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488f552806454d8b1ffc5ceda939dfb5
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Text
UNl\'KRS!TK DE FRANCE - FACULTE DE DROIT D'AIX
DE
L'ÉMANCIPATION
BN DROlT ROMAIN
EN DROIT ANCIEN ET EN DROlT FRANÇAIS
THÈSE
POUR LE
DOCTORAT
PAR
Jean de LAVALETTE
/
;.vocAT
,,,~
.,,
IMPRIMERIE
J. NICOT ,
RUE
1884
DU
LOUVRE ,
16
'
�A MON PÈRE, A MA MÈRE
A MES PARENTS
A MES AMIS
�DE L'EMANCIPATION EN DROIT ROMAIN
Origine de l'Emancipation
Dans Je premier droit de Rome , droit barbare comme
le peuple qu'il était appelé à régir, la puissance paternelle
était organisée avec une incroyable rigueur. Les rapports
de filiation n'étaient considérés par les anciens Romains
pour ainsi dire que d'un seul côté ; l'id ée qu'en procréant
on s'oblige ne leur était pas venue. A leurs yeux le chef
de fami lle n'a que des droits. point de devoirs ; le père
est tout , l'enfant rien ; la puissance du premier sur le
second n'a qu'un motif. l'intérêt du père.
La loi des Xll Tables abandon ne, corps et biens. le fils
au chef de famille. Cc dernier peut maltraiter. vendre.
tuer son enfant ; il peut. sans crainte d'aucun chàtiment.
attenter à sa vertu , le déshonorer; il peut encore s'opposer
à son mariage. et, une foi Io mariage contracté, le rom-
�-
,
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pre à sa gui ·e en répudiaDt sa bru ou son genùre ma lgré
son fils ou sa fi ll e; roilà quant à la personne. Quant aux
biens , le fils de fami lle ne peul rien acquérir po111· luimême, ni exercer aucun droit en on propre nom . L'espoir
tle succéder a son père peul lui être enlevê par un testament, où il n'est même pas néce sa ire qu 'il soit nommé.
Et cette pui5-sance exorbitante ne cessait jamais quel·
que fu sstlnl l'âge el la conùition de l'en fant. C'est à
peine si par exception celui qui devenait flamirie de Jupiter on vP.slale, selon on sexe, en était affranchi.
Mais en principe tant que le père el l'enfant vivent,
qu'ils sont libres et citoyens, el à condition que ui l'un
ni l'autre ne passent dans une autre famil le, l'autorité
du père subsiste toujours ; elle sLJb:;isle même sur sa fil le
mariée, sa llf le cas oü celle dernière tombe soos la man us
de son mari. Celle puissance exagérée. celle magistrature
domestique sans li mites et sans contrôle eût été plus justement appelée le despotisme paternel. Il est vrai que la
rigueur de la loi arai t pour contre-poids l'a!Tection paternelle, et nous avons tout li eu de croire que celle affection
fut suffisante pour prévenir les :ibus d'LJne pareille constilulioo , qui sans cela n'eût pas résisté à l'épreuve du
temps.
Du reste la force des choses l'em porta. Il dutarrirer
sourenl qu'un fils aspirât à devenir lui-même chef d'un e
nouvell e famille, à se co nstituer lin patrimoine, à jouir
Pn lin de l'indépendance à larp1ell e son âge lui permetlait
de prétend re; et plus d'un père, en qu i la voix du cœnr
faisaiL t,ii re l'orgueil du citoyrn, n'rùl poi11l hésité h sacri-
-7fier à la prospérilé et au bonheur de son enfant les prérogatives exagérées qu'il tenait de la loi. li n'était du reste
pas admissible qu'un individu, quelqu'intéressante que fût
d'ailleurs sa position, n'eût jamais allcune personnalité
propre par cela seul qu'i l n'était point chef de famille . Pour
remédier à cet état de choses, il eût été possible d'accorder
à l'enfant certains droits et certaines garan1ies tout en le
laissant dans sa famille. de tempérer la puissance paternelle sans la supprimer. Mais f ai dit de quelle façon les
Romains concevaient celle dernière . Du moment que ces
tempéraments l'eussent rendue inutile au père, pourquoi
la laisser subsister ? La jurisprudence décida donc que
moyennant certaines conditions l'enfant pourrait devenir
capable, pleinement capable, paterfamilias lui-même,
mais qn'en mêœe temps il deviendrait absolument étranger
à sa fami lle. Ainsi fut créée l'émancipation.
L'étymologie du mot émancipation se trouve-t-elle dans
le nom de l'une de ses formes primitives. e-mancipatio,
ou bien plutôt, comm e le veu t Ihéring ( t ). devons-nous
la chercher dans le mot manus expression originaire
servant à désigner l'ensemble de la puissance du chef de
maison sur sa famille personnes et choses? Je ne sais et à
mon avis peu importe. Peu importe encore selon moi de
rechercher e:<actement à quelltl époque remonte l'émancipation. L'opinion la plus générale est. qu'elle ne Yint que
de nombreuses années après la loi des XII Tables. En
effet, si elle elit été connue lors de la promulgation de
(1) L'E.lpril du nroit llomain par R. VON letR1N«. lraduclion Meulet. li, p. 157.
uncre ,
�-8celle loi, quand Rome reposait entièrement sur la puissance domestiqu e rigoureusement organisée, un pareil
mode de rupture de cette jJUissance n'eùt pas manqué
d'être spécialement règlementé ou an moi ns mentionné.
Quant à la phrase : Si 7iater /ilium ter ven um cla/Jit,
filius a vatre liber csto, elle me sembl e n'avoir d'autre but
que de régler le cas où le père Yendail réellement son fil s.
Nous verrons dn reste que i ce tex te ne créa pas l'émancipation, il en fut c:ependant la rai on ù'ètre juridique.
Ce qui me paraît plus import:rnl, c'est d'étudier d' abord
l'émancipation en elle-même, de la définir , d'en indiquer
les formes successives , d'en préciser les caractères. réservant pour une deuxième parti e l'énum ération de .es effets.
PREMIÈRE PARTIE
De l'Emanoipation en elle-même
~
1. -
Dé finiti on
L'émancipation c t un acte ju rid ique, :iyant pour obj et
de libére1· .un enfa nt de la puissance paternelle et de le
renùre sui j•U" is. El le cli!Tère des autres mode de dis,olution de la puis ance paternelle, (j'entends ,eulement ce ux
qui emportent pour le fil s perte de se droil$ de famille)
en ce que d'une part elle n'e ntraine pa. l'idée d'une dêchéa nce pour l'enfant comme la perle de la liberté ou de
la cité . et d'autre part en rc que l'enfant ne pa::se pa.
sous une autre puissance comme ùans l'adoption ou la
ma 1111s.
�S ~. -
JO Formes
L'émancipaLion fut créée, non pas de toutes pièces par la
loi, mais par la jurisprudence. ( 1) Au ss i dut-on user de
détours pour arrirer à la faire découl er de la législation
existante. Nous avons vu que le chef de b famille avait
déjà le droit de vendre ceux qui se trouvai ent sous son
autorité. Pour que ce con trat offrît Utl avan tage quelco nque à l'acheteur, il fallait que le père perdît ses pouvoirs
sur son enfa nt et que ceux-ci fu sent remplacés par une
nouvelle puissance au profil de l'acquérenr . Cette dernière
s'appelait le ma11c1)1ium . Or pour détruire d'une façon
définitive celte autorité paternelle, que nous avons vne si
forte et si chère aux Romains, ta loi des Xfl Tables ex igeait trois ventes successires (2). Mais ces trois ventes
étaient une complication, et la pratique, qui tend toujours
Yers la simplicité, s'attacha stri ctement au tex te des Xlf
Tables si ]Jater {ilium ter venum dabit , el admi t qu'un e
seule vente suffirait pour libérer les drscendan tes de tou t
degré et les enfants mâles au delà ùu premier degré. Le
ma11cipiwn ne pouvait s'établir que par la mancipation , et
p3r cooséqueut la vente de l'enfant devait re,·êtir cet te
forme. D'autr~ part tout citoyen µosséùan t un homme
libre in mancipio avait la facutl é de t'affranchi r, co mme
il eût fait un de ses esclaves , et par suite de le rendre
m i j ttris.
(t ) 111 ~• 1NG, Op. Cit. 111, p. 3:14 n. ~9 0.
(i ) lmm ~c. p. 179, Il . c~ pli <] uc original ement la nécessité de ces troi s
Yen les.
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11 -
JI y avait là tou s les éléments nécessaires pour arriver
au but que se proposaient les prudents. 11 suffisait de
rendre fictive la constitution du maricipium et obligatoire
l'affranchissement qui devait la suivre. el l'on avait une
cérémonie compliquée, c'est vrai, mais suffisante pour
anéantir la puissance paternelle et donner au fils tous les
droits du citoyen . Voici maintenant le détail de celle sorte
de coméd ie judir,iaire en <leu:< actes, dont le premier correspond au changement de la patria 7Jotesta5 en man cipium, el le second à ta destruction de celte dernière
puissance.
Lors donc qu'un père naturel ou adoptif voulait émanciper son enfant, il commençait par le manciper à un tiers;
mais il avait soin d'3ccompagner celle mancipation d'un
contrat de fidu cie par lequel l'acheteur s'engagaait à affran chir v indicta la personne qu'il aura it ainsi acquise in
mancipio. L'accomplissement par le tiers de cette promesse rendait parfaite l'émancipation s'il s'agissait d'une
fille ou d' un en fant mâle au defa du premier degré. Que
i au contraire il 'agissait d'émanciper un fils de famille
proprement dit, il fallait recommencer lroi fo.is ces d'. •
Yerses cérémonies, après quoi l'enfant avait acquis une liberté irré\'ocable.
Cette faço n primitive ùe procéder détruisait bien la
pu issance pat~rnell e d'une manière al.Jsolue. ma~ on
s'aperçu t bien vite des inconvénients qu 'elle o!Tratl. .E.n
elTel , le citoyen, qui ayant un homme libre in mancip10
l'affranchissait, étai t par rapport à. lui assimilé à un patron,
et comme tel consenait des droi ts précieux, notamment
�-
12 -
ceux de lu telle et de succession. Or ici tous ces avantages
restaient à nn ètranger n'ayant joué qu'un rôle passager
daos l'émancipation, tanclis qn' ils auraient dù bien plus
nalurolleruent revenir au père. Un pareil étal de choses.
si on l'eùt laissé subsister aurait forcément restreint le
nombre des émancipations. Alors s' introduisit l'usage suivant. Lors de la manr,ipation qui devait épuiser complètement la puissance paternell e, au lieu d'y joindre une clause
de fiducie portant que l'enfant vendu serait affranchi par
l'acquéreur , oo convenait, fiduciai rement touj ours, qu'il
serait remancipé au père naturel afin que ce dernier.
affranchissant son fil s do 1nanci7Jitcm qu'il venait d'acquérir
sm· lui , fùt le véritable émancipateur et en eût tous les
droits. On réserva à ce dernitir mode de procéder le nom
d'émancipation contracta (idttcia. Le père naturel opérant le
dernier alfranchissement s'appela 11ater e111ancipalor, par
opposition au manwnissor exlrœneus, dénominati on qui
s'appli quait au tiers toutes les fois que l'émancipation avait
eu lieu ~a ns l'adjonction de ce nouvea u contrat de fiducie.
Tou tes ces mancipations el ces affranchissements concouran t à on but un ique pou,·aient trcs probabl ement être
accomplis de suite et sans interru ption ( 1). ~fais ils pouva ient aussi n'avoir lieu qu'en des tern p:; différents. et à
ce sujet Gaïus (C. l. § 155) suppose qo'nn enfant soit con çu
des œuvres du fils de fam ille arnnt l'achèvement de l'émancipation. li est évident que si la pnissance patern elle n'est
( 1) Celte amr malion esl conlesléc pa r IH en11'c Op. Cil . 11 1, p . '!15. Il
faut lire .tout le pa5sagc po u1· bien comprendre la pensée du snvauL
aulcur qui me parait aller trop loi n o ~ coofo ndro la possibi lité des iuler·
\'Ollcs avec la nécessi lo <les inlcrvdllt•s.
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!;) -
pas encore définitivement ~lein ~e, si c·e. t par ex emple entre
la deuxième et la troisième mancipation que la conception
se place, l'enfant nait en la puissan ce du7;alerfamilias .Mais
pour le cas où le fil s rnrait in tertia marwipatione, il est
probable qne la doctrine primitive fût que l'enfant naissait
sous la puissance de l'acheteur qoi avait le mancipium :
c'était. rigoureusement logique el Labéon avait adopté cet
avi s. !\fais, paraît-il , en pratique, et toujours pour sanve·
gardar les droit naturels du père. on admellait qt1e sa
condition restait in pendeuli ; et alors le père mourait-il
in mancipio ? l'enfant était s1û j uris : le père était-il
affranchi ? l'enfant tombait en sa puissance.
Les formes de l'émancipation furent laissées intactes
pendant toute la périod e clas.iqoe. En 503 seulemeot,
sons le règne cl'A nastase, on 1 encontre pour Io. première
foi nn changement dans ces pratici.nes surann ées. En
vertu de la constitution de ce prince (C. 5, v111, 49)
l' enfa nt même absent put recevoir le bénéfice de l'émancipation. Pour cela le chef de famille présentait une sop·
plique à !'Empereur qui répondait par un rescrit d'émancipation ; ce rescrit dern it être signifié au magistrat
com péteot pour être in.inoé <qnul acta publica ; mais celle
insinu ation n'était po ible que i le consentement de l'enfant était proU\'è, a moins qu'il ne fû t d'on âge trop tendre
pour pouvoir le donner . Cette noovelle forme d'èmancipa·
tion, que les commentaleurs ont nommée anastasienne.
était. facultalirn , et ceux qui préféraient obéir aux anciens
rites restaient lib res de les accomplir.
Enfin nous ari i\'OOS ~\ Justinien. Ce prince :.lbroge toule
�-
H -
l'ancienne lëgi:;laLion relaliv<' aux fo rme de l'émancipation.
sauf cependant la con litution d' .\na ·rase dont il perm et
de suiYre encore les prescription . Sa prop re constitution
qui date de l'année 531 , deux ans avant la promulgation
des lnstitules, fait de l'émancipati on un acte simple et facile
à accomplir, exempt de vanam obseruationem comme il le
dit lui-même, (C. G, v1u . 4·9). Le père qui voulait émanciper soo fils devait se pré;;enter an juge compétent. ou an
magi Lrat que la loi ou la coutume aYait autorisé à cet
elTel, et lui déclarer qu' il affranchissait son enfant en prononçant ces paroles rapportées dan:; le Proniptuarium
d'Herrnénopul ( t . xv11 , 8) : //mie s11i juris esse palior ,
meaque manumitto. De celle formuie il res ort qne !'émancipé devait ètre présen t à l'acle: d'où l'utilité de la cooserYation de l'émancipation anastasiennc apparaît évidente
pour le cas où le Gis était absent. Du reste Justinien
déclare que sa nouvelle émancipation produira les mêmes
elTets à l'égard du père que si, sui1·ant les ancienn es formes, il l'eût fa iteco111racta fid ucia.
.
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3. -
CondUiona
L'émancipati on, tout en olTrant un moyen de rendre
sui j uris l'enfant soumis à la puissance paternelle, ne porta
au.~uoe atteinte à cette puissance. En effet, ce fut toujours
un principe qu'elle devait avo ir lieu du plein consentement,
je me trompe , du fait même du père de fa mille. Ce der-
- rn nier a ici un e entière latitude. Il peut à son gré distribu er
le bienfait de l'émancipation à n'importe lequel de ceux
riu'il a sous sa puissance. Ainsi il peut émanciper son fil
et garder sous son autorité ses petits-fils, où à l'inverse
émanciper $eulement ses petits enfants sans mêm e consulter
. .
leur père, qui lui restera soumis.
Ce principe de l'entière subordination de l'émanc1pat10n
à la volonté du cher de famille resta longtemps absolu
(5 1 , i , 7). Les empereurs cependant y portèrent quelques
rares et nécessaires exceptions.
Trajan d'abord décida qu e le père qui maltraite son fi ls
sera forcé de l'émanciper et perdra même les droits de suc·
cession allachés à sa qualité d'émancipateur (5. xx.xvu,
12) . Un deuxième cas d'émancipation forcée e. t celui où
un ad rogé arri re ~t l'âge de la puberté. étant encore sous
Ja puissance de l'adrogeant . S'il prouve alors qu e l'adrog~
tion ne lui est pas avantagr.use, il peut exiger son émancipation (55. 1, 7). Comme simple mineur de 25 ans il
pourrait aussi obtenir l'in integrum rcst~tatio qui !e repl~
cerait eaaJement dans sa condition antéri eure, mais tandis
•
•
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que celle dernière suppose la preuve d'une lés10.n P:~uniaire, un simple préjudice moral suffit pour auton er ! im.
pubère à réclamer l'émancipation.
Il y avait controverse ùan une troi ième hypothese ..~n
père ayant reçu une libéralité testamenta'.re .av,ec .p rt ~re
d'émanciper son e~ fan t deHa·t·il être contraint a 1execu l1.on
de ce fideicommis' Ulpien el Papinien admettaient en principe la négative: mais si cependant il ressortait cl ai rem~ nt
dn Lest.a.ment que le testateur a fait Je legs dan. Je but prin-
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,
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cipal. (hac conlemplatione) cle faire éml nciper les enfants.
ils considéraient :i.lors l'émancipation comme une condition
mise à la délivrance du legs. Si par conséqu ent le père a
touché le legs. il pourra être forcé extra ordinem a éman·
ciper ses enfants ( 92 , xxxv . 1 ). Enfin un dernier cas
d'émancipation forcée que l'on s'étonne de ne rencontrer
qu'en l'année /1-28 fut établi par une constitution de
Théodose et Valen tinien (C . 6, xr . 40). Il parait qu e jnsqu'à celle époque le père poura1t abo er de 011 autorité
en prostituant sa fill e. La i;onslituLion dont il s'agi t. inspirée
par le chri stiani me. dont tous les auteurs constatent
l'heureuse influence sur la législation romaine, mit fin à
ces affreuses débaoches . restes d'un paganisme impur. d'une
part en ex igeant l'émancipalion de l'enfant deshonoré et
d'autre part en frappant de peine sévères ces pères lenones.
En principe le père de famille doit donner ex pressément
son consentemen t à l'émancipation puisqu'il doit y concourir lui-même. Cependant les textes nous montrent ce
consentement exprès remplacé par la possession d'état dans
deux hypothèses. D'abord Ulpien (2:5 , 1, 7) décide qu e le
testament d'une fille de famille qui a publiquement vécu
comme mater(amilias et comme légitim ement émancipée,
ne pourra être attaqué par son père sous prétexte que les
formes prescrites pour l'émancipation n'ont point élé observées. Ensuite un rescrit d'Aotonin et Vérus (C. 1, vm,
4 7) déclare que si un père a sou!Tert pendant longtemps
que les biens de son fils fu ssent administrés comme ceux
d'un père de fami ll e par les tntcurs qu e sa mère lui a
nommés par testament , el qoe si plus tard ce père prétend
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que son lils est encore en sa puissance , sa prétention sera
au moins douteuse et derra être soumise au présidenl de
la province. 11 y aurai t donr, un e sorte d'émancipation
tacite en droit romain ; mais aucun texte général ne nous
au torise a en étendre le champ d'application au delà des
espèces prévues par ces lois. Cependant, après Justinien ,
la Nov. ~5 de.l'empereur Léon voit une émancipation tacite
dans la séparation prolongée d'habitation du fils et du père
sa ns protestation de celui-ci.
Un e seconde c.ondition à la validité de l'émancipation
était le consen tement de J' ém~wci pé, car. comme le dit
~l. Accarias, c'est un principe général que de même qu'on
n'impose à personne la qualité d'héritier sien dont il ne
vent pas, de même nul ne peul, contre son gré, en étre
dépouillé. Du reste à toute époqne on sous-entendit ce consentement toutes les fois qu'il n'y avait pas protestation,
et c'est ce qui permettait d'émanciper les infantes (PAUL,
Sent. n, 25, tl).
~
.1. -
Caractères
L'émanr,ipation ne poumit se faire ni à terme. ni , ous
condition . li y avait ù'ahorù à cela une raison de forme
pour l'e111a11cipatio uelus puisqu'elle nécessi tait \'intervention de la mancipation et de la manmnissio vin dicla . Du
res te la nature même de l'émancipation répugne à l'adjonction de ces modalités. La pui sance paternelle est étei nte.
�-
I~
-
nu h!cn elle ~nhsisl e encore ; on e. L.mi j11ris on on ne l'esl
pa~ . Au surplus nulle ùifficu llé à admellre i ~i la règle
e.rpressa 11oce11l. 1w11 e.rpressa 11011 noce11l.
Il n'ètaiL p:i.s no!1 plus permis d'êmanciper avec charges,
comme on aurait alTranchi un esclave sous la condi tion de
fournir des operœ. 11am 7Jietatem liberi parcntibus , 110n
opera debent (10. xxxrn, 1:jj.
L'émancipation appartenait a la juridiction gracieuse.
1\J. Actaria qui admet ce c:iraclère dans sa troisième édition par la raison bien claire que l'émancipation implique b
vindirta. \'a,·ait conle$Lé dans a seconde édition, au moins
pour l'époque antérienre à Anastase. On avait peine 1
s'expliquer la pensée de l'éminent romaniste surtout en
présence des lex ies suivants : 3. 1, 7 ; 4, 1, 7 : PAUL ,
Se11t. Il , 2 5, 5.
Enfin l'émancipation réclamant la coopéralion des autorit és civiles ne pouvait Lrès anciennement se faire qu'à Rome
même. ( 1) Mais dès l'époque clas ique, à rai on Je l'extension de l'empire, les textes nous montrent qu'ell e pouvait s'opérer partout oü il y arnit un magistrat compétent ,
(C. 1, nu , 48; D. 3G . 1 , 7).
- rn cliques qui la co mpo~aient prouvaient par leur ressouvenir
qu'elle avait réellement eu lieu ùans les cas rares où celle
preuve pouvait être nécessaire. Cependant de très bonne
heure les Romains connurent des actes authentiques où
étaient relatés les faits qui. comme \'affranchissement cenrn
ou vindicta, l'adoption. l'émancipation, exigeaient le concours du magistrat ou cln peuple lui-même. Ces actes
constatés par écrit formaient la meilleure des preuves. Il
est éYiden~ qu'après les réformes introduites par Anastase
el Justinien les acta 7>ublica purent seuls être invoqués.
Remarquons qu e si Ir. débat sur l' existence de la puissance paternelle s'agite directement enlre le père et 1 ~ fil<;.
c'est par voie de cognitio extraordinarici qu'il doit être
tranché ; en elTet il n'y a pas d'action proprement dile
entre deux personnes dont l'une est sons la puissance de
\'autre (4 , v, 1; 7 , XLIV, 7) . Pour que le prœjudiciwn
de patria 11otestate fût possible en pareille hypothèse. il
faudrait que le fil s fût autorisé. comme l'homme qui plaide
de libe1·tate sua, à se faire représenter par un assertor;
mais rien ne permet d ~ soupçonn er que cela ait jamais
été admis . En tons cas c'est toujours au fils qu'incombe
la charge de la preure. (8 . xxu. 3).
,; :1. - Pr euve
S G.
Tant que durèrent les formes de l'emancipatio velu s.
les témoins nécessaires à l'accomplissement .des actes ju ri( J)
I ntR1 ~G.
Op. cil.
111 . 3 ~ 7 .
-
Révocation
Jusqu'au règne de Constantin l'émancipation une fois
accomplie était irrévor,al.Jle. Mais on trouve dans les
Fragmenta Vaticarw , n° 2 '~8, une constitulion de ce prince
•
�:wêlaLli~sa nt
qu'à l'instar ùe l'aITranchissemr.nl de l'esclare
l'ém:rncipalion pourra être rérnquée pour cause d'ingratitude. L'ingratitude résultera non d'un simple ùéfaut de
reconnaissance, mais d'actes ou ùe nég!igences graves, d'une
conduite orgueilleuse et cruelle, dit le tex Le. Comme conséq uence de cette révocation, tous les biens de !'émancipé
riennent accroître le patrimoine du père.
Celle constilotion fut purement et simplement ratifiée
e1wiron trente ans plus tard par Valentinien, Valens et
Gratien (C. vm, 50). Les règles de la révocation de
l'alTran~hlssemenl étaient sans doute applicables ici. et par
exemple la révocation Jerail être prononcée par le magis·
tral sur la plainte du père.
SECONDE PARTIE
Effets de l'Emancipation
L'eITet principal de l'émancipation est de faire cesse1·
la puissance du père sur son enfan t. Celui-ci, désormais
indépendant, peut, quels que soien t son âge et son sexe,
con tracter mariage ( 1) et se choisi r un domicile en toute
li berté. Homme, il devient chef d'une nouvelle famille
composée de sa femme in manu et des enfants naturels ou
adoptifs qu'il aura après son émancipation. Femme, elle
devient mater(amilias et, à moins de tomber sous une
autre puissance , elle e t capllt et finis /'amiliœ siiœ . En
même Lemps que l'indépendance, l'enfant acquiert la possibilité d'avoir une forlane il lui, d'aliéner, d'exercer lui même ses droits, de tester snr les biens que son éman(l) Cepen dant , sous l'c mpir<', les fill es mineures de ~5 ans, m~mo
'°111ancipl:es. devaient obtenir Io consentement de leurs parents (C. ~o.
V. ~ .). et les y~uves J e tout fige, m~mc émancipées, celui de leur père,
polir po4 voir se marier.
�-
~2
-
cipaliou lui permettra tl'acqu érir . ucvir re enlin de la Yie
ci,·ile. comme il vi,•ait déjà de la vie politiqu e.
Mais l'acqni ilion cl e tous ces avantages amenait unP.
con. éq uence fo rcée: !'émancipé, sortant ùe sa fami lle cl
deYenan t 11ater(a111i Lias lui-mèmc. subi. sait nécessairement
nne mi11imu capitis cle111in11tio. ;\ l'époque classiq1Jc,
comme le fail très justement remarquer Gaïu (C. r. 162),
le fils de famille. màle, au premier degré, étant capite mi nu.
lus à chaque rente dont il était l' ol>jel, en subissait en somme quatre dans le cas d'éma n ~ipa ti o n cuntracla ficlucia. Les
formes de l'émancip:i tion ayan t été changées par Anasta. e
el Justinien. je croig, arec la plu part des aut eurs, que
\'émancipé subit enco re une di minu tion de tète.
On sai t cepecdant que ~I . de Savigny P,l après lui bon
nombre de romanistes. Yeulent qu'il n'y ait minima capilis demin utio que lorsqu'il y a amoindrissement au moins
trari siloire rie la ca pacitë antérieure, el que par conséquent elle n'ait pas lien lorsqn e l'étal perdu se troul'e
remplacé par un étal éq uivalent ou plu. aYantageux. Je ne
veux pas entrer dans la disctu ion générale de la question
et je me boroe à indiquer seul ement ce en quoi elle touche
à no lre matière. A l'époq ue classiqu e. dit-on. \'émancipé
subit une cnpitis deminutio, mais c~ n'e·t pas parce qu'il
orL simplement de sa fa mill e antérieure, c'e t pour le
motif qu'en donne Paul (5 ~ 1, lV, 5) : Emaucipato filio
cnpitis minuliu ?llrm i(eslo uccidil, c1111wt ema11ripari 11c 111 0
possit 11isi in ime.ginariam servi/1'111 rrw sam dedw:tus. C'est
cette. <1l tération pas~ :-igère de sa capacité, ce moment d'escl a \'a~e fictif, qni serait la cause de sa rn11i1is demi11utio,
-
23 -
bien qu'il ait évidemment agranrli sa ca pacité. Mais une
fois les anciennes formes sup primées, l'enfant passe directement et sans transiLion do l'état de subordination à l'état
de liberté, qui est bi en préfërable, et il n'y a pas de capi·
tis min utio,
Contre ce système je ferai remarquer deux choses.
D'aborJ il est certain qu'il n'est point l'expression de l'opin ion de Paul qu'on invoque. On voit en elîet fort clairement dans le principe général qu'il pose dans la loi 11
( lV, 5) que suivant ce jurisconsulte la minima capitis rnin utio n'est liée à. aucune idée de déchéance : Qttum et libe1·ta s et r.ivitas retinetur , {amilia tantmn mutatur , mi11imam
esse demimttionem con stat. Ce texte rapproché de la loi 3
(Pr. eod . /oc.), ne peut laisger aucun doute sur sa
~ensée . Mais pourquoi alors. à propos de l'émancipe,
parle·t-il de l'imnginaria scrv itus? Peut-être, comme le
veu t M. Accarias , a-t-il ajouté ce vain motif par étourderie ; peu t-êlre plntôt, comme le pense Ortolan , a-t-i l vou.\~1
ex primer par fa que dans les anciennes form es _la ~aptlls
clcmin 11 cio était produite dès la première manc1pat1on et
avant qu e l'émancipation fût accomplie. Je ferai 1:E'marquer en second lieu que dans la plupart des recueils des.
Institut es on trouve (\, t. 16 § 5 in fi ne) ces mots : S i
/Ui usfamilia s a pai re emancipatus fu crit est caJJÏte mi1rnt<1s. Si ces mols ne sont pas une :tddition des commenta-
teurs, il est éYident qu'ils tranchent la question pour l'époque de Ju stini en (à peu près la seule oü la question _s~
pose) , pu isque les Institutes sont non seulement un tra1le
did actiqu e mais aussi un ouvrage législati f.
- --- - . -
-
- -- -
.
'
..
,
.
�-
~H
-
Enfin ca qu'il y a de lien cerlain, c'est qu'en l'an 543 la
No Y. CX\'111 suppriman t la famille civile fil de la minima
cnpitis deminut io un simple so1l\'enir. Mais pour tou t le
Lem ps an térieur à celle date. j'ai à en indiquer les conséquences; ce sera le s•Jjet des deux chapitres qui vont
SUI He.
CHAPITRE PHEMIEH
EITC(N de ln c•,,11ili11 n e111i1uflio
8uble 1•nr l 'Éuannclpé ,.. .... les 1·n1•porf s cf drolh
de fnnalll c.
La capilis demin11tio entraine la ùi solution de !'agnation et de la gentili té, en un mot de la paren té ci1•ile, et
au contraire laisse subsi. ler la cognation ou parenté naturelle ; car dit Gaïus (1, 1:;s) civi/is ratio civilia 'Jttidem
j ura corrompere 710/esl , 11at111'afia vero 11on poleM. Seul ement la suire dè ce lrarail l'a non foire a~si, ter à une érol u tio~ c.ur'.e~1se. La cognatiu1J . don t les cfret so11l presq ue
nuls a 1 u11g1na, gagna d'importa11œ à mes ure que marcha
la lt'gislation. tandis que l'influrnce de la parenté civi le,
- · 25 -
énorme au début. ùécroi ait par degrés; si bien que dan
Je dernier état du droit , la parente du sang a complètement
détrôné !'agnation. qui finit même par disparaître entièrement .
On comprend l'importance qu'eut cc changement sur les
elTets de l'émancipation. Au comm encement celle dernière
amène une modifi cation presque totale dans les rapports de
famille de !'émancipé, puisqu e la cognation. dont les elTets
se réduisent à peu près à rien, subsiste seule; si bien que
loin d'être un bénéfice, l'éma n~ipation se traduit souvent
pour. l'enfant en un mal plutôt qu'en un bien ; car
en échange de sa liberté il perd les droits les plus chers
et qui nous paraissent aujourd'hui les pins inad missible,.
D'autre part les effets désastreux de celle rupture des
liens de parenté pouvai ent aussi se produire à l'égard
de ses an ciens parnnts, pa1· exempl e en leur enleYant
tout espoir de lui succéder. Ces résnltats, a11ssi iniqu es
dans no cas que dans l'au tre, devaient disparaitre avec le
Lemps. On conçoit en effet qu'à me5ure q11'on ùétachait
pour ainsi dire de !'agnation rour les rallacher à la cognation, les droit de parenté. l'émanci patio!l n'y portail plus
atteinte. Et quand l'évolution fut complète. quand tous les
anciens effets de la paren té civile furen t considérés commE.
décou lanl de la parenté natu rel le, ces deux paren tés ayan t.
si l'un me perm et l'ex pres ion. changé de place, !'émancipé
u'eul plus rien à perdre cl l'at:qui'ilion de la liberté dev int
pour lui un pur avantélge. 0 ' 1111 autre côté ses parents ne
cra ign irent p:is de rompre les liens de pu i ·sancc qui l'allachaient à eux. rui sqn e celle ruptu re n'entraînait plus la
- - - - -·
-
-
• - -
-
•
1
•
~
•
�-
26 --
-
perte des droits légitimes qu 'ils tenaient de la nature.
Telle est la double idée que je voudrais meLLre en lumière
daus ce chapilre. Je parlerai d'allorù <le la cognation, puis
de !'agnation dont on Yerra décroîLre peu à peu les effets
au profil èe sa rirnle.
Artirlc
t" -- Da la
Cognation
Parlons d'abord de la cognation. Mais ici nous devons
sous peine de tomber dan de grarcs erreurs, distinguer
la cognation proprement dite, Haie parenté naturelle,
d'un e cognation en quelque sorte cirile qui existe entre
)'adopté, l'adoptant el les parents de ce dernier . Cog11atio11 e111 (acit etiam aduplio ; elenim qttibus fiel agnatus
!tic qui adoptatas est iisdem etiam cogncitus (iet ( 1, § 4 ,
XXXV III . 8).
Qu ant :i la cognation proprement dite elle subsiste donc
et on peut rattacher à sa survie les effets suirants:
1° l:émancipé garde le nom et la dignitas de son
père;
2° Il doit la revere11tia à tous ses ascendants et par
~ uite: il ne peut les poursui He en justice sans une autorisation spéciale du magistrat (lnsl . IV, 6, § 12); ni les fai re
condamner au delà de leurs moyens (eod. toc. § 58); ni
le poursuivre par un e action infamante ou leur opposer une
exception de dol (11 , IV, 5; 2 pr. 7, § 2, xxxv11 . 15);
injnrié par son père. il ne pourra le poursuivre qu e si
27 -
l'injure est al,.oce, et si c'esl lui qui a outragé son père ,
toute injure sera atroce ; le action ou exceptions qui
auraient un caractère blessant pour les ascendan ts doivent
être rédigées in fa ctum. etc.. etc.
5° La dette alimen taire réciproque sullsiHe malgré
l'émancipation(~ pr. xxv, :ï );
4° Par le seul fa it qu'i l est son enfant, !'émancipé con1in11e à procurer à son père le jus liberoru.m. c'es t-à-dire
qu'il compte à son père pour l'exemption de la tutelle
(lnst. 1. 1 pr. 2J) et de certaines charges publiqu es. Sous
les lois caducaires, il lui évile les peines de l'orbitas ; de
plus l'enfant au premier degré et le petit enfant 71er masr.ulum lui acquièrent le jus 7iatrum ( Fray . \talic. 3 195),
etc.
~ · L'émancipé, sous les lois caducaires , conserve la
su/idi capacitas en tant que cognat ;
6° L'émancipation ne port e aucnne modificat ion anx
prohibitions de mariage résultant de la parenté ;
70 L'émancipé, qni a le droit de e marier sans consulter son père. ne pourra cependanl depuis Justinien divorcer
~ans le consentement de ses père et mèra à peine de perdre la <lot ou la donation 7)roplcr 1111ptias qu e ceux-ci lui
ont constituée ou on l rrçue en son nom ; (C. 12, V. 17)
80 Quant aux droits réciproques de tutell e et de succes-
sion j'en ferai l'étude sèparée el complète dans l'arti cle suivant où l'on "erra comment on finit par les ratt:i chcr ~t la
'
parente dn sang.
�-
2" -
S1 nous enri ageons mainlenanl l'autre cognation, celle
qui n'est que la consêquence J e !'agnation acquise par
l'enfant aùoptif, il faut se rappeler qu'elle ne san·it pas à
sa cause. Gaïus (1. l 3i) détermin e qu elle e t alors la position des enfan ts aùoptifs: Quttm vero emanci7lati (ucrint a
71atre adoptivo , Lim e incipiunt i11 ea musa esse qua (u.turi
essent , si ab ipso 1iat11rali 71at1·c e111a11C'ipali fuisse11 L. Aus i
ne retrournns-nous ici en principe, entre l'adoptant et
l'aùopté. aucun de elTel qn e je ''iens de ignaler.
Cependant, eL par une exception qui se comprend facilemen t. les prohibition de mariage ub istent, mais en ligne
directe seulement. en ce sen que l'adoptant ne pourra
jamais épouser celle qui a élé sa fill e ou sa petite fill e
adoptiYe el qui a été émancipée (Gaius I. 59) ; 'mais en
ligne collatérale la règle générale s'applique el les prohibitions ~'eITacent. Enfin la cognation civ ile un e fois dissoute
par l'émancipation ne peut pas rcvi1Te par une nouvelle
adoption .
Article Il -- De l' Ag11ation
J'ai dit qu'à l'inverse !'agnati on était rompu e par la ca11itis deminutio . Si j'ajoute qu'en dehors de celle dissolution
Je l'agnalion !'émancipé esl rorcémen t affranchi du manci piu,in, nous auro ns deux donnée de la combinaison des-
- 29 quelles ressortira clairement la situalion qni lui est fai te,
et qui est fa ite à ses parents. ( 1)
SECTION
I.
Effets de la Dissolution de l' Agnation relativement à. PEmancipé.
