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!iKl\'E RSITK DE FR ANCE - FA CU LTE DE DROlî 11"\I\
DE LA
EN DROIT ROMA IN
ET
E~
DROIT
FR.A~ÇAIS
POUR LE
D C)C 1~0 RAT
PRÉ!:Œ:.'\TÉE l'.\H
Christo N. BR A.CALOFF
~
AI X
I MPRI MERI E
J .
N I COT ,
RUE
1884
DU
LOUVRE,
16
�A
M. Emile LEPEYTRE
CONSEILLER HONORAI RE A LA COUR o'APPE:L o ' AI X
Hommage et respectueux Souvenir
�INTRODUCTION HISTORIQUE
L'ÉTRAXGER DE 1,' ANTIQUIT É ET DE
ÉTRAXGERS CHEZ LE
ll ÉBRJWX -
SP.\RTE ET .\ A'J'Hl~l\ES;
NOS
LES
JOURS -
LES
ÉTRANGERS
LEUR CONOITIOX -
A
Dff!SJON
DU SUJE T.
Quelle que soit l'époque que nous considérions, dans
tous les pays, chez tous les peuples, même parmi ceux
<lont l'h istoire est plongée da ns les ténèbres de l'antiquité,
nous trouvons dans leurs lois <les dispositions concerna.nt
les étrangers. Ces di positi ons, plu nous remontons,
plus nous les tro uvons rigo ureu ses. ouYent, très souvent,
l'étranger a été consi dér6 c:)lnme en nemi chez les peuples
primitifs. Cette rigueur s'explique pat· leur état social ,
par leur organ isation. Dans les sociétés primitives, commençant par les plus petites tribus, l'isolement était
complet. Chaque tribu YiYait par les armes, et tout ce
q ui était en dehors d'elle était ennemi . Lorsque ces tribus
se formèrent en Etats, combattant ies uns contre les
au tres, qu'anivait-il ? La g uerre abou tissait à un enrnhissement. L'un des <leux succombait. Les conquérants
d'u ne race très diffêren tc de celle des peuples qui les cntouraien t avaient leurs llicux et leurs coutumes. Etablis
dans les pays conqu is où ib n.rnieut transporté leurs
�- 6dieux ils n'avaient pas d'autre but que de couserve1·
leur ;onquête. Les descendants de ces guerriers veillaient
avec une jalouse fierté sur le pays que leur avaient don né
leurs pères, car il était le prix du eourage des aïe~x ~ont
il contenait les cendres et les autels. Au delà des hm1 tes,
habitait le peuple vaincu qni s'é tait dépouillé, toujours
armé et prêta empêcher de nouvelles invasions. Ainsi, les
deux peuples étrangers l'un}1 l'autre se regardaient comme
ennemis. Mais plus nous avançons , plus nous voyons
que les communications, les besoins nouveaux naissant,
les ressources du sol ne suffisant plus à la consommation,
le luxe venant a\ec la richesse remplacer les mreurs
rudes et la pauneté des premiers temps, faisaient oublier
les vieilles querelles, et les peuples s'ouvraient mutuellement les portes de leurs cités. L'étranger étai t devenu
l'objet de divers droits qu'il faisait valoir dans ses rapports avec les citoyens.
Aujourd'hui, g-rllce au progrès de la ci\'ilisation, tou s
les peuples d'Europe ont compris que 1e même principe
régit les nations comme les hommes; de même que
l'homme ne saurait vivre en dehors de la société, les nations ne sauraient vivre en dehors des autres nations .
Ce n'est pas seulement l'équité et l'humanité qui en gagent les nations à traiter aYec fayeur le étrangers.
Il y a aussi l'intérêt, et, surtout des loi s économiques
<]Ui le leur imposent. Le pays, qui aurait la prétention
de s'isoler complètement de es voisins, qui élèverait sur
ses frontières des banières que les étrangers ne sauraient
franchir, ce pays ne tarderai t pas à tomber dan la déca dence. Qu'une nation, au contraire, ou ne ses portes aux
étrangers, garantisse l~ur liberté, leurs bi ens, leur accorde aid0 et protection, cette nation Yerrn. !'on commerce
Î
s'étendre, son industri0 s'accroître, sa richesse s'augmenter, sa civilisation , en un ruot, faire •le rapides et
constants progrès.
De cette esquisse historique, nous pouvons conclure
que la législation <l'un peuple à l'égard des étrangers est
la j uste mesure de sa civilisation. Un peuple, qui est en core dans l'enfan ce, dont la. ciYilisation est encore au
berceau, ne saurait comprendre les principes de fraternité et <l'intèrêt géuéral que nous voyons dans un pays
avancé dans la civilisation. Le peuple, qui n'a ni com merce, ni industrie, n'n qu'un seul but : c'est sa défense
per5ounelle ; dès lors, comme nous l'arnns dit plus haut,
l'étranger ne saurait lui inspirer que de la méfiance, de la
crainte, l'étranger ue :;aurait être pour lui qu'un en nemi.
Après avoir donné un~ idée générale de la condition
des étrangers de l'antiquité et de nos jours, nous nous
proposons , avant <l'aborder et examiner en détail la législation romain e à l'égard des étrangers, d'exposer som mairement les usages de quelques peuples de l'antiquité
co ncernant les étrangers.
Les Hébreux étaient co nquérants, ils sa.aient bien
qu'ils avaient conquis la terre sur laquelle ils Yirnient;
mais ils se rappelaient qu'ils M'aient été étrangers sur la
terre d'Egypte. L'étrange1· était, par con~équent, protégé
par leurs lois : « Vous ne contl'isterez point l'étranger ... »
(E.codc, chap. 22, Y. 21 ). « Yous ne violerez point la
ni cnYel's l'orphelin et mus
justice envers l'étra11<»er,
c
n'ôterez peint à la. Yeuve son Yètemcnt comme un gage. »
( Deutéronome, cha p. '2·1. v. 17). « lllaudit soit celui qui
pervertit la justice coutrn l'étl'ang0r ... » (Dculêrono111e.
cl 1a p . 21 . v . Hl).
�-811
a-rait, au sein de la nation hébl'aique, deux sol'te s
<l.'étr;nô'ers : les étrangers proprement <lits et les étran.gcrs na~uralisés, auxquels on donnait le nom de 71roselytes (Paralipomènes, liv. 2, chap . 30> Y. 2:S; Actes des
Apôtres>cbap. ·.t, v. 11).
.
Les prosélytes étai eut les étrangers qui , a ban donna~ t
leur culte et leurs dieux> se soumettaient à ln. cil'conc1siou. Les Juifs, animés d'uu esprit de prosélytisme que
ne connaissaient pas les autres nations, accueillaient
aYec joie tous ceux qui embra saient leur rel ig ion et
s'efforçaient d'en augmenter le nombre. Il n'y aYait au cune différence entre les prosélytes et les Hébreux ; ils
avaient la même loi, obéissaient aux mêmes préceptes et
aux mèmes coutumes (Exode, cbap .12, '" 48, 49; ?\ombre, chap. l ;), ' " 15). La Bible nous donne des
exem ples d'une telle naturali sation. Le li vre de Judit.h
nous parle d'Acl1ior, général <les .\..mmonites, qui quitta
le culte des Gent ils, fut ci rconcis et compté parmi le
peuple jnif a.'ec toute sa race (Judith, cbap, 14, v. G).
La seconde classe d'étrangers ~c composait de ceux
qui n'avaient pas adopté la reli g·ion juive. La base de la
société juive étant la Yérité religieuse, ils étaient loin de
jouir des mêmes prérogati\·es que les prosélytes. Il leur
était défendu de pénétre1· clans cet endroit à u temple où
etait l'autel des holocauste:: et, par conséquent, <le pren<l.rc part aux sacrifices (Lévitiq11C'> clrnp . 22) ; il s pouvaient impunément se nourrir de mets impurs <léfenclus
aux Hébreu~ et aux prosélytes ( De11téro11ome, t:hap. l <l,
Y. 21 ) ; ils ne pouvaient pas prendre part aux affaires
pul.Jlique~, parce qu'ils ne fai!:;aicnt pns pa1'tie <le l'assembl ée des fidèles, et les .Juifs ne pouYaient épouser
leurs fille~, sons peine ll'l' trc prernricnte·.irs ( /)eu l éro110111e,
Y
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!) -
diap. 7, v. 3. Exo<le, ehap. 3-l, v. lG). l\Ialg ré tou tes ce~
différences de condition , la loi mosaïque les protégeait
comme elle faisait pour les étrangers circoncis.
Voyons maintenant quelle était la condition de l'étran ·
ger cb€z les Grecs. A Sparte, 011 considérait l'étranger
comme ennemi , mais autant comm e l'en nemi des Yertus
patriotiques de Lacédémone que comme l'ennemi de la.
cité. Le partiate craignai t surtout que l'étranger ne \·int
lui apporter cette conuption qui fait crouler les Etats les
plus forts; les mœurs plus faci les des nations qui l'entouraient, l'amour du lu 'l:e, des arts et des lettres effrayaient ;:a vertu farouche. Lycurg ue. qui défendit aux
habitants de Lacon ie de sortir» à moins que cc ue füt
pour des raisons importantes, ne permit aux étrn ng-er.
d'y rentrer qu'en certains jou1·s seulement ( PLUTARQUE,
Vie de Lycurgue. - Voya,qe dtt je1me .lnc.charsis. chap.-:13).
Les lois interdisaient , de la façon la plu s absol ue, le
eom merce aYec les ét rangers. L'étranger n'avai t aucun
droit. Il ne pouvait pas êtl'e propriétaire. Poul' lui pas
<le tribunaux , pas de justice. Quant nu ti tre de citoyen
<le Lacédémone, le plus beau , disait -ou, qui pùt. décorer
un homme, il était accordé très rarement à. ceux qui
u·etaient pas nés des père et mère $partiates pour des
exploits signal és ( r-oyage i/11 je1111e Anarlwrsis, chap. 42 ).
Les Athéniens ne prodig uaient pa$ <l:wantage le titre
<le citoye11 , tant qu 'i ls obsen èl'cnt les lois de olon.
~fai s ils se <l.épartirent de leur rigeur, et on YÎt un jour
l'assemblée publi que accorder le <lroit ùe cité au x enfants
de Chél'éphile, parce que leur père $'était di sting ué var
:;0 11 excelle11 te cuisi11 e. lei, c11eol'e, nous yoyon s que lorsqu' un e nation :>Ol't <le l'étul primitif' <le son déYeloppcment,el!c abanclon11c la rig ucu1· et <.: et.te jalouse parci -
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monie aYec laquelle elle accordait le titre de citoyen. Cal',
en effet, le changement est ct0nnant, et la différence est
rrrande entre le même 0<>'enre de <lispositious à différentes
0
époques. Ce qui était bon hier ne peut plus <?tre adopté
aujourd'l.1ui; telle est la destin ée de l'œuvrc humaine.
''était-ce pas à Athènes qu'avait été portée une loi qui
n'accordait le titre de ci toyen qu'à celui dont les
deux: auteurs seraient Athénien . et que ci nq mille !tommes a\'aient été \'endus publiquem ent pour arnir u;:; urpé
ce titre? ( PLCTARQUE, Vie de Périclès. )
Le fils d'un citoyen d'Athèn es nai:-sait Athénicu;
quant à l'étranger, il pounlit le deYenir par la natul'ali :::ation . La qualité de citoyen était accordée par l'assemblée du peuple, mais auparnrnnt tciute proposition devait
être soumise au Sénat et par lui adoptée r Voyage du jeune
Anacharsis, cbap . 14.)
Les Athéniens reconnaissaient quatre classes d'étrangers. Les étrangers de la première classe jouissaient,
dan,; une large mesure. des Jrnits des citoyen;:;; bien plus,
ils étaient citoyens et prenaient. par conséquent, part à
l'aàministration publique; ceux de la seconde clas:>e n'avaien t pas de droits politiques, mais jouissaient de tous les
droits ci vils et pouYaient, corn me les étrangers naturalisés,
ester eu justice de la même manière que les citoyens,
tandis que ceux de la troisième classe ou les rn étoëque~,
c'est-à-dire les étrangers, qui habitaient l' Attique, sans
y a\·oir ~té naturalisés. ne pouvaient procéder dernnt les
tl'Ïbunau x et faire les actes de la vie civile que sous le
nom et par le ministère du prostate, une sorte de patron.
~ Vo!}age dtL jeune ri nacha1·sis. ) Enfin , vienuen t les étrang~~s de la quat1·ièmc classe, ceux qui n'arnient qu'une
rcs1dence momentanée dans !'Attique, ·et qui ne pouvaient
- 11 parnître en j ustice <J u 'a vcc le coucou rs du proxène. On
don.nait ce nom à des citoyen;:; généreux qui se chargeaient de protéger les étranger-:: et de les défendre en
justice.
~es étr~n.ge rs non natural isés ne j ou issaie nt pas des
droits poli tiques, aussi, quand ils assistai ent aux ii sscm blées du peupl e, étaicnt.- ils punis de la peine de mort
parce qu'ils pournient trahir Je3 secr~ts de l'Etat. Parm~
les étrang·ers, les seuls domiciliés étaient admis à trafiquel' ~u marché publ ic. Les étrangers, proprement dit ,
pouvaient être astreints a donner caution quand un citoyen plaidait contre eux; enfin, ils étaie nt contraints de
~aycr un tribut annuel de douze drachmes. ( Voyage da
JCttne 1l11acharsis, chap. 14 et :JG.)
l'lous allons mai ntenant entrer dans les détails de la
q~~sti on q.ui fait l'o hjet <le notre travail. Dan s une prem1ere partie, nous étudiel'On s le droit romain . La seconde
partie sera consacrée à l'étude de l'an cienne ju risprn<lencc frau c;aise. L'étu de de la législation actuelle fern
1'objet de la troisième partie.
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PREMIÈRE PARTIE
Les Etrangers en Droit Romain
CHAPITRE PREMIER
Lt' Tih·t" de Clto:t·cn et les F.h'ang..-1•s eu Général
SECTI ON I. - La consiùlirali o n a llac l1ée au litre <le Citoyen .
SECTI O.'l Il. - Les relations des Homai ns avec les autres nation .
ECTION Ire
Rome n' eut pas clans ses premiers jours le mépris que
l e~ nations de l'antiquité professa ient eu général pour l'étranger. S'attacher aux pal'oles <le Cit:eron : Peregrinus
wllea diclus hostis et dire qu'à l'origine lùnt étranger était
un ennemi , c'es t commettre une grave erreur. Les circonstances auxqnelles Rome devait sa naissance !a forcaient de
s'assimiler les peuples qui accouraient à ell e el ceux qn'elle
subjugait. Ce n'est que lorsqu 'ell e arri1·a à l'àgc de rirililé
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connuern,;a l.1 couquète ùu rnuudo qu'elle se montra si
avare du titre de citoyen. Au commencement, Rome avait
besoin d'habitants cl elle ne se montra pas très scru puleuse
sur leur choix : proscrits. ex ilé". fu gitifs de toute sorte furen t reçus avec tn1pressemeul. Des populations entières
fu rent incorporée. par Tullus-Hostilin et Ancu s-Martius
ùan ' la cité. Le mot même hostis ne signifiait qu'llgal. si
nou devons croire Feslus : Rjus enim generis av autir1uis
Ill
appcllabantur, quocl crant pari jw·c wm popnlo ro1t1ano alr111e hostirc ponevatw· wu ~equare. Ce n'est ~enl c
lw~te:;
ment que lorsque Rome a alleint une popul:ltion el un territoire suffisanls pour s'étendre au dehor , qu'elle 1~'a plus
besoin d'appeler a elle les étrangers. que le mot !tostis corn·
mence à signifier ennemi . lfostis est le peuple con tre lequel on lulle; est-il vaincu, il dcvie11l 7Jereg1·inus. Nous
trouvons un troisième Lerme : bar/Jams, c'est la nation
qui, en dehors de la civilisation romaine, n'a poi nt ùe re·
lations avec Home.
Si Rome ne dédai~na pas au commencemen t d'avoir des
étrangers pour monarque· et d'accuei llir dan s son sein les
vertus qui lui \'enaien tdn deliors(TtTE-LIVE 1Y, '5 ,Discours
de Carwleiu.s). es enfants ne tardèrent pas à se cantonner dans uo patriotique égoïsme et à veiller avec un soin
jaloux sur le litre de citoyen ; ils ne l'accordèrent qu'avec
uoe extrême réserve. Que de peines, que de fatigues, que
de travaux pour arriver à obtenir Je droi t de cité romaine,
Il ne fut accordé à Mamilius, dictateur de Tusculum , que
lorsqu'il eut étoulTé les dissensions civiles qui compromellaient le salut de la Hépnl.Jlique, sauvé le Capitole.
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15 -
résisté aux Eques ùans Tuscu lurn, aidé enfin Cincinnatus à
hatlre leu r armée : J::o die l . ftlamilio Tt1sc1ûa11 0 apin·oûanlivus cunclis civilasdatar·st. (Trrn-L1 ve 111. 19.)
Le droit de ci te était encore bien précieux plusieurs
siecles après l'époqu e où se pass<1 l'événement' que nous
venons de rapporter ; on ne l'accordait qu e pou r d'émi nen ts services. Rome subjugait les nati ons, cell es-ci fa isa ient partie du grand empire, mais elles n'en restaient pas
moins étrangères. La conquète n'avait pas le même caractère qu 'elle a de nosjuu1·s en Europe.
Le droit de cité, ce droit i respecté et si enrié, ne
pou"ait pas toujours con ·cner le prestige dont il était
entouré aux beaux temps tl e la Républ ique. Telle est la
tle tin éc des insti tutions humaines qu'elles finissent toujours
par changer, pou r su uir . elles ausj, l'influence des
temps. Nous voyons t0uj ours qu e, déjà aux temps des
apôtres. ce droit n'é tait plus accordé avec celle parcimonie
que nou avons signalée et comme prix ùe remarquables
services, l'on avait commencé à Je vendre. Saint Paul, alléguant son titre de citoyen romain devant Je tribun qni. en
effet. le pl'olégea con tre les persécu tions des Juifs. lu i disait:
Quant à moi. j'ai payé ce droit fort cher ; " Ego mu/ta
swmna liane civilitalem consecutas swn . •
Les · relations avec l'étranger, les lettres el les arts
;\\':lient adouci les mœur guerrière des Romains. Les
pays qne Rome aYait conquis la conquiren t il Jenr tour .
Rome deY int moins égoïste. La qua lité de citoyen f11t prodiguée; elle était accordée aux personnes in lluente.:; d'un
pays com me moyen d'en faire un parti puissan t ; plnsieurs
�-- 16 chefs Je tribu. en Gaule 1,obL·mrcnt de celte f:lton;
. . elle.
était accordée au~ i à t:cux qui profe saicnt la rnedec1ne a
Home, y enseignaient les ar ts libéraux, dans le bnt de les
y fixer et d'e11 attirer d'autres (SUETONE, César , . XLII~ .
Le titre de citoyen fut accordé par Claude aux Latins qm.
ayant construit un navire con tenant an moins 10,000 meures transporLaieu t penùao t six ans du blé à llome. (Frag ·
ULPIEN. Ill, 6). Après la guerre -ociale. presque toute
l'It alie avait aCLJUis la ci~é romaine; Loute la Gaule cisalpine l'avait acquis à son tonr (au 70 5, 707 ) . En un mo~ ,
les empereurs le proLli guerent, et un jour vint où Antonin
Ca1acalla finit par accorde!' le droi l de cité romaine à. tous
le::. peuples qui dépendaient <le l'empire.
SECTIO ' II
Du moment où Home ferma es portes aux étrangers.
jugeant qu'elle en avait assez , jusqu'à la conquête complète de l'Italie, les étrangers venaieat fo rt peu à Rome;
mais, depuis cette époque, ils devinrent plus nombreux.
Parmi ces étrangers. il y en avait quelques-nos qui venaient des pays complètemeut indépendants et n'ayant
aucun rapport avec Rome; il y en avait d'r.utres qui apparteaaient à des nations étant en relatioas plus ou moins
rapprochées avec le peupl e romain . Les étrangers de la
première catégorie n'avaient aucun des droits civi l ro-
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17 -
mains, plus que rela, ils pouvaient être réduits en captivité, s'il!' ne se plaçaient sous la protection <l'un patron.
Les Romains, par uue juste réciprocité, reconnaissaient les
mêmes droits anx autres nations. lorsqu'ils se trouvaient
dans la même situation dan s un pays étranger : Nam si
wm gente alir1ua neque mniciliam, neque hospiliuni , rieque
/'œd us an1iciliœ ca ttsa factum habemus, hi hostes q11idem
non swil; quod aulem ex nostro ad eos 71ervenil , illonm1
fit , et liber homo nosler ab eis caplus senius fil el eon1111.
ldemque est si ab illis ad nos aliqiiis 11ervenit. ( L, 5, § 2,
Drc . xu x, 15) .
Les étrangers de la seconde catëgorie étaient pl u ou
moins bien traités. suivant les traités et les relations am icales qu'ils avaient avec Rome.
Sans parler de l'hospilium privatum et l'lwspitium 11ublicum, qui ne penvent pas être considérés comme des
traités de peuple à peuple, nous trouvons chez les Romains de véritables traités internationaux par les<tuels
Rome établissai t sa suprémalie sur les autre-3 peuples, tou t
en leur laissant leur propre organisa tion el une li berté
apparente. Il était rare de voir un traité qui plaçait les deux
alliés dans uae cond ition iden tique. Toujours les Romains
ava ient le soi11, en sli pn lan t avec un peuple qui venait
chercher alliance. d'insérer dans le traité la domination romaine: Alajestalcm 7wpuli t'Olliani comiler conse1'Valam, était
la formule nsitée d'a près Cicéron. Rome accordait à ces
peuples appelés (œde1·ati ou .socii nne au tonomie, les laissait
libres d'avoir leurs lois, lenrs magistrats, leurs institutions
municipales : mais ell e avait le soin de leur enroyer nn
�-
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111 ,.
uou,·erneur ou un pt.oco n ul qui , in,•esti ùe l'imperiu
..
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·
Romc, et aux o1·ùres duquel les allies, pou1
representa1l
·
. . .. .
._
la plu grande parlie de villes, avaient a ~be11. ~t '. qno1 .
. . e libres , ils éta ient en fait domines par
qn .en pnoc1p
b
CHAPITRE Il
Rome.
A côté des soci.i, il y avait les 71op11li {tmdi qu'il ne ~a1~t
pas confondre avec les socii. parce qu "t l s. n''eLa'"n
. e. L pas rea1
"s
par de traités; ils n'avaienl pas tles 101.; sp~c1 al es c~ un e
administration à part; il. adoptaient beneficlt) populi ·roma11i les lois romaines ; ils se donnaient à Rome sans rest1·iclion.
C:o11u11e11t
uai~-on n~·cc la •1unlHé de CUoycu
ou de l"ér(•g 1•ln '~
SO~nf.H RE : Comment 1lélerrni n° -l· on la nalionalilé ii Rome ? - La
Loi ~lensiu. - A qu elle époque se plnce-l-on pou r délerrniner la
natio nal i t é ~ ·- Exemples.
Pour bi en eo nnailre quell e était à Rome la conùition
des étrangers. il tlst nécessaire. il est indispensable de
voir quand on était citoyen. com ment on naissait avec ce
litre, comment on pouvait l'acq uérir , comment on pouvai t
le perdre el le recouvrer . Dans ce chapitre, aous allons
voir comment on naissait arec la qualité de citoyen
ou de pérégri n.
Pour délorminer h nati onalité d'un enfa nt , on con iùère l'origine ou le lieu de la naissance. A Home, l'origine
seule conférait la national ité. Ut où la qualité de citoyen
romain était au-dessus ue tout, oü elle donaail seule
le li tre de man , rlü rürc , ~a ils laqu elle OO ne
�-
-
:W -
ponrail être ni propridairc, ni héritier , il devait nécess:iiremenl. en vertu de ccl c. prit orgueilleux et ex t.luir de Rome, n·y avoir qu'uu moyen d'entrer dans la so-
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rcs et non pas de 1.-atini colonirll'ii; mais ne peul-011 1-1 as
dire qu 'il s'applique aus' i bien anx seconds qu'aux premiers ?
Nous nous JemanJons timirlcmenl, en présenr,c de
l'autorité de l'ém ine11t juri sconsulte , cc qui nou5 aulori e a le supposer? Dans le paragraphe 80, Ga"ius
examine celle qu esti on : l'enfant né d'un aŒranchi Latin cl
d'une civis romana naît-il Latin ou Romain ? La rédaction
même de cet article nous montre qnc Gaù1s y exam ine un
côte dn suj et qui faisait l'ohjc:t clu paragraphe précédent ;
or. de qui le jurisconsulte parlai t-i l dans le paragraphe 79?
li ne nous c·t µanenu que qu elrp1 cs morceaux qui sont ainsi
conçus : .... Adeo a11tem hoc itn esl. 11t . . . sed etinm 11iii
ciété romaine : l'origine.
~ous Yenons de voir que la condition tle l'ind i\'idu se
déterminait uniquement par son origine, et qu'on u'a lt:.tchait auct1ne importance au lieu cle la nais ancc. Le principe donc est très simple. Le fils d'un citoyen romain est
citoyen comme son père. Si lP, père est pérégrin le fils
:ins i est pérégrin . Si le paren ts ne son t pas de la même
condi1ion: si le père est citoyen et la mère pérégrine, on
bien le père pérégrin et la mère citoyenne, il faut suivre la règle fondamentale sur ce point qn i dèciùe que lorsqu'i l y a connubiam entre les père et mère, l'enfant sui t
la conùition du père : qne. dan le cas eontraire, il suit la
condition de l am~re: Co111111bio i11tcrvl'11ic11tc, dit Ulpien ,
Latin i 11omi11ant11r; Sl'(l wl alios Lat i11os 1wrlinel, qiti pro7n·ios populos pro11riasqtie ri1;ilall)s habebant el eran t 7Jcregri.
1wnw1 nwnero. Or, comment pon vons-nous trouver là ma·
tière à disli nclion en tre les latin i coloninrii et les Latini vetc-
liberi semper patrem seq1rn11tw·; 11on i11lcruc11ie11tc, matris
rcs .9Nous ne le voyons pas : ces qu elques
cowlitioui acceclnnl. (ULPIEN, t. Y.
§. 8.)
D'après cette règle générale, l'GOfant d'un pérégrin et
rl'une citoyenne romaine aurait dù être citoyen, pni, qn'il
était procréé en dehors de ju Les noces. fi.Jais la loi Mensia
de 1iatis ex alterulro peregrino, décide qu e l'enfant naissan t d'un pérégrin et d'une citoyenne romaine naît pérégrin . Une question 'est levée sur cette disposition ; quelle
est la portée de la loi Mensia? Faut-il a!Jpl iquer \'excep·
tion à tous les pérégrins indistinctement. faut-il r appli quer
aux Latins seulement ? M. Demangeat pense qDe, dans le
paragraphe 79 d11 Commentaire 1, de Caïus, qu i ne DOll '
est pas par venu dans son en lier, il s'agi t des Latini vele-
m o t~
du paragraphe 79 peurenL s'appliq uer anx uns comme aux antre.5 ; il
nous semble qu'ils fon t Loul simplement :in lilhèse avec le
fermes du paragraph e80. Dan ' le paragraphe 79. il s'agit
des Latin s qui ont une patri e, qni soot membres ll'unc
cilé; dans le pan1 graphc 80. il est question des Latin
sans patrie. des Latins i olés, ùes Latins juniens. Ceci
posé, le paragraphe 80, op posant les Latins juniens aux
autres, dit qu e le fil d'un jnnien et d'une ciuis ro111a11u
naîtra. ex contrario. citoyen ; c'est donc que le fils d'nn
3lllre Lat in, quel qu 'il soit d'::iillcurs. et d'une citoyenne l'O·
mainc, dcteriorc111 rn 11ditio11<•111 srq1iit1ir, suivra la cornlition pire , n:lîtra Latin .
�-
22 ·--
Ainsi entendu , le texte <le Gaïus devient clair el far.ile,
tout se suit, tout s'enr.haine. En résumé donc nous dirons
que la loi Men ia s'appliquait aux pérégrins proprement
dits et aux Latins, c'est-à-dire à ceux qui avaien t obtenu
le nomen /atinurn , mais qu'elle ne sappliquai t pas aux
affranchis latins c'est-i1-ùire aux L:itios j11niens .
A quelle époque fa ut-il se placer pour ex pliquer la
règle que nous venons d'exposer? Est-ce à l'époq11e rle la
conception ou bien à l'époque de la naissance? La question est sans intérêt lorsque la condition des père et mère
est restée la même pendan t le temps qui s'écoul e en tre les
deux époques ; mais lc1rsque pendant celle période un
chan 0aemeot est surrenu dans l'état de l'un on de l'autre de
ces deux personnes, il y a un très grand intérêt de savoir
comment on résout la question. Ulpien tranche la questi on
par :Joe règle admise par tous les jnrisconsulles: fo his q1.â
jure contraclo matrimonio noswnt11r. conce71tio11is tempttS spectaltir ; in his aittem q1ti non legitime roucipiwitur.
editio11is. a De manière q11e , si l'enfan t est né en légitime mariage. par ce seul fait qu'il doit suivre b condition
du père, il prend sa national ité au moment cle la conception : peu importent les va riations qui ont pu surren ir dans
l'état dn père avant la naissc. nce de l'enfa nt. Si au co ntra ire
l'enfant es t né hors mariage, et par mariage il faut entendre justœ nuptiœ, il su it la condition que sa mère avai t. <t u
moment de l'accouchement. Cette règle, qui très souvent
présente dans son application des diffi cnlt és fort graves.
notamm ent ~\ savoir si le changement ù'élal qu'a subi I r~
père ou la mère e. t antérie11r OLl postérieur à l'èpoq ne
-- 2:) -
mystérieu e de la conception, n'e. t pas moins, comme le
dit l'éminent juriscon sulte M. Ortolan, inspirée par la nature même des choses. " Si. dit-il. l'en fant reçoit la condition de son père. il la reçoit au moment de la conception , car un e fois conçu, il est indépendant du père,
celui-ci pe11t être malade, même mourir. l'enfant continue à se développer et à vivre. De même le père estil fait esclave, perd-il le:; droits de citoyen, l'en fant n'en
naîtra pas 111oins li bre et citoyen. Au contraire si l'en fant doit prendre la condition de sa mère , c'est au moment de la naissance. Pend ant toute la gestation il m it
to11s les chancrements Je sa mère don t il n'est qu'un
e
.
partie; souffre+ elle, il souffre ; meurt-elle, il meurt le
le plus souvent ; devient-elle e clam, perd-elle ses droit
de cité, il naît esclave , il nait péregrin . »
~
Voyon;;; maintenant qu elques applicatious de la règle, qui
nous sont données par Gaïu s.
Une esclave conçoit d'nn citoyen romain ; au mornen t
de l'accouchement el le est a!Tranchie. L'enfant 1~a îtra+il
esclave ou citoyen romain ? Citoyen, car au moment de la
naissance la mère e L citoyenne romaine et l'enfant n'est
pas issu ex justis mrptiis.
Une citoyenne romaine encourt pendant la ge' lalion
la media capilis deminutio . wi aqua et igni iutm·dictwn
f'11erit, ou bien ell e clcrient e clam en ver tu du sénatusconsulte Claudi en. elle acco uc,he. L'enfant naitra-t-il cit oyen ou pérégrin Jans le prcmiet· cas, ou e clave dans le
second ? Les juri ·consnlles distinguent et répondent , ui-
�-
21.. -
vant le cas et ù·après la règle que nous avons posée ; . s1
,
l"uufanl est né PX justis ntqJtiis a\·ec un citoyen romain
. d
il nail citoyen, s'il est vlllgo co11cepti il sera pérégrm ans
le premier cas et esclave dans le second .
-
25 -
CHAPITRE Ill
J,cs 1.atlns
SECTION 1. - folini r ctcn·s.
SECTION Il . - Lrtli1ii Culo11iai ii.
ECTION Il !. - /.;1tiui ./1111ia11i.
SECTION Jre
Au septième siccle avan t l'ère chrétienne, l'Italie était
divisée en une fou le de petits états. Les Véoèle, , le Osque•.
les Ombriens et beauco up d'autres encore s·Plaient partage
le territoi re. La di!Térence de race entraînait fa talement
une différen~e de mœurs. de religion. de langues et de loi .
Au milieu de tou Le ces petit es nation . sur les bord · de
la mer tyrrhénien ne et le long de' ri,•es du Tibre, sur une
vaste étendue, s'élevaient ùe vill es aya nt tou tes la même
origine. Loule habi tées par un peuple proYenant du mélan ge d'Osques de cendant des montagnes a\·ec le' Ombriens, les Sicul es, les Ausones et u'autres habi tan ts de
celle panie du pays. On appelait ces Yi lies: les vill e la Li-
�-
2G -
ncs. Albe. b;.Uie par Ascagne, Jisait la légende. était la capitale de Lati um . A pei ne Rome, colonie d' Ibo, in t-ell e
fondée, qu'une lulle ùe prépon forance s'éleva entre les
deux citès. Albe flll raincne et à partir de sa d1ute, on
peut dire que la grande œu,•re de' rois a consisté uniquement à rem placer la suprématie de colle vi lle par celle de
Rome et a établir da ns le Latium un e véril::ible hégémonie.
La révolution dans le sein de Rome qui e termina par la
drnte des roi amena des chan gements si , ensibles, si
ab~olus dans les rapports ex i tant alors entre Rome et le
Latium que le pays tout entier c oule,•a. La lutte fut
longue el incertaine. elle se termina par la bataille sanglante du lac Regille. Le Latium ~ la it encore une fois
rnincu ; mais 1:omrne malgré .a défaite, il était encore
reùootable, Rome crut prndenl et nécessa ire de lui élCcorder de larges co ncession . L'hégémonie poursuivie par la
royaut~ fu t abandonnée el le nouveau traité établit l'égalité entre Rome cl les cités latines. Le droit de guerre et
de paix. appartient aux Romains el aux Latins el le commanùement des armées était doanéallernativemen t ~t Rome
et au Latium .
Tout ceci n'a encore rapport qu'au dro it constitutionnel. Examinons maintenant la jus civile et voyons quels
étaien t les droits accordé, aux Latin5. Mais, avant d'entrer dans cette question, nou s jugeons nécessaire de donner un aperçu général des droits qui constituaient la civitas
romana et de la condition des étrangers en général.
L'o7Jthnumjus civis ro111a11i comprenaiL le _jus civital is
-
27 -
c'est-à-dire les droits civils et le jus Quiritittm c'est-à-dire
les droits politiques. Le jus civitutis se com posait ciu commercium el do comwbimn ; le jus Quiritium : du jus su{fragii et do jus honorum.
Ces divers droits appartenaient-ils aux. étrangers ordinaires? Examinons-les successivement. Et d'abord qu'estce que c'est que le jus commercii? u Commercium dit
ül pien ( XlX . 5 ) est emendi ve11dendiquc inviccm j 11s • •
C'es l le droit d'acqnérir la propriété romaine, le d-0mi11ium
et Lous les ac tes qu i s'y rapportent ; le droit de figurer
dans un e mancipation. de recevoir par testament, testamenti fa ctio ; d'intenter un e action et rl'y défendre. E\'idemment l'étranger ne pouvait a\'oir le jus commcrcii , car
le caractère de ce droit est de ne pouvoi1' apparteni r qu'au:\
citoyens. CommenL en effet pou rait il acquérir la propriété?
La mancipatio lni était interdite. L'ili j tire cc.~sio inë.Jccessible parce que la revendicati on n·a ppartientqo'aux citoyens
romains. QnanL à l' 1m 1capio la loi des Douze-Tables s'y
oppose d'une manière ex presse : • Adversus hoslcm œter11a aurtu1·itas • Ici hostis es t ynonyme ù'étranger. Il faut
ajouter que l'éLranger était priré du droit d'P.Lre créancier.
Les deux forme ex istantes pon r contracter : la 111ancipatio 1'er ces et libnw1 et le 111?x1mi leur étaien t inaccessible .
Le jus con111d,ii len1· élélil défendu ans ·i et c'est tou t
naturel. Le jas connubii e t le ùro il de ~on lracle r de justes noces; il comprenu la patria polestas, l'11,gnat10, l'lunrlitas , de" droil:s qni inv0lrnn l d'a près les idée roma ir.es,
le droi t de propriéLé, or, la propriété est formellement
refusée aux étra ngers.
�-
28 -
Quant au jus su(f,.agii el an jus honornin il est inntil e
J'insister : dans tou s les pays. chez tous les pet~ples , ce
.ont de droits résen ës aux nationaux.
La condition civile des étrangers à celte époqu e, comme
nous venons de l'esquisser, était des plus dures . A cet
cffel nous ne pouvons pas nou ' empêcher de citer M.
Maynz qui résume la conJition des étran gers en CJU elques
mols : • Les étrangers, dit-il . ne pouvaient aequ éri r les
droits propres aux QuiritPs, ni invoquer les garanties fill e
le ju s civil.: assurait aux citoyen.. On ne \enr refo sait pas,
à la vérité la protection qui parait être due à tous les hommes , ab traction faite de la législation parti culière d'un Etat
el qu'on croyait être fondée sur l'équité naturelle, ju ~ ge11·
1
titmi. ,,
Ces deux points examinés. nous revenons à notre qu estion saYOir : quels étaient les droits civils accordés aux
Latins.
Les Latins aYa ien~ l1J co mmerci11m, Tite-Live nou l'apprend d'une manière implicite mais form elle lorsqu'il t.lit
en parlant d'eux: l iueros suos Romanis 111ancipio clabcrnl
(XLI , 8). lis aYaient. par conséquent, le drnit d'acquérir la
propriété ex jure Quiritimn, ainsi que de donner et recevoir
par testament. Quant au j us co11n11b ii il ne peut pa y
avoir de doute; ils l'avaient à l'origine. Nous savons bi en
que les Latins et les Romains faisaient partie de la même
confédération. Dans de nombreux passages de Tite-Live il
est question dn j1is connubii . Sans parle!' de la sœur d'Horace qui était fian cée à un Albai n, nous trouvons des preuves suffi ' anles dans ries texte fort clairs poul' démontrer
-
29 -
qnc nous avanço11s . Octauiu Mamilio T11sctila1w, llit
l'ite-Live en parlanl de Tarquin-le-Superbe. ( i!i lo11 rp.: pri-
LU
ccps lati11i nomi11i~ eral. . . . ) fil iam 111iptam clat, perque
ca~ nttplias multos siui cognalos amicOMftLC ejus cunciJiat
( 14\:.1 ) . Les Latins perdirent le ju!i co1111ubii après la
grande guerre du Latium . en 1,, 1û ; quelqnes vi ll es seul ement le con servèrent. l e jus comwbii ne faisait pas
partie de jus Latii et ne fut accordé, aprè. l'épnque donl
nou' parlons, que partiellement el en vertu d'une concession ex presse ; c'e~ l ce que nous apprennent les jurisco nsultes de l'époque cla sique : U11de et vetera11i!i q1âbusclam
concedi solr:t 7Jr i11cipaliu111i conslitutionib m connubiwn rum
!tis lati11is perer1rinisve , quas 1n·i11111s pu!il missionem ux ores
daxerint ; et qui ex eo 11iatrimo11io ·11asct11ll11r et cives rvma11i et in 7wteslale 7Jare11twn fiunt ( GAïus, C. 1, § 57 ).
Connuuium haue11t cives romani. dit Ulpi en dans . es
règles , cum civibas romanis, rum Lat.inis autem cl peregrinis ita si con cesstw~ sil . ( Frag .V . li.) . Il n'esl question
ici que des Latini c:oloniarii et des Latini juniani parce que
le' Latin i veteres avaient depuis longtemps cessé d'ex ister.
Quand nuus trouvons dans les autenrs qu "nne conces.ion
générale ou spéciale a étc faite aux Latins, il faut Louj onrs
entendre cles La1i11s jtrniens . ou coloniaires parce qu 'a près
la guerre de 4 1() il n'est plus qu estion tle Latin i veteres.
Donc, pour nous résumer, nous di. 0ns que les Latins
avaient l e ju~ co 11uubii, qn'il ' pouvaient co ntracter un mariage \'alable ex j uriJ civili produi anl la patria potestas et
l'ag 1iatio et qu ' ils ét;üenl c:1paules de succéJcr ab i11 testat.
�- :rn Mais i les LaLins a\·aienl le jt11i cowwbii el le jus com111ercii. ils n'arnienl pas le juli Quiritium . C'était par
exception que certaines villes avaient obtenu certains droils
poliLiques. notamme11t le droit de voter. Au ssi lorsque les
habitant.s de ces villes se Lrouvaien t à R1>me au moment
du vole des as~emblées convoquées par tribu s. ils pouvaient
comme les citoyeus romains exercer ce droit d:rn s nne de
ces tribus.
Enfin la faveur la plus grande accordée aux Lati ns était
la facilité qu'ils avaient pour arri,·er à la cité romaine.
Tou l Latin qui s't!lablis ait :1 Rome pouvait s'inscrire sur
les tables du cens sous la seule conditi on d'avoir laissé dans
~a \'ill e natale stirpcm eJ; se. D'autre part, l'exercice d'une
magistrature d:rns .a ville natale donnait au Latin , en sortant de charge. le ti lr~ de citoyen. Cette fa,·eur s'étendaitelle aux enfan ts el à la femme de l'ancien magistrat ? La
question est controversée à cause du texte mutilé de Gaïus
(C. I. 96). Plusieurs opinions sorit en présence. Sùivanl
M. Niebuhr ( Histoire tics Romains , t. 5 rem. 163) le
droit des Latini velcres étai l appelé maj1ts Latium par
oppo ilion à minuii Latium, qui était accordé aux colonies
latines, el que. si un magistral obtenait la ciuilas pour les
siens. c'était une faveur cxceptiounell e. D'autres ont essayé
par une re titut1on de rend re le texte pl us faci le. La
restitution faite par M. ~l o rnseu dn tex te de G:ùus qiw<t
s
majus Latium est qriwn nonliolmn qui uutgistraliim gernnl.
si:d conji,yes et 1uu·e11le1i libe1'i etùt1n corum qui magistratum gerunt , civilltlen1 ro111a11am conseq111tlt11r, quoique jugée
par plu ~ieurs au teurs comme arbitraire, rend le tex te clail'
-
31 -
et établit d'une man ière précise que la faveur accordée au
magistral latin s'éLendaiL également ~t Loule sa fam ille.
Un dernier moyen accordé aux Latins d'at:quérir la cilé
romaine était celui qui nous esLindiqué par la loi Servilia
repetumtttru111 , rendue vers l'an 650 de Rome, er. ,·ertu
de laquelle tout Latin qui a\•ait accusé on fait acenser et
condamner un magi trat concu'sionnaire devenait citoyen
(C1 c1~HON pro Balbo , XX IV). Les modes d'acquérir le droit
de cité indiqu és par Ul pien feron t l'objet d'un chapitre séparé vu qu'ils sont commun · à tous les Latins.
No us en a,·ons fini a\'ec les Latini veleres et les droits
qu i len r élaient accordés el qn'on appelle le jus Latii, mais
avant de quitter t:ette matière l'emarquons bien que le jus
Latii ne s'app liqu ait qu'aux Latini vr.tercs et ne régissait pas
la condition des Latini culoniarii ni cell e des Latini jwiia 11 i.
Si ces deux espèces de Latins j0uissaicnt d'un droit analogue au j11s l atii c'était avec de Jarges restrictions.
'ECTIO~
II
La création de colonies n'est pas une idée romaine.
Tous les peuples de l'antiquité el notammen t les Phéniciens et les Grecs pratiqn aien l la Ctilonisalion ; mais
Rome apporta son ca ractèru tout particulier ùans l'orga,,
�-
;)~
. , e· colonies Jonl l ~ Phéniciens
nisation de ses co 10111e:-. 1... .
. . . . .,
.
.
...
,
L
les
nvaoes
de
la
M
cd1le1
ranee,
el les GreG$ lü lJ\l ,11e11
"
.
qu "ils cn,·oybrent dans l'il e ùc Chypre, d~ Crete , <le Rl:o~ ~s ,
.
l - tJi· plusieurs autre. cote encore. ela1ent
en t'f
\ nq ue e
.
. ,
<l e véritables com ptoirs ou ùes porls ùe relache po11i le:>
.
• L l' 11·ent 1
·011de'e"" en vue du commerce. Home,
vaisseaux:
.e L
au con traire, trou,·a da11s la i~olonisation un moyen de
conq:iêtc. Elle esl la seul e cite qui ail u par la guen:e
aurrmenter sa population. en faisant des vaincu des c'. l>
• s s1
étai t. r,onqu. is
toycns
romarn
. ·1u·1, e11 elîcl• qu 'nn peuple
.
la fièpubliq11e y envoyait des colons qui emportaient a\ eC
eux l'esprit et le caractère de Home. Ces colonies .n'ét.a1ent
pa~. l:om me celles ùes Phé;i iciens el des Grecs, indepenù:rnles de la ~lélropole . " Home. dit ~!. Momsen . ne
formait pas au Jehors ùcs étaulissemenls indépendants
el pareils à ceux. des Phénicieus el des Grec~ lesq~el~
envoyaient dans leurs colonie Jes émigrants '. auj ourd.hUi
leurs clients, demain leurs rivaux.» Les coloni es romaines
subordonnaient leur politique à celle de la Métropole;
celle-ci les ,dirigeait toutes el s'en servait dans toutes ses
guerres; Cicéron en parlant de Narbon nous indique le
caractère belliqueux et co nquérant des colonies romaines :
Est in caclem provinci<i Narbo Marcius. r,olonia nostron1111
civium . speculct po7>tLli roma11i ac propug11acul1tm istis
ipsis nationibus opposiltHn ad vbjcctum .
Une loi ou un sénatusconsulle ~tai t nécessaire pour
fonder une colonie et lui donner son litre et ses privilèges.
Dans le cas ou un sénalusconsulle établissait la colonie.
il devait étre confirmé par une loi. Sous \'Empire les colonies furent fondées par un décret impérial.
Il y avait denx c. pèces de colonies : les colonies
main es ou coloni<,, togrctcc et les colonies latines.
ro-
Les colouies romaines ou coloniœ togatœ étaient les
premières ~n e Rome établit à l'élr:rnger. C'étaient des
reflets de la mère patrie, avec leurs consuls et leurs sénats :
ell es n'avaienL d'autre l.Jut que de contenir les reuples
impatien ts du joug romain . Elles jouissaient des mêmes
droits que les habitants de la cité. Au commencement ell es
étaie nt composées de volon taires et de soldats que le sort
désignai t dans le cas où le nombre des premiers ne suffisait pas; ce n'est que pl11s tard qu'elles deyiorenl un
moyen de pnrger la' ille des panvres et de citoyens nécessilenx . Nou ' avons dit qu e les colons avaient les mêmes
dro its que les citoyens, mais il faut ajou ter que ces droits
étaient illusoires dans leurs mains, car la distance qui les
séparait de la capitale les empP.chait d'en jouir. D'après
M. Ortolan les colonies avaien t le jus civitatis sine suffragio.
Nous nous demandons qnell e raison on eût pu invoquer
pour en lernr le droit cl e suffrage qui. comme nous venons
de le dire. était sans aucune conséquence pour les membres
des colonies romaines. puisqu'ils n'étaient coupables
d'aucune faute? Très souvent ceux qu i y allaient étaien t
désignés par le consul qui choisissait parmi les jeunes
gens les plus aptes au ser;rice militaire . Notre solution est
appuyée par pl11sieurs Lex tes ( TtTE·LIVE , XLV, 15 CtCÉHON, 1n·o Domo XXIX) .
Les colonies ro111ain es Il'étaient pas nombreuses. A ne
parler qu e de quelqu es-un es, entre elles, au temps de l'emJlereur Clande il n'y en avait que quatre dans la Gaul e ch-3-
�- - j~ --
relue notarnmènl : Colo11ia 1lgrippi1H1 (Cologne) . lugda11 1111t ( Lyon). t:o/011ia equei;tns (Nyons) et 1foyu i;la llaurncomm (Au g t).
A mesure que Rome agrandis ail ses conqu êtes et
ass11rait de plus en pin s sa suprématie, elle établit une
seconde catégorie de colonies clan le même b~1l que noDs
arons indiqné. A Il JilTérence des coloniœ togntœ, cell es ci ètaient corupo ·ées e\du sivemenl de Lati ns et le citoyen
romain qui \'Oulait en fa ire partie perdait de suite se!- droits
de citoyen pour acquérir ceux de la nouvelle patrie qu 'il
ado plail. Cives romani in genui qui ex iirbe Routa in lali1ws
col1•11ias deducti lati11i colo11 iarii esse cœpenwt ( GAÏUS C.
Ill :5G) . Les habitant , de ces colonies avaient le jus commercii. mais il n'araien l pas lejuscomm/Jii. le droit essentiel qu'avaient les latins de la co 11f~dérali o n latine primi t1\'e.
C'était le seul droit. d'ailleurs que n'a1•aient pas les Latini
col011iarii et qni constitue l'unique clilîérence entre eux el
les Lat ini vell'n:i;. S:rnf cette différence les colon ies latin es.
comme celles qn i possédaien t Je d:·oit de cité, se gournrnaient elles-mêmes et an1ienl leurs 111agi, trats. Rome ne
se préoccupait de leur gou\'ernement intérieur que dan_
des cir1:on' tance cxcaplionnelle : en un mot ces colonies
formaient de, états autonomr·s .
~ 01Js cfüons rlonc que les colonies lati nes 11'avaient pas
lej1is ron11 11/Jii et elles étaien t privées dejus suffrngii ; elles
n'araient que le j11s to111111e1·cii. Nom; 11c saurions trop
insister sur les droits accordés aux coloni es latines parce
que ce sont ces droi ts qui devaient serv ir plus tard de
mod èles à nn autre genre de concession connu sous le
-
51> -
nom de jttli lalinitatii;, co ncessions qni furent failes aux
villes et même h ùes contrées entières situées en dehors
du Lati um . Cc j11$ latinilatis accord é au commencement à
condition d'établi r une colonie fut accordé plus tard i1
ùes peuples entiers par le bon plaisir de l'emperenr .
L'Espagne tout entière l'eut par Ve. pasien .
SECTIOJ'\ III
En dehors des étrangers proprement dits et de denx
catégories de Latins qu e nous venons d'étudier , il y avait
enco re à Home une classe de personnes qui , quoique libres .
ne se trouvaient pas éle,·ëes au rang des citoyens, nous
vou lons pat'ler des latins j unièus.
Primitirement LOLit escla\•e qui étai t alTranchi suiranl
les formes requises et les co nditions exigées acquérai t
la plénitude des droits civils sauf les prérogatives attachées
à l'ingénuité.
Ponr que l'alTranchi,sement fùt valc:ble il fallait que le
maitre eût sur l'esclave la pro priété ex jure Qttiritimu, que
la manumissio eùt été fa ite par acte solennel , notamment ,
la vindicta, le cens ou le testament . Si le propriétaire posscltlait in bonii; et s'il alfr:inchissait inter amicoi;. l'affranchissement ne produisait au cun ûlfot , l'esclave restait e cla,•o.
(GAÏUS
C. 1. 4. 1' q,1..)
�-
36 -
Telle étai t la rigneur du droit civil ; mais le préteur
dans ce cas , comme en beaucoup d'a utres matières réso l~t
de fa ire triompher l'éq uité ce ntre lûs rigueurs du droit
civil ; il s'apitoya sur la cond ition malheureuse d'un tel
afTranchi et lui accoeda sa protecti on. en contraignant le
maitre de lui accorder la liberlé qu'il lui avait donnée.
.
(GAïU lll 56 .)
Ce tempérament du ùroi t prétorien rn t convert i, vers la
Jin de Il Hépublique. en une disposition de droit civil par
la loi Jania Norûa11a. Celle loi avait pour but de faire
ce. ~er un état de chose qui angn1r.n ta il les servi in liuerlale,
en don nant la li berté de droit il tous ceux qui n'al'aient
encore que la liberté de fait.
Il y eut. à partir de celle époque. à Home ùe aliranchi qni a\'aient leur caradèrc propre et qu'o n appela
Latini parce qu 'on les assimilait aux Latins co\oniaires, et
juniens, du nom d3 la loi Junia.
A partir de cette époque, c'est-à-dire de la loi Ju nia
Norbaoa il n'était plus néces,aire, pour aITranchir, de pos.éder ex j are Qttiritium el d'empl oyer les trois modes
solennels ; l'alTr~rnchis ement inter amicos était snHi·an t,
même f'.n possédant in bon is . (ULP. Reg. 1. 16)
Un e autre loi rendue so11_ Auguste. moins favorab le
aux esclaves que celle de Junia Norbana el t:onçue dans nn
esprit contraire, était la loi 1El ia Sen lia . Dans le commencement du hniLième sièclu les affranchis~e m e nts étaient deYun us tellement nombreux qu'il y an1it un péril pour Rome
dans celle élé1'alion au droit de cité d'esclaves qui . Je plus
souvent n'a\'aient pas mérité un tel honneu r. Pour faire
-
07 --
cesser cet étal d~ choses la loi 1Elia Sen tia exigea l'àgc de
trente ans de la part de l'esclare. D'nprès les lois JElia Senti a
et Junia Norbana touL esclave qui ne satisfaisait pas aux
trois condi tions sui van tes: l •qu'il fû t affranchi par l'un ùes
trois modes so lennels ; 2° que le maître eût le dominiwn ex
jtirc Quiritium; 3° qu e l'esclare eût l'âge de tren te ans;
devcnait libre . il est vra i après son aITrancbissement, mais
au lieu de deven ir citoyen il n'était qne Latin. Les Latin
juniens. nous l'avo n dit déjà, étaient assimilés aux Lalins
colon iaires, nou. concl urons donc qu'ils avaieo l les mêmes
droits.
La loi .Elia Sentia créa une aut re classe d'aITranchis, les
dediticcs . de beaot:oup in rérieurs au x Latins jun iens et dont
nou°' nous occu perons plus tard .
�---
•
-
38
-- :m-
CHAPITHE lV
Des Da·olts accordés nux n-.:•rnngcrs
et de ceux qni leur é tHlcnt 1•c fusés
SECTlON 1. - Le jus Co111111b1 i. - La 7mf1 ia Pole~ taa. La Factio lestamenli. - L<J J /cuw1. - LA T11telo.
L'.ly11,liri. -
SECTION Il. - DilJérents mou es d 'Acqu1 ilion de la propri é té.
SEC rlON Ill. ·-· Les Obligations. - Les Co nlr ~ t s .
SELî'lON TY. - Les Actions.
~ ECTIO
1
I
Jusqu'ici nous arons étudié l'hi Loire de la condition
de· étrangers à Rome plutôt que cette condition elle-même.
Dans ce chapitre cependant. Jais ant de côtè les droits que
Home a pu accorder. nous allon. Yoi1· la condition ju ridique das étrangers en elle-même.
Chez toutes les nations. dans tou s les pays du monde
l'accès dans la farnill c C:i l diITicile l)OUr les ctra11aers · a
"' '
Rome elle leur étai t 1:01u rlètc:ue11L inaccessib ic. La raison
en est bien simple : la famill e à Rome n'était pas une
famille natu rnlle, mais nne famill e essentiellement civ ile.
Elle n'avait pa son fondem enL dans le li en du sang, mais
dans la puissance (71ote.11as), dans le pri ncipe de la propriété;
c'est J'ell e que dèco ul:.i ien t la propriété et la transmission
des biens. L:l f<irnill e rom:i ine était ciYile jusqu'à un lei
point qu e les rapports cle ln paternité et de la filiation
pou,·aient êlre objet d'un con trat.
Si le3 étrangers ne pouvaient pas contracter un mariage
ralable d'après le jus civile, il ne fau t pas conclure que
leur mariage était nul ; il était valable aux yeux des
Romain sïl ava it été contracté sui,·ant la loi étrangère
(G.üus C, 1 29, 66 à 78 , 92). Dans le mariage des étrangers la femme n'était pas dans la position inférieure de la
co ncubine, el le él<ii t i1xor, comme l'11xor, j usla en ce sens
qu'ell e pourait fai re val oir ,on titre cl'ux or d'après les lois
qui régissaient le mari:ige de droit de gens. L'ad ultère de
la femme était punissable : Plane sive jttsla ttxor fuit, sive
i11justa , dit Ulpie11. acc11satio11cm instilttere ( vir) JJO/erit;
nam et Sextius Cœcilius ait : lfœc lex ad omnia matrimo nia 11erti11et. ( L. 13 § 1 D xr,v 111, 5). Il faut remarquer
que 1e mari en Jehors de justes noces n'ava it pa les
mêmes droit · qn e le citoyen romain aur:iit eu en
pareii cas . Le mari, dans le c:ts de justes noces. pouvait.
pendant soixante jours, exclnre un accusateur e.rlra11c11s,
en lui oppos11nt qu'il était noté d'infamie. qn'il n'aYait
pas d'e nfants Oll, gu'élant affranchi. il ne pos,édail ras
une fortur. e Je 30 ,000 sesterces au moins; le mari en
dehors de j u. tes noces ne pon Yait pa~ le fa ir\!. Cela nous
�-
4.0 --
est indiqué par un tex te de Papin icn que voici : ". Ciu~s
ro111mws 'Jlâ sine comwbio sibi peregr.nmn in ma/rtmo1110
lia/Juil , j are q11idem mariti eam ad 11/leram non 7wstulal :
sect ei non oppo11ellL1" i11/'amùt, vel qitocl li/Jcrtinus rem s1·s·
tert.ivnt1n trigenta milliitm aut filiwn non. haucat, 7Jrop1·im11
injuria.m ?Jersequentis. ( ~I OSA I C ET Ro.11. le91un Col/atio
tit 1v. ch. v.). Les enfan ts issus de mariage de droit des
(Jens n'étaient pas des v ulgo quœsiti, des s7Htrii . mais des
~beri nat 11 ra /es, susceptibles de devenir légilimes ; ils
:\\'aient des cogna ts, étaient soumis a nne obliga tion
alimentaire envers leurs parent ' et ces derniers étaien t
obl igés de pourvoir à leurs besoins; enfin ils étaient tenu s
à la revcrentia Yis-~L-ris leurs père et mère t L . 5. § 4. Di g ·
XXV . 3. - L. 6. D Il. ft-).
~l ais si par ces avantages , cc matrimonil1m sine co11 mibio se rapprochait à plusieurs égards des jo tes noces,
des différences profondes les éparaient et marquaient
l'infériorité de ce mariage de droit des gens \'Ïs-à-Yis du
droit civil. Comme nous renons ùc le Yoir pl us haut le
mot ux or n'a pas la même signi!l cation que dans le mariage des justes noces ; la femme ne prend pas le dom icil e
de son mari el le père n'acquiert pas sur les enfants la
patria polestas.
Il ré ulte comme conséquence u ~ces aire N forcée J e ce
que nous renons de dire que les étrangers ne pouYaicu t
pas avoir ie droit à la succe sion ab in tcsta( c'étai t un
uénéfic.e attaché à la parenté civil e. d'agnat, or) les citoyen:.'
romains seuls pouvaient être agnats. Le préteur pérégrin ,
comme dans tous l e~ ca~ oi1 il s'.-1~i s~ait de trourer 11n
-
l~ I
-
moyen pour éluder les ri gneors du drnit ci vil, sans viC1ler
le texte ri e la loi, a su apporter cles adou cissements et non
voyons à. côté de la paren té ci11ile s'établir, grâce au
préteur, une parenté naturell e : la co~na tio n .
La testamcnti (activ e. t uu drùit essentiellement rësen·é
aux citoyens romains et les étrangers ne pouY aient pas
l'exercer. lis ne pouvaient pas Yen ir à la succession d'u11
({itoyen et en recueilli r la to talité ou une partie seulement ,
mais le préteur donna aux pé1·égrins le moyen de recneillir tout ou une parti e de la succession d'un ci toyen.
Ce moyen était le fid eicommis. Le fid eicommis au co mmencement n'était . anctionné par aucune loi. C'étai t plutôt
un lien de conscience qu'un lien de droit. Auguste rendit
obligatoire l'engagement ùe l'héritier et institu a à cet e!Tct
u11 préteur fid eicommiss:iirn. Sous Auguste donc un
étranger quoique n'ayant pas la (actio testamenti n'en était
pas moins capable de recueil lir la succession ù'un ci toyen
Si les étrangers à Rome pouvaient arriver . par diITérenr s
moyens, à recueil lir soit la totalité. soit un e partie de la
succession d'un citoyen romain, ils n'arrivèrent jamais à
pouvoir transmettre le biens qu'il s araieul. Les lois romain es ur les succe _io ns ue s'appliqu aient pas à leurs
héritiers naturels ni il de léga taires parce qu'ils n'araienl
pas la /'actio testmnenli.
La manus comme la 7>atria 7>0testas n'appartenait pas
aux étrangers.· elle était de pur droit ciYi l. Quod el ipsum
j11s 7Jrn71rium. civiwn ro111<ino1w11 est. (G.~ïus C. 1§ J 08.)
Qn e faut-il dire de la tutelle ? Lt tutelle prenant
~a
�-
1,.2 ---
source dans le droit des gens. n'ayant d'autre but qn e d.e
protéger l'enfance ou Il fa iblesse, il semble qu 'on devait
l'appliquer indistinctement aux élrangers r:omrr e aux
citoyens; le l égi~ia leur cepe11Jant en lui donnant so_n ~r~a
ni ation en a fait une institution, rentrant dans la 10 1 ctv1l e,
iostilution ioaccessibl e aux étrangers. Ceci peut s'ex pl iquer
de deux façons. Chaqu e état étant libre de rè;:dementer.
sui \'ant sa constillltion. la manière dont lrl système de la
protection doit être appliqué, Rome avait établi pour ses
citoyens plusieurs genres de tutelles el laissa régir la tutell e
des étrangers par la loi personnelle de chacun. De
même qu'il y avait 11n mariage de droit de gens il y
avait une tutelle de j11s ge11 tiu111. On peut dire aussi ciue
cette exclusion des étrangers de la tutel le est du e à l'organisati on de la famill e romaine et à ce fait que dans les
premier temps de la Hépubliqn e. les Romains seul s avaien t
on domicile établi et fix e qui pû t donner une garanti e :1
l'enfan t don t on voulait assurer la protection.
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/~5
·-
On peut diviser ces droit en droits de proprjété et
drc~ ts de créance.
La premi ère question que nous avons à nous poser ici
est : l 'étranger pouvait-il étra p1'opriélaire? L'étranger
n'était pas incapable d'une façon absolue ù'ètre propl'ié·
taire; il po uvait l'être des choses qui pouraient faire
l'objet des modes d'acquisition du droit des gens, excepté
cependan t aux premir,rs temps de Rome. alors que l'étranger ne pouvait rien faire, s'il ne se mettait pas so us le
patro nage d'un ci toyen, ou s'il n' in voqua it un traité.
Sni"ant la distinction que nou a\'ons faite, nous dirons
que. relatirnment aux bien mobil iers. l'étranger était
considéré capable d'être propriétaire. Ainsi. il pouvait
aroir des esclaves tont ans i bi en ciu 'un citoyen romain
parce que l'esclavage étai ! une in tito tion du droit des gens:
Scrvittts est iustilutio juris yentium qua quis dominio olierio
co11lra nat11ram subjicitur, nou di, ent les Institutes.
Pouvons-nous dire égalemen t que l'étranger a les droits
ue créance? La phra. e suivante des l n s titu~es ne nous laisse
pa~ douter de l'affirmn lif: " Et ex !toc jure (j11re ge111ium)
SECTION lI
onmes 11e11c ro11trr1ct 11s introdurti sunt ut emptio vcndi-
Après avoir exami né les droits qui sonl. auachés à '"
personn e et qui constituent la fa mill e , nous arrivons aux
droits qui , pris ensemLle, formen t le p:ltrimoine d'u ne
personne.
Le droits uc créance. la plupart au moiu., pren nent leur origine dans le:; con trat· qui on t du juris yen tium et par con équ en t il est impos ible qu e l'éll'anger ne
les ait pas. Donc f'lOllr ces deux droits : la propriété mobi lière et le droit de créan ce . il n'y a pas de différence entre
l'étra11ger et le citoyen; nous ,·errons cepenùanl. en étndinn t
le:; di rcrs n~orlc:; rl'acquérir ln propriété. ci ne t.ertai ne:.:
lio ... "
�-
4.1.-
reslri ctions ùoiYent être fait es aux fac ullés nccordées aux
étrangers.
Si le droit de propriété mobilière fnt accordé aux ètrangers, il n'en fut pas de même du droit de proprièté immobi iière. L'étranger ne ponvait être propri étaire ùn sol
italique; mais comme nou l'arnns remarqu é plus d'un e
fois, le préteur intenenant encore ici, comme dans Lons les
cas où il fa ll ait écarter Je rigueurs du droit civil sans violer le texte de la loi, lni a donné un genre de propriété
connue sous le nom de domi1ti mn bonilarium .Comme Loutes
les iunovations du pr~teur, le domaine boni taire se dé,·eJoppa de mani ère à ne laisser qu'une existence fi ctive au
dominium ex jure Qniritium , car lui auss i fut bi entôt
garanti d'une façon aussi énergique qu e le domaine qu ir itaire par l'introduction des actions {icticiœ (fictices) et i11
factum.
Les droits de propri été dont les étrangers pouvaie11t
jouir étant con nus. nous nous deman dons quels sont les
modes <l'acquérir ces droit s? Ulpien nous indique ix modes ( Frar; . XIX § 2) par lesquels on pent acq uérir la
proprié té. De ces six modes il n'y avai t qu e la tradition.
mode consacré par le jus gentium pour la transmission de
la propriété. qui élaiL acces ible aux étrangers. Un ~cco ml
mode d'acqui ilion de la propriété f!U 8 les Ctrangers lJOU ·
Yaient exercer était la prescri71tio longi tem]Joris; elle fu t
inLrodn itc, sous forme d'exception . pour repousser uno
action en restitution et s'appliqua anx possesseurs de fo11 ùs
provin ciaux qu i, ne jouissaot pas du jus ilatlicum , ne ponvaienl pas nsucaper. li fau t re111arq ner quo la prescri ption
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45 -
proùuite par ce rnoJe d'acquisition donnait, longtemps
avant J ustinien, même entre pérégri ns cl citoyens, une
action analogue à la revendication.
SECTIOX III
Les améliorations progressives accomplies dans la législation civile, qui peignent à. merYf.l illc l'h istoire de Rome
passanl de l'ëla l barbare à la civ ilisation la plus avancée,
se font sentir dans la matière des obliga tions. A l'origine.
pour con tracler une obligati on, il falla it accomplir plusieurs
fo rmal ités dont étaienl entonrés les contrats primitifs tels
que le contrat 71er œs el libram el la 1w11ci1patio ou le
mxurn primitif, contrat qt:J i emportait un droit de propriété
é1·ent uel sur la personne dn débiteur . Peu de temps après
le paroles sacramen te!les seules suffi aient et étaient em ployées pour contracter jusq11'i1 l'époq ue où elles étaient
ell es-mêmes primée par récriture. A la fin nous voyons
tout es les rigueurs :ibanùonnécs et le eul consentemen t
suffisant pour faire naitre une obligation.
Le contrat d'origine, le 11exum fut remplacé par les
quatre con tra ts que Justini en nous indique ~1 la fin ue son
paragraphe 2, li vre 3 aux / nstit11tes: Quat11 or siwt specic~· ;
twl
e'llim re co?1tralw11 tur , a11t vcrbis, a11l lilleri11, aul con ·
Sl!11S ll.
�Ces qualre contr:ils .e divi enl en cün trats so lennel ~ et
contrats non olennels.
Le·
cON1' LU1'S SOLENNELS
sont les co ntrats verbis
4i uos vul11it (GAïus C Ill§ 93). Comme Gaïus nou s le dit dans
son tex te d'anLres form ules équi\'alentes à spondcu s'établirent pour les pérégrins saroir: Dabis .? Dabo.' Promittis~
-
. - !"6 -
et
lilleri.s
l es Contrats verbis.- Ce sont la dictio clotis et la stipiilatio. Ces contr3ts étaien t revêtus par la légi lation romaine
de formes artificielles. La dolis clictio était un contrat essen-
tiellement ci\'il ; elle serrait pour con. tituer une dot clans
le mariage ue droit ci\"i l ; mais il ne faut pas conclure que
les etrangers, ne pouvant pas employer ce mode de droit
civil. étaient incapables de coo tituer une dot en se marian t;
il pouYaien t constituer une dot d'ap rès les lois de
leu r pays. Sous Théodose et Valen ti11i en cette dictio dotis
perdit tonte sa valeur. Une con' titution de ces empereurs
permit a toute personne de s'ob liger ' par sim ple pacte,
de fournir une dot au mari.
L'appliC3tion principale du con trat verbis ét<.it la sti pulation. Dès l'origi ne, sa formnle sacramentelle: Spowles ne?
Spo11deo, avai t été déterm inée par la loi ell e-même. Tant
que le droit se renferma Jans sa rigueur primitive, dans ce
formalisme i étroit qu'un mot dil pour un aut re pouva il,
qnoique ayan t la mêmesignificatio11, faire perdre un procès,
la stipulation, comme la clictio <Lotis. fut refu sée aux pérégrins, elle ne devait être employée que dans le cas où les
deux parties étaient citoyens romains: Sed hœc quidem
l•erborwn ubligatio : Dw·i s71ondes? Spo11deo , 7Jropria civimn, 1·omanorwn est, ételerœ vero jurili 0C'll limn Sullt : 'Îla·
que inter omnes homines, sive civ<'s romanos sive peregri-
Promillo Fideprumittis? F'ideprom1llo .' Fidejube.~? Pidej ti bco Facies ? Faciem . L'ordre dans lequ el ces nouvel les formules f11rent admises est impossible, nous dit M. Accarias
à préciser, et le sa vant jurisconsulte ajoule qu'il croi t qu~
les plus récente. sont les formn les : Fidejubes? Dabis ?
Facies? ( ACCAllJA , page 209. t. ~ N J ) .
Ce son t des contrats qui se formenL non pas par des paroles solen nelles prononcées par les
parties, mais par nne constatation fa ite par écrit de l'obligation que les parties veu lent cont racter. La question si les
pérégrins pouvaient s'obliger par le nomen tmnscriplitiu.m
éLait controversée au lem ps de Gaïns. Les Sabiniens faisaient
une distinction : La transcriptio était-elle cle persona ;11
7iersonarn les pérêgrins ne pou raient pa s'obliger ; étaitelle a i·e in penunam , elle étai t applicable aux pérécrrins
aussi bien qu'aux citoyens. Les Proculeiens, au conti:ire,
s'en tenaient au droi t Ci\'il et refu saient aux pérégrins Je
droil de s'obliger par le 11omen lranscriptitiwn (GAïus Ill §
153). A côlé du 11omen lranscriptilium il y avait déjà un
contrat lilléral beaucoup plus simple. c'est celu i qui résultait ues écrits appelés cliirograplta et syngraplw . Ces écrits
sont-il s des instrumenta ou formont-ils de réritables obliga~i ons? La que. Lion e t controversée. Les auteu rs allemands admettent le prem ier ystème ; nous croyons avec
ions les ;iu len rs françai s ~ne ce son t là non pas d~s i11str11·
me111a , mais des formes parlicu lières ù'ol>ligat ions. Si Gaïu. ,
l es Contrats litleris. -
�-
k8 -
en patlan t <le ce:; ~o rles d'écrits, ne s'ex prime pas comme
pour les no11iilw 1ra11scripti1ia: litteranL'ln oûligatio fit mais
dit seulemen t : Fieri t>idettir(GA'ius Ill, § 124) cela vient de
l'origin e même de ce~ écrits qni n'étaient p.as <lu droit ci\'il ,
mais qui , ponr faci liter les relations des <\trangers avec les
citoyens étaient assimilés aux oblig:\lions littéraires du
droit civil.
LES CoNTnAT i'ON SOLENNELS sont ceux qui n'étaient
pas accompagnés de form es particulières. Ils sont au nombre de deux : le con tra t re et le con trat co11sens1i.
l es Conlrals re furent~ \'origine entonrés Je tou tes les
form::il ites qui ::iccompagnaient le 11e.rwn c'e t-à-dire de
la pièce ù'airain et de la balar.ce. Ces solennit és disparurent peu à peu i: Lle contrat se fo rmait par la simple remise ùe la chose, de manière qne Lous les étrangers
pouvaient être partie clans to11s les con lrnl, réels.
Ces contrats qui se forment
par le seul con. enlemen t des parties ont leur origine dans
le droit des gen , el le droit civil ne les a pas entourés de
fu rm~ particulières ; il leur a donné accès tels qu'ils
étaient. Du moment fJ ll e ces contrats étaient de jas gentium ils pouvaient servir à obliger tonte personne sans
distinction. Les con trats consensuels ne sont , an fo od , que
des pactes à cette seule et uniqu e différence qu'il s portent
les noms des contrats flt produisent une action.
· Les seules obli gations possibles , résultant de quasi ex
co11tl'(t1·tu, pon r nn étrangt:r étaient celles qu i naiss:iienl
Les Contrats come11rn. -
-
49
d'une gestion d'affaire , d'une indivi ion ou du paiemeul
de l'indû .
Les obligations résultant d' un délit obligeaient Lou le
personne, étrangers co mme citoyens. A l'origi ne .~epen
Jant les actions résultant des délits prévus par la loi des
Donze-Tables el par la loi Aqtûlia étaient civiles ; mais
le préteur interv int et donna ~ l'étranger non seolemeot
nne action in facttmi mais un e aclion in jus. 11 arrivait à
ce moyen par une action ficlice dont nou nous occuperons
plus bas.
SECTION IV
Les actions de la loi étaient essentiellement quiritaires
et la r igoeur des fo rmali tés qu i les entouraien t les rendaient inaccessibles aux étrangers. Les étrangers cependant aflluai ent à Rome au f11r et à mesure qu'elle se déYeloppait et lenrs rapport arec les citoyens nécessita
l'établissement d'une juridiction qui leu r fût accessible.
Vers le commencement du ci nquième siècle fut créé le
7Jrœlor 71eregrinus qu i était chargé de la juridiction dans
tous les procüs entre Romains et pérégrins.
l a procédure dont se sen'ait Io préteur pérégrin Jevint
pl us tard la procédure de citoyem romains fJUi , fatig uég
de la rigueur des actions de la loi, en firent par loi Ξwia
�-
t>U -
rendue eu t>5ï ou en :rn:> et les Jeux lois Juliœ judicim·iœ
sous César et Auguste un sy tème co nn11 sons le nom de
système formulaire qui , d'ailleurs, par sa implicité préentait de grands avaniages sur les /cyclî action es. V0ici
sommairement une esquisse de cette procédure dont se servai ent les pérégrins. Les parties se préscnl'. l ient devant le
préteur le jour fixé pour le jugementu o la canse; ce dernier, après avoir entendu les parties, leur délirrait un e
formule, et Süi\'ail l le ca ., ie, rCu\'Oyait devant ues rccuperalores , nn arbitre ou un juge . La fo rmule pour les étrangers était concepta in /'actw1t. Le magistrat posait une
question de fa it cl attachait a ~a solut io n alîirmati\'e üll
négative la conséquenœ d'u11e condamnati on pécuniaire ou
l'abrnlution du défend eur « Jttclex esta si 1uiret Aulum Ageriuni u7n1cl N 11111eri mn Negidi w 11 111 en1Sa 1n argenteam de7JO·
suis11e eamque dola 11Htlo Awncrii Ncy idii A1tlo Agerio redditam 11011 esse (jusqu 'ici la formul e pose uuc question de
fai t); 1111a11ti ra re11 el' Îl,
11rc1miam j wlex Nwn eriurn
Negidhun Alllu Ayerio co11 clcm11 alu, /il non 11urel a/Jsolvito.»
ta11 ta m
Plus lard le préteur par\'int ~1 don ner aux pérégrins. en
rn servant des (iction11, même une at:li nn in j us. Le
procédé con ·istai t à employer daus la réJacLion de la formoie qu'il donnait. le· mêmes terme-, comme i la qualité de droil ci\'il ex ist1it dans la cau. c.
-- :51 -·
CHAPITR E V
C onunt'nt s'a c c1nlC'rt IC' lll1•01t de.- CU<-
SO~l~I A IR E : DilTfre nls modr' d'acqu~rir la cill', communs
~l aux pé régrins. -
aUll.
Latin'
ll uit modes propres au" Latin~
Nous avons n i . dans le chapitre Il , qn 'en o-énéral
.
.
ô
c eta1t par la naissance qu 'on acquérait la qualité de citoven.
Dans ce chapitre nous allons énumérer les différents m~des
d'acqu érir Je droit de cité.
,.
La 111a1wmi1Ssio était le principal mode d'acq uérir leclroi t
de cilé et il pou vai t 'appliquer à tou te P., pècc d'étrangers,
en effet ceux-ci n'avaien t qu'il se vendre comme e clarn .
et , une fois Jeven us e·cla\'cs, à e faire affranchir pour
acquérir, par ce moyen, la ci té romaine. La manumissio
s'appliquait aus.i à deox clas. es de personnes qui . après
leur affranchis ement ne se trom·aient •oas élerées au r:inir:->
de ci toyens. qui ne pouvaien t inrnquer Je droi t des gens.
ce sont IPs Latins ju niens tlont nou avons parlé ùéjà et
les alîranchi, déditi œs dont nous no11s occuperons plus
has.
�-
Après le manumissio il faul citer le' liberi : nou verrons
tout 3 l'heure qu e b causœ 7irouatio ne s'appliqne qu':rnx
Latins et que l'erroris ca 1tsœ 7Jrobatio , au contraire. 'a pplique aux Latin;; et aux pérégrios.
Les pérégrios acq uéraient encore Il cilé par le bienfai t de la loi on bien par nne conce sion individu elle ou
générale.
A côté dP, Lous les 1110Je;:; ù'acq uérir le flroit de cit é
que nous avon indiqu és en traitant des Latin i vetcres Ulpien nous inJ ique huit mod es par lesquels les Latins pouvaient clerenir citoyens romains : • Latini jus Qttiritit1111
co11seq11u11tur his ·modis : Bcui/icio 7J1'i11cipali, liueris, itcratione , militia, ?lave. œdi/it:io, pistrino; prœtereci ex scnalusco1is11lto, vulgo quœsiliw1 Ur c11ixa. (ULPIEN Ill. 1).
§ 1. Bc11eficio pri11cipali. -
D'après un édit de Trajan. l'empereur aurait toujours le ùroil de donner le Litre
cle citoyen à un affranchi , même . ans le consen tement et
contre la \'Olonlé du patron . Toutefois lorsqu'il s'agissa it
d'un Latin junien le consentemen t du patroo était néces. aire parce que l'empereu r 1~e pou\'ait pas léser des intérêts
pri\'éS, celui-ci con ervail un droit . ur la concess ion de
on a!Tranchi . (G AÏU ' Ill 7"1. 7 3.)
s 2 . l i/Jeris. -
Ce mode comprend la t ausœ 71roualio
et Cerroris causœ 71rouatio. La ccw sœ pro/;alio s'appliquait
anx Latins juniens. Pour bie11 se renùre compte il faut
supposer qu'un Latin junien arait épousé soit une civis
romana , soit une Latine junienne en présence de sept témoins ciLoyen:> romains et pul.Jeres liberorn111 quœrendo-
!J;) -
rmn causa, qu'il a\'ait eu de cette union un enfant actuellement vivant âgé au moins d'un an . a11niculus, qu'il
s'était présenté Jevant le magistrat, le préteur a Rome, le
vrœses proviu ciœ dans la pro\·in ce et qu 'il avait fait les
prenves.
Ces conditions rempli es il devenait citoyen romain , ainsi qu e sa femm e el son enfant et il acqnérai t sur ce derni er la puisc:ance paternelle (GAïus 1 69, 70) . Si le Latio
venait à mourir a\'anl que on enfant eût atteint l'âge, la
femm e pourail causam probare et par cela même deven ir
ci toyenne romaine.
L'erroris causw prn/Jalio e. t un mode d'acquisition de
la ci té commu n aux pérégrins cl aux Latins. L'erroris cavsœ
7irobatio trouvait son appli cation lorsque lors du mariage
il y avait eu erreur des époux ur leurs qualités respectives. lorsque par exem pl e une affranchie latine avait épousé
un pérégrin qn'elle croyail latin ou lorsqu'un affranchi
latin avait épousé une pérègrinc qu 'il croyait. latine ou ciloyen ne romaine ; celui qni était tombé dans l'er reur pouvai t. {ilio 11ato, prouver son erreur cl de\'eo ir citoyen
(GAïus I. 66 et s.)
§
L'a ffranchi seru ent d'un eclaYe
ne p0tHant. so it par manqu e de formalités. oit parce que
Je man11111issor n'avai t pas 1'1 propriéléquiritairesurre clave,
faire de lui qu'nn l<1tin jnnien. l'itrratio permettait par un
nouvel aITranchissement, avec tontes les conditions vonlnes
par le droit ci\'il , de purger le vice el de donner le droi t de
cité au Lati n jonien. L'iterntio ne profilait pas seulement
aux. Latins. Un sénatuscon:;ult e arnit dérlaré qu'ell e pro3 . lteralio11 e.
-
�-M
-
~rn
-
filerait éga lement aux enfants du Latin : Co11cess1wi est
ut ex se11at11sco11sullo cliam libcri jus Quirili1tin conscc1ui
JJOSSil . (ULP. lH. t. 1-.)
§ 4 . .Militia. -
Une loi Vis1'/lia rendu e probablement sous Tibère accordait le droit de cité à ceux qu i
avaient servi six ans dans les gardes de Home : J11s QHiritittm
acceµit Lati1l us, si inter vigiles Roma se.c mwis militavcril
ex lege Visillia (ULP . Ill , 5)
§ 5 Nave. -
Ce mode, d'après Suetone. établi par
un édit de Claude, permet au Lati n de devenir citoyen
romain en construisant un na\'Îl'C de la ca pacité de dix mille mes ures au moins, clecem 111 illia modiarwn, c l en
lransportant du blé à Rome r.•endant r.ix ans.
§ 6 et 7. /lldificio , 7Jistrino. -
Même Careur pour
celui qui construit à Rome une maison, un moulin ou une
boulangerie.
§ 8. Scnalusconsullo vulgo ter cnixa . - D'après le tex·
te d'Ulpien on ne peu l voi r autre chose dans cette mesure
qu'un encouragement de la prostit uti on par la loi elle-mème.
Certains auteurs • unl fait une correction au texte . Ils
remplacent le mot vul,qo par virgo et c'est, ùisent-ils, la
causœ wobatio de la femme.
• De Wan gcr ov, Puchla et Shilling
CHAPITRE VI
1.es alf1•1u1c bl!f Dcdltlces
SOMMAIRE: Dut de la loi :Elin Son t i~. -Qui est ct éd1ticc? La condillon
et l:i suppr rssion d es <11Tr anchis détlilices.
La loi !Elia Senti a, comme nous l'avons dit. pour restreind re le:; nombreux ;)ffran chissements el pour empêcher
l'entrée dans la cité aux hommes dégradés , créa une
troisième classe d'afTrancbis, les deditices .
Les affranchis raogès da ns celle ca tégorie de pérégrins
étaient ceux qui étant escl;wes avaient été mis aux fer, ,
marq ués d'un fer rouge, soum is à la torture pour un délit
don t ils sont demeurés con,·aincus , livrés pour les combals
du cirqu e, jetés dans les prisons .
Les affranchis déditices son t assimi lés aux peuples qui
après a\·oir lutté contre nome e . ont rend us à discrétion
Gaïus appelle lenr li berté: • pmima libcrlas •;ils ne pou·
n ient séjo urner à Home et dans un rayon de cent milles
auiou r de la vi lle. En cas de Jé ·obéissance leurs bicus
étaient vendu:' an profit du peuple el ils redevenaient e, -
�-
56 --
-
claves. lis n'avaient aucun moyen de deYenir citoyens romains.
Les déditices ne pouvaient disposer par testament ;
ils ne pouvaient recevoir ni par testament, ni par fidéicommis.
Justinien supprima les affranchis déditices. (In stitutes 1.
t. 5§ 5.)
57 -
CHAPITRE VU
La (;011stlt11tlou
SO M~ I A IR E :
But de Caracalla. Erreur de Jm;tinicn.
d' .~utouha
(;aracalla
Effel ol étend ue de la coosliluliou. -
Nous avons remarq ué plnsieurs foi. l'avarice rom ai rie
lorsqu 'il s'agissait de conférer le titre de citoyen aux étrangers. Cet éta t de chose cependan t, n'a pas duré longtemps
Après la conquête de l'Itali e, nou5 avons vu Rome accorder
Je j us latii , le jus itaHcum et en fi n le jus ciuilatis. César
accorda le j11s cil!itatis à la Gaule transpadane et à la
Ga ule cispadane. Ses successeurs imitant son exemple. se
firent des remous des conces ions qu'ils faisaiP,nt aux particuliers. ~l are Aurèle alla plus loin, il accorda le droi~ de
cité à tons cenx qui puurnient payer une cer tai ne somme,
Antonin Caracal la les su rpa~sa tous : il accorda le
droit de cité à tous le sujet de l'empi re. Il fan t bien cependant . e ga rder de croire que Carac~ll la fü celle concession parce qn'il était inspiré ue senti ments d'équité et
d'human ité. C'e. L l'i ntérêt qui le potn:a. li :nait b~oin
'
�:;s ·d'argent ponr cou1'rir les dépen es de se,· folles pl'Orligalilés
et ce fut le,enl m'oyen de s'en procurer . Dion Cassius nous
indique que la cli spo·ition de cc prin ce n'esl qu'un e pure
mesu re fiscale ; " ... C'est pou r cria dit l'hi. toricn, qoe tous
ks habitants Je l'Empire furent son:; apparenc.c d'honneu r,
mai s en réalil é pou r plu · rie reven u h !'Empereur , altendu
que les étrangers étaient exempts de la plupart de ces taxes ,
déclarés citoye ns romains • ( llist. ro m. li l'. LXX Vil. )
L'impôt don t parle l'hi Lori en était ccln i sur les sucessions el les donations 111orlis causa qui fnt établi à l'époque c.l'Augu, te par une loi con nue sous le nom de /ex vicesima heredilatw11 . Cet impùl d'un YingLi ème sur tontes les
suc..:ession soit Le·tamen taircs. ·oit a& i11testat dévo lu es à
d'a utres que les héritiers siens, étaient supportés par
l'héri tier, les légataires. les fid éicommi ssaires el les donataires mortis cau. ~ct
. . Or les pérégrins ne pou,'ant pas avoir
ces qualités, ne le supportaient point,
Cet impôt avait été changé en un impôt de dixième par
Caracalla qHi. après celle augmentation , voyant f]U e les
contribuables n'étaien t pas as. cz nombreux, im agina , en
cachan t son véritable but sous le Yoile de l'humanité, celle
constitution qn i accorda la cité rom:.\ine à tous les sujets de
l'empire.
11 ne faut pas s'imaginer que cette constitution bouleversa l'ordre des cho es et fit nn grand mal. Des pays entiers jouis aient déjà du y'11s /atii, et les droits attaché:; au
titre de citoyen , comme le droit de l'Ote par exempl e,
ava ient perdu beaucoup de leur importance. Nous pouvo ns
dire même que celle mesure élaiL rendue inévitable par Io
1
césarisme, ce grand nivellement des conditions.
-
!5 9 -
Quelle étai t l'étendue de celle innova1ion ùe Caracalla?
S'appliquait-ell e à tous les sujets ri e J'empire'! A ce lle
question. il fa ut répondre négativement. p3rce qu'il y avait
deux classes de personnes auxquelles elle ne s'a ppliquait
pas. Ce sont les Latins juniens et les déditices. Jus1in ien
nous déclare qu e c'est lu i f]Ui abolit les Latins junien· et
plus tard le· déditices.
A propos de la constit1Jlion en question, il nous fa ut
rectifier l'erreur dans laq uelle es l tombé Justinien, lorsque.
dans une de se 1Y01·elft!s, ùon l voici le passage qui nous
concern e : Faci111us autc111 novum nihil , sed egregios ante
nos impcrulores seq!tim 11r. Sic ut enim 11nlonilws Pi us cogno·
minatas (ex 1uo cliam ad 11os appe/latio !tœc pcrven it) jus
romanœ civitatis prius o& uno quoqucs11bjertorttm pelitm11 et
lal1tcr ex iis, qui voca11 t11r percgrini, ad roman am i11gen aitatem deducens , hoc ille 011111 i&tts iu commune donavil.
( Novelle 7 7, ch. 5), i1 attribu e celle cons Li tuLion à Anto-
ni n·le-P ieux. Dans un tex te d'Ulpien, qu i fait aujourd'hui
la loi 17 du titre de : Statu homi11wn dans le Digeste,
l'autcur faisant allusion :1 la cons litnlion de Caracalla emploie le mot imperaloi', terme qu i ~·app liqne it l'empereur
actuellement rég nant: or, c'était Caracalla qui av:iit le pnu voir lorsqu 'Ulpicn L1crirait cc lextc. parce qu'antrement,
s'il s'agi ait d'Antonin-le·Picux. au quel Ju 1inien allribuc
1'inno1•ation, il aurait dit : E..c co11stit11lio11e rfit,i t1111011i11i
et TIOn pas i11111e)'(1foris t1111011i11i. Anjonrd'htii, tout le
monde reconnaît f] UC Jnslinien a commis une errenr.
nou s reste, pour terminer l'examen ile celle constitution. un eq ues lion très conl rorc1-_ 1•ecl beaucoup pin ' dil11
�60 -
ficile à résoudre, s:\\'oir : la constitution de Caracalla régi$sait-elle les habitants des provinces qui n'étaient pas
encore réunies à. l'empire par le seul fait de leur réunion?
Les anciens interprètes ont été pour l'affirmative. Il nous
semble, cependant, qu'il fant lenir , avec M. Haubold , la
négative. Il serait franchement incroyable que Caracalla
eût voulu lier ses successeu rs en déterminant quelle serai t
la qualité des penples qui tomberont après lui sous le joug
romain. Nous ne saurions êlre persuadés qu'il en fut ainsi.
snrtout sachant dans quel 1.Jut la constitution en question
a\·ait été promulguée. En elTet. cette innovation. je ne
saurais trop insister sur ce point. a été faite dans un but
fiscal. Caracalla, nous le disions au commencement de ce
chapitre, voul~it satisfaire à ses dépenses; il découvre un
moyen de faire affiuer l'or dans son trésor, il l'emp loie,
voilà tout.
Nous ne pouvons admettre pour un seul instant que
Caracalla ail pensé à ceux qui, après lui , gouverneraient le
monde romain. Ceci dit, comment pouvons-nous admettre
que ce prince ail accordé le jus civitatis à des peupies qui
n'obéissaien t pas à ses lois et qui ne supportaient (Jas ~es
impôt s~ Tout cela est inadmissible, et nous croyons que la
constitution de Caracalla ne devait s'appliquer qu'aux. peu pl es qui fai aien t partie de l'empire romain lorsqu'ell e a
été promulguée. A tou t cela. nous pouvons ajouter l'argument clu tex te d'Ulpien dont nous avons parlé pins
haut. ( De statu hominttm , loi l 7). Dans ce texte Ulpicn,
en e!Tet. parle du présent : ln oruc romano qui rnnt , ex
con.stit11tio11e imperatoris A11to11ini cives Romani cfTect i
s1'11 t.
-
61 -
La condition inférieure des Latins juniens el des déditices que la constitolion de Caracalla laissl subsister fut
abolie par Justinien.
�-- 65 --
SECONDE PARTIE
Prolégomènes
Dans la seco nd e rarlie de notre étn<l e, il nous -emble
ind ispensable d'exam iner l'origine de la législation acLU elle
sur la condition des étrangers: ca r, lorsgu'on veul connaitre. comprendre et ex pliquer un e institution, il est nécessaire de remouler j usqu '~t sa création , de pénétrer et
d'éclaircir les ténèbres qui obscurcissen t :ion origine. Le
sujet qne nous avons à tra iter ici, uj et qui a subi tant
de changements, ne serait pas présenté d'une façon complète si nous n'ex posions p 3S ,o n origine. Il nous serai t
im po,sible de juger et J'aprrécier les changemen ts et les
améli orations do Code, i nons ne connaissions pas les lois
antérieures. lois injLUcs, cruell es el barbares, qu i,
�-
64 -
cûmme i;haque in lilution humaine, re11ètent le caractère
farou che de leurs sauvages au teurs. Cependant il ne faut
pas que les rigueurs et les vexations auxquelles furent
soumi les étrangers jusqu'à. la révoluLion de 1789 nous
étonnen t. Ces dispositions ne viennent-ell es pas du fond
des forêts de la Germanie ? Ne portent-elles pas la marque
des temps dans lesquels elles sont nées? Ne sont-elles pas
inspirées par les mœurs de ceux qui les on t établies? N'estil pas vrai qu'une institution qui est bonne pour une
époque n'est point applicable ~1 une autre? Les lois ne sont
pas l'œurre d'un législateur : " Les Codes des peuples,
disait Portalis, se fon t avec le temps, mais à proprement
p:irler , ils ne se font pas. » Le législateur ne fait que s'approprier le idées ex istant déjà ; il ne fait que les mettre
en rapport avec son temps, avec les mœurs, avec les
besoins de son ci.ioque, il lui est imposé de suivre le
progrès de la civilisation et de mellre en harmonie ce qui
existe avec ce qli i doil exister .
Nous nous proposo ns dans cette seconde partie d'esquisser brièvement le. dispositions concernant les élrangers
;1 l'époque barbare. à l'époqu e féodale et sous le régime
monarchique.
-
G5 -
CHAPITRE 1
SOM~ I AIHE:
L<'s é l r~ngers chez
l e~
Germains cl chez les Francs
La première questi on qui se pose dans celle matière
est de savoir quelle est, au juste, l'époque à laquell e nous
pouvons remonter pour trouver ùes di spositions concernant les étrangers. ~t al gré toutes les recherches nous ne
ponvons pas remonter plu haut qu'il. l'épogue des im·asions des barùarcs. Tont cc qu i précède se perJ dans les
ténèbres du passé. Les quelques textes qui nous sont
donnés par les historiens romains ont tellement vagues et
nous donoenl des renseignements tellement superficiel que
nous ne pouYons pas nous prononcer positivement sur la
cond ition des étrangers ;\ c!'lte époque. Toutefois oou
tàcherons , par les ùonnécs que nous avons, d'expose1·
cette co ndi tion telle qu'elle nous ·emble arnir été.
Suivan t certains au teurs. les étraoger, n'étaient pas en
tléfayenr chez les Germain com me ils étaient chez les
�-
G6 -
autre peupl es de l'antiquité. Parmi les nombreux tex tes
qu'on i:io us cite e t celui ùe Tacite : «Null e nation n'est
plus généreuse pour es convives. ni plus hospitali ère :
fût-ce le dernier des hommes. c'est nn crime ùe lui
fermer la maison . Chacun reçoit el régale suivant sa
fortune. Les provisi o n ~ sont-elle consommée3, celui
qui rnns arait reçu chez lui indique so n voisin et rnus
accompagne; rnus entrez tous les deux sans être invités ;
peu importe, vou, êtes également IJien accueillis. Qu 'on
soitcon nu ou non. cela ne fait ri en quant il l'hospitalité.
En partant. si vons ùemandez quelqu e chose, il e~ t
d'uaged e rnu · l'accorder. el, à on tour ,onaura sur
rnus les mêmes droi ts. • L'hospitalité e t un trait ca ractéri tique de chaque 11ation qui se trouve dans l'ec1fance :
mai dire, en tiran t conclusion de ce pa$s:ige. que les
étrangers étaient bien trai té:; chez les Germ ains, c'e~t aller
trop loin, parce qu'on ne peut pas arrirer par ce lex ie h
une démon trati on con cluante sur les prérogati ves <l es
étrangers.
Ce texte. je le recounai:; , e, l aussi formel qu e po,siul e,
mai · les motifs qui fai ·aient Tacite écri re ùe ce lle mani ère.
pris en con, idération, je <lis qu'ou a donné be::iucoup trop
d'importance à. ce passage. Qu e l'on se so urienne que
l'immortel hi' Lorieu en fa isti nt une parcill ~ Jescriptio11 de
vertu:; par trop exagérée:; des Germains n'a1·ait pas d'au tre
but, but que nous rencuutrons. <l'ailleurs, dans lous ses
écrits, que Je faire mi eux ressonir les vi ces du peuple
romain de sun époque. On uous cite au s~i un passage de
la loi des Burgondes à l'appui de ce système. En e!Tet, la
-
67 -
loi des Burgondes dans on titre xxxrnr, paragraph e r,
inflige une amende de trois sous d'or à quiconque a refu sé
son toiL à un étranger ; mais qu'est-cc à. dire ? si l'hospitalit é était si grande, si cette vertu dont nous parle Tacite
en des termes si chaleureux ex istait , à quoi bon une loi
qui les contraigne a être hospitaliers?
Nous croyons, au contraire, que les étrangers étaient en
défareur chez les Germains et leur condition devait être des
plus ri goureuses . Nous allons essayer de le démontrer par
l'organisation même des tribus germaniques et par de nomM
breux tex tes qui nou son t parvenus.
Les diITéren tes peuplades qui errai en~ sans cesse dans
les plaines immen.es de la Germanie étaient partagées en
tri bus. Chaque tribu avl it son chef. Les tribus se subdivisaien t en petites associations qu'on appelait le pagus. Le
7Jagus on le can ton se composait des hommes libres qui
vivaient en comm un et qui se devaient protection. Ce qui
caractérise ces assor,iations, c'est que chaque membre
aYait d e~ droits et des obliga tion réciproques. L'association avait la responsabilité de la co ndu ite de ses membres
el devait-ell e payer ou demander un wergelcl en cas d'un e
o!Tense commise par, ou faite à quelqu'un , c'est l'a~socia
tion qu i le fa isait, lorsque la for tune personnelle du d~ li n
quant , ou de la vi ctime n'était pa:i snmsante. Toul homme
libre pouvait faire parti e de ce as ociations, mais pour
cela il fallait : 1° apporter une garantie suffisante; et 2°
l'as entiment de tous le:; mem bres, parce qu 'un e fois
rentrés, dans la société tous les membres étaient responsables
de ses acte .
�-
-
û8 -
Celle o1ga nisa tio11 sociale étant connue, nou nous
demandons quelle a pu être la cond ition d'un étranger clan~
celle société. Si tant de précautions étaient prises pour
assurer les li ens qui uni ·saicnt les membres de la trilrn
lorsqu'il s'agissait J'y faire entrer un membre. pouvonsnous douter quel devait ètrG l'accuei l fait à une per on ne
qui ne roulait pas s'attacher a la tribu et dont la présence
ne pouYaiL être qu'un suj et de trouble dans une r,o rporation où toul le monde Ù\ ail en communauté. Aussi royon nous que l'étrange1· élait appelé Warga11eu.)', mo t qu i
signi fie. d'après l'étymologie que donnent certains auteur.
accrédités: proscrit. banni , vagabond , et q11c toutes les
lois barbares voulaient . e débarrasser de ces gens sans
aYeu.
Vu l'organ isation sociale de$ associations qni composaien t la tribu , le so rt réservé an \Varganclls qui ne
pourait rentrer cl ans la tribu étai t l'esclavage.
1
Chez les Francs, celni qui n'était pas adm is par les Raschimbu,.gi, devenait erf ùe la globe. li en étai t de même
chez les Saxons : Pere'Jl'Îl1111n 'JUi ])(llronmn uon habebat ve11debm1l Saxones ( Tra11slatio sanrti Viti, cap. X III).
Dans les lois de Canut-le-Grand , nou trouvon un passage
4u i confirme notre systèn1c : l'olumtts ut 1111i/ibet homo in
cer1turiam el decemviratum co11/'eratur , qui cxcusatio11c vel
WJ)Îlis wsti mati one di91ws es1;e velit, ut If uili!Jet in 1;e11turiam et ad (idejussionem ducatur el (idejussio11cm il.Ji seri•el
et ad quudcu111que clttcat. (l ois de Ca1rnt-le-Graml , chap.
XIX) .
Les textes que nous Vt:non de voir, rapprochés des mœurs
(j~)
et de l'organisation sociale de l'époque nous montrent
d'une m:rnière écla tante la condition rigoureuse des
étrangers. Sans crainte de nous tromper, nous pouvons
donc affirmer qu e l'étranger n'étai t et ne pouvait être traité
que comme esclare.
La riguenr de la condition des étrangers qu e nous
venons d'établir tro1nai t des exceptions dans certains cas.
Lorsque l'étranger trom ait un patron dans la tribu qui
répondait pour lni , il n'était pin traité avec la méfiance
habituell e de ces peuples farou ches : Et ad majorem securitatem fa ve11dam ordina vit inrnper et 7Jrœcepit quod nulltt.s
exlraneus in /'orensccum capitis villœ aul in subu.ruio hospict ur, n isi lws pes ej us pro co vol ae rit 'fespondere. ( L(t Ilela.
1, 1, cap xxrv , § 24.. ) Un passage de la loi salique nous
indi<iue qu 'il n'élait pag nécessaire d'avoir un patron réponda nt pour être admis dan:; la tribu, le seul consentement des membres qui la co mposent suffisait, mais il
fal lait dans ce cas un Cl> nsentement à l'unanimité. la protestation d'un senl suffisan t pour contraindre l'étranger i1
partir : S i quis admigrnvil et ei aliquis in/'ra cluodecim
menses ml/lus testal11s ( nerit 11 /Ji arlmigravit, securus a/ii
vici11 i consistal. (l ei; Sa/ic1t, lit. X L F de Jlligranlibtts 2).
E t·ce à dire que par ces adoucissemen ts l'étranger ac-
quérait tous les droils que pouvait avoir l'homme libre de
la tribu germanique? Pas le moin. tlu mond e. Il n'arait
pas le droit de porter le arme ·: il ne pouvait pas épouser une femme germaine; il ètnit inca pable d'acqu éri r et de
transmettre par testament. Telle étail la condition la plus
fa,·orabl e des étrangers à cette époq ue. Sans être esclaYes. ils
n'étaient pas traités 1t pied t'gal avrc l e~ Gflrmains.
�-
70 -
CHAPITRE Ir
Période féoda l e
SOMMAIR E: Deux classes d'aubains. - ExplicaliC'n du mot auba111. _
Di!Têroacc entre les deu'< cla< c· d"aubains. - Condition des aubains.
Le passage des hordes barbares en Gau le; l'établi ssement des Francs dans ce pays ne changea pas tes mœurs
et les coutumes des envahisseurs, et la con dition des
étrangers à cette époque e 1 restée i1 peu près la même
qu.'aux bords du Rb in. Les adouci ssements apparents
existent dans les lois, mai en fait rien n'est changé. Pen dant la plus grande partie de celle période, l'état de choses
a_été: pas de droit pour te- étrangers. Tout w qu e nous
dirons donc des étranger· se raµp orte aux derniers temps
de l'époq ue féodale oü l'influence de la royauté commen ce
à se faire sentir.
Qui était étranger à celte époq ur, ~
Était ét.ran.ger : 1o celui qui était né en FrDncc et qui
appartenait a une châtell en ie autre q•1 c celle ()Ù il se
-
71 -
trouve acluellement ; 2° celui qui était né en dehors de la
France. Les premiers sonl les aubains, les seconds sonl
appelés: épaves, mécrus, méco nnus, gens don t l'origine
est inconnue.
Cette di stinction enlre aDbai ns qui nous e$t indiquée
par Bacquet: "Anl.Jaios. diL-il . ~o nt hommes et femm es
qui sont nés en ville dehors le royaume , si prochain
que l'on peut conoistre les noms et nativitez de tels
hommes et femm es ; et quand ils son t venus demourer au
royaume, ils SOfll proprement appelés a11bai11s et non espaves. Espaues sont hommes et femmes nés dehors
le roya ume de si loingtains lienx que l'on n'en peut an
royaume avoir connaissance de leurs natiritez et quand
ils sout demourant au royaume peuvent êlre dits espaves. ,
ne présente aucune importance vu que les mêmes lois
étaient applic.ables à ces deux classes d'étrangers.
Avant d'enlrer dans l'élude de la condition des au .
bains et des épaves. nou croyons nécessai re d'expliqu er
l'origine du mot "aubain »,expression qui a été l'objet
de grandes discussions. Les uns ont dit : « Aubain \'ient
des mots alibi nalus" ; d'a utres, parmi lesquels Cujas,
l'on t fa it venir dn mot latino-barbarc aclvena ; d'autre ,
du mot hober, se transporter d'on lieu dans un autre;
d'antres. du mot latino-barbare albanagiwn, all, étranger,
manu homme, agion bien; albwrngfom aurait été donc le
bien d'un étranger , el le alba11agii le droit d'au bain. Enfin
dans un au tre système on trouve tml1ain dans albam,
il s'agirait dans cette opin ion de l'albitm sur lequel le coller,teor des mainmortes inscri vait le. noms cles étrangers.
�-
72 -
Cc systè!De e t très ingénieux. mais comme aucun indice
ne nous monlrc l'exislence de cet ltlbwn. on se ti ent aujourd'hui à l'élymologie de Laurière qui prétend que Je
mot aubaio vient d'Albani (Ecossais) parce qu'il cell e
époque la plupart des étrangers venaient de l'Ecosse. Celte
explication, d'après nous. ne montre pas l'origine du
mot anbaio et n<Jus croyons pouvoir donner un e autre
explication .
Pour bien fai re comprendre notre explication . il
est nécessaire d'ajouter qu'il faut toujours se placer à
l'époque qui a îll naîlre une institution quelconqu e pour
mieux l'étudier. Le mot aubain apparaîl pour la première
fois au JX• siècle. précisément au moment où le système
féodal vient de s'établir en France. Il est donc naturel qu e
ce mot se rnltache au système qui l'a vu naitre. Or , ce système se résume en ceci : leseigneur qui habite le château féodal
est un petit souYerain absolu ; c'est Yers lui que tout conYerge, pour lui que brille le solei l et qne produit la terre .
Il jouit de son pouvoir; il es t maître absolu sur ses terre ;
il peut guerroyer, battre monnai e, établ ir des impôts.
rendre justic0, bref, faire tout ce qu'il veut clans la li mi te
de ses domaines. Parmi ses divers droits il en est un et
presque le plus important. c'est le ban c'e t-à-di re le droit
de juridiction sur toute l'élenclue de son territoire, droit
qui marquait l'étendue du pouvoir seigneurial. Tous ceux
donc qni n'étaient pas de son ban , sous sa juridiction
étaient alii banni c'esl-à·d ire gens qui n'étaient pas de
son ban ou autremen t dits « aubaio . " Tell e est. il nous
semble J'ori~ine, cln mot aulwin.
-- 7:) -
La condi tion ùes étrangers de la première classP., c'està-dirc de ceux qui avaient quitté une cbàtellenie ponr s'ètablir dans une autre, était presque la même que cell e de
serfs du seigneur, à condition qu'i ls eussent reconnu Je
seigneur dans l'an et jour. Une première diITérence ex istant
était : que l'étranger devait, à sa mort, laisser dans son
testament, au seigneur qu'il avai t reconnu , une bourse neuve
et quatre denier-. sous peine d'une amende de soixante
sols.
Voici ce que nous trouvons dans la coutume de
Laudunois, an titre ùc \loyen jn Lice . article 5 :
" Quand aucuns forains qui ne sont du diocèse décèdent
en sa justice, le seigneur a le droit d'avoir l'aullenage : c'està savoir une bourse neuve et qu:ïtre deniers dedans : et
doil êtrtl payé ledit aubenage au seignenr. son receveur.
ou en son absence, à autre son offici @r-~ aYant que le corps
du décédé soit mis hors de la maison où il est trépassé ; et
en défaut de payer ledit anbcnage. ledit seigneur pe ut
prendre et lever soixante sols d'amende sur les héritier
et biens dudit défunt, en. emble sondit aubenage. »
Une seconde dilîérence, ùan laquelle nou trouron la
premi ère trace cle la ccwtio Jwlicatum solvi, est celle qui
oblige l'étranger· à donner une caution lor qu'il ''ent
plaider devant la jnslicc cl' un seigneur antre que le _ïen.
Cette cau tion s'a ppelle ph:ge : " Quand ancun pl ède en le
cort d'aucun seigneur, auqu el il n'e, t ne hon.. ne o le .
il doit livrer plesges d'être it droit el qu'il ne traraillera
pas ce li h qui il veut pléJier en corL de chre tientc; cl li
plesges doivent ètre tris qu e le dire, en qui cort li pl i, l'l
�-
7fi. -
les puits ju licier. u ( BEAUMA NO IR. Coutum e de Bea1wais
XLIII, ~ 32.)
La cond iti on des étrangers de la seconde catégorie était
presque la même que celle de$ anbains. Nons avons vn
sous l'époqu e barbare que l'esclavage était le sort réservé
aux étranger·; vers la fin de l'époque féoda le les seigneurs
ne pouvaient pas les trai ter comme esclaves, mais ils conservèrent les droits sur leurs biens.
Les aubains, sans distinction, étaient soumis aux droits
de chevage, de (onnariage et cl'eschoirtc.
Droit de Chevage.- Le droi t de chernge ou de cavage.
co mme l'appelle Beaumanoir. e l nne redevance annuelle
que les aubains étaient forcés de payer aux seigneurs. " li
est ordonné que tous espaves et ;rnbains fussent chacun an
contrai nt à bailler ou faire mettre par écrit leurs noms el
snrnoms el payer chacun douze deniers parisis audit collecteur. qui en faisait chacun an le wmpte. Lesquels douze
deni ers sont appelés chevage ponr ce chacun chef, mari é
ou reuf, chevager les doït. • (Bacquet).
C'est le droit que l'auLain
derait pa~·er pour la dispense qu e le seigneur loi donnait
de ~e marier avec une personne d'une conditi on autre que
la sienne. L'origin e de ee droit e trouve dan, la défense
aux serf::; el aux aubain de se marier en dehors dn fi ef el
avec une personne d'une classe supérieure, défense sanctionn ée par une amende de soixa nte sols parisis. Lorsq11 e
le servage cessa, cette dérense devait disparaître, ma is ell e
fut ingénieusement remplacée par le droit de formaria ge.
Droit de Formariage. -
-
75 -
So us ce nom. les seigneurs surent
mainteoir la double incapacité attachée au sen·age et qui
devait disparallre avec lui. Pour longtemps la seDle exception admise à celle règle fut en fayenr de l'Eglise. Il fut
permis à l'aubain de disposer de cinq sols en favenr de l'Eglise. C'est une faveur accordée sepultura gratia, ou comme
ledit Loysel. parlant des aubains, pour le remède de leurs
àmes.
Droit d'eschoiele. -
�-
7G -
-
CHAPITRE 111
3El-:Tl0l'i l. - Comm<'ncemcnt de la Pél' ioùc monarchi q ue. - Qui ëta1 l
nuba1 n? - Commrnt drvenai t-on Fr<111çai '1 - Perte <I~ la riualitë dl'
Frn n~:a i s .
SECTIO ' Il. - Droit cl'aubain. - l>rocédu rc !\"exécution. - La resta uration d u Droit romai n.
ECTJON Ill . - Les Etrangers et les ùror l ~ publ ics et pol itiques.
ECTION IV. - Des fol'eurs accordées aux aubai m; . - Exceptions au
d1 oi t d'aubai u.
SECTIO:i \' . - Les Elrnnge rs devant lrs t ribunaux. - La caulio 1udica1!1111 solvi . - La contrai nte par co rps. - La i;e&;io n cle!< bie n ~.
SECTIO~
I
Le commencement de la période monarchique est assez
difficile à déterminer. No us croyons cependant pouvoir
fix er l'époque du commencement de celle péri ode à la publicati on des établissements de saint Louis car c'est nl ors
que nous voyons apparaître un prin cipe nonveau dans
lequel nous trnuvons l'ex plication du chan gement do la
législation actuell e.
77 -
L'obj et prmcipal ùes établis ements de saint Louis était
de transform er le droit seigneurial snr les aubains en
droit régalien et de fa ire disparaîlre la distin cti on entre les
aubains nés en dehors de la France et ceux qui y étaient
nés; car, vi s-à-ris le roi, ces derniers ne pouvaient être
qne des Fr:rnçais.
Il ne faut pas s'imaginer qu e les efforts de la royauté
furent immédiatement couronnés de succès. La lulle a été
longnc et vire . Le princi pe était posé et la route a suirre
tracée, mais les seigneurs résistèrent plus de deux siècles.
La royauté, fa ible au com mencement. finit par s'imposer de
manière qu 'à la fin du seizième siècle il n'y avait plu de
ùiscu sion sur le point de aroir i le ùroit d'aubai n était
un Jroit royal.
Nous passons sous silence les détails de l:l lutt e entre
les seigneurs et la royauté pour examiner immédiatement
Je droit d'aubain so us la mona rr,hie qui n'est plus, comme
dan. la période précédente. un droit obscur et inù êcis.
mais un droit nellement ùéterminé et qui régit l'étranger
sur Loule l'étendue du roy:iume.
Avant d'expliquer en détail . ce qu'il faut entendre au
juste par Jroit d'aubain sou la monarchie et les incapacités des étranger~, oit en dro it cil' il . •oi t l'n droit pu blic,
not1s jugeons nécessaire Je détermi ner qui était étranger
sous cette période.
)
Etait anbain toute perso nne née en dehor du royaume
el qui n'avait pas été naturali ée. L'origine n'était pa pri. e
en considération pour déterminer la nationalité. Le fait
�-
78 -
de la naissa nce ùan le royaume rendait Français même
l'enfant d'un étranger. au contraire l'enfant ù' nn F1·ançais
né en <lehors du royaume était. aubain .
La qnali té de Français s'acqnérait dl:l diverses mani ères.
mais Je mode ord inaire d'acquérir la concession indi ,·iduelle de celle qualité était les lettres de natural ilé qn i
ne pouvaieot être accordées qu e par le roi. parce qu e lui
seul pouvait ad mettre les étranger:; au nombre de ses
ujets . Ces lettres étaient vé t·ifiées et enregistrées par la
Cour des comptes qui les taxait . et c~ lte taxe. nous apprend
Pothier , tenait lieu d'indemnité au droit ll'anbain auquel
le roi renonçait e11 faveur des étra 11gers pour les lettres
de naluralité. Ces lell res ne donnaient pas par elles-mêmes
a l'anbain la jouissance ùe tous les droits qu 'avait le Français d'origine. Elles ne lui donn aien t pas le droit de posséder en France de, offi ces ou des bénéfic:es. à moi ns
qu'elles ne continssent µas une clause spéciale à cet égard .
L'étranger qui les avait obtenues ponvait bien transmettre
sa succession ab i111esta1 , mais il fallait que ses héritiers
fu ssent França is de nai sance, ou au moins Français naturalisés; il pou rait recueillir la snccession d'un parent ,
mais à 1:ondition que ce dernier n'eût pas d'antres héritiers
français. Le véritable e!Tet de ce lellres était d'enlever
au roi le droit d'aubain. li fa ut cependan t fa ire une restriction au cas où l'aubain mou rait sans laisser des héri·
lier français, ou au moins Lies héritiers natu ralisés Français; dans ce cas, c'e t le roi qui lui succédait.
La concession collective de la qualité de Français avai t
lieu par leltres patentes, orùonnances, édits, en un mot
par divers documen ts signés par le roi.
-
i9 -
Le Français p0urnit perd re sa qu:ilité de sujet du rui
en s'é tablissan t en pays éLranger. sans C'pri t <.le retour.
Dans ce cas, quoi qu'il uevint auba in et perdit tous ses
droits de França is, il n'était pas traité de Il même manière qu'nn étranger. Il recouvrait tous ses droits par le
seul fait d'être rentré en France et d'avoir montré l'i ntention d'y résider à perpétu elle demeure; il en était de même
de ses enfan ts nés à l'étranger. Cet état <.le choses fut
changé par Louis XIV qui , dans son édit de 1G69. confirmé par la déclarati on ou 16 juin 1G85, proclama que Lout
regn!cole qu i. sans antori aLion du roi , s'établirai t en pays
étranger sans esprit de retour ne pourrait plus reprendre
sa qualité de Français, et ses enfants ne pourront pas être
naturalisés pour quelque eau e que ce soil. Plusieurs
peines sembl ables foren t établies par l'édi t de juill et 17 0::>,
enregistré le 20 janvier su ivan t. Nous les pa. sons sous
silence en faisant remarquer senl ement qu e toutes ces décisions durèrent jusqu'à 1789.
La qualité de Frar1çais se perdai t par la perle d'une
portion de territoire.
SECTIO?\ JI
La restau ration du droi t romain était destinée à appor te1· de grand s changements dan , toutes le institutions
féodales et accomplir une centrnlisation de tons les pou·
�~
so -
da l'éi)oquc. enchantés de$ lois
,, lc'"istes
· ,L,
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~- 1
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\'Q .ll'S e'\.·l:.'l"tit
romaine'. Yonlaient les appliquer à tout et partout. Vonlaut auribucr à la royauté la puis.ance et la splendeur de
l'empire roinain et aux rois les pri,•ilèges tles empereurs
rnmains, il' le sen irent dans toutes leurs causes avec les
:'eigneurs. Le wccès de la royauté condamna la féodalité
et .es instituti ons; les jur1 consultes de l'époqu e cherchèrent dan le droit romain des lois qui devaient régir les
an bain~. et, areuglés par lenr pa ion, ils ne virent pas la
faute qu'ils commettaieut eu assimi lant l'aubain au pérégrn1.
L'aubaiu. pournit faire tout ce qui tient Ju jtts yc111ium, et rien de ce qui 'attache au ju:> c:iui/c. li pouvai t
acheter, rendre, louer. hypothéqu er. mais il ne pouvait
pas transmettre sa succession ui faire un testamen t.
Pouvons-uons conclu re de tout t:C que 11ous ven ons Je
, dire qu'il faut cherd1er l'ori gi ue du droit tl'aul>ain dans le
droit romain ~ Nou:; 11c le croyons pas. En effet. nous ne
pouvons pas, après avoir rn la législation concern:ir1 t les
aubains prendre naissance en Germauie, se clchelopper
su cce~si rnrueo t après les i11' asio11 des Bcirbareg ; après
a\'oir constaté que l'anuinage féodal a succédé à la serYitndc
personnelle de l'aubain, nous 11e pouYons pas ad mettre
que le droit romain ail aucu n rapport a\•ec le droit tl'aubain. Le droi t d'auuain peut s'expliquer en dehors de toutes dispositions romai nes qui afiluèrent dans là législation
it celle époque. L'incapacitc Lie succéder el de transmettr?
par testament avait sa 1·aison d'être indépendamment du
droit romain .
-
81 -
Nous trnurons l'explicat ion de l'exis tence du droit d':rnb:ti Il tians la révolu 1ion sociale qui vcnai t de IJ0 11 leverscr
la const1luliun de la France et substituer un roi tout pui •
s:t nt h. tous les seigneurs féodaux .
Avant le pass:igc même des Francs dans la Gaule nons
arons vn le droit d'aubain, c'est-à-dire l'incapacité d'acqll érir
et de transmettre par testam ent. e reposer snr le principe
que les étrangers ne ponvaient pos~éder le sol fran c. la
terl'C al iqu e, !'al leu ; après celte époque cc Jroit trouvait
sa ba c dans le principe de h erv itudc. Que rnyons-nous
sous la royauté? Les mêmes principes sous une autre forme
Lorsqu e le tri omphe de la royau té sur la féodalité a été
aceompli. lorsq ue le roi n'é tait plus seigneur en principe
seul ement, mais en l'a it aussi. il commença par s'approprier
toutes les prérngatives qui lui revenaient ùe plein droit.
Les seigneu rs a\'aient été maîtres :.ibsolus, le roi à so n
tour le de,·i nt ; les seigneurs avaient été propriétaires.
le roi prélend auss i que tout le territoire dans le roya ume lui appartient d que chaque par ticulier tient ses terre
de lui , et qu e c'est de lui seul et par sa fareur qu'un succc·sseur tient sa succe. ion en payant un ùroit de mutation.
Dans un pareil élal de cho es il va de so i qn'un étranger
nr. pouYait pa ' jouir de la fal'cur accordée aux sujet du roi
c'est- ~-di rc réclamer des biens qui revenaien t au roi parce qn e dans ce cas le . ol fran çais pas~ era ii à une nation
étrangère.
Ces pr incipes que ln monarchie a trouvés dans l'institution fèodalc. qu'elle a dél'cloppés et mainten u., onl été
�-
8'2 ·
83 11
1fütin clion do
j11~
orliliés par le droil 1om:.i in . par ce l:
.
"t de;·us civile dont nous avons parlé plos haut ,
ge11 Lwm "
.
.
.
et que les légistes de l'!·po·1ne ont malad ro1ternen_L appliquée à l'étranger so us la monarchie. Toul ce, qui e~L de
jus civile leur était refu se ; or. tester el su~céoer r~b mlestal es t de droit civil donc l'au bain ne saurait y prelendre .
L'incapacité de l'ëtranger étai t gé nérale elle s'étend:iiL
·il LOUS 1es 1.·e
al1'··' meubles co mme ::iux imm eubles.
ul 11 '
L'incapacité Je te· ter cl d1• rcclleillir par testament ~1:1_1L
onlièrement absolue. L'auba in ne pou,•ail pas re1:ueil lir
Je ses enfants français; il n'en était pas de même Je l'incapaci té de tran. mettre. L'aubain pouYait en lai ssa '.1t de
enfants nés en France leur tr:w mettre sa suc.cess ion et
Je Jroit d'aubain n'avai t pas lieu parce qu'aulremenl il aurait frappé des Franc,ai . Cette i'J\·enr ne semble pas être
fa ite aux étrangers puisqu e dans ce cas les enfant$ sont
Français ; mai en réalité les é~ra ngers en profil aient au ssi
et dans le cas où l'aulJain aYait des enfa nts nés en France
el à l'étranger, les secouds étaient relevés de leur incapacité par les prnmiers.
A l'incapacité de trar1. mettre cl de ret:eYoir il fou l ajouter: 1° lï ncapacilè de dispovcr Oll ùe recernir à cau. e de
mort ; 2° l'inca pacité de \ Cnir au retrait li g n ~ige r . 0 ;1ns
snn com men taire . ur la Coutume du Ni\'crnais Gny Coquille nous dit ceci : " (.lui n'e:,l habil e à succéder ne peut
renir à retrait i l'inhabili te ou l'incapacilé esl perpétu elle ;
ainsi faut dire d'un a11b<Li11 nay hors du royaume . •
1
La procédure a ~ uivre pour l'application du droit d'au·
bain nous est indiqu ée par Bacquet (d1ap. 57). Elle con·
sistait en ceci : Lorsqu'un étranger venait à mourir le
procure nr du rni, <J près avoi1· cons taté qu'il n'était pas
exempt dn droit d'aubain, faisai t opérer uné saisie sur les
biens de l'anbaio, et s'il n'y avait pas eu d'opposition ou
qu e les opposi tions fu ssent mal fondées. Je procureur faisait adjuger ces biens au roi, orùonnai l la vente des meubles et l'arge11 t provenan t de la ven te était versé en tre les
mains du receveur ord inaire des lieux.
ECTION lII
Le droit d'aubain , dans Je sens le plus large du mot,
ne compren ait pas les trois in capacités dont nous ''euons
de parl er sen lement. Pour connaître les droits dont l'ét ranger était pri\'è, il n'y avait qu'à onvrir le Digeste et voir
quels droits son t du jus ge11tium et quels au tres ùu jus
civilu. Un tel droit esl·il da ns le droit des gens ? L'étranger
peu t l'exercer. li n'pn était pas de même des droits publi cs. L'incapacité de l'aubain étai t ici complète. Les aubains élaien t exclus Je tous le droits politiqu es. Ceci ne
doit pas nous étonner. ces droits son t refusés aux étrangers
mème chez les peuples où ils jou issent de tous les droi ts
civil s a fortiori deva it-il en être ainsi dans les législations
co nçues clans nn esprit aussi é troi t que la législal ion de
1' époqne.
�-
85 -
8k -
Sui, aut Loy el, le$ aubaius ne puuvaie11L tenir offi ce
ou hênèîi ces en France, 11i excrcor aucune fonction publiqu e. lis ne pouvaienl être pr1ucip:wx 11i 1·égents cJes universités; ils éLa ienl aJmis dans les unil'ersités mais on ne
leur accordait des breYcls qu e sous la condition de ne pas
s'en senir en France. Bacquet nous indique plusieurs ordonnances qui régissaient les inca pacités en question. Une
orclonn:incede Charle VII , tin 2 mars l li.5 1, défend it
aux aobains de tenir offices ou bénéfi ces dans le roy:iume
ùe France. Un édit ùu 8 octobre! 5:;4. enjoign it aux étrangers tenant, par permis.ion du roi, bénéfi ces en France,
de nommer aucun Yicairc , officier et au tre personne
ayant la rnperintendance des bénéfi ce~ . qu'ils ne fu ssent
natifs du royaume. Un au lre édit du 5 mars 16511- confirmé
p:ir une ordonnance de Charles IX en 151> 6 interdit aux
ètrangers d'étre officiers des monnaies, maitres on commis
ùes monnaies de France ; il ne pouvaient être aides
ès gabelles. ferm iers du domain e du roi etc. L'article
4 de la grande ordon nance de Blois rendue en 1579
était ainsi conçu : • N'cnl endons que ci-:iprès aucun
puisse estre pourrn d'a rchevéchez. ëvêchez, ni d'abbayes de chef d'ordre, soit par mort résignation ou autrement qu'il ne soit 01iginaire Fra11t;ai!l, nonoustanL qu elqu e
tli . pense ou clanse dérogatoire qu'il pui:-seohtcnir de nous.
à laquell e ne rnulons qu ·on ait égard .•
Les charges pul.Jliqn es que subi~saient les aubains
étaien t lè che va~e. le fo1·maria;.:c ; 11ous renvoyons à ce qu e
nous avons dit plus haul sur œttc qu c.slion.
SECTION IV
Tous les élrangcrs 11 0 11 naturalisés qm avaient établ i
leur domicile en France. et de même tout étranger qui ne
faisait que voyager en France étaient soumis au droit
d'aubai n. Cette mesu re rigournuse, cc droit d'aubain que
Montesquieu a ju temcn t qnal ioé d'ù1sensé, empêdrnit les
étrangers d'entrer en France et d'y apparier leurs capi taux et leur inùustrie . Craignant toujours une confi catin11
après une mort S'Jbitc. l'étranger n'osait pas s'aventurer en
France Pnur reméùi er, au moins partiellement, à celle
conséquence fa tale qui décou lait du droit d'aubain et pour
fav oriser le co mmerce et l'inuusLric, les rois exemptèrent
de ce uroit certaine· cla ·ses d'étrangers. Tous les marchantls
forains ava ient été exemplê' de cc droit dès le douzième
siècle. Charles V avait accordé cléjà l'exemption de ce droit
aux originaires de la Ca Lillo qui venaient faire Io commerce en France ; un édit de 13ï8 étend cette exemptiun
aux étrangers ré·idant il Ami cn·, ;\ AbbeYille cl à ~!eaux.
En l l.1-43, Charl es Vil accorda à Lyon le bénélir.e ùe
trois foires fr:in ches. Louis Xl accorda celle fareur pour les
commerc.ants du Brab:u1t, do la llollauùe et·~. Étaient exemples du drni t d'an b:lin aussi Lous ceux qu i Lra\'ailbieut dan :;
les fa bl'i11ucs ues tapisse ries Je Flandre, ùes Gohelin!:' de
�- gr, -
Beau,·ais et rlan: les manufactu re de 01e. Nous 110 pouvo ns. sans dépasser notre progra mme, ni co ntinu er
d'énumérer tous les privilèges d'immunités accord és aux
étrangers, ni entrer dans les détails de chacun; ceux qu o
nous avons énumérés nons montrent suffisamment l'adoucissement de la condition des étrangers.
Les traités internationaux pins qlle tonte autre chose
servirent à l'adoucissement de la condiLion de l'aubain . lis
remontent au seizième siècle. l'époqu e de la naissance de la
diplomatie européenne. Le premier de ces traités est celui
de Cambrai , signé en 1529, par lequel Lou ise de Sa,·oie.
mère de François I•' d'nne part , ~larg uerite archidu chesse
d'Autriche, sœur de Charles-Quint d'autre part , al.Jrogèrent mutuellement la donble in capacité d'acquérir el de
transmettre qui frappait lPs anbains. Deux siècles plus
tard , ces traités devinren t plus commun., et Yoici le:;
dates de ceux que la France avait co ntractés avec les diITérentes nations de l'Eu rope : a\'ec b Sardaigne en t 7GO ;
avec l'Espagne et les Deux-Sicil es en 1762 ; arec l'Autricbe,
en f 766; avec la Suisse. le Danemark et les Pays-I3as .
en 1768 ; avec les Etats-Unis, en 1777 ; aYec la Ru ssie
et l'An glet erre en 1787. L'étendu e de l'exemption différa it
nirant les clauses dn traité. Ces traités, en abo lissan t le
droit d'aubain , en laissèrent une trace en créa nt 1111
nouveau droit connu sou le nom de droit de delractio11,
c'est-à-di re. droi t en ''erlu duqu el le roi ne pouv;,il plus
prétendre à la snccession tou t entière 6chuc ~i un étran rrer
" '
.
. .
mais a une partie seulement qui rariait de dix à ,·ingl
pour cent.
-
87 -
SECTiü~
V
L'ancien droit ne permettail pas . en principe, aux
étrangers de s'actionner en France: les au teurs invoquaient
la règle qui , en matière personnelle. atlribu e la compétence aux juge· du domicile. Les juges naturels des co11testalions entre étrangers étaient les consuls. De nombreuses exce ptions an principe furen t admise. par la juri:'prn dence et confi rmée par des ordonnances.
Lorsqu 'un étranger avait contracté une obligation vis-à\'is d'un Français, il pou,·ait être ac ti on né devant les Lribnmn:x f1·ançais et il pouvait y <Jcli onner on França is qui
s'était obligé enrnrs lui.
Jusqu'au di x-.cptième siècle on a signait l'étranger a la
rron tièrc à son ne tro mpe. Le:> détai ls de celle bizarre
manière d'a.signer nous son t donné· par Jean de Bouteill ier :
« Et se e. toi t puur faire acljonrncr habitans de pays en
vill es estranges. il . u!liroit adjonrner iceluy a la plus prochaine ville <lu pay qu'on rnulclroil aùjou rner el le faire en
puuliqu c h la brcteschc par jour ùe marché. cl pui,:;
:tllacher l'ex ploict aYcc la rcscription i\ la porte au lez cl u
pays ou de la Yillc don Ion acljou rnc le eigncur ou les
habit ans, tell emen t qu e ceux qui iront andit p;iys le
pu isse nt ~çavoir c> I di re an li1'11 el :l \'f1ir 1·cuc ropi e dr l'1•x-
�-
88 -
pl oicLse prendre le veulent et le doit on laisser à la porte
tan l que durer pourra. •
L'ordoooance de 1667 abrogea celle cou tu me µrimitive
par son article 7 qui est ain' i conçu : « Les étrangers
qui sont hors le royaume seron l ajournés en hôtel clc nos
procureurs généraux des parlements où ressortiront les
appellations des juges devant le. quels ils seront assignés.
et ne seront plus ùonnées aucunes assignations sur les
frontières. •
Le principe qlli donnait ùroil an Fran<,:ais de ci ter un
étranger dernnl les tribunaux de son pay était une disposition for t sage. car autrement il lui aurait été ~ioo n
impossible au moio très-difficile d'obten ir jnstice. Cette
fac ulté accordée aux Français n'a pas été sans restri ction.
et si l'étranger pouvait être as igné en Fran ce ce n'était
pas devan t n'importe quel tribunal; il ùuva it être assigné
en matière personnelle deran t le tri bu nal de so n dernier domi1~ile P;t en mati ère réelle <levant le tribu na l de la situation de l'immeuble.
Plus haut nous avons cliL que l'ét1·anger pouvai t act ion ner le Français devan t les tribunaux françai s; le ponvait-i l
purement et simplemen t ans fournir ca ution ? Non,
l'étranger ùemanùeur deva it donner la cau ti on judicat11m
solvi. C'était le seul moyen d'assurer l'exécution des dêcisions des juge:;, parce que sans cela la fuite de l'élranacr
n
les rendait illusoires.
Lacaution. d'après Pothier ( Traitécles 1u11 ..w11n<'~·. sec. 11 )
conl raclai t l'obligation de payer nnn seulemen t l'o lljeL clc
la condamnation principale mais encore tons le;:; accessll i rc~.
-
89 -
<.:'e t-à-dire les dépens fai t tant en premiere instance qu'en
cause d'appel a\'ec les dommages et intérêts, en cas qu'il
y eC1t lieu d'en adjuger.
La caulion jmlicattim solvi, malgré son nom romain , n'a
aucun rapport avec le ùroit romain; elle tire son origine de ·
temps des Barbares. Les Barbares, nous l'a\'ons YU, rel'usaient d'entrer en lice a\'eC un étranger s'il ne lrouvait pa
un répondanl. Sons l'époque réodale, il fallai t une cau tion
même dans le r:as oü un Français plaidait devant un ei gneur au tre que celui à qu i il avait fai t aveu. Beaumatsoir.
dans un passage ùu Co111me11laire rie la Coutume cl11 Beattvoisis, que nou. a\'ons cité déjà. (titre des Pl ègeries chap
43 al. 82) nous apprend que lorsq u'un individu voulait
plaider dans la cour cl 'u n eigneur duquel il ne relevait a
aucnn titre, il <levait fou rni1· caution: le piège d'e.ler à
droit . A l'époque de la restaura tion du droit romain,
l'usage de co ntraindre l'étranger à fournir caution pour
plaider, exi tait par tout en France ; mais la manie des
légistes de l'époque, de ùonner à tout une forme romain e
les fil assimiler cet usage d'origine germanique à la caution
des Romains. cau ti on que le defonùenr à Rome était obligé
\le fo urni r ùans certain · cas, el qu'on appelait la cautio
j 111licatwn solui.
La caution 1uclicat1w1 solvi ùe,·ait être fournie. s'il faut
e11 croire Bacqu et, au crim inel comme au ci\' il. Elle de\'ait
être llonnée par tout pl:lida11 t étranger san' exception ; IL's
princes comme le ambassadeurs tle\'aien t la fourn ir . 'ils
pla idaient dans Io roy:\Ume. Il y a\'aiL cepembnt certaines
excep tions. 1\i11si Pothie1· nous apprend que l'étranger q111
�-
!'10 -
po.sédait des biens dan le royaume n'étail pas obligé de
fourn i1· la caulion j1ulirat11111 sol1·i ; Merlin nous énumère
J es arrêls d'après lesq11el l'étranger plaiJant en France
c0mme demandeur en matière comm erciale et pour causo
d'alimen t· ne devait pas fournir ca ution (lle11rrl . MEl\Llt'i.
yo
Cauliojwiical111n soll'i.)
L'étranger défendeur n'était pa tenu de fournir ca ution.
même s'il rl cvenail demandeur en appel. parce qu e le procès
étant le même.l'appel n'estqncla conli1111 a1ionde la dérensc>.
(Arrêt Parlem ent de Paris 17 1O.)
Pour des raisons li peu près analogues à celles qui
avaienl fait élabli1· la caulion judica111m .solui , les élrangers
élaienl traités plus durement que les F'rança is au point de
,·ue de la co11l1ainte par corps el de la ce _ion des biens.
Cc u'esl que depuis l'ordonnance de 1G67 que la condition
des élrangers élai t dernnue plus dure au point de ru e de
la conlraiote par co rps. Sous l'o rdonnance de Philippe-leBel. ùe 1304 , et cell e de ~Jou lins. do 156 G, il n'y ava it pas
de dilTérence entre les Français et les étrangers. Venait
ensuite l'ordonnance de 1G G7 qui abrJgea itl a contrainte par
corps pour dette. purement civil es sans faire aucu ne di ·tinction entre França is el étrangers. Les juri ·~o ns ultes de
l'époque parvinrent, par leurs in terprétations. à créer une
<lifférence: L' ord on nance de 16G7 , di. aient-il " n'abroge
l'or<lon nance cle ~lo ulins, de 15G fj. qu'à l'éga rd des França is
et les étranger ne . aura ien t invoqu er un e faveu r failc par
la loi aux sujets du roi.
Q~ant à la cession des Liens, l'étranger ne pourait pas
la fa ire. Voici le molif qu e nous inrliqu e Bacquet : " Et
-
91 -
ne le reçoit pas it foire ce. ion do biens. rnmhien qne le
regnicole y soit reç.u sni,·ant la tlispositi0n do rlroit notoire
et rn lgaire : et ce par arrêt don né ès plaidoirie après diner
le 12 mai 1 56~) ; autrP.mcnl l'e !ranger pourrait à so n
avantage succer le sang et la moël le des Français pu is les
payer en faill ite . ,, (Bacqnel. Traité rie l'AttlJaine. ch. 17).
Quoique les élrangers fn ssent traités durement. il y arait ,
au moins un e juste réciprocité. et si le étrangers ne poul'aicnt pas faire la ce·. ion de leurs biens. les F'rançJis ne
pouvaient pas de leur c1)Lê se préraloir cl e cc bénéfice
Yis-à-vis des étranger .
Telle était la condi tion cl es étrangers sous la monard1ie;
elle s'était certes l.Jien mod ifiée depuis la féodal it é. Nous
avons vu cett e légiJation si du re au commencemen t 'adon·
cir peu à peu : les rois prendre les étrangers sous leur
protection. supp rimer une clas.e d'etra ngers qui. en fait. ne
l'étaient pas. amêliorer la condi Lion des autres. faciliter
l'acqu isiti on ùe la qnalilé. ùc França i.;, renoncer jusqu'il un
certain point , au droi t d'au!Jain, se conformer, en sorrime.
nux idée do l'é poque de sorte que lor.:;que la rérnlution
de 1ï89, qu i deYait houleYcrser tout , écla ta, la condition
de l'étran ger u'etai l pa. :-i du re qu'o n pourait le su pposer.
�-
93 -
TROISIÈME PARTIE
Les Etrangers dans le Droit actuel.
CllAPITRE I
Dt"lli
loi~ 1•elntln~!li
i1 l 'f•:t range1• 1•endAnt la
Pérloale 1•{',•olutlonnah·c.
C'est à l'Assemblée con tilnanle qn'étail reser\'é tïionncur
d'abolir le droit ù'aubain d'une mani ère générale et ab'olu e. Imbu e des idées phil osophiques du siècle. !' Assem blée,
:iprè avoir passé le niveau de l'égalité partout et placé il la
tète de la constituti on qu'ell e rnnait ùe donner à la F'raoœ
la déclaration d ~s ùroils ti c l'homme. vou lu étend re ses
sentiment généreux à tous les hommes sa n ùistin ction ùe
nationalité, et renvr.rser les b:irri t•res que la légis lalinn
avait élevées entre les étrangers et les Français. Le moti!S
�-
\H -
du de..: reL Je· ü- 1S aoüt 1i90 nous n101nrcn L la pen éo
humanitaire qui inspi rait \'A s.embl ce qui renaiLde le vot er:
.. L'A.$embl èe nationale, cou i<lérant que le ùroit d'an bain
esl co ntraire aux prin cipes rie fraternit é qui ùoire11t lier
tous les homme::. quel s que .oient leur p:iys et leur go urcroeme11 L; que cc droit établi dans le' temps barbare , doit
êlre pro.cril chez un peupl e qui a fo nd é sa constitution sur
le' rirait de l'homme et du citoyen ; et qu e la France libre
doit ouvrir son .ein it tons les peuple~ de b terre en les
invi tant :1 jouir, sou" un gnuYcrnemr,nt libre, des droit
. acrés et inaliéanable:; de l' hu man ité, a décrété el J~crète ce
qui . uil : Le droit d':rnliain et crlui ti c détraction ont abolis
pour to uj ou r~. •
Par son décret ùes Ci· 18 aolit, la Constituan te n'avait pas
tout fait ; elle <ll'ait aholi le dl'oit d'aubain en principe,
mai· elle n'ayait p:is encore acccirclc aux étrangers le droit
de venir recueillir la succe sion ùe leurs parents. Cc fut
par le décret tlu 8 av ril 1791 qu'elle compléta la J écrcl
tin 6 aoû t 1i90 . L'article 3 de ce décret e t ai nsi conçu :
u Le étrangers, quoique établi:; hor du royaume, sont
capaLles de recueillir en France les su cces~ i o ns ùe leurs
parent:: , même /i·anrai8 ; il ponrront ùe même recern ir ,
ùi po er panou:; les moyens qui seront au tor isés par la loi."
Le !ois du 50 avr il 1ï90 et dn 3 sept em bre 179 1
et les constitutions dol'an 111 et ùe l'an v1u facilitèrent la
naturalisation en remplaçant la bonne volont1j du roi par
des con dili ons bien délern1inées il rempl ir ponr l'oblcnir.
-
!) Ll
--
.-\ va ut d';iller pllls loin el d'examiner les modificaLiirns
apportées aux noureanx principes introùui ls par la Constituante, nous jugeolls 11écessaire ùe donner un coup d'œ1I
snr l'œuvrc ùe cette assc111blée, afi n de rournir mieux
sai ir l'esprit des lois qu'ell e rnnait d'in augurer. On a
bcauco np parlé <l1:S sentiment généreux de cette assem blée ·qu i. a-t-on di t, entraînée par des iùées philanth ropiques, par des con idération puremen t théoriques, n'arni t
fo rmulé. sous forme de décrets. que de véri tables traités
politique et philoso phiques. Aveuglée par des idée de
régi me égalitaire et de fratern ité unirnrsell e. el le a, dit-on,
a.similé les étrangers aux nationaux . Nou ne pournns pas
aclmellre cette man ière de rai sonner. cl nous croyons que
l'aboli tion du droit d'anbain élail. pour la. Constitnanle,
au tan t une ra iso n d'utilité pratique, qu'un principe de
droit social. EL . i n<•ns lais ons les mots pour nous attacher
il l'e. prit des lois de la Constituan te, nous verrons qu'elle
n'a été ni a,·euglP.e par la philanthropie, ni qu'elle a donné
autan t de droit;; aux étra ngers pour les a sim iler aux
n:lliona ux . En .omm e, nous nous àemandons ce qu'a
bit la Con Lit uanie? Ri en qu'étaLlir une bonne législation 11 l'égard llcs ëll angcrs , une lêgi talion digne
d'un pays ci\'ilisé. L'assemblée, (]Ili l\\'ait pressenti le'
\'êrités économiques ùe notre siècle qni étaien t néccs·
~ai res pour clon11cr un e · or ;1 l'incluslric. Yon lait eu lever
tontes les incapaci té· don t étaient frappés le' é1rangcr ·.
Ct<]ui étaient autant d'ent raves :rn commerce. Elle a donc.
à cause dn commerce et de échangcg ouYert 1 1<~ portes
du pays aux étranger pour au gmc11te1· ce· échanges el
�--
\)()
-
etcod re ces !·appo1 ts commerciaux ; elle a accordé à tou t
ir:di,·iùn les droit ùr possession et de transmission cl tous
les droits qui s'y rapportent. Mais ce qu'on lui reproche
d'arnir fait , certc ell e ne l'a pas fait, car el le a réson•é
pour ses nationaux les Jroits qui sont prop res à chaque
nation, et qu'on ne peut p:is ex ercer sans en être membre;
elle a soumis l'exercice de tous les droits accordés aux
étrangers :iux lois territoriales de la France. Qu'i mporte
4u\ 1n étranger pui:>.e acquéri r et tran mettre un immeuble, si le· modes d'acquisition et Je possession son t ass ujettis allx lois du pay:.?
Dans lout ceci, loin de rui r une exa ltat ion des utopistes.
nous ne rnyons qu'un triomphe de b justice, de l'éga li té
el de l'humani té. venan t se concilier arec des id ées d'ordre
public, d'intêrét général el politiqu e.
D'après la Cunstituti o11 Je 179 1 les étrangers étaient
protégés dans leo r personne, Jans leurs bi~ns, dans leu r
inùostrie, dans leur culle a l'égal des Français (artide
555 de la Conslilution) . Pour garantir l'exis tence des principes qo'elle renait d'établir, l'Assemblée constituante les
plaça . ous l'abri de l'in violabilité de la Constitution. Malgrè les précautions de l'.\ssemblée et Je la Convention
leor disposi lions généreuses ne de,·aien t pas durer longtemps ; elles étaient condamn ées à disparaître avec Jeurs
co n ~ti tu Lio us.
Un nouveau système. système de 1éciproc1Lé, l'œu\'l'e
du premier Constll, devai l remplacer tontes les tlisposi-
-
97 -
lions de l'As·embl ée que les guerres continuelles a\·ec l'Eu rope coalisée arnient déjà ébranlées. Guidé par la politique
extérieure et la diplomatie, poussé par son ambition, le
premier Consul établit on système qui repose sor l'idée
qoe tout droit accordé n'est qu'une concession faite par le
chef de l'Etat. Nons parlerons de ce système lorsquo nous
arriverons à l'article 11 du Code . Ici no os nous bornerons
à dire qu e Je législateu r de 1804 était ir.spiré d'une idée
politique qui peu t se résumer en ceci : la condition des
étrangers ne peut être réglée que par le chef de l'Etat. Ce
sy tème qu i arnit le dé~avan tage de rendre la condition de
l'étranger incertaine en cas de goerre, arnc les incapacités
des articles 726 el 902, loin d'être utile aux intérêts du
pays, ne pouvait être qu e nuisible. Si oo doit juger un
sys tème par ses conséqu ences celui-ci doit être condamné,
comme il le fut d'ailleurs, après qoinze ans d'expérience.
par ses conséquences désastreuses. La France épuisée par
les gue1Tes de l'Empire \'OUlai t appeler les capi taux étrangers; mais les étrangers n'osa ien t pas apporter leurs capitaux; les uns craignaient le articles 726 et 902 . d'autres
qui appartenaient aux pays qu i anien t un traité de réciprocité crai gnaient la guerre qui rompait les conventions.
Placé dans une position aussi diffici le, le législateur de
l 8 19 rcYint aux principes de la Constitoante à cette seule
di!Térence qu e cc que la Constituan te avait fait par justice
et fraternité, il le faisait par calcul : •Ce n'e.t pas, porte
le projet de loi du l it. juillet 18 19, par un mournm ent
de générosité que nous vonlons e!T:.icer les différences rela-
�-
U8 -
tives aux , uccessions et aux transmi sions ùe biens : c'est
par calcul. •
Avec la loi du U juillet 18 19 nous avons terminé l'énu·
mération des lois qui régissaient la condilion civile des
étraogers per.dant l'époque révolntionnaire. Pour compléter
l'étude sur les différentes lois de celle époq ue, nous allons
énumérer les diverses dispositions relatives à. la contrainte
par COl'pS à régarù des étrangers. Une loi du 9 mars
1795 abolit la contrainte par corps tant à l'égard des
Français qu'à l'égard ùes étrangers. Une loi du 24 ventôse ao V, abrogea la loi du 9 mars 1795 et rétablit la
contrainte par corps comme sanction des obligations civiles;
mais si celle loi rétablit la con trainte par corps ce fut de
façon que l'étranger n'y était oumis que dan s les cas seuleineot où le Français s'y trouvait soum is lui-même : l'égalité la plus com pl ète existait en tre l'étranger et le Français. Le décret du 4 floréal an v1, apporta noe dérogation
en ce qui concerna it les engagemen ts commerciaux. Tout
étranger, d'après ce décret, qui n'a pas de propriété en
France est soumis à la contrainte par corps pour les engagements commerciaux qu 'il y aura con tractés. En matière
civile, le Code ne changea en rien l'assimilation qui existait
entre Français el étrangers (art. 2065). Aprè~ la promulgation du Coùe une loi du 10 septembre 1807 rétablit la
contrainte par cor ps comme co nséquence nécessaire de tonl
jugement contre l'étranger et en même Lemps comme mesure
préventi,•e. Les lois du 17 avr il 1832 et du 16 décembre
1848 apportèrent des adouci sernnts :t celte loi !Jarbare et
-99 a$similèl'ent ùe nou ''eau l'étranger au Français au point
de vue de la contrainte par corps qui, cornmc nous Je
vel'rons, fut abolie par la loi du 27 juillet 1867.
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100 -
CHAP ITR E Il
Qui es( Frnn~nis ·l Qui es( ÉCrauger?
SOMMA IRE : Personn('S
çais! -
~lrnngèrcs .
- Comment pe ul-on dnenir Fro n-
Nalura lisa lion.
-
101 -
un étranger par l'effet de la naissance, il était. juste de faciliter à l'indi vidu né en France, sans être né Français. l'acquisition de celle qualité, car, si le fait de la naissance no
peut pas donner cet attachement à la patrie qu'engendre
l'origine dans le cœur de chacun pour sa patrie, il n'en est
pas moins vrai qu'on a un grand allacbement pour le pays
uù on a vu le jour: mais il faut , a pensé le législateur avec
raison, mon trer que l'on possède cet attachement. D'où
les formal ités prescrites par l'article 9 du Code.
50 Ctiux. qui , étant nés en France d'étrangers qui
eux-mêmes y sont nés, ont réclamé la qualité d'étranger
(Loi de 1851 ).
Le Français qui a obtenu !a naturalisation en pays
étranger (article 17 C. C. ). • Laqualité de Français se perdra par la naturalisation acquise en pays étranger. n Remarquons bien que dans notre article il ne s'agit ni d'une
naturalisation demandée seulement, ni des fareurs que le
Français a obtenues de jou ir des droits civils dans le pays
où il se trouve. Pour être considéré comme étranger, il
faut que le Français ai t demandé et acqttis la naturalisation.
lt- 0
Sont étrangers :
1° Ceux qu i naissent
étrangers. D'::,près l'ancienn e
juri prndence, l'origin e inù épenclam mcnt du lieu de n:iissance, et Je lieu <le nai'3ance ind épendamment de l'origine,
étaient égalemen t allribu tifs de J;i quali té de Français. Les
rédacteurs du Code ont changé cc système et aujourd'hui il
n'y :i pas à se préoccuper du lieu de naissance. Est étranger tou t individu nê cle p11rents êtrangers. même en
France.
2° Ceux qu i, se trouvan t dans Je:: cas prévus par les
arti cles 9 et 10 du Coùc ciril , 2 de b loi du 7 fév ri er
185 1, n'ont pas pu remplir les formalité prescrites par
l' article 9 pour deven ir França is. Le législateur a pensé qu e
s'il n'était p;is prudent d'attri buer la nationalilc fran çaise à
Le Français qui sans au torisllion a accepté des fonctions publiques conférées par un gouvernement étranger.
Les foncti ons dont il est question doirnnt être politiques, administratives ou judiciaires.
?>
0
6° Le Français qui , autrement que par un établissement
de commerce. s' e t füé al'étran ger sans esprit de retour·
7° La Française qui a épousé un étranger.
�-
102 -
go Le Français qui. sans autorisation du gouvernement, a accepté du service militaire ou s'esl fail affili er à
une corporation militaire.
Maintenant que nous avons énuméré les personnes quo
la loi française considère comm e étrangères. avant d'entrer
dans l'étude des droits qui leur sont accordés. nous croyons
nécessaire de dire quelques mots sur la manière d'acquérir
la nationalité française.
La qualité de Français peut être acquise do di liérentes
manières .
Par l'accomplt"ssemen t de certaines formalités prescrites
71ar la loi pour une classe d'~trangers que la loi a voulu favovoriser. -Nous voulons parler iles articles 9 et 10 du Cot.le
Civil et les lois de 1849 et '1 851. Peuvent aussi, en remplissant les formalités ex igées par les arti cles 18, 19 et 21
que nous reproduisons, être rêinlégrés dans leur première
qualit é d'anciens Fra nçais. ceux qui on t perdu cette qualité.
c Le Français qui aura perdu sa qu alité ùe Françai ,
pourra toujours la recouvrer en ren trant en France a\·ec
l'autorisation du Roi et en déclarant qu'il veut s'y fix er et
qu'il renonce à toute disti nction co ntraire à la loi frança ise
(article 18 C. C.)
Une fe mme française qui épousera un étranger. 'lliHa
la condition de son mari. Si elle devien t veuve. elle recouvrera sa qualité de Française pourvu qu'elle résine en
France et qu'elle y réside a11ec l'a ntorisation du Roi. et en
déclarant qu 'ell e veut s'y fi xer. (art. 19, C. C.)
Le Français qui, sans autorisation du Hoi, prendra it t.lu
-
'105 -
ser1 ice militaire chez l'étranger, ou s'affilierait à une corporation militaire étrangère. perdra sa qualité de Francais.
Il ne pourra rentrer en France qu'avec la permission du
Roi et recouvrer la qualité de Français qu'en remplissant
les conditions imposées à l'étranger pour devenir citoyen;
Je tout sans préjudice des peines prononcées par la loi criminelle contre les Français qui ont porté ou porteront les
armes contre leur patrie (21 C. C.) .
1
Par An11exion d'un territoire étran ger à un territoire
fra nçais. -Ce principe a toujou rs été admis dans le droit
fran çais: c li est certain disait Pothier, que lorsqu'un e
pro vince e;;t réunie à la couronne, se~ habitants doivent
èlreconsid érés comme Français naturels, soit qu'ils y soient
nés avant ou après la réunion. •
Par la Nataralisation. - La naturalisation. d'après la
définition donn ée par MM . Aubry et Rau. est l'acte par lequel
un étranger acquiert la qualité de Français, conformément
anx règles qui régissent à cet égard la condilion des étrangers en général. Le Code civil n'a pas règlementé la naturalisation, et jusqu'à la loi du 29 Juin 1867, elle continua
d'être régie par la co nstitution du 22 frimaire an VII . complétée par divers actes législatifs. D'après cette constitution l'étranger qu i avait l'intention d·obtenir la naluralisation devait avoir ringt et un ans et dix ans ù'âgc de
domicile en France. Un aris du Conseil d'Etat des 18-20
prairial an x1. exigea une autorisation préalable pour fixer
so n domicil e. Un d'êcret du 17 ~fa r · 1809 décida que la
natu ralisati on n'au ra pas lieu ùe plein droit après les dix
années ecoul ées; le chef de l'Etat qui 11"aillenrs ponrnit
�-
104. -
réduire le stage d'une année, devait le prononcer (Sénatusconsulle du 21 vend émiaire an XI et l 9 février J 808).
Mant la loi du 29 Juin J 867, à côté de la naturalisa tion
ordinaire et extraordinaire. il y avait la grand e naturalisation qui seule donnait droit à l'étranger naturalisé do siéger dans la chambre des députés et à la chambre des pairs.
D'après !a loi du 29 Juin 1867, qui nous régit aujourd'hui
la grande naturalisation n'existe plus ; mais la naturalisation ordinaire el extraordinaire a été rnaintenne.
L'étranger qui veut se naturaliser Français doit remplir
trois conditions. li fau t :
1° Qu'il ait vingt et un ans accomplis;
2° Qu'il obtienne l'autorisation du chefde l'Etat de fixer
son domicile en France ;
3° Qu'il y réside pendan t trois ans qui commenceront à.
courir du moment où l'autorisation est enregist1·ée au ministère de la Ju sti ce. L'autorisation préalable que l'étranger doit demand er, l'avis que doit rendre Je Conseil d'E tat
sur l'enqu ête à laquelle le go uvernement doit procéder,
rendent inutiles le délai de dix ans, que la loi de 1849
exigeait.
La naturalisation est personnelle et ne s'a pplique pas à
la femme et aux enfants de celui qui l'a obten ue.
A côté de la naturalisation ordinaire, se place la naturalisati on extraordinaire . Elle dilTère de la première en
ce que la troisième condition, c'es t-à-dire le staae de trois
ans, est réduit à un an seu lement. La natu rali~ation ex traordinaire est accordée à ceux qui ont renù u à la France
des servjces importants Ott qui ont introduit en France,
-
105 -
soit une industrie, soit des inventions utiles, qui ont
apporté des talents disliogués ou, enfin , qui y ont formé
de grands établissements ou créé de grandes ex ploi tations
agricoles.
Un décret du 24 octobre 1870 a dispensé du stage d'un
an exigé par l'arlicle 2 de la loi du 5 décembre 1849,
modifiée par la loi du 29 juin 1867 , pour la naturalisation exceptionnelle, Lou t étranger qui prendrait part à la
guerre contre la Prusse.
�-
-
106 -
CH APITRE 1fl
Des Étrl\ngers tlomfolllés eu France et de•
Étrangers ordinaires
SOMMAIRE : Etrangers ordinai res el Etrangers domicili és. - Coadition
cl es Etrangers domiciliés. - Dirtérences entre l e~ Etrangers domi ciliés
el les Français.
Après avoir bien déterminé qui est étranger, qui ne
l'est pas. et de quelle manière on peut acquérir la qualité de Français , nous allons prendre l'étranger dès le moment où il touche le sol de France; nous allons le suivre
dans tous ses acte , voir quelle est sa condition au point
de vue des droits publics. politiques et civils; qu els sont
les droits qu i lui sont accordés et les obligations qui lui
so nt imposées; nou s allons voir par quelle loi sont régis
son étal et sa capai:.ité et la propriété qu'il pourrait acquérir en France; quelle est la compétence des tribunaux
français à l'égard des étra11 gers?
Quoique les nombreuses distinctions en tre les étranaers
0
107
que nous avons vues dans l'ancien droit n'existent plus. la
Jéaislation
actu elle sur la condition des étrangers n'est
!:>
pas identiqu e. Nous trouvons une distinction qui. quoique
ayant perdu beaucoup depuis les lois de 1819. 1832 et
1867 , a été d'une très grande importance sous le régime
du Code. Il y a deux classes d'étrangers en France : les
étrangers domiciliés ou ceux qui ont obtenu l'autorisation
du gouvernement de se fixer en France et les étrangers
ürdinaires, ou ceux qui n'ont pas demandé d'établir leur
domicile en France, ou qui, ayant demandé de s'y fixer ,
n'ont pas obtenu J'autori ation.
L'étranger. qui a obtenu du gouvernement l'autorisation de fi xer so n domicile en France, jouiL de tous les
droils civils ; l'article 15 est, en e!Iet, ainsi conçu :
" i...'élranger, qu i aura été admis, par l'autorisation du
roi, à fixer son domicile en France, y jouira de tous les
droits civils, tant qu'il con tinuera à y résider. ~ Esl-ce à
dire que l'étranger, domicilié en France, est assimil é au
Français? Non, parce qu'i l y a plu ieurs droits qui lui sont
refusés; mai ce qu'il y a de certain. c'est qn'il n· esl pas
tou t à fait étranger aux yeux de la loi. Comme nous
arnns vu, il e t favorisé par l'artide 15 du Code. qui a
été écrit dans le bu t de faciliter aux étrangers l'acquisition
de la qualité de Français; le stage de troi· ans en France
sans la jou issance de tons les droits cirils aurait rendu la
cond ition rie l'étanaer bien dure et peu engageante pour
0
•
ceux qui voudraient aquorir la <]ualité de Fran~ais, el
même ponr allirer conx qui. . aus avoir l'inten tion ù'ab:rndonner leur nationalité, veulent ètablir en Fronce leur
domicile et y appor ter leurs capitaux et lenr indu:: trie.
�-
-
t08 -
Nous avons dit plus haut que la fayenr accordée par
l'article t 5 du Code à l'étranger qui a obtenu l'autori sation de fixer son domicile en Franr,e, a perdu beau coup de
son importance depuis la loi du 'l 4 juillet 1819 , et, en
efTet , avant celte époqne les articles 726 et 912 ne s'appliquaient pas à l'étranger autorisé à s'établir en France;
mais depuis l'abrogation de ces articles il n'y a pas de différence sur ce point cotre les étrangers domicili és et les
étrangers ordinaires, les uns comme les autres peuvent
transmettre et recueillir soit par testament. soit ab i nle.slat.
De même, depuis les lois de 1852 et 1867, l'étranger ordinaire, comme celui qui est domicilié, n'est plus soumis à
la contrainte par corps. Malgré toutes l&s faveurs accordées
à l'étranger ordinaire. il en reste quelqu es-unes qui sont
accordées exclusivement à. \'étranger domicilié. Ain si, en
vertu de \'arlicle 15 du Corle civil l'é tranger, qui a
obtenu l'autorisation de sti fixer en France es t dispensé ùe
fournir la caution jiidicatitm solui , il jouit du bénéfice de
cession des biens et du privilège aclor seqnitur forum rei .
en un mot, il jouit comme le Français de tous les droits
civils.
Sanf les droits politiques qni lui sont refusés les termes
d; l'_article 15 sont tellement absolus qu 'il s;mble qu'i l
n Yait pas de dilîérence entre la co ndition de l'étranoer domicilié et du Français au point de vue des droits ci~•ils · il
n'en est ri~n ~ependant. Plusieurs diITérence$ les séparr.~t :
le Français tient de la loi la jouissance des droits civils et
la loi seule peut l'en privol' ; l'étrno ger la Lien t d~ aou~
vernemeot crui peut la 1..ul· reL.1rcr quan d ·11 le JU
. ge necessa1re
.
l)
•
109 -
(art. 5 de la loi du 5 décembre 18/._g J. Le Français, tant
qu 'il n'a pas quitté la France sans esprit de retour , conserve
la jonissaoce de tous ses droits civils. Il n'en est pas de
même de l'étranger, la jouissance qu'o n lui accorde est
subordonnée à la condition de résider en France : • Tant
qu'il continuera à y résider " nous dit l'article 15 ; toutefoi s il oe faut pas prend re à la lellre les ter mes de l'article,
si l'on ne vent pas être conduit à une exagération. car
alors on dirait qu'un voyage. une absence momentanée
ferait perdre la faveur obtenue. Il faut entendre les termes
de notre article en ce seos : toutes les fois que l'étranger
par son absence a cessé de résider en France d'une façon
sérieuse l'article 13 du Code ne lui est plus applicable.
C'est une question laissée à l'appréci::ition des tribunaux .
Enfin l'état et la capacité dn Français sont régis par la loi
française. tandis que l'état et la capacité ùe l'étranger. à
moins qu'il n'ait pas de patrie, sont régis par les lois de
son pays. C'est ce qu 'a jugé la Cour de Paris dans uo
arrêt du 13 j uin 181/t- (Sm. '1 5, 2, 67). L'éminent juriscon ulte, M. Valette. fait une distinction ur ce poi nt.
L'étranger a-t-il demandé et obtenu l'autorisation de se
fixer en France afin ùe parvenir à l'acquisition de la qualité
de Français, son éta t el sa capacité doirnnt être rébis par
les lois françaises ; a-t-il. au con traire. ob tenu l'autorisation
de se fixer en France, sans l'intention d'ab3ndonner sa
n1tionalité, son ~lat el sa capacité doiYent être régis par
les lois de son pays. Cette distinction nous semble mal
fond ée ; elle es t con traire au principe de statut personnel
qui ex ige que l'état et la ca pacité de chaque personn e soien t
�-
réglés par loi de son pays Lan l qu'il n'a pas perd u sa nationalilé ; or, dans notre cas, l'éLranger quoiqn'ayant
l'inten tion de devenir Franp is ne l'est pas encore. donc
il doit suivre les règles générales pour tous les étrangers
dansceuc matière. D'au tre part. il n'est pas toujollrs certain
que le gouveruemeot accorde la naturalisation à tous ceux
qui on t obtenu l'autorisation ùe se fixer en France avec
l'intention d'abandonner leur domi cile.
Avant d'arriver à l'étranger Yéritoble, celui qui doi t nous
occuper ici, G'es t-à-dire à l'étranger qui . sans avoir obtenu
aucune autorisation se tro uve sur le sol fran çais, nous dirons qu'en résumé l'étranger autorisé à fixer son domicile
en France se distingue de l'élrttnger 01·ùinaire en ce qu'il
jouit de Lous les droits civils et JilTère du Français en cc
qu'il ne jouit d'aucun droit polttique et que s'il a la jouissance des droits civils, il la Li en t non pas de la loi , mais du
gouvernemen t qui peul la lui relircr quand il le jngerail
né.~essa ire.
-
110 -
111 , __
CHAPITRE IV
l,cs
EtraH~ea•s
à l 'égard cles DroUs publics
et polltJc111cs.
SŒnlAIRE : Les Etra nger.set les droit, pu blics. - Le> Etrangers elles
ùroits politiques. en•icc militaire.- Professions <le rnMecin , avocat, etc.
Les étrangers on t la jou issance de ces droits qui, à proprement parler, ne son t ni civils, ni politiques et que l'un
dé-igne sous le nom de droits publics ; tels sont : la
liberté ind ividuell e, la liberté de conscience, le droit de
manifester sa pensée par la voie de la presse, etc ... li faut
remarquer que l'étranger ne peut prétendre à aucune fonction publique. Il serait. en effet, dangereux pour une
nation de confier une partie de son autorité entre les mains
d'un étranger qui ne . aurai t lui inspirer ~a confiance.
Pour être admis au gouvernement d'un peuple, il ne sumt
pas d'avoir la capacité et l'ex périence pour accomplir les
devoirs qu'il vous impose, il faut être membre de ce peu-
�-
H2 -
pltl. afin que sa gloire el sa prospérilé puissent être les
vôtres.
Les éll·éingtlrs ne joui. sent pas des droi ls poli tiques :
ces droits sont accordés aux Français seulement et encore
pas à tJn5 ; il raut avoir la qnalité de citoyen pour avoir
l'exercice des droits poliliques. On comprend la raison de
cette rigueur : l'étranger ne peut avoi1· ce patriotisme et
ces sentiments de gloire pour un pays qui n'est pas le sien,
ces sentiments sont innés dans l'homme. il ne les acqui ert
pas.
L'étranger donc, quel qu'il soil. ne peut pas êlre électeur
à plus forte raison il ne peul pas être éligible; il ne peut
être merr.bre de 1·a~ semblée nationale, des conseils généraux
ni des conseils d'arrondissement, ni des conseils municipaux,(ordonnance dn li. juin 1814 ; loi du 1 ~ avril , '1832)
Il ne peul êlre ministre. conseiller d'Etat, préret, sous-p réfet,
etc, (article 58, 59 de la loi constitution de l'an vm); il ne
peut être conseiller a la Cour de Cassation, à une cour
d'appel , juge , procureur de la République (art . 67 , Constitution an v111) . juré (a rticle 385 C. lnst. Cr .), n0taire,
arnué. etc. . en un mot , il est exclu cle toute fonction
publique.
Si toute fonction publique est interdite à l'étranger. a
fortiori est-il incapable de faire partie de l'armée fran çaise.
Ce principe a été formulé pour la première foi s par l'arli·
cle 2 de la loi du 2 1 mars 1832 qui est ainsi conçu :
• Nul ne sera admis à servir dans les troupes fran ça ises.
s'il n'est pas Français •. Il a élé reproduit dans l'article 7
de la loi du 27 juillet 1872.
-
11 3 -
Nous arnns dit qn'un étranger ne peut être ni juge,
ni juré; nous nous demandons s'i1peut être arbilre ~ A va nt
la loi du 17 juille t 185G q11i ab0l iL l'arbitrage forcé, l'étranger ne pOu\'ait pas être arbitre. car, alors, il aurait été revêtu des foncti ons ()Ll i en général lui sont refusées; mais
après cette loi il n'y a aucun empêchement pour l'étranger
d'exercer cell e frrnction qui ne constitue plus qu'une convention privée en tre les deux parties.
Les écoles ùe méùecine sonl ouvertes aux étrangers, ils
peuven t en acquérir Lous les grades et exercer leur profession en France. De mème les écoles de droi t leur sonl ouvertes; mais peuvent-ils, être avocats? Pour nous, il n'y
a pas de dou te ; la profession d'avocat est assez indépendan le pour qu'on ne la considère pas comme une fonction
décernée par l'Etat ; mai· le fait est qu e les conseils de
l'ordre des avoca ts ont toujours, malgré les décisions des
cours qui admettent les élrange1·s au serment professionnel .
rtlpoussé les étrangers du barreau. Il y a sur ce point
deux décisions: l'une du conseil de l'ordre des avocats de
Grenoble, en date du ü fëvr ier 1850, l'aulre du conseil
de l'ordre des avocats de Marseille du 12 aoùt 1840. La
première de ces déci ions e t longuemen t motivée ; les principaux argumen ts qu'on met en avan t pour repou.ser les
étrangers du barreau consistent à dire que l'ancien droit s'y
oppo.ait el que notamment les orùonnances ùu 26 èfHier
1680. dL1 2 mars 1707 et celle ùu 16 mai l 724en admettan t les étrangers ~1 étud ier dans les uni\'ersités de France
et h en preodro lt-s grade déclaren t expressément que
les grades pat' eux obtenus ne pourront leur servir
�-
114
--
d::ins le royau me ; que tout avocat,. p_o ~vant êtr~ appel_é
,a supp 1eer
• •oil
soit le m1n1stere pnbhc,
do1L
.., les J·uaes
l>
•
•
,
.
.
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a,,
r
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la
qualité
ùe
Français
;
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necessa1remen
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ne saurail pourn ir 11rêler le serment cons11.
.
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e·
de
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a'·ocat
Ces
ar(Tumenls
el
bien
1
tut1onne ex1g
·
l!J
,
ù'aulrcs nous paraissent peu solides. Nous croyons qu_en
réalité cc n'est qu'une ancie11ne trace d'égoï. me dont ri en
ne saurait ju!)tifier le maintien auj ourd'hui ; aussi ne saurions-nous faire a sez de vœux pour la voir disparaître et
pour voir oumr l'entrée clu barreau aux étran_gers ; ca r,
lorsqu 'il s'agit de liberté, la France ne saurai t ,rester_e_n
arrière des au tres nations qu i se fon t honneur d accue1ll1r
les arncals fran çais deva nt leurs tribunaux.
-
11 5 -
CHAPITRE V
Le"' Et1·n11ge1•s al l 'é~aa•cl des Droits cl~lls
SO~IM AlflE :
(.Juel <Sl le sen -; tfo l'il rliele 11. - - Comment <loil-on entendl'r le pr inr ipc de r éc1procilé "?
Il est excessivemen t difficil e de répondre d'une faço n
nelle et précise à la que lion : Quels sonl les droits don t
les étrangers ont la j0uissance rn France? Celle difficulté se
présente notamment parce que nous ne trouvons pa dans
la légi lation fran çaise un y· tèmc complet de la condition
ùe 1' étranger. embras·an t dans toule so n étendue la question importan te de la jouissa nce des droits civil auxquels l'étranger peul prélentl re. Pour la plupart du temps
nous trouvons la Jelimitalion de ces droits dans ùes dispositions tout à fa it spéciales et ou1'enl fort difficiles à comprendre cl interprolcr. Le rédacteur du Code lui-même. par
des circonstances fa lalos, n'a p.1s pu. par une tli ' po itioo sys-
.
�--
1l G -
tématiqne, <lélerminer en termes clairs qu el~c e.!it au ju t~
l'étendu e des droits dont jouit l'étranger. L article 1 t qui
renrerme tout une théorie sur la con<l ition d e~ ét.rangers es t
''irement contro,·ersé el faille désespoir des JlHt 'i;.on~ultes .
Cet article 11 est ainsi co nçn : • L'étranger JOll tra en
Fr:rnce de3 mêmes droits ci1·ils qu e ceux qui so nt ou sero nt
accordés aux Français par les traités de la nation alaqu elle
appartiendra cet étranger. » Ces terme~ so n~ le!lement
absolus que si nous nous tenions là il lauJra1t dire qu e
t'étranaer ne peut être propriétaire en France. qu'i1 ne peut
~
·y marier,
etc., en un mot, qu'il ne jouit en Fra nce d'aucun
droit ciYil. ~tal gré l es termes ùe l'a rti cle 1 1 no11s ne pouvons
pas accepter que ta pen~ée du lcgislalenr a élé qn c l '_é ~ ra n
ger. en dehors des traité<; politiqu es. doit être Lra1le en
France comme la mort civilement l'était antrefois. Nons
a\'ons la conviction du contrairn. Pour nous, le ét1·angers
jonissent en France dos m~mcs droits cirils qu e les Fran çais, et, si l'article '! 1 exige des t1·ailés pnur la concess ion
des droits civils au x étrangers . il ne prél'Oit qu e les droits
qui sont ex.clusivemen t attribués aux Fra nçai . L'histori guc
de cel article nous servira à. prournr que ce· term es n'o nt
rien d'exclusif cl a démontrer le système que nous avançons.
Nons avons remarqu é déj:l que le système de la réciprociLé était mis en arnn t par le Premi er Con ul el l'article
11 n'est entré ùans le Code qu e par sa pression. Ni le Trilrn nal, ni le cor ps légi lat11' n'au rait consenti à lais er les
termes de l'a1·ticle 11 tels qu'i ls son t, si l'infin ence de celu i
qui avai t une volonlé de fer cl qni devait devenir le maître ùe la France et de l'Europe, ne s'était pas imposée .
-
117 -
Le projet du Code civil était ainsi conçu :« Les étrangers
jouissent en France de tuus les avantages du droit naturel
du droit des gens nt du droit civil proprement dit , $auf les
modifications établi es par les lois qui les concernent. • C'était le système de la Constituante. Cc projet qui probablement ne plaisait pas au Premier Consul rut renvoyée à la
section de législati on cl u Conseil d'Etat qui lui substitua
celui -ci. « L'ét ranger jouit en France des mêmes droits civi ls qu e ceux accordés au Français par la nation à laqu elle
cet étranger appartient. • Ici nous voyons apparaître le
système de réciprocité, . ystème qui donnait au Premier
Consul le moyen dt régler la co nd ition des étrangers de mani ère qu 'ils tiennen t tou t du chef de l'Etat. Le nouveau
projet fut communiqll é au Tri bunat qui refusa de Io vo ter
et renvoya le projet primi tif au Con,eil d'Etat. Une comission composée de i\IM . Rœderer, Tronchet el Portalis, tons
les trois parti sa ns du sys tème de la réciprocité, fut nommée, on discuta la questi on au point de vu e politique;
Les nations di5ait M. Rœderer, profitent des principes de la
Constitu ante et tan t que nous ne les forcerons pas, par un
système de réciproci té, elles n'aboli ront jamais le droi t
d'anbain. Sur l'aris de la commi ion le Tribunat ne
pourait pins ri en critiquer el rota l'article 11 qui élablisait lcsy Lème de la réciprocité.
11 ne fa ut pa. cepe ndant exagérer la généra lit é de termes de !'arti cle en qu e lion. Si le Tribunal ne put pas
résister à l'inOoence du Premier Consul , en volant l'arti cle
1 l , il se rûscn•a le clroil de re' lreinclrc ses ter m e~ lorsqu'il
arriverait aux différrnt droi ts tlont le étra ngers sont ca-
�-
11 8 --
pab!es de jouir. On se rapell e er. cfTct, les cr is de ses orateurs:« Quoi! les étrangers n'auront en Fran ce la jouissa nce d'aucun de nos droilS ciril s ! lis scron l clone au milieu
de nous comme des morts ci1•il ement ? No leur sera -t-il
pas perm is de se marier, d'cstP,r en justi ce? Cela serait
absurde et ce n'est r.ertainernenl pas la pensée du projet •
P3r ces protestations énergiqu es le Tribnnat triomphait,
indiquant d'une façon cla ire co mment il entenda it les termes de l'article 1 l , c'es t-à-dire que les étrange rs jouissent
de tous les droits civi ls saur ceux qui leur so nt reru ·és pa1·
un texte ex prè·, el, pour rendre ses principes plus e!Tica ces il demanda l'énuméra tion limi ta1i1·e de tous les droits
qui seraient expréssemenl réservés aux França is don t les
étrangers n'auront pas la jouissance à moins de ti·aités avec
leur nation. Les orateurs clu gouvern ement trou va i~n t la
remarq ue très juste; mais ils ne voulaient pas renoncer
à leur système de réciproci té qu'une énuméra ti on limitati ve ùes droits civils refu és aux étrangers rédui sa it à peu
de cho3e, et. ils trou1·eren t le moyen d'é l'itcr la modification de l'article 11 . « Les droit , dont les étran gers seront
pri1·és disait l'orateur du gouvernement, seron t marqu és
dans les litres du Code qui y auront trail . On n1~ les 0 11·
bliera ccrlai nemenl pas lorsqu 'il .em qn estion de la faculté
de tester, de la capacité de recevoir par tcstamcnl 0 11 do
succéder. Mais dans un Litre où il s'agit se11le01ent de la
jouissance des droits civils. celle én11méraLion n'c t pas
nécessaire .•
La raison donnée par l'ora lc111· confil'mc tacit ement
J'exi'Lence du principe do proje t primiLif'. Le Tri lJu naL
-
11 \) -
se voyant autorisé à én umérer au fur et à mesure les
incapaci tés dont seraien t frappés les étrangers se contenta, et c'est flans ces conditions qu e l'article 11 fut voté.
Po11r bien démontrer que les termes de l'article 11 ne
mo t pas si absol11s qnïls paraissent l'être et qll e la capacité
est la règle et l'i ncapaci Lé l'exception, nous allons examiner quelq ues disposit ions du Code qni se rallachent à l'incapacité de l 'étranger cl par conséquen t à l'article 11 ,
notamment les articles 7213 el 91 '1 . Ces deux articles nous
indiquent que l'étrnnger ne peut recueillir soit une suces~i o n, soit un legs. A qu oi bon ces dispositions si l'article
11 est absolu dc\ns ses termes ? Comment le législateur
se serait-il oublié au point d'aller faire une dispo~ition
qui n'a pas sa raison lrêtrc puisque l'a rlide 11 dans
la gé néralité de ses termes , implique c~ cas particulier
d'incapacité? Nous ne aurions le croire . Pour nous
il est év id en t qn e I~ légi lateu r en inùiquant un cas parliculi er ù'incapacité a vonlu faire comprendre : qu e les termes de l'articl e 11 n'étaient p<.sabsolus elf!n'ils ne, 'appliquaient pas à Lons les cas. i les termes de l'artide 11
éta ient absolus, si indépendammen t de cet articlB les r trangers deraient être plongés dan une incapacité complète
pourquoi le législateur parle-l·il de recueillir seulement
et ne dit·il pas un mot ne l'incapacité ùc transmettre? Faut·
il admettrn avec l'ancienne juri·pru<lence que l'étranger
ètait incapable de transmeLLre et ùirc que si le législateur
n'en a pa· pa rlé dans l'artide i'2G c'est parce qne cet article se trouvait dans une section où il était ·eulcment
flllestion ùes qualité;; rcrp1i~cs pour '\tll'.rèdcr? ~on. p1rcc-
�-
120 -
que la loi du 1/f Juillet 18 t 9 nous prouve le contraire.
En eITet, celle loi a pour but, tout le moDde le reconnaît. d'améliorer la condition des étran gers, de les altirer ,
en les assimilant aux Fran('ais sous plusieurs rapports,
notamment sous le rapport des successions. Pour arriver à
ce résultat. elle n'avait qu'à reti rer les incapacités des
étrangers sous ce 1·appor t, or. que fa it-elle ? Ell e accorde
·a< l'e'tranaer
le droit de succéder et elle ne dit rien sur le
<>
droit de transmellre. Qu'est-ce à dire? C'es t à n'en pas
clouter que les rédacteurs de celle loi avaient parfaitement
reconnu qu'ils n'avaient rien à accorder, vu que ce droit
existclit déjà.
De même les articles 12 , 15 et 1!) du Code accordent aux
étrangers certains droits auxq uels perso nne n'a songé à
refuser le caractère des droits civils ; tels sont le droit de
propriété el ses démembrements, le droit de se marier,
d'ester en justice. De tout cela qu e résulle-t-il ? Certe5, nous
ne pouvons pas arri ver à une antre co nclusion qu e celle-ci :
l'étranger jouit en France de tous les droits ciri ls et l'arti cle
1i malgré la généralité de ses termes ne s'a pplique qu'aux
droits qui sont expressément refusés aux étrangers.
A côté du système que nous venons d'ex poser. ex islc11 L
encore deux autres systèmes. L'un, sout~nu par le célèbre
jurisconsulte, M. Demolombe; l'antre, qui semble aujourd'hui généralement adm is. e t celu i qui a élé so utenu avec
une grande habileté par M ~I . Au bry ot llau eLqui paraît
être acceplé par la Cour de Cassa ti on.
D'aprës le système de ~J . Dernolombc, !'etranger est
-
121 - -
frappé d'une incapacité complete, il ne jouit d'au cnn droit
civi l ; ces droits, dit l'illustre jurisconsulle, sont accordés
p:ir l'ar ticle 8 du Code, aux Français seul ement , donc a
cuntrario, ils so nt rafu sés à. l'ét1·anger, à moins. ajonl e·t·il ,
qu'ils ne lui soient concédés par le législateur. Ce point
établi. ponr échapper aux rigueurs au xquell E;.S son raisonnement nous condu it, il ad met riue le légi lateur a fait
implicitement la concession ùe plusieurs droits à l'étranger.
Ain i, l'arttcle :) du Code de commerce donne droit à l'étranger d'être propriétai re , donc il lui accorde tous les droits
concernant la propriété et ses démembrements ; les articles 12 et 19 reco nnaissent que l'étranger peut épouser
une perso nne française, donc ils lui accordent Lous les droits
de famil le ; de même les articles 1~ et 15 du Code de
commerce qui reco nn:iissent que l'étranger peut figurer
dans un procès , lui acco rden t le pouvoir de faire Lons les
actes pour l'acqu isition et la conserration des créances.
Nous crnyons que cc sy:. tème e~ t inad missible. L'idée de
concession législatire qui est la hase de ce '>)' Lème n'a pparaît pas dans la rédacti on dn Code. En effet. i les articles
5, 1 ~ . 14, 15 et 19 aclmellen Lqu'un étranger peu l être
propriétaire, créancier, qu'il peut ëpooser une per-onne
française, qu 'il peu t ester en justice, il · n'accorden t pa ce
llroits aux étrangers ; ils ne fon t qu'en régler l'exercice
dans le ca où l'étranger en :iurai t la jouissance ~ Or,
dans quel cas en aurai t-il b jouissance ? Ccrle.. si no u·
sui von stri ctemen L le ra ison nemen L de ~I. Dcrnolombe.
c'csl dans Io cas in diqu é r :-tl' l'arlidc l 1, c'e$t-:1-dire lorsu'il y a un traité qui la lu i accorde. car. tous le. arlicle$
�-
l '22 -
en question. sauf l'arüclc ::> , venant après l'arti cle 1 1. ne
se rapportent qu'h l'hypothèse qn 'i l prévoit. Donc, d'après
Je principe de M. Oemolom!Je, on est lorcément amené à
conclure qu'à défaut d'un traité l'étranger est frappé d'un e
incapacité complète. Nous laissons de côté ce système qui ,
en refusant à l'élranger toute espèce de droit , le place en
dehors de la société, pour arri\'cr au système moins rigoureux de M~I. Au IJry et Ran .
Oans ce y tèmc on nou · dit : nous avons des droits
civi ls, qui ne peuvent être considérés comme parli enliers à
une nation déterminée. des droits qui sont commnn à
toutes les nations; 11ou' en :l\'on d'autres qu i so11l spéciaux à la législation française; le' premiers so nt commun s
aux Français et aux étrangers ; les second s sont allribués
cxclusi,·emenl anx Français, à moins qu e par un trai té on
ne les accorde aux mem!Jres d'une nation étrangère. Ce
~ys tèm e n'e. t qne la distinr.tion romaine cl u droit des gens cl
de droit civil. L'article 11 . d'après ce sys tèrn~. s'a ppli que
:i u~ droit ' ciYils qui ::ont propre aux nalionanx el ne régit
pas les dro; ts qu i sont commun à tous les peuples sa ns
distinction de nationalité.
Ce sy Lème es t inadm i . i!Jle. il ne repose sur a11n1n
argument sérieux ; ceux qu i sont n1Î ' en avant pour le
soutenir ne sen·cnl qu'à le combattre. La distin cti on qu 'o11
fa it da n' ce . ystème n'a pas sa raison d'être ; elle engend re
des dilllcullés dans l'applicati on.
La di stinction romaine entre le j us civile et loj11s gen li llm
s'expliqu e très Lien à Rom e; elle n'y donnait point lieu à
-
123 -
l'arlJiLraire el n'e ngenùraiL aucune ince1Li tude parce que
tous les droits étaient bien déterminés; on n'éproul'ait
aucune diffi culté, grà.:eà la co nstitution politique du peuple
romnin , pour cl;1sser un droit soit dans Je jus gentimn . soit
dans le j us civile ; tandis que dans le droit français cell e
distin ction a peruu Loule sa valeur et, comme nous l'avons
remarq ué, donne un très grand embarra· pour déterminer
le caractère d'un droit ii ce point de vue. Quelqu es exemples sulTi ron t pour nous démon trer l'arbitraire auqnel on
e, t condu it en s'efforrcln t de faire celle distinction. La
donation en tre-vifs, nou le sarnns. a été toujours con idérée comme un droit des gens el le testament r..omme un
droit civil ; com ment pouvons-nous donc ex pliquer la défen se fa ite aux étrangers de receYoir par donation cnlrevifs el la capacité qui le ur est ar,cord ée de lransmellre par
tes lamenl ~ La pu issancc patern elle que nous devrions
ranger parm i Je~ J roils des gens c t considérée par certains au teurs com me u11 droit ci\'il ( Ouvrnc1rn sur To111/ier,
note sur l'art. 1 1). Nous n'a rnns pas dans le ùroit fra.np is
cette 1igne de démarcation pré<: i·e des Romai ns tracée pour
recon n:iiLre d'u n cou p tl'œil les droit:; des gens de droit·
cirils.
Un scconù arg11 me11 t portê par les :-tu leu1" de cc sy'tème es t qu e le 1·ëùac t e1 11 ~ ùu Cotie a 1'onsacré la ltaLlition.
Pnur notre part. 11ou arnuon. que nou ne Yoyons nulle
part celle consécra tion dan.:; le · tra\';111x preparatoires; au
con trnire , 11011 - tn •uvon · qll e le ll;gislatcnr a :i handon né la
distinc.tion romaine, aut rc111 c11 t 011 11 c pun1T;lit p:i · ex pliqu er l'c:-; istcncc de l'ar lidc 7'.!li .
�-
-
124 -
CHAPITRE Vl
L es Eh·nugcr s e t IR Fnnaillc
bl SOtiD1 AIR E: St:ilut réel. - ~ la l u l pe rsonn,.
pa ternelle. - Adoplion. - Tute lle.
.l'l lorio••('
" .-
Puissance
li nous semble indispensabl e pour la clart é de la malière
qni va oous occuper dans ce chapitre et dar.s les ch:.i pilrcs
suivanls de préciser les lois qui régissent les droits accordés
aux étrangers.
Comme presque tou les les législations enropéennes. la
législation française considère l'homme sous deux points
<le vue: au point de vn è de sa perso11ne. an point <le vue
de ses biens, d'où la grande divi ion des lois en l0is personnelles et lois réell es. Les lois personnelles régissent
l'étal el la ca pacitci des personnes. Telles sont les lois sur la
nationalité, !( mar iage, la filiati on, la légitimité, b pnis·
sance paternelle, etc... Les lois réelles s'occupent des
125 -
biens ; ce so nt les lois qui règlen t les modes d'acqui sition .
de consen·ét tion et de transmission des biens.
L'état d'une personne es t sa co ndi tion dans la sociélé.
Chaque personn e rcçoil à l'inslant de sa naissan ce 1111 état
qui est régi par les lois de son pays, c'est le statut personnel qni la suit parlout où elle va . Ou principe qu e chaque pays règle l'état el la ca pacité de ses nationaux partont
où ils se trouvent, il résulle, par une jnsle coni:ession réci.
proque, que tous les pays rc pectcn t le droi t des autres
sur ce point. en tant que l'exercice de l:e droil n·e t pas
contraire aux lois cl anx bonnes mœu rs du pays. Les lois
réelles sont tcrriloriales. Quelle que soit la national ité de
celui qui e:>t possc.seur ou propriélaire des bien itu és
dans un pays, ces biens sont régis pa1· les lois Je ce pays.
Il ressort des termes de l'ar ii cle 3 <l u Code ci ril que
l'état et la ca pacité des étrangers en France sont régis
par les lois de leur pays. « Les lois de police el de sûreté
obligent tons ceux qui habilen l le territoire. Les immeubles, même ccnx possédé' par dc.s êlrangers, .ont régis par
b loi française . Les lois conccrnan l l'étal et la capaciLé des
pcr onnes régi~senl les Francais, même en pays étrangers.•
Un conp d'œil su r la rédaclion de cet arti cle est suffisan l
pour nous convaincre ùe ce fai t. Les deux permier ali néas
parlent à la fois des fra nçais el des étrangers et le dernier
ne prévoit que l'étal el la ca pacilé de f rançais à l'étranger. Qu'est-ce il dire si ce n'esl que la Frnnce. suirnn l ses
nationanx lL l'étranger, reconnaîl tacitement le tlroit des
autres pays sur leurs nationaux en France. Ceci ad mis. il
faut faire une restri ction ;, l'applic.Hion de ce principe.
�-
1'26 -
L'é tranger ne peul p:i invoquer son tal~l personnel pour
r ·
1a1re
un ac Le co ntraire ':1 l'ordre public el anx bonnes
mœo1.s. Ai·n :>-'11 un êlranacr
n en France ne peul pas avoir
plusieurs femmes légitimes 01 1 des esclaves, etc.
Eo exaniinant les différents droits Jont jouissent les
étranger en France, nons alion nous efforcer Je déterminer dan' quels cas. il faut appliquer le slatnl personnel el
dans quels cas il faut appliquer le statut réel..
.
L'étranger jouit en France de Lous les droits de fam ille;
ces droits étan t pl olûl t.l cs droi ts naturel que cles droits
civils. L'étranger peul donc. \'alablemcnt se marier en France
(articles 12 et 19). Le$ ,olennilés cxtrinsèCJU CS du mariage et la manière d'en contracter l'accompli,seroent sont
entièrement régie par le lois françaises. Qnant à la capacité et aux conditions ex igées ponr con t1·acter le mariage,
elle sont régies par les lois cln pays auqn el l'étranger
apparti ent.
D'après une circulaire du 11~ mars t 854·, l' olfüier
de \'étal ci"ii appelé ~' procéder à la r.élèbration du
mariage peut et doit ex iger de l'é tranger qni ven t se marier
en France un certificat ùéliHé par les autorités de son
pays , constatant qu'il est habile à contracter mariage aYec
la personne qu'il se propo.e t.l'épouser. Lorsqu'un étranger
veu t se marier en France, le principe est : qu'il doit réunir
toutes les qualités et conditions requises par la loi de son
pays. ~l a is qiûcl si ces conditions sont moins nombreuses
et moins ex igeantes que les conditions exigées en France ~
L'officier ùc l'état civ il doit-il procéder à la céléLration ?
-
127 --
D'après ce 4u e nous ren ons Je clire sur le slaltH personuel
la réponse esl trè· $illlple : toutes les fo is que ces conùitions
ne so nt pas contrai res aux lois et aux bonnes mœurs, l'officier de i'état ci,·il est Lenn de célébrer le mariage. Ainsi , un
étranger marié reut, du vivantdc ~a femme, se marier une
seconde fo is en France, l'officier de l'étal ciril doit-il célébrer le mariage? Evidemmen t non, parce qoe la polygamie
c:;t consiùérée comme un crime et con traire al'ordre publi c.
De même un mariage entre père et fi lle, granJ ' père
cl petite fill e. frère el .œ u1· ne aurait être toléré en
France. Mais q1Lid . i 11 n étranger voulait épouser sa nièce
ou ~ a belle sœur ? Il fa ut distinguer: la femme c. t- elle
française. l'autorisat1un du gouYernemeut est nécessaire
parce ~ue de sa part il fa11t qu'elle <u~co mplis e toutes les
conditions ex igées par so n slalul perso nn el ; la femme estel le étrangère, l'officier de l' état cil'il doit procéder au mariage si la loi du pays de l'étranger ne 'y oppose pas, car.
en effet, il n'a rien de con lrairn à l' ordre public.
Une questi on fnrtem.)nt contro rersée est celle-ci : un
étranger divorcé. d'après les lois tle son pays. peul-il,
en France, convoler en secont.les noces du virant de son
conjoint ~ u n grand nombre d'a uteur· n'admettent pas la
po.sibililé de parei l mariage en Franr:e. Les arguments
qt1'ils mettent en avant pour souteni r ce sys tème son t le:\
sui van ts: l'étraogl}r n'05 t pa' li bt·e <le contrac ter un nouveau mariage parce que le CuJc ne con..;i<lère pas le tli 1·orce
wnime moyen de tlis:>n luti on du premi1?1· mariage. Mèmc
dans le cas oü l'étranger aura it pu èlrc con,iJéré li bre. il
�-
1'18 - -
ne lui sera pa· permi · de se remarier parce que sa loi
perso nnelle e:L contraire an'\. loi:;, Vll qu e le divorce , étant.
roaar<lé comme immoral cl contraire aux. principe· rie la
religion. e3tauo li en Fr:rn ce. Enfin la capacité de l'étranger·
ne saurait relever le Fran çais des empêchements dirimants
et des prohibitions <les lois françaises.
Ces argoruenl ne nous semblent pas bi en solidos el nous
sommes convaincu du contraire. C'esl, d'aillenrs le système auquel s'est arrêtée la jnrispruclence. ( Arrêt cle la
Cuiir de Cassation, 28 avri l lSGO, DALLOZ f "partie, page
~7). Et <l'abord ce sy· tème fait Lrè· h:rn marché du prin cipe
que le statut personnel doit régi1· l'élranger en tont ce qui
concerne son état et sa capacité. rous concevons bien que
siun Français divorpi t en p1ysélrange.· il ne pourrailêtre
admis à se marieï valaulemen t, soit en France. soit ;, l'étranger, parce qu'aux termes du paragraphe 3 de l'arti cle 3 du
Code civil, les lois concernant l'état et J;t ca par,i Lé des personnes régissent les Français, même en pays étranger :
mais les principes ne sont pas les mèmes à l'égard Jes
étrangers. Que la loi fran ça ise considère Je divorce comme
moyen de di.solution dn mariage ou non, la qu estion ne
change pa , le mariage de l'é tranger est di5sous en vertu
de la législation de son pay5 qui. dans ce cas , est la seule
à consulter . Nou s ne voyons pas comment la loi française
peut interveni r et co n·idérer un contrat qui n'existe pas
comme existan t, cl infliger à l'étranger une p.unition parce
qu'il se déclare liure en ver tu ùe sa loi personnelle ? On
arriverait à ceci qu e. l'étranger serait cu11sitl éré tout li la
fois célibataire et épou x. Pour dissim uler l'anomalie de cc
l')
-
129 --
système. on dit que si la loi personnelle n'est pas appliquée
ici, c'est parce que le divorce porte atteinte à l'ordre public.
li n'entre pas dans le cadre <le notre programme de
nous lancer dans une discussion longue et difficile sur la
question du divorce, mais, qu'il nous soit permis de dire
que nous ne pouvons pas consid érer. comme portaot atteinte
à l'ordre public, une institution qui est admise chez un
grand nombre de peuples de l'Enrope, qui a pu subsister
pendant si longtemps eu France et dont le rétablissemen t,
depuis l'époque de sa suppression. a été redemandé maintes
et maintes fo is à difTérentes reprises. Il y a plus, dans ce
. yslème on admet que si un Français, divorcé avant la loi
du 8 mai 1S1 G, se présentait aujourd'hui pour contracter
un second mariage. le maire devrait le célébrer parce qu'il
avait à l'époqoe de celle loi un droit acquis qu'elle n'a pas
pu détruire. Or. celle concession qu'on a été forcé d'admeLLre, es t-elle moins immorale, leur permet-elle dP, considérer comme bigame un étranger divorcé légalement dans
son pays et qui se marie en Fr:rnce ?
Quant à l'argumen t 4u'un étranger ne peut relever un
Français des empêchements dirimants et des prohibitions
de la loi française. nous admellons qu'un étranger ne
pourrait <:: n France épouser une française du vivant de son
conjoint même si sa loi personnelle le lui permettait ; mais
comme le divorce n'est pas un empêchement au mariage.
il n'est pas question de relèvement des prohibitions. L'article 'l 47 dit. en effet, qu'on ne peut contracter un second
mariage avant la dissolution du premier ; mais dans notre
cas le premier mariage n'existe plus d'après la loi person-
�- ·- 150 -
nelle ~le l'étranger, il esl dissous et doit être réputé tel par
tout Je monde.
Nous croyons avoir démontré la fau sseté de tous les arguments du système que nous combaLLons et, suivant toujours
notre règl~ quo le statut persnnnel régi t l'état et la capacilé
des personnes toutes lr,s fois qu'il n'esl pas contraire à
l'ordre public et aux bonn es mœnrs, nous répétons. qu e
l'étranger divorcé peut se marier en France du Yivant de
son conj oint parce que ce mariage ne porte aucune all einte
à l'ordre public.
Comme conséquence directe du mariage. l'ëtranger
peul exercer la puissance marilale, la puissance paternelle,
le droit de correctiou, le droit de consentir au mariage de
ses enfants, bref, il peut exercer la puissance paternelle
avec tous ses attribu ts. Du moment qu'on reconnait qu 'un
étranger peut être père légitime. il résulte qu'il peul légitimer un enfant naturel. Comme tout ce qui est relatif au
mariage, de même la puissance paternelle et toutes les
questions qui se rapportent a la paternité et à la filiati on
son t régies par le statu t personnel de l'étranger . Une
question très importante se soulève, lorsqu'on considère
la puissance paternell e non pas en elle-même, mais au
point cle vue cles effets qu'elle peu t produi re : notamment
en ce qui concerne l'usufru it légal dn père sur les biens
de ses enfants. Faut-il accorcler al'étran ger l' usufruit léga l
sur les biens que ses enfants possèdent en France? La
question a été vivement controversée sous l'ancienne juris·
prudence. Les uns di saient : l'nsufrnit légal est un acces-
-- i 3 1 -
soire de la puissance paternelle, et, e:: vertu de la règle,
accesso rium scquitur priucipale, l'usufruit légal , comme
la pmssancc paternell e, est régi par le statut personnel.
D'autres sou tenaient qu e les effets produits par la puissance paternelle dans le régime des biens étaient purement
réels. et qu'ils ne participaient point a la cause qui les
produisait. Aujourd'hui encore, deux opinions extrêmes se
tronrnnt en présence. M. Troplong soutient qu'il s'agit ici
d'un statut réel (!!ypotlt . 1, n° 429) . No us dirons. avec
M. Demante. que l'usufruit légal est inhérent à la puissance pate rnell e, el. comme ell e, il doit être régi par le
statut personoel. et c' e ·t donc à la loi de l'étranger qu 'i1
fau t s'attacher. afin cl e savoir s'il faut l'accorder on le refuser au père. ~rais une fois cett e question tranchée. il faut
appliquer la loi française pour régler l'éLendlle et l'applicati on de cette disposition de faveur.
Nous avons dit qu'un étranger peut légitimer et reconnaître ses enfan ts naturels et que, pour cela. il faut tou jours appliquer le statut pr.rsonnel. De même, pour l'adop1ion , qui crée une paren té ficti1•e entre l'adoptant el
l'adoptê, l'étranger e t régi par son La tut personnel et.
suivant que sa législation admet ou non l'adoption, el le
sera valable ou non. lorsqu'elle intervient entre deux
étrangers en France. ~foi - on 'est demandé si le contra t
d'aùo ption peut avoir li eu entre Francais et étranger? De
nombreux auteurs souti ennent qne l'étranger ne peut pas
aùopter un Français. ni être aùopté par lui . MM . Aubry el
Rau. donnan t une in terprétation touto antre à l'article 11
�-- 153 -
-
13~
-
reproùoisent ici la même di. tinclion de j w; civile et de jus
ge-ntium.
Les arguments qu'on inYoquc en fareur ùe cc système ne nous semblent pas Lieu concl uants. L'adoption,
dit-on, es t comme en ùroit romain , de droit civi l, et, à
Rome, les citoyens seuls en avaient !"exercice. Cet argu ment est sans v::ileur. et nous sommes oblige ùc répéler
ir,i ce que nous avons déjà fait remarq uer un e foi s , c'est
que, ce que la con titution politique du peuple romai n
justifiait à Rome. l'organ isation de la société et le progrès de
la ci,•il isation de notre siècle le repousseraient auj ourd'hui.
D'au tre part. les droits de famille n'étaienl-ils pas réservés
aux citoyens seulemen t? Si Ùl)nc. contrairement au droit
romain l'étranger jouit de tous ses droits, pourquoi lui
refuserait-on le droit de pouvoir adopter et êtr<:. adopté en
France? Nous dirait-on qu e la France pourrai t perdre. par
l'adoption, un de ses citoyens? Ceci serait vra i. si l'adoption faisait changer la nationalité , mais nous sayons bien
que , loin ùe là. l'adoption ne fait même pas sorlir \'adopté
de sa fami lle. Suivan t l'interprétation que nous avons
donnée à !'article l 1, nous sommes autorisé par les ar ticles 3~3, 5/i-6, 555 Ju Code Giv il, J ans Jesqllels, pour
la Yalidilé <le l'adoplion. il 11 'csl nullemen t 4 uestion cle la
nationali té des pal'lie;;, de dir~ qu e no11s nous trouvon s
dans le droit commun . el que, par conséquent. l'étran ger
jon it du ùroiL d'adopter et d'être atl oplé en France.
Parmi les droits de famill0, cumrne prolongation de la
puissance paternelle , \'ie11 t e ra11gcr la tutelle. Nous nous
demandons ùonc : nn étranger peu t-il èlre tuteur ? L'ancien droit comme la jurisprud ence d'aujourd'hui et un
grand nombre d'auteurs, reruscnt la tutelle à l'étranger .
Leur unique nrgument consistP. en ceci: la tutelle disent-ils
est on 11ii1ni1s p ublic1111L et pour l'exercer il faut être cit oyen et Célpable d'exercer des ronclioos publiques en France
A Rome oui , la tutelle était nn rnuniis vubl;cum. mais Je
Code a·t-il reprod uit cette distinction ill ogique et contraire
à l'esprit de toutes les législations qui , comme la législation
française, cherchent uniquement dans le tuteur un protec·
Leu r désintéressé de bien du pupi lle? On l'a dit et on
nous cite l'article li-5 0 qui emploie le mot citoyen. Mais il
ne fau t attacher aucune importance à l'article 450 parce
qu 'il prérnit un cas parti culier où il s'agit des personnes
exerçant u110 fonction publique, et n'a pas la prétention
d'exiger celte qualité de la par t du loleur; la preure en e t
qu 'il résulte des al"licles 390 et ft.42 que la tutelle peet
quelqu efois app.1rtenir ~l un mineur. De même les remrues
qui n'exercent aucune fonction publique peurnnt avoir la
tutell e de leurs enfan ts.
Comment les au teur, qui prétendent que le législateur
a reprodu it l'ancienne distinction romaine expliqoeront·ils
l'anicl e 511- cln Code pénal sur la dégradation ci\'ique?
Comment pourron t·ils con lin ucr à nier que la tutelle n·e~ t
pas une prolongation dr la pui.sance paternelle et qu'elle
n'a pas son fondement ùans l'affection des père et mère et
des ascendan ts ? EL en effet l'article 311- qui enlèYc au condamné prcsquo tous ses d rni ts r,1Yils el une grande pari icdes
dl'O its natu rrls lui laisse la tutelle . ,, Il peut êlrc tuteur
�. - 154 -
de ses propres enfants sur l'avis conforme ùe sa famille.
nous dit l'article 34 (C. P.) La loi a-t-elle pu se montrer
moins sévère pour le for~at , que pour l'étranger ? Nons
ne le croyons r as et nou s ne pouvons admettre que
sous prétexte d'une nationalité dilîércnte la loi aur:i it refusé la tutelle à nn étranger qui dans plusieurs cas au rail
pu être la personne la plus capable, so ns tous les ra ppor~.
pour servir les intérêts du pupille qui lui son t i:onfiés .
En résumé, conform ément au principe général qu e
nous avons admis que les ~ lrangers joui ent de tous les
droits ci\'il qui ne leur sont pas refu és. ne trouvant nulle part l'ex tranéité comme cause d'in cél pacité de la tutelle,
nous admettons que l'étranger peut être tuteur en France
toutes les fois que l'intérêt du pupille l'ex ige.
-
135 -
CHAPITRE Vil
Le• Eb·Rngcrs et
ic~
droits r éel s
SECTION 1. - Pr opriélé cks i mm eub le~;. - Propril:l6 des meubles. Droils réels seco n<lai rcs. - L' Etr~nsc r peut-il acquérir hypothèque
en l'rance'?
SECTION 11 . - Modes d'acquisition eL de clisposilion des l.Ji en ~. - Prescription. - Articles 7i6 et 91'! du Code. - La loi du H Juillet 18 19.
- D e ln donation eL du leslament faits par l'Elranger.
SECTION 111. - Les Etrangers el certains droits d"une nature parliculièrt>. - Des t.lincs. - De ln Prop riété Lilléraire et Arlisti-tue, - Des
Br~ vc t~ d' rn veutror.. -- Des Mar'JUC3 de fabrique .
•
SECTIO. I
Après avoir énuméré les droits concernant les personnes,
nou s arrivons maintenant aux droi t concernant les biens.
No ns allons nous dema nder quels sont le droit· qui so nt
accordés h l'étranger et par quelle loi doirent être régi· les
modes d'ar.quisitioll, de conscnati on el de transmi,sion de
la propriété el de ses démembremen ts.
�-
136 -
-
lei nous constatons avec plaisir que la distincti on ro·
maine de jus r1e11tiiim ot de jus cittile n'est invoqnée par
personne. Sans con troverse, quelle que soit l'opinion
qu 'ils admellen t, tous les au teurs reconnaissen t qnc
l'étranger jouit en France de tous les ùroits réels. Il peul
être propri étaire, usufr uitier, usager. acqu éreur ùes droits
d'habitation et de serv itude sur le biens situés en France.
Le principe à suivre ici e Ll'opposé ùe celui qu e nous
a\'Ons suivi dans le chapi tre précéden t. C'est la loi frantaise qui doit régir tous les droits accordés 3 l'étranger. Et
d'abord en ce qui concerne les immeubles, \'article ;) du
Code dit expressément qu'i l <loiven l être régi . qu'ils
soient possédés par de F'rançais ou par des étrangers, par
la loi française. En elîel, on ne saurait, sans porter la
plus grave atteinte à l'indépendan ce et à la souYeraineté
d'un pays, permr.ttre qu'une loi étrangère puisse régir la
moiodre parcel le de son Lc1-ritoire parce que tou tes les lois
de slalnt réel sont inti mement li ées a l'ordre public qui
serait gravement compromis si un e partie du terri toire pou·
\'ail être acquise conserréc el ' trau stnise en vr,rtu des luis
étrangères an pays .
Si l'article :5 s'expliqu e form ellement en cr qui
concerne les immeubles. il ne llit rien ues m e ubl e~ : que
fauf.-il décider? Les meuble · pen,·cnt être consid érê5 indiYiduellernen t el comme L1ni, crsalité ; tout le 111011ÙL' est
d'accord qu'ils doi\'enl élre régis pnr la loi franc;ai;:;e ;
qu 'en cc qni regarde ln rc\rndif'aliou, les pri,·ili gcs , le
gage, les voiPs d'oxécnti o11 , il ~ tornlic11L clans lc domaitH' de'
la lui réelle ; mais la qu esti on est conlro\'t·r~1"1· lorsqu'o11
1
13ï -
les con idhrc comme u11iversalilé. Plusieur-, opinions son t
en présence.
Dans un premier système, M. Demolombe riit qu'il
faut appliquer la 101 étrangère tou tes les fois qn'il n'y a pa~
d'in convénient pour la France (DE,1or.. r J • !J f .) Dan ur.
second gyslème, s'appuranl sur le silence du Colle on dit
qne les meubles ne doirenl pas être 1égi-; par la loi de situation : du momen t. dit-on. que le légiJateur soumet les
immenbles à la loi fran~aic:c , c'est qn e par a 1·onlrario, il
a vonlu que les meubles fu ·sent régb par la loi personnr.llc de l'étranger. Enfin. ajonle·t-'on 1hnsce . y~ t ème . k
meubles n'o nt pas tic situalion parti culière: ils c:ont cen~é ·
suiHc la personne ùe lenr propriétaire, 11wbilia os~ilJ11s
perso11œ i11ft<1·r('11t ; par conséqnent. c·e,l le statut perso nnel qu'il faut leur appliquer. '.\'ouc: ne saurions arlmcttre
ce dernier systeme. car il nous .·emble n,ue. ~ans manquer
à la logique, on ne ·aurait ne pa: appliquer aux meubl es
Je principe qu e le lëgi latcur a lurmcllement êlabli pour les
immeubles. Pour que! motif, en effet, tou" le.~ immeubles
situés en France sont-ils 1ég1· par la loi franç1i:;e? Tout le
mouue le recon11ail, c'e·t uniquement p:m:e qn'on ne 5a:..rail aclmellrc. sans pn1 lcr :\ltemtc :1 l'inùiipcndance. il la
sou, crain cté Je b 11,\tÏqn f1 ;u11;a1~c. qn'une loi t"tr:Hl!!Ï.'rc
pûl ' cnir rê~ lcr lt<:. rn o dl'" d'acqu1s11:on de la pt 01.1 1ëté ;
or, cc mot if cxi~lt' aussi uicn pt1u1 le' meubles que ponr
le:. immcnhl es · 11'" 1111.., L·nmme IL's :rnt1 r' font 1•:u liL' du
domai ne de Ja ll :l tl Oll, folllll' IJ[ \Ill ~l'll l tnUl ~L•ll' J't'lllpi1e
du sou\erai11 cl ne ~au1 aie1it ni IL'" Uit:- ni le' 1nt1 L''·
élre so u~ tra it;; il rel to sou\ e1,1111cté.
�-
138 -
. le : Mobilia ossibus 71e1·some inliœrr11l a pu
I,a reg
être posée ans aucun inconvénient lorsque plus de
quatre cents couLumes di!Tércntes régissaie1~ t la ~raoc~ ,
lor qne chaque proYince, chaqu e localité a,·~ 1 Lsa 101pa.rl1·
c i~lière, car ne s'appliqllan t q11'a ùcs Français. celle regle
ne portait aucune allcinte h l'autori tc" du roi cl c France;
mais aujo~1rd'hui celle règle ne saurait être appliquée
aux étranger san- porter atteinte a la souveraineté de la
nation. L'argument tiré tlc l'ancien droit r:'a donc aucune
Yalenr ùan la légblation actu elle. Le Code. il est Haî,
n'a pas abrogé d'une manièie formelle la règle: Mobilia
ossibas personœ i11/icerent , mais ce silence ne prouve rien
car il étai t en quelque sorte imposé au législateu r par l'extrême mobili té des meubl es; n'ayant aucun moyen pour
l'exécuti on des dispositions qu'il aurait prises, le législateur a préféré garder le silence plutôt que d'édicter des règles qui , le plus so urcnt auraien t été illnsoires.
Nous avo ns dit que l'étranger joui L enFrance de plusieurs
ùroits réels secondaires. Nons nous demandons : l'étranger peut-il acquérir des hypothèques en France? Il le peul;
pu moment où on lui accorde le droit de ùevenir propriétaire. il esl éviùentqu 'on lui recor1nail ledroit d'acq uérir nn
droi t réel secondaire qui n'est antre chose que le démem bremen t de la propriété.
-
1;;9 - ·
~ ECTIOi\
II
Nous avon dit déja que les étrangers jouis·enl en France
de tous les droits réels. La loi en leur rec(lnoaissanL le
ùroit d'être propriétaire leur reconnail implicitemen t le
droit d'acquérir la propriété par ton-; les modes indiriu es
dans les article, ï 1 1 :\ ï 1ï tin Coùe. On doutait autrefois
i l'ëtranger peut acquérir par prescription ; mais aujourd'hui l'aftirrnative est généralement admise. La loi ayant
reconn u à l'étranger le ùroiL ùe propriété. il est ériùeot
qu 'elle a complètement abanùonnê la ùi tinclion romaine
qui résen•a iL l'exercice de 1'1"rncapio aux. citoyens. La
prescription qui a pour bul ùe ne pa' laisser la propriété
dans une incertitude toujours tlangereu ·e et. <le donner à
l'acquis1 lion cl ;1 la libération une facilité de preurn csl
dïn térêl général el ù'orùrc public.et Jo1t. par coméqucnt.
élre ·ubie par le Fran(.1is comme par l'étranger.
ous le Code ciril l'étranger ne poura1t pas acquerir par
certain:; mode qui étaien t ré~erré::; all\: Fran(.1is seulemenL.
Nous mulon parler de" empêchemen t des article' ï2li et
Ul'i . L'ar1iclc 7-Zli l"'t ain"i co111:11. • l'n c\tr.rngcr n'est
admis it succéder a u~ biens qLH' son parent. étranger uu
Français. po~édt' d:1n · le t1'trlln11 t• du royaume. que dan,
�-
t:'tO -
le ca et do la manièrè don t un Franç,ais sucr,ède à son
paren t po·s~dan t de biens dans le pays de cet étranger,
con formément aux dispositions ne l'article 1 t , au titre de
la jouissance et de la pri1•ation des droits cirils, • L'article
912 dit: " On ne pourra dis po~er au profit d'nn étranger,
que dans le cas oü cet étran gPr pourrai t di sposer au profil
d'un Frauçais. •
Ces deux ar ticles qui refu, aicn t à l'étranger le droit
de recueillir en Fran ce soit une succession. soit un
legs. f11rent abrogés par la loi du 14 Jnill et 1819 et
l'étranger, à ce roint de vue , est assimilé aux nationaux.
Toutefois , la loi de 18 19 a conserrt': dan s un ca particulier
le système de la réciprocité; mais l'artide 2 de la loi n'a
rien d'injuste ou d'arbitraire. car elle n'a pour but que
d'as urer les in térêts de nationaux . En effet . l'article 2 est
ain i conçu : "Dan le cas de partage d'une même uccession
entre des cohéritiers étrangers et Français, ceux- ci prélèveront sur les biens situ és en France une portion égale à
la valeur des biens situ és en pays étran ger dont ils seraient
exclus, à qu elque titre que ce so it. en Yertu des lois el
coulumcs locales. • Ici il faut remarquer qu e l'application
cle celte disposition :i. lieu seul ement lor qne ùes Fra nçais
et des étrangers concourent à la même succession. Si les
hériLiers sont Lous Français et qu'il y en ai t un rl'cxclu. il
ne peul pas rn prél'aloir clc l'article 2 ; de même , i tou
son l étrangers el $i quelqu'un était exclu pour une rai-on
quelconque il ne pourra pas demand er à prélever :-u1· les
IJiens situé:; en France. Qriicl dans le cas où le Fra nvai~ héritier concouran t avec d'autres héritiers étrangers, est cxcl11
-
14 1 -
non pas en rnrlu ùe la loi étrangère, mais par la volo nlé
clu de cujus .9 li nom; semble que l'article 2 doit trou l'er
son application ; les termes mêmes de cet article : • A
quelque titre que ce soit• nous autorisent à adme ttre celle
so lution.
L'étranger peut faire un testament, une donation. Pour
apprécier si un de cc· actes est Yalablement fait. il faut
l'examiner à trois points de vue : il faut considérer la
capacité des parties, les conditions ex igées pour la raliùité
de l'acle et l'elîet qu e l':i.cle doit produire. En cc qui 1;oncerne la ca pacité des parties, il faut se référer à leur statut
perso nn el, quant aux conditions exigées pour la ,alidité
de l'acte, ce so11t les loi· où l'acte e~t passé qui les régissen t en verlu du principe lorns regit act11m ùont nous parlerons ùans le chapitre suivant. Les elTets que l'acte doit
produire concernen t les Liens qui fon t l'objet de l'acte; or,
nous savons qu e c'es t le statut réel qui 1·égil les biens en
Frn nce. Ai nsi ùooc il peut se fa ire que pl usieurs loi soient
en conflit lorsqu'il s'agit de reconn:iître la rnlitl ité d'nn teslan1en t ou ù'u ne donation.
ECTIO);" III
Dans cette secti on nous allons parler de certains ùroil,
accordés aux étrangers, droiLs qui , p:tr leur n:llu re particul ière, aurai en t pu donner li eu :1 des diflicultés si le législateur n'avait pas eu le soin rie les prérnir el ùe les
ex pliqu er form ellemen t.
�-
142 -
l es Min es. -- L'étranger peut-il être en Fra nce proprié-
tai re d'une mine? Au premier abord il seml.Jle qu'on ne
µourrait a,·uir qu'une réponse à ceLLe question et que l'existence d'une loi particulière. accordant à. l'étranger celle
faveur, e' t inutile. La propriété ùu sol emporte la propriété
du dessus et du dessous (552); l'étranger ayant ùroit à la
première, on ne Yoil pûs pourquoi on lui refn ·erait la ,econde. li n'en e t rien cependant , parce cp:ie les mines
fo rment une propriété distincte ile celle dn sol el il faut
pour pouvoir les exploi ter une conce sion du gouYernemeot (loi du 2 1 arril 18 10). or. 011 au rait pu dire que la
concession est un e crëation <le ùroit posi tif et qu'à ce titre
l'étran-ger n'aurait pu y prétendre. C'c, L ce doute q:i e la
loi du 2 1 :1rril 1S10 dans so n article 13 a eu lïn1ention
de prérnnir en déclarant que tout étra:1ger, natu ral isé ou
non en France. agissan l isolément ou en société, a le ùroit
de demand er el peut obtenir. s'il y a li eu, une concession
de mines.
Quelles sont
les dispositions de la loi sur la propriélê littéraire el arlistique à l'égard des étrangers? Le programme de notre
travail ne nous permet pas d'en trer dans les nombreuseg
discussions auxquelles ont donné lieu les principes qui dominent toute cette matière. Il importe pen, pour le
suj et que nous traitons, de savoir s'il est juste que le droit
de reprod uire un livre apparti enne ~L l'auteur , comme le
droit de ti rer les fruits Je sa chose apparti ent à tout pro·
priétaire ; de savoir s'il est juste que ce droit de reprol a Proprietd littéraire et arlistique. -
-
143 -
du clion forme un 1.Jien dans le patrimoine de l'auteur, au
lieu que le public acquiert la possession 1!'un li 1·re du jour
même de sa publicati on, et que l'auteur en perd toule propriété, du moment qu 'il en fail part à la société. No us
laissons dP, côté Inu les ces questions pour nous demander
si l'étranger peut, comme le Français, jouir de toutes les
fav eurs et dispositions concernant la propriété littéra ire el
artistiq ut:.
L'article 40 du ùécrel du 5 février 18 10 recon naît
aux étrangers le tl roit ùe propriété sur tont ourrage imprimé ou gravé, el dècide que les au teurs français el étrangers peuvent céder leurs droits à des tiers. Le décret de
·18 10 ne s'était occupé qu e des on\'rages puLliés en
France et ne régissait nullemen t les ounages publiés à
l'étranger. Le décret du 28 mars 1852 , complété par la
loi du 14 j oill et 186 6. donn e droit de propriélé aux an tenrs
étrangers sur les livres qui ne son t pas publiés en Fraoce,
en déclarant qne la contrefaçon de ces ouvrages est un
déli t (42 1 pr.). Cette protection ne leur est accorùée
qu'autant qu'ils ont accompli les conditions exigées relatirement aux ouvrages publiés en France, et. pour être at.1mis en justi ce à poursuivre les contrefaçons, les auteurs
étrangers ou leurs ayant · cause doi rent arnir efTectué le
dépôt de ùeux exemplaires ùe leurs ouvrages au minislère
d ~ l'inlérieul', à Paris, ou au chef-lieu de préfeGture ùans
les départements.
Les auteurs étranger:' peuvent être exemptés du ùé·
pût oLligaloire par des traité signés entre Il France
et la oalion il laquelle appartient l'auteur. Parmi les
�- 1.u . traités ùe cc genre, nous cn cit ous plusieurs en te·
marquan t que l:I plupar t ex igent Je dépôt de l'ourrage littéraire ou artistiqu e aux au torités compétentes, Voici les
da tes des princi paux de ces tr:-i ités : le 29 mars 1855
avec les Pays-Bas : le 1g mai l S;JG aYec le royaume de
Saxe; le '2 juillet 185 7 :\.\'e1~ le grand duché de llade; le
29 juin 1858. a\'CC le canton de Genève; le 6 lvril l 8G 1,
arec la Russie ; le 1.. mai l SG 1, avec la Ilelgiqoe: le
29 juin l8ti2, arec l'Italie ; le 2 août 1862. avec la
Prusse , etc.
·
Brevet:; c1.i11ue111w11.
-- r\ pre·,s ùc vi,·•...)s discussions
sur la loi ùu :.> juillet 18'~~·. les étrangers furent as imi lé..;
aux Français, el les ét:·a nger- peurnn t acquérir en France
de brernts dïnvention. Il ne fallùrJit pas cro irn cependan t
que l'assimilation ùc l'é trange r au Français soit complète.
L"artide li-:> établit une clilTèrcnce entre Io frança is et
l't~tranger. Les propriètairds de brevets peurnnt, en rnrtu
d'u ne ordonn.rnce du président du tribunal rend ue su r simple requête cl sur la rep1·éscnlati on du brevet. fai re saisir
les objets con trefaits; l'orùonnance peu t imposer an !Jre''eté français un cautionnement qu'il sera ten n de consigner
avant de procéder à la siii ia. Cc cautionnement est toujours
imposé à l'étranger breYeté qui rnqnierl la saisie.
"\ van tlaloi ùu 25 juin 181'.i
"
les étrangers fabriquan ts ne pou·vaient pas se plaindre rie
l'apposition de leurs marques de fabrique sur des prodù ils
fabriq uès et mis en vente en France (Cass., 2 1 avri 1 18 ~4) ·
Marques de fabr;rriw. -
-
14!5 --
L:i loi du '25 juin 185 7 vint mettre fin à ces abus et déclara que l'étranger pouvai t être propriétaire de marques
de fabrique , mais celle loi n'accorde pas une égale protection à tous les étrangers. Les étrangers. qui ont en
France des établissements de commerce et d'industrie,
sont les seuls protégés par b loi; pour les autres, il faut
qu'il ex iste des conventions avec leur nation (art. 1S6 de la
loi). Cette rlistinction est injuste. car il nous semble que la
propriété industrielle mérite une protection égale à celle
de la propriété littéra ire.
�-
\4.G -
-
CHAPITRE \'Ill
Les ECrlHl"°«'r!il
.-c
IN1
SOM~IAIO E· La capaci tl· des ElrangNs. -
ex tinction des co11 1<•ntions -
/.Ji.·us ,.,•yil
C:ontrnh
lntrrpr~ta tio n. exécution,
ac/11111.
Les élrangers peuvent conll':icter en France ; ils peuvent faire toute e. pèce Je conventiolls pourvu qu'elles ne
soient pas contraires aux l o i~ el aux IJonnes mœurs.
En i:e qui concerne la capacité deg parties. elle est régie
par leur loi personnell e. L'étranger cependant ne pourra
se prè\'aloir de sa loi pcr~onncll e lorsq ue, par cles
moyens fraULlu lenx , il ~era parvc:nu à. cacher les incapacités ùonl il étai t frappé an moment de la passation
ù~ l'acte.
Pour interpréter les co111·eutions il faut s'attacher ~t l'inLc11tion ùes parti0s. C'est la manifestation Je leur volonlé,
dans le con lrat qui doit serv ir ùc règle pour déterminer
147 -
les ob ligations auxq uelles le contrat donne naissance. (Juid
lorsque celle 1·0Jo11Lé n'e l pas exprimée d'une fa çon nette
el préci c ~ Dans cc cas il faut sni\'l'e la loi que les parties
ont eu en vue en contractant. Ainsi, deux étrangers du
même pays fon l une convention en France, il faut à moins
~ e clau~es formel les, s'attacher aux lois de leur pays pour
1nterpreter les difficultés qne leur convention présente.
E t-ce au con traire entre un Français et un étrancrer
, .
;:,
'lll esl rntervenu la conYen tion, il faut appliquer la loi française.
Quant aux droits que le con trat peut faire naitre sur les
biens situ és en France, c'est-à-dire lorsqu1: le contrat est
co n idéré comme cause d'aliénation et non pas comme
source <l'obligation. il l'au t écarter l'intention des partie ,
car il n'eu plus question de l'interprétation de Jeurs volon·
tés. et app liqu er la loi française. Dans le cas d'une vente
d'nn immeuble situé en France. il n'y a aucun doute que
les parties doivent se soumellre aux dispositions régis:>ant
la vente dans le droit fran çais.
Quelques mols sculementsur l'cxtrnctioo des obligations.
C'csl ia loi <ln pays de pa-;sation du contrat qui doit être
appliquée, à moins qnc celle loi n'ait rien de contraire à
l'ordre public du pays où l'obligation doit être exécutée.
L't:Lraoger, par cousëqu en t. qui a fai t un contrat en France, peut invoquer tous les mode d'extinction d'obligations.
Une ùilficulté s'est élel'ce sur la question de savoir quelle
loi on doit appliquer pour règler la prescription lorsque la
tlnrée n'est pas la même Jans le deux pays? Suivan t 1wtre
�-
1 .~s
-
princi pe nous ùernn · appliquer la loi du pays de la passation de l'acte et nou devons dire. en supposant une
convtlntion faite en Angleterre, par exemple. entre un Français el un Anglais. que c'est la loi Anglai:;e qui doit régir
la prescription du droit du créancier. même si la prescription doit ètre opposèe en France, Je manière que
si le droit du aèancier se prcsc nt par six. mois en France
et, est imprescriptible en Angleter re, le débiteur ne pourrait opposer la pre·cription. Mais ici ce principe ne
atm.i l s'appliquer: il ùoi t céder derant une consi dération supérieure; il ùoit èlre rcgi par le principe d'ordre public; la prescription. en effet n'a pas été établie uniquement dans les lo i ~ françai ses ùans l'in tcrêl parti cul ier des
parties afin de leur ser\'ir de prenre de leur libération.
Elle a été, principalement el surtont. étab lie dans l' in térêt
de la société, dans un bnt d'ordre public , el les étrangers
doivent snr ce point, se soometlrc aux dispositions des lois
française·. Nous dirons qo e, dn mome11t qu' une prescription sera opposée en France même à l'éga rd d'une conven tion fai te à. l'étranger, ce sera la loi f ranç.aise qui deH.i
être consu\Lée.
Nous avons examiné les règles qui régissent les ai;tes
quant au fond, il nous faut étudier main tenan t les dispo3iLion qu'il fou t sui1Te qualll a lenr forme. Les form:tlités dont un acte pcnt êlre uscepl1ble peuvent être: intrinsèques. hauilitanles cl ex trinsèques ou instrnmentaires.Sont
intrinsèques toutes le formalités qui concernen t la ca pacité
et le consen temen t des personnes, l'orjet de l'acte ou du
-
14!) -
contrat. Toutes ces formali tés sont inhérentes au statut per·
s~o~el, c'es l doue la loi personnelle de l'étranger qui les
reg1t partout. Aux formalités intrinsèques il faut ajouter
celles conn ues sous le nom d'habilitantes telles que l'autorisation que doiren t a\'oir les femmes mariées, de leurs maris,
les miueurs de leurs tuteurs etc. Quant anx formalités
ex trinsèques ou instrum entaires. il fau t toujours se con former aux lois du lieu où l'acte est passé indisLinctemenl
de la nationalité des parties . Le principe de lucus regit
actum qui figurait dans l'article 4 du projet primitif du
Code n'a pas été reproduit dans le projet définitif du Code,
mais il n'en e, t pas moins vra i ~u'il ex iste dans plosieurs
tex tes du Code (!•7 . 170. 999 )etqne la législation fran çaise comme toutes l'es législations européennes, l'admet.
C'est un principe in trod uit pa1· la nécessité dans tout es les
législations et adopté par le droit international pour le
pl us grand bien de tous.
�-
150 -
CHAPITRE IX
Les Etrangers dcnuit l es Tribunaux frau~nls
SECTION J. - Des cootcstglions entre Ji'ran~·nis cl !::!rangers. - Le
Français est demandeur. l'Elrnn gcr est dHcnurur.
SECTION !J. _ L'Elranger c~t ucrnand cur, le França is esl défendeur.
- La caution Jwlicat 11111 iOlt•i.
SECflON lll. ·- Contestations en tre Etrongcrs.
SECTION I
Le principe dominant, dans celle matière, le but princi·
pal qu'a eu le législateu1', est la prolet:Lioo des Français
contre les étrangers. Aus i le législateur lui a-t-il donné le
droit de pouvoir exiger que Loutes les difficull és auupiellcs
donne lien ses engagements soient touj ours examinées par
ses juges naturels. En partant du même point de Yue le
législateur français a accordé a l'étranger le droit de pou rsui vre les Français dera nt les lrilrnnaux français, méme
da11s le cas où il aura pris des engagements vis-a- vis de
lui en pays étranger.
-
151 -
Il nous faut rem:irqner que les tribunaux français sont
compétents dans tontes les con testations en tre Français et
étrangers. Que l'action soit réelle. personnelle ou mixte;
que l 'enga~ement qui en rlonne lien ait été contracté en
France ou ~1 l'étranger; que le Français soit demandeur ou
défendeur, rien 11e change la question , les tribunaux fran·
çais sont compétents.
Ceci dit, je me propose d'exam iner dans celle section
l'hypothèse suivante: le Français e t demandeur , l'étranger
e, t défendeur . Notre hypothèse est prévue par l'article 14
du Code civ il qui est ainsi conçu : • L'étranger même non
résidant en France. pou1'ra êlre cité devant les tribunaux
fran çais, pour l'exécution des obligations par lui contractées
en France avec un Français ; il pourra être traduit de1·an1
les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pay · étranger en vers des Français. • La disposilion de l'article 14 déroge à la règle actor sequitur
forum ?'ei.
Celle di position f)U e le législateur français, pous é
par un sentiment de pro tection pour ses nationaux.
a établ ie est co ntraire au principe uni\'firsellemen t admi '
qu 'on ne peut enlever perso nne ~t es juge naturels. Le
projet primitif contenait la même déroga tion au principe
fondamental du droit international , mai elle était plus
restreinte. Le projet s'exprimait cbns ces termes:• L'étranger, même non rë idant en Fr:rncc, P'fü l être cité devant
les tribunaux franç.ais. pour l'exéCllliQn des obligations par
lui contractée en F'rancea l'CC un Françai, ; ot sïl est trouve
en France, il po11rra t; tre rrad nil devant Ir. trih11na11 x <le
�- 152 •
par lui •contract•ées en
France, meme
po01, les obliaations
!':>
•
.
enver!\
des
Français
.•
Le
projet
fu
t
discute,
pays etranger
•
.
.
.
al
in
éa
fut
adopté
sans
d1fficulte
son premier
. .
. ;. quant au
.
second la discussion fut virn, m:11s a la suite d. uo'e confe- . eut l'eu
rence qm
1 entre le Tribu nal et le Conseil d. Etal,
. les
mots : • S··1
1 es t trouvé en France» furent supprnn
. es . La
.
. a. 1a ri..ole
actor scquitur {ornm re1'. triompha.
derogat1oa
~o
.
Le motif qu'on donna au Conseil d'Etat fut que les Jugements étrangers n'étant pas exécutoires en France, ce
serait dénier la justice aux Français que de ne pas le~ au.toriser d'aair devant les juges français quand l'obhgat1on
peut êtr: réalisée sur la personne ou su.r. les biens
débiteur. Toutefois nous croyons que le leg1slateu r a ao1
de cette manière par méfiance de la justi ce étrangère. vn la
situation politique dans laquelle la France se trouva it à
l'époque vis-à-vis des nations étrangères. li n'en est p3s
moins vrai cependant que la décision qu'a prise le législatou r
est des plus regrettables et nous ne pouvons pas nous empêcher de citer l'opinion ùe M. Bonfils sur ce suj et : '' Celle
crainte n'est assurément pas fondee. Lorsque dans l'artide
15 du Code Napoléon on estimait, aYec raison. les juges
fran çais assez indépendants pour rendre la justice entre nn
Français défendeur el un étranger demandeur, ùevait-on
suspecter l'impartialité des juges des autres nati ons? Le
plus sûr et le meilleur moyen de faire croire à. l'ind épendance et à l'esprit rie justice de nos propres tribunaux,
consi3te à ne pas refuser a11 x juges des autres nali ons ces
indispens1Lles qnalités. A no$ yeux nos magistrats sont
les plus imparliaux du monde ; mais crnit-on qlJe les
d:
-
133 -
Anglais dénient le même caractère à leurs juges? Cette
défiance peu fondée à l'égard des juges des autres nations
cirilisées. n'est-elle pas de nature à irriter une juste susceptibil ité? Quelque chimériqu e que fût l'inquiétude, elle
a néanmoins exercé une vive infl uence sur le légi. lateur .
Elle l'exerce encore Loos les jours sur nos tribunaux , qui
ne s'aperçoivent pcut-6lre pas que nier l'im partialité du
juge étranger, c'e· t porter~\ la leur un e rude atteinte bien
imméritée .•
Quel que soit le motif qui a inspiré le législateur, l'article '14 est formel : toutes les fois que !e Francais est
demandeur et l'étranger défendc~u r, le premier aura le
rlroi t de poursu i1Te l'étranger de1·an t !es tribunaux françaiE,
peu impor te que l'obligation soi t cont rai.;téc en France ou
à l'étranger; qne.le débiteu1· ï~ trou ve en France ou en
pays étranger. Quoique l'article 1.1. ne parle que des
obligations il fa ut donner à ce mol le ens le plus étendu
et dire q11e : tontes les fois, quelle que soit la cause qui a
donn é lieu à l'engagement de l'étranger en\'ers le Français,
celu i-ci pourra le citer devant les tribunaux françfr. Cet
article donc s'applique aux obligations qui naissent, non
seu lement de contrats. mai de quasi-contrats (Pari . 11
décembre 1847) cl des délits et qua i-déli t (Rou en, 6 fél'l'Îer 184 1 ; Cass. 13 décembre 1 81.~).
li ne faut pas cependan t cx~gérer la por tée de l'article ·14 .
Il fa ut restroio c.J re la fareur accordée par ce t article aux
obliga tion· con tractcics dircclemen l par un étr:ingcr enrcr
un Frariçais. Donc, l\Hrn nger c111•crs lcqnel un antre étran·
gcr s'c, t obligé ne peut pa · se prérnloir ùc l'art icle 14
�-
154 -
bien qu'au momen t où l'action est intentée il ail acquis la
qualité de Français (Paris, 5 juin 1829). De même le
Français héritier d'un étranger an profil clnquel une oblination a été souscrite par un étranger ne peut traduire
"celui-ci de1·ant les tribunaU "\ français (Cnss., 1°' jutllet
1828). De même nous ne saurions appliqu er l'anicle 1.1.
dans le cas où le França is est devenu créancier par la
cession d'une créance née dans la personne d'un étranger;
dans ce cas, en effet. le Français ne peul exercer plus ue
droits que son cédan l. Celte solution cependant ne saurait
s'appliquer au porteur d'une Jeure de change. qui, à la différence ùu r,essionnaire ordi naire. devient , par su ite de
l'endossement, créancier direct du tireur, du Liré, du souscripteur et même de tous les endosseurs tenus tous et sol idairement des obligations rés ultant du con trat de change
(Cass .. 25 no1·embre 1829 ; 20 janv ier 1853).
Le terme pourra cle l'article nous ind ique que la faveur
accordée au Frauçais est facultative : il peut, par conséquent, suivant les circonstances renoncer à. celle faveur.
La renonciation peut être expresse ou tacite. Elle est
expresse lorsqu'elle est pré1·ue par une clause du con trat :
elle est tacite lorsque Je Français a commencé des poursuiles dernnt les tribunaux. étrangers. Par cela seul qu'il a cité
l'étranger de1·ant les tribunau x étrangers. le Français renonce à la faveur qui lui est acconlée par les lois françaises.
Du moment qu'i l a préféré les tribunaux. étrangers, même
s'il est trompé dans l'es espêranr.rs, on ne saurail. il nous
semble, lui permettre d'intenter de nouveau l'action de1·ant les tribunau:< français sans porter atteinte au respect
-
15!) -
:l ù aux justi ces étrangères. Cependant d'ém inents auteurs.
quelques Cours d'appel et la Cour de Cassation admettent
une distinction qui n13 repose sur aucun texte et qui condnit à l'arbitraire. Lorsque; di t-on, le Français est obligé
de citer l'étranger devant les juges de son domicile, lorsqu'il prnuve qne c'est la nécessité qui l'a fait agi r. il pourra
intenter de nouveau son aclion devant les tribunaux français (Cass., 1 t dé~embre 1860).
La procédure à suivre lorsque le Françai cite l'étranger
devant les tribunaux fran ça is ne nou est indiqnée par
aucune disposition de la loi d'une manière formelle. Si
l'étranger a un domicile en France, il faut le cil er devant
le tribunal de sa ré idence. La que Lion ne présen te aucune di fficu lté, lorsq ue l'étranger n'e t pas en France. et
qu'il s'agit d'u ne action réelle immobilière, il est éviden t
qu'il faut le citer devant le tribunal de la situation de l'immeuble litigieux . Mais, fJtticl, lorsqu 'il s'agi t rl'une action
purement personnelle, ou bien d'une action réelle mobilière? Ln question es t contro versée; . uivant certains au teurs. le Français doit porter on action del'ant le tribu nal du lieu où le con trat a été fait; suirnnt d'autres, le
créancier fiançai · a le choix. Nou croyons que c'<l'l le
tribunal un ùomici le du demandeur qui era compétent.
L'exécution du jugement ::iura lieu , ur les bien que
l'étranaer po sède en Fr:rnce; 'il n'en a point, c'est :iux
juges de son pays qo'il fa ut 'ad rcs~er pour ob ten ir l'autorisation de l'exécu lion ùu jugement nr les biens qu'il
possède dans son pay .
�-
156 -
SECTION II
.c1e 1,J~ du Code civil, plus conforme aux prin cipes
1~' art1
•
.
.
que
l'art'
1
cle
I
'"
nous
apprend
que
le
Français
aeneraux
·
•
défendeur rloit être traduit devant ses juges nat.ur~ls, c està-dirc deYanl les tribunaux français. Il est ams1 conçu :
• Un Français pourra être traduit devan t un tribunal de
France pünr des obligations par lui contractées en pays
étranger, même aYec un êlranger. • Il résulte des termes mêmes de cet article que, en accordant une fayeur
au Frauçais, le législateur n'a pas You lu dire que le tribunal français seul est compétent, le Fran <;>,a is peut reno~
cer au bénéfice de l'article 15. qui n'est pas d'ord re publtc
et soumellre son ùi!Térend à la justi ce étrangère, s'il a
plus de confiance en elle. Quant au mot contractées. il fa~t
Je prendre dan le sens le plus large et dire qu e le Français
aura le bénéfice que lui accorùe l'article 15 pour tonte
espèce d'obliaalions résu ltant d'un contrat , quasi-co ntrat.
l:>
rlélit ou quasi-délit.
D'autre part, nous voyons dans l'article : • En pays étranger" et fortiori, il faut dire que
l'étranger pou rra tradu ire le França is devant les tri bunaux
fran çais pour des obli ga tions con tractées c11 France.
En accordant un clroit à l'étranger, le législateur n'a
pas oublié de prendre de l:irges préca utions, pour qu'il
ne pût abuser de celte faveur el porter alleinte aux in té·
-
ta7 -
rêls des nationanx, En e!Tet. l'article i 6. qui régit la ma tière dont nous voul ons parl er, e. t ainsi conçu : r En
ton tes matières, au tres que celle de commerce, l'étranger
qni sera demandeur sera ten u de donner caution pour Je
paiement des frais et dommages.intérêts résu ltant du procès.
à moins qu 'il ne possède en France des immeubles d'une
nature suffisante pour assurer ce paiement. .. L'article 11 6
<ln Code de procéd ure reprod uit la même disposition en
ces termes : " Tons étrangers, demandeurs principaux o:i
intencnants. sero nt tenus. si le défendeur Io requic1 t.
aYant toute exception. cle fournir caution, de payer les
frais et dommages-intérêts auxquels ils pourraient être condamnés. »
11 ressort de ces deux articles que le législateur. pour
sau\'egarder les intérêts des nationaux , afin qu 'un étranger
ne puisse pas, ap rès avoir légèrement engagé un procès el
mis en fra is son adversaire. se soustraire par la suite à
toutes les conséq uences fâcheuses, lni ex ige une caution
improprement appelée. com me nous l'avons déjà dit, la
eaulion j udical am suivi.
Que corn prend la eauLion judicatnm so/vi, sont-ce ll!s
dommages int érêt ré n!tant directement du procès et alloués au défendeur comme réparation du préjudice q•1i
lui a été causé; ou bien , comme le dit. l'article 166
uu Code de procédure tous les frais et ùommages-intérèt
auxq uels l'étranger pourrai t être con ùamn ê, même c1•u x
provenan t u'une eau e antérieure a!1 pl'Ocè'? Il faut
appliquer l'article 16 du Code civil et dire que la caution
judicatum solvi gara11lit seu lemen t les frai · et dommages
itJtérêts résultan t du procès.
�-
1J8 -
.
e llo'it v~ lre demandée• la, cautio
ju<licatw11
A que Il e epoqn
.
•
.
Eli
1
.
l >trc demandée nou di l 1articl e 1()(, prosoil•1 ~
e l o1 e
. ..
.
.
.
L
oule
exception
in
linwrn
l1t1s, avan.t
11
cédure c1v1 1e ~l\al
·
'
même 1•cxcep L1'on de nullité ou ù'incompétenœ ; ell e . doit
être cleman de·e et ne !)CUL être suppléée d'office par le Juge.
On peut renoncer a celle faveur et ne pas demander la
caution ; mais une fois qu'on a renoncé on ne pent plus.
la deman cl er. l)eul -on demander la ca11lio j11dicalum
.. solui
.
appel
lorst1n'on
ne
l'a
pas
demandée
en
prem1cre
rnsen
,
. .
ù
tance ~ La nëgati rn a été soutenue par la 1umpru cnce,
mais elle est maintenant pour l'afrirmalirn (Paris 'l 9 mars
t 838; 25juillet 1 8'~0; 19 no\" embre 18 56).
