimême ». Op. cil.j p. 15.
(4) « Or puisque la valeur des choses est fondée sur le besoin,
il est tout naturel qu’un besoin moins senti leur en donne
une moindre. Elle peut même dans l’abondance diminuer au
point de devenir nulle. Un bien surabondant, par exemple,
sera sans valeur, toutes les fois qu’on n’en pourra faire aucun
usage, puisqu’il sera tout à fait inutile. » Ibid.., chap. I, pre
mière partie.
(5) Histoire des Doctrines économiques, 4e éd. Paris, Lib.
du Rec. Sirey, 1922, p. 56.
(6) Un autre précurseur Dupint (1844. Mémoire sur l’Utilité
des Travaux publics, 1849. Utilité des voies de communication),
approuve lui aussi que la valeur est fondée sur la notion d’uti
lité.
(7) Entwicklung der Gesetze der menlichen Verkehrs.
Cf. L, Walras. Un économiste inconnu, Hermann Henri
Gossen. Journ. des Economistes, 1885.
(8) Sur la question de priorité Cf. G. Pirou, op. cil., p. 53.
Stanley Jevons aurait reconnu l’antériorité de Walras.
Cf. les déclarations de Walras. J. des Econ. 1874, t. 34, p. 417.
(9) 1835-1882.
(10) Theory of political economy. London and New-York,
Macmillan 1871. 2e édit. Londres 1879.
Traduit en français par Barrault et Alfassa.
La théorie de l ’Economie Politique. 1 vol. Paris, Giard, 1909.
Je citerai d’après cette traduction.
(11) Déjà donnée dans une communication faite par lui à la
Par une assez longue analyse (12), il traite de l’uti
lité, en étudie les variations avec courbes mathémati
ques et aboutit à cette conclusion (13) : le degré final
d’utilité est celte fonction autour de laquelle tourne la
théorie de l’Economique... Nous pouvons établir com
me une loi générale que le degré d’utilité varie avec la
quantité de produit et linalemerü décroît de la même
manière que cette quantité croît.
K. Menger (14) publie en 1871 également un ouvrage
intitulé « Grundsatze des Volkswirtschaftslehre » (15).
Fondements de l’économie politique : il y insiste sur
tout sur la valeur. Il y affirme que les mesures de la
valeur d’une unité d’un bien dépend de la satisfaction
du dernier besoin qui risque detre ou de netre pas
satisfait, suivant que l’on a ou que l'on a pas cette
unité de bien.
C'est vrai aussi bien pour l’individu isolé que dans
la vie sociale concrète.
La théorie ainsi formulée fut accueillie et reprise
avec quelques nuances par de nombreux économistes
en divers pays.
En Autriche : Bœhm Bawerk, Sax et Wieser.
En Angleterre : Edgeworth.
En France : Léon Walras.
En Italie : Pantaleoni et Pareto.
Aux Etats-Unis : J. B. Clark.
Un rapide coup d’œil sur celte merveilleuse diffusion
permettra de fixer les nuances légères qui séparent ces
divers auteurs.
En Autriche, Bœhm Bawerk (16) dans son ouvrage
« Kapital und Kapitalismus » (17) adopte les positions
de K. Menger, notamment celle-ci : « la valeur est
Société de Statistique de Londres en 1866, reproduite dans La
théorie de l’économie politique, éd. citée. Appendice p. 395.
(12) Trad. franç.; p. 96-140.
(13) Ibid., p. 112.
(14) 1840-1921.
(15) Vienne 1871.
(16) 1851-1914.
(17) publié en allemand de 1884 à 1889.
La partie qui concerne l’utilité finale a paru en français sous
le titre Théorie positive du capital. 1 vol. Paris, Giard, 1929.
�— 135 —
fondée sur l'utilité de la dernière unité du stock. » (18)
C’est lui qui dresse avec des exemples numériques
systématiques le tableau des divers besoins humains
et fournit les exemples devenus classiques des seaux
d'eau et des sacs de blé.
Von Wieser (19) reproduit pour partie les thèses de
K. Menger et de Bœhm Bawerk et précise la notion
d’utilité limite (Grentsnuntzen) (20).
En Angleterre (21) Edgeworlh souscrit à la formule
de l’utilité finale.
Pantaleoni et Vilfredo Pareto en Italie sont aussi des
partisans de la loi d’utilité linale.
Léon \Valras en France et en Suisse (22) affirme dans
sa Théorie de la Monnaie : « L'intensité du dernier
besoin satisfait par une quantité de marchandise con
sommée... est une grandeur qui décroît à mesure que
la quantité consommée croît. » (23)
11 donne dans ses « Eléments d’Economie Politique
pure » (24) une longue analyse du dernier besoin sa
tisfait et formule la loi de décroissance de l’utilité en
fonction des quantités possédées : des graphiques et
des courbes illustrent sa théorie (25).
Aux Etats-Unis J. B. Clark (26) dans un article (27)
(18) (( Plus grande sera la quantité de biens disponible d’une
certaine espèce, plus petite deviendra, toutes les autres circons
tances restant tes mêmes, la valeur de chaque espèce en particu
lier et inversement. » Capital, t. II, p. 161.
(19) 1851-1926.
Uber den Ursprung und die hauptgesetze der Wirtschaftlichen
werter (sur l’origine et les lois principales dç la valeur écono
mique), 1884.
Der Naturliche Wert (La valeur naturelle 1889) (non traduit
en français.
(20) Cf. G. Pirou, op. cit.j p. 124 et suiv.
(21) Voir aussi un bon résumé de la théorie dans Smart: In
troduction to the theory of value.
(22) On sait que Léon Walras dont l ’économie mathématique
fut mal accueillie à l ’époque en France, était professeur à l ’Uni
versité de Lausanne (Suisse).
(23) Théorie de la Monnaie. Lausanne, 1886, p. 30.
(24) Lausanne, 1874-1877, p. 74.
(25) Cf. Théories de l ’équilibre économique, 1 vol. Pa
ris. Ed. Domat-Montchrestien, 1934, p. 86 et suiv.
(26) 1847-1926.
(27) A universal law of économie variation.
Quaterly journal of Economies. Boston. Avril 1894, p. 261.
publié en 1894, écrit que cette loi embrasse tout. « La
valeur dépend de l’utilité finale et l’importance des po
sitions dans la répartition dépend de la productivité fi
nale. Le taux de l’actuel est déterminé par le produit
de la dernière fraction infiniment petite ajoutée au ca
pital ; et les salaires se déterminent par le produit de la
dernière fraction infiniment petite de travail. La va
leur des biens d’une part et les gains des hommes qui
produisent ces biens de l’autre dépend de la même loi
générale. »
A côté de ce premier courant qui en somme continue
St. Jevons et K. Menger, il y a un courant critique qu’il
importe de présenter brièvement.
Ces critiques proviennent des auteurs suivants : Neu
mann (28), E. Petit (29), C. Cornelissen (30) et Hobson (31).
On peut sans entrer dans l’exposé détaillé de chacun
de ces auteurs, présenter comme suit la critique d’en
semble de la loi de l’utitilé finale :
Première objection (32) : Certains biens exislanl en
quantité surabondante ont cependant de la valeur, par
exemple l'argent qui conserve sa valeur quelle que soit
la quantité possédée par l’individu, par exemple encore
le soleil, le ciel bleu de la Côte d’Azur, etc...
On répond pour l’argent (33) qu’il est la seule richesse
qui ait la propriété de répondre non à un besoin défini
mais à tous les besoins possibles et que par conséquent
il ne cesse d’être désiré qu’au moment où tous les désirs
sont satisfaits, ce qui recule la limite jusqu’à l’infini.
On répond pour le soleil que ce n’est pas le bien dans
sa totalité inaccessible, mais une partie seulement de ce
bien, la chaleur du soleil entrant dans une pièce expo
sée au midi qui a de la valeur.
Deuxième objection : Les besoins des hommes ne
(28) Neumann. Grundlagender Wolkwirthschaftlehre. Tubingen 1889, p. 58 et suiv.
(29) E. Petit. Etude critique des différentes théories de la
valeur. Thèse. Paris 1897, p. 277.
(30) C. Cornelissen. Théorie de la valeur. Paris 1903, p. 27.
J31) Hobson. Economies and ethics. Macmillan, Londres, 1930.
(32) Cornelissen, op. cit.} p. 27, n. 1.
(33) Gide. Principes d’Ec. Polit. Paris. Libr. du Rec. Sirey,
»9°U P- SU n. 1.
�— 137 —
sont pas susceptibles d'être mesurés quantitativement
et la prétention de les lier par des équations mathéma
tiques est inconciliable avec le libre arbitre.
La réponse de la théorie autrichienne est la suivante:
elle ne dit pas que tel homme sera forcé de vendre ou
d'acheter un produit, mais seulement que s’il le fait,
il le fera à telles ou telles conditions (34).
Troisième objection (35) : Il y a pour un même bien
des valeurs d'usage différentes pour un même consom
mateur. La valeur d’usage personnelle de différentes
quantités déposées d’un bien se détermine, pour cha
cune d'elles en particulier, par le plaisir ou l'avantage
que le consommateur pourra en tirer personnellement.
Cetle valeur variera communément jusqu'à l'infini. Par
exemple les pierres de construction.
On peut répondre que la théorie autrichienne est très
souple et qu elle a su distinguer une infinité d’hypothè
ses distinctes.
Simiand (36) prend aussi violemment parti contre
notre loi : elle est indépendante de l’état social, mais
dans un état social donné elle n’est d’aucune utilité pour
expliquer les phénomènes économiques. « Dès qu’il
faut passer d’un besoin à un autre besoin et comparer
entre eux des besoins différents, ou bien la loi reste
purement verbale ou lantologique, mais elle a besoin
d’être complétée par des apports de fait qui indiquent
les valeurs comparatives effectivement établies et ces
éléments de fait dépendent des états sociaux et des
diversités de temps et de milieu. »
Ainsi pour lui la loi n’a pas une valeur absolue et
universelle.
Ch. Gide (37) dans son « Cours d’Economie Politi
que » (38) affirme : « Et voici le second théorème qui
constitue la véritable découverte de cette Ecole : c’est
que l’utilité finale de la dernière portion disponible dé
termine la valeur de n’importe laquelle des autres por
tions. »
M. Colson dans son « Cours d’Economie Politi
que » (39) déclare : « L’utilité finale des Autrichiens,
qui n’est, autre chose que la valeur d’usage pour
l’acheteur et pour le vendeur, de la dernière unité sur
laquelle ont transporté les transactions, est encore une
valeur et non une utilité. Seulement cette valeur d’usage
présente un intérêt exceptionnel, puisque c’est elle
qui constitue le prix courant. » (39)
M. Heboud dans son « Précis d’Economie Politi
que » (40), écrit : « La valeur du bien est l’expression
de l’utilité marginale de ce bien : elle varie comme
elle. »
On trouverait cependant dans la littérature écono
mique contemporaine une réaction contre ce que
M. G. Pirou appelle le Marginalisme, c’est-à-dire l’orien
tation des études d’économie marginale. Elle est due à
l’économiste américain Veblen (41).
Trois grands griefs sont relevés par Veblen : l’éco
nomie marginaliste se borne à classer au lieu d’expli
quer : sa psychologie est trop individualiste et pas assez
sociale ; sa philosophie est une construction opti
miste qui ne correspond pas à la réalité exacte.
Etant donné le caractère très général de cette cri
tique, on comprendra qu’il est superflu d’insister sur
§ IL F ormules A ctuelles
(37) i 847-i 932.
.
.
(38) Cours d’Economie Politique, 2 vol. Paris. Libr. du Rec.
Sirey, 10® éd., 1930, t. I, p. 59 et p. 64.
Il maintient cependant qu’on ne peut faire abstraction pour
expliquer la valeur du plus ou moins de difficulté à produire
la richesse. Ibid.} p. 67.
(39) Cours d'Economie Politique. 6 vol. Ed. définitive. Paris.
Alcan et Gauthier-Villars, 1915-1920, t. I, p. 213. Cf. p. 225
et suiv.
Il propose même de la dénommer « loi de satiabilité ».
(40) Précis d’Economie Politique, 2 vol. 1934. Paris. Dalloz,
6® éd., t. I, p. 33 et suiv. surtout p. 40.
(41) 1857-1929.
La majorité des auteurs contemporains accepte la
loi de l'utilité finale.
(34) L. Walras. Economie Politique privée: « Jamais nous
n'avons essayé de calculer les décisions de la liberté humaine:
nous avons essayé seulement d’en exprimer mathématiquement
les effets ».
(35) Cornelissen, op. c i t p. 5.
(36) Année Sociologique, t. 10, 1905-06, p. 512, à propos d’une
analyse de l’ouvrage d'Effertz.
�— 139 —
les développements (42) de Veblen. Il importait cepen
dant de signaler cette orientation nouvelle, à l’époque
contemporaine, d’une partie de la science américaine.
§ III. E xamen
critique
On peut pour l’examen critique de notre loi se placer
à un double point de vue (43) :
a) déterminer la sphère d’application de la portée
de la loi (Section I) ;
b) dans cette zone limitée préciser de quelle manière
la loi s’applique (Section II).
I
Sphère d'application de la loi
S ection
On est en général d’accord pour reconnaître que la
loi de l’utilité finale ne s’applique pas aux capitaux pro
ducteurs (44) mais au contraire serait vérifiée dans le
triple domaine suivant :
a) les biens qui constituent le marché des produits
achevés ;
b) le marché du capital argent ;
c) le marché des services producteurs.
a) Les biens qui consliluenl le marché des produits
achevés, sont dans tous les produits achevés, naturels,
récoltés ou fabriqués qui sont prêts à être livrés à la
consommation du public.
b) Le marché du capital argent.
Il s’agit ici de toutes les formes d’investissement du
capital argent.
(42) Cf. Veblen. The place of Science in modem Civilisation.
1 vol. 1915. Huebsch New-York.
Sur tous ces points cf. G. Pirou. Les nouveaux courants de la
théorie économique aux Etats-Unis.
Fascicule I, Paris. Ed. Domat-Montchrestien, 1935, p. 31 et
suiv.
(43) Cf. Petit. Thèse citée, p. 249 et p. 255.
B. Lavergne. La théorie des marchés économiques, 1928.
(44) Lavergne. La théorie des marchés économiques.
G. Pirou. L ’utilité marginale, p. 103.
c) Le marché des services producteurs.
11 s’agit ici de tous les services producteurs qui pré
sentent une utilité sociale.
II
Vérification darts cette zone limite
S ection
On remarque d’une manière générale que la théorie
paraît d’autant plus exacte et la loi d’autant plus ri
goureuse qu’il s’agit de produits ou d’objets rares,
c’est-à-dire dont la quantité est limitée (45).
I. Marché des biens constituant les produits achevés
On trouve en général que la loi de l’utilité finale est
vérifiée pour les produits de consommation, produits ali
mentaires, vêtements, etc..., et pour les immeubles
d’habitation, les jardins, les parcs.
M. Colson (47) insiste notamment sur les produits de
luxe par l'exemple suivant : « Tel particulier achè
terait les meubles précieux et les objets d’art néces
saires pour donner à son salon un minimum de déco
ration, même s’il fallait les payer un prix fort élevé ;
il n’ajoutera d’autres ornements dans ce même salon,
il n’en mettra dans sa salle à manger, puis dans sa
chambre, puis dans les autres chambres et dans les
escaliers, que s’il les peut acquérir à des prix de plus
en plus bas ; enfin un moment viendra, où possédant
à satiété tous les objets décoratifs susceptibles d’être
placés dans ses appartements, il faudrait des occasions
bien exceptionnelles, pour qu’il en achetât davantage
(45) Sciama. La dernière unité. Sa notion en Economie Poli
tique. Thèse Droit. Paris 1932.
L ’auteur estime que la dernière unité n’apporte aucun éclair
cissement véritable à la complexité des problèmes en jeu (op.
cit., p. 240) et qu’il faut « envelopper soigneusement la théorie
dans le linceul d’indifférence où dorment les théories mortes ».
(Ibid., p. 251).
(46) On a même cherché à mesurer mathématiquement cette
utilité marginale. Cf. Moret. Méthodes nouvelles pour mesurer
l’utilité marginale. Rev. d’E. P., 1932, p. 1.
(47) Cours d’Economie Politique, 6 vol. Ed. définitive.
T. I. Théorie générale des phénomènes économiques. Paris,
1915, p. 226.
�r
— 140 —
à quelque prix que ce fut, si ce n’est pour un moin
dre. »
L’exemple n’est peut-être pas excellent, certains
nouveaux riches achetant tout à la fois.
Il n’infirme pas d’ailleurs la valeur de âa loi de
l'utilité finale.
II. Marché du capital argent
Il s’agit de la fixation du taux de l’intérêt.
On a essayé d’établir (Lavergne, op. cil., p. 118) que
le taux d'intérêt général est le rapport de la plus value
brute marginale et du capital d’emprunt, obtenu en
échange.
On suppose des millions disponibles : c’est la plus
value formée par l’utilisation du dernier million dispo
nible.
III. Le Marché des services producteurs
On peut vérifier notre formule :
Le prix des services producteurs sera exactement le
coefficient d’utilité reconnu par le consommateur à la
dernière unité du service.
Nous retrouverons pour le travailleur la loi de Futilité
finale en matière de salaires.
Il s’agit de vérifier pour les autres services :
Professions libérales, médecins, avocats, etc...
Il est difficile de décomposer ces services en unités
successives.
Pour les fonctionnaires il y a l’intervention perturba
trice de la législation qui fixe les traitements.
C’est ici peut-être le domaine où la loi peut le plus
difficilement être trouvée exacte : elle l’est en gros seu
lement.
Il est donc permis de conclure, sous les réserves cidessus exprimées, que la loi de l’utilité finale doit être
inscrite au nombre des lois économiques valables.
TROISIÈME
PARTIE
Les Lois des Pris
�LES LOIS DES PRIX (1)
Ce sont :
la
la
la
la
la
la
la
loi d’indifférence ;
loi de l’offre et de la demande ;
loi des prix en régime de concurrence ;
loi des prix en régime de monopole ;
loi de Gregory King ;
loi du coût de production ;
loi de compensation des changements de prix.
(i)
Bib. générale: Il n’existe pas d’études d'ensemble sur les
lois de prix. On trouverait des vues intéressantes cependant
dans les ouvrages suivants:
Houques-Fourcade. Eléments d’Economie Politique. La Cir
culation. Monnaie et Crédit, i vol. Toulouse. Soubirou, 1923.
Cornélissen. Théoiie de la Valeur. Paris, Schleicher, 1903.
�CHAPITRE XII
LA
LOI
D’INDIFFÉRENCE
I ne première loi est à relever en matière de prix,
la loi d’indifférence qui s’énonce : « Il ne peut y avoir
sur un marché donné à un moment donné pour des
produits similaires qu’un prix unique. »
C’est Stanley Jevons (1) assez tardivement (2) qui
passe avec exagération pour l’inventeur de cette loi (3).
II en donne (4) la formule suivante sur le même mar
ché libre, à un moment donné, il ne peut y avoir deux
prix pour le même article et propose de l’appeler la
« loi d’indifférence ».
Pour l etablir, il part de la constatation suivante :
« Lorsqu’un produit de qualité est parfaitement uni
forme ou homogène, n’importe laquelle de ses par
ties peut remplacer indifféremment une autre partie
égale : d’où sur le même marché et au même moment,
toutes les parties doivent être échangées dans le même
rapport » (5).
II montre d’ailleurs (G) que lorsque « les échanges
sont faits sur une grande échelle, ce résultat sera véri
fié en pratique. »
(0
183-1-1910.
(2) Theory of political economy. Londres, 1871.
Traduit en français par Barrault et Alfassa sous ce titre:
Théorie de l'Economie Politique. 1 vol. Paris, Giard, 1909.
(3) Ricardo (1772-1823). Principes de l’Economie Politique et
de l’ Impôt 1817, avait déjà, il est vrai, à propos de sa théorie
de la rente, posé le principe de l’unité de prix pour un même
objet sur un même marché.
(4) Traduction française, p. 159.
(5) Ibid., p. 158.
(6) Ibid.j p. 160.
10
�— 146 —
Il formule même une équation pour exprimer ladite
loi.
La proposition de dénommer loi d’indifférence cette
loi de l'uniformité des prix n a trouvé qu’un succès
limité à l’époque contemporaine.
Ch. Gide (7) y souscrit.
Paul Leroy-Beaulieu (8) la tient également pour cer
taine.
M. Houques Fourcade (9) se range à la même opinion.
Marshall (10) et Colson (11) s’y rallient de même.
Un Economiste Américain contemporain J. M. Clark
(12) prend dans son ouvrage intitulé The économies of
overhead Costs (13) (l’économie des coûts existants)
une attitude originale sur l’application de la loi de
l’unicité des prix.
Il affirme que la loi n’a été vraie que dans une pé
riode du xix° siècle, au début de l’industrialisme : la
concurrence aboutissait alors à l’unité de prix.
Mais avant cette période la fixation des prix ne com
porte nullement l’unité : les prix dans les bazars et les
souks en sont la preuve. Ici le prix est fonction de
1 habileté respective des deux parties en présence.
De même à l’époque actuelle réapparaît à nouveau
la diversité des prix sur un même marché : l’auteur
l’explique par le risque d’une capacité de production
inemployée (14).
Ainsi d’après une théorie nettement affirmée, la loi
ne serait vraie que pour une période déterminée.
(7) Principes d'Economie Politique, 2 vol., 10e éd. Paris,
Libr.du Rec. Sirey, 1930, t. I, p. 577.
(8) Paul Leroy-Beaulieu. Traité d’Economie Politique, 4 vol.,
3® éd. Paris, Guillaumin, 1903, t. I, p. 703 et p. 721.
(9) Honques-Fo^cade. (Eléments d’Economie ^Politique. La
Circulation Valeur humaine et Crédit, 1 vol. Toulouse. Soubirou, 1923, p. 47.
(10) Traité d’Ec. P., t. II, p. 13.
(11) Colson. Cours d’E. Pol., 20 éd. 1907, t. I, p. 74 et 83.
(12) 1884(13) 1 vol. New-York, 1923.
(14) Cf. pour la critique Sanders, Quaterly Journal of Econo
mies (1923-24).
Cf. G. Pirou. Les nouveaux courants de la théorie économi
que aux Etats-Unis, fasc. I. Paris, Ed. Domat-Montchrestien
1935, p. 91 et suiv,
— 147 —
En ce qui concerne enfin la valeur et la vérification
de la loi, on a remarqué (15) qu’il fallait bien évidem
ment un cours, une concurrence entre vendeurs et ache
teurs. C’est pourquoi dans la vente d’objets rares où il
n’y a en présence qu’un seul vendeur et parfois un seul
collectionneur, il n’y a pas de loi du prix, l’objet, comme
le dit l’expression courante, n’a pas de prix. Le prix de
l’objet dépendra alors dé la richesse de l’acheteur, du
savoir faire du vendeur : il pourra y avoir deux prix
sur un même marché pour un objet au fond identique.
Une difficulté spéciale au point de vue de la vérifi
cation de la loi d’indifférence concerne la distribution
du courant électrique.
On sait qu’il y a pluralité de tarifs et des tarifs ré
duits aux heures du jour et aux périodes de l’année
où la consommation est réduite. 11 y a discrimination
des tarifs (16).
On sait aussi que ces tarifs variables ont pour but
d’atténuer ou d’éliminer la discordance entre les diver
ses heures de consommation.
Ceci posé il faut, semble-t-il, maintenir même en ce
cas la loi d’indifférence.