Et d'abord dans l'ordre reli gieux la perte de !'agnation
entraine de graves conséquences . Il est certain que le fil =sortant ùe sa famille ne rarti cipe plus au colle domestique et qne cc cult e sera con li nué it la mort do paterfamilias par ses héritiers, car là où v:i le patrimoine du de
wj us. là ront aussi ses sacra privata. Or, on le sait, le
respect des traditions reli gieuses Je la fami ll e était profondé ment grarê dans le cœnr de anciens Homains. On
comprend donc com bi eo cette exclusion de\•ai t être sensible à !'éman cipé dans les premiers siècles de Rome. (2)
(1) Il parailrn1l nu pr emier obor d plus logiqu e d'ex poser celle double
situ:i lion sous u n titr e com m un à la pa r enté civ il.: et à la parenté nnlu•ell e, c~r . pnr suilr de l'idée ,ur laqul•llc Jl' me ·u is appesanti. les dît•ls
de la dissolulion cle l"agnalion ~c modifièrent à mesure que se lronsrorma la fa lll ille rornnm<•. Cependont j'ai cru de,oir r éu11i r l<>s principaux
l'ésullal de l'èmanci pntion ~ou" la ruhri quc: Effets de la dissol!llio11 de
ragnotio11, non ~culemont parce q11' 1l élo il nécc sJirede faire ain 1 pour
rrstcr da11> la ''è rilé en se pla\·ant à l"ori giue, ·ous l'empire du JUS c111ile,
mois aussi parc·e que cr ;us c1v1/r demeura penJant prc~que l ?ule la rlnr ée clu droit ln loi de prtnripo cL qu'il n·y fu i guero dérogé q11"111cli recte 111 enl. La d1v1s1on que j'ai adoµtée m'a donc paru plus en harmonie
a\'ec la ph ysionomie de la li•g1·la l ion romaim•.
( 2) D"un autr e cùl é luul palt'rfa 1111/1os doit avoir un culte pri ,•é : quel
SPl'll r elui de r cma ncipé 'I Le;, tc:\tPS ;,ont m uets et lrs auteurs unanim e ~ il imiter ce silence . Oscroi-1e haso r dcr 1111c opinion pcrsonnellr ·?
:\J. Acca 11as (T. ~p . \,)croit qu 'au J~hut chaque patricien communi qua i L ses sacrn pnvata au~ ramil les pl ébilicnrll':. a,•ec le qu eileo il av111l
dP~ rnppurl s do palron.i gt', mais probahlrmen t en i lltrocluisant quelqu e
chan gom()nt clan · ce rtJ llc. Sa ns dou te 11 e11 êtuit ainsi toutes les 101s
qu'un mailre atTranoh iss;1i L son e:.cla\'C. N'en pourrnil-oo pas dire aulan L de !"émancipé 'I On orri vcru 1l olors à ce résu l tat qu'à l'originc 1!
part i cipait uu culte du mon>•missor exlraneus , tancl i - que plus tard
qnand l'é111n ncipa'.1un put se fu1l'e contn1cta (icluc1a, il n'avait en somme
qu'o in l r ocl;i ire une modification dans le cul te de son pi:re. qui ~la 1l
aussi le sien, t'l cclo, non comme fi ls, mab com me uffranch•.
�- so Dan ~
l'ordre privé les con~ équ enccs soul pins importan tes encore. Tous les lien qui uni~saie nl l\m fant , non
seulement a on cher de famille, mais à tous les autres
parents soumis à la même puissance, se brisent et lfls
droits qui y étaient attachés di. paraissent avec eux. Les
plus importants tl e ces droits sont ceux ùc s u <.:1~cs ion el de
tutelle dont je rais fa ire une étuJ c appro fondie. J'examinerai d'abord le droit de succession, el. comme l'influ ence
que produit rnr lu i la ruptu re de !'agnation est pins ou
moins grande sni,·ant l'époqu e où l'on se place, je l'étudier:ii successivement sous le droit ciYil p11r, sons le droit
prétorien et enfin ous la légi lation impériale.
Droit de Succession
Droit civil. - Et d'abord sons le droit civil l'émanci·
pation faisai t perdre à l'enfant tous les droits érnnLu els
qu'il pouvait avoir sur la succession de ceux qoi rurent
ses agnats : • Einancipati liberi, nous disent les institutes.
jure civili nihil j iiris habenl. Neque enim sui hercdes s tm l ,
qu ia in JlOlestale 11m·enlis esse desienmt , neque ullo a/io jure
per legem X II Tabu lanm t•ocantur. Les conséquences de
ce principe étaient poussées si loin que les bi ens de l'éman·
cipé devenaient, à défaut d'agnats, la propriété de l'Etat,
plutôt que de loi être attribués, et cela alors même qu e
!'émancipé eût été le fils ou le père du de cujus.On estimait
que la possibilité pour lui de se créer une fortune était
une compensation suffisante à celle exclusion de l'hérédité.
-
31 -
Etdn reste la fam ille civile. la seul e reconnue alors par la
loi, étant rompue, les droits dont elle était la raison d'être
ne pouvaient sub ister.
Il es t vrai que le père pouvait Lrnuver un r.orrectif à
celte rigueur dans sa liberté absolue de disposer de ses
biens. Mais à défaut d' une institution testamentaire le
fils émancipé n'avait droit absolument à rien.
Droit 7Jrélorien . - 1.:. Il était impossible que cette législatio n ne s'adoucît pas avec le temps. C'est au préteul'
qu'on doit les premiers chang•!ments importants en notre
matière. Créée au Vl• siècle de Rome la préLure fut une
des inst itutions les plus remarqu ables el les plos bienfai. antes de la Républiq1J e. La loi co nfiait &u magistrat qui
en était investi la mission d'ètre l'organe du droit civil ,
ùe suppléer à son silence et ù'en corriger la rigueur . Or,
je viens ùe le montrer, le droit civil était pre..~qu e cruel
dans les elîets qu'il fai sait prod uire à l'émancipation. Le
préteur ne pouvait manquer de voir une criante injustice
dans l'exclusion de !'émancipé de la succ.ession de ses anciens parents. Il ne pou vait cependant l'appeler directement
à celle succession : prœlo1· lterede:; (acere non JlOlest ; mais
il sut habilement profiter du droi t qu'il avait tJe délivrer et
de maintenir à l'héritier la poi\session des biens du défunt ,
pour attribuer l'hérédité ades parents, dont )a \'OCation lui
paraissait µlu s naturelle que celle de l'hériti er légal. 11
établit ainsi un antre onlre de snceession ayant pour
principe les liens ùu sa ng, sans toutefois abroger Ir. loi
decennirale.
�-
32 -
li. -- Le préleur fu t 1l'abord frappé de ce qu'un simple :icte jnridiqne sum ·ait à étûimlro J e ~ llroits les plus
n::iturels. je reux dire le· droits de l'enfant sur Il succe~ ion ile son père. li rnulut que l'enfant pùt arnir sa
part des 1Ji1ms do celui qui , en le mett :int au mond e, s'était
obligé à pour\'Oir à , es l.Je oins cL qui n'avait pu se soustraire à celle obligation par la simp le abd ication de soa
autorité. Pour cela, et toujours ;i fin de ne pas heurter
directemen t le droit w il . il eut recou rs à une liction. C'était
par suite rle la rapitis dc111i1111tio cjui l'a\·ait frappé que l'émancipë arai t perdu tous . es droits; hé bi en, pour les lui
rendre, il considéra 1'elle capitis de111i11utio comme non
arenue, il l'clTaça, il id rescinda, pour me ernr du terme
consacré. Dès lor l'émancipé fuL cacore à ses yeux sous
la pni sance de son père el par suite se trou va inresti
d'une suitas ficti re. Grâce à celle supposition le préleur
pul traiter !'émancipé comme nn réritable enfant selon le
droit civil et lui donner la possession des biens auxquels it
aurait eu droit , s'il n'était point sorti de la fami ll e; j'entends qu'il eût la uo11or1nn pussessio unde liberi, grâce à
laquelle il venai t· en concours arec les héritiers siens et
excluait les agnats.
Pour êlre logique le préteur dut appeler à celle bonorwn
possessio tous les descendants natu rels qui compteraient
parmi les sui heredcs sans la wpitis deminutio résultant de
l'f\mancipation et rescindée par lui. Il l'accorda donc :
1° A tous les descendan ts naturels directement éman-
cipés par le chef de famille.
55
2° A tous les descendants entrés dans une famille
étrangère par voie d'adoption et que l'émancipation en a
fait sortir avant la mort de leur père naturel. • Perinde
admittitur ad bona nattiralis 71atris, disent les Institu tes
(m , 1, §. 10) parlant d'un descendant dans ce cas, ac si
emancipatus ab ipso cssct, nec unqw:im in adoptiva fanâli.a
f'uisset. » Ici, comme on le voit, la fiction ùu préteur
est double puisqu'il ti ent comme non avenues et l'émanGipation et l'adoption. Mais si l'enfant donné en adoption
se trouve encore dans sa famille adoptive à la mort
de son père naturel , il n'a aucun droit à la succession de ce dernier, car autrement il dépendrait du père
adoptif de faire arri ver l'enfant à. l'exclusion des agnats. Il
en résulte que, postérieurement émancipé par Je père
adoptif, l'enfant se trouve absolnment dépouillé de toute
succession, sauf cependant dans le cas tout particulier que
voici : si un père de famille ayant trois enfants mâles en
donne un en adoption , le S. C. Sabinien assure à. !'adopté,
nonobstant l'émancipation, un droit au quart de la portion
à laquelle il aurait pu prétendre s'il fût resté dans la famille
de l'adoptant. Justinien ne nous parle de ce S. C. que pour
l'abroger (Inst . lll.1, § 14) . car sa nou velle législation sur
l'ad option le rendait inutile. Excepté ce Gas très rare, le préteur n'accordait donc nulle protection à l'enfant émancipé
par t'adoptant et cette lacune de sa législation laissait place
à une injustice toutes les fois que l'émancipation ne s'était
effe1;tnée que parce que l'enfant avait été, à cause de son
âge par exempte, dam~ l'im possibilité d'y co ntredire.
�-
31 -
30 A l'enfant ile \'émancipé, conçu depuis l'émancipation,
pour venir h la succes.ion de son a1eu I. sc:ilicet rwn ofJstanle
ei patre suo (5 § 1, xxxvm , 6).
Remarquons que dans un cas particulier. le préteur fut
amené à n'appliqu er ni les règles du droit vivil. ni les
conséquences de la récision de la capilis demi?wtio. Un
de cujus laisse un fils émancipé et des petits enfants issus
de ce fil · el restés en puissar1 ce. fore civili les petits enfants seraient seul appelés ~\ la sucœssion de leur aïeul :
jure prœtorio lU contraire le fils aurait dù êlre ap[Jelé à la
&011 . pos . u. fi& . à l'exclusion ùe ses propres enfan ts. et il
p:\rait qu'à l'ori gine le préteur rigoureux dans ses principes en avait ainsi décidé . Mais bien tôt Sah·ius Ju\ten
admit une sorte de transaction, accordant moitié au fils
émancipé. moitié à ses enfants. et, dit Ulpi en (1, § 1,
x.xx.vn. S): floc cdiclwn œq uissi1rwm , est, t1/ ncqua emancipalus soltts vcniat et exclitdal nl!polai; in potestate mane11te.~,
11eque 'llepoles j"ra potestalis objicianlitr patri suo . Mais
ùien entendu les enfants ainsi admis ave·~ leur père concourent avec lui sen\ el non ami:. le :iutres ayants droit. En
d'autres termes \'é mancipé et ses enfants ne comptent
que pour une seule per onne à l'éganl des :rntres bono,.um
710ssessores.
m. -- Il ne suffisait
pas de protéger l'enfan t en l'appelan t à la succession au intcsla to de son père, il fallait
enco re empêcher que celui-ci ne dépouillàt trop facil ement.
par un acte de dernière rnlont é, l'émancipe des biens qn i
cle\'a ient !ni reven ir. Au s~i le préteur, consirlérant toujours
-
5!j -
la r,apitis deminutio comme non avenue, assimila les
émancipés aux enfants 0 11 puissance et ordonna a leur
père de les instituer ou de les exhéréder, fau te de quoi il
les appelait à la bon. 7Jos. contrn Tabulas ( GAIUS 11 ,
·1 5~). (1)
Je ne reprendrai pas l'énumération des personnes qui
jouissaient de ce bénéfice; c'étaient identiquement les mêmes que celles que nous venons de voir appelées à la &0 11.
pos. 11. lib. Je renvoie à celle liste et aux observations
qui l'accompagnent.
L'émancipé omis, ayant obtenn la &on. 1Jos . c. Tau . et
ayant ainsi fait tomber le testament, excluait· entièrement
les ins titués extranei et venait en concours avec les sui.
Dans le principe les mûmes droits étaient accordés à la
fill e émancipée omise. Mais par ex tension d'un rescrit d'A ntonin-Je-Pieux , décidant que les femmes n'obtiendraient
jamais par la bon.1ws. c. Tab. plus qu'elles n'auraient eu
par ley'us accrescendi , son droit. fut ainsi réglé : en présence cl'ex tranei, elle ne reçoit que la moitié de l'hérédité;
en présence de sui, elle ne prend qu'une par t virile : quels
que soient les institués, elle ac<iu ille les legs proportionnellement à la part qu'elle recueille ( GAIUS 111 ; 12t>.
·t 26).
Celle restriction apportée aux droits de la fille émancipée nous permet d'apprécier, au moins depuis Antonin.
l'elficacilé de la bon. pos. c. Tab. , je veux dire qu'il est
( 1) C'est~ dessei n que j'ni renve rsé l ' o rd~e dan;; l~ q u e l les bon. pos.sessiones étaient déférées ; j'ai cru q~H' ce lle 111le_rvcrs100 1~e perm_cltro1l
<Ill montrer plug clnircment quell<l ~ 1 luat1on éla1l f~1\e ~ 1ëmanc1pé 111dépcndnm ment dt.l toute mnn i fc~ lnt1on etc la volontc cl c l homme.
�-
;)6 -
-
certain que dès lors elle fu L <lonnee c11m re. En efîel, le
rescriL µrécilé n'aurait eu aucun sens à l'égarJ des émancipées si elle leur aYail été donnée sine re; car à quoi bon
li miter les droils de qui n'a rien. Du reste dès a\·anl le
règne d'An lonin, Juli en parlant Ju cas où !'émancipé est
invesli de la. uM. l'os. c. Tab,dil fort clairement : « Script us hcres ei hercdilalctn pclenti roge1l<ltts est })rœclia el
serl'OS !tereclilal'ios pl'œstare. • ( t 3 pr . XXXVII, 4.) Il
esl donc certain que notre uou. 7ios. fut uonnée cmn re dès
le second siècle de notre ère. J'ajouterai qu'il n'est guère
Jouteux que la bon. pos. u. lib., fondée sur le même
principe, fut aussi donnée cum ri' , qu oiqu'a ucun texte
ne pu is-e noa. renseigner à cel ègard .
37 -
cet inconvénient: il dut nécessairement étendre aux biens
amassés depuis l'émancipation la fiction qui faisait regarder
!'émancipé comme étant toujours resté en puissance. Répnté encore aliwi jiwis, ce derni er dut êlre aussi répulé
n'avoir acquis que pour le compledu paterfamilias, el par
conséquent si d'une part !'émancipé acquérait des biens
auxquels il n':mrait eu ci vilement aucun droit , d'autre part
et par une juste réciprocilé, les enfants restés en pnissaoce
purent partager ses biens personnels. En d'autres termes
les biens de tous les enfants étaient réunis el formaient une
seule masse qui se partageait ensuite enlre eux par égales
parts. C'est cet apport à la masse par J'émancipé de tous
les biens ar,quis séparémenL qui reçut le nom de cullatio
bonorum.
P<1r ces deux bon . 7)os. le préteur venait donc
au secours de !'émancipé, so ir que son père fûl mort inleslat. soit qu 'il eût fait un tes lamenl. Mais il est évident
qu'en conco~irant ain~ i arec le;; enfan ts restés en puissance l' éman~ipé le11r por tait préjuu ice, et ce préjudice
eû Lété injuste si son concours <m1il eu lieu sans conditions.
En elTet tandis que ses frères restés en pu issance n'a \'aient
élé que des instruments de Lra\'ail enlre les mai ns du
puter/'ainilias, il avait pu Lraniller pour lui et acqu érir un
patrim oine propre; el c'~ Lait en considéra tion de ces
a\'anLages que le droiL ciril, je l'ai déjà di t, le privait de
sa part dans la succession de son père. Si donc le préteur
l'eùt appelé puremenL el simplemen t à celle succession, en
\'OL1 lan Lcorriger one ini4uit~ . il <:11 eût commis- une plus
grand e encore. Mais la logifjue elle-même le força à év iter
!V . -
•
Je n'ai pas l'intention de faire ici la théorie de celle
coltatio dont il était surtout imporlant, en matière d'émancipation, d'indiquer l'origine . ( 1) Je dirai seulement en
quelqu es mots quels émancipés doivenl cori /'erre, quand et
à qui la collatio est due et enfin quels biens en sont l'objet,
passant absolument so11s silence la manière dont elle s'erfectue, le moment où ell e doit se faire , les conditions sous
lesquelles cette obli gation se transmet activement ou passivement, elc.
(l) La collatio b'norum serai t it elle seule le sujet lfécood d'une looguc
lli cse, du reste, mèml! à l'ori gi ne, clic peul St' co_ncevo1r _en deh<_>rs de
Loute id èe d'émancipa tioo. Ainsi !'adopté ~ n~ore_ m adoP_lwa fa111 1i1a et
institué par son père naturel, dons le cas ou 1om1ss1on d uu :iutrc cnf~11 t
donne ouvertur e à la bon . pos. con/. tab. , a une option. li pe~t o~ s eu
tenir à ce qu 1 lui a éto donné par tc:;la mrnt, ou demander lu 1-mcm_~ la
bon . pos. c. Tab. (O. s S t l. xxxv11, 1; l S'2, xxxv11, S ). Si celte dcrn1 c rc
lui rocu re ur1e part plu s forte qu? celle q~c lm ass1gna1t le_ tcs~~me a ~.
il dgvra la collatio (l § H, xnv11 . li.) t a thi;or1e .de 13 ~oll~ /10 n .•1ppa 1_tienl donc pus exclusivement à ln mat1~ rc d e 1éma nc1pal1on. Ccn c:;t
<issez pou r me pe1:me l tre de 11 c l'u 1rc qu e l'cnleurcr cl scult:1ucnt en cc qui
touchr Jas (•manc1pés .
�-'
-,")
-
El d'abord <le cc que la collatio n'esl quo la co11séc1uen ce de la bon. pos. accordée par le préteur, 11 suit nalurcllemenl que les émancipé de,condanl per masw/os sont les
seuls qui doivent co11(crrc dans la succession du paterfctmilias et cela à deux conditions:
1° L'émancipe doit avoi1· obtenu l'un e <les deux bon.
pos. c. Tab. ou ·1i. lib . (a § 5, xxxv11. 6) . Si donc il es t
échu des droits que lui donne !e préteur, ou s'il y renonce,
il garde ses biens personnel . Et même il sera dispensé
de co11(erre toules les fois que, venanl à l'hérédité paternelle. ce sera sans le secour du préteur. par exempl e s' il
es t instilué hérilier par son père, à moins qu e celui-ci
n'ait fait de la collalio, une condition de l'instiluti on.
2° Il faut que le concours de !'émancipé- anise aux w i,
et dans ce cas la collatio n'est duc à ces dern iers que
dans la mesure du préjudice qu'elle leur cause (1 § 5,
XXHJI , 6). C'est une logique applica tion du motif qui
pou sa le prétenr quand il introd uisit la collatio clans la
légiJation. Voici quelques exemples que nous don nent
les tex tes: si le défunt a institué un .rn11s pour trois quarts
et uo étranger pour un quart, <'nw11cipatwn accipientem
contra 1àbulas pro q1tatlra11te tantwn bona sua collaturwn
Julian us ail, quia sol1rni r11wdra11tem f'rnti 1ilistulit ( 1 § 5
xxxvu 6) ; et si à l'in verse on suppose que le défu nt a
in. ti lué le suus pour une part inférieure à la moit ié, un
extraneus pour le reste et a omis !'émancipé; celte om i:;~io o donnant ourerlure à la bon . ros. c. Tab. qui attribue
a chacun des en fants la moilié do l'h érédité paternell e, le
-
:)9
concours de l'émancipe n'a été qu'avantageux au smts et
celui·ci ne peut réclamer la collatio ( J § 4, eod. /oc.). De
même !'émancipé qui concourt avec le suus el aussi,
d'après la décision de Salvi us Julien, avec ses propres enfants restés en puissanee, ne doit le rapport qu'à ces derniers (1 pr. eod. Loc.). (1)
La collatio ne doit être faite qu'au profit des sui (3 § 3
xxxv11, 6) . Si par conséquent la bon. pos. n'est déférée
qu'à des émancipés, il ne saurai t en être question; en
d'autres termes l'émancipation ne sera pas répu tée rescindée entre eux , le préteur considérant sans doute qu'ils ne
se foo t aucuu tort les uns aux autres, puisque le droit
civil les ex.cluerail tous. Cette règle amène un autre résultat : le mus en concours avec plusieurs émancipés se trouve nécessairement mieux traité que chacun d'eux, puisqu'i l
reçoit quelque chose de tous, outre sa part dans la sucession paternelle. tandis que chaque émancipé n'a pas un
pareil supplément ( t § 24, eod. Loc. ).
En principe !'émancipé doit con(erre tous les biens qui
sans l'émancipation se trouveraient compris dans la succession, c'esl-à·dire, sous la déduction de toutes les dettes,
tous les biens corporels ou incorporels composant son patrimoine. Il n'est donc pas tenu de con(crre les choses qu'i l
a données en dot à sa fille puisqu'elles ne son t pl11s dans
ses biens, à moi ns toulefois que cessante 1natrimonio cette
dot lui soit revenue ( 4., xxxv11 , G). Mais à l'inverse !'émancipé ne doit con(errc aucun des biens qui lui resteraient
(ll C'est une question cl iscuL~c q ue cene de sovoir .si une troisième
s t H so1enL eux- mê-
condilioo no soraiLpas nê.:cssairc, à savou· que les
mes in vestis rk ln bon. vos. qui leur c~l dt1 ffrér.
�,
-
10 -
propres 'il était mus, c'est-à-di rc les pécules castre11se et
quasi-castmzse ( 1 § 15 cod. toc.), le biens ùont son père
l'a gratifié dignitatis eau.sa ( 1 § 16), la dot qu'il a reçue
cle ~a propre femme (1 § 20). Il ne doit pas rapporter non
plus les actions d'injure, qui tendent surlout ~\ la 'réparation do préj udice porté ~i l'honneur (2 § 4) et en général.
pense M. Accarias. les actions non transmissibles aux héritiers. Son opinion s'appuie sur un tex la d'Ulp ieo ( 1, § 2 1)
où ce jurisconsulte se demande si l'impubère émancipé
par l'adrogeaot et inYest1de la bon. pos. c. Tab . pour venir à la succession de son père naturel, est obligé de CC1n/erre à ses frères la quarte Antonine :qui lui est due. La
question, dit-il , se réd uit à savoir si l'action qu'il a pour
demander celte quarte passe à son héritier. Et il conclut à
l'affirmative et par suite à la nécessité de la col/atio .
Le préteur n'arnit pas fait à la fill e émancipée de situation spéciale quant à sa dot ; elle devait la co11 ferre comme
ses au tres biens, quelque ftît du reste le constituant, it
moins toutefois que ce dernier n'en ait stipul é la restitu tion .
Mais il est évident que si le mariage n'est pas dissous, la
collatio, ne pouvant imposer au mari l'obligation d'une
restilntion an ticipée, ne se fait fJU'en moins prenant.
Yoilà au~ i brièrement expo:;ées qu'il m'a été possible
les principales règles ùe la collatio imposée aux éma ncipes
investis de l'une des deux bo11. pos. c. Tau. ou tt. lib . On
sai t qu'elle fut totalemen t transfigurée avec Je tem ps. et,
pour ne pas aYoir à y 1·e1·enir. je ~ ni vrai ici cette institution
dans toute la durée du droit Dn re::.te les modilic;llioos
tJn'elle snbit ayant eu presque toutes pou r but de rendre
-
4t -
l'obligation de co11 (1:rre de moins en moins spéciale aux
émancipés je n'aurai que très peu à dire. En effet l'extension progressive de la capacité des fils de famille, atténuant
les diiTérences qui exislaient entre eux et les émancipés,
avait pour conséquence évidenle de faire disparaitre co
grande partie le préjudice causé par Je concours des seconds
avec les premiers. Aussi à côté de la collatio emancipati,
voyons-nous sc placer une nouvelle collritiu basée sur l'idée
d'égalité dans les partages et qui est doe par les descendants à raison de leur qualité d'enfanls, indépendamment
de la question de savoir s'ils font ou non partie de la famille
civ ile.
Spécialement à la collatio emanci1Jati, les anciennes rè, gles, en ce qui touche les personnes qui en sont tenues et
celle~ qui y ont droit , furen t main tenues pendant toute la
période impériale. Les changements ne portèrent que sur
les choses qui en so nt l'objet, et sous Justinien on peut
poser en principe qu e !'émancipé n'est obligé de conferrc
que les biens qu'il aurait acquis à son père s'il était demeuré suus (C. 21, VI , 20).
Voyons les conséquences de ce principe. li est certain
que les pécules castrense etqt1asi-castrense restent en enlier
à !'émancipé ( 1 § 15, xxxv11 , 6) ( 1). et qu'à l'inrnr~e il
doit conferre le pécule profcctice. Si en efîet l'enfant était
(1) Voici cc texte: ,Ycc w >trcu ~e 1wc q11asi~cnst rc11se pec~l ium (ra ll'i~~ts
cuit{ert11r. Les mots nec q11aû-cast1:wse do1 vcn~ èl[c .r e.,ardés corn . e
i nlerpollés puisqu e le pécule 9111m·c11 sl!·e1t.~c .n ~ dé 1mroclu1t q ue P~)r
Constantin . Une constiluLi on de Diocl6L1cn, inscr ce au Code (12 . VJ. ?oc~
r end crue interpolln tion évi den te ; inc11qnnnl ce quo Ir.~_ c nfa~l . nou
puis~an cc peuvent nvo1r c11 prop1·r, elle par le du pécule cu.1te1t>e
de l'aulrt'.
1
�-
i2 --
resté suus Io père aura it pu lui retirer à son gré ce dernier pécule, qui par conséquent fait plutôt partie des biens
du père que de ceux de l'enfant. Quant au pécule adventice
il est évident qu'il appartien t sans partage à !'émancipé en
vertu de notre règle. li est un cas où notre principe ne
peut en présence de textes formels recevoir son appl ication :
l'omancipé doit rapporter à la succession de son père la
donation ordinaire qu'il a reçue de lui ('17 , C. VI. 20),
tandis què le fils de famill e n'est point tenu de rapporter
une pareilledonation (2 0 § 1. corl. loc.). ( l) Cette distinction est du reste absolument injustifiable car l'émancipation n'a procuré aucun bénéfir,e au donataire, puisque
rclSté dans sa famille it eût gardé pour lui seul la libéralité.
Si nous arrivons enfin au droit des Novelles. on peu t se
demander ~ i ta collatio emancipati existe toujours? Pour
répondre à cette question i1 faut je crois di$tinguer. Et
d'abord les enfants viennent-i ls a/1 intestat ? On sa it
que la Novelle 11 8 avait refondu entièrement le système successoral sans tenir aucun compte de !'agnation.
Dès lors la ficti on dont la collatio emanci71ali n'était qu e la
conséquence n'ayait plus de raison d'être et l'on doit admet1re qu'elle n'ex istait plus dans ce premi er cas. Au contraire le défu nt a-t-il laissé un testament? Une sous· distinction devient nécessaire. Si l'émancipé est institué, il doi t
con (erre , à moins que son père ne t'en dispense expressément (Nov. 18. c. 6). Si il a été omis. comme la Novelle
11 8 n'est relative qu'à l'hérédi té ab inteslalo et qu'aucun e
(J) Je me place ~v i dem men l à l'1'poq11c oi1 nnr telle donation 6tait
regardée comme vn lable.
-
h.;) -
autre di3posilion formelle ne vient abroger l'ancien droit ,
il faut, je crois, admettre que !'émancipé doit encore demander la bon . 710s. c. 1'a/1. cl par conséquent con(crre .
V. -
J'a i dCt faire sui vre l'explica tion Lies deux bon.
pos. c. tab. et u. lib. de ce rapide aperçu de la collatio
leur conséq uence particulière. Mais je n'ai pas fini d'énumérer les améliorations apportées par le préteur au sort
de !'émancipé . Si ce dernier ne peut invoquer l'une des
ùon. 1ïos . testamentaires ou à défaut la hon. 7Jos. "· lib . les
biens du défun t ne passent plus au fisc, comme sous le droit
civil, pourrn que !'émancipé soit en situation de demander la bon. pos. n. cognati. On voit que par ce moyen
l'émancipé peut désormais venir à la succession de ses collatéraux .
Dans certaines hypothèses, el pa1· la force même des
choses, !'émancipé ne pouvait pas invoquer les bon . l'os.
ordinariœ ou cdictales Llont je viens Lie parler. Cependant ,
comme il était alors digne du même intérêt. le préteur ve·
nait à son secours en lui accordan t une bon. pos . decretalis
Je me bornerai à citer h titre d'exemples deux cas où il en
était ainsi.
l • Le défunt institue son fils émancipé el omet le posthume dont sa femme pou rrait être grosse au jour du
ùécès. L'émanr,ipé ne peut ici demander ni la Lon. 71os .
sec. Tab . car le testament est exposé a perd re sa force par
la nnissance du posthume. ni la bon . 1rns. c. Tah. car
il n'est pas sûr LJLle le posthnme naisse. Cela étant, pour
�-
-
44 -
garantir son droit , qui quoi qu'il arrive est certain. Papinien lui donna une bon, pos. decretalis. (84, xx1x, 2).
2" Un fils ayant passé par l'adoption dans une famille
étrangère s'est marié, a eu un fils et a émancipé ce dernier
après la mort de son père adoptif. AlTricain dit que ce petit-fils omis pourra, en vertu d'nn décret particulier du
préteur, avoir la bo1i. pos. contre le testament de son aïeul.
Sans ce secours extraordinaire !'émancipé n'aurait pas eu
ce droit, car il se rattache à la seule famille de son père
émancipateur, famille qui n'&st autre que celle de l'adoptant. puisyueson père n'en est pas sorti. (14 § 1, xxxm,
4.)
l.1-5 -
plus bon. possessor car il ne pouvait invoquer ni la bon. pns.
c. Tau. puisqu'il avait été régulièrement exhérédé. ni la
bon pos. tL liû. puisqu'il y avait un testament. Le prëleur
délivrait alors à !'émancipé une bon. 1Jos. lilis ordinandœ
gratia qui lui permettait d'inten ter la qucrela. (1)
A propos de cette querela je dois simplement rappeler
ici ce principe qu'elle n'est ouverte qu'à défaut de toul au tre
moyen . civil ou prétorien, permettant de réclamer le quart
de la portion héréditaire. Par conséquent elle ne pourra
·être intentée ni par le fils émancipé omis par son ascendant
et pouvant demander la bon . pos. c. Tau. (25 pr .. v. 2). ni
par l'adrogé émancipé étant encore impubère, car nous
verrons qu'il a droit à la quarte Antonincl.
vr. -
Malgré toutes ces innovations !'émancipé pouvait être i:mcore complètement ex.cln de la succession
de son père, si ce ùeroier l'exhérédai t régu lièrement
par son testament. Le préteur vint encore parer à ce
nouveau danger. Déjà vers la fin de la Républiqu e une
institution due au travail des prudents, la querelci ùw!ficiosi testamenti, avait fourni 'aux enfan ts en puissance le
moyen de faire rescinder l'exhérédation qui les frappait.
Si leur père ae leur laissait pas une portion de ses
biens. connue sous le nom de quarte légitime, et s'il
n'arait eu aucun motif grave pour les traiter ainsi, ils
obtenaient l'annulation du testament. Le préteur étendit
ce bénéfice aux enfants émancipés. Mais pour eux il y
a\'ait une difficulté. Pour pouvoir intenter Ja plainte d'inofficiosité il fallait être héritier ou bonol'um possessor. Or
!'émancipé n'était <l'abord pas héritier, et il n'était pas nou
Les constitutions impériales vinrent
augmenter encore les droits successifs de !'émancipé.
Droit iliiJ>érial. -
1. - D'abord Anastase clans une constitution qui ne
nous est pas parvenue mais à laquelle les Institutes font
allusion (111 , 5, § 1) permit aux frères etsœursémancipés. mais à enx seuls et pas à Jeurs enfan ts, de venir à
l'hérédité de leur frère décédé concurremment avec les
enfants restés en puissance. Ils purent dès lors obtenir la bon. 11os. u. tegitimi. Mais, au dire deThéophile,
les émancipés ne prennent qu'une part équivalente
à la moiLié de ce que prennent les enfants non émancipés. tandis qu'ils excluent pour le tout les agna.ts
du troisième degré on au delà. Ju stinien alla plus loin
(1) ~I AYNZ , 111 , p. :11.;, n. 10.
�-
.1() -
e11co1·c. et complèlanl le, 1èformc d'Anasla e, il supprima
la LlilTérence que celui-ci al'ait laissée ub_ister cotre les
frère." émancipés el en puissance ; en outre il accorda les
mêmes uro ils :iux neveux et nièces (C. 1 5. §§ 1 et 3.
VI , 58).
II. - On sait que tout individu sui juris qui se donnait
en aùrogation passait définitivement. lui. ceux soumis il sa
puis ance et tous ses biens sou le pouvoir de l'aclrogeanl. Cela étant. si l'ac.lrogé est un impubère el par conséquent trop jeune pour pouvoir discerner si l'adrogation
lui est utile , celle-ci aurait pu présenter pour lui de graves
dangers. Ces dangers n'exi Laient pas al'origic1e par la raison
bien sim ple que l'impubère, ne pouvant fi gurer dans les comi·
ces, ne pouvait pas non pins se donner en adroga tion . Mais
dans le droit impérial les anciennes formes sont abandonnées. et, malgré l'enq nète qui do il précéder l'adrogation,
l'adrogeant. une fois deven u plein propriétaire du patrimoine de l'adrogé, peut commellre nne véritable spoliation
au p1·éjudice de ce dernier et le fru strer de tont stJn avoir ;
ca r il lui est facile d'obtenir de ce jeune enfant, si non le
consentement , du moins l'absence de protes tation nécessaire à la validité de son émancipation .
Antonin-le-Pieux. réussit à éviter cet inconvénient de la
manière suivante : Voulant empêcher que l'adrogeant s'en·
ricbisse jamais en émancipant son fils adop tif impubère , il
établit que celte émancipation ne pourrait désormais se
faire que cognita causa. c'est-à-dire pour des griefs légi times. soumis à l'appréciation dn magistrat et approLl\'és par
-
47 -
lni . Ceci posé, rlistioguons. L'impubère a-t·i l été émancipé
suivant ces prescriptions nouvelles. il recouvre ses bitms
personnels c'est-à-d ire non seu lement ceux qui lui appa1·tenaient avant l'adrogation, mais même ceux qui ne lui
ont jamais appartenn , ayant élé acquis de son chef à l'adrogeant , pendant qu'il était sous la puissance de ce dernier.
C'est an moyen d'une condictio ex lege qu'il exercera ces
reprises. L'impnbère a-t-i l élé émancipé non cogriita causa,
non seulement se. biens lui sont restitu és, mais il i.:onserve
sur la succession de l'adrogeant un droit éventuel au quart
de la portion à laquelle sans l'émancipation il aurait eu
droit comme héritier lég itime (1). Ce quart reçut le nom
de : Qrtarte Autonine.
Remarquons que le droit à la quarte An tonine n·appartient jamais qu'à l'adrogé impubère et que par conséquent.
si ce dernier arrive à la puberté étant encore en la puissance rle l'adrogeant, il ne jouit plus de cet avantage.
Déjà on connaissait à Rome la quarte légitime qui
était le minimum assuré aux enfants nés du mariage.
Antonin voulut que l'impubère émanci pé eût id entiquement les mêmes droits que ces derniers et il calqua pour
ainsi dire absolument la nouYelle quarte sur la légitime.
D'où suit que ces deux quartes ont même quotité, se
calculent de la même manière, et ne sont dues que sur
les biens laissés par l'adrogE!an t on l'ascendant prédécédé.
On se tromperait étr:ingement cependant si l'on atlri(1) CeLtc part eùt été en général la tololi lé. puisque l'od rogca nt
n'ayant pu adopter qu'à GO Hns et seulement s'i l n'avait pas alors de
iusti /ibffi, devait Ilien rarem ent lai ~scr d'autres enfanls. Aussi les lex ies
porlcnl-i l> toujoul's clu quart ct~~ b1eu"
�-
48 -
huait la même nature à ces deux quartes. La légitime est
l'objet d'un vrai droit de succe.sion et la querela par laquelle on fait raloir ce droit est une véritable pétition J'hérédité. La quarte Anlonine au contraire est l'objet d'une
simple créance. Ulpien (8, § 15. v. 2) ne laisse aucun
doute à cet égard. Mais il s'Jgit ici d'une créance d'une
nature particulière, ayant pour objet non pJs le quart de la
valeur des biens de la succession, mais le quart de ces
biens en nature. Ce double caractère exigeait que l'on
trouvât pour sanctionner notre quarte une action qui. tout
en restant personnelle. permit de réclamer les biens enxmêmes. L'action (amiliœ erciscundœ 1·emplissait ces conditions ( t ). Mais comme en réalité l'impubèreadrogé n'était
ni héritier selon le droit civil, ni bonorum 7Jossess0t· selon
le droit prétorien on lui donna celte action 1dililatis causa
(2, § l. X, ~).
Je n'ai plus qu 'à rappeler que pour empêcher l'adrngeant de compromettre pendant sa vie les droits de l'impubère par des aliénations frauduleu ses. on donnait à
l'adrogé. pour les faire révoquer, une action quasi Calvisiana ou quasi Faviana semblable à celles que l'on donne
au patron à l'égard des aliénations fraudul euses faites par
son affranchi ( t 5, xxxv111 , 5) .
III. - Nous savons que l'enfant Jonné en adopti on par
son père naturel ne pouvait arriver à la succession de
(1) Eo effet ell e s'appli q ue esseotiellemeot à des choses co rporolles,
ca r tles cr éa nces et des dettes ne romportent pas l'état d' ind ivis ion ;
et s i J ustinien l'a ppelle action mixte, c'est pour dire qu e, quoique
personnelle, elle prése nte quelq u'analogie avec les ol!tioos r éelles.
- rn celui-ci au moyen des bon . 1ws. "· li& . ou r. Tau. tant qu'il
restait dans sa famill e adopti ve, et qu e par conséquent, g'il
était émancipé après la mort do son père naturel. il éLait
frustré de tout droit successif. Justinien remédia à ce danger
en déclarant que l'enfant adoptif conserverait Lous ses droits
à la succession de son père, à moins cependant que l'adoptant ne fût un ascendant (C. 10, v111, 1-"8) . Et l'émancipa-•
tîon fa ite par un père adoptif n'eut plus d'autre efTet que de
ùépouiller !'adopté de la vocation ab intestat qu ïl avait à. sa
succession.
l V. - Enfin la Novell e 11 8 ayan t supprimé !'agnation,
les ùroits successifs de !'émancipé dev inrent absolumen t
identiques à ceux de l'enfant resté dans sa famill e.
Dr oit d e T utelle
La CllJlilis deminutio avait rompu les liens de fam il le
civile de ]'émancipé, et. comme nous l'avons vu, l'avait
privé du droit de succéder à ses anciens parents. Par une
Jorrique application de la règle : Ul.Ji emolume11 lum succes1
•
l>
sionis et i&i onus tutelœ esse deui:t , il devait se voir en ever
les tutelles don t il était chargé. Mais celle déchéance ne
s'applique qu'aux tutelles établies par la loi des XII Tables. à celle des agnats par exemple, (Inst. I. 22. § 1~.)
L'émancipé conservera tou tes celles déri vant d'une autre loi
ainsi que les tutelles testamen taires ou dati ves. Du regte
tians le dern ier état du droit la législation nes Novelles
�-
~o
-
a:pnt rallaché la tutell e légi time au li en du sang, la
minima capitis demùrntio perd toute influence sur on
existence.
Si l'on se place à l'époque où la femme était soumise à
une tutelle perpétuelle, lorsque le tuteur , nsant dn droit
que lui conférait la loi, avait cédé cette tutelle à un autre.
~'émancipatio n du cessionnaire le déchargeait de la tutelle,
qui revenait alors au cédant. Et de mème si ce dernier
était émancipé, elle passait au plus proche agnat de la
femme. (GAtU 1, 170.)
Effets de la dissolution de !'Agnation et ùu Mancipium
relativement aux parents de !'Emancipé
L'émancipation a pou r con éqo ence de faire perùre au
père éman cipateur la puis ance paternelle et les divers attributs lie ce pouvoir. li n'a pins aucu ne autorité sur son
fi ls, ni aucun droit sur les biens que celui-ci pourra acquérir par la sui te. A moins d'être militaire, s'il a fait une
substitution pupillaire dans son testament , elle s'évanouit. (1) li peut mêmeépronver une perte dans sa propre
fortune si elle ~om prend des droits d'u sufruit ou d'usage
( 1) Mais si postcricurement a sou éma nci pation le lil~ ùcv<'nail muet
son sujol une ~ ubslilution quasi-pupilJail'~, c-0r Justinien donna ce d rorl 11 tout o:;ccndan t, puter(a111ilws uu
non.
ou rou, le pèr e pourrait foi ro à
-- :)t -
légués a son fils : en effet, ou bien ces droits sont ~teints
pa1· la captli8 deminutio de leur titulaire, ou bien, si le
testateur a pris la précau lion de les repelere ou rele9are,
ils revivent au prolit du fi ls. Quant aux droits qui appar liennent aux parents de !'émancipé sur sa succession et
sa tutelle, je vais, comme dans la section précédente, en
traiter séparément. Nous verrons comment le préteur et
les constitutions impériales parvinrent ici encore à corriger
peu à peu les fâcheux effets que le droit civil avait altachés
à !a perle de !'agnation. Mais cette r upture de la parenté
ci,•ile, fa it simple et unique, n'est plus le seul dont nous
ayons à. tenir compte. Il faut ici combiner ses conséquences
avec celles de l'alTranchissement du inancipimn sous lequel
était temporairemen t tombé \'émancipé. Or de sou côté cet
affranchissement faisait naître au profil du mamunissor
des droits de succession et de tutelle.
Droit de Succession.
Dl'oit ciuil. - Primiti,•ement le droit lle succession est
réglé de la fa\on la plus simple. L'émancipé se lrourn
clans la situation d'un affranchi : ses anciens parents. en
tant que tels, n'ont plus aucun droit à sa succession, qui
passe d'abord à ses héritiers siens et à défaut a~ ~rn1w:
missor quel qu'il soit. Ainsi par une préférence 1n1usle a
t'éO'ard du père on déférait l'hérêditè au citoyen qui était
~
. 1
in terven u avec lui dans l'émancipation. Mat · orsque
�l'usage du con lrat de fiducie se fu t inlroùuit, le père émancipaleur, ayan t la qualité de patron. pu t recuei llir la succession de l'émancipê.
En outre, il est évident que le fils pouvait par son testament changel' ces dispositions ùe la loi.
~
Le préteur apporta de nombreux
changements au système suranné du droit civil.
Droit prétorien.
1. - La succession ab i11teslato <le !'émancipé fut déférée en premier lieu à ses descendants per mascu.los. stti
ou non , comme celle de tou t autre paterfamilias. En se·
cond lieu, si l'émancipation avait été faite contracta fiducitt ,
venait le père émancipateur. Mais dans lè cas déjà rare
où il n'en avait pas été ain~i, le préteur , voyant tout ce
que l'exclusion des parents du sang par un é tran~er avait
d'odieux, établit la bon . pos. u11de decem personœ en fa.
veu1· des dix plus proches cognats de !'émancipé, qu i primèrent ainsi le manwnissor e.xtraneus relégué par suite
au Lroisîèmerang,unde legitimi (Col. leg. Alos. XVI, 9 ,
§ 2). Enfin à défaut des précédents l'édit appelait les plus
pr0ches part:nts de l'émanci pé, un de cognati el. après eux.
son conjoint, unde vir et uxor.
Je remarque a\'ec ~1. Accarias que de l'assimilation de
la maoumissio ex mancipio avec la mcm umissio ex seruit111e, il résulte que le père de !'émancipé. mort in testat et
ne laissant d'aulres héri tiers siens ou considérés comme
tels qu'une femœ e i11 manu ou un héritier adoptif devait
arnir une bon . pos. rli111idirr• 71a1·tis. (/1111t . 111 , 7, § 1 ; GAIU.
111 .
55 -
§ 41 ; ULPIEN. Reg . XXIX§ i ). La preuve en est dans la
loi 2 (xxxv11 . 12) où il est dil qu'on ne donnera pas aa
père l'aclion Caluisiana pour faire révoquer les aliénations
frauduleuses de son fils. Or cell e dernière ne se donnait au
patron que dans l'hypothèse d'une succession ab intestato.
Cette réserve de la loi 2 eût donc été inutile si le père
n'avait pas eu cette bon. JJOS dimidiœ ]Jartis ab intestalo .
II. - Si nous passons au cas où !'émancipé a laissé un
testament, il se peut qu'il ait omis ses différents parents
ou qu'il les ait exhérédés. Le préteur s'efTorca encore de
les protéger dans ces deux cas .
Et d'abord quant à ses descendants. si !'émancipé les a
omis ou exhérédés indûment.le droit commun lui est applicable. Quant à son père il faut distinguer :
L'émancipation a-t-elle eu lieu contracta fidi;cia. le préteur lui accorde. si les descendants font défaut, une bon .
1108 . c. 'fab . toujours pour l'assimiler au patron à qui il
accordait une bon . pos. dirnidiœ partis, lorsque l'affranchi
décédé sa ns descendants naturels ou les ayant exhérédés
l'a omis lui-même on l'a inslilué pour une part moindre
que la moitié. Le fondement <le ce droit du père est que
l'enfant lui doit d'avoir pu ùernnir propriétaire: aussi
cesse-t-il si le père a reçu de l'argent pour émanciper on
fils. li cesse encore, par faveur pour les militaire . j le fils
émancipé a testé j 1o-e militari . En tous cas. ici. à la
dilTérence de ce qui se passe pour le patron. le droit du
père n'est pas protégé par l'action Fat•ia11a (2 . ~xxrn.
12) et no passe jamais LL ses oofanl.S restés en pm sance,
( 1 ~ 15 , rod . /oc. )
�-
M. Accarias $C Jemaode i celle ûu11. 1ios. du piJrc
est restreinte à une moilié. 011 si par faye ur elle s'a pplique
à la totali Lé de la , ucee, ion ? Et il ajoute que les deux
opin ions peuvenl se défcnùrc. J'ai peine à compren dre
celte affirmation du savant roman isle en présence du seul
texte qu'il cite (i.> pt'. XX\\'11, 12) qui dit fort clainrnrnnt
que le père n'a droi t qu 'il une moitié , a 111oin que l' institué ne soit un e personne t11rpis.
Au contraire l'émancipation n'a-t-elle pas en lieu co11 tractafidacia, le père omi ou exhérédé peut com me tout ascendant intenter la quercla i11offi.cio~i teslameitli. Dans le cas
précédent il y aurai t e:1 uroit au i mais le préteur en lui
accordant une ûo11. 7ws. climùlicv Jlarti ~ aYai t rendu cc
l.Jénèfice inutile, puisque la q11ercla ne Joit s' intenler qu'à
défaut de tou t autre moyen.
r.
Grâce an S. C. Tertulien. la
mère put enfin ven ir a la succession de son enfa nt , pourl' u
qu'elle eût le jus liberomm. Senlemenl ell e élait pr imée
d'abord par tous les descendant Jo défunt , en ·uite par
so n père, mais jamais par d'au tre:; a cendan ts que cc dernier (2. § 1!) , xxx v111, 17). La mère étai Lencore écartcc
plr les frères consangu ins du ùéfnnt. mai elle par tageait
a\'ec les œurs consanguines si elle concou rait a,·c·: elles
seules. Plus tard Cunslanlin décida qu'en concours avec
les oncles ou les cou ins paternels de sou 1mfanl, la mère
prendrait les deux tiers, si elle avai t le }11:; lilJl'lwum, el
le tiers seulement si cllr. n'aYail pas le nombre rl 'rnl'a11 1 ~
voulu.
Droit i111perial. -
55 -
Ces droits étaient attribués à la mère en raison de la
parenté dn sang el subsistai en t malgré l'émancipation. Du
reste, el pour la même raison. Valentinien et Valens décidèrent qu e les frères el sœu r~. qui concouraient arec elle.
ne verraient leurs droits nullement diminués s'ils étaient
émanciµ és. En!in Justinien supprimant tout ce qui restait
du jtis liberornrn décida que la mère. primée par les descendants et le père du défunt. exclurai t pour le tout les
collatéraux à l'exception des frères el sœurs émancipés ou
non. En conc1Jurs avec ces derniers. elle recueille une
part virile , si !'émancipé llérunl avait au moins un frère,
el la moitié de l'hérédité. s'il ne laissait que des sœurs
( /nst.
111 ,
5 . ~ 5) .
11 . -·Jusqu'au S. C. Orphitien les enfants, même au
premier degré. d'une femme émancipée. n'ay20l pas la qualité de mi, se trou vaien t primés par le père émancipateur,
qu'ils excluren t désormais. Comme ils ne "primaien t q~e
les héritiers appelés par l'ancien droit civi 1, il se pouva1l
qu'ils eussent ;L concourir aYec leur grnnd' mère maternelle.
Mais en l'an née ;) 3 les empereurs Valentinien. Valen
Gratien el Théodose Jéciùèrenl que les descendants d'une
fille émancipée primeraient el le pere et la mère·
lll . _ En décidant qne l'émancipation serait toujour
censée faite arnc 11.J ncie. Ju tinien avail assuré au père
éma11cipateur les droit don t il jouis a~t _a~ci.e~n~ment.
Ccpeodant il mod ifia son rang dans 1hercd'.le. )uaud
l'émancipé sans descenclant . ne lai e ni rrèr~s n1 sœur·.· le
père aura droi l ;\ lou te la succes ·ion. ~d' oxclus100 ùe la mere.
�-
~ (j -
Aioj le décide l:l l oi~ . (\'l , 56) insérée au Code comme
constilulioo de Dioclétien el Maximilien, mais éviderument
remaniée par Justinien. i !'éman cipé laisse son père et des
frères et sœurs. ces dern iers prennent toute la succession
en nue propriété el le père on usurruit. Enfin s'il laisse
son père, sa mère, des frc·rcs et sœurs, le père cl la mère
n'ont plus à se partager que les deux tiers de l'usufr ui t
(C. 7 ,
VI ,
la possession des biens el \'hérédiLé, l'ail reposer Lou::. les
droi ts de succession sur la seule parenté naturelle, el
l'émancipaLion n'a plus sur eux aucune influence.
Droit de Tutelle.
56).
Ce concours du père et de la mère à propos de ces deux
tiers d'usufr uit a donné lieu à une dilficulté. La consti tution qui l'établit date de 528. Or Ju Lini cn en 52 9 décida
que le père èmaocipateur coosel'\'e1·ail la moitié de l'usufru it
des biens adrentices de l'enfant , au lieu d'en conserver un
tiers en pleine propriété comme précédemment (C. (i
§ 3 , \') . 61).
Ceci don né. si l'on suppose qu'a n jour cle l'émancipation l'enfan t n'avait que des biens adventices et que depuis
lors so o patrimoine ne s'est pas accru, on sera cond uit à
décider, par application littérale de la constilulioo de 528.
qu'à raison de la sun·ie de la mère. le décè de l'enfan t
réduil les droits an térieurement acquis au père. Cc résul ta t
n 'e~L pas accepté par M. Accarias qui cro it que la constitu .tion de 528 a été virtuellemen t modifiée par cell e de 529
el qu'en conséq uence elle ne s'appliq ue, à l'égard du père.
qu'auta.n t q.ue le tiers des biens lai sés par !'émancipé est
au .moins egal à la moi Lié des bicos aÙ1'011 tices qu'i l avait
au JOUr de l'émancipation.
1
. :'· ~ En~n 1 ~ Norollc 11 ~ en suppriman t les a11 liques
Cl le.) cugnal s, cnln·
d1sL111cl1 nns etalJl1c<; en Lrc les• 'lfYJlal<;
't>
Lorsque l'émancipé était encore im pu bère. il devait être
mis en tutelle comme tous ses pareils.
1. - La loi des XII Tables étai! muclle sur le point de
savoir a qui devait reven i1· celle charge ; mais, l'émancipateur étant déjà assimilé au patron quant à ses droits sur
la succession de !'émancipé, on n'eut 'lll'à appliquer le
pri ncipe: Uui emoltimcntwn successicm is .. .. pour lui en
donner aussi la tutelle. L'émancipé impubère reçuL donc
primitivement pour tuteur celui qui a1·ait accompl i le
dernier affranchissemen t le rendant rni j uris, que ce fû t
du reste son père 011 no étranger. Remarq uons toulefoi
qu'on derait néce airernent faire échec à ce principe i
l'émancipateu r étai t une femme.
Cette tutelle ru t appelée fid11ciairl! el ce oom paraitra
tou t naturel i l'on c rappelle que dans tou te émancipa tion figurait un con trat de fiducie pou r obtenir ~oit
l'alTranchissemen l direct ùc l'enfant. soit sa remancipalion
au père (GAtU 1, 1Gù). nn reste. bien que cal<iuée sur la
tutelle du patron. 011 ne puul'ait comme celle derniere la
�-
58 -
nommer lègilime, puisqu'elle ne dérivait n1 expressément.
ni im plicileroent de la loi des XII Tables.
Cependant et par exception le nom de tuteur légitime
ful appliqué au père naturel émancipateur co1t1racta /i<litcia.
Celte anomali e n'a pas d'autre raison d'être que celle qu'e11
donne Gaïus (1 172) : Non mi1ws huic quam 11atroni
ho>w1· prœstandas est. Mais ce nom de h~gitime est accordé
an père seul et non à se· enfants. à qni il parut inutile
de tlonner celle qu alifi cation honorifique ; en rnrle qu'il
y a une différence entre les enfanL du patron. qui sont
co mme lui appelés légitim es. et ceux du père éman cipateur qni ne sont que fülu ciaires, di!Térencc qui s'ex pliqne
bien clairement par ce que je viens de dire.
Justinien, aux Insti tutes, au lieu d'expliquer pourquoi
le père n'était pas appelé tuteur fidu ciaire, ce qui était la
seu le chose àfaire, veut nous dire pou rquoi ses enfan ts ne
son t pas appelés légitimes comme lui . Si l'esclarn, dit à peu
près ce prince, n'eût pas été alTranchi par so n maître. les
fils de celui-ci auraient eu sur lui le m~m e droit que leur
père, la dominica 7wtestns ; on comprend 1lonc qu'après
l'alîranchissemenl il aient comme lui une legitimn tutrllci.
Au contraire si l'en fant n'avait pas été émancipé par so n
père. celui-ci en mouran t n'aurait pas transmis à ses autres
fils sa pat ria 7Jotestas; on com prend Jonc qu'en cas d'émancipation il ne leur transmette pas non µlu s sa legiti urn tutela .
Cette explication, outre qo·ellc est al> olumenL fan taisiste
et qu'elle porte, je le répète. sur ce qu'il n'y avait pas à
expliquer. a le défaut clc ne pas élro oxacto en cli c-même
dans tous les cas. En elTel. il se peul d'une part que tous
1
-
~j \J
-
les enfants du patron appelés à la tutelle de l'alîranr~hi ne
succèdent pas à la dominica 7Jotestas. et d'autre part que
le fils ne devienne pas rni j111'is par la mort de son père.
Ou reste, et quoiqu'on en ait Jit, cette dilîérence dans
les termes n'aboutissait prcsqu'a aucun résullal pratique.
On a essayé cependant ùe trou ver deux intèrêls à cette
distinction . Et d'abord Gaïu ' (1. 168) s'ex prime ainfr
Ag11otis, q1û /cgitimi tut ores s1111t. item ma1111missorib11s,
pcrmissum est {eminanim Lute/am aliis in j ure ceduc.
~fais ,
ajoute plus loin le même au teur : Fiduciarios
quidam 1wtavcnmt cedendœ L•llelœ jus 11011 ltabc re. quum
ipsi se oneri subjeccrint. De sorte que le père émancipa-
teur, tuteur légitime, aurait cc ùroit de cession, tanJis
que ses enfants et le ma11umissor r;ctra11cm ne l'auraient
pas. Qu'on me pcr!Ilelle de remarquer en premier lieu
que Gaïn s cite simplemen t ici une opinion particulière à
quelques auteurs. et en second lieu que la rai oo donnée
par ces derniers pour se montrer plus sé,·ères enrnrs les
tuteurs fidu ciai res. à avoir qu'en émancipan t ils se sonl
volon tairement soumis à la charge de la tutelle, ne peut
s'appliquer aux enfants tin 71atcr mwnripator, Je sorte
qu'on ne pourrait jn· tiricr ce système qu'à \'ég~rd du m~1111missor e.1-traiicus. Le second intérêt e·t moins certain
encore. En prenan t lt la lettre le te:{le de Institutes ( l.
99 ~ l) c errant 1lu reste de · même ex pre ions qu'Ul·
-- · 8 q...
~
pion (3 . ~ 9 cl:;, ~5. xx\'1. 'i ). Je· tulelle-légi time seules
s'étei nd raien l par la 111i11i111a ropitisclr:mi1111tio tlu lnlcor .( 1)
1
1 P'11I
( 1\ •>) rar •1~ ,;en'
dr 1.i 1·anu•u-..l' 111 1· -• •"
,,
.
rn <Onlui
I>' •" li· h' ll•llrt• . 1·c l~\l!' ,.,l
.
1
<liction a, 1•c 1111 . 111 ènH', l'u1rit,;•' Jl'li1tr.1i11•1111•111, 11 ni' prul 111111• l\fel
S1lrc•m1•nt ln prnM11' du 1uri...ro11•11lto•.
( 1)
J1• 1w
11arl<' JM'
11•1·
\"l' l'l'lin Pll ··~ l (.' IH'OI r n l!Oll\ ~ I .
�-
60 -
Mais les auteurs sont unanimes à y assimiler les tntelles
fiduciaires fondées comme les légitimes sur des rapports
factices que brise la capitis di:miniitio, c'est-à-dire ici les
jura patronatiis. Et du reste comment comprendre quo la
capitis deminuûo enlevât la Lutelle au père émancipateur
par cela seul qu'il était légitime et ne l'enlev~tt ni ~ ses
enfants , ni au manumissorex1,-a11e11s ."'
Dans Je droit des Iostitutes. l'émancipation étant toujours réputée faite contracta fiduria , les seuls tuteurs fiduciaires ne peuvent être que les descendants du père émancipateur. Enfin on se demande si la Novelle t 18 n'est pas
venue faire disparaître toutes les règles particulières à la
tutelle légitime du père et à la tutelle fiduciaire de ses enfants! En elîel dans le chapitre 5 Justinien déclare que les
règles qu'il vient de poser en matière de succession sont
an~si applicables en matière de tutelle. L'opinion générale
est cependant que l'empereur a simplement voulu exprimer
par là que la tutelle légitime n'appartiendrait plus aux
agnats à l'exclusion des cognats, mais qu'il n'a point voulu
supprimer nos tutelles. D'où il su it que !'émancipé impubère ayant un père et un frère, la tutelle 11'appartiendra
qu'au père, bien que l'espérance de la succession se partage
entre tous les deux.
Il . ·- Le droit de donner un tuteur testamentaire à
son enfa nt , étanl un attribut de la puissance paternelle, fut
par conséquent refusé à l'ascendant émancipateur. On
comprit cependan t avec le temps que le bon choix du tuteur est plus sûrement garanti par la qualité même du
GI -
père, que par la puissance ùont il est investi et on admit
que le choix d'au ascendau t, 110111mant à \'émancipé un tuteur dans son testam ent. devait être purement el simpleme'nt confirmé sans enquête par le magistrat. Mais on
n'accorda cette faveur qu'au père naturel et non à l'adoptant
émancipateur, car l'éman cipation a enlevé ~ ce dernier la
qualité de père.
Remarquons que l'émancipé. étant sui juris a\'anl la
mort de son père, e lrouve nécessairement déjà en tutelle .
Or, ses tuteurs actuels ne peuvent être dessaisis par le testament: il fa ud ra par consèqueot limiter les pouvoirs rlu
tuteur testamentaire à la gestion des biens laissés au pupille par le testateur. (4, xxv1 , 5; C. !a., Y. 29).
III . - Toules ces règles s'appliquaient aussi bien à la
fille émancipée qu'au fils, mais je rappelle qu'a l'époque où
la tutelle des femmes étail perpétuelle, elle pou,•ait, à raison de ce caractère, être cédée in j ure. En outre. il Yavait
ceci de partieulier ·a la fewme placée sous la tutelle légitime de son père émancipateur que, celui-ci étant ab~ent.
elle n'avait pas le droit de le faire remplacer définitivement
par un autre tuteur : elle pouvait seulement dem3nder
qn'i l lui fût nommé un tuteur ad certain ca usam (GAIU l.
173el s.).
�-
-
() :2 -
CHAPITRE Il
Effets fie
la capUis
,,,.,,.;,..,no
1n11tl«-
1•a•·
ft• 111nncl1u.~ sur ses th•oltH 1uah•hnonln"x
SEC'TIO~
I.
Des biens de !'Emancipé
En principe \'émancipé sorlail pour ainsi ùi rc nu de sa
famil le, puisque fils en puissance il n'avail pu rien acquérir
pour lui-même. el que d'autre part l'émancipation lui faisait perdre Lous ses drnit sur la forlun e de son père.
Cependant il est probable que le p1we abandonnait à son fiL
en l'émancipant quelques-uns de ses biens. surtout dans le
ca - où ce dernier en avail d6ja auparava nt l'administration.
Nous sarnns même que de bonne heure ce pécule devenait
sa propriété à titre de ùonalio n tacite si le père ne le lui
avait pas expres ément retiré. (3 1 ~ 2, xxx1x. 5 el Fray.
Vat. '260).
On sait que, grâce aux empereurs, le fils de famill e
pouvait avoir la propriété plus ou moins complète de certains biens. L'émancipation n'a l'ait pas sur tous les mêmes
effets.
G:5 -
Et cl'aborù le fils émancipé co nserve les biens composa nt son pécule castreuse, car relal°1vcme11t à ce pécule
l'enfant en pnissance était considéré comme paterfamiliaN .
Mais il y avait en outre ceci de particulier à. ce pécule , que
la capitis clcminulio ùc son tilulaire laissait subsister l'usufrnil déjà constitué à son profit (C 1G § 2, 111 , 55) et
ne rendait pas irritum so n tes tament antérieurement fait.
( t § S. xxxv11 . l1 ).
Le pécule q11asi-caiitre11se continuait aussi a appartenir à
!'émancipé, mai ici les exceptions aux elTets ordinaires de
la capilis demiiwtio, ljUe je viens de 1gnaler et qui a\ aient
été introduites par pure fayeur pour les militaires ne se reproduisaient plus.
Enfin quant au pécule adventice, on sait que l'enfant en
puissa nce n'en avait que la nue propriété. Il pouYait résulter de celle situation qu e le père ne voulût pas consentir à
émanciper son fils, afin de conserver son adminisll'ation el
sa jouissance. Constantin avait atténué ce danger en permetlant au père émancipateur de retenir . comme prix de
l'émancipation, un tiers du pécule ad ,·eotice. Ju linien
crut de l'in térêt du père et ùe l'enfan t de ub tituer à ce
tiers l'u ufruiLLle la moitié (C. G §;), YI , 6 1).
SECTI ON
II
Obligations actives et passives de l'Emancipé
L'anéantissement ùe la personne ci1·ile entrainait pom
l'éma n cip~ 1 xti nction ll r i>C'~ ohligation. tan t actin•s que
1
�-
Id. -
passives, parce que l'obliga tion. con·tituant un l'apport de
personne à persooue, ne pouvait subsister quand l'un des
sujets <le ce rapport av:iil disparu .
S 1 Des Créances
Les effels de ce principe étaienl pen sensibles sur les
créances à raison de l:l règle qui attribuait au père toutes
celle qui naissaient au profit ùe son fils. Celui-ci n'en
étant pas réellemen t tilulaire, son émancipation n'avait
en règle générale aucune infl uence sur leur existence .
Certain, droits cependant pouvaient se fixer sur la têle
de l'enfant en puissance et celui-ci les exerçait en son nom
per~o nnel. Je dois dire quel était ur eux l'effet de l'émancipation.
Et d'abord si l'enfan t en puissance avait l'ait une adstipulation , comme l'action résull an t de ce contrat ue pou vait apparten ir qu'à \'adstipulator seul , elle n'entrait pas
clans le p~trimoine du p&re, mais sommeillai t pendant sa
vie ; à sa morr. le fils pouvait lexercer. Mais en vertu
du princi pe que j'ai posé. celle action était perdue pour lui
s'il était émancipé, à cause de la capitis clemi1m1io qu'il
subissait. (GAïus, 111 , 11 4}
Ensuite il y avait un certain nombre de droits qu i à
l'inverse continuaien t, à raison de leur nature particulière,
a apparten ir à l'enfan t malgré son émancipation. Les jurisconsultes les nomment ceux 1111i natm·ale1n 71r1t>slatio-
- 65 11em ltabe11t (GAÏUS: 8, 1v, 5), ou encore qtû poliusin(acto
quam injure consisttrnl (Modestin; 10, eod. loc.), c'està-dire, si l'on veut, ceux qui concernent l'homme, moins
dans ses rapports civils et juridiques que dans ses
rapports natnrels, et dans lesquels l'élément de fait prédomine sur l'élément de droit ; ou encore. comme dit
Voët dans ses Commentaires, in quibus non tam j1.wis capacitas spectatw· quam (acti, scu 71rœstationis natL,ralis suscipiendœ habilitas.
J'avoue volontiers. aveè M. Accarias, que ces données
sont extrêmement vagues ; j'ajoute même que les textes
ne me paraissen t pas pllls obscurs que les explications que
l'on en donne. Aussi, suivant le sage conseil de cet auteur,
je ne veux pas avec des éléments aussi incertains me risquer à formuler une définition. Je préfère suivre les textes
et procéder par énumération.
Je suivrai la classification que donne M. de Savigny,
heureux de m'abriter sous une pareille autorit é dans une
matière si diffuse et jusqu'ici si peu explorée.
J. - Une première catégorie comprend les ùroits ayant
directement pour objet l'entretien de la vie physique, et qui
par suite subsistent en quelque sorte nécessairement, mal gré l'émancipation de leur titulaire. Ce sont :
1o Le legs d'habitation ( l 0. IY, 5) et très probablement
aussi le legs d'aliments puisque l'hom me libre qui subit
la maxima capitis demi1wlio cons erve le droit de le réclamer ( l t , XXXL\' , 1);
�-
liG -
~ · Le
legs J'une ren te périodique ou d'un usufruit fa it
pour plu ieurs années quant aux arrérages ou annuités à
ëchoir( IO. t\', 5; 1 § 5. \' Il, 1~);
5• Le le<Ts
des services d'un esclaYe (2 , v11, 7) ;
l!>
Le droit sur la dol (8, 1v, 5). Ici qu elques ex plications sont nécessaires.
/1-0
Et d'abord pendant le ma1·iage on sait que la femme n'a
pas la propriété de sa dot ; celle-i:i vient accroître le patrimoine du paterfamilias sou la puissance duquel se trouve
le mari : mais ce JJaler(amilias doit alors subvenir aux
charges du mariage. S'il émanci pe son Dis. comme c'est
sur ce derni er que retomben t désormai· ces charges . la
ùot apportée par sa femme Io suit malgré la capitis de111:11 utio qui l'alleinl (:JG § § 1 et 2 . xx 111 , 5). Quant au drni t
de la foru me sur s:t ùot, il se ré.Juil à une simple jou issa nce
de fai t sur laquelle évidemment la r·a1ii!is deminutio qu'elle
peul snbir n'exerce aucu ne inlluencc.
Après le mariage on sait que la ùot profecli ce ùoil être
restituée soit à la femme, soit à son père s'il vit encore.
Mais remarquons que, i ùans la doctrine primili,·e et
pu ra la dot profectice 11'émanai t quc ùu paler/'amilias, les
textes de l'époque classique qualifient ainsi la dot conslituêe par le père à sa fille ùéj ~\ émancipée. (:> § 1 1,
xx111, 5) sed il'Z clc11111m si 11l 7vll'c11s <lecl111·il. Si donc la
dol est profectice et que la femme soit encore en puissance,
l'aclion en rc. Lilution de dul appar tient h son père qu i peu t
l'exercer udjrcia (iliœ perso na. Mais si la femme a été éman·
cipée. même après le mariage. mais a11an t que son père ait
exercé l'action, elle seule pou rra agir ( 1 § 11 , C. '" 15) .
-
G7 -
Si le mariage a été Jis ·ous par la mort de la fomme, la dul
profcclice doil re1c11ir au père alors même qu'elle éta1L
émancipée (5, XX IV, 2; 10 el :)9, XXIV, 3).
li . - On range dans uno seconde classe les droils qui
ont pour objet la uindicta , c'est-à-dire la réparation du droit
violé en notre person ne et qui répondent directement à un
besoin moral, comme ceux de la première classe répondent aux besoins de la vie physique. Cc sonl :
1° L'action i11j11riarum ( 17 § 22:
XT.\ 11 ,
10);
2° La quer<:la iuo{/iciosi teslamenti, appa1Lenanl par
exemple à !'émancipé con tre le testament de sa mère, car
elle participe de l'action d'injure. (21 pr. et § 5. v, 2);
Il',
:5° L'action de cff1tsis
5) ;
l'l
d1jectis ( 5 ~ 5, tx. 3 ; et 8,
·!~ · L'ac ti on lie septûcro uiolalo
8,
IV ,
(3, Ci, 10,
XL\' 11,
12; et
5);
5° L'action pour blessures fai Les par des animaux ·Jangereux (42, xx1, 1 ; el 8, 1\', 5);
ô0 L'ioterù1l q11od ui a111 rlam (9,
XLIV,
7);
7° L'action contre l'a!Tranchi du père par suite d'une
in j11s i•ocatio ( l:l ,
11 ,
1);
8° Toules les 1>0p11larcs actiones, car parce qu'il est cnpite
111i1111t11s l'émancipé ne cesse pas d'être 111111' ex 1iopulo.
Ill. - En troisième lieu. certains contrats on qua i·contr:its ne son t pas anéanLis par l'émancipatiqn parce qu'iL
reposent su i· la confiance que le' partie- ont réciproque-
�-
69 -
68 -
men t tians leurs qualité;; perso nnelles, c'est-à-di re dans
leur in lelligence el leur probité. Or il est évidenl que r,es
qualités éminemmen l de fJ!L ne reçoivenl ancnne atleinto
par suite de la capilis demin 11tio . L'emancipé conservera
donc les actions qui en résnllent.
§i -
Des DeUes
5 : 61,
Le fils de famille pouvai t s'obl iger librement envers
tout au tre que son paterfamilias. On reconnait génëralement qu 'il faut en di re autan t de la filia{amilias après
l'al.Jolilion de la tutelle des fommes. Mais lorsque l'enfant
était émancipé il se trouvait, par sui te du principe que j'ai
posé, libéré de toule3 ses dettes antérieures. es créanciers
n'avaient plus de débiteur aux yeux de la loi (G.ü us, Ill,
§ 8lt-el IV, § 38.).
Mais notre exception n'est vra ie pour ce3 ùeux. derni~
res aclions 11ue dans l'hypothèse seul emen t où Je père
n'a\•ait aucun intérêt légal au dépôt ou au prêl, par ext::m·
pie si l'objet en avai t étû loué, prêté. confié au fils.
1. - Il y avait cependant des exceptions à cette règlo.
Et d'abord la capitis clemin11tiu laissait subsister certaines dettes civiles à raison ùe leur nature spéciale. Ces
dettes étaient :
Ce sonl :
1° L'action 7n·o socio (63 § 10, 65 § 11 , xv1i 2); ( 1)
2° L'action ma11clati (8pr. in . (. , 55 ,
X\' 11 ,
111.
1);
5° L'action negotionrn1 gestonun ( 17 !. 111, 5)
4° L'action depositi ( 9. xr,1v. 7 : l 9, xv1 , 3);
:> 0 L'action co mmoda1i (9, xuv, 7).
( 1) M:. ol ~ca ria:; .s'n p1>uyanl s ur le le\lc formel <l e Gtùus Hl 135 iré~~1;".'16 ;' n e~ tlta1t pas a1 n• i ~ l'épo.1 ue classique el qu o J ~slinic~ a
Jéa'r;? . es lois 63 el G5 pour les nirttrc en harmonie :wcc sa propre
1> ' ~ at1on. li en trouve la preuve ctar1-; I~ loi 51! ~ Q tod toc
ue d '
·,
~~ 1 J,;i'~f.e\~;Laclur~ité~u !>.~il:e cl~ retoueh~r'.DJn, c; cler~ier · t~\te, .i1'iflf~~
tCIJlwi so~i~as du::tar~ ~.mancr p~ lion d un llssoci~. s.e 1l t mondent 11
late d11rotum tst·1 EL il . ve1oa/1~ sil, si fürte µosl cma nrrpatw11e111 i11 socielraduil ainsi. li faut ~ ~cnsc u ea1111/~111 soc.1e/o lt m duran. M. A ccaria~
toutes Je · I .
d
c"u merquc les parltl'S on l voulu fu1re rC\'i\'fe
i11terpr<:i3a~ii~3~~r I~ ~~!s~ont rat prim1t1f.. J o ne purs u<1 111cllre re:te
me rarallrail ~lor ;bolu ronlque~e s~ r.11r nl pos6e Julien l'l l'lpien
ciue p~ru
" '
men oi"eu-.c. Puisq ue la société n'a conti nué
véc•. 'Pou~:~~f~~st~citr,il est <!,•ltle~l que• toutrs les cla u~csson t conserA pro os des
- n e~ seru1 rnt-c,,es oh ro ~<!cs plulôl que les outres?
ble <11hicile d~uJil~~s ~~ 10T1t \'u dout.- r nos jurrs•·onsultc;, '! Il me sem1
n'a pas ('té dissoule ~ia t~ 1~~ ~~~~~ .:~,~~C
f•tl lai l ~i 58 que 111 l'OrtÔlÔ
Go 1u, ne nous t'"l ias >a rvl'1 . 1 ' , · Cil ~,on~ 1u~ ou qu e le tl'xlC clc
avait cont rov erse IN 11uc nu tilla~ 1· .ou qua l 1 poqu c clu~s1que 11 y
trlompho.
1
cc ful 1oprnlon de Jultc11 et d'LTl111cn qtll
1
a
r
r
1° Celles qui résultent d'un clélit (5. IV, 5). La rai ~on
el l'ordre public exigea ient qu'il en rl1l ainsi ;
2 ., Celles 'fttœ 11aturaltm 7>rwslalio11em lwbe11t ( . lY.
!.> ,); et ici j'aurais à répéter en sens io\·eise à peu prè'
tout ce que j'ai dit des créances qui ont le même caractère.
Il résulle de la nota1nmenl que l'enfant reste tenu malgrè
son émancipation ùe toutes les dettes !'elati ves à la dol, et
des dettes résu ltan t pour lui d'un quasi-contrat ùe gestion
d'a1Taire, ou d'un contrat ùc sociélé. ùe mandat , de commo·
dat ou de dépôt ( 16, \li , 2 1).
�-
70 -
En uile la cn7iitis dcmin utio n'altérait en tous cas la
delle que dans son élément civil cl laissait subsister à la
charge de !'émancipé uoc obligation naturelle (2 § 2, 1v , 5) ,
Enfin remarquon qn'év iclcmmcnt l'émancipation n'anéa ntissait pas l'obligation qui n'était déjà qnc natnrell c pendant que l'enfant était encore alic11is jnris. Nous tronvons
dans les textes ùeux conséq uences de ce tte idée :
1n Afri cain nous apprend que la répétition ùu payem en l
fait après l'émancipation était interdite 'il s'agi·sail d'une
detta contractéesoit par le père. soit par le fil s, l' un cnYcrs
l'autre, pendant qu e cc dern ier étai t encore en pnissa ncc
(5 8. § § 1 et2. x11 , 6). Et la p1·cu\ C, dit ce jnriscoosu!tc.
que l'obligation naturelle subsiste dans ces deux cas, c'est
que i Un Créancier étranger dn fils poursui vait Je rèl'e
tlqicculio dans ,l 'an née qui suit l'èmancipation, le père
pourrait retenir sur le pécnle cr, qui lui es t dû par son
fil s. et réciproq uemeut on comptera dans Je pécule de
cc dernier sa créance cont re son père.
