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Décédé en 1783, Michel Darluc ne verra jamais de son vivant la publication du troisième et dernier tome de son Histoire naturelle de la Provence commencée dix ans plus tôt (1782-1786), œuvre imposante en trois volumes (d'abord éditée avec les deux premiers volumes) qui le fera connaître et lui vaudra la réputation d'avoir écrit la première avifaune régionale française (ensemble des oiseaux d'une région). Devenu aveugle, c'est son ami Gibelin qui reprendra et publiera en 1786 son dernier manuscrit (1).

Darluc, originaire de Fréjus, a toujours voué une passion pour les sciences naturelles : après l'étude de la médecine à Barcelone pendant une dizaine d'années, il s'installe à Aix-en-Provence pour étudier l'anatomie et la botanique sous l'illustre direction de Joseph Lieutaud, médecin de Louis XVI. Après un séjour à Paris pour apprendre la chimie, il revient à Caillan (Var) exercer la médecine. Ses succès lui valent l'intérêt de M. de Monclar, Procureur Général du Parlement, ce qui lui vaudra le brevet de survivance de professeur de botanique à l'université d'Aix, brevet en date du 30 mars 1770, suite au décès du titulaire (2), ville dont il créera le jardin botanique en 1776 et qui s'étendait sur une partie du cours St-Louis (bien antérieur, celui de Marseille fut créé dès le 15ème siècle par le Roy René, un parc de près de 2 hectares situé près de l’Abbaye Saint-Victor).

Suivant un parcours d'Ouest en Est, de la Camargue au Comté de Nice, M. Barluc expose ses observations en reprenant la division des diocèses "faite par la nature elle-même". L'intérêt de son ouvrage, hélas dépourvu de toute illustration, dépasse de loin cette dernière considération sur la création et la reprise d'ouvrages antérieurs comme celui de Grosson sur la minéralogie marseillaise : en rupture avec nombre de ses prédécesseurs, il insiste au contraire sur l'importance de l'étude réelle sur le terrain et affirme dans la préface du premier volume à propos de la nature : "tâchons au moins de la bien observer". Il s'attache donc à une description précise des espèces (le vorace chien de mer a une peau sans écaille, dure et épaisse, donc sûrement proche de la famille des squales), même s'il suit les classifications de l'époque : ne nous étonnons donc pas de rencontrer des poissons thoraciques ou abdominaux, dont il n'oublie jamais de donner les noms provençaux.

Si M. Darluc consacre ses loisirs à la poésie, il n'est pas qu'un esthète : son amour de la nature ne lui fait pas perdre son regard de médecin et de botaniste et ce qu'elle apporte à l'homme. Plus surprenant et toujours d'actualité lorsqu'il fait état de l'impact que l'activité humaine peut avoir sur la nature : par ex., les pêcheurs, qui vivaient bien autrefois, se désolent de la raréfaction des poissons. Selon le R.P. Menc, cité par Darluc, il y aurait trois causes possibles à ce phénomène :

- dans la mer, on y vide les fosses d'aisance et autres immondices, les rejets des fabriques et des manufactures et même les lests des vaisseaux, bref, tout ce qui fait fuir les poissons et tue leurs œufs
- l'évolution du Rhône, avant un seul cours profond et puissant, devenu un delta de quatre ou cinq bras qui s'envasent et qui ne charrient plus de nombreux éléments utiles à certaines espèces, notamment voyageuses (migratrices)
- les multiples infractions des pêcheurs aux ordonnances qui réglementent la pêche, comme l'utilisation de ces filets trainants (il en recense une dizaine de modèles aux mailles trop serrées) qui labourent le fond et enlèvent le fray (fraie) en détruisant les espèces, l'exacte définition des sennes (ou seines). Quelle étrange dépopulation n'en résulte-t-il pas ? Nous sommes au 18e siècle...

Alain Collomp - Un médecin des Lumières : Michel Darluc, naturaliste provençal (PUR, 2011)

Comme l'écrit Alain Collomp dans son ouvrage "Il ne traite pas seulement des plantes, son domaine professionnel puisqu'il était professeur de botanique à l'université d'Aix, mais aussi des animaux, surtout des oiseaux, et des minéraux et fossiles. Mais ce qui fait l'originalité de son Histoire naturelle, c'est la place importante accordée à l'homme, ses moeurs, ses pratiques agricoles, sa manière d'exploiter les mines, sa santé. Les descriptions contenues dans les trois volumes reposent sur l'observation directe de l'ensemble du territoire provençal que Darluc a pris la peine de visiter pour rédiger son ouvrage. En résulte un tableau très vivant et riche de renseignements de la Provence du XVIIIe siècle" (3).

La numérisation de ce troisième et dernier volume publié à titre posthume a été réalisée à partir de l'édition originale de 1786 et vient compléter les vols 1 & 2 consultables en ligne sur Gallica (4).

1. Michel Darluc - Source : Wikipédia
2. Alain Collomp. - Un médecin des Lumières, Chapitre V. Le règne végétal, pp. 77-114 - Source : OpenEdition books
3. Alain Collomp. - Un médecin des Lumières : Michel Darluc, naturaliste provençal. - Presses universitaires de Rennes, 2011. Disponibilité de l'ouvrage dans les BU d'AMU et acccès en ligne sur le site OpenEdition Books
4. Darluc M. - Histoire naturelle de la Provence, Tomes 1 & , 1782-1784. - Gallica
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1786]]> fre]]> Provence. 18..]]>