Droit de la famille]]> Jurisprudence après 1789]]>
Avertissement : les anciennes thèses dactylographiées déposées au cours des années 1940 et 1950 font l'objet d'un programme particulier de numérisation et de valorisation en raison de leur valeur scientifique, de leur fragilité matérielle (papier et encre très dégradés) et de leur rareté (mémoire déposé à la bibliothèque de l'université en un seul exemplaire). L'autorisation de diffusion de cette thèse a été accordée par l'auteur ou par ses ayants droit.

Difficile d'imaginer que la question étudiée (1) dans cette thèse soutenue en plein milieu du 20e siècle est débattue dans le cadre d'une législation sur la filiation adultérine qui remonte en fait à 1804 ! J. Raffaelli est d'autant plus fondé de pointer du doigt un droit qui ne se justifie plus dans l'état de la société française un siècle et demi plus tard que ce droit pose des problèmes techniques de doctrine et de jurisprudence insolubles.

Pire : les dispositions du Code civil en matière de filiation naturelle n'ont jamais été satisfaisantes, et la jurisprudence n'a eu de cesse, tout au long du 19e siècle et davantage encore au 20e, d'en combler les lacunes et d'y soustraire l'enfant adultérin pour lui offrir une condition juridique plus humaine. En cause, une conception doctrinale et jurisprudentielle rigoureuse qui a amené à distinguer deux groupes d'enfants adultérins : ceux dont la filiation a été légalement reconnue et les autres qui se retrouvent sans aucun droit (en corollaire, leurs géniteurs n'ont à supporter aucune obligation, sinon seulement morale...).

Le droit alimentaire : une question pour les enfants naturels, adultérins et incestueux...

Contrairement à ce qu'annonce le titre de son mémoire, l'étude critique de la jurisprudence se double d'une étude critique de la doctrine qui aboutit à la même conclusion : une réforme de la condition juridique de l'enfant adultérin s'impose d'elle-même (J. Raffaelli ne traite pas des deux autres cas des enfants naturels ni des enfants incestueux).

Le souhait de Jacques Raffaelli commencera à être exaucé seulement 10 ans plus tard : c'est à partir des années 1960 que s'ouvre en France une "vaste entreprise de réformes du droit de la famille conduite par Jean Carbonnier (2)" dont il sera l'auteur des avant-projets de lois de réformes (3).

Réfs et note
1. thématique récurrente : pour le seul 19e siècle, une centaine de thèses de licence et de doctorat a déjà été soutenue à Aix sur la question des enfants nés hors mariage
2. Simon. - Les avancées du Droit de la Famille et l'évolution de la société et des mœurs - Superprof ressources, 2018
3. Jean Carbonnier (professeur de droit privé, spécialiste de droit civil et de la famille). - Wikipédia
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1950]]> fre]]> France. 19..]]>
Droit de la famille]]>
Le vrai problème de ses contemporains et de la société française en cette fin de 19e siècle tient en quelques mots : "L'individualisme est posé comme le but du progrès. La famille n'est plus qu'une institution éphémère; le foyer se détruit matériellement et moralement; la terre, fécondée par les vertus et le travail des ancêtres, est assimilée aux valeurs de bourse et traitée comme elles. Notre état domestique et social est la liquidation en permanence. Tout est instable"

Bref, nous sommes emportés par un matérialisme débridé qui ne s'arrête jamais (malheureux Héraclite) : il faut trouver un ancrage solide, enraciner la famille dans sa propre histoire, construire ce récit clair et instructif qui retrace sa généalogie, qui consigne les grands évènements qui la constituent (mariages, naissances, décès), transmets ses valeurs et dresse le bilan de son patrimoine.

Ch. de Ribbe a trop appris sur les coutumes de l'ancienne Provence par les livres pour savoir que la mémoire humaine est souvent partielle, volatile, subjective, parfois même trompeuse : un livre se transmet, s'enrichit, se consulte, s'enseigne. Ch. de Ribbe sait ce qu'il en coûte de manquer de sources : il voue un culte à l'archive. Il connaît bien les "Livres de raison" ou "Livres domestiques" (le plus ancien date du 14e siècle - Archives de Marseille), d'abord conçus comme de simples livres de comptes, répandus dans plusieurs pays d'Europe, certains sont devenus des registres plus spécialisés comme le Livre terrier (copie des titres de propriété) ou le Livre de généalogie (preuves des filiations). Ch. de Ribbe, toujours en quête d'ordre moral, s'est particulièrement intéressé aux livres de raison enrichis de préoccupations plus spirituelles.

Livre de raison : état de mes fonds & de ceux de ma femme (Joseph-Marie Portalis 1803-1832)
état des dépenses de 1803, BU Schuman - Réserve - cote ARCH-2-153-2-Portalis (1)

La même année (1879), il publiera "Le livre de famille" accompagné d'un second registre vierge avec un titre imprimé et un sommaire indiquant les chapitres à ouvrir (les éditeurs lui recommandent de les vendre séparemment). Lors de sa conférence, sorte de campagne de communication sur son prochain livre auprès d'un public bien ciblé, il ne sait pas encore quelle forme définitive lui donner : "L'expérience dira comment et dans quelles conditions devrait être publié un petit livret tout populaire" (3).

Le livre famille (de Ribbe, Charles, 1879) - Gallica

Le livre de famille élaboré par Ch. de Ribbe, est un modèle qui n'oublie rien du passé (ancêtres, parents), qui dresse le bilan du présent (mariage, enfants, l'état des biens) et qui pense à l'avenir (testaments, conseils des parents en toutes matières - religion, bonnes meurs, spectacles, lectures, travail, éducation, serviteurs, épargne). Famille, propriété et religion : trois bonnes raisons de tenir un livre de raison. Un livre qui doit dépasser le souci boutiquier du bilan comptable, transcender les tourments de chaque roman familial individuel et constituer une ligne de vie édificatrice : le livre de famille qui s'écrit, c'est l'esprit de famille en marche.

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1. 2. de Ribbe, Charles.-  Le Livre de famille, 1879. - Gallica
2. faut-il voir une malice de la part de l'auteur quand il fait la promotion de son Livre de famille : difficile d'éviter tout rapprochement avec le Livret de famille qui vient d'être créé deux ans plus tôt (1877) après la destruction (incendie) des états civils parisiens (couvrant les années 1530 à 1870) : depuis cette perte irréparable, un livret officiel est remis à chaque famille, livret qui reprend tous les actes la concernant, une sorte de copie individuelle de sauvegarde pour pallier toute destruction...
3. de Ribbe, Charles.-  Le Livre de famille, 1879. - Gallica]]>
1879]]> fre]]> France. 18..]]>