~· On sait que Je S. C. ~lacédon ion . res treignant sur
nn point la capaci té de · fils de fa mi lle , leur interdit
ù'cmprunter de l'argent cl refusa à leurs prêteurs ton te
acti on pour obteni r le remboursemeul de leurs a\•anccs.
~éanmoins le S. C. laissait subsister à la char11e du fils une
~hligation n~turellc à l'exi~tencc ùc llquell~ l'éma11cipat1on nc p?rlatt aucune a tteint~ ( 10 , x1v, G) . Par co n ~é
qu ent , St !'émancipé paye sa uellt'. il ll C pourra inlcn lcr la
condictio indeôiti (1,Q' ·xtt · G) .. cl •-:·1 voul "nt
,, "ara nt.ir c:a
delle, il a don11é un objet en gage, depuis qn'/csl .mi j;,~
-
ït --
ris, l'exception du S. C. lui sera refusée jusqu'à concur-
rence de la valeur du gage ( 9, x1v , G).
n. -
Les rares excepti on~ que nous avons vnP.s apportées à la règle de l'anéantissement des dettes de !'émancipé
par sa capilis deminttlio ne ponvaicot satisfaire le préteur
dont les elTorls constants tendaient à substituer aux rigueurs du droit primitif l'application des règles de l'équité.
Aussi, de même que nous l'avon vu venir au secou rs
de !'émancipé privé par le droit civil de toute participation
à la succession de son père, en tenant pour non arnnue la
ca7iitis clemùrntio qui l'avait frappé, de même il rescinda
encore celle <lem i(}re au profit des rr~anci ers ùu fil.. Feignant que l'émancipation n'a pas eu lieu, il leur ofîre le
moyen de conserver tous leurs droits en l ~ur accordant
une in i11tegr1im restitutio l 2 § 1. IV . 5). Pour cela il
donne au créancier contre !'émancipé une action utile
(G~ùu s 111. 8 1~ et lV , 58) , acti on qui passera à leurs héritiers même contre les héritier· du debileur (2 § 5, IV , 5).
Dans le dernier étal ùu droi t. la fa mille romaine e.s l
enfin rede\'e11ue cc qn e la n:ilo rc l'arnit fa ite. La pu issance
p:itcrnel lo n'est plu s ~ eu l emcnt consiùérêc comme un
arnntagc pou r lù père; rilo a a u s~i el su1 tonl pour raison
�-
72-
d'être la protection de l'enfant. La capacité du fils de famille s'est élargie peu à peu, et il a acqu is une existence
civile propre, au moins à certains égards. Nous avons vu
quelle influence celle éYolution aYait eue sur la matière
qui nous occupe. Entre l'ema11cipatio velus et l'émancipation définiti\'ement règlementée par Ju stinien il n'y a
presqu'aucune autre ressemblance que celle du nom . On sait
combien les formes antiques ont été simplifiées. Les eJTets
n'ont pas subi de moindres modifications. S'il est vrai
qu'à. l'origine l'émancipation rendai t l'enfant sui j uris, ùe
quel prix payait-il alors sa liberté~ Il se trouvait sans patrimoine et sans famille; il perdait ses dieux privés et ses
propres enfants ! Et cette liberté elle-même, à quoi lu i servait-elle, s'il élait impubère ou femme, puisqu'ell e devait
être abdiquée entre les mains d'nn tuteur? Après Justinien
au contraire l'émancipation est un véritable bienfait que
l'on ne peut retourner contre celui qui en a été jugé digne ;
elle est pour l'enfant une source de droits. sans entra îner
aucune déchéance.
DE L'ÉMANOlPATION
DANS
L 'ANCIEN DROIT
Sous le nom d'émancipation, notre ancienn e législation
fran çaise comp renait deux instituti on tout a fai t diITérentes dans leur origine et d:\ns leur li ut , empruntées toutes
deux au droit romain. L' une, usitée dans les pays de droi t
écrit, avait pour résultat de faire ces.cr la puissance pl\ternelle el de placer l'enfan t en tutelle. s'il etait mi neur; elle
vena it de (ema ncipalio romaine. L'autre, en usage dao
toute la France, mellai t fi n :1 la lUl6lle et arnit ~a source
dans une institu tion de l'empire, la vc11ia œtatis. Je parlerai success ivement ùc ces ùcu:-. émancipations.
�-
74 -
CHAPITRE l
De l 'Enaan.clpaHon àt l '('tfet 114.- llht.'"1•cr d e la
.. ub.sRncc 1utfc ruc lle
Chez les Gaulois comme à Home le pére était maître ab ·
soin de la personne et des bi ens clc ses enfan ts. mllis il
parait que son autori té avai t ceci de particulier, qu 'elle
n'était pas perpétuelle el qu'elle ce:>5ait par le mariage de l'enfant ou par son ar'l'i,·ée à un cer tain âge. Mais
rint la conquête roma ine et !es in Lil11tions gaul oise furent
remplacées par les lois du \'ainqu enr . Chez les diYers
peuples germains qui envahirent en uite la Gaule , la puis sance de père· se nommait 11w11<litw1; elle résullail dn
mariage el s'exel'l;ait tan t sur la femme que sur les enfan ts.
Cessan t par le mêmes eau es que J'auto1·itë paternelle des
Gau lui ( l ), elle en différait cepcn<lan t par son ca ractère
( 1) C~;i 11111 d 1 u111 .llvu11 <'CpPndant un rnod~ de dio,oluti o n s écial un<'
01 ~cd "nnnc1pal10.n l{on~ {1m11/ra/10) q111 d~va 1 t ~·ui'compll~ .ic, 0' 0 1 le
d~0Ôs1~~ra1~t~ar~qu~r' ~1! l1~0111t· mr11honn1" cl·"~ 1\ poque C.allo-nom11irw
mrrn ,
'
· '<'ni,inl ces-.R il . ptt1' rll<'.' d.élrt'.' con~i cl érG comme
, 1 .. brc de_ la com111u n11ulé clc fa:111llc l'i p1•nlo1l tous M'~ d ro11s dP
10 1
·,
1clc'Jc·
'
~
~
~u
r
Ir·
b1t·n~
qui ap pnrl t>nniC'nl h C<•lle-ci. (Jlrt'ris dr /'llisloirr
l 11 1or/ 1 rnnra 1 ~ p. /\.Gau
Lier Jl . 73.)
-
7!5 -
beaucoup moins ri goureux , étant établie surtout dans l'in térêt de celui qui y éta it soumis el ne confiant au père
qu'un pouvoir de tutelle el de protection.
La 7)atria polcslas el le mrmdium subsi lèrenl ensemble
el se perpéln èrent dans les législations successives qui régiren t nolre ancienne monarch ie. Les provinces méridiona les. pénétrées de la civilisation romaine. el les provinr.es
du Nord. emprein tes des nsages germaniques. con tinn(:)ren t
une diYersilé de tradition d'où naquit la division de la
France en pays cle droit coutum ier et en pays de droit
écri l.
La plupart <les Coutumes étant muettes sur la puissance
paternelle, leur silence sembl erait rnuloir en subordonner
l'exercice aux règles du droit na lu rel. Du 1este. nos auteurs co utumier~ répètent à l'en\'i celle maxime <le Loy sel : • Oroit rle pui ance paternelle n'a lieu ( 1) • li e. t
cependant certain que l'a ntorit é paternelle existait el était
règlementée par le droit positir. Les parents aYtiieol certainement le devoir d'élever lenrs enfants et étaien t néce sairement inYestis des droit.; sans lesqu els cette éducation eût été
impo.sibl e ('.:2). Laurière ci te <lu re~te un pas<:age du Grand
Coutumier portant qu·en règle génér::.le les don· el lais
fait · à l'cr1fan1 en p11i.::_;1nre ri ennen t au profil ùu père (5).
La 1 ègle de Loysel n'a clone d'autre sen· <Jlle celui-ci la
puissance raternelle n'existe pas dan les pays coutum!er·
tel le f]u'on l'enten d dans les pays de ùrnit éc1il ; c'est-à-
'n
(1 ) \I ERL IN. llrp. T \'
/'111u11 r 1p/10n.
('t) On d1,a11
l<'S l'nlnnh ,ont 1•11 1,1 r o11t1·1e 1.'l 11111111bow 111r clc lo•ur
p<'rc C'l m0:·1·r qu'ils ~oient franc" uu •1•1 fs. l.uulu•r op. rrl. 1··1!!r :1; l
(.i) l.Au111rnv. 'tir 1.oy,el, 1 . l 1. 1
�- 76 dire qu'elle suppose plus d'a!Tection dans le régime de la
fami lle, qu'elle consiste dans la garde du pup ille confiée à
ceux qui son t présumés lui porter plus d'in térêt et d'affec tion ( 1) ; c'est-1-dire surtout qu'ell e n'est pas perpétuelle. Elle cessait en efTeLpar le mariage de l'enfant ou sa
majorité. L'époq ue de cette dernière varia souvent suivan t les époques eLaussi suivanL qu'il s'agissait de nobles ou
de roi uriers, mais elle fin it cependant par être fixée à vi nglcinq ans dans presque toute la ft'rance. Grâee à ces deux
modes de dis30Jution on n'eut pas besoin d'in troduire
dans les Cou tumes l'émancipation à l'effet de libérer de la
puissance paternelle dont je m'occupe ici.
Dans les pays de droi t écri l, on sa it que les lois romaines constituèrent le droit commun. Un certai n nombre de
Coutumes, celles sL1rtont qu i ressorlissaienL au Parlement
de Paris adoptèrent aussi les principes qui régissaient la
pat1·ia potesta.s. Ma is soit dans ces dernières Coutumes,
soit dans les pays de droit écrit , ces principes se combinaien t de mil le façons difTérenLes avec les usages locaux,
si bien que . comme le dit Argou (2), il était presque impossible d'en présenter la théorie. Aussi n'cntreprendraijc pas cette tâche qui me ferait d'ailleurs so rtir de mon
ujet. Je me borne simplement à rappeler qu e la puissance paternelle y était soumise à peu près aux mêmes
règles que dans le dern ier étal de)a jurisprudence romaine
et qu e l'émancipation étai t encore un mode d'extinction de
celle auto1ité en principe perpétuelle.
( 1) Du1·"· Coutume d11 /'\'iver11ais.
{i J ARt;ov. lrislilution du /J roit (ranço is. liv. 1, ch. 4.
-
77 -
En ce qui concerne celle émancipation l'élément coutumier s'était nécessairement mêlé plus ou moins , suivant
les lieux , aux règles si précises dn droit romain, et pa r
suite la législation était aus i peu uniforme que possible. Je
vais tâcher cependan t d'e n esquisser brièvement les traits
généraux.
L'ém:incipation était expresse on tacite.
St
-
Emancipation Expresse
L'émancipation ex.presse étai t celle qui résullait d'une
décl:\ration fo rn11~ll e par le père qu'il mettait l'enfant hors
de sa pqissance. Celle déclaration a\:ail lieu devant le juge
du domicile qui en donnait acle cl la fai.ait enregistrer au
grefTe. Dans ce rtains pays on procédait d'une façon moins
simple et plus symbolique. Ainsi dans le Languedoc le fils
se mettait à genoux devant son pbre. les mains jointes
en tre les jennes. el le priai t ùe l'émanciper. Le père
écartait les mai us Je so n fiL , le relevait et l'embrassait en
déclarant q u'i 1 con senlait à l'émanci ration.
Primiti vemen t, avan t d'accomplir toutes ce~ formalités,
on devait avoi r obtenu <le lettres du roïpermellanl l'émancipation. '.\lai ùan certaines pro,·inces comme le Languedoc le père fnt dispensé de celle obligation dès 16 0, au
dire de Denizart. et bientôt après celle dispense s'étendit à
Lous les pays ùe droit écrit.
�-
78
L'émancipation pournil-ellc se faire derant nolaire ~
La généralité ÙllS pay.> ùo droil écrit regard ait comme
null e une telle èmancipaLi on, soit parce qu 'aux termes de
la loi 77, D. L. 17, cli c était 11n acte légiti me ne pouvant se faire que dans les fo rmes striclemenl prescrites
par la loi, soit encore pour ass11rer plus de publid lé i\ un
acte l!Ui modifiait si gravement la Ga pacilé de l'enfant.
Quelques rares parlements, et en particuli er celui de Toulouse, suivaient un usage contraire. ~nfin. le parl ement clo
Be. anron n'admellail l' émancipati on dcYa ut notaire que i
elle était faite formellement dans le contra t de mariage ( 1).
De même qu'en droit romain le père pouvait retenir
toute leur ''ie ses enfants so us sa puissance. Cependant. de
nième qu e nous avons 1·u les empereurs contraindre dans
certains cas les pères à émanciper leurs enfants, de même
nons voyons cette nécessité imposée par notre ancien droi t
an père de famille quand il a reçu un log so us là conùiLion d'émanciper ses en fants, ou bien qu and il les maltraite,
les abandonne. leur refuse des aliments, les induit au ma l
ou les excite à la débauche.
De ce que la puissance paternelle esl indi1·isible on
al'ail conclu 'lue le père ne pou vait émanciper son fil s pour
partie. Celte règle n'avait d'exception qu'en Provence. où
sous le nom d'habi/itatio11 . on avait admis une sorte
d'émancipation qui ne faisa it point cesser la puissa nce paternelle. La preuve eo esl dans no acte de notoriété cléli vré
par les magistrats du parlement d'Ai x du 7 janl'ier 1697
où il est di t : • Nous attestons que l'habili tation que les
( 1) DuNoo. Tra ile de~
/'rescl'iptio11s. Pogc 18'1,
-
79 -
pères fon t en Provence de leurs enfan ts, leur sert pour régir et admin istrer leurs biens cl ne les lire point ùe la
puissance du père qui ne se perd que par l'émancipation
fait e par un acte public en présence d'nn juge et ù'un
consul el dûment insinuée.
~ 2 -
De l' Emanoipatlon taoite
L'habitation séparée, la promotion à certaines dignités
et le mariage, étaien t dans beaucoup ùe prov inces autan t
de causes d'émancipation tacite.
1. - Nous avons vn qu e le droit romain dans son dernier état reconnai sai t ém3ncipé l'enfa nt qui avait eu pen dant longtemps une habitation séparée de celle de son
père. Celle règle fu t adoptée par notre ancien droit écrit ;
mais il fallait pour qu'elle fût applicahle que la séparaliun
no pùt 'expli quer autrement que par la pré omption d'un
co nsentement :aci te de la part ùu père à l't>mancipation.
Si par exemple il s'agi ·sai t d'un fil· que ses fonction appe·
laien t loin de la maison paternelle , ou d'une femme qui
devait suivre son mari, u11e séparatio n même très longue
ne rompai t en rien les lien · Je pu i·,ance. Mais combien
de1·ait durer cette séparation consentie par le père pour
proùuire l'émancipation~ Les opi11ions étaien t très partagées.
D'après les un -, au . itùl qno le fils a1ait qu it té le loil
�-
-
80 -
paternel avec le consentement de ·on père il se trouvall
émancipé.
D'autressouten:iicn t qu'il sulfisai t d'une séparation d'an
et jour. On déch.lait ainsi dans les Contumes du Poitou. de
Bordeaux et d'Angoumois.
Un troisième système exigeai t un laps de vingt années.
Enfin certains :i ut eurs étaient d'avis que la séparation
de,·ait se prolonger seulement pendant dix ans. Cette dernière opinion finit par l'emporter pre que partout. Dunod
cite deux arrêts du parlement de Besançon en ce sens.
Merlin en rapporte deux au tres du parlemen t d'Aix, l'un
du 25 juin 16 1G. l'autre du 1Ci avril 1665 qui confirmaient des testaments faits par des fils de famille séparés
depuis dix ans.
Cette émancipation par llabitation séparée avaiL du reste
un ellet rétroactif et rendait valables tous les actes faits
par le fils de fami lle dans l'intervalle de dix ans.
li. - ·De toutes les charges auxquelles le droit de Justinien attachait le priv ilège d'émanciper, il ne restait en
France que celle d'évêque. ~lais on attribua bientôt le même
elîet aux. charges de lieutenants-généraux et gouverneurs de
provinces, de ministres el de conseillers d'Etat. Le président
Bou hier ne croit pas qu'il fai ll e assimiler à ces personnages
les magistrats des cours souveraines.
Ill. - En principe, dans les pays de droit écrit le mariage n'avait aucune infl uence sur la pu issance paternelle.
Mais sur ce point les usages celtiques avaient laissé des
81 -
traces en diver5 pays et les Coutumes qui re::.sortissaien t
au parlement de Paris, bien qu'ayant admi:) la 1,atria potes·
tas romaine, obéi saieot à la régie Je Loysel • Feu el
lieu foot émancipation et enfants mariés sont tenus pour
hors de pain et pot c'est-à-dire émancipés .• li en était de
même au dire de Merlin dans les villes. de Montpellier et de
Toulouse ( 1).
S
S. -
Effets de ee&te Emancipation
Dès qu'il est émancipé, l'enfant cesse d'être sous la
gard e de on père: il peu t e choisir un domicile propre
el il devient le mailre de sa fortune comme Je ses actions.
Désormais les biens qu'il acquiert ne profitent qu'à luimême et les diverses incapacités relatives à son droit de disposilion cessen L.
Cependant l'enfant ne jouit de ces nouveaux droits
qu'autant qu'il est pubère . Dans le cas contraire il est mi·
en tutelle. Nous verrons plus loin qu'on finit par restreindre singulièremen t sa c:ipacité en lui ùonnant un
curateur jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans.
En outre, certains attribut Je la pni ·sance paternelle
survivaient à l'émaGci p,1t1on. ,\in i l'enfant pour pouvoir
se marier devait obtenir le consentemen t tle ses auteurs.
au moins tant quï l n'était pas majeur quant au mariaCJe.
( 1)
M E11L111.
!lfJ1M'lo1r1• \ •Pu1ssc111;~ pr1/er11fllt T \lll
1a;:..
�-
82 --
De plus le père conservai t l'usufruiL ùc la moiLié des biens
adventices, à moins que l'emancipalion ne lui eù t été im·
posée par le juge. Mais on lui recon naissait la facullé de
renoncer à ce bénéfice sans que ses créanciers pussent s'y
opposer.
Enfio, comme dans le derni er èlat <lu droit romain
l'émancipation ne faisa it perdre à l'enfant et à ses parents
aucun <les <l roits de famille qui existaient réciproqu ement
entre eux .
Une fo is conforée l'emancipalion étaiLirrévocalile, el
l'enfant no pouvait retomber sous la puissance de son père
que Jan. le ca où il s'étaiL montré ingrat envers lui .
C llAPITR~
1l
De l'EmanclpaClon ;, 1· .. a<-t d<cl<' 111 tut e lle
llh~rcr
C'est dans une i11stitutio11 rumaine. la ven ia œtatis. qu 'il
faut chercher l'origine Je celle émancipation.
-
8:5 -
De la V e nia Œtatis
Les anciens Homains avaient reconnu au pupi lle aussitôt
qu'il avait atteint la puberlc la mûme capacité qu'à l'homme
mûr et habitué à la pratique des alîaires. Pour prérenir
les abus que des hommes peu ~crupulcux auraient pu faire
tle sa jeunesse et de ses passions, la loi f>lœtoria dont la date
se place ùans la première moitié du VIe siècle de Rome
permit à tout le monde tle poursuivre le tiers qui. traitant
avec un pubère mineur <le vingt-cinq ans, aurait profité
de son inexpérience pour s'enrichi r à ses dépen~. \'oilà le
prem ier texte t}UÏ nous parle d'un œta~ pcr/'ecla, œlas legitinw et qui distingue entre les majeurs et les mineurs de
vingt-cinq ans. Comme celle loi disposait eu ou tre 4ue le
mineur trompé pourrait invoquer la nullité de l'acte, les
personnes <le bonne foi elles-mêmes auraient pu craindre
de se voir accuser de frauJe et ne pas vouloir traiter
d'une façon aussi incertaine arec lui. Pour préYenir ces
dangers, la loi Plœtoria aulorisa les mineurs à ~e faire
nommer un curateur spécial toutes les fois qu'ils auraient
un acte juridique à faire. Lu con entement de ce curateur
écartait tout soupçon ùc fraude et assurait la pleine ral1·
dité de l'acte. Plus tarù ~Iarc·Aurèle autorisa les mineurs
i1 demander un cura teur gcnêral ; la crainte ùe ro1r le
vide se fairo autour d'eux les oliligeail en fait à prendre
toujours celle précaution, si uiou qu'ils ne sortaieol de tu telle que pour tomber en curatelle.
�-
84 -
Le prétenr cependant n'avait pas cru ces mesures suffisante3 pour sauvegarder les intérêts du mineur . Gràce à
lui, ce dernier, quan<l même il n'aurait pas été trompé
dans un contrat passé avec un tiers, pouvait, s'il se trouvait lésé à la suite de ce con trat, obtenir une restitutio in
i nte9nm1, en vertu de laquelle l'acte, bien que valable
d'après le droit civil, était rescindé. Et cette in i11tcgrum
restiti«io était accordée au mineur même s'il s'était fai t
assister de son curateur . Celle protection exagérée eu t
un elîet désastreux el les tiers. éloignés par une insécurité
prolongée, ne vou laien t plus con tracter avec les mineurs.
C'est alors que sous l'Empire, à une époq ue que l'on
ne peut préciser, probablement dan la seconde moitié du
m· siècle, fut établie la ue11ia œlatis, c'est-à-dire la faveur
accordée par l'empereur aux pubères mineurs de vingtcioq ans d'être trai tés com me des majeurs, sauf défense
J'aliéoer ou hypothéquer leurs immeubles sans l'assentimeut du magistral. Cc bénéfice pouvait être accorùé par
rescrit impérial aux femmes à dix-huit ans el aux hommes
à vingt ( 2 et 3.C. JI, 44) . L'empereur Léon supprima
celte condition d'àgP. (Nou . 28).
La ven ia œtatis avai l pour clTets : 1° de mettre fin à 1a
curatelle et, sauf la restriction dont j'ai parlé, de donn er
au mineur une capacité entière; 2• de rendre impossible
une 1·cslitalio in i11tegrum pour les actes à venir ; 3 · cle
faire courir le délai dans lequel elle devait être demandée
pour les :ictes anlêrieurs; mais cela sous celle réserve
essentielle qu e l'inaction du mineur n'emportera jamais
déchéance avant qu'il ait atteint sa vingt-cinquième année.
-
85 -
La législation romaine sur les mineurs fut adoptée par
nos pays de droit écrit. La majorité complète pour les enfants qui n'étaient pas so umis a la puissance paternelle
resta fixée à ving-cinq ans et l'enfant, en sortant de 111
tu leile à douze ou quatorze ans, suivant son sexe. recevait
un curateur jusqn'à sa majorité. D'autre part, j'ai dit que
dans les Coutumes la majorité finit par être fixée à peu près
partout au même âge de vingt-cinq ans. Si donc l'enfant
perdait un de ses parents avant cet âge. il était mis en
tutelle et le tuteur con tinuai t ses soins jusqu'à sa parfaite
majorité. comme le fa isait le curateur dans les pays de droi t
écrit . C'est en cc sens que Loysel a pu dire : • Tuteur et
curateur n'est qu'un. ( 1).
Or il se pouvait que la situation et le:; qualités personnelles de l'enfant soit en tutelle, soit en cnratelle, permissent
de lui laisser l'administration de sa fortune à un âge moins
avance. Aussi pouvait-il obten ir une sorte de uenia œlalis
qu'on appela bé11~fice d'âge ou ~mani;ipalion. Celle émancipation étai t expresse ou tacite.
S1
-
Emancipation expresse
Dans les Coutumes, le mineur ùcl'ait ù'abord obtenir des
letlres de bénéfice d'àge. Le juge assemblait alors ies pa·
rents paternels et maternels Jn minopr pour décider,
( 1) Loi EL. ln31. coutum. n•gle UIO.
�-
~G
-
d'après leur avi , ·i cc dernier élail uu non ca pable d'admini ·trer ,e· biens, En cas d'aris fal'o rable les lollrcs élaient
en térinées par le juge royal du domicile Liu mineur. ( 1)
Dans les plys de droil écril. il n'é tai t rJa· néccs aire au
mineur d'avoir obtenu des lettre du pri nce; il lui suffisait
de réunir ses paronts les plus proches en conseil de fami lle
de Jemandcr leur avis cl de faire homologuer leur décision
par le juge de son domicile.
En règhi générale le bénéfice ù'àgc n'était accordé
qu'aux inJiviùus en plein e puberté, c'es t-à-dire au'\. fils de
vingt ans cr aux filles de rli x-hnil ; il :mira cependant assez
sournn t que des enfant· plus jeune· parvins, enU1 l'obtenir .
:~
2-
Emanoipatlon t aoite
Si le mariage dans les pays coutumiers fa isait cesser la
pu issance paternell e, à plus for te raison devait-il mellre
fia ~1 la tutelle. Ce principe d'origi ne germanique fut généralci!lenl adm is dans tou tes nos Con Lumes , exce ptè en Br('·
Lagne ut en Poitou. el aussi dans un cer tain nom ure de
pays de clïOit écrit. • Le mai 1<1!." e. cliL ~l e lé, fait cesser la
tutelle d'une façon aussi 1iarla 11e que les lettres du prince,
puisque, quand le ma1iage Yient à se dis, ouùrc par la morl
de l'un des conjoin ts. le snrvi,·anl reste touj ou1 s émancipé. (2) • Cette derni ère affirmat ion était cependan t con(1) \n1;0•; op. r it. liv. J .
(!) 'leSLL. - Tt-ailr 1/e' olfinonf.'.< .
-
87 -
testée el nous verrons que le désaccord s'est perpétué
jusqu'à nos jours.
Quelques Coutumes avaient admis une autre émancipation tacite. • En Artois di t Denizart, (1) les mâles âgés
de quatorze ans el les femelles àgées de onze ans accomplis
sont capables cie jouir des fruits el revenus de leurs biens
et de disposer de ces revenus sans aucune formalilêpréalable. •
Je dois enfin faire une remarque importante. Le fait
d'exercer la profession de commerçant n'émancipai t pas
l'enfant : mais celui-ci étai t aussi capable que s'il était
majeur quant aux seuls actes relalifs à son commerce.
L'ordonnance de 1673 qui devint le droit commun de
toute la Fran ce. s'exprimait ainsi dans son article 6 :
• Tous négocian ts et marchands en gros ou en détail seront
réputés majeurs pou1· le fait de leur commerce ou banque,
sans qu'ils puissent êlre restitués sous prétexte de minorité. •
S 3 - Efte&s d e oeu e EmanclpaUon
Quant à -a personne on peut poser en principe que
!'émancipé acquérait une liberté entière. 11 n'y a' ail
d'exception qu e pour le mariage . Le mineur qui n'avait
plus d'ascendant<; deYait , au dire de Me·Jê. obtenir de ses
plus proches parents. formant une orle de conseil ùe
famill e, la nomination tl'un tu teur ou curateur dont la
( 1) D BNZIART, -
J'. Em1wcip11t im1.
�-
-
88 -
mission spéciale sera ùe consc.ntir au mal'lage el ùe régler
les conrcn tions matrimoniales.
Quant à ses biens la capacité de l'émancipé était loin
d'être complète.
li avait en général le droit d'agir seul en ce l)Ui concernait \'administration de es biens el par suite de donner
ses biens à bail pour six ans, s'il s'agissait de maisons
situées en vi lle; pour neuf ans s'il s'agissai t de biens ru·
rau~ ; de disposer de es meubles el <lu revenu de ses immeubles. etc., etc.
Pour le actes pl us graves il devait en général èlre
assisté de son curateur . Ce curateu r était ordi nairement
choisi dans l'assemblée des paren ts à laquell e donnaient
lien les lettres d'émancipation , et l'acte de nomination était
entériné avec ces lettres.
JI y avait deux sortes <le curateurs. les curateurs formels cl les curateurs aux causes. Les premiers étaient
ceux que le juge décernait aux min eurs pour leur ùon ncr
une autorisation suffisante à. l'eITct ou d'un e audition de
compte de tutelle, ou d'un emprunt pour cause nécessaire.
on d'une aliénation. etc. On appelait curateur aux causes
celui qu i était nommé à l'effet d'assister le mineur dans
Lous les actes de procédure qui peuvent concerner se::; intérêts en demandant ou en défondanl. ( 1)
11 étai t même certains actes auxquels !'émancipé ne
pouvait procéder <;'i l n'arait obtenu. outre l'assistance de
son curateur , l'avis de ses plus proches parent!I et un décret
du juge; c'était la vente ou l'hn>othèqnc de ses immeu(1) M.ERLI'. /lep. Y. Ctwateur :· 1.
89
bles et l'aliénation des negres qn'il pou\'ait avoir aux
colonies. ( 1)
Les actes passés par le mineur sans l'accomplissement
des formalités requ ises pouvaient être déclarés nuls sur sa
demand e, bien qu'il ne soulMt aucun préjudice. C'était
ce semble, une proleclion sage et suffisante ; mais au lieu
de s'en tenir là , notre ancien droil ressuscitant l'ancienne
rcstittttio in integrnm, déclarait rescindable tout acte qui,
ùien que régulier en la forme. lésail le mineur . Aussi
Henrys. critiquant cette j111·i ·prudence. disait que I ~ :,Cal
moyen de prérnnir la restitution, si par exemple on achetait l'immeuble d"nn mineur en sui\•ant toutes les formalités prescrites, était de le payer plus qu'il ne valait
réellement.
Mais, de même qu'en droit romain . la capacité du minet11' reçut une trop gra,·e atteinte par cette protection
exagérée, el le but se trouva dépas é. Aussi dès le temps
de Pothier, du t-011 parler au principe une excep ti on
nécessa ire .• Les mineurs, dit cet éminen t jurisconsul te
ne sont pas restilnés pour cause ùe lé ion contre les acte
qu'ils on t fai ts depuis leur emancipalion, lorsq ue ce sont
des ac te~ ùe pute administration néces aire, par exemple
con tre des baux fail$ de lem héritage pour le temp· qu'on
a cou tume de faire <les baux.. . La raison en e t tirée
de l'intérêt même ile' mineurs, parce qu'aulremenl ils
ne troureraien t que dtlficilemeot ùes personnes qu i voulussenl contracter arec eux. ùans la crainte qu'auraient
(l) J h~ I ZART.
r
ématll l/IUllOll
�90 œs personnes d'avoir des procè· sous prétexte de !ésion. • t l )
L'émancipation soiL ex presse soit tacite, faisait encore
cesser la garde noble eLla ga rde bourgeoise. ( 2) Cependan t
je remarque quant à celle dernière qu'elle finissait de
plein droit dès que le garçon avai t atteint sa quatorzième
année et la fill e sa douzième. et qu'il devait être bien rare
que l'émancipation eùt lieu avant cet âge.
DE L'ÉMANCIPATION
EN DROIT FRANÇAIS MODERNE
( 1) Poru1E:n. De la Procedurc civilt, \'. Ch. o. Art. 1 1. § 1.
(~) Porer6B. De la Gardt noble rt bourgeoise, ~cctron IV, N•• 99 el
to,.
Les législateurs de l'époque révolu tionnaire. s'exagérant
sio~ulièrement le nécessités d'un état démocratique et
oubliant qu'un gou"ernemen t peut ~e montrer d'autant
moins despotique en\'ers chaque citoyen que l'autorité du
père est plus fo rte au cin de la famille. prirent en quelque
sorte à. tâche d'éner\'er cette autorité. Certes ! il }' avait
beaucoup à faire, et la con fusion que nous arnns vue
régner dans l'ancien droit. appelait une réforme.
~lallleu reusemco t , au lieu de corriger. on dêtrui il. Le
dêcrct des l û-2 '~ août 1790 commença par enlever
au père son droi t personnel <le correction. Celui du ~8
août 1792 Jéclara que his maj eurs ne seraient plu ' aucuncm~nt soomis à. la puissance paternelle. el. le 25 ·epLembrc rie la môme annèc. il fuL tlècitl ë gue la majorité serait
�-
92 -
fixée à vingt el un ans el que les mineur:> seuls devraienl,
pour pou voir se marier, obtenir le consentemeot de leurs
parents. Enfin le décret du 27 nivôse ao II restreignit au
dixi ème des biens la fac ullè pour les ascendants de disposer
au préjudice de leurs descontlanls et par fa même enleva
à la puissance paternelle uoe sanction nécessaire et efficace.
Le Code civil vient rendre à la fami lle une consti tu tion
plus morale et plus solide. Il restitua à la puissance paternelle ses attributs légitime el sut concilier avec un rare
bon heur le principe de la liberté individuelle avec le principe non moins sacré du re·pect el de l'obéissance due aux
parents. Il proclame d'abord qn'à tout âge l'enfant doit
honneur et respect à ses père et mère, et ces derniers peuvent punir celui qui contreviendrait à. celle obligation, en
le privant d'une importante partie de leur succession.
D'autre part le législateur a en pour bu t pri n<:i pal d'organiser la puissance paternelle dans l'in térêt de l'enfant.
• Nous y reconnaitrons, disait Leroy au Corps législatif, ce
que la nature la fit . une puissance d'amour et de protection.• Le pouvoir des parents es t limité aux prérogatives qui
leur sont nécessaires pour bien élever et protéger efficacement leurs enfants. et il se résume dans les droits de
garde, d'éducation, de correction, d'admi nis tration el d' usu·
fruit légal ; mais tous ces droits cessent dès qu'ils de\'iendraient une gêne plutôt qu'un secours po111· l'enfant,
c'est-à-dire en généra l à l'époqu e de sa majorité, car alors
ses forces physiques et sa raison sont suffisamment développées pour )ni permettre de se suffire alui-même. J'a urai
-
95 -
dans !a suite ùe ce travail à déduire d'importantes conséquences de celle i<lé0 que l'avantage de l'enfant a été ici le
principal objectif du législateur.
Mais le mineur n'es t pas toujours soumis à la puissa nce
paternelle. Si son père et sa mère sont morts il est mis en
tutelle, et s'il n'a perdu 4:i'un <le ses parents il est tout à
la fois soumis à la puissance paternelle et à la puissance
tutélaire.
Le législateur de 1804 a reconnu que clans certaines
hypothèses le mineur , qu'il soit du reste sous l'autorité
paternelle ou confié à un tuteur. pouYait avoir un intérêt
légitime à jou ir de sa liberté. Mais il n'a pas rnulu reprorl uire la distinction en deux sortes d'émancipations que
nous avons vue exister dans l'ancien droit. L'émancipation
nouvelle fu t donc unique et en quelq ue sorte le résumé des
deux anciennes. si bien que Demolombe a pu la définir
avec vérité : Cfn acte j t'1'idiq11e qw affra nchil un i11divid11
mineitr soit de la puissance paternelle, soit de la tulelle. soit
del' une et de l'atLlre puis sauce à la fois lorsqu'il se trouvait
en mbne temps soumis à toutes les dw.r. ( 1)
Celle in~ titution esl à proprement parler nouvelle. Elle n'a
guère que le nom de l'émancipation romaine et que des rapports très éloignés avec l'émancipation à l'eITet de libérer
de la puissance paternelle usitée surtout dans les pay~ <le
droit écrit ; enlin si dans les ~xplicaLioos qui vool u1vre
on retrouve beaucoup de règle' de l'ancienne émancipation
à l'elîet de libérer de la tutelle , on rencontrera au si be:rn•
(1) Ce mot ,racle;11nd11111e
cipotion c'prcss~.
ne~
•opp 11quo 110
• "Oureusemcnl
qu'à l'éman-
�-
91. -
coup d'innovalions. Pl.l ul·êlre e l-ce précisémenl parce qu'il
créait. que le Code s'est monlré si peu ex plicilc en notre
matière ; en tous cas cc laconisme est fâcheux et on verra
qu'il a fail naître d'innombrables co ntroverses.
Je di viserai celte étude on trois pat'lies. Dans la première
je parlerai de l'émancipation en ell e-même. dans la seconde
de ses efîets. rejetant d,rns une troi'iè.me panie une csqui 'Se
rapide de la ré\'Ocation de l'émancipation.
PREMIÈRE PARTIE
De !'Emancipation en elle-même
CHAPITRE l
Forme• et eoudltlouH de l 'Enutuclpatlou
L'émanci pation est ex pre se ou tacite.
ECTIO~ PRE.ll!ÊR!i:
De l'EmancipaUon expresse
L'émancipalion ex pre.se est cell e qui résulle d'une ùé·
claration faite par le personne auxq uelles la loi accorde le
pouvoi r d'émanciper. La loi donne ce pouvoir d'aborù à
la personne qui a l'exercice de la puissance paternelle,
�96 ensuite.et àdêfaut de celle dernière, au conseil cle fami lle.
Le form es de l'émancipation \'arient suivant que l'on se
trouve ùaos l'un ou l'autre de ces deux cas.
-
g.7 -
tous les actes où elle intervient : Fra ztli 0 11m ia corr 1,m it.
Si donc il esl prou,·éque le père a usé de son droit d'é:an .
ciper l'enfan t dans le seu l Lut cl'empécher les eliets du
jugement qui lui enlevait la garde de ce dernier c'est-àdire pour le so ustraire à l'autorité el aux conseils de i;eu x
à qui il a été confié el pour reprendre sur lui tou le son
inl1uence , les tribunaux pourront prononcer l'annulation
de l'émancipation. On peut obj ecler il est vrai que la puissance paternelle ·ubsiste el que les tribunaux. n'ont pas le
droit d'y Loucher ; mais d'a1:1 tre part il est aujourd'hui
recon nu que l'article 302 qui permel aux tribunaux de
régler souverainement la garde des enfants est applicable
à la séparation de corps. el dès lors on est bien oLliaé
b
d'admettre que la justice a le droit d'assurer l'exécution de
ces décisions .
Mais, je le répète, ce n'est que dans le cas de fraude que
les tribunaux peuvent ainsi gêner l'exercice de la puissa~ce
paternelle. Dans une hypothèse spéciale, la Cour de Rouen,
don t l'arrêt f ul du reste confirmé par la Cour Suprèrne ( 1).
a méconnu cette vérité. Il s'agissait de savoir si le jugement
qui prononce la séparation et ordonne le placement de
fill es mineures dans une maison d'êducaLion jusqu'à leur
mariage ou leur majorité, enlè\'e par là même au père le
droi t de les émanciper ~ L'émancipation sera valable. répondit la Cour, mais elle ne pourra produire que ceux. de
ses eliets légaux qu i ne seront pas contraires à ce qui aélé
ordon né par la justice. el par conséquent les filles, quoiqu 'émancipées,denoot continuer ~\demeurer ùansla maison
1
$ t . - De l' Emanoipatlon con fér ée par la perso nne
qui a l'e11:eroice de la P uissance paternelle
1. - L'article 1.,77 règle ainsi notre hypothèse : Le
mine ur . même non marit! , pourra éll'e émancipé 11ar son
père. ou à défaut de 71ère par sa mère.
Ce texte, on le mit. établ it clairement le principe que
le seul titulaire de la puissance paternell e a seul auss i la
faculté d'y renoncer. Si donc le père el la mère du mi neur
\'i vent encore, le droit cl'émancipern 'ç1pp:irtienl qu'au père,
pu isque c'est lui qui exerce la puissa nce paternelle peoJant
le mariage. Et son droit est souverain ; la mère ne pourrai t
ni conférer l'éman cipation qu' il refuse, ni s'opposer à l'é·
mancipation accordée par lui .
Eo s'attachant strictement à ce principe incontestable
el nécessaire, la doctrine est aujourd'hui arr irêe à repousser universellement celle opinion ùe Delvincourt que le
droit d'émancipation n'appartient plus au père contre qui
la séparation de corps a été obtenue el a qu i la oarùe
de
0
l'enfant a été eole\'ée. En eITet le mariage subsi5te, et peu ·
daot le marilge le père seul a le droit d'exercer ou d'abdi quer la puissance paternelle. Mais il fa ut concilier ces ind0·
niaules '1érités avec cet autre principe quo la fraude vicie
(1) 4 av r il 1865. DALLOZ 1805. 1, :l87
�-
~18
-
d'éllucation. Celle solution e. 1 inadmissible ; elle arri ve en
elîet à créer une émancip:uion rest rein te en dehors des
termes de la loi ; ou plutôt cl ic arri rn à nier l'émancipation même, car, nous Io \'01Ton,, un des principaux e!Tets
de celle dern ière est de donner au mineur Io gouvernement
de sa personne.
Il n'est pas douteux non plus, quoiqu'en pense Delvin·
courL ( 1). que Je père survivan t cl destitué de la tutelle
ou que la mère remariée, à qui le conseil de fami lle relire
sa qualité de tulrice,conser\'Cnl néanmoins le droit d'émanciper leurs enfants car la. destituli on de la tutelle n'entraîne
pas déchéance de la puis :tnce paternelle. Mais. toujours
par suite de l'idée que la fraud e fait exception à Lous les
principes, la Cour de Bordeaux dans un remarq uable arrêt
du 7 janvier 1852 (2) a. déclaré que si l'émancipation n'e t
qu'un moyen frauduleux employé par le survivant pour
rendre n ine la desti tution ou l'excl usion dont il a été l'objet cl ressaisir en fa it l'au torité qu 'il a perdue en droit. le
tribunal pourra alors l'empêcher ou l'annuler.
La mère remariée a+ellc besoin ùe l'autorisation de
son second mari pour émanciper ses enfants du premier lit ?
Oui . a répon<lll le tribunal de Rennes par un jugement
for temen t motiré du 2 1 décembre 18W (3), el celle
sol ution adoptée par üalloz \'ierr t réccmment encore d'è trn
clefendue pJr Laurent.
La femm e mîriée, dit- rn , dan~ ce sysLème. est frappec
d'une inca pacité absolne. qui. à rai:;on de l'obé issa nce
( 1)
0 .EL\"IM:OUllT,
1 p. ;JI t.
ÜAl.IOl 1Pa2, '2, 200.
(:J) DA LLOZ /!(p \'. lltnrmli• nu 7ii.
( t)
-
99 -
qu'elle doiL à son man, s'étend à tous les actes juridi4ues
sauf exception ex presse, exception que l'on chercherait vainement en notre matière. En outre le plus souvent la mère
remariée conserve la tutelle de son enfant et alors son second mari est nécessairement cotuteur ; il es t raisonnable
que la mère ne puisse le dépouiller de ce titre sans son
assentiment ou celui de la justice. qui pourra toujours intervenir en cas d'obstination ne provenant que de son mauvais vouloir.
Le jugement précité a donné lieu en sens cou traire à
une consultation de M. de Vatimesnil qu'il faut lire tout
entière et qui parait avoir convaincu Demolombe. Je me
rallie aussi à ce dernier sentiment. Et en elîet, le père
faisant défaut, le drnit d'émanciper l'enfant appartient à la
mère ; l'article 4 77 est formel. D'autre part aucun texte
ne permet au conjoint de venir gêner en rien cet exercice
de la puissance paternelle à laquelle il ne peut aucunemen t
pré.tendre . Si la femme ne peul en général agir qu 'arnc
l'autorisation de son mari ce n'e.:>l que pour sauvegarder
la dignité du mariage et l'in tërêt soi t matériel soit moral
du mari . Cette autorisation ne sera par conséquent nécessaire que dans les seu ls actes oi1 sa qualité d'épouse étant
engagée peu t en faire rejaillir les conséquences sur son
mari . Or cette qualité d'épouse n·a rien à faire ici , car la
femme agi t en qualité de mère. L'émancipation concerne
un tiers absolu ment étranger à l:i nou,·elle sociélé conj ugale et le second mari n'a. réellement aucun ioterêl qui lui
permette ù'interven 1r.
li est donc certain que pour pouvoir émanciper il fau t
�-
100 -
1>tre io,·c Li de la puissance paternelle. Par con tre dès que
le père ou la mère en ser<. déchu. il se troLll'cra égal ement
décbu ou droit d'émancipation. C'est logique; l'attribul
suit la qualité.
Il n'y a aucune difficulté sur ce point, mai s la qu estion
deYient beaucoup plus délicate lorsqu e celui des parents
qoi est in \'e.sti de la puissance paternelle n'en est pas déchu , mais se trouve da ns l'impossibilité physiqu e ue l'exercer. L'article 477 dit que la mère acq uiert le droit
d'émanciper à d~(aut de père . Que faut-il cnlendre par ces
termes? 10 règlent-ils que le cas où le père est mort ou
déchu de la pui::>ancc p.1lernelle. on bien fa ut-il leur donner un sens large et accorder à la mère le droit de co nférer
l'émancipation si le père est absent ou interdit ? ( 1) Celte
qncstion forL con lrovcrsée a été ré~olu e ùe cin q fa çons
différentes.
Une première opinion, autrefois sou tenu e par Tou lli er
cl Proudhon mais bien auandonn ée au jourd' hui , refu:<c ~t
la mère Je droit d'éma n r~i per l'enfant au dét1 imenl de l'antorilé patern elle, qui après tout n'es t pas étei nte et qu'elle
n'exerce que pa r délégation. Cesystème.on le vo it.ne tien t
aucun compte de l'in térêt de l'enfan t. (2)
D'antres aut~urs distinguen t entre Je cas où l'enfan t a
moins de dix-hui t ans et Je cas où il a atteint cet âge. Dans
le premier. ils refusent à la mère le droi l de l'émanciper,
car, di senl-ils, il ne saurait lui èlre permis de dépo uiller
(t) IJe même le conseil Lie farntll~ pe11l-1I émanc1pu ~i lu m~re survivante ci.l absente ou i n 1~ rll1 tc t
(~) T ot:LLIEll 11 N• 12R7 -
PnououoN 11 p. H~.
-- tût -
de son droit de jouissance légale le père interdit ou absent.
Dans le second il est ju~te, dans l'intérêt de l'enfant, do
pel'mcllrc à la mère de l'émanciper. puisque le dro it
de jouissance du père a d'ailleurs cessé de plein droit.
li f.tut reconnaitre que celle distinction ne repose sur
aucun fonJement sérienx. Les questions d'état, de capacité, d·indépendance sont des questions principales qu 'on
ne peut en rien subordon ner à une question d'intérêt très
accessoire, telle que la perte ou la consen ation de l'usufruit léga l.
Une troisième opinion reconnaît dans tous les cas à la mère
Jedroit d'émanciper l'enfant. Tou tefois si celui-ci a moins de
t 8 an3, l'émancipation ne fera pas cesser la jouissance légale du père , mais produi ra ses .effets à tons autres
égards ( l ). Celte solution, quand même elle ne violerait
pas directemen t l'article 581~ , serait inadmissible, car il
est impossible q1Jo l'émancipation une fois opérée ne produise pas tous ses e!Tets.
Demante et Colmet de San terre (2) admelleot bien que
la mère don t le mari esl absent ou inlerJit pourra toujours émanciper ses enfants. ~lais, disent-ils, pour sauvegarder Je droit du père, i le mineur a moins ùe 1 ans,
l'émancipation devrait être ant orisée par la ju.stic.e ; e~
même, quel que soit l'àge de l'enfant, celte autonsal1on .lui
sera nécessaire si c'est l'intonliction qui emp1ïche le pere
· ·
·, 1Ï.JI e en raison
d'exercer sa puissance. Cette opinion
alJm1:;.
pure a le mal heur de ne s'appuyer sur aucun texte.
( 1) DunA,TOI\ 111. 11· G5S.
. Y
Cours analy11que li p. 31! n· tU bt~ l ·
(t)
�- 102 Enfin un cinquième système enseigné par Demolombe,
Aubry et Rau. Laurent. elc.,Lend à prévaloir aujourd'hui.
Partant de cette idée, sur laquelle je me suis du reste appe·
santi , que la pnissance paternell e a beaucoup moins pour
but l'avantage du père que la protecti on de l'enfant . on
pose d'abord en principe que si lenrs intérêts sont opposés,
rivaux, inconciliables, comme dans le cas qui nous occu pe,
c'est celui de l'enfant qui l'emporte el relui ou père qui
doit êLre sacrifié . On passe ensuite à l'examen des tex tes
où l'on ne Yoit rien qui enlève à. la mère le droit d'éman ci·
per librement son en fant dans le cas dont il s'agit. D'abord
les mots à défaut de père de notre ;1rticle. à. raison même
de leur généralité. peurent parfaitement s'entendre du cas
ou le père es t dans .l'impossibilité physique d'exercer sa
puissance, car sous ce rapport , c'est comme s'il n't:}xistait
pas. L'article 2 du C. de C. vient du reste confirmer celle
interprétation en donnant la définition de cc que la loi
entend par ces expressions. En e!îet, après avoir positivemen t accordé h la mère le droit d'autoriser le mi neur à
faire le commerce en cas de décès , interdicti on ou absence
du père, il ajou te que ce dl'Oit passe au conseil ùe famil le
à défaut du père et de la mère. c'est-à-dire évi demmen t
en cas de décès, absence ou interdiction. Et q ne l'on ne
vienne pas dire que cet article 2 ne prouve rien dans celle
discussion parce qu'il suppose un mineur déjà émancipé
et CJU e par suite, à la ditTèrenoe de notre hypoth èse. l'a utorisati on de faire le commerce donnée par la mère ne
rourra en ri en préjudicier au rèrc. La loi a ici pour but
essentiel de donner à la mère le droit d'autoriser le mi·
-
103 -
neur à. devenir commerçant ; elle lui permet donc implicitement de lui con férer l'émancipation qu i doit nécessairement précéder celte autorisation. Enfin , aux termes de
l'article i !~ 1, la mère remplace le père absent dans l'exer·
cice de la puissance paternelle quan t à. l'éducation et à.
l'administration des biens. Or, bien évid emmen t, on ne
doit pas interpréter étroitement cet article, car la loi en
appelant la mère ~t remplaeer son mari quant aux droits
si précieux d'ad ministration cl J'éducation, l'habilite par
là même à exercer tous les autres droits que comporte la
puissance paternelle.
Ce système ne me sa tisfait pas pleinement. car, si je
vois son uti lité pratiqu e, je ne suis pas absolu ment convaincu de sa vérité juridique . li me paraît bien cerlain
que la perle ou la co nservation de l'usufruit légal du père
ne doit pas entrer en ligne de compte lonqu'il s'agit de
l'éta l el de l'avantage de l'enfant. Mais la puissance paternelle a des atlribuls plus précieux. el je me demand e s'il est
bien jusLe que la mère, don t l'afîection se résout sou vent en
faiblesse, pui sse priver a tout jamais le père des droits de
garde , d'éducation et de correction ? Sans doute. en vertu
de l'article 11., 1, la fe mme exeree ces derniers droits en
tan t que mandataire légale de son mari, mais n'est-il pas
vrai qu'exercer les droi ts de qnelqu'un et pouvoir le:s
ahdi~uer sont deux choses très ùil1éreotes? Enfin, est-il
certain que l'arliclo 2 du C. de C. don ne néces.airement d'une façon implicite a la mère. le droit d'émanciper
l'enfant qu'elle veut autoriser il faire le commerce? Malgré tous ces dontes. je me range à l'opinion cle·Demolombc
�-
f 01, -
-
Laurent par la grande raison quo. suivant l'esprit
général de la loi en notre matière, ell e sauvegarde entièrement l'intérèt d~ l'enfant.
cl
Il - Nous venons de voir quand les parents peuvent
ëmanciper leurs enfan ts. • Celle dmancipatiu11, dit l'article 4ï7 , s'opèrera 1iar la seule ddclaration cfo père ou cle la
mère reçue par le juge de 71aix assiste de son greffier
»
On voit combien ces formes sont simples. Le juge de
paix joue un rôle absolument passif et n'a aucun pouvoir
d'appréciation.
Tou tefois comme l'éman cipation est nn acte solen nel,
tout est ici de droit strict et aucun autre officier public ne
pourrait Yalablement recevoir celte déclaration. On n'admettrait donc plus aujourd'hui comm e autrefo is dans certains pays une émancipation faite par-devant notaire. Mai s
cette déclaration ne peu L-elle être valablement reçue que
par le juge de paix du domicile du mineur, c'es t-à-dire
du dom icile de son père ou de sa mère? Aubry et Rau el
Damolornbe le pensent ainsi et je pal'tage leur avis. Dans
tout le reste de notre chapitre le Code parle év idemmen l
du juge de paix du domicile du mineur et tout porte à
croire que c'est aussi à celui -là qu'il pensait en écrivant
l'article 4ï7 ; il sera du reste raremtnL difficile do satisfaire à celle exigence. Et pu is ce système est Je seul qui
permette aux Liers de se renseigner sur la capacité du mineur puisque l'acte d'émancipation sera nécessairement
porté sur les registres du gre!Te de la ju.3lice de paix. En fin on peut citer à l'appu i cl e celte opinion un décret du
105 -
14 décembre 1870 autorisant la femme non en puissance
de mari à faire sa déclaration d'émancipation devant le
juge de paix de sa résidence. si à cause de la guE:rre. il lui
est im7wssiûle de la faire devant celui de son domicile.
Malgré toutes ces raisons Laurent ne croit pas que les termes de l'article 4 77 soient assez précis pour faire déclarer
nulle l'émancipation faite devant un autre juge de paix et
ad.-nat par conséquent que tout juge de paix est compétent.
Le mot déclaration employé par la loi nous montre que
le père ou la mère exercent souverainement leur droit
d'éman1.; ipation, Aujourd'hui celte dernière n'est plus un
contrat, c'est un acte d'autorité du père. Jamais elle ne
pourrait avoir lieu contre la volonté de celui-ci , comme en
droit romain et dans l'ancien droit; et d'autre part, personne n'au r3i t le cl roit do s'y opposer, ni les créanciers
intéressés à la conservation de l'usnfruit légal. ni le juge
de paix. ni la mère. ni l'enfant lui-même. Ce dernier peut
ptro absent et ignorer l'acte qui l'intéresse à un si haut
point et qui n'en sera pas pour cela moins valable.
Les père el mère peuvent émanciper leur enfant lorsqu'il a quinze ans révolus sa ns distinction de sexe. (47 7)
C'est peut-être un âge bi en tendre pour laisser le mineur
se di riger lui-même; mais le législatem a compté sur l'intelligence el l'amour des paren ts pour apprécier si l'enfant
jouit d'une maturité d'esprit suffisante. D'un autre côté la
loi n'a pas voulu leur donner cc droit sur leur enfant plus
jeune, ùans la crainte qu'ils n'en abusent . pour se soustraire trop tût aux ùevoirs de la puissance paternelle ou
aux charges ùe la tutell e.
�-
106 -
-
§ :?. - De l'Emancipation confér ée par le Conseil de Fa.mille
l. -
D'après l'article !~ 78 la mi11wr resll! sans pèriJ ni
mère pourra être l!mawi71é si le conseil dtJ famille l'en ju.ge
rapable .
Les mols resté sans 71ère 11i mère semblent indiquer,
si on les preod à la lettre, que ce n'est qu'au cas de décès
des parents que le droit d'émancipation passera au consei1
de famill e. Mais tous le3 auteurs s'accordent a reconnaître
qu'une interprétation aussi restrictive fausserait l'esprit de
la loi, qui désire toujours sauvegarder l'intérêt de l'enfant.
Le conseil de fam ille ne se rassemb lan t que sur. une
convoéation expresse, la loi a dû conférer à certaines personnes le soin de provoquer une réunion du conseil pou r
délibérer sur l'opportunité de l'émancipation . Tel es t l'objet
de l'article 479 qui s'ex prime ainsi : « Lorsque le tuteur
n'aura /'ail aucune diliyence 71oiir l'émanr:ipalion du mineur . . , el qu'un ou 7Jlusieurs pare1tls ou alliés de cc minw r,
au degré de cousin germain ou à des degrés 1>las proches ,
lejt1geront capable d'être émancipé, ils pottrront requérir le
j uye de J>ai.i; de couvoquer l~ conseil de famille pour delibéi·er à ce sujet. - Le juge de 71a i.c detira déférer à celle
réquisition. •
C'est au tuleur qn 'apparli ent en premier ord re le droit
de demander l'émancipation t.lu mineur , car il se tronre
é1•idemment a même, mieux qu e personne, d'apprécie1· si
r
107 -
l'enfant mérite une semblablü faveur. Mais la loi de,a1L
prévoir le cas où le lutem ,erai t n ~gligent, ou intéressé it
conserver a charge le plus lon gtemps pos iblo ponr retarder
d'autan t la reddition de son com pte, et donner aux parent ·
et alliés les plus attachés au mineur le ùroit d'agir :1 sa
plat:e.
Lorsque les personnes énumérées par la loi demanùeot
au juge ùe paix de con1·oquer Io conseil de famille, il doit,
anx termes de l'article ,.,79, déférer à celle réquisition.
Mais d'autres parents ou alliés, le subrogé tuteur et surtout le mineur lui-même ( 1) . ne peuYent-ils faire une pareille demande? Celle que Lion a été 1·irement discutée ;
franchement elle n'en Yalait pas la peine, pui·que. comme
on v:l le voir, on arrive pratiquement au même résulLat,
que l'on s'attache al'un ou à l'autre système .
Evidemment les personnes non mentionnées dans l'article 1~79 ne peuvent forcer le juge de paix à réunir le conseil de fam ille ; tout le mon<le le reconnaît. Mais il est
no11 moins évident qu 'elles peu1·ent l'en prier ; rien au
monde ne saurait les en empêcher. ur ce~e pri ère le juge
de paix sera-t-il lib re , suivant qu 'il le ,iugera con~e n abl e, de ne point agir ou ùe réunir le conseil ?
Oui , disent ~Iarcadé . Demolombe et Colmet de Santerre.
To n. il n'e· t pas libre , répondent DelrincourL. Duranlon et Lau1·on t, il ne doit en aucu n cas tenir compte Lie colle
in vitation , car il n'a pas le rll'O it ùc convoqner cl'olTi ce le
conseil de famill e ; el ces au teur. tùchont d'établir cette
(1) r: int éroL ti c ce dern ier 1' prendro uru1. pu~~illc inll i?.~il·cn·~~~ é:~~
dent si ses parrols sont inct11Tor cnts cl part1ru llor cmcnl s 11
· r
enfanl lègi<ime.
�-
-
108 -
dernière proposition. Mais si on leur demande d'être logiques avec eux-mêmes et de déclarer nulle l'émancipation
accordée par le conseil de fam ille convoqué en fait dans de
telles circonstances, ils s'y refusent, ils ne veulen t pas aller
jusque là. Tout le monde est donc d'accord et dès lors il
me paraît oiseux de discuter la question de savoir si ou i
ou non le juge de paix peut en règle générale convoquer
d'office le conseil de famille. Bien plus, les partisans des
deux opinions reconnaissent que dans cc cas les membres
do conseil qui ne se rendraient pas à la convocation du juge
de paix ne sont pas passibles de l'amende de l'article 415.
aucun texte ne leur infligeant positirement celte peine.
La question perd donc jusqu'a l'ombre d'un intérêt.
li. - L'article li-78 nous indique de quelle façon l'émancipation est conférée par le conseil de fami lle : • Elle 1·ésttl·
tera de la delibération qui l'aura attlorisee el de la déclaration
que le juge de paix, comme président dii conseil de famille,
aura {aile dans le même acte que le mineur est émancipé. "
La loi ne di~ pas où doit être convoq ué le conseil de
famille pour '3rocéder à celle délibéralion. Dès lors il faut
dire que c'est au lieu où il doit Stl réunir pendant la tua
telle. Mais qnel est ce li eu? Lauren t sou tient que c'est
celui du domicile du tuteur, d'au tre part, lajnrisprudeoce
décide invariablement que c'est celui du domicile du mineur au moment de l'ouverture de la tu telle ( 1).
( 1) Journal du PalaiJ, Rép. Vo Co11Jeil de (ami/le, n. 104 et l.
109 -
La doctrine est généralement d'accord avec cette jurisprudence, el avec raison, su ivant moi.
La délibération du consei l accordant ou refusant l'émancipation est-ell e souveraine ou au conlraire est-elle susceptible de recours ? Beaucoup d'auteurs, entr'autres Demolombe. admetten t que le conseil de famille tient ici la place
du père et de la mère , que relativement a l'émancipation
il exerce en quelque sorte la puissance paternelle et que
dès lors sa décision doit être soustraite au contrôle des tribunaux.. La Cour de Toulouse par un arrêt du 24 févri er
'18 54 ( 1) el Laurent admettent au c.:>ntraire la possibilité
du recours p1r la raison qu'il n'y a pas analogie entre le
père et le conseil de famille. La simple lecture des articles
IJ.77 el 478 montre combien plus grande est la confiance
que la loi accorde au premier. J'admets volontiers cette
dernière opinion. mais je vais moios loin que Laurent et
je crois qu'ilfaut limiter celte solution au cas où la délibération du conseil n'a pas été unanime. (885 C. de Pr.)
Quand l'émancipation est conférée par le conseil de fa.
mille elle ne peut avoir lieu qn 'à dix-hui t ans. • 11 était à
craindre , dit Berlier au Corps lègislalif, (2). qu'un simple
tuteur. pour se d~charger de la tutelle. ne supposât à son
pupille une capacité précoce. qu'il ne le persuadât au
conseil. et que l'émancipation ne devint ainsi un funeste
abandon. •
(1) DALLOZ 185), 2, i 39.
('i) LOCRt VII, p. 'H'i.
�-
110 -
APPENDICE
DES ENFANTS NATURELS
On doit les ranger en trois classes :
1° En(a11 ts naturels légale11te11t reconnus. - Ils peuvent
êtreémancipés par celui de leurs auteurs qui les a reco nnus
et se trouvent régis par les mêmes règles que l&s enfa nts
légitimes. En elTet les parents naturels on t la puissance pater·
nelle sur leurs enfants reconnus (585) et par conséquent le
droit de leur conférer l'émancipation même dès l'âge de
quinze ans. Lorsq ue les père el mère de l'enfan t naturel
reconnu sont décédés, le soin ùe l'émancipation revient a
un conseil de fam ille composé d'amis el des personnes notables du lieu où le mineur a son domici le. Dans ce cas l'enfant doit avoir atteint l'âge de dix-huit ans.
2° Enfants naturels simples non rerorm11s, ott en fants
adultérins et in,-estueux. -- La loi n'établissant aucun rap-
port de puissance entre ces enfants et leurs parents, l'émancipation ne poura jamais leur êtr·e conférée que par un
conseil de famille comp0sé ainsi que je viens de le dire. el
par suite seu lemen t à l'âge de di x-huit ans.
-11 1 -
5° Enfants admis dans les hospices . - Ils sonl régis par
la loi spéciale ÙIJ 15 pluviôse an X III (!~· 1 4février1805)
dont l'article 3 indique l'émancipation comme on mode
d'ex tinction de la tutell e ue ces enfants. Aux termes de
l'article 4 les commissions administratives des hospices jouis·
sent, relativement à l'émancipation des mineurs qui sont
sous leur tutelle, des droits attribués aux père et mère par
le Code civil. Il résulle de ce tex te que J'onfant pourra être
émancipé dès l'âge de quinze ans. L'article 4 ajoute:
• L'é11ianc1)ntion sera faite siw l'avis des membres cle la
commission aclministratiue 11ar celui d'entre eiix qui aura été
désigné tuteur el qui swl sera te1w de com7Jamitre à cet effet
clcvant le j 11ge de 11aix . n
SECTION
II
D e l'Emanoipation tacite
On a vu que dans notre ancien droit coutumi er le mariage de l'enfant était une cause d'extinction des puissances
paternell e et tutélaire. L'article 476 reproduit celte vieille
rèale en décidan t que le mi11wr est émancipe de plein droit
o
r .
11ar le 111ariage. Ce principe e t rationnel et con orme a nos
mœurs. Comprendrait-o n que le mari qui va jevenir chef
ùe fami ll e voie tous ses actes con trôlés par son père ou son
tuteur sans jouir de la moin dre indép1m ùa n ee~ Quanl à la
�-
11 2 -
femme. i le mariage ne l'émancipait pas, elle se trouverait
soumise à <leux puissances dont l'existence simultanée serai t
presque toujours une cause de tiraillem ents et de troubles
dans le ménage, eL qui en tous cas affaiblirait singuli èrement l'autorité du mari.
Aux yeux du législateur . l'émnncipation est si nécessairement un effet du mariage, que d'abor<l aucune déclaration contraire ne pourrait l'em pêcher de se produire, et
qu'ensuite il fait fléchir les règles que j'ai indiquées dans
la section précédente devant les règles du mariage Lou tes les
fois qu'elles sonl incompatibles. C'es t ainsi que l'enfanL.
pouvant se marier avant quinze ou dix-huit ans avec dispense
et autorisation soit de ses parents soit du conseil de ramille. sera par là même émancipé quel que soit son â.ge.
Ainsi encore les ascendants autres que les père et mère,
n'ayant pas la puissance paternelle, ne pourraient jamais
émancipe!' directement leur <lescendant ; ils arri vent cependant d'un e façon indi1·ecte à ce résultat en consentant à
son mariage et en faisant pa1· suiLe ces$er un pouvoi r. la
tutelle, qui ne leur appartient peut-être pas.
Le mariage émancipe donc ; mais il est évident qu'il ne
pro<luira cet e!Tet qu'aulanl qu'il es t valable , et le mineur
dont le mariage a été annulé reste un mineur ordinaire
étant considéré comme n'ayan t jamais été marié. Néanmoins en cas de mariage putatif il faudrai t admettre la
validité de l'émancipation de l'époux de bonne foi.
Le mariage est le seul mode d'émancipation tacite reeon-
-
115 -
nu par le Code. ( 1) On n'admet plus aujourd'hui , comme
on le faisait clans l'ancien droit el suivant les distinctions
que j'ai établ ies l'émancipation résu lLaoL de la promotion
à Gel'taines digni tés, Je l'habitation séparée ou du fait
par le mineur d'avoir atteint un cel'laio âge. Spécialement
et à propos de cette dernière cause, les articles 2 et 5 du
projet présenté au Conseil d'Etat distinguaient entre le
mineur de dix-huit ans et celui qui avait atteint cet âge.
et il fut question de donner à. ce derni er une demi-capacité
pour l'habituer peu à peu à la gestion de ses affaires.
Si le consul Cambacérès n'avait pas fai t écarter ce système
(2) le mineur de vingt et un ans, resté jusque là entièrement
étranger à la gestion de ses affaires, n'eût pas passé subitement d'une incapacité absolue à. une capacité complète,
ce qui peul amener des résultats fâcheux .
Quoi qu'il en soit la loi est telle et si elle contient une
lacune regrettable, félicitons-nous que l'institution de l'émancipation permette de la combler. Cette dernière constitue ainsi, comme le disait Bel'liP.r au Corps législatif, une
sorte de stage pour arriver à la capacité complète.
(t) Un arrêl de la Co ur de Parilt du '! I Mars. 1816 a_vai~ cependant
<J êcidé qu·uno coméd ien ne de profession tllait émanc1pé.e par la 101.
Cette décision bizarre ne s'appuyan t :.ur ~uc u n teite ni sur aucun
argument d'analogie ne pouvait qu e ro)ler isolée.
(t) Loc111i VII , p. 147.
�-
111. -
CHAPITRE SECOND
DEUXIEME PARTIE
f::a1•actè1•t>s d e l 'Emauclpntlou
Effets de l'Emancipation
L'émancipation tient à l'étal el à la capacité des personnes, puisqu'elle met fin à la puissance paternelle et à la
tutelle. Il en résulte qu'elle est d'ordre puulic. li y a d'autres raisons de lui reconnaitre ce caractère: d'une part elle
ressemble à la majorité don t elle n'est qu'un diminutif;
d'autre part la loi a en tourél'émancipé de mesures de précaution. car il reste mineur, il re te incapable. Or. el la
majorité, et la protectio11 <les incapables so nt d'ordre
public.
Il s'ensuit que, par application de l'article ô du Code
civil interdisant tou te dérogatio n aux lois qui intéressen t
l'ordre public, les parents ou le conseil de famill e ne peu vent modifier en rien les elTels attachés par la loi à l'émancipation soit en les restreignant soit en les étendant.
L'émancipati on ne pourrai t pas être accordée a terme
ou sa ns condi tion. car ce5 modalitcs ne son t pas compatible avec la puissance paternell e et la tutelle. el elles an raie11 Ld'ailleurs l'inconvénient d'indui re le tiers en erreur
sur la capacité de l'ërnancipé. ( J)
Les eITets de l'émancipation sont relatifs et à la personne
du mineur. en ce qu'elle met fin à la puissance paternelle
ou tutélaire. el à ses biens, en ce qu'elle lui donne dans
une certaine mesure le droit d'administrer sa fortune.
CHAPITRE PREMIER
Elfets 1•elaHfs i• la Jtl"l'souue cle l ' Emanclpé
Puisque le mineur par !\~mancipation se trouve alîranchi soit de la puissance paternelle (art. 572) soit de la
tu tell& (art. 590, k05) il cesse par fa même d'être soumis
�-
116 -
an droit de garde ( 1} et de correction, (arl. 37 4 el s. 450
468). Il peut choisid1 son gré un domicile propre (art.
108), louer ses services ou son industrie, prendre une
proression quelconque. excepté, comme nous le verrons,
celle de commerçant ; en un mot se gouverner comme bon
lui semble. (2)
Il est certains droits que la loi conser ve aux parents sur
la personne de leurs enfants de1·enus majeurs. A plus
for te raison c!uiren t-il s continuer ~1 leur appartenir sur
leurs enfan ts simplement émancipés. Ainsi l'enfant ne peut
se marier à aucun àge, sans a 1•oir obten u le consentement
on au rnoin demandé le conseil de ses père et mère. Le
mineur émancipé sera é1•it.lemment soumis à la même
obliga tion et même il de\Ta touj ours ol.Jtcnir le cunsenternent soit de ses paren ts soit du conseil de famill e, dans les
cas où, majeur ù~ vi ngt et un ans, il aurait pu s'en passe!'.
(arl. 148 à 153). La même autor isation sera nécessaire a
l'ëmancipé qui veut entrer da:is les ordres sac1·és ou la vie
religieuse, suivan t les distinctions établies par les décrets
du 28 février 1801., article !~ et dil 18 fév rier 1809
article ï .
Enfin le mineur émancipé peul-il sans le consentement
de ses parents prendre du service dans l'armée cle terre
J' (1) Il parall cepeudon l que l1•s pa r ents sont re~ponsablcs su i\'ant
article 1 ~84 du domma ge causé par leu r enfant émancipé ca r ils so nt
en fo u te d n''Oi r donné sa liberté à un en fo nt peu rni,on~ab'le .'
(t ). Lr. projet ~I o loi sur la /1berlt dts (11n erailles nctuellc111cnt présenté
au\ 1..l~nmbr~s d1 pose dans son ar h cll' 3 q ue: 10111 mo;eur ou min eu,.
emanc1pe en c/al de l es/~ 1· peul rrgler les conditions de s•s (uneraille s
nolf1mmei11.en. ~e 9111 co11c~rne le ca1·aclc1·e c1v1/ uu rclig1eu.t <l leui· donnc1·.
G ~ tte as• 11 ni l ,1uo n de 1 ém<111c1p(: au 111 - j ~u r t s l une dér o •aliun 01,
d.ro it r omm un .. car en génél'al l'éma ncipalinn n'ajoute r ien };la ca ac1té teslamenla1 re du m1neu 1'. ( V. l~s nrticlcs d c M ~I \ ' i LL ' OlJ
,P
Jour nal La Loi : 20 mai, Jet 8 Juin 188:1.)
'' .
E\
EANl nOT.
-
H7 -
ou de mer avant l'âge requis par les règlements militaires ?
(Art. 52, loi de 1832 ; art. 46, 6°. loi du 27 Juillet 72 ·
'
décret du fO Août 1868 .)
Je crois, avec la plupart <les auteurs, qu'il faut résoudre
la qnestion affirmativement par la raison que l'émancipation
permettant au mineur de quiller la maison paternelle et
de se choisir un état, le soustrait à la garde el à la direction de ses parents. Une autre considération non ·moins
puissante est la faveur avec laquelle la loi regarde l'engagement militaire: cette faveur est telle que le fils âgé de vingt
ans,, c'est-à-dire avant sa majorité. peut s'engager librement et sans aut orisa tion. Enfin si les lois de 1832 et 1872
demandent l'autorisation des parents pour tout mineur de
vingt ans sans distinction, c'est qu'elle se rapporteau quod
plenmique fi-l. Ces textes ne visent que le cas d'un mineur
non éman cipé ; ils exigent en elTet le co nsentement des
père, mère oti tuteur. Or le mineur émancipé n'e3t plus
en tutelle. Donc celle disposition ne s'applique pas à lui.
�-
tt 8 -
CHAPITRE SECOND
EITcts relaHfs
RU'\:
hlcns de l 'Enaauclpé
L'émancipation a pour résultat de faire cesser l'ad ministration du père ou du tuteur ( 1), et aussi l'usufruit
paternel (art. 584). ce qui est juste, car, du jour où il est
émancipé, nait souven t pour le mineur l'obligation de suL·
reoir seul à son existence; du reste la .cool inuation de cet.
usufruit amènerai t dans la ges tion des biens des difficultés inextricables à cause de la nouvelle capacité acquise par
l'enfant. Celui-ci esl donc mis en possession de sa fortune .
mais il n'en a pas pour cela la libre disposition. Sans doute'
on lui a reconnu une intelli gence el un e raison précoces,
et à ce titre il mérite de jouir de pins d'indépendance que
l e~ autres adolescent' de son àge. Toutefois il est toujours
rnineur ; par conséquent il n'a que peu d'ex périence de la
\'Îe ~t peul facilement tomber en tre les mains d'hommes qui
seraien t capables d'exploiter à leu r profil son ignorance
-
119 -
des affaires, la fougue de ses passions, la générosi tè de
son cœu r. La loi a prévu ces dangers et n'a voulu lui permelLre les di vers actes de la vie civile qu'en graduant ses
précauLioos suivanl l'imporlance:: de chacun d'eux.
Avanl tout elle n'a pas voulu le laisser isolé dans le
monde et a placé à côté de lui un curatwr qui le conseillera
toujours, elle l'espère, et qui interviendra dans les actes
les plus graves, elle l'ordonne. Dans certains cas elle juge
même cette assistance du curateu.r insuffisante à protéger
!'émanci pé, et. comme nous le verrons, elle exige alors
l'iolerveolion d'un conseil de fa.mille, composé commt\ s'il
s'aoissait d'un mineur en tutelle. Elle demande même quel·
quefois une garanlie de plus et veut que les décisions de
ce conseil soienl homologuées par le tribunal.
Je n'ai rien à dire ici du conseil de famille el du tribunal
je dois au contraire faire connaitre en quoi consiste la curatelle qui est une institution spéciale à la matière que je
traite.
~
Du CuTateur de l'Emanclpé
La curatelle est la su ite néce)saire et comme le complé·
ment de l'émanr.ipation.
I. -
Voyons donc quels so nt les caractères de cette
charge.
D'abord , il y a une grande différence entre \'autorité du
curateur et celle uu père ou du tuteur. Le mineur soumis
�-
120 -
-
à la puissance paternelle ou tutélaire est absolument incapable; ce n'est pas lui qui exerce ses droits, c'est son père
ou son tuteu r qui le représente ou agit à sa place. Le
mineur émancipé, au conrraire, agit en personne : son
curateur ne le remplace pas, il ne fait que l'assister. On
peut dire de ce curateur ce qu'on disait à Rome du tuteur:
ancloritalem prœstal , il complète la capacité juridique de l'~mancipé.
Puisque le curateur !)'administre pas, il n'a pas besoin
d'être surreillé et il n'y a point de subrogé curateur. En
ou tre il n'es t pas s1rnmis à l'c•bligation de rendre comp te.
et parsui te lesarticles472, 4.7:> , 907 et 2 12 1 ne sauraient ici rece,·oir leur applica tion. Tou tefois il faut bien
remarquer que, quoique ne de;1ant pas administrer, s'il
administre en fait , il dcYra compte de cC'tte gestion comme
tout au tre individu dans l'hypothèse d'un mandat ou d'une
gestion d'affaire.
Mais daos la limite de ses allribntions le curateur est-U
responsable? Toullier dit que le Code n'a pron oncé aucune
respon abilité contre lui . Celle solution est uni versellement repoussée. Il est évident d'abord qu e si le curateur
commet un dol. il en répond comme tou t le monde. Mais
même en dehors de ce cas on ne peut admettre que celui
à qui la loi confie la mi sion <le protéger le min eur peu t
impunément se soustraire à ce devoir ou le mal remplir,
car alors l'institution de 'la curatelle devient inutile. Le
curaleur est donc responsable ùc ses fa utes et, quoiqu'il y
ait quelques doules à ce sujet dans la doctrine, il me parait bien simple de déterminer celte rcspon abilité. JI n'y a
121 -
qu'à se demander avec Delvincon1 t, Demante et Laurent,
cc que c'est en somme qu'un curateur? C'est un mandataire lègal. à n'en pas douter. Traitons-le donc comme un
mandataire et appliquons-lu i l'article 1992 qui impose
à ce dernier la responsabilité générale de l'article 11 57
c'est-à-dire celle de la faute légère, sauf à la modérer
parce qnc le mandat du curateur e t gratuit.
Un second cJractère de la wratelle est d'être une
charge générale et permanente. Le cu1·ateur n'est point
don né à l'enfant puur !"assister dans telle ou telle affaire
déterminée, mais bien pour compléter sa capacité dans
toutes ses a!îaires importan tes; el i1 doit rester en fonction
pendan t tou te la durée de la curatelle, c'es t-à-di re jusqu'à
la majorité ou la mort de !'émancipé. Ce principe cependant souffre forcément plusieurs dérogations et il est souven t nécessai re de nom mer un curateur qu i ne devra
assister le mineur que dans une affaire spécial e. Alors, à
moin s d'un e disposition expr&sse de la loi, ce curateur
cul hoc sera nommé par le conseil de fam ille. li faudra
notamment nommer un curateur acl hoc :
1• Lorsqu e le conseil de fam ille aura déféré la curatelle
au tuteur sortant de charge. ce qui est é\·idemment permis.
Ce dernier <loit en e!Tet avant tout rend re compte, et il est
impossible qn'il se le rende à lui-même.
\
2° Lorsque dans une circonstance particu lière le cu1 ateur se trouve a\'oir un intérêt opposé à celui de !'émancipé.
5° Lorsque dans une même affaire plusieu rs émanci -
�-
122 -
pes placés ·ous la curatelle ll'une même perso nne ont ùes
in térêts contraires.
4° Enfin , lor·que le mari majeur d'une femme mineure
contre laquelle se poursuit l'oxproprialion forcée rel'use de
l'assister (art. 2208) ( 1) ; mais ici. par exception à ce
qu e j'ai dit. le curaleur sera nommé rion par le conseil
ùe fa mill e mais par le tribunal.
Faut-il ùonner pour troisirme caraclèl'e à la curatelle
d'être une charge obligatoire comm e la tutelle? Aucun
texte ne le dit positivement et l'article 1570, qui don ne
une énumération des fonctions qui ne peuvent être refusées, ne parle pas ùe la curatelle; on ne peut en effet ranger le curateur au nombre des administrateurs autres qu e
le tuteur, puisqu'il n'administre pas . Mais d'a utre part la
curatelle réronù au même but que la tutelle, dont elle est
un diminutif.Toules deux on t pour but de protéger les
incapables, de sauvegarder l'ordre social. Et puis si l'on
refuse à la curatelle un caractère obligatoire, on arrive à
ce résultat qne le mineur émancipé pourrait se trouver
sans curateur .
Le Code est également muet sur le' causes d'incap1cite ,
d'exclusion, de destitution et d'excuse du curateur : fautil les régir d'après les règles Je la tutelle? Quant aux incapacités et aux exclusions, le bon ens impose une
réponse affirmati ve. Du reste, les arti cles 54 § 4 et 4..2
§ 6 du Code Pénal ne peuvent laisse1· aucun doute à cet
égard . En Cd qu i concerne les ca use$ d'excuse. plusieurs
(1) La loi d it Julew', c'est él'itlemmcn l ctwa/cur <[u'clle veul ù ir ~.
puisque lu fem me mariée csl nécessairement émancipée.
-
123 -
auteurs, parmi lesquels on peut citer Marcadé elZacharire,
laissent un pouvoir d'appréciation au conseil apfamille. en
se fondant sur celle idée fJ Ue les fo nctions de curateur
sont bien moins di fficiles et bien moins onéreuses que celles
de tnteur , qu e dès :lors il u'y a plus a raisonner pa r analogie et qu'enfin on ne peut plus invoquer ici les articles
54 et 42 du Code Pénal. Malgré la val eur de ces considérati ons, je crois que le curateur a le droit d'in voquer les
causes d'excuses qui son t établies pour le tuteur . li y aurait de l'arbitraire à laisser le conseil de famille sent juge
en cett e matière et de l'incooséquence à rejeter les règles
de la tutelle sur les excuses, :iprès les avoi r adoptées
quand il s'agissait d'incapacité ou d'exclusion.
II. - Le Code ne parle de la nomination du curateur
qu'un e seule fois et encore incidemment, à propos de la
reddition du compte de tutelle • Le com7Jle de t11te/le, dit
l'article /f80, sera 1·enclu att mineur éma ncipé as~islè tt'tm
curatcm· qui lui S<'ra no mmé par le conseil de famille . •
Cc laconisme regrettable a don né lieu à de Yives controverses. Il est clair que la curatell e établie par cet article
pou r le cas spécial qu 'i1 règle e t une curatelle dalirn : rr.ais
ce texte exclnt-il une curatelle légale el nne curatelle testamenta ire. et ven t-il dire que le con eil de famille eul a le
droit ile nommer un curateur h !'émancipé?
Avant d'entrer dans l'examer1 de cette que Lion délicate
écartons du débat deux. hypothèses:
t 0 L'article 5 tic la loi du 1fj plu viôse an X.Il[ don t j'ai
deja parl1I établit que les enfon ts tronvés ou abandonnés
placés dans les hospices ont ùo plein droit pour curateur
�-
H'i- --
le receveur de l'hospice lorsqu'ils sont émancipés. Nous
ayons là incontestablement un cas de cu ratelle légale.
20 On admet généralement que Io mari majeur est Je
droit curateur de sa remme mineure ( l). La jurisprudence
est unanime en ce sens. Un jugement du tribu nal de la
Sei ne du 5 décembre 1855 (2) a annulé une décision du
conseil de famille qui nommait à la femme mineure un
curateur autre que son mari, et un arrêt de la Cour d'Aix.
décidait le 28 avril 18ii (3) qu e la femme mariée mineure ne peut Loucher un capital mobilier qu'avec l'assistance (et non l'au torisation) de son mari comme curateur ,
et que l'autorisation de justice ne peut y suppléer (4).
(1) El alors s' il s"agit d"ncles qu"un émanci pé ne puisse raire avec la
seule assistance de son curateur. comme la fe mme autorisée n'en reste
pas moins mineure, il raudro l'autorisation du co nsei l de famille el su ivant les cas l'bomologaL1on du tribunal. Si ou contraire il s·agiLd'actes
pour le quels Cèlte assistance su ffi l, J' intenenlion du mari elJace ra 111
double iuca pac1tu attachée au~ qualités de femme ~ t de mineure. Jo
remarque du reste que les ac tes de celte dernière catégorie néccssileraieot tous l'aulorisalion d u niari s u cas où la femme serait maieure.
On ne trou\'e qu' un cas où l'assistance du mari en tant que curateur
c~t ex igée, tdod is qu'il ne se1ait pas 11éces·a1re qu"il inte rvienne pou1·
donner on aulori>alion mnritale. Il l'a ul su pposer qu'il s'agi L de la réception d'un capital mobi lier par une rcmme ~épa rée de biens.
Le mari mineur d'une femme majeu re ne peut, au x termes de l'a rticle
!H l'autoriser, el la remme dev ra s'ndres;er à la justice. Cependan t,
de l'aveu de tou· le., au teurs, le législatrur en écrivant cet article a simplement voulu é·1iter qu·u11 incapable rùl cha rgé de relever de son
incapacité un aulrn incapable. l i l>'ensuit que le mari donnera valablement son autonsalion relati vement a ux affaires qu'à rnison de son
émancipation il pourrnil traiter lu i-mèmc CL tout seul. En fait celte
observatiou manque d'utili té car b cupacité de !'émancipé est eu
général restreinte au'\ actes d'administration, cl d'au tre part la fem me
qui jouil de l'administration de ses bien,, n'a besoi n d'a ucune outori ·
atio~ . ~ependan t ta fe mme ne peut jamais ester en justice so n~
auto:1.set1on (21 :>) tandis que son mari pourra it intenter seul une action
mob1hère. Il pou rra none l'autorise r à intenter une telle action.
Que si Io n1a ri cl la frmme ;,ont tous les deu'< mineurs le mari ne
pourra habiliter sa femme ni comme c urateur, ni , pour ics actes qui
dépassent la pure administration comme mari . Cell e- ci devra donc en
~ut au.lre ras être. assistée de 'son curateu r, pour la relever de son
incapacité c~ mme m1neurP. et autorisée de Justice, pour la rtilcver <le
son inca pa cité comme femme.
(2) DALLOZ, 185:J, 5, ~9.J.
(3) Bulletin 7udiciaira d' JI i.e l 877 p. :163.
( i) V· aussi arrêt Cas . ~ fev. 1868. DA~LOZ 18 ~8, t , :193.
-
l ~J
-
La doc~rine est en génél'al d'accord avec celle jurispru·
dence. Il est en elfet convenable que la femme ne relère
que ùe son mari.et l'article 506, en déclaran t que le mari
est de plein droit tu teur de sa femme inl erdite , fournit ici
un puissant argument d'analogie. On ajoute généra lement
une troisième raison qui peut se résum er ainsi : l'article
2208 relatif à \'expropriation forcée dit qu'en cas de minorité de la femme, si son mari majeu r refuse ùe procéder
avec elle, il es t nommé par le tribunal un curateur à la
femme poursuivie. Si donc le mari ''eo t bien assister sa
femme il est curateur légal. En elTel à quel autre titre la loi
le ferait-elle intervenir ici ? Ce ne serait pas comme mari
autorisant sa femme, car en cette qualité il n'a pas à procéder avec elle. Cel argument très spécieux n'est pas décisif. On peut très bien soutenir que l'article 2208 dispose
à propos d'une matière spéciale et dès lors argumenter a
coulrario aussi bien qu'a simili.
En tous cas il faudra it se garder de décider que la femme
majeure est légalemen t investie de la curatelle de son mari
mineur. Cette solution ne se trouve en effet commandée par
aucun texte ni aucune raison de convenance. Il faudrait
même refuser au conseil de fam ille le droit d'appeler la
fem me à la curatelle. On peu t en effet, ùans le silence du
Code, invoquer par analogie !'article v.2 qui pose en principe l'inaptitude de la remme à la tutelle et n'y fa it exception
que pour les ascendan tes. Quant 3 l'article 507 , il ne con titue qu 'une exception fai te pour une situation toute spéciale
et qu'on ne peut étend re à notre hypothè e.
Les deux cas de curatelle légale que nous venons de
voit· étant mis de côté y a-t-il une curatelle légitime?
�-
-
126 -
Delvincourt se prononce pour l'affirmali ve saus clistincLion , eL renvoie simplement aux règles de la tutelle. En
elfel. dit-il. le Code est muel. L'article 4 80, il est vrai,
parle de la nomination d'un curateur par le conseil de famille, mais le curateur .ainsi nommé esL spécial à la réception du compte tle tutelle, qui doit le pin s souvent être
rendu par celui qui sera curateur .
Toullier donne dG plein droit la curatelle au père et à la
mère. c'est-à-dire à ceux-là seulement qui on t le droit
d'émanciper l'enfant, tandis que Zacharire ne ,reconnaît une
curatelle légale qu'au profit du père seul.
Marcadé propose la di tioction suivante : si le mineur
a été émancipé pendant le mariage. le père ou la mère aura
la curatelle légitime. Au contraire s'il n'est émancipé
qu'après la mort de l'un ou de l'antre de ses auteurs, le
survivaut n'est plus curateur légitime, car il était tuteur
par avance, et il doit en cette qualité rendre son compte de
tutelle; dans ce cas l'article l.i-80, qui reconnaît au conseil
de famille le droit de nommer un curateur toutes les rois
qu'i l s'agit de la reddition de cc compte, est manifestement
applicable. et la curatelle est dati,•e. Ce système n'est pas
plus acceptable que les précédents. car il n'est pas logique
de reruser la curatelle légitime au survivant des époux et
de l'accorder au père pendant le mariage,car dans les deux
cas \'émancip:it1on procède de la puissance paternelle. Et
celte objection, qll & dans l'hypothèse d'une émancipation
postérieure à. la dissolution du mariage l'émancipateur a
des comptes de tutelle à rendre, perd toute sa valeur. si
l'on considère que le père. en émancipant son enfant pendant
127 -
le mariage. est aussi tenu de lui rendre ses comptes d'administration légale (al'l. 389); de tell e façon qne le conseil
de fami lle doit encore nommer un curateur ml hoc.
Enfin une dernière opinion, qui prévaut aujourd'hui,
est cnseign.ée par les meilleurs auteurs notamment Demolombe et Laurent. Elle consiste à dire qu'il n'y a jamais
de curatelle légitime et que le père lui-même ne sera jamais
curateur. que si le conseil de famille l'investit de celle
fonc tion. En elTCJt dans une matièl'e d'ordre public 1out doit
reposel' sur la loi. Or on ne trouve dans Je Code aucune
disposition qui allribue aux père et mère la curatelle de
!'émancipé, tandis qu'un tex le formel' l'articlP, 81~0. dit que
le curateur sera nommé par le conseil de famille. Puisqu'il
y a un texte, on ne peut se pr•~valoir du silen ce de la loi
pour se reporter aux 1·ègles de la tul elle. Et qu'on ne dise
pas que l'article 480 n'a vou lu s'occuper que de la nomi nation d'nn curateur ad hoc. car l'historique de sa rédaction
prouve Je contraire. D'après l'article 84 du projet le tuteur
sortant de charge devenait de plein droit curateur du mi neur émancipé. C'était là. en elfeL. l'établis5emeot de la
curatelle légitime ; mais c13lle disposition a été retranchée
et on l'a remplacée par le termes ùe notre article, les rédacteu1·s ayant formellemen t déclaré que ce changement
dissiperait jusqu'au plus léger cl oute t t ). Ce système me
parait donc être celui de la loi. Est-il critiquable en rai -on
pure? Peut-être, mais en fait il arri\'era presque toujours
que le résultat sera le même quo 'il y aYa it curatelle
léga le.
( 1)
LOC A~
\'11, p. 1it6 et H7.
�-
128 -
S'il n'y a pas de curatelle légitime, à plus forte raison,
doit-on . reroser au ùernier mourant des père et mère le droit
dtl nommer un curateur par testamen t à so n fll s émancipé.
S'il peut ainsi nommer un tuteur à son enfant mineur , ce
n'est que lo1·sqn'il exerce la tutelle légale ; il délègue alors
à un ami les droits qu'il tient de la loi. En serait-il de
même s'il ùésignait un curateur à. son fil s émancipé? Evidemment non, car à. supposer que le père soit curateur
lui-même, il a reçu cette mission du conseil de famille et
ne l'exerce que comme mandataire ùc ce conseil ; il ne
peut donc la déléguer â un autre.
La nomination du curateur oxige donc la réunion du
conseil de famill e. La loi n'ayant imposé à personn e le devoir de le con voquer à cet eITet, il faut décider par id entité
de molifs que le droit de ré4uisition appartient à. tous ceux
qui pourraient provoquer la nomination d'un tuteur (art.
Wû) c'est-a-dire aux parents, aux créanciers du mineur,
à toutes autres personnes intéressées et par conséqu ent au
min eur lui-même. et enfin au juge de paix.
Resle une dernière question à examin er. Quel sera le
juge de paix compétent et par suite quel sera le siège du
conseil de fami lle appelé, non seulement à nommer le cu rateur, mais encore à autoriser certains actes pend ant la durée de la cnratclle?
J'ai dit, lorsqu'il s'agissait de déterminer la compétence
du juge de paix à l'eITet de conférer l'émancipation, que,
suivant moi, elle était déterminée par le lieu de l'ouver ture
de la tutelle ou dn domicile du parent émancipateur . Mais
ici les circonstances oot changé. Du moment où il est
-
129 -
émancipé, le mineur a la liberté de se choisir un domicile
dès avant la nomination de son curateur et alors je dis
avec
Lauren t : " Puisqu e la loi e:st muette·, n'est·t·1 pas JU.
. .
rid1q ue de s'en teni1· au principe géneral d'après lequel tous
les actes ex traj udiciaires se fon t au domicil e de la personne
qu' ils concernent ?• Celte soluti on est cependan t repoussée
par la jurisprudence (1) qni recunnaît avec Demolombe
la compétence du juge de pai:t du lieu de l'ouverture de la
tutelle ou du domicile du père.
SECTIOX
I
De la Capacité du Mineur Emancipé ordinaire
!.'émancipé est loin d'avoir la même capacité que le
majeur . Tout ce qu'on peut dire c'est qu'i l est capable de
fa ire un grand nombre d'actes interdits au mineur ordinaire . De là ressort la division naturelle du suj et en actes
auxquels !'émancipé peut procéder en vertu de l'émancipation et en actes pour lesquels il n'a acquis aucune capacité
nouvelle.
( 1) Cour <le Cass. t8 \~l. DALLu7. l 850, 1, 77.
�-
l 50 -
- 1 3t Article J. -- Acles aux quels t' E m1111cipli 71e1tl proctlde1·
e11 vertu de l'E111a11ci11ation.
~ J. -
Actes que !'Éma n cipé peut taire seul
Le principe est posé ùans l'ar liele 48 1 : Le mineur
tJmaneip~ pa,~sem
les baux dont la du /'IJe 11'exrèdera pas
neufm1s; ilreccvm srs revenus, e11 clo1111era décharge el
fera tous les actes r1u i ne sont qw: di: p11r~ administration,
sans être restituable contre ces actes, dans les cas où 1111
111aje11r 11e le serait pas lui-même.
On le voit , ces mols : Le mineur fera tous les actes qui
11 e so11l qiw de 1111re rulm i11i3tration contiennent la règle ;
les au tres propositions de l'article n'en sont que les conséquences.
C'est à dessein que la loi se serl de ces expressions actes
de7wre admi11istration. Elle entend par là indiquer que sa
capacité est inférieure d'u ne part à celle du lul eu r. à qui
l'ar ticle 450 donne le pouvoir d'aùministrer les bi ens du
mineur e11 bon père de famille. el ù'aulre par t à. celle de
la femme mariée séparée de biens. à qui les articles 155 6
et 1Mi.9 reconnaissent le droil d'eu tière, de libre admi11istralio11. Il fa ul donc interpréter restricti vemen t l'arlicle
48 1 et refuser au mineur émancipé le .<Jroil de faire tout
acle qni ne réuni rait pas les caractères d'un ac te <li pure
administration. c'est-à-dire, suivant Demolombe. • concerna~t l'administra tion. la jouissance et l'entretien du patrimoine. la tenue de la personne et de la maison, l'exercice
d'un travail et d'une industrie quelconque .•
Voici les principaux de ces actes :
D'a bord !'émancipé ponrra donner ses biens à bail pour
neuf ans el au-d essous. De plus. il résulte certainement
de l'article 17 18. qui ne fait pas de distinction entre les
min eurs . qu'il ne pourra renouveler un bail que deux ou
trois ans avan t son expiration. suivant qu'il s'agira d'un
bail à loyer ou d'un bail à ferme. Le mineur émancipé
pourrait incontestablement aussi prendre lui-même à bail
les biens d'autrui .
En second lieu il peul recevoir ses reven us el en donner
décharge. On a fail reruarquer que ces mots de l'article
et en do11 11er décharge étaien t inutiles, car la capacité de
recevoir impliqu e nécessairement. celle de reconnaître
qu'on a reçu. Mais il faut se garder d'entendre ces mots
comme équivalents de ceux-ci : en (aire remise puisque.
comme nous le verrons, le mineur ne peut faire de libéralité.
Puisqu'il peut recevoir ses revenus. il faut dire qu'il est
capable de toucher ses loyers et fermlges échus. vendre
ses récoltes at les coupes réglées de ses bois, pêcher ses
étangs etc. etc., car de pareils actes sont évidemment de
sim ple ad mrnislration. Mais, par la raison inverse. je lui
interdis avec Laurent d'une façon génèrale la. ven te de
son mobilier, qui est un acte éminemment de disposition.
ne ren trant plu s par conséqu ent cla ns les termes de l'article
�-
-
131 -
1.s t. Celle ob.;ervation suffit pour
ùétrui1 r les arguments
invoqués en sens con tra ire par la juri:: prndencc eL un
grand nombre d'auteurs, arg1Jmenls Li1 és soiL a contrario
des termes <le l'article .-1.82 , qui interdit à \' émancipé la
ven te libre de ses immeubles . soit de l'empire qu'a rail encore sur l'esprit des rédacteurs ùu Code la vieille règle :
Vi/is mobiliwn possessio.
En troisième lien, !'émancipé a la libre dispo ition do
ses revenus : il peuL en acheter des obj ets de toute nature
il penl même les ùépen·er follement. Aussi faut-il dirn
arec Demolombe el Laurent qu'il pourra les employer en
achats dlmmeubl cs; il fera méme par la acte ù'cxcell enlc
administration. La Cour ùe Houen par un arrêt <lu 24.
juin 1S19, lu i avait ccpenùant rafu sé cc droit disanL que
l'acl1at d'un immeuble no peul à aucun Li tre être consiLlére
comme un acte <l'aùminiSl:'ation. Auj our<l ï1ui la j urisprudencc paraît s'iocli ner ùao s le sens opposé el, quoiqu'elle
ne soit pas bien nette à cet égard , permettre à l'émancipe,
ce qui est aller Lrop loin, les achats d'immeubles à. crédi t,
.a uf 1éduct ioo en cas d'excès . ( 1) Quan t au:\ imm eubles
qnïl a ùéjà, !'émancipé pourra y fa ire avec ses revenus
toute:> sorte;; de réparations. J'âmélioralions et d'embel1isseme11 ls.
L'émancipé peu t en quatrième lieu faire seul toll s les
actes consen atoires, tels que renou,·ell ement d'inscriptions
hypolhécaircs , oppositions. rê lllisitions <l'apposition des
scellés, assurances de ces récoltes , elc. : il pt:lll intenter
( 1) V. Cas. 15 cléccm . ISH. D .1LLOZ :J3 , I, 1:J3 et le di~posilif d' un arl'tll
J oJ fou Io use con f. p. ln Cil. cl <!-; lleq. D Al.LOZ t S5H, 1, n.
155 -
seul une action possessoire on y défendre, d'autant plus
que la décision qui interviendra ne préjugera en rien le
fond du droit. Enfin il pourra plaider seul quand il s'agira
de l'evenus, fermages et autres intérêts de même nature.
L'article 482 en n'ex igeant l'assistance du cu rateu r quo pour
intenter une action immobi lière et y défendre impose cette
solntion. Si l'on veut être rigourem, il faut pousser cet argumen t a contrario jusqu'au bou t et permettre avec Colmet
de Santerre et Lau ren t à !'émancipé de soutenir un procès
qui a pour objet un capital mobilier. Duranton, AuLry et
Rau et Demolombe, s'appuyant sur ce que~ l'article 482 lui
défend de recevoir un lei capital sans l'assistance de son
curateur, lui refusent au contraire celte faculté .• Mais,
répond Valette (1). ce dernier système établit une incapacité en dehors des termes de la loi et du reste repose sur
une confusion. Parce que je suis incapable de recevoir
une somme et de la dépenser à. mon gré, s'ensui t-il nécessairement que je sois incapable d'agir en justice pour
obtenir condamnalion ? Non. car toucher de l'argent et
plaider sont deux choses très dilTérentes. • L'émancipé
pourra donc seul faire le procès, mais il ne pourra poursuivre l'exécution de la condam nation sans l'assistance de
son curateur .
Un grand nombre d'auteurs tels qu'Aubry et Rau et
Demolombe donnent en cinquième lieu à !'émancipé
le droit de transiget' et de compromettre quant
aux droits qui naissent de la simple atlministration de ses
VuETrl!,
Expl;c11tio11 sommaire. p. 317 .
�-
1 ;)/~ --
biens. lis s'appuieot su r ce que l'arti cle li8 I a voul u complètement assimiler le mineur émancipé au majeur en ce
qui concerne celte administration. Si la loi. au lien d'établir
formellemen t celte assimilation comme dans l'article 4,g7.
s'est con tenté de dire q1i'i/ n'est 11as rl'stitucible ron t1·e ses
actes d'administration, c'est à titrn d'exemple et parce que
la possibilité de se faire restitu er est une des conséquences lesplus saillaotes de la minorité . Je crois cepenùant que c'est à juste titre que Toul lier, Col met de Sa nterre et Lanrent repoussen t celte op in ion ca r, dit cc dernier
auteur:. Autre chose est d'adm in istrer , antre ch0se est de
transiger; celu i qui admin i tre conserve le patrimoine ,
celui qui transige le Jiminue. • Quant au compromis, la
com binaison de l'article 85, G0 du Cod e de Procédnre, qui
ex ige la communicati on au ministère public de toute cause
intéressant les mineurs sans distinction, avec l'article 1004.
du même Code tra nche la question dans le sens de l'incapacité.
Il faut enfin admettre. quoique la loi ne le ùi ~e pas
ex pressément , que l'émaociµé peut valab lement contracter
des obligations personnelles pour les besoins de son administration. Sans cela celle dernière serait impossible.
Commen t consentir un bail, engager un domestiqu e. acheter les choses nécessaires à l'entretien journalier sa ns contracter et par conséquent sans s'obliger. Si \'émancipé peut
s'obliger, il faut nécessairemen t ad mettre que ses créanciers auront le droit de faire saisir et vendre tous ses meubles et immeubles en cas d'inexécution de l' obliga tion en
\'ertu des arti cles 2092 et 2003. l..'al'liclc 85 du proje1
-
155 -
con tenait une disposition qui défendait à !'émancipé de s'engager par promesse ou obligation au delà du montant de ses
revenus, mais Cambacérès la fil écarter , en observant fort
justement que les fournisseurs ne peuvent pas connaître le
montant des revenus du mineur, ni surtout savoir s'i l n'a
pas ùéja trai té avec d'autres pour des sommes qui les
excèdent de beaucoup , et qu'un tel système ruinerait totalemen t le crédit du mineur .
Mais si ce.5 obligations sont valables en elles-mêmes
l'érnancipé pourrait-il seu1 les garantir par une hypothèque?
La qu estion. fon con troversée autrefois. est aujourd'hui
résolue négativement par presque tous les auteurs.
Del\'incourt, Toullier, Duranton, Zacharire et quelques
autres avaient adopté l'affirmati ve pour les raisons suivantes: d'abord tous les biens de !'émancipé meubles et
immeubles deviennent de plein droit le gage de ses créanciers dans la mesure de ses obligations. Or l'hypothèq ue
n'a d'autre effet que d'a!Tecter un immeuble déterminé à
la sûreté de l'obligation. Elle o!Tre m~me cet avantage
ponr !'émancipé que le créancier es t obligé de discuter
d'abord l'immeuble qui en est a!Tecté el n'a pas le droit de
saisi r celui qui lui convient 1~ plus. La facullé de s'obliger
personnellement doit donc entra iner la capacité de consen tir une hypothèque pour sûreté de l'obligation qu'on a
le pouvoir de contracter. Du reste aucun texte n'interd it
positivement au mineur l:l constitution d'hypothèque. On
objecte qu'elle con tient le germe ùe l'aliéna tion et qu'elle
doit en conséq uence être comprise dans la fo rmu le générale de l 'ar t iclel~84. Ceb n'e,t pas; le germe de l'aliéna-
�-
13G -
tioo se ll'oure, non pas dans la conslitution d'hypothèque ,
maL dans l'obligation elle-même.
La négaliYea triomphé par les argumentssui1·ants. Il n'est
pas rrai de dire qutl la 1•alidité de l'obligation principale doit
entraîner la validitë de l'obligation accessoire. L'obli ga tion
personnelle peut bien être, sui va nt les cas, rangée dans la
catégorie d~ actes de pure administration permis à !'éma ncipé. mais l'hypothèq ue , qui communiqne à l'obl igation
une gral'ilé exceplionnel!e, ne peut pas être raisonnable·
ment considérée comme un acte de pure administration.
Et puis. peut-on sérieusement soutonir que l'hypothèque
11e nuit pa au débiteur ? Du reste les tex tes ne laissent
aucun doute. L'article 2 t 21. dispose qu e les hypothèqu es
conventionnelles ne peuvent être consenties que par ceux
qui ont la capacité d'aliéner les immeubles qu'i ls l'eul enl
Yso umettre; or !'émancipé n'a pas le droit d'a li éner ses
immeubles. Oo peut encore in voquer la prohibiti on générale de l'article 2 12 G, et l'article 6 du Code de corn merce.
Si eo effet le législateur permet dans ce dernier texte au·
mineur commerçant d'hypothéqu er ses biens, c'est qu o
cette faculté n'existe pas au profit de l'émancipé ordinaire.
S IL - Actes que !' Emancipé ne peut faire qu'avec l 'assistance
d e son Curateur
Après uien des hésilations et das dou tes, je me trouve
co nvaincu qu e la règle générale sui· la capacité de l'éman-
-
157 -
cipé e3l celle-ci : l'assistance rie son curateur est nécessaire
mais suffit à !'émancipé pour qu 'il soit pleine.ment capable,
!:auf exception formelle ùe la loi. Dès lors je regarde
comm e uno première exception à co principe la fac ullé qu e
lui don ne l'article 481 d'agi1· seul quand il est quüstion
d'actos de pure adminisll'ation. Je considère aussi comme
excoptionne's d'abord les cas où il doit ôtre autorisé à
agir par so n conseil ùe famille et même parfois par le tribunal , ensuite ceux dans lesquels il r.e peut pas agir du
tout. De sorte que, si l'on rc11con tre un acte dont la loi ne
parle ni im plicitement ni ex plicitemen t, on devra déclarer
que l'assistan ce de son curale:ir est nécessaire à !'émancipé
pour qu'il pu isse le faire, mais que cette assistance lui
suffit.
A la vérité, la loi ne po.e point un tel principe. Bien
loin de là, elle se borne dans les arti cles !.-81 et !~8 2 à
exiger l'assistance du curateu1· dans dos cas particuliers.
En outre aucun auteur que je sache n'a adopté le sys tème que je propo~e. Tout au contraire, 1 aurent déclare
que l'a sistanco du curateur n'es t requ i e que dans les cas
détermi nés par b loi, et par consé4 ue11tqu'ell e est excepti on·
nelle. C'est donc une grande téméri té à moi ù'abandonner
les rou les frayée·. Je le fais cependant pour la raison suivante :
li faut bien qu'il y ai t une règle générale sur la capaci té
de !'émancipé. Les auteurs semblent avoir oub lié cette
nécessité et se bornent à don1Jer des énumérations fatalement incompl ètes des cas où il pourra agir soul. des cas
où il devra être assisté de so n cura teu r, etc., etc. Cette
�-
138 --
règle générale où la trouverons-nous? L'article 484 esl le
seul qui ne règle pas exclusivement des cas parliculiers ;
aussi est-ce ùans son esprit , sinon dans son tex te , qne
nous devons la chercher.
Cet article esl ainsi co nçu : L' émancipé ne pou rra vendre 11 i a/ù!ner ses i111me11blcs, ni (afre a11cu11 acle autre q11e
ceu.c de pure admi11 istralion, sans observer les formes
7>rescrites au minettr non émancipé. La loi est ici en
contradiction manifeste avec elle-même, puisque dans les
arlicle5 480 et 482 ell e \'ien t de déclarer que certai ns
actes, qui ne son! pas d'administration, doivent être faits
par l'émancipé avec l'as istance de son curateur et par
conséquent en dehors des formes prescrites au mineur non
émancipé. Pour savoir la cause de cette an tinomie, on n'a
qu'à ,e reporter aux travaux préparatoire3.(1) Dans leprojet du Code, l'article 481~ se composait uniquement du
paragraphe 2 actuel. Le Tribunat crut utile de formu ler une
règle générale et proposa la rédaction suivante : «Tous autres actes ... qui ne seront pas de pure ad min istration ne pour·
ront être faits que so 1u l'assislance dti curale11r et suiYant les
formes prescrites au mineur non émancipé. »Cette rédacti on
adoptée défin itivement par le Conseil d'Etat de,·ait passer
d111s le Code ; mais Berlier en rédigea nt le tex te définitif.
oublia le membre de phrase parlant du cura teur. L'article
484 ainsi restitué, la contradiction disparait, et on voit apparaitre le véritable esprit de la loi. S'agiL-il d'un acle
d'admini Lration, !'émancipé le fai t seul ; s'agit-i l d'on au( Il LocnE, Vil fl. 228. llbser11 .. .1111· lii secti 011 rlr let1is . du Tr1:uu11al, 2 "
Brumoi
re an XI et ~.
·
~
-
159 -
tro acte , !'émancipé devra être ass isté de son curateur à
moins qu'il ne soil qu estion d'actes qoe le tuteur du mineur non émancipé ne pourrai t fairn qu'avec l'accompl issement de certaines formes, actes limi t:itivement déterminés
au chapitre de la tu tr.lle.
Et même, si l'on veul, prenons le texle de l'article 484
tel qn'il nous est donné par le Code. Pour tous les actes
qni dépassent la pure administration, il nous renvoie aux
règles de la tntell e. Mais fa on voi t le tuteur pouvant faire
seul une foul e d'actes qui dépassent la pure administration,
et même, suivant la majorité des antenrs, investi d'une
capacité générale sauf exceplion ex presse de la loi. Tl est
clair qne dans ces c:-is-là le mineur émancip é ne sera pas
obligé de recourir à son conseil de famille par la seule rai.
so n qu'il n'a pas de tuteur ; ce serait le traiter moins fav orablement après qu'avant l'émancipati on. ~lai s d'autre part
l'article 48 1 lni défend d'agir seul. La conséquence est
forcée : il devra se faire assister de son t:urateur , mais cette
assistance lui suffira. (1) On rentre ainsi nécessairement
dans les termes de la règle générale dont je cherche à
établir la vérité juridique.
Celle règle ainsi rosée va me permettre de pas e1· rapide:i men t sur bi en des point· co ntroversës. Je donne d'abord
à l'émancipé le droit de fairtl, avec la seule assistance de
so n curateur tous les actes qui ne sont pas de pure adminislralion et t.1 011L la loi ne parle pag, oit pour les soumet)
( 1) Laurent r efuse ou tuteu r tou t pouvoi r ch- cl isposi1io11, m3iS même
dans son ~ys t ù m c i l ser ait I OUJOU r s nécessoi r o d'éta blir une rè'~lo pou r
le; octcs <.Je large acl m inrs tio lio n, par e:1.1•mplc I ~ récl'c"\ \ion par avance
des l(lycrs et fe rrno ~e - q ui rrnlrt•r1L dn n ~ lu capaci té u tnt cu r et q ur
dt'passen t r cllo de 1érnancip6 agi srnnt ~c ul.
�-
f q.Q -
tre à quelque formaliLé, soil pour les interdire. Je vais en
citer quelques-u ns :
La r~ception de intérèts cl re,•enus nou échu s ;
La passation de baux pou1· plus de neuf ans
L'exercice des act ions relativesà l'état de l'émancipé. telles
que demandes en séparation de co rps, demandes en nu ll ité
ùe mariage, action en désa\'eu d'e nfant , en réclamati on de
filiation légitime ou naturelle. la défense à une demande
en interd iction ; olc., etc.; ( 1)
L'aliénation ùu mobilier corporel. quand celte aliénati on
n'est pas un acle d'administra tion ;
L'aliénation des Yaleurs mobilières dans deux cas spéciaux auxquels ne s'appliquent pas les dispositions nou velles de la loi du 27 février 1880 ; c'est-à-dire lorsque
ces valeurs appartiennent à un mineur qui a été émancipé
pendant le mariage de ses père et mère, ou qui a été
émancipé de plein droit par son propre mariage. (2)
Dans quelqu es cas par ticu li ers la loi a jugé bon de s'expliquer ca tégoriquement.
C'est ain ·i que l'article 480 e:dge la sim ple assistance
de son curateur pour que l'émar. cipé puisse recevoir so11
cowpte de tuJelle . Remarquons tontefois que cette assistance
ne sumrait plus si au cours de cette reddi tion il s'élevait
des difficultés partielles ~ur lesquelles il serait nécessai1·e
de transiger.
(1) A propos de ces qu estions ù'~lal , de nombreuses controverses se
~.ont élevées tant en J oclrioe q11'en juri:,prudcncr. Dans le système quo
J adopte le doute ne peul pas nallre
(~)_ Pou r ue pas scinde r mes explications sur cHle loi je renvoie cc
que Je devrais en dire ici à l'article Il § t.
--
J ~. J
-
C'es t ainsi encore q uc l'article /~8 2 ùëclare qu e le mincu r émant:ipé ne pou1 ra point sa ns l'assislance de son
curatet11' recevoir et donner <ldcllarge d'ttn capital mobilie r.
Cet aclj eclif mobilier ajouté au mot capital est un souvenir
de l'an ~i e n droit, où certains ca pila u ~ les rentes foncières
'
notamment, étaient immobilières. Du reslc, le Jégi5lateur
ne savai t pas, en rédigeant l'ai ticle 482. que l'arlide 52 9
déclarerait meubles tous les ca pi taux. Enfi n les termes de
l'arti cle 4.82 peuvent arnir aujourù'hui ent:ore une certaine importance, pu isqu'il a été permis d'i mmobil iser les
ren tes sur l'Etat et les actions de la uanque de France.
( Décre ts du !Gjanvier etdu 1•r mars 1808.) Pour recernil'
ces derniers ca pitaux l'assistance du curateur ne serait
donc pas snfllsante. Quo i qu'il en s•)it, il fau t entend re par
ces mols capital mobilier ll)ute somme, quel qu'en soit le
montan t, qui ne représente pas ùes revenus, c'est-à-d ire
des intérèts. des arrérages, dos fruits. EL il faut fa ire rentrer Jans ce Lerme dù capital, même les économies réalisées
par l'émancipé sui· ses revenus passés et capitalisés par
lui .
Le but de celle disposition est d'empêcher le mineur ùe
s'appaun ir en ùonnanL quillant:e de ce qu 'il n'aurait pas
reçu a des personnes assez peu scru puleuses pour abuser
de sa jeu nesse. Quanl aux revenus il peu t les recevoir
seu l, car le même danger u'cs t pas à craind re. parce qu' il
ne s'agira jamais de $a fortu ne même et rarement de sommes importan tes.
L'article 4.82 exige encore qu e le curateu r s1trueil/e
l'em1)/o i d1i capital r eftt Il sera_donc responsable rlu mau-
.
�-
11-2 -
\'ais usage que le mineur en pourrait faire par suite de sa
négligence. J'ai ioùiqué pins hauL le limites de ce~le .res·
poosabi\ité. ll sern pruden t de la part du curateur ù exiger
que l'argent soit dépo é chez un notaire, ou versé. à la
cais..c:e des dépôt et consignations. j nsqu'à ce que le m10eur
ait trouvé un placement convenable. Quan t all dt:• bitt:Jur il
llli suffit pour bien payer, d'effectuer le payement sous
l'assistance du curateur. ( 1259)
Aux termes de l'article 955 § 2 le mineur émancipé peut
auepter u11e donation avec la seule assistance de son curateur. ( l) Quand il s'agiL d'un mineur ordinaire , la loi exige
dans l'article 465 que le tuteur soit autorisé à accepter par ..
le conseil de famille. Celle différence se comprend sans
peine. Si la loi ne permet pas au mineur d'accepter tout
seul une donation, c'est su rtout dans un intérêt moral. Le
tut eur agissant eu l anrait pu être trompé et ne pas vo ir
l'intention corruptrice qui se cache sous le bienfait. Au
contraire, quand la raiso n du curateur vien t aider la raison de l'émaocipé, il est impossible que cela ne suffise pas
pour sauvegarder l'intérèt moral de ce dernier.
Je remarque au surplus que le paragrabe 5 dn même
article donne aux a~ceodan ts de tout min eur quelconque
le droit d'accepter pour lui une donatiou,qui sera dès lors
irrévocable.
Enfin , à cause de la si militude des legs à titre particulier avec les donaLions, il faut appliquer à l'accepta tion de
ces legs les 1ègles qu e je viens d'indiquer.
(1) Malgré les termes de l'article 91oO on s'accorde à r econ naî tre quo
c"est à l'émancip(: et non b son curateu r qu'incomlle le soi n de faire
trnnscrire
l'acte ùe donation, s' il ya li eu, puisquec'esl lui qui administre .
-
145 -
L'article 4.32 permet encore à !'émancipé d'intenter les
actions im.mobilière11 et d'y d~(endre avec la seu le assistanc~
de son curateur. La loi n'a pas rou!u ici laisser le mineur
agir seul. car. en se défendant mal l'émanci pèarriverait indirectement à aliéner ses imm eubles.
De même l'émanci pé peut dans les mêmes conditions
répondre à u11e demande en partaye et même la (ornw· ,
quelle que soit du reste la naturedesobjetsàpartager.
Les termes précis de l'artide 81"0 lèvent Lous les doutes
à cet égard, puisqu'il met sur la mème ligne un tel partage
el celui fait par le tuteur autorisé par le con eil de famille.
C'est une exception au renvoi de l'article 484 aux formalités prescrites au mineur non émancipé. Et cela s'applique
tout aussi bien au partage d'une société, qu'au partage
d'u ne succession ou d'une communau té entre époux.
li me reste à traiter une question qu i ll'est pas sans
importance. Qu'arrivc+il si le curateur appelé à assister
le mineur s'y refuse. (ce qui dans certains cas peut être
son devoi r). et à l'inverse Que décider si c'e~t le mineur
qui ne veut pas faire un acte qoe le cura teur consirière
comme nécessaire?
Dans le premier cas l'intérêt du mineur sem ble exige1·
qu'il rJu i.se se pourvoir devan t le conseil de fam ille contre
le refus d'assistance pour fa ire enjoind re au curateur
d'avoir à la lui prêter et. en cas d'obstination de ce dernier.
pour provoquer la nomination d'un curateur acl hoc. rtlais
si le conseil de famille lni·même rejelle la demande
de l'émancipé, pourra·t-il s'adresser aux tribunaux? On
l'admet généralement , et même Laurent croit qne le re-
�-
1v~
-
cours ne Jevra être porté qu e deYant les tribuna•J x, el non
ùeYanL le •:on'eil ùe fam ille. auquel aucnn lex tc ne donne
le pouvoir de contraindre le cura leur cl dont I,\ compétence est exceptionn elle.
Dans le second cas fou t-il reconnaitre au curateur le
llrnit de contraindre le minenr el tic 113 prot6ger ainsi malgré lui ? Car enun l'inaction pourrait lui être préjnc1iciable
dan le cas, par exem ple, où il s'ag irait d'interjeter appel,
ùe former opposition il un jugoment par défaut, ou de poursuivre des créanr,es soum ises à de courtes prescriptions.
Certains auteur~ admellent que dans ces cas le curateur
aura le droit d'agir seul , et la Cour de Cassation par un
arrêt du 8 décembre 181. 1 a adm is celle solution pour le
conseil judiciaire d'un prodigue. Je cro is qu'un tel système !ait sorti r le curateur de son rôle . L'émancipé a soul
le droit ù'agir d:ins les actes qui l'intéressent ; nnl
au lre ne peut se substituer à. lui .
Article Il . - Actes pour lesquels t'Emaucipation n'apporte
au Mineur aucune capacité nouvelle ( I)
J'ai di t comment il fallait entendre l'article 484. J'ai
expliqué que l'intention du législateur avait été, en l'écri·
vant, de placer l'émancipé dans la même co ndition que
(Il ~'émancipation a cependan t cet cfTct que J ésor mais le mineur 8"i l
1u1-mo:me.
o
-- 145 -
le mineur en tutell e dans certains cas graves el exceptionnels. Or. au cbapitre de la tutelle, la loi distingue les actes
pour la valiùilé ùesquels l'intervention du conseil de famille est suffisante, ceux qui nécessitent en outre l'appro
bation du tribunal. et enfin ceux complètement interdits au
mineur .
,, 1. -
Actés qui doivent être autorisés par l e
Conseil de Famille
1. - Parlons d'abord de l'acceptation et cle fo rép1uliation des rnccessions échues au mineur . L'article 461 exige
pour l'un et l'autre de ces deux actes r autorisation du conseil ; la grav ité de leurs elîets expli que suffisamment par ellernéme cette précau Lion de la loi . L'article ajoute même par
surcroît. de prudence que l'acceptation ne pourra avoir
lieu qne sous bénéfice dï nventaire. On assimile généralement à. l'acceptation et à la répudiation des successions
l'acceptation ou la répudiation des legs universels ou à. titre
universels.
L'acceptation d'une succession est irrévocable et le mineur ne peut se fai re restituer contre une acceptation régulièrement faite que dans les cas où un majeur lui-même le
pourrait, c'est-à-dire dans les cas prévus par l'article 785 .
li peut au contraire revenir sur sa renonciation . L'article 4,6'2 lui permet en eJTet. dans le cas où cette succession n'a pas été acceptée par d'autrns, de 1·eprenclre
�la s11cct>ssio11 drw~ Otal où el/a sc- trouve et sans pouvoir alla.
quer les ventes OI' a11tns actes valableme11t faits 71en dc1111 la
1·acu11ce. Mai- cet article n'in Li lue p.1s on pri11ilège au profit
dn mine11r; le même droit est don né aux majeurs par l'article 790, qui sauvegarde aossi les dl'oit~ acqitis à des tiers
sur les biens de la succession, soit 71ar prescription . soü 1)(11'
actes valablemen t (ails avec le rurall'ttl' à la sur.cession vacante. Il s'est élevé une importante question à raison de la
clifîérence de rédaction de ces deux articles. Doit-on conclu re de ce que l'article .1,6:2 ne mentionne pas la prest.:ription, qoe le mineur, qui sera revenu sor a renonciation,
ne sera pa obligé de subir les prescriptions accomplies pendant la ''acance? ~larcadé et Deman te enseignent l'affirmalire. En eITeL, disent-ils, l'acceptation rétroagissant au
jour de l'oovcrture de la succession (7 77 ), les biens qui
fon t parlie de la succe.sion sont Jonc. i1 partir ùe celle
époque, biens de mineur. et aux terL1es de l'article 22~2
la prescription ne peut pas les atleindre.
Je repousse ce système. L'ar ticle 785 po$e en principe
que l'héritier qui renonce e L censé n'avoir jamais été héritier. Or ile t certain que pen<lan Ll'espace ùe Lemps, qui a
sëparé la renonciation de l'acceptation, le bi ens qui com posaient la succession n'étaient pas biens ùe mineur . Dès
lor:> l'article 22;58 qoi dit que la prescription court contre
une succession racante est applicaL le : el, lorsquïnten·ien t
l'acceptali on du mineu r, elle rétroagit bien au joor de
l'ourertnre de la succe sio;i, mais. comme celle rétroactivi té est une fiction. elle ne peul s'accomplir que dans les
limi tes tracées par la loi cl par conséquent ne peu t pas
-
l/i-7 -
atteindre les biens, que d'autres dispositions législatives
auraient enlevées à la succession. Do reste. l'article 462
n'est-il pas assez clair par lui-même quand il parle de
la reprise de la succession dans l'état où elle se trouve'!
ll. - Le Code exige ensuite l'autorisation du conseil de
famille pou r 1'acqt1iescement aux actwns immobilières, car
l'acqtâescement con tient réellement une aliénation volontaire. A ce titre il eût été même logique d'exiger l'homologation ùu tribunal; mais la combinaison des articles 484
et '"64· ne permet pas d'aller jusque là. Demolombe et
Laurent soutiennent à l'inverse que l'assistance du curateur suffit ici au mineur. lis se fondent sur ce que dans
l'article 464 la loi met sur la même li gne le ùroit d'intenter une action immobi lière et le droit d'y acquiescer ;
dès lors l'arlicle 482, accordant au mineur la première
de ces facu ltés, doit être présumé lui accorder la seconde.
Cet argumeut de texte me paraît bien fragile, et Laurent
lui·même reconnait (t. v,n° 67) que l'acquiescement est
un acte plus dangereux pour le pupille que la poursuite
d'un droit en justice.
La même solu tion doit être adoptée s'il s'agit non d'acquiescement , mais de désistemen t, car en somme ce dernier
acte est un acquiescement indirect aux dénégations de
!'adversaire.
lll. - La loi du 27 .février 1880 est venue poser des
règles spéciales à la vente du mobilier incorporel des mineurs, qu'il est Lemps d'exposer avec quelque étendue, en
ce qui concerne les émancipés .
�-
l 'i-8 -
Le Code civil étant muet sur celle matière, la duclriue
et 13 jurisprndence après des hésitations diverses ava ient
fini par s'accorder el ex igea ien t la ~e ul e assistance du curaleu1', pour qu e !'émancipé pût aliéner ses valeurs mobilières. On donnait pour base~t cette solution le tex te de l'arlicle 1~82, qui impose celle assistance pour recevoir un
capital mobilier et charge le curateur de surveiller l'em ploi
de ce capital. Or le résultat de la cession d'un e créance,
d'un tiLre d'action ou d'obligation, es t de remplacer ce Litre
par un capital mobilier que !'émancipé doit recevoir en
échange. J'aurais admis la même doctrine mais pour une
raison diITérenle. Sui 1·ant moi l'aliénation ùu mobi lier incorporel, étant comme celle du mobili er corporel un acte de
disposition passé so us silence par le législateur , devait être
ri\gi par la règle générale sur la capacité de !'émancipé, que
j'ai posée pins hau l.
Dans deux cas spéciaux, pou rtan t, on avait dû adopter
nne solution difîérente. La loi du 24 mars 180G, co nwrnan l le transfert des inscriplions ùc rentes appartenant aux
mineurs, permettait par so n article 2 aux mineurs émancipés de transiérer avec la seule assistance de leur curateur
les inscriptions de ren te Je 50 fran cs el au dessous. On
en a\•ait conclu qne celles su périeures à ces chiffres ne
pouvaien t pas être rendues ni transférées san une autorisation du consei l ùe fa mille. La même interprétation était
donnée au décret du 25 septembre 18 13, qui pc1·meltai t Il
ren te des actions de la Banque de li'rancc sans autorisati on
du consei.I au mineur qu i n'étai t prop ri étaire que d'une
seul e ac tion ou de plusieurs co npons d'acti ons ne représentanl pas dans leur ensemble plus d'une action en tière.
-
1/.1-!) -
La loi du 27 février 1880 a eu pour but de créer de
nouvelles garanties pour assurer aux mineurs la conservation de leur fortune mobil ière. Elle s'applique aux rentes,
actions, parts d'intérêts, obligations et aussi certai nement
aux créances Stlr particuli er5, aux offices, fonds de corn·
merce, propriP.tés littéraires, brevets d'invention, etc ...
Les rentes sui· l'Ètat et les actions de la Banque de
France ne jouissent plus d'une législati on spéciale et doivent
être en tout assimi lées anx valenrs dont je viens de parler,
puisqtle l'article 'l 2 de la nouvelle loi abroge formellement la loi de 1806 et le décret de 1815.
Le législateur de 1880 a voulu faire bénéficier les
émancipés des mesures protectrices qu'il établissail ; mais
il résulte des termes même de l'article 4 que la loi n'a trait
qu'aux min enrs émancipés expressément au cours de la
tntelle. Cet article déclare que les dispositions des articles
1, 2 et 5 leur so nt applicabl es. Il s'ensuit que l'aliénation
de leurs valeurs mobilières ne pourra avoir lieu en aucun
cas sans autorisation du conseil de fami lle, quelque miuiroe
qu e soit la valeur des droits à aliéner. Senlement , si la valeur de ce droit est moindre de 1, :>OOfrancs cette autorisation suffit; si elle est pins considérable, l'autorisation devra
être homologuée par le tribunal. Et pour arriver à l'évaluation du droit, évaluation nécessitée par la distinction
que je viens d'indiquer, la loi s'en rapporte à l'appréciation
du conseil de famill e. Celle dernière dispositi on n'est peutêtre pas sans inconvénient pratique. On peut craindre que
contrairemen t à la réalité des fai ts, le conseil n'évalue à
1, 500 francs une valeur très supéri cure pour soustraire sa
�-
l ~i O
-
décision au contrôle du tribunal. Mais on peut dire que
d'autres garan ties auraient amené aes compli cations. Et
puis il sera bien rare que l'unan imité du conseil, y compris
le juge de paix. soit complice de la fraude et par conséquent
que le pounroi de1•anl le tribunal soit rendu impossible .
(885 C. dePr. ). Du roste, même dan celte hypothèse, pour
peu que l 'é~ rt entre la valeur du dmit r,t l'estimation du
conseil soit considérable, le prix même de la l'enl e ne
pourra être en harmonie avec l'autorisation <l'aliéner et la
fraude sera évidente pour l'acheteur. C'est par application
ùe cette idée que la cir~ul ai re tlu garde des sceaux du 20
mai 1880 décide que la déclaration fa iLe par le conseil de
famille. que sa délibération n'e t pas soumise à l'homologation, ne peul lier les agen ts de change , les représentants
ùu trésor ou des administrations, si la raleur des titres à
al iéner est manifestement supérieure à 1, :)00 fran cs . Il
résulte aussi de cette même circulaire qu 'on doit se placer
an moment de la venle poUI' sa voi1· exactement si la valeur
du droit dépasse on non la !'omm e indiquée et par conséquent qu'à ce momen t-fa se ulement on peut co nnaitre
si l'homologation Ju tribunal est ou non nécessaire.
La loi a renoncé à imposer un moùe spécial d'a liénation
des raleurs mobilières. Elles sont en eITet de natures trop
diverses. L'article J se borne à ùonner au conseil de famille le droit de prescrire les mesures qn'il jugerait utiles
en autorisant l'aliénation. Il n'y a d'exception que pour
les valeurs négociables à la Bourse; l'aliéna tion doit en
êlre fai te par le ministère d'un :ioenl de chan"e au cour~
"
h
moyen du jour.
-- 151 -
L'article 4, ai-j e dit, renvoie anx articles 1. 2 et 5 qui
parlent de l'aliénation des valeurs ; mais il ne renvoie pas
à l'article 10 ainsi conçu : l a conversion de tous titres
nominatifs 1m titres au. porteur c8t sou.mise m1x mêmes
/'o nnalitds qiw l'aliénation de ces tit1·cs. Faut-il appliquer
cet article aux émancipés? La question es t importante, car
la jurisprudence, par deux arrêts de la Cour de Cassation
du 8 févri er 1870 et du 4 août 187:5 a déclaré que la
conversion ne constituait qu'un acle d'administration . Et
si l'on repoussait celte juri prudence. faudrai t-il au moins
admettre. si l'article 10 n'est pas ici applicable, que !'émancipé peut opérer la conversion avec la seule assistance de
son curateu r puisqu'antérieurement à la nouvelle loi on
lui permeLLait l'aliénation dans ces Cl1nditions. Il ne faut
pas hésiter à. appliquer l' article 10 '.aux émancipés. Ils sont
en eITel com pris parmi ceux que le législateur a eu pour
but de protéger; et, du reste, M. Denormandie disait luimême dans son rapport au Sénat que l'article 10 élai t une
disposition nécessaire pour assurer aux. prescriptions précédentes une effi cacité sérieuse. • La conversion, en eITet.
dessaisit celui qui était personnellement investi du droit incorporel ; elle ne lui laisse qu e le droit attach.~ à la pos.session d'un titre transmissible comme la monnate ou le b1llel
de Banque. On peul don c dire avec juste raison que la
conversion équi vaut à l'aliénation. •
La loi est encore muette sur un point important el son
silence laisse place à un e regrettable lacune. L'arl.icle. 5
fai t un devoir au tuteur de convertir en titres nornrn~tllfs
les titres au parl eur don t le mineur peut se trouver pro-
�-
132 -
priélaire soit au commencemen t, soit pendant le cours de
la tutelle. Cette disposition n'a pas été élenduo aux valeurs
des éruaacipés, ou bien par oubli , ou bien parce que les
rédacteurs ont pensé qu'ils n'auraient jamais de titres au
porteur, puisqlle la loi n'est applicable qu'aux mineurs
émancipés au cours de la tutelle , el que par conséquent
le transfert a déjà dù être opéré par le tuteur. Mais il se
peul qu'après l'émancipation le mineur devienne propriétaire par succes:":ion ou autrement de Litres au porteur.
La loi ne l'obligeant pas à les converti r en titres nominatifs, il en consenera en fait l'entière disposition. S'il les
transmet de la main à la main, l'ali énation sera il est \Tai
irrégulière en rerlu de l'article /~ et pourra être frappée
de nullité. Mais le mineur s'arrangera toujours pour
rendre d'une façon détournée. le plus so urent en s'adressan t à un agent véreux qui lui fera payer cher la fraude
qu'il l'aide à commettre.
J'ai dit que la loi de 1880 ne visait que les émanci pés
au cours de la tutelle. N'y seront donc pas soumis :
1° Le mineur émancipé par so n mariage. L'article 4, § :2
le dit formellement. La raiso n en est simple : puisque le
miaeur a été jugé capable <le se marier, son déreloppement
intellectu el et moral est suffisant pour qu 'on puisse lui
lais er plus de liberté dans l'administration de sa fortune.
2° Le mineur émancipé pendant le mariage de ses père
et mère. La coexistence des deux époux. leurs efforts commu~s pour surreiller les intérêts du mineur out paru
o1Trir des garanties suffisantes pour la conservatio11 de sa
-
163 -
fortune mobilière. Celle raison peut en effet être acceptée
dans l'hypothèse où les parents de !'émancipé vivent
Lous deux jnsqu'à sa majorité. Mais il est possible que
l'un d'eux meure avant cette époque, et alors pourquoi
établir une différen ce de capacité entre notre cas et celui
où l'émancipation a eu lieu au cours de la tutelle du survivant des père et mère.
Mais alors quell e va être la c:ipacité des mineurs aux·
qu els la loi, ne s'applique pas? Evidemment la mém c
qu'arnnl la loi, sa uf loutefoi qu'ils ne seront plus soumis
aux dispositions de la loi de 1806 et du décret de 1815
qui , comme je l'ai dit sont formell ement abrogés par l'article 12 . Mais cette exception est uniqu e el dans Lous les autres cas la législation antérieure est applicable.Spécialement
la circnlaire du ministre de la justice du 20 mai 1880 fait
remarquer -JUe la conversion en tit1·es au porteur de titres
nom inatifs de rentes sur l'Etat reste interdite aux émancipés que la loi nouvelle ne régit pas. En elJet l'article 9
de l'ordonnance du 29 avril 185·1, d'après lequel les Litres de rente appartenant à tous mineurs indistinctement
ne peuyent être convertis, leur est fapplicable. n'étant pas
abrogé expressément par la loi de 1880 et n'étant pas
con traire aux dispo ilions de ce lle loi.
�-
-
1!>4 -
S 2 - Actes pour l esque ls l'Autorlsation
du Conseil de Famille doit être homologuée
le Tribunal
par
2° La combinaison des arti cles 11-8!1- el Mi7 suffirait parfaitement pour interdire :i !'émancipé d'emprunter
sans y être autorisé par une délibération du conseil de famille. homologuée par le tribunal , le ministère public entendu . Cependant. l'article 485 vient dire expressément
que le mineur émancipé ne 71ourra faire d'empnml sous
aitcim JJl'~texlc. La seule utilité de cet article est de ne
laisser place aaucun doute. L'émancipé ne pourra jamais
librement emprun ter même pour faire face à des dépenses
d'administration . Du reste l'article 485 figurait seu l dans
le projet de Code et y avait alors naturellement sa place.
Puis, sur la proposition du Tribunal, et afin d'embrasser
tous les cas, on formula la règle générale de l'arti cle l.t-84.
C'est probablement par inadvertance qu'on laissa subsister
l'article 483 el j'ai dit plus haut que cette inadvertance
ne fut pas la seule.
C'est nn princiqe général que la loi ne peut permettre
de faire indirectement ce qu'elle défend de faire directement. Cette remarque a perdu beaucoup de son importaar,e depuis la loi de 1880. Avanlcelte époque on pouvait avoir intérêt adéguiser un emprunt so us l'apparence
J •el
t 55 -
d'une cession de créance, ( 1) acte pour lequel, on \e sait
la jurispruden1~e n'exigeait que l'assistance du curateur~
Elle a enr.ore cependant une cartaine utili té puisque \a loi
de 'I 880 ne s'applique pas à tous les émancipés et aussi
parce qu'il y a d'autres façons de déguiser un em pru nt par
exemple par un achat à crédit.
De ce qu'un émancipé ne peul. emprunter pour lui·
même on a déduit avec juste raison qu'il ne peut cautionner la dette d'nn tiers. Il lui faud rait pour cela remplir les
mêmes formalités que pour conLraclcr un emprunt.
L'article 434, interdit encore à !'émancipé de vendre
oit aliéner ses immeubles sans obserner les formes prescrites au mineur 'llon èmancipé. Il ne faut voir dans celle prohibition spéciale. de même que dans celle de l'arLicle 485.
autre chose que des applications du renvoi général que
fa it la loi anx règles de la tut~lle, tou tes les fois qu'il s'agit
d'un acte pour leqoel elle prescrit certaines formalitês. li
s'ensui t qu'on doit, bien que la loi ne le dise pas ici.
ex iger strictemen t \'appl ica ti on des articles 457 et 458 ;
c'est-à dire que l'emprunt ou l'aliéna ti on ne pourront être
autorisés que s'il y :t nécessité ahsolne ou avantage évident;
c'est-à-dire encore que l'hypothèque doit être mise absolument sur le même pieJ que \'aliénation .
11 faut appliquer ces principes a l'antichrèse pui que le
créancier antichrésisto acquiert sur l'immeuble un droit de
(l) Ocu'I; fo is la Cour !"uprèm~ :wait en ~ inlcrprl:lcr le contrat par
l rq~el le mineur recevant une som me d'un tiers, cède et 1rnnsporlc à
CP ~1crs pn re1llc somme à prend re tl~ns uae tic sr· créances. avec suhrogul1on dans l'h ypoLh l:quo qui y cst allachéc. l~ n 1850 r llo j ugeait qu'il y
a vait I~ cmprunLdégu1s6 cl e n 1868 qu' il y avait rée llemen t ce:>s1oa tle.
créance. DA1.1.oz, 1,850. 1308; 18118, 1,
:i~~.
�-
156 -
rélealion. Yéritable droit réel soumis à la transcl'iplion par
la loi du 25 mars 1855.
5° La loi de 1880, ainsi que je l'ai déjà expliqué,
exiae l'avis du conseil de famille, homologué par le tribunal "pour l'aliéoation de toutes valeurs mobilières, ou pour
la conYersion de litres nominatifs, api.iartenant à des émancipés au cours de la tutelle , lorsqu'il s'a15it de plus de
l , 500 francs.
n résulte de la discussion sui· la nouvelle loi au Sénat
que les magistrats peuvent modifier le mod e d'emploi du
prix de l'aliénation iodiqué par le conseil et y substituer d'autres mesures qui leur seml.Jlen t de nature à mieux
sauvegarder les intérêts du mineur. ( 1) J'ajoute enfin que
le tribunal statuera en dernier ressort. • Lorsque l'affaire.
disait M. Denormandie, aura été déjà examinée par le
conseil de famille et par le tribunal, elle aura subi en
quelque sorte deux degrés de juridiction. •
4o La transaction ne pourra être consentie par !'émancipé que s'il a obtenu à cet e!Iet !"autorisation du conseil
de famille, l'homologation du tribunal el l'avis de trois
jurisconsultes désigoés par le procureur de la République
(art. 484 et 467).
S 3. - Actes absolument interdits
En principe !'émancipé oe pourra jamais faire de dispo sitions à titre gratuit, entre-vifs ou testamentaires, directes
( 1) BocHhs. Revue pratique de Droit français 1881,T. l , p, 293 , N•47.
-
157 -
ou indirectes, ni ùe com7>romis. (Art. 484. cl 905 C. C.
1004 et 85 C. Pr.) Mais il ne faut pas sntcnùre ce principe avec trop de rigueur . Ainsi :
1° Quant aux donations en tre-vifs tout mineur peut en
faire da.ns son contrat de mariage sous la seule condition
d'être assisté des personnes dont le consentement lui est
nécessaire pour pouvoir se marier. ( 109 5, 1598. 1509).
En ou tre les petits dons manuels, les présents d'usage ne
sont pas compris dans la prohibition. :Enfin !'émancipé
pourrait faire remise à ses fermiers de tout ou partie de
leur fermage dans le cas des articles 1769 el 1770.
2° Quant aux dispositions testamentaires on sait que
tout majeur de seize ans peut disposer de la moitié des
biens dont il aurait la libre disposition s'il était majeur.
(904)
Lorsq ue !'émancipé se trouve dans un cas où la loi
exige l'intervention du consei l de fami lle avec ou sans
l'homologation dn tribunal. d'éminents jurisconsulles,
en tre autres Aubry et Rau et Laurent enseignent, que
l'assistance du curateur lui devien t inutile. Je crois cependant que cette ass istance est toujours nécessaire. car, si les
au tres précautions exigées alors par la loi rendent celle
assistance moins indispensabl e, il est certain cependant
que \'i ntervcn tioo d'un homme qui a des rapports fré-
�-
quenls a1•ec l'émancipè ne peul êll'C que fort ulile h celuici. Ou reste I:; curatelle étan t une charge générale et
permanente, on peut légitimement supposer qu e le vœu
de la loi est que le mineur soit ici a~sis té de son curateur.
SECTION If
De la Oapaoité spéciale de l'Emancipé Oommel'Çant
La loi a reconnu que, ùans cel'taines circonstances particulières, il peut êLl'e très utile au mineur d'exel'cer une
profession commerciale . Elle a ùès lors cherché à concilier l'intérêt du mineur avec le nécessités du commerce.
A la diΎreoce de ce qui ex istait dans l'ancien droit , la
loi exige d'abord que le mineur soit émancipé pour qu'il
puisse de1·eoir commerçant. (art. 2 C. de C.) Mais, comme
dans l'ancien droit, elle reconnaît qu'il a alors besoin d'une
capacité exceptionnelle et l'article IJ.87 vient déclarer qiœ
le mineut émancipé qui f'ait un commerce est rép uté majeur
pour les actes relatifs à ce commerce. Justement à raison
de l'étendue de celle capacité, le législateur n'a pas cru
que les conditions qu'il avait exigées pour que l'émancipation soit conférée au mineur fu ssent une 1!>aarantie suffisante de son aptitude à sa nouvelle profession et il a voulu
en ?utre : 10que !'émancipé soit dans Lous les cas âgé de dixhuit ans accomplis ; 2° qu'il soit auLOrisé spécialement par
f
•
-
158 -
15!) --
son père ; à défaut, c'est-~-dire en cas de décès. d'absence
on d'interdiction de celui-ci, pa1· sa mère ; à défaut de
père et de mère par délibération de son conseil de famille
homologuée par le tribunal : enfin, et s' il s'aoit d'u n
enfant admis dans un hospice, par la commission administrative ; 3°, et pour avertir les tiers, que cette autorisation ait été enregistrée et affichée au tribunal de commerce du lieu où le mineur veut établir son domicile,· ou
s'il n'en existe point au tribunal civ il (2 et 640 C. de C.)
Cet enregistrement et cet affichage impliquent que l'autorisation ;sera écrite, mais la loi n'ayant rien dit de sa
forme on ne peut exiger qu'elle soit authentique.
Aux termes de l'article 5 C. de C. le mineur qni sans
être commerçant voudrait faire quelques actes de commerce devrait se conformer aux prescriptions de l'article 2
" Celle disposition, qui fut ajoutée après coup au projet
primitif sur les observations du Tribunat et qui peut sembler au prem ier abord très rigoureuse, se trouve au fond
être éminemment sage et tutélaire. Il y a en effet beau coup de mineurs en possr.ssion de leur fortune qui se
laissen t aller à faire des acte de commerce, achetant des
objets ponr les revendre. etc. S'ils n'avaient pu dans ces
circonstances exciper de la null ité pour défaut de formes.
des tiers malintenti onri és auraient eu plus de facilité pour
abuser de leur inex périence; l'article 48 1 C. C., qui aurait réglé leu r situation, est une disposi tion à travers les
maill es de laquelle on peut parfaitement passer. • ( 1)
!')
(1) Auguste
LA 111w1.
Co"rs
etém~11tain rie
Droit commercial, p. 546.
�-
160 -
l_!uand cesconuitious ont été remplies. )'éman cipé. je
J'ai dit. est réputé majeur pour les faits relati fs a son commerce, c'est-à-dire qu 'il pourra venùre ses meubles corporels et incorporeL. acheIer, plaid er. transiger. emprunter' s'obliger personnellement et enfin engager
et ,hypothéquer ses immeubles. (arl. 6, C. de C.) ( 1)
L'assimilation du mineur commcrçao t au majeur n'est cependant pas complète. L'article 6, ne lni permet d'aliéner
ses immeublas qu'en suivant les formalités prescrites par les
articles 457 et suivants du C. C. c'est-à-dire qu'il le met
sur la même ligne que !'émancipé ordinai re. C'est fa une
grave dérogation à la règle de l'arti cle 2124 puisque la
loi sépare lei la ca pacité d'aliéner de celle d'hypothéquer .
Cette distinction a été approurée par quelqu es auteurs,
blâmée par d'antres. Pl s'ex plique surtout comme étant
un reste des anciennes idées sur l'importance excepti onnell e
des immeubles ùont on ne permellait que difficilement
l'aliénation. (2)
L'émancipé commerçant a-t-il besoin d'une autorisation
spéciale pour contracter une société commen~iale ? Je pose
cette qu estion parce que je la trouve discutée dans la plupart des auteurs, mais j'avoue pour ma part que j'adopte
sans hésiter la négativ e. Il est parfaitement vrai comme Je
font remarquer Lyon-Caen et Renault que l'acte a une
gravité exceptionnelle, car par suite de ce contrat !'émancipé pourra être appelé à garantir sur tous ses biens les
deltes de.ses coassociés. Mais l'article. 4.87 est tellement gé(1) Le mol engager veut lri!s probalJlem cnt dire que le mi11eur
pourra donner se~ immeubles en aatichrèse. D11..i.vAno J/an. de dr.
corn. p. 18.
( 2) L roli-CAsl'I et Ruw :Lr Pl'écis lie Dl'. Co111. p. 81
-
161 -
nér~l q'.1 'il me semble impossible de créer dr.s ùistinclions
arb1tra1res en dehors de ses termes.
Puisque en rlehors cles faiLs de commerce la capacité cl
l'ém~ncipé commerçant n'est pas mod ifiée, les articles 48;
e_t suivants du C.C. lui sont encore applicables et ses créancier~ pour cause!' civiles doivent èlre traités comme si leu
déb1~eu~ n'était pas commerç:wt. Il ya donc grand intérêt ~
savoir s1 lei a~te . fait par un mineur commerçant, se rapporte ou non a son commerce, puisque sa capacité n'est
pas la même dans les deux cas, et que souvent suivant la
réponse l'acte sera valable ou nul. Dans le doute , par exemple s'il s'agit d'un emprunt dont le but n'est pas indiqué,
quelle est la présomption de la loi ?
Un premier système, soutenu surtout par Bravard ,
partant de cette idée que le mineur est généralement incapable et qu e sa capacité commerciale (ne repose que sur
une fiction, veut qu e ce soit à celui qui invoque la commerciallté de l'acte qu'incombe la charge de l'établir ; car,
dit-on . on doit présumer la règle et non la fiction. C'est en
vain que l'article 638 du C. de C. dit q1'e les billets souscrits
pai· wi commerçant seront censes {ails pow· son commerce. Cet article placé sous la rubr.ique de la compétence
des tribunaux de commerce ne tranche qu 'une question de
compétence. et, comme il établit ainsi une présomption,
celte présomption ne peut pas être étendue d'un cas à un
autre et par conséquent être appli cable quand il s'agit de
capacité.
L'opinion contraire paraît prévaloir dans la doctrine(! )
( 1) D Bll ANGËA T
-
ÜHlt OLOlllDH
sur OnAl' Ano l p.
VIII, 259. -
L AUl\ IN
so· -
LTON- CABN
op. cil. no 902.
et R RN.lULT n• 17'1
�-
lû'.'l -
et danc; la jnrisprndence ( 1) . L'article G58 est général et
ne distingue pas en tre maj eurset mineurs 1;ommerçanls. On
ne peut pas objecter qu 'il ne tranche qu'nne question de
compétence. Soit qu'il s'applique à des majeurs, soit qu'il
s'applique à des mineur:;, il règle dans les deux cas. une
question de commercialité ; seulement, suivant que l'on
est dans l'un on l'autre de ces deux cas la conséquence
n'est pas la même. S'agit-il d'un commerçant majeur :
l'effet de ce que l'acte e' t commercial est simplemen t qne
le tribunal de commerce sera compétent pour en connaitre ; s·agit-il d'un commerçant mineur; il s'ensuit en
ou tre que l'obligation est présumée commerr iale.
5 F.l'TIOX !Il
Sanction des Règles sur la Oa.pacité de !'Emancipé
L'article t 124 déclare les mineurs incapables de contracter. Evidemment cet article n'est pas applicable au mineur
émancipé d'une façon générale, puisque j'ai dù justement
consacrer les deux sections précêdentes à la déterm ination
des act.es auxquels il peu t procéder. ~l ais . on l'a vu , le
mineur est loin d'être assimilé au maj eur ; certains actes
lui sont absolument interdits et beaucoup ne lui sont permis que moyennant des condi tions protectrices. L'éman(1 ) CassAtion 2J Mars 1857 ; DA1.Loz 57, J, 116 .
-
163 -
cipé n'est donc capable fJU 'a demi. li me reste à étudier
quel sera le ~0 1:t de ses actes , suivant qu'il aura dépassé
ou non les limites de celte demi-capacité.
S 1. -
Sort des Actes que l'Emanofpé peut fabe seul
L'article 48 1 clispose que !'émancipé fera tous les actes
qui 11e sont que de pure aclministration, sans être restituuble
contre ces actes dans Io us les cas où le maje1w ne te sernil
pas l1Li-méme. Ces actes auront donc ici la même validité
que s'ils avaient été faits par un majeur el !'émancipé ne
pourra se fonder ni su r son incapacité, ni sur la lésion
qu'il aurait pu éprouver pour en faire. prononcer la nullité.
L'article 1505 ne permet pas le doute sur ce point : La
simple lésion donne lieu à la rescision . ... en fave1w di' ?ninew· émancipé contre toutes conventions qui excèdent les
bornes de sa capacité, ainsi qu'elle est dâtenninée aux titres
de la Minorité, de la Tutelle el cle CE mancipation. Le renvoi
à l'article 481 est formel : les actes d'administration ren-
trent dans sa capacité. C'est du reste ce que les travaux
préparatoires rendent bien évident. Bigot-Préameneu disait
au Tribunat : « Lorsque le mineur est émani;ipé, la loi
l'assimile au majeur pour un certain nombre d'actes à
l'égard desquels il ne doit pas être admissible à réclamer
le privilège de la minorité. »
Cependant. pour être exact. je dois dire que même ici
l'assimilation de !'émancipé au majeur n'est pas complète.
�-
. - 161" -
L'arlicle !1-84. § 2 inslilue au prolil de !'émancipé un Lênéfice spécial : A l'ega1'd des obligation s qu'il aumit co11 lf'actt!es par voie d'achat ou a utre111e11 t. elles sero nt réductibles en cas d'excès.
Et d'abord remarquons que cel arlicle ne porte en rien
aLLeiote à ce que je viens de dire sur la validité des actes
que !'émancipé peul faire seul : il subsisteront dans tous
les cas. La loi institue ici une acllon en réduction et non
pas en rescision. Or la rescision fait tomber l'acte tout enlier el la réduction a simplement pour ellet de le ramener
dans les sages limites que la prudence co nseillait de ne pas
francbir.
Mais quels seront les actes réductibles? La doctrine est
id en désaccord avec la juri prudence. Cette dernière s'est
particulièrement affirmée dans un arrêt tout récent de la
Chambre des requêtes rendu en 188 2. ( 1) Cet arrêt déclare que l'article 48!i. est applicable à Lous les cqnLrats
commutatifs autres que l'emprunt et l'aliénation des immeubles.
La plupart des au teurs rejettent ce système el admet·
lent que l'article ne vise qu e les dépenses ou obl igations
qui, reslreinles dans de juslès limites, eussen t constilué
des acl.es de pure adm ini::.Lration . el qui ne sont répréhensiLles qu'a raison de leur excès. (2) L'élude des trnvaux
préparatoires rend celle solution évid ente. J'ai dit plus
haut que l'article 85 du projel rofu sail a !'émancipé la
fdi;ulté de s'engager par promesse ou obligalion au defa du
165 -
montant d'une année de son revenu , et que Cambacérès
fil écarter celle disposition qui fut remplacée par deux autres. La première. ainsi conçue : Le mineur ne pourra
jamais emprunter directemen t sans l'autorisation de la
famille , dev int l'arlicle !"85. La seconde visait les emprunts indirects.les obligations que contracterait le mineur
envers ses fourn isseurs ou autres personnes avec lesquelles
l'administration de ses biens le met nécessairement en
rapport; car c'eû.1. été rendre cell e administration impossible qu'exiger qu'il Lraitât toujours au comptant. Dès
lors Cambacérès fil admettre la validité de ces obligations
mais aussi leur réductibilité en cas d'excès, eu ègard à
l'état et aux facultés du mineur. J'ai dit comment celle
seconde disposition fut séparée de la première par le paragraphe 1 ùe l'article '"84.. Mais on voit que le paragraphe
2 n'est qu e la suite et le complément de l'article 481.
L'émancipë pourra libremen t s'engager dans le cas où ce
dernier texte le reconnait capabl e. mais. justemen t parce
qu'ici il agira seul. la loi veul le protéger contre son inexpérience, et elle décide que ses engagemen ts excessifs
pourront être réd uils à de justes mesures ( 1).
Mais quand les engagements seront-ils excessifs ? C'est
une question de fait que la loi abandonna enlièremenl à
l'appréciation des tribunaux : Ils 7Jrendro11t à ce sujet, dit
l'article 484. en considération la forlttrw dtt minetw, la
bonne ou mauvaise foi cles 1)ersonncs qtû aiiro11t contracté
avec lui, l'11tilité ot' l'in utilité des dèpe11ses. Par exemple, no
émancipé a loué un appartement ou pris à crédit des fouroStu'::a~~~s.1 ~~ 3 3t liv p. ~68.
Voir aussi le; motifs cl'un orrêl c) e \ S.i7.
(~)Voir article de Lyon-Coen. Poloi.> sous l'nrret précité de 1882.
( 1 FfiN.fiT, T. X.
p. 56 5.
e l ~. 593 c l S. 607 .
�-
f66 -
nilures destinées à l'entretien de son ménage, il se trouve
valablemenl obligé. Mais si l'appartement qu'il a loué est
d'un prix bien supérieur à celu i que sa fortune lui permeltail de consacrer à son logemen t. si les ach.its faits chez les
fo urnisseurs sont hors de proportion avec ses ressources,
ces oblioations sonl excessives et peuvent être réduile8. En
les contractant !'émancipé a fait plus qu'user de sa capacité, il en a abusé el l'article 484 permet de porter remède
à cet abus. Du reste cette réduction ne sera jamais une injust_ice pour les contractants de !'émancipé, leur mauvaise
foi. leur indélicatesse. ou tout au moins leur grave imprudence étant un élément de la réductibilité.
L'article 48;), § 2 ne s'appliqu e donc qu 'aux actes d'administration excessifs; mais s'appliqoe-t-il à rous ces actes?
Non, ses termes mêmes limitent l'action en réduction aux
oûligalions contraclées par voie d'achat ou cwlrement. Obligations , dit d'abord la loi: il fan l donc que par J'acte même
le min eur soit devenu débi teur, par conséquent qu'i l
n'ait pas traité au comptan t, qu'il ai t pris un engagemen t
qui le constitue en dépense. Si, par exemple, le min eur a
loué pour neuf ans sa propre mai. on à un prix trop bas. s'i 1
a vendu ses récoltes à trop bon marché. l'article 484· ne
sera pas applicable, car , 'il omet ainsi de faire un gain ,
il ne s'esl pas obligé à des dépenses excessives. Ce que la
loi a surtout voul u prévenir ce sont les emprunts déguisés
sons l'apparence de conventions permises. Or de Ioules
les opérations qui se prêtent le plus à ces déguisements les
plus dangereux el les plus fréquen ts so nt les achats à crédit et la loi a cru nécessaire d'en parler spécialement.
l;)
-
167 - -
Mais les obligations contractées pour cause de répara lion,
de location peuvent avoir le même résulLat el voilà pourquoi la loi a ajouté : ou aùtrement. Il ne faut pas attribuer
à ce mot un sens plus étenàu. Je remarque d'ailleurs que
s'il est certain, prouvé, que le con trat qui a l'apparence
d'un acte d'administration est en somme un véritable emprunt déguisé, comme il n'est pas permis de faire indirectement ce que la loi défond de faire directement, l'article 483 serait applicable et J'acte serait non pas réductible
mais annulable.
S2
-
Sort des actes que l'Emancipé doit taire avec
l ' Assistan ce de son Curateur
Sur ce poin t le système admis aujourd'hui par les auteurs les plus récents, entr'autres per Aubry et Rau , Demolombe, Colmet ùe Santerre, Laurent etc .. est bien
si mple. L'émancipé a-t-il agi avec l'assistance de son cur~
teur, comme le demande la loi ; l'acte qu'il a fait est .ple1nemeot valable. comme s'il avait été fait par un maj eur.
An con traire, le mineur a-t-il agi seul ; il pourra alors en
- de pi·ouver que cet
faire prononcer la nullité .a cond.1t1on
acte le lèse.
. .
Voici comment on établit ce système. L'éman~1 ~e, on.
le sait. est à demi capable et par conséquent aussi a de_m1
in capable. D'autre part J'acti cle 1 5 0 ~ dispose q11e la s1111·
ple lé.~ion donne liw à resrision e11 favwr rfo mineur émm1•
�-
168 -
cipé contre toutes co1wcntions qui cxcède11t les bonzes de sa
capacité, ai11si qu'elle esl dNcrminée au litre de la Jli11 orité
de la Tutelle et de (Eman cipation. Or, dans ce titre. la loi
exige que pour certains actes !'émancipé soit assisté de son
curatenr ;( 1) c'est donc qu'elle reconnait \•alable l'acte qu i
est fait avec celle assistance. On ne peut plus dire que cet
acte excède les bornes de la capacité de !'émancipé, car
l'incapacité de ce dernier est cotH'erte par lïntervention du
curateur, celle intervention n'étant justement exigée que
pour l'habiliter. Dit-on de la femme mariée qu'elle est incapable lorsqu'elle est autorisée de son mari ? Le prodigue
est-il incapable quand il est assisté de son consei l ? Non ;
eh bien, ici la situation est exactement la même. li s'ensuit que !'émancipé, même s'il est lésé, sera obligé de respecter l'acte, sans pouvoir se faire un e arme de celte lésion
pour en demander la rescision. Les tiers qni traiteront
avec lui, ainsi assisté, sernnt tlonc dans la même situation
que s'ils avaient traité avec un majeur . Mais à l'inverse,
si I'émaocipéfa it un acte sans l'assistance de son curateur ,
alors que celle assistance était requise. on ne peut pas
dire qu 'il n'a pas dépassé les born es de sa capacité; l'article 1505 devient applicable et !'émancipé peut se prévaloir de la simple lésion pour demander à être restitué.
L'opinion contraire, soutenu e sortout par Toulli er et
Demante,
peut se résumer ainsi. Il fa ut bien distin Dauer la
.
.
re.st1tul1on pour ca use de lésion accordée au mineur par
l'article 1505 de la nullité ré ullan t de l'i nolJsenation des
formes requises. Ceuo distinction ressort évidente de J'arti( 1) On a vu qu e, suiva nt moi, il en esl ai nsi rn r1"gl(• génfrnlc·
-
16!J -
cle 15 11 qui oppose les actes mtls en la forme aux engagements sujets à_rcstit11tion. Or, et personne ne le conteste,
par nuls en la forme la loi ne peut entendre ici l'acte
solennel pour lequel on n'aurait pas observê les forma lités requises, car ce même article 1311 est justement relatif à la ratification de l'acte nul en la forme, et les actes
solennels. étant inexistant s si quelque formalité vient à
manq uer, ne son t pas susceptibles de ratification . On devra donc considérer comme nul en la forme , c'est-à-dire
annulable, indépendamment de toute lésion, tout acte qui
n'est pas passé dans la forme prescrite par la loi, et par
conséquent ici l'acte passé par !'émancipé sans l'assistance
du curateur quand cette assistance était requise. Au con traire, tout acte passé avec l'assistance du curateur, quoi·
que valable en la forme. sera rescindable pour cause
de lésion en vertu de l'article 1505, s'il n'y a disposition
contraire. En un mot, l'article 1305 doit être ainsi inter· '
prélé : la simple lésion donne lieu à rescision en faveur de
!'émancipé contre toutes conventions qui excèdent les bor·
nes de sa capacité telle qu'elle est réglée par J'arlicle 48 1,
c'est-à-dire contre les conYentions pour lesquelles il n'est
pas réputé majeur. (! )
Ce système esl inacceptable. D'abord , en elict, il donne
un e interprétation ab~olument fantaisi Le à l'article 1505.
( l) Dcmante propose subsidiai1cmcnt , c Lpour le cas uli oa ne voud rai t pas l"aJoptcr ~ nti è rc n1c n1 , un dim inu ti f d? ce sy~t ~ m c. coo 5~ n
l 1r a1L 11 ne pus r egarder commc1111l rn la for me 1acl e tall par 1 ém_an~ 1pé
seu l, alors que l'a s~ i slan ce ctu cu rnteur étu1t .r equ1 c; mais 11 maint1c1_
ll
éne r giqu ement qu e l'acte foiL avec cette oss1stn nce esl cep cnclo.1~ t r c•r 1ndublc pour Jilsion. La r érutnlion de ce système bOlard, qu~ son .auteur
semble lui- mèmo n'accepter qu 'à regr~ I . r êsult11nt de Io 1·cfutat1en du
systcme p ri ncipal, JC ue m 'en occuperai pns dovantagc.
!'
�-
1
1
170 -
Cet article ne renvoie pas, comme on le dit, à l'arti cle &.8 f
seulement, mais bien à toutes les règles qui régissent la capacité de !'émancipé au titre de la Minorité. Or ces règles
nous enseignent que le mineur émancipé est tout aussi
capable de fai,.e, avec l'assistance, de son curateur , les
actes qui requièrè nt ~ett e assistance, qu'il est capable
de passer seul les actes qui ne la requièrent pas. On
ne voit donc pas pourquoi il serait admis à se faire restituer plutôt contre les prem iers que contre les seconds.
En outre, il faut supposer dans ce système que l'article
1505 a spécialement en vue les actes faits par le mineur
assisté de son curateur (ou autorisé par le conseil de famille et le tribunal); et cette supposition est d'autant plus
gratuite que dans la plupart des autres articles de la section le Code parle évidemment d'actes faits par le mineur
agissant seul (art. 1504, 1307, f 508 et 151 O). Enfin
s'il est incontestable <JUe l'article 1511 distingue entre les
actes ni,/s en la (arme et les actes rescindables pour lésion ,
il est facile de prouver que la loi ne considère pas comme
une forme l'assistance du curateur et par conséquent que
l'acte fait sans cette assistance n'est pas n ul en La forme.
JI est en effet impossible de ci ter un article du Code considérant cette intervention comme une forme . Le seul texte
qui en matière d'émancipation prescrive des formes est l'a rticle 4,g4 et par conséquent ne seront nuls en Let /'orme que
les actes que !'émancipé fera sans observer les prescri plions
de cet article. Or il soumet aox fo rmes prescrites aux
mineurs non émancipés les actes antres que ceux d'administration , auxquels on doit ajouter, je l'ai établi plus hao t,
..
-
171 -
les actes qu'il peul faire avec la seule assistance de son
curatenr. Du reste. que.Iles sont ces formes prescrites aux
mineurs en tutell e ? Ce sont l'autorisation cln conseil de
fam ille, l'h omologation du tribunal et quelques autres formalités secondaires. Or, la loi ne prescrit aucune de ces
form es pour les actes qu'un min eur émancipé peut faire
arec l'assistance de son curateur. Donc on ne peut pas dire
qu'ils sont nuls en la fo rme quand le mineur agit sans être
assisté. En réalité il y a ici une question de capacité et non
une question de form e. Le mineur. n'élant pas habilité
par l'interven tion de son curateur , exrède les bornes de
sa capacité et par co n~éq u ent l'acte qu'il fait ainsi tombe
sous le coup de l'article 1305 el est rescindable pour
lésion .
On pourrait croire que cette controYerse n'a qu'un médiocre intérêt pratique, car évidemment, si Je mineur ne
souffre pas de l'acte qu'il a fait, il n'a aueune raison pour
l'allaquer ; dès lors qu'importe que cet acte soit nu l pour
vice de fo rme ou rescindable pour l ~si on ~ Mais, il suffit
dP, réfléchir un instant pour voir q u~ le mineur. qui n'a
peut-être pas été lésé au moment de la convention, peut
avoir in térêt à la faire rescinder par suite d'un changement
survenu dans la valeur de la chose objet de cette convention. En outre, dans le sys1ème que j'ai combattu , le mineur n'aura jamais besoin de prou ver la lësion, ce qui peut
être difficile ; il n'aura qu'à faire constater un fait matériel,
l'absence de son curateur à l'acte.
�-
172 -
-
S 3.. - Sor t des Actes que !'Emancipé
ne peut fai re qu'en observant les formes prescrites au
Mineur non émancipé
C'est ici le cas d'appliquer la distinction que fait l'artit:le 1511 entre les actes nuls en la forme et les actes seulement sujets à restitution.
Quand à raison de la gravité d'un acte la loi prescrit des
formes spéciales pour mieux sau \ egarder l'intérét d'un
incapable, l'inobservation de ces formes doit entraîner la
nullité de l'acte, par cela seul que l'incapable n'a pas joui
de la protection que la loi a vouln lui assurer. C'est en ce
sens qne l'article 15 i 1 dil que l'acte est mtl en la (orme ;
d'où suit que le mineur qui J'allaque n'a qu'une chose à
prouver. c'est le vice de forme qui rend l'acte nul.
Spécialement à !'émancipé, l'article 484. établit le principe qu'il ne peut faire les actes autres que ceux de pure
administration , (j'ai dit plusieurs fois en quel sens cette
formule devait être entendue), sans obsen•er les formes
prescrites au mineur non émancipé, et ces formes , on le
sait, sont l'autorisation du conseil de famille el l'homologation du tribunal. Si l'émancipé n'obéit pas à celle prescription, l'acte sera nu l en la forme, c'est-à-dire qu'il
pourra l'attaquer et que le juge pourra en prononcer
l'annulation par cela seul que les formes n'auront pas élé
observées , sans qu'il soit aucunemenL besoin de prouver
1
175 - ·
qu 'il y a eu lésion. Au contraire, si !'émancipé a respecté
les formes prescrites, son incapacité est couverte ; il devient alors aussi capable qu'un majeur et l'acte est absolument inattaquable, même s'il lui préjudicie. L'article f505
n'est donc jamais applicable quand il s'agit d'actes soumis
à des formalités spécial es.
Le contraire a cependant été soutenu et le tribunal de
Rennes, se fondant à tort sur la règle : /Jfinor 1·estitiiit11r
non lanquarn minor sed tanquam /œsus, a jugé en 1856
que le mineur ne peut jamais agir en nullité, s'il n'a pas
élé lésé ; mais ce jugement a été réformé par l'arrêt de la
Cour de la mP.me ville ( 1). - En sens inverse Toullier el
Demanle, par un développement logique du système que
j'ai exposé au paragraphe précéden t. admellent bien et
a fortiori que, si les formes prescrites n'ont pas été observées, J'acte sera nul pour défaut de forme , mais ils prétendent que même dans le cas où elles ont été observées,
!'émancipé pourra cependant attaquer l'acte pour cause de
lésion, à moins que l'on ne se trouve dans un cas où la loi
ait formellement assimilé l'émancipé au majeur , c'est-àdire dans l'hypothèse d'un des artides 109 5. 1509 , t 514
el 1398. Celle opinion s'appuie surtout sur l'argument
su ivant : dans l'ancien droit la règle générale était q1:1e la
rescision pour cause de lésion était possible même contre
les actes accomplis avec tou tes les formalités exigées par la
loi. Or le Code n'a pas dérogé à celle règle d'une fa çon
générale, mais seulemen t dans des cas particuliers régis
( 1) DAi.toz. Rép. 1·• Obligatio11s n• atl!I.
�-
174 -
par les articles préciLés ; ces articles ne forment donc que
<les exceptions à la règle générale qui sub iste.
Cet argument tombe devant celle considération que s'il
en étaiL ainsi le législateur se serait rendu coupable d'étranges inconséquences. Pourquoi. par exemple. eût-il affranchi
de l'action en rescision ponr cause de lésion la Yen te d'immeuble (art . 15 14) el y eût-il soumis l'emprunt ou l'hypothèque, alors que dans l'article 457 il assimile ces
contrats et exige pour leur accomplisement exactement les
mêmes formes . Les articles cités ne sont donc que des
exemples. des cas où le législateur a voulu appuyer en
quelque sorte davantage sur Je changement qu'il portait
à l'ancien droit et dont on ne peut tirer aucun argumen t a
contrnrio. Le système ancien était préjudiciable au crédit
des mineurs ; le Code a voulu remédier à cet inconvénient.
La preuve en est dans ces paroles de Jaubert au Tribunat :
• On est so uvent forcé de traiter avec les mineurs ; el les
mineurs ont sou 1•ent besoin qu 'on traite avec eux ; il faut
donc que l'intérêt des Liers soit garanti lorsqu'ils ont suivi
les formes prescrites par la loi. » ( 1) C'est du reste de la
pure équité.
-
commerce faits dans les limites de celle capacité sont pleinement valables (art. 487). Il s'ensuit: 1° que !'émancipé
commerçant n'est pas restituable contre ses engagements
par l'action en rescision pour cause de lésion ( 1508) ; 2°
qu'il ne peut en aucun cas faire rédu ire ces mêmes engagemen ts (484 , § 2).
Mais si les conditions exigées par l'article 2 du Code de
Commerce n'ont pas été remplies, le mineur n'est pas
commerçant et les actes qu'il ferait à ce tilrü seraient nuls.
Bien certainement il ne sont frappés que d'une nullité relatirn. mais par application dn système que j'ai exposé dans
le paragraphe précédent je crois qne, s'agissant ici d'actes
pour la validité desquels la loi ex ige des formali tés spéciales.
ils seront nuls pour vice de forme , indépendamment de
toute lésion. La ju risprudence est cependant divisée sur ce
point, mais le dernier arrêt qui est de la Cour de Rouen du
23 juillbt 18 58 semble plus ~on fo rme à l'opinion que je
soutiens ('1). Quoi qu'il en soit le mineur n'étant pas commerçan t ne peut être déclaré en fai ll ite ni poursuivi comme
banqueroutier. (2)
( 1)
(~)
§ 4. -
Du sort des Actes d e Commerce faits par l'Emancipé
J'ai dit quelle était la capacité du mineur commerçant
régulièrement autorisé. li est évident qne les actes de
( 1) F E~&T . Œ I
p. 374
17 5 -
ÜA l.l. OZ
185\l, 'l; 'l1 6.
LAun1N. Op. Cil. p. ?HG. Lyon-Caen el nonault 88.
�-
S1-
177 -
Conditions
TROISIÈME PARTIE
Deux con di lions sont nécessaires au retrait ùe l'émancipation .
La première est indiquée clairement, trop clairement
peut-être, par l'article 485 : To1,1t mineur émanci71é dont
Révocation de l 'Émancipation
Il peut se faire que le mineur émancipé, trompant
toutes les espérances qu 'on avait fond ées sur sa maturité
d'esprit, sa sagesse passée et son intelligence, ne se fasse
remarquer que par so n incurie et sa prodigalité. Dès lors
l'émancipation devient un mal pour l'enfant et le législateur devait permettre de la révoquer. C'est ce
qu'il a fait ; mais, comme on va le voir, il a ren fermé cette
faculté dans les plus étroiles limites . Nous allons examiner
les conditions, les form es et les eITets de celte révocation .
les engagements aiwaient été réduits en vertu de l'article
1n·écédent pourra dfre privé du bénéfice de l'émancipation.
Je dis que cette disposition est trop claire : elle condamne en elTet un système généralement admis aujourd 'hui,
système fort raisonnable et que le législateur eût probablement consacré, s'il eûtét udié avec soin la matière qui
nous occupe. La demande en révocation, disent Demolombe, Marcadé, Delvin court , Aubry et Rau, etc.. doit
pou voir légalement se fonder sur toute décision judiciaire
qui aurait constaté la mauvaise gestion de !'émancipé et
reconnu ses E!ngagements excessifs et réductibles, sans toutefois en prononcer efJectivemen t la réduction. en considération par exemple de la bonne foi des tiers. J'ai vainement cherché dans les travaux préparatoires la justification de cette opinion que j'eusse été heureux de pouvoir
adopter. Les paroles de Berlier, de Leroy, de Hognet ne
m'ont pas permis de douter un instant que la réduction
prononcde ne soit une condition sine qua non de la révocalion . Du reste, comme le remarque Laurent, on peut
�-
17 ~
·--
179
tl'anlant moin . s\;carler ici de termes rigoureux de l':irticle kS 5 que l'on e. t en matière d'ordre public. .
Mais qui pourra agir co récl uclion ~ Je m: vois en.core
forcé d'adopter un système , qui aura poL'.r fach:~x re~u l
tal de rendre sournnl impos5iblc le retrait de l emaoc1pa. . Il ,a.,ait ici d'une action en réduction insl ituée par la
LlOll
loi en faveur de !'émancipé. à propos cl'u n contrt.tl _passé
entre lui el un tiers. Or en règle générale l'émanc1pé a
seul l'exercice de ses action.. Aucun texte ne venant por ~
ter exception acette règle, il faut admellre que s~ul aussi
il pourra faire réduire se engagements. On a fait co~Lre
ce , ystème de gra\'t!S objei:tions. L'application de l'article
485 ::era des plus rares cl son utilité illusoire: l'amour
propre, un sentiment d'honneur exagéré et rnr t ot~l. la
crainte de retomber en puissance paternell e ou tutelair.e
empêcheron t l'enfant rl'inlenter un e pareille 11 1stan~e : tl
ai mera mieux supporter une perle pécuniaire que risqu er
sa liberté. Du reste qu i \' CUL la !ln veul les moyens. el il
e t impossible que la loi ait permis au père. à. la 1rnère au
conseil cle fam il!c de retirer l'émancipat ion, sans leur permettre en même temps de réali ser la condi tion de celte
ré\'Ocation. c'est-à-dire de dennnùer la réel neLion des actes
excessifs ( l).
Ces raisons auraient dù loucher le législateur ; ell e ne
peu\'Cnl loucher l'inte:·prète, mais j'arnue volootiers CJ ue
i le système que j'aJoplc e·tj uridique, il est peu rationnel.
Du reste il ~ t pratiquement moin. fun es te qu'on veut bien
( 1) V. l)~:llOWllB ~ VIII
\"o .llir1111·1/t', nu R47 .
li"
:147 "t '· -- i'nr1 ~ I~ Mni IS38 0 .11.1.07. .
nrp .
le dire, car l'émancipé est le premier intéress6 a demander la réduction de l'acte, et en tous cas, s'il s'entête dan s
son inconduite. on aura toujours la ressource de le faire
interdire. (1)
Le texte de l'article 485 me cond uit encore à repousser
le système introduit par Demolombe et qui n'a eu du reste
que peu d'écho dans la doctrine, à savoir que l'inconduite
d'un mineur, administrant du reste bien sa fortune. est
une cause de révocalion. Suivant le savant professeur, il est
inadmissible que le Code n'ait eu en vue uniquement que
l'intérêt pécuniaire du mineur : s'il permet de révoquer l'é·
mancipation lorsque les engagements du mineur , ont été
réduits, c'est parce que ces engagements excessifs sont,
dans sa pensée l'indice de la mauvaise conduite du mineur
sous tous les rapports. Et puis les tribunaux , en ce qui
concerne la garde et la protection du mineur excercent,
une sorte de tutelle suprême, puisqu'ils ont le droit de le
soustraire à la garde de son père lui même. Pourquoi ne
leur accorderait-on pas le droit de le soustraire à ses
propres égarements .<;
Malheureusement pour ce système il ressort de l'examen
<les textes qu e la loi n'a d'autre préoccupation que de
sauvegarder les biens et qu'elle ne s'occupe de l'inconduite
d'un individu que si ses débauches constituent un délit ou
arri vent à compromettre sa fortuue . D'autre part il n'est
écrit nulle part que les magistrats soient investis d'une
.( 1) 11 en est ai nsi su ivon L l'opinion généra le pour le mineur éman-
cipé, malgr é le mot majerll' d e l'n r l. lo H9. Duw i . Tlé1). V . lntenliction
no 20 et 1863 . 5, i 1R.
�-
10 -
:'llrle de droil ùe garde et de tutelle sur les mineur : et
cela serait-il que ce droit cesserait à l'égard de !'émancipé
qui est assimilé à un majeur quant au gouvernement de sa
personne. Un jugement tout récent du tribunal de. Toulou e du 15 noYembre 1882 vient Liu reste de declarer
une fois de plus que l'émancipai ion ne peut pas être retirée
pour incondni Le. ( 1)
La deuxième conùitioo nécessaire an retrail de l'émancipation e. t que cette dernière ait élé expresse. L'émancipation résultant du m:iriagc ne peut jamais être retirée.
L':irlicle 485 elablit cepenclanl la rërncati on contre tout
mineur emancipé. Mais la fin rlu même articl e, exigea nt
pour celle révocation l'emploi des formes qui ont été snivies
pour conférer l'émancipation, montre bien que la loi n'a
pas rnuln parler de celle qui résulte de plein dro it du
mariage el par con équent qoi a eu lien sans l'emploi
d'aucune forme. Le législateur a pensé qu e l'état du min eur
en tutelle était incompatibl e arec la qualité d'époux . et du
re Le l'autorisation donnée au mariage du mineur prouve
que les personne de qui elle émane on t jugé l'enfant
suffisamment raison nable. Ces con idérations on t évillemment la même force après le mariage qu 'au moment
rie sa célébration.
Cette ·olution est unin'r!'clleme11t admise anjourd'hui .
~larcadé el Pont avaient rependant ensr.igné que le min eur
resté Yeuf sans enfants pourra 1',trc priYé de l'éru:rnci pati on,
( 1) PnlAÎ<, l ~R:!, '" Jiv . p. l ?!J
-
181 -
car il n'est plus chef de famille et l'o n ne peut plus invoquer en sa faveur l'incompatibilité existant entre la qualité d'époux et de père et l'état de min eur so umis à la
puissance d'un au tre. Celle distinction n'a pas prévalu.
Ou bien l'article 48 5 s'appliqudt l'article 1. 7 6, on Lien il
lui est inapplicable. On ne peut découvrir nulle part dans la
loi la di!Térence qu 'on veut établir.
S 2 - Formes
L'é111ancipalio11 , dit l'article li.85, sera retir~e1.m 111itie1Lr
suiua11l les mêmes form es <
1ue celles q1ti auront ei' lie1' pour
la lui cvn (érer. Cette rédaction n'est pas très exacte, et
tout le monde s'accorde à l'interpréter ainsi : ceux-là devront révoquer l'émancipalioo, qui auraient act11el/.eme11t
le droit de la conférer .
La déclaration ou la clélibératioo qui révoque l'éman ci·
pation est-elle susceptible ùe rcconl's devant la justice'
La distinction suivante réunit aujourd'hui tous les snfîra.ges. La révocation est-elle illégale soiL parce qu'elle est
nulle en la forme, soit pal'ce que les cond itions de la révocation n'ont pas été remplies. le recours es t pos iule.
S'il en est autrement , les tribunaux ne peuvent pa s'opposer à l'exercice d'un droit dériYant ùe la puissance paternelle, cl la révocalion e. l inattaquable.
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S
182 -
s -
Ef!ets
L'enfant donl l'émancipaLion a élé révoquée redevient
un mineur ordinaire et par suite :
S'il a encore son pèi·c et sa mère, ceux-ci recouvrent
sur sa personne toutes les prérogalirns attachées à la
puissance paternelle. Ainsi sans aucun doute les droits
de garde. d'éducaLion, de correction, d'admi nistratio n
légale re\•ivent dans toute leur étendue. Mais la question
est plus délicate en ce qui concerne l'usufruit légal
sur les bi ens de l'enfan l âgé de moins de dix-huit
ans. Cet usufruit revit-il ~ Non , réponden t Demante et
Colmet de Santerre, car lors ùe l'émancipation les parents
de l'enfant ont tacitement renoncé à ce droit. el d'autre
part le retrail de l'émancipation a lieu dans l'intérêt de
l'enfant et non pas dans celui de son père ou de sa mère.
Je crois avec Valette. Proudhon , Demolombe. Lauren !,
elc. devoir adopter la soluti on contrai re. La puissance
paternelle reYit ; ses attribu ts doivent revivre a\•ec elle. La
loi ne faisan t aucune disti nction, il n'y a pas à les scinder,
à prendre les uns et à rejeter les autres .
S'il n'a que son père 014 que sa mère, il est soumi à la
fois à la puissance paternelle et à la puissance tu té lai re.
S'il a 71erdu so11 7Jère et sa mèrP, il est mis en tutelle.
Ces distinctions qu e je viens d'élauli r étaient évidemmenl dans l'esprit du législate ur quand il écrivit l'art ido
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1 ~5
-
48 6 : Dès le jour où l'émancipation aura été révor1uée le
mineur 'rentrera en lutt:lle. ~lais on voit combien celle disposition est incomplète. Elle n'est même pas assez explicite
po ur le cas qu 'elle règle,, celui où l'enfant doit recevoir un
tuteur, et son laconisme a ùon né lieu à une importante
controverse.
Sous quelle Lute!le sera placé le mineur qui était déjà
en tutelle à l'époque de son émancipation ?
On admet généralement aujourd'hui que c'est une noo·
Yelle tutelle qui commence car l'ancienne a pris fin par le
fait de l'émancipation, le tuteur a rendu ses comptes el est
déchargé de même que le subrogé tuteur. Il faudrait un
tex te formel pour les obliger à reprendre leurs fonctions.
C'est donc une tutelle absolumen t di!Térente de l'ancienne
qni va commencer, et, si par hasard c'est l'ancien tuteur
qui en est rie nouveau chargé, l'hypothèque légale qui
frappe ses biens ne datera que de la seconde tntelle. Mais
les au teurs ne son t plus d'accord quand il s'agit de décider
à qui reviendra cette seconde tutelle.
Boilenx r,roit qu'elle esl toujours ùative puisqu e la loi
n'a créé aucu n tu leur légi time pou1· celle si tuation spéciale.
Marcadé et Demante ùécl:l rent le sunivanl des père et
mère investi de la tutelle légale . ~bi s si ces derniers sont
tous les deux morts ou:dans l'impossibi lité d'exercer la tutelle, cette dern ière devra touj ours être dative, car c'est
au conseil de famille à pou1·,·oir il l'établissement de la tutelle à la<p1clle il a don né lieu rn retiran t l'émancip:ition.
Demolombe,Aubry cl Rau et Laurent roulent qu e la tutelle so it déférée de la même manière que 'i clic s'ouHait
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184. -
pour la première fois, car c'est le droil commun qu i doit
ètre appliqué quand il n'y est pas dérogé. La tu telle sera
donc déférée au survivaot des père et mère, à défaut au x
autres ascendants, el à défa ut de ces derniers elle se r~ dative.
Il est clair que si le mineur, dont l'émancipa lion est révoquée. était commerç..ant, il perd par fa même cette qualité. Mais on s'est demandé i la simple autorisation de
faire le commerce pourrait être principalement retirée au
mineur qui resterait d'autre pa1 t émancipë? L'affirmati ve
est généralement en~ eignée, ( 1) mais avec cette restriction
que le mineur aura le droit de s'ad resser aux tribunaux,
pou r ne pas laisser sa situation commerciale dépendre du
caprice de ses parents ou de son conseil de famille. En
outre. la loi n'ayant ici prescrit aucune forme de publicité
pour ce retrait d'autorisation, on fera Li en de le fai re insérer dans les journaux et cc sera une question de fait de
5a\'Oir s1les tiers. qui ont postérieurement fait avec le mineur des aetes de commerce, étaient ou non de bonn e
foi .
Dans la dernière partie de l'article /~ 86, la loi déclare
qu'une fois l'émancipation ré1•oq uée, le mine1ir restera en tutelle jU$qii'ù $((,majorité accomplie. li faut seul~ment conclure de là qu'il ne peut plus être émancipé
directement. Mais le mariage ne lu i étan t pas interdit. il
e:>té~ iden t qu'on pourra loujours par r.o moyen le faire
sortir de la tutelle par application ùe l'article 1.7 G. Laurent
(l) Boisr Ei. JI · 6J -
Lro' CAR~ cl llP.l'A111.r "" 166 - L.11111" n• Uoa·
-
185 -
remarque que la loi pousse ici la faveur du mariage jusqu'à
l'absurde. Une telle critique n'est-elle pas exagérée ? Le
mariage est un acte trop grave pour que les parents ou le
conseil de famille de !'émancipé lui permettent à la légère
de s'y engager. Leur consentement ne sera accordé que s'il
a donné des preuves suffisantes de s0n changement de conduite et de sa plus grande maturi té d'esprit.
--~--
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187 -
Il. - Pour qnc le créanciers puissent attaquer l'acte
à Litre gratuit fait par leur débiteur et qui leur préjudicie,
il faut q1Je le débiteur ait été conscius (raudis.
POSITI ONS
Ill . - La femm e séparée de biens peut librement
aliéner à titre onéreux son mobi lier pour quelque cause que
ce soit.
IV. - L'action en responsabilité contre l'architecte ou
l'en trepreneur. à raison du vice de construction constaté
dans les dix ans de la réception des travaux , est éteinte
par l'expiration de ce mème délai de dix ans.
D R OIT R OMA I N
DROIT
1. -
PÉNAL
L'i11(aritia finissait à sept ans.
II . - Sont rurales toutes les servitudes qui consistent
pour leur titulaire in (aciemto; sont, au contraire, urbaines toutes les servitudes qui consistent in habcndo ou
in prohibendo.
Ill . - La servitude de pass;ige légale au profil d'un
fonds enclaré existait à Rome.
lV. - Dès la fin de l'époque cl;issique la fil le de famill e
s'obligeait civilement.
DROIT CIVIL
1. - Le mari ne peut forcer sa femme et;am manu militari a réintégrer Je domicile conj ugal.
l.
Il y a délit d'escroq uerie dans le fait d'un individu
qui , se présentant fa us ernent comme agent électoral d'un
candidat et comme mandataire du dépositaire des bulletins
de ce cand id at, se fait remettre un r.erlain nombre de ces
bulletins pour les détrui re.
Il . - Il n'est pas néces aire. pour que le recélet11· soit
punis. able, qu'il ail con nu l'origine criminelle de ohjeLl recu
par lui. au moment où ces objet· son t entré dan ses mains.
DROIT
FISCAL
l. - La cause génératri ce ù'un droit , qui ne µeut être
perçu que si un écrit a élû dressé et pr~ ente an receveur
�-
t88 -
de l'enregistrement, se trouve. non pas dans la rédaction
de l'écrit. mais dans l'opération juridique qu'il conslate.
JI . -
Le principe de la non déduction des charges
dans les mutations à titre gratuit devrait êlro aboli.
Vu par le Proresseur, Présidcnl de la Thèse,
EuoUARD JOURDAN
Vu par le Doyen de la Faculté de Droil,
Chevalier de la Légion d'honneur,
ALFRED
JOURDA?\
Vu et permis d'imprimer :
Le Recteur de l'Académie d'Aix,
Cheva lier de la Légion d'honneur.
BELIN
'
~·
~
---·-~---
Aix. -
Imprimerie J . NICOT, rue du Louvre, 16. - 41.46
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
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Title
A name given to the resource
De l'émancipation en droit romain et en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit privé
Droit romain
Factums après 1789
Description
An account of the resource
L’émancipation a longtemps été un acte juridique qui libère avant tout l’émancipé de la toute puissance paternelle. Au cours du temps, sa portée s'est étendue et elle peut désormais le libérer de toute autre tutelle
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lavalette, Jean de
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-137
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J. Nicot (Aix)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1884
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/241149967
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-137_Lavalette_Emancipation_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
188 p.
In-8°
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/420
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1884
L’émancipation en droit romain est un mode de rupture du lien de filiation entre un père et un fils et ce, par la fin de l’exercice de la puissance du pater familias (père de famille) sur son enfant. Cette puissance était la patria potestas qui était le pouvoir qu’exerçait le père de famille sur sa maisonnée, et notamment : l’abandon, corps et biens, de l’enfant au père. Ce dernier, avait tous les droits : vendre, maltraiter, et même tuer son enfant sans en être inquiété. Quant aux biens, l’enfant n’avait aucun droit au patrimoine. Le contrepoids de ce pouvoir du pater familias est l’affection paternelle, considéré par l’auteur comme bien appliqué, sans quoi il estime que ce système n’aurait pas subsisté aussi longtemps. Cependant, il était possible d’accorder certains droits à l’enfant, en vertu de son âge et de ses aspirations à devenir lui-même indépendant, mais ces aménagements dépendaient uniquement de la volonté du pater familias. C’est ainsi que l’émancipation fut créée, pour remédier au patria potestas, et permettre à l’enfant en âge de devenir à son tour pater familias. Il devenait ainsi totalement étranger à sa famille d’origine. Cette thèse sur l’émancipation en droit romain aborde la notion juridique d’émancipation mais aussi ses effets sur le droit de la famille et le droit des biens.
La seconde partie de la thèse est consacrée à l’étude de l’émancipation durant l’ancien régime et durant le XIXe siècle. Elle retrace l’évolution de la notion d’émancipation, l’évolution de ses formes, de ses conditions, de ses effets et de sa révocation que ce soit en matière de libération de la puissance paternelle ou de la tutelle.
Cette thèse apporte une analyse historique et contextuelle sur la fin de l’exercice de la puissance paternelle sur l’enfant. De nos jours, elle peut nourrir la réflexion sur les réalités de la filiation, de l’héritage, du droit de la famille ou du droit des biens.
Résumé Liantsoa Noronavalona
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Émancipation (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Émancipation (droit) -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques