Droit du travail]]> Droit social]]> Industries agroalimentaires]]>
Le 19e siècle n'a pas le triste privilège d'avoir inventé le travail des enfants : dans les pays qui commençaient à s'industrialiser, il l'a seulement généralisé à toutes les industries où le travail n'exigeait pas d'être très qualifié ni de porter de lourdes charges. Une embauche qui entraînait les familles ouvrières dans une spirale de paupérisation : les salaires versés aux plus jeunes étaient très faibles parce que le patronat les considérait comme des ressources complémentaires, ce qui les motivaient encore moins (pour autant qu'ils auraient pu l'être) à augmenter le salaire des adultes. Avec comme autre conséquence que le travail des enfants était ressenti comme une nécessité presque naturelle.

Si on évoque souvent le travail des enfants dans les secteurs miniers et textiles, les industries agroalimentaires ne sont pas en reste, notamment tous les métiers de bouche tels les charcutiers, bouchers, boulangers, pâtissiers, cuisiniers (les marmitons) qui, dans un cadre industriel, transforment la matière pour les besoins du consommateur, objet de la présente étude (à partir des dernières décennies du 19e siècle, les doctorants en droit s'intéressent de plus en plus souvent aux législations sociales et industrielles nouvellement enseignées en France).

Le travail des enfants au 19e siècle

Dans son introduction, l'auteur prend la défense des enfants sur le plan juridique puisqu'il rappelle que l'abus de leur force de travail, aggravé par de mauvaises conditions d'hygiène, était déjà dénoncé en 1896 à la Chambre des Députés alors qu'il était encadré par la législation depuis 1841 et que la loi du 2 novembre 1892 "sur le travail des enfants, des filles mineures et des femmes dans les établissements industriels" prévoyait des règles administratives bien définies (la journée de travail étant fixée à 11 heures !).

Sans compter que certaines professions, boulangers, pâtissiers, restaurateurs, par ex., argumentant sur la nature industrielle ou domestique de leurs activités, obtiennent rapidement des dérogations à l'interdiction du travail de nuit (embauche à 3 heures du matin et non à 5 heures). Les années suivantes, les organisations syndicales patronales et les syndicats ouvriers ne cesseront de s'opposer sur le périmètre des lois de 1892, 1893 et 1894... et de remplir la liste interminable des désidératas et des textes qui encadrent l'activité des petites industries de l'alimentation.

En ce début du 20e siècle, le constat est sans appel : la réglementation est toujours aussi faible et de moins en moins respectée en raison du nombre insuffisant d'inspecteurs. Comme le souligne une enquête sur le travail dans les usines en 19e siècle (1), "en 1900, 1 534 procès-verbaux furent dressés pour violation de l'interdiction du travail de nuit, mais, en 1904, 22 130 nuits étaient autorisées, par l'administration, dans des conserveries". En clair, une régression sociale dûe à l'illégalité ou totalement légale puisque arrachée à l'administration par voies dérogatoires et validée par décisions du Conseil d'État, un comble.


Une question mondiale. Manufacture de tabacs (USA, début 20e siècle)
Lewis Hine, début 20e. Musée d'Orsay, Paris. © RMN - Grand Palais / J.G. Berizzi

Aspect pour le moins paradoxal, les familles embauchées dans ces industries consacrent de moins en moins de moyens et de temps aux repas (3) : on désapprend à préparer des repas élaborés, à transmettre le patrimoine gastronomique des générations précédentes, à donner une éducation du goût, bref à faire de la "vraie cuisine". On déjeune sur place, dans l'atelier, le plus rapidement possible (une seule pause autorisée) et, s'il reste un peu d'argent, les restaurants abordables deviennent le cadre de quelques repas familiaux importants (en milieu urbain). Si elle n'était tragique (5), cette histoire sociale, où misère économique et enfance volée se conjuguent (6), ajoute un aspect cruellement ironique : davantage encore que les adultes, les enfants ont tendance à expédier leurs propres repas pour pouvoir jouer un peu avant de reprendre le travail !


1.Gillet, Sophie. - Le travail des enfants Bref aperçu historique général. - https://perso.helmo.be/jamin/euxaussi/famille/travenfg.html
2. Les enfants au travail dans les usines au 19e siècle. - https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwiGkdr27JyBAxWbUKQEHboaArUQFnoECBQQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.icem-pedagogie-freinet.org%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2F172_Travail_Enfants.pdf&usg=AOvVaw2BpIleSxr6PhzGrvm48uNA&opi=89978449
3. Scholliers, Peter. - Le temps consacré à l’alimentation par les familles ouvrières en Europe aux 19e et 20e siècles - OpenEdition Books - https://books.openedition.org/editionsmsh/8136?lang=fr
4. Didry, Claude- L’enfant-machine Note sur la fabrique et la machinerie dans Le Capital. - Cairn - L'Homme & la Société 2017/3 (n° 205), pp. 133-151 - https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2017-3-page-133.htm
5. Bourdelais, Patrice. - L'intolérable du travail des enfants. Son émergence et son évolution entre compassion et libéralisme, en Angleterre et en France. - Cairn - Les constructions de l'intolérable (2005), pp. 91-109 -  https://www.cairn.info/les-constructions-de-l-intolerable--9782707145109-page-91.htm
6. Des statisiques belges ont montré qu'au début du 20e siècle, les enfants de moins de 15 ans constituaient jusqu'à 1/3 des effectifs de certaines industries des pays européens les plus engagés dans la révolution industrielle. Données pour le moins étonnantes quand l'on songe qu'à partir de 1882, l'école était supposée obligatoire en France jusqu'à l'âge de 13 ans. L'apprentissage professionnel aura au moins eu le mérite d'augmenter le niveau de qualitification de certains adolescents et de retarder leur entrée dans la vie active. Au début du 20e, hors économie souterraine, une estimation basse évalue à 250 millions dans le monde le nombre d'enfants au travail. N'étant pas toujours assimilé à de l'esclavage, ce travail forcé n'est pas formellement inscrit dans la liste des crimes contre l'humanité.

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Introduction
Chapitre 1 - Règlementation légale actuelle
Chapitre 2 - Ce qui existe dans l'alimentation (La vie et le travail des enfants)
- Pâtissiers, cuisiniers
- Boulangers
- Pâtissiers dans les boulangeries
- Bouchers
- Charcutiers
Chapitre 3 - Ce qui a été proposé et tenté
- Action parlementaire (projets et propositions de lois)
- Oeuvre de l'initiative privée
Chapitre 4 - Ce qui reste à faire
Bibliographie
Table des matières]]>
1910]]> fre]]> France. 19..]]>
Histoire de la Provence]]> Droit coutumier]]> Droit du travail]]> La réforme sociale en France déduite de l'observation comparée des peuples européens" (1864) dont l'enseignement se résume à un diagnostic décisif : l'instabilité sociale est due aux désordres moraux.

Aux inégalités créées par la monarchie et qui ont engendré la révolte de 1789 (par leur rôle naturel d'exemplarité, la responsabilité des évènements revient aux élites - c'est bien connu, les corps pourrissent toujours d'abord par la tête) ont succédé les inégalités créées par la liberté : les ouvriers, aujourd'hui (1865) plongés dans l'idéologie individualiste, génératrice de conflits, regrettent amèrement la disparition de leurs anciennes corporations, alors que les économistes s'en félicitent (des irresponsables).

Pour Ch. de Ribbe, l'idée corporatiste mérite à elle seule une étude (du 13e au 18e siècles) qui n'a jamais été menée pour la Provence : les corporations, devenues aujourd'hui un simple souvenir, étaient pourtant le mode d'organisation des métiers le plus stable, le plus efficace et le plus juste qui soit : elles avaient leurs chefs, leur discipline, leurs coutumes, leurs lois, leurs droits et leurs privilèges. Un cadre de statuts et de règlements qui permettait à toutes les professions et à tous ceux qui y travaillent de trouver sa place.

Les communautés de métiers : structuration et organisation des professions et du marché du travail

Ch. de Ribbe est assurément un précieux historien dans sa minutieuse analyse de la société provençale antérieure au 19e siècle et dont il démonte, un à un, tous les rouages qui sont à ses yeux essentiels à la cohésion sociale. Mais ses postulats idéologiques l'amènent aussi à rechercher tous les rouages arrachés par la tempête révolutionnaire, unique cause de la casse de cette grande horlogerie : "Le caractère du régime nouveau est de détruire systématiquement les influences qui maintenaient autrefois dans les masses une sorte d'égalité forcée, ou tout au moins de donner à chaque individu la faculté de s'en affranchir".

Sa nostalgie obsessionnelle d'une ancienne harmonie idéale cimentée par les institutions politiques, professionnelles, sociales, familiales et morales les plus solidement établies, l'amène à concevoir une physique inédite dans laquelle la Provence se réduit à un espace à une seule dimension, la ligne temporelle du passé révolu.

Le document original du milieu du 19e siècle reproduit ici appartient aux collections de la Bibliothèque Méjanes de la ville d'Aix-en-Provence. Nous la remercions ici grandement ainsi que sa directrice, Mme Aurélie Bosc.]]>
1865]]> fre]]> Provence. 14..]]> Provence. 15..]]> Provence. 16..]]> Provence. 17..]]>
Économie]]> Droit du travail]]> Droit social]]> Droit international]]>
La communication de la pensée :
l
e bureau téléphonique Gutenberg (France Telecom, Paris, 1920)

Paradoxalement, au lieu de favoriser leur dispersion, l'éloignement des centres de production s'accompagne d'un mouvement de concentration des moyens de production et des capitaux : c'est l'ère des cartels, des trusts, des ententes et de tout qui peut fausser le libre jeu de la concurrence. Dans cette nouvelle jungle où tout circule, les frontières sont parfois floues et la frénésie d'échanges pose la question de la juste répartition des richesses, du niveau des salaires, du juste coût et du juste prix des choses. L'assiette des impôts et le périmètre de leur recouvrement deviennent moins évidents et favorisent des comportements répréhensibles comme la fraude, l'évasion fiscale et trafics en tous genres.

B. Raynaud n'est ni partisan d'un libéralisme hors contrôle ni d'une économie intégralement dirigée : la garantie d'un juste équilibre ne peut venir que d'éléments modérateurs, protecteurs, redistributeurs, régulateurs et correcteurs, au niveau collectif comme au niveau individuel : les traités, les pactes, les barrières douanières, les droits du travail nationaux et le droit du travail international. Mais le sujet de l'international est si vaste qu'il est impossible d'être exhaustif : quelques thèmes auraient mérité une approche plus critique comme le colonialisme (une internationalisation imposée qui nie le droit de propriété et le droit du travail, timidement abordée dans le dernier chapitre) ou auraient pu être davantage développés, comme le poids économique de la contrebande ou celui du tourisme international, question largement présente dans une étude publiée deux ans plus tôt : "Les industries touristiques en Provence et sur la Côte d'Azur" (in Annales de la Faculté de droit d'Aix. Série Essai d'enquête économique,1924).

À quoi reconnaît-on les ouvrages d'économie de Barthélemy Raynaud ? Sur le fond, tous intègrent le droit social et le droit du travail qui protègent les travailleurs. Quand il parle d'économie, B. Raynaud n'en oublie jamais la dimension juridique. Et quand il parle de droit, il n'en oublie jamais la dimension humaine. Sur la forme, quand il aborde les grandes questions de macroéconomie, B. Raynaud est toujours soucieux de pédagogie et de clarté : ses cours se suivent comme des livres et ses livres se lisent comme des cours.

