Quand il ne traite pas de mathématiques et de géométrie, l'Abbé Aoust parle d'astronomie : sur les 18 communications et discours tenus au cours des années 1857 à 1870, la moitié porte directement sur cette science et ses spécialistes quand ils ont une charge d'enseignement à la Faculté de Sciences ou un poste rattaché à l'Observatoire de Marseille.
Pythéas, le Massaliote astronome (de -359 à -289 de notre ère)
Statue d'Auguste Ottin (1811-1890) - façade du Palais de la Bourse à Marseille
Le mathématicien se passionne autant pour ses collègues contemporains, dont il deviendra le doyen en 1870, qu'à leurs illustres prédécesseurs comme Pythéas, un des tout premiers astronomes local durant la période hellénistique (4e siècle avant J.C.), Pézenas et Sulvabbel (astronomes du 18e siècle) ou encore LeVerrier (astronome du 19e siècle). Ses études historiques ne se limitent pas aux biographies élogieuses et faciles des hommes de sciences célèbres, morts ou vivants, et des institutions qui les ont portés : scientifique ouvert, il n'hésite pas à aborder sur le fond des questions scientifiques et techniques dont il n'est nullement spécialiste, ce qui est toujours risqué.
Saint-Jacques de Silvarelle, astronome marseillais (1722-1801)
Mais sa vision de l'engagement dans la science n'est pas sans rapport avec sa mission spirituelle, notamment quand il déclare, à propos de Pézenas (un ecclésiastique comme lui !) : "
Il y a deux sortes d'apostolat, l'apostolat de la foi et l'apostolat de la science. L'apôtre de la foi propage, au nom de la religion, les vérités surnaturelles; l'apôtre de la science vulgarise les conquêtes de la raison". S'il dessine clairement la ligne de démarcation qui sépare la religion de la rationalité, si on admet que les deux démarches peuvent être animées par le même désintéressement, le travail intellectuel d'un scientifique, qu'il soit enseignant et/ou chercheur, n'est pas d'essence sacrée mais juridique : un statut public ou un contrat privé respectant une éthique et une déontologie professionnelle, refusant tout conflit d'intérêt.
L'abbé Aoust, professeur de mathématiques et doyen de la Faculté des Sciences (1814-1885)
Cruelle ironie, l'Abbé Aoust est rattrapé par une certaine actualité éditoriale et se retrouve confronté à une sombre affaire de fraude : à partir de 1868, toutes ses communications, à l'exception d'un hommage au doyen Morren décédé en 1870 (doyennat de 1854 à 1870), se cristallisent sur sa revendication d'antériorité relative à ses résultats en matière de géométrie et sa dénonciation de plagiat d'un confrère mathématicien belge auteur d'emprunts indélicats. L'herbe du voisin n'est peut-être pas toujours plus verte mais il n'aurait jamais connu pareille mésaventure avec ses amis, les astronomes !