Au cours du 19e siècle, profitant des progrès des sciences et techniques et de la volonté politique de développer le niveau de compétence des exploitants agricoles (création des Comices agricoles notamment), toute une nouvelle presse d'informations professionnelles à l'attention des cultivateurs et des éleveurs apparaît. Mais une ferme, c'est aussi un ménage ou une famille qui doit se nourrir et qui entretient donc parallèlement une économie de subsistance : l'autoconsommation est bien souvent le seul moyen de parvenir à l'équilibre, parfois même de survivre (on réclame toujours la suppression de l'impôt sur le sel, un siècle plus tard, l'impôt direct sur tous les bénéfices agricoles). Dès son origine, cette presse développe une rubrique de conseils pratiques qui visent autant à améliorer la production (variétés, rendements, engrais, irrigation, outillage, etc.) que la vie de tous les jours. Cette rubrique restera vivante tout au long du 20e siècle.
Des témoignages concrets (pas de l'encyclopédisme...), dignes de foi (à l'exception de quelques cas farfelus comme ce hibou, fou de fruits, qui hante un verger !), bien datés et localisés, décrivent, parfois succinctement, parfois dans le menu détail, des expériences aux résultats prometteurs. Améliorations du début à la fin de la chaîne : choix des légumes, des fruits, etc., méthodes pour les préparer au mieux et procédés pour les conserver le plus longtemps possible et sans risque, tout en préservant leur aspect et leur qualité (techniquement, les propriétés organoleptiques).
La poudre Combinés Barral, 1901 (distribués par Ovidol (C))
Les 60 articles sélectionnés au cours de ce quart de siècle donnent une bonne idée des évolutions culturales (nouvelles variétés végétales et introduction de nouvelles races animales) et des nouvelles habitudes alimentaires (le bouleversement amené par la pomme de terre, par ex., et tout ce que l'on peut en faire - même du fromage et du pain !).
Nouvelles cultures et nouvelles denrées qui ne font que renforcer la question centrale liée à l'alimentation : comment conserver (longtemps) sans stériliser ni refroidir ? Les différentes méthodes pour conserver les œufs, par ex. (eau, précuisson, vernis, etc.) résument à elles-seules l'obsession de garder l'un des produits de ferme les plus répandus sur la planète. Sur la compréhension qu'il faut priver l'œuf de tout contact avec l'air, l'idée d'étanchéifier la coquille fait son chemin jusqu'aux solutions physico-chimiques les plus radicales : solution complexe de type Barral ou vernis de Réaumur. À l'image de l'acide sulfureux qui stabilise la couleur verte et si appétissante de ces merveilleux légumes frais, la boite de Pandore des conservateurs alimentaires vient de s'ouvrir: l'Agriculture et la Science se préparent à suivre un long chemin de conserve !
Notes : les volumes des années 1839 à 1848 et 1851 proviennent des collections anciennes de la Bibliothèque Méjanes de la ville d'Aix-en-Provence que nous remercions chaleureusement.