"L'étude de ces problèmes et la lecture des pages qui suivent nécessiteront de la part de nos contemporains une grande liberté d'esprit, une parfaite souplesse d'intelligence pour s'adapter, sinon à de nouveaux problèmes, du moins à de nouvelles positions de problèmes anciens". En terminant son avant-propos par cet appel au lecteur, il résumait tout ce qu'il s'était déjà imposé à lui-même.]]>
1926]]> fre]]> France. 19..]]>
Droit du travail]]> Droit international]]> Droit social]]>
Le contrôle administratif des étrangers à tous les échelons territoriaux (années 1930)

Ce qui pourrait surprendre, dans ces contrats de travail, c'est la corrélation établie entre secteurs professionnels et nationalités : si cette association peut être prévue dans le cadre d'accords bilatéraux (par ex., aménagements particuliers négociés avec la Belgique), elle serait sûrement mal comprise ou jugée nulle aujourd'hui sur le plan juridique, tout au moins dans le cadre de l'UE.

Un besoin d'ouvriers agricoles mais d'origine italienne exclusivement

Parce que venant d'un pays frontalier réputé pour ses fruits, ses légumes, ses cultures céréalières et ses massifs boisés, le travailleur italien est d'abord recherché dans les secteurs agricoles et forestiers. C'est aussi le secteur où la France connaît un grave déficit de main d'œuvre avec son million et demi de morts déplorés quinze plus tôt, agrravé dans les zones rurales par une dénatalité marquée et un exode soutenu vers les villes.

La main d'œuvre polonaise : un profil-type d'ouvrier d'usine

Après l'Italie, l'Europe Centrale est le plus gros réservoir de main d'œuvre étrangère (au cours des années 1920, près de 200 000 personnes s'installent chaque année en France). Les Polonais, réputés pour être durs à la tâche, ont les faveurs de l'industrie, alors que les paysans représentent toujours plus des trois-quarts de la population polonaise de l'époque. La Tchécoslovaquie, toujours majoritairement rurale dans l'Entre-deux-guerres, apporte également des bras au secteur agricole.

Pour la main d'œuvre tchécoslovaque, les sains et rudes travaux des champs

Un siècle nous sépare de ces formulaires administratifs mais combien de Français n'ont-ils pas partagé un temps ces stéréotypes : le BTP pour les Espagnols et les Portugais, les mines pour les Polonais et les Marocains, les vendanges pour les Italiens...

Il faut noter que cette législation du travail prenait cependant en considération des éléments autres que la qualification et la rémunération comme les conditions de vie et d'hébergement : ainsi les ménages et les familles (donc avec enfants) qui avaient droit d'accompagner le nouvel embauché pouvaient prétendre à un logement à part : une manière sociale, dénuée de toute idéologie apparente, de traiter la question du regroupement familial.

Comme dans plusieurs de ses ouvrages, B. Raynaud conclut son étude par une réflexion sur l'avenir, ici celui du droit international ouvrier qui ne pourra se trouver, selon lui, que dans l'équilibre entre le point de vue national el le point de vue international (ceci vaut autant pour le pays d'origine que pour le pays d'accueil). Mais cette harmonie n'est pas assurée et reste menacée par deux courants antagonistes : "les quelques partisans attardés d'une Économie nationale complète et d'une Souveraineté politique absolue" opposés aux "publicistes trop pressés peut-être qui tendraient à la constitution immédiate d'un super État avec la Société des Nations et à la prédominance presque exclusive de la convention internationale comme facteur de progrès". Certaines questions, comme certains problèmes, ont une longue espérance de vie...]]>
1933]]> fre]]> France. 19..]]>
Droit international]]> Droit du travail]]> Histoire de la colonisation]]> Économie coloniale]]> Semaine sociale de Marseille), elle est surtout d'ordre juridique et économique : c'est en tant que spécialiste de législation industrielle que Raynaud regarde l'évolution du droit du travail colonial international (dommage qu'il laisse aux théoriciens et aux historiens le soin d'expliquer les "lacunes" des colonisateurs en matière de charges sociales de la colonisation...).

Travail forcé vs esclavage : le subtil distinguo juridique d'une certaine réalité coloniale (cliché Wikipédia)

Dans ce domaine, les conventions internationales sont récentes et datent seulement du début du 20e siècle, comme celle de Berne de 1906 interdisant le travail de nuit des femmes et prohibant l'utilisation du phosphore blanc, cette dernière disposition étant applicable par décret dans les colonies françaises.

Mais à partir de 1920, des clauses s'imposent à tous les membres de certaines organisations internationales comme le Bureau international du Travail. De ce fait, la France n'a plus ratifié les conventions qui s'appliquaient par automaticité (aux) à ses colonies, à l'exception de celle en matière d'accidents du travail. D'où l'échec de la convention de Genève de 1930 qui montre que les intérêts (nationaux) de quelques pays colonisateurs ont eu raison de l'idéalisme du devoir international. Un épisode qui illustre, comme les périodes sombres des 20e et 21e siècles, combien, par définition, les grandes puissances ne ratifient et n'appliquent que les règles internationales qui ne les contrarient pas.

Alors un avant et un après ? Certainement mais pas au niveau espéré et dans le décevant constat, qu'au niveau politique, une régression est toujours possible. Si B. Raynaud vivait de nos jours, il prendrait la mesure du chemin parcouru, ce chemin tant défendu par Roger Badinter : la seule réponse irréversible à ce siècle de barbaries est l'incrimination de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre (1945), leur imprescriptibilité (1968), la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité (France, 2001) et enfin la création de la Cour pénale internationale (CPI, 2002). Quand il est universel, le droit est un humanisme.]]>
1930]]> fre]]>
Droit du travail]]> Avertissement : les cours dactylographiés ou polycopiés des années 1940 et 1950 font l'objet d'un programme particulier de numérisation et de valorisation en raison de leur valeur scientifique, de leur fragilité matérielle (papier et encre très dégradés) et de leur rareté (cours donné à la bibliothèque de l'université en un seul exemplaire). L'autorisation de diffusion de ce cours a été accordée par l'auteur ou par ses ayants droit.

Dédicace de l'auteur : "A la bibliothèque de l'université d'Aix-Marseille. Hommages de l'auteur. Signé B. Raynaud, juin 1947".

"Barthélémy Raynaud (1876-1948), avocat à la Cour d’appel, soutient une thèse à la Faculté de droit de Paris sur Le contrat collectif de travail en 1901, et une autre sur Les accidents du travail des ouvriers étrangers, l’année suivante. Il est chargé de cours à l’Université de Dijon en 1906, puis enseigne à la Faculté de droit d’Aix-en-Provence à partir de 1913. Ses recherches portent sur le droit du travail (il est l’auteur, entre 1924 et 1927, d’un Code du travail) et l’économie politique : il publie ainsi Une industrie sans grèves : les mines anglaises en 1905, le Droit international ouvrier en 1906, Vers le salaire minimum en 1913, et participe aux travaux de l’Association internationale pour la protection légale des travailleurs, dont il estime que l’action a permis à la législation industrielle d’aboutir sur le plan international.

Raynaud s’intéresse particulièrement à cette branche nouvelle des études juridiques, à laquelle il consacre un manuel en 1922 et un cours polycopié en 1946 et 1947. Confronté à ceux qui affirment qu’elle n’existe pas ou n’est qu’un « amalgame bizarre, un pot pourri malvenu de diverses disciplines juridiques », il répond que la législation industrielle n’est pas le résultat d’une conception a priori fondée sur la seule logique mais un produit de l’histoire. En effet, « la législation industrielle résulte d’un double mouvement de faits et d’idées, accompli au cours du XIXe siècle, qui seul en explique la création et le développement ». L’évolution de l’industrie, cause « d’abus regrettables au point de vue social », l’extension du suffrage et le mouvement syndical d’une part, la réaction contre les idées libérales (socialisme de la chaire, catholicisme social, école solidariste, etc.) d’autre part, aboutissent à la nécessité d’un interventionnisme plus ou moins accentué, et donc à la création de la législation industrielle, qui peut être définie comme « l’ensemble des interventions du législateur en faveur de la personne du travailleur ». En ce sens, la législation industrielle peut également être appelée « législation du travail », car elle ne concerne pas seulement le travailleur de l’industrie". Résumé Luc Bouchinet (à confirmer)

Arthur Groussier (barbe blanche), précurseur du futur Code du travail (1914)

Le droit du travail apparaît dans les travaux académiques dans les années 1880. Les recherches dans cette nouvelle branche du droit de B. Raynaud, qui soutient sa thèse en 1901, sont donc totalement contemporaines de la naissance de ce nouveau droit et de ses fondateurs que l'histoire a retenus, comme Arthur Groussier.

Comme le rappelle B. Raynaud, la difficulté dans l'étude et l'enseignement du droit du travail, qu'il appelle encore législation industrielle, est qu'il se situe au carrefour de trois domaines :  celui de la loi nationale (aspect législatif), celui de l'association professionnelle (aspect collectif) et celui du contrat de travail (aspect inviduel). Difficulté redoublée par la transformation rapide de ce droit. Mais difficulté d'autant mieux acceptée que ces transformations sont toutes positives et sont le signe d'une législation toujours plus protectrice des travailleurs. Par sa dimension humaniste, le droit du travail tel qu'il se construit à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, c'est bien plus que du droit, et B. Raynaud est bien plus qu'un juriste.]]>
1947]]> fre]]> France. 19..]]>
Histoire]]> Économie coloniale]]> Droit du travail]]>
L'ambition de la Dotation Carnegie pour la paix internationale n'est pas d'écrire la chronologie historique exhaustive des évènements qui se sont déroulés durant la Première Guerre Mondiale mais de présenter le bilan synthétique et analytique des conséquences économiques qu'a eu le conflit sur l'état et le destin des pays belligérants.

Quand l'État-major français comprend que c'est faute de main-d’œuvre et de planification que les usines d'armement ne peuvent pas fournir les munitions demandées, il est déjà trop tard : il n'y a pas de réserve disponible puisque les hommes valides sont envoyés au front et que les femmes les remplacent déjà, aussi bien à l'usine que dans les champs.

La seule solution est de faire venir des travailleurs de l'extérieur. Du point de vue de la France, le monde n'est pas d'une extrême complexité : il se résume à deux grands gisements avec, d'une part, la main-d’œuvre coloniale (Annamites, Kabyles et autres Africains du Nord) et la main-d’œuvre chinoise (qui ne doit pas être confondue avec les travailleurs coloniaux d'Indochine) et d'autre part, la main-d'oeuvre étrangère de race blanche.

Ventilation origine géographique de la main-d’œuvre étrangère (1914-1918)

Si la main-d’œuvre d'origine nord-africaine constitue 60% des travailleurs arrivant en Métropole, les Chinois et Indo-chinois représentent près de 40% de ces effectifs. Ces chiffres doivent d'autant plus être comparés avec ceux des troupes coloniales (475 000 hommes, dont 180 000 Africains noirs, notamment les tirailleurs sénégalais) que la France a dû concilier ces deux exigences totalement concurrentes (1).

Les travailleurs chinois en France - Le Figaro, éd. du 23 août 1916, p. 2 (2)

Ce sont donc plus de 220 000 travailleurs qui débarqueront à Marseille (à l'armistice, beaucoup seront déjà repartis, pour raisons diverses) au cours des 4 années de conflit : pour gérer ces flux, le Ministère de la Guerre créa le 1er janvier 1916, un organisme spécial, le Service des travailleurs coloniaux.

Parallèlement à la main-d’œuvre coloniale et chinoise, la France recrute une main d'oeuvre étrangère de race blanche. Pays d'émigration, le fait n'est pas nouveau pour les frontaliers mais les Belges, Italiens et Espagnols qui venaient jusqu'alors étaient surtout embauchés sur des contrats temporaires, notamment saisonniers dans le secteur agricole (moissons, vendanges, récoltes des fruits) dans le Nord et le Sud-Est de la France. Évolution déjà observée quelques années avant la guerre, l'agriculture et l'industrie ont davantage besoin d'emploi plus stable. Les contingents vont alors s'élargir à d'autres nationalités : Grecs et Portugais par ex. (fort taux d'illetrisme chez les seconds mais très dociles !), contrôlés par des bureaux d'immigration installés près des postes frontaliers (Italie) ou dans certains ports (Marseille, Bordeaux, Nantes).

Les ouvriers annamites en France (Première Guerre Mondiale)

Les administrations déjà existantes ou créées ad hoc contrôlent toutes ces populations et établissent des contrats de travail type adaptés à chacune des trois catégories de travailleurs. Les besoins liés à l'effort de guerre ne font pas oublier un certain réalisme économique : comme le précise l'article du journal Le Figaro, il faut prendre "toutes les mesures pour que cette main-d’œuvre ne concurrence pas la main-d’œuvre nationale ou locale".

Après le conflit et le rapatriement de ces travailleurs, l'appel à la main-d’œuvre étrangère a laissé des traces durables dans la société française et infléchit sa politique d'immigration : la paix revenue, les besoins de la reconstruction et des secteurs miniers et agricoles allaient développer des courants migratoires comme ceux venant d'Italie et de Pologne et justifier des accords bilatéraux.

____________________
1. Alban Sumpf. - Les troupes coloniales dans la Grande Guerre. - Ministère de la Culture, l'Histoire par l'image, mai 2009.
2. Les travailleurs chinois en France (Le Figaro, éd. du 23 août 1916, p. 2). - Gallica]]>
1926]]> fre]]> Colonies françaises. 19..]]> France. 19..]]>
Droit du travail]]> Lois Le Chapelier de 1791. Dans ses recueils d’articles "Pailles économiques" (1918-1941), Barthélémy Raynaud, professeur à la faculté de droit d’Aix-en-Provence, montre qu’il est un observateur attentif de toutes ces évolutions économiques et sociales (2).

Dès 1901, date de la 1ère édition du présent ouvrage, il s’intéressait déjà au droit du travail à travers notamment la réduction du temps de travail, les lois et les réformes sur les retraites ou encore les syndicats. Sans oublier les questions sociales comme le chômage, le salaire et le budget des travailleurs ou encore l’idée nouvelle d’orientation professionnelle. Tous ces aspects sont autant le point de départ que l'aboutissement de l'évolution des rapports entre le salarié et son employeur : pour B. Raynaud, le fait marquant de dernières décennies du 19e siècle est incontestablement le passage d'un "contrat" imposé individuellement à un contrat négocié collectivement, ce qui modifie, par définition, les rapports de force en présence. Dit simplement depuis l'Antiquité, l'union fait la force.

Si l'histoire a retenu la Convention d’Arras du 29 novembre 1891 comme étant la première convention collective française, signée entre les syndicats de mineurs et les compagnies houillères du Pas-de-Calais (suite à une grève), pour B. Raynaud, les contrats collectifs ont proliféré dès la période révolutionnaire.

Convention d’Arras, première convention collective française (illustr. La Voix du Nord)

Et si ils ont pris ont pris tant d'importance, c'est qu'ils ont bénéficié de l'évolution des textes juridiques qui encadrent l'organisation du travail et ses différents acteurs (contrats, syndicats, droit du travail, droit d'association,...) autant qu'ils l'ont provoquée. 

Réunion de l'Organisation Internationale du Travail (1919)

Près de 20 ans après sa publication, B. Raynaud tient à mettre à jour son ouvrage en 1920 parque cette évolution a pris un caractère mondial inédit l'année précédente avec la création de l'Organisation internationale du travail (OIT), fondée par la Conférence de la paix de Paris en 1919 et qui a pour devise "si vis pacem, cole justitiam - si tu veux la paix, cultive la justice". L'OIT est devenue en 1946 une agence spécialisée de l'ONU.

Les accords de Grenelle (mai 1968)

20 ans après son décès, les accords tripartites de Grenelle entre le gouvernement Pompidou, les organisations syndicales et patronales, marqueront une date dans l'histoire des négociations collectives en France mais resteront indissociables d'un certain climat conflictuel qui n'a jamais totalement disparu alors que d'autres pays européens recherchent prioritairement les solutions de consensus. Est-ce pour cette raison que B. Raynaud, partisan d'un certain libéralisme économique, estimait nécessaires les conventions collectives nationales autoritaires pour limiter l'ingérence des syndicats dans la vie de l'entreprise et la concurrence en uniformisant les conditions de travail (l'enjeu est le redessement du pays) mais pensait que l'avenir était plutôt du côté des accords libres et autonomes qui seuls peuvent favoriser la productivité ?

Réfs.
1. Chronologie : histoire des relations du travail depuis la loi Le Chapelier de 1791 - Vie publique au coeur du débat publique
2. Pailles économiques - https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/415
3. Marcel Gillet. - Aux origines de la première Convention d'Arras : le bassin houiller du Nord et du Pas-de-Calais de 1880 à 1891 - Revue du Nord Année 1957 154 pp. 111-123
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1921]]> fre]]> France. 19..]]>
Droit coutumier]]> Droit du travail]]> Département des Bouches-du-Rhône]]> code des usages locaux légalement applicables : ils firent alors observer que pour l'essentiel, le recueil édité en 1897 était resté inchangé, soulignant la très grande stabilité de la société provençale au cours du dernier demi-siècle.

Le chapitre traitant des contrats de louage (plus de la moitié de l'ouvrage) est un véritable catalogue des métiers qui existaient en Provence à l'époque. Si certains nous sont encore familiers, bien d'autres ont depuis disparu : amidonniers, cochers de remise, giletières et pantalonnières, moellonniers, pilonniers, raffineurs de soufre ou encore vermicelliers.

Le détail des contrats est tout aussi instructif sur les modes de rémunération. Ainsi, un berger pouvait-il être payé soit en salaire soit en nature par l'octroi d'un cheptel de 70 brebis par an que le propriétaire devait entretenir à ses frais.

Il dévoile également une certaine sociologie des actifs : les oliveuses, femmes chargées de récolter les olives, étaient embauchées pour toute la durée de la cueillette, l'olivade (1). Leur journée commençait au lever du soleil et finissait à son coucher pour celles qui étaient nourries et logées, de 7h30 à 15h45 pour les autres.

La cueillette des olives : l'emploi saisonnier des oliveuses (Vaucluse, début 20e siècle)

Le code rural n'est pas en reste : grâce à ses détails - c'est son rôle de prescripteur -, nous savons ce qu'est le glanage (on ramasse les épis détachés et abandonnés sur le champ après la récolte), le râtelage (on récupère les brins de foin restés après le fauchage) et le grapillage (on recueille les grains de raisin et les olives oubliés pendant la cueillette).

Mesures de surfaces agricoles : le cercle des termes disparus

Certaines servitudes peuvent être conformes aux prescriptions du Code civil : par ex., dans les cantons de Marseille, les arbres à haute lige doivent être plantés à 1 canne ou 8 pans du fonds voisin, soit à 2,0127 m. Mais à Allauch, la canne (ou les 8 pans) ne vaut que 1,9887 m, comme le rappellent avec rigueur et précision les tables d'équivalence des anciens poids et mesures. Le dépaysement est au bout du chemin...

1. Huile d'olive de Provence - in Wikipédia]]>
1910]]> fre]]> Bouches-du-Rhône. 18..]]> Bouches-du-Rhône. 19..]]>
Droit du travail]]> 1898]]> fre]]> France. 18..]]> Droit du travail]]>
L'auteur se prononce en faveur du salaire à la tâche, qui lui apparaît, contrairement aux opinions socialistes qu'il critique, comme le meilleur moyen d'améliorer le sort de la classe ouvrière. Cette modalité de rémunération stimule l'activité du salarié et conduit à mieux le payer. Marcel Pittié se prononce en faveur de la participation des salariés aux bénéfices. Ensuite, il défend le marchandage, mais dénonce le "sweating system", forme dégénérée de celui-ici qui conduit au travail à domicile dans de très mauvaises conditions de salubrité et de moralité]]>
1899]]> ]]> fre]]> France. 18..]]>
Droit du travail]]> 1899]]> fre]]> France. 18..]]> Droit du travail]]> Droit romain]]> 1886]]> fre]]> France. 18..]]>