C’est toujours un prix unique qui existe pour les
consommateurs placés dans les mêmes conditions ; il
y a en réalité pluralité de marchés et aussi pluralité
de moments, si l’on peut dire, pour un même marché.
On pourrait encore examiner le régime des prix dans
les industries qui subissent une irrégularité dans la
demande, une irrégularité saisonnière.
Les objections paraissent ici en gros les mêmes : il
semble y avoir pluralité de prix sur un même marché.
Les réponses seraient aussi les mêmes : il y a en
réalité marchés différents et surtout moments différents
d’un même marché (17).
(15) Ch. Gide, o-p. cit., t. I, p. 578, n. 1.
(16) Cependant une clause de style dans les cahiers des char
ges pose le principe de l ’égalité de traitement des consom
mateurs de même catégorie, c’est-à-dire. au fond la règle de
l’unité de prix.
(17) Cf. encore Ansiaux. Traité d'Economie Politique, t. II,
p. 196-197, d’autres exemples cités.
�— 148 —
Comme conclusion, la loi d’indifférence est à retenir
parmi les lois valables de l’économie politique avec
l’énoncé rigoureux qui lui a été ci-dessus donné : « Sur
un marché libre, pour un produit donné et à un moment
donné ». En réalité le même marché a une très courte
durée.
CHAPITRE XIII
LA LOI DE L'OFFRE ET DE LA DEMANDE (1)
De toutes les lois des prix, la loi de l’offre et de la
demande est certainement à la fois la plus ancienne et
la plus connue.
Ce double caractère lui donne une originalité parti
culière.
Il faut ici, comme à l’ordinaire, étudier successive
ment :
§ I. L'histoire de la loi,
§ II. Les formules actuelles,
§ III. Examen critique.
La notion approchée dont il est permis de partir est
la suivante :
« Les produits sont d’autant plus chers qu’ils sont
plus demandés et moins offerts ».
§ I. H istoire
de la loi
On peut pour plus de clarté dans cet historique dis
tinguer quatre aspects :
Section I. De l’offre et de la demande envisagées
exclusivement comme cause du prix.
Section IL Essai de formules mathématiques.
Section 111. Critique de la première formule.
(i)
Bibliographie. Ch. Turgeon. Etude critique de la loi de
l’offre et de la demande. Journal des Economistes, 15 juillet 1925,
p. 25-50.
Cf. Luftalla. Essai critique sur la détermination statistique
des courbes d’offre et de demande.
Annales Sociologiques. Série D. Sociologie économique, 1 vol.
Paris, Alcan, 1935, p. 85.
�— 151 —
Section IV. Un aspect nouveau : 1offre et la demande
sont elles-mêmes fonction des prix.
I
De l'offre ef de la demande envisagées exclusivement
comme cause des prix
S ection
Cet aspect du problème et celte conception de l’offre
et de la demande sont les plus anciens.
D'une manière générale toute l'Ecole classique, à la
fois chez ses fondateurs et ses principaux représentants
se rallie à ce point de vue.
Il faut envisager la notion et l’application de la loi
chez trois représentants importants de l’Ecole Anglaise :
Ad. Smith, Ricardo, Stuart Mill.
I. Ad. Smith.
A replacer d’abord la théorie d’Ad. Smith à cet égard
dans l'ensemble de son œuvre, il faut souligner que
cette loi n’est pour lui qu’une partie du mécanisme des
prix.
C’est à propos de la tendance du prix du marché (2) à
un équilibre automatique autour du prix naturel
qu’Ad. Smith s’explique très nettement sur notre
problème.
Ad. Smith distingue nettement à cet égard trois hypo
thèses :
A) L'offre est inférieure à la demande : il
des prix.
« Quand la quantité d’une marchandise
amenée au marché, se trouve au-dessous de
effective (3), tous ceux qui sont disposés
y a hausse
quelconque
la demande
à payer la
(2) Le prix du marché c’est pour lui le prix courant, le prix
« auquel la marchandise se vend communément ».
« Lorsque le prix d’une marchandise n’est ni plus ni moins
que ce qu’il faut payer, selon leurs taux naturels et le fermage
de la terre, et les salaires du travail, et les profits du capital
employé pour produire cette denrée, la parfaire et la conduire
au marché, alors cette marchandise est vendue ce que l’on
peut appeler le prix naturel ». C’est en somme le prix de
revient.
(3) On sait que l’auteur distingue la demande absolue, c’est-àdire le désir d’avoir la chose et la demande effective, c’est-à-
valeur entière des fermages, salaires et profits qu’il
en coûte pour mettre cette marchandise sur le marché,
ne peuvent pas se procurer la quantité qu’ils deman
dent. Plutôt que de s’en passer tout à fait, quelquesuns d’entre eux consentiront à donner davantage. Une
concurrence s’établira entre eux, et le prix du marché
s’élèvera plus ou moins au-dessus du prix naturel, sui
vant que la grandeur du déficit, la richesse ou la fan
taisie des concurrents viendront animer plus ou moins
cette concurrence » (4)
Ainsi la hausse est due à la concurrence des ache
teurs, elle-même soumise à de nombreux facteurs éco
nomiques ou psychologiques (5).
B) L'offre est supérieure à la demande : il y a baisse
des prix.
« Lorsque la quantité mise sur le marché excède la
demande effective, elle ne peut être entièrement vendue
à ceux qui consentent à payer la valeur collective des
fermages, salaires et profits qu’il en a coûté pour
l’y amener. Il faut bien qu’une partie soit vendue à
ceux qui veulent payer moins que cette valeur entière et
le bas prix que donneront ceux-ci réduit nécessairement
le prix du tout. Le prix du marché tombera alors plus
ou moins au-dessous des prix naturels, selon que la
quantité de l’excédent augmentera plus ou moins la con
currence des vendeurs ou suivant qu’il leur importera
plus ou moins de se défaire sur le champ de la mar
chandise. » *vd)
Ainsi la baisse est due ici encore à la concurrence
des vendeurs, soumise elle-même à de nombreux fac
teurs économiques et psychologiques (7).
dire « la demande capable de faire arriver la marchandise sur le
marché pour satisfaire le désir de l ’individu ».
(4) Ad Smith. Richesse des Nations. Trad. Germain Garnier,
5° éd., t. I, P- 69. Paris, Guillaumin,
(5) Ad. Smith remarque que pendant le siège d’une ville ou
dans une famine il pourra y avoir élévation exorbitante dans le
prix des choses nécessaires à la vie.
(6) Ad. Smith. Ibid, t. I, p. 70.
(7) Ad. Smith cite le cas des denrées périssables — importa
tion d’oranges — pour lesquelles la concurrence sera beaucoup
plus vive et la baisse beaucoup plus accentuée.
�F
— 153 —
C) L'oflre est égale à la demande : le prix de marché
coïncidera arec le prix naturel.
« Lorsque la quantité mise sur le marché suffit tout
juste pour remplir la demande effective, et rien de
plus, le prix du marché se trouve naturellement être
avec exactitude du moins autant qu'il est possible d’en
juger, le même que le prix naturel. »
En effet, « toute la quantité vendue sera débitée à ce
prix et elle ne saurait l’être à un plus haut prix. La
concurrence des différents vendeurs les oblige à accep
ter ce prix, mais elle ne les oblige pas à accepter
moins. »
Ainsi dans ce troisième cas l’équilibre exact entre
l’offre et la demande assure la coïncidence du prix de
marché et du prix naturel.
En résumé chez Ad. Smith, la discordance entre
l’offre et la demande amène une baisse ou une hausse
de prix mais qui n’est pas proportionnelle aux varia
tions quantitatives de l’offre et de la demande.
De plus et pour l’amplitude des variations, elles va
rieront selon les circonstances (8).
Enfin Ad. Smith parle dans son développement de
demande effective mais par ailleurs il indique comment
« la quantité de chaque marchandise mise sur le mar
ché se proportionne naturellement d’elle-même à la
demande effective » (9).
Avec Ad. Smith on a bien une formule de la loi de
l’offre et de la demande dont la caractéristique fonda
mentale paraît être la contingence.
IL Ricardo :
Ricardo à son tour relient la loi de l’offre et de la
demande formulée par Ad. Smith mais en restreignant
encore le rôle de cette loi.
(8) Plus loin, p. 72, il indique que les variations sont plus am
ples pour les prix du blé qui est un produit dont les quantités sont
très variables que pour les prix du drap et de la toile dont les
quantités produites sont sensiblement constantes.
(9) Ad. Smith. Ibid.j t. 1, p. 70.
Pour lui ce sont les frais de production qui ont une
influence dominante sur les prix : (10)
« Ce sont les frais de production qui règlent en der
nière analyse le prix des choses et non, comme on l a
souvent avancé, le rapport entre l’offre et la demande.
Ce rapport à la vérité modifie pour quelque temps la
valeur courante d’une chose, selon que la demande peut
avoir augmenté ou diminué et jusqu’à ce que l'appro
visionnement en devienne plus ou moins abondant ;
mais cet effet n’a qu’une durée passagère. »
Il n’admet pas de variation proportionnelle aux
quantités (11) et sa formule est simplement la suivante :
(( Les produits baissent à proportion qu’on les offre
en plus grande quantité et ils haussent avec le désir
que montrent les acheteurs de les acquérir. »
Enfin Ricardo, quant aux biens régis par l’offre et la
demande, indique que cela est surtout vrai « pour les
produits dont un particulier ou une Compagnie ont le
monopole. »
Il conclut de la même manière qu’il a commencé :
« Mais quant aux choses qui sont sujettes à la concur
rence parmi les vendeurs et dont la quantité peut s'aug
menter dans des bornes modérées, leur prix dépend en
définitive non de l’état de la demande et de l’approvi
sionnement, mais bien de l’augmentation ou de la dimi
nution des frais de production. »
Ainsi effet de la loi limité dans le temps,
pas de variation proportionnelle aux quantités,
action surtout pour les produits monopolisés :
telles sont les trois traits caractéristiques de notre
auteur (12).
III. Stuart Mill.
La position de St. Mill est sensiblement analogue.
(10) Ricardo. Principes de l'Economie Politique et de l’im
pôt. Œuvres complètes de Ricardo. Traduction Constancio et
Fonteyraud. Ed. Guillaumin, 1882. Chapitre 30: « De l’influence
que l’offre et la demande ont sur les prix, p. 318.
(11) Cf. infra , p. 156.
(12) J. B. Say (Cours complet d’Economie Politique 1828, t. III,
p. 528), adoptera une position analogue: il accepte la loi de
�Dans son chapitre : « De l’offre et de la demande
dans leurs rapports avec la valeur » (13), St. Mill dis
tingue trois catégories d’objets :
aj les choses dont la quantité est limitée d’une ma
nière absolue, telles les vins de certains crûs, les sta
tues antiques, les tableaux de maîtres ;
b) les choses qui existent en quantité limitée : coton
nades, lainages ;
c) les choses qui ne peuvent être augmentées en quan
tités qu’avec élévation des frais de production : les pro
duits agricoles, par exemple.
Pour la première la loi de l’offre et de la demande
constitue la loi de la valeur.
Pour la seconde la valeur est déterminée par le coût
de production.
Pour la troisième la loi de l’offre et de la demande
est également déterminante mais surtout pendant le
temps nécessaire pour que la production se règle.
A) Jeu de l'offre et de la demande pour les choses dont
la quantité est limitée d'une manière absolue.
St. Mill définit les termes employés :
l’offre : « cette expression indique la quantité qu’on
offre de vendre la quantité que peuvent acquérir ceux
qui désirent acheter en un temps et un lieu don
nés » (14) ;
la demande — c’est pour lui le désir de posséder (de
mande absolue) combiné avec le pouvoir d’acheter ;
on l’appelle parfois demande effective.
Son effort va ensuite consister à remplacer la notion
de rapport de l’offre et de la demande par la notion
d’équation.
St. Mill envisage successivement les deux hypothèses:
1 J la demande d’un article excède l'offre.
l'offre et de la demande, mais celles-ci ne sont qu’ un effet des
prix et c’est le coût de production qui a un rôle prépondérant
dans la fixation des prix.
(13) Principes d’Economie Politique, i vol. Paris, Guillau
min, 1848. Livre III, chap. IV.
(14) SI. Mill rappelle ici la position de J. B. Say, le prix
est un effet de la demande et la demande est un effet du prix.
Comment expliquer ce paradoxe? J. B. Say l’a expliqué. Il faut
reprendre cette explication.
Il y aura élévation du prix — une élévation de prix
qui ne sera pas proportionnelle (15).
« À quel point s’arrêtera donc la hausse ? Au point
quel qu’il soit, où l’offre et la demande se trouveront
en équilibre, au prix qui fera retirer un tiers de la
demande ou qui fera venir une offre d’un tiers de plus.
Lorsque d’une manière ou de l’autre, ou des deux ma
nières à la fois, la demande se trouvera exactement
égale à l’offre, la hausse n’ira pas plus loin » (16).
Ainsi hausse jusqu’au moment où l’équation de l’offre
et de la demande arrête cette hausse.
2 ° l'offre excède la demande.
Il y aura baisse du prix (17) surtout sensible sur les
objets de première nécessité et les objets de luxe et de
goût destinés à une classe peu nombreuse de consom
mateurs :
« Oue l’offre et la demande soient égalisées par une
augmentation de la demande à la suite de l’abaisse
ment des prix ou par le retrait d’une partie de l’offre,
le résultat est le même, l’égalité. »
Ainsi baisse jusqu ’au moment où l'équation de
l'offre et de la demande arrête cette baisse.
St. Mill conclut :
« Ainsi nous voyons que l’idée de rapport entre l’offre
et. la demande serait déplacée et n’a rien à faire ici :
s’il faut chercher un terme dans le langage des mathé
matiques, il convient d’employer celui d’équation.
Il faut que l’offre et la demande, la quantité offerte
et la quantité demandée soient égalisées. S’il se produit
une inégalité, elle est couverte par la concurrence, et
la chose a lieu par la baisse ou la hausse de la valeur.
Si la demande augmente, la valeur s’élève ; si la de-
(16) Ibid., p. 515.
(17) <( La concurrence agira sur les vendeurs: la quantité excédente ne pourra trouver des acheteurs qu’à la condition que l’on
provoque une demande supplémentaire égale à elle-même. On
n’y parvient que par le bon marché: la valeur s’abaisse et met
l ’article à la portée d’un plus grand nombre de consomma
teurs, on décide ceux qui existent déjà à faire des achats plus
considérables ».
�— 157
l’autre, et la valeur n’est autre que celle qui, sur ce mar
ché, détermine une demande suffisante pour absorber
toutes les quantités offertes ou attendue
Telle est la loi de la valeur pour toutes les marchan
dises qui Ae peuvent être multipliées à volonté. »
B) Jeu temporaire de l'offre et de la demande pour les
choses ne pouvant être augmentées en quantité
qu'avec élévation des frais de production.
La valeur en ce cas est déterminée par l’offre et la
demande mais seulement pendant le temps nécessaire
pour que la production se règle.
Ainsi pour St. Mill deux modifications importantes
sont à retenir :
d’abord au rapport de l'offre et de la demande, il
substitue l’expression d’équation ;
ensuite il cantonne à deux séries d’objets le jeu de
notre loi, d’une manière permanente et prépondérante
aux marchandises qui ne peuvent être multipliées à
volonté ; d’une manière accessoire et temporaire aux
choses qui ne peuvent être multipliées que par accrois
sement du coût de production.
Beaucoup de libéraux contemporains, on le verra plus
loin (18), ont retenu à peu de chose près, la position de
St. Mill.
Mais cette formule a rencontré surtout de nombreux
critiques.
On peut citer :
Ricardo (19) qui récuse la formule mathématique et
se rallie à la formule suivante : les produits baissent à
proportion qu’on les offre en plus grande quantité et ils
haussent avec le désir que montrent les acheteurs de
les acquérir ».
Cournot qui insiste le premier sans doute sur les
erreurs de cette formule.
Dans son ouvrage, Principes de la théorie des Ri
chesses (20) il critique successivement les deux parties
de la formule :
« Les pf’ix varient en raison inverse de la quantité
offerte. »
« C’est trivial, écrit-il si on a simplement voulu dire
que l’offre avilit la marchandise.
C’est une théorie fausse, si les mots « en raison in
verse » sont pris au sens rigoureux et mathématique.
Il faudrait donc qu’un marchand qui dans ses affai
res est pressé de liquider, et qui veut écouler en huit
jours ses marchandises, fît varier ses prix du simple
au décuple : alors qu'il aurait dix mille ou seulement
mille articles du même genre cà écouler : ce qui est visi
blement absurde. »
« Les prix varient en raison directe de la quantité
demandée ».
<( C’est chose encore plus fausse et plus dépourvue de
sens :
fausse, si l’on veut dire que le prix doublera ou tri
plera quand la quantité se débitera effectivement en
quantité double ou triple ;
dépourvue de sens, si l’on n’entend par demande qu’un
désir vague d’acheter la1chose au cas qu’on puisse l’avoir
à très bon marché : ce qui conduit dans les encans tant
de gens qui n’achètent pas.
Donc, conclut Cournot, de quelque côté qu’on envi(19) Principes de l’Economie Politique et de l’Impôt. Œuvres
complètes. Paris, Guillaumin, p. 318.
(20) Cournot. Principes de la théorie des richesses, 1 vol.
Paris, 1833, p. 94.
�— 159 —
sage la prétendue formule, elle n'offre qu’un sens faux
ou l'absence de tout sens intelligible. Aussi ceux qui
se sont accordés à la mettre en avant, se sont-ils pareil
lement accordés à n’en faire aucun usage » (21).
Ailleurs encore dans une Revue sommaire des doctri
nes économiques (22) Cournot raille le mécanisme de
l’offre et de la demande : « Imaginons, dit-il, deux cré
maillères verticales s'engrenant à la même roue, l'une à
droite, l'autre à gauche, de manière que l’une monte
quand l'autre descend ou descende quand l'autre monte,
selon le sens dans lequel on fait tourner la manivelle.
Si l’une des crémaillères dépasse l’autre en hauteur, on
les ramènera toujours au niveau en faisant jouer conve
nablement la manivelle. L’une des crémaillères repré
sente l’offre, l’autre la demande et la variation de prix
fait l’effet de la manivelle. Pour que le prix se fixe, d
faut que l’offre soit précisément au niveau de la de
mande. »
La critique a été depuis lors plusieurs fois reproduite
par les économistes modernes :
Landry (23) écrit : « ils (un certain nombre d’auteurs)
.ne se préoccupent pas de nous apprendre comment, une
certaine offre et une certaine demande étant données
pour une certaine marchandise, la valeur de cette mar
chandise s’établira. »
Edgeworth (24) arrive lui aussi à une formule mathé
matique mais qui n’est pas celle ci-dessus étudiée, va
riations de prix proportionnelles aux quantités.
11 met en équation les données du problème.
S ection H t
Critiques de la première formule
On trouve d'intéressantes critiques de la première
formule classique : l’offre et la demande sont la cause
du prix successivement chez K. Marx, chez Karl Knies,
chez Bœhm Bawerk.
(21) Ibid. Cournot, p. 95.
(22) 1 vol., Paris, 1877, p. 163.
(23) Manuel d'Economique, j vol., Paris, Giard, p. 494.
(24) Mathematical Psychies, p. 41 et La théorie mathéma
tique de l'offre et de la demande. Rev. d’Ec. P., 1891, p. 10.
K. Marx (25) écrit sommairement : « Dès que l’offre et
la demande se font équilibre, les variations de prix
qu’elles avaient provoquées cessent, toutes les autres
circonstances restant les mêmes, mais dans ce cas l’of
fre et la demande cessent aussi d’expliquer quoi que ce
soit. »
Proudhon (26) affirme que la loi de l’offre et de la
demande est presque toujours entachée d’une double
fourberie : dans la pratique odieuse des enchères, dans
le marchandage qui procède d’intentions malhonnêtes,
celle de surfaire le prix du côté des vendeurs, celle de
le rabattre du côté de l’acheteur.
Karl Knies (27) remarque que la loi de l’offre et de la
demande dans la théorie classique suppose quatre sé
ries de circonstances :
1°) que vendeurs et acheteurs sont deux forces pure
ment égoïstes ;
2 ° que pleine liberté est laissée à chacun de réaliser
ses buts égoïstes ;
3° qu’ils ont tous deux une capacité intellectuelle suf
fisante pour être parfaitement et infailliblement infor
més sur l’état réel des marchandises offertes et deman
dées, connaître les exigences à maintenir et les conces
sions à faire ;
4° qu’ils ont le loisir de différer la transaction et d’at
tendre une occasion plus favorable.
Autant de conditions qui ne sont jamais réalisées.-«La
règle sombre sous des constellations d’exceptions. La
loi des prix est vraie sous ces présuppositions, mais
celles-ci visent un monde qui n’est pas le nôtre. »
Enfin Bœhm Bawerk institue une critique très détail
lée de la loi de l’offre et de la demande.
Il classe les auteurs qui ont adopté la loi de l’offre et
de la demande en deux catégories :
a) ceux qui se contentent de déterminer les facteurs
de l’offre et de la demande ;
(25) Le Capital, t. I, chap. X V II, p. 549.
(26) Proudhon. De la capacité politique des classes ouvriè
res, 1 vol., Paris, p. 107 et 108.
(27) 1821-1898. L ’Economie politique envisagée du point de
vue historique. i r* édition, 1853, traduction Defourny.
Cf. Defourny. Karl Knies, Rev, d’Ec. P. 1906, p. 296.
�—
160
—
b) ceux qui allant plus loin essaient d’en prévoir la
combinaison.
Les seconds, Rau et St Mill sont également dans l’er
reur. Rau en affirmant que quand il y a égalité d’offres
et demandes le prix tend à être moyen, c’est-àdire avan
tageux pour les deux parties ; Rau et St Mill en affir
mant que le prix est fixé quand les demandes et les of
fres se font équilibre. La formule est loin d’être irré
prochable : parle-t-on de la quantité des offres et des
demandes ou de leur intensité ?
Les premiers ont fait des analyses de l'offre et sur
tout de la demande en grande partie inexactes.
Pour la demande, ils ont bien distingué les quantités
des demandes et leur intensité : en ce qui concerne la
quantité, ces auteurs reconnaissent eux-mêmes que tou
tes les demandes ne sont pas efficaces : seules influent
les demandes effectives, c’est-à-dire des acheteurs qui
ont la possibilité de payer le prix. Mais il y a des de
mandes même effectives qui sont sans influence sur le
prix : ce sont celles des acheteurs non échangistes.
Quant à l’intensité il y a aussi insuffisance d’analyse
exacte.
Pour l’offre de même la quantité est parfois sans
influence ; l'intensité est aussi insuffisamment analysée.
Bœhm Bawerk conclut (29) :
« Faisons maintenant le bilan de cette théorie :
« Il est vrai mais trop vague de dire que le rapport
de l’olïre et de la demande fixe les prix. 11 est exact,
mais avec une certaine ambiguité, que le prix se fixe
quand l’offre et la demande se font équilibre. Il est vrai
que la puissance de l’offre et de la demande dépend de
leur quantité et de leur intensité. Mais quant à la quan
tité, il est exagéré de tenir compte de toutes les quan
tités effectivement offertes ou demandées ; quant à l’in
tensité, on a raison de tenir compte de la valeur respec
tive pour chaque partie de ces marchandises et du prix,
mais on a tort de faire intervenir leur solvabilité et sur
tout on erre absolument quand on détermine la valeur
(28) Ibid. K ni es, p. 240.
(29) Résumé présenté par H. St-Marc. Revue d’Ec. Pot. 1888,
p. 226.
de la marchandise pour le vendeur par son coût de pro
duction.
« En définitive, moitié vraie, moitié fausse, équivo
que et incomplète, telle est la loi de l’offre et de la
demande. »
S ection IV
Un aspect nouveau : l'offre et la demande
sont elles-mêmes fonction du prix
Au lieu d’affirmer que l’offre et la demande sont cause
du prix, un autre courant moderne beaucoup plus im
portant affirme que l’offre et la demande sont fonction
des prix.
On trouve cette formule d’abord chez Cournot (30).
Elle signifie d’abord pour lui que lorsque la demande
croît, le prix croît aussi ; mais il admet aussi que d’au
tres variations possibles de la demande peuvent être
fonction d’autres éléments, chiffre de la population,
goût des consommateurs, facilités de transport, etc.
La fonction est d’ailleurs pour lui continue, mais
avec des exceptions.
Une affirmation analogue se retrouve dans l’œuvre de
Walras (31). Ce dernier envisage en effet la détermina
tion non plus d’un prix, mais de tous les prix qui pour
lui sont en mutuelle dépendance.
» Les prix ou les rapports d’échange, écrit L. Wal
ras (32) sont égaux aux rapports divers des quantités de
marchandises échangées : ils sont réciproques les uns
des autres. »
La demande ou l’offre effective d’une marchandise
contre une autre est égale à l’offre ou à la demande ef
fective de cette autre multipliée par son prix en la
matière. » (33)
Des formules mathématiques et des courbes illustrent
ses théorèmes.
(30) Cournot. Principes de la Richesse, i vol., Paris, 1S3S,
p. 94 et suiv.
Cf. G. Pirou. Les théories de l’équilibre économique. I . Wal
ras et V. Pareto. 1 vol., Paris. Ed. Pomat-Montchrcstien 1934,
p. 113 et suiv.
(31) Eléments d’Economie Politique pure, 1874-1877.
(32) Elém., p. 49.
(33) Elém. p. 50.
�— 163 —
§ II.
L es F o rm ules A c t u e l l e s
DF, LA LOI DE L ’OFFRE ET DE LA DEMANDE
On peut classer les auteurs contemporains en ce qui
concerne la loi de l’offre et de la demande en quatre
groupes :
a) les auteurs qui attachent à la loi de l’offre et de
la demande une importance exceptionnelle. Sect. I :
Le Dithyrambe ;
b) les auteurs qui tiennent compte de l’évolution cidessus retracée, acceptent une loi de portée limitée.
Sect. II : L’affirmation modérée.
c) les auteurs qui la repoussent en reprenant les cri
tiques ci-dessus rapportées. Sect. III : La critique né
gative ;
d) quelques-uns reprennent sur de nouvelles bases
le problème et formulent des lois séparées de l’offre,
des lois séparées de la demande. Section IV : Un nou
vel effort constructif.
S ection
I
Le Dithyrambe
Paul Beaurcgard et Paul Leroy-Beaulieu sont à peu
près isolés et adoptent presque seuls cette première at
titude.
Le premier, dans un article du « Monde Economi
que » (34), donne un exposé de la loi fameuse .
« Quel est en effet le jeu de la loi de l’offre et de la
demande ?
Il est fort simple. Il consiste à éliminer dans l’échan
ge ceux des vendeurs et des acheteurs qui ne peuvent
pas trouver leur contre partie. Tel vendeur se retirera
jugeant les prix offerts insuffisants, tel acheteur aug
mentera sa demande pour profiter d’une bonne occasion
ou réciproquement.
Finalement le commerce ne laisse en présence (35)
que ceux des acheteurs et des vendeurs qui consentent
(34) Monde Economique. 4 septembre 1897, t. II, p. 289.
Erreur économique: la loi de l’offre et de la demande.
(35) Trop vague souvenir de l’analyse de l’Ecole Autrichienne.
à payer ou à recevoir le meme prix. C’est à ce prix que
se fixe l’échange et l’on dit qu’il est déterminé par la loi
de l’offre et de la demande. »
P. Beauregard remarque que la loi n’est donc pas un
simple rapport de quantités (36) ; il affirme que tous les
sentiments qui entrent en jeu dans l'âme humaine trou
vent ici leur place (37).
Il conclut :
« La loi de l’offre et de la demande enferme donc en
elle tous les éléments susceptibles d’influencer la va
leur. C’est dès lors une hérésie que de prétendre qu’elle
n’explique pas tout. Elle explique tout, parce qu elle
comprend tout et que à tout ne saurait s’adapter quel
que chose (38). »
Du point de vue critique pareil lyrisme paraît suffi
samment jugé par son énoncé même !
Paul Leroy Beaulieu (39) est, avec moins d'exagéra
tion formelle, assez sensiblement de la même opinion.
Dans son Traité d’Economie politique, il affirme :
« Une valeur tend d’autant plus à la hausse qu’elle
est plus demandée ; elle tend d’autant plus à la baisse
qu’elle est plus offerte. »
C’est de la combinaison de la demande et de l’offre
que ressort la valeur d'échange.
Il insiste sur la portée générale et non scientifique de
cette loi (40), critique la formule mathématique et con
clut :
« Il n’en résulte pas le moins du monde que la loi de
l’offre et de la demande en soit infirmée. C'esl la loi
(36) « En réduisant la loi de l’offre et de la demande à un
simple rapport de quantités, on l’anéantit. î\ul en effet ne sau
rait isoler des autres l’un quelconque des éléments qui influent
sur la demande. Tous agissant en même temps, il est impossible
de déterminer l ’influence spéciale de l’un quelconque d’entre
eux. »
(37) Dans le même article l’auteur affirme que la loi équi
vaut au principe d’ équivalence en utilité sociale.
(38) Plus loin encore: « C’est la loi profonde qui permet aux
sociétés humaines d’évoluer dans le sens de la liberté indivi
duelle, de l’affranchissement des initiatives, du développement
de la personnalité ».
(39) Traité d’Economie Politique, t. III, p. 62.
(40) « Elle a cours dans les milieux les plus obscurs et les
plus impénétrables aux enseignements scientifiques ».
�— 165 —
— 164 —
souveraine (41), la loi ultime. C’est elle qui détermine
toutes les valeurs. »
Il ajoute assez naïvement d’ailleurs : « Cette loi, tou
tefois, ne donne en elle-même que des indications géné
rales, qui ne laisseront pas que d’être un peu vagues. »•
Ainsi chez P. Leroy-Beaulieu, dithyrambe moins
exalté, mais dithyrambe tout de même.
S ection II
L'affirmation modérée
La plupart des économistes contemporains, surtout
ceux de l’Ecole libérale, acceptent la loi de l’offre et
de la demande, mais avec quelques réserves.
d Eichial (42) affirme :
« L'idée la plus simple qui est venue à l’esprit des
observateurs, parce qu elle résultait d’une constatation
souveraine de faits réels et fréquents, est que l’offre (43)
varie presque exclusivement suivant ce qu’on appelle
la loi de l’offre et de la demande, c’est-à-dire en propo
sition inverse de l’affluence des offres d'un même ob
jet. »
Il repousse la forme mathématique de la loi, constate
que la quantité des objets offerte influe bien sur leur
valeur, mais cette mesure est très variable. Elle dé
pend à la fois de 1 intensité des désirs au moment de
l’échange, parfois des conditions de la possibilité de
satisfaction des désirs. »
Et d’Eichtal conclut : « C’est bien la loi de l’offre et
de la demande qui a agi. mais vue par l’esprit humain,
c’est-à-dire modifiée par les facultés de jugement qui
sont propres à l’esprit humain (44). »
Ch. Turgeon (45) accepte la formule classique :
(41) C ’est nous qui soulignons.
(42) d’Eichtal. La Formation des Richesses. 1 vo.l, Paris, 1906,
p/76.
(43) Sans doute l ’auteur veut-il dire le prix.
(44) 11 propose en note un nouveau nom: « La loi de l’offre
et de la demande devrait s’appeler la loi des offres récipro
ques et inverses ».
(45) Ch. Turgeon. Etude critique de la loi de l ’offre et de
la demande. J. des Economistes 15 juillet 1925, p. 25-50,
(46) P. 46.
• <
« Il est inévitable que, si les demandes dépassent les
offres, les prix tendent à monter et qu'inversement,
si les offres excèdent les demandes, les prix tendent à
baisser (47).
,
Il insiste sur le caractère de la loi « qui n’a rien de
la nécessité des lois naturelles, ni de l'obligation des
lois civiles (48). Mais il s’agit bien d’une loi qui, en révé
lant les fluctuations des prix, influe sur les détermina
tions des hommes et partant sur la direction des mar
chés (49).
M. Colsori (50) adhère en ces termes à la loi de l’offre
et de la demande :
u Ainsi, ce que les économistes veulent dire, quand
ils enseignent que la loi de l’offre et de la demande
règle seule les prix, c’est que l’offre et la demande
résument et englobent (51) les effets de toutes les influ
ences susceptibles de modifier les prix, que ces in
fluences n’agissent réellement que dans la mesure où
elles modifient les conditions de l’offre ou celles de la
demande, en sorte que les conditions déterminent, seu
les, pour chaque marchandise et chaque service, le prix
de vente et la quantité vendue, à une époque et dans
un lieu donnés. »
Ch. Gide dans ses ouvrages (52) affirme :
« Pour sortir de ce cercle, les économistes abandon
nant la recherche vaine de savoir si c’est l’offre et la
demande qui déterminent le prix ou le prix qui déter
mine l’offre et la demande, s'attachent seulement à pré
ciser les rapports qui existent entre ces divers faits,
et cette analyse à été poussée à fond par les économis
tes contemporains. »
M. Camille Perreau adopte une attitude analogue (53).
Les philosophes aussi, M. Bergson en particulier,
auraient une particulière sympathie pour notre loi.
(47, 48 et 49) Ibid., p. 47.
(50) Cours d’Economie Politique. Edition définitive, 6 vol.,
•91 5~l9i8, t. I, p. 50. — Cf. t. 1, p. 307.
(51) En italiques dans le texte.
(52) Cours d’Economie Politique, t. I, p. 574. io* édition,
Libr. du Rec. Sirey, Paris, 1930.
(53) Cours d’Economie Politique, 2 vol. Paris, Libr. gén. de
Droit e’t de jurisprudence, t . I, 6e édit. 1935, p. 339.
�— 1G7 —
M. Halbwachs disait à cet égard dans une récente
conférence (54) : « M. Bergson qui fut mon professeur
de philosophie, avait l’habitude de nous dire — il est
très anglo-saxon d’esprit et restait très près d’Adam
Smith : Parmi les sciences sociales (il n'aimait pas
beaucoup la sociologie) il n’y en a qu’une qui soit
vraiment constituée, c’est l’économie politique, parce
quelle a trouvé une loi, la loi de l’offre et de la de
mande. »
Les hommes d’Etat s’y réfèrent couramment : lisons
à litre d’exemple ce passage d’un discours de M. Léon
Blum, président du Conseil, à Chartres, le 21 février
1937 (55) : « Par le jeu mécanique de la loi que vous
connaissez bien, aux causes légitimes de hausse vien
nent s’ajouter ces éléments de hausse qui tiennent pré
cisément au jeu de l’offre et de la demande (56). »
V. Pareto (57) nous peut servir de transition entre les
écrivains de ce groupe et ceux du suivant.
Pour lui la loi n’est vraie que dans un cas spécial,
dans le cas où « il s’agit de marchandises telles que
l’ophélimité de chacune d’elles ne dépend que de quan
tités de celle marchandise et reste indépendante des
quantités consommées des autres marchandises. »
Dans tous les autres cas la loi n’est pas exacte.
S ection I I I
La Critique négative
Un certain nombre d’économistes contemporains re
tiennent les critiques ci-dessus exposées de la loi de
l’offre et de la demande, au point de rejeter la valeur de
cette loi.
G. Tarde (58) critique « la fameuse loi de 1offre et de
(54) Les méthodes en science économique. Le point de vue
sociologiques dans X crise. Centre polytechnicien d’études écono
miques. Fév. 1937, p. 28.
(55) Temps, 23 février 1937.
(56) Et l’auteur affirmait qu’à cette date: « C’est le produc
teur qui fait la loi, et c’est le producteur qui impose à la con
sommation des prix, dans bien des cas, exagérés et illégitimes ».
(57) Manuel d’Economie Politique. 1 vol. Paris, Giard, 19
p. 159.
(58) Psychologie économique, 2 vol. Paris, t. I, p. 47.
la demande qui a été regardée si longtemps comme la
clef d’or de la théorie de la valeur. »
« Cette loi est une formule à la fois vague et com
mode, — commode parce qu’elle est vague et de là son
immense succès — de la manière dont s’opèrent les va
riations des prix, mais elle ne donne nullement les cau
ses de ces variations. »
L’auteur reprend les critiques ci-dessus exposées :
il n’existe aucune proportionnalité entre l’augmentation
de l’offre et de la demande et le degré de hausse ou de
baisse ; la loi ne tient pas compte du taux où se fixent
les prix ;
enfin — et c’est pour lui la critique fondamentale,
l’offre et la demande avec leurs variations devraient
être connues des parties pour avoir leur effet.
L’augmentation ou la diminution des offres et des
demandes qui a une action véritable sur les prix n’est
pas l’augmentation ou la diminution réelle, mais l’aug
mentation ou la diminution crue ou imaginée.
En dernière analyse c’est donc l’opinion qui demeure
maîtresse des prix et par là pour Tarde s’opère le
retour des éléments psychologiques.
A la loi de l’offre et de la demande classique, Tarde
substitue la loi de l’Ecole Autrichienne, la fixation des
prix par le couple limite.
De Tarde (59) repousse la loi de l’offre et de la de
mande comme formule nouvelle :
« Si la loi de l’offre et de la demande, par exemple,
peut être conçue comme une tendance générale, cepen
dant l’effet de cette loi est très variable suivant les mar
chés, c’est-à-dire suivant l’état psychologique commun
aux acheteurs de chaque marché. Sur celui-ci une dé
pression trop brusque des prix amène un retrait, une
réaction belliqueuse de l’offre ; sur tel autre il n’amène
rien du tout qu’une soumission passive ; chez tel peu
ple novateur, la baisse du prix d’un objet étend sa
consommation ; chez tel autre elle est accep
tée comme un bénéfice et ne provoque que lentement
l’accroissement de la consommation. On voit combien
il est hasardeux de donner une formule universelle à
(59) L'idée de juste prix. 1 vol. Paris, 1907, p. 254.
�— 168 —
— 169 —
celle soi-disant loi (60), et surtout une formule mathé
matique, laquelle n’est et ne peut être qu'insignifiante
ou fausse ».
F. Simiand (61) affirme que la loi de l’offre et de la
demande n'a qu’une valeur hypothétique.
Dans l’Année Sociologique l’argumentation de Si
miand comporte les critiques suivantes :
1° « d’abord la loi de l’offre et de la demande ne fixe
pas le prix ab inlegro : elle ne fait que tendre à ramener
le prix du marché d’un produit au niveau du prix réel
ou de la valeur de ce produit dans le milieu donné »
ainsi elle suppose une estimation sociale préexistante ;
2° ensuite elle suppose aussi un état social donné assez
avancé et assez spécial : elle suppose une appro
priation préalable, une propriété susceptible d’aliéna
tion à la volonté du propriétaire ;
3° encore elle suppose nécessairement que les deux
échangistes en présence aboutissent à conclure. Or c’est
là une hypothèse gratuite et illégitime ;
4° enfin elle suppose un marché libre défini par l’Ecole
mathématique ; ce qui n'est pas toujours, ce qui n’est
même jamais absolument réalisé.
La loi n'a donc qu’une valeur hypothétique : elle
n’est pas une loi de la réalité économique observable.
M. Maurice Ilalbwachs, professeur à la Sorbonne,
dans une récente causerie (62) appréciait ainsi la loi de
l’offre et de la demande :
« Si on regarde d’un peu près cette loi, cependant,
elle paraît quelque chose d’extrêmement simple. Si
vous appelez l’offre le contenant, la demande le contenu,
et que vous augmentiez le contenu, le niveau, c’est-àdire le prix, hausse et inversement le contenant,
c’est-à-dire l’offre, restant le même. C’est une vérité
élémentaire et c’est une vérité qui n’est même pas d’or
dre social et humain. Comment, avec une proposition
de ce genre, aurait-on pu expliquer toute la réalité
économique. C’est le type d’une loi strictement
vide. » (63)
Enfin L. Dechesne (64) observe que le mécanisme dé
crit est fort éloigné de la réalité : « Dans ce domaine,
comme dans bien d’autres, l’économie politique s’est
encore insuffisamment dégagée de l’obscurité des abs
tractions métaphysiques, accrue encore par le déchaî
nement vertigineux des raisonnements mathématiques.
On se contente trop souvent, après avoir pris des
hypothèses fort éloignées de la réalité, de déclancher
la mécanique des syllogismes : s’élevant alors vers les
hauteurs de la spéculation on a vile achevé de perdre
de vue la société terrestre. »
Et il cite l’exemple du marché aux légumes de Liège:
<( La nuit qui précède le marché, les maraîchers se réu
nissent dans les cafés du voisinage et fixent d’avance
les prix minimum qu’ils s’engagent à observer pendant
toute la durée du marché... Ils ne peuvent consentir
des rabais qu’au moment de la clôture avant de s’en
aller, afin d’épuiser leur stock. Dans les halles les prix
sont également réglés par des ententes préalables. »
Encore G. Valois (65) trouve cette loi erronée : « elle
n’a guère plus de valeur scientifique que les vérités de
M. de la Palice. » (66)
(60) C’est nous qui soulignons.
(61) Simiand. Analyse de l’ouvrage d’Effertz. Année Sociolo
gique, t. X, 1905-06, p. 513.
Revue de Métaphysique et de Morale. Nov. 1908, p. 900.
(62) La Méthode en sciences économiques. Le point de vue
sociologique dans X crise. Centre polytechnicien d’études éco
nomiques. Fév. 1937, p. 28.
IV
L'effort constructif
S ection
D’autres auteurs contemporains se livrent à un nou
vel effort constructif. Il y a tendance à envisager sépa
rément la loi de l’offre et de la demande.
(63) Il y oppose les alternances de prospérité et de crise
d’après les recherches de Simiand, qui constituent pour lui une
« régularité » ou une « répétition » autrement réaliste.
(64) Le Capitalisme, la libre concurrence et l’économie diri
gée. 1 vol. Paris, 1934, p. 84 et suiv.
(65) L ’Economie Nouvelle. 1 vol. Paris, p. 76-79.
(66) Cf. Laveleye, qui y voyait le « truisme des cuisinières ».
�— 170 —
A) La loi de la demande.
C’est Marshall (67) qui l’un des premiers s’engagea
dans cette nouvelle voie : la quantité d’un bien de con
sommation, vendue sur un marché et dans un telnps
déterminé, varie en sens inverse du prix.
D’où il résulte que si le prix augmente, toutes choses
égales d’ailleurs, la quantité demandée à ce prix, la
quantité qui trouve un débouché à ce prix diminue et
inversement si le prix diminue, la quantité augmente.
Marshall donne de sa loi une représentation géomé
trique et il construit les courbes de la demande (68).
A sa suite et plus récemment Umberto Ricci pré
cise avec des calculs malhématiques, le fondement psy
chologique de la loi de la demande (69).
D’autres études également mathématiques dues à
M. Henri Schulz ont précisé davantage encore et vérifié
la loi de la demande (70).
Moore (71) donne deux nouvelles formules séparées
de ce qu’il appelle d’une part la loi de la demande et
d’autre part la loi de l'offre.
La loi de la demande (72) qu’il prétend formuler doit
être plus en contact avec le réel que les lois abstraites
et statiques des théoriciens de l’équilibre économique.
Pour y parvenir, il définit deux taux dont il fait un
usage nouveau : l’élasticité de la demande et la flexi
bilité du prix.
67) 1842-1924.
Principles of Economies. Londres, ir® édit. 1890, t. II, 1919,
t. III, 1923.
Traduction fr. par Sauvaire Jourdan, sous Ce titre: Principes
d'Economie Politique. 2 vol. Paris, Giard, t. I, 1907, t. II, 1909.
(68) On en trouvera une reproduction acceptable dans l’article
de Umberto Ricci, la loi de la demande individuelle et la rente
du consommateur. Rev. d'E. D. 1926, p. 10.
(69) U. Ricci. The psychological foundation of law of
Demand. The journal of political Economy. 1932 april, p. 145.
(70) H. Schulz. Interrelations of demand. The journal of poli
tical economy. 1933, August, p. 433.
H. Schulz. Interrelation of demand and Income, Ibid. 1935
April, p. 433(71) Cf. G. Pirou. Les Nouveaux Courants de la théorie éco
nomique aux Etats-Unis, fasc. I. Paris, Ed. Domat-Montchrestien 1935, p. 280 et suiv.
(72) Synthetic (Economies. 1 vol. New-York. Mac Millan,
1929, chap. V.
— 171 —
L’élasticité de la demande, c’est pour lui le rapport du
changement dans les quantités demandées au change
ment dans les prix. C’est en somme la modification de
la demande pour changement du prix.
La fléxibilité des prix c’est le rapport du changement
dans le prix au changement dans les quantités deman
dées. C’est donc le prix se modifiant par suite du chan
gement dans la demande.
C’est ensuite par l’étude des prix et des graphiques
des prix qu’il arrive a une loi nouvelle : il opère ainsi
sur les pommes de terre pour la période 1881-1900 —
article où le prix est fonction de la production.
Il dégage la notion de Irend, c’est-à-dire la tendance
générale du mouvement d’ensemble des variations :
la notion de price ralio, c’est-à-dire le rapport du
prix au trend,
la notion de production ralio, c’est-à-dire le
rapport de la production au trend.
Il en dresse les trois courbes.
Il établit alors que lorsque la production est en des
sus du trend de tant, le prix est au-dessus du trend de
tant et inversement (73).
Ainsi la loi de la demande — valable d’ailleurs pour
un produit, une époque, un pays —■donne pour ce pro
duit les variations du prix en fonction de la demande
seule.
M. René Roy (74) dans une autre direction, a cher
ché à établir un lien entre la consommation d’un article
et ses prix. 11 distingue d’ailleurs les consommations
relatives aux objets de première nécessité et les autres.
Il arrive ainsi à une formule mathématique (75) qu’il
dénomme « expression différentielle de la loi de la
demande.
(73) Moore développe ensuite l’application de sa loi dans un
cas plus compliqué avec plusieurs variables indépendantes et
la résout par des équations mathématiques très savantes.
(74) Les lois de la demande. Rev. d’E. P. 1931, p. 119-. Com
munication au Congrès international des mathématiciens de
Bologne. Metron, rev. intern. de statistique.
(75) L ’élasticité de la demande. Rev. d’E. P. 1934, p. 1178,
soit p le prix, exprimé en variation de la valeur initiale
de l’index, q la quantité exprimée également en variation de
�— 173 —
Il donne dans l’article précité d’assez nombreux exem
ples qui pour lui semblent vivifier sa formule, encore,
dit-il, qu’il ne prétende pas être parvenu à des conclu
sions définitives.
Parmi les disciples de Moore, il faut citer H. Schultz
(76), qui applique la méthode au sucre, au blé, à l’avoi
ne, aux pommes de terre, au foin, au riz, à l’orge et au
sarrazin.
Mme Gilby l'applique au café, au cuivre, aux expor
tations et aux importations britanniques, au lait et au
beurre (77).
Les résultats (78) semblent confirmer la loi de l’offre
et de la demande.
Moore et ses disciples ont essayé de tirer des prévi
sions de leurs formules (79) prévisions que les faits
n’ont pas toujours confirmées.
En résumé l’œuvre de Moore et de ses disciples immé
diats apporte confirmation certaine à la loi de l’offre
et de la demande.
B) La loi de l offre.
Marshall de môme donne de la loi de l’offre une for
mule sensiblement symétrique à la formule de la loi
de la demande :
El ici nous rencontrons un exemple de cette loi pres
que universelle à savoir que : un accroissement dans la
quantité demandée fait hausser le prix d’offre normal
d’une courte période » (80).
la valeur initiale de l’index de quantité, À le coefficient de
proportionalité ou d’élasticité, on aurait la relation
q = X p
Par ex. une augmentation de prix de io % entraîne une réduc
tion de consommation de 3 %.
(76) M. H. Schulz. Statistical Caus of demand and supply,
with spécial application to sugar. Chicago 1928.
(77) M. Gibboy. The Leontuf and Schultz méthode of deriving demand curves. Quaterly journal of Economies fév. 1931.
— Studies in demandes: milk and butter.
(78) M. Ricci. Elasticita dei bisogni, délia demanda e dell’
offerta. Giornale degli Economisti Août et oct. 1924. Substitue
aux courbes de la demande les courbes de dépenses.
(79) Cf. Aftalion, op. cit., p. 236.
(80) Principes d'Economie Politique.Paris, Giard, 1909, 2 vol.,
trad. fr. Sauvaire-Jourdan, t. II, p. 60.
Il y a d’ailleurs des hypothèses plus complexes (81).
Pour un travail analogue et par des schémas sem
blables à ceux utilisés par la loi de la demande, Moore
étudie en second lieu la loi de l'offre.
L’essentiel est alors pour lui l’élasticité de la produc
tion, c’est-à-dire le rapport du changement relatif dans
les quantités au changement dans les prix.
Il étudie de ce point de vue la pomme de terre encore
pour la période 1900-1913.
Il souligne l’influence des prix d’une année sur la
production de l’année suivante.
Il arrive ainsi à une loi de l’offre, toujours spéciale à
un produit, à un pays et à une période.
En résumé un effort analytique pour dégager à l’aide
,des statistiques et des courbes, l’influence de la produc
tion sur le prix (loi de la demande) et l’influence des prix
sur la production (loi de l’offre).
B) Les conlinualeurs de Moore.
Le point commun des continuateurs de Moore est un
élargissement du problème.
M. Léontieff (83), au lieu des courbes d'offres et de
demandes réelles, substitue les courbes d’offre et de
demande les plus probables.
Les résultats qu’il obtient sont contestés.
M. Pigou (84) entre dans le détail des conditions de
vente : il remarque que les prix enregistrés au cours
d'une semaine ne se confondent pas avec les prix des
marchandises livrées au cours de la même semaine qui
l’ont été en vertu de contrats antérieurs. Il entre alors
(81) Voir le graphique, p. 32.
(82) Ainsi pour le prix d’offre des biens employés dans une
production quelconque, on trouve la formule suivante:
« Le prix qui sera offert pour une chose quelconque employée
dans la production d’une marchandise, est, pour chaque quan
tité séparée de la marchandise, limité par l ’excédent du prix
auquel cette même quantité de la marchandise peut trouver
des acquéreurs sur l ’ensemble des prix auxquels s'élèveront les
offres correspondantes des autres choses nécessaires la produc
tion de cette marchandise ».
(83) Wassily Léontief. Em Versuch zur statistichen Analyse
von Angebot und Nachfrage Weltwirtchafliches Archiv. Band
X X X Heft I, juillet 1929.
(84) The statistical détermination of demand curves. Econo
mie journal. Sept. 1930.
�— 175 —
dans l’étude des facteurs d’influence possible. Il obtient
des résultats sensiblement différents dans la construc
tion des courbes.
Le mouvement se poursuit dans le sens d’une compli
cation croissante des facteurs étudiés.
En résumé les travaux contemporains (85) sur la loi
de l’offre et de la demande par l’étude des courbes con
firment l’exactitude mais aussi la relativité de cette loi.
11 faut noter encore dans cet effort constructif une
théorie plus amorcée qu’achevée (86) sur l'offre
conjointe. C’est le cas de deux ou plusieurs biens ayant
des marchés différents, mais produits en même temps,
avec un coût de production global unique.
Ainsi pour le bétail, la viande, la peau, les os et les
cornes, pour la houille, le gaz d’éclairage et les autres
produits de la distillation.
« Les prix sont alors déterminés par le prix de re
vient de l’ensemble. La proportion dans laquelle chaque
produit vendu est obtenu est déterminée par les condi
tions techniques de la production ; le développement de
cette production est réglé par les conditions que la tota
lité des produits puisse être vendue à un taux rémuné
rateur, le prix de vente respectif de chacun d’eux
résultant de la demande qui lui est propre » (87).
§ III. E x a m e n critique
Il s’agit maintenant de vérifier la loi de l’offre et de
la demande retenue sous sa formule la plus courante :
Les produits sont d’autant plus chers qu’ils sont plus
demandés et moins offerts.
On peut pour suivre cet examen, distinguer trois
aspects :
Il y a d’abord ce que l’on peut appeler le jeu nor
mal de l’offre et de la demande. Section 1 ;
il y a ensuite une certaine action exercée soit sur
(85) Cf. Norman Silberling.
Les Représentations graphiques des lois des prix. American
Economie Review. Sept. 1924.
(86) Colson, op. cit., t. I, p. 242 et suiv.
G. H. Bousquet. Institutes de science économique. Paris,
Rivière, t. III. La Production et son marché, p. 274.
(87) Colson, op. cit., p. 244, t. I.
l’offre soit sur la demande : c’est ce que l’on a dénommé
dans le langage moderne la valorisation. Section II ;
il y a enfin un effort scientifique assez récent pour
examiner minutieusement les courbes de prix et y cher
cher une confirmation ou une infirmation de notre loi.
Section III.
I
Le jeu normal de l'offre et de la demande
S e c t io n
Très nombreuses sont de ce point de vue les obser
vations soit sur le plan national soit sur le plan inter
national.
Sur le plan national et sans entrer ici dans de trop
nombreux détails, il paraît certain que la raréfaction
de l’offre amène bien une hausse des prix comme la
multiplicité de la demande ; de même l’abondance de
l’offre et la rareté de la demande provoquent une baisse
des prix.
Les principaux et plus significatifs exemples peuvent
être tirés soit en régime normal (88) des variations de
prix dues aux fluctuations saisonnières de la produc
tion, en matière des primeurs par exemple — soit en
régime de crise, notamment pendant la grande guerre
1914-1918 : la raréfaction des produits alimentaires
comme des biens nécessaires à la guerre tendent à ame
ner une hausse et amena de fait une hausse des prix
que l’on s’efforça d’enrayer (89).
Sur le plan international, il suffira d’évoquer ici deux
séries de faits bien connus :
D’abord et pendant la grande guerre, la hausse des
prix des objets d’alimentation et matière nécessaire à la
conduite de la guerre qui se dessina après 1914 et
avant l’entrée en guerre des Etats-Unis (90).
(88) On cite encore comme cas typique la détaxe du sucre
en France (à la suite de la Conférence de Bruxelles de 1902)
qui provoqua un relèvement de 34 % dans la consommation
française du sucre, au point d’étonner les producteurs euxmêmes.
(89) On peut mentionner aussi la pratique courante des mar
chés et des bourses soit de valeurs, soit de marchandises.
(90) Cf. Publication de la Dotation Carneggie pour la paix.
�Ensuite et pendant la crise économique mondiale la
surproduction pour de nombreux produits qui amena à
une baisse quasi verticale des prix (91).
II
La Valorisation
S ection
Il s’agit ici d’actions consenties ou voulues assez sou
vent sur la demande, plus ordinairement sur l’offre qui
ont reçu l'appellation de valorisation. On entend par là
un effort pour régulariser le cours de certaines mar
chandises en agissant soit sur l’offre le plus souvent,
soif sur la demande plus rarement.
La caractéristique de cette série de faits est ici
l’intervention voulue soit sur l’offre soit sur la demande:
il y a expérience (92).
On peut pour plus de facilité, passer successivement
en revue les principaux produits pour lesquels a été
tentée cette valorisation : le blé, le café, les raisins secs,
les agrumes (citrons et oranges), le soufre, le caout
chouc, la soie, le colon...
I. Le blé el quelques produits agricoles (93).
On peut affirmer que dans beaucoup de pays, notam
ment en France, la politique suivie par les gouverne
ments, est une politique de valorisation indirecte.
Sans entrer ici dans les détails de la législation fran
çaise contemporaine, la politique actuelle (94) qui con
siste à pratiquer un prix national différent du prix du
marché libre, implique dans une certaine mesure une
politique de valorisation, qui s’affirme par la réduction
des emblavures.
(91) Aftalion. L ’Equilibre dans les Relations économiques inter
nationales. 1 vol., Paris, Ed. Domat-Montchrestien, 1937, p. 102
et suiv.
(92) P. Clerget. Les récentes expériences de valorisation (café,
souffre, raisins secs, agrumes). Questions pratiques de législa
tion ouvrière, p. 21-29, J9°7*
A. Andréadès. Une nouvelle expérience économique: la crise
de surproduction des raisins de Corinthe. Rev. écon. intern.
avril 1909.
(93) Cf. Philip. La crise et l’économie dirigée. 1 vol. Paris.
Ed. de Cluny, 1935, p. 65 et suiv.
(94) La France économique (annuel) numéro spécial de la
Revue d'Economie Politique, depuis 1932.
Nogaro. Les prix agricoles mondiaux et la crise. 1 vol. Lib.
gén. du Droit et de jurisprudence. Paris, 1936.
Il existe aussi en Tchécoslovaquie un office des
céréales (95) créé en 1934, qui paraît par les méthodes
de valorisation avoir obtenu des résultats jusqu’ici assez
satisfaisants.
Pour la première année de son activité (30 juin 1934
au 30 juin 1935) l’Office tchécoslovaque des céréales a
racheté 1.807.668 tonnes métriques de céréales ainsi
réparties :
Froment735.042 tonnes métriques
Seigle
385.357
»
Orge
418.467
»
Avoine
218.013
»
Maïs
50.769
»
Les prix semblent avoir été heureusement relevés.(96)
Dans de nombreux pays, il n’y a pas eu valorisa
tion par réduction directe des emblavures, mais seu
lement par mesures tendant à ce résultat.
En Grande-Bretagne, la subvention prévue par la
loi sur le blé de 1932 n’est versée intégralement jus
qu’en 1937 que pour une production limitée (27 millions
de c. w. t.).
En France, à partir de 1932, on procède à des achats
de blé en vue de la dénaturation, pour rendre le blé
impropre à la consommation humaine et on donne de
nombreuses facilités d’emmagasinage avec système de
reports et garantie d’un prix minimum.
Il faut mentionner dans le même sens les mesures
aux Etats-Unis depuis 1933 pour les produits agricoles:
elles sont contenues dans l’Agricultural adjustement act
prises après que celui-ci eut été déclaré contraire à la
constitution, mesures destinées à équilibrer la pro
duction.
Les premières consistent surtout en des primes et
indemnités versées aux producteurs s’engageant à ré
duire leurs ensemencements de blé el de maïs, en des
achats de truies et de porcs destinés à l’abatage : dans
(95)
Europe Nouvelle. 28 septembre 1935, p. 940: Ladislav
Feierabend. Les résultats obtenus par l ’offre des céréales.
(9,6) Cf. Laufenburger. Le Commerce et l’organisation des mar
chés. 1 vol., Paris. Ed. Domat-Montchrestien, 1938, p. 575.
�—
178
—
les deux cas on dégage heureusement le marché et on
réalise une hausse de prix.
Les secondes sont moins orientées dans le sens d’une
restriction de la production mais dans le sens d’une
adaptation selon la qualité du terrain.
De même aux Pays-Bas on constate une valorisa
tion des produits agricoles par restriction de la pro
duction : limitation des ensemencements — limitation
de la production des pommes de terre : réduction de
l’élevage des bêtes à cornes et des porcs : limitation de
l’incubation des œufs autorisé pour les seuls produc
teurs détenteurs de produits spéciaux ; réductions sen
sibles pour la production des légumes, des petits fruits
et des fromages.
De même encore au Danemark, relèvement du prix
opéré par l'Etat grâce à l’achat et à l’abatage du bé
tail et même pour la réduction de l’élevage des
porcs (97
—
179
-
abondante provoque un effondrement désastreux des
cours.
Après divers essais d’ailleurs inefficaces pour en
rayer la production (100), l’expérience de valorisation
débuta en 1906.
Elle est d’abord menée séparément dans chacun des
Etats producteurs associés (101).
Les trois Etats Brésiliens de Sao Paulo, de Bio de
Janeiro et de Minas Geraes passent l’accord suivant :
les trois Etats s’engagent à acheter sur les marchés
du Brésil la quantité de sacs nécessaires pour dégager
le marché, pour équilibrer l’offre et la demande et main
tenir les cours à un taux rémunérateur. Les cafés ainsi
achetés sont warrantés sur les grands marchés du
monde et mis en vente progressivement (102).
Les résultats pour cette première période paraissent
avoir été favorables : l’Etat de Sao Paulo retire pro
gressivement de la circulation environ sept millions de
sacs, qu’il entrepose au Brésil et dans les divers ports
d’Europe. Les prix remontent à partir de 1908. On
essaye alors d’évaluer la consommation mondiale
annuelle (103).
En 1911, après quelques récoltes moins abondantes,
les stocks sont à peu près liquidés.
(100) Par exemple un impôt prohibitif sur les plantations dans
l'Etat de San Paulo (zone du Santos).
(101) Pour apercevoir l’intérêt vital de l’opération, on peut
indiquer que pour le seul Etat de Sao Paulo, le capital absorbé
par ia culture du café était de 4 milliards de francs, le nombre
de propriétaires ayant des plantations couvrant le quart du
teiritoire était de 15.800 et le nombre d’ouvriers agricoles occu
pés atteignait 450.000. (Temps du 17 décembre 1907).
(102) Au point de vue financier, les avances nécessaires à
l ’opération sont réalisées par des opérations de crédit effectuées
conjointement par les trois Etats et gagées sur un impôt à la
sortie des ports de Rio et de Santos qui fut d’abord de 3 fr. par
sac, puis (sept. 1908) de 5 fr. par sac: il est augmenté d’un
droit additionnel de 20 %, sur tous les cafés expédiés au delà
d’un maximum fixé: 9 millions de sacs la première année, 9 mil
lions et demi la deuxième année et 10 millions les années
suivantes.
(103) Celle-ci de 17 millions de sacs en 1906 est supposée aug
menter de 3 %, soit 500.000 à 600.000 sacs par an: la Commis
sion internationale chargée de l’administration des cafés valo
risés et warrantés met en vente chaque année précisément cette
quantité.
�—
180
—
—
Deux nouvelles valorisations, également favorables,
ont lieu en 1907-1919 et 1921-1924.
On aperçoit les heureux résultats de cette expérience
dans le tableau suivant : (104)
EN SACS
A n n ie
ilïfl
ISfifl
ï»! ! 1
H
m oyenne
P r o d u c ti o n m o n d ia le
1900-1905
16.392.000
1905-1910
17.896.000
1910-1915
17.156.000
17.139.000
1905-1920
1920-1925
19.778.000
puis la surproduction reparaît :
1925-1929
24.048.000
C o n a o m m a tio n m o n d ia l*
15.295.000
17.393.000
18.398.000
17.303.000
19.977.000
22.376.000
En 1924 le mécanisme se perfectionne : l’Etat de Sao
Paulo constitue un Institut de défense permanente de
café (105).
Une politique analogue à la précédente est poursui
vie : raréfaction de la quantité de café offerte sur le
marché.
Cette fois encore les prix s’élèvent rapidement. Mais
celle hausse des prix rend la production de plus en
plus avantageuse : de nouvelles plantations sont faites
et en 1927 la récolte est de près de 2 millions de tonnes
atteignant à elle seule le total de la consommation
mondiale.
L’Institut de valorisation multiplie les avances et
relire du marché des quantités croissantes de café, les
stocks atteignent 860.000 tonnes en octobre 1930.
En 1931 il fallut abandonner cette politique de valori
sation, les cours s’écroulent à nouveau et 12 millions de
sacs sont jetes à la mer.
Depuis cette date la politique de la valorisation est en
tre les mains du Deeparlement National du Café (106)
qui la poursuit en agissant à la fois pour régler la pro
duction et accroître la consommation.
181
11 semble que les conclusions de cette expérience sont
les suivantes :
la politique de valorisation réussit par suite de la
loi de l’offre et de la demande et la raréfaction de l’offre
amène bien une hausse momentanée des prix.
Mais le mieux est l’ennemi du bien. Cette hausse du
prix provoque à son tour une augmentation de la
production et c’est de nouveau l'effondrement des
cours (107).
III. Les Raisins secs.
C’est en Grèce et avant 1914 que fut tentée une expé
rience de valorisation des raisins secs.
Ceux-ci constituaient une importante production en
traînant une considérable exportation pour la Grèce.
Cependant cette production grecque se trouva fort
en peine à la fin du xixe siècle, particulièrement du
fait de la fermeture du marché français (108).
Après diverses mesures inopérantes pour restreindre
la production ou retrouver de nouveaux débouchés, une
loi du 8 juillet 1905 institue « une Société privilégiée
pour favoriser la production des raisins de Corinthe »•
La convention conclue pour trente ans passée entre
cette Société et l’Etat était la suivante : la Société s’en
gage à acheter du 15 juin au 1er août toutes les quan
tités de raisins secs qui pourraient lui être offertes aux
prix de 115, 130 et 145 drachmes (109) la livre véni
tienne : (110) le producteur reste libre d’ailleurs de ven
dre ailleurs. Comme compensation à ces charges, la
Société devient propriétaire de 35 % en nature de la pro
duction exportée : elle perçoit un droit de 7 drachmes
par 1.000 livres vénitiennes exportées, achetées par
elle ou mises en gage dans ses magasins : enfin elle est
chargée de veiller à l’application de la loi de 1904 inter
disant de nouvelles plantations.
(107) Cf. B. Nogaro. Les prix agricoles mondiaux et la crise.
1 vol. Paris. Lib. gén. de Droit et de jurisprudence 1936, sur
tout p. 102 et p. 164.
(108 De 1889 à «893 les exportations de Grèce en France pas
sent de 70.000 tonneaux à 3.187 tonneaux.
(109) La drachme valait alors 1 franc
(110) De 480 grammes environ.
�—
182
—
Les résultats de cette diminution de l’offre et de cette
régularisation du marché furent alors assez favorables :
la Société réussit à obtenir une hausse des prix sur les
marchés étrangers en trouvant de nouveaux débouchés
en Angleterre et aux Etats-Unis : elle développe aussi
les industries nationales de transformation : pâte de
raisins secs, moûts concentrés, confitures, en un mot
des produits spéciaux et aussi la transformation en
alcool.
Ce fut encore une expérience de valorisation qui
réussit.
IV. Les Agrumes (111).
Il y avait vers 1908 surproduction en Italie pour les
agrumes dont la production annuelle était de 40 % su
périeure à la consommation mondiale.
Une loi du 5 juillet 1908 institue en Sicile une Cham
bre des Agrumes pour protéger et sauvegarder les
intérêts de la production et du commerce des citrons
et oranges, etc., ainsi que pour trouver des débouchés
(vente de fabrication).
Le système est moins perfectionné que les précé
dents : la Chambre fournit des renseignements, faci
lite la vente directe et garantit la valeur des produits
par l'émission de certificats d’analyse obligatoire pour
les produits divers : citrate de chaux, aigre de limon
cuit... Elle accorde des anticipations pour les 2/3
de la valeur des produits déposés (112) ; elle effectue
des ventes sur l’ordre et pour le compte des déposants
en suivant l’ordre de dépôt des marchandises ; elle fixe
des prix minima pour les marchandises vendues.
Depuis lors le système de la valorisation pour les
agrumes semble s’être généralisé.
M. Jacques Faugeras, dont un livre récent (113) écrit
au sujet des agrumes : « En cas de forte récolte, ou de
(m ) On entend par là les citrons, les oranges, les manda
rines, les pamplemousses.
(1 1 2) Les déposants reçoivent lors de la vente un à-compte
sur l'estimation minima; le prix de vente effectif est liquidé
à la fin de chaque semestre.
(1 13) Jacques Fangeras. Les Fruits à grumes. 1 vol. Paris,
1937-
— 183 —
faible demande, les quantités nécessaires pour empêcher
la baisse des cours sont retirées du marché mondial.
L’expérience a prouvé l’efficacité de celte mesure qui
est devenue une doctrine ainsi conçue : il est erroné
de développer les vergers et leur production aux fins
de faire absorber celle-ci par les industries marginales,
qui ne constituent pas toujours un débouché rémunéra
teur sans limites : en revanche il y a intérêt à limiter
les tonnages disponibles pour les marchés de fruits
frais, en n’y consacrant que les qualités qui donnent
un profit et en transformant le solde en sous produits
qui ne concurrenceront en aucune façon les fruits
frais. » (114)
V. Le Soufre.
La situation pour ce produit en Italie dans les pre
mières années du xxe siècle était fort analogue : il y
avait crise de surproduction, due à une augmentation
de l’offre et une diminution de la demande. On fonda
alors un consortium obligatoire pour tous les exploi
tants de soufre : il emmagasine la production et avec
l’appui de l’Etat donne au producteur une fraction du
prix de son minerai (115). Ce prix d’estimation s’obtient
en défalquant du prix de vente le montant des dépenses
ou de prêts payés par le consortium, plus une réserve
fixe de 7 livres par tonne (116).
Les résultats furent assez favorables : grâce au sys
tème les prix purent être maintenus à un certain niveau.
Cependant, à cause de la concurrence américaine, le
consortium sicilien 11’est pas maître du marché. Une
loi de 1900 le charge cependant de la vente de la pro
duction tout entière.
Cette expérience a deux graves défauts : la vente
(114) Par exemple l ’industrie de la pectinerie. Cf. Tempes,
13 décembre 1937. Il y a de ce chef une certaine stabilité dans
la production des agrumes.
(115) Chaque producteur pouvait obtenir, pour chaque tonne
de soufre, une avance égale aux 4/5 d’un certain prix d’estima
tion pourvu qu’il ne dépassât point 60 lires.
(116) Ces lires vont pour moitié constituer un fonds de ré
serve: le reste est réparti entre les producteurs au moment
du bilan.
�— 185 —
Pour ce produit, le résultat cherché — le maintien ou
la hausse du prix — a été poursuivi aussi bien par une
raréfaction immédiate de l’offre, c’est-à-dire du caout
chouc disponible, qui par des mesures à lointaine
échéance tendant à diminuer la production.
Le plan Stevenson (1925-1928), un second accord in
ternational signé en 1931 et applicable de 1935 à 1938
raréfiaient l’offre en diminuant selon les variations des
prix, les quota d’exportation : ces accords — qui ont
ainsi réalisé une valorisation du produit — n’ont eu
qu’un effet limité, parce que leurs signataires ne repré
sentèrent qu’une partie seulement de l’ensemble des
producteurs.
VII. La Soie.
Sur le plan national, il faut citer les efforts du gou
vernement japonais en 1928 pour stabiliser les prix de
la soie : le gouvernement japonais met à la disposition
des exportateurs une somme de 37 millions de yens : ce
qui permit de retirer 50.000 balles du marché (118).
VIII. Le Colon.
Le gouvernement égyptien promit des avances aux
producteurs et se porte acheteur à la Bourse à des prix
fixés.
Il y eut des tentatives analogues aux Etats-Unis.
On pourrait continuer l'étude de cette série de valo
risation pour divers produits en parlant encore de la
sardine fraîche à Paris, des noix en Californie, etc. (119)
Ainsi la valorisation consiste à restreindre la pro
duction ou à retirer une partie des stocks, en un mot à
agir sur l’offre. Elle constitue une vérification exacte de
la loi de l’offre et de la demande.
On pourrait symétriquement envisager une action
voulue sur la loi de l’offre et de la demande, en agis
sant sur la demande. M. M. Laufenburger a dénommé
cette politique consommation dirigée. Elle se retrouve
surtout actuellement en Allemagne où par une politique
systématique allant de la taxation et du contingente
ment aux simples conseils, le gouvernement a tâché
d’agir sur la consommation.
L’expérience est assez complexe (120).
Pour autant qu’on la puisse actuellement apprécier,
elle semble, comme la politique dite de valorisation
pour l’offre, confirmer l’exactitude de la loi de l’offre
et de la demande.
S e c t io n
III
La vérification par l'étude
des courbes de l'offre et de la demande
Depuis une vingtaine d’années, un nouveau courant
d’études intéressant directement la loi de l’offre et de
la demande consiste à déterminer pour divers produits
les courbes de l’offre et de la demande et à observer
minutieusement lesdites courbes pour y trouver une
confirmation au une infirmation de la loi de l’offre et
de la demande (121).
Dans l’ensemble les recherches ont été en se compli
quant : on est d’abord parti de l’interprétation directe
des courbes (Moore) puis on a introduit quantité d’élé
ments nouveaux pour les expliquer.
(120) Il s’y mêle des considérations d’économie nationale et
d’autarchie.
(121) Bib. Les sources essentielles à consulter sur ce point
sont:
Moore. Economie. Cycles: their law and cause. New York,
1914.
Cf. Luftalla. Essai critique sur la détermination statistique
des courbes d’offre et de demande. Annales Sociologiques. Sé
rie D, 193;, p. 87.
H. Schulz. Statistical laws of demand and supply, with spécial
application to sugar Materials for the study of business. Chi
cago, 1928, XIX-228 p.
On négligera ici le côté mathématique et méthodologique des
procédés employés pour s’attacher seulement aux résultats des
études précitées.
**
�— 187 —
A) Les recherches de Moore.
Moore dès 1914, dans l’ouvrage précité (116), posait
nettement le problème de la vérification statistique : la
théorie économique affirme que les prix varient en sens
inverse de l’offre et dans le même sens que la demande,
toutes choses égales d’ailleurs. Que donne la vérifica
tion statistique ?
Pour les produits agricoles, la loi semble vérifiée.
Moore arrive aux résultats suivants :
Soit y les prix et x le rendement des récoltes.
maïs
y = 7,8 — 0,89 x
avoine y = 6,93 — 1,045 x
foin
y = 3,61 — 0,764 x
pommes de
terre y = 15,75 — 1,22 x
Les prix augmentent quand la récolte diminue et
inversement.
La loi théorique, conclut Moore, est confirmée, avec
deux supériorités dues à la statistique :
a) il n’y a plus lieu d’insérer la réserve : toutes cho
ses égales d’ailleurs ;
b) on peut mesurer les augmentations et diminutions
de prix, ce que ne faisait pas la loi théorique.
Pour les produits industriels, l’observation des cour
bes donne à première vue une infirmation de la loi.
Soit toujours y le prix et x la production pour la
fonte, l’observation donne
y = 4.58 + 0,52 x
Si donc la production augmente de 30 % on a
y = 4.58 + (0,52 x 30) x
y = 4.58 + 15,6 x
y = 11 x
Les prix augmentent de 11 %.
On a justement fait observer (123) que ce n’est là
qu’une exception apparente : Si le prix s’élève en même
( 122) Sur les recherches de Moore et leurs résultats.
Cf. Aftalion. Cours de Statistique, 1928. Presses Universitaires
de France, p. 211 et p. 236.
{123) Aftalion, loc. cit.
temps que la production pour les matières industriel
les, c’est que pour ces matières la demande agit en
même temps que la production et en sens contraire.
L’influence de la demande vient masquer celle de
l’offre.
L’augmentation de la demande accroît à la fois les
prix et la production : la loi théorique demeure vérifiée.
On trouvera dans de nombreux ouvrages (124) la con
firmation, à l’aide de graphiques, de la vérification de
la loi de l’offre et de la demande par les courbes.
On a insisté'sur « l'élasticité » de la demande varia
ble selon les produits (125) : on entend par là « le rap
port du changement relatif de la demande au change
ment relatif du prix ».
D’une manière générale les statistiques et les gra
phiques dressés d’après les courbes de l’offre et de la
demande confirment la loi.
CONCLUSION
On peut affirmer pour conclure que :
1° la loi de l’offre et de la demande existe ;
2° elle ne nous apprend pas à quel taux s’établira
le prix ;
3° elle nous donne seulement des indications vagues
(126) sur le sens de variation des prix.
On peut sous ces réserves, inscrire cette loi au nom
bre des lois de l’économie politique.
(124) Société des Nations. L ’alimentation dans ses rapports
avec f’ hygiène, l’agriculture et la politique économique. Rap
port définitif du Comité mixte de la Société des Nations. 1 vol.
Genève 1937, p. 204 et suiv.
Cf. p. 232 un graphique schématique assez complet.
(125) Rapport définitif du Comité mixte de la Société des
Nations. Op. cit.j p. 211.
(126) M. Landry admet (Manuel d’Economique, 1 vol. Pa
ris, Giard 1908, p. 495), qu’il y a même un cas où la formule
mathématique est exacte: pour les marchandises périssables dont
il faut se débarrasser à n’importe quel prix, la valeur variera
parfois en raison inverse de l'offre, sans qu’il en soit de même
pour la demande.
�CHAPITRE XIV
LA LOI DES PRIX EN RÉGIME DE CONCURRENCE
La loi des prix en régime de concurrence est la loi de
fixation par le couple limite le moins échangiste et
cependant échangiste.
Etudions comme d'habitude,
1° l’histoire de la loi (§ I) ;
2° les formules actuelles (§ II) ;
3° l’examen critique (§ III).
§ I. H istoire
de la
L oi
La loi du couple limite est justement (1) attribuée
Boehm Bawerk (2) dans son article : Fondement de
la théorie de la valeur des biens économiques.
La théorie des prix de concurrence chez Boehm
Bawerk suppose un état idéal qui n'est pas toujours
réalisé dans la pratique. Il suppose :
a) des transactions portant sur une série d’objets
identiques ;
à
(1) On ne connaît pas de précurseurs.
(2) 1851-1914.
(3) Grundjuge der Théorie des Wirthschaftilichen Güterwerts.
Iéna 1886 — publiée dans les Yahrbücher fur Nationalôkonomie und statistik. 47 II. F. 13. 1886, p. 1-86, 477-541.
Saint Marc a donné de l ’œuvre de Bœhm Bawerk sur ce
point une excellente analyse: Revue d’Economie Politique 1888,
p. 219. Un résumé de Bœhm Bawerk a paru dans la Revue
d Economie Politique 1894, p. 503, sous le titre: « Essai sur
la Valeur ».
Cf. Guilhot. La théorie de la valeur d’après l ’Ecole autri
chienne, thèse, Lyon 1907.
�- 190 b) un contact réel établi entre vendeurs et acheteurs ;
c) une publicité complète des transactions (4).
Notre auteur dégage ensuite les trois principes sui
vants :
1° On n’échange que lorsqu’on y trouve avantage ;
2° Dans l’échange, on tâche d’obtenir un avantage
aussi grand que possible ;
3° Mais du moment qu’il y a avantage, on préférera
échanger avec un petit avantage à ne pas échanger du
tout.
La théorie se construit par application de ces prin
cipes aux divers cas possibles :
Première hypothèse : Un' seul vendeur — un seul
acheteur : la marchandise vendue est un cheval.
La condition essentielle pour qu’il y ait échange,
c’est que l'acheteur estime la marchandise plus que ne
l’estime le vendeur : par exemple le vendeur estime 30,
l’acheteur 50.
Le prix se fixera entre 30 et 50 suivant l’habileté des
adversaires entre les limites à partir desquelles et jusqu’auxquelles les deux contractants sont disposés à
l’échange, sont échangistes.
Deuxième hypothèse : Un seul vendeur et plusieurs
acheteurs.
Soit V qui a le monopole d’une marchandise et
l'estime 30 fr.
Soient A qui l’estime 35 fr.
A 1 qui l’estime 40 fr.
A a qui l’estime 45 fr.
A * qui l’estime 50 fr.
Il y aura échange : car il y a avantage pour tous. La
compétition s’établira entre acheteurs :
A1, A*, As élimineront A en offrant à V un prix
supérieur à 35 fr. et inférieur à 40 fr.
A* et As élimineront A1, en offrant à V un prix com
pris entre 40 et 45 francs.
As éliminera A* en offrant à V un prix compris entre
45 et 50 francs.
(4)
Ce sont les Bourses soit de commerce, soit dç valeurs qui
réalisent le mieux ces conditions idéales.
- 191 Resteront en présence V et A* : on retombe sur l’hy
pothèse précédente.
Donc dans ce cas :
1° l’acheteur le plus échangiste, c'est-à-dire celui qui
par rapport au prix apprécie le plus haut la marchan
dise, vient seul à l’échange ;
2° le prix se fixera entre deux limites : une limite
inférieure déterminée par la valeur subjective de la
marchandise pour le plus échangiste des acheteurs
exclus et une limite supérieure qui est celle de la valeur
subjective d’usage pour l’acheteur le plus échangiste
qui vient à l’échange.
Troisième hypothèse : un seul acheteur et plusieurs
vendeurs.
On a ici :
A qui est seul et qui estime la marchandise 50 fr.
Du côté vendeur, on a :
V qui l’estime 30 fr.
V1 »
»
35 fr.
V* »
»
40 fr.
V* »
»
45 fr.
Il y aura échange car il y a avantage pour A et pour
les cinq vendeurs.
La compétition s’établira entre les vendeurs :
V*, V' et V élimineront V’ en proposant un prix supé
rieur à 35 fr.
V1 et V élimineront V* en proposant des prix infé
rieurs à 40 fr. mais supérieurs à 35 fr.
V enfin proposera un prix entre 30 et 35 fr. pour éli
miner V1. On aura donc en présence un seul acheteur
et un seul vendeur : ce qui fait retomber dans la pre
mière hypothèse.
Donc ici : 1° le vendeur le plus échangiste V, c’est-àdire celui qui personnellement apprécie le moins haut
la marchandise vient seul à l’échange ;
2° le prix se fixera entre les deux limites — une limite
inférieure déterminée par la valeur subjective qu’a la
marchandise pour le vendeur le plus échangiste et une
limite supérieure déterminée par la valeur subjective
de la marchandise pour le plus échangiste des vendeurs
exclus,
�— 192 —
—
Quatrième hypothèse. De part et d'autre plusieurs
acheteurs et plusieurs vendeurs.
Soient au début :
A1 estiment un cheval 300 fr.
»
» 280 »
A2
»
» 260 »
A®
»
» 240 »
A*
»
» 220 »
A®
))
» 210 »
A6
»
» 200 »
A7
»
» 180 »
A®
»
» 170 »
A*
»
» 150 »
A10
part V1 estimant un 1cheval
»
»
V2
»
»
V3
v*
»
»
»
»
V*
y
»
»
»
»
V7
v»
»
»
100
110
150
170
200
215
250
260
fr.
»
»
»
»
»
»
»
Deux phases sont à distinguer :
a) l’élimination des acheteurs et des vendeurs,
h) la fixation du prix.
а) élimination des acheteurs et des vendeurs :
Il se produira par le jeu de la concurrence une exclu
sion des acheteurs le moins échangistes et un appel des
vendeurs dans l’ordre où ils sont disposés à l’échange
— où ils sont échangistes.
Ainsi resteront en présence dans le tableau ci-dessus
cinq couples susceptibles d’échanges : A1— As du côté
des acheteurs, V* — V* du côté des vendeurs.
Viennent donc à l’échange les couples formés par les
acheteurs et les vendeurs par rang d’aptitude à l’échan
ge, tant que les estimations des vendeurs sont inférieu
res à celles des acheteurs. Tous les autres couples sont
écartés.
б) fixation du prix.
On montre que le prix ne peut jamais être supé
193
—
rieur à l’estimation du moins échangiste des acheteurs
venant à l’échange (limite supérieure) ni être inférieure
à l’estimation du moins échangiste des vendeurs venant
à l’échange (limite inférieure).
Donc le prix se fixera entre les estimations des deux
membres du couple limite visant à l'échange, c’est-àdire du vendeur le moins échangiste et cependant échan
giste ici V® et telle de l’acheteur le moins échangiste
et cependant échangiste ici A*.
Le prix se fixera entre 220 et 200.
Ainsi est dégagée la formule. Le prix de concurrence
est déterminé par le couple le moins échangiste et ce
pendant échangiste.
L’exposé de Bœhm Bawerk se complète par deux
remarques :
1° Tout dépend des estimations des deux couples —
le couple de l’acheteur et du vendeur le moins échan
giste et cependant échangiste et le couple acheteur —
vendeur exclu.
Cette dernière estimation servant de limite maxima à
l’estimation qui est donnée par le premier couple (5) ;
2° Bœhm Bawerk indique qu’il y a six éléments au
moins pouvant agir sur les estimations et les prix :
a) le chiffre des demandes,
b) l’estimation de la valeur subjective de la mar
chandise pour les demandeurs,
c) l’estimation des prix par les memes,
d) le chiffre des marchandises offertes (6),
e) la valeur subjective de ces marchandises pour les
vendeurs,
f) la valeur subjective des prix pour les mêmes.
Les éléments c et f influant seuls directement sur les
prix.
(5) C ’est pourquoi dans les livres de vulgarisation on fait par
fois disparaître l’action de ce second couple exclu.
(6) Ce chiffre variera (en supposant qu'il puisse être aug
menté) selon que « la valeur du produit dépassera ou ne dépas
sera pas le coût de production »>. Celui-ci chez Bœhm Bawerk
détermine donc seulement le chiffre des marchandises offertes.
»}
�- 101 -
§ II. F ormules
actuelles
La plupart des ailleurs contemporains acceptent la
formule des prix de concurrence posée par Bœhm
Bawerk.
Ch. Gide (7) écrit, après avoir affirmé que le prix sera
déterminé par le couple limite : « Il faut rendre hom
mage à ce qu'il y a d’ingénieux et de vrai dans cette
analyse psychologique du mécanisme de l’échange. »
M. Ch. Brouilhet (8) admet lui aussi notre loi.
M. P. Rebond (9) accepte la formule en faisant re
marquer : « Ainsi, au contraire de ce qu'on pourrait
croire, c’est le couple formé par le vendeur le plus exi
geant et par l’acheteur le plus exigeant (le vendeur qui
exige le prix le plus haut et l’acheteur qui ne veut ache
ter qu’au prix le plus bas) qui fixe le prix momentané ».
M. Houques Fourcade (10) souscrit lui aussi sans ré
serve à la formule de l'Ecole Autrichienne.
Plus rares sont ceux aujourd’hui qui semblent n’at
tacher qu’une importance secondaire à notre loi.
Tel M. Camille Perreau (11) qui écrit : « Il ne semble
pas toutefois que les constructions un peu subtiles de
l’Ecole Autrichienne en dehors de l’intérêt doctrinal
qu’elles peuvent présenter, aient jusqu’ici exercé sur
l’ensemble de la science économique une influence bien
sensible » et il n’expose pas dans son cours, ouvrage
de vulgarisation, la théorie du couple limite.
Au point de vue critique, un certain nombre d’au
teurs contemporains retiennent les critiques ci-dessus
exposées sur le rôle insuffisant du coût de production
dans la loi du couple limite.
Simiand dans son article remarqué, La Méthode po(7) Cours d'Economie Politique, 2 vol. Paris, Lib. du Rec.
Siney, jo 8 édition, 1930, t. I, p. 580.
(8) Précis d’Economie Politique, 1 vol., Paris, p. 544.
Cf. du même auteur un article sur la question dans la « Vie
contemporaine », 1908.
(9) Précis d’Economie Politique, 2 vol. Collection Petits Pré
cis Dalloz, Paris, 6e édition, 1934, t. I, p. 411.
(10) Eléments d’Economie Politique La Circulation. Valeur
Monnaie et Crédit, 1 vol., Toulouse, Soubirou, 1923, p. 54.
(11) Cours d’Economie Politique, 5* édition, 2 vol., Paris,
Lib, générale de droit et de jurisprudence, 1931-1934, t. I, p. 23.
-
195
-
sitive en science économique (12), adresse d’assez nom
breuses objections à la théorie des prix en régime de
concurrence : les principales sont les suivantes :
1° « Cette théorie laisse, entre ces limites, le prix
indéterminé ou si elle veut nous expliquer la détermi
nation qui pourtant se produit, ses explications ne sont
que des défaites » (13) ;
2° Cette théorie suppose que les prix existent déjà (14)
ce qui constitue un cercle vicieux ;
3° « Le vice radical de cette théorie est donc finale
ment qu’elle veut expliquer un phénomène de nature
sociale par des phénomènes individuels qui justement
dérivent de ce phénomène social lui-même et n’exis
tent que par lui » (15).
§ III. E xamen
critique
On est généralement d’accord pour admettre que la
loi des prix de concurrence a été formulée pour un mar
ché idéal comportant les trois conditions ci-dessus
indiquées :
a) des transactions portant sur une série d’objets
identiques ;
b) prix coûtant réel établi entre vendeurs et acheteurs;
c) une publicité complète des transactions.
Ces conditions ne sont nulle part intégralement réa
lisées. Les Bourses soit de commerce, soit de valeurs
s’en rapprochent.
C’est donc dans ces deux milieux spéciaux seulement
qu’on peut chercher soit une infirmation soit une
confirmation de notre loi.
Mais la spéculation introduit sur ces deux séries de
marchés où elle joue effectivement un élément de com
plication.
(12) Revue de Métaphysique et de Morale, 190$, p. 889.
(13) Ibid., p. 900.
(14) Dans l ’estimation initiale des vendeurs et acheteurs ve
nant au marché.
(15) Ib id ., p. 907.
�196 —
Malgré cela, on peut admettre (16) que la vérification,
en gros tout au moins, est réalisée sur ces deux mar
chés : il y a, peut-on dire, tendance à la fixa tio n des
p r ix selon la fo rm u le de la loi des p r i x de co n c u rre n c e .
La loi est à
Politique.
co n se rv e r com m e loi v a la b le en E co n o m ie
CHAPITRE XV
LA LOI DES PRIX DE MONOPOLE
Tout autre est le système en cas de monopole (1).
11 faut ici et comme d’ordinaire étudier :
1° l’histoire de la loi (§ I) ;
2° les formules actuelles (§ II) ;
3° l’examen critique (§ III).
§ I. H istoire
de la loi
On trouvera dans l’ouvrage de M. G. Leduc tous les
détails sur l’histoire de cette loi.
Il suffira de rappeler ici un triple apport : d’abord
celui de l’Ecole mathématique :
Cournot en 1838, dans ses « Principes de la théorie
des richesses » (2), l'ingénieur François Dupuy (3), dans
deux Mémoires en 1844 et 1849, insérés aux .Annales
des Ponts et Chaussées, L. Walras enfin dans ses Elé
ments d’Economie Politique Pure (4) apportent une
première contribution à la théorie des prix de mono
pole, basée sur le prix du produit brut maximum ;
Cournot en pose le principe, Dupuy étudie la multi-
(16)
Cf. Reboud. Précis d’ Economie Politique, 2 vol., Editjoq
Dalloz, 1935, t. I, p. 411,
(1) Bib. G. Leduc. La théorie des prix de monopole, thèse,
Aix, 1927.
(2) Principes de la théorie des richesses, 1 vol., Paris, Ha
chette, 1863.
Cette 2e édition est dépouillée de l'appareil mathématique.
(3) Mesure de l ’utilité des travaux publics. Annales des Ponts
et Chaussées, 1844.
De l ’influence des péages sur l’utilité des voies de communi
cation. Annales des Ponts et Chaussées, 1849.
(4) Eléments d’Economie Politique pure, 1874-1877, 4* livre,
p. 431 et suiv.
�198 —
plicité des prix en cas de monopole, Walras insiste sur
les différences fondamentales avec les prix de concur
rence.
Un second apport est celui des Economistes de
l’Ecole Autrichienne, K. Menger (5) d’abord.
Il distingue deux hypothèses :
a) Le monopole porte sur un bien unique et indivi
sible.
En ce cas trois formules générales :
1° Le bien de monopole reviendra à celui pour qui il
représente l’équivalent de la plus grande quantité de
biens offerts en échange ;
2° le prix se tiendra entre les limites fixées par les
équivalences de biens des deux concurrents les plus
désireux d’échanger ou économiquement les plus forts ;
3° entre ces limites le prix se fixera comme au cas
d’échange isolé (6).
b) Le monopole porte sur une quantité de biens divi
sibles ou une pluralité de biens indivisibles.
Par une longue analyse et la distinction de soushypothèses les formules (7) sont alors les suivantes :
1° Les quantités vendues du bien monopolisé iront
au consommateur pour qui elles représentent l’équivalent
subjectif des plus grandes quantités de biens offertes
en échange. Les autres en seront exclus.
2° La répartition de l’entière quantité du bien mono
polisé entre les concurrents qui viennent à l’échange
se fait de telle manière que pour chaque acheteur, après
l’échange effectué, chaque unité du bien acquis devient
l’équivalent d’une égale quantité du bien donné.
3° Le prix se fixe entre les limites déterminées par
l’équivalence d’une unité du bien monopolisé pour le
concurrent le moins fort qui réussit à échanger et pour
le concurrent le plus fort qui est exclu de l’échange.
(5) Grundsâtze der Volkwirtschaftlehre 1871 (Fondements de
l’Economie Politique) non encore traduits en français. Il y a
une traduction italienne: Principii fondamentali di economia,
Roma 1907-1909.
(6) J ’emprunte ces formules à M. G. Pirou dans son ouvrage:
L'utilité marginale, 1 vol., Paris, Ed. Domat-Montchrestien,
1932, p. 39.
(7) Je les emprunte encore à M. Pirou, op. cit.j p. 41.
— 199 -
4° Plus grande est la quantité de biens vendus par
le monopoleur, plus petit est le nombre des concurrents
exclus et plus complet est l’approvisionnement des au
tres.
5° Plus grande est la quantité mise en vente, plus
bas sera le prix en raison de la nécessité de descendre
à des groupes de plus en plus faibles économiquement.
En résumé, pour K. Menger, une théorie très poussée
comme analyse qui se rapproche de celle de Cournot.
Bœhm Bawerk (8) deuxième représentant de l’Ecole
Autrichienne précise l’analyse du Monopole bilatéral
et du monopole unilatéral portant sur un objet unique.
L’Ecole autrichienne considère surtout les choses
abstraction faite de l’élément monnaie.
Enfin un troisième apport beaucoup moindre d’ail
leurs, est celui des Economistes non mathématiciens.
F. Faure (9) énonce plutôt des tendances du monopo
leur à propos des prix de monopole qu’il ne formule
une véritable loi.
Paul Leroy-Beaulieu (10) tourne plutôt autour du
problème au lieu de l’aborder franchement.
M. Landry (11) seul donne un exposé complet de la
loi des prix de monopole (12).
Marshall (13) perfectionnera l'étude des courbes du
revenu des monopoles et se préoccupe de 1intérêt so
cial.
(8) Die théorie des objectiven Tauschwertes. Jahrbücher fur
Nâtionalœkonomie. 18S6, X III. j* cahier.
Etude reprise et publiée par l ’auteur dans la Revue d’Economie politique, 1894, sous le titre: <« Essai sur la Valeur ».
(9) Dictionnaire d'Ec. Politique de Léon Say et Chailley, t. II,
P- 323, v° Monopole.
(10) Traité d’Economie Politique, 4 vol., 6* édition, Paris,
Alcan, 1914, t. I, p. 660.
(11) Landry. Manuel d’Economique, 1 vol., Paris, Giard et
Brière, 1908, p. 507.
(12) M. Couvrat-Desvergnes. Recherches sur les principes éco
nomiques qui doivent servir de base à l’établissement du tarif de
transport. Thèse, Paris, 1912, p. 12, écrivait: « La valeur d'une
marchandise monopolisée et son prix ne sont plus soumis à au
cunes lois économiques. »
(13) Principes d’Lconomie Politique, 2 vol., trad. SauvaireJourdan et Bouyssy, Paris, Giard, 1909, t. II, liv. V, p. 39-
�—
Edgeworth (14) approfondit la théorie de Cournot.
Ce ne sont que des perfectionnements et précisions
apportés à la théorie dont les grandes lignes provien
nent des Ecoles mathématique et autrichienne.
Ainsi l’histoire de la loi nous a permis de dégager les
différents apports dans la théorie moderne de la loi des
prix du monopole.
La plupart des auteurs contemporains (15) acceptent
sur ces bases la théorie des prix de monopole.
§ II. F ormules Actuelles
La théorie telle qu’elle est actuellement présentée (16)
comporte deux hypothèses fondamentales :
a) monopoles sans frais de production assujettis seu
lement à des frais généraux, par exemple le vendeur de
bouteilles d’eaux minérales.
La théorie comporte ici deux thèmes fondamentaux :
1° Le prix d'équilibre dune marchandise en mono
pole est le prix du produit brut maximum.
Soit l’exemple précité du vendeur d’eaux minérales :
A un prix de 1 franc il vendra 500.000 litres : soit un
produit brut de 500.000 francs.
A un prix de 1 fr. 50 il ne vendra plus que 300.000
litres, soit un produit brut de 450.000 francs.
Le monopoleur choisira la combinaison du prix de
1 franc qui lui assure le produit brut maximum.
2° Le prix du bénéfice maximum est indépendant des
frais fixes.
(14) Mathematical Psychics, London 1881.
Lei teorica pura del monopolio. Giornale degli Economisti
1897. Juillet, Oct. et Nov.
(15) Cf. Reboud. Précis d'Economie Politique. Dalloz, 1934,
t- I, P- 435Ansiaux, p. 169.
P i e r s o n : T r a i t é d ’ E c o n o m ie P o lit iq u e , t r a d u c t io n S u r e t , P a r i s ,
G ia r d , t. I , p. 409Ch. Gide: Cours d’Economie Politique, 2 vol., P a r i s , Libr. du
Recueil Sirey, 10® édit., t. I, p. 581.
C. Perreau: Cours d’Economie Politique, 2 vol., 6® édit., 1935,
Paris, Libr. gén. de droit et de jurisprudence, t. I, p. 347.
(16) G. Leduc. La théorie des prix de monopole. Thèse, Aix,
1927, p. 125 et suiv.
201
—
b) Monopoles à frais de production croissants (17).
En ce cas le prix du produit net maximum est supé
rieur au prix correspondant au produit brut maximum :
la différence est plus grande ou plus petite, suivant les
cas que les frais par unité de produit.
C’est par des approximations successives que sera
déterminé le prix de monopole.
Il faut signaler encore une étude théorique impor
tante dans le cas de monopole partiel.
M. A. J. Nichol (18) étudie théoriquement (19) dans
quelle mesure et dans quelles conditions un des concur
rents peut réussir à établir le contrôle des prix : il y
réussit dans le cas d’une production à prix de revient
décroissant ; il y réussit encore dans le cas d’une pro
duction à prix de revient fixe à certaines conditions. Il
n’y parvient pas en cas de produit à rendement décrois
sant. Il examine aussi le cas de deux contrôleurs.
§ III. E xamen
critique
A confronter la théorie de la loi des prix de mono
pole avec la réalité, il semble possible d’établir :
a) que dans bon nombre de cas les faits directs (la
constatation du prix du monopole) ou indirects confir
ment les formules précitées ;
b) que cependant les monopoleurs pratiquent plu
sieurs prix de monopole sur un même marché en dis
tinguant plusieurs couches successives de consominateurs. C’est encore une autre application de la théorie
mais une vérification tout de même.
A) Cas du prix unique.
M. Leduc (20) a rapporté bon nombre cTexemples où
les faits confirment exactement la formule : la vente des
livres, les tarifs de chemins de fer en sont les cas prin
cipaux.
(17) Y compris le cas où les frais seraient plus que propor
tionnels au nombre d’unités produites.
(18) Il avait été au service de la Standard Oil.
(19) Partial Monopoly and Price Leadership. Thèse, Columbia
Umversity, 1930.
(20)
O p . cit.
p. 159.
�On peut également tirer argument du cas de l’impôt
frappant les bénéfices d’une industrie monopolisée.
Si la redevance est fixe, elle n’a aucune action sur le
prix de vente, elle agit comme les frais fixes, par exem
ple certains impôts sur une banque d’émission dotée du
monopole.
Si la redevance est proportionnelle, ses effets seront
les suivants :
Assise sur le produit net, elle ne le modifie pas : il
y a partage du bénéfice entre le monopole et le fisc ;
Assise sur le nombre des objets vendus ou sur le pro
duit brut, la taxe élève le prix, comme les frais propor
tionnels à la quantité fabriquée.
B) Cas de plusieurs prix de monopole.
En cette hypothèse assez fréquente en pratique, le
monopoleur envisage les consommateurs divisés en plu
sieurs couches ou tranches et applique à chacune d’elles
la règle du produit brut maximum (21).
Par exemple les divers tarifs de chemins de fer pour
des transports identiques ;
Par exemple encore des éditions successives de livres
à des prix décroissants.
Malgré ces vérifications certaines et valables, on ob
serve cependant des frottements ou des obstacles à l’ap
plication du prix de monopole.
Tantôt c’est du côté du monopoleur qui ne connaît
pas toujours son véritable intérêt ou bien qui ne veut
pas épuiser d’un coup tout le gain possible.
Tantôt c’est l'Etat qui impose certains prix au mono
poleur (homologation des tarifs de chemins de fer par
l’Etat).
Ces exceptions confirment la règle, peut-on dire, puis
que la formule du rendement brut maximum n’a pas été
appliquée.
En résumé l’observation des faits semble à tous
égards confirmer la loi du prix de monopole et oblige
à inscrire celle-ci au nombre des lois valables de l’éco
nomie politique.
(21) On observe deux conséquences importantes: cette discri
mination des prix étend largement le bénéfice du monopoleur
£t fait disparaître la rente du consommateur.
CHAPITRE XVI
LA LOI DE GREGORY KING
Une autre loi des prix, spéciale au blé, est la loi de
Gregory King.
Comme formule approchée, on peut partir de la sui
vante : le prix croît plus vite que ne diminuent les
ventes.
Il faut ici encore étudier :
L’histoire de la loi (§ I) ;
Les formules actuelles (§ II) ;
L’examen critique (§ III).
§ I . H is t o i r e d e l a L oi
Gregory King (1) héraut du duché de Lancaster en
Angleterre, secrétaire de la Commission de comptabi
lité publique, s’occupait dès cette époque de statistique.
Il publia en 1696 un ouvrage intitulé : « Observations
naturelles sur l’état et la condition de l’Angleterre » (2),
dans cet ouvrage il formule d’après l'observation les
constatations suivantes :
Pour le blé un déficit de récolte de 1/10 fait monter
le prix de 3/10 ; un déficit de récolte de 2/10 fait mon
ter le prix de 8/10 ; un déficit de récolte de 3/10 le fait
monter de 16/10 ; un déficit de récolte de 4/1Ô le fait
(1) 1628-1712.
(2) Natural and political observations upon the State and
conditions of England. Imprimée seulement un siècle après la
mort de l ’auteur en 1810.
Surtout le chapitre intitulé: « The several sorts of lands in
England with the value and produit thereof. »
�205
—
monter de 28/10 ; un déficit de récolte de 5/10 le fait
monter de 45/10.
C’est là pour lui une constatation empirique : il n’en
cherche pas l’explication.
Inversement King observe des baisses de prix supé
rieures aux excédents constatés dans les quantités.
D’où cette première formule de la loi due à King ;
la valeur totale de la récolte de blé dans un pays fermé
au marché extérieur est d’autant plus considérable que
la quantité l’est moins, et d’autant moins que la quantité
l’est plus.
Quelques années plus tard Davenant (3), auteur de
deux ouvrages importants (4) attire l’attention sur la
fameuse loi de King.
Ricardo (5) dans un opuscule on protection to Agriculture(6), et Tooke (7) dans son « History of Prices » (8)
souscrivent à la même formule.
Lord Lauderdale (9) dans son ouvrage : « The nature
and origine of public wealth » (10) utilise la loi de King
sans la modifier.
Enfin en Angleterre toujours, Thorold Rogers (11),
dans son ouvrage : « Interprétation économique de
1histoire », confirme par ses observations (12) la loi de
King et songe même à l’étendre (13) à toutes les mar
chandises, à la hausse comme à la baisse. « Elle s’ap
plique à toutes les marchandises, mais la baisse est plus
accentuée en cas de surproduction de produits d’un
usage facultatif, et la hausse est plus rapide en cas de
déficit de marchandises d’un usage indispensable » (14).
Stanley Jevons (15) plus tard affirme que les prix du
blé varient en raison inverse du taux des quantités of
fertes (16).
de Molinari (17), en présence des prix de famine de
1847, formule la loi de la manière suivante :
« Lorsque le rapport des quantités de deux denrées
offertes en échange varie en proportion arithmétique, le
rapport des valeurs de ces deux denrées varie en pro
portion géométrique » (18).
Il en donne l’explication suivante : « A mesure que
la quantité d’une chose augmente, la rareté et l’utilité
qui sont les parties constituantes de la valeur de cette
chose, diminuent à la fois. »
Yves Guyol (19) accepte la loi de King et de Davenant.
Il remarque toutefois qu’en 1910 la loi n’a pas joué en
France pour le blé : le prix du blé en France était en
1909 de 24 francs le quintal métrique ; il est en novem
bre 1910 de 28 francs, soit une augmentation de 16,66 %.
Cependant la récolte de blé en France est inférieure de
26,5 % à celle de 1909 (20).
M. Bouniatian, dans son ouvrage : « Crédit et Con
joncture » (21) admet la loi de King qui, dit-il, reflète
(3) 1606-1668.
(4) Essay on the East India trade (1696-1697).
Essay upon the probable méthode of making a people gainers
in the balance of trade (1699).
(5) 1772-1823.
(6) Section IV. Ed. Mac. Culloch, p. 465-466.
(14) Op. cit. chap. III, p. 63. Cf. chap. X II, p. 222 et suiv.
(15) 1835-1882.
(16) Stanley Jevons et J. Delewsky. La valeur mathématique
de la loi de King. Rev. d’Ec. Politique, 1923, p. 481.
(17) Questions de politique et de Droit public, 2 vol., Bru
xelles, 1861, t. I, p. 35.
(18) Journal des Economistes, 15 juin 1851.
Cf. de Molinari. Cours d’Economie Politique, 2 vol., 2e édit.,
1863.
(19) La Science économique. 30 édition, Paris, p. 107-109.
Faits et prévisions. Journal des Economistes, 15 décembre
1910, p. 362.
(20) Chiffres absolus: 1909. 97.752.000 quintaux;
1910. 71.827.000 quintaux.
(21) 1 vol., Paris, Libr. générale de droit et de jurisprudence,
1933, p. 125 et suiv.
Cf. du même auteur: La loi des variations de valeur et les
mouvements généraux des prix. Paris, Libr. générale de Droit
et de jurisprudence, 1927.
(7) 1774 -1858 .
(8) Vol. I, chap. II.
(9) 1616-1682.
(10) 2e édit., Londres, 1819, chap. II.
(11) 1823-1890.
(12) History of agriculture and prices in England. 8 volumes,
1866-1892.
(13) Il arrive à cette formule: « Le prix de tout bien, exigé
en plus grande quantité qu’il n’existe à un moment donné, croît
dans une autre proportion que celle dans laquelle varie la quan
tité manquante et inversement dans le cas d’un excédent. »
The économie interprétation of history, London 1888.
Interprétation économique de l ’histoire. Ed. Guillaumin, 2b
édit., Paris, 1891, p. 251, 1892, chap. III , p. 63.
�—
206
—
la loi générale des variations de l’intensité de tous nos
besoins en fonction de la quantité de biens appliquée
à leur satisfaction.
§ II. F o rm u les A c t u e l l e s
D'une manière générale la loi de King quoiqu’un peu
oubliée est acceptée par la majorité des économistes
contemporains.
Tout récemment M.Michaël Manoïlesco, ancien minis
tre de Roumanie, lui donnait une adhésion complète (22).
»M. Courtin dans son étude « Essai sur la thérapeuti
que des crises » (23) lui reconnaissait également une
valeur scientifique. Des expériences nombreuses et des
études statistiques récentes ont établi que la loi de King
présentait une très grande généralité : le prix croît plus
vite que ne diminuent les ventes (23 bis).
\1. Nogaro (24) donne la formule suivante à propos
du blé (25) : « Les variations du prix du blé semblent
liées à celles des stocks : mais ces variations sont pro
portionnellement plus fortes que celles des stocks euxmêmes. »
§ I I I . VÉRIFICATION CRITIQUE
On relève pour le passé d’assez nombreuses vérifica
tions de la loi de King.
En France, dans la première moitié du xixe siècle,
les prix du blé auraient assez sensiblement vérifié la loi
de King (26).
En France, au milieu du xix6 siècle, à chaque pour
centage de la diminution de la récolte de blé aurait
—
—
correspondu une hausse de 2.5 % sur le prix moyen
de l’année (27).
Aux Etats-Unis, pendant la période 1879-1913, la va
leur marchande totale des récoltes de 12 principaux pro
duits se mouvait dans la direction contraire aux quan
tilés récoltées (28).
De même aux Etats-Unis toujours, pour la période
1866-1911, Henry Moore affirmait (29) qu'un déficit de
10 %, 20 %, 30 % de la récolte du maïs provoquait des
hausses de prix de 15 %, 40 % et 72 %, tandis que des
excédents de récoltes de 10 %, 20 % et 30 % entraî
naient des baisses de prix de 8 % et de 14 %.
L’article précité de M. Manoïlesco contient deux ta
bleaux (30) qui semblent vérifier assez complètement la
loi de King.
Dans le cas de déficit on a les deux séries suivantes :
Déficit de blé exprimé en % de la quantité initiale:
S i tu a tio n
in itia l*
%
S itu a tio n
fin a l*
S i tu a tio n » ancoaasiTea
—
IO
%
—
20
%
—
30
%
—
40
%
—
50
%
Valeur de la quantité de blé en rapport avec la valeur de la
quantité initiale :
1
1,17
1,4 4
1,82
2,26
2,75
Dans le cas d’excédent :
Excédent de blé exprimé en % de la quantité initiale:
S i tu a t io n
in itia l*
%
S itu a tio n
fin a l*
S i tu o t io n a a u e ca a a ira a
+ 20
%
+
40
%
+
ÔO
%
+
80 %
+
IOO %
Valeur de la quantité de blé exprimée en rapport avec la valeur
de la quantité initiale:
I
(22) M. Manoïlesco. Contribution technique à la compréhen
sion de la crise mondiale. Rev. écon. intern. Février 1933, p. 393.
(23) Revue d’ Economie Politique, 1935, p. 1268 et suiv.
(23 bis) Cf. René Roy. Etudes économiques. Paris, Libr. du
Recueil Sirey, 1935.
(24) Les Prix agricoles mondiaux et la Crise. 1 vol., Paris,
Libr. générale de droit et de jurisprudence, 1936, p. 63, note 1.
(25) Vp. cit. p. 63.
(26) Briaune. Des prix des grains, du libre échange et des
réserves, 1857.
207
0,82
0,66
0,53
0,43
0,36
II conclut : « Nous ne pouvons pas prétendre, ni que
(27) Engel. Die Getreidepreise und der Getreidehandel im
preussischen State.
Zeitschrift d e r p r e u s s is c h e n S t a t i s t A m ts . J u i lle t - A o û t 1S61,
p. 276.
(28) R e v ie v v o f é c o n o m ie s t a t is t ic s 1921, p. 34(29) Economie cycle, 1914, p. 173.
(30) Rev. Econ. intern. Février 1933, p. 395 et 397.
�—
208
-
la loi de King est parfaitement exacte, ni qu’elle est
réversible, mais dans son sens qualitatif elle est vérifiée
par l'expérience, de même que dans son sens qualitatif,
la loi de King inversée est de même certifiée par l’expé
rience » (31).
M. Courtin admet in globo l’exactitude de la loi avec
de longues explications sur son mécanisme.
Un expert américain, M. Broomball estimait qu’une
diminution de récolte (du blé) de 15 % se traduisait par
une hausse de 24 % (33).
MM. Warren et Pearson souscrivent également dans
un ouvrage récent (34) à l’exactitude de la loi de Gregory King.
M. de Hevesy dans ses études sur le blé ((34 bis) se
rallie à la même opinion.
On a encore songé (35) à utiliser la formule de King
pour expliquer les variations de prix du vin en France :
Récoltes :
Prix moyen de l’hect. :
1925 : 65 millions d’hectolitres 7 fr. (Déc. 1925).
1926 : 40,7 millions d’hectol 20 fr. (Déc. 1926) et
22 fr. (Janv. 1927).
et les variations des prix du coton aux Etats-Unis :
Récoltes :
Prix de la laine :
1925 : 16.104.000 balles
20,45 cents (Déc. 1925).
1926 : 18.309.000 balles
13,05 cents (Déc. 1926).
(hausse : 14,2 %)
(baisse : 32 %)
Il semble que l’on puisse inscrire la loi de G. King
sur le prix du blé au nombre des lois valables de l’Eco
nomie Politique.
(31) Art. cité p. 397.
(32) Essai sur la thérapeutique de crise. Rev. d’ Ec. Pol. 1935,
p. 1268.
(33) Cité par Nogaro, o-p. cit. p. 63, n. 1.
(34) Interrelationship of supply and price. Cité ibià. par No
garo.
(34 bis) Le Problème mondial du blé, p. 60.
(35) Bouniatian. Essai de morphologie et théorie des crises
économiques et périodiques. 1 vol., Giard, 1930, p. 125, note
CHAPITRE XVII
LA LOI DU COUT DE PRODUCTION
Il est enfin une autre loi en matière de prix, que
l’on peut dénommer la loi du coût de production. On
peut dire, comme expression approchée de cette loi,
que le prix d’une marchandise tend a coïncider avec le
coût de production de cette marchandise. 11 faut, dans
le cadre accoutumé, étudier ici :
L’histoire de la loi (§ I) ;
Les formules actuelles (§ II) ;
Examen critique (§ III) (1).
§ I. H ist o ir e de la L oi
Cette histoire se résume en des formules assez abso
lues chez les premiers auteurs qui ont énoncé la loi
et une double évolution vers la contingence, d’abord en
restreignant la portée de la loi, ensuite, par des criti
ques plus profondes, en établissant à ccMé de l'action
du coût de la production sur le prix, une réaction du
prix sur le coût de production.
A) Les formules absolues.
Deux auteurs, Ad. Smith et Ricardo, ont donné la
loi comme absolue.
Ad. Smith (2) dans ses Recherches sur la Nature et
les Causes de la Richesse des Nations définit les deux
(1) Bib. Houques Fourcade. Eléments d'Economie Politique,
La Circulation Valeur, Monnaie et Crédit. 1 vol., Toulouse,
Soubirou, 1923, p. 73 et suiv.
(2) i 723- ' 79°-
�prix : (3) « Le prix réel de chaque chose, ce que chaque
chose coûte réellement à celui qui veut se la procurer,
c’est le travail et la peine qu’il doit s’imposer pour l’obtenir » (4). Il l’appelle aussi (5) le prix du marché. Le
prix naturel n’est autre chose que le prix de revient :
« Lorsqu’une marchandise n’est ni plus ni moins que
ce qu'il faut payer, suivant leurs taux naturels, et le
fermage de la terre, et les salaires du travail, et les pro
fits du capital employé à produire cette denrée, la pré
parer et la conduire au marché, alors cette marchandise
est vendue ce qu’on peut appeler son prix naturel » (6).
Cette distinction établie, Ad. Smith affirme : « Le prix
naturel est donc, pour ainsi dire, le point central vers
lequel gravitent continuellement les prix de toutes les
marchandises » (7).
11 en esquisse la démonstration (8) par l’action de la
concurrence (9).
11 remarque toutefois : « Différentes circonstances
accidentelles peuvent quelquefois la tenir (la marchan
dise) un certain temps élevée au-dessus, et quelquefois la
forcer à descendre un peu au-dessous de ce prix » (10).
Toutefois il conclut : « Mais, quels que soient les
obstacles qui les empêchent de se fixer dans ce centre
de repos et de permanence, ils ne tendent pas moins
constamment vers lui » (11).
Ainsi pour Ad. Smith, le prix de marché tend cons
tamment à coïncider avec le prix naturel, avec le coût
de production » (12).
Hicardo est non moins affirmatif.
Il écrit dans ses Principes (14) : « C’est donc l’envie
qu’a tout capitaliste de détourner ses fonds d’un em
ploi déterminé vers un autre plus lucratif, qui empêche
le prix courant des marchandises de rester longtemps
beaucoup au-dessus ou beaucoup au-dessous de leur
prix naturel ». Il montre lui aussi l’action de la concur
rence pour réaliser ce retour à l’équilibre.
Il admet toutefois comme Ad. Smith, des « causes
momentanées ou accidentelles » (15) qui peuvent déran
ger cet équilibre.
Ricardo est donc partisan d’une loi de coût de pro
duction à caractère absolu.
Mac Culloch (16), Senior (17) et Stuart Mill (18) accep
tent la donnée du coût de production comme élément
régulateur des prix.
Bœhm Bawerk (19) dans plusieurs études (20) accepte
la loi en question et la qualifie de « loi empirique des
coûts ». Il insiste sur l’ajustement du prix au coût de
production: si le prix s’élève au-dessus du coût, la marge
de plus grands profits incitera les producteurs à étendre
leurs affaires et encouragera de nouveaux entrepreneurs
à entrer dans le même genre d’affaires. L’augmentation
de production ainsi réalisée amènera un abaissement du
prix. Inversement si le prix s’abaisse au-dessous du
coût, les producteurs réduiront leur production et par
le jeu de l’offre et de la demande, le prix s’élèvera.
B) L'évolution doctrinale.
Après ces affirmations des deux représentants illus-
(14) Principes de l’Economie Politique et de l’ Impôt, 1S17,
dans Ricardo. Œuvres complètes. Traduction Contancio et Fonteyraud. Paris, Guillaumin, 1882, p. 58.
(15) Ibid., p. 58.
(16) The works of Ricardo. Londres, 1846. Trad. franç. par
A. Fonteyraud, Paris, 1847.
(17) 1790-1864. An outline of the science of political economy.
1836, dans l’Encyclopœdia Metropolitana.
(18) Principles of Political Economy. Ed. Ashley, 1921, p. 452
et p. 478.
(«9) 1851-1914.
(20) The Positive theory of Capital, 1S91, p. 223.
The Ultimate Standard of value dans Annals of the American
Academy of Political and Social Science, 1894, p. iyS,
�très de l'Ecole classique, une double évolution se pro
duit :
a) on limite la portée de la loi ;
b) on discute la loi elle-même.
a) Discussions sur la portée de la loi.
On tend à limiter aux seules marchandises dont la
production est libre et dont le coût est constant quelle
que soit la quantité produite, la coïncidence des prix
de marché et du coût de production. Pour celle-là la
loi de gravitation précédemment exposée continue de
s’appliquer, avec cependant des variations autour de
ce prix normal (21).
Mais la loi n’est plus exacte, semble-t-il, pour les
marchandises, dont le coût de production tend à s’élever
avec les quantités produites, par exemple pour les pro
duits des industries agricole, extractive et constructive.
En ce cas c’est le prix de l’unité la plus coûteuse qui tend
à dominer (22).
De même pour les produits dont le coût de production
diminue par suite des avantages de la concentration, pour
les produits manufacturés par exemple. Ici c’est le coût
de production le plus bas qui tend à dominer (23).
La loi du coût de production est déclarée inopérante
encore dans le cas des objets dont la quantité est limi
tée, par exemple les objets de collection et les œuvres
d'art (24) : il n’y a plus ici le régulateur du coût de
production. C’est le prix moyen qui est ici dominant (25).
Donc il y a limitation du nombre des marchandises
pour lesquelles la loi s’applique.
b) Discussions sur la loi elle-même.
Elles ont porté sur trois points :
1° un raisonnement doctrinal ;
2° l’analyse du coût de production ;
3° l’action respective des deux facteurs : coût de pro
duction et prix.
1° Raisonnement doctrinal.
Il a paru à l’examen que l’analyse de Smith et de
Ricardo manquait de rigueur : on (26) a objecté que ce
raisonnement constituait un cercle vicieux : le prix est
en effet expliqué par les éléments du coût de produc
tion : salaires, intérêts, profits et les prix de ces élé
ments eux-mêmes dépendent forcément du prix des
marchandises.
2° L'analyse du coût de production.
Ce coût de production ou prix de revient était une
notion vague et insuffisamment précise.
Diverses analyses ont été faites par Marshall et par
Bourguin.
Marshall (27) dans son Traité d’Economie Politi
que (28) décompose les frais de la production en coût
spécial et en coût supplémentaire.
Bourguin les classe dans sa Mesure de la Valeur en
frais généraux et en frais spéciaux :
les premiers comportent le loyer, l’intérêt, l’entre
tien et l’amortissement du capital fixe, les primes d’as
surances incendie, les frais de bureau et d’administra
tion, les impôts généraux, etc.... Ils sont relativement
constants ;
les seconds sont le prix des capitaux circulants (ma
tières premières, combustibles, etc.), les salaires, les
primes d’assurances accidents, les impôts sur le chiffre
d’affaires, etc... Ils sont en général variables selon le
développement de la production.
De là un nouveau caractère pour chacune de ces caté
gories de frais :
(26) Petit. Etude critique des différentes théories de la valeur.
Thèse, Paris, 1897, p. 110.
de Tarde. L ’idée de juste prix. Thèse, Paris, 1906, p. 126, 136
et 145.
(27) 1842-1924.
(28) Marshall. Principes d’Economie Politique, 2 vol., Paris,
Giard. Trad. franç. S. Jourdan, t. II, p. 48.
(29) Bourguin. La Mesure de la Valeur et la Monnaie, 1 vol.,
Paris, 1896, p. 234.
�les uns sont essentiels et entrent néanmoins dans le
coût de production : ils sont incompressibles.
les autres sont accidentels : on peut momentanément
ne pas en tenir compte dans la fixation du prix de
revient (30).
Ainsi le coût de production après cette analyse n’est
plus qu’une notion abstraite, en tout cas tous ses élé
ments n’ont pas la même action dans la fixation des
prix de vente (31).
M. Colson élabore la théorie du prix de revient par
tiel (32) et la substitue à la notion du prix de revient.
Il entend par là la dépense supplémentaire à faire
pour obtenir chaque unité de produit, à l’exclusion des
frais permanents.
« Quand on produit de très petites quantités, c’est
la partie constante des frais qui joue le rôle prédomi
nant : le prix de revient total de chaque unité s’obtient
alors, à très peu de chose près, en divisant par la quan
tité produite, le montant des frais permanents, auxquels
le prix de revient partiel n’ajoute qu’une somme négli
geable. Au contraire, quand la production devient très
grande, c’est la partie constante des frais qui devient
négligeable, et le prix de revient total ne diffère plus
sensiblement du prix de revient partiel. »
C’est, dit-il, le cas à peu près de toutes les entre
prises.
3° Action respective des deux fadeurs :
coût de production et prix
Par une dernière critique, la plus grave faite à la
loi, plusieurs auteurs (33) ont noté qu’au lieu d’une
action dans un seul sens du coût de production sur le
(30) Bourguin, op. cit. p. 241.
(31) Bourguin a la priorité pour cette analyse en France.
(32) Cours d’Econ. Politique. Ed. définitive, t. I, Liv. I, chap.
III, p. 270.
La théorie avait été formulée dans la première édition. Paris,
1898, Gauthier-Villars, Liv. I, chap. VI.
(33) Bourguin, op. cit. p. 245.
Marshall, op. cit. p. 63, IL
Pareto. Cours d’Economie Politique, 1896, I, numéros 593
et 694.
prix, il y avait action et réaction des deux facteurs : les
changements du marché peuvent amener des hausses
ou des baisses du coût de production. 11 y a donc mu
tuelle dépendance de ces deux facteurs.
L’évolution doctrinale aboutit donc à contester très
fortement le caractère absolu de la loi, à en limiter
grandement la portée et meme tout à l’extrémité de cette
succession de critiques, à nier la valeur de la loi.
§ II. FORMULES ACTUELLES
A la suite de ce travail critique, bien rares sont les
auteurs contemporains qui maintiennent les formules
absolues d’Ad. Smith et de Ricardo.
La plupart des auteurs enregistrent, en en tenant
grand compte, les critiques précédemment rapportées.
Houques Fourcade (34) écrit : « Il y a relation de
dépendance entre le coût de production et la valeur,
qui agissent et réagissent constamment l’un sur l’au
tre... Quoique troublé sans cesse, par tout ce qu’il y
de mouvant dans les besoins, dans l'état de la techni
que et dans celui de la concurrence, il (l’équilibre de
l’offre et de la demande) n’en représente pas moins, avec
le prix normal, l’élément de la stabilité du marché. » (34)
Ch. Gide (35), dans son Cours d’Economie Politi
que (36) écrit : « On peut même affirmer que sous un
régime de libre concurrence, la coincidence serait par
faitement réalisée. C’est là une des lois les plus impor
tantes de l’Economie Politique.
Mais en fait cette coïncidence ne se réalise jamais
parce que la concurrence n’agit jamais qu’imparïaitement : il rfy a guère d’entreprise qui ne jouisse d'un
monopole plus ou moins accentué, tenant soit à la situa
tion, soit à des brevets, soit à des droits protecteurs,
soit à une coalition expresse ou tacite, ce qui lui permet
de maintenir un prix de vente supérieur au prix de
revient et de réaliser ainsi un profit. »
(34)
(35)
(36)
Sirey,
Op. cit., p. 86.
i 847-i 933-
Cours d’Econ. Politique, 10* édit., Paris, Libr. du Rec.
1930, p. 202.
�—
216
—
Et plus loin (37) l’auteur montre que même en dehors
des cas de monopole, il y a de nombreux cas où le prix
de vente ne coïncide pas avec le prix de revient : cas
des frais de production inégaux et alors le prix se main
tient d’une façon permanente au-dessus du coût de
production ; cas de progrès industriel : le prix est alors
ramené au coût de reproduction soit au-dessous du
coût de production primitif.
M. Rebond ne fait plus qu’une place très restreinte à
la formule de la loi du coût de production : « Le prix
normal, prix d'équilibre, coïncide avec le coût margi
nal de production, tandis que le prix du marché peut
se tenir tantôt au-dessus et tantôt au dessous du prix
normal (38). 11 examine la série très longue de ces diffé
rents cas.
M. Truchy (39) écrit : « Le coût de production déter
mine le prix de vente mais on peut renverser la for
mule et dire que le prix de vente détermine le coût de
production. »
Divers économistes contemporains, surtout Améri
cains, ont repris en les complétant les analyses ci-des
sus rapportées de Bourguin.
On peut citer en ce sens :
John Maurice Clark (40) formule la théorie des
« Overhead cosls », (41).
W. C. Mitchell (42) distingue (43) deux sortes d’élé(37) Note 1, p. 202.
(38) Précis d’Economie Politique, t. I, p. 430, 6« édit., 1934,
Paris, Dalloz.
Cf. p. 433: Si l’on réfléchit au nombre immense des marchan
dises qui sont produites soit par les cultivateurs, soit par les
industriels, au cours d'opérations simultanées, on comprendra
combien est vaste le domaine où la règle que le prix d’ une mar
chandise tend à coïncider à la longue avec son coût de produc
tion ne s’applique pas, même dans l’hypothèse de libre concur
rence. »
(39) Cours d’Economie Politique, 4e édit. Paris, Libr. du Rec.
Sirey, 1936, t. I, p. 497.
(40) 1884(41) The économies of overhead cost. 1923.
Cf. Pirou. Les nouveaux courants de la théorie économique
aux Etats-Unis, fasc. I, Ed. Domat-Montchrestien, 1935, p. 94.
(42) 1875(43) Business Cycles, ire édit. 1913, 1 vol. ; 2* édit. 1927, 2
vol.; i™ édit., p. 476.
ment du coût : le coût primaire (prime cost) et le coût
supplémentaire (supplementary cost): les premiers sont
variables avec le montant de la production, ex. : salai
res, matières premières, les seconds ne varient pas avec
le montant de la production : ex. dépense d’installa
tion de machines, frais généraux.
Schlichter (44) dans un récent ouvrage (45) conteste,
par l’examen de la réalité économique, que la concur
rence engendre, comme l’enseigne la théorie, la
compression du prix de revient. Il montre comment un
prix de revient élevé n’entraîne pas nécessairement la
disparition de l’entreprise, comment un chef d’entre
prise peut se débarrasser d’un élément du prix de re
vient en le rejetant sur d’autres personnes.
Enfin un Economiste Américain contemporain,
M. Vernon A. Mund, dans un article important (46)
ajoute à ce qu’il dénomme l’ajustement technologique
du prix au coût qui serait pour lui le seul envisagé
par Bochm Barwerk, un ajustement financier, Basé
sur un réajustement des frais généraux et donne de cet
ajustement plusieurs exemples d’ailleurs intéressants
tirés de faits américains.
Un autre Economiste Américain, Willis L. Hotchkiss,
dans un ouvrage récent (47) a par une nouvelle analyse
du coût de production tenté une nouvelle formule sur
l’action des salaires dans le coût de production. Il for
mule ainsi la régularité qu’il dénomme « loi de l’action
du salaire » : « Quand une matière première est l’objet
d’une ou plusieurs opérations mécaniques, un accroisse
ment plus grand dans le prélèvement annuel, payé par
la production de la matière première et des opérations
successives mécanique et commerciale, n’aura qu’un
effet relativement faible sur le coût des produits finis. »
(44) 1892(45) L ’organisation et le contrôle de l’activité économique.
Cf. G. Pirou. Les nouveaux courants de la théorie économique.
Fasc. III. De l ’économie statique à l'économie dirigée, 1 vol.,
Paris, Ed. Domat-Montchrestien, 1938, p. 171.
(46) The flnancial adjustement in the empical law of Cost,
The American Economie Review. 1936, p. 74.
(47) The law of Wage action.
Cleaveland. Eaton. Pub. Co 1936.
�La critique (48) a facilemnt montré que l’auteur s’était
trop spécialement attaché à certaines périodes de pros
périté d’après guerre : il n’eut pas pu conclure de
même par exemple pour la période 1896-1912. La for
mule n’a donc pas été retenue comme complément de
détail de la loi du coût de production.
III. Examen critique
Il paraît chimérique de vouloir procéder à l’examen
d’une loi dont la doctrine contemporaine a ainsi res
treint la portée.
Cependant, avec la majorité des auteurs contempo
rains (49) il est possible de distinguer trois hypothèses
nettement distinctes :
a) les produits à coût constant ;
b) les produits à coût croissant ;
c) les produits à coût décroissant.
a) les produits à coût constant.
Il s’agit, selon la formule de M. Reboud, de marchan
dises « dont les matières premières abondent dans la
nature, dont la fabrication n’exige aucun emplacement
spécial et pour lesquelles les avantages de la production
en grand cessent dès que les entreprises atteignent cer
taines dimensions facilement réalisables. » (50)
Elles seraient d’ailleurs en fait assez rares (51).
Pour elles, le prix normal tend bien à coïncider avec
le coût de production : le premier est sans cesse ramené
au second par le jeu de la concurrence.
b) les produits à coût croissant.
Ce sont toutes les marchandises dont le coût de pro
duction augmente, avec une production accrue, en gé
néral les produits agricoles.
Le prix de vente est en général dominé par le coût le
plus élevé dans les entreprises approvisionnant le
marché.
Ce n’est donc que le coût de production le plus élevé
qui est ici dominant.
c) les produits à coût décroissant.
C’est le cas de la plupart des produits industriels : le
coût de production diminue avec l’augmentation de la
production.
C’est alors le coût de production le plus élevé parmi
ceux des entreprises fournissant le marché qui est
dominant.
Cependant à la longue et par le jeu de la concurrence
des entreprises produisant plus cher ou bien s’adap
tent ou bien sont éliminées.
Dans ces deux derniers cas à vrai dire c’est le coût
de reproduction qui est dominant (52).
De cet examen résulte cette vue générale : la loi
reste théoriquement vraie mais avec la complexité du
réel, comme il n’y a pas unité de coût de production,
les choses se passent de façon beaucoup plus complexe
que ne l’avaient imaginé les premiers auteurs de la loi :
la vérification de leur hypothèse simple est en fait au
jourd’hui excessivement rare.
CONCLUSION
(48) L ’auteur base sa démonstration sur de nombreuses expé
riences aux Etats-Unis, notamment sur la production des barres
de fer (pig-irons). Cf. American Economie Review. 1936, p. 719.
(49) Reboud. Principes d’Economie Politique, t. I, p. 417.
L. Baudin. La monnaie et la formation des prix. Pre
mière parie. Les éléments, 1 vol., Paris, 1936, p. 102 et suiv.
t. IV du Traité d’Ec. Polit, publié sous la direction de M. H.
T ruchy.
(50) Reboud. Op. cit.} t. I, p. 421.
(51) Truchy. Cours d’Ec. Polit., t. I, 4* édit., Libr. du Rec.
Sirey, 1936, p. 500.
Que faut-il conclure après l’étude de cette loi géné
rale ?
Il faut sans doute maintenir à la loi du coût de
production le caractère de loi économique mais on a
(52)
Il faudrait ici étudier les complications extrêmes qu’en
traîne l ’instabilité des prix en cas de perturbations monétaires.
�vu combien cette loi avait perdu son caractère absolu :
elle est limitée à un petit nombre de cas : elle est contin
gente au suprême degré, puisque les conditions de son
application sont très nombreuses et rarement réalisées
en pratique.
CHAPITRE XVIII
LA
LOI
DE
C O M P E N S A T IO N
DES CHANGEMENTS DE PRIX
Cette dernière loi n’a pas d’histoire : car elle tout à
fait contemporaine.
11 suffira donc d’exposer ici :
les formules actuelles (§ I),
l’examen critique (§ II).
§ I. F o r m u le s a c t u e l l e s (1)
La loi est due à un économiste Autrichien Wicksell.
Il affirme qu’un changement du niveau général du prix
a toujours pour corollaire une modification monétaire :
car chaque hausse ou baisse particulière de prix est
confirmée par une baisse ou une hausse correspondante
d’une ou de plusieurs autres marchandises.
Il appelle cette loi : loi de la compensation des chan
gements de prix : « Gesetz der kompensatorischen
Preisànderungen. »
La démonstration tentée par l'auteur pour établir la
loi est la suivante :
lorsque le prix d’une marchandise, le blé, par exem
ple, augmente pour des raisons spéciales à cette mar(i) Wicksell. Geldzins und Güterpreise.
Wicksell Vorlesunger üher Nationalôkonomie.
Analysées par M. Pierre Raynaud. Les notions du taux natu
rel de l’intérêt et son utilisation. Rev. de S. et de Lég. financ.
Janvier 1937.
Cf. Pierre Raynaud. Essai sur la Monnaie neutre, I. Monnaie
neutre et Economie réelle. Rev. d'E. P., 1937, p. 1192.
�—
chandise, récolte déficitaire par exemple, les consom
mateurs doivent dépenser de plus grandes quantités de
monnaie pour acquérir cette marchandise. Mais,
comme la quantité de monnaie est supposée invariable,
ils auront moins de disponibilité pour se procurer les
autres marchandises. Il y aura donc hausse des prix
pour une ou plusieurs de ces denrées. Le niveau du prix
restera constant.
Au contraire lorsque le prix d’une marchandise bais
sera, un certain pouvoir d’achat sera libéré et se
portera sur d’autres marchandises. Le prix de ces mar
chandises montera et le niveau général des prix restera
cette lois encore identique.
La loi a donné lieu dès son apparition à des contro
verses très vives :
Les adversaires de la loi l’ont qualifiée de truisme
parce qu’elle suppose la quantité de monnaie en circu
lation constante, la valeur de circulation de cette mon
naie identique, l’épargne constante et l’élasticité de la
demande égale à un (2).
D'autres ont fait des réserves sur l’enregistrement du
fait énoncé par la loi qui implique des indices de prix
correctement établis (3).
D’autres enfin (4) ont montré que dans une économie
courante, où l’élasticité de la demande n’est pas égale à
un, la loi n’est plus vraie.
Cependant un certain nombre de disciples de Wicksell, approche l’Ecole Néo-Wicksellienne, G. Haherler,
Mahr, Morgenstern, Stirgl, Ropke, en général Autri
chiens, ont maintenu avec quelques nuances l’affirma
tion du maître.
§ IL
E xamen critiq u e
L’examen des faits amène à une conclusion défavo
rable à la loi.
(2) Par élasticité de la demande, on entend aujourd’hui « le
rapport du changement relatif de la demande au changement
relatif du prix. » Cf. ci-dessus p. 170.
(3) Cf. sur ce point G. Haberler. Der Sinn der Indexzahlen.
Türbingen, 1927.
(4) P. Raynaud. Art. Rev. d’E. P., 1 9 3 7 , p. 1201.
223
—
Elle ne serait vraie que si l’élasticité de la demande
était pour tous les produits égale.
M. Pierre Reynaud (5) en fait l’exacte constatation :
« Pour le comprendre, supposons un ensemble éco
nomique composé seulement de trois individus à la fois
producteurs et consommateurs. Chacun d’eux achète
pour 100 unités de monnaie à chacun des deux autres,
il vend également à ceux-ci ses propres produits pour
100 unités de monnaie. Il achète donc pour 200 unités
et revend pour 200 unités de monnaie. Supposons que
la marchandise vendue par A soit du blé et qu’il y ait
une mauvaise récolte : A aura dépassé 200, comme
d’habitude, mais il ne retirera pas forcément 200 de
sa vente, si sa récolte a diminué de moitié, il sera con
traint de doubler ses prix pour en tirer le même revenu.
Mais en agissant ainsi il risquera d’éloigner une cer
taine partie de sa clientèle et de ne pas écouler la tota
lité de sa récolte. Selon que l’élasticité de la demande
du produit vendu par A sera supérieure, égale ou infé
rieure à 1, le revenu de celui-ci diminuera, sera stable
ou augmentera. Ainsi, suivant les cas, l’augmentation
du prix de A libérera du pouvoir d’achat ou en absor
bera. La loi des changements de prix compensés ne
se vérifiera donc que si 1élasticité de la demande pour
la marchandise considérée est égale à 1. Dans tous les
autres cas elle sera fausse. »
On pourrait encore au point de vue de la vérification
de la loi et de son application à la réalité économi
que, remarquer que jamais les conditions qu’elle impli
que ne se trouvent réalisées.
Il n’y a jamais à la fois dans un monde économique
réel constance de la monnaie en circulation, valeur de
la circulation de la monnaie identique, épargne cons
tante et élasticité de la demande égale à un.
CONCLUSION
Il faut donc rejeter cette loi que l’on a en vain voulu
ajouter au nombre des lois économiques vraiment
scientifiques.
(j) Rev. d’ E. P., art. cité. p. 1201.
�CONCLUSION
Au terme de cette étude des lois générales de l’éco
nomie politique, il est permis de formuler quelques
conclusions provisoires (1).
Deux problèmes paraissent devoir être ici précisés :
a) le caractère des lois générales de l’Economie Poli
tique ;
b) l’avenir de ces lois économiques.
a) caractère des lois générales de /’Economie Politique.
L’Ecole historique (2) avait envisagé la loi économi
que comme valable seulement pour une époque déter
minée et un milieu donné : c’étaient, pourrait-on dire,
les lois d'une époque et d’un pays.
Il ne semble pas que l’étude précédente confirme celle
anticipation déjà ancienne : formulées peut-être à l’oc
casion d’une période ou d’un milieu où elles étaient par
ticulièrement apparentes, les lois économiques telles
que les ont envisagées leurs auteurs, ont toujours
été données avec un caractère de généralité indéniable
et la vérification critique de chacune de ces lois semble
confirmer ce caractère.
Il est vrai que les historiens contemporains semblent
avoir modifié la conception initiale.
M. Marc Bloch dans une conférence récente (3) don
nait les suggestions suivantes :
« Peut-on espérer qu’un jour l’étude du passé nous
amène à établir des lois d’évolution ? Que ces lois nous
permettent de déterminer certaines ruptures régulières
d'équilibre, certaines successions de phases, et, par
suite, alors que nous nous trouverons dans une phase
donnée, de prévoir en quelque mesure et surtout de
préparer la phase suivante ? Cela, bien entendu, sauf à
maintenir comme un solide garde-fou le fameux prin
cipe de « toutes choses égales d’ailleurs ». Car il devra
toujours être nettement spécifié que la loi n’est valable
(1) Sous réserve des conclusions que pourra motiver l’étude
des lois spéciales (tome III en préparation).
(2) Cf. tome I, p. 85.
(3) Les Méthodes en Science économique. Que demander à
l’histoire? X Crise. Centre polytechnicien d’études économiques.
Février 1937, p. 21,
que pour un milieu répondant à certaines conditions
données, et que, si ces conditions fondamentales vien
nent à manquer, la périodicité cesse de s’appliquer ».
Ce serait ainsi la loi dégagée par l’histoire mais vala
ble comme loi générale, sous la réserve toutes choses
égales (d'ailleurs.
Nos recherches précédentes semblent permettre
d’approuver cette suggestion qui corrige heureusement
le relativisme exagéré des anciens représentants de
l’Ecole historique. Oui les lois économiques confirment
ce caractère de généralité qu’aujourd’hui les historiens
eux-mêmes ont tendance à leur conférer.
Mais on peut peut-être aller un peu plus loin et affir
mer que les lois économiques ne comprennent pas seu
lement des lois d’évolution, comme tendraient à l’ad
mettre certains de nos contemporains. Elles compren
nent aussi des lois statiques dont l’étude précédente
nous a fourni plusieurs spécimens : loi du moindre
effort, lois des prix en régime de concurrence, loi des
prix en régime de monopole, etc...
Toutes d’ailleurs semblent contingentes : elles ne sont
vraies que toutes choses égales d’ailleurs, c’est-à-dire
que pour autant que les conditions de la loi se trouvent
réalisées : ce qui, on l’a vu, est loin d etre fréquent.
Ainsi la loi économique est une loi générale et une
loi contingente,tels sont les deux traits dominants qui
en déterminent le caractère.
b) l’avenir des lois économiques.
Deux constatations semblent ici s’imposer : D'abord
on peut et on doit admettre que toutes les lois écono
miques ne paraissent pas avoir été formulées à ce jour,
il reste un vaste champ ouvert aux observateurs et aux
chercheurs. Nous ne connaissons encore qu’un nombre
limité de ces lois : il doit y en avoir d'autres que l'ave
nir nous apportera.
Ensuite et comme direction de recherches, j’admet
trais pour ma part que bon nombre des lois existantes
— je parle bien entendu et seulement des lois géné
rales étudiées dans ce volume — présentent ce carac
tère commun d’être des explications par l’individuel —
ce qui est évidemment un point de vue trop abstrait
�el par là même critieable. Il semble souhaitable de cher
cher pour l'avenir l’explication de la réalité par le
social, au moins autant, sinon plus que par l’indivi
duel (4).
Les lois existantes notamment les lois du prix pour
raient être complétées et vérifiées par ce point de vue
fécond ; l’estimation commune a certainement sa part
dans la fixation des prix.
'D’autres lois sans doute pourront être découvertes
grâce à ce nouveau point de vue.
Il devra être naturellement conservé et utilisé pour
la solution du problème de l’Action en face des lois
naturelles.
On peut ainsi se rapprocher comme base de l’affir
mation de l’économiste Marshall (6) : une loi de science
sociale, c’est l’affirmation que les hommes appartenant
à un groupe social se conduisent d’une certaine façon
sous certaines conditions. »
La loi précepte était à l’origine avant la loi constata
tion {7). Elle semble ainsi devoir être réintégrée avec
de notables transformations il est vrai, dans la notion
d’avenir de la loi naturelle.
Puisque l’action reste possible dans certaines condi
tions nous devons encore agir.
La loi économique a ainsi une originalité propre qui
la différencie assez nettement de la loi scientifique
ordinaire.
Telles sont nos conclusions provisoires.
Aix-en-Provence, le 7 Mars 1937.
(4) Cf. Conférence de M. Marc Bloch précitée p. 29, où
l ’auteur expose très judicieusement à ce sujet l ’orientation
défendue par le regretté Simiand.
(5) Cf. tome II, p. 168.
(6) Citée par Gide. Cours d’Economie Politique, ire édition,
t. I, p. 7, note 1.
(7) Cf. t. I, p. 11.
Aftalion, 63, 113, 115 (n. 35),
176 (n. 32), 136 (n. 122), 187
(n. .123).
Alfassa, 147 (n. 17).
Andler, 13 (n. 16).
Andréadès, 176 (n. 32).
Ansiaux, 200 (n. 15).
Aucuy, 119 (n. 52).
Barone, 43.
Barrault, 132 (n. 10).
Bastiat, 87.
Baudin, 65 (n. 3), 78 (n. 31).
Beauregard (P.), n o(n . 5), 162.
Beccaria, 82.
Bellet (D.), 74 (n. 43).
Bergson, 165, 166.
Bernouville (de), 116 (n. 41).
Bernouilli, 50.
Bernstein, 19-127.
Berthelot, 36 (n. 62).
Blanc (Louis), 27.
Blaringhem, 36 (n. 63).
Bloch (Maurice), 49 (n. 2), 52
(n. 12), 54, 63, 86.
Block (Marc), 224.
Blum, 166.
Bodio, 99.
Bœhm Bawerk, 123,
189, 199, 211.
Bortkewitsche, 60 (n. 40).
Bouniatian, 113 (n. 26), 205.
Bourguin, 43, 213.
Bousquet, 174 (n. 86).
Boutroux, 37.
Boverat, 57 (n. 33), 93 (n. 77).
Brentano, 86 (n. 27).
Brenier, 89 (n. 56).
Briaune, 206 (n. 26).
Brocard, 80.
Broomhall, 208.
Brouilhet, 194.
Buchanan, 156.
Bunle, 57 (n. 33), 93 (n. 77).
Burton, 181 (n. 105).
Carey, 87.
Carli (F.), 44Carmille, 66.
Cauderlier, 92.
Cauwès, 87.
Chailley (Joseph), 47.
�— 228 —
Chalmers (36 (n. 64).
Clark (M.), 216.
Clementel, 46 (n. 91).
Clerget, 176 (n. 92).
Cohn, 70, 86.
Colson, 105 (n. 15) (n. 16),
n. 80), 137, 139, 146,
272 (n. 22 et 25).
Coni (Emile), 42.
Considérant, 28.
Cornélissen, 131 (n. i),
136 (n. 32), 142 (n. 1).
Cossa (Luigi), 70.
Cournot, 53, 157, 161,
200.
Courtin, 206.
Courcelle-Seneuil, 69.
Coutrot, 40.
Couvrat-Desvergnes, 199
12).
Croce (Benedetto), 20.
Crooks, 87.
Cru, 38 (n. 66).
Culloch (Mac.), 211.
Eichtal (D’), 164.
Engel, 87.
Engels, 15, 17 (n. 10).
174
165,
135,
197,
(n.
D
E
1 1 7 (n - 42 ).
F
Daure, 56 (n. 32).
Darwin, 29, 36.
Davemant, 204.
Dechesne (L.), 41, 169.
Defourny, 159 (n. 25).
Delacroix, 75 (n. 45).
Delewsky, 203 (n. 16).
Denis, 81 (n. 2), 86 (n. 27).
Deschamps, 788 (n. 51).
Doubleday, 87.
Doumergue, 105 (n. 14).
Drysdale, 88.
Dubuisson, 62.
Dubouin, 75 (n. 45 et n. 46).
Dugas, 67 (n. 2).
Dumont, 91.
Dupuy, 197.
Edgeworth, 71, 133, 134.
Houques Fourcade, 143 (n. 1),
194, 209 (n. 1), 215.
Huber, 57 (n. 33), 93 (n. 77),
Hume, 25 (n. 2).
Faure (F.), 56, 199.
Faugeras, 1S3 (n. 113).
Feierabend, 177 (n. 95).
Fiamingo, 6S (n. 3).
Foldes, 33.
Fourier, 27.
Franklin (B.), 83.
J
Jevons (Stanley), 110, 132, 135,
i 45, 2° 5Juglar, 109.
K
G
Georges (Henri), 87.
Gibrat, 65, 66.
Gide (Charles), 20, 35, 46
91), 72, 88, 112, 126 (n.
128, 137, 146, 147 (n165, 194, 200 (n. 15),
(n. 12), 215, 226 (n. 6).
Gilby (Mme), 172.
Godwin, 84 (n. 19).
Gonnard, 81 (n. 1), 113 (n.
118 (n. 49).
Guilhol, 131 (n. 1), 132.
Guilhot, 189 (n. 3).
Guillaume (Ed.), 62.
Guillaume (G.), 62.
Guyot (Yves), 69, 205.
Letrosne, 26.
Levasseur, 57 (n. 33), 58 (n.
37), 93 (n- 77)List, 87.
Loria, 1.9, 20, 22.
Luftalla, 149 (n. 1), 186 (n.
121).
(n.
4),
IS),
210
Kautsky, 87.
Khérian, 75 (n. 45).
Kidd (Benjamin), 30.
King (Grégory), 203, 206.
Knies, 158, 159.
Korosi, 98.
Kugelmann, 34.
Kuczynski, 95 (n. 82).
L
24),
H
Haberler, 222.
Halbwachs, 99 (n. 90).
Hamburger, 115.
Harold, 95 (n. 81).
Hauser, 88 (n. 51), 90 (n. 61).
Heard (Gerald), 38.
Heilperin, 115 (n. 45).
Hersch, 82 (n. 2).
Hévesy, 208.
Hobson, 135.
Hoeckel, 36.
Hoover, 40.
Hotchkiss, 217.
Labriola, 18.
Lacombe, 116 (n. 37).
Lafargue, 22.
Lalande, 41.
Landry, 22, 49, 57 (n. 33), 188
n. 126).
Laplace, 51.
Lauderdale, 156, 204.
Laufenburger, 177 (n. 96), 185.
Laveleye, 31, 169 (n. 66).
Lavergne, 114, 131 (n. 1), 138
(n. 43).
Le Châtelier, 61.
Leduc, 197, 200 (n. 16), 201.
Leontieff, 173.
Leroy-Beaulieu (Paul), 32, 55,
60,
70,
9 L 94 (n . 78),
m ,
140, 162, 163, 199.
Leroy, 12.
Lescure, 67, 109, 112 (n. 19),
118.
M
Machiavel, 82.
Madami-Lâmé, 12.
Malthus, 81.
Manoîlesco, 206-207.
Mantoux, 461 (n. 88), 74 (n.
43), 75 (n- 45)Marc (St), 160 (n. 29), 189 (n.
3)Marschal, 34, 146, 170, 172,
199, 212 (n. 21), 213, 226.
Marx (Karl), 15, 16, 21, 34, 87,
125, 126, 158, 159.
Menger (Karl), 132, 133, 135,
198, 199.
Mercier de la Rivière, 26.
Metz-Noblat (de), 12.
Mill (Stuart), 28, 86, 153, 160,
211.
Mitchell, 114, 216.
Molinari (de), 31, 205.
Moret, 139 (n. 46).
Morgenstern, 117, 222.
Moore (H. L.), 43, 116, 170,
i 72, 1 73, l86, 2° 7Moure, 119.
Mund, 217.
N
Naudeau, 40 (n. 74).
Neumann, 135.
Nichol, 201.
Nitti, 92.
Nogaro, 76 (n. 48), 176 (n. 94),
181 (n. 107), 206
�— 230 —
O
Oesteinlein, 52.
Ollivier (M.)> 65 (n. 2).
Oppenheimer, 87, 92.
Ortès, 84.
Osler, 36 (n. 64).
Oualid, 12, 46 (n. 91), 106.
Owen, 28.
P
Pantaleoni, 70.
Pareto, 15 (n. 1), 21 (n. 33), 43)
133, 166, 214 (n. 33).
Pearl, 88.
Pearson, 208.
Perreau, 78 (n. 51), 128, 165,
194, 200 (n. 15).
Périer, 36 (n. 64), 99 (n. 90).
Perroux, 44 (n. 87).
Petit, 131 (n. 1), 135, 138 (n.
43), 213 (n. 26).
Philip, 176 (n. 93).
Physiocrates, 9, 25.
Pic, 45 (n. 88).
Pierson, 200 (n. 15).
Pigou, 173.
Pirou, 15 (n. 4), 131 (n. 1), 134
(n. 20), 137, 138 (n. 44), 146
(n. 24), 161 (n. 30), 198 (n. 6),
216 (n. 41), 217 (n. 45).
Poisson (D.), 51.
Pose, 41 (n. 76).
Proudhon, 17, 27, 159.
Q
Quesnay, 25, 68.
Quételet, 52, 86.
R
Ramhaud, 68 (n. 5),
Rau, 160.
Raynaud (P.), 221 (n. 1), 223.
Reboud, ai, 72, 113, 128, 137,
194, 196 (n. 16), 200 (n. 15),
216, 218.
Reclus (Elisée), 30.
Rendu, 104 (n. 12), 106 (n. 17),
107.
Rhenisch, 54.
Ribaud,, 71.
Ricci, 170.
Ricardo, 86, 125, 126, 145 (n.
3), «52, 157, 204, 205, 210,
217 (n. 24), 215.
Rist, 63 (n. 12), 126 (n. 4), 132,
210 (n. 12).
Rogers (Thorold), 204.
Roosevelt, 106.
Rôpke, 222.
Roscher, 69, 86.
Rosmini, 71.
Rousseau, 106 (n. 18).
Roy (René), 171.
Rumelin, 55, 86.
S
Sadler, 99.
Sanders, 146 (n. 14).
Sanger, 88.
Sax, 133.
Say (Léon), 32 (n. 47).
Say (J.-B.), 86.
Scella, 25 (n. 1).
Schlitcher, 217.
Schatz, 25 (n. 2), 72.
Schâffle, 86.
Schmoller, 34.
Schumpeter, 44 (n. 87).
Schultz, 170, 172, 186 (n. 21).
Sciama, 139 (n. 45).
Seligman, 21 (n. 33).
Senior, 211.
S. D. N., 178 (n. 97), 187 (n
127).
Siegfried (J.), 11 1.
Simiand, 40, 72, 117, 136, 168
194, 226 (n. 4).
Sismondi, 27, 87.
Smith (Adam), 26, 125, 126,
150, 209, 215.
Sorel (G.), 15 (n. 1), 19.
Spencer, 30.
Spengler, 86 (n. 27).
Strangleland, 82 (n. 2).
Spirito, 43Stevens, 38 (n. 67).
Stevenson, 184.
Steuart, 82.
Stirgl, 222.
Sundbarg, 89 (n. 58).
Sünner, 87.
Süssmilch, 50.
T
Tarde (G.), 166.
Tarde (de), 167, 213 (n. 26).
Tarlé (de), 186.
Taylor, 74.
Thomson, 88.
Trotabas, 106 (n. 17).
Truchy, 78 (n. 51), 212 (n. 25),
216, 218 (n. 51).
Trumer, 15 (n. 4), 20 (n. 29).
Turgeon (L.), 17 (n. 1), 21, 123
(n. 1), 14 9 (n - 0 , l 64 Turgeon (Ch. H.), 123 (n. 1).
V
Valois, 73.
Varigny (de), 36, 61 (n. 3), 62
(n. 5), 63Vallon, 62 (n. 6), 67, 117 (n.
47)Veblen, 137.
Vezès, 61 (n. 1).
Vidal, 79 (n. 52).
Vigreux, 75 (n. 47).
Vries (de), 36 (n. 63).
Volta (délia), 20.
W
Wagner (A.), 53, 70, 103.
Wagemann, 118.
Walras (Léon), 15 (n. 1), 132,
i 33) ! 34, i 36 (n- 34), 161, *97Wallace, 31, 72.
Warren, 208.
Weiller, 75 (n. 45).
White (Dupont), 101.
W ie s e r , 13 3 - 13 4 -
Wicksel, 221.
Willigen, 99 (n. 90).
Y
Young, 83.
Yovanowitch, 74 (n. 44).
�TABLE DES MATIÈRES
I ntroduction ........................ . ..........................................
7
P R E M IE R E P A R T IE
L es
lois de la
V ie E conomique ................................
13
C H A P IT R E I. L a loi du M atérialisme historique
15
§ I. H is to ire de la loi ...........................................
§ IL F o rm u le s a c tu e lle s .........................................
§ I I I . E x am ,en c ritiq u e ..............................................
15
20
22
C H A P IT R E IL L a loi de la concurrence ............
25
§
§
I. H is to ire de la loi ............................................
IL F o rm u le s a c tu e lle s ...........................................
S e c tio n I. L a c o n c u rre n c e lu tte p o u r la vie estelle à c o n s e rv e r co m m e loi d es so ciétés ? ............
S e c tio n IL L ’A m é n a g e m e n t de la c o n c u rre n c e .
S e c tio n I I I . C ritiq u e s de la c o n c u rre n c e lu tte
p o u r la v ie .................
§ IV . E x a m e n c r i t i q u e ..................... ..........................
25
35
at
38
41
45
S e c tio n I. A ctio n d e la c o n c u rre n c e d a n s le
te m p s .........................................................................................
S e c tio n II. A ctio n de la c o n c u rre n c e d a n s l ’es
p a c e ..................................................................................
47
C H A P IT R E I I I . L a
49
§
I. H is to ire
loi des grands n o m b r e s -------
................................................... .
..
45
49
�— 235 —
— 234 —
Section I. Les partisans convaincus ..............
Section II. Les critiques et les partisans avec
réserves ............................................................
§ IL Les formules actuelles ..............................
§ III- Vérification critique ..................................
Section I. Les statistiques démographiques.
Section IL Les problèmes d’assurance ..........
Section III. Quelques autres co n statatio n s----
63
55
56
57
59
60
CHAPITRE IV. L a loi de déplacement de l ’équi
libre
.................................................................
61
CHAPITRE V. La loi de l ’effet proportionnel
§ I. Formules actuelles ...................................
§ IL Vérification critique .................................
65
65
66
CHABITRE VI. La loi du moindre e f f o r t ..........
§ I. Histoire de la loi ......................................
§ IL Formules actu elles......................................
Section I. Les continuateurs des classiques..
Section IL Les critiques ......................................
67
68
71
72
72
§ III. Examen critique ........................................
Section I. La loi du moindre effort dans la pro
duction des richesses ................................................
Section IL La loi du moindre effort dans la cir
culation des richesses ..............................................
Section III. La loi du moindre effort dans la
répartition des richesses ........................................
Section IV. La loi du moindre effort dans la
consommation des ric h e ss e s ....................................
73
CHAPITRE VIL L es lois de la population . . . .
I. La loi de M alth u s................................................
§ III. Etude critique ............................................
§ I. Histoire de la loi ........................................
§ II. Les formules actuelles ..............................
II. Les lois contemporaines sur la croissance
fie la population .............................................. ......
50
74
77
77
79
81
81
89
82
88
90
A) la loi de la capillarité sociale ...................
91
B) La loi de P. Leroy-Beaulieu .....................
91
C) La loi de Nitti .............................................
92
D) La loi d’Oppenheimer ...............................
93
E) La loi de Cauderlier .................................
93
III.
Les lois démographiques sur les détails du
mouvement de population ..........................................
93
A) Le Taux de natalité ...................................
93
B) Le Taux de nuptialité ...............................
96
C) Le Taux de mortalité ...............................
96
D) La loi de la fécondité c o n ju g ale ..............
98
E) Loi de la proportion des sexes •..............
99
Conclusion ......................................................................
99
CHAPITRE VIII. Loi de l ’extension croissante
DES FONCTIONS DE L’ETAT ..................................... 101
§ I. Historique ......................................... t. .....
§ IL Formules actuelles ......................•............
§ III. Examen critique .......................................
Section I. La progression marquée des budgets
modernes .....................................................................
Section II. L’annuité successorale et l’im pôt..
Section III. Examen spécial des catégories de
dépenses de l’Etat qui ont le plus augmenté........
10 1
104
105
CHAPITRE IX. L a loi des Crises.........................
§ I. Histoire de la loi .....................................
§ II. Formules actuelles ......................................
a) les Traditionalistes .....................................
b) les Novateurs ..................................................
c) les Chercheurs de la conjoncture ............
§ III. Examen critique ..............................
109
109
112
112
113
115
105
105
106
118
DEUXIÈME PARTIE
L es lois de la V a l e u r ........ ......................................
CHAPITRE X. La loi de la Valeur T ravail. . . .
§ I. Histoire de la loi .......................................
121
125
125
�§ II. Formules actuelles ....................................
§ III. Examen critique ........................................
Section I. Sphère d’application de la lo i---Section II. Vérification dans cette zone limitée.
I. Marché des biens constituant des produits
achevés ........................................................
II. Marché du capital argent ...........................
III. Marché des services producteurs .............
127
128
139
139
134
140
140
TROISIÈME PARTIE
L es lois du peux ........................................................
141
CHAPITRE
145
XII. La loi d’indifférence ..............
CHAPITRE XIII. La loi de l ’offre et de la
DEMANDE ..................................................................
147
§ I. Histoire de la l o i ............................................ 147
Section I. De lo’ffre et de la demande envisagées
exclusivement comme cause du prix ................ 150
Section II. — Essais d’une formule mathéma
tique ..................................................... .................... 156
Section III. Critiques de la première formule
158
Section IV. Un aspect nouveau : l’offre et la
demande sont elles-mêmes fonction du p rix .......... 161
§ IL Les Formules actuelles ..............................
Section
I. Le Dithyrambe ..............................
Section II. L’Affirmation modérée ................
Section III. La Critique négative ......................
Section IV. L’Effort c o n stru ctif..........................
A) La loi de la d em an d e....................................
B) La loi de l’o ff re ..............................................
§ III. Examen critique ........................................
Section I. Le jeu normal de l’offre et de la de
mande ...........................................................................
Section IL La Valorisation ................................
I. Le Blé et quelques produits agricoles.
IL Le Café ....................................................
III. Les raisins secs ....................................
IV. Les A g ru m e s...................................
162
162
164
166
169
170
172
174
175
176
176
178
181
182
V. Le Soufre ...........................................
VI. Le
Caoutchouc ..............
VII. La
Soie .......................................
VIII. Le
Coton ..................
Section III. La vérification par l’étude des
courbes de l’offre et de la demande ...................
183
184
184
184
185
CHAPITRE XIV. L a l o i d e s p r i x e n r é g i m e d e
CONCURRENCE ......................................................
189
§ I. Histoire de la loi ....................... ■........... 189
§ II. Formules actuelles................................. 194
§ 111. Examen critique ................................... 195
CHAPITRE XIV. La l o i d e s p r i x d e m o n o p o l e . .
§ I. Histoire de la loi ..................................
§ II. Formules actuelles ...............................
§ III. Examen critique ..................................
197
197
200
201
CHAPITRE XVI. L a l o i d e G regory K l\ g ...........
§ I. Histoire de la loi ..................................
§ II. Formules actuelles ................................
§ III. Vérification critique ..............................
203
CMAPURE XVII. L a l o i d u c o û t d e p r o d u c t i o n .
§ I. Histoire de la loi ..............................
A) Formules absolues.............................
B) Evolution doctrinale .........................
209
§ III. V é rific a tio n c ritiq u e .......................................
a) L es p ro d u its ù co û t c o n s ta n t .........................
b) L es p ro d u its à co û t c ro issa n t .......................
218
218
219
219
c) L es p ro d u its à coût d i m i n u a n t .......................
C H A P IT R E X V III. L a
lo i
de
c o m p e n s a t io n
203
206
206
d es
.......................................................
221
§ I. F o r m u le s a c tu e lle s .........................................
§ II. E x a m e n c ritiq u e ................................................
221
222
ch angem ents de
C onclusion
a )
b)
p r ix
c a ra c tè re des lois g é n é ra le s .........
a v e n ir d es lois é c o n o m iq u e s .........
224
225
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Loi (La) naturelle en économie politique. II, Les lois naturelles économiques, les lois générales
Subject
The topic of the resource
Economie politique
Description
An account of the resource
Après l'étude de la notion de loi naturelle en économie politique dans le 1er volume, l'auteur aborde l'étude des lois économiques elles-mêmes.
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-9118
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Editions Domat-Montchrestien (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1938
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/104450924
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-9118_Raynaud-Loi-naturelle_V2-vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
237 p.
25 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/290
Abstract
A summary of the resource.
Le problème de la loi naturelle en économie politique présente un double intérêt, selon Barthélemy Raynaud, qui lui consacre les trois présents volumes. D’un point de vue théorique, la loi naturelle s’inscrit dans le cadre philosophique plus large du déterminisme, posant la question d’un ordre des choses en matière économique. D’une manière plus immédiate, la réalité possible des lois naturelles dans les faits économiques accuse et nourrit les discussions sur l’interventionnisme et à plus forte raison sur l’économie dirigée : en effet, « quelle que soit la direction, qui que soient les dirigeants, un problème préalable se pose : y a-t-il une direction possible, y a-t-il une action possible et à quelles conditions sur les faits économiques ? » Raynaud, déjà auteur de plusieurs études sur ce point, et appuyé sur une trentaine d’années de recherches, envisage d’abord l’idée de loi naturelle dans son développement historique depuis l’antiquité jusqu’à l’époque contemporaine, puis étudie les lois générales et les lois spéciales qui ont pu être formulées pour en apprécier la validité.
(Luc Bouchinet)
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Raynaud, Barthélemy (1876-1948)
Droit -- Philosophie
Droit naturel