La cautioj11dicat11111 solui peut être demandée ùans toutes les matières civiles san· exception; elle est dne devant
la justice de paix co mme devant les tribunaux c'.''ils ordi naires. Peut-elle être ex igée d'un étranger qui se porte
par tie ci,·ile dans une poursuite criminelle~ Nous pensons
arec la majorité des aulenrs el la jurisprudence qu e les
termes de l'article l 6(C . C.) sont assez gé néraux pour nous
permellre de l'exiger d:i.ns le cas en question. (Cass. l 2
férrier 18 '~G.)
Le principe de l'article 16 n'est pas sans exception, car
comme nous l'arnns déja dit, s'il a pour b11L d'em pêcher l'é ·
trangerde se lancer à la légère dans des prod.'s qui puissent
nuire au crédit des nationaux, il r,st évident qu'il est
des cas où ces dangers n'existent pas et alors l'appli ca tion
de la loi deYient inutile. Un de ces cas se présente lorsque
l'étranger pourrait justifier qu 'il possède en France de~
im meuLles snffisants pour répondre aux indemnités qu i
-
159 -
pourront étre allouées au défencJcur. Nous disons donc, que
l'étranger qui prouvera qu'il possède des immeubles en
France serait dispensé de fournir la cai1tiu j wlir:atmn solvi,
mais il fant que l'étranger fasse la preure devant le tribunal qui doit statuer sur le procès. C'est lui qui doil
apprécier la valenr el l"existence de ces immeu bles et statuer s'ils son t suffisa nts pou r garan tir Je. intérêts du défendeur. On s'e t demandé si. dans le cas où l'étranger est
dispensé de fournir cau tion parce qu'il a pronré qu'il possède en France des immeuble~ suffisants , Je défendeur peut
prend re une inscription d'hypothèque sur ces immeuble.?
Nous ne le croyons pas. Que nous dit l'article 1G? C'e L
que l'étranger doit prouver l'exi leoce des immeu bles
qu'il possède en Fraoee ; aller plus Join et accorder une
hypoth èque, ce serait lui Jonner une garantie de pins
qu'aucun texte ne nous autorise à lui donn er . Nous diraiton que l'étranger peut vendre ses immeubles pendant Je
cours du procès el prendre la fnite. Nous ne pou,·ons pas
admellre qu'un étranger qui pos ède des immeubles en
Fran0e aurait recours, comme le dit avec beaucoup de raison M. BonOls, pour une misérable question <le dépens, à
une vente qui ne pourra lui être qne préjudiciable . Même
en admellant qu'il les rende. le défenùenr aurait toujours
la facu ll é, en inyoqu ant l'article l 16ï, d'annu ler l'aliéna tion.
L'étr:ingel" e, t dispense de fournir la cautio judicatu111
8olui dans toutes le' malièrc qui son t ùe la compétence
des tribun aux c] P, commo1·cc. En o!Te t celte exigence aurai t
entravé la r:ipidi Lé qu'ex igent ces alTaires. La modicité des
�-
HiO -
prix qu'entraîne la procéùure ùeran Lces tribunaux rend
celle ex igence inutile.
~e son t pas ter.us de fournir la cau tion:
1° L'étranger qui a consigné la somme jusqu'i1 concur-
rence <le laquelle le tribunal a jugé que l'intérêt du défondeur doi t ètre sauvega rd é.
2° L'étranger qui appartient à. une nation qu i à cirnclu
arnc la France un traiLé dispens:rn t ùe fournir cau tion.
3° L'étranger autorisé à étab li r son domicile en France
conformément il l'al'licle 15 du Code.
ECTIO:N III
Le Code ciril ne se prêoccnpe point des contestations
entre étrangers. En présence <le ce défaut des textes pouvons-nous admettre qu'un tribunal français peut être valablement saisi par le consentement commun de deux étranger ~ Que l'un deux pourra contraindre l'autre à comparaître et qu e le tribunal sera forcé de se pronon cer sur la
contestation? Plusieurs auteurs ont répondu affirmativement à ces questions. La jurisprudence et la majorité des
auteurs cependant admellent qu'un étranger ne peut pas
contraindre un autre étranger à comparaître devant les
tribunaux fran(ai s et que si deux étrangers sont d'accord
-
Hl! -
pour sou111ettre leur différend 11 l:eS tribunaux, ceu x-ci
peuvent. ans déni de ju lice, e déclarer incompéten ts. Ces
principes cependant ne cloi,•ent pas être en tendus d'une
mani ère trop absolue, car la loi élanl muette sur cc point
les tri bu oau x onl la. l'acu lté d'appréciation.
li est des cas oü les tribunaux sont de plein droi t compétents. Ain i les tribunaux. français sont compétents en
matière commerciale. Ils sont compétents aussi dans tou tes
les contestations relati ve, a des immeubles iLués en
Fra nce. Il en est de même de toutes les actions qui touchent
à l'ord re publi c. De même ils son t ~ompél cn ls dans le ca
où un étranger e porte partie civil e con tre un étranger qui
loi a causé nn préjudice par un fait déliclu eux.
�-
165 -
l>ROI T ROMA l?i'
1. - La Conslilulion <le Caracalla n'a pas eu d'effet
à l'égard J es peuples qui. plu s tard. <levaient être réunis
à l'Empire Romaiu .
Il . - .Même ~1 l'époque d assique la li mite de l'in/a111ia
élair détermi11ée par l'àge fi xe de sept ans.
III . · ·- Le mari doit-il toujours a la dissolution du mariage la resti tu li on de la dot ? No n.
IV. - Le j ws itulirnm n'est pas un droit personnel,
c'est un privilège accordé h nn territoire. privilège qui a
!Jour effet ùe rendre le sol ùe ce territoire susceptil.ile dn
clomz uiwn
CJ.'
j iu-c Qttil'ilium .
Le sénatusconsultc Macédonien s'applique-t-il
à toute espèce d'obli gations qu el que soit lenr objet ~
Non.
V. -
�-
~
lli'i· -
\'l.- La stipulatinn aquilien11c est un gcmc ùe noYation
qni a pon1· ohjet un rlroil supposé dèdnil en justice.
165 -
d'un
· · délivré par un tribunal f ·
. ordre. d'cxecut1on
.
mais cc Lnbunal n'a pas à 1wo é 1 . . .
. . . ' ançars,
c ( ei a une rev1s1on du ·
gement.
Jll-
DROIT CIVIL
DROIT
En dehors des tra ités, l'étranger. non admis
à établir son clomicil c en f'r:rn cc . jouit cl c Lous les droits
Vll. -
ciYils qui ne l11i sont pa refu ses.
\'Ill. - Une personne peut-elle n'avoir pas de domicile? - Non.
IX. - - Le m:triage putatif produit les mêmes elTeLs à
l'égard des enfan ts natu rels .im pi e. reconnu. qn'à l'égard
de enfants issu de mariage.
X. - Un élr<ui ~er dirnrcé, d'après les lois de son
pays , peut-il eu Franl:c:, cunYuler en secondes noce du
Yirnn t ùe son GOnjuiuL '? - Oui .
XI. - La Gunùition ùu co nstrucleur de bonne foi sur le
Lerrain d'autrui est-elle réellement inférienrc ;, cell e du
constructeur ùe mamai c frJi ? - Non.
X.Il. - L'étranger, int:apablc d'après sa lui personnelle. peut se faire restituer c.:o11Lrc l'obligation qu'il a
wu lraclée aYei; u11 Fran çJis, h moins quïl n'ait usé de
llloyens frau duleux pour cad1er son incapacité à ce der111r l'.
XII I. - Le:; jugemen ts rendus par les LrilJuuaox étrangers iw soul exéi;uluircs en France que s'ils sont revêtns
PÉNAL
XIV.
- •En cas d'nn c plain lcen adu ltà·
'
.
.
vl e, ce n e l pas le
man qu 1 a 1 exercii;43 de l'action pu bl i ue
. ,.
.
en se conformant aux termes da l' q t' lri uorqu ri pnrssc,
. 1
ar ic e 537 du Code
pena ' suspendre l'exécution dn jugement et 1
.
XV _
.
.
a poursmle.
- .' .
Les infractions commises par un Fran çai en
pays
!)31' la
. ?_
. ell anger sont-elle ' punis<:ablcs
~
' 101· frança1se
0 u1.
. XVI. ~ r.. "et ranger <1ui se porte partie civi le doit fo urnir la ca nl1on j11dicat111n solvi.
DROIT
MARITIME
XVII. - Le cont rat d'a surancc con idéré en sa qualité
de contrat alêaloire se rnnfond -il aYec le .
1
.
- Non.
- ;en ou c parr?
DROIT
ADMINISTRATIF
X\'Ill . - La propriété lit téraini con· Lil uc-l-ell o une
Yéri t~bl e propri él6? - Oui.
�-
166 -
P R OCÉDURE
-
167 -
CIVI L E
XIX. - La caution j11dicat11111 solvi doil être ~etnafül ée
. i·1111111.e
. l't'
, 'avan t lonl au lrc excepti
on. memc celle
1n
t 1.s.
.
d' incompélence el de nullité cl'explo1t.
1
1ABLE DES ~IATIÈliES
Vu par le Pl'ofesseur, Prilsidenl de la Thèse.
EuoUARD JOURDAi\
DE LA OONDlTION DES ÉTRANGERS
C:N DROIT HOM.UN ET E::\ DROIT FRANÇAIS
Le Doyen de ta Faculté de Droit ,
Chevalier de la Légion d'honneur
ALFRED JOURDAN
ludrodneHon Hls t o rh1nc
Yu et permis d'imprimer :
. , .
Le Heclcur ile lAcadémie d Aix,
Cl:eva licr de la Légion d' honneur
BELI
L' Etranger de l' an liqu iLé et de nos jours. - Les Etrangers chez les
Hébreux . - Les Elran::;crs à Sparte et 11 A1hè11cs; leur condition.
- Division du sujet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
PRE.\11ÈRE PARTIE
T
l, eN f.:h •n n ,::.-a•s
•·n nroU U on1nin
CHAPITHE I
Le titre de Oitoyen et les Êtrangers en général
' ECTION
1.
-
SEcno11 Il. -
La considérn tion 11tt11ch11c uu litre de citoye n.. . . . tJ
L•·" r~/011011~ <I r' nnmoin.; <li'<'<' le.> ~ n tre~ nation' .. 16
s
�-
1(i8
-
169 -
CHAPITR E II
CHAPITRE VII
Oomment ne.it-on avec lo. qualité de Oi toyen ou cle Pérégrin?
La Oonstitution d'Antonin Oaracalla
Com ment dNcr011ne- t -on 1u nalionnlilé à Home '1 - La Loi. tll cnsia.
.
9
A
_ A quelle .,poque
se pince - t-on pour dél r rminer lu nallonallté .
·- E>.cmplcs . . .. · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Dut de Caracalla. - J::lîet et étendu e de 1 C
. .
de Justin ien . .........
n onst1tut1on. - Erreur
.
.. . . . . . .
19
CHAPITRE III
1. Stc110N li. ECTIO!I Ill. -
Latini wtcrcs . . · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · 25
Latini rolouwni .... · . · · · · · · · · · · · · · · · · · · · 3 1
;) .)
Latini junicmi . . · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
f, cs tta·a u.:rc1·~ 1
=
c nus 1' nnclcn ch•oit frau ~ais
Prolégomènc · . .
..
. ..... . .......... . ............. .
CHAPITRE IY
CHAPITRE I
Des Droits accordés anx Étrangers et de ceux qui leur étaient
refusés
Période Ba.rbare
SECTI O~
ECTI ON
SECTION
J.
Lt jus connubii. - /.a pall'ia polestas. - l,'ognalio
- f,a (actio t e~ tame nli. - I.e manw . - La T11tcta
Les Etranger s c hez
Ill. -
SEct•o~ lV. -
I.es obligations. -
le~
CHAPITRE IC
'12
Périodo Féodale
Les contrats . . . . . . . . · · · · ·
't5
Les actions. . . . . . . . .. . .... · . · .. · · · · · · · · ·
49
entre les deu " cla ·es d'au hains. -
Cond ition Jcs aubains. . . . .
CHAPITRE III
Oomment s'acquiert le droit de cité ?
Période Monarchique
1. -
SECTI ON
Il. -
SECTION
Les Affranchis déditices
But de Io lui ;Elia $cnLin. - Qui r~l d\·rl1L1cc '! La co11cl1lion el ln
suppressi on des ulTr~ nchi s déd1t1C'<'> . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . ·
SECTI Oi'i
51
CHAPITRE VI
EC TI Oi'i
55
65
Deux classe.; ct·aubains. -- Expli ca lion du moL aubain. __ Dilfèrcncl'
CHAPITRE V
DirTo!renls modes d'acquérir J;1 cit é, communs au" Latins cl aux
pér égrins. - fluit modes propres au~ Uilins
.... . .. . · · ·
()J
Gcrrn11i11$ el clwz les francs. . . . . . . . . . .
~8
JI. _ La propr itfü\. -
DirTér ents modes d'acquisition d e
la prop ri ~ té . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.. . ... ... .
ECONDE PARTIE
Les Latins
SECTION
'
Ill . J \',
-
;
0
Commencement de la p~ riode mor.archi que. _Qui
éloi l auba i n n - Comment de' eoai l -011 Frunça is?
- Perle tic la quoli l ~ ile Français. . . . . . . . . . .
71i
Dro11 d'uubain. -
79
Les étrange rs
(• l
Proc1ld urc cl'exéculiC1n . .... : .
Il':> droils pulil 1cs el polilifJU\'' .... :>':J
Fuvcu1s nccC1 rd(·rs nu.'C ouhnins. - E\ccplion nu
cl 1oil tl'n uboi n . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . s~
�, ECTIOI'
\".
170 -
-
_ Les ~t ransers devnnt les tribun aux . - La ca ution
j udicotum solri. - Lo contrainte por corps. La ce sion des bio'n~ ....... · ... · .. · . . . . . 87
17t - -
CHAPITRE V
L es Etrangers à l'égard des droits civils
Quel_ es~ le stns de l'a rticle Il ? princi pe de rt!ciprociti• ! .
Co1111ucnt J .
c oit-oo entendre son
. ... . .
TROISIÈME PAHTŒ
. . . ..... . ...... . l I J
CHAPITRE VI
Les É•ran;-c•·• clnns !C!' d1•0U ac•ue l
Les Etrangers et la Famille
Statu t réel. - ta t ut personnel. - llloria"e
- Adoption. - Tutcllr
o .
CHAPITRE I
enAPITRE
Des Lois relatives à. l'Êt ranger pendant la période
Révolutionnaire
CHAPITRE II
Qui est f ra.n9a-is? Qui est Etranger?
~CTIO\
SECTIOli
J. -
11.
-
SECTI ON
Des Etrangers domiciliés en France et des Etrangers ordinaires
Etrangers ordinaire~ et Etrangers domi cili és. - Condition ctes
El rangers domicili é . - Diflércnces entre lei. Etra ngers domiciliés
et le Français ........ , .. . ... . .......... ....... .. 1Oli
. · ·
· · · · · · · . H4
VII
Les Etrangers et les droits réels
Personnes êlrangères. - Comment peut- on dcYenir França is. l\aturalisalion ........... .. ... . ....... . . ... .. ..... 1 OO
CHAPITRE III
P .
u1ssancc paternelle.
-
. . . .. . . . • . .
]fi.
p ·o .été d
' prr • '. _es immeuble::. - Propriét~ des rncublès.
- D1 o1. ts réels :.cro11da 1rcs · - L'ét ra nger peut-ri.
ocqu fr1r hypotln'qu c en France ? . . .
Md
..... .. .
o _es d '_ac~u i ilion et de disposi11011 des biens. P1 rscripl1 011 . - Articles 7:G el 9H d C 1
f
.
u oce. .a 1o1 e1u 14 juillet 181 9. -·De la do n~ lion et f
tcsta•nc nt faits par l'étran"er
'u
o
. . . . . .. . .. .. · ·
- Le~ étrangers eLcertains droits d'une ooture pnrt1cul1èrc.- Des mines.- De fa propriété littéraire
et ar tistique. - Des brerets d'invention. - Des
marqurs do fabrique .. . ..
135
13!!
· · · · · · ·· ·· · ·. ·· IH
CH.\PITRE
nn
Les E trangers et les Contrats
CHAPITRE IV
Le$ Etrangers à. l'égard des droits publics et politiques
Les Etrangers et les droits publî c . - Les Etrangers et le5 droi ls poli·
tiqoe~. - ~e rv ice militaire. - Profe~sions de mMeci n, Avocal, etc. 1t t
Ln c:1paci té clc>s ét
,,
ron,.,crs. - 1ntrrprélJ lion c·xécu lion, n.11· nc11·on
1 con ver1 1·
(es
.
~·
iorh . - Locus 1·r911 actum.
•••••• •••• • ••• 1&6
�172 -
CHAPI'l'HE IX.
Les Etrangers devant les Tribunaux
$tcr1os J. -
Des CC>nle' totion cnlro Français et étrangers. - Le
fronça i> esl demandeu r, l'ëtran:;cr csl défend eur. t :io
Ecno~ Il - L'otrangcr esl demandeur, le Fron çai~ c~t dMenclcur.
- LA caution Jtlll icalum ~oloi .. . . . . . . . . . . . . 15!1
IGO
5rcno~ Ill . - Contestati on$ entre ëlrnngers .. ..
POSITIO~S
•• • • . •• • •• • . . •• .
Ai.t . -
•
• . . . . . . • • • . • • . . • • . • . • 163
Imprimerie J . !'i lCOT, rue du Louvre, lG. - '1:l7ll
�
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Monographie imprimée
Description
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Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
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Title
A name given to the resource
De la condition des étrangers en droit romain et en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit civil
Droit romain
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bracaloff, Christo N.
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-135
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J. Nicot (Aix)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1884
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/240712102
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-135_Bracaloff_condition_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
172 p.
In-8°
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/416
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
De la Condition des étrangers en droit romain et en droit français, thèse pour le doctorat (Autre titre)
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1884<br /><br /> Dans cette thèse, l’auteur affirme qu’au-delà du souci d’équité et d’humanité qui engagent les nations à traiter avec faveur les étrangers, il y a aussi l’intérêt, et surtout les lois économiques qui s’imposent à elles. En partant de cette hypothèse, il survole les conditions des étrangers chez les Hébreux et les Grecs, avant de s’intéresser de façon plus approfondie au cas de la Rome antique. Avant son extraordinaire expansion, Rome avait besoin d’une population pour s’agrandir, et elle accueillait bien le <em>hostis</em> qui signifie : « égal ». Ce n’est qu’en s’étendant que Rome, n’ayant plus besoin des étrangers pour étoffer sa population, voit la définition du mot hostis devenir péjoratif en signifiant désormais : « <em>ennemi</em> ». C’est le peuple contre lequel on lutte, et s’il est vaincu, il devient <em>peregrinus</em>. Le dernier terme latin qui indique les étrangers est <em>barbarus</em>. Il désigne les nations extérieures à la civilisation romaine, et qui n’ont aucune relation avec celle-ci.<br /><br /> Ce travail de recherche explique donc l’évolution de la condition des étrangers selon ces différents contextes. Comment définit-on la qualité de citoyen ou de pérégrin à Rome ? Quels sont les droits des étrangers ? La thèse tente de répondre à ces deux questions aussi bien durant l’époque romaine que tout au long de l’Histoire de France : de l’Ancien Régime au XIXe siècle, époque contemporaine à l’auteur. Ses interrogations sur les droits civils, sur les droits des contrats, ou encore sur la situation des étrangers devant les tribunaux français, restent d’une évidente actualité de nos jours.<br /><br /><span lang="fr"><span style="font-family: Calibri,sans-serif; font-size: small;"><span style="font-size: 11pt;">Résumé Liantsoa Noronavalona (2020)</span></span></span>
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
A la fin du 19e siècle, les relations économiques entre les peuples obligent à considérer avec faveur les étrangers, jusqu'alors le plus souvent perçus comme des ennemis, et à leur accorder des droits réels
Étrangers (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Étrangers (droit) -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/428/RES-AIX-T-140_Garnot_Etrangers.pdf
3b74606e113b402781568b296ff4a568
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FAOULTÉ DE DROIT D'AIX
APERÇU
SUR LA
CONDITION DES ÉTUANGEBS A. ROME
ET
CONDITION DE L'ÉTRANGER SOUS LE DROIT PUBLIC FRANCAIS
~
THÈSE POUR LE DOCTORAT
PRfSENTtE ET SOUTENUE PAR
XAVIER GARNOT
PARIS
LIBRAIRIE NOUVELLE DE DROIT ET DE JURISPRUDENCE
ARTHUR ROUSSEAU, ÉDITEUR
H,
RUE SOUFFLOT , ET RUE TOULLIER,
ti85
1m1 ïfüîï1ï'liï11If1füTiï'11
100215452
f3
�APERÇU
DE LA
CONDITION DES ÉTRANGERS A ROME
CHAPITRE PREMIER
L'~TRANGER DANS LA LMISLATION ROMAINE
Tandis que la conquête moderne s'efforce d'assujétir les
populations conquises à la législation du pays, vainqueur,
malgré leur invincible répugnance pour le régime imposé ;
la conquête romaine procèdait différemment, elle maintenait
leurs propres lois amr vaincus, et c.'. est comme une favtmr que
ceux-ci sollicitaient le Droit de la Cité.
Ce n'est qu'à son corps défendant que Rome cédera la
jouissance du jus civitatis. C'est un signe général des peuples
primitifs, ils conservent pour eux-mêmes et jalousement,
comme chose sacro-sainte, leurs institutions. La nécessité battra en brèche cet esprit de privatisme. Dans la suite un revirement s'opère et Rome jette au contraire à profusion son cb·oit
de cité, elle n'en a plus que faire, elle r offre à qui le désire ,
le hochet de l'enfance do la puissance romaine, dédaigné par
la Rome universellement triomphante, passe aux mains des
peuples subjugués.
i
�2
•
CONDITION DES ÈTRANGERS A ROME
Les habitudes séparatistes des petites agglomérations devaient
disparaitre dans une société qui allait grandir et dominer le
monde. La société des peuples italiens ne ponvait comporter
longtemps de profondes différences dans son état juridique et
de bonne heure on voit s'établir des législations mixtes, comme
le jus latii, le jus italicum, qui se rapprochent plus ou moins
du jus civitatis, jusqu'au jour où toute l'Italie jouira de la
Cité Romaine.
Dans ses rapports avec les étrangers, Rome ne s'élève pas aux
conceptions humanitaires du droit International moderne.
Dans le domaine du droit privé, son jus gentium n'a jamais
été qu'une déférence à la nécessité, à la logique, à la brutalité
des situations ; dans le domaine du droit public, et de la diplomatie, l'art de jouer ses adversaires ou ses alliés par les dispositions fallacieuses des traités préparés par les Féciaux.
Le privatisme du droit qui caractérise toute la société antique devait être plus absolu à Rome qu'ailleurs. Peuple
d'agriculteurs et de guerriers, les Romains devaient porter la
marque commune de ces deux conditions : l'âpreté dans la
rétention des biens et des avantages quelconques, conséquence
d'un labeur pénible, d'une lutte perpétuelle pour vivre, contre
la terre et contre les hommes.
La possession du sol romain, comme l'usage des moyens
de défendre son droit, ne devait nécessairement n'être con'Cédé qu'à grand'peine à quiconque était étranger.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que l'agrandissement incessant de la République crée une activité économique et implique des relations étroites avec les voisins conquis, il devient donc impossible de ne pas se départir de l'exclusivisme
de la législation, et force est de reconnaître une valeur et une
sanction à une première catégorie d'actes juridiques tels que
les contrats de vente, puis à une seco nde catégorie d'actes tels
que le mariage, la :filiation, etc: Cette dernière, devait être
1
L ÉTRANGER DANS LA LKGISLATION ROMAINE
admise plus tardivement, car elle se rattache aux mœurs et
celles-ci se prêtent moins aux changements que les rapports
économiques. Enfin, une cause importante, le besoin incessant d'agrandir la surface du recrutement militaira, fit aussi
consentir aux étrangers l'accès de la Cité Romaine ; c'était le
service militaire acheté contre la concession et la jouissance
de droits civils jusque-là exclusivement propres au civù Romanus.
Malheureusement les documents sur le mouvement économique de Rome sont rares et il est difficile de suivre pas à pas,
en le prenant pour guide, la conquête des droits divers de
l'étranger d'après le jus gent ium. En général on attribue au
rôle militaire et conquérant de Rome une importance trop absolue ; la vie commerciale doit entrer pour une large part dans
le développement de ce d1·oit des nations. La chronologie des
droits consentis est néanmoins assez significative, vers la
fin de la République et au commencement de l'empire.
Du jus gentium.
Le jus qentium a été l'objet d'innombrables dissertations chez
les anciens comme chez les modernes ; il semble qu'on lui a
donné un caractère philosophique, métaphysique, dirions-nous
presque, qui était bien loin de la pensée de ceux qui l'appliquèrent au début, c'est-à-dire les premiers préteurs. Avec Cicéron
et les commentateurs on épilogue sur la portée de ces mots jus
gentium. Ulpien se lance dans une distinction fort confuse du
jus gentium et du jus naturale: Caïus et Justinien expriment
simplement que ces expressions ont lP. mème sens : Ce sont
manières de parler différentes à des époques écartées, pour
désigner la même chose.
Qu'est-ce donc que ce jus gentium dont l'extension devien-
�CONDITION DES ÉTRANGERS A ROME
dra si grande, qu'en réalitéilsupplanteral'ancien droit. -Jlsuffit de traduire naturellement jus gentium, le droit des nations, le
droit dont se servent communément les divers groupes sociaux
qui entourent Rome, et avec lesquels elle est en contact. Ce sont
les Institutes qui le définissent et le désignent parmiles sources
du Droit <c •• quod vero naturalis ratio inter omnes homines
co11stituit, id est apud omnes populos pe1·œque custoditur, vocaturque jus gentium, quasi quo jure omnes gentes utuntu1·. Et
populus itaque 1·omanus partim suo proprio, partim communi
omnium hominum jure utitur 1 » •
Lorsque les relations avec les étrangers exigèrent l'intervention de formes juridiques, ce ne fut pas au Droit Civil que l'on
empruntât ses règles, mais ont eut recours aux usages qu'on
voyait en vigueur chez les étrangers, et puisque ces formes
suffisaient à les obliger chez eux, on conçoit que les romains
ne fissent pas de difficulté pour se les approprier. Ils conservaient pour leurs rapports personnels les règles ex jure quiritium. t< Par conséquent, le jus gentium fut la collection des
règles et des principes que l'obsarvation signalait comme
commune aux institutions quî régissaient les divèrses tribus
italiennes 2 1>.
C'est à la faveur de cette législation du dehors que le préteur ne cessait d'étudier que les étrangers accédèrent, à Rome,
à la vie juridique: cette législation plus souple, se pliant si
bien à toutes les exigences de la vie sociale de plus en plus
compliquée fit que le discrédit allait s'attacher aux vieilles
formes du Droil des douze Tables, et que le jus gentium prenant le nom de jus natw·ale, allait devenir, sous cette appellation nouvelle, l'idéal juridique. C'est l'épanouissement de la
juridiction d'équité du préteur. - L'influence de la philosophie grecque se faisait aussi sentir dans le Droit et servait à le
t
L'ÉTRANGER DANS LA LÉGISLATION ROMAINE
spiritualiser. D'après Justinien c'est au droit des gens, c'est-àdire au droit naturel, qu'on est redevable de presque tous les
phénomènes juridiques. « Ex hoc jure qenlium omnes pœne
contractus introduct? sunt, ut emptio, venditio, locatio, conductio societas, depositum, mutuum et alii innumerabiles. 11 11
eut été peut-être plus exact de dire que le temps et les nécessités avaient amené à ne plus faire attention à la qualité
sociale des personnes contractantes et à unifier les procédés
juridiques dont on faisait usage.
Ce n'est pas d'ailleurs à Justinien qu'il faut s'adresser pour
avoir une idée nette du droit des gens et du droit naturel, sa
compilation est des plus maladroites à ce sujet. Le passage que
nous signalons, rapproché du § 2, éclate en contradictions. Il
y a là une reproduction des systèmes èe Gaïus et d'Ulpien
coulée dans la même suite de définitions et de divisions qui
fait la plus grande confusion. - Gaïus invoque la naturalis
ratio, c'est l'école g recque qui remonte aux causes, à une
sorte d'inneïté des principes du droit. - Ulpien se rapproche
plus de la vérité, malgré des erreurs et l'expression choquante, u quod natura omnia animalia docuit 1 » dit-il, en
parlant du droit naturel. .Mais il voit bien que l'homme est,
à l'origine, àans un état de nature anti-social : seulement ce
droit naturnl qu'il suppose n'est autre que celui d'exister,
aussi bien pour les animaux que pour l'homme. Peut-être est
ce là son droit commun aux hommes et aux animaux. Il est
cependant frappé de l'état de lutte perpétuelle qui divise l'humanité; si l'observation est juste, l'erreur est de faire de
cette époque un âge d'or. -llétait inutile d'imaginer une seconùe phase de l'humanité, celle de la constitution en société et ù'où dériverait tout le mal, les guerres, l'esclavage
et tous les privilèges~.
Juat. lnst. t. II, i.
• Sumner :&laine. - L'ancien Droit.
1
~
L. 4. If. tl. de Just. et jure. Ulp .
L. 5. If. Juetit. ot jure, Ulp.
�6
CONDITION DBS ÊTRANGBRS A ROM E
Les nations une Cois formées, les besoins dictent les lois
ainsi que le jus proprium : cette observation est exacte, ell e
correspond à la réalité des choses. C'est la doctrine de l'utilité, c'est topportunisme dans le Droit. Mais, la divergence
des législations et leurs nombreuses transformations ne sontelles pas un indice assez significatif ? Et est-il possible d' attribuer un autre fondement au Droit. Si les anciens se sont un
pou égarés sur les questions de philosophie du Droit, la
science contemporaine restitue aux phénonèmes leur véritable genèse et c'est là le point important.
Aux environs de la première g uerre P unique, Rome commerçait activement avec la Grèce, Carthage et la côte Méditerranéenne, le préteur de la ville ne suffisant plus à connaitre
des contestations multiples qui naissaient entre étranger ou
entre étrangers et romains, un magistrat spécial fut institué,
le Prœtor Pet'egrùms (507).
GHAPTTRE II
PRE111IERS l\APPORTS EXTÉRIEURS DE ROi\tE
Quand Rome n 'est qu'une bourgade, l'individu étranger à la
tribu de Romulus n'a droit à aucune protection, etles rapports
de tribu à tribu sont assez semblables à ceux dont les peuplades à demi civilisées, encore de nos jours, offrent le spectacle : c'est la r éduction er. l'esclavage ou !'application aux:
travaux communs de l'étranger ·tombé aux mains de la tribu,
toujo urs g uerroyante pour le prétexte le plus futile. - La
g uerr e incessante des romains avec leurs voisins, l'esprit militaire de Rome, à travers les âges, est un fait presque unique dans l'histoire des nations. La cause en parait néanmoins
saisissable si l'indication des historiens est exacte. Qui sont les
compagnons de Romulus? Un groupe d'expulsés, do bannis, de
malfaiteurs repoussés des régions environnantes déjà parvenues
L'Étruriij notamment,
à un cortain degré do civilisation . à en juger par les documents artistiques retrouvés contemporains de la fo ndation de Home, qui témoignont <le mœurs
pacifiées et commerçantes. - Quelle région los abrite '? los
plis do terrain formés par plusieurs collines, uue contrée
plutôt malsaine, saus doute à peu près déserte. La r6pulation
des habitants dti Latiu\n devait être déplorable, particulière ·
•
�8
9
CONDITION DES É'fRANGl!:RS A ROME
PREMIER!! RAPPORTS EXTÉRIEURS DE ROME
celle des hôtes de l'Asyle du Capitol1'n · - 0 n se soument
.
v1en~ que tous ceux qui venaientlà chercher refuge devenaient
.
deva1ent
. .
auss1tôtmembresdelatl'ibu
tenir à
· - Lesci'tés vo1smes
.
obtinrent ce droit avantl'empire, cependant Tite Live, XXV, 3,
rappelle qu'ils auraient eu le droit de voter avec l'une des
distances ~e population disposée à l'ex0gamie ; lutter fut donc
.
une cond1t10n d'existence pour cette poignée d' bomm
. es qui,
·b
·
msens1 lement, s'e.xerr.èrent à dominer tout le monde con l
i u.
hi
F
ranc, sso~s cette période sans intérêt, pour arriver, à l'époque ou la cité grandie a étendu son activité sur res u
P q e
toute l'Italie.
L'~trang~r. est appelé Pereqrinus, terme générique opposé à
celui de Cwzs. Mais parmi les percg1·ini on comp renait des
catégorie~ très-diverses d'étrangers.
C'est ainsi qu'on distingue.
..
- Une comm unau t e' d e race et un vo1s1111J.ge
plus
.
. Les, latini.
1mmed1at les unissait aux Romains.
L~s socii ~omini latmi. - Alliés de Rome auxquels on concédait certarns droits.
Les Peregrini dediticii. - Ennemis de Rome qui, s'étant
rendus, avaient été entièremenl subj ugués.
Les Barbari. - Peuples avec lesquels les relations étaient
plus rares, en tout cas hostiles, appartenant généralement à une
race différente.
Examinons la condition de chacune de ces classes.
Latini Veteres. - Habitants du Latium en conflit avec la Cité
naissante, leur identité d'origine avec le groupe r.omain renùait
une assimilation nécessaire : aussi, les voit-on de bonne heure
en ~ossession de certains droits, tel que le jus commcrcii; c'est
t~UJOUrs le premier réclamé, puisqu'il règle la possession des
biens et les transac tions diverses. Les Latins voulaient davantage , principalement le ùroit d'accès aux magistratures, le ;us
honorum : ne ~e considéraient-ils pas comme les égaux des
Romains? leur titre étaient les longs combats sou tenus a voc
Rome contre les ennemis communs. Il est peu probable qu'ils
tribus lorsqu'ils se trouvaient à Rome.
Il est ?robable que le jus connubii devait leur être accordé,
il existait certainement au temps des rois, la sœur d'Ilorace
était la fiancée de Curiace qui était Albain. Tarquin le Superbe marie &a fille à un Latin, Mamilius Tusculanus . Toutefois,
après cette époque, il est permis de douter, car au lieu d'une
seule alliance formée avec tous les peuples latins, Rome impose
à chacun d'eux des traites séparés et très-divers. D'ailleurs un
texte de Tite Live, LVIll, 14, parlant de l'issue de ces guerres, reconnait que certaines distinctions furent opérées entre les peuples qui, restés fidèles à Rome, n 'avaient point participé au
commune cum aliis latinis crimen. Enfin Ulpien, V. 4, dit qu'il
fallait pour le connubium une concession expresse. « Connu-
bium habeat civis Romani cum civibus romanis; c um Latinis
autem et pereg1·inis ita si concessum ait. » (U6 U. C.) Toutefois il est plus probable que le connubium persiste, il semble
qu'il devait découler de la communauté de . race et de culte,
le connubium ayant un caractère religieux et ancestrale ; enfin de l'extrême facilité donnée au latin pour devenir citoyen
romain. Les traités imposés aux latini devaient avoir plutôt
un caractère exclusivement militaire, car il s'agissait de dissoudre, par une politique nouvelle, une ligue dont Rome avait
eu à souffrir. Quant aux relations privées avec chaque peuplade il n'y avait pas lieu de les modifier.
Gaïus I, 96 , indique les conditions à remplir pour l'acquisition du droit de Cité. Tels sont l'établissement du latin à
Rome, les fonctions publiques remplies dans le Latium, la
condamnation obtenue contre un magistrat romain sur une
accusation de concusions d'après la lex Servilia Repetunda-
mm (Cit. pro Balbo, 24.).
Latini Colonarii. - Rome, presque au début de la Républi-
�tO
H
CONDITION DES ÉTRANGERS A ROME
PREMIERS RAPPORTS EXTÉRIEURS DE ROME
que, expédiait au dehors des colonies chargées de la défense
des territoires extrêmes, aussi comme propres à former des
sortes de comptoirs commerciaux.. Tant que ces colonies furent
exclusivement composées de citoyens Romains., elles prenaient
le nom de coloniœ togat<e. Dans la suite ce furent les éléments
tirés des pays latins qui les constituèrent. La condition des
habitants de ces colonies était meilleure que celle des pérégrins
ordinaires ; ils avaient la jouissance et l'exercice de certains
droits, dont l'ensemble fut plus tard assez bien défini pour
être désigné sous le nom de jus Latii.
Après la seconde guerre punique, on compte environ trente
colonies établies en Italie et investies du jus Latii. Le jus
commercii en fait certainement partie intégrante, quant au
commbium les raisons qui permettent de supposer qu'il était
accordé aux Latii veteres, n'existent pas à l'égard de cette autre
classe de latini. Ces derniers ont leurs mœurs, leurs usages, ils
demeurent loin de Rome et les avantages qu'ils pourraient retirer
duconnubium se comprennent moins. De plus le citoyen Romain,
qui était envoyé aux colonies, subissait une capitis deminutio,
ce qui prouverait que, ces colonies ayant une autonomie, la
condition de leurs habitants, au point de vue romain, était juridiquement inférieure, (G. 11, 31, III, 56).
Cette législation spéciale tiendrait donc le milieu entre l'état
juridique des pérégrins ordinaires et le jus civitatis. Elle
était un acheminement vers le Droit de Cité, et Rome s'en
montrait assez avare. Cependant, en récompense de leur
fid élité, des villes entières, ou seulement les magistrats de ces
villes se virent concéder ce jus Latii. li se maintiendra longtemps; on le voit étudié par les j urisconsulles de l'époque clas·
sique. Mais nous en reparl"rons plus loin avec quelque détail.
Ces latins cotonm·ii semblent disparaître du sol italique aYcc
la concession de la Cité à toute l'Italie, par l' elfct do la loi
Julia de civita!e, mais ils se mainlien<lrout dans les colonies
d'Afrique, d'Asie, d'Espagne, des Gaules. Vespasien déclarait
latins colonarii tous les habitants de l'Espagne.
Populi Socii. - En parlant des latini veteres, nous avons
compris quelques•uns des socii de Rome, mais l'empire Romain, englobant successivement tous les groupes ethniques
du monde connu, les civilisations les plus variées, les nations
pacifiques ou belliqueuses, il devait successivement réserver
à chaque peuple des traitements distincts, appropriés à leurs
facultés . On exigeait ainsi des tributs et presque toujours des
contingents militaires, ces traités étaient élaborés par les spé·
cialistes qui composaient le collége des Féciaux.
On distinguait donc les Cités (œderatœ, liherœ, stipendiat'iœ. Dans les provinces, les habitants appelés peregrini provinciales étaient placés sous la dépendance assez étroite du
gouverneur, dont les pouvoirs étaient réglés par un senatusconsulte.
Quand l'instinct de défense et de suspicion contre tout être
du dehors est insuffisant pour expliquer une loi d'exception
toujours armée, on ne peut rattacher la persistance des institutions qu'à l'empire de l'habitude. Rome présente cet exemple, et on le retrouve d~ns notre législation française, au sein
d'un peuple d'un esprit cepenùant mobile et bien peu conser·
vateur. Nos lois à l' égard de l'étranger attendent encore de
nombreuses améliorations.
Rome à l'époque où nous nous plaçons va créer le Prœlor
pereqrinus, magistrat chargé d'appliquer une législation mixte
aux étrangers, dans laquelle le droit civil et sa procédure d'abord réservés au civis 1·omanus s'étendrqnt peu à peu à l'étranger pérégrin.
Le pereqrinus devra porter son droit devant un tribunal
constilué à son usage, devant la juridiction des recuperatores.
�!2
CONDITION DES ÉTRANGERS A ROME
Avant d'entrer dans les détails de 1a mise
. en action
. du d .
que. peut invoquer un pér égrin
' occupons-nous de l . ro1t
.
cation de ce terme et des qualités de la
.
a s1g01figrinus.
personne du Pere-
CHAPITRE III
CARACTERE J\lRIDIQUE DU PEREGRINUS
On naît péréq1·ùi ou on le devient. - Le jus connubii propre
au citoyen romain avait, au point de vue des enfants à naitre
de cette alliance, un effet analogue au mariage chez nous. ll
donnait à l'enfant la légitimité et les droits qui en dérivent
dans les sociétés organisées. Il rattache l'enfant à une nationalité déterminée . - Nous avons continué le système des Romains qui jugèrent qu'il était plus rationnel d'attribuer à l'enfant la nationalité des parents sans se préoccuper du lieu de
sa naissance. L'histoire des luttes de Rome impliquait d'ailleurs
une telle solution. Nous avons seulement introduit quelques
tempéraments. (art. 9 du C. Civil.)
L'enfant né de deux pbrégrins naît donc pérégrin.
Quid au cas où le père est citoyen romain et la mère pé·
r égrine? ou inversement. Ainsi posée la question est incomplète, et il faut aussi considérer un autre élément; l'instant
où commence la vie juridique de l'enfant. Doit-on envisager
le moment de la conception ou le temps de la naissan~e ?
Caïus I, § 90 fournit la réponse en faisant une distinction ;
l'enfant a-t-il été conçu ex justis nuptiis, il naîtra civis romanus, sa mère fut-elle devenue pérégrine à l'instant de l'accou-
�CONDITION DES ÉTRANGERS A ROME
CARA CTÈRE JUR1DIQUE DU PEREGRINUS
chement ; a-t-il été conçu v ulgo il naît , , .
de l'union dépendra la qual1"té d, l' f peregrm. De la nature
..
e en ant .
Gaïus nous apprend encore I § 92
.
grine et qu'elle concoive vulrr , . qu_e s1 ~a m ère est péré•
, , •
•
:J o, neanmoms s1 ell
d .
mame a 1 epoque de 1,
h
e ev1ent roaccouc ement l'enf t
•
romain. Toutefois la conception est- u' l a~ naitra citoyen
a
·
·
e e a suite d'u
·
vecun perégrin et conforme aux r ,
.
n manag e
l'enfant naît pérégrin à
.
egles usitées entre P4r égrins
,
moins que le p '
,
'
droit de Cite. C'est ce q
di
ere n eut obtenu le
ue spose un s
t
drien .
ena us-consulte d'Ha-
ville étrangère . Enfin, revêtaient encore la qualité de pérégrin, les citoyens qu'atteig nait toute media capitis diminutio
provenant d'autres causes q ue celles que nous rappelons.
11 suit de là, que 1es Justes
.
noces em
le plus favorable S'"l ,
.
portent toujours l'effet
1 n Y a pomt de ·
•
t
suit la condition de l
,
.
JUS es noces, l'enfant
a mere mais
'd '
mère à l'instant de l'a
h'
cons1 ere la qualité de la
ccouc ement
En principe les justéE nuptûe ne.
.
citoyens romains To t
peuvent avoir lieu qu'entre
.
.
u 6J01s il ne faudrait
;ustéE nuptûe fussent ,
.
pas croire que les
.
necessau es pou r d
citoyen romain à l' f t , .
onn er la qualité de
.
en an . L union r é lt
,
nium ou du concubinatu aura le
su ant d un contuberra teurs sont citoyens
.
même résultat, si l es généromams La pos51"b 1'l"té
1 du connubium
est suffisante.
·
Ç'
•
•
remarquer qu ' une 101. Mens·
d Faisons
, .
.
,
e leg1slatîon que me ï
ia avait precédé l'état
.
n tonne Gaïus au § 92
p1en §" 8. T. v. dit
· - En effet, UJ.
.
, par1ant des enfants
.
connubw matris cond .t . .
· «. • • Non znlerveniente
.
z zom accedunt
gnno et cive Romana
.
' accepta eo, qui ex pere.
nascu ur · nam ·
.
quonia.m Lex Mensia
'
zs peregnnus n ascitzt1·
ex a1terutro
·
'
parentis conditionem
. .
pei·egnno natum deteriori
On d .
sequz 1ubet. ,,
evzent p érégrin. - L .
sou s I'"inil uence d~ ce t . a cité romaine pou vait
· se perdre
r a1ns acte . .d"
caractère de peine t 1
. s Jan iques ayant souvent un
.
' e que 1'1nterd· ·
•
ict10n de l'eau et du feu ou
b rnn encore par le si J
mp e fai t tout
1
,
vo ontaire et sans caractère pénal d' un chan
g.ement de cité, de l'h abitation dans une
Dr oit de famille du pêrêgrin.
En principe le P érégrin est régi par son statut local, et à
Rom e il ne peut faire valoir aucun droit d'agnation , de tutelle
légitime, etc . Toutefois, à propos de la validité de son mariage
et de ses droits de puissance paternelle, il est une remarque à
faire. Soit que le mélange des romains et latins fut extrême et
que des confusions d'origines faciles en r ésultassent, au point
de donner lieu à la législation de l'erroris causa probatio , ou
bien que l'erroris p robatio fût un artifice ingénieux. pour faci liler l'accès de le Cité, t out e n entourant cette admission de
formalités qui rehaussaient la faveur accordée, quoiqu'il en
soit, on voit par cette procédure que le mariage du pérégrin
était reconnu à Rome pour produire l'effet puissant de la présomption, pater is est quem nuptùe demonstrant, et cel ui plus
g rave eneore de fonder la patria potestas dans certains cas .
- Gaïus, l, 68, rap pelle le r ésultat de l' erroris probatio et
m ontre un pérégrin parvenant au droit de cité, jouissant des
conséquences de ce droit à l'égard de son fils, incipit filù1s in
potestate patris esse. Espèce spécialement prévue par la loi
Elia Sentia. La femme romaine avait l'initiative de l'en oris
p robatio : elle établissait que sou m ariage avec u n pérégrin
ou un latin était le r ésultat d' une erreur, qu'elle avait cru son
mari romain. 11 y avait alors comme un connubiwn post facto.
La putria potestas n'ét ait cependant acquise qu'au pérégrin
parvenu à la cité dans ces circonstances spéciales. Devenu ci-
�CONDITION DES ÈTRANGERS A ROME
toyen romain dans des conditions dilférentes, une formalité
particulière était nécessaire. En effet, Gaïus, I, 93, • Si perigrinus cum liberis jam natis civitate romana donatus sit, non
aliter filii i"n potestate ejus fiunt, quam si imperator eos in po-
testatem redigerü; quod ita domum ù f acit si causa cognita
aJstimaverit hoc filiis expedire .. . ,, V. G. I, 94, 95.
CHAPITRE IV
LE PRJETOR PEREGRil'iUS. SON OEUVRE
-
Son institution se place environ vers l'an 507 de Rome : sa
situation est semblable à celle du Pnetor Urbanus, comme celui-ci, il est élu dans les comices en centuries (Tit. Liv. 7.
L ) Bien que leur dignilé fût égale et que souvent ils se suppléassent l'un l'autre, néan moins il samble que l'opinion attachait une plus grande considération aux fonctions du Prœto1·
Urbanus.
Son œuvre est un travail de fusion et de conciliation Ju
Droit Civil ~omain avec les législations propres aux étrangers :
elle porte sur la matière du Droit de propriété et de succession, du Droit d'action .
Au point de vue territorial de la compétence du Pr.:etor Pe1·egrinus on peut dire que le principe actor sequitur forum 1·P.i
domine trop toutes les législations, pour qu'on s'en départît à
l'occasion du pérégrin. Le P1·œtor Pe?·egrinus connaissait des
affaires, lorsque le défenseur pérégrin résidait à Rome; à plus
forte raison si ce défendenr était citoyen romain. li est assez
présumable qu'un ordre du Sénat pouvait l'envoyer rendre la
justice en Italie. Mais le plus souvent, en dehors du territoire
de Rome, c'était encore le principe act01· sequitur qui ét11it ap·
2
�CONDITION DES ÈTRANGERS A ROME
iS
pliqué et le pérégrin défendait devant son juge local .
Il est düficile de séparer l'étude des droits dll pérégrin de
celle des actions qui lui compètent. En effet, rigoureusement,
le pérégrin n'ayant pas la jouissance du Droit à Rome, ses.
différentes transa~tions n'eussent point été respectées sans le
système des actions qui venait les défendre. On peut dire, en
conséquence, malgré la bizarrerie apparente du raisonnement,
que le droit du pérégrin s'établissait au fur et à mesure des
actions diverses que le Prœtor Pet·eg1'inus lui concédait, - que
la faculté d'exercer certaine action était comme la génératrice
du droit.
Nous parcourerons ainsi quelques espèces.
Droit du pérégrin en matière de res mancipi.
L'acquisition de la propriété était entourée de formalités rigoureuses, variables suivant le degré d'importance attachée
aux objets susceptibles d'acquisition. Les divers modes d'acquérir les choses mancipi, par voie de mancipation d'in jure
cessio, etc., à raison de leur caractère purement civil, mettaient ces choses hors de Ja portée des pérégrins. Cependant
un pérégrin ne pouvait-il acheter valablement, d'un citoyen,
un esclave, un hœuf,etc.? Dans la négative la vie économique
eût été impossible.
Il est incontestable d'abord que le pérégrin peut être reconnu propriétaire d'objets de ce genre, d'après le droit des
gens. G. l, 52. Quand à l'acquisition qu'il en fera en traitant
avec un citoyen romain, il la fera non par les modes ci-dessus, mais par l'effet de la tradition qui est de droit des gens.
- Toutefois cette possibilité de la tradition impliquait-elle
quelque garantie aux mains du pérégrin acquéreur, c'est là le
LE PRAl.TOR PEREGRINUS. SON ŒUVRE
point essentiel et tou!e la question. - Il est probable que la
faculté de posséder in bonis appartenait au pérégrin.
Examinons ce point avec détail. - A considérer l'opér!ltion réalisée entre citoyens romains, nul· doute qu'elle ait
pour résultat de constituer in bonis la chose vendue: au bout
d'un certain temps, par l'ell'et de l' usucapion, elle tombera
réellement dans le domaine quiritaire de l'acquéreur qui
sera à l' abri de toulo rei vendicatio. S'agit-il d'un citoyen et
d'un pérégrin, les choses ne se passeront pas de la même façon, quant à l'acquisition quiritaire, puisqu'elle est spéciale au
citoyen romain, mais le pérégrin verra-t-il la chose tomber
in bonis dans son patrimoine? - Il n'usucapera certainement
pas, l'usucapion est interdite au pérégrin. Mais encore une
fois la chose mancipi dont il lui aura été fait tradition tombera-t-elle in bonis ? - La question est discutée.
Dans le sens de la négative on opposera Je texte I, §. 40 de
Gaïus: c1 apud peregrinos quidem unum esse dominium. ,,
Les pérégrins ont un dominium qui n'est pas le quiritaire et le texte ne dit pas que le bonitaire s'y réfère. - La
règle d'Ulpien, 1. 16, ne vise qu'une hypothèse où des citoyens seuls sont en présence, il n'y a pas à en tirer argument.
Pour l'affirmative, nous invoquerions d'abord la nécessité
de faire des transactions suivies d'effet certain sur les choses
mancipi ; puis, les arguments suivants. La possibilité au cas
de procès : - 1° de la rédaction d'une formule in fa ctum qui
contiendrait une oxceplion rei venditœ et traditée. 2° d'une action fictice (admettons que ce point no soit pas controversé).
Dès lors à quoi servirait do considérer le pérégrin ~ommo citoyen si implicitement I_o préteur ne considérait pas la res
rnancipi litigieuse comme étant déjà in bonis dans la propriété du pérégrin. Cette raison paraît topique. - Enfin,
�20
CONDITION DES ÉTRANGERS A ROl\IE
puisque c'est la question da domaine bouitaire qui est en discussion, il ne faut pas oublier que le pérégrin a la Publicienne, action défensive du domaine bonitaire : il a cette action lorsqu'il a reçu a non domino , il est en pareil cas in
causa lonqo tempore p rœscribendi (1. 1.2, §. 2. Dr. VI. 2. ) Ne nous préoccupons pas si, dans cette hypothèse, la 1·es livrée
a non domino est mancipi ou non, ce n'est pas de cela qu'il
s'agit, mais bien encore une fois de l'existence de la propriété
in bonis; or, l'octroi de la Publicienne dans un cas déterminé
est significative.
Concluons donc que le pérégrin peut recevoir une 1·es mancipi par tradition, et voir son acquisition aussi énergiquement
protégée, mais par un moyen différent, que s'il était citoyen
romain ; que son droit de propriété, ce droit nouveau est reconnu, grâce à l'action prétorienne qui lui appartient.
La discussion qui précède aura du même coup tranché le
problèm.e de la pro·priété in bonis, r elativement au pérégrin, et
la question d'acquisition de 1·es mancipi.
LE PRJETOR PEREGRINUS. SON ŒUVRE
2{
ticipé à la conquête, ou aux descendants des premiers conquérants, mais jamais pareille faveur ne pouvait être consentie à l'étranger. - Dans la suite, la mème idée sert à décorer
d'un prétexte raisonnable la différence de traitement, quant
aux contributions entre l'Italie et les Provinces. Tandis que le
sol italique sera affranchi d'impôt, le sol provincial supportera seul les charges ùe l'empire. L'Etat par cette perception
affirmait la théorie de sa propri/ité résultant du droit de conquête. Il en résultait , au point de vue de l'aliénation du
sol provincial, que les procédés d'acquisition ne conféraient jamais un dominium ex j ure quiritium, un citoyen romain mf:me voulùt-il se porter acquéreur :
les seuls modes du droit des gens étaient usités, la tradilion par exemple. D'où, le pérégrin acquérait naturellement
et valablement ces biens par l'effet de la tradition, il obtenait la jouissance, la proprietas. Cette propriété, le pérégrin
pouvait la défendre à l'imitation du citoyen qui défendrait sa
propriété quiritaire, le Préteur donnait au pérégrin une 1·ei
vendicatio utilis.
Droit de propriété du pêr égrin en matière de res
mancipi immobilières.
. Le sol italique a été distingué du sol provincial. Le sol italique n'était transmissible qu'entre citoyens romains que par
les modes du droit civil, et la seule propriété dont il ,fùt susceptible était donc toujours la propriété quiritaire. C'est dire
que. les. pérégrins ne puren t Jamais
·
. parvemr
. à la propriété du
sol
italique
La
rai
d
.
,
.
·
son e cette exclusion est la suivante : Dans
l esprit ·de la société romame
·
1a propriété
.
foncière privée
émane .de 1a propri·ét é publique, c'est-à-dire, n'est qu'une'
concession
de l'Etat · Dès 1ors 1e sol du• à la conquête pouvait
.
bien être attribué en P1em
· dominium
· .
à ceux qui avaient par-
Mentionnons que la concession du jus italicum à certain.es
provinces les relevait d~ cette situation, et assimilait le fond
provincial à la terre italique et en permettait alors aux. citoyens
romains la propriété quiritaire . La concession du jus ilalicum
à certaines provinces coïncidait souvent et c'était là l'utilité de
la concession avec l'octroi de la civitas aux habitants d'une
partie de la province. Ce jus italicum qui a principalement un
caractère réel (Accarias, note 1., p. 464, T. 1, 2° édit.) ne pouvait devenir utile qu'à des individus pouvant échanger leur
proprietas contre un dominium ex jure quiritium.
�T
CONDlTION DES ÉTRANGERS A ROME
Droit de propriété du pérégrin en matière de res nec
mancipi.
Les choses nec mancipi sont toutes celles non comprises par
les auteurs, soit Ulpien req. XLV§. i, soit Gaïus II, 15, parmi
l'énumération des 1·es mancipi.
Elles sont susceptibles de propriété dans lés conditions du
droit des gens, par l'effet de la tradition et par l'occupation.
Les res nec mancipi sont corporelles ou incorporelles.
Acquisition de res nec mancipi incorporelle.
Par une exception toute particulière les servitudes qui sont
choses incorporelles (G. JI. t4.) ont été classées parmi les res
mancipi. Les servitudes urbaines ne s'établissaient que par
in jure cessio et les rurales par la mancipation.
Quant aux servitudes sur les fonds provinciaux, à une première époque, il ne peut en être question, d'une part puisque
les formes d'acquérir du droit civil sont inapplicables au fond
lui-même et que d'autre part les choses incorporelles sont insusceptibles de tradition (G. Il , 28.). Plus loin Gaïus, au § 31,
indique cependant la possibilité d'établir des servitudes sur
ces fonds, grâce aux pactes et stipulations ..... alioquin in provincialibus pr<.ediis sive quis usu/ructum, sive jus eundi ... cœteraque szmilia iura constituere velit, pactionibus et stipulationtbus id e/ficere poiest. Une question se poserait, il est vrai,
celle de savoir si le pacte ou la stipulation donnerait naissance
au droit réel de servitude ou bien s'il n'aurait pour résultat que
de créer une obligation sanctionnée par l'action ex stipulatu .
Le texte dit bien cependant constituere. La controverse est sou-·
lenable dans les deux sens. (V. Accarias, p. 635, T. 1. )
Il fa:it aussi songer que du jour, où pou de temps après
LE PR..ETOR PEREGRINUS. SON ŒUVR.E
23
Gaïus, la quasi-possession fut admise en matière de servitudes
la quasi tradition qui en est comme le corollaire vint encore
permettre au pérégrin d'acquérir ces servitudes par le mode
familier du droit des gens. L'action confessoria utilis (1. 16
Si serv . vind.), fut la sanction de cette acquisition ainsi que les
interdits quasi-possessoires, tel que l'interdit uti possidetis utilis,
si la possession n'avait pas été suffisante pour conduire déjà à
la. propriété.
Ajoutons que l'adjudicatio pouvait être un moyen do reconnaitre une servitude au profit d'un pérégrin.
Pour qu'une servitude établie par adjudication soit reconnue
valable par le droit civil, il faut que l' adjudicatio résulte d'un
judicium legitimum, à défaut de celte condition le droit prétorien la garantit cependant et c'est ainsi que le pérégrin en
peut bénéficier.
Droit de propriété du pêrégrin en matière successorale et
de legs.
Succession ab intestat. - L'agnation n'étant point reconnue
à l'égard des pérégrins, point de succession ab intestat d'après
la loi romaine. La vocation de cognats aux successions dans le
pur droit civil, conduisit le préteur à appliquer aux pérégrins
les principes de successions qui régissaient les cognats. De là
le sy5tème do la bonorum possessio unde cognati qui na se
préoccupait pas d'un lien de famille civil tel que l'agnation.
Succession testame1ltaire. - Point de testamenti factio pour
les pérégrins, d'où l'incapacité d'être institué héritier et ùo recueillir au même titro (('r. I. 25, Pap. 1. 3. D. ~8. 1.) Mais le
testament dans les formes usitées dans la conlrée à laquelle
ils appartenaient fut reconnu valable par la législation prétorienne (Ulp. XX. 14.. )
Gaïus rappelle cependant qu~, par dérogation, les militaires
�2i
CONDITION DES ÉTl\ANGBRS A RO:IŒ
avaient le droit d'instituer des pérégrins et de leur léguer,(G.U.
tJ O.) - Sous Aug uste et jusqu'à Hadrien les pérégrins purent
disposer et recevoir par fidéicommis. G. II, 285. - Les fidéi.
commis furent même presque créés pour les pérégrins. _
Sous Adrien ils s'en virent dépouillés et les biens ainsi transmis furent attribués au fi:s: .
lJes legs. - Le legs per vindicationem qui ouvre au bénéficiaire la rei vindicatio ne pouvait n écessairement profiter au
pérégrin, puisqu'il suppose le transfert d'une propriété quiritairo. Quid à l'égard des autres genres de legs? le texte de Gaïus
est formel ,Il,2i8 : «tune autem vitia persorue legatum nonvalere cum ei legatum sit, cui nullo modo legari possit velut
PEREGRINO cum quo testamenti f actio non sit. »
Droit des pérégrins en matière d'obligations.
Le § 96,IIl,de Gaïus,bien qu'incomplet,fait voir que les pérégrins pouvaient user valablemeut de leur droit local en mati ère
d~obligation. La forme habiluelle aux romai ns était la stipulation, sorte de moule à contrat dans lequel on jetait les conventions les plus diverses ; cette stipulation est propre aux
citoyens romains : mafa, à côté et calqué~s sur la formule. dm·i
;sp~ndes, s~ondeo, les formules dahis? dabo; promittis? promitt~; Fid.epromittis? fidepromitto ; fidejuhes? fidejubeo ;
Facies? (aczam, sont, dit Gaïus, considérées comme du droitdes
gens el dès lors accessibles aux pérégrins. Ces formes d'engagement verbal sont d'une extrême commodité et comportent
de~ modalités et obligations accessoires aussi diverses que beeom.
Le
. litteris parai•t
. contrat
mams ' mais la valid'l t e· des
.
roe• tre reste. propre aux. citoyens
·
!.
c uro;;rapltéB et syngraphœ, quoct
LE PRJETOR PEREGRINUS. SON ŒUVRE
r
2:S
genus obliqationis proprium peregrinorum est, G. III, i34, suppléait à l'obligation litteris.
Le contrat litte1·is reproduirait assez bien les jeux d'écriture
de crédit et de débit de nos négociants, avec cet effet en plus
que la mention au compte créditeur obligerait en justice,
comme aussi les indications du compte débiteur étaient suffisantes pour faire preuve de la réalité de la créance. Sur toutes
ces mentions planerait un consentement tacite des débiteurs
et créanciers, et de là la force obligatoire de ces inscriptions.
D'après Gaïus, on hésitait sur le point de savoir si le pérégrin était obligé par une transcriptio a persona in personam;
et en effet cette transcription n 'est que le transport sur la tête
du pérégrin d'une obligation contractée par une autre personne. On était plutôt d'accord sur la force obligatoire d'une
transcriptio a re in personam, qui, elle, opérait la substitution
d'une obligation litteris à une obligation préexistante sans
que le débiteur changeât, autrement dit cette transcription
ne créait pas d'obligation nouvelle, elle modifiait simplement
la forme de l'obligation primitive.
Les m·cm·ia nomina, sorte de livret domestique, n'établissaient pas d'oQligation comme le contrat litteris inscrit au
codex, mais servait à fournir la preuve d'une obligation préexistante, résultant d'une numération d'espèces. G. III, l3L
Quant à la classe des contrats re et con.sensu, il va de soi
qu'ils appartiennent au droit des gens, ils sont le mode rudimen.taire des transactions dans la vie économique, et identique chez tous les peuples.
�1
DROIT D ACTION DU PÉRÉGRIN
d'années, on conçoit que cette lég islation soumise comme à la
pierre de touche de la pratique et toujours au niveau des besoins juridiques, méritât d'ètre reconnue comme une des
sources du Droit et acquît une autorité ab solue. Elle allait
distancer l'an cien droit , aux principes rigides et in variables,
l'edictum novum opposait sa souplesse et son adéquation aux
nécessités de plus en plus complexes de la civilisation ro-
CHAPlTHE V
maine .
A partir d'Hadrien, les édits prétoriens sont réunis en un
Code par les soins du juriscon.sulte Julien, leur texte devient
loi e t les préteurs n'ont plus qu'un jus edicendi assez restreint, ils appliquent surtout l' edictum pe-rpetuum. Dans les
provinces, le même jus edicendi appar tient aux Préesides.
1
DROIT D ACTION DU PÊRÊGRIN
Juridiction. - Nous avons dit qu'un préteur spécial avait
été créé pour faire face au nombre croissant des besoins judiciaires de la population pérégrine dans les murs de Rom e.
Le Préteur Pérégrin avait dans son imperium une double
juridiction. Le jus edicendi et le jus dicendi. Le jus edicendi
n'était autre que celui d'arrêter des règlements, de publier des
édits qui comprenaient u ne sorte de législation toute personnelle au préteur en charge, législation supplétive du droit civil pur . Les justiciables étaient airisi informés de la jurisprudence du préteur, presque àl'avance, par l'edictumperpetuum,
c'est-à-dire,applicable pendant l'année entière de sa magistrature. Si des espèces imprévues se présentaient il statuait par
des repentina . 11 lui était interdit de toucher à son édit au cours
de l'année, afin d'éviter toutes décisions complaisantes (Lex
Cornelia, 687, R. C.). Son successeur entrant en fonction pouvait répudier tout le système juridique qui venait d'être appliqué et pouvait à son tour publier son edictum. Dans la pratique cèpendant, le nouveau préteur continuait les errements
de son prédécesseur, ne faisant que les amender au besoin, sui yant les prog rès et .perfectivement du droit. Après une suite
27
\
(G . 1, 6),
L e jus dicendi. -La pr océdure formulairé est contemporaine
de l'institution du préteur pérégrin, les actions de la loi disparaissaient, leur formalisme était une gêne considérable.
Le Préteur, après l'exposition du différ ent qui divisait les
· parties, edebat actionem, c'est-à-dire , qu'il précisait le point de
droit. Il renvoyait ensuite les plaideurs soit devant le judex,
soit devant les recuperatores. Cette décision du préteur rece·
vait son effet définitif dans l'année, de là vient l'expression de
judicium imperio continens, c'est-à-dire, pen dant le pouvoir
annal du préteur. Il faut distinguer le judicium legitimum,
c'est-à-dire renùu, entre citoyens romains et dans u n périmètre d'un mille de Rome, <l u judicium propre au pérégrin.
Nous avons parlé déjà de la plupart des actions qui compétaient au pérégrin. Il semble résulter d'un texte de Sénèque,
que la procédure devant les recuperato1·es, tribunal à l'origine
spécialement réservé aux pérégrins, était fort rapide « recu pe1'ato1·es dare ut quam p1·ùnwn res judicaretur. » - Ils
n'avaient à statuer que sur la question de fait posée dans la
formule, et siégeaient au nombre de trois ou de cintJ· Leur re-.
�28
CONDITION DES ÉTRANGERS A ROME
crutement se faisait aussi bien parmi les citoyens que parmi
les pérégrins. Le juge, au contraire, appartenait toujours à une
catégorie de l'une des classes de sénateurs, de chevaliers ou de
tribuns, dans la suite, sous Auguste, des censitaires même modestes purent être choisis pour juges.
En. dehors de Rome, la justice était rendue par les duumviri
ou quatuorviri, magistrats locaux des municipes ou des colonies.
CHAPITRE VI
1
EFFET DE LA CONSTITUTION DE CARACALLA A L ÉGARD DES
Pf;RÉGl\INS
Cette constitution accorde le droit de cité à tous les citoyens
de l'empire. Pour apprécier sa portée à l'égard des individus,
il faut surtout se rendre compte de l'esprit qui dictait cette
mesure. C'était un acte politique, cela va de soi : les pures
questions de droit et les difficultés qui naissaient de la distinction d'un droit civil romain et d' uu droit applîcable aux
étrangers n'élaient point un souci impérial. La mesure était,
avant tout, un acte fiscal, et politique, par voie de conséquence.
L'impôt qui frappait les mutations par décès avait été déjà
porté à un taux excessif par les empereurs précédents, il
s'élevait au vingtième de la valeur des sucçessions et libéralités de dernière volonté. Caracalla estima qu'on le pouvait porter au dixième, et qu'en rendant tous ses sujets citoyens romains, il augmentait la surface de perception; c'est ce qu'il fit.
Dès lors, il est probable que la cité ne dérivait point de l'effet d'une sorte de loi organique de l'empire romain, et ne
s'appliquait qu'aux seuls individus pouvant devenir cit oyens
romains; les peuples conquis depuis ne devenaient pas né-
�30
CONDITION DES ÉTRANGERS A ROME
DROIT FRANÇAIS
cessairement citoyens. Les peregrini se rencontrent dans les
textes d'Ulpien et de tous les jurisconsultes postérieurs à la
Constitution. li faut aussi ranger parmi les peregrini ceux
qui se voyaient privés de la cité par_suite de condamnations
criminelles. Mais l'effet indirect de la constitution fut de mettre ùn peu d'uniformité dans le Droit civil, en rendant applicable les formes restées jusque là exclusivement propres aux
citoyens, à une masse plus considérable de sujets de l'empire .
Epoque de Justinien. - A ce moment la distinction des
peregrini est effacée, l'empire ne compte plus que des cives
ou des barbari. Dans la pratique, le droit s'était unifié considérablement, l'usucapio avait disparu, remplacée par la prescription longi temporis. La mancipatio et l'in jure cessio était
remplacés par la tradition et la quasi-tradition. Quant aux
CHAPITRE PREMIER
GARANTIE DE LA LIBERTÉ l~DlVIDUELLE DE L ÉTRANGER
1
EN FRANCE
PREMIÈRE PARTIE
Extradition de l'étranger.
SECTION 1
§ 1. -
successions, nous avons vu le préteur accorder la bonorum
possessio aux cognats, Justinien en n'admettant que la parenté
consanguine ne fait que consacrer la pratique .
LÉGISLATION POSITIVE ET JURISPRUDENCE
Le plan d~ cette étude ne permet pas d'examiner la matière
de l'extradition sous tous ses aspects. On se bornera à indiquer:
i 0 Les garanties de droit public qui protègent en France
l'étranger sous le coup d'une demande d'extradition .
2° Les effets de l'extradition à l'égard de l'étranger déféré
à l'autorité judiciaire française.
Dans cette première partie, on ne fera qu'exposer l'état de
la législation et de la jurisprudence: l'examen des questions
théoriques fera l'objet de la deuxième partie du chapi-
tre.
.,
'
Notions générales. -
L'extradition est la remise à un État
requérant d'un in1Hvi1l11 n<'rn"-é on rt'conn u coupable. réfugié
sur le territoire de 1' b.La~ 11.:LJ. u1~ . L.oltL remise a pour but de
permettre aux États d'assurer l'exécution de leurs lois pénales.
Le droit d'extradition est r églé par des traités internationaux, mais il arrive souvent qu'en dehors de tout traité,
�DE LA LlRF.RTÉ INDIVIDUELLE DE I.'ÉTRANGER EN FRANCE
DROIT FRANÇAIS
32
les États se consentent mutuellement la remise des malfaiteurs.
L'extradition est un acte de souveraineté, elle n'est qu'un
effet du bon vouloir des États, en conséquencer toutes les négociations et procédures d'extradition se traitent par la voie
diplomatique.
L'extradition étant alors considérée comme un acte de haute
administration, les tribunaux sont incompétents pour connaître des incidents de la remise du prévenu, apprécier la légalité de l'acte administratif: ils n 'ont point à tenir compte des
protestations que le prévenu éléverait à cet égard .
Des traités. - Des traités d'extradition existent aujourd'hui
avec presque toutes les nations. La matière abandonnée au
régime conventionnel présente nécessairement un défaut
d'unité. Autant de conventions, c'est-à-dire de contrats, autant de dispositions diverses variables, suivant le tempérament
des nations contractantes, quelque fois simplement suivant
l'humeur des négociateurs. - Les traités ne procèdent point
méthodiquement à la classification des causes d'extradition,
ils renferment une nomenclature arbitraire de délits et de
crimes. Le progrès lent de l'idée d'extradition n'a permis que
peu à peu l'inscription, dans les conventions, d'abord des crimes
les plus graves, puis des délits considérables, et enfin de ceux
de moindre importance.
On remarque que les traités sont d'autant plus complets,
prévoient des cas de criminalité plus variés, en raison de
la vicinité des États, de l'étenùue de leurs rapports commerciaux, de la facilité de communication, de la similitude générale de leurs institutions politiques.
Le traité que l'on peul proposer comme type le plus satisfaisant et le plus compréhensif, est celui intervenu entre la France
et la Belgique, à la date du 1.5 avril 1.874 1 • L'art. 2 de cette
1
Voir le texte à l'appendice.
::J3
convention ne comprend pas moins de 37 prévisions de crimos
et délits. Il vise non-seulement les actes accomplis mais même
la simple tentative. Le traité avec l'Angleterre énumère uue
grande variété d'infraclions. On peut citer encore les conventions avec la Suisse (i870), avec l'Italie (t870), etc.
La série des faits qui donnent lieu à l'extradition ne peut
donc être connue que par l'étude fastidieuse des nomenclatures. Les pays dont le système pénal est à peu près identique
pourraient, pour plus de facilité, se référer à des catégories
de délits et crimes correspondants à la nature des peines '.
Les énonciations des traités ne sont point limitatives, du
moins est-ce là une opinion qui dérive de l'idée qne l'extradition est un acte de pure souveraineté. Toutefois, comme le
fait observer M. Billot, le traité d'extradition étant le plus
souvent soumis à l'approbation du pouvoir législatif, il devient une loi dont les dispositions ne sont plus susceptibles
d'extension, par l'effet du simple accord du pouvoir exécutif
2
des États • - De t8o2 à 1.870, le chef de l'État jouissait en
France de la faculté d'interpréter extensivement les termes
du traité .
§. IJ. -
ARRESTATION DE L'ÉTRANGER RÉCLAMÉ
Lorsqu'une demande d'extradition parvient au ministère
des affaires étrangères, le gouvernement fran çais examine s'il
existe un traité avec la puissance requérante.
S'il n'existe point de traité, le gouvernement est libre
d'opposer un refus, au cas contraire, il est en présence d'uu
1
P. Fiore, Dr. Pén. Intern. p. 579.
llillot-Extradit, p. 120. - V. l'intéressant appendice au chap. 111, de l'ou·
vrage de M. Fiore di). il M. Ch. Antoine sur « les relations d'extradition entre
Ill France et les Étals élrnngers au xvmo siècle et à nolre époque . ., - Quant
a~x traités conclus entre la France' et les Etats éLrnngers, actuelleweut eu
vigueur, ils sont tous consignés il ln fin de l'ouvrage de J\l. P. Fiore. - V.
aussi, L'extradition, Recueil renfermant in extenso tous les traités conclus
jusqu'au l •r Janvier 1883, ealre lee ualions civilisées par F . J. Kirchner.
1
3
�DE LA LIBERT!~ IN1'1.VlDUELLE DE r,'ÉTRANGER EN FRANCE
DROIT FRANÇAIS
contrat qu'il doit exécuter. Il fera donc arrêter l'individu
réclamé. Le Droit Public qui protège énergiquement la liberté
individuelle du national, abandonne presque l'élra_!lger à l'arbitraire du Pouvoir.
La loi française ne contient rien de précis ni de formel sur
le droit d'arrestation de l' ~tranger, qui ne s'est livré dans le
pays à aucune infraction aux lois de police et de sûreté. On
invoque, H est vrai, un décret du 23 octobre i8H, ainsi conçu :
- Art. i. « Toute demande d'extradition faite par un gouvernement étranger, contre un de nos sujets prévenu d'avoir
commis un crime contre des étrangers sur le territoire de ce
gouvernement, nous sera soumise par notre grand juge,
ministre de la Justice, pour y être statué ainsi qu'il appartienArt. 2. A cet effet, ladite demande, appuyée des
pièces justificatives, sera adressée à notre ministre des affaires
dra: -
des relations extérieures, lequel la transmettra avec son avis à
notre grand juge, ministre de lo. Justice. »
Comme on le voit, ce décret ne vise que les nationaux, les
francais il ne concerne point l'étranger, cependant la jurispruden:e l'a étendu à celui-ci. - On cite encore la 1.oi du
3 déc. !849, mais cette loi n'autorise que la conduite de
l'étranger à la frontière, elle vise l'expulsion pure et simple
35
l'extradition. C'est d'ailleurs, une matière spéciale que nous
retrouverons plus loin.
Il s'est créé eu l'absence de texte de loi une pratique el une
jurisprudence de la procédure d'extradition.
Le premier acte de la procédure est l'arrestation provisoire
du prévenu sur le territoire français. L'arrestation est requise
par la voie diplomatique. En principe, l'intervention directe
du pouvoir judiciaire est écarléo, pu:squ'il s'agit de rapports
de gouvernement à gouvernement. Ce n'est donc point sur la
requête d~s tribunaux ou de l'action publique, que le malfaiteur sera arrêté, puis livré, bien qu'une telle méthode soit
infiniment plus rapide et très-propre à prévenir la fuite des
prévenus. Néanmoins certaines conventions, que nous allons
rappeler, renferment une dérogation au principe.
La convention franco-italienne porte que la demande
d'arrestation peut être adressée à l'autorité judiciaire, sans
passer par le ministère des Affaires étrangères: mais en ce
cas, l'arrestation provisoire n'est pas obligatoire pour la France.
Elle ne l'est que si la demande est parvenue par la voie diplomatique. Il est dit, art. 5: u L'individu devra être arrêté préven-
du territoire et non la remise, la tradition de l'étranger a une
autorité quelconque. On a tiré argument de ce texte dans le
tivement 1 • »
En France, depuis i854, l'arrestation provisoire est possible
avant la production des documents judiciaires sur le simple
avis de leur existence. Antérieurement, la production du
mandat d'arrêt était nécessaire. Le simple avis de l'existence
du mandat, ne rend pas l'arrestation provisoire obligatofrc
pour l'État requis, du moins en est-il ainsi dans la plupart des
conventions signées depuis 1854, jusqu'au traité de 1876
,a effet' l'arrestation des prévenus.
(art. 6), avec la Grande-Bretagne.
Plusieurs traités disposent, depuis 1868, que outre l'arrestation provisoire obligatoire, si le mandat d'arrêt a été transmis par la voie diplomatique, ou si la notification de son
sens de l'arrestation de l'étranger. Enfin, on dit enco~c ~ue
, 1
eut faire apphcahoa
les traités sont des lois, que des ors, on P
.
de l'axiome et dire, nul n'étant censé ignorer la 101 et l~s
. . rquent pour sortir
traités étant connus des étrangers, 11s imp l
,
.
.
· 1 s crimes
ou
Le gouvernement a le devoir d'exaromer s1 e
. t n
.
d
able n' ont po1n u
délits dont l'étranger se serait ren u coup .
. . t .
1
t adxn1s en droit in er
caractère politique. Il est généra emen
t as lieu à
tt
ture ne donnen P
national que les actes de ce e na
1
P. Fiore, loc. ciL. p.
n5 et 416,
note 1.
�36
DROIT FRANÇAIS
existence a été tl'ansmise par la poste ou le télégraphe, " il
est établi une arrestation provisoire facultative pour les autorités administratives ou judiciaires d'un des pays contractants,
gui ont été informés directement de l'existence du mandat
d'arrêt. ,,
Les avantages que présentent pour les malfaiteurs le voisinage de la Belgique et de ses ports d'embarquement, ont fait
décider l'adoption de mesures rapides. Dans ce sens, une instruction du 9 octobre 1876, émanant du garde des sceaux,
rappelle la tolérance déjà usit6o depuis la circulaire du 22 février 1.875, entre les chefs des parquets français et belges.
.. Les chefs de parquets de Belgique étaient autorisés à provoquer, sur la demande directe des autorités judiciaires françaises, l'arrestation provisoire des malfaiteurs étrangers signalés par télégrammes, comme ayant pris la direction de la
Belgique, pour s'embarquer dans l'un des ports ou pour traverser le territoire de ce pays. La mème tolérance a continué
après la promulgation de la nouvelle convention, etc. n Dans
une circulaire du 14 avril 1875, le garde des sceaux reconnait,
toutefois, que cette pratique est contraire à la disposition de
l'art. 6 de la convention de 1.874.
Dans le projet de loi Dufauro, du 2 mai 1878, sur l'extradition, adopté au Sénat en deuxième lecture et amendé, on
lit ce qui suit: Art. 16. «En cas d'urgence et sur la demande
directe des autorités judiciaires du pays requ~raut, les procureurs de la République pourront, sur un simple avis transmis
soit par la poste soit par le t élégraphe do l'une des pi~ces
indiquées par l'art. 7, ordonner l'arrestation provisoire de
l'étranger. Un avis régulier de la demande devra être transmis
en même temps par voie diplomatique , par la poste ou le télégraphe, au Ministre des Affaires étrangères.
Les procureurs de la République devront donner avis de cette
arrestation au Ministre de la Justice et au procureur général. »
7
DE LA LIBERTÉ INDMDUELLE DE L ÉTJ\ANGER EN FRANCE
37
Le projet de loi s'occupant de restreindre autant que possible, mais dans une mesure conciliable avec l'accomplissement
de la justice, la durée de l'arrestation provisoire dit, art. t ï :
u L'étranger arrêté provisoirement dans les conditions prévues
par l'art. 16, sera, à moins qu'il n'y ait lieu de lui faire application des art. 7, 8, et 9 de la loi du 3 dér.. 184.9, mis en
liberté si, dans le dPlai de 20 j ours a dater de son arrestation,
lorsqu 'elle aura été opérée à la demande du gouvernement
d' un pays limitrophe, le gouvernement français ne reçoit
l'un des documents mentionnés à l'art. 7 .
Ce délai pourra être portè à un mois si le territoire du pays
requérant est non limitrophe, et jusqu'à trois mois si ce territoire est hors d'Europe.
Sur requête adressée à la Chambre des mises en accusation,
l'étranger pourra obtenir sa liberté provisoire dans les même·
conditions que si la pourmite était exercée en France. 11
Les inconvénients d'une procedure uni quement fondée sur
des traditions de bureaux: et sur l'usage se sont \'Îvement fait
sentir. La circulaire du 12 octobre 1875 de M. Dufaure, garde
des sceaux, après nYoir indiqué combien est prérfrab\i> le
système suivi par la Belgique et les Pays-Ba , taut dan-; l'mtérêt de l'individu réclamé que do l'Etat requérant pre::.l'rit
la conduite ù tenir. o •.• Aprh m'ètro concertê lavcc .1. le ~i
nistr~ ùe l'Intériour et des .\ffatres Etraugère", j'ai decidé qu'à
l'avenir aucun dècret auto1i aut l'extradition d'un ~tranëer.
ne serait propo~é à la signature de ~I. lo Prt• iùeut ùo la Republiquo, avant que cet iudh idu n'ait été arrêté . La demande
d'ex:lradilion sera examint!o au .Miubtèro de la Ju~tice ; 'i elle
mo parait régnlil•ro, je transmettrai à M. le ~Iinbtie do l'lnlcrieur, le mandat d'arrêt on le jugement Jo condamnntioo.
ainsi que toutos les pi~c~ 11ui m'auront t'.•té l'Ommuniqul•b
par le Ministl•re des Affaires etraugt.·rÛ!'. ~Ion C(1lll·guo ùe l'intérieur prescrira les me::-uro::- n~eo ~:lires pour rarrostatiou lie
�1
DE L! LIBERTÉ I NDlVIDUl!LLE DE L ÉTRANGER EK FRANCE
38
DROIT FRA NÇAIS
l'individu recherché. Cette arrestation opérée, l'étranger sera
immédi~toment conduit devant le Procureur de la République
do l'arrondissement où elle aura lieu. Ce magistrat recevra,
en même temps, communication de toutes les pièces jointes à
la demande d'extradition, il procèdera à l'interrogatoire de
l'individu arrêté et en dressera procès-verbal ; si cet individu
prétend qu'il appartient à la nationalité française, ou que la
demande d'extradition s'applique à un autre individu , s'il allègue un fait qui serait de nature à établir son innocence , ou
enfin s'il demande à prouver que l'infraction dont il s'est
rendu coupable ne rentre pas dans les termes du traité, le Procureur de la République devra vérifier, par tous les moyens
qui sont à sa disposition, l'exactitude de ces allégations. Dans
' le cas où l'individu arrêté réclamerait le secours d'un interprète ou les conseils d'un défenseur, le Procureur de la Répu··
biique lui accordera toutes les facilités nécessaires, et au besoin, désignera lui-même un interprète, dont les honoraires
seront payés comme frais urgent de police criminelle. Pendant le temps qu'exigera cette enquête sommaire, l'étranger
ne sera pas placé sous mandat de dépôt, mais restera consigné
à la disposition de l'administration. Le Procureur de la Répu blique vous transmettra : i • le mandat d'arrêt ou le jugement de condamnation et les documents joints; '.:. 0 lïnlerrogatoire; 3• les r enseignements qu'il aura recueillis; 4° son
avis motivé; vous y jomdrez votre appréciation et m'adresser ez le tout dans le plus bref délai. Sur le vu de ces pièces, je
proposerai, s'il y a lieu, à M. le President de la République,
d'autoriser l'extradition. »
Le reste de la circulaire a trait aux individus arrêtés qui déclarent consentit' à être livrés sans aucune formalité au gouvernement qui les réclame, comme, aussi, aux individus arrêtés à la suite d'une condamnation par défaut ou par con tumace, auxquels les mêmes mesures sont déclarées applicables.
39
On retrouve dans l'art. iO du projet de M. Dufaure une disposition analogue.
Constatation d'identité du sujet réclamé. - Peu de traités
se préoccupent de la constatation d'identité du suj et réclamé,
et cela se conçoit, l'Etat r equérant fournira naturellement les
pièces utiles et l'Etat requis, qui a tout intérêt à ne point
commettre d'erreur, s'entourera des renseignements nécessaires ; il réclamera la communication du signalement,
d'épreuves photographiques, au besoin n exigera qu'un témoin ou une personne connaissant le prévenu vienne le reconnaître positivement.
Conduite de l'ext1·adé. - La circulaire du garde des scèaux
que nous avons citée rappelle que l'extradition s'accomplit
par l'effet du décret rendu par le Président de la République.
Dès cet instant la conduite de l'étranger à la frontière rentre dans les attributions du ministre de l'Intérieur. Elle est
faite par la police française. Les agents de l'autorité étrangère n'auraient aucune qualité pour y procéder sur notre territoire .
En Angleterre et ùans d'autres Etats, comme les Etats-Vnis,
la remise du prévenu est faite aux agents de l'Etat requérant
dans l'intérieur même du Royaume ou des Etats de l'Union.
Toutefois le traité franco-anglais oblige le gouvernement britannique à reconduire !'extradé jusqu'à. notre frontière.
Autorités intervenant dans la procédure d'extradition. On a vu que dans la procédure faite chez nous contre le prevenu étranger le rôle prépondérant appartient a.u ministre de
la Justice et à l'autorité judiciaire. Toutefois, ln justice française n'intervieut pas de la m ômb façon qu'en Angleterre où
le juge décide do l'extràdilion et prononce un véritable juge~
ment en toulo indépendance du pouvoir cx~culif. - Chez
nous il n'y n point de jngemont, mais une enquète admlniss· l . sultat
.
trativo faite par le Prowreur de la Repub1ique. l o re
�1
DRO IT FRANÇAlS
40
de cette enquête est négatif, l'agent diplomatique étranger
en est informé par le ministre des Affaires Etrangères qui est
l'intermédiaire naturel.
On a fait remarquer qu'il ne fallait pas moins du concours
de trois ministres et do celui du chef du pouvoir exécutif pour
arriver à la remise d'un étranger réclamé par son gouvernoment. Il n'est pas démontré que lo prévenu y trouve un surcroit de garantie de sa liberté individuelle, ni qu'il puisse se
défendre bien efficacement contre une remise arbitraire.
Ailleurs cette liberté est mieux garantie, en Angleterre ot en
Belgique, pour ne r.iter que ces deux pays.
SEC'l'ION II
Situation de l'étranger devant l 'autorité judiciaire après
sa remise au gouvernement français.
L'étranger devant l'autorité judiciaire ne comparaît pas autrement que s'il s'agissait d'un français dont le gouvernement
aurait obtenu l'extradition, la situation des ex tradés, quelle que
soit leur nationalité, ne présente pas de différence. Le développement qui suit ne fera donc que rappeler les principales
garanties dont jouissent les pré venus 1 •
§ 1. -
ll"COMPÉTI!NCE Dl!S TRIBUNAUX POUR DISCUTER LE l\JÉIUTI!
Dl! L'EXTRADITION
En application du principe qui soustrait à la compétence
des tribunaux ordinaires, les actes de l'ad ministration,
toute interprétation des traités échappe a ux magistrats. Ils
n'ont point qualité pour accueillir les moyens d'un prévenu
étranger traduit à leur barre, fond és uniquement sui· la légitimité de l'extradition dont il a été l'objet.
1
Pour les détails, voir les excellcnto ouvrages de ;\[. Billot, Pascal Fiore,
Paul Bernard.
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L ÉT!l.ANGER EN FRANCE
4{
La Cour de Cassation a formulé sa jurisprudence dans un
arrêt qu'il convient de rapporter:
« Attendu que le droit d'extradition est un droit que le
gouvernement puise dans sa propre souveraineté et non dans
les traités qu'il a pu conclure avec la puissance à laquelle appartient le réfugié : que les conventions de cette sorte obligent sans doute los Etats qui les ont consenties à se livrer r éciproquement leurs nationaux, poursuivis pour crime sur leur
territoire respectif, dans les cas qu'elles déterminent, mais
qu'elles ne peuvent faire obstacle à ce que l'extradition soit
accordée dans d'autres cas et pour d'autres crimes que ceux
qui sont spécifiés : que ces actes de haute administration, généralement motivés sur les nécessités ou même de simples
convenances internationales, échappent à toute appréciation
et à tout contrôle de l'autorité judiciaire qui n'a pas à s'enquérir des motifs qui ont déterminé l'extradition. Que !'extradé, livré soit en vertu de ces mêmes traités, soit spontanément en vertu d'un acte du gouvernement sur le territoire
duquel il s'était réfugié, n 'a aucun titre pour réclamer contre
cette extradition; que sa fuite, pour se soustraire à la justice de son pays, ne lui crée aucun droit; que l'Etat
étranger auquel il demande asile est toujours m aître de le lui
refuser .
« Attendu qu e si les lois relatives à l'organisation des pouvoirs publics en France exigent que les traités d'extradition
80ient, pour leur ratification, approuvés par le pouvoir législatif, elles no portent cependant aucune atteinte à ces principes ; qu'elles ne rf'streignent en rien ce droit de souveraineté qui appartieut à chaque Etat, d'expulser de son territoire le malfaite ur qui s'y est réfugié et de le faire conduire à
la fronti ère du pays dont il est originaire : d'où il suit
qu'en déclarant qu'il n'y avait pas lieu de faire droit aux conclusio ns de Bath, tendant à ce qu'il fut déclaré par la Cour
•
�1
F" DE - LA LIBERTÉ rnDIVIDUELLE DE L ÉTRANGER EN FRANCE
DROIT FRANÇAIS
42
d'Assises que son extradition était contraire au texte des conventions passées entre la France et l'Allemagne et ordonné
qu'il serait reconduit à la frontière, cette Cour, loin de violer
les conventions des 21 juin et H décembre 1871,s'est conformé
aux principes du droit international. (Ch. cr., i3 avril
1.876 .)
Le ministre de la Justice rappelait dans une circulaire du
30 juillet 1872 ce principe et cetle obligation : « Les r ègles
en cette matière sont du domaine du droit international et
échappent entièrement au contrôle de l'autorité judiciaire, qui
puise dans la seule r emise de l'inculpé les pouvoirs nécessaires pour le juger, sauf les réserves consenties par le
gouvernement français envers Io gouvernement étranger. »
Les cours et les tribunaux, dans leurs attributions de juridiction et toutes les autorités de l'Etat, dans la sphère de
leur compétence exécutive, doivent concourir à l'application
des traités . En ce sens de nomhreux: arrêts de cassation 1 •
Objet du jugement; des délits 1·éservés. - L'étranger extradé, remis au pouvoir de la justice, ne reparaît pas toujours
devant elle dans la même situation que s'il ne s'était pas enfui et n'avait pas touché pour un moment le sol d'une autre
Muveraineté. Quelques-uns des cllefs d'accusation qui pèsent
sur lui cesseront peut-être de fairo l'objet de la poursuite du
ministère public.
Il arrive parfois que l'Etat requis ne livre le prévenu que
sous la condition qu'il ne sera jugé que sur certains points
déterminés. L'accord intervenu ontre les deux Etats suspend,
paralyse l'action de la justice fran çaise : obstaclo que la Cour
de Cassation respect~ en considérant la nécessité de s'incliner
devant un acte de gouvernement.
Il n'est pas tout à fait exact de diro que la justice ne statuo
pas sur les infractions réservées dans la uégocialion diploma1
Cass, 2t j uin 1871. S. 47, 1, 677; 1840, S. -~o. 1, 781.
-
-
43
tique. Une instruction commencée suivra son cours, poursuivie contre absent, et l'affaire appelée, on statuera sur les crimes et délits r éservés, mais par un jugement de contumace
ou de défaut 1 • (Cass . 5 déc. 1845, Grandvaux.) La Chambre des mises en accusation qui n'a point à se préoccuper de
l'absence ou de la présence du prévenu, prononce son renvoi
devant la Cour d' Assises sur l'inspection de la procédure et
d'après les éléments dont elle dispose, les conventions diplomatiques lui sont indifférentes. La procédure étant faite contre un individu fictivement absent, les magistrats instructeurs
s'abstiendront de tous interrogatoires et confrontations. Ce serait ne pas se conformer à l'esprit des traités que de ne suspendre que les effets de la peine. La convention diplomatique
n'interdit pas seulement l'exécution d~ la peine, elle interdit
le jugement à raison des faits qui ne motivent pas l'ex.tradition, dit 1\1. Faustin Hélie.
Voici à cet égard les termes d'un arrêt de la Cour de Paris
du 21~ mai 1867 (Faw·e de ll!ontginot) . « L'extradition
n'ayant été accordée que pour le cr ime de banqueroute frauduleuse, l'inculpé ne peut être jugé dans l'état où il se trouve,
sur les délils d'escroquerie et d'ablis de confiance qui lui sont
reprochés, sauf à procéder contre lui par défaut ou autrement,
s'il y a lieu 9 • n
Toutefois !'extradé, qui croirait avoir intérêt à se laisser juger sur tous les points incriminés et relevés contre lui, peut,
'Billot. Extrndition, p. 3 L3.
En 1875, un conflit reslé célèbre s'est ~levé entre l'Angleterre el les EtalsUnis à propos d'un nomm~ Lnwrence. Les Etats-Unis nvaient obtenu son
ex:tradilion mais il fu t mis en accusation sur des faits dilférents de ceux
qui nvaien; fait l'objet des conventions d'extradition et qui avaient été signalés au gouvernement Anglnis. - Protestation de l' Angleterre qni in,•oqua
«la loi d'exlradition commune à tous les pays. » Les Etats-Unis ne donnant
point satisfa::tion à l' Anglelerre,tles exlrnditions furent suspendues entre les
deux pays pendant quelque temps. L'accord revint dans ln suite, l'un et
l'autre pays ayant abandonntl des prétentions trop absolue•.
t
t
�DE LA LIBERTÉ INDIVIDU.ELLE DE t'ÉTRlNGER EN FRANCE
DROIT FRANÇAIS
il renoncer au bénéfice des réserves faites par l'Etat requis,
et consentir à sa mise en jugement sur les délits réservés?
On s'accorde à reconnaître qu'il ne peut invoquer un droit :
les conventions d'extradition sont des actes négociés hors de
son intervention, sans que son intérêt soit consulté, dans la
plénitude de l 'exercice du Droit de souveraineté des parties
contractantes. Si l'extradé ne peut exiger, comme étant son
droit, d'être jug1) sur les points r éservés, néanmoins on admet que son consentement relève l'Etat requér ant do son
obligation vis-à-vis de l'Etat requis.
C'est en ce sens que s'est fixée la jurisprudence française.
Cette jurisprudence ne paraît pas fondP,e en bonne logique, les
tribunaux et la chancellerie ne s'y sont ralliés que récemment. On estimait autrefois que la convention internationa]P,, comme les réserves qu'elle contenait, étaient de droit
strict. Cette théorie fut encore rappelée dans un discours de
•
M. 1' avocat général Moulineau, le 4 nov. 1879 devant la Cour
de Caen 1 •
Quoiqu'il en soit, si la jurisprudence nouvelle est un peu
moins logique, elle est certainement plus large et plus intelligente. te système qu'elle c1pplique est exprimé dans une circulaire du ministre de la Justice (affaire Lamirande) . Le ministre rappelle au respect des dispositions des traités, mais il
estime qu'on n'en violerait pas l'esprit en passant au jugement, si l'accusé accepte volontairement la décision du jury sur
les points réservés. - La même opinion est admise en Belgique. - Mais les traités franco-néerlandais, franco-bel ge f"t
d'autres encore mentionnent que lP. gouvernement requis sera
en tout cas avisé du co11sentement donné par l'accusé, do su bir le jugement sur les cbefs d'accusatiou résorvés dans la
négociation de son extradition.
Les traités franco-suisse (i870), franco-italien (i870) com1
Discours cité par li!. P. Bernard, Traité de l'Extraditioo p. 500.
•
\
45
portent non seulement la nécessité de l'avertissement, mais
encore l'assentiment de l'Etat requis et de plus la condition
que le délit, qui fera l'objet du jugement, soit prévu dans les
traités d'extradition.
En général, ces réserves tendent à protéger les extradés contre la mise en jugement pour faits politiques .
Bien qu'ici nous nous préoccupions surtout des questions
telles qu'elles sont résolues chaque jour dans la pratique,
nous signalerons la tendance du projet de loi sur l'extradition dont le Sénat est saisi. Aux termes de l'article 4: « L'extradition ne sera demandée ou accordée qu'à la condition que
l'individu extradé ne sera ni poursuivi ni jugé pour une infraction autre que celle ayant motivé l'extradition, à moins
qu'un consentement spécial donné dans les termes du traité
par le gouvernement requis ... •> Art. i5 : « Dans le cas où le
gouvernement requérant demandera pour une infraction antérieure à l'extradition, mais découverte postérieurement, l'autorisation de poursuivre l'individu livré, l'avis de la Cllambre
des mises en accusation devant laquelle l'inculpé avait comparu pourra être formulé sur la seule production des pièces
transmises à l'appui de la seconde demande. Seront également transmises par le gouvernem~nt étranger, et soumises à
la Chambre des mises en accusation, les pièces contenant les
observations de l'individu livré ou la déclaration qu'il n'entend en présenter aucune. L'extension de l'extradition ne
pourra être autorisée que par décret. >>
Telles sont les dispositions qui, dans uu avenir prochain,
règleront la question des délits et crimes réservés. On se
préoccupe grandement, cela est visible, de sauvegarder la liberté de l'extradé par un extrême respecl des exceptions formnlées par l'Etat requis 1 • En ceci l'intérêt de la répression
1 Cette question parait avoir élé mieux réglée encore dans le traité de
1871, entro la Delgique et les Pays-Bas.-V. P. Bernard,Trailé de l'Extrad. p. 505.
�1
DE LA LIDERTÉ INDIVIDUELLE DE L ÉTRANGP.R EN FRANCE
47
DROIT FRANÇAIS
4,6
parait un peu négligé et l'on verra tout à l'heure les critiques
que l'on peut faire au système des restrictions.
Si les faits réservés ne sont point connexes au délit qui
donne lieu à l'extradition, rien de plus aisé que de les laisser
dans l'ombre au cours de la procédure. Au cas de connexité
on peut avoir quelque peine à délimiter le terrain de l'ins-
truction comme celui du débat.
L'étranger sera-t-il fondé à se réclamer de la convention
d'extradition si, par exemple, après avoir été extradé à raison
d'un fait qualifié crime, la qualification vient à changer ; si
par suite du rejet de circonstances aggravantes l'infraction
devient purement correctionnelle ? Les circonstances qui donnaient au fait délictueux un caractère particulier de gravité,
ou qui le faisaient rentrer dans la catégorie des délits entraînant extradition, ont pu déterminer l'État requis à consentir
l'extradition, alors qu'il l'aurait refusée s'il se fùt agi d'un
délit plus simple ou non prévu par le traité. En pareil cas,
nous pensons, comme M. Billot, que le tribunal doit s'abstenir.
Cependant M. Faustin Hélie estime que la qualification doit
être abandonnée à l'appréciation du juge, mais ne saurait modifier à l'égard de l'extradé les effets du jugement.
SECTION III
Extradition en matière de crimes et d élits politiques.
§. i. -
CE QU'ON DOIT 1ENTENDRE PAR CRIME OU DÉLIT POLIT IQUE
En droit pénal privé, dans les Etats assez heureux pour n'avoir
point d'histoire, dès leur première heure nés à la liberté
comme dans ceux qui touchent à l'affranchissement politique, l'expression de crime politique paraît incompréhensible,
Dans ces États les violences contre les personnes, la propriété,
les meurtres, les attentats à la vie des chefs de gouvernement
ne sauraient se colorer d'un prétexte politique et sont toujours
des crimes communs.
Quand la manifestation de la volonté populaire est libre et
peut se traduire par un effet util~, les procédés violents, tendant à la substitution de tout autre r égime par la suppression
des personnes, sont irrationnels et par suite criminels.
En possession de la forme gouvernementale la plus parfaite
qu'il soit possible d'atteindre, qui laisse libre toute les initiatives dans la limite des droits individuels, les hommes, fauteurs
de troubles, sont inexcusables et leurs agissements ne méritent
,
pas l'honneur d'une appellation spéciale.
En droit pénal int ernational, la distinction en crimes politiques et crimes communs se fonde uniquement sur la dissemblance des constitutions.
A notre époque, les crimes et délits politiques ne donnent
plus lieu à l'extradition : c'est un point acquis en droit conventionnel.
On a cherché à expliquer cet accord des États . Pour quelques auteurs il est injustifiable. Les uns y voient un encouragement à toutes les r évoltes, les autres, comme M. Renault,
disent 1 : « Un État républicain, comme un Élat monarchique,
peut trouver criminelle toute tentative faite pour renverser
violemment la constitution d'un pays, et il ue répugnerait pas
aux idées de droit de l'un ou de l'autre de contribuer au châ·
timent d'individus qui auraient amené la guerre civile dans
leur patrie, que les institutions de celle-ci fussent monarchiques ou républicaines.» - M. Bernard espère qu'un temps
viendra où la répression des attentats contre uu gouverne·
ment sera moins terrible qu'elle ne l'est aujourd'hui et qu'alors
on pourra, sans pêcher contre la justice, livrer les auteurs de
1
L. Renault. - Des crimes politiques en matière d'extradition.
�48
DROIT FRANÇAIS
crimes contre lesquels l'humanité proteste, bien qu'ils se parent
d'idées généreuses d'affranchissement social et de liberté •. .M . Martens, l'éminent professeur russe, s'est prononcé rér.emment pour l'extradition des auteur! de crime d'assassinat, malgré que le motif et le but fussent politiques.
Rien ne s'opère aisément, la liberté comme toute autre création est enfantée dans les douleurs, l'état despotique étant la
forme naturelle et primitive de l'org anisation politique, s'imaginer que les monarchies, même constitutionnelles, abandonneront volontiers leurs prérogatives, pour s'acheminer vers la
liberté démocratique à laquelle tendent les peuples, est pur
rêve. Croire que la transition à la forme républicaine, forme
d'organisation finale, nécessaire, se fera insensiblement et sans
secousses, c'est imaginêr la politique idyllique.
La vérité est que les monarchies défendent le principe dynastique, elles luttent pour l'existence contre l'idée r épublicain e ;
pour elles les révolutionnaires sont bien de véritables ennemis
et non des égarés d'un moment : la lutte ost nécessairement
implacable.
Si les Etats monarchiques, ayant des constitutions identiques,
se refusent,entre eux, l'extradition des réfugiés politiques, c'est
que ces Etats ne doutent point que la répression ne soit violente,
qu'elle ne dépasse la mesure, que le châtiment ne soit la persécution. C'est l'opini on publique, plus forte ici que le prin cipe monarchiqu e, qui lui impose silence, lui interdit des revendications de cette nature, quels que soient les adversaires ,
quel qu'ait été le caractère de la lutte, qu'on ait assisté au
combat d'une dynastie contre une autre dynastie, ou de
l'idée républicaine contre l'idée monarchique.
Certaine école, animée sans doute des meill eures intentions, méconnait profondément l'observation historique en
croyant à la possibilité, dans l'ordre politique, d'une réfor·
1
Bernard. Traité de l'Exlradition, t. li, p. 253.
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DB L 1 ÉTRANGER E N F RANCE
49
mation progressive tout en demeurant pacifique. Dans l'ordre
écon.omique, où le progr ès se lie aux mœurs intimes du pays,
la violence ne sert de rien, mais en politique il est une période
à traverser où les r éformes ne s'obtiennent que par des coups
de force .
Le régicide est-il un crime commun ? - Cette période ou ère
politique doit être envisagé par le jurisconsulte principale
1,.
ment dans la question du régicide. Les solutions en cette matière r esteront, il est vrai, dans le domaine du Droit philosophique, plus qu'elles ne deviendrontd'uneapplication pratique.
L'auteur d'un régicide doit-il être extradé? son acte est·il un
crime ordinaire, passible de la répression de droit commun ,
ou doit-on le qualifier crime politique ne donnant pas lieu à
l'extradition .
A vouloir apprécier cet homicide en soi, on risque de faire
fausse route ; à r aison de la personne exceptionelle qui en est
la victime, c'est d'une manièr e toute exceptionnelle aussi qu'il
le faut envisager. Le titre de roi n'efface pas la personnalité humaine, dira-t-on, sans doute, mais la personnalité humaine ne revèt pas non plus nécessairement le titre de
roi. Toutes les fois que ce titre, avec le système gouvernemental qu'il implique, n'est pas l'expression d'une volonté
populaire spontanément et expressément déclarée, il est une
anomalie, une exception.
Nous touchons au criterium qui fera reconnaitre le caract ère politique ou non politique du régicide. Ce criterium ri>side
dans la manifestation du suffrage populaire.
Et de fait, aux Etats Unis, l'attentat contre le Président de
l'Union est un crime commun. - En France, nul ne soutiendra que les art. 86 et 87 du C. Pénal soient applicables au Président ùe la République. Ces chefs de gouvernement, considérés dans leur personne, ne personnifient pas une idée politique,
leur magist1·ature n'est que la conséquence d'une forme poliq_
�DE LA LlBERTt: l NDlVIDUELJ.E DE r.' éTRANGER E:S l~RA NCE
DROIT FRANCAIS
50
mis contre la souveraineté populaire don t le droit est universel, mais contre la souveraineté monarchique dont le droit est
tiqu e spontanément et expressément acceptée par le peu ple .
11 est deux h ypothèses qui n 'offrent poin t de difficulté . Un
monarque est tué en temps de sédition à la tête des troupes
qu'il commande, le meurtre est politiqu e, c'est la lutte avec
ses chances néfastes égales de part et d'autre. S'agit -il
d' une ven geance personnelle, le crime est alors crime commun .
Mais, l'attent at a -t-il lieu en plein calme politique, du moins
dans le repos de la rue ? comment apprécier l'attentat ? Qui
sera l'appréciateur ? La difficulté est certaine, mais n on sans
solu1ion. On devra considérer si !'fre politique est ouverte on
n on. L'attentat de Lou vel con tre le duc de Berry r entre don c
local 1 . »
Le gouvernement Suisse n'a point imité les autres États il a
'
eu garde dans ses con ventions d'insérer une clause quelcon que
d'exception relative aux attaques dirigées contre un souverain .
Il invoque la di ITérence de principes sur lesquels peut reposer
l'organisation politique de deux pays . Dans un message qui
accompagnait la présentation d' un traité r écent , il était dit.
1c La Confédération saura remplir loyalemen t ses devoirs vis-àvis d' un État voisi n e t ami. Elle entend se ulement se réserver
le droit plein et enlier d'examiner, pour le cas d'attentat contre le souverain comme pour les cas or dinaires, si le fait a un
dans la catégorie des crimes communs.
Suivant le cas, le régicide, sera ou n e sera pas crime politique. Quand les aspiro.tions du peuple sont manifestes ; lorsque surtou t le sang des martyrs de la liberté aura coulé, il
sera impossible de se méprendre, l'ère politique, l'ère de combat est ouverte, la conduite d'u n Etat républicain, requis d'ex.
trader l'auteur du régicide est toute tracée.
L'État qui livre un in dividu, qui l'extrade, solidarise sa
cause, ses intérêts avec ceux de l'État r equérant.
On a vu que cette solidarité d' intérêts, dans la répress ion du
crime et du Jélit commun, éta it sinon le fo ndement même du
'
moins de la nature de l'extradition.
Entre États régis par ùes principes différents et en matière
politique cette solidarité disparaît, l'extradition d' un régicide
ne serait qu' une œuvre de passiun ou bien une contradiction
flagrante .
M. Mailfer a précisé la même idP.e avec une sing uliè re énergiP: • L'extrarlition, dit-il, doi t être arco rdée en droit d1~ m o
erali0p1e, "'si cllH LW l' •st pa~ e11ro:-e, c't>~ l q11e le droil démocratiq11e n'est pas encore uniformément ado pté; c'est que les
1
crimes politiques pour lesquels l'extradition est un animell\ent
refusée ~ ar les États de l'Europe, ne sont pas des crimes corn-
:a
caractèr e politique ou n on . J>
On sait que dans les n égociations d' un t raité récent entre la
Suisse et l'Espagne, ce premier Etat s'est refusé à reconnaître
comme crime commun l'acte de r égicide.
D'ailleurs, l'éminent M. Broch er, rapporteur devan t l'institut
de Droit international, session de Paris, s'élevait avec for ce
contre la théorie de la loi convention nelle Franco-Belge qui déclare crime commun l'atten tat à la vie du souverain, et contre
l'opinion de la com mission anglaise de i 877. Pour !U. Broch er
tous les crimes politiques, et par consé iuent les attentats contre les fonctionnaires et les m onar q ues, «ne sont pas n écessairement contraires ni à la morale ni aux principes absolus de
•
•
l'ordre social. »
La clause belge doit son origine à la tentative Jacquin. En
1856 un individu de ce nom avait disposé sur le chemin de
fer du Nor d une machine infernale destinée à tuer l'empereur
Napoléon III , la tentative échoua, Jacquin se réfugia en Belgique. Arrêté provisoir ement, la chambre du Conseil du tribuMailfer. - u De la démocralie dans s~e rapports avec le droit international. 1>
1
�DROIT FRANÇAIS
na! de t'" instance de Bruxelles délibéra et trouva qu'il n'y
avait pas crime politique. - La Chambre des mises en accusation estima que l'acte de Jacquin avait un caractère purement politique et ordonna la mise en liberté . - Cet arrêt fut
cassé : la Cour de Liège devant qui fut renvoyée l'affaire jugea égalemsnt qu'il n'y avait qu'un crime politique. La situation était embarrassante pour l e gouvernement belge et
le gouvernement français: ce dernier retira la demande de
poursuite.
Peu après cet incident une convention additionnelle au
traité d'extradition existant eut pour effet d'insérer dans la catégorie des crimes communs l'assassinat et la tentative sur la
personne du Souverain. Depuis cette époque, la même disposition n'a cessé de figurer dans les conventions avec la Belgique, elle a été introduite, en outre, dans un grand nombre
de traités conclus par la France, à une époque toute récente
encore. Cette clause cependant n'existe point dans les traités
avec le Pérou, l'Angleterre, l'Espagne.
§. Il. -
CONNEXITÉ DE DÉLIT COMMUN
De graves difficultés surgissent lorsqu'au crime ou délit
politique se joint une infraction de droit commun, quand en
un mot il y a connexité de délits . 1\1. Renault, dans son
excellente étude, propose la règle suivante: « Tout ce qui s'explique par l'insurrection et en est une cause directe revêt le
\!aractère de celle--ci au point de vue de l'extradition. » La destruction des propriétés publiques ou privées, pour garder son
caractère politique, doit se rattacher à lutte, s'expliquer par
les nécessités de l'attaque ou de la défense. Ces distinctions
nous paraissent très-rationnelles. Dans ce système l'incendie
du Louvre el du Luxembourg, les mines disposées sous le Panthéon pendant la Commune de Paris sont des crimes communs.
1
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L ÉTRANGER EN FRANCE
53
Ils en sont certes d'autant plus odieux qu'ils sont sans signification. Ils sont la spoliation de la richesse artistique de la nation et de l'humanité intelligente : s'il eût été possible de
reconnaître les auteurs de ces actes de banditisme, la Bel1
gique ou tout autre État eut pu les extrader sans scrupules •
Mais à notre avis il n'aurait pas fallu étendre cette idée aux
actes de destructions des propriétés privées, car là se trouve
précisément la caractéristique de la politique de la Commune:
les propriétés particulières saccagées, incendiées, ne l'ont pas
été, le plus souvent du moins, dans une idée d'appropriation
systématique des biens, mais par suite d'un systf>me de terrorisation inauguré contre une classe de la société ; ici, on est
en présence du crime politique pur.
Les auteurs se sont eCforcés de trouver une formule qui fixât
les caractères du crime et du délit politique. Parmi ces définitions générales, il n'en est guère qui soient satisfaisantes.
D'après M. Fiore. « Les délits politiques sont reux: qui troublent l'ordre déterminé par les lois fondam entales de l'Etat, la
distribution des pouvoirs, les limites de l'autorité de chaque
citoyen, l'ordre social, les droits et les devoirs qui en dérivent t.,, Nous ne cilerons que celle énonciation qui parmi
3
d'autres est une des plus concises et des plus compréhensives •
M. Fiore convient « qu'en théorie l'idée juridique du délit politique n'est pas déterminée avec précision ». Il estime que
ce qu'il y a de mieux à faire c'est de laisser aux magistrats
le soin de décider du caractère politique des infractions ' .
' La distinction entre les crimes politiques et les crimes communs P11 rul
trop difficile à démêler, et les Chambres Belges rerusèreut de livrer les individus de la Commune. - Cu. lies Députés, du 31 mai iSlL
' P. Fiore. - Dr. pénal internat. p. 592.
'V. Ortolan, n• 116. 'frébutien. - liaus, Principes du Dr. pénal Belge,
t. 1, p. l!43, n• 329 el suiv. 2m• Mit. - Teiclunann in Rev. du Dr. internat. et
de Dr. comparé, 1879, p. 475.
' P. Fiore, loc. cit.
�DE LA LIBERTB INDIVIDUELLE DE L'(nRA.NGER EN FRANCE
UROlT F RA NÇAIS
D'une formule précise dépend la garantie de la liberté du
fugitif politique. S'il est difficile de trouv er une définition applicable à tous les États , quelle que soit leur constitution , au
moins peut-on s'efforcer , en r.e qui concerne la France républicaine, de recher cher une r ègle pratique satisfaisante
§ III. -
1
•
L'ÉTAT REQUIS APPRÉCIE L A NATURE DU DÈLlT
Le droit conventionnel s'accorde à laisser l 'appréciation du
crime ou délit politique à l'État r equis. C'est la une donnée
constante dans le problèm e à r ésoudre 2 • Un g ouvernement
1 Rapport de la Commission anglaise sur l'extradition. - Report or the
Commissioners, London, i87R, p. 7 et suiv. - " Tl est vrai qu'il est de l'intér êt de chaque nation de maintenir la paix et l'ordre intérieure, en assurant
la soumission de ses sujets au gouvernement établi. On ne peut g uère dire
cependant qu'une nation quelconque à un tel intérêt à conser ver une for me
spécial de gouvern ement ou une dynastie déterminée, q u"elle doive fair e
ca~s~ commune e vec ce ll e forme ou cette dynastie contre les délinquants
poli tiques. Le rebelle qui trouble la tranquillité de son pays, qui provoque des
désordres dans des vues intéressées et sans s'iuquiéler des malheurs qu'ils
e~lra!nent, est sans do ute fort odieux; l'histoire et l'expérience oous en seignent cepe~da~t q u'il y a des cas exceptionnels où les motifs les plus noLies pe uvent mspirer la résistance à l'usurpation el à ln tyrannie où l'insur"é
0
même s'il succombe, échappe à t oute condamnation et comma~de même
sym~alhi~. Il doit toujours être d iffici le à un pays de prononcer entre les
partis qui sont mêlés aux dissensions politi'Iues d'un autre pays. JI y a plus
· . .11 peut ee produire des vues divergentes•
· 1a d"1scorde c1vlle,
là mêm
. e ou' surgit
au 8 ~Jet d~ la justice ou de l'iojuatice de la cause. Peut-être est-ce à ces
co~idératlons que le sentiment générol de l'hum anité est con traire ô. l'idée de
punir ~e la peine ou de toute autre peine grave l'exilé politiqu e. Ce n'est pas
une mmce pe~ le , ce n'est pas une légère punition pour un tel homme que de
perdre lo patrie pour loquell e il a risqué sa vie et l 'on peut parfaitement
' où il a cherché un refuge.
1 s é"
tolérer q~'1
Journe tranquillement dans la con trée
1 ~ faudrait donc conse rver le prin cipe jusqu'ici adopté d'exclure de l'extradi•
t ion les délits qui ont un caractère polili'lue. »
.
'La discussion la plue ré cent e sur 1n question
se Lro uve duns l'ouvrage de
M. Bernard
• .t · .Il • p · 270 e t sui· vantes . L•auteur conclut en exprimaa l le vœu
,
1
que appré~iation du déli t oppartienne à l'État requ éran t ; mais c'est là précisf>ment la difficulté.
.
de cette 1·dé e, que les nalloas,
M. Bernard part
après avoir rédig6 chacune
.
.
pour e Ile sa hale de d élit~· port•
afin de ne consentir
1 1quce, s 'entendraient
1:
r épublicain libre dans son appréciation pourra don c considérer
la demande d'extradition comme visant un fait politique, lors
que l'individu réclam é excipant d' une intention politique, il sera
m anifeste que la pensée politique de cet injividu n'aurait pu
se r éaliser légaleme nt d'aucune façon ou qu'il n'avait point la
facult é d'user d'autres procédés que ceux dont il s'est servi.
L'autorité chargée d'apprécierl'acte du sujet réclamé , est amen ée ainsi à considérer la constitution de l'État r éclam ant ; cet
ex amen , b.i en entend u , n'implique au cune appréciation sur
la legitimini ou l'illégitimit é de la consti tution de l' État étranger.
Evidemment c'est adme ttre le pr incipe que toute manifestation de la pensée politique est libre; c'est un droit de l' homme
que cette pen sée se fasse j our, n ulle entrave ne la peut r~ten ir.
Cette théor ie, nous en convenons, n'est admissible q ue dans un
État r épublicain .
Lorsque des particuliers auront été occasionn ellement lésés
dans leurs biens, leu r per sonn e, par l'actè qui motive la dem ande d'ex tradition , il n'y aur a pas à se demander si le délit
commun est principal ou secondai re, en d'autre terme s' il prime
ou non le délit politique, cette distinction ne conduil à aucuue
solution : suivant le syst ème que nous exposions, au cas de
connexité, l e re rus cl' extradilion dépen dra u niquement de
l'impossibilité où se trouvait le sujet r éclamé de traduire diftoutes extraditions, sauf celles visant des faits exceptés dans le répertoire des
délits politiques de l'Etat requérant, ou bieu encore des faits qui flgurer ait:ot
comm e po liliqu es dans le répertoire de l'Etat requis, alors mêmu que l'Etat
r equéraat les coosidérerait comme faits communs. Si nou;; a'"ons bien saiei
&on système, cela nous parait bien de la complication pour arriver il peu
près au résultat de ln pratique eu vigueur.
Dans ce sy~lème, il fout admettre la poseibilité d'arrêter on e liete des crimes
et délits politiques ; c'est mécoo nultre le caractère protéiforme de ces délits ;
c'est supposer l'immuabilitè des princi pes de gou'l"'ernemenl, immuo.b1hlé qui,
si ell e existait, serait fatale au progr\.ls.
A la vérité ce ne pi?ut ~tre que l'État requi~ qui, en matière politique, bien
enlcnduau seul point de vue de l'e:i: lradition, peut apprécier le car11ctère du Mlit.
Jamais l'opinion n'accepternque l'appréciation du déli t dépende de l'Elatinlére1~è.
�56
DROIT FRANÇAIS
féremment sa pensée et de la conduire à réalisation. La manifestation de la pensée politique «par le fait i> peut ainsi, suivant le cas, donner lieu ou ne pas donner lieu à l'extradition.
Disons que si l'acte n'a été commis que dans l'intérêt d'une
politique personnelle, égoïste, exclusive, point de doute que
son auteur puisse être livré. En effet, dès qu'un tel individu
n'aura pas introduit une idée politique, différente de celle qui
soutient le gouvernement qu'il attaque, cet individu n'aura
simplement cherché qu'à substituer son propre despotisme à
l'autorité existante, rnns avantage pour les libertiis publiques.
En pareil cas, seuls les intérêts lésés et communs devront être
considérés, et l'auteur d'un coup d'État, pour l'appeler par
son nom, sera livré comme un vulgaire malfaiteur 1 •
Quant à ces faits qui ont récemment ému les pays d'Europe,
soit une tentative de déraillement d'un train oû périssent des per1
Fera-t-on une objection tirée de la conduite du prince Bonaparte au 2 dé-
ce~ra? Si les événements avait tournédiliéremm&nt, si les actes du prince n'avaient réussi à le faire s'emparer du gouvernement ; en cas de fuite à l'étran~er, ~n extradition de vait être 11ccordée. Pense-t-on qu'il eut pu arguer de ao n
1
nt.ention de restaurer la liberté, en restituant à la nation le suffrage universel
qu une assemblée maladroite et impolitique venait de retirer. N'élail-il donc
pas possible de rendre à la France Je vote universel sans corrompre les
troupes, sans les ruer sur la peuple el sans mort d'hommes. De tels actes
au.tori~aient l'extradition . li n'est pas de douta que le but politique que le
prrnce n'eùt pas manqué d'invoquer pouvait être atteint par d'autres voiet>.
Sous le Consulat, un individu dispose une machine infernale formée d'un
baril de poudre destiné à faire explosion au passage de Bonaparte, premier
consul, se rendant à !'Opéra : l'appareil est trainé par une femme qui ignore
le danger qu'elle court. L'explosion la tue. Considérera-t-on l'homicide de
cette .femme ou le crime politiqu e. Dans le systèwe que nous indiquions, c'est
cert8.!nem ent l'homicide vulgaire qui esl à consid érer, car il y a là une existen ce étrangère au dessein politique froidem ent sacrifiée · en cas de fuite du
meurtrier, l'extrad ition s'imposait. L'explosion du palais d~ Tzar en Russie>
lue ~e nombreuses personnes, l'empereur échappe par hasard : ici l'intention
· ·d ea est complexe, il vise principalecnent J'r mpede 1auteur de tant d 'h om1c1
reor, mais aussi l'entourage qui eoutient une polilique détestée; il faut épou·
· ·
· el les v1ct1mes
vanter la troupe. même q11·l garde 1e pu 1ais,
paruu· cli c
faites
ser~~nt le des~ern poursuivi. Le crime ai atroce qu'il soit, demeure purement
pohl!que, et n'autoriserait pas l'edradilion.
1
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L ÉTRANGER EN FRANCK
57
sonnes inùifferentes, contre lesquelles l'action homicide n'est
point dirigée, l'auteur de l'acte ne pourra soutenir qur~ lui
était impossible d'atteindre autrement la personne umque
qu'il visait. S'agit-il d'une accumulation de matières explosives et d'explosions comme celles qui terrifièrent l'Angleterre
dernièrement : ici la pensée politique vise une société entière
et le but poursuivi, avoué par les auteurs de ce~ actes, n'est
pas réalisable d'autre façon que par des procédés de terrorisalion, leur action demeure purement politique et ne saurait
donner lieu à l' extradition. Il est vrai que M. Francis Wharton ~st bien loin de notre opinion : << On doit écarter, dit-il, de
l'application du terme politique, l'assassinat ou la transmission
de dynamite dans le but do produire des explosions devant
être fatales à la vie humaine.» (Journ . de Dr. iutern. privé,
i883, N° VII-VIH, p. 375).
Toutefois, s'il est démontré qu'une association éversive de
forganisation actuelle de la société étend son action sur tous
les Etats et que ses membres coopèrent à une œuvre unique,
la question change d'aspect.L'objet de r.es actes est au-dessus
des formes du gouvernement, il n'y a pas lutte politique proprement dite, mais guerre ouverte, avec des troupes antagonistes en position vis-à-vis l'une de l'autre; c'est le conflit de
deux pensées sociales, le terrain de la lutte est la surface même
occupée par la société . L'extradition est dès lors une arme
de guerre entre les mains des autorités actuellement déléguées
au pouvoir, mais n'a poiut de fondement juridique.
Si l'on reprochait au système qui vient d'être exposé de ne
tenir aucun compte d'une philosophie fondée sur la morale;
on répondrait par ces paroles de M. Guizot: a L'immoralité
de ces délits (les délits politiques) n'est ni aussi claire ni aussi
immuable que celles des autres ; elle est sans cesse travestie
ou obscurcie par los vicissitudes des choses humaines, elle varie selon les temps, les événements, les droits et les mérites du
�1
58
DE LA LIBERTÉ I NDIVIDUELLE DE L ÉTRANGER El' FRANCE
DROIT FRANÇAIS
!)9
Pouvoir ; elle chancelle à chaque instant sous les coups de la
contracté une obligation de service p ersonnel qu'il ne lui est
force 1 • »
p as possible de r acheter . "
M. Sappey s'élève avec non m oins de force contre l'extradition qu'il qualifie de • droit cruel, usage barbare que nos
m œurs adoucies ont restreint dans les ~plus étroites limites.
L'extr adition ne s'accorde plus g uère aujourd'hui que lors-
SECTION IV .
E xamen théorique de l'extradition .
§. 1. -
qu'il s'agit de ces crimes qui offensent l'hum anité et dont la
r épr ession importe à tous les peuples. Des t raités conclus par
CONDITION DB L'ÉTRANGER AU P OI NT DE VUE PÉN.U
la Frence avec plusieurs nations de l'Eur ope en ont assuré la
r estriction salutaire ; on ne la demande qu'avec répugnance,
on ne l'accorde qu'Avec regret, et l'Europe, que les commotions successives dont elle a été le théâtre ont rendue tolé-
La situation juridique du m alfai teur étran ger devan t les
tribunaux r épressifs n'offre rien de particulier : procédure,
instruction, jugement ne diffè rent point do ce qui se passer ait
s' il s'agissait d'un national. Le co upable est arrêté , condamné,
r ante, l'a, d'un accord à peu près unanime, proscrite en matière politique . Disparaîtra-t-elle complètement un jour? Au
m ois de juin t83 1, il avait été déclaré, au nom de la Fran ce,
puni dans les mêmes conditions qu'un régnicole.
Si au contraire le malfaiteur s'est dérobé par la fuite à la
répression qu'il doit subir , et a cherché iefuge à l'étran ger,
son extradition donne lieu à des questions intér essantes au
point de vue spécul atif, et c' est à ce point de v ue que nous
allons nous placer ici.
§. JI. -
FONDEMENT ET LÉG lT IMITÉ DE L'EXTRADITION
Le droit sur lequel repose les mesures qui nous occupent, a
r
qu'elle ne demanderait ni n'accorderait jamais plus l'extradition. Pourquoi a-t-on été infidèle à ce principe? Pourquoi la
t~rre de France ne sauve-t-elle pas le suppliant, comme elle
affranchit l'esclave qui la touche. Serait-il donc si regrettable
que le territoire de chaque nation, devenu sacré, fut un asile
dans l'antique et r eligieuse acception de ce mot? S'il faut nn
châtiment, n'ost-ce rien que l'exil? Les anciens le permettaient
connues et voici quelques passages 1 les plus saillants, t irés
des ouvrages des publicistes.
à l'accusé qui désespérait de sa cause, et la patrie croyait
1
avoir assoz puni le coupable qui ne devait plus la revoir l> •
La théorie de M. Sappey et Pinheiro-Ferreira diffère peu dans
ses conclusions de celle de!' partisans de l'exterritorialité de la
loi pénale, parmi ceux-ci M. Brouchanù t ~ui, considérant le
M. Pinheir o-Ferreira t; r ésume ainsi son sentiment " ... D'a-
malfaiteur comme justiciable de tous les tribunaux du monde,
été différ emment apprécif, il a ses détracteu rs violents comme
de chauds partisans. Les opinio ns extrêm es m éritent d'être
~rès ~e .que n ous venons de dire, il est facile de conclure q ue
Jamais Il ne peut Y avoir li eu à extradition, si ce n'est da ns
. volon tai. rement
· cu d , avoir
le cas où le défenseur sera'1t convam
Guizot, Discours sur la peine de mort, i 821.
'Revue Etrangère, t. 1, p. 65 .
t
j uge l'extradition inutilo.
L'extradition se pri'sente sous un double aspect juridique
qu'il faut disting uer, le droit de l'État requérant de r éclamer
1
Condition des élrnngers en Frnnce, 3m• partie, p. 306.
1
De l'exlradllion, p.
3~.
�DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L'ÉTRANGER EN FRANCE
60
que le caprice seul des gouvernants suffirait à r endre valable
DROIT FRANÇAIS
un individu, et le droit d'obligation de l'lttat requis de déférer
à la demande qui lui est faite.
Les auteurs dont nous venons de parler nient l'un et l'autre
droit, un plus grand nombre s'entendent bien sur le droit de
l'État requérant, mais différent de sentiment sur l'obligation
de l'État requis. - Dallo:;. Rep . T1·aité, N° 270. « Le m ême
intérêt général doit déterminer le souverain d'un État à abandonner un coupable dans l'intérêt de la sécurité de son voisin
il Y a un second intérêt non moins évident, c'est celui del~
r éciprocité. » Fœlix, dit que l'Axtradition est subordonnée à
des considé rations de convenances et d'utilité réciproques.
1
Warthun et Baus ne voient que l'utilité qui r essort de l'extr~dition, ils la trouvent par là-même assez légitime pour la
faire demander et consentir entre États .
. M. Ph~limore, l'auteur d' un traité des plus complets de droit
mternat1onal s, considère l'extradition comme un acte de bon
procédé, de nation à nation, de pure courtoisie m ais il semble
'
lui dénier un fondement juridique.
D'autres écrivains, Martens, Hefter, et Philimore se préoccupant surtout de l'obligalion de l'État r equis, Ja font dériver
uniquement de la iettre des traités. La convention d'extradi- tion
• l'acco r d d e vo 1onté de deux pays su r un
. ,
. est, un contrat
ObJet determm e, le lien de droit est formé, il fait naître l'obligation de livrer le coupable. Il nous paraît di fficile de voir là
un fondement juridique de l'obligatio~ de livrer . il no nou s
est. pas d~montré en effet que l'obj et du contra; soit licite .
pas • l'ob'Je t d u contrat ici, c'est la remise
Qu
• on. ne. 1.oublie
d un ~ndlVld~, malfaiteur ou supposé tel, soit, mais d'un ê tre
~umam. O_u est-ce don c qui l égitime un tel m arché? Est-ce
.a convention par sa seule vertu ? il faudrait alors admettre
1
1
Dr. Criminel, n• 7l6.
Jnltrnational Law.
61
1
toute espèce d'accords •
Grotius avait dit : « Le droit qu'a l'État de punir le coupable
ne doit pas être entravé par l'autre État, sur le territoire duquel réside l'inculpé : au contraire, il doit le punir ou le livrer
au pays qui le réclame pour le punir n. Cette proposition
exprime la v érité, elle se fonde sur la légitimité du droit de
réprimer, droit que rien ne doit venir entraver, qu'on invoque la justice universelle, oomme l'a fait si éloquemment
M. Faustin Hélie, ou simplement l'intér êt de la défe nse sociale.
u Le Pouvoir social, dit M. Faustin Hélie, dans le sein de chaque société , a le droit de joindre son action, dans certaines limites, à l'aclion de la justice étrangère, soit pour aider dans
un intérêt génér al à l'application des r ègles de la justice universelle, soit pour maintenir l'ordre et la j ustice de son propre
pays ; ce devoir lui est à la fois imposé et par la loi morale
1 Fiore fait voir combien d'ailleurs, est dangereuse en pratique la théorie
qui foit dépendre le principe de l'extradition, uniquement du traité. li cite
une décision du Conseil pri,·é en Angleterre. « Un chinois, réfugié à HongKong (colon ie anglaise), et accusé d'avoir assassiné en pleine mer, le capitaine
d'un n avire fran çais, était réclamé par la Chine au gouvernement anglais. La
demande ayant été soumise au Conseil privé, il fut décidé qu'on ne devait
point accorder l'extradition. Cette décision fut basée sur le traité d'extradition
existant entre la Chine et l'Angleterre. On lit dans ce traité : « Seront livré•
par l'Angleterre, les chinois réfugiés à Hong-Kong et accusés de crimes ou
de délits contre les lois de la Chine. " Le Conseil, se fondant sur la lettre de
la convention, en déduisit qu'on devait entendre comme prévus par celle-ci,
lee crimes et délits ordinaires commis par un chinois en Chine, et réprimés
par la loi chinoise, mais non point ceux qui étaient prévus par les lois élraogères. D'apr ès lui, l'assassinat ayant été commis en pleine mer sur un navire
français, constituait un crime contre les lois françai8es et non pas contre
celles de la Cbine. Comme conclusion , l'extradition fut refusée, bien qu'en
fait, le chinois contre lequel elle était demandée par son propre gouvernement eùt été l'instigateur d' une sédition de trois cent dix coolies chinois a
borù du navire français la Nouvelle Pi!11élope, et que les rebelles eussent massacré le capitaine et une partie de l'équipage, se fussent emparés de la caisse
et eussent jeté sur la côte et abandonné ensuite le navire. Il est véritablement
déplorable que la lettre morte d'un traité, ail été le motif d'un refus d'extradition dans des circonstances graves. »
�1
62
llROIT FRANÇAIS
et par l'intérêt de sa conservation. Voilà le fondement de l'extradition. » - L'idée spiritualiste qui domine l'œuvre entière
de notre plus grand criminaliste explique cette théorie de la
justice universelle 1 • Elle est cependant trop étroite, et ne per' Pour ceux qui conçoivent plue aisément un système pénal, uniquement
fondé snr l'intér êt tangible de la défense des Sociélés, ignorent les mystères
de l'activité morale de l'homme, et ne peuYcnt voir en lui q u'un être utile ou
nuisible à la collectivité, pour ceu.:t-là, la seule doctrine utilitaire offre un
guide toujours sfir. Cette théorie que noue adoptons, d'après Helvétius, Bentham et Com te, est incessamment justifiée par l'observation. La divergence
des systèmes de Droit Pénal, la variélé des législations criminelles, prouvent
bien que celle théorie est en harmonie avec des besoins différents en chaque
endroit, qu'elle est moulée sur les néceseitée, qu'elle satisfait à l'utile, tel que
chaque groupe social le comprend. Noue som mes trop séduit par les termes
excellents dans lesquels M. Ch. Antoine, l'annotateur de Fiore, défend la
doctrine utilitaire du reproche d'être anti-juridique, pour ne pas citer en
entier l' une de ses notes. " Si, en efl'et, la loi émanait d'une autorité supérieure et infaillible, ou bien si elle sortait toute armée, immuable et éternelle
de la raison humaine, comment se ferait-il qu'elle aille se modifiant et se
perfectionnant sans cease? Dans le système utilitaire au contraire rien de
p~us simple que de rendre compte de cette évolulion: A l'origine,' l'homme
vit d'une vie nationale restreint e, n'a qu'une culture intellectuelle peu développée, el ne voit rien au-delà des intérêts de sa tribu ou de sa nation . De
là, so~ peu de souci des intérêts des étrangers, qui lui paraissen t oppo~és
aux siens propres. De plus, les classes aristocrutiques et les autorités religi~uses, primant le reste des me:nbres de ln société, dont elles sont la base,
voient dans leurs propres intérêts la chose la plus précieuse à sauvegarder et
fon t consacrer juridiquement leurs priTilèges. Mais à mesure que lea rapports
de l'homme s'étendent, que les peuples ont des relations plue étendues hors
de leurs fronti ères, que les cla~ses aristocratiques disparaissent, et qu'à l'intolérance succèdent la tolérance et la liberté religieuse la loi elle aussi se
'
'
tous' les
également
1 e, sauvegarde les intérêts des étrangers et protège
n:io dïi
citoyens, sans distinction de classes.
Dans la doctrine utilitaire, l'acte devient répréhensible, quand il est de
éd'1atement ou par voie de conséquence, aux individus
·
· 1mm
nature à n u1re
composant la nation. Autrement dit, le fait est jugé d'après ses elrets. Ce fait
• t de l' empêcher de se r eproduire, en
· d re, ces
étant donné, le bu t à atte1n
délou~nant, par l'exemple du châtiment du coupable, les autres m embrea do
.
la. société de le . commettre, ce 1a d ans 1a mesure du nécessaire,
en proporchâtiment doit
ce
plus
De
délit.
du
celle
à
peine
la
de
tionnant la gravité
' aflo de le ùt!tour-'
· pour but d'amender le coupable,
autant que possible , avoir
ner de nuire de nouveau aux personnes qui lont partie ùu groupe social.
Comment, dès lors, les parliso.ns de celle thcorrn seraient ils awcucs à. pré
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DB L ÉTUNGER EN Pl.ANCE
63
mettrait pas d'extrader les auteurs de bien des actes qui compromettent la sécurité de certaines sociétés.
tendre qu'il soit indifférent de voir se réfugier dans leur pays des homicides,
des voleurs, des banqueroutiers ou des individus coupables de viols ou
d'uttentats à la pudeur. Ces individus apporteront peut-être leurs capitaux
et leur industrie ; mais aussi, ils y -viendront avec leurs habitudes criminelles.
Par conséquent, ils pourront d'autant mieux se rendre de nouveau coupables
dans Je paya où ils se sont réfugiés, des crimes qu'ils ont déjà commis à.
l'étranger, qu'ils y seront encouragés par l'impunité assurée à leurs premiers
méfaits. De plus, le seul spectacle de leur impunité deviendra un mauvais
exemple permanent pour les citoyens, qui espéreront pouvoir, comme eux
échapper par la fuite au juste chdliment de leurs délits. Du reste, il va de
soi, que le pays qui accueillerait ainsi en aveugle des malfaiteurs, s'exposerait à les voir tous accourir sur son territoire et à multiplier ainsi les bons
résultats qui seraient la conséquence naturelle de leur présence. Singulier
utilitarisme, en somme, que celui d'un Etat, ouvrant une telle école de vertu
et faisant un calcul aussi clairvoyant de ses intérêts. "
Non seulement la théorie utilitaire n'est point anti-juridique, maie si l'on
envisage les rapports de la société avec quelques· uns de ses membres, il est
impossible de se rallier, avec conviction, à la doctrine d' une prétendue justice universelle, s' exerçant au nom du bien et du mal. Dans cette société
spiritualiste, on ramasse au coin des rues des hommes, des femmes, dea
enfants morts de faim, morts de froid, morts de maladie.
Ose-t-on prononcer l es mots de manquement à la loi morale, de la part de
ces pauvres hères, qui constituent la classe des matraiteurs. La leur a-t-on
fait connattro, la leur a-t-on montrée quelque part, cette loi? Quelle notion
veut -on qu'en ait l'homme, poussé daos les bas fonds sociaux, grandi dans
des conditions d'éducation déplorable, el quelle langue vient-on lui parler.
S'il a originairement la notion de l'idée morale, elle est Tite faussée, pertur
bée, troublée, anéantie dans un milieu de misère et de débauche et c'est alors
la société qui est criminelle, de frapper cet homme, au nom d'une loi morale
qu'il ignore, ou qu'il n'est plus capable de comprendre.
Cette terminologie prétentieuse doit s'effacer, déjà elle disparait. La loi du
châtiment devient loi de préservation, de conservation sociale. Loi rigoureuse,
iniq ue elle aussi d'une autre façon, maie indispensable. La loi répressive est
le ciment des aB&ociations humaines, en dehors d'elle, la désagrégation est
imminente, elle puise donc sa légitimité dans sa nécessité inéluctable.
Enfin, peut-on ne pas songer combien la scien ce devient circonspecte, dans
l'appréciation de la responsabilité. Est·ce de"aut le problème de la pleine
conscience des actes, ou devant cet autre, de la résistance de la volonté au.:t
impulsions 1, que l'on pourra parler d'observance ou de méconnaissance de
la loi morale. Il faudrait au moins, avoir une mesure dynomométrique de la
1'olonté, pour se prononcer sur la responsabilité. La volonté a ses maladies
l, Maudsley. Le Crime et la F oliü.
�DROIT FRANÇAIS
Quand il s'est agi de caractériser le prindpe de l'extradition
à l'une des récentes r éunions de l'i nstitut de Droit Internatio nal, la première formule proposée par M. Renault, au nom de
la commission et votée à Bruxelles, était ainsi conçue ; << L'obligation d'extrader repose sur l'intérêt commun des É tats et sur
les exigences d'une bonne administration . » La seconde formule était ainsi r édigée: cc L'extradition est une opér ation conforme à la justice et à l'intérêt des États, puisqu'elle tend à
prévenir et à réprimer efficacement los infractions de la loi
pénale. » Celle-ci fut admise par l'Institut . Comme le fait remarquer M. Bernard, cette formule est générale et n'est point
exclusive des infractions qui peuvent être spéciales à cer taines
comme tout autre centre d'activité cérébrale et une ataxie particulièr e peut
troubler nos actions. Dans quel trouble et quelle perplexité les faits récemment démo ntrés de la suggestion mentale, n e doivent-ils pas jeter l'esprit
du criminaliste, nous parlons de celui qui déserte une psychologie sentimentale et littéraire, pour la physiologie et la science positive. Jusqu'ici, la
connaissance de la responsabilité humaine, échappe au législateur.
Il est plus modeste et plus exact de dire, que la loi pénale n'est faite qu'en
vue de la conservation de la Société, et non de son amendement; - et, dr.ns
la réalité des choses, autant de pays, autant de législations pénales. Tel acte
est ici puni ou nép;ligé, suivant qu'il nuit ou ne n uit pas à l'organisation particulière d'un groupe humain. Qua.nd les sociétés étaient théocratiques, on
imhginllit des crimes contre la divinité, c'était le moyen de défense personnelle
du prêtre, quand la société était fond ée sur des distinctions de classes, les
atteint~s à la classe privilégiée étaient plus sévèrement réprimées. Lorsque
le progrès dans sa marche eut balayé et la eociété religieuse et la société de
caste, la loi pénale est devenue égale pour tous. Mais l'ignorance, cause des
précédentes erreurs, n'est pas entièrement dissipée, les erreurs actuelles sont
seulement d'un autre genre. On peut espérer que la science positive envahissant tous les domaines, même celui du Droit; à des institutions empiriques
ou mystiques, substituera des institutions rationnelles. La loi ne frappera
plus, par exemple, de peineJ afDictives et inramantes, les acteurs des drames
de la jalousie ou de l'amour dédaigné, malades fr~ppés d'affections de l'encéphale. Si les explosions de sensibilité de ces malades, autorisent la société à
s'en garer, la société n'est point autorisée à leur faire subir de déchéances
dans Io. vie civile, ni à les mo.rquer d'infamie. La loi ne punira plus de mort
l'infanticide, comprenant enfin, l'énorme disproportion entre la r épression
et le préjudice souffert par la société; crime, d'ailleurs, dont la société e&t la
première complice.
DE LÂ LillERTÉ l NDIVtDUELLE llE !.'ÉTRANGER EN FR ANCE
65
nations t . C'est là un point intéressant à noter qui montre la
préoccupation de satisfaire à des nécessités impérieuses, mais
essentiellement variables suivant l'état politique.
A l'égard de l'État requérant, l'extradition se légitime donc
par la nécessité de faire respecter la loi pénale, la loi de
conservation. A l'égard de l'État r equis, le fondement de son
droit de livrer r éside dans la solidarité et dans la communauté d'intérêt qui unit les nations civilisées.
§. Ill. -
L'EXTRADITION EST IND~PENDANTE DES TRAITÉS
Le traité n'est donc point de l'essence de l'extradition. Il ne
faut voir dans le traité que le 11 r èglement du devoir juridique et réciproque existant entre les États. »
Sans dou te, hors d'un traité, il ne saurait y avoir de moyen
de contrainte contr e u n État qui se refuserait à livrer un individu r éclamé, mais là n'est pas la question, il suffit d'établir
qu'en dehors d'une convention, rien ne s'appose à la r emise
d'un malfaiteur dont les habitudes sont un danger permanent
pour l'État dont il est hôte. Le gouvernement qui extr ade fait
un acte de souverain eté, et l'homme qui s'est mis en guerre
ouverte avec la société ne peut invoquer aucun droit, élever
aucuM juste réclamation, à propos des mesures de précaution dont il est l'objet. Par cela même qu'il est reconnu coupable ou simplement accusé, il est suffisamment suspect:
l'extradition est légitime. En vain prétendra-t-il n'avoir point
offensé les lois du pays de refuge, il constitue un danger , il
)
doit être éliminé.
En étudiant plus loin la matière de l'expulsion nous verrons
combien est différente la condition de l'homme qui p.borde la
frontière d'un pays, pur de toute accusation, se conforme
aux lois de l'État, de celui signalé dangereux. Celui-là a un
1
Bernard. Trait é de !'Extradition, t. II, p. 23.
�DE LA UBERTÉ INL>IVIDUELl,E DE L'f:TRANGER EN FRAl'iTP.
DROIT FRANÇAIS
66
ce que c'est là et non ailleurs que les hommes !'ont contraints
de léser un particulier, pour prévenir une atteinte à l'ordre
public. » - En cette matière, il faut aussi se garder de tomber
dans une autre erreur, celle des auteurs qui voient dans la
loi pénale une sorte de statut personnel qui suit le citoyen
en quelque lieu qu'il aille, et le rend justiciable de ses actes
devant les tribunaux de son pays. Disons que cette opinion
est incompatible avec l'indépendance <le la personne humaine.
A propos des actes de la vie civile, que le national résidant
au dehors, soit tenu d'observer certaines formes, rien <le plus
naturel, car à son retour il importe de connaître sa qualité ju_
ridique ; mais, il conserve sa pleine indépe11dance dans les
actes qui n 'affectent en rien les rapports qu'il aura plus tard,
dans sa patrie, avec ses concitoyens. A plus forte raison,
l'étranger qui aurait commis, hors de France, des actes criminels ne tombera sous le coup de nos lois répressives qu'autant
qu'il aura porté atteinte aux personnes que nos lois protègent,
ou que ses menées auron t été préjudiciables à l'État luimême.
droit imprescriptible au séjour qu'il choisit car, avant d'appartenir à un groupe social quelconque, le sol est à l'homme.
. §.lv
DES CIRCONSTANCES DE LIEU QUI PLACENT L'ÉTRANGER
SOUS LE COUP DE LA RÉPRESSI ON
Le théâtre des infractions à la loi pénale est plus souvent le
territoire de l'État requé.rant. D'autres fois le crime ou délitest
commis au dehors sur nos nationaux, ou bien des machinations sont dirigées de l'extérieur contre la sûreté de l'État.
Dans ces dernières hypothèses, quelle est l 'étendue d'action de
la loi pénale ?
11 faut de suite distinguer la juridiction pénale d'une part,
c'est-à-dire la mise en pratique de la loi pénale, d'autre part,
l'empire de cette loi. - A la frontière expire la souveraineté
de l'État et le droit de juridicti0n, mais l'empire de la loi pénale s'étend au delà. L'action de la loi pénale, s'exer~.ant dans
les limites des frontières de l'État, a fait dire qu e celte loi est
territoriale. Ce point a été l'obj et d'une g rande controverse
qui n'est pas vidée à l'heure qu'il est , et qui ne le sera jamais
tant qu'il y aura deux systèmes pbilosophiques, faisant l' un
de la loi pénale une émanation de la loi morale, l'autre considérant la loi répressive comme un instrument de sécurité
sans origine extra-humai ne 1 • - On a dit, le malfaiteur est
passible de tous les tribunaux .du monde, il peut et il doit être
jugé là où il est pri s. Des auteurs considérables ont soutenu
celte théorie. Mais, c'est bien à tort qu 'on a voulu invoquer en
ce sens l'opinion de Beccaria. « La rertitnd e, dit-il , pour les
mallaiteurs, de ne pas trouver un po 11rl' de terre assuran t l'impunité aux véritables délits, serait uue manière très-efficace
de les prévenir. » Il ne faut pas tronquer les textes , plus loin
Beccaria ajoute : << Le lieu de la peine est le lieu du délit, par1
V. f . Fiore, ch.
111
où cette matière eat longuement traitée.
(jj
§. V. -
>
1
DE L IDÉE DE RÉCIPROCITR DANS LES TRAITÉS D'EXTRAD ITION
Il est de principe dans les conventions, de ne consentir
l'extradition qu'au tant que le fait, pour lequel elle est demandée, est également puni par les lois de l'État requis. Les traités, le plus souvent, contiennent l'énumération des délits donnant lieu à une répression à peu près semblable dans les deux
pays. La clause suivante est presque une clause de style.
Art. 2, in fine du traité Franco-Italien. « Dans tous los ras,
crimes ou délits, l' extradition ne pourra avoir lieu que lorsque
le fait similaire sera punissable d'après la législation du
pays à qui la demande est adressée. »
Ce principe est difficilement conciliable avec l'idée de de-
�DROIT Fl\ANÇAlS
68
fense qui est fondamentale du droit d'extrader. 1\1. Billot reconnait que la théorie par laquelle il demontre la légitimité
de l'extradition, implique la répression du délit dan~ la législation des dèux États. " L'intervention d'un État, pour assurer
la répression du délit commis sur le territoire d' un autre État,
n'est juste qul3 si ce délit tombe sous le coup de la loi pénale
commune aux deux puissances . Si cette condition n'était pas
remplie, l'intervention ne serait pas justifiée, et par suite l'État
1
requis serait •sans droit • n
Nous n'adoptons pas cette manière de voir. S'il fallait rechercher l'origine de ce prétendu axiôme du Droit d'extradition,
on pourrait peut-être la déduire de cette idée inexacte, que
l'État qui extrade fait acte d~ juridiction. Si l'État requis
fait acte de juridiction il faut, de toute n écessité, que dans ses
lois se trouve un texte sur lequel il puisse fonder son action.
Nous concèderons ceci: c'est qu'en livrant le malfaiteur, par
extension de langage, on peut dire que l'État requis fait acte
de j.m'iâiction, qu'il concourt à la répression. Mais, il ne
f~ut pas s'abuser sur le sens des mots, l'État livre le malfaiteur, parce qu'il n'a aucune raison de le garder, que celuici lui est suspect, et qu'on n'en veut pas tolérer la présence
sur le territoire.
L'État requis ne fait nullement œuvre de juridiction. D'une
part, le droit de punir étant fondé sur l' utile, l'État ·n'a pas à
se préoccuper de~ dispositions pénales r econnues utiles dans le
pays voisin; d' autre part, il n'agit pas au nom d'un texte existant rbez lui, puisqu'on peut toujours supposer le cas où
l'accusé n'a pas encore enfreint une seule loi du pays de refuge, or, là où il n'y a pas délit, il ne peut y avoir acte de juridiction. A quel titre juridique aurait-on prise sur le s uj e t réclamé? L'État requis n'accomplit qu'uno mesure pr~venti ve
.:iui intéresse sa propre sûreté.
1
Billot. Exlradition, p. 26 et 130.
1
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L ÉTRANGBR EN FRANCK
69
On comprendrait que s'il s'agissait d'une loi morale trans·
gressée, au nom de cette loi morale universelle , l'État fasse
acte de juridiction en livrant l'individu coupable ou accusé,
mais tel n'est pas le véritable point de vue.
Lorsque le Droit d'asyle était le correctif naturel et néres·
saire de la barbarie des mœurs et des peines, on s'explique le
mot de juridiction. Si l'État requis extradait, il privait du droit
d'asile le réfugié, il l'en jugeait indigne, il le punissait véritablement. Mais aujourd' hui le mot d'asile ne se conçoit plus' ;
partout, le refuge inviolable qu'offrait l'asile ne peut plus
être invoqué et opposé au pouvoir souverain de l'État requis.
Un État ne pourrait se refuser à une extradition, sous prétexte que le crime ou délit poursuivi lui est indifférent, n'étant
pas prévu dans sa législation, car pour être conséquent, cet
État devra consentir à ce que ses nationaux ne soient point
protégés au dehors contre ces mêmes crimes et délits commis par les nationaux de l'État requérant. Personne n'ira
jusque là, et ce système serait contraire à la pratique élémentaire du droit des gens.
Si, comme on croit l'avoir établi, l'État requis, qui extrade,
ne fait pas acte de juridiction, qu'importe alors, pour qu'il acquiesce à une demande d'extradition, que le délit poursuivi soit
prévu ou non dans la législation del'l~lal. La théorie qui conduit
à n'admetlrn l'extradition qu'autant qu€ les délits sont réciproquement prévus dans les deux Etats, est donc peu justifiable,
de plus, elle énerve la répression.
L'opinion de M. Fiore, sur une question qui ne manque pas
d'analogie avec celle qui précède, viont à l'appui de notre système. « Au sujet rie l'application du traité, ou peut facile1 Le régime conventionnel implique, il est vrai, la survivance du droit
d'n8ile, mnis la tendance est à ln substitution du râgiwe judiciaire , au régime
diplomatique. L'extradition sera un jour réglée par la loi intérieure dci chaque pays et entrera dans le cadre des Codes répressifs.
�Dil LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L' (nRANGER EN F RA NCE
DROIT l'RANÇAIS
ment être amené à se demander, si la nature du délit doit
être déterminée, d'après la loi du pays où le délit a été commis, ou d'après celle de l'Etat requis. Rationnellement, on est
forcé de reconnaître que ce n'est pas la loi de l'Etat, auquel
est adressée la demande, qui doit être consultée. En effet,
cette loi n'est d'aucune valeur, pour servir à indiquer dans
quelle mesure doivent être réprimés les faits délictueux, commis à l'étranger. On devrait, au contraire, consulter la loi du
pays où a été commis le délit, pour en déterminer la nature.
Cette doctrine fut affirmée par le Conseil d'Etat italien, dans
son avis du 8 août 1874, à propos d'une demande d'extradition faite par le gouvernement Austro-Hongrois . ., (P. FioreJ.
Dans le cas ci-dessus, le délit est prévu, il est vrai, dans
la convention, ce n'est que la qualification, et la peine qui en
sera la conséquence, qui provoque la difficulté. Mais la difficulté est tranchée par le criminaliste Italien, dans un sens
conforme au système que nous exprimions, à savoir, que
l'Etat requis ne peut être constitué juge de l'utilité que retirerc1. l'Etat requérant, de la répression du délit.
§. VJ. -
DES DÉLITS EXCBPTÉ S LORS DE LA REMISE DU SUJET
RÉCLAMÉ
Il a été déjà question, au chapitre 1°', des réserves faites
dans les conventions, quant à la mise en jugement de !'extradé, sur certains chefs d'accusation.
Ces réserves ne nous paraissent justifiables, que si elles ont
pour but d'éviter que !'extradé ne soit jugé pour faits politiques. Mais, tel n'est pas toujours le motif de l'exception, et
les jurisconsultes ont manifesté de singuliers scrupules. Certains répugnent à la pensée d'un jugement, qui porterait sur
des délits déjà. éloignés, non découverts à l'instant de la demande d'extradition. Il leur paraît également contraire à la
71
dignité du pays extradant, que celui-ci ne soit pas appelé à
apprécier le nouveau chef d'accusation .
De tels sentiments ne peuvent se fonder que sur la théorie
surannée du droit d'asile, ou sur un amour-propre national,
peu raisonnable. M. Fiore cite la ·convention entre les EtatsUnis et l'Espagn e, du 5 juin '1877, qui laisse l'Etat requérant
libre de juger l' extradé, sur tous les chefs relevés à sa charge .
Afin de parer au jugement pour cause politique, la pratique
diplomatique des Etats-Unis décide que l'Etat requis ne se
désintéressera pas de la procédure et des débats judiciaires,
1
poursuivis dans l'Etat requér an t •
Cette inquisition sur les actes de 1' autorité judiciaire étrangère, ne nous paraît pas très acceptable. ~e serait-il pas
préférable de stipuler dans le traité, que l'extradé, mis en jugement, aura un ùroit d'obser vali on envers l'Etat qui l'aura
livré. On pourrait obliger le tribunal à rappeler à l'accusé son
droit de protester contre toute poursuite nouvelle qui lui paraîtrait se rapporter à un délit politique. Ces observatio ns se raient transmises par la voie diplomatique.
Les Etats qui tiennent à honneur de respecter la liberté individuelle, co nsentiront, sans pei ne, à une stipulatio n de ce
genre : leur protection s'étendra alors, aussi com plètemen t
que possible, sur l'ac1msé, sans compromettre cependant, par
des réserves injustifiables, la sécurité générale.
Il paraîtrait qu'une commission, nommée par le gouvernement anglais, s'es.t, dans un rapport snr la qne lion, beaucon p
éloig née des vues trad ilionnolles dn gouvernement Britannique. Elle ne rcconuatt aucu ne raison, pour qne le coupable
demenre impuni ; faisant e~n·ption pour les cri mes politiques
et les infractions à des lois d'intérèt local.
1
Fiore.
�72
DROIT FRANÇAIS
DK LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L'ÉTRANGER EN FRANCK
7ij
répr ession. - Mais est-ce l à un r aisonnement bien exact, et
faut-il associer, dans une ùépendance anstii étroite, la q ueslion
Je prescription de la poiue ou de l'action, au priucipe mème
§. VII. -
de l'extraditi on, pour r ertaines infraclio.o.s .
DE LA PRESCRIPTION
n nous reste un mot à
dire sur la prescription de l'extradia défendu précédemment est
qu'on
tion. - Si le système
exaet, d'après lequel l'Etat requérant devrait avoir seul l'appréciation de la nature du crime ou délit qui motive la demande d'extradition, les délais de prescription qu'on devra
considérer seront ceux institués dans la législation de ce
même Etat. - Il s'en faut qu'une telle solution r ésulte jus·
qu'ici des dispositions conventionnelles.
Tantôt il semble que la prescription à envisager soit facultativement celle de l'un ou de l'autre Etat - C'est ce qui
ressort des termes employés dans diverses convention!, par
exemple, entre la France et la Suisse, (9 juillet f 869), art. 9. « L'extradition pour·ra être refusée, si la prescription
de la peine ou de l'action est acquise d'après les lois du pays
où le prévenu s'est réfug ié. » Le trihunal fédéral suisse, dans
une décision du 2 aoùt 1875 , invoquait précisém ent ce
texte.
Tantôt on considèr e la prescription dans la législation de
l'État requis, c'est ai nsi qu'un grand nombre de traités, conclus par la France, portent qu e la prescription in voca ble sera
celle de l' Etat où le suj et réclam é se ser a r éfugié.
Cette dernière solution , il est vrai, est en harmonie appa rente avec le principe général des conve ntions qu e laisse
l'Etat r equis, libre de n'accorder l'extradition, que si l'infraction est punissable dans sa propre législation. En effet, la
prescription semble ne se lier qu'accessoireme nt au droit de
En admettant celte étroite dépendance , on serait for cément
amené à conclure qu e l'Etat requis décidera qu e les délais de
prescription qu'il a admis, pour des r aisons d'o rù re pu blic indispensables au maintien de sa constitution sociale, sont pareillemeut adP.quats et su ffisants, ponr mesurer Je tem ps de
la prescription, dl\ns tout autre Etat. Cette conclusion absurde
se réfute elle -même . L'o rganisation de la vie sociale des
Etats contemporains e~ t loin d'avoir une lelle si mili Lude qu'on
puisse prétendre à l'existence a bstraile d'un ordre public absolu et partout identique.
Quoiqu'il en soit, c'est une r ègle à peu près constante qu e
l'Etat r equis ne livrera pas un individu réclamé, s'il est couvert par la prescription dans la loi locale. Une anomalie j uridique déro ule de cette doctrine, au cas où l'infraction porte
une qualification différ ente dans deux Elals. C' est ainsi qu'un
individu r éclamé , pour fait qualifié r rime, bén éficiera de la
prescription attach ée au m èm e fait qualifié délit dans l'Etat
requis.
§. Vlll. -
OB U
SU BSTITUTION DU RÉGIME DE LA LOI A
L' ACTE GO UVEH NEMENTAL
L'extradition est un acte de gouvernement. Pascal Fiore
s'élève contre cetlo faculté de pou voir, si dépourvu de garan-
�73
74
DROIT FRANÇAIS
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLK DE L' ÉTRANGER EN FRANCE
ties juridiques... Eu eCfet, ùit-il, ùonner aux agents du pouvoir exécutif, lo pouvoir d'apprécier la valeu r de la demande
faite pa1· un gouvernement étranger, les autoriser à ordonner
l'arrestation de l'individu requis et à le remettre entre les mains
de la justice étrangère, c'est faire la plus grande co nfusion
des droits et des devoirs do la Souvoraine lé, et c'est alltlr à
tend à prévaloir dans les institutions actuelles, de réduire, autant que possible, les actes du gouvernement. La Constitution
de 1848 disait expr essément : << Aucun traité n'est définitif,
qu'après avoir été approuvé par l'Assemblée Nationale. » Le
texte de la Constitution de 1875 permet de douter, en ce qu'il
e!!t moins explicite, mais ce n'est là qu'une négligence de
la violation la plus manifeste de la lib erté de l'homme. >1 Pour
juger un systèmtl, il faut voir ses conséquences pratiques.
Qu'arrive-t-il si l'ex tradition est un acle purement gouverne meutal ; c'est que le prévenu ue pent élever aucune protestation, soit co ntre les form es de la procédure suivie, soi t contre
la li'gitimité de la mesure dont il est l'obj et. La just~sse des
rédaction. Art. 8, Cons~it. de i875 : " Le Président de la République négocie et ratifie les traités. Il en donne connaissance
aux Chambres, aussitôt que l'intérêt et la sûreté de l'Etat le
permettent. Les traités de paix, de commerce, les traités qui
engagent les finan ces de l'Etat, ceux qui sont relatifs à l'état
des personnes et au droit de propriété du Français à l'étranger, ne sont définitifs, qu'après avoir Pté votés par les deux.
Chambres. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de ter-
bis
réclamations ne sera accueillie, quo si tel est le bon plaisir
du gouvernement requérant. Or, il est douteux que l'Etat,
après avoir réclam.> l'indiYidu , pour une cause ou une
autre, se préoccupe de la légalité de la remise au fond et dans
la forme.
L'honneur d'un Etat exige qu'une loi intérieure, ayant presque un caractère const itutionnel po se, d'une façon précise,
les principes de l'extradition et les form es de lt1. procédure.
Plusieurs Etats possèdent cell e loi. Les traités, Jès lors, n'ont
plus, pour objet, qu'une simple promesse de livret• le malfaiteur réclam1\ à tel ou tel Etat r eq uéraut, si les co nditions de
la loi sont réalisées.
En France, l'action gouvernementale e t le riSgime conven lionoel sont. mitigés pa r lïnterveution du pouvoir législatif,
qui donne son approbation aux traités.
La nécessit? de - soumettre les1 traités aux Chambros françaiscs est contestée, e l la controverse est 0uverte. A notre
avis, il faut interpréter exteusivemeut les disposilions do l'art.
8 de la Coo stitulion do l 875 ; l'·Ps l ~e conformer à l'osprit du
texte. D'ailleurs, cela c~t en h anno11ie avec le système qui
ritoire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi. »
Depuis la mise en vigueur de cette Constitution, le Ministre
des Affaires Etrangères a toujours soumis aux Chambres les
lra~tés
d'extradition.
La négociation d'une extradition individuelle devrait être
toujours soumise au Parlement, car elle n'est qu'un traité
r estreint.
Telle qu'ello se pratique, l'intervention ùu pouvoir législatiî est certainement uue garantie, mais plus apparente que
r éelle, car les traités soumis aux Chambres ne comportent pas
la r églementation des ùétails de procédure, et celle-ci demeure, en France, purement adminislralive. Les Chambres
valident un accord international, elles prennent connaissance des délits énumérés et ne permetlraienL pas que
des délits politiques . par exemple, donnassent lieu à l'extradition. Mais, encore une fois, la procédur e purement admin\strative subsislo, e t l'on pourrait concovoir telle hypothèse,
où lo gouvernement surprendrait la remise d'un individu,
�74
bit
DROIT FRA NÇAI S
prévenu d'un crime ou délit commun, a lors, qu'en réalité, ce
délit aurait un caractère polilique. L'individu ainsi livré ne
pourrait, en France, protester devant aucuue juridiction .
§. JX. -
LÉGISLATION COlllPARÈR
La Belgique jouit, en quelques matières, d'institutions plus
libérales que n ous n'en jouissons nous-mêmes, en dépit
d'une constitution républicaine. Ses lois, dans la matière qui
nous occupe, présentent des gara nties remarquables ; et, la
prudence de cet Etal est si grande, qu'il refusa, en 1871, de
livrer à la France les individus de la Commune, prévenus
d'infractions de droit commun.
Depds 1833, la législation intérieure traçait au gouvernement les limites de son pouvoir, dans la négociation des traités. Le dernier progrès de la législation belge se trouve réalisé par la loi du 15 mars 187 4, il est difficile d'atteindre plus
de perfection , et r.ette loi mérite d'être cilée. Voici les termes
des art. 3 et 5 qui sont remarquables : « L'extradition sera
accordée sur la production, soit du jugement ou de l'arrêt de
condamnation, soit de l'ordonnance de la Chambre des mises
en accusation, ou de l'acte de procédure criminelle émané du
'
.
JUg~ compétent, décrétant formellement ou opérant, de plein
d~01t, l~ renv~~ du prévenu ou de l'accusé devant la juridiction
repress1ve, dehvrés en orig inal ou en expédition authentique .
Elle sera également accordée sur la production du mandat
d'arrêt ou de tout autre acte ayant mê me force décerné par
l'autorité étrangère compétente, pourvu que ce; actes renferment l'indication précise Ju fait pour lequel ils sont délivrés
et qu'ils soient rendus exécutoires par la Chambre du Consei;
D! LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DB L'ÉTRANGER BN FRA NCE
75
du tribunal de première instance, du lieu de la résidence de
l'étranger en Belgique ou du lieu où il pourra être trouvé.
Aussitôt que l'étranger aura été écroué, en exécution de l'un
des actes ci-dessus mentionnés , qui lui sera dûment signifié,
le gouvernement prendra l'avis de la Chambre des mises en
accusation de la Cour d'Appel, dans le ressort de laquelle
l'étranger aura été arrèté. L'audience serâ publique , à moins
que l'étranger ne réclame le huis-clos. Le ministère public et
l'étranger seront entendus. Celui-ci pourra se faire assister
d'un conseil. Dans la quinzaine, à dater de la réception des
pièces, elles seront r envoyées, avec avis motivé, au Ministre
de la justice.
La loi de 187& abrogeait les dispositions antérieures, à
l'exception de l'art. 6 de la loi de 1833, ainsi conçu : • Art. 6.
Il sera expressément stipulé, dans ces traités, que l'étranger
ne pourra être poursuivi ou puni, pour aucun délit politique,
antérieur à l'extradition , ni pour aucun fait connexe à un sem' blabla délit, ni pour a ucun des crimes ou délits, non prévus
par la présente loi, sinon toute extradition, toute arrestation
1
provisoire sont interdites. »
DEUXIÈME PARTlE
Expulsion de• Étrangers.
L'extradition des étrangers offre une série de problèmes
. qui se posent à peu près identiques dans tous les pays, toujours avec un caractère juridique permettant de les traiter d'une
façon abstraite et d'aboutir à des conclusions presque unaniment approuvées. L'expulsion des étrangers est un sujet
�1
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L ÉTIUNGER EN l•'RANCK
76
DROIT FRANÇAIS
d'étude autrement complexe et difficile, bien qu'on en limite
l'étendue aux questions qui intéressent uniquement la France.
Ces questions s'éloignent à tout moment des régions sereines du Droit pour surgir dans la pratique de la conduite politique, économique, administrative . Or, est-il un. seul de ces
objets, économie politique, administration politique, que l' éducation n'accoutume à envisager sous un jour différent, qui ne
soit l'occasion de conflits d'intérêts les plus di vers? Parlant, estil possible d'espérer con clure en réunissant tous les suffrages
sur cette mesu re de l'expulsion, qui a un égal retentissement
dans le domaine économique, politique, administratif? Nous n'y comptons pas, mais il nous suffira d'avoir éveillé
l'attention sur des questions qui, à l'heure contemporaine, ont
pour notre pays un intérêt saisissant.
SECTION I
§. !. -
CARACTÈRE DE L'EXPULSION
L'expulsion est un acte de la puissance publique par lequel
- un individu étranger est contraint de sorlir à bref délai du
territoire d'un pays. En France c'est un acte de gouvernement. Aucune loi ne fait mention de l'expulsion à titre de
peine principale, et on chercherait inulilement un texte qui
joignit même accessoirement l'expulsion à une peine princi
pale.
L'article 272 du C. Pénal dit bien : «Les individus déclarés
vagabonds par jugement pourront, s'ils sont étrangers, être
conduits par les ordres du gouvernement hors du territoire. 11
Mais, comme on le voit, c'est une pure faculté laissée au pôuvoir. A interpréter étroitement les textes, on pourrail croire
que la décision du gouvernement, pour facultative qu'elle soi t
77
ne peut s'exercer qu'autant que certaines conditions so~t satisfaites. La rédaction de l'article désigne une calégone de
ersonnes, les vagabonds et subordonne la faculté de les ex-
:ulser au prononcé d'un jugement, qui établit une situ~tio~
juridique déterminée. Prenant à la lettre les termes de l ~rti
cle, quelques auteurs limitent à ce cas seulement la faculle du
nt D'après eu x 1 l'art 272 prescrit l'intervention
•
gouvern eme ·
préalable d'une décision judiciaire.
Mais puisque le caractère do peine fait défaut à l'expulsion,
il n'est pas exact d'inft>rer de l'art. 272 qu' une décision jud iciaire préalable est indispensable. La loi offre la facullé, la
possibilité au gouvernement de prendre une mesure, elle l'autorise à user de ratte mesure en dehors de toute intervention
du juge. Tonte mesure qui n'est point une peine, un châtiment,
peut èlre valablement prise par la puiss::mce publique, si toutefois elle n'est pas inconstitutionnelle, et si au cune loi ne la
prohibe. La liberté individuelle doit être sauvegardée, sans
doute, mais seulement dans les limites de la loi.
La loi de 1849 qui permet au Ministre de l'intérieur d'enjoindre à tout étranger voyageant ou résidant en France, de
sortir immédiatement du territoire français, n'est donc pas
la violation d'un principe de droit supérieur qu'on pourrait
imaginer, tel que celui qui veut que toute peine dérive de la
loi , et que cette peine naisse d'un délit.
L'expulsion bien qu'émanant de la libre initiative du gouvernement se justifie donc en droit pur. Toutefois, si le renvoi
d'un étran ger, du sol français, est au point de vue envisagé
jusqu'ici un acte inattaquable, nous faisons des réserves sur
}es conditions extrinsèques qui peuvent accompagner l'acte du
gouvernement.
L'expulsion est un acte de haute police dont la légalité est
incontestable, on vient de le voir : mais est-ce à dire que l'usage qui en est fait est toujow·s légitime ?
�78
DE LA LIBERTÉ IMDIVIDUELLE DE L'ÉTRANüER EN FRANCE
DROIT FRANÇAIS
Le caractère d'une mesure de police est souvent d'être arbitraire, de dépendre, non de la prescription d'un texte, mais
de l'appréciation essentiellement subjective d'un agent exécutif. Des circonstances passagères, l'inquiétude du moment,
le courant de l'opinion publique sont souvent les facteurs de la
décision à intervenir . Une mesure de police peut être équitable ou souverainement injuste. Elle peut dériver d'un caprice
ou d' une sage réflexion. Ces brèves indications mettent l'esprit en défiance contre les actes de cette nature, et il est
difficile de soutenir qu'un peuple vraiment libre en doive tolérer l'application au delà de limites bien étroites, et seulement dans ces hypothèses particulières qu'une législation, si
parfaite qu'elle soit, ne peut prévoir .
La contingence des mesures de haute police permet d'assigner leur portée sous chaque régime de gouvQrnement. Il
est aisé de discerner si elles sont prises contre les libertés publiques ou en vue de l'intérêt général ; telle mesure explicable sous un gouvernement monarchique devient intolérable
sous un régime démocratique.
L'expulsion rentre dans la catégorie de ces actes, mais
l'usage qui en est fait, comme son opportunité dans des cir.
constances données, . tombent sous le jugement de l'opinion.
Si par suite d'une lacune dans la loi , un fait estimé dangereux par la société, ne peut être réprimé doit-on rester
'
'
désarmé? Evidemment non. Supposons un malfaiteur notoirement connu pour ses méfaits commis, hors du territoire de
refuge, l'offre d'extradition n'a point abouti, raisonnablement
on ne peut exiger du pays de refuge de conserver sur son
s~I un pareil élément de trouble, il faut recourir à l'expuls10n.
Nombreuses et passionnées, sont les opinions qui se sont
faitjour sur la légitimité d11 droit d'expulser. - En certaines
79
mains, ce droit peut devenir un expédient politique. - En
dehors de toute question politique, le prindpe de la liberté individuelle n'est-il pas en jeu, et sur ce point de droit, n'est-on
pas excusable d'apporter quelque chaleur dans la controverse?
On a cherché à concilier le droit avec les exigences de la
politique et les nécessités administratives, sans doute pour rendre hommage à cette remarque de Cicéron sur la solidarité des
sciences morales et politiques. " Etenim omnes artes quœ ad
humanitatem pertinent, habent quoddam commune vincutum,
et quasi coqnatione quadam inter se continentur. » (pro Archia.) - Conciliation bien difficile dans l' état rudimentaire de
la science sociale !
§. II. -
DE L'INTERDICTION DU TEl\RITOIIŒ
Avant de discuter le droit d'expulsion, il n'est pas inutile de
s'entendre sur le droil d' un Etat d'interdire l'accès de son territoire à l' étranger.
L'État, disait-on autrefois, octroie aux citoyens la jouissance
du sol et des droits, dans la réalité la propriété du sol lui appartient au même titre qu'il dispose des citoyens. C'est sans doute
de cette idée que dérive l'opinion de M. Martens, quand il s'exprime ainsi : << Le droit exclusif de chaque nation sur son territoire l'autoriserait à en fermer aux étran ~ers r entrée, tant
par terre que par mer : par conséquent aussi à n'accorder l'entrée, le passage, le séjour qu'à ceux qui en auraient obtenu
la permission s péciale '. » Complétant cos énonciations le
0
d't~xiger
mêmo auteur reconnaît aux puissances le droit : i
de l'étranger ses noms et qualités et d'en faire la preuve au
t
Martens, ch.
111,
liv. III, §. 8•.
�80
DROIT FRANÇAIS
moyen·de passeport ; - 2° de défendre l'entrée des suspects
ou de les faire sortir ; - 3° d'excepter des classes détermi·
nées d'étrangers de cette liberté générale, soit en défendant
pour toujours, ou pour le présent, l'entréé sans permission
spéciale, soit en 11'accordant qu'un séjour limité. - M. Pinbeiro Ferreira, le libéral ardent, l'idéaliste du droit international, critique vivement Martens, il trouve qu'un gouvernement
est bien faible, bien énervé, s'il ne peut surveiller un étranger réfugié. La police préventive est commode, mais contraire à Ja liberté naturelle. D'après lui, l'étranger ne peut
ètre repoussé qu'au cas où son séjour blesse nos intérêts.
L'homme indul'-trieux doit être accueilli ; le vagabond est sous
le coup des lois, quant à l'assassin, il est averti de ce qui l'attend s'il commet des crimes. En Amérique, ajoute-t-il, où nulle
formalité n'esl exigée des étrangers, les crimes 'sont rares.
Vattel admet aussi que le seigneur du territoire peut en
défendre l'entrée quand il le juge à propos; il est maitre des
conditions auxquelles il veut le permettre. Pinbeiro Ferreira
trouve ces assertions triviales. « Non, dit-il, le droit de refuser
l'entrée aux étrangers n'est pas arbitraire. Pour l'exercer, le
gouvernement doit pouvoir alléguer des raisons conformes
au principe du juste; el il faut les alléguer devant le pouvoir
judiciaire. Le gouvernement n'est pas seigneur et maître; il
n'est que le mandataire de la Nation, chargé de faire exécuter
les lois. Or, du moment où l'étranger arrivé dans le pays, et se
reconnaissant par ce seul fait j ustir.iable des autorités locales,
invoquera leur assistance au nom des lois et nommément de la
loi des lois: le respect de la liberté de l'homme, il a ce droit de
ne pas être empêché de faire ce qui ne nuit à personne, si,
attaqué dans ce droit par les agents du po uvoir exécutif du
pays, l'étranger en appelle au jury dÙ pays, comment ces
agents pourraient-ils se soustraire au devoir de répondre de
leur conduite? Et si nulle raison d'incompatibilité avec le bien
DE LA LIBERTf: INDlVIDUEl.LE DE I. ÉTRANGER EN FRANCE
r
8t
général n'est alléguée par eux, pour justifier l'exclusion de
l'étranger, qu'est-ce qui à pu mettre à néant le droit de celuici?-:- Ce n'est donc que par une flagrante violation des droits
imprescriptibles de l'homme que le législateur du pays confère au gouvernement le pouvoir discrétionnaire et sans contrôle de renvoyer du pays l'étranger, ou de lui en défendre
l'entrée. En votant une telle loi, le législateur a abusé de
son mandat, qui lui enjoignait de défendre et de protéger les
droits naturels de l'homme devenu membre de la société, autant que l'usage en sera compatible avec les droits de tous,
Le lien de la cité est la volonté expresse ou tacite de se soumettre à cette seule condition, et cetle volonté, l'étranger la
manifeste d'une manière encore moins douteuse que la majorité des habitants nés et domiciliés dans le pays. Nulle différence donc entre eux, quant à la jouissance et à l'exercice des
droits civils, qui ne sont autre chose que les trois droits naturels d~ la sûreté, de la liberté el de la propriété garanties par
la loi du pays ; car là où il y a iJ.entité de raisons il faut, qu'il
y ait identité de situation. n (Note sur le § t OO.)
Sur un ton plus calme, M. Bluntschli, dit, (Code international codifié, art. 381) : << Aucun Etat n'a le droit d'interdire
d'une façon absolue aux étrangers l'entrée sur le territoire et
de fermer le pays au commerce général. >> Cette proposition
est l'expression de la nécessité même et de l'intérêt bien entendu des Sociétés : ce n'est point par des considérations philanthropiques seules qu'il faut justifier le libre accès des étrangers dans un pays, mais par un intérêt matériel évident et
commun, sainement dégagé. Le professeur allemand commente ainsi sa pensée : .. Le droit international civilisé a le
devoir de protéger los relations pacifiques des hommes e ntro
eux. Les anciens publicistes, parlant du principe de la sonvoraineté absolue do l'Etat,on déduisaient le droit de chaque Etat
de se fermer aux étrangers. Mais les Etats sont membres de
()
�DE U
DROIT FRANÇAIS
82
l'humanité, ils sont tenus de respecter les liens qui rénnissent
les nations entre elles; leur souveraineté n'est pas un droit absolu, elle est limitée par le droit international.
Quelques Etats ont essayé, à dilférentes époques, de s'isoler
complétement, ainsi l'Egypte dans l'antiquité, le ~apon, le
Paraguay, dans les temps modernes, mais le droit internatio·
nal ne tolère plus cel exclusivisme.
Prenons à M. Pinheiro-Ferreira sa conclusion, sans adopter
tous ses motifs, et acceptons ceux de M. Bluntschli. Ajoutons que la nature physique de l'homme l'invite à se déplacer, à croiser ses races, et que l'industrie humaine profite des arts et des méthodes propres que l'étranger colporte
avec lui. L'échange do nationaux qui s'opère naturellement
de pays à pays propage la civilisation, effaçant les préjugés de
nationalités, de religions: il n'est plus d'Etat civilisé qui refuse l'accès de son territoire, sous prétexte que l'étranger apporte un culte différent, comme on le vit au .Maroc et à Bouckara.
Le droit de traverser les frontières de quelque pays que
ce soit est un droit de l'homme ; c'est un postulat qui parait
généralement admis, puisque aucune nation n'ose interdire
formellement l'émigration de ses sujets.
L'homme peut-il aussi invoquer le droit au séjour, et les
nations doivent-elles subir la présence Je tous individus étrangers sans distinction? L'expulsion est-elle un droit qu'un pays
peut légitimement exercer ? Une théorie générale, absolue,
partout applicable semble impossible à formuler.
Restreinte à la France seulement, cette théorie soulève de
nombreuses difficultés. En e[et le principe de l'expulsion admis ; le sera- t-H d'une façon absolue et sans réserve? Quelle
autorité en devra faire l'apP,liration, sera-ce le go uverne·
ment ? l'autorité judiciaire? Quelles catégories tracera-t-on
parmi les résidants étrangers répandus dans le pays à des ti-
1.
LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L'KTRANGER EN FRANCE
83
tt·es si divers, si variés? La France peut-elle s'isoler, pour
règler, sans s'inquiéter des nations voisines, le sort de leurs
sujets? Une loi fixe les cas d'expulsion, l'appliquera-t-on toujours en dehors des considérations qu'éveillera à ce moment
la situation économique du pays, ou l'état de ses relations politiques avec les puissances étrangères, ou encore l'état de sa
politique intérieure?
Si l'usage du droit d'expulser est remis à l'arbitraire d'un
ministre ou d'un cabinet, n'y a-t-il pas à craindre qu'un Gouvernement de fortune, ne représentant pas l'opinion du pays,
ou simplement mal inspiré mésuse de ce droit, qu'il ne violente les sentiments les plus chers de la majorité, en éloignant
de notre patrie des étrangers qu'elle doit s'honorer de recevoir, surtoutlorsque l'accueil qu'elle leur fait est la glorification même de son régime politique?
Le premier devoir de l'étranger est certainement de se conformer aux lois du pays où il réside. Tant qu'il ne les a pas
violées, ou qu'il n'est pas notoirement connu pour un être
malfaisant au sein des sociétés, le repousserons-nous?
On verra, dans la suite, la valeur des motifs invoqués en
faveur de l'expulsion, au nom de la politique et du maintien
des bonnes relations internationales.
Le fondement du droit d'expulser un étranger, c'est la nécessité d'assurer la sécurité de l'Etat. Mais, les auteurs qui
voient dans l'exercice de ce droit le salut de l'Etat proposent
en même temps des tempéraments .
M.. Bluntschli s'exprime ainsi, (Code lntern. codifié art. 383 :)
« Chaque Etat est autorisé à expulser, pour des motifs d'ordre
public, les étrangers qui r ésident temporairement sur le territoire. S'ils y ont établi un domicile fixe, ils ont droit à la protection des lois au même tilre que les nationaux. »
<1 Le droit d'expulser les étrangers, dit-il, n'est pas un droit
absolu de l'Etat; l'admettre serait de nouveau porter atteinte
�DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L'ÉTRANGER EN FRANCE
DROIT FRANÇAIS
à la liberté des relations internationales. L'Etat n'est le maî-
tre absolu ni du territoire, ni des habitants. L'expulsion arbL
traire peut amener des r eprésentations diplomatiques ; la partie lésée a toujours le droit de demander aide et protection à
son consul ou de provoquer l'intervention de 1' envoyé de son
pays. » Comme on le voit, les réserves de M. Bluntschli ont
une certaine gravité. Un pays étranger a le droit de s'émou·
voir d' un acte de brutalité commis à l'encontre d'un de ses
sujets. Mais seulement lorsque cet acte est arbitraire et non
quant il résulte de l'application d'une loi. En adoptant le point
de vue de l'auteur , nous n'irions pas jusqu'à juger que
l'heure soit venue de prendre des engagements avec !'Etranger en matière d'expulsion. En effet, la France marche à peu
près seule dans la voie de l'émancipation politique, elle a pour
voisin l'Empire d'Allemagne dont le régime parlementaire
déguise mal une autocratie, presque aussi forte que le pouvoir des Tzars. La politique <l'outre-Rhin a fait de la nation.
allemande, une troupe sous les armes, moins destinée à. servir des intentions belliqueuses qu'à comprimer l'expansion li·
bérale en Allemagne, et qu'à l'intimider ch ez nous en maintenant l'inquiétude dans les esprits. Dans la pensée des hommes
d'Etat allemand~ la vigueur croissante de l'idée républicaine
parmi les pays latins porte autrement ombrage à leur politique, à la constitution aristocratique de la nation que ne le ferait notre puissance militaire si bien organisée qu'on la sup·
pose. Le dissolvant de la puissance militaire allemande sera
l'idée de la liberté pénétrant au cœur de la Germanie. Si la
France poursuit sa magnifique politique d'émancipation elle
ne pourra manquer d'ê tre considérée par les démocraties étran·
gères comme un guide qu'il est bon de suivre. Il est donc une
réforme pressante, celle de notre législation administrative et
politique sur les étrangers ; et, pour expliquer toute notre
pe~sé.,, _ous dirons qu'à notre avis l'expulsion des étrangers
85
est une question qui n'appartient pas au droit international
externe, mais plutôt au droit public interne. Des engagements
internationaux en matière d'expulsion pourraient entraîner, à
l'heure présente, à des compromissions pénibles pour notre politique libérale.
SECTION Il
§. J. -
LÉGISLATION
SUR LES
ÉT~ANGERS DEPUIS LA RÉV OLUTION
JUSQU'A LA LOI DU
3
DÉ CEMBRE
1849
Le moyen âge, qui traitait fort mal l' étranger, n'avait que
faire d'expulser l'aubain : celui-ci était dépouillé de ses biens
et réduit en servage 1 •
Durant les guerres perpétuelles de la royauté, l'étranger
soupçonné d'espionnage était simplement mis à l'ûmbre au
moyen d'une lettre de cachet , ou bien il était plus ou moins
discrètement assassiné. Au revers des pages brillantes du règne de Louis XIV et Louis XV, s'accumulent les plus atroces
souillures, les atteintes les plus sanglantes au qroit dt1s gens et
à l'humanité ; l'arbitraire le plus féroce menaçait l'étranger.
La formule saint1 et précise de la police ne se r encontre
pour la première fois que dans le Code des Délits et des Peines du 3 brumaire, an IV : << La police est instituée pour
maintenir l'ordre public , la liberté, la propriété, la sùreté individuelle. Son caractère principal est la vigilauce. La société
1 Dans l'an et j our passé dans le domaine d'un seigneur, l'aubain tombait
11ous la seigneurie du maltre. A partir de si Louis, le seigneur n'en prenait
plus possession, il a ppartenait au roi.
Cout. de Champaigne, art. 58 : - " Quan t aucuns albnins vient ùemourez
dans la j ustice d'aucuns seigneurs et li s ire dessous qu'il \'ient en prenù le
servi ce dedans l'an el jour , si les gens du roi le savent, ils en pr eoneol le
service et est acquis ait roi. ..
V. lnslit. Coulum. de Loysel et L!lurières, liv. 1, ~9.
�86
1
DE LA. LIBERTÉ INDIVIDUBLLE DE L ÉTRANGER EN FRANCE
DROIT FRANÇAIS
La révolution ne s'est point occupé de ces individus, les mesures qu'elle édir.tait contre les étnrngers etaienl j)•ll tl lllt:lll
politiques, légitim es malgré leur extrême rigneur , l"O •lltniiPdéAs par une situation exc~pli onnelle . La loi dn 21:! V1· udt>miaire an VI, participait du mème esprit et des mêmes inquié tudes ; mais depuis cette époque, le phénomène connu de la
survivance d'une institution aux: causes qui l'ont fait naître,
s'est produit à l'occasion de notre législation sur les étrangers.
Toutes les lois sur la matière émanent de cette dernière
loi, les législateurs en ont reproduit, sinon l'esprit, du moins
la lettre, si bien qu'il est fait de la loi de l849 une applicatiou
considérée en masse est l'objet de sa sollicitude. » (Art. f6 et
t7.) Ce n'est que lorsqu'on est parvenu à la conception nette
de la police et de son usage qu~ des polices spéciales peuvent
être efficacement créées. Aussi n'est-ce que de la Révolution
que datent des mesures réfléchies contre les étrangers, et présentant quelque valeur théorique.
La République est aux prises avec des difficultés militaires
s'àccroissant toujours, de nombreux espions r épandus sur le
territoire de la France aggravent le danger, la .Sonvention
consulte les Comités de Salut Public et de la Sûreté Générale et prend un décret aux termes duquel : « Tous les étrangers nés dans les pays avec lesquels la République est en
guerre, venus en France depuis le 1 •r janvier 1792, sont tenus d'en sortir . .,
Les principes de la Révolution tendaient à une fusion des
peuples, et cependant jamais on n'avait vu d'exemple d'une
plus stricte interdiction du territoire faite aux étrangers. Tou·
tefois, la contradiction n'est qu'apparente, et de l'enseignement des événements, il faut déduire le véritable caractère
des mesures dont l'étranger peut être l'objet. Ce n'est qu'autant qu'il est un danger public qu'il le faut écarter. Le danger
est manifeste lorsqu'un conflit s'élève entre deux pays. Les
étrangers qui y résident et appartiennent aux nations belligérantes sont nécessairement disposés à desservir la nation
qui leur donne l'hospitalité. En pareil cas, le droit de la guerre
autorise aussi bien l'expulsion collective qu'individuelle. On
s'accorde généralement sur ce point.
87
L
qu'eût désavouée la Révolution.
Il est indispensable de jeter un coup d'œil sur les discussions
qui ont précédé la promulgation des lois récentes sur les étrangers. Les débats de la loi de !832 concernant les réfugiés politiques font voir combien c'est à regret et sous la pression des
circonstances,qu'on allait rappeler les dispositions de la loi de
Vendémiaire: le véritable sentiment du pays se révèle bien
plus daus la discussion que dans le texte définitif qui devait la conclure. D'ailleurs, et surtout en matière d~ Droit
public ou politique le texte n'est-il pas le plus souvent la
pensée d'un jour, et faut-il donc avoir toujours les yeux
fixés sur lui? C'est dans l'horizon sans ces~e grandissant de
chaque nouveau débat :.qu'il faut considérer les tendances d~
l'esprit de liberté.
Parmi les lois de la Révolution sur les étrangers, celle de
vendémiaire an VI, m érite de retenir l'attention, en !832 on
se demandait si elle é lai.t encore en vigueur. Il y avait des
raisons de douter, les dispositions qu'elle contenait avaient
cessé d'ètre observées depuis longtemps . La loi de vendémiaire
obligeait tout individu français ou étranger, voyageant en
France, ou changeant simpl •ment de localité, à protluire un
passeport. Elle pla~ait en outre tous les étrangers sous la sur-
En temps de paix l'appréciation du danger que fait courir
la présence d' ~n étranger est plus délicate. A l'égard d'une
classe d'étrangers malfaiteurs, ou repris de justice, les scrupules disparaissent quand on r éfléchit que notre pays n ' hésite
pas à rejeter de son territoire et du sein ùe la société normale,
ceux de ses nationaux de même catégorie.
L
�88
IHtolT FRANÇAIS
veillance du Directoire exécutif. Art. 7: « Tous étrtmgers voyageant à l'intérieur de la République et y résidant sans avoir
une mission des puissances neutres et amies reconnues du gouvernement Français, ou sans y avoir acquis le titre de citoyen,
sont mis sous la surveillance spéciale du directoire exécutif, qui
pourra retirer ltmrs passeports, et leur enjoindre de sorlir du
territoire français, s'il juge leur présence susceptible de troubler l'ordre et la tranquillité publique.» Chacun sentait combien était attentatoire à la liberté une semblable mesure ,
combien elle s'écartait de l'esprit de la révolution, mais il était
difficile de se garder différemment des espions étrangers. Jean
Debry s'écriait: « Avons-nous oublié que le ministre d'Angleterre s'est vanté en plein parlement d'avoir participé à tous
nos troubles intérieurs. Mais la liberté indivividuelle. Ah ! je
vous entends l vous réclamez le droit de renouveler nos cala~t6s, les lois de police et de' sûreté vous fatiguent, comme la
gendarmerie paraît aux brigands attentatoire à la liberté des
grands chemins. >> Le sentiment de la fraternité des peuples ne
s'était pas éteint, malgré que les peuples fussent armés contre
nous, c'est la gloiro de la Révolution de n'avoir pas gardé rancune à ceux dont elle avait eu à souffrir ; elle s'est défendue,
rarement elle s'est vengée. La révolution était fière d'ouvrir
aux autres nations un pays libre. Au conseil des Cinq-Cents
on disait: t< Nous recevrons donc avec transport nos amis étrangers qui, venant respirer l'air pur de la liberté et renouer avec
nou~ ces relations commerciales qui font la prospérité des
empires, respectent les droits et les lois d'une nation qui les ac'
· nous n •accorderons
cueille et les protège • n'"1ais
pas une pa· nous donnerons au gouverreille protection à nos en nem1s,
.
.
•
·
nement les moyens ne'cessaires
qu'ils
les espions
pour arreter
salarient dans l'intérieur de la République, et forcer les Ptran~ers s.uspects à évacuer le territoire français. » Cette législation rigoureuse était d'ailleurs caractérisée au Conseil des an-
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE
Ù~TRANGER
EN FRANCE
89
ciens dans la séance du vole: " au surplus, dit-on, la résolution
n'est qu'une mesure de circonstance qui ne devra durer qu'autaot que les circonstances la rendent nécessaire. »
On se tromperait étrangement si l'on croyait qu'en des
temps plus calmes on soit revenu à une législation moins exceptionnelle : au contraire, la réaction de la restauration, bien
que tranformée et passée à d'autres bénéficiaires, sous LouisPhilippe, allait renchérir sur la législation de Vendémiaire en
édictant la loi du 10 avril i832, sur les réfugiés.
La brièveté de la révolution de juillet et la tournure des événements permettait de croire le Peuple désireux de faire triompher les idées ; émancipatrices de la grande Révolution, et le
Pouvoir soucieux de conduire la France dans les voies où une
explosion de son génie venait de la remettre: de fait, les espérances étaient immenses. Il était dit que ces espérances devaient être assombries et d'aussi peu de durée qu'avaient été
brillantes et courtes les journées dont le nouveau règne était
issu.
On sait quels étaient nos rapports avec les gouvernements
étrangers au commencement de i832. La politique du roi
Louis Philippe avait eu pour premier objet de rassurer les
Cours effrayées, par la spontanéité du r éveil de la révolution en
France et la contagiosité de l'exemple qui se communiquait
à l'Espagne, à la Belgique, à l'Italie, à la Pologne. La France
en se soumettant encore à l'essai d'une monarchie héréditaire
devait voir cette monarchie s'efforcer de se faire pardonner son
origine auprès des autres royaumes, et recourir dans ce but à
toutes les compromissions capables d'affermir la dynastie. En
cela la monarchie était dans son rôle. Au point de vue des intérêts matériels de la Franco, cette politique devait être funeste,
elle aboutissait à tolérer la disparition d'un empire qui maintenait en r espect les Puissances de l'Est, à laisser triompher
l'influence Anglaise en Ilelgique en repoussant le peuple Belge
�1
90
DE LA LIBERTÉ JNDIVIDUELLE DE L ÉTRANGER EN FRANCE
DROIT FRANÇAIS
che que l'on tenait à se garder: on redoutait aussi une propagande à l'intérieur 1 La plaisanterie était de mauvaise grâce,
quoi 1 c'est chez le peuple qui avait fait la révolution ùe Juillet
qu'on pouvait craindre une propagande faite par des étrangers,
comme si la propagande de la liberté ne s'était pas toujours
envolée de France, bien loin d'être importée de l'extérieur.
qui sedonnait à la France, à permettre à l'Autriche de faire une
sanglante marche militaireen Italie; tout cela pour montrer que
la nouvelle royauté était bien fille de l'Église, pour témoigner
que si l'une des branches de l'arbre royal était tombée, l'autre
du moins promettait de porter les mêmes fruits que par le passé.
C'est après ces beaux r ésultats qu'apparaissait la loi de 1832,
loi détestable et repoussée avec indignation, comme on le verra
tout à l'heure, par les représentants les plus honorables de
Le texte de la loi du 21. Avril i832 est ainsi conçu - art t.
Le gouvernement est autorisé à réunir dans une ou plusieurs
villes qu'il désignera les étrangers réfugiés qui r ésideront en
France. - Art. 2. Le gouvernement pourra les astreindre à se
rendre dans celle de ces villes qui leur sera indiquée, il pourra
leur enjoindre de sortir du royaume s'ils ne se rendent pas à
cette destination, ou s'il juge leur présence susceptible de trou-
l'opposition. Mais ne fallait-il pas couvrir les fautes lourdes
que l'on avait commises, et maintenir par un acte équivoque
les gages de mauvaise foi que l'on avait donnés aux libéraux
étrangers. C'était le digne couronnement de la politique suivie
à l'égard des libéraux espagnols, à l'égard de la Belgique
émancipée, de la Pologne disputant ses derniers jours au des-
bler l'ordre ou la tranqullité publique. -Art. 3. La présente loi
ne pourra être appliyuée qu'en vertu d'un ordre signé par un
potisme. Enfin le vote de la loi était pour le gouvernement une
victoire qui devait souffler le découragement au cœur de
républicains par le spectacle de représailles, s'exerçant sur des
victimes innocentes, bien étrangères aux agitations de notre
politique intérieure.
Ministre.
M. Odillon Barrot n'eût pas de peine à démontrer combien
il était inexact de présenter la loi comme un adoucissement à
la législation de vendémiaire. La loi de l'an VI n e comportait
que des m esures individuelles impliquant la responsabilité de
celui qui l'ordonnait et visant uniquement l'auteur du trouble
apporté à l'ordre public; mais, la loi nouvelle frappe de suspi-
Que prescrivait donc cette loi? - L'internement des téros
de la Pologne, de l'Espagne et de l'Italie, comme s'il se fût agi
de malfaiteurs ou de pestiférés : glorieux débris, épaves de la
liberté. « Loi anti-nationale·, disait M. Odillon Barrot, qui sort
cion tous les étrangers, et, en leur assignant une résidence,
elle les pla~ait en outre sous la surveillance de la police, et
permettait l'expulsion.
M. Teste n'admottait la désignation d'une résidence que pour
les r éfugiés qui recevraiont un secours, afin de faciliter les
entièrement Je nos idées et qui compromet l'honneur du pays. »
- Du côté du Gouvernement on osait invoquer la loi de Vendémiaire, et comparer les situations. M. Guizot démasquait
toute la pensée de la monarchie 1 ces étrangers sans ressources
versements de l'État, mais là s'arrêtait le droit du gouvernement .
au milieu de nous sont un danger public, disait-il, mais surtout, « nous ne voulons pas faire de propagande au dehors et
contre nos voisins, et nous ne voulons pas non plus qu'on on fasse
chez nous." - (Séance du 9 avril i 832). - Recevoir avec humanité les réfugiés, dans l'esprit timoré du ministère Guizot,
c'était faire de la propagande à l'étranger et c'est de ce repro-
9t
,
On ne put décider au jus te si la loi de Vendémiaire était
abt'ogée ou si elle subsistait, ou si la loi proposée existerait
·parallèlement et à titre complémentaire. Le garde des sceaux
estimait que la loi on discussion trancherait la question. A la
�92
DROIT FRANÇAIS
1
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L ÉTRANGER EN FRANCE
93
Cour des Pairs, M. de Broglie soutint que la loi de Vendémiaire
continuait à ètre en vigueur, que le texte nouveau visait une
situation nouvelle et comp 1était avec la loi. de l'an VI les
moyens de défense du gouvernement. Ce débat était peu intéressant, ce qui est évident c'est que la loi proposée était une
contradiction, elle allait au rebours du mouvement qui avait
porté Louis Philippe au trône. Le général Lamarque le fit toucher du doigt en disant : « Les retranchements de Praga et de
Varsovie n'étaient qu'une barricade de juillet. »
Le gouvernement n'osa pas pNposer d'appliquer la loi au
delà d' un an (Art. 4). Elle devait être prorogée successivement
jusqu'au 24. juillet 1839, puis toujours par une série de prorogations jusqu'à la fin de 1850. - En i 834, la loi de prorogation ajoute une sanction à celle de 1832 : cc Tout réfugié
étranger qui n'obéira pas à l'ordre qu'il aura reçu de sortir dn
royaume, conformément à l'article 2 de la dite loi (1832), ou
qui, ayant été expulsé r entrera sans autorisation sera puni
d'un emprisonnement d'un mois à six mois ... u (Loi 1834,
art. 2). 1 11- peine était prononcée par le tribunal correctionnel.
Cette pénalité ne s'appliquait pas aux étrangers visés par
l'article 272 du C. Pénal, ni aux étrangers voyageant en France,
mais aux seuls réfug iés .
En i839, on permit aux étrangers réfugiés qui avaient demeuré en France ou servi sous le drapeau pendant ~ ans, de
changer de résidence sans l'autorisation du gouvernement, sur
simple avis du chan gement donné au Préfet du département.
L'autorisation fut nécessaire pour résider dans le département de la Seine et à moins de i6 myriamètres des Pyrénées.
rables allaient arriver : le chapitre du bud get des secours fut
porté à trois millions. Les chambres se montra~ent généreuses
et en 1836, on avait dépensé de ce chef, depuis i830 , plus de
Des crédits avaient été ouverts pour subvenir aux réfugiés
en i830, mais les événements de Pologne a ugmentèrent ltiur
nombre et l'on comptait, en i 832, plus de 7800 étrangers de
cette catégorie, des avis annonçaient que des bandes considé-
sentaient pas, il s'en faut de beaucoup, le même intérêt que
les malheureux réfugiés de Pologne ou d'Italie.
Sans doute les députations d'Anglais, d'Irlandais, de Norvégiens, de Hongrois et des nationaux d'autres pays au gou-
vingt millions.
En application de la loi du 21 avril 18:32, des dépots furent
établis dans diverses villes de France, Agen, Avjgnon, Châlonssur-Saône, Bar-le-Duc: le séjour des grandes villes et de Paris
fut interdit aux réfugiés, sauf quelques exceptions.
Les secours alloués furent successivement réduits, mais il
est juste de reconnaître que le gouvernem ent fit tous ses effor ts
pour assurer des ressources aux étrangers, m~ttant à l~ur
disposition des livres, des instruments de travail, des outils.
Des allocations furent accordées pour frais d'étude, d'apprentissage.
La légion étrangère qui venait d' être créée reçut un assez
grand nombre de réfugiés, notamment des Polonais, qui formèrent une compagnie, néanmoins le nombre des officiers dépassait de beaucou p les emplois disponibles et l'on ne put en
admettre qu'un nombre relativement restreint.
Dans les hôpitaux les réfugiés bénéficièrent de journées reduites, et :iuelques départements les acceptèrent gratuite ment.
Telles sont les mesures auxquelles fu rent soumis les étrangers dans cette seconde phase de la législation politique qui
les concerne .
.La part incontestable que prirent certains étrangers à la ré·
volution de 1. 848, devait provoquer l'intervention du législateur. La situation n'était plus celle de 1.830, et les étrangers
qui s'immiscèrent alors dans nos di~sentions politiques ne pré-
�DROIT FRANÇAIS
vernement provisoire, pour lui présenter des adresses de félicitation, sont des incidents singulièrement flatteurs et qui ont
un grand prix. Mais, on ne peut se défendre d'un certain ressentiment contre les étrangers dont l'intervention dans la rue
ne fait qu'augmenter le trouble d'une émeute. Dans ces luttes
entre citoyens, toute prise de parti de la part d'un étranger
est criminelle. Toutefois ce n'était pas une raison pour qu'à la
suite d'un incident politique transitoire on confiât au gouvernement, d'une façon permanente, un pouvoir excessif et sans
contrôle.
§. II. -
LOI DU
3 DEC. 18-19
Dans la séance du 8 nov. 1849, à la Chambre des députés,
MM. de Vatiménil et Lefebvre-Duruflé, déposaient un projet
de loi qui réglait un double objet : la naturalisation des étrangers et la police des étrangers séjournant en France.
La proposition n'était point libérale dans son ensemble : en
matière de naturalisation on en revenait au principe de la loi
de f 809 et i8i4, réagissant ainsi contre le décret du gouver~ement provisoire du 28 mars i848 : sur la question de pohce on n'innovait rien.
Voici le texte de cette loi : art. 7. << Le ministre de l'intérieur pourra, par mesure de police, enjoindre à tout étranger
voyageant ou résidant en France, de sortir immédiatement
du territoire français, et le faire conduire à la frontière. Il
·
d de l' etranger
'
aura le même droit à l' egar
qm. aura obtenu
. après un
· -1e en Fi rance · mais
l'autorisation d'établll'' so n d om1c1
. ' effet s1. l'autodélai de deux mois, cett e mesure cessera d'avoir
.
·
n'a pas été r'evoq uée smvant
risation
dans
la forme .rnd1quée
, .
l article 3. - Dans les départements frontières, le préfet aura
le même droit à l'égard de l'étrangér non résidant à la charge
d'en référer immédiatement au ministre de l'lnté;ieur. »
DR LA UBl!RTÉ INDIVIDUELLE DE L'ÉTRANGER l!.N PRàNCI!.
95
Aujourd'hui ces dispositions, loin de fortifier le pouvoir,
l'exposent aux attaques, aux interpellations des dépulés, si d'aventure uue expulsion vient atteindre un étranger ayant quelque notoriété politique. Le pouvoir arbitraire laissé au Ministre conduit celui-ci à prendre en matière d'expulsion des arrêtés purement préventifs, alors que l'attitude de l'étranger n'a
encore donné lieu à aucune plainte. Or, nos idées répugnent,
en dehors d'une n écessité absolue, aux mesures préventives.
On se souvient de l'incident parlementaire survenu à l'occasion
de l'expulsion du nihiliste Lawrofî, la stabilité du ministère
faillit être compromise. D'ailleurs M. Vivien, dans ses études
administratives, (t. I. p. 49,) développe cette idée. « Il n'y a
pas, dit-il, pour l'autorité publique, de plus grande cause de
faiblesse que l'exercice du régime préventif. Elle devient responsable da toute~ choses où elle a mis la main, des autorisations qu'elle accorde ou de celles qu'elle refuse. Elle est le point
de mire de toutes les plaintes et la cause supposée de toutes
les souffrances. La difficulté est de déterminer le point où la
sûreté publique est compromise, et d'en déterminer les exigences. »
Le vice radical de la loi de i849, est de ne faire aucune
distinction parmi les étrangers et de donner un champ d'action trop large au pouvoir de Police. Les mesures d'exécution
snr la personne ne doivent résulter autant que possible que
d'un texte ou de la décision d'un tribunal. Dans quelques rares
hypothèses nous admettrons une artion purement administrative.
L'esprit qui dicte la loi de i849, et qui s'écarte complétement d'une saine conception polilique est plus fâcheux encore
que la lacune qu'on vient de signaler. En effet, la loi da i849,
met le gouvernement français à la merci des cabiuets étrangers, le subordonne aux fluctuations de la politique intérieure
des Êtats environnants.
�DE LA LIBBRTÈ INDIVIDUELLE DK L'ÉTRANGER EN FRANCE
96
97
DROIT FRANÇAIS
On peut raisonnablement admettre telles conjonctures où
pour ne point faire naître de difGcultés diplomatiques, ou pour
éviter des représailles, le ministre de l'intérieur, instamment
sollicité d'expulser un étranger , y consentira . Son r efus serait
considéré comme un acte de mauvaise volonté puisqu'il a la
faculté d'user sans contrôle du droit d'expulsion. Cédez, dira
le gouvernement étranger, aucune loi ne vous retient.
La situation s'est présentée tout dernièrement et le ministre confessait que les instances étaient pressantes, c'est du
moins ce qu'il déclara à la tribune, pour justifier une expulsion qui avait soulevé l'opinion .
Or, une telle position est-elle digne d'un pays souverain ?
Elle l'est d'autant moins quand la France n'a aucun motif
pour repousser un étranger, ,dont le seul tort est de professer les mêmes opinions politiques que celles qui font la
force et l'honneur de notre pays.
Cette considération humiliante n'est pas la seulo qu'éveillo
la loi de i 849. Si on la corn pare avec les lois similaires de
certains. pays, on est confus de voir combien plusieurs monarchies se sont montrées plus libérales. La Hollande notamment
a réglé ces difficultés avec une extrême sagesse, et sa législation mérite. d'être r apportée avec quelques détails. - Et
d'abord l'article 8 du Code Néerlandais reconnaît une catégorie d'étrangers complètement assimilés aux nationaux, à ceuxlà la loi du 13 août i 84 7 ne s'applique pas, pas plus qu'à
ceux désignés dans l'art. 1.9 de la loi, qui, domiciliés dans
l'État, ont épousé une néerlandaise et en ont eu des enfants.
- Voilà donc une catégorie d'individus que l'expulsion ne
peut atteindre ; quant aux autres, voici les garanties qui protègent leur liberté.
Art. 10. « Les étrange rs admis ne peuvent être envoyés à la
fronti ère que sur l'ordre du ju ge cantonal du lieu où ils séjournent ou que par notre ordonnance. » - Le juge ne peut
ordonner l'expulsion que lorsque les conditions exigées pour
l'admission sur le territoire n'ont pas été satisfaites, et qu'après qu'il a entendu l'étranger 1 • Les art. 1.2 et 20, ouvrent un
recours dans les quatre jours contre la décision du juge cantonal ou contre l'ordonnance royale, c'est là une immense garantie.
l
JI y a loin de ce système à celui en usage chez nous,
par lequel l'étranger est contraint de vider le territoire, sans
avertissement préalable, sans être enten!lu, sans recours possible et quelquefois, sans aucun délai. Sous la législation
Hollandaise, un incident du genre de celui signalé ces jours
derniers, dans la presse, ne peut se produire. Un nommé Gil·
lebert, faïencier à Carentan, est expulsé de France, comme citoyen Belge ~ sur les conseils du Ministre des Affaires Etran·
gères de Belgique, il viole l'arrêté d'expulsion, rentre en
France, revendiquant énergiquement la qualité de Français,
dont il avait d'ailleurs excipé, au moment de l'expulsion. Gillebert invoquait les dispositions de la loi de !851, et se prétendait français comme né d'un étranger né lui-même en
France, le père de Gillebert était originaire d'une des provinces Belges qui avaient fait partie intégrante du territoire
de la première république.
Condamné à 24 heures de prison à raison de l'infraction
à l'arrêté d'ex.pulsion Gillebert fit appel. La Cour de Paris
dans un arrêt du 11 juin 1.883, confirma la décision des premi ers juges'. La Cour estimait qu'il 1ui appartenait bien de
se prononcer sur la question de nationalité et tranchait ainsi
la question de compétence ; m ais, statuant au food , la Cour
admettait que par l'effet d'une sorte de posttiminium les habitants des territoires annexés à la France, puis distraits par
1
1
V. Bernard. Extradit. p. 629.
V. Dalloz, 1883. 1. 209.
7
�DB LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L'ÉTRANGER EN PflANCE
DROIT FRANÇAIS
98
99
France.
Cet arrêt fut infirmé par la Cour de Cassation, et 1' affaire
renvoyée devant la Cour de Rouen. - Tel est l'état d_es choses
que depuis plus de cinq ans, et qui a continué d'y résider d'une
façon permanente, l'individu né en Belgique d'un étranger
qui y résitle lorsqu'il se trouve dans le délai d'option prévu
par l'art. 9 du C. Civil. M. Desjardins fait remarquer toutefois
que ces lois sont voté13s toujours pour un temps très-court,
afin de permettre au besoin de restreindre celte large hospita-
à l'heure où nous écrivons.
lité .
On se demande sur quel texte l'administration pouvait se
fonder pour se constituer juge d'une question de nationalité
et déclarer Gillebert sujet Beige. L'autorité judiciaire, cela est
indiscutable, était seule compétente. Si réellement Gillebert
est Français, la procédure suivie est une flagrante atteinte à la
liberté individuelle, une violation de droit, qui semble placer ses auteurs, ministres et agents, dans un.e situation juridique fort délicate, bien qu'on ne discerne pas très bien la
La Constitution Fédérale Suisse revue et approuvée du 30
janvier i874 dispose, art. 70. «La Confédération a le droit de
renvoyer de son territoire les étrangers qui compromettent la
sùreté intérieure de la Suisse. » L'article 10 du C. Pénal de
Genève porte : « Dans les cas où les lois prononcent la peine
de l'emprisonnement, le juge peut, en ce qui concerne les
étrangers, convertir cette peine en une expulsion du canton
d'une durée triple. D'après une communication de M. Brocher,
membre de la Cour de Cassation de Genève, citée par Fiore 1 •
« La liberté originaire a été modifiée dans une certaine mesure, tout au moins dans un nombre considérable de traités
de libre établissement et d' amitié contractés avec les nations
étrangères, traités qui ont pour conséquence de rendre compte
des motifs justifiant le renvoi d'un étranger appartenant à
l'une des parties contractantes. Ce renvoi est généralement
moins libre que celui des personnes faisant partie d'autres
États. »
les traités de t8i.5 étaient redevenus absolument étrangers
et ne ponvaient être assimilés à des étrangers nés en
sanction applicable.
§. III. -
LÉGISLATION COMPARÉE
En Belgique l'expulsion ne peut être décrétée aux termes de
la loi du i "' juillet i880, que contre un individu qui est poursuivi, ou qui est condamné, ou qui compromet la tranquillité
publique. Comme en Hollande, l'étranger marié à une femme
belge et en ayant eu des enfants ne peut être expulsé. Compromettre la tranquillité publique est une expression fort
élastique, mais ce n'est qu'en Conseil des Ministres que
l'expulsion peut être décidée: c'est une garantie. Citons d'après
M. Desjardins, divers étrangers qui ne peuvent être expulsés du territoire Belge 1 • L'étranger décoré de la croix de fer'
l' étranger marié à une femme belge, fixé ou résidant en Belgi1 V. Revue d~s Deux Mondes, i882,
gers. n
i••
avril . -
" L'expulsion des étran·
•
Nous citons ce passage, car les errements qu'il révèle ne
tendent à rien moins qu'à faire de l'expulsion une question
purement internationale.
(
En Italie, il n'existe pas de loi spéciale relative à l'expulsion
des étrangers, mais le Code P énal italien, comme le Code Pénal
français prévoit le cas des étrangers vagabonds jugés et con1
Dr. pénal international. Fiore, p. iOS.
�DROIT FRANÇAIS
100
damnés comme te!s, ceux-là sont expulsés du royaume à
l'expiration de leur peine, et punis jusqu'à un an de prison
D! LA LJBERTÉ INDIVIDUELLE DE L' ÉTUNGER EN FRANCE
toi
s'ils violent l'arrêté d'expulsion.
Le projet de Code Pénal, livre 1, art. 26, présenté par
M. Mancini, dispose que les étrangers condamnés à des peines
criminelles ou correctionnelles, entrainant, aux termes de la
loi, surveillance de la haute police, peuvent en outre être
expulsés du royaume
1
duelle.
On a vu plus haut, dans quelle dépendance la loi de 1849
plaçait le gouvernement vis-à-vis des cabinets étrangers.
Quant au pouvoir des préfets d'expulser les é~rangers suspects
et dangereux, il en est surtout fait usage au cas de l'art. 272
du C. Pénal. Les arrêtés préfectoraux d'expulsion n'interviennent généralement sur avis du Parquet, et n e concernent
guère que des étrangers qui ont été l'objet d'une condamnation.
Il reste à examiner les critiques d'ordre juridique que comporte la législation de i 84 9.
P. Fiore, p. i03
S· J. -
DES PERSONNES PASSIBLES D'EXPULSION
•
Ce rapide aperçu de législation comparée n'est point en faveur de notre pays. En i849, on tomba une fois de plus dans
l'erreur, souvent commise, de croire qu'il suffit d'armer le
gouvernement d'un pouvoir discrétionnaire pour défendre
l'État de certains dangers éventuels. Or, l'application de notre
loi et ses résultats sont loin de compenser la situation fâcheuse
qui résulte d'une menace perpétuellle de la liberté indivi-
1
SECTION III
L'expulsion, aux termes de la loi du 3 décembre i 849
'
atteint sans distinction tout étranger, le simple particulier,
comme le commerçant, l'industriel, ou les vagabonds et les
malfaiteurs. La loi ne fai.t aucune différence entre l'étranger
qui a obtenu du g ouvernement l'autorisation de fixer son domicile en France et l'étranger ordinaire.
Une r ègle si générale est irrationnelle et des distinctions s'imposent. Le but poursuivi par le législateur est la sûreté de
l'État. Mais, tantôt la sécurité seule du citoyen est inquiétée
par les actes de l'étranger, tantôt c'est l'État représentant
des intérêts collectifs qui a lieu de redouter ses menées . Suivant l'hypothèse, la conduite de la Puissance publique sera
différente, de là le besoin d'établir diverses catégories d'étrangers, soumises chacune à une r églementation particulière.
a) Étrangers non domiciliés. - La propriété et les personnes sont directement m enacées par les gens sans ;veu,
vagabonds, mendiants de profession, etc. Incapables d'entrer dans l'État à titre d'éléments utiles ces individ us
doiven.t de toute nécesssité être éliminés. Les échanges
d~ n~t1onaux sont aujourd'hui trop importants, les commumcations trop rapides pour songer à recourir à un
moyen préventif, comme l'obligation de produire aux
frontières un passeport règulier. Formalité vaine en ellemême et d'une pratique impossible.
�DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L'ÉTRANGER EN FRANCE
t02
DROIT FRANÇAIS
Comme conséquence de l'admission sans réserve de tous
les étrangers sur le territoire, le droit d'expulser ceux de la
catégorie qui nous ocèupo est évident. L'État exerce
dans ce cas un droit de légitime défense, contre des individus
manifestement dangereux.
L'article 272 du C. Pénal donne au gouvernement le pouvoir d'expulser les étrangers déclarés vagabonds par juge~
ment correctionnel. On ne voit pas pourquoi le tribunal ne
prononcerait pas lui-même l'expulsion à titre de peine, elle aurait ainsi un caractère répressif très-légitime. Il faudrait aussi
étendre cette disposition à tous les cas où un étranger aurait
subi une ou deux condamnations pour certaines infractions à dé·
terminer. Les parquets, nous l'avons dit, signalent biôn à l'administration préfectorale les individus condamnés et reconnus
dangereux, il est alors pris contre eux un arrêté d'expulsion,
exécutoire à l'expiration de la peine, mais le -nombre des
expulsions est malheureusement insignifiant, si on le rapproche de celui des étrangers ayant encouru des condamnations.
Al' égard des étrasgers qui résidant en France, vivent de
leur fortune personnelle ou des r essources de leur industrie,
de leur art, de leur profession, il n'y a pas à craindre que le
pouvoir discrétionnaire, conféré au Ministre 'Par la loi de i849,
s'e~erce d'une façon intempestive. Des expulsions injustifiables provoqueraient infailliblement, des représentations
diplomatiques et la juste indignation de l'opinion. li ne parait
donc pas nécessaire de supprimer, àl'égard des étrangers non
domiciliés, le droit de police du Ministre. Un séjour prolongé
dans l'observance de nos lois ne saurait créer un titre à une
protection particulière. Lo respect des lois n'est que le devoir
strict commandé par l'hospitalité reçue. On opposerail, sans
raison, la contribution aux charges publiques: racquiltemcnt
de l'impôt n'est que l'équivalent, la contre-valeur des nvan-
l
i 03
·re l'étranger des services publics sous leur formes
tages queretl
. ,
multiples.
Il est, toutefois, certains étrangers dont la personnahte attire l'attention. On se souvient de l'émotion produite par
l'expulsion de MM. Hartmann et Lavroff, etc. Le Ministre fut
interpellé et la question fut jugée assez sérieuse pour que le
gouvernement se défendit, en proposant une réforme de la
législation. Placé entre la ligne de conduite imposée par
une Constitution républicaine et la possibilité de complications diplomatiques, le gouvernement est plutôt embarrassé que servi par la faculté que lui laisse la loi de
rn49.
Quelle doit être son attitude vis-à-vis des réfugiés politiques?
Spécifier les cas où les étrangers compromettent la sûreté de
l'État est chose impossible, les circonstances sont infiniment
variables. Nul ne songera certainement à refuser au ministre le
droit d'expulser, sans contrôle, les individus coupables d'avoir
fomenté, des troubles à l'intérieur et perturbé 1' ordre établi. Mais, à l'égard de tout autre réfugié politique, dont
l'expulsion serait réclamée par une puissance étrangère, que
fera le gouvernement? - Est-il plausible que des complications vraiment g raves surgissent de la présence d'un étranger sur le sol français? - Que le gouvernement français,
donnant satisfaction à une Puissance étrangère1 écarte d'une
frontière, par exemple, un étranger, lui assig ne une résidence
même, si ses agissements sont manifestes, c'est là son devoir.
Devra-t-il aller jusqu'à l'expulsion? nous ne le pensons pas.
C'est une question de dignité nationale et de logique. La th~o
rie des cr\mos et délits politiques est encore trop incertaine
pour autoriser des mesures de rigueur. Devant l'attitude ferme
d'un cabinet, un État cessera ses sollicilalions. Mais le Gouvernement sera certainement plus fort encore, s'il peut opposer une loi formelle.
�DROIT FRANÇAIS
En retour d'une aussi énergique protection, le réfugié serait contraint de s'abstenir de toutes manœuvres.
Cette loi, d'un caractère presque constitutionnel, la France
républicaine la réclame et les raisons précédemment développées, en traitant de l'extradition, nous paraissent concluantes.
b) Des étranqers domiciliés. - Des publicistes ont proposé
de faire une distinction entre les étrangers domiciliés et ceux
qui n'ont pas cette qualité. M. Bernard, dans son traité récent de l'extradition, consacre quelques lignes à la matière
de l'expulsion. Il propose de laisser à des magistrats le soin
de statuer sur l'expulsion des étrangers. « Sans doute,
dit-il, il ne faut pas déférer l'étranger suspect à une juridiction criminelle, ni lui faire subir des débats publics.
Mais ce que nous sollicitons pour lui, c'est un pouvoir disciplinaire exercé par des magistrats inamovibles, étrangers
aux passions politiques et capables de résister à des actes de
despotisme. li faut donc organiser une procédure judiciaire
sommaire.>) Ce système offrirait certainement une garantie
plus grande que l'arbitraire d'un acte ministériel, en tout cas
une décision plus calme : mais confier à des magistrats la faculté de prononcer l'expulsion autrement qu'à titre de peine
entrainerait, à notre avis, une confusion d'attributions. L'ex·
pulsion, qui en certains cas, ne saurait perdre son caractère
de mesure de haute police, doit nécessairement rester dans les
attributions du pouvoir exécutif.
Un système mixte nous paraît préférable dans lequel le pouvoir judiciaire et le gouvernement auraient chacun leur
rôle.
Pour exposer notre pensée il est indispensable d'envisager,
un moment la condition civile de l'étranger et de préciser les
0
idées. f sur les effets de l'autorisation de domicile. 2° sur la
situation juridique de l'étranger non domicilié.
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L'ÉTRANGER EN FRANCE
f 0~
Et d'abord l'étranger peut acquérir en France un véritable
domicile : Cela résulte de la définition du domicile de l'art.
102 du C. Civ. qui se rapporte au plerumque fit, et comme
il n'est nulle part donné une autre définition du domicile
applicable à l'étranger, celle-ci le concerne.
Quant à l'autorisation de l'art. f3 elle a une double utilité.
i • Celle de servir de terme a quo pour le délai de séjour exigé
pour parvenir à la naturalisation; 2° celle de faire bénéficier
sans réserve l'étranger de tous les droits civils accordés au
citoyen français.
Cette dernière utilité est bien secondaire si l'on adopte la
doctrine qui attribue aux étrangers ordinaires tous les droits
qui ne leur sont pas expressément déniés. - Justifions ce
système. - M. Valette disait: « Exception faite, de l'époque
très-ancienne, on reconnait facilement que le droit non politique (droit privé) a été dans l'origine appliqué à tous les
nationaux ou étrangers sans distinction subtile de telle ou
telle règle juri~ique. » La valeur historique de cette affirmation a été contestée peut-être avec raison, mais ee qui
est hors de doute c'est la tendance des législations contemporainos à s'ouvrir de plus en plus aux étrangers. Pour restreindre les droits de l'étranger on invoque le rapprochement,
et la conciliation des art. 8, H, 13 du C. Civ., de la loi du
H juillet i8i9, qui conduisent au principe de l'incapacité
générale, mais, cette argumentation se fonde sur la lecture
étroite et stricte du texte, et n'est que scholastique pure. Ji
faut éclairer la doctrine par une vue sur la société vivante et
ses besoins : la société moderne vit de la pénétration mutuelle
des éléments des diverses nations et s'efforce de faire la place
à l'Mranger dans la législation privée.
Au contraire le système de la capacité des étrangers non
autorisés sous réserve des droits explicitement déniés, est
pleinement justifié par l'argument tiré de l'art 90?> du C. de
�(06
DROIT FRANÇAIS
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L'ÉTRANGER EN FRANCE
Pr. C. Civ. Il faut bien considérer que l'art. H n'est qu'une
réaction fâcheuse contre le système de l'Assemblée Constituante sur les droits des étrangers. D'après le projet primitif
de i80i : «Les étrangers jouissent en France de tous les avantages du droit naturel, du droit des gens, du droit civil proprement dit, sauf les modifications établies par les lois politiques qui les concernent. " Si la loi du 14 juillet i8i9 abrogeant les art. 726 et 9f2 n'a point touché à l'art. H, néanmoins elle en a ruiné l'esprit, ces deux arlicles n'étant que
l'application de ce même article 1 i.
Alors que les art. 726 et 9i2 étaient en vigueur, on conçoit
qu'il était nécessaire de s'expliquer sur les droits civils dont
jouirait l'étranger, de plus la rig ueur du code pendant le
stage exigé de dix ans de séjour eut rebuté l'étranger qui recherchait la naturalisation française: u L'art. i3, dit M. Demolombe, a eu principalement pour but de faciliter cette espèce
de stage politique, par la concession des droits civils en France
pendant sa durée. n
Il faut donc reconnaitre qu'aujourd'hui l'autorisation de
l'art. i3 a perdu de son importance, elle ne sert plus qu'à
fixer l'initium d'un délai dans la procédure de naturalisation.
Quelle est maintenant la conséquence de ce système au
point de vue du Droit Public? C'est que l'étranger, qui réclame l'autorisation de résider en France, manifeste uniquement l'intention de parvenir à la naturalisation, il se soumet
simplement à une formalité qui n'a d'autre but que de lui
permettre de devenir français,
le consentement que donnera le gouvernement est un acquiescement de principe. Cette
autorisation au domicile une fois donnée est un titre qui ne
peut être arbitrairement détruit.
el
Objectera-t-on que l'autorisation de domicile spontanément
1
i 07
accordée par le Gouvernement pourra de même être spontanément retirée: <<Vous.n'êtes plus digne, dit le Gouvernement:
de la faveur de jouir de nos lois, nous vous retirons la facu~te
d'en profiter, et rien n'est plus naturel.,» Mais en~ore, une f01s,
pour jouir des droits civils, l'étranger n ~~as besom d ~~e autorisation, elle n'est pour lui que la condition de sa légitime espéran~e à devenir citoyen fran çais, et en la lui accordant, le
gouvernement s'est moralement engagé. L_'élra~~er ~ nat~
rellement la j ouissance et l'exercice des droits civils, l autorisation lni donne une vocation à la qualité de français , elle lui
concède donc un droit qu'une mesure arbitraire ne pourra
lui faire perdre, qu'une décision rendue contradictoirement
aura seule la force d'effacer. L'étranger autorisé est donc
presque français , il jouit des droits civils seulemeat il n'a pas
le plein exercice de tous les droits publics que la naturalisation
seule lui confèrera.
C'est en vain que l'on objectera que l'expulsion est sans influence au point de vue de la naturalisation puisque d'après
l'art. 7 de la loi de i849 si l'autorisation de domicile n'est pas
retirée, dans les deux mois, l'expulsion cessera d'avoir effet.
Cetle remarque n'est point concluante, car il est clair que
l'étranger autorisé qui est expulsé subit une grave violence.
Et, nous venons de dire que le droit public doit le protéger
au mème titre qu'un fran çais . Tant que subsiste l'autorisation
de domicile, son état juridique est tel, qu'à son encontre
un acte do la puissance publique comme l'expulsio n est
illégal.
Ainsi donc, et c'est là l'intérèt de cette longue discussion, l'arbitraire gouvernemental ne pourra se traduire par
une mesure d'expulsion avant que l'étranger n'ait été averti
<tu sort qui l'attend, par le retrait de son autorisation de domicile, et qu'il ait pu faire valoir ses moyens de défense et expliqué sa conduite.
�0
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L ÉTRANG!R EN FRANCE
f08
f09
DROIT FUNÇAIS
M. Clovis Hugues, dans la séance du 24 février 1882, à la
Chambre des Députés,apostrophait M. le ministre de l'lntérieur
dans une forme un peu dramatique, mais en tout cas le
fond de sa pensée est juste à l'égard des étrangers domiciliés.
L'expulsion est non seulement la violation de l'hospitalité,
mais encore une violation de droit; il est étrange que cette
violation soit possible sous notre régime politique.
On a vu que M. Bernard, que nous citions plus haut, proposait de déférer l'expulsion aux magistrats de la Cour d'Appel,
siégeant en chambre du Conseil et statuant ùisciplinairement.
D'après ce que nous avons dit, c'est sur le retrait d'autorisation de domicile que la Cour devrait se prononcer. L' expulsion, qui dépendra de la décision rendue, resterait ainsi ce
qu'elle est, et doit être, en principe, une mesure de police,
que le Gouvernement prendra si bon lui semble contre l'étranger redevenu étranger ordinaire.
Nous aimerions mieux voir le Conseil d'État saisi de la
question. Le Conseil d'État est un tribunal qui réfléte les
tendances gouvernementales, sans cependant participer aux
sentiments plus mobiles d'un cabinet ou d'un ministre. Plus
en contact avec la vie politique que la magistrature qui devrait l'ignorer, le Conseil d'Etat appréciera mieux l'opportunité du retrait d'autorisation de domicile.
Une telle décision touche toujours par quelque côté la politique, elle tend à effacer un état de droit qui prépare à la naturalisation, or la naturalisation qui fait entrer un étranger au
nombre des citoyens, est un acte politique.
SECTION IV
D'une police internationale des Étrangers.
Dans les sociétés fondées sur le principe rle la liberté, il faut
une très-nette perception de l'ordre ; c'est sans doute ce que
Montesquieu appelle la vertu nécessaire aux États populaires.
Le gouvernement républi cain laissant aux individus le maximum d'initiative, réduit d'autant les attribution:; de l'État,
qui conserve ses seules fouctions rationnelles, le soin de la
sécurité à l'extérieur et de la police générale à l'intérieur.
Plus la liberté est développée et plus les atteintes qu'elle peut
ressentir sont subites et délicates.
Les atteintes à la propri été et aux personnes sont les plus
flagrantes violations de la lilJerté. L'énergie et le temps dépensé par le citoyen a pourvoir à sa sûreté comme à celle de
8es biens menacés par les entreprises des malfaiteurs sont une
déperdition de forces. Aussi est-ce dans .l'État le plus libre,
quand l'activité de l'homme peut produire tout son effet utile,
que la police doit être la plus rigoureuse.
Cette police comprend une action judiciaire rapide, un système répressif efficace. Nous n'entendons parler ici que de la
police dans son sens élevé, c'est-à-dire, d'une partie de la législation ayant sa valeur juridique, et non de ces mesures arbitraires visant aussi un but de police et dont il a été parlé précédemment.
La loi sur les récidivistes qui, il faut l'espérer, sera bientôt
voté répond à des préoccupations de cet ordre. - La société
terrasse un adversaire dont elle a eu le torl de ne pas avoir
�uo
DROIT FRANÇAIS
su prévenir la croissance ; mais elle doit vaincre à l'état
l'adulte ou se résigner a en être la victime. Peu importe les
imperfections .de la loi et si elle pêche contre certains principes du droit pénal.
L'école primaire est en train d'apprendre à tout citoyen
français son devoir et sa conduite. Le temps est proche
où une prévoyance intelligente le soutiendra aux heures
de maladie et de chômage. La prison résignera enfin ce caractère hybride de maison de correction et d'éducation.
L'opinion est faite sur ce singulier système de défense sociale, qui réunit en conférence les pires ennemis de la
société et se flatte de les convertir aux devoirs civiques et
sociaux. A chaque institution sa fonction spéciale. Un régime pénitentiaire rigoureux, dès la première infraction,
ramènera certains malfaiteurs à la vie normale, quant aux incorrigibles et aux malheureuses victimes d'une nature rebelle
à l'adaptation, on en débarrassera le corps sodal comme on
fait d'un parasite. La société une fois préservée d'êtres malfaisants, les sentiments d'humanité s'exerceront à l'égard des
irresponsables en leur assurant au loin une existence suppor·
table.
Les idées qui précèdent dictent le syst ème qui devra
protéger les citoyens français contre la criminalité étrangère.
Une présomption de nocuité s'élève contre tout individu
dépourvu de moyens d'existence ; celui-là, il faut le restituer
à sa patrie qui doit pourvoir à ses besoins ou le contraindre
au travail. Osant aux délits que l'étranger commet sur notre
territoire, le plus sûr moyen d'en diminuer le nombre est
d'opérer une sélection parmi les étrangers et d'assurer l'observation des mesures d'expulsion, qui sont incessamment
et impunément violées , grâce à la difficullé d'établir l'identité
des étrangers.
1
DE LA LIBERTÉ INDIVIDU.RLtE DE L ÉTRANGER EN FRANCE
iii
On a proposé de garder la frontière et de rétablir les passeports 1. C'est se faire illusion sur l'efficacité du procédé. Les
mœurs économiques se refusent à revenir à un système délaissé successivement par l'Allemagne, l'Angleterre, la Ilollande, la Belgique, l'Espagne, l'Union-Américaine et par presque toute l'Europe~. Il n'est pas de mesure administrative plus
vaine et plus vexatoire. Un édit du 3 mars i 791, abolissait l' obli·
gation du passeport. Des causes politiques et transitoires le
firent rétablir, puis supprimer encore jusqu'à la législation du
iO Vendémiaire, an IV. Aujourd'hui et dans la pratiqne les
passeports sont tout au plus exigés de quelques pauvres
hères, et encore ne servent-ils souvent qu'à contrôler la comptâbilité des secours de route délivrés aux indigents.
Forcer d'une façon pratique à justifier de leur identité les
nombreux immigrants qui envahissent les départements frontières, voilà le problème.
Ferons-nous remarquer qu'un intérêt international invite
les Etats à se concerter dans ces moyens .de préservation.
Presque tous se réserv~nt le droit d'expulser certaine catégorie d'étrangers, une entente serait, semble-t- il, facile à établir sur les bases suivantes.
I. Chaque Etat a le droit d'exiger de l'étranger la justification de son lieu d'origine.
Il. Le défaut de justification est une contravention à la
loi internationale. - La dissimulation reconnue est un
délit.
III. La condamnation à certains délits entraîne à l'expira1
Bernard. ~tradition, p. 624, t. II. V. le projet proposé par cet auteur.
'La formalité du passeport n été e:ipressément supprimée entre la France
e~ les États-Unis en 1874, suppression étendue aux émigrants en i 879. Circ. lot. bull. olî. int. i879, p. 38. - Même abrogation de cette formalité
enire l'Angleterre et la France. i860.
�H2
' FRANÇAIS
DROIT
DR LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE DE L'ÉTRANGER !N FRANCE
tion de la peine principale la peine accessoire de l'expulsion,
sans qu'elle puisse jamais en être séparée par le bénéfice des
circonstances atténuantes.
IV. L'effet de l'expulsion est temporaire ou perpétuel, suivant les cas déterminés.
v. La réintégration du territoire pendant la durée de la
peine de l'expulsion est punie d'une peine correctionnelle avec
exclusion perpétuelle du territoire à l'expiration de la
{ 13
moyens d'existence réguliers, il sera conduit devant le Procureur de la République du chef-lieu d'arrondissement, qui vérifiera la sincérité des déclarations, si elles sont reconnues
mensongères, l'étranger sera immédiatement déféré au tribunal, à l'audience des flagrants délits, et condamné pour dissimulation d'origine. A l'expiration d~ la peine, l'expulsion
sera prononcée si l'individu n'a pas, dans l'intervalle, justifié
de son origine. Si l'on venait à découvrir des condamnations
antérieures, l'expulsion sera toujours prononcée. On pourrait
n'appliquer, dans l'hypothèse qu'on vient d'examiner, que le
minimum de la durée de l'expulsion.
La carte d'identité devra être présentée à toute réquisition
des autorités chargées de la police : ell~ servira de passe-port
à l'intérieur, et sera visée pour départ, en cas d'un changement définilif de résidence. La police municipale qui s'apercevra d'un départ clandestin, avisera aussitôt le Procureur
de la République du chef-lieu, qui joindra l'avis au casier.
peine.
VI. La récidive de la violation du jugement d'expulsion entraine la relégation ou la transportation aux lieux fixés par les
lois, excepté au cas où l'expulsion aurait une cause politique.
La mise en pratique de ces dispositions reposerait sur le
double concours de l'autorité municipale dans chaque commune et des bureaux du casier central.
Dans chaque commune, tout étranger dont la présence est
constatée depuis quelque temps, sera invité à se rendre devant
l'autorité municipale. Il devra être porteur d'un certifLcat d'origine émanant de l'autorité de sa localité, sous peine d' être traduit en simple police. Il lui sera en tout cas enjoint de déclarer: i • son lieu d'origine - 2° ses noms et prénoms, ceux
de ses père et mère - 3° s'il n'a point subi de condamnations
en France ou à l'étranger. Il indiquera ses moyens d'existence, la durée approximative de son séjour dans la commune
et le département. Il sera averti de la peine qu'il encourt en
cas de fausse déclaration d'origine.
Une carte d'identité contenant ces diverses indications et un
signalement exact, sera remis à l'étranger qui la signera,
s'il ne sait, mention en sera faite. Un double sera adressé au
Procureur de la République du chef-lieu de département. Une
minute restera à la commune. Dans les quinze jours qui sui·
vront les, formalités, si cet étranger ne parait pas avoir ~e
En cas de changement de résidence, dans un m ême département, il suffira d'un visa d'arrivée, donné par le maire ou
le commissaire de police, qui a visera le Procureur de la République. Si le changement de résidence a lieu hors du département, à l'arrivée dans la localité, l'étranger fera viser sa
carte d'identité, renouvellera la déclaration du séjour qu'il
compte faire dans la commune. Une copie de sa carte sera
adress~e au Procureur de la République, une antre demeurera
à la mairie. On établira de la sorte un casier de surveillance
au chef-lieu de chaque .département. Les recherches judiciai~
res seraient ainsi singulièrement facilitées et l'on verrait diminuer le nombre des affaires poursuivies contre inconnus. Les
porteurs de cartes irrégulières seront en contravention.
. li fa~t, en droit pénal international, poser comme un principe primordial, le constat d'identité. Ensuite, l'efficacité du
\
8
�it4
DROIT F RANÇAIS
système dépendra entièrement de la sévérité de la peine appl11.i uée à ta tl1:,, imulation de l'identité.
Une extrême sévérité qui, à priori, paraît en contradiction
avec la faible importance du délit choquera certainement les
criminalistes, qui prenMnt pour mesure de la peine l'immoralité du délit ou la perversité du coupable. Mais ce sont là des
choses en dehors de l'appréciation humaine et sans portée
pratique. La philosophie spiritualiste qui a rendu de merveilleux services au droit pénal et fait franchir, en cent -cinquante
ans, un pas immense aux mœurs judiciaires, doit aujourd'hui
former un document historique du droit pénal à classer aux
archives de la science : une autre phase de l'évolution succède, la préservation doit se faire énergique et se mesurer sur la
grandeur du danger.
En droit international, ce sont les conclusions pratiques qui
doivent prévaloir, et le droit pénal international est moins du
droiL pur que de l'économie sociale.
Los sociétés modernes ont un profond besoin de sécurité,
besoin qui est, à la fois, une conséquence de leur progrès
économique, comme la condition des progrès ultérieurs.
L'identité est le pivot de toute action judiciaire, aussi ne
faut-il pas que, sur le territoire des Etats, il puisse se trouver
un seul individu dont l'identité soit douteuse. La cu1rnaisnaissance de l'identité, rapide et sùre, de tout étranger, est
l'unique moyen de prévenir les nombreuses violations d'arrêtés d'expulsion. On ignore trop que la plupart des individus, frappés d'expulsion, r éintègrent le territoire qui les a
renvoyés, dans la quinzaine qui suit leur sortie. Cette proportion représente 84 / iOO des affaires de flagrants délits. (Journal Offic., 1.6 août 1882, p. ft558). Ces étrangers reviennent
sous des noms supposés, sous une identité de fantaisie.
Rien n'est plus aisé que d'être porteur d'un certificat d'origine qui n'a pas besoin d'être renouvelé à tout instant. L'indi..
DE LA LIBERTÉ INDIVInUELLB DB L'~TRANGER EN FRAl'fCE
1 f?S
vidu n'est point soumis à une police tracassière et humiliante,
sa liberté qui dépend uniquement de la sincérité de ses décla_
rations, lui donne le sentiment de sa responsabilité.
Notre système, moins vexatoire que celui des passe-ports,
ne gêne ni un intérêt matériel, ni la célérité des déplacements, si imprévu que soit un départ, puisque les formalités
ne .s'accomplissent qu'au lieu d'arrivée et dans un délai suffisant. Plus libéral que tout autre système de surveillance, puisqu'il ne dépend pas de l'administration du pays étranger, de
retenir un do ses nationaux, par le refus d'un passeport. En
droit, si le passeport ne peut être refusé à quiconque n'est
pas sous le coup d'une poursuite criminelle, en fait, il peut
l'être par le mauvais vouloir d'une administration. Le réfugié
politique pourra accéder à notre territoire, sans produire un
passe-port qu'il serait naïf de lui demander : la carte d'identité ne le compromet en rien. Elle ne devient nuisible qu'à
l'individu qui se place sous le coup des lois : elle n'est obligatoire d'ailleurs, que pour ces étrangers, que tout Etat civilisé
est en droit de suspecter et de redouter.
,,.,
�DROIT DES ÉTRANGERS D'ESTER EN JUSTICE
CHAPITRE 11
DROIT DES ÉTRANGERS D'ESTER EN JUSTICE DEVANT LES TRIBUNAUX· FRANÇAIS
Etranger demandeur contre un Français. - Le principe,
actor sequitur forum rei, donne naturellement le droit à
l'étranger de citer devant les tribunaux français, le Français avec qui il a contracté. (Art. i5, C. Civ. ) Toutefois,
en matière civile, l'étranger qui n'aurait pas en France
de biens immobiliers doit fournir une caution. (Art. i6, C.
Civ.) La caution judicatum solvi, exigée de l' étranger assure
au défendeur français, s'il gagne le procès, l'exécution de la
sentence.
Etranger défendeur contre un Français. - S'agit-il, au contraire, d'un étranger actionné par un Français, il ne peut se
soustraire à la juridiction française qui sanctionnera les obligations contractées par lui, qu'elles l'aient été on France ou à
!'Étranger, ou même que le contrat, qui fait l'objet du litige,
ait reçu son exécution à l'étranger. C'est là une dérogation sans doute au principe qu'on rappelait plus haut,
mais qui est nécessaire pour sauvegarder l'intérêt des nationaux: qui auront souvent avantage à citer l'étranger de-
{{
7
vant la justice française. Il sera toujours loisible au Français
d'observer le principe et de déférer son litige à la juridiction
étrangère, car ce n'est qu'une faculté qu'énonce la loi. u L'étranger pourra être cité ... » Art. i4. C. Civ.
C'est non seulement à l'occasion d'obligations contractées,
que l'étranger pourra être cité en France, mais encore à l'occasion d'obligations nées d'un quasi-contrat, d'un délit
ou d'un quasi-délit. Il ne faut pas perdre de vue l'origine
de la théorie des obligations, elles ont été considérées dès le
droit romain comme se rattachant au ùroit des gens (Instit. de
Oblig. § 2). La jurisprudence a adopté unanimement cette
théorie.
Etmnger demandeur con.tre un autre étranger. - La difficulté natt lorsque la contestation surgit entre étrangers. Notre
Droit public a-t-il entendu protéger les étrangers à l égal des
nationaux, et la justice Française est-elle appelée à connaitre
d'intérêts purement étrangers? C'est là une question pendante,
la jurisprudence, par des solutions contraires, montre son hésitation, les auteurs n'ont pas davantage adopté une théorie
définitive.
Aucun texte ne défend à nos tribunaux: de retenir un
litige né entre étrangers : le silence des Coùes prête donc
à deux interprétations. Mais, envisageant la nature du
service judiciaire, ne voit-on pas que c'est un service économique au même titre que les divers services public ,
tels que ceux qui assurent la viabilité des routes, la transmission des correspondanees etc., rémunérés tous par l'impôt. Or, les taxes ot les impositions frappent en principe
l'étranger comme le national, il n'y a donc pas à faire
une distinction arbitraire entre le service judiciaire et tout
autre rendu par l'État, et ce n'est donc point une faveur
que les étrangers sollicitent, quant ils demandent à nos
tribunaux, do juger leurs contestations, mais un véritable
�H8
DROIT FliNÇ!IS
droit qu'ils pourraient exiger. C'est un service dont ils acquittent la rémunération.
Nous verrons plus loin que ce point de vue renferme les
éléments d'une situation juridique très-précise, quant à l'e.tercice du droit d'ester.
En matière immobitiè7·e, le Code Civil est formel, les immeubles, sis en France, sont régis par la loi française, quelle, que
soit la nationalité des propriétaires. (C. Civ. art. 3, al. 2).
L' article du Code Civ. qui soumet expressément l'étranger
aux lois de police et de sûreté fournit un argument à contrario
à l'opinion qui exclut la compétence des tribunaux en matière
purement personnelle . Cette argumentation est peu concluante.
Lors de la discussion du Code, le Consul Cambacérès prévoyant le cas où des étrangers consentiraient à plaider devant les tribunaux français, jugeait nécessaire d'introduire
une disposition spéciale. Tronchet rappelait le principe de
la compétence du juge naturel du défendeur, mais en ajoutant que si la juridiction n'était point déclinée par le défendeur, les tribunaux auraient le droit de juger.
Actuellement la jurisprudence r éserve aux tribunaux la faculté de ne pas entendre les parties, sans que lour abstention puisse être considP,rée comme un déni de justice. La doctrine produit des arguments d'une grande force dans le
sens de la compétence nécessaire des tribunaux, les idées
chaque jour plus favorables à l 'étranger les feront adopter par
la jurisprudence. M. Laurent, (Principe de Dr. civil Français,
1. N° 430) s'exprime ainsi : cc Celui qui est capable d'exercer
un droit, doit aussi avoir la capacité d'en poursuivre 1' exécution forcée, car que seraient les droits s'ils n'avaient pas de
sanction . » Dans le même sens Massé. Le droit commercial
dans ses rapports avec le droit des gens et le Droit civil t. II·
f 67, Fœlix, i 21 et suivant.)
DROIT DRS ÉTRANGERS D'ESTER EN JUSTICE
1.19
En matière commerciale, la jurisprudence est fixée dans le
sens de ia compétence nécessaire. Déjà les ordonnances de
!673 et {68i, reconnaissaient l'obligation pour le juge français de statuer sur les contestations commerciales des étrangers. M. P ardessus dit même ' <c que c'est là en quelque sorte une
loi de police à laquelle les étrangers n 'ont pas le droit de se
soustraire. » Arrêt de Cass. 22 nov. i 815, Ch. r eq,; cet arrêt
décide qu'il y a m ême lieu d'observer, quant à la citation, les
dispositions de l'art. 420 du C. de Procédure. Dans le même
sens, l'art. 63f du Code de Comm. ne fait point de distinction entre les justiciables des tribunaux de commerce . (Nouvel
arrêtdui9 déc. i88l. Ch.req. )
On ne voit pas pour quel motif l'accès de la juridiction civile serait moins d'orJre public que l'accès de la j uridiction
commerciale. Dira-t-ou, que le droit d'obtenir justice au civil
est un droit qui ne saurait ùécouler de l'établissem ent d'un
domicile de fait, que ce domicile ne donne pas la jouissance
des droits civils au nombre desquels se trouve compris
le droit d'êlre jugé. C'est le système de la juri::.prudence. Cass.
5 mai 1875, S. 75. L 4.09 . 289.
Paris 13 mars, 1. 879 . S. 79. 2.
Nous nous rangerons à la théorie de la Cour de Bruxelles . .. Le droit d'ester en justice n 'est pas un de ces droits
civils, uniquement attachés à la qualité de Belge, mais plulüt
un de ces droits qui, comme le droit d'acheter ou <le se mari0r, doit être rangé dans la catégorie des droits appartenant
aiusi que le dit Portalis, bien plus au droit des gens qu'au
droit civil, et dont l'exercice n e pourrait être intorrompu saus
porter atteinte aux diverses r elations qui exislent outre les
peuples. )> Arrêt du 28 mai i867 , (Pasicrisie 1867, II.
p. 294.
L'opinion adoptée plus haut sur la situation de l'étranger uu
point de vue civil milite en faveur d'un système différent de ce-
�i20
DROIT FJ\ANÇAIS
lui de la jurisprudence française, et nous pensons que non
seulement les tribunaux saisis d'une contestation entre étrangers peuvent statuer, mais encore qu'ils le doivent. C'est
moins de l'art. 11, du Code Civ., qu'il s'agit ici, que des dispositions de notre Droit public qui soumettent l'étranger à des contributions P.écuniaires diverses: or, celles-ci sont une spoliation si elles ne reçoivent pas de compensation de la part de
l'État.
Les art. 0 du Code Civ. et 59 du Code de Procédure,
combinés avee l'impôt, constituent les éléments d'une situation
juridique telle qu'elle entraîne la compétence absolue et nécessaire des tribunaux dans le cas qui nous occupe.
Le domicile s'établit par un fait, l'art. 13 du Cod, Civ. le
constate seulement d'une façon officielle, plus exactement il
le revêt d'un caractère particulier. Lorsque la loi traite des
ajournements et des citations et qu'elle parle du domicile, elle
entend se servir d'une expression large, puisqu'à défaut de domicile elle autorise la citation au lieu de la résidence: à plus
forte raison ne se préoccupe-t-elle pas d'un domicile qui pourràit résulter d'une autorisatiou spéciale, qui aurait ainsi une
qualité accidentelle. Ce que la loi exige, c'est que Ja partie
défenderesse ait un domicile , ou une résidence de fait, lorsqu'elle l'a,elle peut être actionnée à l'occasion de toutes matières
civiles personnelles. (Art. 59 C. de Pr. 1, (Contra jurisprudence, 2 avril 1873, S. 331. 435). Les deux plaideurs étant domiciliés ou simples résidants le défendeur proposera inutilement
l'exception d'incompétence tirée de son extranéité, car le tribunal ne saurait y accéder sans frustror le demandeur d'une
j ustir.e, dont celui-ci assure le service par les co ntributions qu'il
paie à l'Etat. D'autre part si le défendeur ne soulève pas l'incompétence, à fortiori, le tribuual ne peut refuser de statuer, la
situation du défendeur étant la même que colle du deman·
deur.
DROIT DES ÉTRANGERS D'ESTJU\ EN JUSTICE
121.
Au contraire le tribunal devra se déclare rincompétent pour
juger des plaideurs qui ne seraient ni l'un ni l'autre domiciliés
ou résidents, ear alors l'État qui n'est point indemnisé ne peut
occuper ses magistrats à des intérêts étrangers qui ne touchent
point à l'ordre public ou à la police du Pays. Mais ne voit-on
pas que cette abstention du service judiciaire concorde précisément avec les dispositions de l'art. 59 du Code de Procédure
à défaut de résidence ou de domicile en France, le défendeur
étranger ne peùt ê tre cité devant aucun tribunal français en
matière personnelle, et dès lors l'action du demandeur ne pourra
s'engager en France.
La jurisprudence est en contradiction avec elle-même quand
elle permet l'intervention d'un étranger au cours d'un procès
Lyon, 21juin187i S. 72. 2. 20i); à quoi servirait en effet l'inte~vention si le jugem ent ne devait point avoir d'effet à l'égard des intervenants .
S'il est possible de citer un étranger domicilié ou non , lorsque la demande viso en même temps un fra nçais, c'est dans
un but de protection favorable au plaideur en France.
L'article 59 permet aussi do citer un étranger au cas où la
demande est formée contre plusieurs défendeurs et où l'un
d'eux aurait domicile en France : le procès peut donc s'agiter
uniquement, entre étrangers, mais il sera nécessaire que l'un
d'eux soit plus que résidant, mais bien domicilié en France,
le texte est précis.
En matière mixte, il suffira que le défendeur étranger ait
son domicile en France, (art. 59 al. 4). Le tribunal pourra
avoir quelque peine à se prononcer en présence d'accords formés d'après les lois étrangères, mais ce n 'est quo de
la partie de l'instance purement personnelle que le tribunal,
connaîtra. Il ne peut rien décider à l'égard d'immeubles situes
en dehors de la souveraineté de l'État français .
�122
DROIT FRANÇAIS
En matière de délits et de crimes, l'é~ranger même non do.
micilié ni résidant pourra obtenir des réparations civiles, à la
condition que l'action civile fùt jointe à l'action pénale et qu'il
y fùt statué par le tribunal repressif. Le Code d'instruction
criminelle établit un lien si intime en tre les deux actions
(art. 3, 627, 638, 640) que les mag istrats pourraient diffi.
cilement se refuser à juger, en invoquant l'extranéité du
demandeur et du défendeur. Cette solution n'est pas tout
à fait en harmonie, il est vrai, avec la corrélation nécessaire
que nous établissons entre le service judiciaire et l'acquiltement de l'impôt. Mais la réparation civile n'est, en par~il
cas, qu'une extension de la condamnation pénale, une sorte
de composition. De plus l'instruction du procès civil est
menée de front avec l'instruction de l'action publique, il n'en
résulte ni perte de temps ni surcroît d'occupatiÔn pour les magistrats au détriment du service qu'ils doivent aux nationaux,
quant à l'assignation pour le procès ci vil, si l'étranger pour·
suivi est détenu,elle peut être faite à la maison d'arrêt qui pour
lui est le lieu de résidence. Au cas de disjonction des deux
actions, et si la demande en réparation est portée devant Je
tribunal c1v1,
· ·1 1·1 Y a une double raison
·
pour que ce tribunal se
déclare incompétent. En effet, à l'égard du défendeur, l'art. 59
~u Code de Procédure est applicable, l'assignation ne pouvant
etre donnée devant aucun tribunal, à l't>gard du demandeur,
également
non dom1c1
· ·1·1e' lll· résidant, les tribunaux
, .
n'ont point
a Juger par application du système que nous proposons.
Le système de l · ·
a Jurisprudence l'a conduit à donner une
portée et UOB extension considél'able à l'art. 3 du C. Ci·
vil : et l'interprétation de l'expression lois de police est de·
'
'
venue d' une élast1· 'té ·
c1 s1 grande que le sens juridique en est
presque indéfinissable. C'est ainsi que les tribunaux prescrivent
une
. . et privé,
.
. série de mesures d"m té r êt civil
d'ordre conserva·
toire, provisoire ou urgent, qu'ils ordonnent le service d'une
DROIT DES ÉTRANGERS D'ES'fER EN JUSTICE
i23
pension alimentaire (Trib. civ. 3 Mai, 1879 Frengs-Mathysens)
qu'ils autorisent une femme à quitter le domicile conjugal en
attendant l'issue d' une demande en séparation ou en divorce
introduite devant la juridiction étrangère. (Paris, 9 août 1878).
En matière de société, une loi du 30 Mai 1857 autorise les
sociélé:i légalement constitu ées en Belgique à ester en justice
devant les tribunaux français; le bénéfice de cette disposition
pouvait être étendu par décret à d'autres États. C'est là une
loi offrant des avantases pratiques rl'ordre économique qui
la dispense d'un fondement théorique. Les tribunaux français
devront donc, en pareil cas, connaître de tous les incidents qui
surviendront, par exemple à l'occasion du partage, action
en rérision du partage, action en garantie (art. 822, i 872 C.
Civ - f>9 C. Pr.)
En matière de (ai/lite, les tribunaux français seront compétents pour prononcer toutes déchéances de droit contre un étranger. Celui-ci se plaçant dans la situation du commerçant se soumet forcément à toutes les lois spéciales qui régissent les individus investis de cette qualité. Le Code de Commerce n'avail donc
point à s'occuper spécialement de l'étranger dans l'art. 437 et
5on silence s'interprète tout naturellement dans le sens qu'on
vient d'indiquer.
Certains États, comme la Suisse, (traité avec la France du
i5 Juin 1879) ont r églé la juridiction à laquelle seraient soumis leurs nationaux. En pareil cas, c'est à la loi conventionnelle que les tribunaux devront se référer. La volonté des
parties ne saurait couvrir l'incompé tence des tribunaux dans
les matières non prévues au traité, et d'office les juges devront se dessaisir. (Paris, du 8 juillet 1870. S. 7t. 2. 77.)
�LES ÉTHANGRR~ ET LBS CULTES
125
en vigueur, ne sont pas sans inconvénients à l'égard des
étrangers qui résident sur le sol français, ou qui y font un séjour momentané.
CHAPITRE III
LES eTRANGERS ET LES CULTES
§. J· -
RESTRICTION A LA LIBERTÉ DES CULTES
Les principes libéraux que la Révolution avaient proclamés
en matière religieuse et de culte, devaient subir au bout de
peu de temps d'importantes r estrictions .
L'Empire et la Restauration valaient à la France le Concordat et les Gultes officiels : une religion de majorité substituée à
la religion d'Etat, la différence était dans les mots , elle n'était
guère daus les choses. Ne voit-on pas, à l'occasion ùes prières
publiq ues que la Constitution de 1815 a cru devoir maintenir,
les convocations officielles des foncliounaires se faire dans les
églises catholiques 1 •
. Cette polilique d'ailleurs devait engen,drer l'indill'érence religleuse; les choses de la religion que l'esprit de liberté n'avait
pas vivifiées ne préoccupent sérieusem1mt l' esl-lrit de personne
en France.
Les disposi· t'ions legales,
'
en matière de culte actuellement
1
révision
·reLa
t
1
récent
· .
I! qui vient d'être faite de la Cooslilulion de 1875, .ma.
· é
1 erté en mallère
l'ab e e. progrès de J11 rb
religieuse le congrès a déc1d
D1 "
rogatto.11 dea prièrea officielles.
,
A première vue, on est frappé du désaccord des lois et usages anciens avec les besoins nouveaux. Les merveilleux
échanges de populations facilités par les moyens de transports,
font que t ous les cultes du monde ont aujourd'hui des adeptes
en France. Or, il s'en faut beaucoup que chaque étranger
puisse exercer les rites de sa croyance. A cet égard les pays
d'Orient, plus libéraux que le nôtre, supportent toutesles manifestations extérieures des cultes européens.
Examiner l~ situation faite à l'étranger en matière de culte
par notre Droit Public, c'est envisager la question de la liberté des Cultes.
Depuis la Révolution, la liberté de conscience est absolue,
nul ne peut être inquiété pour les sentiments qui l'animent
dans son for intérieur. Mais s'agit-il de la manifestation publique, ex.terne, de ces sentiments de leur traduction par des
ritos, des paroles, des cérémonies, les obstacles légaux se
dressent, en sorte que la libertt> n'est qu'apparente car en matière de culte tout est extérieur. C'est le propre des cultes de
s'affirmer à la face de tous 1 les religions n'ayant pu s'affranchir d'un apparat extérieur : jusqu'ici elles ne se sont point
assez spiritualisées pour se débarrasser de pratiques matérielles
et se contenter du domaine intime.
Qu'a-t-on donc à objecter à la liberté des cultes? L'E tat, dit-on, doit surveiller lès mœurs ; sous prétexte de
culte, des idées éversives d'ordre, des pratiques malsaines
peuvent surgir, il importe de les prévenir. Sans doute l'Etat
a droit de surveillance ot de haute police sur ce qui se passe
:hez lui , qui donc y contredit? Mais cette police qu'a-t-elle
a voir avec la reconnaissance de trois cultes, ni plus ni m oins,
ou le salariat des ministres des cultes. A cette époque peu s'en
�LES ÈTnANGERS ET LBS CULTES
DROIT FRANÇA..IS
fallut qu'on ne reconnût que deux cultes, le judaïque faillit rester à l'écart 1 ; on n'avait, en effet, rien à en redouter
les Israëlites numériquement étai ent sans importance pour
offrir un élément hostile ou favorable au pouvoir. Quant au
protestantisme il sortait d'une phase de longues persécutions,
un mouvement d'opinion obligeait à le reconnaitre et à lui faire
profiter de ce qu'on estimait alors les avantages r éservés au
catholicisme '.
Sans le concordat, il est difficile d'affirmer les résultats qu'aurait amenés la liberté des cultes telle que la Révolution l'avait
faite, mais on peut conj ecturer avec quelque vraisemblance que,
les folies du premier moment dissipées, on eùt assisté au spectacle d'une organisation naturelle des trois g rands cultes avec
des sectes dissidentes tant catholiques que protestantes. Au
lieu d'un parti catholique fortifié, g randi à l'ombre du trône,
s'élevant au rôle de parti politique, on eût vu des églises diverses se fonder et rivaliser entre elles, mais uniquement dans
le domaine des idées religieuses. Ainsi circonscrite leur agitation pouvait être négligée dans la conduite de la politique générale.
)
Bonaparte préféra diriger cette organisation des clergés; sa
conduite répondait peut-être au sentiment général d'alors, on
éprouvait un besoin d'ordre et de règle en toutes choses, on
négligeait de s'occuper des conséquences ultimes de la réglementation. Le procédé tout naturel était de salarier les cultes,
mais les payer en cet instant c'était leur donner la vie. Ce pre·
mier pas fait, la nécessité de les reconnaître de leur accorder
'
une protection spéciale, une série d'immunités s'.imposait.
Disons-le de suite, c'était la main mise sur le clergé catholi·
i27
que afin de l'asservir à un dessein despotique. C'était aussi le
pacte de deux despotismes; Rome et Nap oléo n, trop puissants
pour vivr e en lutte et se mesurer sans cesse, préféraient faire
alliance. Le premier Consul prévoyait sans doute en faisan t le
Concordat tous les avantages que Napoléo n en r etir er ait 1 •
Quelle que soit l'opinion qu'on ait sur ce point , le Concordat n'en est pas moins demeuré un instrument de subordination merveilleux.
La Constitution de l'an Ill avait dégagé la formule vr aie et
libérale applicable aux cultes, art. 354 : « Nul ne peut être
empêché d'oxercer , en se conformant aux lois, le culte qu 'il
a choisi, nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses
d'aucun culte. La République n 'en salarie aucun . » Le décret
du 7 vendémiaire, an IV, est la mise en œuvre de cette disposition et s'occupe de la police extérieure des cultes. Voici les
articles qu'il convient de r etenir. Art. i •• : Tout r assemblement pour l'exercice d'un culte quelconq ue est soumis à la
surveillance des autorités constituées. Cette surveillance se
1
On sait à quel point le clergé fut asservi et l'on connaît le fameux catéchisme, reçu dans les églises sous le règne. Nous en citons ce passage,
page 5!1.
Demande. - Quels sont les devoirs des chrétiens, à l'égard des princes qui
les gouvernent et quels sont en particulier, nos devoirs envers Napoléon I•r
'
notre empereur ?
Réponse. - Les chrétiens doivent aux princes oui les gouvernent et nous
devons en particulier à Napoléon I••, nolre emper eur, l'amour le respect etc.
'
1
llonorer et, seruir no.re
mdme.
empereur, est donc ho1101·er et serc1r Dieu
'
i 831.
D. - N Y a-t-il pas des motifs particuliers qui doivent plus fortement
nous attacher à Napoléon I••, notre empereur?
· dans les drcoustances diffi. R. - Oui : car il est ce! nt· que n·1eu a suscllé,
ciles, pour rétablir le culte public de la religion sainte de nos père11 et pour
'
,
. ·
d
Il
en être le protecteur
···· · est cvonu 1oint du :Seigneur, par la consécration
u'il
q a reçue du Souverain Pontife cb ef de l'Eglise universelle.
t· - Que doit-on penser de ceux qui manqueraient à leurs devoirs envers
D
ll0 re empereur ?
'
La l~i du i 8 germinal an V, fut cependant trouvée t rop peu libérale eL
donna lieu aux réclrunalione des pasteurs protestants.
:· - Selon l'apôtre saint PQul, ils résisteraient à l'ordre établi de Dieu
m me, et se rendraient dignes de la damnation éternelle.
1
2
Bien que reconnu, ce culte n'a été salarié qu'à dater de la loi du 8 février
�128
DROIT FRANÇAIS
renferme dans des mesures de police et de sûreté publique. »
Art. i 7: «L'enceinte choisie pour l'exercice d'un culte sera
indiquée et déclarée à l'adjoint municipal.-.. Il est défendu à
tous individus d'user de ladite enceinte avant d'avoir rempli
cette formalité. »
La surveillance organisée par ce décret est pleinement légitime, et elle respecte en même temps le libre exercice du
culte. Ce n'est pas une autorisation qui est demandée, c'est
une simple déclaration d'ouverture de culte qui est faite à
l'autorité compéten~e. Il est nécessaire que l'autorité connaisse le temps et le lieu où s'exercera le culte, mais cela
suffit. C'est avec plus d'esprit que de justesse et d'impartialité que M. Helo disait: « ... Voilà toute la recette pour fonder une religion. Vous déclarez à la mairie que vous descendez du ciel avec une mission divine, et le secrétaire vous délivre un brevet d'apôtre.. . allez, vous pouvez enseigner le
monde 1 • »
Le Code Pénal devait meidifier profondément ce régime libéral par les dispositions de l'art. 291. : Les pratiques des cultes se faisant d'ordinaire en commun, on atteignait la liberté des cultes en soumettant les réunions à une autorisation du Gouvernement. Art. 291. : «Nulle association de plus
de vingt personnes dont le _b ut sera de se r éunir tous les
jours ou à certains jours marqués, pour s'occuper d'objets religieux ou autres, ne pourra se former qu'avec l'agrément
du Gouvernement et sous les conditions qu'il plaira à l' auto~
rité publique d'imposer à la société.
Que les associations religieuses aient été l'objet de mesures
particulières cela se comprend encore, alors m ême qu'elles se
formeraient pour l'exercice d'un culte déjà reconnu': on
Helo, Régime Constitutionnel, t. I, p. i55.
V. Journal Offic. du s mars :1880. Discoura de M. Waldeck-Rousseau, au
Sénat, sur les congrégations.
J
1
LES ÉTRANGERS ET LES CULTES
i29
conçoit l'intervention du Gouvernement, c'est là une question
d~ police. A fortiori le droit de dissoudre, de disperser de
telles associations est-il manifeste, lorsqu'elles ne sont point
reconnues, et autorisées ainsi qu'il fut fait à l'égard de certaines congrégations religieuses par le décret du 29 mars
1.880.
Ce n'est point là violer la liberté des cultes. Mais où commence la violation, c'est lorsque l'autorisation du Gouvernement est nécessaire pour ouvrir un temple, un prêche, car
peut-on qualifier d'association la réunion essentiellement
temporaire de citoyens dans une mosquée, un temple, un oratoire 1 •
A quel titre le Gouvernement interviendra-t-il? lui demander une autorisation d'ouverture de culte n'est-ce-pas le
mettre dans une situation embarrassante. Est-ce le ministre
qui jugera seul la question? Le Conseil des Ministres ? Mais
d'abord sur quoi statueront ces personnages ? sur la partie
philosophique, sur la dogmatique de la religion nouvelle ?
Sur le.caractère moral du nouveau culte, sa compatibilité avec
l'état de nos mœurs? Voilà nos ministres passés archanges,
gardiens des vertus nationales, il faudrait décla rer celles-ci obligatoires. Un débat parlementaire sur ce point ne laisserait
pas que d'être piquant.
Que redoute-t-on donc de la liberté des cultes : « Mais, dites-vous, sous prétexte de religion, on prêchera des dogmes
nuisibles, destructifs de la société, contraires à la saine morale? Jamais : ·Jà où plusieurs religions se surveillent, toutes
s'épurent. Ce sont des rivales qui ne se pardonnent rien. On
ne peut craindre la corruption que d'une religion dominante,
qui n'a rien à redouter. On ne peut prêcher des doctrines licencieuses qu'en secret, elles n'oseront jamais affronter la
1 Dans notre sens, les paroles du Garde des sceaux, lors de la <liscuesion de
la loi du iO avril i83•.
9
�Dl\OIT FRA.NÇ.AIS
130
L!S fTRANGBRS ET LES CULTES
ic PoUl' rendre les mystères de la Bonne
censure d u Publ ·
· ocenls , 1·1 n'eùt fallu que détruire le mystère et dé·
0 eesse rnn
chirer le voile qui les dérobait à l'inspection sévère de la sociaé. » Il faut citer l\lirabeau, cette magnifique apostrophe à
Une protection de ce genre est attentatoire à la liberté de penser et d'écrire, elle a donné lieu, à certaines époques, à des
décisions monstrueuses 1 •
la Constituante répond à l'objection.
Encore une fois, la liberté des cultes n'exclut pas la police
des cultes'; qu'on n'en doute pas, les infractions an Code pénal, qui pourraient se commettre au nom d'un culte, seront
toujours relevées avec sévérité par les magistrats. Sous la qualification <l'outrage~ au:! mœurs, ils atteindront les Apôtres
dont les doctrines seraient d'une fantaisie dangereuse pour la
§. Il. -
morale publique.
Le régime préventif actuel doit donc être repoussé comme
antagoniste de toute liberté, le régime répressif seul est rationnel, autant qu'il estlégilime 1 • La nécessité d'une police des
cultes est indéniable et elle implique la création de délits spéciaux : comme celui de trouble apporté à l'exercice d'un culte,
soit au cours d'une cérémonie, soit envers un individu isolé,
se livrant aux actes de sa religion, dans un lieu spécialement
affecté à son culte. La répression, en pareil cas , n'est que la
garantie de la liberté.
Mais il n'y a aucun motif pour faire du ministre du culte
un fonctionnaire exceptionnellement protégé par les lois, l'outrage dont il pourrait être l'objet, t ombe simplement sous l'application du droit commun, comme offensant un citoyen. Cette
manière de voir entralne l'abrogation des art. 262, 263 du
Code Pénal.
La police des cultes ne saurait s'étendre à la protection d~s
dogmes, qu'il appartient à tout le monde de discuter, et qu il
est presque grot~s4ue de voir soutenir et défondre par l'Etat.
1
1
.
V. Sorrigny.
V. Vivien, Etudes administ. t. Il , p. 237 ot smv. -
l'organisation des cuit.es.
sur
.
.
8
Portalis, Discour
t3l
•
ÉTRANGERS ADMIS AU MINISTÈRE BCCLÉSIASTIQUB
Culte catholique. - La convention du 26 Messidor, an IX,
dispose, art. i6, que l'on ne pourra être nommé évêque avant
l'âge de trente ans, et si l'on n'est originaire français. Les vicaires généraux. devront nécessairement être Français. En
effet, art. 21 : «Chaque évêque pourra nommer deux vicaires généraux et chaque archevêque pourra en nommer trois,
ils les choisiront parmi les prêtres ayant les qualités requises
pour être évêque. »
En ce qui concerne les fonctions de curé, ni la loi du 23
Ventôse an XII, ni les décrets des 30 septembre 1.807 et 9 avril
1809 sur les séminaires, n'exigent la qualité de Français
comme condition d'admission aux ordres.
Les articles organiques réservent l'autorisaliou du gouvernement, art. 32 : « Aucun étranger ne pourra être employé
dans les fonctions du ministère ecclésiastique, sans la permission du gon.vernement. n A la faveur de ce texte, un assez
grand nombre ùe desservants et de curés étrangers exercent en
France leur ministère et sont rétribués sur les fonds du budget:
c'est une dérogation au principe, que les fonctionnaires doiveut appartenir à la nation qu'ils servent.
Culte protestant. - 11 est curieux de remarquer que la
même faculté n'a pas été réservée aux autres cultes : on s'est
montré plus rigoureux pour les protestants et les israélites.
L'article 1. ùe la loi de Germiual, an X, organique pour toutes les communions protestantes, est ainsi conçu : « Nul ne
1 Case., Sirey, i826, t, 338. Caes. i8l1, t, 2117.
Rejet d'ua arrêt de la Cour de Colmar. -
�132
DROIT FRANÇAIS
pourra exercer les fonctions du culte, s'il n'est français. » A
une époque toute récente, la loi du i • r aoùt 1879 qui réorganise le culte protestant de la confession d'Augsbourg, et dont
le siège était à Strasbourg, s'exprime ainsi, Art. 3: « Pour
être nommé pasteur, il faut remplir les conditions suivantes :
i • être Français ou d' origine fran çaise ; 2° être âgé de 25 ans ;
3° être pourvu du diplôme de bachelier en théologie, délivré
par une faculté française, et d'un acte :le consécration. »
Culte is1·aélite. - L'article 20 du règlement du iO décemhl'e i806 : « Aucun rabbin ne pourra être élu, s'il n'est natif ou naturalisé français. » L'ordonnance du 25 mai 1844,
art. 50, exige la qualité de Français, pour être électeur et
participer à l'élection des membres des Consistoires. La mêma
ordonnance rappelle la nécessité d'Hre Français, pour être
rabbin communal ou ministre officiant. Le décret du H nov.5 déc. i870, modificatif de celui du 29 août i862 décide, que
pour l'élection des membres laïques du Consistoire départemental, du membre laïque du consistoire central, et des
deux délégués du consistoire central pour l'élection du
grand rabbin du consistoire central seront admis : <t. •• 8°
les étrangers résidant dans la circonscription, depuis trois ans
et compris dans l'une des catégories ci-dessus, sans.que, toutefois, la qualité d'électeur leur confère l'éligibilité. ''
Cultes divers. - Le gouvernement a toléré l'exercice de
certains cultes, comme celui des mennonites en Alsace, quakers ou anabaptistes français. Il est, en outre, accordé un certain nombre d'autorisations, notamment à Paris, pour l'érection ou l'installation de chapelles et d'édifices consacrés à quelques sectes ou cultes particuliers.
Enfin, les ministres publics, ambassadeurs etc. peuvent
exercer Jeurs cultes dans l'hôtel de !'Ambassade, même si cos
cultes ne sont pas reconnus ou tolérés par l'Etat. Leurs nationaux peuvent être admis à assister aux cérémonies célébrées
LES ÉTRANGERS ET LES CULTES
t33
dans ces conditions. Mais, <t c'est là, dit P. Fiore, un droit de
l'homme et non un privilège du diplomate. » (T. II, p. 600) .
L'administration a laissé s'ouvrir, à Paris,sept chapelles auglaises, américaines, écossaises, où le culte est régulièrement
célébré chaque dimanche en langue anglaise. Il faut ajouter
encore cinq chapelles méthodistes et baptistes, où le service se
fait en français. Enfin l'église vaudoise, l'église russe.
•
�NATl.iRALlSATlON DES ÉTRANGEUS
135
étranger devient citoyen français lorsque, ap rès avoir atteint
l'âge de vingt et un an accomplis, et avoir déclaré l'intenti on de se fixer en France, il y a résidé dix années consécutives. " L'emper eur accordait le droit de r ésider en
France, puis il conférait lui-même par décret la naturalisation. (Décret du i 7 Mars i.809).
CHAPITRE IV
Cette admission de l' étranger au rang de citoyen français
est un acte de la souveraineté : la naturalisation peut être
accordée dans des circonstances exceptionelles et en dehors
des cas prévus par les lois. IL a été fait application de cette
idée dans les Sénalus-Consultes du 26 vendémiaire, an XI, et
1
i9 février t.808 , et l'ordonnance du 4 juin t8i4 •
SECTION I
De la naturalisation des étrangers dans ses rapports avec
les lois sur le recrutement de l'armée et les règlements
d'admission aux écoles du gouvernement.
Le siège de la matière est dans les dispositions de l'art . 9 du
Code Civil, et de la loi du 29 juin i 867 , combinées avec ce
principe encore rappelé dans l~ loi organique du 27 juillet
1872. u Nul n'est admis dans les troupes françaises, s'il n'est
français.»
La naturalisation est l'investissement de la qualité de Francais
. ' par un ·m d'iv1'du que les conditions de sa naissance font
dépendre d'un groupe politique différent de celui qui constitue la nation française. L'étranger naturalisé est membre de
l'association politique de la France et participe à toutes les
charges et prérogatives des membres de l'association.
e t de privatisme qui caractérise les
· ·
d'excl us1v1sme
.
L'esprit
sociétés antérieurement à la Révolution, environnait la naturali·
sation de difficultés considérables. L'eflprit moderne tend à
faire disparaltre ces obstacles au grand avantage des États,
favorisant ainsi la fusion des nationalités et la civilis9.tion générale.
Aux termes de la loi du 22 frimaire, an VIII, art. 3. u Un
•
.·
On avait distingué longtemps la naturalisation ordinaire
de la grande naturalisation, la loi de 1849, dont tous les
articles étaient en vigueur jusqu'en i867, paraissait maintenir cette distin cti on , alinéa 2e art. t. : « L'étranger naturalisé ne jouira du droit d'éligibilité à l'assemblée nationale qu' en vertu d'une loi. Cette disposition induisait à croire
que la naturalisation, dans les formes indiquées par l'aliuéa
prér,édent, ne conférait pas le plenum jus du citoyen français.
Mais cet alinéa avait un caractère exceptionnel et qui s'explique par les graves abus survenus à la suile du Décret rendu
le 28 m ars i 848 par le gouvernement provisoire. On est
fondé à croire que, lors de la rédaction de la loi ùu :? nov. t 8i9,
on s'efforça d'interdire l'accès des assemblées politiques, aux
étrangers naturalisés sous le régime du décret du 28 mars do
l'année précédente .
Sous la législation de 1849, les enfants nés depnil' la
1 Ordonnance du ~juin i81~. " Conformément nux anciennes constitutions
françaises, aucun étran ger n e p ourra siéger , à compter de ce jour, ni do.os
la chl\mbre des pairs, ni dans celle des députés, à moins que, par d'importnnts ser vices rendus 1l. !"Etat, il n 'ait obtenu de nous des lettr es de naturali-
sation ,.érifiéee p ar les deux Chambres. "
�186
DROIT FRANÇAIS
naturalisation de leurs parents, devenaient seuls Français,
les autres, nés antérieurement, qu'ils fussent majeurs ou mineurs, restaient étrangers : il en résultait qu'une famille se
trouvait mi-partie française, mi-partie étrangère.
La loi du 7 février 1851, art. 2, corrigea cette anomalie en
rendant applicable à ces enfants la disposition de l'art. 9 du
Code Civil. cc L'article 9 du Code Civil est applicable aux enfants
de l'étranger naturalisé quoique nés en pays étranger, s'ils
étaient mineurs lors de la naturalisation . A l'égard des enfants nés en France ou à l'étranger, qui étaient majeurs à
cette époque, l'art. 9 du C. Civ. leur est applicable dans l'année qui suivra celle de cette naturalisation. »
La loi de 1849 avait conservé l'obligalion d'un délai de dix
ans de résidence, reproduisant en cela la procédure de la loi
de Frimaire: et la loi du 29 juin 1867 a réduit trois ann ées
la durée du stage 1 • Ce délai est plus conforme aux besoins
nouveaux.
Occupons-nous de l'effet de ces diverses législations, au
point de vue du recrutement militaire .
Sous l'empire du Code, los enfants qui, nés en France d'un
Cette loi est encore appli~able et nous la reproduisons :
u Art. L L'étranger qui , après !'Age de 21 nns accomplis, a conformément à
l'art, f3, du C. Napoléon, obtenu l'autorisation d'établir son domicile en
France et y a résidé pendant trois années, peul être admis à jouir de tous
les droits du citoyen français. Les trois années cou rent à partir du jour où
la demande d'autorieatioo aura été enregistrre au ministère de la justice. Est
assimilé à la résidence en France le séjour en pays étranger pour l'exercice
d'une fonction conférée par le gouvernement fran çais. li est statué sur la
demande en naturalieatioo, après enq uête sur la moralité de l'l:tranger, par
un décret de l'empereur rendu sur le rapport du ministre de la justice, le
Conseil d'État entendu.
1
Art. 2. Le délai ~e trois nos, Oxé par l'article précédent, pourra être réduit
à une seule onnée en faveur des étrangers qui auront introduit en France
ilOit une industrie, •oit des inventions utiles, qui y auront apporté des talents
distingués, qui y aorunL formé de grands étnblissemeLJls ou créé de graoJea
exploitations agricoles. 10 l'article 5, de la loi du 3 décembre t 849, est
abrogé."
NATURALISATION DES ÉTRANGERS
t37
étranger, ne réclamaient pas, à leur majorité, la qualité de
françai~ , restaient étrangers, et comme tels ne participaient
point au service militaire. Dans nos départements fronti ères
on pouvait rencontrer des individus habitant, de génrration
en génération, le territoiro français, évitant toujours la conscription, bien qu'ils ne se soumissent à aucune obligalion de
service dans leur patrie ; si toutefois, ils avaient encore une patrie après une absence aussi prolongée ; on ne les considérait plus comme déserteurs. (Heimatbloos) Cette situation
se prolongea jusqu'à la loi du 7 février f85i, complétée par
la loi du 16 décembre f874..
La loi du 7 février i85f, renversait la présomption établie
par le Code Civil et déclarait français le fils d'un étranger qui
lui-même était né en France, à moins qu'à sa majorité il ne
réclama la qualité d'étranger. Toute une catégorie d'étrangers qui échappaient au service militaire allaient s'y trouver
soumis. Nous avons vu plus haut que cette loi, facilitait l'obtention de la qualité de français aux enfants de l'étranger
naturalisé, nés hors de France et antérieurement à la naturalisation de leur père, fussent-ils majeurs à ce moment.
Un nouveau progrès qu'on vorra plus loin, fut apporté par
la loi du iO février i882, modifiant l'article 2 de la loi du
7 février 1801.
L'effet de la loi de f851 n'était pas atteint entièrement, et
quelques enfants d'é trangers répudiaient la qualité de français à leur majorité afin de se soustraire au service. De là, la
nécessité de la loi du 16 décembre 1874, qui ajoute aux disposiLions ùe la loi de 185 i de la manière suivante : « Art. 1. L'article i de la !oi du 7 février f 851 est ainsi modifié. Est
Français, tout individu né en France d'un étrang~r qui luimème y est né, à moins que, dans l'année qui suivra l'époque
de sa majorité, telle qu'elle est fixée par la loi française, il ne
�DROIT FRANÇAIS
NATOR.UISATION DES ETRANGERS
réclame la qualité d'étranger par une déclaration faite, soit
devant l'autorité municipale du lieu de sa résidence, soit
devant les agents diplomatiques et consulaires de France
à l'étranger, et qu'il ne justifie avoir conservé sa nationalité
Quand fut proposée la loi du t6 décembre 1874, 1\1. Méline,
député des Vosges, aujourd'hui .Ministre de !'Agriculture, appela le premier l'attention sur ce point et présenta un amendement tendant à assimiler les enfants de l'étranger naturalisé à ceux nés de parents étrangers eux-mêmes nés en France.
Assez mal à propos, cet amendement fut rejeté ainsi que celui de M. Langlois qui différait de celui de M. Méline, en ce
qu'il laissait à ces fils d'étrangers, la faculté de réclamer la na-
138
d'origine, par une attestation en due forme de son gouvernement, laquelle demeurera annexée à la déclaration. Cette déclaration pourra être faite par procuration spéciale et authenti·
que.»
On établissait ainsi un contrôle de la nationalité des fils
d'étrangers, et à défaut de titre prouvant qu'ils sont encore
sujets de leur pays, ils sont valablement soumis au tirage au '
sort:
Il eùt été préférable, sans do11te, de s'assurer qu'ils avaient
satisfait à l'obligation militaire dans leur pays, on eut d'abord
l'idée d'insérer dans la loi cotte condition, mais, on s'arr êt-a devant cette objection, à savoir que la non-satisfaction au
service militaire ne faisait point perdre la nationalité, qu'on
ne pouvait, dès lors, imposer en pareille conjoncture une naturalisation obligatoire.
11 arrive ainsi qu'un assez grand nombre d'individus échappent encore à tout service militaire . Il faut espérer que cette
législation recevra encore de nouveaux perfectionnements,
notamment en ce qui concerne les étrangers fixés en Algérie.
Comme on l'aura remarqué, sous le régime de la loi de
1851 , et même sous celui de ls. loi du iO décembre 1874, il
fallait que le fils de l'étranger naturalisé, né antérieurement
à la naturalisation, attendît l'~poque de sa majorité pour manifester son intention d'opter pour la qualité de Franç.ais. Or,
cette situation avait l'inconvénient de retarder la naturalisat;on
chez ceux qui avaient le désir de devenir Français, elle les em~
pêchait également de profiter des avantages du service conditionnel d'un an, comme aussi elle leur fermait l'accès des
f;coles du Gouvernement.
tionalité française à l'âge de 18 ans.
L'idée des représentants qu'on vient de nommer, fut reprise
en i882 , sous la forme d'une proposition de loi, qui parvint à
triompher et forma la loi du i6 février i882. Celle-ci ne contient qu' une addition à l'article 2 de la loi du 7 février i85L
Après avoir rappelé l'article et l'alinéa 2, la nouvelle loi
ajoute : « Les enfants mineurs, même ceux nés à l'étranger
avant la naturalisation des parents, peuvent soit s'engager
volontairement dans les armées de terre et de mer, soit contracter l'engagement conditionnel d' un an, conformément à
la loi du 27 juillet i872, titre IV, 3° section, soit entrer dans
les Ecoles du Gouvernement à l'âge fixé par les lois et règlement, en déclarant qu'ils renoncent à la qualité d'étrangers
et adoptentla nationalité française. Cette déclaration ne peut
être faite qu'avec le consenlemént exprès et spécial du père,
à défaut du père, de la mère, et à défaut du père et de la mère,
avec l'autorisation de la famille, conformément aux statuts
personnels. Elle ne doit être reçue qu'après les examens
d'admission et s'ils sont favorables. » (Loi du i 4 février
i882.)
Le reste de la loi vise la condition des enfants mineurs d'un
1
Français qui aurait perdu la qualité de Français •
Déjà l'article 2 de la loi do i874 , accordait aux enfants nés
en France d'étrangers qui, eux-mêmes y étaient nés, la fa1
V. Circul. Mio. de la Guerre du 30 déc. iSS2. Cette circulaire ee r6!ère aux
�NATURALISATION DES ÉTRANGERS
uo
Hi
DROIT FRANÇAIS
cuité de devancer l'époque do la majorité indiquée par la loi
i85t pour l'option de la qualité d'étranger, afin que renonçant à leur droit d'option, ils se décidassent pour la nalionalilé
fran çaise et pussent contracter, soit l'engagement conditionnel, soit se présenter aux Ecoles du Gouvernement.
Ces dispositions relatives aux. mineurs sont assez remarquables, et constituent une originalité de la législation ; elles
autorisent, en effet, un mineur à disposer de son État . .Mais il
était impossible de résoudre différemment le problème
posé.
Il a surgi de ces lois quelques questions d'intérêt théori·
que qui prêtent à la discussion : bien que la pratique les
ait tranchées définitivement, nous les rappellerons néanmoins.
De quelle majorité le Code et les lois de recrutement entendent·ils parler? Est-ce de la majorité telle qu'elle est fixée
dans le pays d'origine de l'étranger ou de la majorité fran·
çaise?
On sait combien sont rigoureuses, les incapacités qui découlent du statut personnel: ainsi l'obligation par l'étranger d'avoir
atteint la majorité de son pays pour obtenir en France le prononcé de son mariage ; les incapacités relatives à la faculté
de tester, etc. Les auteurs qui ont écrit sur le droit international, maintiennent comme un principe la soumission
des étrangers, dans chaque pays, à leur statut personnel (Fœlix.J
prescriptions de la loi de i 882, pui~ le Ministre ajoute: « Après avoir con·
&ulté M. le garde des sceaux, j'ai décidé que le bénéfice des dispositions cld~uus, serait également accordé par extension aux fils d'Alsaciens-Lor raios,
dont le père aurait été réintégré dans la qualité de Français, en vertu de
l'art. 18, du C. civ., mais sous la condition qu'ils justifieront d'un permis
d'émigration régulier, délivré par le gouvernement Allemand et de l'ampliation du décret accordant à leur père la réintégration d1tns lll qualité de
fraoçais, ,.
Nous adoptons leur opinion et voudrions seulement voir ce
principe largement admis, et effacer de nos lois la prohibition de procéder au second mariage en France d'un étranger déjà marié chez lui, bien que non divorcé ou séparé, si la
polygamie est admise dans son pays.
Quelques auteurs et des plus éminents ont fait remarque
que l'étranger, dans l'hypothèse de l'article 9 du C. Civil, avant
sa déclaration , est entièrement soumis à son statut personnel ;
or,si ce statut fixe la majorité à 25 ans, c'est à cet instant seulement qu'il pourra faire sa déclaration. Ponr M. Valette la déchéance qui suit l'année de la majorité doit se compter à partir
de la majorité étrangère, si la majorité française se trouve en
tout cas dépassée : Ce système respecte et le statut étranger et
l'intention du législateur qui lui a fait fü:er, pour une raison
qu'il estime d'ordre public, la majorité du Français à l'âge de
2i ans. (Explic. somm. du liv . I du C. Civ. p. 12.)
M. Demolombe dans le même sens s'attache à prouver que
l'argument qu'on s'efforce de tirer de l'article 3 de la Constitution du 22 frimaire an VIII est sans valeur. (Dem. t. I p. i92,
n• 16;>, 2• édit.) Cet article fixait à 21 ans l'âge de la majorité
pour le Français, comme pour l'étranger qui voulait faire la
déclaration nécessaire pour devenir citoyen . L'âge de 21 ans
n'était pas une date fatale, impérative, mais, dit-il, elle ouvrait une faculté dont l'exercice n 'était limité par aucun terme,
l'étranger pouvait donc attendre qu'il ~ût l'âge requis par les
lois de son pays.
L'argumanlation ci-dessus ne nous parait pas convaincante ;
sans doute il faut faire respecter l'observance du statut personnel et c'est une règle d'intérêt international, mais ici est -ce
le cas d'apporter la préoccupation du statut personnel. 11 s'agit
d'un individu qui veut se soustraire précisément à l'empire de
son statut personnel en changeant de nationalité, dès lors
qu'impol'te qu'il viole co statut en faisant un acte dont il n'au-
�DROIT FRANÇAIS
NATURALISATION DES ÉTRANGERS
rait pas la capacité au point de vue étranger, pourvu que pour
revèlir la nouvelle capacité il remplisse la condition d'âge déterminée par le législateur français . 11 est inutile d'ajouter
qu'au point de vue de l'admission aux écoles du gouvernement, avant les lois de t874 et i882 déj à citées, il y aurait
eu des inconvénients graves à attendre la majorité étran-
rité, s'ils n'ont pas rempli les formalités qui leur assurent le
bénéfice de l'extra néité• . Ils ne sont assuj ettis qu'aux obligations
de la classe à laquelle ils appartiennent par leur âge. (Art. 9,
loi du 27 juillet i872).
gère .
renonciation que rlans les cas limitativement déterminés par
la loi , soit en vue :
02
! 43
Quant aux jeunes gens qui renoncent avant leur majorité
à la faculté d'option de nationalité, ils ne peuvent faire cette
i • de l'engagement conditionnel d'un an,
Du recensement et du tirage au sort des fils d'étrangers.
2° de l'engagement de cinq ans dans les armées de terre
et de mer .
3° de l'admission aux Ecoles du Gouvernement .
En application de la loi dont il vient d'être question, devront
donc concourir au tirag e auquel tout Français est astreint les
jeunes fils d'étrangers dans les conditions suivantes :
f 0 Les jeunes g ens nés en France de parents étrangers qui euxmêmes y sont n és, qui, dans l'année de leur majorité, n'auront
pas réclamé la qualité d'étranger. (Loi !851) - ni justifié de
la conservation de leur nati0nalité (art. 1.. 0 ' loi de 1..6 déc. 1.874).
2° Les jeunes gens fils d'étrangers qui sont n és en France,
après la naturalisation de leur père.
3° Les jeunes gens fils d'étrang ers naturalisés, nés à f étrari·
qer avant la naturalisation de leur père. - Ceux qui étant mineurs à cette époque feront à leur majorité la déclaration de
l'art. 9 du C. Civ. ; ceux qui étant maj eurs feront la déclaration de l'art. 9 du C. Civ., dans l'année qui suivra la na·
turalisation de leur père . (Loi i851.)
4° Les jeunes gens nés e n France de parents étrangers qui
di>s l'année de leur majorité feront la déclaration de l'art. 9 du
C. Civ.
Ces jeunés gens concourent au tirage dans les cantons où
ils sont domiciliés, dans l'année qui suit celle de leur majo-
Ainsi , on ne pourrait admettre un jeune homme à déclarer
qu 'il renonce à répudier, à ~a majorité, la nationalité française,
pour obtenir son inscri ption sur les listes de tirage avant qu'il
n'ait attoint l'âge de ving t-deux ans, ainsi que le prescrit
d'ailleurs l'art. 9 de la loi du 27 juillet 1872 . 1> (Circ. !\fin. de
la guerre du 1. 6 fév. 1875). - C'est qu'en e ffet on n e saurait
étendre une dérogation aux principes g énéraux sur l'état des
personnes et l'incapacité des mineurs, - et, ce n 'est que dans
les trois r.as spécifiés par la loi que les mineurs seron t admis à
modifier leur état.
L'inscription sur les listes de tirage perturberait tout e l'opération, si plus tard l'individu revenait sur la volonté qu'il au1
Un e Convention Consulaire intervenue entre la France et l'Espagne, le
7 janvier t 862, promulguée le 18 mars t 862, a quelque analogie avec la loi de
1874. Il y était dit, que les Espagnols nés en France, ayant atteint l'êge de
!10 ans, qui seraient compris su r les listes de recru tement, feraient valable ·
ment partie du contingent militaire, à moins qu'ils ne produisent devant les
autorités civiles o u militaires, un certificat en due rorme qu'ils o nt tiré au
sort en Espagne. Cette Convention ost encore en vigueur ainsi qu'il résulte
d'une lettre du m inistre des Aff. Etrangères, en date d u 10 avril 1873. (Cons.
d'Etat, 8 juin i817, Lebon).
�lU
DROIT FRANÇAIS
NATURALISATION DES ÉTRANGERS
rait manifesté de servir en France à sa majorité, et, il le pour· ement, puisque l'inscription sur la liste n 'est pas
. cer t am
rait
un mode d'acquérir la qualité de Français ; il devrait même, s'il
avait été inscrit, être exclu du tirage, puisqu'il n'aurait au-
NATIONALITÉS
cun.a qualité pour y participer.
SECTION II
Algérie. Naturalisation des étrangers.
Des facilités exceptionnelles ont été accordées aux étrangers
résidents en Algérie. C'est ainsi qu'il y a lieu de leur faire
l'application d'un Sénatus-Consulte du 14 juillot 1865, art.
2: <c r étranger qui justifie de trois année de résidence en Al_
gérie peut être admis à jouir de tous les droits du citoyen
franc.ais. »
L~ preuve de la résidence est faite par des actes officiels et
publics ou ayaut date certaine, et à défaut par un acte de. notoriété dressé sur l'affirmation de quatre témoins par le JUge
de paix du lieu.
Le droit de sceau et d'enregistrement est fixé à un franc
(même décret).
Depuis la promulgation de ce décretjusqu'au premier octobre 1881. la qual~té de citoyen français a été accordée à 5722
étrangers, ces demandes tendent sensiblement à augmen,
ter.
Parmi le nombre des natiouaux étrangers qui ont échange
leur qualité contre celle de Français, nous citerons les chiffres
U5
Italiens .
1242
Allemands .
1217
Espagnols
830
Marocains
251
Tunisiens
176
Suisses
i62
Belges
161
Polonais-Russes
44
Le territoire de l'Algérie comprenait deux classes d'individus qui, bien que français, ne jouissaient pas des droits du
citoyen français : les Musulmans indigènes et les Israëlites. Ces
derniers furent naturalisés collectivement, par décret du 24
octobre 1870. Quant aux indigènes Musulmans ils sont soumis à la loi Musulmane, à moins qu'ils ne demandent à jouir
des droits du citoyen français. {Déc. du f 4 juillet 1865 et déc.
du 24 octobre 1872).
1
Aux termes d une convention consulaire du 7 janvier f 862,
intervenue entre la France et l'Espag ne, les sujets Espagnols
sont naturalisés français de plm:w, lorsqu'ils optent pour le
service militaire en Algérie. On comptait pour l'année ·1880
soixante-treize naturalisations de ce genre 1 •
1
"Etat de l'Algérie ,, d'après dee documents officiols, publiés par ordre de
At L. Tirman, gouverneur général de l'Algérie. Algèr f 881.
suivants qui ont quelque intérêt.
10
�DES IMPOTS
i47
seil général de chaque Département, dans les limites, m1mmum et maximum, de fr . 0, 50. à fr . i , 50, sera donc toujours comprise entre le prix de fr. l. 50, et fr. 4. 50.
La taxe mobilière, r éunie à la taxe personnelle, en i 832,
frappe aussi l'étranger. La loi du 2i avril 1832, dispose: cc La
contribution perso nnelle et mobilière est due par chaque habitant fran çais, et par chaque ét?·anqer de t out sexe, j ouissant
de ses droits et n on réputé indigent 1 ». La taxe personnelle
n'est due toutefois que dans la commune du domicile réel '·
(Art. 1.3) - La taxe mobilière est due pour toute habitation
meublée située en France : elle r epose sur la valeur locative de l'immeuble.
CHAPITRE V
DES IMPOTS
Sera donc imposé, l'étranger qui occupait, au 1•• janvier , un
appartement meublé dans lequel il a résidé pendant une année
environ 3 •
Des impôts directs.
En principe, l'étranger comme le national est soumis au~
impôts, cette règle de notre droit public se justifie ~ar la raison que l'étranger profite, au même titre que le nat10nal, des
avantages procurés par les grands services publics. Sa personn~,
ses biens, sont sous la protection des lois et de la justice,; il
jouit, s'il exerce un commerce ou une industrie, de tout 1ou·
tillage national, routes, canaux, postes et t élégraphes, etc.
N'est·il que simple voyageur, résidant temporairement en
France, il profite encore de ces m êmes avantages.
Les quatre contributions l'atteignent donc, sauf les exceptions qu'on verra plus loin.
La contribution foncière et celle des portes et fenêtres, é:ant
une charge de l'immeuble, abstraction faite du détenteur, li~
pôt sera dans tous les cas recouvré quelle que soit la nationalité
d
.
dn propriétaire.
La contribution personnelle s'étend sur tout habitant u
· ée Par le proterritoire français. La taxe personnelle, dé termin
. dont le taux es t ftx e' Parle Conduit de trois journées de travail
L'exercice d'un commerce, d'une industrie, soumet à l'impôt
celui qui s'y livre, sans qu'il soit tenu compte de sa nationalité.
(Art. i, loi du 2tî avril 1.844) . - L'imposition qui frappe l'activité de l'homme est la contribution des patentes, contribution
de quotité variable suivant l'importance du commerce, de l'industrie ou de la profession .
Des décisions du Conseil d'État ont déclaré imposables
certaines personnes étrangères à propos desquelles on pouvait
hésiter. Ainsi :
\
'O
Les associés dé maison de commerce, située à l'étranger , et
résidant en France.
1
L'indigence !égo.le résulte de l'inscription d'un individu o.u bureau de
hienftilsance, ou d'une délibéra.lion prise à cet égard par le Conseil l\Iuoicipal.
' li ne faut pas prendre en matière fiscale ce terme do.os le sellil lég11l que
lui donne le Code civil.
3
{1875, iOO. A. n• 2511 ).
�148
DROIT FRANÇAIS
Les CommissionnaÙ'es etreprésentants.
DES IMPOTS
Les agents d'affaires, alors que l'objet de l'industrie, mines
de cuivre, de charbon , serait situé à !'Étranger et que les contrats qu'ils préparent ne soient définitifs qu' après avoir été
sanctionnés au siège de la compagnie 1 •
Celui qui gère la succursale d'un sollicitor
2
pour les rendre réguliers
224
»
126
»
( Ordonn ance royale
(du 5 juin 1839.
Espagne. .
32 50
Hollande .
(Arl. 22 du traité
de commerce et de
oni 0atioo du 7 juillet
OBSERVATIONS
Pour le voyageur représeatant
un seul commerçant ou fabricant.
- Ajouter i t 2 francs pour chaque
maison représentée en sus de la
première.
Si le voyageur s'occupe de la
venle de pierres fines, des mont res en or ou en argent, le droit
sera de H51 f r. 80 ceat.
1800).
•
Russie .. . .
(Règlement du
51 60
9
février 1865. Ar t l ·I,
29, 56, 58/.
Su ède . . . . .
(Loi du 17 oclobro
1873. Ar t. 16).
Commis-voyaqeurs étmnqers. - Ils sont imposables lorsqu'ils sont nationaux de pays qui imposent les voyageurs francais. C'est là ce que décide l'art-. 24 de la loi du 15 juillet 1880 ,
~'est une application de l'idée de réciprocité. Le principe est
l'exemption de patente, lorsque le commis-voyageur ne fait
qu'offrir des marchandises sur échantillons et prendre des
commandes. Voici le tableau que l'administration a fait dresser;
les voyageurs des nations qui n'y figurent pas sont affranchis
1 (t860, i!>t. A. n° 9H).
' (1869, 240 . A. no 2t78).
a (t814, 269. A. 2458).
20 fr. »
Daaemark. .
Les étrangers imposables ainsi à la patente , le sont au liau
du domicile en France, au lieu ·de la maison de commerce,
au lieu où est le siège de l'établissement.
de tout droit de patente
Commis·Voyag.
Belgique . •
•
Un avocat des États-Unis, tenant en France un cabinèt ouvert au public et qui, ne se bornant pas à donner des consultations sur le Droit américain, reçoit des mandats pour suivre
des affaires aux États-Unis, opère des recouvrements dans ce
pays, et rédige enfin des actes, ou projets d' actes, tels que :
procurations, testaments, contrats de mariage destinés à être
revêtus, par des officiers ministériels, des formalités nécessaires
3
Droit à exiger
des
NATIONS
149
653
20
Le droit &era établi comme
suit : pour les trois premiers mois
de séjour, 142 fr.; pour chacun
des trois autres mois, 56 fr., 80 c.
Les droits portés dans la colonne 2 du tableau ci-dessus sont
imposés pour leur chiffre intégral, dans toute l'étendue de la
France, quelle que soit la population et le nombre des centimes additionnels de la commune où la patente est délivrée. 11
(Inst. générale sur les patentes i 88i ).
<c
,..
Les maires et commissaires de police sont teuus de se faire
exhiber les patentes des commis-voyageu rs étrangers qui leur
sont signalés par les registres des hôtels et auberges.
Réclamation au contentieux. - La jurisprudence du Conseil d'Ihat a décidé que l'étranger , bien que nou domirilié on
France, est soumis aux mêmes déchéances en matière de contribution que les contribuables domiciliés. Un sujet Sarde do micilié à Nice avait vendu , à Nice, des bois dont il s'était rendu
�DES IMPOTS
DROIT FRANÇAIS
HSO
adjudicataire dans une forêt appartenant 6. une commune française et à une commune piémontaise. Il est imposé deux années pour ce fait à la patente de marchand de bois, une réclamation portée devant le Conseil de préfecture du Var est repoussée comme tardive et pour n'avoir pas été accompagnée de
la quittance des termes échus. Sur l'appel, le Conseil d'État:
cc Considérant qu'l\ux termes de l'art. 28de la loi du 21 avril
i832, tout contribuable qui se croit surtaxé, doit joindre
à sa réclamation la quittance des termes échus de sa cotisation ; que cette disposition est applicable à tout individu porté sur le rôle, sans distinguer s'il est français ou étranger : Considérant qu'il résulte de l'instruction que Gotusso n'a
pas joint, à ses réclamations, la quittance des termes échus de
la patente à laquelle il était imposé, que dès lors, c'est avec
raison que le Conseil de préfecture du Var a rejeté lesdites
réclamations. Arrête : la requête de Gotusso est rejetée. »
(Cons. d'État, 1.8 fév. i8M. Lebon i8M, p. 129.)
Etrangers non imposés.
Certains étrangers échappent au paiement des impôts lorsqu'ils ont un caractère public comme les agents diplomatiques
et les consuls. On explique d'ordinaire cette exception en la
considérant comme un acte de courtoisie internationale et de
bon procédé. ~e serait-il pas plus exact de dire que le séjour
de l'agent diplomatique à l'étranger est indépendant de sa
volonté, qu'il obéit à un ordre et que dès lors, il est naturel
de l'exempter de la contribution. D'ailleurs sa mission n'est·
elle pas aussi utile à l'État chez lequel il se trouve qu'à so n
propre pays : elle offre, aux deux États, un intérêt commun qui
compense la perte fiscale et légitime l'exemption. On pour·
rait, pu cette explication, écarter le motif tiré de la récipro·
cité de traitement.
i5l
Des textes formels règlent ces questions dans la plupart des
conventions internationales; dans les cas douteux, la jurisprudence est complètement fixée dans le sens de l'exonération des
diverses taxes. Voici, notamment, les principaux passages des
circulaires qui précisent la situation des ag€Dts diplomatiques,
en France, au point de vue de l'impôt.
Lettre du H juin i866 de M. Drouyn de Luys au Préfet de
la Seine. - « Monsieur le Préfet et cher collègue. Vous me
faites l'honneur de me demander quels sont les agents politiques et consulaires qui, d'après les traités, ont le droit à l'affranchissement de la contribution personnelle et mobilière, et
jusqu'où s'étend, parmi les officiers des Ambassades et les
employés des consulats, ce droit à l'exemption. J'ai l'honneur
de vous rappeler, ainsi qu'un de mes prédécesseurs a eu l'occasion de vous l'écrire, que cette exception est acquise de plano
aux agents politiques , chez tous les peuples, qui échangent entre eux des missions diplomatiques. L'hôtel du chef de la mission n'est pas touj ours le lieu de résidence des secrétaires officiels de cette mission. Ces derniers jouissent dès lors de l'exemption en dehors du siège de l'ambassade, aussi bien que leurs
chefs. Cette règle de droit coutumier a la même force que des
articles de traité. Il n'en est plus de mème pom· les consuls et
les agents consulaires. Cependant, depuis une vingtaine
d'années, l'exemption tend à se génér aliser en faveur des
agents commerciaux, soit par des dispositions formelles
des traités, soit par dos con ventions tacites do 'ré ci procilé·
Il ne reste que l'Angleterre qui ne soit pas entrée
dans cette voio. Pour assurer à son consul , à Paris , l'ox:emption qu'elle refuse à uos consuls, qui ne sont que des offi ciers
pursment commerçiaux, sans aucun rang diplomatique, allo en
afait unsecrétaired'Ambassade, et son titre consula ire est primé
par son rang politique. Il est toutefois à obserYer que lo d~oit
à l'exemption n'a été accordé aux consuls qu'à certaines con-
�f 52
DROIT FRANÇAIS
ditions. Ils jouissent, disent les conventions de l'éxemption, des
logements militaires, des contributions directes personnelles,
mobilières, somptuaires, imposées par l'État ou par les Communes, à moins qu'ils ne possèdent des biens immeubles, qu'ils
ne fassent le commerce ou qu'ils n'exercent quelque industrie,
dans lesquels cas ils sont soumis aux m êmes taxes, charges
et impositions que les autres particuliers. Ces dispositions
sont appliquées aux consuls généraux, consuls, vice-consuls,
et agents consulaires. Les simples employés de chancellerie
ne participent pas à l'exemption. »
Un Jugement du Tribunal de la Seine, en date du 3f juillet
1878 (Jour . de Dr. Int. privé f878, p. ?50), ayant décidé que les
attachés militaires sont agents diplomatiques, il s'en suit qu'ils
jouissent du privilège <l'exterritorialité et en conséquence au
point de vue de l'impôt, il est rationel de les comprendre dans
l'exemption de taxes.
Une circulaire du directeur général des Contributions directes du 9 janvier, 1875, n•, 044, rappelle que l'exemption
ne s'applique pas aux agents et consuls anglais : « il convient
de remarquer quë les ouvertures des appartements occupés par
les consuls étrangers doivent continuer à être imposées au nom
du propriétaire de l'immeuble ; seulement, lorsque la contribution afférente à ces ouvertures n'a pas été laissée à la charge du
propriétaire par une clause du bail, le dégrèvement doit en
être prononcé à titre de remise imputable sur le fond de non
valeurs. •
Une autre circulaire du 2 avril i 878 signale comme devant
être exemptés, les agents consulaires des États-Unis, quel le que
soit leur nationalité, à moins, cependant, qu'ils ne soient citoyens français . Il faut, en ell'et, remarquer qu'en droit fiscal,
l'immunité dérive m,oins de la fonction consulaire de la nationalité étrangère de l'agent. Tout français représentant un pnys
étranger demeure donc _astreint à l'acquittement des impôts.
DES IMPOTS
Est-ce absolument logique? il est permis de se
Des arrêtés récents du Conseil de préfecture de
déchargé de l'impôt des portes et fenêtres qu'ils
exiger de leurs locataires 1 , des propriétaires
loués à des Ambassades.
le demander.
la Seine ont
ne pouvaient
d'immeubles
Chevaux et voitures. Les agents diplomatiques, ambassadeurs envoyés etc. sont pareillement affranchis des taxes assimilées. Voici à ce égard les te.rmes d'une
circulaire du :12 janvier i86 3, n°4f9, sur l'exécution de la loi
du 2 juillet i862 . « Les r eprésentants, des puissances étrangères, à moins qu'ils ne soient des citoyens nés ou naturalisés fran çais, étant censés résider toujours sur la terre nationale, leurs chevaux, et leurs voitures doivent être consid?.rés
comme n'existant pas en France. Ces représentants, dès lors,
ne sont pas plus passibles de la contribution sur les voitures et
les chevaux qu'ils ne le sont de contribution personnelle mobilière. »
TAXES ASSIMCLÉES.
-
Impôts indirects.
Em·egistrement.
L'impôt de l'enregistrement est un impôt indirect et il est
ainsi classé au budget, il n'atteint, en effet, que des personnes
indétsrminécs et au fur et à mesure de l'accomplissement de
certains actes, mutations entre vifs ou par décès.
De même que l'impôt direct, il subvient à l'alimentation des
services publi cs dont l'étranger profite : celui-ci doit donc
subir l'impôt indirect . Mais ici, les principes de perception
sont différents. Des distinctions ont été faites à raison de la
nature des oLjets soumis à mutation. On a distingué les im1
i3 aoM 1818. Uamillon; 26 sept. i87S. Brelay, par Spagnoli, in J urisprud.
des Conseils de Préfecture, Garnier, i 878, p. 2S-i.
�DROIT FRANÇAIS
DES IMPOTS
meubles des meubles ; et, parmi les meubles, les objets mobiliers proprement dits des créances, titres, obligations, etc.
On a également considéré le lieu d'ouverture des successions.
francs ; et ensuite à raison de vingt francs par chaque somme
ou valeur de vingt mille francs ou fraction de vingt mille
francs. Si les sommes ou valeurs ne sont pas déterminées
dans l'acte, il y sera suppléé conformément à l'art. 'J6 de la
Enfin il fallait tenir compte de la situation des biens de
l'étranger, afin de soustraire à l'impôt ceux de ces biens qui seraient en dehors des limites de la protection nationale ;
ceux situés à. l'étranger é tant en principe affranchis de
droits .
loi du 22 frimaire, an VII. "
On ne peut dire <l'une façon absolue que la loi fiscale soit
territoriale et constitue un statut réel : ce qu'on peut dire,
c'est qu'elle est plutôt territoriale, le but de l'impôt lui-même
implique cette solution.
Mutations entre vifs à titre onéreux ét à titre gratuit.
A. - Mutations immobilières. -
Immeubles fran çais.
Quand la mutation d'un immeuble en France vient à s'opérer, elle donne lieu à l'impôt proportionnel, et le rend exigible encore que la mutation s'opère entre étrangers.
Immeubles étrangers. - Les actes translatifs de propriété,
d'usufruit, de jouissauce d'immeubles situés à l'étranger
étaient soumis par la loi du i6 juin i824 , art. 4, à la perception d'un simple droit fixe dei Ofrancs.Depuis la loi du 26 février
i872quiabrogel'art.4delaloide 1824 ce droit fixe est devenu
'
gradué. Voici le taux du droit tel qu'il est fixé par l'art. 2. « A
cinq francs pour les sommes ou valeurs de cinq mille francs ot
en dessous, et pour les actes ne contenant aucune énonciation de
sommes ou valeurs, ni dispositions susceptibles d'~valuations:
à dix francs pour les sommes ou valeurs sup~rieures à cinq
mille francs, mais n'excédant pas dix mille francs: à vingt
francs pour les sommes ou valeurs supérieures à dix mille
On ne se préoccupe pas quant à la quotité du droit de la
nature de la mutation, peu importe que la transmission so it
à titre gratuit ou à tilre onéreux.
Le paragrapho qui suit fera comprendre les hypothèses où
la mutation d'un immeuble étranger donnera lieu en France
à la perception des droits.
B. - /Jlutations mobilières et contrats en matière mobilière.
Le développement qui suit ne concerne pas spécialement
l'étranger, toutefois comme il se réfère à des situations juridiques dans lesquelles l'étranger résidant en France se trouvera fréquemment impliqué, nous ne croyons pas inutile de
rappeler avec précision cette partie de notre législation fiscale.
Les étrangers en France, contractant entre eux: ou avec un
francais
. , ont besoin de recourir à la formalité de l'enregistrement, i 0 pour donner date certaine à l'acte qui ~onstate leurs
accords, 2° pour être admis à faire usage de cet acte devant
les tribunaux français, ou pour le produire dans un acte public.
Des difficultés graves se sont produites s!lr la nature du
droit imposable,suivant la situation des objets mobiliers sujets
à mutation ou selon le lieu d'exécution du contrat. Est-ce le
droit proportionnel ou simplement le droit fixe qui doit être
perçu?
Sous l'empire de la loi du 22 frimaire, an VII, art 22, 23,
�DJ!S IMPOTS
DROIT FRANÇAlS
24, les actes rédigés en France ou à l'étranger et concernant
des meubles étrangers étaient soumis aux: mêmes règles que
les actes concernant des valeurs françaises. Toutefois à la différence des actes concernant des immeubles, il n'existait pas,
en matière mobilière, de délai de rigueur pour présenter
l'acte à l'enregistrement, il suffisait qu'il le fût à l'instant
où l'on se proposait d'en faire usa~e.
Peu après la mise en vigueur de la loi, un avis interprétatif du Conseil d'Etat du 6 vendémiaire et 10 brumaire, an
XIV, décidait que les actes passés à l'étranqer et contenant
transmission d'immeubles situés à l'étranger échapperaient en
France à l'application du droit proportionnel.
Il n'était rien dit pour les meubles qui restaient ams1 sou·
mis au droit proportionnel. En i 806 un nouvel avis du Conseil d'lttat des 15 novembre et 1.2 décembre disposait, que les
actes passés en la forme authentique à l'étranger, contenant
obligation ou mutation d'objets mobiliers, lorsque l'objet du
contrat porterait sur des objets meubles du pays étranger, seraient affranchis du droit proportionnel.
Cet avis dispensait aussi de ce droit les immeuLles étrangers si l'acte qui les concernait était passé en France.
Les actes passés en France ou passés à l' étranqer, m ais en la
forme sous seing privé, concernant des valeurs mobilières,
demeuraient comme antérieurement soumis au droit proportionnel.
La loi du 28 avril i 826, art. 58, modifia cette législation en
disposant qu'il ne pouvait être fait usage en justice ou dans
un acte public «d'aucun acte passé en pays étranger qui n'ait
acquitté les mêmes droits que s'il avait été souscrit en France
et pour des biens situés dans le royaume . »
Une loi du H juillet l824 vint rétablir la législation des
avis du Conseil d'Etat, et décidait que (( les actes translatifs do
propriété, usufruit ou de jouissance de biens immeubles si-
tués en pays étranger ne seraient soumis à raison de cette
transmission qu'au droit fixe de iO francs. »
C'est ce droit fixe qui a été transformé par la loi du 23
août 1.87 i en un droit gradué dont le taux a été indiqué plus haut.
Voici quel est aujourd' hui le dernier état du droit : les actes,
mutation ou obligation, passés à l'étranger, concernant des valeurs mobilières situées à l'étranger, sont soumis aux mêmes droits _que s'il s'agissait de valeurs françaises : il en
est de même si l'acte est passé an France. C'est l'art. 58 de
la loi du 28 avril 1826 qui est applicable, sauf le cas où il y
aurait lieu d'observer l'avis du Conseil d'Etat du i5 nov. i2
déc. 1806 qui subsiste touj ours.
Les difficultés sur la nature du droit imposable provinrent
pendant longtemps de la jurisprudence inaugurle par la Cour
de Cassation dans un arrêt du 21 avril i828. Cet arrêt faisant assimilation des m eubles avec les immeubles le:; atrranchissait des droits, altérant ainsi le texte si clair de l'art. 4
de la loi de 1824. Une évolution aussi heureuse que brusque
de la jurisprudence de la Cour suprême se produisit plus
tard dans deux arrêts rendus en 1.81)8. On revenait à la
saine entente de la loi de t 824 et l'on cessait de dispenser
'
.
du droit proportionnel les actes et obligations concernant les
valeurs mobilières étrangères.
Ces deux arrêts rapportés dans Dalloz, i.869, 1.233, C' 0 Transatlantique contre Enregistrement. Dalloz, 1869, i, 23(). Chem.
de fer, nord de l'Espagne contre Enregistrement, se réfèrent
l'un et l'autre aux droits à percevoir sur des marchés passés à l'étranger et ayant r eçu leur exécution hors de France.
Dépdts de valeu1·s étrangères faits en France par des ét1·arigers.
La loi du iO mars 1872, art. 2, exige que les titres étrangers qui n'auraient pas été admis à la cote soient timbrés au
�DES IMPOTS
DROIT FRANÇAIS
droit de i 0/0 du capital nominal s'ils doivent être négociés,
exposés en vente ou énoncés dans des actes de prêt, de dépôt, de nantissement. Cette disposition a motivé des explications de la part de la Direction de l'Enregistremeut en ce
qui concerne le dépôt et le retrait de ces titres étrangers.
<c Il arrive parfois que des étrangers résidant en France sont
porteurs de titres qu'ils déposent dans des maisons de banque
uniquement pour en assurer la conservation. Le même fait
se produit pour des Français qui, voulant se soustraire aux
risques de perte, de vol, ou d'incendie, déposent également
leurs titres dans des maisons spéciales qui se chargent de
leur garde moyennant un droit modique. Ces dépôts sont cons·
tatés par correspondance, soit par récépissé ou certificat. Il a
été entendu que pour opérer ces sortes de dépôt, ainsi que
les retraits qui en sont la conséquence, il ne serait pas nécessaire que les titres étrangers fussent préalablement timbrés,
car le dépôt, dans ces conditions, ne constitue pas à proprement parler, un usage des titres, mais une substitution à des
titres multiples d'un titre collectif qui n'en est que la représentation sans novation d'aucune sorle, sans avantage ni profit. >> lnstruct. de l'enregistr. du 24 mai i872. N° 2440, §. 2.
Les titres, qu'un étranger déposerait à la Banque de France,
rentreraient dans cette exception et le retrait qui serait effectué par le propriétaire ou son héritier, ne donnerait pas lieu à
la perception du droit. Ce cas spécial s'est présenté récemment et il a été tranché dans le sens que nous indiquons.( Décision du Ministre des Finances du 8 septembre i882
2
).
Succession de l'étranger en France.
Droits de mutation.
La mutation par décès des biens appartenant à des français
t
V. J. Dr. intern. privé, 1883, p. 27!1.
159
ou à des étrangers ne donne ouverture aux droits imposables
que si la succession dont ces biens dépendent est régie par la
loi française.
La succession de l'étranger ne sera réglée par la loi
française que si elle s'ouvre en France, c'est-à-dire, 1. 0 lorsque le défunt était domicilié en France, conformément à
l'art. i3 du O. Civ. 2° Lorsqu'il avait en France un simple
domicile de fait.
Il est incontestable que le domicile de fait suffit à rendre
exigible la perception de l'impôt, mais il ne faut pas confondre
ce domicile avec la simple résidence aecidentelle . Voici comment s'tlxprime, à ce sujet, la commission du budget dans la
discussion de la loi du 27 août i87L « S'il s'agissait d'un
étranger voyageant en France, qui y décéderait pendant une
résidence accidentelle et passagère, sa succession ne serait pas
réglée par la loi française. » En effet, le fait de la mort ne
peut soustraire aux règles de la loi élrangère l'étranger qui
n'avait pas de <lomici le acquis. Il en est encol'e ainsi, alors
même que la résidence aurait été assez prolongée, comme ctille
de ces étrangers qui viennent en France, louent des habitations
à bail, à Paris ou dans les villes de saison, pour leur plaisir ou
leur santé; ce n'est là qu'un séjour temporaire et non un domicile de fait.
Valeurs mobilières.
La loi du 23 août i 871., tranche catégoriquement la difficulté qu'on éprouvait sous l'empire de la loi de i850, de savoir
quand il y avait domicile acquis. D'après la nouvelle loi, art. 4.
Sont assujettis aux droits de mutation par décès les fonds publics, actions, obligations , part d'intérêts, créances et généralement toutes les valeurs mobilières étrangères de 1.1uelque natare qu'elles Stlient, dépendant de la succession d'un étranger
�160
DROIT FRANÇAIS
domicilié en France avec ou sans autorisation. Il en sera de
même des transmissions entre vifs à titre gratuit ou onéreux
de ces mêmes valeurs lorsqu'elles s'opérer0nt en France. ,,
Ce n'est que très graduellement que les droits de mutation sont venus frapper les valeurs mobilières étrangères.
La loi du 22 frimaire, an VII, ne soumettait pas les meubles
étrangers à l'impôt. Mais successivement, la loi du 1.5 mai
i8i>O, art. 7, atteignit les fonds publics et de Compagnies
étrangères; celle du 1.3 mai !863, art. H, les obligations des
Compagnies ou Sociétés d'industrie et de finances étrangères:
enfin, la loi de i87 t atteint toutes les valeurs mobiliè·
DES JMl'OTS
i6i
tration,. V: Sol. i9 juin i875; i9 829). Il y a là une légère
contradiction avec le principe, généralement admis, que nous
posions au commoncerdent, à savoir que les lois d'enregistrement sont un statut réel. Le Droit fiscal repousse l'argument
a contrario ti:é de l'art. 3 d1:1 C. Civ., pour établir que les
meubles étrangers sont régis par la loi étrangère (Zaccarire,
Valette, Duranlon. Arrèts). Il rejette également le système
fondé sur la réciprocité de traitement dans les deux législations, et considère les meubles comme soumis dans tous les
cas à la loi francaise
. .
res.
L'exposé des motifs de la loi justifie cette extension. « En
principe, les valeurs mobilières incorporelles n'ont point, par
leur nature, de situalion absolue: elles sont, pour ainsi dire,
inhérentes à la personne du créancier, elles se meuvent avec
lui et font partie d~ patrimoine de ce créancier en quelque
lieu qu'il se trouve. Ces valeurs ne pourraient donc échapper
aux taxes fiscales sans que le principe d'égale répartition de
l'impôt ne fût violé. » En s'exprimant ainsi, le législateur
songeait principalement aux possesseurs français de ces valeurs étrangères .
Aux meubles incorporels, il faut ajouter et assimiler les
meublt1s corporels pareillement soumis aux droits ae mutation.
Le numéraire sera astreint à l'impôt, en application de l'art.
3 de la loi de t87L
Quant aux meubles ordinaires, il faut remarquer qu'ils sont
soumis au droit de mutation comme il vient d'être dit, alors
m ême qn'ils auraient une situation matérielle à l'étranger.
(Dict. des Rédact. de l'Enregist. - Etranger 3i5; - V. lnstr.
2433, chap. I", § i, n° 2. - Tendance contraire de l'adminis~
Valew·s immobilières.
Les immeubles fran çais, dépendants de la succession d'un
étranger décédé en France, sont régis par le statut réel, (art.
3 du C. Civ.), et soumis aux droits proportionnels de mutation, alors mème que la transmission s'opérera au profit
d'un étranger.
Les immeubles étrangers dont la transmission viendrait à
s'etfec~uer dans les conditions que l'on vient d'indiquer, seront
soumis à l'impôt, mais il n'y aura lieu qu'à la per!!eption du
droit fixe gradué, (al. 2, loi du 28 fév. i872), et qu'autant
qu'il aura été fait mention de ces immeubles dans un acte de
li 'd .
qm ation dressé en France, ou q ue leur descriplion en sera
fai't6 dans un act-e public quelconque.
Bien entendu, la simple note remise au recevoir de l'enregistrement, pour servir de déclaration <l'importance de la
succession, ne pourrait sorvir de titre à la perception du droit.
Matières diverses concernant les étrangers et soumises
à fimpôt.
Auton'sation de domicile. - L'article i 7 de la Joi du 7 noù t
f.S50 dispose: <<L'autorisation d'établir son domicile en France
H
�DROIT FRANÇAIS
162
ément à l'art. i3 duc. Civ., donne lieu à la
fi ' é
.
.
fit ù l'Élat des 1ni~mes droits qm sont x s
.
.
.
'
e
percept10n au pro
Le ,.,.ouvernem ent peul faire remise
. t'
o
our la natura11sa 10n.
t' lle de ces droits i . » (Ins tr. Génér. i864).
p
totale ou par 1e
l a naturalisation donne ouverture à un
. .
,
f
ac~ordee con orm
Naturalzsatwn. -
fixé à iOO francs (1. 28 avril i8t6, art. 55). Le
.
. . , à 20 0/ 0 soit 20 francs. (Même
droit de sceau
'
droit d'enregistrement liquide.
CHAPITRE VI-
.
lei.)
Ces deux droi Lc; peuvent être rédmts.
DES AMBASSADEURS. AGEi\"TS DIPLOllATIQUES
.l être faite au l\\inislre de la Justice, sur
. .
•
de l'étranner li y est sta·
.
La demande d autorisal1on doi
o •
nuée de l'acte de n aissance
s'élève à la somme de
o·ts
d
d
accompn.,
timbré,
papier
ement total e ces r 1
L
d 1 référendaire ùonl l'office esl exigé.
.
tué par décret. e versh
'
i72 francs, à raison des ouora1res t
1
Les auteurs qui traitent du Droit International se son t longuement occupés de la situa tion juridique de certaines personnes étrangèr es, résidant à titre officiel dans les divers
États.
En France, quelle est la condition faite par notre Droit public
à ces personnes comprises sous la dénomination gén~rique
d'agents diplomatiques?
Les textes organiques des Jécisions du congrès de Vienne,
(i9 mars t8i 5) et d'Aix-la-Chapelle, distinguent plusieurs
catégories.
Une premièr e classification comprenait :
0
i « Les ambassadeurs , parmi lesquels les légats du pape on
nonces :
2° << Les envoyés minis tres ou au tres accrédités auprès des
souverains :
3° « Les ministres résiùenls accrédités a uprès des souverains.
Enfin le congrès d'Aix:.-la-Chapelle ajouta:
0
!~ Les 1cbargés d'a(faires accréùilés auprès des ministres
chargés du départemeul des affaires étrangères. 11
�DES AMBASSADEURS. AGENTS DIPLOMATIQUES
DROIT l'RANC,.A lS
Des Ambassrzdeurs. - Ces personnes onl un caractère représentatif, c'est-à-dire qu'elles sont dans le pays de résidence
une émanation de leur souverain ; elles affirment la dignité
de la nation qui les a déléguées, et ont droit à des honneurs
exceptionnels. l\lais si haut que soit leur titre, il est de courtoisie internationale de présenter à L'aqréation les futurs ambassadeurs 1 ; et c'est ainsi que le sentiment du Gouvernement
Français sera pressenti sur le cboix de la personne que se propose d'envoyer l'État Étranger. L'instant ùe Droit où !'Ambassadeur Etranger est aùmis à jouir des prérogatives de son
titre est celui où sa Jésignation est officiellement connue du
Gouvernement Français. Le caractère de la mission qu'il vient
remplir est défini déjà par l'accord des Cbefs d'Êtat : l'usage veut cependant qu' à l'arrivée en France l'Ambassadeur adresse, au Ministre des affaires étrangères, une copie de
ses lettres de créance : il demande en m ême temps une audience au Président de la. République. C'est généralement en
audience privée que la lettre de créance est officiellement
remise aux mains du Président de la République. S'agit-il
d'un légat du Saint-Siège, il devra préalablement se conformer
à l'art. 2 de l'arrêté du t 8 germinal au X. « La bulle du pape,
contenant les pouvoirs du cardinal légat, sera transcrite en
latin et en français sur les registres du Conseil d'État. Elle
sera insérée au Bulletin des lois' . » Le nonce présente ensuite
cette bulle au Président.
Les préséances ont été réglées par le congrès de Vienne.
En France, le nonce apostolique a la préséance sur les autres agents diplomatiques en France.
Les honneurs civils et militaires ont élé réglés par les
1 L'Angleterre se refuse, en principe, a soumettre sei; agents à l'ngréation,
mais &Ile si: conforrue i1 l'usage dnos la pratique.
t Il s'a.gissait des formalité~ ù remplir par le Cartli oal Caprara, légat a later·e.
Celle disposilion est toujours en vigueur.
165
décrets du 24 Messidor an Xlf d G Frimaire an XIII 1 Disons
que les ambassadeurs pc11 vcn l. plùcer l ~s ar ines de leur pays
sur leur hôtel, arborer les couleurs ualiouales i.
Inviolabilité des ambassadeurs et immunité de juridiction.
Le principe de l'inviolabilité des ambassadeurs est fort ancien
il s'impose de toute nécessité. On sait le caractère sacré de~
légats dans l'antiquité et chez la plupart des peuples. ci Sancti
habentw· legati. >> (L. 17, Dig. de feg ationibus.)
Cicéron dit aussi : « Legatorum jus divino humanoque vallatum est prœsidio cujus tum sanctum ut venerabile nomen esse
debet ut non m odo inter sociorum jura sed et hostium tela incolume versetur. ,. Il n'est pas nécessaire de beaucoup insister
sur cette inviolabilité du représentant d'une nation souveraine.
Les rapports internationaux: deviëndraient impossibles, si ce
principe n'était reconnu. On conçoit doue qu'un intérêt politique s'attache à la création de délits spéciaux : l'ambassadeUl' ne peut être inquiété, violenté.
L'outrage commis publiquemenl envers les ambassadeurs et ministres
plenipotenliaires envoyé11, chargés d'affaires et autres agents diplomatique~, accrédités près du Gouvernement de la Rép1:1blique, sera puni
d'un emprisonnemenl de buil jours à un an, el d'une amende de 50,
«
1
Décret de Messidor an XII. " Il ne sera sous aucun prélexte rendu
aucune espèce d'honneurs militaires à un ambassadeur rraoçais 11u étranger,
aaos l'ordre form el du Ministère de la guerre.
Art. 2. " Le Mioistre des relations extérieures, se con.:ertera avel! le Minis·
t?e de la guerre pour les honneurs à rendre aux ambassadeurs français ou
étrangers. Le Ministre de la guerre donnera des ordres pour leur réceplion. "
Art. 3. " 1l en sera des honneur5 civils pour les ombussadeurs français ou
étrangers ainsi qu'il est <lil ci-J essus pour les honneurs militaires. "
Déc. de Frimaire,an XllI. Mêmes dispositions prohibitives dnos los porls et
arsenaux de la marine, saur autorisation formelle du J\Iiuistre de la marine.
1
V. Déc. 5 juillet i192, art. 16.
�DES AMBASSADEURS. AGENTS nlPL<lMATIQUES
166
à 2000, francs ou <le l'u thl dû Cûs deux peines seulement. (Loi sur la
Presse, 1881, art. 36) 1 •
La liberté, garantie à l'ambassadeur, l'autorise à correspondre avec l'État qu'il représente sans qu'il soit soumis à aucun contrôle. Il peut correspondre secrètement ou ouvertement . La convention télégraphique de 1.865 lui réserve l'u·
sage du chiffre interdit aux simples particuliers.
Rien ne doit entraver sa missi9n politique.
Doit-oo lui accor der le bénéfice de la fiction d'exterrito rialité? Fiction par laquelle il est censé habiter le territoire même
de son pays el faut-il qualifier de t erre étr angère l'hôtel de
l' Ambassade?
La question est fortcontroversée. Les fictions juridiques doivent être écartées, semble-t-il, ce sont là des artifices employés
lorsque la science juridique est encore rudimentaire, q ue le
Droit n'a point acquis asséz de souplesse pour s'adapter à
toutes les situations qui naissent de la vie sociale. On peut,
aujourd'hui, donner un fondement scientifique aux privilèges,
qui accompagnent certaines fonctions, c'est le car actère de
nécessité même de ces privilèges sans lesquels la fonction
ne pourrait être rom plie. Les anciens ne paraissent pas avoir
distingué le rôle politique du rôle privé ; l' un r essort du droit des
gens , l'autre de la législation interne du piiys. « Non datur
actio (adversus leqatum) ne ab officio suscep to legationis avo·
cetur, ne impediatur legatio. » (Dig . de judicis liv. xxrv. § 2. )
C'est trop absolu .
Dominés par le souvenir du Droit romain les législateurs
du Code Civil avaient inséré dans la rédaction du proj et un
art. 3, ainsi conçu. " Les étrangers revêtus d' un caractère représentatif de leur nation, en qualité d'Ambassadeurs, de mi-
nistres, d'envoyés, . ou :-; nus rp1clq11e outre dénomination que
ce soit , ne seront point traduits ni en matière civile ni en matière
criminelle devant les tribunaux français. n Celte disposition fut
écartée du texte définitif. Mais un décret du i3 Ventôse, an JI
subsiste. « La Convention nationale interdit à toute autorité
constituée d'attenter en aucune manière à la personne des envoyés des gouvernements étrangers, les réclamations, qui pourraient s'élever co ntre eux, seront portées au Comité de Salut Public. » Ce décret est invoqué daus un arrèt de la Cour de Paris, du
i 2 juillet :t. 867. (Tchitcherine, C. Pinet. lnr.ompét. du trib. de
Corn. Dalloz 1867. 2. i2i.) - C'est le reflet de l'opinion des
auteurs du siècle précédent. «Il est aisé, dit Vattel, de comprendre que l'indépendance de la juridiction doit être l'un de
ces privilèges. Sans elle la sùreté si nécessaire au ministre
public ne sera que précaire, ... il importe qu'il n'ait point de
juges à redou ter , qu'il ne puisse être distrait de ses fonctions
par aucune chicane 1 • Montesquieu admet aussi la même immunité 2 • (< Le droit des gens a voulu que les princes s'envoyassent
des ambassadeurs, et la raison, tirée rie la nature des choses,
n'a pas permis que ces ambassadeurs dépendissent du souverain chez qui ils sont envoyés, ni de ses tribunaux. Ils sont la
parole du prince qui les envoie, et cette parole doit être libre,
aucun obstacle ne doit les empêcher d'agir, ... que s'ils abusent de leur être représentatif, ou le fait cesser en les renvoyant
chez eux; on peut même les accuser devant leur maître qui
devient , par là, leur juge ou leur complice. » A notre avis,
c'est là une confusion entre l'inviolabilité el l'immunité de juridiction. D'autres auteurs suspendent le privilège de l'immunité en cas d'at teinte à la sûreté de l'État et les lois du pays reprenent alors tout leur empire. Enfin , dit-on encore, l'immunilé
1
Loi sur la presse. La loi du 26 mai 181.9, arl. 5 : " la poursuite n'aur a
lieu que sur la plainte de la partie qui se pr étendra lésée. "
1
167
DROIT FRANÇAIS
2
Dr. des gena, liv. IV, chap. 7.
Esprit des lois, 1. XXVI, ch. XXI.
�168
DES AMBASSADEURS. AGENTS DIPLOMATIQUES
DROIT FRANÇAIS
de juridiction ne peut prévaloir contre le Droit, c'est-à-dire
contre Je manquement aux lois.
Le décret, rapporté plus haut, était-il attributif de juridiction au comité de salut public, ou bien ce comité n'était-il
saisi de l'affaire, que pour la poursuivre par la voie diplomatique? La question a peu d'intérêt aujourd'hui. Il suffit d'avoir rappelé que le décret était récemment invoqué par nos
tribunaux . L'immunité s'étend donc aux ambassadeurs ou ministres, à leurs agents subordonnés qui ont qualité diplomatique, comme les secrétaires d'ambassade, drogmans attachés;
les attachés militaires, les conseillers d'ambassade. Le personnel des domestiques est exclu, lorsque l'ambassadeur l'abandonne à la juridiction française. (Aff. Salvatori, Cass. l 1 juin
1852). Mais les membres de la famille de l'ambassadeur, sa
femme, ses enfants jouissent du privilège. (Cour de Paris, 2l
août 1841, - Papenheim, Dalloz , Ag. dipl. 157 et la
note).
Pour éviter des difficultés, la liste des personnes composant
la légation est adressée au Ministre des Affaires Etrangères.
Il semble qu'on doive, en principe, repousser la doctrine
de l'immunité et de l'exterritorialité , comme contraire à la
souveraineté nationale. Tous les faits qui troublent la sécurité et l'ordre public d'un pays devant tomber sous l'application des lois locales.
(A). Publicistes, jurisconsultes, législateurs proclament le
principe de l'inviolahilité et de l'immunité de juridiction, et
cependant ils font tous leurs efforts pour en limiter l'application'. Singulier principe que celui qu'on s'épuise à atténuer,
à peine est-il reconnu.
Il Y a dans les fonctions <l'ambassadeur, de ministres, une
activité spéciale qui doit s'épanouir en toute liberté, et ne
1
F. Hélie, Jnst. crim. t. Il, p. 108, no 641 ;
2D10
édit.
169
souffrir aucune contrainte. Elle se meut, s'agite dans une
sphère purement politique, et dans ces limites, elle ne peut
donner lieu à aucune molestation à l'encontre de l'agent diplomatique.
En matière civile, on ne voit pas bien le trouble, l'impedimentum qui paralyserait les offices du représentant, alors
qu'il serait appelé à comparaître devant un tribunal ; que
craint-on du jugement à intervenir depuis que l'exécution sur la personne a disparu de nos lois. Avanl la loi
du 22 juillet 1867, on aurait compris que l'on différât le
jugement ou l'exécution par corps. Redoute-t-on des pour~
suites vexatoires contre les agents diplomatiques? Une telle
hypothèse ne mérite pas qu'on s'y arrête. - En matière criminelle, si l'on craignait que le gouvernement étranger
maintlnt son ministre en fonctions , on pourrait, à la rigueur, instruire d'ores et déjà une procédure contre absent,
et à la cessation des fonctions, ·a ppréhender le coupable.
En conséquence, ce n'est plus l'immunité qui do_it être le
principe et il n 'y a pas lieu de déroger en faveur des ambassadeurs, à l'application des lois <le police et de sûreté. Il faut
simplement reconnaître comme règle du droit des gens, qu'un
Etat ne peut arrêter l'action diplomatique du ministre étranger, et que la nation étrangère peut et doit compter sur l'indépendance de cette action, pendant une durée de temps
qu'elle seule peut interrompre. La mission terminée, cessante
causa cessat e!fectus, l'ambassadeur redevient simple étranger,
responsable de ses crimes et délits. Le passage suivant d'un
mémoire du duc d'Aig uillon en :t. 772, rapporté par M.F. Bélie, renferme la formule vraie. (< . . . Il est constant qu'un ministre perd son immunité et se rend sujet à la juridiction locale lorsqu'il se livre à des manœuvres qui peuvent être regardées commo crime d'Etat ou qui troublent la sécurité
publique ; que l'immunité ne peut avoir d'autre effet que d'é-
�170
DROIT FRANÇ-AIS
DES AMBASSADEURS . AGENTS Oll'f.OMATIQUES
carter tout ce qui pourrait empP.cher le ministère publlc de
vaquer à ses fonctions 1 • i1
M. F. Hélie parait admettre que l'immunité couvrira sans
inconvénient les faits médiocrement graves : c'est une concession que rien ne nécessite; car dans les cas peu graves, la
suspension momentau ée da la condamnation présenterait
ticulier, mais il faut écarlcr Loule idée d'asile, qu'on a si lougtemps et si fau ssement allarhée à la demeure do l'ambassa-
d'autant moins d'inconvénie nt.
(B). - Rien n'empêcherait d'assimiler l'immunité diplomatique à l'immunité parlemen taire. L'action , dans ce cas, est
suspendue, mais virtuellement, le représentant demeure sous
ger est rl' observer la plus slriclo n Putralité, toutefois, Les étrangers do sa nation trouveront auprès de lui une protection
tonte naturelle et inviolable. Quid à l'égard des Français qui
la puissance de la loi .
Il est fait une objection ,plus spécieuse que fondée, du système
qui vient d'être proposé. On invoque la récipro cité de traitement, pour dire que c'est là une considération qui lie les
nations : partout, l'immunité étant admise. Si le principe
de réciprocité, qui règle les rapports internationaux, a été
fort utile, en présen ce des immenses écarts qui séparaient
encore, au dernier siècle, les mœurs juridiques des na·
tious; il nous semble qu'aujourd'hui ce principe, comme la
méthode des r étorsions, ne peut plus rendre les mêmes services ; c'est une manière surannée ; ainsi ce qui fut un progrès
devient un obstacle à un progrès nouveau.
Avec M. Fiore, nous admettrons le droit qu'a la justice, de
procéder à une visite domiciliaire, dans l'hôtel de l'ambassade,
bien entendu, cette visite sera précédée d'un avis donné au
Résident, par le Ministre des Affaires Etrangères. Il n'est pas
soutenable que la justice française ne puisse vérifier la présence ou l'absence d'un malfaileur réfugié dans l'hôtel de
l'Ambassade, comme aussi constater les infractions à nos lois,
qui auraient pu y être commises. Les autorités locales ont le
devoir de protéger le seuil del' Ambassade, avec une sollicitude
plus grande que s'il s'agissait de l'habitation d'un simple par' F. Hélie, lnttr. crim. t. li, p.
deur.
En cas de trou bles politi ques, l'attitude du ministre étran-
se réfugieraien t dans l'hôlel de l'Ambassade? L'ambassadeur
pourrait leur en interdi re l'entrée, mais si, cédant à un senti ·
ment d'humanité, il recevait des individ us ino ffensifs, comme
des femmes et des enfants ou des infirmes, et voulùt les couvrir de sa protection, il le pourrait certainement. Non qu'il
puisse invoquer l'exterritorialité de l'hôtel de l' AmbassadP.,
mais parce que la protestation qu'il ferait entendre doit être
respectée des insurgés ,111 du gouvernement insurrectionnel.La
méconnaissance do sa protestation soro.it une insulte grave,
faite à lui-même comme à la nation qu'il représente, et de nature à amener un conflit. C'est en vain qu'un· gouvernement
insurrect ionnel se prétenJrait un pouvoir régulier, comm e
c'est il'ailleurs sa préten tion habituelle, il faut eurore que c•'
gouvernemen t soil né ù la ' ic ùiplomatique, lJu'il soit reconnu
tacitement ou ex pressémeut des puissances étrangère:>. Le Ré·
sident ne connaît de gouverneme11t légal que celui auprès duquel il est accrédité.
...
'
.,1
�DROIT l"RANÇAl S
Des Consuls. - Les fon ctions consulaires sont restreintes,
en_général , à la défense des intérêts pr ivés des sujets étrangers. Les consuls n'ont pas un caractère politique comme les
ambassadeurs, ministres, etc., ils sonl uni qu ement des médiateurs, dans les difficultés qui surviennent à leurs nationaux, ) es surveillants des droi ts et privil èges commerciaux,
accordés aux marchands et n avigateurs de leur pays. Dans
cette sphère d'action , les consuls n'ont de relations qu'avec
les grands servi"es de l'Etat, les autorités locales et, ils ne communiqu ent avec le gouvernement, que par l'intermédiaire du
chef de la légation.
En France, on ne reconnait pas aux consuls le privilège de
l'immunité diplomatique, c'est rationnel, pui squ'ils n 'ont pas
de caractère politique, n e sont pas accrédités , ils sont donc
régis par l'art. 3 du C. Civil. Mais si c'est là une r ègle générale, il faut se hâter d'ajouter que les consuls n 'étant jamais admis sur le territoire des Etats, qu'en vertu de conventions, les traités peu vent renfermer des dispositions de faveur, et c'est presque une clause de style dans les conventions
consul aires d'accorder l'immunité persouoelle, à l'exception
du cas de crime. M. Faustin Hélie voudrait qu'fü fussent garantis, par exemple, de la délentiou préalable. Ils n'échapperont <l0nc pas à la responsabilité de leurs actes en matière ci ·
vile et, ava nt la loi de i.867 , ils étaient contraignables par
corps.
La reconnaissance offici elle de leur caractère résulte de
l'exequatur accordée par dér.rel présidentiel, et dont lecture
est fait e par le greffier du tribunal ùe commt}rce, du lieu de
leur résidence.
DES AMBA.SSADRURS . AGENTS lllrLOMATIQUKS
1.'i'i hr
La compétence des consuls en France dérive principalement des traités, mais le développement de cette matière ne
rentre pas dans le cadrè réduit de cette étude. Disons, cependant, qu'ils peuvent requérir la police française pour les arrestations et le maintien de l'ordre à bord des navires de
leur nation . Mais peuvent-ils requérir l'incarcération de leur
national dans nos prisons ? M. Faustin liélie estime qu'il est
difficile de reconnaître et d'appliquer un tel droit.
�DES MARINS ET PtCHKURS ÉTRANGERS
t73
ports français est exclusivement réservé anx navires natio-
CHAPITRE VII
DES MARINS ET PtCHEURS ~TRANGERS
SECTION 1
§. J. -
INDUSTRIE DU TRANSPORT MARITIME
Il importe de distinguer l'indnstri e du transport maritime
du louage de service des gens de mer.
Les étrangers sont admis à affréter leurs navires pour la
navigation au long cours, aux commerçants français de la
métropole et des colon ies 1 • L'entrepl'Îse du tra nsport maritime est donc libre et peut être exercée chez nous par les bâtiments de toutes nations 2 , mais toutefois dans les limites que
voici : Dans la direction du Sud, au delà du 30° latitude Nord ;
dans celle du Nord au delà du 72° latitude Nord; et dans celle
de l'Est au delà du 44° longitude.
Au?contraire le commerce intérieur qui s'effectue dans la
même mer ou entre l'Océan et la Méditerranée toujours entre
Jusqu'à la loi du 8 juin 1.561., lee ~trangers n'étaient pas admis à transporter les marchandises entre les colonies et la Métropole.
' Art. 371, C. Com. loi du U juin i854.
1
l
naux 1 •
Dans le but de protéger l'industrie des transports maritimes,
on n'a pas voulu suivre l'exemple de 1'Angleterre et d'autres
pays qui ont concédé la faculté du cabotage aux étrangers.
Cette navigation spéciale, par une dérogation unique, fut
permise longtemps aux: bâtiments espagnols en vertu du traité
connu sous le nom de Pacte de Famille de i 768, renouvelé
parla convention du Ujuillet 18!4, (V. cir. Min . iO janv.
i827), mais ce régime d'exception a pris fin par la conclusion
de la conventidn franco espagnole du 8 décembre 1877, promulguée par décret du 28 mars !878.
Une loi du 10 mai t866, art. 9 in fine , relative aux possessions de l'Algérie, maintient les dispositions de l'ordonnance
du 28 février 1837 : le cabotage peut se faire par navires
étrangers 5Ur la côte algérienne sous réserve de l'autorisation
du gouverneur général. - Un décret du 9 juillet t874 fixe
les limites du petit cabotage dans la région africaine'.
§. 11. -
LOUAGE DE SERVlCES
Capitaines étrangers. - Exceptionnellement et sans que le
navire cesse d'être réputé français, les capitaines étrangers,
pourvu qu'ils soient munis d'un diplôme étranger valable ou
délivré par une commission particulière locale, peuvent commander les navires admis à la francisation algérienne
1
1
.-
Un décret du i3 fâv. i863, fix e pour les Colonies les limites du grand
~~otage.
Une franciaation spéciale ou plutôt une licence spéciale de pt1villon 8
6l6 créée par décret du 7 septembre 1. 876, pour les navires étrangeN, de
80 lonnenux et au-dessoua. Ces navires son t ndmis à naviguer dans les ~aux
de l'Algérie, sous pavillon français et en trancbise de di·oit, soue certaine•
conditions. » Becquet, Rép. de Or. adm. (Algérie.)
1
Décret du 7 sept. 1856.
1
«
�174
DROIT FRÀNÇAIB
Les marins étrangers jYslifiau t de connaissances pratiques sont
également aptes à exercei· le commandement au petit cabotage africain. Mais un décret du 2t aoùt t 882 ne permet pas
aux marins étrangers, bien qu'ils soient admis à domicile en
France, de subir les examens de capitaine au long cours, le
même décret les exclut de la direction de la machine.
Matelots ét1·anqers, - Les matelots à quelque nationalité
qu'ils appartiennent ont la faculté de louer leurs services en
France. Le nombre des marins étrangers embarqués au
commerce est limité par la loi du 21 septembre t 793, art. 2.
(cir. Min. du 1.4 févr. t854), il ne doit pas dépasser le quart
de l'équipage, non compris le capitaine et les officiers pour fa
navigation au long cours, le maître pour la navigation au cabotage et le patron pour celle au bornage.
Le marin étranger est soumis à toutes les dispositions du
décret loi du 24 mars i 852. Ce décret établit des juridictions
spéciales et des pénalilés exceptionnelles applicables à tous les
marins embarqués sur des bâtiments français, quelle que soit
leur nationalité par le seul fait qu'ils figurent au rôle d'~qui
page.
Le louage du service nautique entraîne certains rapports
entre l'Etat et le marin, compris dans les obligations réciproques qui naissent de l'inscription maritime.
Le marin est, en effet, placé sous une surveillance administrative établie aussi bien dans son intérêt que dans celui de la
police de l'Etat 1 • Inscrit sur le rôle d'équipage par les soinsde
l'administration de la marine 2 , son identité est fixée, et les recherches dont il pourra être l'objet par les autorités de son
pays sont ainsi facilitées. Le règlement de son salaire
t V. Uécret, i9 mars 1852, art. '· 5. Sanction de l'obligalioo de l'ioscription
au rôle d'équipage de tout individu embarqué.
2 Le rôle d'équipage est pré•cuté au visa de l'admioislralion de la Marine,
dans tous les porta où résident aes agents.
DES MARINS ET P~CBRURS ÉTRANGERS
175
lui est aussi garanti, puisque ce règlement ne pouvant se faire
que devant les agents spéciaux ou délégués de l'administration de la marine.
Un arrêté du t4 fructidor an VIII , soumettait à l'inscription
maritime certains marins étrangers.« Toutmarinétranger habitant en France et qui a épousé une française est tenu de sefaire
inscrire à l'inscriplion maritime et peut être appelé au service
de l'Etat. S'i.l ne se fait inscrire, il peut être inscrit d'office.»
Ce texte est fort critiquable. En cas de conflit armé la disposition de la loi place le marin étranger dans l'alternative ou
de prendre les armes contre sa patrie, ou s' il se soustrait au
service militaire d'ètredéclaré déserteur.
Il somble que ce soit là une loi <l'expédient, un procédé de
recrutement qui pouvait avoir sa raison politique à l'époque
de la promulgation , mais que les inœurs actuelles condamnent.
Le département de la marine avait été frappé depuis
longtemps dt3s inconvénients qu'entraîne l'arrêté des Consuls
et sensible aux. critiques,dirigées contre ce point de la législation, il fut décidé, par une circulaire du 19mai1876, que l'on
maintiendrait les inscriptions effectuées en vertu de cet acte,
mais qu'à l'avenir il n'en serait plus faites de nouvelles:
D'ailleurs il y avait eu une extension des dispositions de la loi
à des marins étrangers même non mariP.s. - Le Ministre cons· t à l'obliaation de
o
tatait que les marins étrangers éc happa1en
ant leur extranéité,
·
.
.
servir en temps de guerre s01t en mvoqu
'à l'âge
· l
soit en ne demand1mt à être portés surles matncu es q u
de quarante ans. Des difficultés s'étaient produites notam. é t d la guerre coutre
.
ment lors de la guerre de Cnm e e e
l'Autriche et les Consuls étrangers ne s'étaient pas !~it
faute de soutenir les exceptions opposées par leur n~llo
~aux. - Dès 1838 .M. Darthe , alors ministre de la manne,
• 1.. lé des Consuls. 11 Cet
assignait son véritable caractère à 1 arrt;
�177
DES MARINS ET P:tCHBURS ÉTRANGERS
t76
DROIT FRAN ÇAI S
arrêté, disait-il, a été inspiré moins dans l'intérêt des marins
étrangers que dans celui de la marine française, ce n'est pas
un droit qu'il accorde à ces marins, mai5 une obligation qu'il
leur impose. >>
§. lII. -
CONSIDÉRATIONS ÉCONOMIQUES SO R LA LIMITATION DE
L 'EMBARQUEMENT DES
ÉTRANGERS
Les dispositions restrictives dont il était parlé plus haut méritent un examen particulier. La restriction apportée à l'embarquement des étrangers dans la navigation au cabotage
s'explique assez facilement et peut même paraître légitime, mais en est-il de même de l'idée protectionniste
qui fait maintenir pour la navigation au long cours la loi
du 22 septembre 1793 et qui dicte la circulaire du 14 février
t 854? - Notre navigation à voile n'offre qu'un fret très peu
rémunérateur et positivement dérisoire, or, la limitation du
nombre des matelots étrangers embarqués est une obligation
fort onéreuse pour l'armateur et dont l'utilité a été vivement
contestée. Elle est en même temps préjudiciable au commerce
de la Méditerranée et dans une certaine mesure au trafic des
longs courriers dans les pays du Sud et d'Orient. On ne saurait
pe rdre de vue l'énorme différence de frais d'entretien que comporte un équipage français ou un équipage d'une n ationalité
quelconque du bassin de la Méditerranée. La perle n'est point
Jans l'écart des loyers ou salaires des hommes qui sont à peu
près uniformes, mais dans les dépenses de vivres, perte représentant aisément pour l'armateur un franc par j our et par
homme. C'est la proportion du tiers, sinon davantage. En pareille condition la concurrence est difficile à soutenir contre
l'Italie, l'Espagne, la Grèce.
Est-ce à dire que le point de vue mercantile doit être le seul
auquel il convient de se placer dans l'examen de la question.
Elle comporte, en effet, un côté militaire qui intéresse la destinée de nos forces maritimes, et l'on ne saurait oublier que
derrière le matelot du commerce on retrouve un marin qui
doit son aptitude nautique au service de la patrie.
Par des raisons inhérentes à la nature des choses, l'industrie maritime est soumise à des charges propres, et dès lors,
le libre jeu de l'offre et de la demande du service maritime
est entravé par cet élément particulier dont on ne peut faire
abstraction, l'obligation militaire qui pèse sur l'homme de
mer, jusqu'à l'âge de 40 ans.
On demande aux matelots de profession d'assurer l'armement de la flotte, et la population maritime, qui tend malheureusement à se réduire de plus en plÙs, supporte seule cette lonrde
charge. Il faut une compensation, on le conçoit, or, on concède à ce personnel, dont on exige tant, le faible monopole de
la navigation et de la pêche.
En d6couragean t le louage du service nautique de nos na.
tionaux par l 'autorisation donnée à l'armateur de composer
à sa guise l'équipage de ses navires, on tarirait la source du
recrutement. Il faut donc que la navigation au commerce
continue à former nos m atelots, la constitution sérieuse, l'édu·
cation nautique dès longtemps préparée des équipages de
la flotte l'exige. En ce sens M. le commissaire général Four·
nier, dans son remarquable cours d'administration de la Marine
s'exprime ainsi : << La nature des choses vout que la nationalité
du capitaine suive celle du propriétaire, et que la nationalité
de l'équipage, suive celle du capitaine. Il faut entre les artisans hiérarchisés de la même opération la communauté de
nationalité de langue, de mœurs, de régime légal pour qu'il
y ait dans la conduite de l'œuvre entente, discipline et finalement succès. En fait, les équipages mosaïques que l'on paraît
regretter de ne pouvoir former à bord de nos bâtiments et que
la loi anglaise, la loi hollandaise, la loi norwégienne tolèrent,
12
�f 78
DROJT FRANÇAIS
n 'existent nulle part qu'à l'état d'accident et ce n'est pas avec
eux que la navigation est lucrative. L'État rend donc service
à la marine marchande lorsque, malgré elle, il défend et lui
conserve son personnel national. »
Tels sont les arguments que l'on invoque de part et d'autre,
Les considérations militaires paraissent avoir un poids considérable dans l'état politique actuel et devoir l'emporter sur le
principe la liberté des conventions en matière de louage du
service nautique et des opérations maritimes . En effet, n'au·
rait-on pas à craindre aussi en temps de guerre le mauvais
vouloir d'équipages recrutés avant les hostilités parmi les sujets d'une nation alors amie et depuis devenue belligérante.
Que l'on songe combien il serait facile pour ces équipages de
faire tomber nos bâtiments aux mains des croiseurs ou de les
conduire aux ports ennemis.
Enfin il est des cas où la loi doit se montrer préventive;
il n'est guère douteux que la composition des équipages au
commerce, abandonnée au régime de la pleine liberté, ne renferm erait que le rebut des m arines étrangères, la discipline
serait difficilement maintenue et les crimes contre les personnes,
les actes de baraterie, rares actuellement, se produiraient sans
doute avec plus de fréquence .
Si l'on voulait invoquer la législation suivie en divers pays
étrangers qui n'imposent aucune condition de nationalité, il
conviendrait de faire remarquer que l'intérêt privé est sauvegardé d'une autre façon. En Angleterre et en Norwège la propriété du navire doit être entre les mains des nationaux, tandis que dans notre législation la moitié du navire français
peut appartenir à des étrangers. Enfin, il faut considérer les
choses en fait plutôt qu'en théorie et, dans les pays que nous
citions, l'équipage est presque toujours de la nationalité du pavillon. La France n'est pas le seul pays qui surveille la composition des équipages. En Autriche on n'admet qu'un tiers
DES MARINS ET P~CBEURS ÉTRANGERS
179
d'étrangers, et ainsi en Espagne, en Italie, aux Etats-Unis, au
Mexique, La Grèce, le Portugal, le Chili, les trois quarts comme
en France. - Le Danemarck exige la totalité. - La Russie le
quart. - Haïti et Paragay la moitié.
Ifxception sur les navires investis de la francisation alg érienne. - Les étrangers peuvent être admis sur les navires
bénéficiant de la francisation algérienne dans la proportion de
moitié de l'équipage, et en cas d'insuffisance le Commandant
de la marine en Algérie à droit de modifier encore la composition de l'équipage.
L'embarquement de matelots étrangers se livrant à la pêche
a été admis dans une proportion différente de celle que nous
avons vu précédemment, et cela en faveur de l'armement à
Ja grande pêche. C'est ainsi que l'art. H, 2° de la loi du 22
juillet 1851, dispose. cc Pour avoir droit à la prime l'équipage
mixte ne pourra être composé en étrangers que du tiers des
officiers, harponneurs et patrons sans que le nombre puisse
excéder, deux pour la pêche du sud et cinq pour la pêche du
nord. 3° Les armateurs de navires destinés à la pèche, à la
baleine et au cachalot seront tenus, alors même qu'ils renon'
ceraient à la prime, de confier moitié au moins des emplois
d'officiers de chefs d'embarcation et harponneurs à des ma'
rins français, sous peine d'être privés de la jouissance des avantages attachés à la navigation nationale. »
SECTION II.
Pêcheurs étrangers.
Par un privilège propre aux inscrits maritimes, la pêétranche côtière leur est exclusivement réservée et les
indus_
gers ne sauraient venir sur nos côtes exercer cette
�i80
DROIT FRANÇ.AIS
DES MARINS ET P!CBEURS ÉTRANGERS
trie : nous ne connaissons qu'une exception, faite en faveur des pêcheurs catalans. Une loi du 8-i 2 Déc. i 790 rappelle
cette fa culté octroyée par d'anciens traités pour soumettre ces
pêcheurs à la production de leur rôle d'équipage, les obliger à la
contribution dite de demi part 1 , lorsqu'ils viendront apporter
leur poisson sur les marchés français. Il était également permis
aux Catalans domiciliés à Marseille d'étendre leurs fi.lets sur les
terrains appartenant aux: communautés, sans doute à l'endroit
encore appelé auj ourd'hui « Les Catalans 1> . En ~859 on n'a
point réglé à nouveau ces droits qui n'ont pris fin que par l'effet de la convention entre la France et l'Espagne signée le 8
déc. i877 et promulguée le 28 mars suivant. L'art. 9 de cétte
convention a abrogé, en ce qui concerne le commerce et la navigation, les traités antérieurement conclus entre les deux: pays.
Les droits des pêcheurs espagnols sont donc déchus. La loi du
i2 déc. i790, ainsi qu'il résulte de ses termes, n'avait été r endue que pour l' application de conventions alors existantes entre la France et l'Espagne ; or, ce sont toutes ces conventions
qui aujourd'hui ont été abrogées et remplacées. L'intention
d'exclure les pêcheurs espagnols parait définitivement arrêtée
car une commission étudie actuellement un projet de convention analogue à celle conclue entre la Fr ance et l'Angleterre en
i. 843, réservant aux pêch eurs de chaque nation le droit exclusif de pêche dans les eaux territoriales ; ce projet est actuellement soumis pour observations aux agents de la marine des
différents quartiers. Toutefois il convient d'ajouter qu'à part
un règlemeut spécial régissant la Bidassoa il n'est point de dispositions qui permettent aux agents chargés de la police de la
pêche de dresser des contraventions pouvant être sanctionnées
d'une façon quelconque.
Faisons ici remarquer qu'alors que le pacte de Famille réPrestation due à la communauté des pêcheurs. Les communautés furent
réorganisée dans la Méditerranée, par un décret du i9 nov. 1859.
1
1.8i
servait certains droits aux Espagnols, les Italiens purent réclamer les m êmes privilèges en vertu de leur traité de commerce et de navigation de i 863 qui leur garantissait chez
nous le traitement de la nation le plus favorisée. La convention du 8 déc. 1877 avec l'Espagne abrogeait implicitement le
régime de faveur dont avaient joui les pêcheurs italiens. Cependant, en fait,leur présence est encore tolérée sur certains points,
mais ce n'est point un droit qu'ils peuvent invoquer. Dans
l'intér êt de notre population maritime si intéressante, on pourrait souhaiter qu'un règlement vînt fixer sur la côte Est l'exercice du droit exclusif de pêche dans les eaux territoriales.
Pêche au co1·ail. - Depuis une époque reculée, la France
et l'Italie exploitent la pêche au corail sur le littoral de l'Algérie. En 1832, le Bey de Tunis eédait à la France l'exploitation de cette pêche sur la côte de la Régence, sauf à tenir
compte des précédentes conventions internationales. Le dernier texte sur la matière est un décret en date du i9 déc. i.876,
qui distingue deux catégories de pêcheurs, les français ou indigènes, et les étrangers. Ces derniers demeurant astreints au
droit de patente déjà fixé à 800 francs, par le décret de t 864;
les français et indigènes sont affranchis de tout droit. Le décret de 1876 donna lieu à quelques difficultés entre la France
et l'Italie, qui d'un commun accord décidèrent d'en différer
l'application aux pêcheurs italiens. Une annexe au traité de
commerce Franco-Italien, du 3 nov. i 88!, et promulgué le
U -i 5 mai i 882, comprend un échange de lettres entre le
chargé d'affaires d'Italie et le ministre des affaires étrangères
tendan t i à obtenir le maintien du statl.e quo de fait peu'
dant le délai stip ulé pour la négociation d'une nouvelle convention de navigation . 2° (( à ce qu'il soit entendu, que pendant toute la durée du traité de commerce, le traitemont de
la nation la plus fa voriséc sera, en toute hypothèse, également
assuré, de part et d'autre, eu matière de navigation et que les
0
�•
f 82
DROIT FRANÇAIS
pêcheurs italiens sur les côtes françaises et algériennes de la
Méditerranée de mème que les pêcheurs français sur les côtes
italiennes, jouiront pour la pèche du poisson du traitement de
la nation la plus favorisée vis-à-vis de tout autre pavillon
quelconque. »
Pêche internationale 1 •
La pêche du poisson dans la
Manche, exploitée par un grand nombre de pêcheurs anglais
et français a nécessité des règlements très-complets. Nous rappellerons les dispositions concernant les pêcheurs étrangers.
La convention entre la France et l'Ang leterre du fer août
t839 interdit aux pêcheurs anglais la pêche aux huîtres sur
la côte française, mais l'art. 9, d'une façon générale, leur
prescrit de se tenir à une distance de 3 milles, le long de
l'étendue des côtes françaises. Si les embarcations, pour une
cause ou pour une autre, viennent à franchir cette limite, elles
devront signaler leur présence par un pavillon spécial. Les
commandants des croiseurs et gardes-pêche investis d'un pouvoir discrétionnaire pourront apprécier les motifs de l'infraction au règlement.
-
L'art. 7 accorde un abri aux îles Chausey, en cas de mauvais
temps ou pour cause d'avaries.
Une seconde convention du 24 mai t843, et réglementée
par l'ordonnance du 23 juin 1846, exige une autorisation
émanée du commandant de la station anglaise permettant le
ref~ge aux îles Chausey: le commandant droit prévenir les
croiseurs français des autorisations accordées.
Les causes qui peuvent moliver l'approche de la côte française sont énoncées limitativement par l'art. 85. - Les dispositions sont communes a ux, pec
• 1ieurs f rançais
. qm. voudraient
.
gagner la côte britannique.
1 Nous empruntons cette pa li
. à l'ouvrage fort complet
d M
p
r e d e notre travail
8 .• _
l ocque, .s~r la législation des eaux . - A Plocque. De la mer et de la
navigation maritime. p. 245 et suiv.
DES MARINS ET P!CHEURS ÉTRANGERS
183
Un décret du i 0 mai i862 rappelle les prescriptions antérieures concernant la police spéciale de la pêche; notamment
les obligations résultant des art. 6, iO , i4, 15 de l'ord. de
1846 sur le signalement des embarcations, la possession d' un
rôle d'équipage, (art. 12, l3} et et son exhibition aux croiseurs
des deux pays chargés de la surveillance.
La sanction des dispositions de la convention de 1843, bien
qu'arrêtée en principe, n'était d'une application possible qu'autant qu'en France et en Angleterre les pouvoirs législatifs seraient intervenus. Ce n'est que plus tard que le bill du 22
juin 1844 et ia loi du 22 juin i846 donnèrent effet légal aux
pénalités. La compétence du tribunal, juge des infractions, fut
réglée suivant la maxime. « Actor sequitur forum 1·ei n, c'està-dire le tribunal d'arrondissement du port d'attache tl.u bateau délinquant. Pour les contestations purement civiles, entre pêcheurs fran çais et anglais, les juges de paix furent déclarés compétents quelle que soit l'imp"Ortance de la àemande,
(art. 10) aôn de se rapprocher de la loi anglaise qui attribue
compétence au juge de paix du ressort du port ou aura été conduit le délinquant.
Devant le tribunal correctionnel, le ministère public ne
peut saisir le tribunal que sur la plainte du commissaire de
l'inscription maritime ou de l'agent consulaire anglais ; au
cas de désistement de la plainte, la poursuite doit cesser · La
procédure est faite sur papier libre. Les actes de procédures
sont enregistrés sans frais . (Instruc. de la régie, i 0 sept. i 841_)·
Une convention internationale du 6 mai 1.882, approuvee
par la loi du 15-17 janvier \884 règle la police de la pêche
dans la mer du Nord en dehors des eaux territoriales des parties con tractantes. Cette convention est passée entre la France,
l'Allemagne, la Belg ique, le Danemarck, la Graude-B.retagne:
il est dit en l'article 2 : « Les pêcheurs nationaux jou1ront du
droit ox.clusif do pèche dans lo rayon de 3 milles, à partir de
�'
!84
DROIT FRANÇAIS
DES MARINS ET PiCB&URS ÉTRANGERS
la laisse de hasse mer, le long de toute l'étendue des côtes de
leurs pays respectifs ainsi que des îles et des bancs qui en dépendent. Pour les baies le rayon de trois milles sera mesuré à
partir d'une ligne droite, tirée en travers de la baie, dans la
partie la plus rapprochée de l'entrée au premier point où l'ouverture n'excède pas iO milles.
M. Ortolan, dans sa Diplomatie de la Mer, explique l'utilité
d'unelégislation dérogatoire aux principes admis ordinairement
en matière de désertion, exceptionnelle quant à l'objet et
quant à la procédure . « Si, dit-il, l'on consiclère d'une part, la
nécessité de faire rentrer immédiatement à bord des navires,
les hommes qui en composent l'équipage, qui y sont indispensables pour le service, et dont la désertion pourrait même
mettre le navire hors d'état de naviguer: d'autre part, l'impossibilité de recourir au gouvernement, souvent fort éloigné; enfin, la propension à la désertion que l'amour du changement inspire, surtout en temps de paix, au matelot de toutes
les nations, on concevra que l'observation des formes ordinaires, et des lenteurs inévitables de ces formes ait dù faire
place à des mesures plus directes et plus expéditives. Tout
service serait impossible s'il en était autrement. »
Les consuls généraux, vice-consuls, agents consulaires
étrangers ont qualité, pour requérir les autorités française, de
les aidër dans la recherche et la poursuite de leurs nationaux.
C'est ainsi que dans les ports de France, les marins étrangers
sous le coup de poursuites peuvent être emprisonnés, à la ~a
mande de leur consul sur un simple billet d'écrou du comm1ssaire de l'inscriplion maritime. L'art. 9 de la convention de
' les à smvre
·
pour la renavigation Franco-Belge trace les reg
·
dTts
mise des marins déserteurs inculpés ou non de crimes,
e1
.
·
de guerre ou de commerce. Les
ou contraventions,
des navll'es
déserteurs resteront à la disposition des consuls, vice-consuls,
.
•
être gardés dans les .pri •
agents l:o nsula1res
et pourron t meme
Le présent article ne porte aucune atteinte à la circulation
reconnue aux bateaux de pêche naviguant ou surveillant dans
les eaux territoriales, à la charge pour eux de se conformer
aux règles spéciales de police édictées par les puissancas riveraines.
SECTION III
§.
1. -
MARINS ÉTRANGERS DÉSERTEURS.
La désertion des marins s'étend aussi bien de l'abandon du
bord d'un navire de guerre que d'un navire de commerce: En
France, il y a désertion lorsque le matelot n'a pas reparu pendant une durée de 3 fois 24 heures après s'être absenté sans
permission, ou bien encore si l'inscrit maritime ne r épond pas
à l'appel en cas d'armement extraordinaire sur décret spécial:
Des conditions à peu près semblables constituaient en état de
désertion les matelots étrangers, mais depuis que ]a marine a
renoncé à inscrire ceux-ci et à les envoyer au service, ils ne
peuvent plus être considérés en désertion à la suite de la publication d'un ordre de levée.
Les nations s'accordent entre elles pour différer· sans difficulté l'extradition des déserteurs de la marine: le plus souvent, les formes de cette remise sont indiquées dans les conventions consulaires, ou dans les traités de commerce ou les
conventions de navigation.
sons du pays, à la réquisition et aux frais des agents précités.
Le rapatriement par voie de terre se fera sous l'escorte de la
force publique.
Le traité passé avec la Russie, le 20 juin 1874, comprend 1es
•
.
..
•
l e trai't e' Franco-Italien du 26
memes
d1spos1t1,0ns.
De meme,
juillet 1862, confirmé efprécisé par la déclaration du 8 nov.
�f86
DROIT FRANÇAIS
DBS MA.RINS ET P~CHBURS ÉTRANGERS
t872. La loi Hollandaise sur l'extradition autorise en tout
de droit créé par la législation, ne pouvait qu'être maintenue. Aussi ces étrangers demeurent-ils astreints à la levée et
à la prestation au profit de la Caisse des Invalides. Ils peuvent
être maintenus dans la partie obligatoirement française des
bâtiments de commerce, et sont proposés pour la demi solde
lorsqu'ils réunissent l'âge el les services exigés.
A l'égard des mineurs étrangers admis à l'inscription provisoire, sous condition qu'ils deviennent français à leur majorité la situation est celle-ci : étant inscrits, ils figurent dans la
'
portion fran çaise de l'équipage, ils versent la contribution
et le temps de navigation au commerce leur sera compté pour
la pension de r etraite, si se faisant naturaliser ils complèt~nt
comme inscrits 25 ans de navigation . Optent-ils pour la nattonalité étrangère, tous les effets indiqués ci-dessus cessent à
la majorité et ces marins ne naviguent plus qu'au titre étran-
cas l'extradition des marins déserteurs. Disons, pour abréger,
que presque toutes les nations ont avec la France des conventions identiques sur ce point.
§.
JI. -
EFFETS DE L'INSCRIPTION MARITIME
On sait quels sont les avantages que procure l'inscription
maritime et qui peuvent la faire solliciter par les marins
étrangers. Parmi les plus saillants, le droit pour l'inscrit
d'occuper temporairement une portion de plage, ainsi que
pour sa veuve et ses enfants mineurs, à titre gratuit, alors
que cette occupation ne peut être exercée qu'à titre onéreux
par toutes autres personnes. - L'instruction gratuite dans
les écoles d'hydrographie, en vue de l'obtention des brevets
de capitaine au long cours, maître au cabotage. - L'admission aux hopitaux militaires si l'inscrit était embarqué au
commerce. Le droit à une pension de retraite.
En ce qui concerne ce droit, la loi du i i avril i 88i sur les
pensions dites de demi-solde contient deux articles 5 et
9, desquels il résulte que tout le personnel n'appartenant pas
à l'inscription maritime, se trouve exclu du bénéfice de la peneion de demi-solde. (Cir. l\1in. de la Mar. t8 avril i88L
Bull. off. de la mar. T, I, p. ~28.) « La caisse des Invalides sera
désormais privée de la retenue de 3/ 00 ou de la taxe imposée aux étrangers embarqués sur les bâtiments du commerce
français . >>
Dans une nouvelle circulaire, en date du 27 Oct. i 88L (Bull.
off. T . 2. p. 9~2), le ministreenvisage les difficultés qui peuvent
naître de l'application de la loi du H Avril 188L La situation
des étrangers inscrits avant la circ. du 19 Mai 1876, soit en
vertu de l'arrêté des Consuls, soit en vertu de la jurisprudence d'extension qui s'était établie , dérivaient d'un état
ger.
.
A l' égard des majeurs étrangers, il Caut considérer la situation de ceux ayant sollicité la naturalisa~ion et qui sont dans
la période d'admission au domicile. Il est clair que durant ce
' d'étranger les exclut de l'inscription .sur les
temps 1eur qual·t
1 e
matricules et qu'ils ne peuvent figurer au titre français dans
·
les équipages du pont ou de la mach'me. Mais
au J·our
. de la. naturalisation si le marin étranger continue à naviguer, il est
inscrit défi~itivemen.t s'il a rempli les r.onditions e~igées par la
loi de brumaire an IV. La pension de demi solde lm ser~ comp.
ssi le temps d embartée après 25 ans de prestation, comme au
e
quem ent au titre étranger vaudra dans le calcul du temps d
l
navigation.
.
ui ne
1er q
fois
les
dispositions
qu'on
vient
de
rappe
Toute
'
ôl d'équipermettaient plus à l'étranger que de figurer au r e
page que comme agent civil non inscrit, cuisine et.office, pro~
voq uèrent de nombreuses réclamations et elles auraient eu podu
les marins étrangers e
effet, en se protégeant, de d étourner
..
�DES MÀRINS ET PiCHEURS ÉTRANGERS
i88
DROlT FRANÇAlS
solliciter la naturalisation française. Il arrivait, en effet, que
la possibilité même d'embarquer et d'exercer leur profession
leur était retirée, leurs consuls respectifs refusant de délivrer
le permis d'embarquement sans lequel l'étranger ne pouvait
être admis sur bâtiment français.
Le traité avec l'Italie est plus favorable aux marins, les
secours sont dus non seulement en pays tiers et dans les oolonies du pays dont le navire porte le pavillon, mais dans la
métropole de ce pays même. Le principe de l'assistan~ ~st
donc admis, dans ce traité, sur tous les points du terr1to1re
national.
Pour parer à ces inconvénients, par une circulaire en date
du 8 nov. !883, M. le ministre de la marine décida que les
étrangers admis au domicile pourraient embarquer au titre
étranger sur nos bâtiments de commerce sur la simple présentation d'un permis délivré par l'autorité maritime. M. le
ministre recommande de prendre l'avis du consul étranger,
mais il fait remarquer que c'est là suivre la tradition el un
usage qui ne repose snr aucune convention internationale, et
qni ne saurait obliger l'administration de la marine.
§. III. -
ASSISTANCE .iUX MARINS ÉTRANGERS
Le droit conventionnel s'est occupé de la situation du marin délaissé, et la France a condu avec l'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie, · divers traités en vue d'assurer le rapatriement des nationaux respectifs, embarqués sous le pavillon des
nations contractantes et abandonnés sur certains points de leur
territoire.
La convention franco-anglaise, :S nov. f 879, prévoit l'assistance et le rapatriement, au cas où le délaissement aurait eu
lieu soit dans un pays tiers ou dans ses colonies, soit dans les
colonies de l'Etat dont le navire portait le pavillon. Le dénuement devra être la conséquence nat11rell.e du débarquement,
et il y aura déchéance du droit si le marin a été débarqué du
navire pour crime ou délit, s'il a déserté ou contracté une
infirmité résultant de sa propre faute .
Mêmes dispositions dans la convention franco-allemande du
rn mai f880.
i89
-
�ENSEIGNBM:INT PUBLIC ET PRIVÉ
i9i
qu'ils aient produit une autorisation de domicile. Ils sont cependant, comme les autres membres de l'enseignement, nommés par le ministre et participent aux avantages de leur fonc-
j
CHAPITRE VIII
ENSEIGNEMENT PUBLl C ET PRIVE.
, ÉQUIVALENCE DE DIPLOMES
ÉTRANGERS
Des étrangers admis à l'enseignement.
L'Etat ne peut se dé · t •
gers qui
sm eresser de la surveillance des étranse proposen t d'ouvrir
F
d'instruction . il
.
' en rance, des établissements
. est plemement dans son rôle lorsqu'il exerce
sa tutelle sur l'enseignement de l .
partient en
,
a Jeunesse. Celle-ci lui ap.
ce sens que l Etat a le droit de
du savoir comme de ,
.
se rendre compte
1 esprit des futurs citoyens Dans une
cert .
ame mesure,
il doit diriger l'un et l'autre.
.
.
Del' enseignement bl'
"
public est un f
. pu zc. - La carnere de l'enseignement
e onct10n à ce seul t't
1 re e1le n'est accessible
qu'aux Fr
.
'
ançatS ou naturalisés francais en
des droits à la retraite et d.
. '
outre, elle ouvre
15pense de certaines charges civi·
·
ques. (Art. 7, déc. 5 nov. t85L)
Une exception a été faite en f
gers chargés de l'
.
aveur des professeurs étranenseignement des langues vivantes
·
ces ét
· souvent
rangers sont admis à pro fesser dans les Lycées
,
sans
tion.
De l' mseignement privé. - L'enseignement privé, primaire et secondaire, est resté jusqu'à ce jour sous la législation du règlement arrêté en application de l'art. 78 de la loi
du i5 mars 1850. Décret du 15 novembre l850, art. i: «Pour
ouvrir et diriger une école primaire ou secondaire libre, tout
étranger admis à jouir des droits civils en France est soumis
aux mêmes obligations que les nationaux. Il devra en outre
avoir préalablement obtenu et produire une autorisation spé·
ciale du ministre de l'instruction publique accordée après
avis du Conseil supérieur.
Cette dernière condition est imposée à tout étranger appelé
à remplir, dans un établissement d'instruction primaire ou secondaire libre, une fonction de surveillance ou d'enseignement. L'autorisation accordée par le ministre , après avis du
Conseil supérieur, pourra toujours être retirée dans les mêmes
formes. » Art. 2: « Dans le cas particulier d'écoles primaires
ou d'établissements secondaires spécialement autorisés, conformément à l'article précédent et uniquement destinés à des
enfants étrangers résidant en France, des dispenses de brevet
de capacité ou de grade pourront être accordées par le ministre de !'Instruction publique après avis du Conseil Supérieur. D
Art. 3. « Le Ministre de l'instruction publique pourra, après
avoir pris l'avis du Conseil Supérieur, déclarer équivalents aux
brevets ou diplômes nalionaux exigés par la loi, tous brevets
et grades obtenus par l 'étranger des autorités scolaires de son
pays. »
Art. 4. « Pounont être également accordés par le Ministre en
Conseil Supérieur des dispenses de brevets et de grades aux
étrangers qui se seraient faits connaitre par des ouvrages
�192
DROIT FRANÇAIS
dont le mérite aurait été reconnu par le Conseil de l'instruction publique. »
Les mèsures disciplinaires sont prévues par une circ. minist.
du i7 fév. t85t qui autorise les recteurs en cas d'urgence à
suspendre provisoirement les chefs d'établissements étrangers
où des désordres graves se seraient produits.
CHAPITRE IX
I
I
I
I
ME DECINS ETRANGERS. ALIENES ET ASSISTANCE PUBLIQUE
Médecins ét rangers.
On conçoit aisément que l'Etat surveill e l'exercice de
la profession de m édecin, les nationaux français n'obtenant leurs diplôm es qu'après un temps d'études déterminé et des examens subis devant dos jurys dont la co::nposition est une g arantie, il n'est que juste d'exiger de l'étranger, qui veut exercer l'art de la médecine en France, des
1
. l.
preuves de capaçité.
S'il existe d'illustres médeci ns dans les diverses nations
d'Europe el d'Amérique, il s'en faut cependant que les études
méèicales présentent par tout les mêmes garanties qu'en
France . Aussi l'équivalence des diplômes est-elle repoussée en
principe. Ce pendant la loi du 19 ventôse, an XI, art . 4 décide
que : « Le Gouvernement pourra, s'il le juge convenable, accorder à un médecin ou à un chirurgien étranger et gradué
dans les universités étran gères , le droit d'exercer la médecine ou la chirurg ie sur lo territoire du royaume. »
Sur cette loi, voici comment s'exprime .M. le docteur L. Le·
fort qui fut chargé par la Faculté de Medecine de faire un
13
�MÉDRCINS ÉTRANGERS. ALIÉNÉS F.T ASSISTANCE PUBLIQUE
194
195
DROIT FRAN ÇAIS
rapport sur la valeur des titres m édicaux délivrés à l'Etranger 1 : " L'organisation actuelle de la médecine dans plusieurs
Etats de l'Europe rendrait dangereuse l'application stricte de
la loi prise dans la lettre et non dans son esprit,puisqu'elle donnerait au gouv ernement la faculté de concéder le droit de pratiquer en France à des grndu~s d'Universités étrangères,
n'ayant pas le droit de p ratiquer la m édecine même dans le
pays auquel appartient l'université qui leur a conféra le titre. » (Belgique, Allemagne, Hollande , Suisse allemande).
D'après M. L. Lefort, le Gouvernement français aurait parfois cédé à des sollicitatio us instantes de la part des ambassadeurs de certaines Puissances et admis quelques protégés, à
l' exercice de la m édecine en France.
Le titre de docteur en médecine, dont se parent certains
praticiens, peut induire en erreur le malade et l' auteur q ue
nous citions ajoute qu'il serait souhaitable que la loi français e inlerdît de prendre publiquement et dans l'exercice de
la profession médicale le titre de docteur, toutes les fo is qu e
2
ce titre n'a pas été obtenu devant une Faculté française • "
1 " Elude sur l'organisation de la médecine en France et à l'étranger. »
Doc. Léon Lefort, Paris, Germer Baillère, i 814.
• Tl nous paralt intéressant de rapporter ici le passage suivant de l'ouvrage
de M. Lefort. u Les titres donnant droit à l'exercice légal et pouvant être
acceptés par la Faculté Je Médecine, comme équivalent de nos quatre années
L'antre texte sur la mati ère ne comprend que quelques
dispositions sur les frais de diplômes, c'est un décret du 22
août 1854, art. 5 : " Les gradués des Universités étrang~res
ne peuvent jouir du bénéfice de la décision qui déclarerait
leurs grades équival ents aux grades français corresponda nts,
sans avoir acquitté intégralemen t, au compte du service spécial des Etablissements d'enseignement supérieur, les frais
d'i nscription, d'examen, de cerlificat d'aptitude et de diplôme
qu 'auraient payés les nationaux art. 6 : » Des remises ou
modérations de ces droits peuvent êlre accord~ Ps aux gradués
étrangers.
Signalons enfin une convention franco-belge du 12 janvier
1881, aux termes de laquelle sont admis réciproquement à
l'exercice de leur art, les m édecins, ch irmgiens, accoucheurs,
sages-femmes, vétérinaires dans les communes frontières des
deu x Etats.
Les personnes ci-dessus autoriséos devront se conformer à
la législation en' vig ueur dans le pays où elles feront usage
de l'auto risation.
Les médecins, chirurgiens, accoucheurs figurant sur les listes échangées annuellement par les deux Etats pourront aussi
délivrer des remèdes dans les communes limitrophes, si déjà
ils sont autorisés à en délivrer dans leur propre pays et s'il n 'y
réside aucun pharmacien.
d'étude, sont :
Pour la Btlgique, le docteur Mgal, litre obtenu devant les jurys combinés.
Pour la Hollande, le titre de docteur des Univer sités de Leyde, Utrect,
Grooingen, accompagné du dipl ôme co nféré par l'exameo d'Elat et le litre
de Arts.
Pour lo. Ba vière, le titre de docteur des Universités de Wurtzbourg, Erlan·
ger , Munich .
Pour I'Em pire d'Allemo.gne, (sauf la Bavière), le Litre d'Artz , donné par
l'examen d'Elnt.
Pour l' Aufdçhe, le titre des Uoiversilé&de Vienne, Prague, Gratz, Inepruck,
Cracovie.
Pour te Danemarck, les litres de candidat et docteur en médecine.
Pour lt Portugal, lea titres de docteur de l'Université de Cotmbre el celui
de médecin-chirurgien J es écoles de Lisbon ne et Porto.
Pour t'Espag,.e, le titre de docteur.
Pour J' Italie, le litre de docteur.
Pour la Suisse, le titre donné par l'examen d'Etat devant les facultés de
}jerne, Juricb, Dâle , (mais oon le simpl e titre de docteur donoé par ces
Universités).
Russie, les titres de médecins (lickar) et de docteur.
Bré$il, le titre de docteur.
�f.96
DROIT FRANÇAIS
MÉDECINS ÉTRANGERS. ALIÉNÉS ET ASSISTANCE PUBLIQUE
Aliénés étrangers .
On a d'ailleurs constatiS que les sacrifices des deux Etats
s'équilibraient presque, puisque le nombre des Suis~es en
France et des Français en Suisse est à peu près égal, 52000
contre 53000.
E nf ants-assistés étrangers. - Celte matière est régie principalement par des traditions de bureaux et des circulaires ministérielles.
Jusqu'ici il n'existe point de législation sp éciale concernant les étrangers infirmes et nécessiteux qni peuvent se
trouver sur le territoire français. Ils sont en cas d'urgence
recueillis dans les hôpitaux comme les nationaux.
A l'égard des aliénés, quelques Etats rapatrient leurs nationaux et indemnisent le Gouvernement français des frais
de maladie et de traitem~nt, ainsi font la Russie, le Luxembourg, la Suisse: l'Autriche paie, si les familles peuven t rembourser les frais au gouvernement autrichien.
· Le duché de Bade paie la somme de i fr. 60 par jour pendant trois mois et rapatrie pendant ce délai.
L'Allemagne rapatrie ses malades frappés d'aliénation mentale, mais elle ne paie point les frais de traitement 1 •
Toutefois la demande en rapatriement des suj ets allemands
doit être accompagnée d'un bulletin médical détaillé,
spécifiant l'état mental de l'individu et le traitement suivi.
C'est qu 'en ce cas, l'adminislration allemande fait diriger
ses nationaux sur des établissements particuliers affectés au
traitement des différ entes formes de l'aliénation mentale (lnstruct. minis. du i6 mars 1881.)
D'ailleurs une entente diplomatique intervient souvent à
propos des sujets étrangers signalés à leurs gouvernements
respectifs.
Lorsqu'un en fant né de parents étrangers est abandonné en
France, le Pr éfet du Département où l'abandon s'est produit, adresse au m inistre de l'intérieur une demande en rapatriement qui est ensuite transmise par le ministre des affaires
étrangères, au représentant du gouvernement du pays auquel l'enfant appartient.
Ces demandes en rapatriement sont presque toujours accueillies favorablement.
Le principe est celui de la réciprocité d'usages et d'accords,
pour le paiement des frais ou la gratuité.
D'après un traité franco -suisse du 27 septembre t882, promulgué le 7 août 1883, il est dit que les enfants abandonnés
et les aliénés indigents seront traités comme les nationaux
dans chaque Etat, jusqu'à ce que leur rapatriement puisse
s'opérer sans danger.
t
i 97
Journal de Dr. intem. privé, t876, p. 17.
1,
�1
RAPPORT DE L'ÉTllANGER AVEC LA COMMUN!!
199
nées la jurispruden ce excluait l'étranger el parmi de nombreux
arrêts, on peut citer celui de la Cour de Colmar du 20 janvier
t84L Cet arrêt excluait même l'étranger domicilié conrortnément à l'art. f 3 du C. Civil. Mais des décisions multiples,
considérant la lettre du C. Forestier , admettaient également
CHAPITRE X
1
RAPPORT DE L ÉTRANGER AVl!:C LA
comrn.tŒ
Cette matière se rattache plutôt à la condition civile de
l'étranger, puisque l'autonomie de la Commune n'est pas
telle qu'il en découle une législation originale et particulière,
distincte en certains cas du Droit Civil des Français. On ne signalera donc les principaux traits de la matière que pour
préciser une situation qui n'est pas id.;ntique dans plusieurs
Etats étrangers.
Affouage. - Antérieurement à 1874 la raison de douter de
l'admissibilité de l'étranger au partage de l'affouage provenait: f 0 des termes de l'art. 1, sect. i, de la loi du iO juin
f793, reproduits comme suit par le C. Civil, art. M2: " Les
biens communaux sont ceux à la propriété ou au produit desquels les habitants d'une ou plusieurs communes ont un droit
acquis. » 2• de la définition de l'b&hitant, art. 3, sect. 8, de
la loi du iO juin 1793: u Sera réputé habitant tout citoyen
francais
· ·11·'e dans la commune. » 3° de ce que Io Code
. do m1c1
Forestier n'introduisait aucune définition nouvelle de l'habitant, bien qu'il s'exprima ainsi, art. 105: «S'il n'y a titre ou
usage ,contrai.re, le partage des bois d'affouage 11e fera par
feu, c est-à-dire par chef de famille ou de maison ayant domicile réel et fixe dans la commune. » Partant de ces don-
l'étran ger au partage ùcs coupes aŒouagères.
La loi du 25 juin 1.874 a tranché la difficulté, elle forme aujourd'hui le nouvel article i05 du C. Forestier ainsi rédigé :
« S'il n'y a titre ou usage contraire, le partage des bois d'affouage se fera par feu, c'est-à-dire par chef de famille ou de
maison ayant domicile réel et fixe dans la commune. L'étranger qui remplira ces condition'> ne pourra être appelé au partage qu'après avoir été autorisé conform ém ent à l'art. 1.3 du
Code Civil à établir son domicile en France. » Ce nouveau
texte fut décid ~ principalement pour donner satisfaction aux
plaintes de quelques communes frontières qui se plaignaient
d'être envahies par des sujets étrangers qui venaient profiter
de la richesse forestière 1 • La loi nouvelle ne nous parait pas
heureusement conçue: en effet, l'autorisation de domicile
dans la doctrine el la j urisprudence actuelle n'étant pas nécessaire à l'étranger pour qu'il jouisse des droits civils, la rédaetion du texte trouble une théorie désormais définitiv e. En
outre, l'instruction d'une demande d'autorisation de domicile
est confiée aux m aires des communes et ceux-ci sont int éressés à lui donner un s~ns défavorable.
Lots vacants. - La règle indiquée par la loi précitée parait
devoir s'étendre aux autres jouissances communal es. C'est, au
moins, la doctrine émise par le Comité Consultatif qui inspira la publicalion intitul ée: « l'Ecole des communes 1> en ce
1
qui concerne l'attribution des lots de pâturages vacants •
1
V. Rapport de M. Maierau. Annexe de la séance du 24 mars t874. io
J. Officiel, du <\ mai 1874.
' V. «Ecole des Communes, » l.871, p. L08-i09.
�200
DROIT FRANÇAIS
Dépaissance, paccage, usufruit d'une carrière communale
etc., etc. - Nous n'avons pas trouvé de décisions récentes su;
~es matières, mais nous pensons que l'étranger ne saurait
etre
, exclus
. .de ces divers droils , qui • en de'fin1·t1've , n'·lmpl'1quent
qn une JOtnssance de bieus : le délai de do m1c1
. ·1e communal
nous paraît ~a seule co11dition nécessaire à remplir . La loi de
i 87 4 dont ~ous réprouvons le système, qui constitue presque
une. exception, ne doit en tout cas pas être étendue pa r ana1ogie.
POSITIONS
DROIT RmtAIN
1. -
La Constitution de Caracalla ne s'appliquait qu'aux
ingénus.
II. - Le nudum pactum engendre une obligation naturelle.
III. - Les chy1·ographa des pérégrins n'engendre.n t pas
l'obligation litteris et n'étaient que des écrits probatoires.
DROIT CIVIL
1. - L'étranger non admis au domicile jouit de tous les
droits civils qui ne lui sont pas expressément déniés par un
texte.
Il. -
Le mariage contracté à l'étranger par un Français
n'est pas nul pour défaut de publication en France.
lII. - La femme à la dissolution de la communauté exerce
ses reprises à titre de propriétaire et non de créancière.
IV. - Lorsqu'un testateur exhér ède un certain nombre
d'héritiers naturels, les autr es héritiers viendront ab intestat
recueillir la portion devenue libre, et non pas par l'effet du
testament.
�202
203
POSITIONS
POSITIOMS
Il. _ Une libéralité ne devant sortir à effet qu'autant que
HISTOIRE DU DROIT
l'établissement auquel elle est faite sera reconnue d'utilité publique n'est pas valable.
1. - Les antrustions étaient des individus rattachés à lapersonne royale par une recommandation immédiate.
II. - Sous le régime féodal le droit public n'existe pas
comme droit distinct et se confond avec le droit privé.
Vu par nous président de la Thèse :
A.
Vu par le doyen de la Faculté:
AL1'RED JouRDAN.
DROIT CRIMINEL
Vu et permis <!imprimer:
1. - L'action civile se prescrit par le même délai que l'action publique.
II. - L'étranger qui a été jugé dans son pays pour un
crime qu'il a commis en France peut être poursuivi devant les
tribunaux français s'il revient en France.
ECONOJ\fIE POLITIQUE
1. - L'effet protecteur d'un droit d'entrée ne peut être efficace qu'autant que le prix, du produit à protéger, se rapproche très-sensiblement de la marchandise étrangère concurrente, sinon ce n'est plus un droit protecteur mais un droit
fiscal.
li. - La consommation règle la production, mais ne l'alimente pas.
DROIT ADMINISTRATil.1'
l. - Un conseil de préfecture saisi d'une demande d'expertise dans une question de dommages, suite de travaux publics ,
peut se refuser à l'expertise qui lui serait formellement demandée.
GAUTIER .
Le Recteur:
BELIN.
�TABLE DES MATIÈRES
DROIT ROMAIN
Pageo.
CRAPITRE I. - Généralités historiques • • • , ,
Du jus gentium • . . . , • . . . • •
CHAPITRE II. - Premiers rapports extérieurs de Rome.
Classification des pérégrins
••
Latini veteres • •
Latini colonarii. • • • . • .
Populi socii • . • • • • . .
CHAPITRE III. - Caractère juridique du pérégri11us .
Droits de famille du pérégrin . . . . . . •
CHAPITRE IV. - Pretor peregrinus. - En donnant le droit d'action, il fonda la capaeité juridique • • . • •
Droil de propriété du Pérégr in en matière de res mancipi .•
«
«
immobilières .
«
«
res nec man cipi.
«
"
successorales .
Droit du pérégrin en matière d'obligatio ns , • • • • . .
CHAPITRE V. - Droit d'action du pé1'égrin. - Jurid iction du préteur. - Jutlex. - H.ecuperatores. - Jus dicendi.
- Jus edicendi • • . . • . . . • • . • • • .
CHAPITRE VI - Effet de la Constitution de Caracalla à l'égard des
pérégrins • • • . • . . • . , . • . • • • . .
i
3
7
8
8
9
H
i3
15
17
18
20
22
23
24
26
29
DROIT FRANÇAIS
CHAPITRE I. - Garantie de la liberté individuelle de L'étranger e1~
France . . . . · • • · • • • • · · • · • · ·
31
PREM l ~RE PARTIE
E:s:tradUion d e l'étranger.
SECTION l
§
1.
Lée;islalion positive et jurisprudence . • •
Notions générales •
• • •
• • • •
Des traités . • • , • • . • · • • • • • •
31
31
32
�206
§ II. Arrestation de l'ét ran ger réclamé . •
Conslalalion d'idenlité du sujet réclamé .
Conrluile de l'estradé . • . • . • . • • .
•
Autorités intervenant dans la procédure d'extradition •
33
39
39
SECTION Ill
101
Des personnes passibles d1 ex pulsion .
a ) Étrangers non domiciliés' .•
b) Étrangers dom ici! iés . . • . • • .
§ 1.
39
SECTION Il
iOi
104
SECTION I V
Situation de l'étranger devant l'auloritë judiciaire après
sa remise au gouvernemeGt frauçais . • . . . . . .
§ I. Incompétence des tribunaux pour discuter le mérite de
l'extradition . • . . . . • . • . • .
• • • .
Objet du jugement ; des délits réservés • • • . • . , •
40
40
42
SECTION Ill
Extradition en matière de crimes el délits politiques. .
~ I. Ce qu'on doit entendre par crime ou délit politique . •
Le régicide est-il crime commun ? - Législation comparée . . • • • • . . • • • • • • , .
§ II. Connexité dt: délit commun . • • . . • .
§ Ill. L'Etat requis apprécie la nature du délit.
46
46
D'un e police internationale des étrangers - proj et de
109
loi . • • . . . • · · · · • • · • · •
116
CBAPlTRE Il. - Droit des étrangers d'ester en justice •
124
CHAPITRE Ill. - Les étrangers et les cultes. . . . • .
124
§ I.
Restriction à la_liberl é_d~s cul1cs . : • . .
131
§ II. Étrangers admis au mrn1stère ecclésiastir1ue
CHAPITRE
134
IV - · • · • • · • · · · - · · • · . . • '
SECTION
Naluralisalion des étrnngers dans ses rapports avec les
lois de rec rutement militaire el les règlements d'admission aux écoles du gouvernement . • . • . · 134
49
52
54
SECTION IV
SECTION 11
Examen théorique de l'Exlradi tio n .•
58
Condition de l'étran ger au point de vu e pénal .•
~ I·
58
§ II. Fondement et légitimité de l'extradition . • . .
58
§ III. L'extradition est indépendante des traités . • • • • •
65
§ IV. Des circonstances de lieu qui plal)ent l'étran ger sous
le coup de la répression • • • . • . • . • . • .
66
§ V. De l'idée de réci procité daos les traités rl'extradilion . 67
§ VI. Des délits exceptés lors de la remise du sujet ré - .
clamé . • • . . . • • • • . • • . . . . • . •
70
§ VII. De la Prescription . . . . • • . . . . • . . . • .
72
§ VIII. De la substitution du régime de la loi à Pacte gouvernemental . . . . • . • .
73
§ IX. Législation c~mparée . • • . . • . • •• • .• •• 74 bis
DEUXIBMI!: P ARTIB
Expulsion des Étrangers.
144
Algérie. - Naluralisation .
CHAPITRE V. -
i46
154
i 55
Des impôts.
a ) Direcls. . •
b) Indirects . •
CHAPITRE VI. - Des ambassadeurs. -
Agents diplomatiques. Consuls . • . . · • • · • ·
CHAPITRE VII. - Marins et p~cheurs étrangers · . . .
.....
163
1i2
Sl!CTION I
Industrie du transport maritime.
Louage de services. · • • • · •
a) Capilaines étrangers . .• • ·
b) Matelots • • • • · · • • • • • : '. · . • · • , · ·
§ Ill. Considérations économiques sur la hm1tallon de 1embarquement des étran gers.
· · · · · · · ·
§ I.
§ li.
172
173
173
174.
176
SECTION Il
SECTION l
§ I.
§ li.
207
TABLE DES MATIÈRES
TABLB DES MATIÈRBS
Caractère de l'expul sion . • •
De l'inlerdiclion du territoire .
179
76
79
Pêcheurs ét rangers. · ·
a) Pêche au corail . · · · ·
b) Pêche intorualionale. · ·
85
94
Marins étrange rs el déserteurs. · · · · · · · · ' '
ElTets de l'inscriplion marit ime à l'égard de l'étran- 186
'
ger. . . . . . . . . . . . . . . . '
188
SECTION Il
181
182
SECTION Ill
§ 1.
Législation sur les étrangers depuis la Révolution jusqu 'à la loi du 3 Déc. 1849 . . • , . • . • • . • .
§ II. Loi du 3 Déc. 1849 . .
~ III. Législation comparée. • • ,
. ..
98
§ l.
§ li.
§ Ill. AssisLance aux n1arins étrangers.
184
.. . .
, , ' , , ,
�!08
TAllLE DES MATIÈRES
CHAPITRE VIII. - E11seig11ement public et privé.
190
190
Équivalence des diplômes étrangers .
CHAPITRE IX. - Médecins étrangers , • • • . • • •
Aliénés el assislaoce publique . . . • .
i93
196
CHAPITRE X. - Rapports de l'étranger avec la commune .
POSITIONS • . • . . • , . . • . . . • • • . . • •
198
201
Imprimerie de DESTENA Y, Sainl-Amand (Cher}.
�
Dublin Core
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Title
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Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Aperçu sur la condition des étrangers à Rome, et condition de l'étranger sous le droit public français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit civil
Droit romain
Droit public
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Garnot, Xavier
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-140
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Arthur Rousseau (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1885
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/241244676
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-140_Garnot_Etrangers_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol
208 p.
In-8
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/428
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1884-1885
La première partie de cette thèse étudie le statut juridique des étrangers durant l’antiquité romaine. Elle explique l’évolution du Droit romain des étrangers ou ius gentium (littéralement : droit des gens ou plutôt droit des nations selon l’auteur). Elle est fonction de plusieurs facteurs qui sont : la croissance économique et les transactions commerciales mais aussi les campagnes militaires, qui amènent les romains à interagir davantage avec les autres peuples italiens et les autres pays voisins.
De plus, l’auteur retrace l’évolution institutionnelle en la matière et rapporte la création, tout comme l’œuvre, du pretor peregrinus : magistrat romain en charge du droit des étrangers. Selon cette étude, le principal effet de cette institutionnalisation progressive est la portée de la constitution de Caracalla à l’égard des pérégrins (étrangers) qui consiste à étendre le droit de cité ou ius civuitas (droit applicable aux citoyens inscrits dans les tribus de la ville de Rome) à tous les citoyens de l’empire. Cette mesure est considérée par l’auteur comme purement politique et à finalité fiscale.
La seconde partie aborde également le droit des étrangers mais dans un contexte différent, car l’époque est contemporaine à celle de l’auteur : le XIXe siècle. Il questionne le droit français de son époque sur certains droits des personnes étrangères qui ont trouvé réponse aujourd'hui, mais qui peuvent toujours être appelés à évoluer comme la garantie des libertés individuelles des étrangers, leur droit d’ester en justice, leur naturalisation, ou leur système d’imposition. Il s’est aussi posé des questions originales, de son temps, comme les étrangers face au droit des cultes, et de la rigueur du Concordat de 1801 face à l’accès aux fonctions ecclésiales pour ceux-ci.
Résumé Liantsoa Noronavalona
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
Tous les aspects du droit des étrangers : de la liberté individuelle à la naturalisation, des impôts aux droits au niveau communal, sans oublier l'équivalence des diplômes et le droit des travailleurs étrangers, marins, pêcheurs ou médecins
Étrangers (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Étrangers (droit) -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques