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TRAITÉ
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DE LA LOI DD 28 MAI 1838
PAR J. BÉDARRIDE
Avocat près la Cour d’appel d’Aix, ancien Bâtonnier
Membre correspondant de l’Académie de Législation de Toulouse
Chevalier de la Légion d’Honneur
CINQUIEME EDITION
Revue et mise au courant de la doctrine et de la jurisprudence"" ' —>
TOME PREMIER
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PARIS
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PREFACE
Les graves perturbations que les faillites impriment
aux affaires, les nombreux intérêts qu’elles compromet
tent , les fraudes multipliées dont elles peuvent devenir
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,
l’occasion , devaient vivement préoccuper le législateur
et sollicitaient toute son attention.
Une'chose digne de remarque c’est le caractère qu’on
a, de tout temps, attaché à un événement que les dangers et les chances du commerce rendaient presque in
évitable. JSegotia mercalorum , disait Casaregis, sunt
magis periculosa, quia mercatores sunt semper in proximo periculo decoquendi, et hodie sunt solvendo, cras
vero non l.
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Comment se fait-il donc que la réalisation d’un ac
cident si facile à prévoir ait pu inspirer des sentiments
tels que, d’une part, oh écrivît cet axiome : ’fallitus ergo
fraudalor, que, de l’a u tre , on enseignât comme règle
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II
de droit : decoctus semper dolosus prœsumitur in ju d icio civiliydonec contrarium probetur l.
C’est que de tout temps la faillite a pu donner lieu
aux plus odieuses spéculations ; que l’avidité et la dé
loyauté n’y ont vu qu’un moyen de s’enrichir au détri
ment du public ; que la probité la plus exemplaire, jus
que là , n’a pas su persister devant l’avenir de misères
en présence duquel elle se trouvait violemment jetée ;
c’est enfin que des sollicitations intéressées, ou des sen
timents honorables dans leur source habilement exploi
tés , dissimulaient aux yeux de la conscience la gravité
des actes qu’ils déterminaient.
Ces fraudes et ces ruses compromettant le sort des
créanciers de bonne fo i, étaient un immense danger
pour le commerce. L’altération de la confiance, la res
triction du crédit qui devaient en naître pouvaient, si
non tarir , du moins compromettre gravement ce pre
mier et si précieux élément de la prospérité publique.
Il fallait à tout prix conjurer ce danger ; il fallait
rassurer le commerce par une énergique et salutaire
protection , de nature sinon à prévenir absolument le
mal, au moins à l’affaiblir en en neutralisant les prin
cipaux effets.
Avec cet admirable instinct commercial qui lui avait
acquis et mérité une si haute réputation , l’Italie du
moyen-âge avait compris qu’il y avait moins à se pré1 Ansaldus, De comm., dise, 75, n° 4.
�III
occuper de la peine à infliger au banqueroutier, que du
sort des actes qui s’étaient réalisés aux approches de
la faillite, et tout est venu justifier le mérite de cette ap
préciation.
La peine infligée au failli n’était p a s , pour les cré
anciers de bonne fo i, une protection efficace. Elle ne
les défendait pas contre les tentatives de ceux qui ne
voient dans les approches de la faillite qu’un motif de
se mettre à couvert de ses conséquences ; qui par com
plaisance ou par crainte obtiennent soit une partie de
l’actif, soit des titres, ei ruinent ainsi la masse.
Comme réparation du préjudice résultant, pour les
créanciers , de la faillite, la peine était d’une complète,
d’une absolue inefficacité. Bien souvent même elle ne
faisait que l’aggraver.
Au point de vue préventif, quel pouvait être l’effet
d’une peine dont l’application n’était et ne pouvait être
qu’une exception fort rare. Sa poursuite laissée aux cré
anciers eux-mêmes excitait peu de zèle. Le souvenir de
relations anciennes , l’espoir d’en nouer de nouvelleset
plus fructueuses étaient des obstacles qu’on ne se déci
dait pas facilement à franchir.
D’ailleurs les commerçants avaient à se préoccuper
de l’avenir. Le terrible hodie sunt solvendo, cras vero
non, de Casaregis, retentit à leurs oreilles, et les porte
naturellement à l’indulgence pour ceux qui ont suc
combé à ce péril imminent qui plane sur leur propre
tête. Plus la peine était sévère , plus vives étaient leurs
�IV
répugnances à la provoquer, et ce sentiment qui faisait
prévoir l’impunité était un encouragement à la fraude.
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Qu’on consulte notre histoire et l’on verra la vérité
de nos paroles. Notre législation avait tour à tour dé
crété contre les banqueroutiers la punition corporelle,
le carcan , le pilori, la peine de mort même. Mais elle
n’avait ni diminué le nombre , ni modifié le caractère
des faillites. Témoins les désordres et les scandales que
signalait la discussion du Code de commerce de 1807.
Sans doute il est juste, il est même indispensable de
punir les atteintes à la morale et à la foi publiques.
Mais ce qui importe surtout en matière de faillites, c’est
de surveiller les actes dont elles deviennent l’occasion ;
on ne doit pas craindre de les considérer comme sus
pects puisque l’imminence de la fraude la rend vraisemblable.
C’est ce que Florence , Venise , Pise, Gênes, dont on
avait pu dire des habitants est genuensis ergo mercator,
avaient parfaitement com pris, et les conséquences de
leur législation nous sont enseignées par leurs célèbres
jurisconsultes.
Si les actes faits par le failli étaient présumés fraudu
leux, jusqu’à preuve contraire, c’est que la faillite était
assimilée à la mort civile. Marti œ quiparalur, disait
Ansaldus dans son analyse des Rotes de Florence et de
Gênes.
La faillite existait indépendamment de sa déclaration
par la justice. Ut aliguis pro decoclo habeatur, non re-
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quiritur aliqua judieis declaratio 1. Il suffisait de la
disparution du débiteur , ou de tout autre indice d’in
solvabilité.
L’incapacité du failli précédait la faillite. Si les doc
teurs italiens varient sur le nombre de jours constituant
la période suspecte , ils sont tous d’accord sur la posi
tion du failli pendant cette période. Ils disent, avec Casaregis, decoctus et proximus decoclionis in nihilo distinguuntur.
En conséquence l’un et l’autre prœsumuntur doloso
agere quo ad effectum civilem. Ils sont incapables fa cerenullum acturn et contractura; ils ne peuvent agir
même comme mandataires, quia censetur eis revocatum omne et quodcumque m a n d a tim 2.
Les actes faits contrairement à cette prohibition sont
nuis et de nul effet. Passa per proposizione indubitala
tra' dottori, che il decoclo o fa llito , o il promisso al
fallimento, non puo regolarmente fare alcun' atto, alienazione, pagamento o qualcumque altro contralto o
distratto, che sia inpregiudizio de’ suoi creditori ; e
faciendoli rimangono corne nulli ed invalidi. Poiche
si presumono fa lti con dolo e fraude de' madesimi sui
creditori3.
Ces soins donnés à l’intérêt civil n’avaient pas fait né-
i Ansaldus, dise. 5, n» 39; dise. 4, n°s 6 et 20
Casaregis, dise. 75,
n» 12.
Casaregis, ibidem, nos 1 et 4.
I 3 Casaregis, Il cambisto instruite>, cap. 1, n° 10.
�VI
gliger la peine due à la banqueroute frauduleuse. Mais
à ce point de vue de la pénalité , le sort des créanciers
était efficacement protégé ; on soumettait le banquerou
tier frauduleux à la question, investigandarum atque
explorandarum pecm iarum et rerurn gratia, cum ali
ter veritas haberi n o n p o ssitl.
Cette législation avait-elle prévenu ledol et la fraude,
extirpé les abus ? Il serait insensé de le croire, mais il
est évident qu’en privant la mauvaise foi des moyens
d’assurer la réussite de ses entreprises, elle empêchait
les tentatives d’avance condamnées à l’impuissance.
Straccha rend un témoignage précieux de son effica
cité lorsque regrettant que dans Ancône , sa patrie, on
vît se multiplier le nombre des faillis pessimmn genus
homvnum, il en attribue la cause au silence de la légis
lation , et ne propose d’autre remède que l’adoption de
celle pratiquée dans les autres cités italiennes. Ce qui
prouve mieux encore le mérite de cette législation, c’est
qu’elle a servi de type à celle des nations les plus com
merçantes : les Anglais et les Hollandais ont copié plu
sieurs de ses dispositions.
En France et pendant longtemps, le commerce se
concentra dans les foires de Champagne et de Lyon. Ces
foires qui avaient emprunté quelque chose de l’activité
commerciale des italiens, leur empruntèrent leur légis
lation quant aux actes faits aux approches de la faillite.
1 Straccha, part. 7, dise. \, n° 10,
�VII
Ainsi, tandis que le reste de la France en était réduit,
en matière de faillite, aux ordonnances de 1536, 1560
et à la déclaration de 1579 , les règlements de la con
servation de Lyon disposaient que tous transports ou
cessions des effets du failli seront nuis, s’ils ne sont faits
dix jours au moins avant la faillite publiquement connue.
L’édit de Henri IV, de mai 1609, est le premier qui,
à côté de la peine contre les banqueroutiers , ait pris
quelques précautions dans l’intérêt des créanciers, il
déclare nuis et de nul effet les transports, cessions,' ven
drions et donations de biens meubles ou immeubles faits
par les faillis à leurs enfants , héritiers ou autres leurs
amis ; il déclare complices des banqueroutiers et punit
exemplairement ceux qui se diront contre vérité cré
anciers desdits banqueroutiers, comme il arrive sou
vent par monopole et intelligences, afin d'induire les
vrais créanciers à composition et accords.
L’immortelle ordonnance de 1673 suivit ces erre
ments. Dans les quelques dispositions qu’elle renferme
sur les faillites , elle consacre la nullité des transports,
cessions , ventes et donations de meubles ou immeubles
faits en fraude des créanciers , et ordonne le rapport à
la masse des choses qui en seront l’objet ; elle déclare
que ceux qui ont aidé ou favorisé la banqueroute frau
duleuse en divertissant les effets, acceptant les trans
ports , cessions , ventes ou donations déguisés et qu’ils
sauront être en fraude des créanciers ; ou se portent cré
anciers ne l’étant p a s , ou pour plus grandes sommes
que celles qui leur étaient dues , seront punis d’une a »
�mende de quinze cents livres, et condamnés au profit
des créanciers à la restitution du double de ce qu’ils
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auront diverti ou trop demandé l.
L’ordonnance en omettant de statuer sur les paie.IV.. .
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ments faits aux approches de la faillite, laissait une lar
ge issue à la fraudé, et exposait la masse à se voir dé
pouillée au profit de quelques-uns. Ainsi les paiements
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faits dans les dix
jours, la
veille même
de la faillit
taieht valables et inattaquabless. Toubeau ne distingue
même pas entre la dette échue et celle qui ne l’était
pas. Mais la distinction était faite par Savary , ensei
gnant qu’on devait considérer comme en fraude des
créanciers les paiements même en argent faits aux ap
proches de la faillite pour dettes non échues3.
Même àTégard des transports, cessions, ventes et do
nations , l’ordonnance avait le tort de ne les placer en
aucun temps sous la présomption légale de fraude. En
n’annulant que ceux faits en fraude des créanciers,
elle laissait le litige sous l’empire du droit commun
quant à la preuve dont la difficulté assurait l’effet de
l’acte, et le rendait même inattaquable dans plusieurs
cas, puisque, au dire de Jousse, on ne devait considérer
comme faits én fraude des créanciers que les actes pas
sés sous des noms interposés , ou autrement par des
voies obliques et illégitimes4.
i Titre 11, art. 4 et 13,
S Toubeau, Inst, cons., liv. 3, tit. 12, ch. 3.
3 Parère 39.-—Conf. Jousse, sur l’art. 4, tit. 11.
11bidem.
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Enfin un dernier tort de l’ordonnance était d’avoir
maintenu la peine de mort contre les banqueroutiers
frauduleux. On avait voulu intimider le commerce , et
on n’avait réussi qu’à le rassurer. L’impunité naissait
de l’exagération de la peine qui restait une lettre morte
et sans application. C’est en tout quatre exemples qu’en
citent Toubeau, Mareschal, Savaryet Vincens, dont deux
antérieurs et deux postérieurs à l’ordonnance.
Les orateurs du conseil d’Etat nous enseignent, en
1807, ce qui était résulté de cette législation. Ils signa
lent tous les désordres et les scandales qui, depuis bien
longtemps , excitaient les plus vives, les plus justes ré
clamations.
Les abus qu’il fallait corriger indiquaient la nature
du remède qu’il convenait d’y apporter. Tout doit être
égal entre les victimes d’une même catastrophe. C’est
cette égalité que le Code de commerce voulut assurer.
Les articles 4421 et suivants étaient un progrès et
comblaient une lacune fort regrettable. Mais ils en com
mettaient une autre qui laissait leurs dispositions sans
sanction réelle. Les paiements et actes faits dans les dix >
jours n’étaient annulés que s’ils avaient été faits en
fraude des créanciers. Or rien n’indiquait à quelle con
dition on devait reconnaître et admettre l’existence de
cette fraude.
A ce premier oubli s’en joignait un plus capital en
core. On c ’avait rien statué sur ces traités particuliers
véritable lèpre des faillites , à Taide desquels on violait
�X
audacieusement le principe d’égalité, et qui aboutis
saient à ce résultat doublement inique : de forcer les
créanciers de bonne foi à se contenter d’un dividende
insignifiant ; de rendre bien souvent le paiement de ce
dividende impossible par les charges occultes dont ils
grevaient l’actif.
Au point de vue de la répression , le Code de com
merce n’avait pas fait tout ce qu’il pouvait et devait fai
re. Sans doute on avait sagement agi en substituant les
travaux forcés à temps à la peine de mort ; en inscri
vant dans la loi le délit de banqueroute simple qui per
mettait d’atteindre l’imprudence et la faute poussées jus
qu’à de certaines limites ; plus sagement encore, l’arti
cle 597 avait-il déclaré complices du failli et passibles
de la même peine ceux qui seraient convaincus de s’être
entendus avec lui pour recéler ou soustraire tout ou
partie de son actif, ou d’avoir acquis sur lui des créan
ces fausses qu’ils auraient persévéré à faire valoir dans
les vérification et affirmation. On fermait ainsi la porte
à de dangereuses et coupables complaisances. On facili
tait, par la proportionnalité de la peine, la poursuite et
la répression des coupables.
Mais l’obligation imposée à la masse de supporter les
frais en cas de condamnation neutralisait ce précieux
avantage. Les commerçants ne sont que trop portés à
ne voir dans les faillites qu’un accident à peu près in
évitable et qu’ils font entrer dans leurs prévisions. Nous
nous estimons heureux , me disait une maison honora
ble, lorsque dans l’année elles n ’ont pas dépassé certain
chiffre,
�XI
De là, la répugnance à poursuivre, et l’indifférence à
seconder les efforts-du ministère public intervenant d’of
fice. Or, le Code loin de combattre ces sentiments les
encourageait en intéressant la masse à l’acquittement.
Aussi les poursuites d’office étaient-elles devenues fort
rares, parce que d’avance on pouvait en prévoir les ré
sultats négatifs.
Les dispositions du commerce entraient donc pour
beaucoup dans l’inefficacité du Code de 1807. Il fallait
donc les modifier, et c’est ce que depuis longtemps ré
clamaient les tribunaux et chambres de commerce.
La loi de 1838 accueillit et consacra ces réclama
tions. Sa tâche était naturellement indiquée. Elle devait
remplir les lacunes, rectifier les imperfections que la
pratique avait fait découvrir et signalait dans l’œuvre du
précédent législateur.
Sa théorie sur les actes et paiements faits aux appro
ches de la faillite est plus rationnelle et surtout plus
efficace pour la masse que celle du Code de 1807. En
faisant résulter la fraude de la connaissance de la cessa
tion de paiements, elle proclame un principe salutaire
et dont l’exactitude ne peut être contestée.
Comment, en effet, celui qui connaissant la faillite
du débiteur provoque ou s’associe à des actes qui ab
sorbent ou diminuent l’actif, pourrait-il exciper de sa
bonne foi, prétendre avoir ignoré le préjudice qui devait
en résulter pour la masse ? Si l’évidence de ce préjudice
ne l’a pas arrêté , il a sciemment et réellement agi en
fraude des droits de cette masse. Lui arracher un profit
�XII
qu’il s’est ainsi illégitimement ménagé devient nonseulement un droit mais encore un devoir.
L’avance par l’Etat des frais des premières opérations
de la faillite met un terme aux inconvénients et aux lon
gueurs qui naissaient de l’impossibilité d’y pourvoir.
Elle enlève au failli l’immunité qu’il se ménageait par
la profondeur de sa ruine réelle ou apparente.
La clôture de la faillite par insuffisance de l’actif cou
ronne heureusement l’œuvre. On ne verra plus la fail
lite rester éternellement en suspend, sans autre résultat
que celui de permettre au failli de vivre à l’abri des
poursuites individuelles et de la contrainte par corps
dont le jugement déclaratif l’avait exonéré. La clôture
de la faillite restituant aux créanciers leurs droits et leurs
actions fait un devoir aux commerçants de s’efforcer de
la prévenir, et par conséquent de s’arrêter avant d’avoir
dissipé leurs dernières ressources.
Les dispositions des articles 597 et 598 mettent un
terme à la plaie des arrangements particuliers. Elles sa
tisfont à la morale et à la justice. Elles assurent autant
que possible la sincérité des délibérations,et du concor
dat qui peut en résulter.
Le législateur de 1838 n’a pas failli à ce que l’intérêt
social exigeait.
L’intervention du ministère public à l’inventaire, son
droit de requérir à toute époque communication des ac
tes, livres et papiers de la faillite, sont un contrôle utile
des rapports que les syndics doivent lui adresser, et un
�un
obstacle à des complaisances qui venaient soustraire le
failli à la peine qu’il méritait.
Une mesure non moins efficace au point de vue ré
pressif est celle consacrée par les articles 588 et 592. En
mettant les frais de poursuite à la charge du trésor pu
blic , en cas de condamnation , on a rendu l’acquitte
ment sans intérêt pour la masse, qui n’a plus de motif
pour taire ou déguiser la vérité.
Plus de trente ans se sont écoulés depuis la promul
gation de la loi, et l’on peut dire avec vérité que les abus, s’ils n’ont pas été complètement déracinés , ont au
moins perdu de leur intensité. Suffisamment armés,
l’intérêt public et ),'intérêt privé ont pu se, protéger et se
défendre , et la justice ne leur a pas failli, même lors
qu’elle a dû prendre l’initiative.
Appelé , en 1838 , à diriger une importante faillite,
nous avons été des premiers à appliquer la loi. Comme
nous le disions dans nos précédentes éditions , notre
commentaire n’a été que le résultat de la pratique que
nous avions suivie. C’est ce qui explique peut-être l’ac
cueil bienveillant qu’il a rencontré.
Nous venons aujourd’hui mettre notre œuvre au cou
rant de la doctrine et de la jurisprudence. Bien de dif
ficultés nous ont été soumises. Beaucoup d’autres ont
été jugées par les tribunaux. Nous venons indiquer la
solution que nous avons donnée aux unes ; l’opinion
que nous nous sommes formée sur les autres.
Notfe juste respect pour le caractère et les lumières
�XIV
de nos magistrats ne pouvait êire un obstacle à la liberté
et à l’indépendance de nos appréciations. Mais nous
osons croire que notre critique n’est jamais sortie des
bornes de la plus stricte convenance.
Quelque temps après la promulgation de la loi, plu
sieurs juges de paix sollicitèrent de Victor Augier , qui
publiait le journal Le juge de Paix, de résumer dans un
tableau d’ensemble les fonctions qu’ils avaient à remplir
dans les faillites.
Cet excellent ami, de si regrettable mémoire , voulut
bien nous confier le soin de répondre à ce désir , et
comme ce travail peut encore être utile, nous avons cru
devoir lui donner place dans cette préface.
L’intervention de la justice dès le début de la faillite
est d’une incontestable utilité pour la masse des créan
ciers. Les approches de la faillite sont dans le cas de
provoquer bien des fraudes, non-seulement de la part
du failli, mais encore de la part des créanciers qui,
présents sur les lieux , sont en position d’exiger et de
recevoir soit leur paiement, soit des sûretés , et qui ab
sorbent ainsi le plus clair de l’actif au grand détriment
de la masse.
Sans doute celle-ci trouve dans les articles 446 et sui
vants le moyen de se faire restituer contre ce préjudice.
Mais ce danger inspire naturellement la pensée d’en
prévenir les conséquences, d’en neutraliser les effets. De
là, les simulations que la fraude ne manque pas d’ap
peler à son secours , et qui ne permettent le plus sou
vent qu’une réparation dérisoire et incomplète.
�XV
D’ailleurs, prévenir vaut encore mieux que réprimer.
C’est ce qui explique la mission confiée au juge de paix,
soit avant, soit après le jugement déclaratif.
Ce jugement constate la faillite, mais ne la constitue
pas. L’article 437 la fait résulter de plein droit de la
cessation de paiements.
Celle-ci se réalisant, le droit des intéressés est ouvert
et acquis. Chacun d’eux est dès lors autorisé soit à pour
suivre la déclaration judiciaire de la faillite , soit à re
quérir l’apposition préalable des scellés sur les facultés
mobilières du failli.
L’importance de cette apposition préalable ne saurait
être méconnue. Elle est l’unique garantie contre les
fraudes nombreuses que l’imminence du désastre peut
inspirer et voir s’accomplir.
Le magistrat requis ne doit donc pas hésiter. Mois il
ne doit pas oublier que tout lui fait un devoir de n’agir
qu’avec prudence et circonspection. Une imprudence
aurait les conséquences les plus désastreuses pour celui
qui en serait la victime.
Le juge de paix requis par un créancier doit donc
contrôler les affirmations de la requête, en examiner avec soin le caractère, la gravité, s’assurer de leur exac
titude ; en un mot n’agir qu’après avoir consulté la no
toriété commerciale, et s’être directement renseigné au
près des maisons honorables de la place.
Si la cessation de paiements est réelle et certaine , il
doit immédiatement et sans retard apposer les scellés et
�XVI
réaliser cette mainmise j udiciaire seule capable d’empê
cher les détournements de l’actif, et de sauvegarder l’in
térêt des créanciers éloignés.
La protection qui leur est due doit être efficace, et ne
saurait l’être que par la réalisation de cette mesure. Telle
a été si bien la pensée du législateur, qu’il n ’a' pas hé
sité de prescrire au juge d’agir d’office pour suppléer à
l’impossibilité dans laquelle ces créanciers se trouveraient
de provoquer eux-mêmes son action.
Sous l’empire du Code de 4807, la faculté pour le
juge de paix d’apposer d’office les scellés était illimitée.
La loi de 4838 l’a restreinte aux hypothèses prévues
par l’article 457, à savoir celle de la disparution du dé
biteur ; celle de détournement de l’actif.
La fuite du débiteur abandonnant son commerce et
cherchant à se soustraire aux réclamations de Ses cré
anciers ne permet pas le doute sut la certitude de sa
déconfiture ; elle est même un indice de sa mauvaise
foi. Celui qui n’a à se reprocher que des malheurs et
des pertes involontaires, ne craint pas de s’aboucher avec ses créanciers, que sa bonne foi déterminera quel
quefois à souscrire un traité amiable, et lui sauvera l’é
clat d’une faillite.
Ainsi , quelle que soit la notoriété de la ruine et de
l’insolvabilité d’un commerçant, la loi a voulu , pour
les mesures conservatoires à prendre, tant qu’il reste à
la tête de ses affaires, s’en référer aux créanciers ex
clusivement.
�XVII
Mais il ne fallait pas que cette conduite du failli ne
fût qu’un piège ; qu’elle devint l’occasion et le moyen
de faire disparaître l’actif. La certitude de détourne
ments exécutés ou tentés soit au profit personnel du
failli, soit à l’avantage de certains créanciers, appelle et
justifie l’action immédiate et l’initiative du juge de paix.
Cette certitude ne s’acquerra pas facilement. Le juge
n’aura souvent à cet égard d’autres éléments que son
appréciation plus ou moins fondée , que les renseigne
ments plus ou moins exacts qui lui parviendront. Tout
est donc laissé à sa prudence. Mais le passé répond de
l’avenir. Les juges de paix q u i, jusqu’en 1838 , n’a
vaient pas hésité à remplir la délicate mission que la loi
leur confie ; qui , dans cet exercice , n’avaient jamais
soulevé ni réclamation ni plainte . continueront à s’en
acquitter avec une égale circonspection et le même zèle.
Doit-on , peut-on considérer comme détournements
de l’actif les paiements en marchandises que le failli fe
rait à certains créanciers ?
Oui, à notre avis. Des paiements de cette nature ac
cusent une profonde insolvabilité, et rendent tout retour
de fortune peu probable, ou mieux impossible, puisqu’ils
privent le débiteur de l’aliment même de son com
merce.
D’autre part ces paiements sont un préjudice réel
pour la masse. Elle a , il est v ra i, la faculté de les faire
annuler. Mais le rapport à la masse comprendra-t-il
toujours la totalité de ce qui en a été distrait ? Il est
i — aa
�XVIII
permis d’en douter. La certitude de sa nécessité peut
avoir inspiré des précautions, et le créancier qui ne sera
tenu de rapporter que le montant de ce qui lui était dû,
aura peut-être reçu des marchandises pour une valeur
double.
D’ailleurs , nous venons de le dire , prévenir vaut
mieux que réprimer. Le juge de paix investi par la loi
du soin de conserver l’actif à tous les ayants d ro it, ne
saurait, dans ces circonstances, hésiter sans méconnaî
tre l’esprit de sa mission.
Le juge de paix procédant d’office ou sur la réquisi
tion d’un créancier avant le jugement déclaratif, peut-il
autoriser la continuation du commerce du failli ?
Evidemment non , si ce commerce consiste dans l’a
chat pour fabriquer ou pour revendre soit en gros soit
en détail.
Mais supposez l’apposition des scellés chez un usinier
travaillant à façon en même temps qu’il exploite pour
son compte personnel ; quelle serait la raison qui devrait
porter le juge à prohiber la continuation du travail pour
le service des tiers, si d’ailleurs il devait en résulter un
bénéfice certain.
C’est ce qui se réalisait dans la faillite du sieur Agassis, minotier à Aix, dont l’usine fréquentée par des com
merçants de la localité produisait un revenu journalier
de quarante à cinquante francs.
Aussi le juge de paix, l’honorable M. Leydet, accé
dant après la fuite du débiteur et avant la déclaration
de faillite, n’hésitat-il pas ; il autorisa le contre-maître
�à pourvoir aux façons déjà reçues et à celles qui se pré
senteraient. C’est aussi ce qu’on devrait faire dans les
mêmes circonstances.
Le juge de paix procédant avant jugement déclaratif
doit apposer, les scellés sur l’universalité des facultés
mobilières du failli, en quelque lieu qu’elles se trouvent.
Il ne peut en dispenser que ce qui est indispensable
pour le service du ménage, la nourriture, l’habillement,
le coucher du failli et de sa famille , sauf à en extraire
plus tard les objets dont le juge-commissaire ordonnera
la remise immédiate aux mains des syndics. Le trous
seau de la femme devant être remis sur nouvelle estima
tion, et sa moins value constituant une dette de la fail
lite, il doit être placé sous scellés jusqu’à son inventaire.
Â.ux termes de l’article 458, le juge de paix accédant
avant le jugement déclaratif doit, sans d élai, aviser le
président du tribunal de commerce du ressort. Cet avis
a pour but de mettre le tribunal en mesure de pronon
cer l’état de faillite et de procéder à l’organisation de
son administration.
Il est bon de remarquer que l’article 458 n’a pas en
tendu subordonner la communication au président à
l’accomplissement de la mesure. Elle doit être faite dès
que le juge se décide à agir et au début de l’opération.
En résumé , les scellés peuvent être apposés dès la
cessation de paiements et avant sa constatation judiciai
re, soit à la requête d’un créancier, soit d’office dans les
cas prévus par l’article 457. L’importance et la gravité
de cette mesure la recommandent à toute la prudence
�du juge ; mais il ne doit pas perdre de vue les intérêts
qu’elle doit sauvegarder et défendre. Son refus d’obtem
pérer à une réquisition fondée serait un déni de justice;
son abstention dans les hypothèses où il doit prendre
l’initiative constituerait l’oubli d’un devoir.
Après le jugement déclaratif, le juge de paix n’est
plus que l’exécuteur des ordres de la justice. Son action
se trouve nécessairement circonscrite dans les limites
tracées par le juge-commissaire.
Ainsi et malgré que le jugement ordonne l’apposition
des scellés, ce magistrat peut en dispenser dans le cas,
par exemple, où il estime que l’inventaire peut être fait
dans un jour. Son appréciation à ce sujet est souveraine
et doit être suivie par le juge de paix, alors même qu’il
serait d’un avis différent.
Mais le juge de paix a, dans cette hypothèse, le droit
et le devoir d’assister à l’inventaire et l’obligation de le
signer. Son concours est une garantie contre toute infi
délité. Le juge-commissaire ne p e u t, dans aucun cas(,
en priver la masse. Le juge de paix doit donc surveiller
l’opération des syndics , et apposer les scellés sur les
objets restant à inventorier, si la prévision du juge-com
missaire ne s’est pas réalisée.
Dans tous les cas le juge-commissaire peut dispenser
des scellés , ou ordonner d’en distraire les objets men
tionnés dans l’article 469. Sa décision, à cet égard, ne
peut être ni contrôlée ni discutée par le juge de paix,
qui n’a d’autre droit que celui d’assister à la rédaction
de l’état descriptif et estimatif qui est dressé par les syn
dics et qu’il doit revêtir de sa signature.
�XXI
L’apposition des scellés, même ordonnée par le juge
ment déclaratif, serait inutile , si déjà une saisie avait
placé l’actif sous la main de la justice. Le juge de paix
devrait donc se borner à la réaliser sur les livres , pa
piers et autres effets non compris au procès-verbal de
saisie.
A quelque époque que se réalise la mission du juge,
son accomplissement est constaté par un procès-verbal.
Ce procès-verbal doit mentionner et détailler les objets
laissés en la possession du failli pour ses besoins et ceux
de sa famille.
Le terme de trois jours assigné à la durée des scellés
n’a rien d’ijnpératif et d’obligatoire. Il n’est que l’indi
cation de la limite fixée aux diligences des syndics. Mais
rien n’empêche de procéder avant son expiration. Le
juge de paix requis devrait obtempérer autant que pos
sible à la demande des syndics.
La possession par les syndics des livres du failli est
d’une nécessité absolue. C’est à ce point de vue et pour
répondre à cette nécessité , que le juge-commissaire est
autorisé à les dispenser des scellés, ou à les en faire ex
traire, si l’apposition avant jugement les a atteint.
A plus forte raison doit-il en être ainsi des effets et
valeurs à courte échéance. On connaît à cet égard les
exigences de la loi. Un retard de vingt-quatre heures
peut convertir en chiffons sans valeur des titres qui,
présentés en temps utile, eussent été intégralement sol
dés. Il ne pouvait donc pas être qu’une mesure dictée
par l’intérêt des créanciers pût et dût devenir l’occasion
d’un tel préjudice.
�XXII
Il importe donc qu’avant d’être placé sous scellés, ou
qu’au moyen d’une levée immédiate et provisoire s’il l’a
été, le portefeuille soit examiné ; que les valeurs exigeant
de promptes diligences soient remises aux syndics. Il en
est dressé un état que le juge de paix revêt de sa signa
ture.
A quelque époque que s’opère la remise des livres, le
juge de paix doit préalablement les arrêter. Cette for
malité, en ce qui le concerne, ne s’entend pas de la ba
lance des écritures ; elle se borne à constater leur état
actuel pour empêcher qu’on puisse y ajouter ou en re
trancher.
En conséquence, il doit parapher chaque feuille écrite, bétonner tous les blancs , et constater , au bas de
la page où se terminent les écritures, le nombre des
feuilles qu’elles remplissent.
La levée des scellés, à la requête des syndics, a lieu
en la forme ordinaire. Elle s’opère successivement et
suivant la marche de l’inventaire.
Avant la loi de 1838 , cet inventaire était dressé par
le juge de paix assisté de sapiteurs. Il prenait donc
place dans le procès-verbal de levée, dont une expédi
tion devait être prise par les syndics.
Les frais de cette expédition, les longueurs qu’entrainait sa délivrance avaient motivé des réclamations. Elles
furent accueillies par le législateur de 1838. L’inven
taire descriptif et estimatif est aujourd’hui confié aux
soins exclusifs des syndics. Il est rédigé en double mi
nute , dont une reste déposée au greffe du tribunal de
commerce à la disposition des intéressés.
�XXIII
Mais , pas plus que le Code de 1807, la loi de 1838
n’a entendu priver les créanciers de la garantie de sin
cérité que cette importante opération trouve dans le
concours du juge de paix. Ce magistrat doit donc y as
sister et la surveiller , e t , à la fin de chaque vacation,
signer avec les syndics sur l’une et l’autre minute.
Les effets inventoriés sont remis aux syndics qui en
deviennent seuls responsables. Ceux qui n’ont pu encore
l’être sont, après chaque vacation , remis sous scellés.
Le procès-verbal de levée pur et simple constate égale
ment cette réapposition.
(N. B .)
Dans notre nouveau travail, nous n’avons
rien changé à l’ordre des numéros , pour laisser toute
leur valeur aux indications de nos divers recueils de ju
risprudence.
��LOI
SUR LES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Au Palais des Tuileries, le 2 8 mai 1 8 3 8 .
Le livre 3 du Code de commerce, sur les faillites
et banqueroutes , ainsi que les articles 69 et 635
du même Code seront remplacés par les disposi
tions suivantes.
Néanmoins, les faillites déclarées antérieure
ment à la promulgation de la présente loi conti
nueront à être régies par les anciennes disposi
tions du Code de commerce, sauf en ce qui con
cerne la réhabilitation et l’application des arti
cles 597 et 5S8.
PRÉAMBULE
S OMMAI RE
1. Objet et motifs du préambule. Questions qu’il fait naître.
2. Modification à l ’article 69 du Code de commerce.
3. Modification à l’article 635.
4. Critique de cette modification sous le rapport des procédures
qu’elle nécessite.
5 Critique sous le rapport de la compétence. Opinion que tout
ce qui concerne les faillites aurait dû être confié aux tri
bunaux ordinaires. Motifs de cette opinion.
6. Quelle législation faut-il appliquer aux faillites nées sous le
Code, mais déclarées après la promulgation de la loi ac
tuelle ?
�2
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
7. Distinction entre les formes de la liquidation et le fond du droit.
8. Les premières sont régies par la loi nouvelle.
9. Il n ’en est pas de même pour le droit au fond.
10. Après la liquidation de l ’union d’une faillite ouverte avant la
loi de 1838, les créanciers du failli déclaré excusable par
le tribunal pourront agir par voie de contrainte indivi
duelle contre lui.
11. Réfutation de l’opinion contraire de M. Badin.
12. L’article 541 qui abolit la cession de bien n ’est pas applica
ble aux faillis déclarés tels sous l ’empire du Code de
commerce.
1.
— Les lois relatives aux formalités de la procédure
s’appliquent aux faits anciens, comme à ceux qui se ré
alisent depuis leur promulgation. A ce titre , la loi ac
tuelle , en ce qui concerne le mode de la liquidation,
pouvait et devait régir les faillites déclarés sous le Code
de commerce.
Mais , comme le faisait remarquer M. Tripier \ les
dispositions nouvelles forment un corps de prescriptions
qu’il est difficile d’isoler dans l’exécution. Celles qui sont
relatives à la procédure sont souvent en rapport avec
celles qui règlent les droits soit des tiers, soit des créan
ciers, soit du failli lui-même; scinder la loi dans son
exécution, ce serait s’exposer à l’inconvénient de rompre
l’harmonie qu’elle a établie.
C’est pour éviter cet inconvénient, c’est pour prévenir
les difficultés que pourrait créer une distinction entre les
dispositions susceptibles d’une application actuelle aux
faillites déclarées avant la promulgation de la loi, et cel1 Session de 1838, rapport à la Chambre des pairs.
�\
PRÉAMBULE
3
les qui n’auraient d’effet que dans les faillites ouvertes
postérieurement, que l’on a laissé à la législation qui a
vu naître la faillite le droit exclusif de la régir.
Cette disposition, consacrée par le préambule de la loi,
a donné naissance à quelques questions qui ne man
quent pas d’intérêt. Avant de nous en occuper, exami
nons deux modifications que ce préambule introduit
dans notre législation commerciale.
2.
— L’article 69 du Code de commerce prescrivait à
l’époux séparé de biens ou marié sous le régime dotal,
qui embrassait la profession de commerçant postérieure
ment à son mariage, de remettre, dans le mois du jour
où il avait ouvert son commerce, l’extrait de son contrat
de mariage aux greffes et chambres désignés par l’arti
cle 872 du Code de procédure civile, à peine, en cas de
faillite, d’être puni comme banqueroutier frauduleux.
Cette sévère disposition avait été dictée au législateur
de 1807 par les abus scandaleux que la soustraction des
stipulations matrimoniales faisait surgir au détriment des
créanciers, abus que les discussions au conseil d’Etat si
gnalèrent et flétrirent en des termes si énergiques. Mais
il arriva, dans cette circonstance, ce qui se réalise dans
beaucoup d’autres : on dépassa le but que l’on voulait
atteindre. La sévérité que l’on déploya rendit la loi d’une
application à peu près impossible. On aurait peut-être
de la peine à citer un seul cas où elle ait été réellement
appliquée. N’est-il pas, en effet, par trop rigoureux d’as
signer la fraude pour cause unique , à un fait qu’une
négligence, qu’un oubli, que l’ignorance peuvent, sinon
excuser, du moins singulièrement atténuer ?
�4
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
La loi de \ 838, qui s’est appliquée, ainsi que l’a dit
M. le ministre de la justice, à être moins sévère , mais
plus juste que le Code , tout en respectant l’obligation
dans son principe , a amoindri les conséquences de son
inexécution. Celle-ci ne sera plus, à l’avenir, qu’un fait
pouvant constituer une banqueroute simple , selon qu’il
sera le résultat d’une faute.
Cette sanction pénale, beaucoup plus en rapport avec
la nature du fait, sera en même temps beaucoup plus ef
ficace que ne l’était celle du Code. Les juges ordinaires
auront à apprécier les excuses derrière lesquelles on se
retranchera ; leur pouvoir de graduer la peine leur per
mettra, dans son application, d’avoir égard non-seulement
à l’admissibilité de ces excuses, mais encore aux résultats
que l’omission de la remise du contrat a pu avoir pour
les créanciers. Ainsi l’impunité n ’existera que si le fait qui
motive la poursuite est réellement produit par des circon
stances exclusives de toute fraude , et non plus, comme
autrefois, par la sévérité de la peine qui était prononcée.
3.
— La seconde modification résulte du remplace
ment de l’article 635, et de l’attribution exclusive aux
tribunaux de commerce de tout ce qui concerne les fail
lites, et notamment des oppositions au concordat. On sait
que la connaissance de ces oppositions était déférée par
le Code de commerce aux tribunaux civils, lorsque les
moyens de l’opposant étaient fondés sur des actes ou
opérations dont l’appréciation sortait des limites de la
compétence consulaire.
A l’avenir , le tribunal de commerce est seul juge de
l’opposition. Et si les motifs de celle-ci échappent à sa
�PRÉAMBULE
5
juridiction, il surseoira, jusqu’après la décision des tri
bunaux civils, à prononcer sur cette opposition.
4,
— Le motif de cette disposition est facile à saisir.
On a voulu investir du mérite des oppositions au con
cordat le juge q u i, connaissant parfaitement la faillite,
son caractère et ses circonstances, est le mieux à même
de prononcer sur l’issue qu’elle doit avoir. Mais on s’est
un peu écarté de l’intention avouée du législateur. La
résolution consacrée n’est pas de nature à économiser le
temps et les frais.
En effet, quelque court que soit le délai pendant le» quel le demandeur sera obligé d’intenter son action et
de justifier de ses diligencesï, on sait que la marche d’un
procès ne dépend pas, bien souvent, des parties, et que
des circonstances étrangères à celles-ci peuvent retarder
son expédition. D’ailleurs, après le premier degré, vien
dra le second qui exigera encore une perte de temps as
sez considérable.
Ce n’est pas tout encore : après avoir plaidé sur les
causes de l’opposition, il faudra plaider sur l’opposition
elle-même, devant les deux degrés, et cette double ins
tance sera un retard forcé pour la solution de la ques
tion la plus importante de la faillite.
Ainsi la disposition nouvelle emporte une perte de
temps considérable. Là où un seul jugement suffisait, il
en faudra trois : un qui prononce le sursis ; un qui sta
tue sur les causes de l’opposition ; un autre enfin qui
juge l’opposition. Ces deux derniers peuvent être frappés
i Voy. article 512.
�6
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
d’appel. Qu’on juge des frais auxquels donneront lieu
ces instances nombreuses I
Le motif que nous avons indiqué ne nous paraît pas
de nature à justifier un pareil résultat. La disposition
du Code de commerce devait donc être maintenue. Elle
allait plus directement à ce qui constitue l’essence même
de toute loi de faillites , c’est-à-dire , à la promptitude
dans les opérations et à l’économie dans les frais.
5.
— Ce n’est pas seulement sous ce rapport que l’on
pourrait critiquer la disposition nouvelle. Il est une pro
position dont beaucoup de gens reconnaissent la vérité,
mais que bien peu osent encore soutenir : c’est que tout
ce qui concerne les faillites aurait dû, depuis longtemps,
être rangé sous la juridiction des tribunaux ordinaires.
Les faillites intéressent de trop près l’ordre public,
pour qu’on puisse, sans péril pour celui-ci, en aban
donner la régie à des juges qui n’ont aucun pouvoir de
répression. Il est vrai que cet état des choses date de
loin, qu’il est fondé sur d’anciens usages; mais, quel
que respectables, quelque légitimes qu’aient pu être
ceux-ci dans l’origine . nous ne croyons pas qu’on dût
les suivre encore, lorsque la nécessité de les abandonner
est imposée par les circonstances et par les progrès tou
jours croissants dans les faillites.
Dans l’enfance du commerce , alors que les éléments
qui en sont l’essence étaient complètement inconnus de
la classe en possession exclusive de la magistrature, on
a dû nécessairement, pour juger ses opérations, s’en re
mettre à ceux qui en faisaient leurs habitude?,, leurs oç-*
cupations de tous les jours,
v,
�PRÉAMBULE
7
Mais, aujourd’hui, le commerce est familier à toutes
les classes de la société. Chacun peut en apprécier les éléments, en sonder les arcanes. On n’a donc plus à crain
dre les erreurs de l’ignorance, et ce qui a pu être autre
fois un motif d’exclusion ne saurait être même allégué.
D’un autre côté, nous sommes bien loin des habitu
des modestes et timides de nos anciens et si honorables
négociants. Ce titre n’est plus la récompense d’un apprentissage laborieux et pénible. Une foule d’esprits a ventureux se précipitent à toutes les issues, et ont intro
duit dans toutes les branches du commerce cet indus
trialisme avide , sans pudeur et sans frein , qui signale
chaque jour si fatalement son passage.
La société est donc plus que jamais intéressée à une
prompte et sévère répression de toute fraude. Elle a un
besoin plus immédiat d’une énergique protection. Or,
c’est précisément ce que les tribunaux de commerce ne
peuvent lui donner.
Non pas , certes , que nous voulions insinuer que les
commerçants qui les composent aient en rien démérité
de la confiance et de l’estime qui leur furent de tout
temps si justement acquises. Leur impuissance tient à la
nature de leur institution.
Les tribunaux de commerce ne peuvent juger les faits
qui leur sont déférés que sous le rapport commercial.
Reconnaîtraient-ils la fraude,qu’ils ne pourraient la ré
primer que relativement aux intérêts de la partie lésée.
La société n’a auprès d’eux aucun représentant spécia
lement chargé de la défendre. Les juges étaient euxmêmes, hier, les égaux et souvent les amis de ceux qu’ils
\
�8
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sont appelés à juger aujourd’hui , et, malgré eux, cette
amitié égarera leur justice et leur fera facilement pren
dre le change sur la nature et le caractère des actes qu’ils
ont à apprécier.
Les tribunaux civils , au contraire , se composent de
magistrats rompus à l’étude des lo is, habitués à cher
cher et à saisir la vérité à travers les détours dont les
plaideurs aiment à s’entourer. Ils sauraient, avec saga
cité , dépouiller la fraude de tous les oripeaux dont elle
se couvre , la surveiller dans toutes ses phases, l’attein
dre dans ses derniers retranchements, et en faire bonne
et exemplaire justice.
La présence du ministère public ajoute une garantie
puissante à celle que les tribunaux ordinaires présentent.
L’on a bien souvent remarqué que des contestations qui
sont portées au tribunal de commerce ne seraient cer
tainement ni soutenues, ni intentées , si on avait à le
faire sous le contrôle actif de la partie publique.
Si cela est vrai pour certains cas, en matière ordinai
re, combien à plus forte raison ne doit-on pas l’admettre
pour ce qui concerne les faillites ? H en existe sans doute
qui ne sont que le résultat de malheurs immérités et im
prévus, dans lesquelles la spéculation et la mauvaise foi
n ’ont pas la moindre part. Ce sont là d’honorables,
mais, il faut le dire, d’assez rares exceptions. Il est sou
vent difficile , même à l’honnête homme, de braver de
sang froid l’avenir de privations et de misères qu’une
faillite laisse entrevoir. La probité qui a résisté jusque-là
peut se laisser vaincre par une prévision de ce genre, et
sacrifier ses scrupules au désir de se ménager quelques
V
�PRÉAMBULE
9
ressources. D’autres faillites sont plus coupables encore:
nous en avons vu q u i, préparées de longue main, n’é
clatent qu’aprèsque toutes les précautions ont été prises
pour en assurer le résultat ; et comment veut-on que des
négociants honorables, qu’on distrait un moment de
leurs occupations, pour leur conférer le pouvoir de ju
ger, puissent saisir les nuances souvent imperceptibles
qui séparent la bonne foi de la fraude ?
Les inconvénients que nous signalons ont de tout temps
frappé les esprits graves qui, comme législateurs ou ju
risconsultes , ont eu à traiter de la matière. Tous ont
cherché à y remédier. Ainsi les auteurs du projet du Code
de commerce avaient demandé ce q u i, dans ces derniers
temps, avait préoccupé M. Teste, ministre de la justice, à
savoir : l’admission auprès de chaque tribunal de com
merce d’un magistrat du parquet. M. Roullion, auteur
d’un travail estimé sur les faillites, avait, exprimant le
même vœu, proposé l’adjonction d’un officier du minis
tère public qui , sous le nom de substitut aux faillites,
surveillerait l’administration et demanderait la répres
sion immédiate des fraudes qu’il découvrirait.
On a repoussé toutes ces idées par la crainte peutêtre fondée de l’influence que ce magistrat exercerait sur
les décisions des juges consulaires qui, dans les petites
localités surtout, sont peu familiers avec la connaissance
et l’étude des lois. On a donc pu croire qu’ils s’en rap
porteraient facilement à l’opinion du magistrat plus versé
dans cette connaissance, Mais toutes ces vues diverses
indiquent, à notre avis, que l’organisation des tribunaux
de commerce laisse quelque chose à désirer, quant aux
garanties qu’on doit exiger contre les faillites.
�40
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Telle nous paraît avoir été la pensée du garde des
sceaux en 4838. C’est ce qui se révèle dans la circulaire
qui appelle les procureurs de la république à une inter
vention active dans les principales opérations de la faillite.
« Le pouvoir d’examen et d’investigation de ce ma
gistrat, dit M. le ministre, est aussi étendu que les cir
constances le demanderont. L’inventaire peut amener la
découverte de faits par lesquels la conduite du failli sera
jugée avec plus de certitude. Il ne tiendra qu’au procu
reur de la république d’assister à cet acte important, de
recueillir les preuves qui s’offriront à lui, de s’emparer
des pièces de conviction. Son droit de recherche ne se
rait pas complet, s’il n’allait, ainsi que l’autorisent les
articles 483 et 602 , jusqu’à exiger , à toute époque,
communication des actes, papiers et livres relatifs à la
faillite, et à réclamer des syndics tous les renseigne
ments qui seront jugés nécessaires. »
Où tendent toutes ces précautions, si ce n’est à remé
dier aux inconvénients de laisser la faillite se dérouler
loin des regards du ministère public? Malheureusement,
ce n’est là qu’un palliatif insuffisant ; car , c’est quel
quefois partout ailleurs que dans l’inventaire qu’on
pourra saisir les faits les plus importants. Telle contes
tation qui paraissait indifférente en révélera de bien plus
décisifs, et ceux-ci ne frapperont jamais l’oreille du ma
gistrat chargé d’en poursuivre la répression. D’ailleurs,
l’attention du ministère public éveillée par l’éclat d’une
faillite considérable , ne le sera pas également par une
foule d’autres, et l’on sait que les faillites préparées sont
celles qui se présentent sous l’aspect le plus innocent.
�PRÉAMBULE
4*
Dans ce cas, le ministère public attendra le rapport que
les syndics sont obligés de rédiger dans la quinzaine.
Mais, quelque consciencieux qu’on le suppose, ce rap
port n’apprendra pas grand’chose , puisque ce ne sera
que plus tard et par la liquidation qu’on connaîtra le
véritable caractère de la faillite, et l’existence de la fraude
qu’il sera alors difficile de punir.
Ainsi, la législation qui rendra, en matière de faillite»
le concours du ministère public indispensable pour tou
tes les opérations, sera la plus utile au commerce , la
plus efficace pour la société. Ce n’est qu’alors que les.
dispositions pénales sanctionnées par la loi produiront:
une répression assurée de tous les abus. L’idée seule de
comparaître devant des magistrats qui n’étaient pas,
hier, leurs égaux, rendra les commerçants plus circons
pects. La certitude de la vigilance du ministère public*,
de l’impartiale sévérité des juges ordinaires, effraiera la
fraude et préviendra les scandaleuses spéculations qui
n’ont que trop fait, des faillites,un moyen de s’enrichir
des dépouilles que l’on a extorquées au public.
Nous ne saurions donc approuver que l’on ait étendu
la compétence des tribunaux de commerce. Il eût mieux
valu, à notre avis, distraire de leur juridiction tout ce
qui concerne les faillites.
Vainement objecterait-on la célérité et l’économie. On
obtiendra l’une et l’autre, en laissant la procédure de
vant les tribunaux civils ce qu’elle est pour les tribunaux
de commerce. On s’assurerait ainsi les avantages qu’elle
présénte, en évitant les inconvénients que nous venons
de signaler. Ajoutons encore que la surveillance d’un
1
�12
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
juge ordinaire, exécutant avec exactitude le mandat qu’il
aurait reçu de la loi, ferait plus pour empêcher les mal
versations ou la négligence des syndics, que tout le bon
vouloir d’un juge négociant q u i, après to u t, a le droit
de s’occuper un peu de ses propres affaires, et qui, peu
familier avec la loi, est obligé de s’en rapporter souvent
aux syndics eux-mêmes.
6 . — La première question que le deuxième para
graphe du préambule de la loi a fait naître est celle de
savoir quelle législation il faut appliquer aux faillites nées
sous le Code, mais déclarées après la promulgation de la
loi actuelle.
7. — Cette question nous paraît peu susceptible de
difficultés. L’on doit distinguer les formes de la liquida
tion du droit lui-même.
8. — Les premières sont exclusivement régies par la
loi nouvelle , non-seulement en vertu du principe que
les lois sur la procédure saisissent le passé comme le
présent, mais encore en vertu de la disposition du pré
ambule. Il n’y a d’exceptées de l’application de la loi que
les faillites déclarées sous l’empire du Code de commerce.
9 . — Mais il en est autrement quand au fond du droit.
En principe , la loi n’a pas d’effets rétroactifs. D’où la
conséquence : que chacun a le droit d’être régi par la loi
sous l’empire de laquelle il a contracté, de jouir des avan
tages qui lui ont été acquis au moment de la convention.
Or, le jugement qui déclare la faillite ne constate
qu’un fait préexistant. Ce qui constitue celle-ci, c’est la
cessation de paiements ; et si cette cessation remonte à
�PRÉAMBULE
13
une époque antérieure à la loi nouvelle, les conséquen
ces foncières de la déclaration échappent à celle-ci. C’est
au moment de la cessation que les droits des intéressés
ont été acquis définitivement, que leur exercice s’est ou
vert. Il y aurait donc injustice à les modifier au gré
d’une législation postérieure. Ce serait donner à celle-ci
une rétroactivité que la raison, que le bon sens, que la
loi elle-même repoussent.
Ainsi, quelle que soit l’époque de la cessation de paie
ments, si la faillite est déclarée sous la loi nouvelle, les
formes ordonnées parcelle-ci en régiront la liquidation.
Mais là se borneront tous ses effets, si la faillite s’est ré
alisée avant sa promulgation ; en d’autres termes, si la
cessation de paiements a été complète pendant que l’an
cienne législation était en vigueur , ou si le jugement
déclaratif fait remonter la date de l’ouverture jusqu’à
cette époque.
Si le jour de cette ouverture est postérieur à la pro
mulgation de la loi nouvelle, celle-ci régira sans contre
dit la forme et le fond, non pas cependant d’une manière
tellement absolue qu’il ne fallût pas excepter de ses dis
positions les droits acquis sous la législation précédente.
Le respect de ces droits est écrit dans le principe de la
non rétroactivité. Ceux qui auraient à les revendiquer
seraient bien fondés à le faire , alors même que la loi
nouvelle en eût proscrit l’exercice pour l’avenir. C’est,
par exemple, ce qui se réalise pour le privilège et la re
vendication établis par l’article 2102 du Code civil en
faveur du vendeur d’effets mobiliers non payés , et que
l’article 850 de la loi nouvelle a abolis. Or, il n’est pas
�44
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
douteux que , malgré cette suppresion , le vendeur non
payé d’un effet mobilier, livré sous l’empire du Code,
pourrait exercer soit le privilège soit la revendication,
car l’un et l’autre lui ont été acquis au moment de la
vente par la seule force de la loi alors en vigueur 1.
1 0.
— Une autre question est née du préambule de
la loi, celle de savoir si, après la liquidation de l’union
d’une faillite ouverte avant la loi de 4838 , les créan
ciers du failli déclaré excusable par le tribunal de com
merce pourront agir individuellement contre lui par voie
de contrainte par corps2, pour l’obliger à solder le mon
tant de leurs créances ?
La solution de cette question réside toute entière dans
celle que doit recevoir cette autre question : l’article 539
actuel est-il applicable à l’ancien failli ? On sait,en effet,
que c’est cet article qui a attaché la libération de la con
trainte par corps à la déclaration d’excusabilité. Sous le
Code, cette déclaration n ’avait aucun effet semblable; le
failli sous le poids du contrat d’union,ne pouvait s’affran
chir de la contrainte par corps que par la cession de biens.
Or, la loi de 4838 déclare d’une manière formelle que
les faillites ouvertes sous l’empire du Code resteront soumi
ses aux dispositions de celui-ci qui en régiront exclusi
vement la liquidation. Il suit de là que l’article 539 ne
peut être invoqué par le failli ancien, et que les créan
ciers ne seront nullement consultés sur son excusabilité.
:
;
.
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1Paris, 1er décembre 1841 ;— J du P., .41, 1, 422 — Voy. infra
articles 550, 557.
2 L’abolition de la contrainte par corps a enlevé tout intérêt à cette
question.
I
;
�PRÉAMBULE
iÔ
Il devient dès lors évident que les effets de l’excusabilité , par rapport à la contrainte , ne seront acquis
qu’en faveur de ceux dont la faillite a été déclarée de
puis la loi de 1838. Pour les faillites antérieures, l’exer
cice de la contrainte par corps n’aura d’autres règles que
celles tracées par le Code de commerce.
H . — M. Badin qui a traité ex professo la ques
tion qui nous occupe , est d’une opinion contraire 1;
mais il n’arrive à se décider en faveur du failli qu’en
soutenant que la contrainte par corps en principe n’est
qu’une voie de procédure, et qu’en mettant de côté le se
cond paragraphe du préambule qui laisse celle-ci à la
forme tracée par le Code de commerce, lorsque la faillite
a été déclarée sous l’empire des dispositions de celui-ci.
Sur un point comme sur l’autre, l’opinion de M. Ba
din est inadmissible. l ’inapplicabilité de l’article 539
aux faillites anciennes est, nous venons de le voir, com
mandée par le texte de la loi.
Serait-il vrai, d’ailleurs, qu’en principe la contrainte
par corps ne soit qu’un simple acte de procédure ? On
ne peut, ce nous semble, émettre une opinion affirma
tive qu’en méconnaissant le véritable caractère de celte
garantie énergique que la loi donne aux créanciers.
Sans doute la contrainte par corps n’est qu’une voie
d’exécution. Mais les voies d’exécution ne sont pas, quant
au fond du d ro it, de pures formalités. Ainsi le droit
d’exécuter les meubles ou les immeubles du débiteur
existe en faveur des créanciers , quelque modique que
i Revue de législat. et de jurisp., t. 8, p. 308.
�<6
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
soit la somme due. Supposez qu’une loi subséquente fit
dépendre ce droit de la quotité de la créance et ne l’ac
cordât, par exemple, que lorsque la somme due excéde
rait trois cents francs ; est-ce que le créancier d’une
somme moindre , dont le titre serait antérieur à la loi,
pourrait être empêché de saisir les meubles ou les im
meubles de son débiteur ? Evidemment non , car il ne
ferait qu’user du pouvoir qu’il a reçu de la loi en vi
gueur à l’époque du contrat. Or, celle loi ne régit pas
seulement l’obligation, mais encore tout ce qui en est la
conséquence , tout ce qui est entré dans les prévisions
des parties contractantes ; et sous ce second rapport y
a -t-il quelque chose de plus important que les voies au
torisées pour assurer l’exécution de la convention ?
Le droit acquis quant au principal se réalise donc
pour tout ce qui s’y lie accessoirement. La faculté d’exi
ger l’accomplissement de l’obligation résidant tout en
tière sur le pouvoir de contraindre le débiteur, les voies
d’exécution autorisées par la loi en vigueur au moment
du contrat ne sauraient être refusées sans porter atteinte
à ce même droit acquis, sans donner à la loi nouvelle
un caractère de rétroactivité qu’elle ne saurait avoir.
Or, de toutes les voies d’exécution, la contrainte par
corps est sans contredit la plus énergique. Elle est bien
autrement efficace, comme garantie, que l’hypothèque;
il suffit de rappeler que son exercice légitime l’aliéna
tion du fonds d o ta l, ce que celle-ci ne peut jamais
faire.
En matière commerciale, la contrainte par corps a
toujours été de droit commun; ainsi l’a exigé l’intérêt du
I
�PRÉAMBULE
0
commerce lui-même l. N’est-elle pas en effet le contre
poids le plus grave à cette confiance aveugle et illimitée
qui fait la base de tout commerce ? Sans la garantie q u
elle présente, on en viendrait bientôt à exiger des sûretés
hypothécaires ou au moins des nantissements, et com
ment concilierait-on les lenteurs de ce mode de procéder
avec la célérité qu’exigent les opérations commerciales?
Aussi, lorsque la loi du 9 mars 4793 eut prononcé
l’abolition de la contrainte, les capitaux cessèrent d’être
versés dans le commerce, dont les opérations devinrent
presque nulles.Les réclamations réitérées, les plaintes des
commerçants eux-mêmes déterminèrent, comme unique
remède à ce mal, le rétablissement de la contrainte par
corps qui fut prononcé par la loi du 24 ventôse an V.
Il n’y a rien d’étonnant que cette loi ait excepté de
cette voie rigoureuse lesjdettes qui ne l’entraînaient pas
avant la loi abolitive du 9 mars 4793. Le législateur de
l’an V ne venait pas créer un droit nouveau , mais ré
tablir les choses sur le même pied qu’avant le .9 mars
4793. Quoi qu’il en soit, les obligations commerciales
n’étaient pas de celles que les lois anciennes avaient af
franchies de la contrainte par corps.
La loi qui a véritablement organisé cette contrainte est
celle du 45 germinal an VI ; loin de favoriser le système
de M. Badin, cette loi le repousse d’une manière expli
cite, par la division qu’elle trace entre le principe de la
contrainte et son mode d’exécution. La loi les constitue
tour à tour et séparément ; elle nous amène par là à
1La contrainte par corps en matière commerciale a toujours paru
d’une indispensable nécessité (Montesquieu , liv, 20, ch. 15).
-i — 2 '
�18
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
celle inévitable distinction que M. Badin qualifie de spé
cieuse : s’agit-il du droit de contrainte ? La loi posté
rieure qui le modifierait ne saurait atteindre les obliga
tions existantes au moment de sa promulgation. S’agitil , au contraire, de l’exercice de ce d ro it, de la procé
dure à suivre , les formes ordonnées par la loi nouvelle
seront exécutoires. Il est aisé de se convaincre, en par
courant la loi du 17 avril 1832 , que le législateur de
cette époque a parfaitement suivi cette distinction.
La prétention de M. Badin , de ne voir dans la con
trainte par corps qu’un simple acte de procédure, est
donc inadmissible. Son système serait désastreux pour
le commerce. Qui oserait désormais lui confier des ca
pitaux importants, si la garantie la plus énergique d’un
remboursement, sous la foi de laquelle on a traité, pou
vait dépendre d’une loi nouvelle ? si elle pouvait être
arrachée au mépris des droits acquis ?
« Mais, dit M. Badin, il n’y a pas droit acquis, car
la contrainte est un simple attribut de la loi, qui ne peut
même être réduit en acte qu’à la condition que telle
chose tacitement prévue (le non paiement) arrivera.
Son existence ne commence donc qu’au moment même
où on veut en faire usage. La loi en vigueur peut con
séquemment seule la régir , sans qu’on puisse l’accuser
de violer le principe de la non rétroactivité, uniquement
applicable aux choses acquises, aux choses passées , et
non aux choses en spectative, aux choses en suspens au
moment de l’apparition de la loi nouvelle. »
Cette argumentation confond évidemment deux cho
ses que nous venons de voir la loi elle-même expressé•v
I
�#
PRÉAMBULE
19
menl distinguer, à savoir : le droit, sa mise en activité.
Il n’est pas exact de dire que le premier ne commence
qu’au moment où il faut l’exécuter. L’exécution n’est
que la conséquence du droit lui-même, droit qui réside
dans le titre qui tire son origine de l’obligation ellemême et qui, partant, est acquis dès que cette obligation
est parfaite.
Le droit acquis ne s’ouvre que lorsque l’exécution de
l’obligation étant refusée , il faut recourir aux moyens
coercitifs ; que l’emploi de ceux-ci soit réglé par la loi
nouvelle, cela se comprend ; mais là doit se borner l’ef
fet de celle-ci. Il y aurait une véritable rétroactivité à
vouloir soumettre à son empire le droit en lui-même.
Pour juger l’étendue de ce droit, il faut recourir à la
législation sous laquelle il a été conféré. Peu importe
que son exercice soit suspendu pendant le terme accordé
au débiteur, qu’il soit subordonné à la condition de non
paiement. Le d ro it, quoique non ouvert , n’en est pas
moins acquis , et cela suffit pour qu’il ne puisse être
modifié par la loi nouvelle.
C’est ce qu’enseignent les auteurs graves, en tête des
quels il faut placer le savant Merlin. C’est ce que la ju
risprudence a de tout temps consacré.
« Les droits qui résultent des contrats, dit M. Mer» lin, n’importe qu’ils soient actuellement ouverts, ou
» qu’ils ne soient qu’éventuels ou expectatifs, sont hors
» de l’atteinte de la loi nouvelle. »
« Cette règle ne s’applique pas seulement aux con» vendons qui sont expresses, elle s’applique également
» aux conditions qui sont sous-entendues dans un
�%
20
I
DBS FAILLITES ET BANQUEROUTES
» co n trat, par l’autorité de la loi sous laquelle il est
» passé.1 »
Nous ne citerons qu’un des arrêts nombreux qui ont
adopté ce système. Il est d’autant plus décisif qu’il a
été rendu sur la question même qui nous occupe , celle
de savoir d’après quelle loi il fallait régir l’application
de la contrainte par corps. Voici l’espèce sur laquelle il
est intervenu :
Deux personnes s’étaient associées en 1784 , sous
l’empire de l’ordonnance de 1673 qui déclarait la con
trainte par corps facultative entre associés.
Cette société s’étant dissoute sous l’empire du Code,
l’associé reliquatairefut poursuivi en paiement, avec con
trainte par corps, conformément auxdispositionsduCode.
Le tribunal de commerce e t , sur l’appel, la cour de
Paris décident que la contestation ne pouvant être régie
par ces dispositions, il n’y a pas lieu d’accorder la con
trainte par corps.
Pourvoi en cassation e t , le 1er avril 1817, arrêt de
rejet : Attendu que l'ordonnance de 1673 devait seule,
en se reportant à la date de Vobligation, servir de rè
gle pour accorder ou dénier la voie de la contrainte
par corps.
Nul doute cependant que si, comme le soutient M. Bau
din,, la contrainte par corps n’était qu’un acte de procé
dure, il eût fallu décider autrement, puisque, dans l’hy
pothèse , la poursuite s’ouvrait sous une loi qui consa
crait la contrainte par corps entre associés. La cour ré^
'
,
-
•
1Réperl., 8m
eédit., v° effet rétroactif, sect. 3, § 4.—Voy Dalloz A.,
v®hypoth., ch. 2, sect. 2, art, 4, n° 7.
I
�PRÉAMBULE
21
gulatrice a doue proscrit celte opinion à l’aide de la
quelle Al. Badin résout la question que nous nous som
mes posée. Concluons donc que le failli , dont l’union a
été liquidée sous l’empire du Code, n’est nullement af
franchi de la contrainte par corps , par la déclaration
d’excusabilité prononcée par le tribunal de commerce.
Mais, objecte M. Badin, c’est là créer deux classes de
faillis qui, tous également malheureux et de bonne foi,
auront un sort bien différent, les uns étant affranchis
de la contrainte par corps , tandis que les autres pour
ront à chaque instant la subir.
Ce n’est là qu’une erreur nouvelle dans laquelle tombe
ce jurisconsulte, en voulant appliquer aux faillites décla
rées sous le Code les dispositions de la loi nouvelle, mal
gré que cette loi ait formellement déclaré le contraire.
12. — L’abolition de la cession des biens prononcée
par l’article 541 n’atteint que les faillis soumis à sa dis
position. Or, les mêmes motifs qui doivent faire exclure
les anciens faillis du bénéfice de l’article 539 doivent les
excepter de la peine consacrée par l’article 541. Le pré
ambule est d’ailleurs formel.
Remarquons ,en outre que cet article 541 n ’est en
quelque sorte que le corollaire de l’article 539. Celui-ci
produit d’une manière plus naturelle et plus prompte
les effets que le Code de commerce attachait à la ces
sion. Celle-ci est donc désormais inutile; voilà pour
quoi elle a été supprimée. Mais celui qui ne peut user
de la disposition qui la remplace, ne saurait à son tour
être privé d’y recourir.
La loi qui donnait au créancier la contrainte par corps,
�22
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
assurait au débiteur le moyen de s’en libérer en aban
donnant tous ses biens. Et puisque c’est cette loi seule
qui doit régler le sort de l’un et de l’autre, chacun d’eux
reste dans les termes où il en était soit au moment de
l’obligation,soit au moment de la déclaration de la fail
lite. Pour tous les deux , la loi nouvelle est censée ne
pas exister. Il est dès lors impossible de les soumettre à
aucune de ses dispositions.
Nous pensons donc encore que , sur ce point comme
sur le précédent, l’opinion de M. Badin qui consiste à
soutenir que l’article 541 de la loi est applicable aux
anciens faillis, est inadmissible ; qu’elle viole ouverte
ment la disposition précise du préambule. Ainsi, le failli
ancien trouve dans la cession le moyen de se soustraire
à la contrainte par corps. Celte cession est pour lui ce
qu’est pour le failli nouveau la déclaration d’excusabiiité.
LIVRE III. TITRE I
D
EL
AF
A
E
L
L
S
T
E
MilS F*OS t T IONS GElVEttAAÆS
A rt. 4 3 7 .
Tout commerçant qui cesse ses paiements est
en état de faillite.
La faillite d’un commerçant peut être déclarée
après son décès, lorsqu’il est mort eir état de ces
sation de paiements.
yti
�ART. 437.
23
La déclaration de la faillite ne pourra être soit
prononcée d’office , soit demandée par les créan
ciers, que dans l’année qui suivra le décès.
SOMMAIRE
13. Devoir du négociant de solder ses engagements à l’échéance.
44. Importancede la déterminationdece qui constitue la cessation
15. Disposition de l’article 444 du Code de commerce ancien.
16. La loi actuelle laisse aux tribunaux à déterminer s’il y a ou
non cessation de paiements.
17. Caractères généraux de cette cessation. Elle n’a pas besoin
d’être absolue.
18. Elle ne peut pas résulter de quelques protêts suivis de la
reprise des paiements.
19. Doit avoir lieu à l ’égard d’engagements commerciaux. Juris
prudence.
20. L ’insolvabiltiéréelle ne constitue pas la faillite s’il n’y a ces
sation de paiements.
21. La faillite résulte de la retraite du débiteur et de la clôture
de ses magasins.
22. Déclaration de faillite après la mort. Discussion aux cham
bres sur la question de savoir si la cessation de paiemens
devait s’être réalisée avant le décès.
23. Devait-on limiter l ’action des créanciers ?
24. Adoption du délai d’un an.
25. Les héritiers du commerçant sont-ils recevables à provoquer
la faillite ?
26. Inconvénients de la faculté donnée au tribunal de déclarer
dans ce cas la faillite d’office.
26
La société en nom collectif peut-elle être déclarée en fail
lite lorsqu’un de ses membres est mort depuis plus d’un
an ?
27. Abolition de l’état de suspension de paiements.
28. La loi sur les faillites ne peut concerner que les commerçants^
29. 11 suffit pour être réputé tel de faire habituellement des actes
de commerce.
30. Arrêts qui ont déclaré en état de faillite des receveurs d'en
registrement, des percepteurs, des notaires.
hiB.
�24
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
13. — Le commerce vit de ponctualité et d’exactitu
de. Le négociant qui ne peut solder ses obligations à
leur échéance, manque aux engagements que sa qualité
lui impose et se constitue lui-même en état d’impuis
sance de gérer plus longtemps ses affaires.
4 4. — L’instant où commence la cessation de paie
ments est celui qui marque le point de départ de la fail
lite. Il est donc important de le préciser d’une manière
exacte , car les conséquences de l’administration qui
reste de fait au failli, jusqu’au jugement déclaratif, peu
vent être graves pour ceux qui, pendant cet intervalle,
ont contracté avec lui.
1 5 . — C’est dans ce but que l’article 441 du Code
de commerce avait déterminé les caractères constitutifs
de cette cessation. C’était la retraite du débiteur, là clô
ture de ses magasins, le .refus de payer. Mais l’inconvé
nient de cette classification était de faire supposer que
le législateur n’admettait aucune autre circonstance com
me indice de la faillite ; de telle sorte que les tribunaux
hésitaient à faire résulter la cessation de paiements de
faits qui, quoique graves, n’avaient aucune identité avec
ceux textuellement prévus par le législateur.
16. — La loi de 1838 a voulu établir en principe
ce qui ne résultait avant elle que de la doctrine et de la
jurisprudence, à savoir, que les tribunaux sont appré
ciateurs souverains de ce qui constitue la cessation réelle
de paiements. C’est donc au juge à examiner les faits
dont on veut la faire résulter, à en mesurer l’importance
commerciale , et à rechercher si son existence est in-
�ART. 437.
25
compatible avec les exigences de la profession et les de
voirs qui sont imposés au commerçant.
On comprend dès lors que cet arbitrage n’a d’autres
règles que la conscience du magistrat, et qu’il ne sau
rait dans aucun cas être astreint, dans l’application , à
des prescriptions fixes et déterminées. Aussi n’est-ce pas
dans l’intention de le réglementer qu’on peut recher
cher quels sont les caractères de la cessation de paie
ments. Mais cette recherche peut cependant faciliter les
investigations de la justice en l’éclairant sur l’esprit de
la loi , en lui signalant le plus ou moins de gravité des
circonstances sur lesquelles elle est appelée à prononcer.
C’est dans ce but que nous allons exposer les condi
tions qui peuvent être exigées pour que la cessation de
paiements constitue la faillite.
17. -
1° Il n’est pas indispensable .que cette ces
sation soit absolue. Il est évident que , si on l’exigeait
ainsi, le commerçant pourrait se perpétuer dans l’ad
ministration de ses biens. Il y parviendrait au moyen
de quelques paiements réalisés au détriment de l’actif,
et dans l’intention unique de se soustraire à une décla
ration actuelle de faillite.
Le commerçant d o it, à présentation , payer tous ses
engagements : l’impuissance dans laquelle il serait visà-vis de certains d’entre eux démontrerait son insolva
bilité et le constituerait en état de faillite.
18. — 2° Le défaut de quelques paiements , quel
ques protêts ne sauraient constituer la cessation légale
de paiements , si , depuis, le commerçant s’est acquitté
et a continué de remplir ses obligations. Le refus de ces
�26
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
paiements peut n’être qu’une juste résistance à des pré
tentions exagérées , ou le résultat d’un embarras mo
mentané bientôt vaincu.
Mais si, depuis les protêts, le commerçant n’avait pas
repris ses paiements, ou ne les avait repris que partiel
lement , il y aurait nécessité de le déclarer en état de
faillite, alors même qu’un seul protêt serait venu le met
tre en demeure. Il y aurait en effet, dans ce cas , gène
profonde, insolvabilité certaine. Les paiements partiels
ne seraient qu’un motif de plus de hâter la déclaration
pour conserver à la masse un actif sur lequel chaque
créancier a un droit égal, et sur lequel nul ne doit, nul
ne peut obtenir une préférence quelconque.
19.
— 3° Il faut que le défaut de paiements se réa
lise à l’égard d’engagements commerciaux. La loi n’at
tache de l’importance qu’aux actes qui affectent le crédit
commercial. Or, un négociant poursuivi pour une dette
civile conserve son crédit intact, si à la même époque il
fait honneur à ses engagements commerciaux. C’est ainsi
qu’il a été jugé qu’un commerçant poursuivi en expro
priation par un créancier civil ne pouvait être déclaré
en état de faillite L
Il suit de ce principe que le propriétaire des lieux
loués qui n’est pas payé à l’échéance des termes ne sau
rait poursuivre la faillite de son locataire. Il ne le peut
à un double titre : d’abord parce qu’il n’est pas créan
cier commercial ; ensuite parce qu’il a un privilège qu’il
peut exercer sur les meubles et marchandises, dès l’ins1Dalloz jeune, Diction, génér., v» faillite, n»s 4 3 ,
44
.
�b
ART. 437.
27
tant que le refus de paiement se réalise. Il n’a donc au
cun intérêt à la faillite et dès lors il ne saurait être re
cevable à la provoquer.
C’est ce que le tribunal de commerce de Marseille a
formellement consacré le 13 août 1842 , dans l’affaire
Bloc contre Guerrero. Sur la requête de celui-ci créan
cier pour loyers de magasin , Bloc avait été déclaré en
état de faillite ; mais , sur son opposition , ce jugement
a été rétracté , et Guerrero condamné à tous les frais à
titre de dommages-intérêts ; il n’y a pas même eu appel
contre cette décision , malgré que la créance n’eût pas
été encore éteinte.
2 0 . — 4° Une insolvabilité réelle et démontrée ne
suffirait pas pour constituer la faillite, s’il n’y a pas eu
cessation de paiements. En effet, il n’y a pas dans le
commerce d’insolvabilité absolue, en ce sens que quoi
que le passif excède l’actif il n’y a pas impossibilité de
continuer le commerce. On peut trouver dans ses moyens
personnels ou dans son crédit des ressources pour vain
cre ce déficit et revenir au niveau de ses affaires. La loi
ne reconnaît d’autre insolvabilité que celle qui s’annonce
publiquement par une cessation de paiements ; elle n’a
pas voulu, .pour établir celle-ci, qu’on pût aller fouiller
dans les secrets de la position réelle de celui qui a tou^
jours continué les siens.
2 1 . — 5" Enfin de ce que la loi nouvelle n’a pas
reproduit l’article 441 du Code, il ne faut pas conclure
qu’elle a méconnu la valeur des caractères qui y étaient
tracés comme indices de déconfiture. La retraite du dé
biteur , la clôture de ses magasins sont des signes non
�28
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
équivoques de l’impuissance de continuer le commerce;
elles suffiraient donc pour motiver la déclaration de fail
lite, si elles ne sont dues qu’à l’état d’insolvabilité du
commerçant.
Nous le répétons, l’abrogation de l’article 441 n’esl
due qu’au désir de laisser aux tribunaux appelés à dé
clarer la faillite une plus grande latitude dans l’apprécia
tion des faits dont on veut faire ressortir la cessation de
paiements ; c’est donc au tribunal investi à examiner
mûrement ces faits , à calculer leur portée réelle et les
causes qui ont pu les déterminer. Des juges commercants
sont facilement pénétrés de l’importance d’une déclara
tion de faillite ; il n’est donc pas à craindre qu’ils abu
sent du pouvoir que la loi leur confie ; ils ne se déci
deront pour l’affirmative que lorsqu'ils seront convain
cus que la faillite existe réellement, et qu’il y a dès lors
urgence à faire usage du remède prescrit par la loi l.
22.
— Le Code de commerce était muet sur le so
du négociant mort en état de cessation de paiements.
La jurisprudence avait cependant admis qu’on pouvait
le déclarer en état de faillite, à condition néanmoins que
la cessation de paiements se fût réalisée avant la mort.
La loi actuelle a consacré ce principe ; elle s’est con
formée aussi à la jurisprudence , quant à la condition
dont l’admission a cependant soulevé un long débat.
Plusieurs députés en demandaient le retranchement,
et voulaient par conséquent que la faillite fût déclarée
alors même que la cessation de paiements n’eût pas eu
l Voy. infra articles 441, 442.
�ART. 437.
29
lieu avant le décès. L’un d’eux , que le barreau d’Aix
s’honore d’avoir compté dans ses rangs, l’honorable M.
Pascalis, faisait remarquer qu’en admettant le contraire
on arrivait à ce résultat : que la succession d’un négo
ciant mort en état d’insolvabilité réelle, mais sans avoir
cessé ses paiements, se trouverait régie non plus par la
loi exceptionnelle des faillites mais par le droit com
mun' , ce qui aurait de graves inconvénients pour les
créanciers qui se verraient obligés de surseoir à toutes
poursuites pendant les délais accordés pour faire inven
taire et délibérer.
M. Teste attaquait la moralité de la disposition com
battue par M. Pascalis. Exiger, disait-il, pour que la fail
lite soit déclarée, que la cessation de paiements ait précédé
la mort, c’est vouloir accorder une prime au suicide.
Néanmoins, la rédaction proposée et soutenue par le
gouvernement et par la commission a été maintenue.
On a dit que pour infliger à un homme mort une dé
claration de faillite déshonorante pour sa mémoire,il fal
lait être on ne1peut pas plus circonspect; que c’était là
un droit exorbitant dont l’exercice ne pouvait être pro
voqué que par des actes personnels à celui contre qui il
était dirigé.
Que l’insolvabilité n’était pas un motif suffisant pour
amener l’état de faillite, lorsque la cessation de paiements
n’avait pas eu lieu. Que, peut-être, cette insolvabilité eût
été vaincue par le négociant lui-même, s’il n’avait pasété
arrêté par la mort. Qu’il suffit, dans le commerce, d’une
chance heureuse pour atteindre le niveau de son passif,
pour le surpasser même. Que le crédit, à défaut de res\
�30
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sources plus réelles , pouvait déterminer cette chance.
Qu’il n’y avait donc aucune justice à rendre un homme
qui avait honorablement vécu, victime de la fatalité qui
l’avait vu succomber à la peine, et à ajouter le déshon
neur à la perte qu’éprouvait une famille malheureuse.
Restait la prévision du suicide. Sans doute un négo
ciant pressé par une éminente déconfiture peut, comme
l’indiquait M. Teste, concevoir la pensée d’échapper par
une mort volontaire à une déclaration de faillite , sau
vant ainsi à son nom la tache qui en rejaillit ; à ses en
fants, les inconvénients qui en résultent. Mais, indépen
damment des considérations qui précèdent, convenait-il,
assimilant le suicide à la cessation de paiements, d’au
toriser la recherche des motifs qui avaient pu déterminer
un acte aussi déplorable ?.
Nous ne le pensons pas. Selon nous, la loi n’avait pas
à se purger de la tendance signalée par M.Teste ; le sui
cide même, en l’état d’une insolvabilité certaine, pouvait
n ’être que le résultat d’un malheur, d’une pensée toute
autre que celle que ['insolvabilité faisait concevoir. On
aurait donc pu discuter cette pensée, et appeler l’appré
ciation du juge sur un fait qu’il ne lui était pas permis
de connaître, ,?ur des causes qui pouvaient subir diver
ses interprétations, et sur lesquelles on pouvait en défi
nitive consacrer le contraire de la vérité, Dieu seul pou
vant posséder avec certitude la solution de ce problème
impénétrable.
On a donc dû négliger des considérations qu’une éven
tualité rare et exceptionnelle faisait naître, pour s’arrêter
à un principe certain dont l’application pourra avoir lieu
I
�»
ART. 4S7.
31
dans les circonstances les plus fréquentes. Or , c’est là
surtout un des caractères des lois en général. Elles ne
doivent avoir en vue que ce qui se réalise le plus souvent
et dans le plus grand nombre des cas ; elles négligent
les exceptions pour ne s’occuper que de eo quod plerumque f l . L’élat de faillite confère aux créanciers des droits
qu’il ne fallait pas leur enlever. Ces droits naissent avec
le moment qui voit se réaliser la cessation de paiements.
S’il n’était pas juste d’en subordonner le bénéfice à un
événement postérieur au décès du débiteur , il n’était
pas juste non plus d’aller en puiser l’origine dans le fait
du décès lui-même. L’immunité terrible de la mort eut
été violée, sans que la justice pût décider avec certitude
si la mort elle-même n’avait pas été l’unique cause de
la cessation ultérieure des paiements.
Il faut donc de toute nécessité, pour qu’on puisse dé
clarer la faillite après décès , que la cessation de paie
ments se soit réalisée pendant la vie. Ce caractère est le
seul qui constitue essentiellement la faillite. Celui-là donc
qui a payé régulièrement pendant sa vie , n’a jamais
failli ; il meurt dans l’intégrité de ses droits. La liqui
dation de sa succession a lieu dans les formes ordinai
res ; il ne peut plus être atteint par la loi des faillites.
23.
— Le principe ainsi réglé, on se demanda si la
cessation de paiements s’étant réalisée pendant la vie,
le droit des créanciers de provoquer la faillite pouvait
être limité quant à son exercice ?
M. Persil soutint qu’il fallait abandonner cet exercice
à la prescription ordinaire . ajoutant que toute fixation
plus courte serait une injustice. Les créanciers, disait-il,
�32
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ne poursuivent pas la faillite d’un commerçant décédé,
pour le seul plaisir de la faire prononcer, mais unique
ment pour protéger leurs intérêts. Ceux-ci peuvent être
lésés par des actes susceptibles d’être annulés par la dé
claration de faillite. Or , si la connaissance de ces actes
n’est acquise qu’après le délai fixé , faudra-t-il que les
créanciers soient obligés de les exécuter ? N’est-ce pas
préparer le triomphe de la fraude? Ceux qui auront con
tracté avec le failli pourront assurer le bénéfice de leurs
actes, en ne les divulgant qu’après l’expiration du terme
fixé aux créanciers.
On répondit à ces considérations qu’à côté des créan
ciers étaient les héritiers, les tiers; qu’il n’y avait pas
de pire position pour les héritiers que celle de détenir
une succession q u i, entre leurs m ains, n’est pas seule
ment un bien à conserver , mais qui peut les exposer à
des poursuites judiciaires longues, chagrinantes, et mê
me leur impose le devoir de défendre l’honneur de celui
dont ils détiennent les biens ; qu’il importait de ne pas
laisser trop longtemps la propriété incertaine ; que don
ner aux créanciers un temps indéterminé, c’était condam
ner l’héritier à une impuissance absolue.
D’autre part, les tiers qui auraient traité de bonne foi
avec cet héritier seraient victimes d’un fait qu’ils n’au
raient pas même connu, si, dix ans, vingt ans après le
décès de son auteur , ils venaient à perdre leurs droits
par le résultat d’une déclaration de faillite dont l’effet
remonterait de plein droit à l’époque du décès au plus
tard. On sacrifierait ainsi l’intérêt des tiers à celui des
créanciers qui auraient mis dans leurs démarches une
inconcevable lenteur, une négligence impardonnable.
�ART. 437.
33
Ces raisons prévalurent et devaient effectivement pré
valoir , l’intérêt même des créanciers l’exigeait ainsi. Il
importe surtout à ceux-ci que l’héritier puisse, par une
bonne administration* acquérir des ressources, dévelop
per celles qui existent dans la succession pour libérer le
plus possible la mémoire de son auteur. Or, frapper la
succession d’une menace éternelle de déclaration de fail
lite, c’était immobiliser cette .succession entre les mains
de son détenteur ; c’était le forcer à la répudier, et par
conséquent tarir à tout jamais l’espérance de rétablir
des affaires déjà compromises et punir les créanciers en
voulant les favoriser.
's '
/
24.
— Tout faisait donc un devoir de limiter l’exer
cice du droit que la nouvelle loi consacrait. Mais, quel
devait être le délai qu’il convenait de fixer ? La commis
sion de la chambre des députés avâit proposé celui de
trois mois à dater du décès. Mais le ministre de la jus
tice reconnut lui-même qu’il était insuffisant. Il pou
vait, en effet, arriver que les créanciers les plus éloignés
n ’apprissent le décès qu’après l’expiration des trois mois,
et qu’ils fussent ainsi privés du pouvoir de provoquer la
déclaration de faillite. Après une longue et savante dis
cussion, la chambre adopta un amendement de M. Gillon, et, sur sa proposition, fixa à un an la durée du
terme accordé aux créanciers.
Ce délai nous parait concilier et au delà toutes les
exigences. Les créanciers pourront, pendant sa durée,
prendre une connaissance entière et suffisante des affai
res de leur débiteur, apprécier les aliénations qu’il aura
consenties, les libéralités qu’il pourra avoir faites. L’inî — 3
�34
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ven taire auquel ils pourront prendre part leur garantira
l’actif délaissé. Ils pourront traiter avec l’héritier, et, si
sa fidélité est suspecte ou si les circonstances l’exigent,
ils auront la faculté de l’écarter en faisant déclarer la
faillite.
2 5 . — L’article 437 semble exclure les héritiers du
droit de provoquer la déclaration de faillite. En réalité,
cependant, leur démarche à cet égard ne pourrait être
écartée. Il faudrait l’apprécier d’après les principes gé
néraux qui admettent cette faculté en faveur du failli luimême. En thèse ordinaire, lès héritiers n’auront aucun
intérêt à poursuivre cette déclaration. Ils peuvent en ef
fet renoncer à la succession, ou ne l’accepter que sous
bénéfice d’inventaire, et, dans l’un et l’autre cas, ils sont
complètement libérés envers les créanciers en leur aban
donnant l’entière succession , ou en leur en rendant
compte. Cependant, il peut se faire qu’il soit utile à l’hé
ritier de faire déclarer la faillite pour liquider la succes
sion d’une manière plus prompte, et surtout pour obte
nir un concordat judiciaire. Dans ce cas, on ne pourrait
lui objecter le silence de l’article 437. Il est évident que
si les héritiers ne sont pas nommés au nombre de ceux
qui peuvent provoquer la mise en faillite , c’est qu’ils
sont virtuellement compris dans les expressions générales
du paragraphe 2.
2 6 . — La faculté que l’article laisse au tribunal de
déclarer d’office la faillite ne nous paraît répondre à au
cun besoin. Nous comprenons cette faculté dans les cas
ordinaires ; il y a alors un double intérêt : celui des cré
anciers qui exige le désinvestissement immédiat du failli;
�ART. 437.
33
celui de l’ordre public pour la répression des fraudes que
le failli peut avoir commises. Après le décès, le détour
nement n’est plus à craindre ; la mort a opéré le désin
vestissement ; l’apposition des scellés, que chaque créan
cier peut requérir, est une garantie suffisante contre les
héritiers. D’autre part, l’action publique est éteinte, et,
sous ce rapport, il est fort indifférent que la faillite soit
ou non déclarée.
Il est dès lors évident que la faculté de faire déclarer
la faillite après la mort est exclusivement dans l’intérêt
des créanciers. Son exercice devait donc leur être exclu
sivement confié. Eux seuls sont juges compétents des
moyens à prendre pour sauvegarder leurs droits, qu’une
démarche d’office par le tribunal peut compromettre ;
on s’expose ainsi à faire tourner contre les créanciers
une arme qui n’a été créée que pour les protéger.
Sans doute les tribunaux de commerce n’abuseront
pas de cette initiative. Ils ne se départiront jamais de
cette prudente réserve qui les caractérise. Nous admet
tons même qu’ils ne feront jamais usage de cette dispo
sition ; mais cette conviction nous porte à regretter qu’
elle ait été inscrite dans le Code. La loi ne doit pas être
une lettre morte ; elle ne doit rien contenir d’inutile. Or,
telle serait cette disposition , si les tribunaux s’abstien
nent d’en user et ils s’en abstiendront, car leur inter
vention pourrait porter un coup funeste aux intérêts
qu’une faillite met en présence.
26 bis. — La société est dissoute par la mort de l’as
socié ; mais cette dissolution a besoin d’être manifestée.
Elle n’est opposable aux tiers que si elle a été légalement
�36
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
publiée. A défaut et surtout en l’absence de toute modi
fication dans la raison sociale , la société a continué
d’exister à l’égard des tiers qui ont traité avec elle depuis
le décès de l’associé.
Pourra-t-elle être déclarée en faillite, malgré que
plus d’une année se soit écoulée depuis ce décès ?
La raison de douter se puise dans cette circonstance
que la faillite d’une société entraîne celle de tous les as
sociés solidaires personnellement. Or, comment admet
tre qu’il puisse en être ainsi pour l’associé mort depuis
plus d’un an, et à une époque où la société était encore
integri status ? Ne serait-ce pas méconnaître et violer
l’article 437 ?
La cour de Dijon s’était prononcée pour la négative,
par la raison que cet article ne pouvait s’appliquer qu’à
la faillite individuelle d’un commerçant ; qu’il ne déci
dait donc rien pour le cas où celte faillite n’élait que la
conséquence de celle d’une société dont le décédé était
membre ; que la dissolution que ce décès devait entraî
ner n’ayant été ni régulièrement publiée, ni suivie de li
quidation, ne pouvait être opposée à ceux qui auraient
traité postérieurement avec la société ; qu’en conséquen
ce, à quelque époque que se réalisât la cessation de paie
ments , cette société pouvait et devait être déclarée en
faillite.
Le pourvoi contre son arrêt, admis d’abord, fut, après
délibération en chambre de conseil, rejeté par la chambre
civile, le 26 juillet 184S.1
1 D.P., 44, I, 134
�art.
*37.
37
Mais, par un second arrêt du 10 juillet 1844,1a cour
suprême déclare que l’obligation de publier les faits qùi
modifient les sociétés commerciales, ne s’applique qu’aux
faits de l’homme, ou, en d’autres termes, qu’aux seules
modifications qui sont l’œuvre de la volonté des associés;
qu’en conséquence, la dissolution d’une société commer
ciale, par le décès de l’un des associés, n’est pas soumise
aux formalités de publication exigées par l’article 46 du
Code de commerce ; que, par suite, en cas de cessation
de paiements de l’associé survivant, c’est lui (ou la so
ciété formée par les survivants) et non la société dont le
prédécédé faisait partie, qui doit être mis en faillite \
Nous avons déjà relevé cette contradiction que nous
avons attribué à la différence dans la qualité des parties2.
Dans l’espèce de l’arrêt de 1843 , le litige ne s’agitait
devant la cour de cassation qu’entre créanciers, le pour
voi au nom des héritiers mineurs de l’associé décédé
ayant été déclaré non recevable. Tandis que dans celle
de l’arrêt de 1844, le syndic plaidait contre les héritiers
mineurs.
Or, le bénéfice de la dissolution peut être répudié ex
pressément ou tacitement. Mais pour qu’il en soit ainsi,
il faut, avant tout, que celui à qui on attribue cette ré
pudiation ait eu la capacité de la consentir. Cette capa
cité est incontestable chez l’héritier majeur, et si au lieu
de poursuivre la liquidation de la société que la mort
de son auteur vient de dissoudre , il laisse cette société
se continuer sous la même raison sociale ; s’il accepte
l D. P., 44, 1, 367.
3 Notre Commentaire des sociétés, n*‘ 403 et suiv.
�40
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tions que l’événement vient démentir de la manière la
plus cruelle. Si le fait est vrai, les' créanciers se résigne
ront facilement à rester dans l’inaction la plus complète,
mais c’est bien le moins qu’ils soient tous également à
même de l’apprécier. Si donc le débiteur veut traiter, il
doit s’adresser à tous, sans distinction des dettes échues
ou non. Un traité particulier ne lierait que ceux qui
l’auraient consenti, sans empêcher qu’il ne devînt luimême un motif pour les créanciers, dont les créances ne
seraient pas même échues, de faire prononcer la décla
ration de faillite.
Admettre la suspension de paiements, c’était rétrogra
der jusqu’à l’ordonnance de 1673 ; c’était créer un état
de faillite sans désinvestir le failli de l’administration de
ses biens ; c’était donner ouverture à toutes les fraudes
et s’exposer à des détournements considérables. Ne saiton pas d’ailleurs que l’actif que présentent les débiteurs
disparaît le plus souvent dans la liquidation, parce qu’il
consiste en créances anciennes ou véreuses, dont le recou
vrement est impossible ? Quel est le commerçant qui ne
pourrait, sous un prétexte de ce genre, se constituer en
état de suspension seulement, et combien d’entre eux n’u
seraient du répit qu’ils obtiendraient ainsi que pour faire
disparaître ce qui reste de plus clair dans leur actif ?
La loi ne se préoccupe que d’un fait : elle ne demande
pas au commerçant s’il est ou non solvable , mais s’il
paye on non ses engagement^. S’il y a cessation , il y a
faillite quels qu’en soient les motifs, gêne, embarras ou
insolvabilité. C’est aux créanciers à se fixer sur la posi
tion réelle de leur débiteur et à accorder toutes les faci-
�ART.
437.
41
lités dont cette position est susceptible. Mais si un seul
d’entre eux poursuit la déclaration de faillite, sa demande
doit être accueillie s’il s’appuie sur un défaut de paie
ments d’engagements commerciaux , quand bien même
sa créance personnelle ne serait pas encore exigible.
2 8 . — Les dispositions de la loi relatives aux faillites
sont d’ordre public '. Elles ne peuvent donc recevoir
d’application quedans les circonstances qu’elles prévoient
et aux individus pour qui elles sont faites. Ainsi un non
commerçant ne peut dans aucun cas être déclaré en état
de faillite.
2 9 . — Sont réputés commerçants ceux qui se livrent
à des actes de commerce et qui en font leur profession
habituelle. Telle est la définition que le législateur luimême nous a donnée2. Remarquons bien ces termes :
leur profession habituelle et non pas leur profession
exclusive; ils indiquent toute la pensée de la loi , ils
nous amènent à cette conséquence , que des individus
ayant une profession déterminée peuvent cependant être
considérés comme commerçants, s i , nonobstant cette
profession , ils se livrent habituellement à des actes de
commerce.
50.
— Ce principe a, depuis longtemps, été consa
cré par la jurisprudence. Ainsi on a déclarés suscepti
bles de tomber en état de faillite des receveurs d’enre
gistrement 3, des percepteurs de contributions4, malgré
leur qualité de fonctionnaires.
1 Cassation, 20 avril <842. — D. P.. 42, <, 227.
2 Voy. article < du Code de commerce.
3 Bruxelles, 25 janvier 1809; — D. A., t. 8, p, 26.
4 Paris, 25 juillet 1811 ; — D. A., t. 2, p. 693.
�42
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Un arrêt de la cour de cassation du 28 mai 1828, 1
a appliqué le même principe à un notaire , e t, depuis,
les désastres inouïs qui ont frappé le notariat ont pré
senté de fréquentes occasions de renouveler cette appli
cation s.
La cour d’Aix a été appelée à consacrer ce principe
dans l’affaire du faussaire Arnaud de Fabre , notaire à
Marseille. Il est vrai que l’état de faillite n’a pas été
prononcé , mais ce n’est pas parce que la cour aurait
pensé que sa qualité de notaire excluait toute déclara
tion de ce genre, mais seulement parce que les actes de
commerce auxquels ce notaire c’était livré , ne consti
tuaient pas une habitude. Cet arrêt a fait une juste ap
plication de la loi. En pareille matière le fait domine
nécessairement le droit. Quelques actes isolés ou répétés
ne confèrent pas la qualité de commerçant. Ils doivent
être assez nombreux , assez rapprochés pour constituer
l’habitude commerciale , et c’est seulement celle-ci que
la loi des faillites peut atteindre.
C’est au reste à ces termes que M. Carré a depuis
longtemps réduit la question, et son opinion est géné
ralement admise.
Ainsi, tout individu peut être déclaré en état de fail
lite, quelle que soit sa profession , si. indépendamment
de celle-ci, il s’est livré habituellement à des actes de
commerce Cette habitude lui confère la qualité de com
merçant, et le soumet, en cas de cessation de paiements,
1D. P., 28, 1, 300.
1 C’est ainsi que, dans nos contrées et après la loi de 1838, le sieur ***,
notaire à Pertuis, a été déclaré en faillite.
�ART.
437.
43
aux prescriptions du livre 3 du Code de commerce. Quant
aux faits qui caractérisent l’habitude,la loi les abandonne
à l’appréciation souveraine des magistrats.
CHAPITRE Ier
DE LA
D É C L A R A T IO N
DE
F A IL L IT E
E T DE SES E F F E T S
A rt. 4 3 8.
Tout fa illi sera tenu , dans les tro is jo u rs de la
cessation de scs paiem en ts, d ’en fa ire la déclara
tion au greffe du trib u n a l de com m erce de son do
micile. Le jo u r de la cessation de paiem ents sera
compris dans les tro is jo u rs.
En cas de faillite d’une société en nom collectif,
la déclaration co ntien dra le nom et l’indication
du dom icile de chacun îles associés solidaires.
Elle sera faite au greffe du trib u n a l dans le res
sort duquel se trouve le siège du prin cip al éta
blissem ent de la société.
A rt. 4 5 9 .
La déclaration du fa illi devra être accompagnée
du dépôt du b ila n , ou contenir l’indication des
motifs qui em pêcheraient le fa illi de le déposer.
Le b ilan contiendra l’én u m ération et l ’évaluation
de tous les b ien s m o b iliers et im m o b ilie rs du dé
biteur , l’ctat des dettes actives et passives , le ta
bleau des profits et p e rte s , le tableau des dépen
ses ; il devra être certifié v é r it a b le , daté et signé
par le débiteur.
SOMMAIRE
30 bis. Devoirs que la cessation impose aux commerçants.
31. Déclaration dans les trois jours.
32. Intérêt des créanciers à ce qu’elle ait lieu.
33. Intérêt des tiers.
�44
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
34.
Cette déclaration ne lie ni les créanciers ni la justice, quent
à la date de la faillite.
35. Obligation du gérant d’une société en nom collectif,
35 bis. La faillite de la société en nom collectif entraîne celle de
chaque associé solidaire.
3 5 tGr. Conséquences quant aux créanciers personnels.
35 quatuor. Les syndics sociaux ont qualité pour actionner ces
créanciers ou défendre à leurs actions.
35 quinto. Caractère du jugement poursuivi et rendu contre le dé
biteur seul.
36. Rejet d’un amendement portant qu’en toute société le gérant
serait tenu de déclarer le nom des associés solidaires.
37. La déclaration doit être faite au greffe du principal élablissement.
38. Obligation de déposer le bilan ; discussion i la chambre des
députés.
39. ' Enonciation que le bilan doit renfermer.
40. Il doit être signé par le failli.
41. Le bilan peut-il être rectifié après la faillite ?
42. Double sanction pour l’exécution de ces deux formalités.
3 0 bis. — La cessation de paiements constituant la
faillite, il importe, dans l’intérêt des créanciers, que les
mesures commandées par celle-ci soient promptement
exécutées. Le failli pourrait abuser de l’administration
qu’il conserve, soit pour enlever pour son compte tout
ce qu’il pourrait distraire de son actif, soit pour payer
ceux des créanciers qu’il voudrait avantager en les pla
çant en dehors des atteintes de la faillite.
Si la cessation de paiements et ses causes peuvent être
douteuses pour les tiers, elles n’ont rien d’incertain pour
le négociant lui-même. Lui, au moins, ne peut ignorer
sa position, et dès ce moment naissent pour lui des de
voirs qu’il doit immédiatement remplir.
�art.
438, 43 9 .
45
51.
— Il doit, dans les trois jours de la cessation,
en faire la déclaration au greffe du tribunal de com
merce. Cette déclaration met la justice en demeure d’a
gir dans l’intérêt de la masse qui est, dès ce moment,
substituée aux droits du failli.
32.
— Nous venons de le d ire, l’intérêt des créan
ciers pourrait se trouver gravement compromis, si le
failli n’était pas le plus tôt possible désinvesti de l’admi
nistration de ses biens. La déclaration du failli hâtera ce
désinvestissement en amenant l’ouverture de la faillite,
et, parlant, l’apposition des scellés sur toutes les facultés
lui restant.
L’efficacité de cette mainmise judiciaire sera d’autant
plus réelle qu’elle se sera effectuée avec plus de promp
titude. Il est impossible que la faillite se réalise sans
qu’il en transpire quelque chose, surtout dans la localité
habitée par le failli. Les créanciers présents pourraient
être tentés de profiler de leur position pour parvenir à
arracher quelques débris de ce qui reste. Seuls les cré
anciers éloignés auraient à souffrir de ces dilapidations
qui rendraient illusoire pour eux le principe que l’éga
lité la plus complète doit régner entre tous les intéressés
à une même faillite. Aussi est-ce pour les protéger effi
cacement que la loi oblige le débiteur à déclarer luimême sa cessation de paiements.
D’ailleurs,c’est dans l'intervalle de la cessation au ju
gement déclaratif que s’organisent les fraudes les plus
nombreuses. En le rendant le plus court possible, le lé
gislateur a agi avec prudence. Vainement objecterait-on
que la déclaration volontaire de cessation est une preuve
�46
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
de bonne foi. Elle n’est supposée telle que lorsqu’elle se
réalise dans le délai légal, à une époque où la réflexion
n’a pas encore fait entrevoir toute la profondeur du dé
sastre. On le disait dans la discussion du Code, la bonne
foi elle-même peut être effrayée de l’avenir de misère et
de malheur que la faillite permet d’envisager. Elle pour
rait donc, dans cette prévision, chaque jour plus urgente,
être tentée de profiter des retards qu’on lui ménage pour
. se créer des ressources au préjudice des créanciers.
3 3 . — D’autre p a r t, les tiers qui traitent avec le
failli ne sont pas moins intéressés à ce que la position
de celui-ci soit promptement fixée. La cessation de paie
ments, en l’état de laquelle ils auraient contracté, rend
leurs droits fort contestables. Il y a donc un véritable
danger pour eux. Ce danger est surtout bien plus sensi
ble pour ceux qui par l’éloignement de leur domicile,
ignorant son état de détresse, lui auraient fait confiance
alors qu’il ne pouvait plus en mériter aucune.
Tout se réunissait donc pour faire un devoir au failli
de déclarer au greffe la cessation de paiements dans le
plus court délai. Nous verrons plus tard que le législa
teur n’a rien omis de ce qui pouvait l’encourager à le
remplir.
3 4 . — Au reste, cette déclaration ne lie ni les cré
anciers ni la justice quant à la date de la cessation de
paiements. Quelle que soit l’époque assignée par le failli
à cette cessation, il est loisible au tribunal, soit d’office
soit sur la demande des créanciers, de la faire remonter
à une date plus reculée.
3 5 . — Si le failli a des associés en nom collectif, la
�\
ART. 438, 439.
47
déclaration doit contenir le nom et le domicile de chacun
d’eux. Tous les membres de la société sont en faillite,
des mesures sont à prendre contre la personne et les
biens de chacun d’eux; il faut donc que la justice trouve
sous sa main toutes les indications qui peuvent guider
ses démarches et leur assurer cette efficacité qui git dans
leur exécution immédiate.
35 bis. — Le législateur considère donc la faillite de
la société en nom collectif comme entraînant celle de
chaque associé personnellement. On a bien essayé de le
contester ; mais cette prétention a été repoussée par la
doctrine et la jurisprudence.
Elleétait notamment soutenue devant la cour de Douai
dans l’espèce d’un arrêt du 3 février 1825. La faillite
d’une société , disait-on , ne fait pas que les associés
soient personnellement en faillite; leur faillite peut être
la suite de celle de la société, lorsque poursuivis comme
obligés solidaires ils ne pourront satisfaire aux engage
ments de la société. Mais si on ne les poursuit pas per
sonnellement ou s’ils payent lorsqu’ils sont poursuivis,
ils ne peuvent être considérés comme faillis.
Comment concilier cette doctrine avec les articles 438
et 458. La mise des scellés au domicile de chacun des
associés solidaires, ordonnée par ce dernier, place leurs
ressources sous la main de la justice et à la disposition
des créanciers. Pourquoi, dès lors , les créanciers les
poursuivraient-ils individuellement. Sont-ils obligés de
demander ce qu’ils ont déjà ? D’autre p a r t, la société
n’est déclarée en faillite que parce que les associés ne
payent pas, ne peuvent pas payer, car si l’un d’eux était
�48
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
dans le cas de faire face aux engagements sociaux , où
serait l’utilité de la faillite de la société, et comment la
provoquer et la justifier.,
C'est donc avec raison que, devant la cour de Douai,
on répondait : la distinction qu’on veut établir entre la
société et les associés est légalement impossible ; on ne
peut concevoir de société sans les associés, pas plus que
le tout sans la partie. La société ne manque à ses enga
gements que parce que les associés ne remplissent pas
les leurs ; puisqu’il y a obligation solidaire pour chaque
associé de payer aux créanciers de la société tout ce qui
leur est d û , la société ne peut cesser ses paiements que
quand les associés cessent de payer. Enfin, au domicile
de la société on interpelle tous les associés de satisfaire
aux engagements contractés , et, s’ils ne le font pas, ils
sont de droit, société et associés, en état de faillite.
Il était impossible de méconnaître la force juridique
de ces considérations. Aussi la cour de Douai les consacre-t-elle dans son arrêt.
M. Renouard approuve cet arrêt et en admet la doc
trine sans restriction L
M. Troplong estime que le principe est juste et juri
dique; qu’il doit cependant se modifier dans certaines
circonstances. Un associé est absent, dit-il, au moment
de la cessation de paiements. Bientôt il arrive , e t, sur
ses fonds personnels, il paye à bureau ouvert les dettes
sociales q u i , par l’effet de la solidarité , sont aussi les
siennes. Est-ce que cet homme est failli ? s
1 Sur l’article 531.
' * Sur l’article 1832 du Code civil, n* 75.
�art.
438, 439.
49
Nous répondons à M. Troplong, comme M. Renouard
le faisait à M. Pardessus posant la même question. Non
cet homme ne sera pas en faillite en sa qualité d’associé,
et cela par l’excellente raison que la société elle-même ne
pourrait l’étre„De quelque manièrequ’elle payesesdeties,
si elle les acquitte à bureau ouvert elle est réellement in
bonis, et rien ne saurait motiver la poursuite ou le main
tien du jugement déclaratif. Il serait inévitablement rétraclésur l’opposition de l’associé qui a opéré le paiement.
Sans doute cet associé a un recours contre ses coasso
ciés pour le remboursement de la part afférente à chacun
d’eux dans la dette sociale. L’exercice de ce recours peut
devenir l’occasion de la mise en faillite d’un , de plu
sieurs ou de tous ces coassociés ; mais cette faillite ne
pourra être que nominative contre chacun.d’eux, puis
que à celle époque l’être moral aura cessé d’exister. Eu
effet, l’action contre I p s associés n’est ouverte qu’après
la dissolution et le réglement des comptes respectifs.
Disons donc avec M. Renouard: il est impossible qu’
une société soit en faillite, sans que par une suite né
cessaire il y ait faillite personnelle de tous les associés.
C’est ce qui s’induit forcément de l’article 458, prescri
vant l’apposition des scellés au domicile de chacun d’eux.
5 5 ter. — Le jugement déclarant la faillite de la so
ciété, entraînant celle de chaque associé solidaire, il en
résulte, à notre avis, qu’on n’a pas à requérir autant de
jugements qu’il y a d’associés ; que tout doit se borner à
à la poursuite en exécution commune du jugement pro
noncé contre la société.
M. Renouard parait croire le contraire. La faillite de
i — 4
�50
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
chaque associé , d it-il, s’ouvre au domicile de chacun
d’eux. Chacune de ces faillites a son bilan, son syndicat,
son juge-commissaire, son tribunal L
Nous ne pouvons admettre qu’un pareil état de choses
soit entré dans les prévisions du législateur. Il n’en ré
sulterait, en effet, que des difficultés, qu’un défaut d’har
monie dans la direction de tant d’administrations ; qu’un
surcroît de frais déjà si considérables. Ainsi les droits des
greffiers, les honoraires des syndics, la multiplicité des
procès-verbaux, puisque les créanciers sociaux seraient
obligés de faire vérifier leurs créances dans chaque passif.
Et tout cela sans utilité réelle ; car un seul syndicat,
une administration unique ne présente aucun danger
pour les divers intérêts que la faillite compromet. Aussi
la pratique ne s’y est pas trompée. L’usage suivi est de
confondre dans la faillite de la société celle de chacun
de ses membres. Seulement, on établit dans l’admission
des créances : le passif social dans lequel sont exclusi
vement rangés les créanciers de la société ; le passif par
ticulier à chaque associé , auquel sont concurremment
admis et les créanciers sociaux et les créanciers person
nels. Cet usage qui économise les longueurs et les frais,
fait seul une juste application de la loi.
Il peut se faire cependant qu’il en Soit autrement.
Par exemple, un associé exerçant un commerce particu
lier est, à raison de ce, déclaré en faillite ; la déclaration
ultérieure de la faillite de la société n’empêchera pas
que le syndicat précédemment institué continue ses fonc
tions. Les deux faillites seront donc administrées sépa1 Loco citalo.
�art.
438, 439.
54
rément. Mais, hors ce cas et toutes les fois que la faillite
de la société aura été préalablement déclarée , on devra
suivre le mode que nous venons d’indiquer l.
5 5 quatuor. — Une autre conséquence de l’exécution
commune du jugement déclaratif de la faillite de la so
ciété contre tous les associés est de contraindre les cré
anciers personnels de chacun de ceux-ci à n’exercer
leurs actions que contre les syndics de la faillite. Il est
évident en effet qu’un même individu ne peut être en
même temps failli pour les uns,m bonis pour les autres.
L’état de faillite est indivisible, et puisque pour les cré
anciers sociaux les associés sont faillis, ils le sont égale
ment à l’égard de leurs créanciers personnels.
A quoi aboutirait d’ailleurs la poursuite directe de
ces créanciers. Tout l’actif de leur débiteur est dévolu à
la masse sociale ; il est même sous les scellés. Le paie
ment demandé est donc impossible. Il est même prohibé
par la loi, puisque sa réalisation constituerait une ban
queroute simple2.
Toutes poursuites ne pouvant dès lors atteindre à un
résultat quelconque, il était impossible de les autoriser.
L’intérêt même des créanciers en exigeait la prohibition,
puisqu’elles ne tendaient qu’à grever l’actif en élevant
le chiffre du passif. L’état de faillite , d’ailleurs , a fait
perdre au débiteur toute capacité, lui a substitué le syn
dic , et a , dès lors, rendu obligatoire la disposition de
l’article 443. En conséquence, toute action mobilière ou
immobilière ne peut être suivie ou intentée que contre
1 Voy. infra n° 690 bi».
s Article 586, § 4.
�3Î
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
le syndic. C’est aussi ce que décide la cour de Douai
dans son arrêt du 9 février 1825.
5 5 quinto. — Quel serait le sort du jugement de dé
faut obienu contrairement à celle prohibilionvconlre le
débiteur seul. Serait-il valablement exécuté par un pro
cès-verbal de carence au domicile de celui-ci, et cette
exécution ferait-elle courir les délais de l’opposition et
de l’appel ?
Consulté à ce sujet, nous n’avons pas hésité à répon
dre négativement. Le jugement rendu contre le failli,
hors la présence et le concours du syndic , est rendu
contre un incapable. Il est donc atteint d’un vice radical
qui lui enlève toute autorité.
Incapable d’ester en justice , le failli dessaisi de ses
biens est dans l’impossibilité de payer. Voilà pourquoi
l’article 443 prohibe toute voie d’exécution contre lui.
Donc, le commandement qui lui est signifié et le pro
cès-verbal de carence qui en a été la suite sont frappés
d’illégalité et comme nuis et non avenus. Ils ne peuvent
produire aucun effet, ni faire courir les délais de l’op
position et de l’appel.
En conséquence , à quelque époque que se manifeste
l’intention d’exécuter le jugement, l’opposition sera re
cevable de la part du syndic quant aux biens, de la part
du failli lui-même quant à sa personne. La contrainte
par corps résultant des jugements commerciaux, mena
çant la liberté du failli, la nécessité de s’y soustraire lui
confère le droit d’agir en justice , alors même que le
syndic négligerait ou refuserait de le faire. Il pourrait
même intervenir sur l’opposition réalisée par celui-ci.
�ART. 438, 439.
53
De quelque part qu’elle émane, l’opposition réussirait
infailliblement. Elle ferait inévitablement rétracter le ju
gement , sauf au créancier à poursuivre la vériGcation
de sa créance, et à se pourvoir en justice contre le syn
dic en cas de contestation ou de refus.
3G. — Dans la discussion à la chambre des députés,
un membre demandait que quelle que fût la société on
fût tenu de déclarer le nom des associés solidaires. Cet
amendement fut repoussé avec raison. La solidarité n’est
de droit commun que dans les sociétés en nom collec
tif, et s’il est vrai, comme l’auteur de l’amendement le
faisait observer, que le commanditaire qui s’est immiscé
devient solidaire , il est certain que celte solidarité est
une exception aux règles ordinaires à cës sociétés; qu’
elle n’est qu’une peine attachée par la loi au fait d’im
mixtion. ïl faut donc tout d’abord prouver ce fait avant
d’en déduire les conséquences , et comme , même dans
ce cas, la solidarité n’est que dans l’intérêt des créan
ciers, il convenait de leur laisser le soin d’en provoquer
le bénéGce.
57.
— Si la société a plusieurs établissements, c’est
au greffe du tribunal dans le ressort duquel se trouve
le principal que la déclaration doit être faite.
Il est souvent fort difficile de se ûxer sur ce qui con
stitue le principal établissement. Une société peut en avoir plusieurs également importants, et l’intérêt des cré
anciers peut exiger que la faillite soit poursuivie dans
tel lieu plutôt que dans tel autre, C’est ce qui s’est pré
senté dans la faillite Mérentier frères, dont étaient saisis
Les tribunaux de Paris et de Marseille.
�54
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Dans un tel cas, il est impossible de résoudre la ques
tion autrement que par les faits et circonstances de la
cause. Le tribunal appelé à* prononcer doit remonter à
l’origine de la société , la suivre dans ses progrès, re
chercher s’il n’a existé d’abord qu’une seule maison,
quel est le tribunal au greffe duquel le dépôt de l’acte
social a été effectué. La nature du commerce peut aussi
fournir des indications : s’il est tout maritime, par exem
ple, la maison située dans un port de mer pourra être
considérée comme la principale L
*
58.
— Les motifs qui ont fait prescrire la déclara
tion dans les trois jours, ont fait aussi admettre la né
cessité de faire en même temps le dépôt du bilan.
Cette nécessité a été fortement combattue dans'la dis
cussion de la loi. Le dépôt du bilan dans les trois jours
est, disait-on, impossible; ce délai peut ne pas suffire
à sa rédaction. Un négociant peut avoir plusieurs éta
blissements , et si sa faillite est imprévue , comment
pourrait-il dans un si court délai remplir cette obliga
tion ? Or , l’effet de ce dépôt étant d’affranchir le failli
de l’arrestation et de la garde de sa personne, il arrivera
qu’on récompensera exclusivement celui qui ne le mé
rite pas. Les faillites où l’on est le plus en mesure au
moment où on les déclare sont les plus susceptibles de
reproches. Un homme déloyal prend d’avance ses pré
cautions et est préparé à tout. Aussi est-il très-rare qu’un
négociant de mauvaise foi ne s’empresse pas de déposer
son bilan, en faisant sa déclaration de faillite.
On répondait que le Code de commerce , en tolérant
que le dépôt du bilan ne fût que facultatif, avait donné
1 L’article 57 de la loi de 1867 prescrivant de mentionner le siège so
cial dans l’extrait à publier, enlève toute difficulté.
�1
ART. 438, 439.
55
naissance à de graves abus. C’est au moment de sa ré
daction que naissent souvent ces énonciations menson
gères à l’aide desquels certains créanciers de complai
sance figurent comme sérieux dans la faillite ; qu’il con
venait donc , dans les faillites imprévues , d’imposer la
rédaction du bilan au moment où ces fraudes n’ayant
pu être encore préparées on pourra espérer d’en empê
cher toute réalisation ultérieure.
On a donc consacré l’obligation du dépôt du bilan
conjointement avec la déclaration de cessation. Cepen
dant , comme dans certains cas il pouvait y avoir réel
lement impossibilité à le réaliser, on a autorisé le failli
à soumettre au tribunal les motifs qui l’ont empêché de
remplir cette obligation. Si ces motifs sont légitimes, le
tribunal, après les avoir jugés tels, pourra appliquer le
bénéfice de l’article 456,
39.
— Le bilan est destiné à faire connaître, nonseulement l’état actuel de la fortune du failli, mais en
core les causes de sa déconfiture. Il doit donc contenir
l’énumération et l’évaluation de tous les biens, meubles
et immeubles ; l’état des dettes actives et passives ; le ta
bleau des profits et pertes, la nature de celles-ci ; l’in
dication des dépenses personnelles de la maison du failli.
Toutes ces énonciations sont importantes et exigent chez
le failli la plus entière bonne foi ; car s’il dissimule son
actif ou s’il exagère son passif, il se rend coupable de
banqueroute frauduleuse. Si ses dépenses sont excessives
et si ses pertes ne sont pas justifiées, si elles ne consis
tent qu’en opérations de hasard, il est puni comme ban
queroutier simple.
-,
�56
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Des énonciations générales et vagues ne suffiraient
donc pas. C’est le tableau fidèle de sa position que la
loi exige du débiteur ; c’est sur cette pièce , qui servira
•plus tard de contrôle utile, que se basent les premières
opérations de la faillite. Il importe donc d’autant plus au
failli de convaincre les juges de sa bonne fo i, que les
mesures à ordonner contre sa personne se ressentiront
nécessairement de l’opinion qu’ils s’en seront faite sur
l’aspect du bilan.
4 0 . — Le bilan doit être le fait du failli ; il ne peut
en récuser l’authenticité; c’est même pour éviter toute
équivoque que la loi lui fait un devoir de le signer après
l’avoir certifié conforme. Toutefois celle disposition ne
déroge en rien au droit que l’on a de se faire représen
ter. En conséquence , le failli qui ne pourrait par luimême déclarer sa faillite , déposer et signer son bilan,
pourrait accomplir ces formalités par le ministère d’un
fondé de pouvoirs. On connaît la maxime qui mandat
ipse fecisse videlur.
4 1 . — Le failli pourrait-il, après la faillite, rectifier
son bilan ? En thèse ordinaire, on comprend facilement
des erreurs dans la rédaction de cet acte; aussi doit-on
admettre la possibilité de les réparer. Il est toutefois une
partie sur laquelle toute rectification est inutile : nous
voulons parler de l’état des dettes. L’omission du nom
d’un ou de plusieurs créanciers ne leur préjudicie en
rien et n’établit contre eux aucun préjugé ; ils peuvent
donc se présenter à la vérification. La justification de
leurs droits les ferait admettre sans aucune difficulté.
D’ailleurs les syndics peuvent rédiger un bilan supplé-
�art.
438, 439.
57
menfaire , si le dépouillement des écritures l’exige. On
évite de celte manière la possibilité pour le failli d’in
troduire après coup des créanciers de complaisance.
42.
— Le législateur sentant l’importance des for
malités prescrites par les articles 438 et 439 en a or
donné l’accomplissement, en accordant à leur exécution
une récompense et en frappant leur violation d’une peine.
Celle double sanction fait la matière de la disposition des
articles 456 et 586 que nous examinerons plus bas.
A kt. 4 4 0 .
La faillite est déclarée p a r jugem ent du t r ib u
nal de com m erce ren d u soit s u r la déclaration
du failli, soit à la requête d ’un ou de plu sieu rs
créanciers, soit d'oflticc. Ce ju gem en t sera exécu
toire provisoirem ent.
S O M M A IR E
43.
44.
45.
46.
47.
48.
49.
50.
51.
52.
La faillite est déclarée par le tribunal, sur la requête du
failli, des créanciers, ou d’office.
Les associés du failli peuvent-ils provoquer la déclaration de
faillite? Oui, pour les associés solidaires.
Les associés commanditaires ne le peuvent.
Il en serait de même d’un actionnaire d’une société anonyme.
Mais les uns et les autres le peuvent, s’ils agissent comme
créanciers.
Intérêt de ceux-ci à faire déclarer la faillite.
Le créancier porteur d’une obligation civile peut-il provo
quer cette déclaration ?
Q u id du porteur d’une créance non échue ?
Motifs pour lesquels le pouvoir de déclarer la faillite d’office
a été conféré aux tribunaux.
Le tribunal compétent pour statuer est celui du domicile du
failli. — Q u id si postérieurement à la cessation le failli
avait changé de domicile ?
�38
DES FAILLITES ET BANQUEKOUTES
53. Formes de procéder pour parvenir à la déclaration.
54. ■Le créancier débouté en première instance peut appeler du
jugement ; formes de cet appel.
55. Le rejet de la demande oblige le poursuivant à réparer le
préjudice qui a pu être occasionné par elle.
56. Le jugement ou arrêt doit être provisoirement exécuté.
57. Le commerçant qui a fait sa déclaration de cessation peut la
rétracter ta n t que le jugem ent n ’est pas rendu.
58.
Peut-on déclarer en faillite le commerçant qui n ’a qu’un
seul créancier ?
4 3 . — Le soin de déclarer les faillites appartient au
tribunal de commerce; cette déclaration peut être pro
voquée par le failli, par les créanciers ; elle peut émaner
d’office du tribunal.
Le failli provoque le jugement déclaratif en exécutant
les formalités prescrites par les articles précédents. En
effet, la déclaration de cessation de paiements et le dé
pôt du bilan effectués , le tribunal doit immédiatement
prononcer l’ouverture de la faillite.
4 4 . — Les associés du failli peuvent-ils provoquer
la déclaration de la faillite? Aucun doute ne peut s’élever
pour les associés en nom collectif. Ils sont eux- mêmes
faillis dès que la société cesse ses paiements. C’est donc
leur propre faillite qu’ils réclament. Or, non-seulement
l’article 440 leur permet de la provoquer, mais encore *
les articles 438 et 439 leur en font un devoir.
4 5. — Mais il n’en est pas ainsi des commanditai
res. Le commanditaire n’est pas un associé ordinaire :
il n’engage dans.le commerce qu’une part déterminée
au delà de laquelle il n’est jamais tenu. Il reste étranger
à la faillite par l’abandon de la mise qu’il a versée ou
qu’il est obligé de verser entre les mains des syndics.
�art.
440.
59
La loi lui interdit de plus de s’immiscer dans l’adminislration ; il ne peut par conséquent l’apprécier sûre
ment ; mais il doit veiller sur la conservation de sa mise.
S’il la croit en péril, il peut poursuivre la dissolution
et la liquidation de ses droits ; mais il n’a aucun intérêt
réel à provoquer la faillite. Ce défaut d’intérêt le ren
drait non recevable à la faire déclarer.
Vainement objecterait-il que la société est en déficit.
Le déficit ne constitue pas l'état de faillite ; il peut être
comblé par les conséquences d’une opération heureuse;
il peut être annulé par le crédit dont le gérant dispose.
Quant aux craintes qu’il pourrait causer au comman
ditaire, il peut les faire cesser en usant du droit de pro
voquer la dissolution.
Il est vrai que le commanditaire peut être en même
temps créancier, et avoir intérêt en celte qualité à faire
déclarer la faillite. Mais, dans ce cas, il ne serait admis
à le faire que s’il y avait cessation de paiements. Ce n’est
qu’alo rs, en effet, que la faillite se décèle et que s’ou
vrent les droits des créanciers.
La cour de Colmar a consacré ces principes par arrêt
du 17 mars 1810. Dans l’espèce de cet arrêt le com
manditaire ayant ap p ris, par l’inventaire dressé par le
gérant, que le passif excédait de beaucoup l’actif. avait
fait prononcer la faillite. Le gérant ayant formé opposi
tion , le tribunal de commerce , sans s’y arrêter , avait
maintenu le jugement déclaratif.
Mais la cour faisant droit à l’appel, annule ce juge
ment et condamne le commanditaire à des dommagesintérêts :
�60
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
« Attendu que ce qui caractérise la faillite d’un né» gociant est la cessation de paiements; - attendu qu’au
» cas particulier il n’est nullement constaté que l’appe» lanl ait cessé ses paiements ; qu’il n’a point fait de
» déclaration ; — que c’est donc à tort que l’intimé a
» provoqué la faillite, et c’est subrepticement qu’il en a
» obtenu jugement, même en agissant comme créancier,
» car, comme associé, il ne pouvait avoir qualité ni être
» recevable à provoquer la faillite'; — qu’à la vérité il
» résulte de l’inventaire qu’il y avait déficit d’une som» me considérable, mais cette détresse pouvait n’être que
» momentanée, un virement des parties, ou les ressour» ces que l’appelant pouvait trouver dans sa fortune ou
» ailleurs eussent pu le relever.1 »
Les principes qui servent de base à cet arrêt nous pa
raissent incontestables. On doit sans difficulté les ap
pliquer à toutes les hypothèses semblables.
4G. — Ainsi, l’associé commanditaire ne serait pas
recevable à provoquer la faillite; son d ro it, même en
cas de déficit avoué , se borne à la faculté de faire dis
soudre la société. Ces mêmes motifs amèneraient une déci
sion identique pour l’actionnaire d’urie société anonyme.
47.
— Comme créanciers , les uns et les autres ne
pourraient avoir plus de droits que les créanciers ordi
naires, c’est-à-dire que participant avec ceux-ci au droit
de provoquer la mise en état de faillite, ils ne pourraient
le faire que s’il y a cessation de paiements. Ce n’est, en
effet, qu’à cette condition que l’article 440 admet les
créanciers à agir.
�ART.
440.
61
4 8 . — L'action de ceux-ci est une conséquence né
cessaire de l’intérêt qu’ils ont à la conservation du gage
commun. Le commerçant qui cesse ses paiements perd
tous droits à l’administration de son actif. Il y a péril à
le laisser en ses mains , à le livrer à sa disposition. Le
jugement déclaratif emporte de plein droit dessaisisse
ment. Les créanciers, en le provoquant , agissent donc
dans un intérêt réel , incontestable. Le législateur ne
pouvait le méconnaître; il ne l’a pas méconnu, en effet,
puisque l’article 440 autorise nommément l’action des
créanciers.
4 9 . — Le créancier porteur d’une obligation civile
pourra-t-il provoquer la déclaration de faillite? Nous
avons vu que, pour constituer l’étal de faillite, la cessa
tion de paiements doit se réaliser à l’encontre des dettes
commerciales. Il résulte de ce principe que , tant que
celles-ci sont régulièrement payées, le porteur d’un en
gagement civil non payé ne pourrait que se livrer aux
exécutions autorisées par son titre. Mais si la cessation
de paiements légale se réalise , il y a faillite. L’effet de
celle-ci est de confondre les dettes sans distinction des
causesde rengagement ; leur liquidation est identique. Dès
lors toutes ont le même droit à provoquer la déclaration.
50. — Ce droit appartient au porteur d’un titre non
encore échu. La cessation de paiements est une preuve
qu’à 1échéance la dette ne sera pas soldée. Il convient
donc au porteur de prendre des mesures pour rendre
ses droits actuellement exigibles. Or, cette exigibilité ré
sulte du jugement déclaratif; il,a donc un intérêt réel
à ce qu’il soit rendu.
�62
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Ainsi, quelle que soit la nature de la créance , son
exigibilité, il suffit qu’un droit existe pour qu’il soit mis
en mouvement par la faillite. Ce qui constitue essentiel
lement celle-ci, c’est la cessation de paiements ; avec
cette cessation s’ouvre pour tous les intéressés la faculté
immédiate d’agir.
51. — Enfin le tribunal de commerce peut d’office
prononcer la faillite; il le doit même dans l’intérêt des
créanciers éloignés qui ne sont pas à même de la pro
voquer, ignorant encore la cessation de paiements. Ils
ont par cela même un besoin plus urgent de protection
non-seulement contre le failli , mais encore contre les
créanciers plus rapprochés qui , sur le premier bruit de
déconfiture, peuvent traiter avec le failli ou s’indemni
ser aux dépens de l’actif.
5 2 . — Le tribunal compétent pour statuer sur la
mise en faillite est celui du domicile dans lequel le com
merçant a exercé le commerce, alors même que ce do
micile eût été abandonné après la cessation de paie
ments. Le commerçant est de droit failli par cela seul
qu’il ne paye plus. Le jugement déclaratif ne fait que
constater le fait préexistant ; d’où la conséquence que'ce
que le failli ne pourrait faire après ce jugem ent, il ne
peut l’accomplir avant. C’est au juge dans l’arrondisse
ment duquel s’est réalisée'la cessation de paiements que
la loi défère le jugement de la faillite , parce q u e , seul,
il a une connaissance suffisante des circonstances qui
ont pu motiver celte cessation et du caractère de^’administration du failli. Celui-ci aurait trop d’avantages si,
abandonnant le commerce après avoir cessé ses paie-
�ART.
440.
63
ments, il pouvait, par la déclaration de changement de
domicile , investir un tribunal éloigné des lieux où il a
exploité son industrie et par conséquent étranger à tout
ce qui le concerne ; il éviterait ainsi celte notoriété pu
blique qui, dans bien de circonstances, est indispensable
pour la découverte de la vérité et la saine appréciation
des actes querellés par les créanciers.
53.
— Si la faillite est poursuivie par les créanciers,
c’est par voie de requête qu’il y est procédé; on n’a nul
besoin d’assigner le débiteur : la loi n’accorde à celuici que le droit de former opposition au jugement décla
ratif.
Il paraît d’abord bien rigoureux d’exclure le débiteur
d’une instance qui a pour lui un si vif intérêt. Mais
l’urgence de cette mesure, l’importance de sa réalisation
soudaine et imprévue ont fait consacrer cette forme de
prononcer. Le créancier qui poursuit reste d’ailleurs
personnellement garant des conséquences que cette pour
suite pourrait entraîner, si elle était injuste et mal fondée.
C’est au tribunal à examiner avec maturité et prudence
si les faits qui lui sont déférés constituent la cessation
de paiements. Des juges commerçants apprécieront les
dangers graves qui pourraient naître d’une erreur dans
leur décision. Ils consulteront donc avec soin toutes les
circonstances ; ils pèseront les motifs qui dirigent le de
mandeur, sa position, sa solvabilité, et ce n’est qu’avec
une entière connaissance de cause qu’ils doivent pro
noncer.
Au reste, une méprise est d’autant moins à craindre
en pareille matière, que la cessation de paiements s’a n -
�64
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
nonce par des fails extérieurs facilement appréciables,
sut tout par des négociants au milieu desquels ces faits
se seront réalisés. Déjà sans doute des poursuites précé
dentes auront frappé leurs oreilles et occupé leur justice.
Ils auront donc tous les éléments pour apprécier s’ils
doivent ou non faire droit à la requête.
S i . — Si la demande est rejetée, le créancier pour
suivant pourra se pourvoir par appel de la sentence. La
forme de procéder sur cet appel est la même que celle
adoptée devant le premier degré. La cour saisie par une
requête délibère, sur le vu du jugement, s’il y a lieu de
le maintenir ou de le réformer l.
5 5 . — La décision qui repousserait la demande
pourrait donner lieu , de la part du débiteur contre le
poursuivant, à une demande en dommages-intérêts. On
sait combien des bruits d’insolvabilité, de déconfiture,de
faillite peuvent altérer le crédit d’une maison de com
merce. La poursuite on déclaration de faillite serait une
atteinte immense à la considération, à l’existence même
d’un commercant: celui-ci aurait donc un droit incontestable à obtenir une réparation éclatante du préjudice
matériel et moral qui lui aurait été occasionné.
e
»
5 6 . — Le jugement ou l’arrêt qui déclarerait la fail
lite est toujours exécuté provisoirement. Il était impossi
ble que les mesures qu'un pareil état de choses sollicite
fussent suspendues pendant les délais de l’opposition et
de l’appel. Agir autrement, c’était livrer le gage des cré1 Besançon , 13 mai 1808 ; — Riom , 4 juillet 1837; — Rouen, 10
mai 1813; —Dalloz A., t. 8, p. 26 et 27 . — Sirey, 1814, 2 , 176.
�ART.
440.
65
anciers à la discrétion du failli et s’exposer à le voir dis
paraître.
L’exécution provisoire était donc une nécessité abso
lue. Elle peut, il est vrai, avoir de déplorables résultats
pour le commerçant injustement poursuivi et mal à pro
pos condamné. Heureusement que l’erreur est on ne
peut pas plus rare. D’ailleurs, la responsabilité en pèse
rait tout entière sur le poursuivant, si la prudence des
juges pouvait se laisser surprendre.
57. — Le commerçant qui a fait sa déclaration de
cessation de paiements, peut la rétracter tant que le ju
gement déclaratif n’a pas été rendu. Des ressources inat
tendues peuvent être recueillies et fournir les moyens de
faire face à tous les engagements jusque-là en souffran
ce. Le commerçant reprenant ses paiements, il n’existe
rait plus de cessation. Celle qui avait été déclarée n’au
rait été que passagère, accidentelle et complètement vain
cue ; il n’y aurait aucun motif plausible pour s’opposer
à ce que cette déclaration fût rétractée '.
58. — Peut-on déclarer en faillite le commerçant
qui n'a qu’un seul créancier ?
Il semble que la négative devait être adoptée ; car les
motifs de la loi, les précautions qu’elle prend sont sans
application plausible, lorsqu’un seul intérêt est en jeu.
En effet, le désinvestissement absolu peut résulter
suffisamment d’une saisie qui place les facultés mobi
lières et immobilières du débiteur sous la main de la
justice. A quoi bon dès lors les formalités nombreuses
i Voy. infra article 580.
�66
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
que le désinvestissement résultant du jugement déclara
tif occasionne ?
Il y a plus : une foule d’entre elles deviennent im
praticables. Ainsi les assemblées des créanciers, le vote sur
le maintien ou le remplacement des syndics , les vérifi
cations des créances , le vole sur le concordat, l’union,
le compte rendu chaque année aux créanciers sont réel
lement d’une exécution impossible autant que dérisoire.
La loi nouvelle a favorisé le concordat, et tout con
cordat serait inadmissible si le créancier unique ne le
consentait pas. Privé de ce bénéfice , le débiteur pour
rait , de plus, n’êire jamais libéré de la contrainte par
corps ; la déclaration d’excusabililé pourrait éprouver de
sérieuses difficultés. En thèse ordinaire, si les créanciers
repoussaient à l’unanimité l’avis favorable au failli,' il
est permis de croire que le tribunal qui doit prononcer
sur i’excusabil.ilé ne croirait pas devoir l’admettre. Que
fera-t-il lorqu’il n’y a qu’un seul créancier et que celuici aura voté contre le failli? Or, cela se réalisera presque
toujours en pareil cas , car il est peu probable que le
créancier consente lui-même à se priver du levier puis
sant de la contrainte par corps.
Il pourrait donc arriver, si le tribunal croyait devoir
se conformer à l’opinion du créancier, que le débiteur
n’aurait aucune chance de se soustraire à celte voie ri
goureuse , ce qui rendrait sa position pire que celle du
failli qui aurait fait de nombreuses victimes.
Toutes ces considérations paraissent décisives. Le meil
leur moyen, en effet, de démontrer l’inapplicabilité d’une
loi, est de prouver que son application est impossible.
�ARR.
440.
67
Mais l’opinion contraire se justifie mieux en droit. La
qualité de commerçant exclut, pour celui qui en est re
vêtu, l’état de déconfiture. Pour lui, être dans l’insolva
bilité, cesser ses paiements, c’est être en faillite.
L’existence de celle-ci confère à tout ayant droit la
faculté de la faire judiciairement constater. O r, dès le
premier moment et lorsqu’il requiert cette constatation,
il est impossible de savoir s’il est ou non seul créancier.
Aurait-on la preuve qu’il n’en existe aucun autre, qu’on
ne pourrait pas plus repousser sa demande que rétracter
le jugement déclaratif, si cette preuve n’est acquise que
plus tard.
En effet, le créancier a un véritable intérêt à la décla
ration de faillite. Celle-ci crée un droit spécial pour les
actes faits depuis l’ouverture de la cessation de paie
ments et dans les dix jours qui l’ont précédée. Or , il
peut n’y avoir qu’un seul créancier, parce que, dans cet
intervalle, le failli a désintéressé les autres. Celui qui ne
l’a pas été pourra faire rapporter à la masse les paie
ments faits contrairement aux prescriptions de la loi, an
nuler ceux qui ont été reçus do mauvaise foi, révoqiler
les aliénations proscrites par les articles 446 et suivants.
Ces droits sont assez importants pour que le créancier
veuille se mettre en mesure de les exercer.
Il est une autre circonstance qui autoriserait à elle
seule la demande du créancier. La faillite enlève à la
femme la position que lui fait la loi ordinaire , quant à
la reprise de ses dot et droits. Sous ce rapport encore,
on ne saurait contester l’intérêt que trouve le créancier
dans la poursuite en déclaration de faillite.
�68
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Repousser cetle poursuite serait donc un véritable déni
de justice. On dépouillerait un négociant qui a traité
avec un autre négociant, de l’avantage que la faillite lui
assure contre la femme du débiteur , contre tous ceux
qui ont traité avec ce débiteur en temps suspect, avantage
dont l’expectative a peut-être été pour beaucoup dans les
relations qu’il a lui-même consenti à nouer avec celui-ci.
C’est dans ce sens que s’est prononcée la cour de cas
sation par deux arrêts : l’un de la chambre des requê
tes, du 7 juillet 1841, l’autre de la chambre civile, du
6 décembre suivant, dont voici le texte :
« Vu l’article 437 du Code de commerce ;
» Attendu que la cessation de paiements, dans le sens
» de la loi fixé par le rapprochement des articles 437',
» 441, 449 du Code de commerce , ne résulte pas du
» nombre des créanciers, mais bien de la situation réelle
» du commerçant débiteur; que si au refus de paie» ment, même envers un créancier unique, se joignent
» toutes les circonstances q u i, comme dans l’espèce,
» démontrent la ruine entière des affaires et l’impossi» bililé de payer , non pas temporaire et accidentelle,
» mais absolue et complète, on ne peut pas y voir une
» cessation de paiements, et le créancier, quoique uni» que , sans s’enquérir s’il en existe ou non d’autres,
» est en droit de provoquer la déclaration de faillite de
» son débiteur, et les tribunaux sont dans le devoir de
» la prononcer; que si, par cette déclaration, le débiteur
» perd civilement son état, cetle perte est la conséquence
» nécessaire, d’une part, de sa qualité de commerçant,
» et d’autre p a rt, du droit acquis au créancier qui a
�ART.
»
»
»
»
»
»
»
»
440.
69
contracté avec lui en celte qualité ; qu’enfin , si dans
le cas de déclaration de faillite, sur la demande d’un
seul créancier, plusieurs dispositions que la loi prescrit
pour l’ouverture, la marche et la clôture de la faillite
demeurent sans effet, les procédures devenues ainsi
plus expéditives et plus simples, ne sont pas inconciliables avec la nature de l’affaire, les obligations du
débiteur et les droits du créancier.1 »
A rt. 4 4 1 .
P ar le jugem ent déclaratif de la faillite, ou p a r
jugement u lté rie u r ren d u s u r le rap p o rt du ju gecommissaire, le trib u n a l déterm inera, soit d’office
soit s u r la po u rsu ite de toute partie intéressée,
l’époque à laquelle a eu lieu la cessation de paie
ments. A défaut de déterm ination spéciale, la ces
sation de paiem ents sera réputée avo ir eu lieu à
partir du jugem ent déclaratif de la faillite.
A rt. 4 4 2 .
Les jugem ents ren du s en vertu des deux articles
précédents seront affichés et insérés p a r extrait
dans les jo u rn au x , tant du lieu où la faillite au ra
été déclarée que de tous les lieux où le fa illi au ra
des établissem ents com m erciaux, suivant ie mode
établi par l’article 42 du présent Code.
SOMMAI RE
59.
60.
6).
62.
Importance de la faculté de faire remonter la faillite.
Système du Code de commerce ancien.
Système de la loi actuelle. Discussion qu’il a soulevée.
Eléments qui doivent concourir à déterminer la date de la
cessation.
1 G azette
dés tr i b u n a u x ,
48 juillet et 49 décembre 4844.
�70
63.
64.
65.
66.
67.
68.
69.
70.
71.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Elle peut être fixée à celle des premiers protêts.
Pourrait-elle remonter à celle des constitutions d ’hypothè
ques consenties par le failli ? Arrêt de la cour d’Aix dans
l’affaire Farrenc.
La circulaire convoquant les créanciers peut être prise pour
point de départ de la cessation.
Caractères que doit réunir la cessation pour constituer la
faillite. Leur application aux cas nombreux que la prati
que peut présenter.
La date de la cessation doit être fixée par le jugement décla
ratif, et à défaut, par un jugement subséquent.
L’un et l ’autre de ces jugements peuvent toujours être mo
difiés , soit d’office par le tribunal, soit sur la requête
d’un créancier.
A défaut de recours en temps utile , le jour de l ’ouverture
est définitivement fixé au jour du jugement.
Exception à cette proposition pour la faillite déclarée après
décès.
Nécessité et formes de la publicité que doivent recevoir les
jugements qui déclarent la faillite, et ceux qui en modi
fient la date.
59.
— La faculté laissée au tribunal de faire remon
ter la faillite, soit d’office soit sur la demande d’un cré
ancier, est d’une exécution importante autant que diffi
cile. Le droit est ici fort voisin de l’abus ; et s’il est à
désirer que toutes les fraudes soient atteintes, il est aussi
d’une bonne justice que de vaines tracasseries ne vien
nent pas compromettre des droits acquis de bonne foi à
une époque où , quelle que fût au fond la position du
failli, son état était en apparence au dessus de tout soup
çon.
Remarquons que cette faculté est illimitée. L’ouverture
de la faillite peut être reportée à une ou plusieurs années
�/
1
ART. 441, 442.
71
du jugement déclaratif. Une infinité de transactions peu
vent tout-à-coup être menacées. On comprend dès lors
avec quelle prudence doivent agir les tribunaux.
60. — Le Code de commerce semblait, dans l’article
441, prendre pourpoint de départ de la faillite l’époque
où, par des actes significatifs, le débiteur avait manifesté
son impuissance de faire face à ses engagements. C’était
là une conséquence de la disposition de l’article 442 qui
faisait remonter le dessaisissement du failli au jour mê
me de la cessation. Cette incapacité de droit devant avoir
une fâcheuse influence contre les tiers qui avaient traité
avec le failli, on devait être extrêmement réservé dans
l’exercice de la faculté de faire remonter le jour de l’ou
verture l.
61. — La loi actuelle a abandonné le système du
Code par les motifs que nous développons sous l’article
suivant. Les conséquences du report de la date de la fail
lite ont perdu de leur gravité; et comme en définitive ce
sera aux créanciers qui attaqueront un acte quelconque
à fournir la preuve de la mauvaise foi de celui en faveur
de qui il a été souscrit, le report a été considéré comme
un moyen d’atteindre la fraude , sans exposer à aucun
danger les transactions sérieuses et sincères.
Cependant cette faculté a été vivement combattue. Le
projet présenté en 1835 ne reconnaissait pour point de
départ de la faillite que le jour où la notoriété publique
de la cessation était acquise ; mais il admettait la pré
somption de fraude pour tous les actes postérieurs à cette
1 Voy. infra articles 446 , 447.
�72
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
époque. Ce principe et ses conséquences furent repous
sés par la chambre des députés. L’on dit avec raison
que , de tous les systèmes , celui fondé sur la notoriété
était le plus contraire à l’équité , au crédit commercial,
à la vérité ; qu’il n’existe jamais de notoriété générale,
universelle, absolue , indépendante des lieux , des cir
constances ; que ce qui est vrai à Paris, peut ne pas l’être
à Lyon, à Marseille, et réciproquement; que cependant
les actes faits dans tous ces pays seraient soumis au
même so rt, puisque la conséquence qui devait résulter
de la notoriété, en matière de faillite, était la nullité de
toutes-les opérations postérieures au moment fixé par
le jugement, comme étant celui où la notoriété a été ac
quise, ce qui pourrait n’être bien souvent qu’un men
songe inséré dans un jugement.
Cette opinion de la chambre des députés , en 1835,
fut sanctionnée par le gouvernement; le système d’abord
présenté fut abandonné dans les projets soumis ultéri
eurement aux chambres. Mais, en 1838, il fut repro
duit par M. de Golbéry, dont l’amendement, chaleureu
sement appuyé par M. Teste, amena de nouveau la dis
cussion sur ce terrain. Une seconde fois la chambre re
jeta ce système. Ce qui parut surtout la décider , c’est
qu’en limitant sur ce point l’action des tribunaux, c’était
s’exposer à ne pas atteindre toutes les fraudes en créant
en faveur de quelques-unes des prescriptions que la
mauvaise foi saurait bien faire naître.
L’article sortit de la discussion tel que nous le trou
vons aujourd’hui dans la loi. Nous avons dû retracer
l’historique qui précède, parce qu’à notre avis il n’est
i
-
�art.
441, 442.
73
pas inutile pour fixer l’esprit du législateur et la portée
qu’il a voulu donner à sa disposition. La prudence que
nous recommandions tout à l’heure doit se concilier a vec les exigences que comporte la répression de tout ce
qui tendrait à blesser l’intérêt des créanciers, ou le prin
cipe d’égalité que la loi a entendu leur garantir.
62. — Nous avons déjà recherché quels étaient les
caractères de la cessation de paiements; il nous faut
maintenant entrer dans quelques développements. Le
tribunal peut, après le jugement déclaratif, en reporter
la date par un jugement postérieur , les éléments de ce
second jugement varient essentiellement de ceux qu’exige
le premier.
63. — Quelques protêts,disions-nousl, ne suffiraient
pas pour constituer la cessation de paiements. Au pre
mier abord , en effet, il est difficile d’apprécier si ces
protêts tiennent à une gène momentanée , passagère,
plutôt qu’à une déconfiture complète. Plus tard, cepen
dant, l’inspection des écritures peut amener à une cer
titude sur ce point en faisant ressortir les causes qui
leur ont donné naissance.
S’il résulte des livres qu’au lieu de payer, le débiteur
a renouvelé ses obligations en souffrance si pour faire
face à quelques paiements réels il s’est créé des ressour
ces factices soit en vendant au dessous du cours, soit en
se livrant à des emprunts onéreux ou en donnant ses
marchandises en nantissement, on prendra ces protêts
pour point de départ de la cessation de paiements. Il
i Article 437.
�74
1)ËS FAILLITES ET BANQUEROUTES
est alors certain qu’ils n’étaient que le résultat d’une
impuissance réelle et profonde. Ne pouvant plus faire
honneur à ses engagements, le débiteur devait s’arrêter
et se constituer en état de faillite. On s’exposerait, par
la décision contraire, à encourager un abus que la loi a
voulu proscrire, celui de prolonger au détriment de l’ac
tif une existence commerciale trop gravement compro
mise pour qu’elle puisse se relever.
Il est vrai, et nous le disions tout à l’heure , qu’une
chance heureuse peut quelquefois remettre au niveau un
commerçant depuis longtemps en déficit ; mais cela ne
peut se réaliser que pour celui qui n’emprunte qu’à ses
ressources ou à son crédit les moyens de courir cette
chance. Celui , au contraire , qui ne peut opérer qu’en
aliénant son capital , qui pour emprunter mille francs
est obligé de vendre ou engager pour deux mille francs
de marchandises, celui-là ne fait que creuser plus pro
fondément le gouffre du déficit, que courir à une ruine
assurée. C’est à ce degré que l’intérêt public veut qu’on
s’arrête ; c’est aussi à ce moment que la faillite doit
être fixée.
*
64.
— On s’est demandé plusieurs fois , et notam
ment dans la Faillite Farrenc, de Marseille, s’il ne con
venait pas de faire remonter lajdate de la faillite jusqu’à
celle des hypothèques consenties par le débiteur.
L’on peut dire à l’appui de l’aifirmative que l’hypo
thèque n’est en réalité qu’un défaut de paiements, qu’un
atlermoyement véritable obtenu par le débiteur dont elle
décèle l’impuissance. En effet, un pareil mode de satis
faire à ses engagements est trop contraire aux habitudes
�art.
441, 442.
75
commerciales pour qu’il ne suppose pas une insolvabi
lité réelle chez celui qui le consent, et la conviction de
cette insolvabilité chez celui qui l’accepte. Lorsque ce
dernier a fait crédit, c’était dans la certitude d’être rem
boursé à l’échéance, avec d’autant plus de raison qu’il
a lui-même des paiements à opérer , pour lesquels il a
dû compter sur les rentrées de ses fonds.
L’hypothèque est donc une véritable cessation de paie
ments , et nous ne douions pas qu’il fallût le décider
ainsi, si la question pouvait être résolue abslractivement de toutes circonstances de fait. Mais on comprend
qu’elle ne se présentera jamais-ainsi devant les tribu
naux, et que toujours on appellera l’attention des ma
gistrats sur les faits qui ont précédé, accompagné et suivi
la constitution d’hypothèque.
Or, les faits seront sans contredit d’une haute influence
sur l’appréciation de la cessation de paiements, et cela
dans tous les cas. Ainsi, un protêt non suivi de pour
suites ou éteint par un paiement régulier ne constitue
rait pas la faillite. Pourquoi n’en serait-il pas de même
pour l’hypothèque, en admettant qu’elle soit un refus de
paiement ?
Il faudra donc avoir égard, pour trancher notre ques
tion, au nombre des hypothèques consenties, aux cir
constances qui ont pu les déterminer , et surtout à la
position ultérieure du débiteur.
S’il est resté longtemps encore à la tête de son com
merce,, s’il en a continué les opérations, s’il a constam
ment payé ses au 1res engagements, si enfin les hypothè
ques consenties n ’ont été suivies d’aucune poursuite,
�76
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
d ’aucun protêt, d’aucune condamnation, il n’y a pas eu
cessation de paiements, et ce n’est pas à leur date qu’il
faut placer l’ouverture de la faillite.
C’est ainsi que dans l’affaire Farrenc l’a décidé la
cour d’Aix K C’est ainsi qu’antérieurement l’avait consa
cré la jurisprudence 2.
Mais il n ’en serait pas de même si des constitutions
d’hypothèques nombreuses avaient été suivies de quel
ques paiements peu importants opérés à l’aide des moyens
que nous indiquions tout à l’heure et aux dépens de l’ac
tif. Il n’y aurait dans ces faits que l’intention de prolon
ger une existence essentiellement atteinte, que le dessein
de gagner du temps pour assurer la validité des hypo
thèques et avantager ainsi ceux qui les ont obtenues. Ce
calcul ne saurait être trop énergiquement déjoué , et la
date de la première de ces hypothèques devrait signaler
le départ de la faillite.
65.
— La cessation de paiements peut être fixée à
la date de la circulaire par laquelle un commerçant de
mande à ses créanciers soit une remise , soit un altermoyement. Une démarche pareille est un aveu d’impuis
sance , une déclaration formelle de cessation de paie
ments , qui appelle l’application des mesures prescrites
par la loi pour la conservation de l’actif dans l’intérêt
des créanciers.
Si cependant ceux-ci, au lieu de provoquer la faillite,
consentent le traité proposé par le débiteur, ils ne peu1 30 mars 1840
Recueil de Tavernier et Castellan, t. 1, p. 181.
2 Bruxelles, 22 août 1812;—Grenoble, 1er juin 1831 ;—Sirey, 16, 2,
120;—D. P., 32, 2, 40.
�art.
441, 442.
11
vent plus la faire ultérieurement déclarer si le traité est
fidèlement exécuté. En cas d’inexécution de la part du
débiteur , les créanciers rentrent dans tous leurs droits,
et la faillite remonte à la date de la circulaire ou à celle
du traité lui même, quel que soit le temps qui s’est écoulé
depuis. Il est certain, en effet, que les paiements posté
rieurs à l’une et à l’autre ne sont que la conséquence de
l’abandon consenti par les créanciers et non le résultat
des ressources personnelles du débiteur.
66 . — Au reste la pratique peut présenter une foule
de cas sur lesquels il est difficile d’établir une théorie
certaine. C’est aux magistrats à les apprécier sous l’ins
piration des principes que nous venons d’exposer, et qui
se résument dans ces simples propositions : Pour qu’il y
ait faillite, il faut qu’il y ait cessation de paiements par
un commerçant; pour que la cessation de paiements
constitue la faillite , il faut qu’elle se réalise à l’égard
d’engagements commerciaux et qu’elle provienne d’une
insolvabilité réelle.
La réunion de ces caraclères suffit pour que la faillite
soit déclarée. Son ouverture remontant à l’origine de la
cessation, et celle-ci se manifestant par un refus de paie
ments, il suit que tout acte constatant ce refus peut être
pris pour point de départ.C’est ainsi qu’on l’a admis en
jurisprudence ; c’est ce qui ressort notamment d’un arrêt
delà cour d’Àix, du 20 décembre 1820.1
67. — La fixation du jour de l’ouverture de la fail
lite est d’une importance incontestable par rapport aux
1 D. A., t.S, p. 76.
�78
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
actes que le failli peut avoir consentis. Cette fixation doit
être faite par le jugement déclaratif, et, en cas d’omis
sion, par un second jugement.
6 8 . — L’initiative du tribunal n’est pas d’ailleurs
limitée à ce cas; elle peut s’exercer alors même que le
jugement déclaratif eût déterminé cette ouverture. Il est
difficile à celte époque d’être suffisamment fixé sur un
fait de ce genre , que la liquidation de îa faillite peut
seule quelquefois établir d'une manière bien précise. Le
tribunal peut donc, en tout état de cause, sur des rensei
gnements nouveaux et sur le rapport du juge-commis
saire, revenir d’office sur la fixation qu'il avait déjà faite,
ou suppléer à l’omission que renfermerait le jugement
déclaratif.
Il est de l’essence de tout jugement sur la fixation du
jour de l’ouverture d’être toujours provisoire et révocable.
Ainsi, les tiers qui ont traité avec le failli, les créanciers,
en un mot tous ceux dont les intérêts auraient à souffrir
de celle qui aurait été admise, peuvent former opposi
tion au jugement et demander une fixation plus éloignée
ou plus rapprochée. Il n’existe à cet égard d’autre fin
de non recevoir contre leur action que celle consacrée
par la disposition des articles 580 et 581 de la loi.
Le jugement sur celte opposition est poursuivi contre
les syndics ; il est susceptible d’appel conformément à
l’article 58ü.
6 9 . — A défaut de recours dans le délai légal, la
fixation du jour de l’ouverture de la faillite est définiti
vement maintenue telle qu’elle a été déterminée par le
jugement déclaratif ou tout autre subséquent. Si, dans
�art.
441, 442,
79
le premier, il a été omis de statuer et que cette omission
n’ait pas été réparée, l’ouverture de la faillite reste fixée
au jour du jugement déclaratif.
70.
— La loi actuelle crée une hypothèse où il est
forcément dérogé à ce principe : c’est celle de la faillite
déclarée après décès. Il n’y a dans ce cas de faillite pos
sible qu’autant que la cessation de paiements s’est réali
sée pendant la vie. Il serait dès lors impossible de pren
dre pour point de départ de cette cessation le jugement
déclaratif qui est postérieur au décès; ce serait ouvrir la
faillite dans un moment où il ne peut plus en exister.
Il faut donc , pour la régularité des opération^ ulté
rieures , que le tribunal répare d’office l’omission qui
aurait été commise dans le jugement déclaratif. A défaut
par le tribunal d’y procéder, les syndics seraient tenus,
avant toute immixtion dans leurs fonctions, de le requé
rir. Jusque-là le jugement est entaché d’un vice radical
qui en motiverait la rétractation.
7 | . — L’état de faillite modifiant d’une manière dé
cisive la position sociale du commerçant et lui enlevant
toute capacité , le public doit être mis en demeure de
connaître la déclaration qui en a été prononcée. D’autre
part, les droits existant doivent être mis en mouvement,
et les créanciers dont les noms ayant été omis dans le
bilan ne pourraient en conséquence être nominativement
convoqués, appelés à se présenter et à faire valoir leurs
titres. C’est pour atteindre à ce triple résultat que la loi
prescrit l’affiche et l’insertion dans les journaux du ju
gement déclaratif.
Nous verrons plus tard que la date de l’affiche peut
�80
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
devenir très-importante à fixer '. Elle sert en effet à dé
terminer la recevabilité de l’opposition du failli et des
parties intéressées envers le jugement de déclaration ou
de fixation d’ouverture. Cette date doit donc être exigée
dans une forme invariable et authentique. En conséquen
ce, l’accomplissement de cette formalité doit être constaté
par un procès-verbal régulier d’apposition conformé
ment aux dispositions du Code de procédure. Un simple
certificat émalié de celui qui a affiché les placards , ou
du maire de la commune, ne produirait aucun résultat.
L’insertion dans les journaux est prouvée par la re
présentation d’un numéro du journal revêtu de la signa
ture du gérant dûment légalisée. Le journal dans lequel
cette insertion doit se faire est celui désigné par le tri
bunal de commerce, conformément au nouvel article 42
du Code de commerce.
S’il n’existe aucun journal dans le lieu où siège le
tribunal, l’insertion est faite dans celui de la ville la plus
voisine, et même dans celui du chef-lieu du départe
ment. Le but de la loi étant de donner à la faillite la
plus grande publicité, ce serait se conformer à sa véri
table intention que de faire, dans tous les cas , l’inser
tion au chef-lieu, bien entendu que celle-ci serait sans
préjudice de celle à réaliser dans le journal qui existe
rait dans la localité où la faillite a été déclarée.
Cette double formalité s’applique non-seulement au
jugement déclaratif, mais encore à tous les jugements
postérieurs qui auraient statué sur le report de l’époque
de la cessation de paiements. On ne peut toucher à celle1 Article 580
i
�art.
441, 442.
81
ci sans compromettre plus ou moins les droits contractés
postérieurement, et sans être obligés de donner ainsi
aux parties intéressées la faculté de s’opposer à ce qui
pourrait leur préjudicier. Or , la signification aux tiers
est remplacée par la publicité que le jugement reçoit.
Cette publicité est donc indispensable pour faire courir
les délais de l’opposition.
A rt. 4 4 3 .
Le jugem ent d éclaratif de la faillite em porte de
plein d ro it; à p a rtir de sa d a te , dessaisissem ent
pour le fa illi de l'a d m in istra tio n de tousses biens,
même de ceux qui peuvent lu i échoir tant qu’il
est en état de faillite.
A p a rtir de ce jugem ent, toute action m obilière
ou im m obilière ne p o u rra être suivie ou intentée
que contre les syndics.
Il en sera de mêm e de toute voie d’exécution
tant su r les m eublés que s u r les im m eubles.
Le tribun al, lo rsq u ’il le ju g e ra convenable, p o u r
ra recevoir le fa illi p artie intervenante.
S O MMA I R E
72.
73.
74.
73,
76.
77.
78.
79.
80.
Modification au Code précédent quant au dessaisissement.
Nécessité du dessaisissement, son objet.
Insuffisance de la législation antérieure à 1807.
Dispositions de l ’ordonnance de 1673, conséquences.
Présentation du Code de commerce , ses motifs ; discussion
au conseil d’Etat.
Rigueur de l ’ancien article 442 ; j urisprudence contraire.
Le dessaisissement ne datera désormais que du jugement.
déclaratif.
Caractère de cette disposition nouvelle.
En quoi consiste la différence entre l’article 443 de la loi de
1838, et l’article 442 du Code de 1807.
i — 6
�82
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
81.
Le dessaisissement est aujourd’hui général et absolu , il
s’applique à tous les biens,
82. Exception pour les choses données ou léguées à titre d’ali
ments.
83. Le dessaisissement fait perdre au failli ses actions actives et
passives.
84. A-t-il le droit d’intervenir ? Oui, s’il y a lieu ; motifs de
cette disposition.
84 bis. Dans quels cas le failli a qualité pour ester personnelle
ment en justice.
85. Prohibition de toutes poursuites individuelles.
86. Les exécutious mobilières commencées avant le jugement dé
claratif peuvent-ellesitre continuées après ce jugement?
87. Dissentiment avec M. Dalloz et réfutation de l ’opinion qu'il
professe.
87 bis. Le dessaisissement du failli rend-il les créanciers des tiers
dans tous les cas.
72. — L’article 443 a apporté à la législation pré
cédente une importante modification. Le dessaisissement
que la cessation de paiements opérait de plein droit n’est
plus aujourd’hui que la conséquence du jugement décla
ratif, et n’existe que du jour où ce jugement a été rendu.
Avant d’examiner quels sont les effets de cette mo
dification, il n’est peut-être pas sans utilité de jeter un
coup d’œil sur le principe en lui-même et sur les légis
lations qui l’avaient régi jusqu’à ce jour.
~\
73. — Le dessaisissement du commerçant qui cesse
de remplir ses obligations était indispensable, soit parce
que l’administration qu’il avait eue de ses affaires étant
jugée par ses résultats ne pouvait être utilement conti
nuée, soit parce que ses biens devenant le gage commun
des créanciers il convenait de laisser aux véritables in té
ressés le soin de leur liquidation.
�art.
443.
83
On parvenait par ce moyen à assurer l’égalité dans les
répartitions : on prévenait ainsi la fraude. Or,cette fraude
est surtout à redouter au moment où la faillite éclate,
au moment où convaincu de sa ruine le débiteur peut
tenter , par tous les moyens en son pouvoir , de sauver
quelques parties de sa fortune du naufrage.
74. — La législation antérieure au Code de com
merce avait entrevu ces conséquences. Elle avait aussi
consacré le dessaisissement mais d’une manière bien in
suffisante, car elle ne le faisait résulter que de la décla
ration de faillite , que le débiteur était toujours maître
de retarder.
\
75. — En effet, l’ordonnance de 1673 disposait que
la faillite ne serait réputée ouverte que du jour que le
failli se serait retiré, ou que les scellés auraient été ap
posés sur ses biens l.
Or, dans l’usage, l’application de cette faculté n’avait
lieu que lorsque le failli avait pris la fuite, ou qu’il s’était
volontairement constitué en état de faillite. De telle sorte
qu’il n’existait jamais de faillite et partant de désinves
tissement que lorsqu’il convenait au failli qu’il en fût
ainsi.
C’est ce que M. Merlin enseigne formellement en dis
cutant l’opinion contraire de Ferrière et de Jousse s.
La conséquence d’un pareil état des choses était qu’un
commerçant ne pouvait jamais être, malgré lni, déclaré
en état de faillite. Le débiteur, même après la suspenl Titre 2, art. 1,
5 Répert., 5meédit., v° faillite, sect. 4, § 4, n» 4.
<
�84
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sion ou la cessation de ses paiements, se perpétuait dans
l’administration de ses biens dont il ne devait remettre
l’état à sés créanciers qu’après la déclaration de faillite '.
Si le débiteur consentait à faillir , il convoquait luimême ses créanciers , et ce n’était qu’après la réunion
que ceux-ci pouvaient prendre des mesures pour la con
servation de l’actif.
Mais le débiteur avait mis le temps à profit. Il avait
si bien dissimulé son actif , que dans l’impuissance de
parvenir à voir clair dans des affaires embrouillées à
dessein, les créanciers consentaient à un abandon pres
que complet de leurs droits.
Les faillites étaient donc devenues un moyen de s’en
richir. Toutes les fraudes étaient impunément tentées;
aucune mesure conservatoire ne les prévenait. Aussi, ce
moyen était exploité jusqu’au scandale au moment où
s’ouvrirent les discussions, sur le Code de commerce.
76.
— Le dessaisissement tardif autorisé par l’or
donnance était donc insuffisant. Il permettait d'en im
poser aux créanciers et de parvenir ainsi à se revêtir
de leurs dépouilles2. Le législateur de 1807 qui signa
lait ainsi la cause du mal, s’efforça de l’extirper en adop
tant d’abord l’article 437, en votantensuite l’article 442.
Dans le projet soumis à la discussion l’article 4421 élait conçu dans des termes plus énergiques encore. La
commission proposait de dire que les créanciers seraient
saisis de plein d roit, du jour de la faillite , de tous les
biens mobiliers, droits et actions du failli, ouverts avant
1 Ordonnance de <1673, titre 2, art. 3.
2 Discussion au conseil d’Etat
Locré, 1 .19, p. 78.
�ART.
443.
85
la faillite ou pendant sa durée; du pouvoir de vendre
les immeubles et d ’en toucher la valeur. On voulait ren
dre les biens tellement indépendants du failli qu’on n’eût
à craindre de sa part aucune disposition. On espérait
aussi par cette prompte expropriation réduire de beau
coup les frais.
Tout le monde reconnaissait la nécessité de se prému
nir fortement, dès le début de la faillite, contre les man
œuvres du failli. Chacun s’accordait sur l’avantage de
soustraire l’actif aux fraudes que l’imminence du péril
fait naître.
Mais accorder la saisine des biens aux créanciers c’é
tait , disait-on , violer le droit sacré de la propriété. La
règle fondamentale de celle-ci est qu’elle ne puisse être
transférée sans le consentement du propriétaire ; l’inter
vention de la justice peut seule remplacer ce consente
ment , lorsque les créanciers veulent obtenir cette alié
nation.
On résumait donc tous les effets que la faillite puisse
produire à ces deux points : 1 ° le failli perd l’adminis
tration de ses biens afin qu’il ne puisse rien faire en
fraude de ses créanciers ; 2 ° aucun créancier n’a le
droit de se venger individuellement sur les biens du failli.
Aller au delà serait autoriser un état de choses injuste,
nuisible au failli, aux créanciers eux-mêmes.
De cette discussion naquit la disposition de l’article
442, telle qu’elle était inscrite dans le Code de commerce.
La loi de 1838 s’est approprié cette même disposition
qu’elle a modifiée quant au moment où se réalise le des
saisissement légal. Le Code de commerce le faisait résulI
�86
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ter de plein droit de l’état de faillite. Cet état étant con
stitué par la cessation de paiements, c’était donc à l’é
poque à laquelle celle-ci était née que remontait le des
saisissement, quelle que fût la date du jugement décla
ratif. Les conséquences de cette disposition étaient de
frapper de nullité radicale tous les actes faits par le failli
dans l’intervalle de la cessation au jugement.
77.
— La rigueur de cette disposition avait été blâ
mée par les uns \ hautement approuvée par les autres2.
Dans bien de cas l’autorité judiciaire s’était refusée à la>
sanctionner à l’endroit des actes consentis par le failli à
titre onéreux. Elle exigeait, pour en prononcer la nul
lité, la preuve que ceux qui avaient traité avec le com
merçant avaient agi de mauvaise foi.
Cette jurisprudence évidemment contraire au texte de
la loi signalait un vice qui devait préoccuper le nouveau
législateur. Il fallait se prononcer sur le parti qu’il con
venait d’adopter, et faire cesser pour l’avenir celte con
tradiction en optant entre les deux systèmes. Nous venons
de voir les bases de celui consacré par l’article 443. Ce
lui adopté par la jurisprudence reposait sur l’adminis
tration de fait que le failli avait conservée jusqu’au ju
gement déclaratif. Ses actes pouvaient être entachés de
fraude, et comme tels ils devaient être annulés. Mais il
pouvait se faire qu’ils eussent été acceptés ou consentis
avec la plus entière bonne foi. Dans cette occurrence, les
envelopper tous dans une même proscription, c’était pu
nir l’innocent dans l’intention d’atteindre le coupable,
i Pardessus, 4™ édition, n®‘ 1118. <119.
s Boulay-Paty, n °5 90, 94.
�;
ART.
443.
87
c’était autoriser l’injustice pour arriver à la répression
de la fraude.
On ne pouvait se dissimuler la force de ces considé
rations, et c’est sous leur inspiration que le nouveau lé
gislateur a tenté de concilier tous les droits.
78. — Désormais le dessaisissement ne résulte que
du jugement déclaratif de la faillite. On accepte ainsi en
droit ce qui est irrévocablement accompli en fait ; la fa
culté de reporter la faillite, la disposition des articles 446
et suivants , celle de l’article 585 paragraphe 4 garan
tissent d’ailleurs l’intérêt le plus urgent de la masse.
79. — Mais il ne faudrait pas donner à celle dispo
sition une importance plus grande qu’elle ne comporte,
il ne faudrait pas surtout en induire que des créanciers
chirographaires pussent être payés contrairement aux
droits des autres créanciers et au mépris des prescrip
tions de l’article 446.
Ce que la loi entend par dessaisissement c’est la pri
vation des actions actives et passives. C’est elle-même
qui s’en explique formellement dans les deux derniers
paragraphes de l’article 443. La capacité conservée au
failli jusqu’au jugement déclaratif est donc uniquement
relative à l’exercice de ces actions et aux poursuites qui
peuvent en naître contre les meubles et les immeubles.
Si les poursuites dirigées contre celui-ci ont été para
chevées avant la déclaration de faillite, elles sont valables
quand bien même elles seraient postérieures à la cessa
tion réelle de paiements. Si le créancier poursuivant a
été payé en espèces par leur résultat, ce paiement n ’est
pas nul de plein d ro it, mais il peut être déclaré tel sur
�8S
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
la poursuite de la masse à laquelle il doit être rapporté,
si celui qui l’a reçu connaissait à cette époque la cessa
tion de paiements.
On comprend à cet égard que la poursuite même peut
fournir la preuve de cette connaissance, surtout à l’en
contre des créances commerciales. Il est de l’essence de
celles-ci d’être soldées à présentation. Or, le porteur qui
pour obtenir ce paiement est obligé de se livrer à des
exécutions, doit puiser dans ce mode tout à fait excep
tionnel la certitude de la déconfiture de son débiteur. Au
reste , cela n’est pas exactement vrai dans tous les cas.
La loi s’en rapporte sur ce point à l’arbitrage du juge :.
Si les poursuites n’étaient que commencées lors du
jugement déclaratif, elles pourraient être continuées mais
contre les syndics : elles profiteraient dès lors à la masse
entière. Ainsi, les sommes saisies-arrêtées, le produit de
la vente des meubles saisis entreraient dans la caisse de
la faillite pour être ensuite répartis entre tous les créan
ciers.
80.
— Toute la différence entre l’article 443 actuel
et l'article 442 du Code de 1807 consiste donc dans la
validité des poursuites faites dans l’intervalle de la ces
sation au jugement déclaratif, que ce dernier annulait
de plein droit et que le premier maintient. Quant aux
conséquences de ces poursuites , telles que paiements,
obligations, constitutions d’hypothèques, elles restent ex
clusivement régies par les articles 446 et suivants. La
seule innovation en ce qui les concerne est la substitu—
! Voy, infra articles 446, 447.
�art.
443.
89
tion de la présomption de bonne foi à celle de fraude
que le Code de commerce avait consacrée.
81. — Le Code de commerce avait soulevé une dif
ficulté que la jurisprudence avait résolue en sens inverse,
à savoir, si le dessaisissement prononcé par l’article 442
s’appliquait non-seulement à l’administration des biens
possédés au moment de la faillite , mais encore à celle
des biens acquis plus tard par successions, donations ou
testaments. Le doute ne saurait exister aujourd’hui en
présence de l’article 443. Le dessaisissement ne pouvant
résulter que du jugement déclaratif est général et absolu.
82. — On doit cependant admettre une exception a
ce principe. Le failli conserverait l’administration et la
jouissance des choses qui lui auraient été léguées ou don
nées à titre d’aliments. L’article 581 du Code de procé
dure civile qui prononce l’insaisissabilité des dons de
cette nature régit le failli. La position de celui-ci ne peut
être pire que celle de tout débiteur insolvable. Comme
ceux-ci il doit vivre, et la loi a si peu entendu lui arra
cher les moyens de pourvoir à ses besoins et à ceux de
sa famille, qu’en l’absence de tous autres elle fait d’abord
aux créanciers un devoir de lui en fournir sur la masse.
À plus forte raison elle a dû vouloir lui conserver ceux
qui pourraient lui arriver par une autre voie.
Dans tous les cas le dessaisissement n’est relatif qu’à
l’administration des biens. Leur propriété réside tout
entière sur la tête du failli contre lequel la vente doit en
être ultérieurement poursuivie.
85. — Nous venons de dire que par le dessaisisse-
�90
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ment le failli perd, pendant toute la durée de la faillite,
l’exercice de toutes ses actions. Cet exercice est transféré
aux syndics qui seuls peuvent intenter ou repousser en
son nom toute instance judiciaire, En conséquence , le
failli est incapable d’ester en justice pour ce qui con
cerne ses biens.
84. — Pourra-t-il intervenir dans les procès pen
dants entre les syndics et les créanciers ou débiteurs ?
Le silence du Code laissait sur ce point le failli sous
l’empire du droit commun. La loi actuelle a conféré aux
tribunaux le pouvoir souverain d’admettre ou de rejeter
l’intervention selon qu’ils la jugeront utile ou non.
Pour bien saisir la portée et le sens de cette disposi
tion il faut consulter la discussion législative dont elle
naquit. C’est en appréciant ainsi son esprit que les ma
gistrats pourront user sainement de la faculté qu’elle leur
abandonne.
L’intervention du failli dans tous les procès qu’une
faillite crée pourrait,disait-on,devenir aussi dangereuse
pour les syndics que ruineuse pour les créanciers. Il y
aurait un grave inconvénient à admettre le failli à en
traver sans cesse la marche des syndics, dont il approu
verait d’autant moins l’administration que celle-ci ten
drait davantage à réprimer et à découvrir les fraudes
qu’il a pu commettre. Il arriverait bientôt que dès qu’
une difficulté surgirait il faudrait avant tout prononcer
sur le mérite de l’intervention. Le temps se passerait ainsi
à plaider contre le failli, ce qui rendrait le syndicat en
core plus pénible et dégoûtant.
D’autre part , le failli débouté de ses prétentions en
�ART.
443.
91
première instance se pourvoirait par appel et plus tard
en cassation ; et comme la condamalionaux dépens serait
illusoire , ce sont les créanciers qui supporteraient les
frais de la guerre injuste qu’on aurait faite à leurs man
dataires.
De plus, pour s’adresser aux tribunaux il faut jouir
de ses droits et être capable d’ester en justice. Or , le
failli n’a plus cette jouissance ni cette capacité ; il est en
quelque sorte un véritable interdit, et celui-ci n’a pas
le droit d’intervenir.
11 est vrai qu’il peut se présenter dans les faillites tel
les instances dans lesquelles le failli devient partie néces
saire. Telle serait, par exemple, la demandé en sépara
tion de corps poursuivie par la femme ; mais on pour
rait tout concilier en admettant le droit d’intervention
pour tout ce qui concernerait la personne du failli, tout
en la proscrivant d’une manière absolue pour tout ce qui
ne serait relatif qu’aux biens.
A ces arguments invoqués par ceux qui demandaient
la suppression du droit d’intervention , les adversaires
de cette suppression répondaient : que l’intérêt est la
mesure des actions. Or, le failli reste propriétaire de ses
biens; il n’est dépouillé que de leur administration.
Mais celle-ci doit se faire dans son plus grand intérêt ;
plus elle sera productive pour les créanciers, plus elle
libérera le failli qui aura moins à payer lorsqu’il pour
suivra sa réhabilitation.
Le failli doit donc avoir le droit d’intervenir pour si
gnaler les vices de cette administration. Il le doit encore
s’il craint d’être mal défendu ou de ne l’être pas du
�'
92
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES-
tout. Il le doit enfin s’il a juste motif de croire ses in
térêts compromis, soit par des malversations commises
à son préjudice, soit par la collusion qui pourrait exis
ter entre le créancier poursuivant et les syndics.
La légitimité de ces motifs a fait maintenir le droit
d’intervention, et c’est pour remédier aux inconvénients
réels que signalait l’opinion contraire qu’on a laissé aux
tribunaux l’appréciation de l’opportunité de son exer
cice. Les notions qui précèdent doivent guider cette ap
préciation ; et si la conduite des syndics est dirigée dans
un sens irréprochable, si elle ne présente rien de suspect
ou de contraire aux intérêts du failli, on n’hésitera pas
à repousser l’intervention qu’il voudrait réaliser, à moins
que par la nature de la contestation sa présence ne soit
indispensable.
84. bis. — Le dessaisissement n’affectant que les biens
laisse la personne entièrement libre. La faillite n’est pour
le commerçant ni une tutelle ni l’état d’interdiction. Il
conserve donc sa capacité absolue et exclusive pour les
droitset actions purement personnels. Permettre aux syn
dics d’exercer ses droits de père, d’époux, d’homme ; les
laisser maître d’exercer à sa place ou malgré lui une
action en séparation de corps, en adultère, en voies de
fait, en diffamation, ce serait une absurdité, dit M. Renouard L
Supposez qu’au mépris de la loi un créancier exécute
la conirainte par corps contre le failli, serait-il juste de
contester et de refuser à celui-ci la capacité pour pour
suivre en justice la nullité de l’exécution et sa mise en
1 Sur l’article 443, p. 294,
�ART.
443.
93
liberté ? même une allocation de dommages-intérêts en
réparation du préjudice qu’il a souffert ? Faudrait-il
qu'il demeurât sous les verroux si les syndics négligeaient
ou refusaient d’agir ? Evidemment un pareil résultat n’est
ni dans l’esprit ni dans le texte de l’article 443.
L’incapacité d’ester en justice n’a pour but unique
que d’enlever au failli les moyens de disposer de l’actif,
de le grever au détriment de la masse. Elle ne s’étend
donc pas aux droits attachés exclusivement à la personne.
A l’égard même des biens, on ne doit pas perdre de
vue que le failli a un intérêt évident à ce que leur in
tégralité arrive à la masse pour augmenter d’autant sa
libération. Cet intérêt les créanciers n’ont ni qualité ni
droit pour en disposer. Puisque, nous venons de le voir,
il autorise l’intervention , il doit pareillement motiver
l’action.
Ainsi la cour d’Aix jugeait, le 28 février 1832, que le
failli quoique dessaisi de l’administration de ses biens
n’a cependant pas cessé d’avoir ses actions civiles et
pleine qualité pour revendiquer toutes créances ou droits
qui peuvent lui compéter soit pour augmenter son actif,
soit pour tout autre moyen justificatif à son profit.
De son côté la cour de Metz décidait, le 3 mai 1824,
que lorsque le syndic autorisé par les créanciers s’était
désisté d’un appel par lui émis, le failli pouvait interve
nir devant la cour et soutenir l’appel en son nom. Le
pourvoi contre cet arrêt était rejeté le 19 avril 1826. Au
reproche de violation de l’article 443, la cour suprême
répond que le failli quoique dessaisi de l’administration
de ses biens n’est pas cependant sans intérêt dans lés
débats judiciaires qui ont lieu à raison de la faillite;
qu’il était donc recevable à faire valoir cet intérêt.
�94
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Il faut donc, dans notre matière , se prononcer par
l’esprit plutôt que par le texte de la loi. Elle a bien pu
défendre tout ce qui tendrait à léser la masse, à aggra
ver sa position ; mais prohiber ce qui peut et doit amé
liorer cette position ou augmenter l’actif ne pouvait être
ni dans ses intentions ni dans sa pensée. Que la masse
puisse s’abstenir dans ce cas on ne saurait le contester ;
mais l’intérêt du failli est alors contraire, et il est ration
nel et juste qu’il puisse le faire valoir.
Du principe que le commerçant failli n’est ni en tutelle
ni en état d’interdiction la doctrine a induit cette consé
quence : que l’état de faillite ne fait nul obstacle à ce
que, avec des moyens nouveaux d’industrie ou à l’aide de
son travail personnel,il se crée de nouvelles ressources
Le corollaire obligé de ce droit était, pour le failli, la
capacité pour intenter ou suivre les actions nées de sa
nouvelle industrie ou s’y référant. C’est en effet ce que
la jurisprudence avait consacré2.
Depuis et le 31 décembre 1838, la cour de Paris ju
geait que le failli quoique dessaisi, à partir de la décla
ration de faillite, de l’administration de ses biens, con
serve néanmoins le pouvoir d’exercer une industrie per
sonnelle et d’agir en justice pour faire valoir les droits
nouveaux qu’il peut ainsi acquérir, alors surtout que
ces droits sont attaqués par des motifs de nature à com
promettre son honneur et sa réputation.
Devant la cour de cassation on reprochait à cet arrêt
1 Pardessus, n° 1157 ; — Renouard, loco citato; — Massé, n° 243 ; —
Boulay-Paty, n° 67
Dalloz, Nouv. Répert., v° faillite , n° 194.
* Voy. les arrêts indiqués par Dalloz, loco citato.
i
W
�ART.
443.
95
de méconnaître et de violer l’article 443. Mais , comme
la cour de Paris, la cour régulatrice consacre le droit du
failli d’assurer par l’exercice d’une industrie personnelle
sa subsistance et celle de sa famille, d’acquérir ainsi des
droits nouveaux et par suite de les faire valoir en justice,
alors surtout que ces droits sont attaqués par des motifs
à compromettre en outre son honneur et sa considéra
tion l.
Cette dernière considération n’est qu’un à fortiori, et
son absence ne devrait pas empêcher de consacrer le
principe et sa conséquence. C’est ce qui s’induit expressé
ment de l’arrêt de la même cour, du 8 mars 1824.2
Ainsi la cour suprême , en 1854 et 1860 , persistait
dans la jurisprudence qu’elle avait inaugurée le 2 1 n o
vembre 1827.
Cette persévérance est remarquable, car la loi de 1838
avait singulièrement modifié la législation. L’article 442
de l’ancien Code disposait : le fa illi, à compter du jour
de la fa illite , est dessaisi de plein droit de /’adminis
tration de ses biens. D’où l’on pouvait conclure que bor
nant le dessaisissement aux biens présents et actuels, il
en exceptait ceux acquis depuis la faillite ; et si l’admi
nistration de ceux-ci restait au failli, comment lui mé
connaître la capacité d’ester en justice pour ce qui les
concernait.
Mais le nouvel article 443 est formel et précis. Le des
saisissement légal s’étend aux biens qui échoient au failli
tant qu’il est dans les liens de la faillite. On pourrait
1 28 juin <860. — D. P.. 60, 1, 286.
D. P., 45, 1, 94.— Conf. 24 février 1859
D. P., 59, 1, 197.
�96
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
dès lors soutenir que ce qui était licite sous le Code de
1807 a cessé de l’être depuis la loi de 1838.
La cour de cassation ne l’a pas admis ain si, et avec
raison , selon nous, la loi nouvelle pas plus que l’an
cienne n’a entendu prohiber au failli la faculté de se
procurer par son travail ou son industrie les ressources
pour faire face à ses besoins, à ceux de sa famille, mê
me pour revenir à meilleure fortuné. L’intérêt bien en
tendu de la masse exigeait le contraire.
Mais si le droit existe, on ne pouvait en paralyser les
effets : qui veut la fin veut les moyens. Que serait deyenu
ce droit si en l’exerçant le failli avait été dans l’impossi
bilité de poursuivre judiciairement la rémunération de
son travail, là réalisation des produits de son industrie?
A vrai dire, d’ailleurs, la prétention que le failli soumet
à la justice n’est pas encore un bien. Elle n’acquerra ce
caractère que par sa consécration. Il suffit donc que la
masse puisse faire valoir ses droits à ce moment. Or, la
cour de cassation l’admet à le faire, puisqu’elle ne pro
clame la capacité du failli que sauf le droit des syndics
d’assurer le recouvrement des sommes allouées au profit
de la masse. Loin donc de'méconnaître et de violer l’ar
ticle 443 la jurisprudence en fait une saine, une exacte
application.
Quelle est l’étendue du droit des syndics de recouvrer
au profit de la masse les sommes allouées au failli ?
Celte question doit être envisagée au point de vue du
failli lui-même à celui des créanciers qui ont traité avec
lui depuis la faillite.
C’est surtout pour fournir au failli les moyens de pour-
�ART.
443.
97
voir à sa subsistance et à celle de sa famille qu’il con
venait de lui permettre , malgré son é ta t, d’utiliser son
travail ou son industrie. Il est donc impossible d’admet
tre, et avec M. Pardessus, nous n’admettons pas que les
créanciers puissent se saisir jour par jour des profits de
l’un ou de l’autre.
Un pareil résultat que l’humanité repousse est si peu
entré dans les prévisions du législateur, que , dans les
premiers moments de la faillite, il oblige les créanciers à
fournir un secours au failli ; que si plus tard l’article 530
leur laisse la faculté de refuser ce secours, c’est qu’il
pense que le failli usant de son droit a puisé dans son
travail le moyen de s’en passer.
Or, priver d’un côté le failli de tout secours sur l’ac
tif, saisir de l’autre les produits de son travail ou de son
industrie , ce serait étrangement méconnaître la pensée
et le vœu de la loi.
Nous croyons donc qu’en recouvrant les sommes al
louées les syndics devraient faire la part du failli , et
qu’ils ne pourraient retenir que ce qui excéderait ses be
soins réels.
Quant aux créanciers nouveaux , il est évident qu’ils
ne sauraient prétendre aucun droit sur l’actif existant au
moment du jugement déclaratif. Gage acquis à la masse,
il n’était plus au pouvoir du failli de le grever de char
ges nouvelles.
Mais, à notre avis, leur droit sur l’actif nouvellement
acquis est d’autant moins contestable que cet actif est le
produit des fonds qu’ils ont avancé. La seule difficulté
à entrevoir est la question de savoir si ce droit se borne
i — 7
�98
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
à concourir à la distribution de cet actif concurremment
avec la masse originaire, ou bien s’ils doivent de préfé
rence à celle-ci prélever d’abord le montant de ce qui
leur est dû.
,
M. Pardessus pose en principe que ceux qui préten
draient quelques droits, par suite d’opérations faites avec
le failli postérieurement à la faillite, peuvent exiger qu’on
ne confonde pas dans la masse du failli ce qui provient
des nouvelles opérations à l’occasion desquelles leurs
droits ont pris naissance , à moins qu’on ne remplisse
les obligations qui en résultent à leur égard '.
Ce principe juridique autant qu’équitable tranche la
question dans le dernier sens.
Tel n’est pas l’avis de M. Renouard. Loin d’autoriser
les nouveaux créanciers à se payer par préférence sur le
nouvel actif, cet honorable magistrat ne leur accorde
pas même le droit de participer à sa distribution con
curremment avec la masse ancienne. Le seul prélève
ment qu’il admet est celui des sommes qui auraient servi
à l’acquisition et des frais et déboursés sans lesquels
cette acquisition n’aurait pas eu lieu s.
M. Dalloz qui sous l’empire de l’ancien Code ensei
gnait le contraire estime qu’on ne pourrait, aujourd’hui,
repousser la doctrine dé M. Renouard sans méconnaître
l’article 443 .3
Le fondement de cette doctrine est le dessaisissement
légal du failli à l’égard des biens qui lui échoient tant
1
N «
L H 7 .
2 Sur l’article 443, p. 290 et suiv.
3 V° faillite, n° ISS.
�ART.
443.
99
qu’il est en faillite. Privé de l’administration de ses
biens, comment aurait-il pu les grever valablement ?
Conclure de là que les syndics ont le droit d’intervenir
dans toutes les opérations touchant à la disposition de
ces biens, c’est tirer du principe une conséquence logi
que et juste. Mais en induire que les créanciers nouveaux
n’ont rien à prétendre dans la répartition de leur valeur,
c’est outrepasser les limites de la raison et du droit.
Pour être conséquent avec lui-même , M. Renouard
devrait refuser tout prélèvement et même tout concours
aux bailleurs de fonds et à ceux qui ont avancé les frais
et déboursés exigés pour l’acquisition. Qu’importe , en
effet, le caractère de l’acte, si le failli a été absolument
incapable de contracter. Repousser sous ce prétexte le
simple créancier chirographaire, n’en tenir aucun compte
à l’égard du créancier privilégié est-ce logique.
Mais sans ces fonds, sans l’avance de ces frais et dé
boursés l’acquisition n’aurait pas eu lieu. Donc la masse
profitant de celle-ci doit tenir compte de ceux-là, parce
qu’elle ne peut s’enrichir au détriment des tiers.
Est-ce que l’actif mobilier dont la masse se saisit n’a
pas été acquis avec les fonds de ces créanciers qu’elle
voudrait exclure. Pourquoi donc cette différence, et com
ment la masse pourrait-elle s’enrichir à leur détriment?
Evidemment si le principe invoqué dans un cas, par
M. Renouard , est légitime , et nul n’oserait soutenir le
contraire, il est vrai et juste dans tous les autres.
Or, de ce principe nous concluons, nous, que nonseulement les nouveaux créanciers ont le droit de con
courir, mais encore d’exclure la masse jusqu’après leur
�400
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
entier remboursement. Permettre à celle-ci de concourir
également sur l’actif qu’ils ont créé, ce serait l’enrichir
à leur détrim ent, lui attribuer non les biens du failli,
mais ceux des tiers sur lesquels ils n’ont jamais eu rien
à prétendre.
C’est là la réponse la plus péremptoire à l’objection
que M. Dalloz puise dans l’article 443. Oui, le failli tant
qu’il est en faillite est, de plein droit, dessaisi des biens
qui peuvent lui écheoir. Mais le législateur n’a pu donner
à cette expression que l’acception qu’on lui a toujours
reconnu.Or, bona nondicunturnisideducto œre alieno.
Donc , l’article 443 qui n’a pas entendu enrichir la
masse au détriment des tiers, on le reconnaît, ne lui at
tribue que la chose du failli. Or, l’actif qu’il possède ne
sera sa propre chose que toutes dettes prélevées. Il n’est
donc pas possible d’accorder autre chose, à la masse. En
d’autres termes , celle-ci substituée aux droits du failli
succède à ses obligations , et ne peut s’attribuer que la
partie de l’actif restant libre après avoir fait face aux
charges qui le grèvent.
M. Dalloz reconnait lui-même que le système qu’il
soutient offre cette bizarrerie : de déclarer le failli capable
de contracter, et cependant d’annuler les traités que sur
la foi de cette capacité les tiers lui ont consenti. N’y eûtil que cela, que ce système devrait être repoussé. Il n’est
pas possible, en effet, d’admettre qu’une pareille ano
malie soit entrée dans la pensée du législateur.
Cette anomalie ne serait pas seulement une contradic
tio n bizarre et choquante, elle constituerait pour le pum
un piège et un danger. Proclamer que le failli est
�ART.
443.
401
libre et capable d’exercer une nouvelle industrie , c’est
appeler, c’est encourager les tiers à lui en fournir les
moyens, et lorsque cédant à cet appel ils auront donné
des fonds, ils devront voir cesfonds tourner exclusivement
au profit des anciens créanciers, c’est à dire qu’on aura
puisé dans la bourse des uns pour enrichir les autres.
Qu’on nous permette de croire et de dire que ce serait
là non-seulement une injustice mais encore une immo
ralité.
Le droit du failli de se livrer à une nouvelle industrie
est rationnel. Ou ne pouvait le refuser sans fouler aux
pieds tout sentiment d’humanité, sans méconnaître l’in
térêt de la masse qui profitera des résultats heureux de
cette industrie. Or, ces résultats ne seront acquis que si
l’actif actuel offre un excédant après paiement des dettes
au moyen desquelles le failli a pu l’acquérir. C’est donc
cet excédant seul qui peut et doit appartenir à la masse.
Ce système, à notre avis, est le seul légal, parce que seul
il est avoué par la raison et la justice.
85.
— Une autre conséquence du transfert des ac
tions du failli aux syndics est d’empêcher les créanciers,
tant que durent les opérations de la faillite, de poursuivre
isolément le paiement de leurs créances, d’exercer aucune
exécution sur les biens et de réaliser spécialement la
contrainte par corps. Cette prohibition était commandée
par la position du failli, par l’intérêt de la masse. Dans
la position du failli las exécutions sont inutiles. Du jour
de la cessation il est dans l’incapacité de payer 1 ; le ju
gement déclaratif le dépouille de toutes ses ressources.
1 A rtic le 5 8 5 , S 4 .
�102
DES
F A IL L IT E S
ET
BAN QUEROUTES
Il serait donc absurde de permettre qu’on le contraignît
à faire ce qu’il est dans l’impossibilité absolue de faire,
malgré toute sa bonne volonté.
Dans l’intérêt des créanciers , il convient de ne pas
grever la masse des frais frustratoires que chaque créan, cier exposerait personnellement. Les droits de tous sur
l’actif sont déterminés par l’atrirmation des créances.
Toute démarche au delà de cette formalité ne ferait qu’
accroître le chiffre de la créance et par conséquent celui
de la perte à supporter.
La loi a donc dû confier aux syndics seuls les exécu
tions indispensables pour réaliser l’actif délaissé par le
failli. Il le fallait d’ailleurs pour créer l’unité dans l’ad
ministration qui, pour être utile, doit être concentrée en
tre quelques mains et non éparpillée sur plusieurs têtes.
L’humanité a aussi sa part dans la prohibition de
toute contrainte par corps individuelle. Il n’était pas
juste que le failli dépouillé par le jugement déclaratif de
tous moyens de paiem ent, fût livré à la discrétion de
créanciers que la faillite irrite et qui auraient pu le tenir
en prison sans autre motif que celui de satisfaire à cette
irritation. D’ailleurs les droits des créanciers ne sont que
suspendus. Si la faillite n’a été que le résultat de la mau
vaise foi et de la fraude il y aura union, et après le rè
glement de celle-ci l’exercice de la contrainte sera rendu
à chacun d’eux, la certitude de la fraude excluant toute
idée de déclaration d’excusabilité. Dans le cas contraire,
il eut été trop rigoureux d’obliger le failli à attendre dans
les prisons la constatation de sa bonne foi L
î V oy.
infra a r t i c l e
455,
�art.
443.
103
86. — On a plusieurs fois agilé la question de savoir
si des exécutions mobilières commencées avant le juge
ment déclaratif pouvaient être continuées contre les syn
dics après que ce jugement a été rendu ? L’affirmative
a été consacrée par la cour d’Aix , le 21 juillet 1840,
dans l’affaire Aumassip contre les syndics Bonnet.
87. — M. Dalloz qui rapporte cet a rrê t1 émet une
doctrine contraire. 11 se fonde : 1° sur ce que le créan
cier saisissant ne peut plus agir pour son profit parti
culier et qu’il n’est pas non plus le représentant légal de
la masse , l’administrateur des intérêts de la failllite ;
3” sur ce qu’il n ’y a point d’intérêt pour la faillite , ni
même pour le créancier poursuivant, à ce que ces pour
suites individuelles soient mises à exécution, qu’au con
traire il arrivera souvent que l’exécution de ces poursuites
préjudiciera aux intérêts de la masse en contrariant les
mesures d’ensemble de la gestion de la faillite ; 3° sur
ce que , en supposant qu’il y eût lieu de réaliser l’actif
du failli, les syndics sont à même de le faire avec oppor
tunité , et qu’ils ont de plus le choix dans les moyens
d’effectuer la vente. M. Dalloz rappelle de plus que sous
le Code de 1808 la jurisprudence était en général con
traire à la décision de la cour d’Aix.
Nous ne pensons pas d’abord qu’il faille se préoccuper
beaucoup de cette jurisprudence. On peut l’expliquer par
le principe relatif au dessaissemenl que consacrait l’arti
cle 443. Le refus de paiement qui motivait la poursuite
pouvait constituer la cessation légale , et dès ce jour le
1 4î, 1 58.
�104
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
failli étant dessaisi de l’administration, aucune poursuite
ne pouvait régulièrement être dirigée contre lui.
II est vrai que l’article 494 du Code de 1807 sem
blait supposer le contraire en désignant ceux qui avaient
qualité pour défendre aux actions intentées soit avant
soit après la déclaration de la faillite. Mais, comme l’ob
serve M. Dalloz lui-même, « il résulte des explications
données au conseil d’Etat sur cet article que son effet
est borné aux actions et ne s’étend pas aux poursuites,
ce qui montre que par action civile intentée contre la
personne, l’article 494 a simplement entendu les deman
des à porter devant les tribunaux et qu’on connaît dans
le droit sous le nom d'actionspersonnelles ; et par ac
tion civile intentée contre les biens mobiliers les de
mandes qu’on désigne sous le nom d'actions réelles
mobilières, telles que réclamations d’un dépôt ou une
revendication de marchandises .1 »
Il résulte de là que les exécutions sur les facultés du
débiteur restaient régies par le principe du dessaisisse
ment. Il suffisait donc que le jour de la cessation fût
antérieur ou contemporain de celui de la saisie pour
qu’elles fussent annulées, cette saisie ne pouvant dès lors
produire aucun effet.
Aujourd’h u i, au contraire , l’article 443 met sur la
même ligne les actions et les voies d’exécution. Le débi
teur n’est dessaisi des unes et affranchi des autres que
du jour du jugement déclaratif. Cette différence, que M.
Dalloz n’a pas assez appréciée, justifierait à elle seule la
décision qu’il critique. Il est en effet évident que puis1 D ic tio n , g é n é r .,
n° 811.
�ART. 443
105
que , dans tous les c a s, la saisie a été régulièrement et
valablement pratiquée , on ne saurait sous aucun pré
texte lui refuser tous ses effets ordinaires.
C’est ce qu’indiquent les termes de l’article 443 : toute
voie d’exécution pourra être intentée ou suivie. Il est
certain que ce dernier mot ne peut s’entendre que d’une
procédure commencée ; et comment comprendre que la
loi n’ait voulu accorder cette faculté qu’aux syndics euxmêmes , lorsque c’est contre eux qu’elle autorise celle
continuation ?
Au reste , ce qui vient à l’appui du sens naturel que
nous donnons à ces expressions, c’est précisément l’état
de la jurisprudence signalé par M. Dalloz avant la pro
mulgation de la loi Le législateur savait, en 1838 , le
doute que l’article 494 avait fait naître; l’interprétation
diverse qui en avait été faite ; et lorsqu’au lieu de s’ex
pliquer nettement sur sa résolution de refuser la conti
nuation des poursuites il permet au contraire de les sui
vre contre les syndics , on ne saurait , sans s’exposer à
méconnaître sa volonté, hésiter à consacrer ce droit.
Mais, dit M. Dalloz, à partir du jugement déclaratif
le créancier ne peut plus agir pour son profit particu
lier ! Mais n’est-ce pas précisément ce qui se réalise lors
que d’autres créanciers saisissent de leur côté xe qui a
déjà été saisi par un autre, ou forment opposition à la
délivrance des deniers ? Or, c’est cette opposition que le
jugement déclaratif opère dans l’intérêt de tous les cré
anciers. Dans l’un comme dans l’autre cas le mode de
distribution du produit de la saisie doit donc rester sans
influence sur ses conséquences légales. Faut-il parce qu’il
�106
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
y aura faillite condamner je saisissant à subir une peine
qu’il n ’a pas méritée ? car il n ’a usé que d’un droit que
la loi lui conférait, qu’il a acquis et exercé en temps
utile et qu’il serait par conséquent injuste de lui ravir.
La décision de M. Dalloz conduit cependant à ce ré
sultat. En effet, si la saisie est annulée les frais restent à
la charge du poursuivant ; ils viennent simplement s’a
jouter à sa créance et augmenter d’autant la perte qu’il
aura à subir dans la répartition de l’actif. Il n’est donc
pas exact de soutenir qu’il est sans intérêt à ce que les
poursuites qu’il a commencées sortent à exécution , car
si la saisie est suivie de la vente les frais seront payés
par privilège sur le produit de celle-ci.
La masse éprouvera-t-elle un préjudice de l’exercice
de ce privilège ? Evidemment non. La poursuite aura
tourné à son avantage en amenant la réalisation de l’ac
tif que les syndics ne peuvent jamais faire sans frais. La
masse ne paiera donc que ce qu’elle aurait payé plus
tard, si par suite des opérations il y avait lieu de vendre
les meubles et effets mobiliers qui existent dans la faillite.
D’autre part, la vente du mobilier déterminera celte
conséquence, que le produit remis aux syndics sera dé
posé à la caisse des consignations. Ainsi, au lieu de meu
bles sujets à dépérissement, les créanciers auront une
somme productive d’intérêts. Ils connaîtront, de plus,
d’une manière précise les forces réelles de l’actif et pour
ront ainsi fixer les bases sur lesquelles ils auront ulté
rieurement à traiter avec le failli. Il y a donc , sous ce
double rapport, un avantage incontestable à la réalisa
tion de la vente : celle-ci, loin de contrarier les mesures
�I
art.
443.
107
d’ensemble, rendra la gestion des syndics plus facile et
plus simple en substituant une somme d’argent à un
mobilier plus ou moins important.
Reste la question d’opportunité. Sans doute les syndics
sont mieux à même d’apprécier et de saisir le moment
favorable pour la vente du mobilier. Mais comme ils doi
vent être appelés et que le créancier poursuivant est aussi
intéressé que qui que ce soit à ce que la vente produise
les meilleurs résultats possibles, il y a lieu de croire
qu’un concert facile entre eux ne manquera pas de s’é
tablir dans ce but.
Nous croyons donc que l’opinion de M. Dalloz ne
saurait être suivie. Celle adoptée par la cour d’Aix, dans
l’arrêt que nous venons de rappeler, nous parait plus
conforme à la volonté du législateur.
87 bis. — Quel est l’effet du dessaisissement résul
tant de la faillite? Confère-l-il aux créanciers un droit
réel ou personnel, ou bien n’opère-t-il que la substitu
tion dans l’administration, de telle sorte que dans la re
cherche des biens ayant appartenu au failli la masse ne
soit que l’ayant cause de celui-ci ?
Cette question que les articles 446 et suivants résol
vent négativement pour les actes qu’ils .énumèrent ac
quiert une haute importance pour les biens aliénés ou
les droits transférés en temps non suspect. Les déten
teurs des uns , les bénéficiaires des autres , s’ils n’ont à
invoquer que des actes sous seing privé pourront-ils être
écartés par la masse , à défaut d’une date certaine par
application de l’article 1328 du Code civil?
Cette question ne peut s’élever dans les créances nées
*
�108
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
de relations entre négociants. Personne , en effet, n’a
dans cette matière songé à invoquer l’article 1328. Nous
n’avons pas besoin d’insister sur les inconvénients et les
entraves que son application entraînerait pour le com
merce , et sur son incompatibilité avec ses exigences et
ses usages.
Mais elle peut s’offrir pour les actes civils que le com
merçant peut avoir fait. Par exemple, la vente d’un im
meuble, la cession de droits successifs, l’emprunt ou la
reconnaissance d’une dette ordinaire. Dans ces circons
tances on a invoqué l’article 1328 et soutenu que les
créanciers étant des tiers, dans le sens de sa disposition,
les actes sous seing privé ne leur étaient opposables que
s’ils avaient acquis date certaine avant la faillite.
Ce système a été repoussé et devait l’être! Le dessai
sissement du failli ne confère à la masse les droits en
résultant que sur l’actif alors existant en sa possession.
Il ne lui transmet aucun droit sur ceux dont il s’est dé
pouillé, sauf les cas prévus par les articles 446 et 447
et la régulairté du titre translatif de la propriété.
Sans doute il importe que ces aliénations soient sin
cères ; qu’elles aient une cause sérieuse et réelle. Aussi
peuvent-elles toujours être querellées de simulation et de
fraude , et dans ce cas les créanciers ne sont plus des
ayants cause. Ils exercent le droit personnel que leur
donne l’article 1167 du Code civil.
Mais il ne suffit pas d’alléguer la simulation et la frau
de : il faut les prouver. Prétendre les faire résulter de
l’acte même, du défaut de certitude de la date ne saurait
être admis que de la part de celui qui aurait un droit
�A.RT.
443.
109
spécial à la chose ou sur la chose aliénée antérieur à l’a
liénation et que l’acte sous seing privé viendrait anéantir.
Il est vrai que tous les biens du débiteur sont le gage
de ses créanciers? Mais ce droit, dans notre matière,n’est
acquis que par la faillite. Jusque-là quels moyens ont
les créanciers cédulaires de conserver ce gage, d’empê
cher qu’il ne passe en d’autres mains. Tant que le dé
biteur jouit de sa capacité, les aliénations qu’il consent
ne sont pour lui et pour ceux avec qui il traite que l’ex
ercice d’un droit dont les créanciers devront subir les
conséquences, si leur impuissance d’en justifier le carac
tère frauduleux est démontrée ou acquise.
Tout dépend donc du caractère de l’acte. Le défaut de
certitude de la date pouvant faire redouter la fraude, la
fera plus facilement soupçonner. Mais si tout repousse
ce soupçon, si l’appréciation des présomptions, des faits,
des circonstances donne aux juges la conviction de la
bonne foi des parties, du caractère sérieux de l’acte, cet
acte devra recevoir tout son effet tant contre les créan
ciers que contre le débiteur, dont en l’absence de fraude
les premiers ne sont plus, ne peuvent plus être que les
ayants cause.
C’est ainsi que l’avaient jugé les cours de Paris , de
Dijon et d’Amiens. Le pourvoi dont leurs arrêts avaient
été frappés était rejeté par la cour suprême, les 31 mai
et 15 janvier 1843.1
L’arrêt de la cour de Dijon , notamment, se fait re
marquer par la force de ses motifs et par ses réponses
péremptoires et juridiques aux objections qu’on soulevait
U . du P., 43, a, 105, 408, 444
�HO
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
à l’appui du système contraire. Nous ne pouvons justi
fier plus énergiquement notre doctrine qu’en transcri
vant quelques-uns de ses motifs :
« Considérant que les tiers dont parle l’article <328
sont tous ceux qui agissent pour la conservation d’un
droit né en leur personne ; que cet article ne dit pas que
l’absence de date certaine rende l’acte nul , mais qu’il
n’établit entre deux droits rivaux qui se trouvent en pré
sence qu’une préférence fondée sur l’autorité de date cer
taine; qu’il n’est applicable que dans l’hypothèse de
deux ventes, ou dans celle où l’on exciperait de l’acte
sans date certaine soit pour éviter une hypothèque posr
térieuremen t constituée par acte authentique, soit pour
échapper à une action en fraude intentée par un créan
cier en vertu de l’article H 67 du Code civil, parce que
dans ces hypothèses soit l’acquéreur préféré, soit le cré
ancier hypothécaire, soit le créancier cédulaireagit/w e
proprio sans avoir besoin de recourir à la subrogation
dans les droits du vendeur ou du débiteur qu’il ne re
présente pas ; — mais considérant que des créanciers
cédulaires dénués de tout droit né en leur personne sont
évidemment inhabiles à exciper de l’article 1328 pour
repousser un acte sous seing privé passé sans fraude par
leur débiteur, par le seul motif qu’il n’a pas reçu une
date certaine ; qu’en effet leur action ne s’étayant plus
d’un titre direct qui leur soit personnel ne peut plus se
produire qu’à l’aide de la subrogation dans les droits de
leur débiteur; d’où il suit qu’ils ne sont plus des tiers
dans le sens de l’article 1328 ; qu’ils n’agissent que com
me ses ayants cause; — considérant que la faillite n’a
�ART.
44-3.
111
pu modifier la position que les parties avaient respecti
vement lorsqu’elle a éclaté. . . — considérant que la
loi qui dépouille le failli de l’administration de ses biens
pour la donner à la masse de ses créanciers représentée
par les syndics ne peut être, pour celle-ci, attributive
d’un droit nouveau et personnel ; que c’est tout simple
ment la substitution d’un gérant nouveau à un gérant
ancien , ou , si l’on v e u t u n e subrogation légale dans
tous les droits du failli, dont les effets sont absolument
les mêmes que ceux de la subrogation judiciaire que la
masse aurait obtenue aux termes de l’article 1166 du
Code civil ; que dans l’un comme dans l’autre cas, les
créanciers cédulaires, en ne se prévalant d’aucun fait de
fraude et ne pouvant exciper d’aucun droit né en leur
personne sur les immeubles qu’ils revendiquent, se
trouvent réduits aux seules actions qui pourraient ap
partenir à leur débiteur failli dont ils sont les ayants
cause ; — considérant que vainement le syndic de la
faillite prétend trouver un droit personnel et réel pour
la masse des créanciers dans l’inscription qu’ils ont prise
en vertu de l’article 500 (aujourd’hui 490) sur tous les
immeubles du failli dont ils pouvaient connaître l’exis
tence ; que le seul but de la loi, en prescrivant cette in
scription, a été de rendre plus notoire la déclaration de
faillite, et qu’il suffit de lire cet article pour en être con
vaincu, puisque tout ce qu’elle doit contenir c’est la fail
lite et la nomination des syndics ; qu’enfin la faillite
loin de créer des hypothèques nouvelles anriulle au con
traire toutes celles qui ne seraient prises que dans les dix
jours avant son ouverture.1 »
1 V o y . n o s o b s e r v a tio n » su r l ’a r tic le 4 9 0 .
�112
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
La conclusion consacrée par la cour de cassation est
qu’on ne peut considérer comme tiers dans le sens de
l’article 1328 les créanciers qui n’excipent ni de la si
mulation ni de la fraude, ou qui sont impuissants à l’éta
blir ; qui n’agissent en attaquant les actes faits par leur
débiteur que comme les ayants cause de celui-ci ; qu’il
ne pourrait en être autrement que s’ils pouvaient exciper d’un droit personnel à la chose ou sur la chose.
Avant la faillite les créanciers cédulaires n ’avaient au
cun droit de cette nature. La déclaration de celle-ci n’a
pu le leur conférer. La faillite met en mouvement tous
les droits exisîant, mais n’en concède aucun ni nouveau
ni plus ample. Donc et hors les cas de fraude et en de
hors des hypothèses des articles 446 et suivants, les cré
anciers sont restés après, ce qu’ils étaient a vant , pour
tous les actes passés par leur débiteur : les ayants cause
de celui-ci. Us sont dès lors irrecevables à invoquer le
bénéfice de la disposition de l’article 1328 du Code civil.
La question s’étant depuis présentée à la cour de Metz
a été résolue dans le même sens par arrêt du 1 er février
1860.1
En serait-il de même si dans l’hypothèse d’une vente
l’acquéreur avait laissé l’immeuble en la possession et
aux mains du failli ? Nous ne le pensons pas.
La mainmise judiciaire aurait dans ce cas frappé cet
immeuble comme tout autre actif du failli. Elle aurait
créé en faveur de la masse ce droit personnel à la chose
et sur la chose exigé par la jurisprudence.
Il n’est pas naturel qu’un acquéreur ne se mette pas
�en possession de la chose qu’il prétendrait avoir acquise
et payée. Un fait de ce genre rendant la simulation pro
bable la ferait facilement admettre.
D’ailleurs en s’exposant à jouer plus tard le rôle de
revendiquant cet acquéreur s’est par le fait obligé à rem
plir toutes les obligations que ce rôle comporte, celle no
tamment de justifier d’un titre justeet légitime. Or, celui
dont il exciperait pour dépouiller la masse , s’il n ’avait
pas de date certaine , ne réunirait pas ce caractère. Il
devrait donc être repoussé.
A rt. 4 4 4 .
Le jugem ent d éclaratif de fa illite ren d exigibles
à l’égard du fa illi les dettes passives non échues.
En cas de faillite du sou scripteu r d ’u n b illet à
ordre, de l ’accepteur d ’une lettre de change ou du
tireur à défaut d ’acceptation , les au tres obligés
seront tenus de d o n n er caution p o u r le paiem ent
à l’échéance, s’ils n ’aim ent m ieu x payer im m édia
tement.
A rt. 4 4 5 .
Le ju gem en t d é cla ra tif de faillite arrête, à l ’é
gard de la m asse seulem ent, le cours des intérêts
de toute créance non garan tie p a r u n privilège,
par un nantissem ent ou p a r u ne hypothèque.
Les intérêts des créances garanties ne p o u rro n t
être réclam ées que s u r les som m es provenant des
biens affectés au p r iv ilè g e , à l ’hypothèque ou au
uantissement.
S OMMAI RE
88.
Exigibilité qui résulte de la faillite.
89. Nature et effet de cette exigibilité par rapport à la masse,
90. A quelles conditions un créancier pourra-t-il compenser sa
créance et sa dette ?
i —
8
�114
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
91.
L'affirmation de la créance après vérification rendrait-elle la
demande ultérieure en compensation non recevable ?
9*2. Un associé commanditaire pourrait-il compenser la créance
qu’il a sur la société avec ce qu’il doit encore de sa mise
de fonds ?
v
93. Application de l ’exigibilité aux dettes civiles, même aux det
tes conditionnelles.
94. En principe le débiteur solidaire n ’est pas déchu du bénéfice
du terme par la faillite de son codébiteur.
95. Exceptiompour ce qui concerne les effets de commerce.
9d. Inconvénients de la disposition de l ’article 448 du Code de
commerce ancien.
97. Modificationsintroduitesparla loi actuelle.Sesconséquences.
98. Le cours des intérêts est arrêté par la faillite mais pour ce
qui concerne la masse seulement. Comment s’impute le
paiement partiel dans la distribution du prix des immeu
bles affectés au privilège ou à l’hypothèque?
8 8 . — L’ouverture de la faillite donne la certitude
que les sommes dues par le failli et non encore échues
ne seront pas payées à leur échéance. Les conséquences
de cette certitude déjà écrites dans l’article 1138 du Code
civil enlèvent au débiteur le bénéfice du terme et ren
dent, quant à lui, les dettes exigibles.
8 9 . — L’exigibilité par rapport à la masse est fondée
sur un autre principe. Les biens du débiteur sont le gage
commun de ses créanciers. La faillite investit ceux-ci
des biens du premier qui doivent êire également répar
tis entre tous. On ne pouvait donc diviser les ayants
droit en plusieurs catégories, ni surtout suspendre la li
quidation jusqu’aux diverses échéances dont quelquesunes pouvaient être fort éloignées encore.
Mais par rapport à la masse l’effef de l’exigibilité se
restreint dans le droit qu’a chaque créancier de se pré
senter à la faillite et de concourir dans les répartitions
�I
art.
M 4, MB,
115
qui seront ultérieurement ordonnancées. Il ne saurait
jamais accorder à aucun d’eux le pouvoir de se faire
payer intégralementl.
90. — Il suit de là qu’un créancier débiteur de la
faillite d’une somme échue ne saurait opposer la com
pensation entre cette dette, et sa créance. D’abord il ne
serait pas exact de dire, dans ce cas, qu’il y aurait deux
dettes également échues. À l’époque où la créance de
vient exigible par la faillite elle cesse d’être certaine et
déterminée. Elle ne se compose plus que des dividendes
que l’actif offrira. Les conditions auxquelles la compen
sation est soumise manquent donc complètement.
À l’incertitude de la créance se joint l’incapacité du
débiteur qui a failli. Cette incapacité précède l’exigibilité:
elle en est la cause déterminante. Or, dès l’ouverture de
la faillite le débiteur ne peut plus payer ni recevoir et
par conséquent compenser , la compensation étant un
véritable paiement. Si elle avait été volontairement con
sentie par le failli avant le jugement déclaratif et depuis
la cessation , elle serait nulle comme constituant un
paiement anticipé ; comment pourrait-elle être validée si
le jugement avait irrévocablement désinvesti le failli ?
Au moment de ce jugement la masse est substituée au
failli. Celle-ci a droit au paiement intégral de ce qui est
dû à la faillite ; elle n’est tenue que jusqu’à concurrence
et en proportion de l’actif à répartir ; ce n’est donc que
pour le dividende afférant au créancier que la compen
sation se réaliserait si ce dividende pouvait être connu au
moment où les syndics poursuivent la rentrée de la dette.
1 Yoy. infra n° 4168 bis.
�116
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
t
Par parité de raisons, le créancier dont la créance est
échue avant la faillite et qui était en même temps débi
teur du failli d’une dette à terme ne pourrait renoncer
au bénéfice de celui-ci et opposer la compensation.Cha
cun, il est vrai, peut répudier un avantage stipulé à son
profit personnel ; mais cette répudiation ne saurait pré
judicier aux tiers. C’est en présence des créanciers que
la faillite place les débiteurs, et toute compensation qui
leur nuirait serait inadmissible. Dans ce cas comme dans
le précédent, l’incapacité du failli, le droit des créanciers
à la totalité de la dette, l’obligation de ne payer qu'une
part proportionnelle de la créance sè réalisent et néces
sitent une solution identique.
Mais si la dette et la créance étaient également échues
avant la faillite la compensation les aurait respectivement
éteintes. Elle se serait opérée de plein droit par la seule
force de la loi ; le bénéfice en serait irrévocablement ac
quis.
91.
— Cependant comme on peut renoncer à la
compensation, il ne faudrait pas que le créancier qui se
rait dans le cas de l’invoquer se présentât à la vérifica
tion des créances et soumît ses titres à celte opération.
L’affirmation de la créance, sa vérification seraient in
compatibles avec les effets produits par la compensation
dont le principal est d’anéantir les deux dettes. Faire re
vivre l’une d’elles en s’en prévalant serait donc renoncer
au bénéfice de l’extinction prononcée par la loi L II est
évident , en effet, qu’un droit ne peut en même temps
être et n’être pas.
1 Grenoble, 18 mars 1840.
�ART.
444, 445.
m
Il importe donc à celui qui aurait une compensation
valable à opposer de ne point se présenter aux vérifica
tion et affirmation. Que si la dette compensée n’était pas
égale au chiffre de la créance, c’est le surplus de celleci qui devrait être affirmé, ce qu’on aurait soin de faire
sur un bordereau établissant par un règlement de compte
la compensation jusqu’à concurrence de la dette.
92.
— Un associé commanditaire porteur d’une cré
ance échue pourrait-il la compenser avec ce qu’il doit
encore de sa mise ? Nous avons, dans la faillite Loubon,
soutenu la négative en appliquant à la créance les con
sidérations qui précèdent et en outre par les motifs sui
vants :
Il est de principe, pour que la compensation s’opère,
que la créance et la dette soient de même nature et qu’
une même personne soit réciproquement débitrice et cré
ancière. Dans notre hypothèse il y a bien une créance
et une dette , mais elles sont d’une nature différente et
soumises à des conditions distinctes. Si d’un côté la dette
est due à la société ce n’est pas exclusivement à cette
société que la créance appartient
En effet,la mise du commanditaire fait partie du fonds
capital. Or, ce fonds n’est pas seulement le patrimoine
des associés, il est aussi le gage spécial de tous les cré
anciers qui ont un droit égal à sa répartition. L’engage
ment de le verser n’est donc pas exclusivement en faveur
de la société. Ce versement on le doit au public dont la
confiance est déterminée par la publication de l’engage
ment h
1 Cassation, 1 4 juillet
p.
386.
— Pardessus, n°
1838
4034.
Recueil de Tavernier et Castellan,
t. 4,
�U S
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Le commanditaire en retard de verser sa mise a violé
les obligations qu’il s’était imposées. Il est détenteur in
juste du fonds commun et cette détention ne saurait lui
conférer un privilège contre les créanciers
Si la mise sociale était dans la caisse elle serait par
tagée entre tous ; et parce que le commanditaire ne l’aura
pas versée, qu’il aura ainsi inexécuté son contrat, cette
mise lui sera acquise par préférence !
L’affirmative serait une prime donnée à la mauvaise
foi, une récompense d’une fraude contre le public. Dé
sormais les commanditaires ne manqueraient pas de re
tenir par devers eux le montant de leur mise. Ce serait
là un moyen facile de braver les chances d’une faillite
en se couvrant d’avance des sommes dont les relations
commerciales avec le gérant pourraient les constituer cré
anciers. Les tiers qui ont traité sous la foi du capital so
cial perdraient la garantie sur laquelle ils ont dû spé
cialement compter et qu’ils n’auraient jamais eue , le
fonds capital n’ayant jamais été réalisé.
L’anomalie d’un résultat semblable suffit pour faire
proscrire tout ce qui tendrait à le déterminer. Le com
manditaire comme associé sera obligé de verser intégra
lement sa mise ; comme créancier il participera aux ré
partitions qui en seront faites. Aucune compensation en
tre sa créance et sa dette n ’est possible au delà de ce qui
lui reviendra dans ces répartitions.
C’est ainsi que, sur ma plaidoirie, l’a décidé la cour
de Grenoble en consacrant les motifs que nous venons
d’exposer, par son arrêt du 18 mars 1840.
9 5 . — L’exigibilité produite par la faillite s’étend à
�art.
444, 44S.
119
toutes les dettes du failli de quelque nature qu’elles soient.
Ainsi, les dettes purement civiles comme les dettes com
merciales sont admises, après vérification, à concourir à
la répartition de l’actif qu’elles soient ou non échues ré
ellement à l’époque de celle-cil.
Peu importerait même que la créance ne fût que con
ditionnelle. Tout ce qu’on pourrait exiger, dans ce cas,
c’est que le créancier fournît caution pour la restitution
de ce qu’il recevrait, si par l’évènement de la condition
cette restitution devenait nécessaire.
94. — En principe lorsque la dette non échue est
solidaire entre plusieurs débiteurs, la faillite de l’un d’eux
ne prive pas les autres du bénéfice du terme. C’est ce
que décide implicitement l’article 444 qui ne déclare les
dettes exigibles qu’à l’égard du failli.
95. — Mais la nature des obligations commerciales
telles que les lettres de change ou billets à ordre exigeait
une exception à cette règle. Ces titres, comme l’observent
tous les auteurs, sont la monnaie courante du commerce
et ne doivent par conséquent recevoir aucune altération
dans leur crédit. L’article 448 du Code de commerce an
cien voyait cette altération dans la faillite d’un seul si
gnataire, qu’il fût tireur, accepteur ou simplement en
dosseur. Il obligeait en conséquence tous les autres à
donner immédiatement caution et à défaut à payer la
traite au porteur.
96. — Les inconvénients de cette disposition étaient
fort graves. Les conséquences en étaient dangereuses suri Voy. pour ce qui concerne le créancier gagiste, infra article 546.
�120
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tout pour le petit commerce. Celui qui souscrit un effet
commercial en inscrit le paiement à l’échéance dans ses
prévisions; mais celui qui négocie cet effet déjà peutêtre revêtu de nombreuses signatures ne prévoit et n e
peut prévoir la possibilité de la faillite d’un négociant
dont la signature précède la sienne ; bien moins encore
de celui dont la signature suivra plus tard. Tout ce qu’il
sait, c’est qu’il ne doit pas payer, selon toute probabilité,
une négociation dont il a fait lui-même les fonds avant
d’en être remboursé par une transmission qui lui est
personnelle. Il pouvait donc se faire qu’il fût tout-à-coup,
comme le tireur lui-même, obligé de payer une somme
pour laquelle il'n ’est nullement en mesure, 011 de don
ner caution pour le paiement à l’échéance.
Or, une caution n’est pas dans bien de circonstances
facile à trouver et surtout dans des moments de crise.
Elle ne l’est pas spécialement pour les maisons d’un or
dre inférieur que le crédit soutient, que les ventes de
tous les jours font prospérer, et qui ne payent avec exac
titude que parce qu’elles ont des échéances fixes sur les
quelles elles comptent et pour lesquelles elles ont soin
de se préparer.
Briser pour elles cet ordre qui les fait vivre , exiger
qu’elles satisfissent à des paiements en dehors de toutes
leurs prévisions, c’était les placer dans le plus grand
danger et même déterminer leur ruine.
Ce danger était tellement réel , tellement prévu que
tout le commerce avait par un accord tacite renoncé à
l’exécution de l’article 448. Ce fait est résulté de la dis
cussion de la kû à la chambre des députés. La Banque
�ART.
444, 448.
121
de France seule avait pendant quelque temps exigé l’ac
complissement de cette disposition devant lequel elle re
cula bientôt.
97.
— Il ne faut donc pas s’étonner de la modifica
tion que la loi nouvelle a introduite dans cette matière.
Le législateur n’a été que l’écho de l’opinion publique;
il s’est conformé aux véritables besoins du commerce en
restreignant l’obligation de payer ou de donner caution
au cas de faillite du souscripteur, de l’accepteur ou du
tireur à défaut d’acceptation.
Il est certain que ce sont là les véritables débiteurs
du billet à ordre ou de la lettre de change. C’est le sou
scripteur du premier qui est en définitive chargé de le
payer. Le tireur de la lettre de change est censé avoir
fait provision dès que celle-ci est acceptée ; dans le cas
contraire il est obligé de la réaliser. Si en cet état la fail
lite éclate avant l’échéance il y a certitude que le paie
ment ne sera pas fait, et dès lors il est vrai de dire que
le crédit du titre est profondément altéré.
La faillite d’un endosseur laisse debout les débiteurs
principaux ; elle laisse subsister par là toutes les chances
de paiement; cette différence en fait devait amener, en
droit, des effets analogues.
Sans doute les endosseurs sont solidairement tenus au
paiement de la dette, avec cette différence cependant que
les droits du porteur contre eux ne s’exercent que lors
qu’il y a certitude que les obligés principaux ne veulent
ou ne peuvent payer. C’est,ce qui résulte des articles 120
et 163 du Code de commerce qui subordonnent l’action
contre les endosseurs à la préexistence d’un protêt con-
�122
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tre celui qui doit payer. La disposition de notre article
ne fait qu’adopter le môme ordre en restreignant l’ex
tension que l’article 448 avait donnée aux droits du por
teur, extension reconnue dangereuse et impraticable.
Aujourd’hui la faillite du souscripteur du billet à or
dre, de l’accepteur et, à défaut d’acceptation, du tireur
de la lettre de change est considérée comme un protêt
et en produit les effets contre les endosseurs qui doivent
donner caution ou payer immédiatement. Si l’un des en
dosseurs seulement fait faillite le porteur n’a aucuns
droits à exercer contre les autres souscripteurs de la let
tre de change ou du billet à ordre. Mais il peut se pré
senter à la faillite de cet endosseur au passif de laquelle
il doit être éventuellement admis.
Si la lettre de change a été acceptée le porteur ne peut
exiger ni garantie ni paiement des autres signataires,
même dans le cas de faillite du tireur. L’acceptation sup
pose provision : dès lors celui qui l’a consentie est aussi
le véritable débiteur. Le tireur lui-même n’est plus con
sidéré que comme un garant, sauf les droits de l’accep
teur à son égard. Sa faillite serait donc assimilée à celle
de l’un des endosseurs et ne donnerait pas plus de droits
que celle-ci.
98.
— Les intérêts que la dette produit ou qu’elle
peut produire ne courent plus à partir du jugement dé
claratif. La faillite transporte tout l’actif aux mains des
créanciers qui ont tous, dès ce moment, un droit égal
aux répartitions dans les proportions de leurs créances;
et comme celles-ci sont déjà plus importantes que l’actif
lui-même , il serait inutile d’ajouter à leur capital des
�art.
444, 445.
123
intérêts qui courant en faveur de tous grèveraient la
masse d’une manière indéterminée en faveur des plus
forts créanciers.
La seule exception à cette règle est pour les créances
hypothécaires ou privilégiées. A leur égard le droit com
mun quant aux intérêts continue à les régir. Mais com
me c’est là une conséquence de la nature du titre, les in
térêts ne peuvent être pris en dehors de l’affectation par
ticulière à celui-ci. C’est donc uniquement sur le pro
duit des choses hypothéquées , grevées du privilège ou
données en nantissement que le paiement de ces intérêts
peut être prélevé. Si ce produit est insuffisant pour faire
face aux créances qui existent, celles non payées devien
nent simples chirographaires et ne produisent aucun in
térêt depuis le jugement déclaratif.
Suit-il de là que le créancier qui n’ayant été hypo
thécairement colloqué dans l’ordre que pour une partie
de ce qui lui est dû réclame sa participation aux distri
butions de la masse chirographaire, doit imputer ce qu’il
a reçu sur le capital de préférence aux intérêts et n’èlre
admis à ces distributions que pour le solde restant du
sur ce capital ?
La cour de Lyon s’étant prononcée pour l’affirmative
le pourvoi dont son arrêt avait été l’objet était rejeté par
la chambre des requêtes le 17 novembre 1862.
« S’il est vrai, dit la cour de cassation, qu’aux termes
» de l’article 445 le jugement déclaratif n’arrête pas le
» cours des intérêts des créances garanties par une hy» pothèque, néanmoins ces intérêts ne peuvent êtreré» clamés que sur les sommes provenant des biens af-
�124
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
-I
fectés à l’hypothèque ; qu’il suit de là que les intérêts
de ces créances qui ont couru depuis la déclaration
de faillite ne peuvent participer ni directement ni indirectement à la distribution faîte à la masse chirographaire ; que pour arriver à ce résultat il est nécessaire de faire servir le prix des biens affectés à la
garantie au paiement d’abord du capital des créances;
que ce n’est qu’accessoirement et jusqu’à concurrence
de ce qui reste du prix desdits biens après le paiement du capital que les intérêts courus depuis la déclaration de faillite peuvent être payés. »
Ainsi l’arrêt ad m et, en matière de faillite , une règle
diamétralement contraire à celle que l’article 1254 du
Code civil prescrit en matière d’imputation. Est-ce là ce
qui s’induit de l’article 445? Nous nous permettons d’en
douter.
Aussi ne sommes-nous nullement étonnés que par
arrêt du 26 décembre 1871, la chambre civile de la cour
de cassation ait au contraire jugé que dans le cas où le
créancier d’un failli qui avait en même temps une hy
pothèque sur les biens d’un coobligé v ien t, après une
collocation partielle en principal et intérêts dans l’ordre
ouvert pour la distribution du prix de ces biens, se pré
senter à la masse chirographaire de la faillite pour con
courir à la distribution, il est en droit d’y figurer pour
tout ce qui lui reste dû sans être tenu d’imputer ce qu’il
a touché sur le principal de sa créance, préférablement
aux intérêts courus depuis la faillite jusqu’à, la clôture
de l’ordre
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
U . dU/P, 4863, p. 663; — 1872, p. 113.
�I
ART. 444, 445.
425
On objectera que l’espèce de ces arrêts diffère; quedans
le premier il s’agissait d’une hypothèque sur les biens du
failli, tandis que dans le second l’hypothèque grevait les
immeubles d’un coobligé. Mais cette différence ne saurait
exercer une influence quelconque sur le principe. En ef
fet la masse chirographaire ne saurait dans aucun cas
être grevée directement ni indirectement des intérêts
courus depuis la déclaration de faillite , et s’il,est vrai,
comme le décide la chambre des requêtes, que si le prix
des biens était employé à payer, en première ligne, les
intérêts des créances garanties par une hypothèque , et
que le restant du prix fût insuffisant pour acquitter le
capital, le créancier prenait part à la distribution dans
la masse chirographaire , celle-ci se trouverait jusqu’à
concurrence grevée des intérêts, le même résultat se réa
liserait que l’hypothèque frappât les immeubles du failli
ou ceux d’un coobligé.
Il n’y a donc pas lieu de distinguer, et si la doctrine
de la chambre des requêtes était juridique dans un cas,
elle ne pourrait pas ne pas l’être dans l’autre. C’est ce
caractère juridique que nous contestons , d’abord au
point de vue de l’article 4254 du Code civil^ Il est évi
dent que l’article 445 laisse quant aux intérêts les cré
ances privilégiées ou hypothécaires sous l’empire du
droit commun. Par une conséquence forcée le droit
commun en matière d’imputation devient seul appli
cable.
Vainement excipe-t-on de la première disposition de
l’article 445. Elle excepte expressément les créances pri
vilégiées ou hypothécaires, et puisque celles-ci ont droit
�^ 26
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
aux intérêts, il n ’est pas possible d’admettre qu’elles ne
pourront en être payées.
C’est pourtant à cette impossibilité qu’aboutirait le
système que nous repoussons. En effet, le créancier hy
pothécaire ne pourrait se les faire attribuer sur le prix
des immeubles affectés, si ce prix était insuffisant pour
les solder avec le capital ; il ne pourrait les revendiquer
dans la distribution de la masse chirographaire. Est-ce
donc pour en arriver là que l’article 445 accorde ces in
térêts et prescrit qu’ils soient payés sur le prix des cho
ses affectées au privilège ou à l’hypothèque ?
Nous croyons donc qu’il n’y a d’autre doctrine à
suivre et à appliquer que celle consacrée par l’arrêt de
la chambre civile.
Au reste la cessation des intérêts n’a lieu qu’en ce qui
concerne la masse. Ainsi les codébiteurs solidaires con
tinuent à les supporter. Le failli lui-même n’en est pas
libéré. Il ne peut obtenir sa réhabilitation qu’après leur
paiement intégral.
A rt. 4 4 6 .
Sont unis et sans effet, relativem ent à la masse,
lo rsq u ’ils a u ro n t été faits p a r le d ébiteur depuis
l ’époque déterm inée p a r le trib u n a l comme étant
celle de la cessation de ses paiem ents, ou dans les
dix jo u rs qui au ro n t précédé cette époque :
Tous actes tran slatifs de propriétés m obilières
ou im m obilières à titre gra tu it ;
Tous paiem ents soit en espèces , soit p a r tran s
port , vente , com pensation ou a u tre m e n t, pour
dettes non échues et p o u r dettes échues, tous paie
m ents faits autrem ent qu’en espèes ou effets de
com m erce :
�ART. 446, 447, 448.
127
Toute hypothèque conventionnelle ou ju d ic ia ire
et tous d ro its d’antichrèse ou de nantissem ent
constitués s u r les b ien s du d ébiteu r p o u r dettes
antérieurem ent contractées.
A rt. 4 4 7 .
Tous an tres paiem ents faits p a r le débiteur
pour dettes et tous au tres actes à titre onéreux
par lui passés après la cessation de ses paiem ents
et avant le jugem ent d éclaratif de fa illite p o u r
ront être annulés , si , de la part de ceux qui ont
reçu du d ébiteu r ou q ui ont traité avec lui, ils ont
eu lieu avec connaissance de la cessation de ses
paiements.
A rt. 4 4 8 .
Les droits d ’hypothèque et de privilège valable
ment acquis p o u rro n t être inscrits ju s q u ’au jo u r
du jugem ent d éclaratif de la faillite.
Néanm oins les in sc rip tio n s prises après l’épo
que de la cessation de paiem ents ou dans les dix
jours qui précèdent p o u rro n t être déclarées nul
le», s’il s’est écoulé plus de quinze jo u rs en tre la
date de l ’acte constitutif de l’hypothèque ou du
privilège et celle de l’inscription.
Ce délai sera augm enté d ’un jo u r à raiso n de
cinq m yrlainètres de distanee en tre le lieu où le
droit d’hypothèque a u r a été acquis et le lieu où
l’inscription s e ra prise.
S OMMAI RE
99.
Importance de ces dispositions pour les actes consentis par
le failli. Elle a préoccupé tous les législateurs.
100. Disposition de l’édit de 1609.
101. Présomption contraire admise par l’ordonnance de 1673.
102. Effets de l ’insuffisance de celle-ci. Déclaration du 18 no
vembre 1702.
103. Sévérité des rédacteurs du Code. Systèm e qu’ils adoptèrent.
r
�428
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
404.
Projet présente'en 1835 fondé sur la notoriété publique,
repoussé par les chambres.
105. Distinction entre les actes faits dans les dix jours qui ont
précédé la cessation ; depuis cette cessation jusqu’au ju
gement déclaratif ; après ce jugement. Présomptions qui
s ’attachent à chacune de ces périodes.
106. Le caractère de l’acte influe sur son sort. Nullité complète
de toutes les libéralités.
107. La constitution dotale en faveur de l ’enfant du failli doitelle être maintenue ?
108. Q u id s i l a d o n a t i o n f a i t e a v a n t l e s d i x j o u r s qui o n t p r é c é d é
la cessation n ’avait été acceptée que pendant ou après
ces dix jours.
109. La transcription dans cette même période d’une donation
régulièrement acceptée avant ne rendrait pas la donation
nulle.
110. Distinction dans les paiements des dettes non échues ou
échues.
111. Nullité des paiements anticipés.
112. Doit-on considérer comme paiement anticipél’envoi de mar
chandises ou d’une somme d’argent en compte courant ?
112 biB. Le porteur d’un billet à tant de jours de vue est-il tenu
de rapporter le paiement reçu avant l ’expiration des
jours stipulés?
113. Le paiement pour dettes échues ne peut être fait qu’en es
pèces ou effets de commerce.— Q u id de celui fait par la
remise de factures acquittées avec mandat d ’en percevoir
le montant; par l ’endossement de récépissés ou de war
rants; par'la remise de coupons échus et au porteur?
1 1 3 b is .
L e p a ie m e n t p a r u n b o n s u r so n b a n q u ie r e s t v a la b le .
113ter. A quelles conditions la cession peut et doit sortir à effet ?
1 \ 3 quatuor, L a signification faite le jour du jugement déclaratif
est-elle valable ?
113 quinto. Les syndics peuvent-ils renoncer à se prévaloir du
défaut de signification.
114. L’incapacité du failli de payer en nature ou par vente, ces-
�ART. 4 4 6 , 4 4 7 , 4 4 8 .
129
sion, transport est absolue. Elle ne peut être levée même
- par autorité de justice.
J15. Arrêt contraire de la cour d’Àix.
H 6. Réfutation de l ’arrêt,
116 bis. L ’achat régulier de marchandises ne tombe dans aucun
cas sous l ’application de l ’article 447, alors même que
le prix aurait été compensé avec la créance.
117. L ’envoi de marchandises après le règlement du compte et
en paiement du solde constitue un paiement nul.
118. Les actes à titre onéreux et les paiements en espèces ou en
effets de commerce pour dettes échues peuvent être an
nulés , si faits après la cesation de paiements ils ont été
reçus en connaissance de cause.
119. Signification de ces termes de l ’article 447 : p o u r r o n t ê t r e
a n n u lé s .
119bis.
Le paiement reçu avec connaissance de la cessation est
valable s’il a été accompagné ou suivi de nouvelles
avances.
119 ter. L ’article 447 est inapplicable au vendeur au comptant
qui connaît la cessation de paiements.
1 19quatuor. Q u i d en cas de saisie-arrêt pratiquée dans les mêmes
circonstances.
120. Il n’y a au reste aucune différence quant à la présomption
admise par la loi entre les actes civils et les actes com
merciaux.*
120bis. Le partage intervenu en l ’état de cessation de paiements
est-il valable ?
121. Nullité de l ’hypothèque consentie dans l'une des trois pé
riodes de la faillite pour dettes antérieures.
122. Dérogation à l’article 443 qui annulait l’hypothèque même
pour prêt nouveau. Validité admise par la loi.
123. Qu’arriverait-il si le créancier chirographaire ajoutant une
somme nouvelle à son ancienne créance se faisait consen
tir une hypothèque pour le tout ?
123 bis. L ’hypothèque pour dettes actuellement contractées tom
be-t-elle sous le coup de l ’article 447. Conséquences
pour la femme.
i — 9
�130
DES FAILLITES ET 'BANQUEROUTES
1 23 ter.
124.
125.
126.
127.
128.
129.
30.
131 .
132.
La femme a-t-elle une hypothèque légale pour le cau
tionnement d’une dette antérieure ?
Le banquier ou capitaliste qui aurait payé dans les dix jours
avant la cessation ou après, en vertu d ’un crédit garanti
par une hypothèque , aurait-il réellement un droit hy
pothécaire pour les sommes ainsi payées ?
Divergence entre les auteurs sur la date de cette hypothèque.
Opinion de M. Troplong. Dissentiment et réfutation.
Dérogation au principe admis par le Code ancien sur la nul
lité des inscriptions prises dans les dix jours de la faillite.
Motifs qui ont engagé le nouveau législateur à en admettre
la validité à la condition qu’elles soient réalisées dans la
quinzaine du titre,
La faculté d’inscrire dans la quinzaine du titre s’étend à
toutes les dettes conventionnelles ou judiciaires.
Le délai de quinzaine est franc : il se calcule sur la distan
ce du lieu où le titre a été consenti à celui où est situé le
bureau dans lequel doit se faire l’inscription.
Les inscriptions anciennes peuvent à toutes les époques être
renouvelées.
Les principes sur les hypothèques s’appliquent aux droits
de nantissement et d ’antichrèse ainsi qu’aux privilèges.
Q u i d en cas de substitution d’un gage à un autre?
1 32 bis.
Les créanciers sont-ils recevables à exciper personnel
lement de l’article 446 ?
99.
— La disposition de ces articles est des plus im
portantes. Une multitude de transactions dépendent de
son application.
Les fraudes que le failli peut commettre dans les der
niers jours de^ son existence commerciale ont de tout
temps préoccupé le législateur. L’édit de 1609 , du bon
roi Henri, prévoit l’existence d’actes qui pourraient avoir
été consentis sous le nom et 'prétexte de banqueroute au
préjudice des pauvres veuves, orphelins et a u tre s, nos
�ART. 4 4 6 , 4 4 7 , - 4 4 8 .
131
bons sujets. Et c’est la présomption de fraude qui est ad
mise pour ceux faits en faveur de certaines personnes.
100.
— Sont dèclarèsnuls et d e m i effet tous trans
ports, cessions, venditions et donations de biens meubles
ou immeubles faits aux enfants, héritiers ou autres
leurs amis ; voulons les cessionnaires, donataires et ac
quéreurs estre punis comme complices desdites fraude
et banqueroute l.
I
101.
— L’ordonnance de 1673 adopta la présomp
tion contraire. Elle exigea pour que les transports, ces
sions, vente ou donation de biens meubles ou immeubles
pussent être annulés qu’ils fussent faits en fraude des
créanciers2. C’était donc à ceux-ci à justifier l’existence
de cette fraude dont la preuve pouvait seule amener la
réparation du préjudice qu’ils pouvaient avoir éprouvé.
Or, il est malaisé de donner des règles certaines pour
découvrir la fraude qui peut être intervenue 3, et la
difficulté, à ce qu’il paraît, était telle que l’ordonnance
ne produisit aucun des effets qu’elle s’était proposés.
102.
— Dès 1667 un réglement pour la ville de
Lyon avait décidé que toutes cessions et transports sur
les effets du fa illi seront nuis s'ils ne sont faits dix
jours au moins avant la faillite publiquement connue *.
Celte disposition qui créait la présomption de fraude
pour les actes faits pendant les dix jours qui précédaient
la faillite fut étendue à toute la France par une décla1Collect. des lois anciennes,
s Titre 1 i , art. 4,
3Bornier, t. 2, p. 637.
< Ibidem, p. 638.
Isambert, t. 48, p. 439.
�132
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ration du 18 novembre 1702, nécessitée par l’insuffi
sance de l’ordonnance de 1673.
Telle était la législation qui a régi les faillites jusques
en 1807. Mais la sévérité des peines portées contre la
banqueroute frauduleuse n’empêchait pas la fraude que
l’absence de toutes règles sur la déclaration de la faillite
favorisait outre mesure. Le scandale des spéculationsne
s’arrêtait pas même devant la peine capitale qui pouvait
en atteindre les auteurs.
103.
— Les rédacteurs du Code de commerce vou
lurent réprimer énergiquement ce désordre et en rendre
le retour impossible. On sait le système qu’ils adoptè
rent pour les actes faits aux approches de la faillite ; on
peut le résumer dans ces quelques mots :
Nullité complète pour tous les actes et paiements faits
dépuis le jour de la cessation de paiements ou après le
jugement déclaratif. La même présomption de fraude at
teignait tous les actes translatifs de propriété à titre gra
tuit , tous privilèges ou hypothèques, tous paiements
pour dettes non échues consentis dans les dix jours qui
précédaient la cessation. Tous les autres actes faits dans la même période de
temps étaient présumés frauduleux à l’égard du failli,
mais non contre les tiers qui avaient traité avec lui. Ces
actes toutefois pouvaient être annulés s’ils avaient été
faits en fraude des créanciers. C’était à ceux-ci à prou
ver la connivence des tiers et l’existence de la fraude.
104.
— Le projet du Code actuel présenté aux cham
bres en 1835 avait adopté ce système avec quelques mo
difications. Ainsi les actes faits dans les dix jours avant
�art.
446, 447, 448.
133
la cessation étaient présumés de bonne foi ; ceux faits
après le jugement déclaratif étaient nuis de plein droit ;
enfin ceux faits dans l’intervalle de la cessation au juge
ment étaient présumés frauduleux sauf la preuve contraire,
Les créanciers pouvaient faire annuler les premiers en
prouvant la fraude ; les parties intéressées faire mainte
nir les derniers en justifiant,leur bqp’ae foi. Mais dans ce
cas la bonne foi ne devait pas consister seulement en
une absence de manœuvres frauduleuses, elle devait aller
jusqu’au plus scrupuleux respect du principe de l’égalité
entre tous les créanciers , c’est-à-dire jusqu’à la preuve
que l’on avait ignoré le mauvais état des affaires du failli L
Dans ce système la cessation de paiements ne remontait
qu’au jour où elle avait été notoire. Les présomptions
qu’il admettait n ’étant que la conséquence de la connais
sance prétendue de cette cessation l’on devait fixer le
moment où l’on pouvait sans témérité supposer cette con
naissance.
Mais nous avons déjà v u 3 comment et par quels mo
tifs le système de notoriété avait été repoussé. La consé
quence de ce rejet amenait celui des présomptions qui
en découlaient ; on leur substitua donc celles sous l’em
pire desquelles nous sommes par l’adoption définitive de
la loi en 1838.
Ï0 5 . — Le législateur a maintenu la distinction que
le Code avait admise dans les diverses périodes de la fail
lite. La classification des actes en est plus facile et plus
claire. On doit donc les considérer suivant qu’ils ont été
1 Voy. le rapport de M. Renouard, session de 1835.
article 443.
3Supra
�134
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
faits dans les dix jours qui précèdent la cessation ; de
puis cette cessation jusqu’au jour du jugement déclara
tif ; après ce jugement. Dans cette dernière période tou1
ce qui a été fait est radicalement nul.
Dans les deux premières il y a présomption de bonne
foi pour ceux qui ont traité avec le failli ; mais celte pré
somption s’efface jbvant la preuve du contraire. Or, ce
qu’il importe surfait de remarquer, c’est que cette preuve
pour être acquise n’a à constater qu’un seul fait : la
connaissance du mauvais état des affaires du failli. Cette
connaissance suffit pour annihiler l’acte et le faire con
sidérer comme fait en fraude des créanciers. Il est évi
dent dès lors que la nature de l’acte qu’il s’agit d’appré
cier influera nécessairement sur le sort qu’il doit avoir.
Dans bien des cas même la présomption qu’il convient
d’admettre serasubordonnéeaucaraclèredesa disposition.
106.
— On comprend en effet qu’un tiers puisse
traiter de bonne foi avec le failli lorsqu’il s’agit d’un acte
de commerce, du paiement d’une dette légitime, même
d’une acquisition de meubles ou d’immeubles. Le failli
avait toute capacité pour les consentir, et leur existence
n ’est pas inconciliable avec l’absence d’une volonté de
frauder. Mais ce qu’on ne concevrait pas , c’est qu’un
débiteur pût, aux approches de sa faillite, disposer à titre
gratuit de tout ou de partie de sa fortune, et enlever ainsi
à ses créanciers le gage qui doit leur appartenir.
Cette double inspiration a dicté les dispositions de la
loi ; ainsi les aliénations mobilières ou immobilières faites
depuis la cessation de paiements ou dans les dix jours
qui précèdent sont frappées de nullité absolue si elles
�art .
446, 447, 448.
135
l’ont été à titre gratuit. Leur caractère de libéralité leur
imprime un tel cachet de fraude qu’il est impossible de
leur accorder le moindre effet.
107.
— Sous l’empire du Code de commerce de 1807
on s’était demandé si la constitution dotale faite dans
les dix jours de la cessation de paiements en faveur de
l’enfant devait être maintenue.
Tout en reconnaissant à cet acte le caractère de libé
ralité on en avait admis la validité. Le motif était que
l’article 444 ne disposant que pour les libéralités immo
bilières, la constitution d?une dot mobilière échappait à
son application.
Ce motif n’a plus aucune valeur. L’article 446 range
sur la même ligne les libéralités mobilières et immobi
lières. La même nullité les atteint désormais.
En conséquence, la constitution de dot considérée com
me aliénation à litre gratuit tomberait infailliblement
sous l’empire de cette disposition. Mais peut-on, doit-on
lui assigner ce caractère ?
Nous avons ailleurs examiné et résolu cette question,
et admis avec la cour de cassation que, pour ce qui con
cerne les époux, la dot étant destinée à subvenir aux char
ges du mariage elle est reçue par eux à titre onéreux L
La conséquence de cette doctrine est d’enlever la con
stitution de dot à l’empire de l’article 446 ; de la ranger
dans la catégorie des actes indiqués dans l’article 447.
Or, comme cet article déduit la fraude de la connaissance
de la cessation des paiements et qu’il est impossible d’ad•» 9
'
i Notre Traité du dol et de la fraude, t. 3, n°» 1467 et suiv.
�<36
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
mettre cette connaissance tant que la cessation ne s’est
pas réalisée , il faut de toute nécessité conclure que la
constitution de dot faite dans les dix jours avant la ces
sation serait inattaquable1.
Pourrait-on quereller celle faite dans l’intervalle entre
la cessation et le jugement déclaratif? La négative mé
connaîtrait le texte et l’esprit de la loi. Si la constitution
de dot est un acte onéreux , comment l’excepter de la
règle générale édictée pour les actes de cette nature.
Les créanciers pourront l’attaquer. Le préjudice qu’ils
éprouvent est certain puisque c’est sur l’actif devenu leur
gage commun, et par conséquent à leur détriment, que
la dot a été constituée.
Mais ils ne parviendront à la faire annuler que s’ils
établissent que la cessation de paiements était au moment
du contrat connue des deux époux. Si l’un d’eux l’avait
ignorée , le caractère onéreux que la dot conserverait à
son égard prévaudrait et assurerait le maintien du contrat.
C’est ce que la cour de cassation n ’a pas cessé d’admettre.
La preuve de la connaissance de l’un et de l’autre ad
mise , la fraude contre les créanciers ne pourrait être
méconnue et moins encore repoussée. Le préjudice réel
que la masse éprouve de la diminution de l’actif ne per
mettrait ni l’un ni l’autre.
Ce que nous venons de dire de la constitution actuelle
de la dot s’applique au paiement après cessation de celle
précédemment constituée. Mais ici il convient de distin
guer. Si la dette ainsi payée n’était pas échue on appli
querait l’article 446. Dans le cas contraire c’est l’article
1 C a s s a tio n , 2 8 f é v r ie r
\ 8 4 5 ; — D. P.,
48,
\,
173.
�»
ART, 446, 447, 448.
137
447 qui régirait le sort du litige, et il n’y aurait nullité
que si la cessation avait été connue des deux époux.
108. —- Il en serait de même pour toute donation
faite avant la période de dix jours, si elle n’avait été ac
ceptée que pendant ou après ce délai. L’acceptation est
indispensable pour la validité de la donation. Celle-ci ne
produit effet que du jour que cette acceptation a été ré
gulièrement faite. Jusque-là elle n’est qu’une offre non
acceptée qui peut être rétractée et que la faillite rétracte
ipso fa do. Il n’y a réellement donation que lorsque le
donataire a manifesté sa volonté ; il faut donc qu’au mo
ment de cette manifestation le donateur soit capable
d’aliéner. Or, cette capacité manque à celui qui tombe
en faillite.
109. — Mais si le fait accompli dans les dix jours ou
après n’avait aucune influence sur la validité de l’acte,
s’il n’était que l’accomplissement d’une formalité extrin
sèque la donation faite à une date antérieure serait main
tenue. C’est ce qui a été jugé spéialement pour la tran
scription x. La donation étant parfaite par l’acceptation,
le bénéfice en est irrévocablement acquis au donataire.
La transcription n’ajoute rien à sa validité ; elle n’est
ordonnée que d^ns l’intérêt du donataire lui-même et
pour empêcher que des créanciers antérieurs n’acquiè
rent des droits hypothécaires sur les immeubles donnés.
Le défaut de cette formalité ne peut donc avoir d’autre
résultat que de soumettre ce donataire à payer les cré
anciers qui auraient fait inscrire leurs créances.
1 G ren ob le, '47 j u in 1 8 2 2 ; — S ir e y , 2 3 , 2 , 2 7 3 ,
�<38
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
110. — Les paiements opérés depuis la cessation ou
dans les dix jours qui précèdent se rapportent à des det
tes échues ou qui ne l’étaient pas.
1 1 1 . — Si la dette n’était pas échue le paiement est
nul et doit être rapporté à la masse , quel qu’ait été le
mode par lequel il a été fait. Le créancier qui l'a accepté
a prouvé par cela seul qu’il savait qu’il y avait danger
à attendre l’échéance du terme. Cetie connaissance le
constitue en mauvaise foi. On ne saurait accorder une
récompense à celui qui a ainsi pris d’avance les moyens,
de se soustraire à une faillite imminente. L’immunité
du péril qui atteint tous les créanciers ne saurait être le
prix de la course.
De son côté le failli se serait convaincu de fraude par
ce paiement anticipé. Qui a terme ne doit rien ; quels
motifs pouvait-il donc avoir pour renoncer à celui qui
était stipulé en sa faveur? Son état de gêne rendrait mê
me cet abandon sans explication possible, si ce n ’est par
la volonté d’avantager le créancier payé. En effet, celui
qui est en déconfiture, à tel point qu’il ne peut faire face
à des engagements échus, peut-il être censé de bonne
foi lorsqu'il solde ceux qui ne l’étaient pas encore ?
Ainsi le paiement anticipé doit être annulé, qu’il ait
eu lieu en espèces , en effets de commerce ou par ces
sions, transports de créances ou de marchandises. Il sup
pose entre le débiteur et le créancier un concert fraudu
leux dont le but est d’affranchir celui-ci des chances que
la faillite présentera à tous les autres créanciers ; de plus
il cause à ces derniers un véritable préjudice en faisant
disparaître de l’actif une somme à la répartition de la
quelle ils avaient le droit de concourir.
�ART.
446, 447, 448.
139
112.
— Faudra-t-il considérer comme paiement an
ticipé l’envoi d’une somme d’argent ou de marchandises
en compte-courant ? Les motifs qui font proscrire ces
paiements nous paraissent devoir faire résoudre négati
vement cette question. Il est vrai que tant que le compte
courant n’est pas balancé il n’y a pas dette échue ; mais
l’envoi d’argent ou de marchandises entre deux corres
pondants dans l’habitude depuis longtemps d’agir ainsi
ne caractérise pas un véritable paiement. C’est là une
opération commerciale dont la répétition et la fréquence
alimentent et constituent le compte. Elle n’a donc rien
de suspect ni de contraire aux habitudes commerciales.
Celui qui a reçu ce dernier envoi s’est conformé à des
précédents dès longtemps établis et qu’il pouvait de trèsbonne foi croire devoir durer longtemps encore. Il n’y a
en conséquence dans ce fait ni déloyauté ni fraude;.et
comme c’est l’une ou l’autre que la loi a voulu seulement
proscrire, il faudrait pour l’obliger à restitution prouver
qu’il n’a reçu qu’après avoir connu la déconfiture de
son correspondant.
1 1 2 bis. — Le paiement d’un billet à tant de jours
de vue opéré avant l’expiration des jours déterminés estil sujet à rapport ?
En fait, il est certain que le billet à huit jours de vue,
par exemple, n’est exigible et échu que huit jours après
le visa dont il doit être revêtu à présentation. Ce n’est
qu’après leur expiration que le porteur aura le droit
d’exiger et de contraindre le paiement. Le protêt fait avant serait inefficace et nul.
On a prétendu que ces billets n’étaient en réalité que
�140
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
des bons de caisse payables à présentation ; que la stipu
lation d’un délai après visa était de pure forme, une sim
ple précaution du banquier pour échapper à de nom
breuses demandes de remboursement qu’une crise pou
vait faire naître ; qu’ainsi l’usage commercial était que
nonobstant la stipulation d’un délai ces reconnaissances
étaient soldées le jour même de la présentation.
En supposant l’existence de cet usage, resterait à exa
miner si on pourrait l’opposer à des tiers et leur dénier
ainsi un droit que la loi leur confère expressément. Mais
s’il est vrai que le banquier paye à présentation les bons
dont nous nous occupons, le plus souvent il' se fait tenir
comptedu délai qu’il abandonne en en retenant l’intérêt.
L’opération est donc moins un paiement qu’un véri
table escompte. Or celui-ci peut avoir lieu sur toute es
pèce de valeurs. Le porteur d’une lettre ou d’un billet à
trois ou six mois de date pourrait-il soutenir avoir été
payé d’une dette échue, si moyennant l’abandon d’un
intérêt proportionnel il en obtenait immédiatement la
valeur.
Pourquoi ce qui est vrai pour celui-ci ne le serait-il
pas pour le porteur d’un titre à tant de jours de vue.
Est-ce qu’on pouvait prendre en considération l’échéance
plus ou moins rapprochée du titre ?
La renonciation au bénéfice du délai existe , que ce
délai soit de trois mois ou de trois jours. C’est cette re
nonciation que la loi a entendu , voulu et dû vouloir
proscrire. Elle pouvait en effet devenir une source d’abus
et de fraude.
Le banquier est dans tous les cas libre d’exiger le dé-
�ART. 4 4 6 , 4 4 7 ,
448.
441
lai que le titre lui accorde. Ce droit il l’abandonnera
aux approches de la faillite en faveur de ses parents, de
ses amis, de ceux qu’il voudra favoriser. Il en réclamera
le profit à l’égard de certains autres. Ainsi, par son fait
unique il arrivera que des créanciers ayant les mêmes
droits, la même position seront les uns intégralement
payés, les autres exposés à perdre une grande partie de
ce qui leur est dû. N’est-ce pas là précisément ce que
l’article 446 a voulu prévenir et réprimer.
Il n’y a donc pas à hésiter. La dette est non échue
toutes les fois que le créancier n’est pas en position d’en
exiger judiciairement le paiement actuel et immédiat. Le
porteur d’un bon à trois , huit ou dix jours de vue n’a
pas ce droit. Dès lors s’il a été payé après la cessation de
paiements ou dans les dix jours qui l’ont précédée , la
nullité du paiement et par suite l’obligation d’en rap
porter le montant ne saurait être méconnue ni contestée.
Vainement exciperait-on de ce que le paiement aurait
été pur et simple,le banquier n’ayant rien retenu en vue
du délai restant à courir. Le droit de le faire appartenait
incontestablement au banquier, et comme il était à son
bénéfice exclusif il avait la faculté de l’abandonner. Mais
cette faculté est la même pour toutes les dettes à terme
et l’abandon de son exercice est évident dès que le débi
teur a volontairement opéré le paiement actuel.
L’article 446 en annulant ce paiement reconnaît par
cela même que le fait du débiteur n ’est pas opposable à
la masse et ne saurait la lier. C’était là d’ailleurs la con
séquence forcée du principe. La masse poursuivant l’ap-,
plication de l’article 446 attaque des actes faits en fraude
�142
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
de ses droits. Elle n ’est donc plus l’ayant cause du dé
biteur ; elle ne peut dès lors être atteinte par les excep
tions qui écarteraient celui-ci.
Notre doctrine avait été consacrée par le tribunal de
commerce d’Orléans dans un jugement fortement motivé
du 15 juin 1859. Le créancier condamné se pourvut
devant la cour, mais son appel fut repoussé par arrêt du
26 juillet suivant K
1 1 5 . — Si la dette était échue , le paiement serait
valable s’il a été réalisé conformément aux usages com
merciaux. Ce fait en lui-même n’a rien que de très-na
turel. Un créancier porteur d’un titre se présente à l’é
chéance chez son débiteur qui le paie : c’est là l’histoire
de tout le commerce. La nullité d’un pareil paiement
pouvait donc consacrer bien souvent une injustice.
Maissi ce paiement s’est exécuté d’une manière inusi
tée, si au lieu d’espèces ou d’effets de commerce le cré
ancier recevait une cession, une partie du mobilier, s’il
acceptait des marchandises jusqu’à concurrence de ce
qui lui est dû ou à titre de nantissement, s’il se faisait
consentir des sûretés hypothécaires la présomption de
fraude acquiert autant de force que celle de la bonne foi
dans le premier cas.
La fidélité dans l’engagement est ce qu’il y a de plus
indispensable dans, le commerce. Le commerçant qui met
son argent en circulation ne le fait qu’à la condition que
les rentrées s’effectueront à l’échéance. C’est sur leur
certitude qu’il base toutes ses prévisions et le paiement
de ses propres obligations. Il y a donc pour lui un prél D. P., 69, 2, 166 ; — J. du P., 60, 2, 4012.
�y
art.
446, 447, 448.
143
judice grave si ces rentrées n’ont pas lieu. Lorsqu’on lui
offre.au lieu d’espèces ou d’effets, un mobilier, des mar
chandises, une hypothèque ou toute autre garantie, il y
a pour lui conviction qu’une faillite va éclater. Si mal
gré cette conviction il accepte, il est de mauvaise foi et
conséquemment on doit l’obliger à recombler.
Autoriser le. paiement même des dettes échuesau moyen
de marchandises, de mobiliers par transports, vente ou
cession, en un mot autrement qu’en espèces ou effets de
commerce, c’était accorder au failli le droit de disposer
de son actif et créer un privilège en faveur de quelques
créanciers au détriment des autres. Tous les intéressés à
un naufrage doivent éprouver un sort commun et la loi
a sagement fait de proscrire tout ce qui tendrait de près
ou de loin à blesser l’égalité entre les créanciers. Dans
l’hypothèse, si ce paiement en lui-même n’a rien d’ex
traordinaire, le mode employé pour l’opérer l’est au con»
traire beaucoup ; il rentre dans la classe des faits qui par
eux seuls font preuve que celui qui en a accepté le bé
néfice a eu connaissance de l’état de cessation de paie
ments actuel ou prochain.
Or, on ne saurait se méprendre sur ce qui constitue
un effet de commerce. Nous verrons tout à l’heure la
cour de cassation les définir : des titres négociables dont
l’endossement opère paiement en transmettant au por
teur une créance sur un tiers. Celui qui reçoit un de ces
titres reçoit une monnaie véritable, car à quelque éché
ance qu’il soit il peut avec l ’addition de sa signature en
toucher immédiatement le montant et le consacrer à ses
affaires.
�144
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
On ne saurait donc considérer comme effet de com
merce les valeurs souscrites par le débiteur en reconnais
sance de sa dette. Il importe peu que ces valeurs soient
des lettres de change ou des billets à ordre. Elles n’a
joutent rien aux garanties du créancier. Elles ne sont
qu’un règlement de la dette qu’elles constatent au lieu
de l’éteindre.
Y aurait-il paiement en effets de commerce si le dé
biteur ayant vendu de la marchandise à des tiers remet
tait à son créancier les factures acquittées et un mandat
pour en toucher le montant ?
On ne saurait voir un effet de commerce rentrant dans
la catégorie de ceux dont parle l’article 446 dans le sim
ple mandat de toucher une somme quelconque , alors
même qu’il serait à ordre. Après comme avant l’avoir
reçu le porteur n ’a que le mandant pour seul èt unique
débiteur, et cela en vertu des titres primitifs et nullement
en force du mandat qui ne renferme aucune obligation
de la part du mandant.
Ainsi le mandat n ’est pas même une valeur person
nelle du mandant. On ne saurait donc lui reconnaître le
caractère d’effets de commerce qu’on refuserait à ces
valeurs.
A plus forte raison le déciderait-on ainsi s’il n’avait
été remis aux créanciers que des factures acquittées avec
pouvoir d’en toucher le montant. La facture n’a par ellemême qu’une valeur relative. Elle est le fait unique du
vendeur et ne constitue une créance en sa faveur que si
elle est reconnue et acceptée par l’acheteur. Ce n’est donc
que par un excès de bon vouloir qu’on pourrait voir
�ART.
4-46, 447, 448.
445
dans la remise que le premier en fait à son créancier,
non pas seulement un paiement en effets de commerce,
mais même un paiement.
Aussi la cour de Bordeaux saisie de la question déci
dait-elle , le 29 mars 1871 , « que le paiement d’une
» dette échue fait par un débiteur à son créancier après
» l’époque fixée pour la cessation de paiements, au
» moyen de la remise de factures acquittées payables à
» terme par un tiers et d’un mandat non revêtu de la
» clause à ordre de toucher somme égale au montant
» des factures, constitue une cession de créance dans les
» conditions du droit commun, et non un paiement en
» effets de commerce autorisé par l’article 446 du Code
» de commerce, et n’est, conséquemment, pas valable.
» Attendu, — dit l’arrêt, — que le sens attaché à ces
» expressions effets de commerce dans l’article 446 du
» Code de commerce est clairement révélé par l’esprit
» qui a présidé à sa rédaction : qu’il n’a pu assimiler
» aux paiements en espèces que les paiements en effets
» assimilés aux espèces par la pratique habituelle du
» commerce, tels que les lettres de change ou les billets
» à ordre dont la propriété se transmet immédiatement
» par la voie de l’endossement, tels encore que ceux
» dont la simple remise aux mains du porteur en assure
» à celui-ci le bénéfice.1 »
I
La cour de Bordeaux semble attacher de l’importance
à ce que le mandat de toucher le montant des factures
qui en accompagnait la remise ne contenait pas la clause
U .duP ., 1871, p. 664.
�146
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
à ordre. Pour nous l’absence de cette clause est fort in
signifiante. Supposez en effet qu’elle eût existé , est-ce
qu’elle aurait empêché que du souscripteur du mandat
au bénéficiaire de celui-ci l’opération ne fût une simple
délégation , une cession de créance ? Pouvait-elle faire
que le porteur eût acquis des droits directs contre le
mandé ? Or, c’est l’attribution de ce droit direct qui con
stitue essentiellement l’effet de commerce.
Qu’importe que la clause à ordre eût rendu le titre
négociable? La négociabilité d’un titre ne suffit pas pour |
en faire un effet de commerce. Ainsi on ne saurait assi
miler aux effets de commerce dont parle l’article 446 I
les titres qui , bien que transmissibles par voie d’en
dossement, n’ont cependant directement trait qu’aux j
droits du porteur sur des marchandises , tels que des
connaissements, des lettres de voiture, des billets de mar
chandises. Celui qui en temps suspect se libérerait par
le transfert d’un ou de plusieurs de ces titres ne ferait
I
que le paiement en marchandises proscrit par la loi, I
nul et de nul effet à l’égard de la masse.
Pourrait-il en être autrement de la cession d’un récé
pissé ou d’un warrant délivrés par les magasins géné
raux.
Pour résoudre juridiquement cette question il faut bien
se fixer sur le caractère et la nature de ces titres. Or, à
ce sujet la loi des 28 mai et 11 juin 1858 est fort expli
cite. Aux termes de l’article 1er les magasins généraux
reçoivent les matières premières, les marchandises et les
objets fabriqués que les négociants et industriels voudront
y déposer ; ils délivrent des récépissés énonçant les nom,
�profession et domicile des déposants, ainsi que la nature
de la marchandise déposée et les indications propres à
en établir l’identité et à en déterminer la valeur.
L’article 2 dispose qu’à chaque récépissé est annexé
sous la dénomination de warrant un bulletin de gage
contenant les mômes mentions que le récépissé.
Le bénéficiaire des récépissé et warrant n’a donc au
cun droit de créance sur et contre le magasin général.
Celui-ci n’est qu’un dépositaire, et ce qu’il doit unique
ment c’est la restitution de la marchandise en échange
du récépissé et du warrant qui en constatent la remise.
L’institution des magasins généraux eût été sans objet
si les récépissés et les warrants n’avaient pas été négo
ciables. Leur unique raison d’être se puisait dans la fa
cilité offerte aux commerçants d’emprunter sur leurs
marchandises dont la vente actuelle est impossible ou
offrirait une perte trop considérable.
Aussi le législateur a -t-il permis de négocier par la
voie de l’endossement non-seulement le récépissé et le
warrant, mais encore séparément l’un ou l’autre. Toute
fois il n’a autorisé cette négociation qu’en en détermi
nant et en en précisant les effets et les conséquences.
Ainsi, aux termes de l’article 4 l’endossement du war
rant séparé du récépissé vaut nantissement de la mar
chandise au profit du cessionnaire du warrant.
L’endossement du récépissé transmet au cessionnaire
le droit de disposer de la marchandise, à la charge par
lui, lorsque le warrant n’est pas transféré avec le récé
pissé , de payer la créance garantie par le warrant ou
d'en laisser payer le montant sur le prix de la vente de
: la marchandise.
�448
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Qu’importe que l’article 11 ait, pour ce qui concerne
les établissements publics de crédit, assimilé les warrants
aux effets de commerce ; cette assimilation ne saurait
en modifier le caractère, en changer la nature, ni faire
que le porteur ait d’autre droit, en cas de non paiement
à l’échéance, que celui de faire, huit jours après le protêt
et sans aucune formalité de justice, procéder à la vente
publique , aux enchères et en gros , de la marchandise
engagée, dans les formes et par les officiers publics in
diqués dans la loi du 28 mai 1858.1
Que fait donc en réalité celui qui en paiement d’une
dette négocie à son créancier soit un warrant soit un
récépissé, soit l’un et l’autre cumulativement ? Ceci seu
lement : ou il donne un nantissement ou il paye en
marchandises , c’est-à-dire un paiement essentiellement
nul s’il a été fait en temps suspect, comme le déclarent
les articles 446 et 447 du Code de commerce.
La cour de Grenoble méconnaissant ces principes ju
geait, le 18 décembre 1862, que les récépissés et war
rants de marchandises déposées dans les magasins géné
raux, que la loi du 28 mai 1858 déclare transmissibles
par endossement, doivent être assimilés à des effets de
commerce ; que dès lors leur endossement pour payer
une dette échue est valable, bien qu’il ait eu lieu après
la cessation de paiement ou dans les dix jours qui ont
précédé la faillite de l’endosseur2.
Il y avait dans l’espèce pour valider le paiement deux
raisons particulières. La première , que les trois balles
1 Article 7.
2
J. du P., 1863, p, 715.
�ART. 4 4 6 , 4 4 7 , 4 4 8 .
149
de soie objet du warrant avaient été longtemps avant la
cessation de paiement consignées aux mains du créan
cier, et que celui-ci n’avait consenti à déposer dans le
magasin général qu’à la condition que le warrant lui
serait transmis, de manière qu’on pouvait dire qu’investi
du nantissement au jour de la consignation le créancier
n’avait consenti qu’à un déplacement du gage dont il
n’avait jamais perdu la possession ;
La seconde , que le warrant était accompagné d’un
bulletin de garantie de la société anonyme dû magasin
général des soies.
Cependant la cour de cassation ne s’arrête ni à l’une
ni à l’autre. Investie par le pourvoi contre l’arrêt de
Grenoble, elle casse cet arrêt, le 7 mai 1866. Voici par
quels motifs :
« Attendu qu’il résulte des constatations de l’arrêt at» taqué que Forest débiteur de Charrier et Cie leur a
» donné en paiement de Jeurs avances les récépissés et
» les warrants à lui délivrés par le magasin général des
» soies de Lyon , sur le dépôt qu’il y avait fait de trois
» ballesdesoie précédemment consignées entre les mains
» desdits Charrier et Cie ;
» Attendu que cette remise par voie d’endossement au
» profit de ces derniers a eu lieu le 10 février 1861,
» c’est-à-dire cinq jours avant l’époque de la cessation
» des paiements de Forest fixée par jugement du 29 a » vril suivant ;
» Attendu que le troisième alinéa de l’article 446 du
» Code de commerce déclare nuis tous les paiements
» pour dettes échues faits dans les dix jours antérieurs
�150
t
.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
» à la faillite , autrement qu’en espèces ou en effets de
» commerce;
» Attendu que dans l’esprit de cette disposition on
» ne doit entendre par effets de commerce que des titres
» négociables dont l’endossement opère paiement en
» transmettant au porteur une créance sur un tiers, tels,
» par exemple, qu’un billet à ordre endossé ou une lel» tre de change garantie par une provision ;
» Attendu que bien qu’assimilés aux effets de com» merce par la loi du 28 mai 1858 , des récépissés et
» dfts warrants délivrés pePr les magasins généraux ne
» remplissent pas cette condition, lorsque, dans les dix
» jours qui ont précédé sa faillite , un déposant a en » dossé ensemble ou séparément au profit d’un de ses
» créanciers pour le couvrir d’une dette échue ;
» Qu’en effet ils ne transmettent point alors de cré» ances sur un tiers,les magasins généraux n’étant débi» leurs d’aucune somme, mais étant seulement tenus à
» la représentation des marchandises déposées, et d’au» tre p a rt, le déposant restant seul débiteur du béné» fîciaire de ce premier endos ;
» Attendu qu’une semblable négociation quand elle
» s’applique simultanément, comme dans l’espèce, à des
» récépissés et à des warrants constitue à la fois un
» paiement en marchandises et un nantissement égale» ment frappés de nullité par le même article 446.1»
L’incontestable caractère juridique de cet arrêt eu re
commande la doctrine et doit prévenir et rancher toute
1 J. du P., 1866, p 865 •*
�ART. 4 4 6 , 4 4 7 , 4 4 8 .
151
controverse et tout doute qui pourraient se produire sur
la question.
La cour de Rennes avait devancé la cour de cassa
tion. Elle jugeait, en effet, le 22 mars 1866 : « que l’en» dossement d’un warrant.au profil d’un créancier pour
» dette échue, ne saurait être considéré comme un paie» ment; qu’il ne constitue qu’un simple gage ou nan» tissement qui doit être annulé si l’endossement a eu
» lieu depuis la cessation des paiements du propriétaire.
» de la marchandise ou dans les dit jours qui l’ont
» précédée. »
4 l’objection que les warrants sont des effets de com
merce l’arrêt répond : « que quoique assimilé aux effets
» de commeice quant à sa forme extérieure , quant à
» son mode de négociation , quant à l'obligation du
» protêt, etc. . . , par les articles 1 1 et suivants de la
» loi du 28 mai 1858, le warrant est qualifié Irès-net» tement de bulletin de gage par l’article 2 de cette loi
» dont l’article 4 dispose : L’endossement -du warrant
» séparé du récépissé vaut nantissement de la marchan» dise au profit du cessionnaire du warrant.1 »
Le paiement par la remise de coupons échus et au
porteur pourrait-il, devrait-il être annulé par applica
tion de l’article 4 4 6 ?
L’affirmative nous paraît difficile à admettre. Sans
doute les coupons même échus et au porteur ne sont pas
des effets de commerce, et nous admettons avec un arrêt
de la cour de cassation, du 29 juin 1870, qu’on ne sau1 J duP., 1867, p. 1227,
�152
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
rait les assimiler à ceux dont il est question dans l’ar
ticle 446, « que sous cette dénomination cet article en» tend désigner uniquement les valeurs de circulation
» dont la négociation est soumise aux règles tracées par
» le Code de commerce.1 »
Dans la note dont il accompagne cet arrêt le Journal
du Palais conteste cette appréciation. « La forme du
» titre au porteur, dit-il, la transmissibilité de la main
» à la main est aussi commerciale que la forme du titre
)> à ordre et la trasmissibilité par endos. Le mot effets
» de commerce doit recevoir un sens large. Il parait
» manifeste que le législateur s’attache uniquement à la
» facilité de la cession qui fait entrer le titre dans la
» circulation commerciale et non pas à la nature ou
» cause de l’obligation. »
Mais la forme au porteur est spéciale à certains titres,
les actions et obligations des sociétés , les connaisse
ments. Or, qualifiera-t-on ces actions et ces obligations
d’effets de commerce parce que la facilité de leur trans
mission les fait entrer dans la circulation commerciale?
Mais les actions n’écherront qu’à la liquidation de la
société et n’auront d’autre valeur que celle qui résultera
de cette liquidation. Sans doute la valeur des obligations
est certaine et déterminée, mais elles sont ordinairement
à une échéance tellement éloignée qu’elles se placent en
dehors des exigences et des usages commerciaux qu’on
ne s’en sert, qu’on ne saurait s’en servir dans le règle
ment des transactions courantes.
1 J. du P, 1870, p. 1105.
�ART.
446, 447, 448.
153
D’autre part le transfert d’un connaissement a pour
objet et pour résultat non une valeur réelle et détermi
née, mais des marchandises dont la vente sera plus ou
moins productive. Sa négociabilité ne saurait donc lui
donner le caractère d’effet de commerce, et un paiement
fait dans ces conditions serait évidemment le paiement
en marchandises prohibé par l’article 446.
Donc, comme pour les actions et obligations, comme
pour les connaissements, la circonstance que les coupons
sont au porteur ne saurait leur donner le caractère
d’effets de commerce. Aussi, dans la pratique les voiton très-peu circuler et l’usage à peu près universel est
de ne les détacher du litre qu’à leur échéance.
Les coupons échus ne sont donc pas des effets de
commerce , mais ils sont mieux que cela , ils sont une
monnaie. Celui qui les reçoit, reçoit en réalité les écus
qui lui seront comptés sur la présentation de ces cou
pons.
On objecte que le paiement est fort douteux , que la
société débitrice peut être dans de mauvaises affaires 1
Qu’en résultera-t-il ? que les coupons ne seront pas
payés ? Mais celui qui les a reçus les rendra et rentrera
dans la créance que leur transfert avait pour objet d’an
nuler. D’ailleurs, dans ce cas qui contestera l’opération,
et en quoi la masse sera-t-elle intéressée à réclamer ?
Cet intérêt n’existe et ne peut exister que si les cou
pons ont été payés , et dans ce cas , nous le répétons,
ce que le créancier a reçu c’est non du papier mais de
l’argent.
Il est vrai que nous semblons nous mettre en oppo-
�154
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
silion avec l’arrêt de la cour de cassation du 29 juin
1870, qui a refusé d’assimiler les coupons échus et au
porteur à des espèces. Mais les motifs de ce refus nous
absolvent de tout reproche à cet égard.
La cour de Metz avait repoussé celte assimilation :
« Attendu que la valeur des coupons était essentielle
ment mobile et indéterminée, à ce point qu’elle n’avait
pu être définitivement réglée qu’après la liquidation de
la société, » et c’est précisément sur celte circonstance
que la cour de cassation fonde le rejet du pourvoi.
Qu’auraient fait la cour de Metz et la cour de cassa
tion si la valeur des coupons eût été actuellement liqui
de, certaine, déterminée? Elles auraient incontestable
ment validé le paiement, puisqu’elles ne l’annulent que
parce que cette valeur n’était ni liquide, ni certaine, ni
déterminée. En réalité ces deux monuments de jurispru
dence ne constituent que des arrêts d’espèce, et loin de
contredire notre doctrine, ils l’affirment.
H 3 bis. — Certains commerçants sont dans l’usage
de verser toutes leurs recettes dans la caisse d’un banquier
qui paye, pour eux, sur des bons qu’ils délivrent à leurs
créanciers. La délivrance de ces bons est donc un mode
de paiement. Quelle en serait la valeur pour celui qui
l’aurait reçue après la cessation de paiements ou dans
les dix jours qui l’ont précédée ?
La nature de la convention entre le banquier et le
commerçant donne aux délégations de celui-ci un ca
ractère spécial et les rend en quelque sorte une monnaie
véritable. Dans tous les cas elles constituent des valeurs
dans le sens de l’article 444. Le paiement opéré au moyen
�ART.
446, 447, 448.
155
de leur remise serait donc valable aux termes mêmes de
cet article.
En serait-il de même si à l’échéance de la dette le dé
biteur avait souscrit à un créancier une lettre de change
tirée sur un de ses débiteurs et par celui-ci acceptée?
Il nous semble difficile de se prononcer pour l’affir
mative. La création d’une lettre de change n’est pas un
paiement. Celui-ci a pour effet immédiat d’éteindre la
dette, de libérer le débiteur. La lettre de change substi
tuée à un autre litre n’opère ni l’un ni l’autre La dette
continue d’exister et le débiteur reste obligé.
Il est vrai que la même chose se réalise dans le paie
ment en valeurs, l’endossement créant pour son auteur
une obligation avec solidarité. Mais de tout temps le
portefeuille a été l’auxiliaire indispensable de la caisse.
Celui-là donc qui puise dans l’un à défaut de l'autre ne
fait qu’une opération qu’un usage constant et universel
autorise, qu’on devait accepter comme un paiement dans
l’intérêt même du commerce.
Au contraire , la remise d’une lettre de change n’est
pour le souscripteur que le règlement de sa dette. Elle
renouvelle l’ancienne et ne l’éteint pas. Il n’y a donc
dans cette opération ni paiement en espèces, ni paiement
en valeurs, ni même paiement.
Pour le créancier preneur de la lettre de change l’opé
ration constituerait tout au plus un paiement par ces
sion. Or, ce paiement fait dans les conditions de l’arti
cle 446 tomberait nécessairement sous le coup de sa
prohibition.
Vainement exciperait-il de l’acceptation donnée par
/
0
�156
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
le tiré. Cette acceptation donne à la cession toute sa
perfection, mais n’en altère ni n’en change le caractère.
La loi ne pouvait subordonner le sort de sa prohibition
au fait du tiers à qui il est fort indifférent de payer l’un
ou l’autre. Après la cessation de paiements ou dans les
dix jours qui l’ont précédée, la disposition de l’actif au
préjudice de la masse interdite au cédant ne pouvait pas
être permise au débiteur cédé.
Supposez une cession ordinaire faite en temps suspect:
la présence à l’acte du débiteur cédé et sa reconnaissance
soustrairaient-elles la cession à la nullité dont la frappe
l’article 446 ? Or, quel motif aurait-on de décider au
trement pour l’acceptation de la lettre de change ?
Tous les contrats qui viennent accessoirement se grou
per autour du contrat principal participent du caractère
de celui-ci. La nullité de l’un entraîne forcément celle
des autres. Nous croyons donc que malgré l’acceptation
le tiré pourrait être contraint à payer à la masse ce dont
il était débiteur, sans que le porteur de l’acceptation pût
valablement s’y opposer.
Quid si à son échéance la lettre de change a été payée
par l’accepteur?
Il faut distinguer : si l’acceptation donnée comme acte
de crédit envers le tireur l’a été sans qu’il existât actuel
lement de provision, le paiement est acquis à celui qui
l’a reçu. La masse n’en a éprouvé et n’en éprouve au
cun préjudice. Il n’a pas été pris sur l’actif de la faillite,
et si celui qui l’a opéré est admis au passif il n’y vient
que comme subrogé aux droits et au lieu et place de celui
qu’il a désintéressé et qu’il eût bien fallu y admettre.
�ART. 4 4 6 ,
447, 448.
157
Si le tiré débiteur du tireur n’a accepté et payé que
comme compensation à sa dette, le paiement a été réel
lement fait aux dépens de l’actif et au préjudice de la
masse. Celui qui l’a reçu contrairement à la prohibition
de l’article 446 sera par conséquent obligé de le rappor
ter à la masse.
H 3 ter. — La cession de créance ou droits incorpo
rels faite par un commerçant en temps non suspect serait
valable et acquise au cessionnaire, mais à la condition
que la sincérité de la date fût établie et que la signifi
cation au débiteur cédé eût été régulièrement faite ou
son acceptation authentiquement donnée avant la faillite
si la cession a été faite à litre onéreux ; avant la ces
sation de paiements et les dix jours qui l’ont précédée
si elle a été consentie et acceptée comme paiement.
En effet, aux termes de l’article 169 du Code civil le
cessionnaire n’est saisi à l’égard des tiers que par la no
tification du transport faite au débiteur ou par son ac
ceptation par acte authentique. Donc, jusque-là la cession'est incomplète, et puisque les tiers n’auront perdu
leurs droits que par l’accomplissement de ces formalités
faut-il bien que cet accomplissement se soit opéré avant
que ces droits aient été réalisés et acquis , soit par un
fait personnel de ces tiers, soit par l’effet d’une disposi
tion de la loi.
Ainsi il est reconnu et admis qu’une saisie-arrêt entre
les mains du débiteur, postérieure à la cession mais an
térieure à sa notification, est un obstacle invincible à ce
que cette cession produise ses effets en faveur du ces
sionnaire. Comment en serait-il autrement de la faillite
du cédant arrivée dans les mêmes circonstances ?
�158
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
L’effet de celle-ci est bien plus énergique que celui de
la saisie-arrêt. Sa conséquence immédiate est le dessai
sissement absolu du failli ; tous ses biens, droits et ac
tions passent de plein droit aux créanciers en la personne
des syndics et deviennent le gage commun et exclusif de
la masse. Nul, désormais, ne saurait acquérir ni privilège
ni préférence.
Aussi M. Troplong n’hésite-t-il pas. « Si, — ensei
gne-t-il,— le transport quoique loyalement passé avant
la faillite n’avait pas encore été signifié avant son ouver
ture, il ne serait plus temps de remplir cette formalité et
le cessionnaire ne pourrait compléter son litre. La raison
en est que la faillite opère dessaisissement ; qu’elle pro
duit une véritable saisie au profit des créanciers et que
dès lors le cessionnaire arrive tardivement pour en pren
dre possession.1 »
L’éminent magistrat qui considère sa doctrine comme
évidente par elle-même rappelle qu’elle a été consacrée
par les cours de Paris et de Bordeaux, les 13 décembre
1814 et 18 août 1829 ; il observe que devant la cour
de Bordeaux on produisait l’acceptation du débiteur
cédé, et il approuve l’arrêt de n’en avoir tenu aucun
compte parce qu’elle n’avait acquis date certaine que de
puis la faillite. C’est aussi dans ce sens que se pronon
çait la cour de Bourges per arrêt du 18 juin 1839.s
Mais par arrêt du 31 août 1841 la cour d’Orléans
juge lecontraire.Elle consacre l’effet d’une cession malgré
tardiveté de la notification.
i De la vente, n» 941.
SD.P., 40, 2, 215..
�ART. 4 4 6 , 4 4 7 , 4 4 8 .
159
« Attendu,—dit-elle,— que de la combinaison des ar
ticles 1689, 1690, 1691 et 2214 du Code civil il résulte
clairement que la signification du transport n’est néces
saire que quand il s’agit soit d’empêcher le débiteur de
payer au cédant, soit de procéder par voie exécutoire
contre le débiteur , soit d’empêcher les tiers de saisirarrêler entre les mains du débiteur, soit enfin de para
lyser l’effet d’une cession ultérieure ; — attendu qu’il
ne faut pas donner à la faillite du cédant les conséquen
ces d’une saisie-arrêt pratiquée par un tiers avant la si
gnification du transport ; que si au moment de la fail
lite l’état des créanciers est irrévocablement fixé , il ne
l’est que sur les biens que le failli possédait alors ; que
par une suite nécessaire du transport fait de bonne foi
et en temps non suspect, la créance cédée ayant cessé de
lui appartenir ne peut, sous aucun rapport, être soumise
à l’influence de la faillite ; qu’il reste aux créanciers du
failli, comme aux tiers, le droit de saisir-arrêter la cré
ance cédée avant toute signification du transport.1 »
L’arrêt partant d’un principe évidemment erroné ne
pouvait arriver à des conséquences justes II est parfai
tement inutile, pour déterminer ce que la loi a voulu.de
recourir à une combinaison de ses articles. L’article 1690
ne laisse aucun doute possible à cet égard. Le cession
naire n'est saisi à l'égard des tiers que par la notifica
tion du transport au débiteur.
Donc, en ce qui regarde les tiers la cession ne devra
produire son effet que du jour de la notification. A partir
de ce moment seulement la chose cédée sera définitive—
1D. P., 42, â, 16.
�«
160
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ment transférée et sortie de l’actif du failli. Jusque-là
donc elle fera partie de cet actif et en suivra le sort.
N’est-ce pas parce qu’il en est ainsi que les tiers ont
la faculté de saisir tant que la notification n’a pas été
faite. Or,.comment concilier la possibilité de cette saisie
avec l’effet que l’arrêt donne à la cession. Si par cela
seul qu’elle est faite loyalement, de bonne foi, en temps
non suspect la propriété de la chose cédée a été perdue,
que saisiront les tiers ? Ont-ils le droit d’exécuter ce qui
a légalement cessé d’appartenir à leur débiteur ? Donc,
en consacrant la possibilité et l’utilité de la saisie la cour
d’Orléans reconnaît elle-même qu’à l’égard des tiers la
chose cédée n’est pas sortie du patrimoine du cédant tant
que la cession n’a pas été notifiée.
Cela é ta n t, comment prétendre que le droit cédé ne
peut être soumis à l’influence de la faillite. Le contraire
ne résulte-t-il pas de ce qu’il n’est pas encore régulière
ment sorti du patrimoine du failli. Depuis quand la fail
lite n’atteint pas toutes les ressources saisissables du
failli ? Donc , reconnaître que la chose cédée peut être
saisie c’est virtuellement décider qu’elle est tombée sous
l’empire de la faillite.
Quant à la réserve d’opérer la saisie que l’arrêt fait
en faveur des créanciers, il faut avouer qu’elle constitue
un singulier droit, une obligation étrange.
Après la faillite les créanciers ne peuvent acquérir au
cun droit personnel, et les diligences auxquelles ils se
livreraient ne peuvent aboutir qu’au profit de la masse
qui a ses représentants légaux en la personne des syn
dics. Ce sont donc ces syndics qui seraient obligés de
�art.
446,
447, 448.
461
saisir, quoi ? ce qu’ils ont déjà ? En effet, le dessaisis
sement du failli les a investi de tous les biens et droits
de celui-ci. Ils n’ont pas à agir. Leur seul rôle est de
s’assurer de la légalité et de la régularité des aliénations
que le failli a pu consentir, et à provoquer l’annulation
de celles qui ne réuniraient pas ce caractère.
Ainsi, la doctrine de la cour d’Orléans et ses consé
quences sont inadmissibles., En matière de cession de
créances, les créanciers du cédant sont des tiers dans le
sens de l’article 1690 du Code civil. Donc , par rapport
à eux, la cession ne puise son efficacité que dans la no
tification au débiteur cédé. Jusque-là ils ont le droit de
se faire attribuer la chose cédée. Ce droit qu’une saisiearrêt réaliserait, la faillite le réalise plus énergiquement
encore. La mainmise sur tous les biens et droits qui en
résulte pour la masse lui a définitivement attribué cette
chose dont ne saurait la dépouiller désormais ni le fait
du cédant, ni le fait du cessionnaire , ni le fait de l’un
et de l’autre.
La cour de Nancy prononçait dans ce sens en jugeant,
le 22 août 1844, que l’article 1690 en faisant dépendre
de la signification la transmission , à l’égard des tiers,
de la créance cédée, renfermait une disposition absolue
contre l’exécution de laquelle le cessionnaire n’est pas
relevé , dans le cas même où la sincérité de la cession
serait reconnue par ceux mêmes qui entendent se pré
valoir de la tardiveté de la signification ; qu’ainsi une
cession faite par un négociant avant sa faillite, mais qui
n’a été signifiée que postérieurement, est nulle à l'égard
de la masse de la faillite ; qu’en pareil cas les créanciers
i — 11
�162
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
du failli sont des tiers dans le sens de l’article 1690, et
non ses ayants cause tenus en cette qualité de respecter
les engagements de celui-ci K
Cet arrêt était attaqué devant la cour de cassation. On
lui reprochait d’avoir violé les articles 1166, 1167 et
faussement appliqué l’article 1690 du Code civil. Em
pruntant le langage de la cour d’Orléans, on disait : Il
est vrai que lorsqu’il s’agit d’une cession, comme dans
l’espèce, il suffit aux créanciers pour en écarter les effets
de se prévaloir de ce qu’elle n’a point été signifiée, sans
articuler aucune fraude. Mais alors il est nécessaire que
les créanciers aient acquis un droit contraire au cession
naire par une saisie-arrêt ou opposition, car aucun délai
n’est fixé pour cette signification. Or, la faillite vaut-elle
saisie-arrêt en faveur des créanciers ? Le jugement dé
claratif de faillite dessaisit le failli de l’administration de
ses biens et confère cette administration aux syndics.
Rien ici ne démontre que la mainmise qui s’accomplit
au profit des syndics puisse s’appliquer à des objets sor
tis à l’égard du failli du patrimoine de celui-ci.
Le pourvoi d’abord admis fut ensuite rejeté par la
chambre civile. L’arrêt rendu le 4 janvier 1847, après
délibération en chambre du conseil, déclare qu’en ma
tière de cession les créanciers sont les tiers dont parle
l’article 1690 ; que ce s o n t, en effet , particulièrement
leurs intérêts que les transports lèsent le plus souvent,
et que dès* lors il est naturel de penser que ce sont eux
que la loi a dû principalement avoir en vue lorsqu’elle a
prescrit, à l’égard des tiers, la disposition renfermée dans
1 D. P., 45, 2, -12.
�art.
163
446, 4 4 7 , 448.
l’article 1690 ; que tout acte de cession d’une créance
qui n’a pas reçu son complément par la signification au
débiteur avant l’époque déterminée par l’article 446 ne
peut produire l’effet de dessaisir le débiteur au profit du
cessionnaire, et qu’il est nul relativement à la masse 1.
Cet arrêt est la condamnation explicite de la doctrine
de la cour d’Orléans.
115 quatuor, — La cour d’Orléans dans ce même arrêt
du 31 août 1841 admet en fait que la cession ayant été
enregistrée le 19 août et signifiée le lendemain 20, jour
où le jugement déclaratif a été rendu. il n’est pas prouvé
que la signification fût postérieure à la faillite , qu’en
conséquence elle doit produire tout son effet.
La jurisprudence, en effet, semble se prononcer pour la
validité de la signification jusqu’au jugement déclaratif.
Toutefois , le caractère de la cession est de nature à
exercer la plus grande influence; celle faite à titre de paiementd’unedette précédemment contractée tomberait sous
la règle de l’article 446 ; nulle si elle avait été faite après
la cessation de paiements ou dans les dix jours qui l’ont
précédée , elle ne le serait pas moins si faite avant elle
n’avait été signifié qu’après. C’est ce qui s’induit de l’ar
rêt de la cour de cassation que nous venons de transcrire
qui admet que l’acte ne peut être valablement complété
à une époque où il ne pourrait être valablement souscrit.
Il en est autrement de la cession faite à titre onéreux
et dont la contre-valeur a été donnée au moment de
l’acte. C’est ce que la cour de cassation a également con1D.
133
P., 47, 1, 131 ; — Voy. Cassation, même jour, D. P., 47, 1,
26 janvier 1859 ; J. du P , 1859, p. 1053
I
�164
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sacré. Ainsi, par deux arrêts du 4 janvier 1847 elle juge
que les transports consentis dans l’intervalle de la ces
sation de paiements au jugement déclaratif de la faillite
pour dettes nouvellement contractées, c’est-à-dire pour
dettes contemporaines au transport, ne tombent pas sous
l’application de l’article 446 lorsque le cessionnaire a
ignoré l’état de cessation de paiements du cédant ; que
par suite ces transports peuvent être valablement signifiés
jusqu’au jugement déclaratif1.
Nous allons plus loin que la cour de cassation. Nous
admettons la validité de la cession alors même que le
cessionnaire n’aurait pas ignoré l’état de cessation de
paiements. Loin de prohiber de venir au secours du né
gociant qu’une crise, qu’une gêne peut-être momenta
née a réduit à cet é ta t, .la loi l’autorise expressément.
Ainsi, elle valide les hypothèques conférées après la ces
sation de paiements pour dettes nouvelles, et en permet
l’inscription jusqu’au jugement déclaratif.
Or, celui qui donne son argent contre cession ne fait
que ce que fait celui qui prête sur hypothèque, c’est-àdire exiger une garantie du remboursement. Ce qui est
licite pour l’un doit donc être permis à l’autre.
Donc, la signification du transport même faite après
la cessation de paiements et avec connaissance de cette
cessation devrait être maintenue. L’acte n’est pas de ceux
pour lesquels la connaissance de la cessation constitue
ipso facto la preuve de la fraude. Le pouvoir discrétion
naire que l’article 447 laisse au juge trouve naturelle
ment à s’exercer, et la bonne foi du cessionnaire ferait
1 D. P , 47, 4, 434, 43b.
�ART.
446, 447, 448.
165
prononcer la validité de la signification malgré sa ta rdiveté.
Comment révoquer en doute cette bonne foi, si le ces
sionnaire obéissant au devoir que lui faisait la loi agis
sait avec diligence et par une prompte signification vivi
fiait le titre qu’il avait pu légalement obtenir. Cette léga
lité de la cession, dans son origine, couvrait tous les aides
destinés à en assurer l’effet.
On ne pourrait donc contester raisonnablement leur
efficacité que si les approches de la faillite en avaient
seules déterminé l'événement : comme si la signification
faiteaprès la cessation de paiements succédait tout à coup
à une inaction plus ou moins prolongée.
Une pareille négligence a paru au législateur devoir
être prise en considération. Ainsi, l’inscription hypothé
caire pour dettes nouvelles valable en tous temps est an
nulée si elle n’a été réalisée dans les quinze jours du
titre. Or, si pour l’obtention du droit le cessionnaire est
sur la même ligne que le prêteur par hypothèque, pour
quoi ne lui déclarerait-on pas communes les obligations
imposées à celui-ci sous le rapport de la diligence dans
la manifestation de ce droit.
La signification faite après cessation de paiements
qu’on a pu faire avant ou de suite après le titre et dont
on s’est abstenu ferait donc présumer la fraude. On pour
rait dès lors lui contester et lui refuser toute efficacité.
La fraude pourrait encore être admise non-seulement
dans la signification mais encore dans la cession faite après cessation. Par exemple, si la somme réellement don
née comparée à la valeurdu droit cédé offrait l’idée d’une
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�466
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
spéculation compensant par un bénéfice important les
chances de perte que l’opération peut offrir. Favoriser
une spéculation de ce genre ce serait méconnaître l’es
prit et le texte de la loi. On devrait donc annuler la ces
sion et la signification qui l’aurait suivie.
Quoiqu’il en soit, dans tous les cas la signification est
nulle si elle est faite après le jugement déclaratif. Doiton considérer comme telle celle faite le jour même de la
prononciation de ce jugement ?
La cour d’Orléans en consacrant la négative s’est pla
cée en contradiction avec la jurisprudence. Les cours de
Rouen, de Bruxelles, d’Amiens ont jugé que les effets du
jugement qui déclare la faillite ne commencent pas à
l’heure où ce jugement est rendu , mais remontent à la
première heure de ce jour et rétroagissent sur tous les
actes accomplis à celte date l.
La cour de cassation a même appliqué cette règle en
matière de répression de délit. Elle jugeait, en conséquen
ce, le 8 novembre 1833 , que l’article 397 du Code de
commerce qui punit de peines correctionnelles le traité
particulier d’où résulte un avantage à la charge de l’actif
du failli est applicable au créancier qui , le jour de la
déclaration de faillite, s’est fait remettre des valeurs pour
se couvrir du montant de sa créance.
« On objecte en vain, dit l’arrêt, que la remise ayant
eu lieu le 1er février à huit heures du matin, la déclara
tion de faillite ne serait intervenue le même jour qu’à
sept heures du soir ; puisque l’effet d’une telle déclaration
1 D. P., 25 , 2 , 194; 49, 2, 213. — Jurispr. génér., v» faillite ,
�ART. 4 4 6 , 4 4 7 , 4 4 8 .
167
remonte virtuellement à la première heure de la journée
et s’étend à tous les actes faits à cette date du 1er février.1»
Dans ses observations sur cet arrêt M. Dalloz critique
l’application de la règle en matière criminelle. Si, dit-il,
les effets du jugement rétroagissent à la première heure
du jour où il a été rendu c’est en vertu d’une fiction de
la loi; or, il nous paraît rationnellement et moralement
impossible qu’une fois que, au moment où il s’est pro
duit, un fait qui échappait à toute répression pénale de
vienne passible d’une telle répression par l’effet d’un événement qui ne s’est produit que postérieurement, bien
que pendant la durée du même jour. Que les effets du
jugem ent déclaratif rétroagissent à la même heure du
jour lorsqu’il s’agit de déterminer les conséquences ci
viles de ce jugement, de fixer le point de départ du des
saisissement, d’annuler certains actes du failli, rien de
mieux ; mais lorsqu’il s’agit de décider si tel acte cons
titue ou non un délit, il faut laisser là les fictions et ne
tenir compte que de la réalité.
La doctrine de l’honorable et savant M. Dalloz, juri
dique et vraie pour les délits ordinaires, est sans fonde
ment aucun à l’égard de celui créé et puni par l’article
97 du Code de commerce. Ce qui constitue la criminaité de celui-ci c’est non l’existence du jugement déclaratif
e fa illite , mais le fait d’avoir cherché et obtenu un avanage particulier qui rompait la loi d’égalité entre tous les
réanciers et aggravait la position de la masse par l’at—
einte portée à l’actif : aussi la jurisprudence est-elle unaim e .L a stipulation d’un avantage particulier dans l ’h y ID.P.,59, 1, 219.
�-168
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
pothèse d’un traité amiable entre le débiteur et ses créan
ciers constitue le délit de l’article 597, malgré que la fail
lite n’eût pas été déclarée, qu’elle ne l’ait jamais été.
La circonstance que le traité n’a précédé que de quel
ques heures le jugement déclaratif et la rétroactivité des
effets de celui ci n’ont donc une importance réelle que
dans les causes civiles où l’antériorité de la déclaration de
la faillite eniraine la nullité de l’acte, quelle qu’ait été la
bonne foi de celui qui a traité avec le failli. Or, à ce point
de vue M. Dalloz admet sans difficulté la règle consa
crée par les cours de Rouen, de Bruxelles, d’Amiens et
qu’à son tour vient de prescrire la cour de Metz.
En effet et par arrêt du 23 juin 1857, elle déclare que
le paiement d’une dette échue fait en espèces le jour du
jugement déclaratif devait être annulé alors même qu’il
aurait eu lieu avant la. prononciation du jugement \
La règle est donc certaine et son fondement rationnel
est incontestable. Le failli est évidemment en état de ces
sation de paiements le jour où la faillite và être judici
airement déclarée. On ne pourrait donc lui reconnaître
la faculté de disposer de son actif.
De son côté , le créancier qui connaît la cessation de
paiements ne peut plus rien accepter des mains de son dé
biteur. Or, comment ne pas admettre cette connaissance
lorsque quelques heures seulement séparent l’opération
du jugement qui déclare et constate l’état de cessation2.
Admettre , dans cette hypothèse , la présomption de
1 J. du P., 1857, p. 1120.
2 La scienza di fallimento piu facilmente si proverebbese il fallimento
fosse seguitto subito doppo il.contratto. (Càsaregis, 11 cctrrib. instruit»,
cap. 1 , n ° 22).
�*
art.
446, 447, 448.
169
connaissance sans permettre la preuve contraire c’est ne
consacrer qu’un fait vrai tellement il est probable. Il est
fort rare, en effet, qu’un commerçant tombe en faillite
sans que rien l’ait d’avance annoncée. Des rumeurs,
conséquences d’une gêne actuelle et profonde , des faits
plus ou moins significatifs, mais qui n’échappent pas à
la sagacité du commerce , ont non-seulement indiqué
l’imminence de la faillite, mais encore l’ont rendue no
toire longtemps avant qu’on ait eu recours à sa consta
tation judiciaire. Ne pas tenir compte de celle considé
ration pour une opération faite le jour même de cette
constatation c’eut été fermer les yeux à l’évidence.
Il est vrai que la cession, surtout celle à titre onéreux
se place dans une catégorie spéciale, que la signification
à quelque époque qu’elle se réalise n’empêchera pas la
légalité de l’acte s’induisant soit du temps où il a été
souscrit, soit des circonstances dans lesquelles il s’est ac
compli. Mais la signification, si elle n’est qu’un acces
soire pour le cédant et. pour le cessionnaire, acquiert à
l’égard des tiers une immense importance. Elle seule les
dessaisit et les dépouille. Ils sont donc fondés à exiger
qu’elle se soit réalisée en temps utile et à répudier celle
qui aurait pour but de leur faire perdre un droit que la
loi leur a formellement attribué déjà.
Disons donc, avec M. Troplong, qu’après la faillite le
cessionnaire arrive tardivement, qu’il ne peut plus com
pléter son titre ; avec les cours de Rouen, de Bruxelles,
d’Amiens, de Metz, avec la cour de cassation elle-même,
enfin avec M. Dalloz, que l’acte fait le jour du jugement
déclaratif est postérieur à la faillite, que ce jugement est
�170
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
censé rendu la première heure de ce jour et que ses ef
fets rétroagissent sur tout ce qui a été fait à cette date.
113 quinto.' _ Si l’irrégularité et la tardivelé de la
signification annulent l’effet de la cession à l’égard des
tiers, à plus forte raison en sera-t-il ainsi en cas de dé
faut absolu de signification. C’est ce que consacre l’arrêt
de la cour de cassation du 26 janvier 1839 *. La recon
naissance de la validité de la cession que les syndics fe
raient en cet état lierait-elle les créanciers et créeraitelle un obstacle péremptoire à toute attaque, ultérieure
de leur part ?
Appelée à résoudre cette question la cour de Grenoble
s’est prononcée pour l’affirmative. Sa décision déférée à
la cour suprême était signalée comme violant les articles
1 328 et 1690 du Code civil, 443 et 446 du Code de
commerce.
Mais un arrêt du 18 juin 1844 rejette le pourvoi,voici
sur quels motifs : « Attendu qu’il est constaté par l’ar
rêt attaqué que les syndics définitifs de la faillite Boissat
avaient constamment reconnu comme exact et sincère ce
que contenaient les livres et les comptes courants du failli
relativement à la réalité du transport consenti par ce
dernier à Lorin ; qu’ils ont, en effet, par acte du 27 no
vembre 1869 déclaré ratifier l’acte de dépôt fait par Lo
rin de son transport; qu’ils ont, en conséquence,auto
risé le porteur d’une expédition dudit acte de ratification
à faire émarger au profit du cessionnaire l’inscription
prise par Boissat, ce qui a eu lieu le lendemain ; qu’ils
1 J du P., 4859, p. 1055.
�■
ART.
446, 447, 448.
171
n’ont point porté au bilan la créance cédée, comme fai
sant partie de l’actif de la faillite ; qu’ils n’ont fait figu
rer Lorin au passif que pour la somme dont il était cré
ancier par compte courant, ce qui implique la recon- naissance du transport de la créance Tillaud; que de
plus il est constant que dans l’assemblé générale pour le
concordat le môme transport n’aurait été l’objet d’au
cune contestation de la part des syndics, ni des princi
paux créanciers ; que Lorin n’a adhéré au concordat que
dans la conviction que la cession qui lui avait été faite
par Boissat serait maintenue, et que depuis cette époque
ledit transport a reçu pendant dix-huit mois , tant des
syndics que des créanciers, sa pleine exécution ; - Attendu
qu’en donnant leur ratification au transport et en admet
tant Lorin comme légitime propriétaire de la créance cé
dée les syndics ont fait un acte qui rentrait dans leurs
attributions, et auquel on ne peut reconnaître ni le ca
ractère d’une libéralité, ni celui d’une transaction ; que
l’exécution donnée à la cession rendait les syndics et le
liquidateur qui leur a succédé inadmissibles à l’attaquer
plus tard soit à raison de l’incertitude de la date , soit
pour défaut de signification aux valables débiteurs, soit
enfin comme faite en contravention à l’article 446 du
Code de commerce.1 »
Comme la cour de Grenoble nous eussions déclaré
l’action du liquidateur non recevable, mais sur un tout
autre fondement. Le cessionnaire resjé créancier de la
faillite avait fait vérifier sa créance qui se trouvait natu
rellement réduite du montant de la créance cédée dont
U . du P., 44, 2, 252.—D. P.. 44, 4, 332.
�172
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
il avait dû se débiter. La vérification faite sur ces bases
lui attribuait donc le bénéfice de la cession.
Sansdoute les créanciers peuvent aux termesde l’article
581 , par eux ou par leurs représentants, contester les
créances déjà admises et affirmées, dès qu’ils acquièrent
la certitude de l’erreur. Mais comme nous le disons sur
cet article, cette faculté ne pouvait être éternelle. La né
cessité de fixer les bases de la faillite, d’asseoir immua
blement les positions respectives prescrivait de lui tracer
une limite qui e s t, selon nous , l’expiration des délais
pour la vérification et l’affirmation des créances L
Or, dans l’espèce, ces délais étaient expirés puisqu’on
avait délibéré sur le concordat, puisque dix-huit mois
s’étaient écoulés depuis. Donc , l’action du liquidateur
tendant à modifier la position que la vérification et l’af
firmation avaient fait au cessionnaire était tardivement
intentée et devait être repoussée. Ce qu’il y a de plus à
remarquer c’est que le liquidateur qui demandait aujour
d’hui la nullité de la cession était précisément l’ancien
syndic qui l’avait expressément ratifiée le 29 novembre
1839, qui en avait tacitement reconnu l’efficacité en ad
mettant le cessionnaire au passif de la faillite pour le
solde de sa créance seulement.
Supposez que l’action en nullité intentée par un cré
ancier eût été formée dans les délais utiles, aurait-on pu
l’écarter sous prétexte de la reconnaissance tacite des
syndics résultant de l’admission au passif, de leur recon
naissance expresse s’induisant de l’acte de ratification ?
Nous ne saurions l’admettre.
1 V oy.
infra n °
4 4 3 bi».
�ART.
446, 447, 448.
173
A. l’objection tirée de la première, la réponse péremp
toire se trouve dans l’article 581. Puisque le législateur
autorise de contredire aux créances déjà admises c’est qu’il
n’a ni entendu ni voulu attacher un lien obligatoire à
la reconnaissance tacite résultant de cette admission.
*
La ratification expresse que les syndics avaient cru
pouvoir donner aurait-elle été , dans notre hypothèse,
opposable aux créanciers?
Ici nous en demandons pardon à la cour de cassation.
Quelques profonds que soient notre admiration et notre
respect pour ses hautes lumières et sa vaste science nous
ne saurions admettre qu’un acte de cette nature soit
dans les attributions des syndics.
Que dans l’accomplissement de leur mission les syn
dics obéissent aux inspirations de leur conscience , rien
de mieux. Mais peuvent ils, doivent-ils être plus timorés
que la loi elle-même ; sont-ils juges de la moralité des
droits que les créanciers ont à exercer ?
Que dans la recherche de la date réelle d’une opération
ils puisent dans les écritures du failli la conviction de la
sincérité de l’allégation du créancier, qu’ils agissent con
formément à cette conviction, on ne saurait leur repro
cher une conduite qui les honore et qui prouve qu’ils
sont dignes de la confiance que le tribunal leur a témoi
gnée. Mais le plus minutieux examen des livres et écri
tures n’aboutira jamais à établir l’existence de la signi
fication au débiteur cédé, si en fait cette signification n ’a
pas été faite.
Qr, en matière de cession de droits incorporels la
date est fort indifférente à l’égard des tiers. Alors même
�474
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
qu’elle serait authentiquement établie elle n’aurait en ce
qui les concerne qu’une influence relative. Leurs droits
à la créance cédée ne sont éteints que par la significa
tion au débiteur cédé. C’est ce que déclare formellement
l’article 1690 du Code civil.
Donc, par rapport aux créanciers, le défaut de signi
fication a laissé la créance dans l’actif du cédant, et la
faillite de celui-ci arrivant ils en sont saisis commede tout
autre actif. Leur droit est acquis, définitif, irrévocable \
Que fait donc la ratification des syndics, sinon priver
les créanciers de ce droit , leur en enlever le bénéfice.
Elle constitue donc non une libéralité si l’on v eu t, non
une transaction, mais une aliénation véritable , mais la
disposition absolue d’une partie de l’actif. Or, comment
un acte pareil rentrerait-il dans leurs attributions, lors
que ces attributions dans la première période de la fail
lite se bornent à la conservation de l’actif? Lorsque ap
pelés par l’union à liquider celui-ci, ils ne peuvent opé
rer cette liquidation que dans les formes prescrites et au
profit de la masse.
Pourraient-ils relever le créancier hypothécaire de
l’omission d’inscription ou du défaut de son renouvelle
ment en temps utile ? Or, la signification est à la cession
ce que l’inscription est à l’hypothèque. On ne saurait
donc leur reconnaître pour l’une un droit qu’on repous
serait pour l’autre.
En un m ot, relever le créancier d’une déchéance lé
galement encourue c’est créer un privilège au préjudice
\
i Cassation , 4 janvier et 10 mars 1847 ; 26 janvier 1869 ; — D. P.,
47, 1, 130, 132, 133 ; J. du P„ 1839, p, 1033.
�ART,
446, 447, 448.
175
de la masse , ce qui de près ni de loin ne saurait être
dans les pouvoirs des syndics.
La ratification est donc nulle et toute exécution dont
elle a été l’origine est entachée du même vice. Exciper
de ce que la créance cédée n’aurait pas été portée au
bilan comme faisant partie de l’actif c’est accuser lessyndycs d’une négligence grave, d’un tort que rien ne jus
tifie, c’est vouloir excuser un excès de pouvoirs par un
autre excès de pouvoirs.
L’argument puisé dans l’exécution donnée par les cré
anciers , fondé après l’expiration des délais pour la vé
rification et l’affirmation ne serait pas même proposable
avant celte expiration. Tirer du silence plus ou moins
prolongé des créanciers une fin de non recevoir contre
l’action intentée dans ces délais, ce serait leur dénier le
droit de contester les çréancesdéjà admises que leur donne
l’article 581.
Les créanciers d’ailleurs ne seront-ils pas fondés à
dire que ce silence est la conséquence de la faute des
syndics; que l’omission au bilan de la créance cédée leur
en dissimulait l’existence ; qu’ils n’ont donc pu et dû
agir que du moment où elle leur a été révélée.
Il nous semble que ces considérations sont péremp
toires et qu’elles justifient notre dissentiment avec l’arrêt
du 18 juin 1844.
'
*
114. — L’incapacité du failli de payer autrement
qu’en espèces les dettes échues est-elle absolue, en ce sens
qu’elle ne puisse être levée en ce qui concerne les créan
ciers par des décisions de justice ? Spécialement les cré
anciers chirographaires colloqués sur les sommes restant
�176
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
libres sur le prix des immeubles d’un négociant en état
de cessation de paiements doivent-ils profiter de cette
collocation , alors que depuis la délivrance des borde
reaux mais avant leur paiement réel par les adjudicatai
res la faillite a été déclarée et l’époque de son ouverture
fixée à un jour antérieur à toutes les procédures ?
H S . — La cour d’Aix a eu à juger cette question
dans l’espèce que voici :
Le sieur Beuf, négociant à Arles, après plusieurs pro
têts avait suspendu ses paiements en octobre 1840. Dans
l’espérance que ses immeubles feraient face à toutes ses
dettes,il avait par une circulaire demandé un attermoiement à ses créanciers afin de procéder à la vente amiable
de ces immeubles.
Ce projet ne se réalisant pas une expropriation avait
été pratiquée. Un ordre s’étant ouvert après l’adjudica
tion les créanciers hypothécaires furent intégralement
payés. Une partie du prix restant libre entre les mains
des adjudicataires quelques créanciers chirographaires
demandèrent et obtinrent leur collocation.
Les bordereaux délivrés avaient été signifiés aux ad
judicataires avec commandement de payer , lorsque, le
18 mars 1842, la faillite du sieur Beuf fut déclarée et
le jour de son ouverture fixé au 1er octobre 1840.
Les syndics s’opposent alors au paiement des borde
reaux dont ils demandent la nullité ; mais leur préten
tion est repoussée par jugement du tribunal civil deTarascon, du 27 novembre 1842 , sur le motif que l’ordon
nance de clôture de la distribution ayant acquis l’auto
rité de la chose jugée avant la déclaration de faillite rien
ne pouvait en suspendre ou en empêcher l’exécution.
�ART.
446, 447, 448.
177
Appel par les syndics et, le 9 février 1843, arrêt con
firmatif en ces termes : « Considérant que des dispo
sitions de l’article 443 de la loi du 28 mai 1838 il ré
sulte que le failli n’est dessaisi de l’administration de ses
biens qu’à partir de la date du jugement déclaratif de
la faillite, et qu’avant ce jugement toute action mobi
lière ou immobilière ainsi que toute voie d’exécution tant
sur les meubles que sur les immeubles ont été valable
ment intentées contre lui ; qu’il suit de là que les déci
sions judiciaires antérieures à l’époque de l’ouverture de
la faillite fixée p a rle tribunal ne peuvent après avoir
acquis l’autorité de la chose jugée être attaquées à la re
quête des syndics par la voie de la tierce-opposition ;
qu’en effet, le débiteur dont la faillite n’était pas déclarée
au moment où ces décisions ont été rendues étant, d’a
près l’article précité , le contradicteur légitime de ceux
qui ont intenté ou suivi contre lui soit une action mobi
lière ou immobilière, soit toutes voies d’exécution sur les
meubles ou sur les immeubles, le même débiteur a été
le représentant légal de ses créanciers dans les instances
à la suite desquelles les décisions dont il s’agit sont in tervenues, et que dès lors elles doivent être exécutées, à
moins qu’il ne soit établi et judiciairement reconnu qu’
elles n’ont été rendues que par suite d’un concert frau
duleux pratiqué entre ceux qui les ont obtenues et le failli;
i> Considérant en f a it.. . que les circonstances de la
cause sont telles qu’il n’est pas permis de supposer que
les décisions attaquées ont été rendues par suite d’un
concert frauduleux pratiqué entre les intimés et le débi
teur failli, que dès lors elles sont inattaquables. »
i — 42
�178
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
H 6 . — A notre avis, cet arrêt repose sur deux erreurs
qui ont fait illusion aux lumières ordinaires de la cour.
La première réside dans les effets qu’elle donne à la dis
position de l’article 443. Que l’absence de dessaisisse
ment jusqu’au jugement déclaratif fit considérer comme
régulières les instances d’ordre qui étaient attaquées,c’est
ce qui était incontestable ; que par suite de cette régula
rité elles fussent considérées comme définitivement ac
quises contre le failli , c’est ce qui ne pouvait non plus
faire l’objet d’un doute. Mais pour ce qui regarde la
masse , leur validité était subordonnée à la question de
savoir si elles ne constituaient pas un mode de paiement
proscrit, en ce qui la concerne, par l’article 446.
Il est certain que cet article déroge à la disposition de
l’article 443 en en réglant les effets vis-à-vis des créan
ciers. Si le failli était réellement integri status, tant que
le jugement déclaratif n’est pas rendu il pourrait sans
contredit payer par des ventes, cessions, transports d’ef
fets mobiliers ou immobiliers, ou compenser dans tous
les cas avec ses créanciers. Dès lors la prohibition de
paiements de cette nature ne peut être dans l’intention
de la loi que la conséquence d’une incapacité formelle
relativement à la disposition de l’actif dès que la cessa
tion de paiements se réalise. Comment donc le failli qui
ne peut expressément faire cette disposition aurait-il
capacité de s’y livrer tacitement par un consentement
donné ou obtenu en justice.
Les tribunaux ne peuvent suppléer à la partie ellemême que lorsque l’acte qu’il s’agit d’accomplir n’est
pas formellement prohibé par la loi. Un jugement qui
�aut.
446, 447, 448.
179
violerait ce principe resterait sans effets contre les parties
en faveur desquelles la prohibition a été créée, et c’est
précisément ce qui se réalise pour l’hypothèque. Les ju
gements de condamnation confèrent à celui qui lésa ob
tenus un droit hypothécaire sur tous les biens du débi
teur. Mais l’inscription de ce droit lorsque le débiteur est
en état de cessation de paiements n’empêche pas que l’hy
pothèque ne doive être annulée et que le créancier ne
soit que simple chirographaire; et cependant le jugement
a été obtenu contre une partie qui avait l’exercice de ses
actions ! Pourrait-on dès lors admettre que la loi qui a
prohibé l’hypothèque , qui n’est après tout qu’un gage
souvent insuffisant, ait voulu autoriser la disposition des
fonds, le paiement effectif lorsqu’il s’agit d’un transport
judiciaire résultant de la délivrance d’un bordereau dans
une distribution ? L’ordonnance de clôture aurait-elle
plus d’autorité qu’un jugement de condamnation ?
Le plus grand effet qu’on puisse accorder à cette dé
livrance c’est de l’assimiler à un transport de créance.
Or, qu’arriverait-il si le débiteur en état de cessation de
paiements avait consenti une cession sur un de ses débi
teurs ? La cession eût-elle été dûment signifiée au tiers
cédé avant le jugement déclaratif serait frappée d’une
nullité radicale. Ce qui se réaliserait dans ce cas doit se
réaliser dans celui où le transport a été ordonné par la
justice. Le jugement ne saurait avoir plus d’effet que le
consentement spontané et libre du débiteur ; celui-ci ne
pouvant en accorder aucun les tribunaux ne pouvaient
valablement le suppléer.
L’arrêt devait donc combiner les termes de l’article 443
�180
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
avec ceux de l’article 446. Cqux-ci sont le correctif de
ce que les premiers peuvent avoir de trop absolu. Oui,
le failli conserve l’exercice de ses actions, mais il ne peut
rien faire directement ni indirectement de contraire aux
intérêts de la masse ; il s’engage personnellement, mais
il ne peut engager celle-ci. La procédure suivie contre
lui est régulière, mais elle reste sans effets contre les cré
anciers ; c’est ce qu’impliquent nécessairement les ex
pressions de l’article 446, sont nuis et sans effets relati
vement à la masse, etc................
Aussi n’hésitons-nous pas à croire que les syndics Beuf
avaient mal procédé en formant tierce-opposition. Toutes
les décisions judiciaires rendues contre un commerçant
qui a cessé ses paiements ne le sont que sauf le droit de
la masse. La tierce opposition n’était pas plus nécessaire
dans ce cas que dans celui où il s’agit de la nullité de
l’hypothèque. Ils devaient donc accepter toutes les dé
cisions intervenues, en reconnaître la régularité , mais
en contester l’autorité en vertu de l’article 446.
La seconde erreur que l’on peut reprocher à l’arrêt est
celle d’admettre que pour annuler dans tous les cas la
décision attaquée il fallût la preuve d’un concert frau
duleux. La fraude en matière de faillite n’a pas la si
gnification qu’elle reçoit dans les matières ordinaires
Pour ce qui concerne les paiements faits en état de ces
sation la fraude consiste, pour le failli, dans le paiement
lui-même 1 ; pour ceux qui l’ont reçu, dans la connais
sance de cet état de cessation. C’est ce qui résulte des
discussions législatives ; c’est ce qui est textuellement écrit
1 Voy. infra article 585, S 4.
�dans la loi elle-même. Ainsi les seuls paiements validés
par l’article 446 pour dettes échues sont ceux faits en
argent ou en effets de commerce. Or, l’article 447 dé
clare que ces mêmes paiements pourront être annulés,
si de la part de ceux qui les ont reçus du débiteur ils
ont eu lieu avec connaissance de la cessation de ses paie
ments. Cette connaissance équivaut donc à la fraude
puisqu’elle en produit tous les effets. Dans l’espèce de
la faillite Beuf les créanciers pouvaient d’autant moins
ignorer la déconfiture de leur débiteur qu’indépendamment de la notoriété publique, de la cessation réelle de
puis plus d’un an, ils avaient tous reçu une circulaire
qui la leur apprenait officiellement.
Il y avait donc lieu, sans se préoccuper beaucoup du
mérite de la tierce opposition, d’accueillir la demande des
syndics et d’annuler un paiement fait contrairement à
l’article 446, et dans tous les cas reçu de mauvaise foi.
116 bis- — L’achat demarchandisesfait parun com
merçant régulièrement et par ministère de courtier , et
qui aurait été soldé par compensation avec une créance
de l’acheteur sur le vendeur constituerait-il le paiement
en marchandises prohibé par l’article 446 ?
L’esprit du législateur ne saurait être méconnu. Ce
qu'il a voulu proscrire c’est l’acte du créancier qui se
présentant pour être payé et voyant que le débiteur est
dans l’impossibilité de pourvoir à ce paiement, soit en
espèces soit en valeurs , accepte des marchandises jus
qu’à concurrence de ce qui lui est dû et empire ainsi la
position du débiteur.
On ne saurait assimiler à cet acte celui d’un commer-
�182
des
f a il l it e s
et
b a n q u e r o u te s
çant provoqué par un courtier et achetant dans les con
ditions ordinaires une marchandise offerte par un ven
deur non encore déclaré en faillite. C’est là une opéra
tion commerciale naturelle, usuelle, et le paiement du
prix par compensation avec la dette échue du vendeur
ne sort pas des habitudes du commerce.
Qu’importe, dès lors, que le jugement qui prononce
la faillite du vendeur reporte la cessation de paiements à
une époque antérieure à l’achat. On sait que cette fixa
tion peut prendre pour base le premier protêt qui a pu
naturellement demeurer inconnu. On ne pourrait dès
lors équivoquer sur la nature de l’opération, ni la ran
ger sans injustice dans la catégorie de celles que l’article
446 condamne. C’est ainsi que l’avait jugé le tribunal
de commerce de Lyon.
Il faut reconnaître que les faits dans cette espèce avaient une grande valeur. Ainsi le jugement faisait remar
quer que le créancier n’avait pas évidemment sollicité
de son débiteur le paiement en marchandises , puisque
ces marchandises qui lui avaient été vendues par cour
tier de commerce ne lui avaient été livrées qu’après avoir
été offertes à différentes maisons ; qu’en prenant livrai
son de la marchandise et avant d’en avoir pu vérifier le
produit net il comptait au vendeur une somme de 1,500
fr. qui jointe au montant de sa créance sur lui, dépas
sait de 256 fr. 03 c. la valeur de la livraison qui lui
était faite ; qu’il avait donc agi avec la plus entière bonne
foi et que l’application de l’article 446 ne saurait équi
tablement être faite dans l’espèce.
Ce jugement ayant prononcé en dernier ressort fut dé
�art.
446, 447, 448.
183
féré à la cour de cassation. On disait à l’appui du pour
voi que le tribunal de Lyon avait méconnu l’article 446
en tenant compte de la bonne foi du créancier, lorsque
cet article proclame la nullité des paiements en marchan
dises même pour dettes échues et sans condition de bonne
ou de mauvaise foi.
L’objection était fondée et elle eût été accueillie si l’o
pération eût dû être considérée comme un paiement. Mais
la cour suprême lui refuse ce caractère. Elle rejette en
conséquence le pourvoi : « Attendu que le fait constaté
par le jugement attaqué ne constitue point un paiement
fait en marchandises à un créancier de la faillite , mais
que ce fait consiste dans une opération de commerce or
dinaire faite par l’entremise d’un courtier, et que dès lors
l’article 446 ne reçoit aucune application à l’espèce L
Celte doctrine aussi rationnelle que juridique pourra
inspirer la pensée d’une simulation pour faire maintenir
un paiement que la loi prohibe. Mais les tribunaux ne
prendront pas facilement le change et sauront bien dé
couvrir et déterminer le véritable caractère de l’acte.
117. — Nous disions tout à l’heure que l’envoi de
marchandises en compte courant ne constituait pas un
paiement anticipé soumis à la disposition prohibitive de
l’article 446. Mais la règle à observer pour le paiement
des dettes échues doit s’appliquer à celui du solde que la
balance du compte présente. En effet, le règlement du
compte rend le solde exigible. Aucune difficulté ne sau
rait naître si, ce solde inscrit à nouveau, un compte était
1 3 août 1847, — D. P., 47, 4, 34B.
�184
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ouvert immédiatement, L’envoi des marchandises serait
considéré comme l’aliment de ce nouveau compte plutôt
que comme un paiement réel. Mais si le créancier rom
pant toutes relations exigeait le remboursement du solde
du compte , il ne pourrait valablement l’obtenir qu’en
espèces ou en effets de commerce. Tout autre modeamènerait la présomption de fraude et l’obligerait à recom
bler ce qu’il aurait reçu.
118. — Les actes à titre onéreux et les paiements
même pour dettes échues peuvent être annulés, mais seu
lement dans les circonstances suivantes : 1 ° s’ils ont été
„ faits après la cessation de paiements ; 2 ° si ceux qui ont
traité avec le failli avaient connaissance decette cessation.
Il résulte de cette restriction que si les uns et les au
tres sont antérieurs à la cessation,ils sont définitivement
acquis alors même qu’ils auraient été réalisés dans les
dix jours qui l’ont précédée.
Le motif de cette disposition est facile à saisir. C’est
la connaissance de la cessation de paiements qui consti
tue la fraude. La loi a basé ses prévisions sur le plus ou
le moins de probabilité de cette connaissance. Or, tant
que cette cessation ne s’est pas effectuée, il est impossible
d’admettre que ceux qui ont traité avec le failli l’aient
connue ; et partant les actes à titre onéreux , les paie
ments pour dettes échues reçus en espèces ou effets de
commerce ne peuvent exciter le moindre soupçon. Elle
ne permet donc pas de les attaquer.
Après la cessation effective, la probabilité qu’on a pu
la connaître acquiert plus de vraisemblance. Cette ces
sation s’annonce ordinairement par des caractèresosten-
�art. 4 4 $ ,
447, 448,
<85
sibles, par des actes qui doivent frapper le commerce.
Alors le public est en quelque sorte mis dans la confi
dence par les rumeurs précursives de l’éclat qui va sui
vre. Cela ne suffit pas pour annuler les actes à titre oné
reux et les paiements réguliers, mais cela suffit pour faire
admettre la possibilité de la mauvaise foi. Ils continuent
donc à être protégés par la présomption de bonne foi,
mais cette présomption cédera à la preuve du contraire
que, dès lors, les créanciers sont admis à fournir.
M 9. — Les termes de l’article 447, pourront être
annulés, doivent recevoir une acception différente suivant
qu’il s’agit d’un paiement ou d’un acte à titre onéreux.
Pour les premiers, la preuve de la connaissance impose
non pas la simple faculté mais l’obligation de les frap
per de nullité. En effet, ils emportent avec eux-mêmes
la certitude d’un préjudice pour les créanciers qui sont
priyés de la part contributive qui leur était dévolue sur
les sommes qui ont servi à les réaliser.
Pour les actes à titre onéreux, au contraire, leur exis
tence n’est pas toujours inconciliable avec l’absence com
plète de tout préjudice. Supposez, par exemple, une vente
consentie par le failli dont le prix, équivalent sérieux et
sincère de la valeur de l’objet, serait encore en totalité
entre les mains de l’acquéreur. Il est évident, dans ce
cas, que les créanciers n’éprouveraient aucun grief de cet
acte qui, s’il était querellé de fraude, pourrait être main
tenu alors même que l’acquéreur aurait eu connaissance
de la cessation de paiements. Ce qui doit déterminer
l’annulation c’est le préjudice que les créanciers souf
frent, là où il n’en existe aucun il serait par trop rigou
reux de ne pouvoir maintenir l’acte,
�186
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
C’est ce que voulait le Code de 1807 qui frappait d’une
égale proscription tout ce qui avait été fait dans l’inter
valle de la cessation au jugement. Cette disposition par
son excès de sévérité avait dépassé le but qu’elle s’était
proposé. Elle confondait l’innocent avec le coupable;
aussi n’était-elle sanctionnée qu’avec regret par les cours
souveraines,dont un grand nombre avaient même admis
la nécessité de la preuve contrairement à la loi. La légis
lation actuelle est moins sévère, mais sans contredit plus
juste dans l’appréciation des actes accomplis dans celte
période intermédiaire. Toutes les fraudes seront attein-'
tes et les égards dus à la bonne foi garantis. C’est là une
importante modification que la justice doit applaudir et
dont la jurisprudence peut à juste titre revendiquer la
première idée.
1 4 9 bis, — Notre doctrine sur la nécessité d’annuler
le paiement par cela seul qu’il a été reçu avec connais
sance de la cessation de paiements avait été formellement
consacrée par la cour suprême, le 1er juin 1840.1
Depuis et le 12 février 1844, un second arrêt est in
tervenu , d’où on a prétendu induire la condamnation
de cette doctrines.
En fait, le paiement est maintenu dans cette nouvelle
espèce , tandis qu’il était annulé dans la première. La
contradiction ne serait donc pas douteuse. Mais ce qui
l’explique et la justifie ce sont les circonstances relevées
lors de l’arrêt de 1844 et qui excluaient légalement l’ap
plication de l’article 447.
1 D. P., 40, 1, 305.
s Ibidem, 44, 1, 404.
�à.rt.
446, 447, 448.
187
Il est vrai que le paiement querellé avait été reçu avec
connaissance de la cessation de paiements. Mais le cré
ancier n’avait pas cessé ses relations. Après comme avant
il avait continué de faire des avances, de telle sorte que
la faillite déclarée il se trouvait, à raison de ces avances
postérieures, créancier d’une somme excédant de beau
coup celle qui lui avait été payée.
Ainsi, recevant d’un côté il donnait de l’autre, c’est à
dire que ne voyant dans la cessation de paiements qu’un
embarras passager il fournissait le moyen de le surmon
ter en venant au secours du débiteur.
Appliquer dans cette hypothèse l’article 447, annuler
le paiement reçu sans ordonner le remboursement inté
gral des avances faites depuis c’était,sans raisons et sans
droit, diviser une opération qui devait être appréciée
dans son ensemble. C’était interpréter faussement la loi,
en méconnaître le texte et l’esprit.
L’article 447 ne s’est proposé qu’un but unique : le
maintien de l’égalité entre les victimes d’une même fail
lite. Ce qu’il prohibe c’est qu’un créancier pour se sous
traire à celte loi obtienne son paiement au détriment de
l’actif; et le fondement de cette prohibition est le pré
judice qui en résulte nécessairement pour la masse.
Où était ce préjudice dans l’espèce ? Loin de s’appau
vrir l’actif s’était enrichi, puique les avances postérieures
au paiement en avaient considérablement excédé le mon
tant.
Dès lors, observe fort justement M. Dalloz, la demande
de la masse devait être repoussée pour défaut d’intérêt.
Non-seulement elle n’avait éprouvé aucun préjudice.
�188
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
mais encore l’opération lui avait profité. Que pouvaitelle exiger de plus ?
L’existence d’un préjudice est si bien la condition es
sentielle de la nullité du paiement, que son exigence a
fait maintenir les termes de l’article 447 : 'pourront être
annulés. Un député , M. Sevestre avait proposé de les
remplacer par ces mots: devront être annulés. Mais cette
proposition combattue par le rapporteur et par MM. Barbot et Martin (de Strasbourg) fut repoussée parce qu'il
était possible que l'acte attaqué n'eût pas porté préju
dice à la masse.
La cour de Dijon avait donc exactement saisi et appli
qué la pensée du législateur lorsqu’elle avait maintenu le
paiement attaqué, en déclarant que le créancier qui l’a
vait reçu n’avait occasionné aucun préjudice à la masse.
C’est cet arrêt que la cour de cassation ne pouvait man
quer d’approuver, et approuvait le 12 février 1844.
Qu’eût-elle fait si, comme dans l’espèce de son arrêt du
1" juin 1840, le créancier avait sur la connaissance de
la cessation de paiements cessé toute relation avec son
débiteur et accepté le paiement de ce qui lui était dû ?
La réponse ne paraît pas douteuse. Un acte de cette
nature est une fraude et une atteinte à la loi d’égalité; il
occasionne un préjudice évident à la masse au détriment
de laquelle il diminue l’actif ; il est par lui-même exclusif
de toute bonne foi. U n’y a donc pas à hésiter; il doit
être annulé par application de l’article 447 sur la preuve
seule de la connaissance de la cessation de paiements.
U 9 ter. — Le recours à l’article 447, dans l’espèce
de l’arrêt de 1844, n’était que l’extension abusive qu’on
�art.
446, 447, 448.
189
a essayé de donner à sa disposition et dont un arrêt de
la cour de Lyon, du 4 février 1860, va nous fournir un
remarquable exemple.
Un sieur Gérard avait été déclaré en 'faillite par juge
ment du tribunal de commerce de S‘-Etienne, du 20 dé
cembre 1856. Un second jugement avait reporté l’ou
verture de la faillite au 1" juillet 1855.
Dans l’intervalle entre cette époque et le jugement dé
claratif la maison Court et Cie avait fait au sieur Gérard
diverses ventes au comptant. Le syndic se fondant sur
ce que ces ventes avaient été faites avec connaissance de
la cessation de paiements actionne Court et Cie pour en
faire prononcer la nullité et ordonner le rapport à la
masse du prix, en vertu de l’article 447.
Le tribunal de S-Etienns accueille cette prétention.
Mais sur l’appel son jugement est réformé par la cour
de Lyon l.
L’arrêt considère que toutes les ventes sont postérieu
res au 1fr juillet 1855, date fixée de la cessation de paie
ments ; qu’elles n’ônt occasionné aucun préjudice à la
masse, puisque l’actif a reçu en marchandises la contrevaleur de ce qu’il donnait en argent ; il déclare en con
séquence l’article 447 inapplicable.
On ne peut que reconnaître la justesse de ces motifs
et qu’en approuver la conclusion. Celle-ci n’est, en effet,
qu’uneexacteet saine interprétation du texte et de l’esprit
de la loi.
L’unique but qu’elle s’est proposée, en ce qui concerne
1 G a zette des
1861, p. *31.
tr ib u n a u x ,
n« 10,4*7, du 1" septembre 1860. J .d u P ,
�190
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
les paiements, a été d’empêcher entre les victimes d’un
même désastre que les unes pussent échapper à ses con
séquences en aggravant le sort des autres. De là les con
ditions tracées par l’article 447 : 1* paiement d’une det'e
existant au moment de la faillite ; 2° connaissance de
celle-ci de la part du créancier qui accepte le paiement.
En d’autres termes, la faillite range tous les créanciers
sur une même ligne quant à la nécessité d’en subir les
effets. Il ne pouvait y avoir d’exception à cette règle qu’en
faveur du créancier qui reçoit son paiement dans l’igno
rance de l’état de déconfiture du débiteur. Sans doute
ce paiement préjudicie à la masse et en diminue le gage;
mais la bonne foi du créancier en commandait le main
tien. Sa créance est échue ; il la présente, on la paye ;
il ne connaît pas la position réelle du débiteur : quel
reproche pouvait-on lui adresser, quelle peine pouvaiton lui appliquer avec justice ?
Le créancier qui connaissant la cessation de paiements
poursuit et accepte le paiement de ce qui lui est dû, oc
casionne sciemment un préjudice à la masse ; il s’asso
cie même à un délit, puisque aux termes de l’article 585
paragraphe 4, le failli qui paye un de ses créanciers après la cessation de paiements se rend coupable de ban
queroute simple. On a bien pu , au point de vue de la
criminalité , exonérer le créancier des conséquences de
sa complicité ; mais il eût été par trop injuste de l’affran
chir de l’obligation de réparer le préjudice qu’il a tenté
de causer à la masse. La réparation la plus juste , la
plus naturelle était la nécessité de restituer tout ce qu’il
avait indûment reçu.
�ART.
446, 447, 448.
491
Si ces considérations ont réellement dicté l’article 447,
et le doute ne saurait être permis, son inapplicabilité ab
solue à l’acte postérieur à la cessation, aux relations qui
l’ont suivie est évidente; n’est-ce pas à ce point de vue
que la loi valide l’hypothèque pour dette nouvelle ?
Or, comme le prêteur, le vendeur qui ne l’est devenu
qu’après la cessation de paiements n’était pas créancier
au moment où elle s’est réalisée. À la différence du pre
mier, il ne l’a même été dans aucun temps puisqu’il n’a
donné la chose qu’en en recevant le prix.
La connaissance de la cessation de paiements lui fai
sait même un devoir impérieux d’en agir ainsi. Pouvaitil, devait-il faire crédit avec la certitude qu’il en serait
victime? Se mettre à couvert contre ce danger était donc
pour lui un devoir en même temps que l’exercice légal
et légitime d’un droit.
Dira-t-on qu’il devait refuser de vendre ; mais où est
la loi qui lui prescrivait ce refus ? Un commerçant alors
même qu’il a cessé ses paiements n ’a pas perdu la ca
pacité de continuer le commerce. Ce qui pouvait, faire
question sous le Code de 1807 est incontestable aujour
d’hui que le dessaisissement du failli ne date que du
jour du jugement déclaratif de la faillite.
Donc, tant que le jugement n’est pas rendu, le com
merçant même en état de cessation de paiements n’a
rien perdu de sa capacité , sauf les restrictions naissant
des articles 446 et 447. Or, si ces articles prohibent les
transmissions de propriété , les libéralités, les garanties
réelles, les paiements eux-mêmes, ils ne défendent en
aucune manière la continuation du commerce et par
*
�492
DES FAILLIMES ET BANQUEROUTES
suite les achats et ventes de marchandises. C’est ce que
la cour de cassation consacrait pour ces dernières dans
son arrêt du 3 août 1847.1
Non-seulement ces opérations ne sont pas prohibées,
mais on ne pouvait même songer à les prohiber. La ces
sation de paiements peut ne tenir qu’à des circonstances
accidentelles. Une gêne momentanée , une mévente, la
faillite d’un correspondant peuvent l’avoir déterminée, et
la continuation du commerce est dans le cas d’en em
pêcher les effets en fournissant de nouvelles et précieuses
ressources. Il n’était donc pas possible d’interdire cette
continuation et d’enlever une chance qui en sauvant le
débiteur sauvera les créanciers eux-mêmes.
C’est pourtant à quoi l’on arriverait infailliblement si
le commerçant, forcé par la connaissance de la cessa
tion de paiements à ne vendre qu’au comptant , était
obligé après la déclaration de la faillite à restituer le
prix de la vente , et comme on ne lui rendrait pas ses
marchandises, à subir la perte qui en résulterait. Il se
garderait bien de se jeter dans le gouffre. Il refuserait
toute transaction et laisserait éclater la faillite qu’on au
rait pu éviter peut-être.
L’intérêt des créanciers qui d’ailleurs peuvent provo
quer en tout temps la déclaration de faillite exigeait qu’il
en fût autrement ; qu’on permît pour le salut commun
cette voie qui ne s’imposant qu’à ceux qui consentent à
en subir la chance n’avait aucun inconvénient réel.
Ainsi la loi n’interdit pas l’achat après cessation de
paiements. Elle ne défend nulle part au commerçant de
l D. P., 47,
345.
�art.
446, 447, 448.
493
vendre dans quelque circonstance que ce soit ; et si elle
autorise la vente , elle autorise par cela même le mode
gué l’intérêt et les circonstances du vendeur lui prescri
vent d’adopter. Acheter au comptant ce n’esl ni contrac
ter une dette, ni opérer un paiement. C’est échanger une
valeur contre une autre et faire un acte en dehors des
catégories que créent les articles 446 et 447.
Au reste, pour tous les actes énumérés dans l’un et
dans l’autre, ce que la loi a voulu réprimer c’est moins
l’acte en lui-même que le préjudice qui en résulte pour
la masse. Or, où se trouve ce préjudice dans la vente au
comptant ? Si elle diminue l’actif espèces, elle augmente
l’actif marchandises; elle améliore même la position du
failli par le bénéfice que la revente lui permettra de ré
aliser. Comment donc la masse serait-elle admise à se
plaindre.
Les créanciers diront-ils que les marchandises ont été
détournées, dissipées, vendues sans profit pour eux. C’est
là le fait de leur débiteur qui aurait probablement et avec plus de facilité encore détourné et dissipé le prix qu’
elles ont coûté. C’est là, de plus, quelque peu leur fait
propre. Que ne faisaient-ils déclarer la faillite dès la ces
sation de paiements? Si, négligeant leurs droits, ils ont
laissé à leur débiteur le temps de consommer ses der
nières ressources, est-ce trop de rigueur de laisser à leur
charge les conséquences de leur négligence? Serait-il plus
juste de les faire peser sur le vendeur à qui on ne peut
reprocher que d’avoir ménagé soigneusement ses intérêts?
Le système que nous repoussons arriverait à des con
séquences énormes. Des créanciers non payés laisseraient
i — 13
�194
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
leur débiteur continuer son commerce, puis après une to
lérance de dix ans ils feraient déclarer la faillite et rap
porter à la masse le prix des achats faits au comptant pen
dant toute cette période. Ainsi leur silence n ’aurait été
qu’un piège pour les vendeurs qui se trouveraient, mal
gré leur sage précaution, gravement compromis dans une
faillite à laquelle ils étaient et devaient rester étrangers.
La morale s’unit donc au droit contre une doctrine
conduisant à une pareille conséquence. La repousser est
donc pour les magistrats un juste, un impérieux devoir.
1 1 9 quatuor. — Le créancier qui connaissant la ces
sation de paiements ne peut obtenir conventionnellement
le remboursement de ce qui lui est dû, même après éché
ance, pourrait-il valablement se le faire attribuer par jus
tice au moyen d’une saisie-arrêt qu’il ferait ensuite valider?
Il est évident que le tribunal investi de la demande
en validité , s’il était mis au courant de la position du
débiteur , repousserait cette demande et refuserait une
délégation désormais prohibée par la loi.
Aussi on peut d!avance prévoir que le poursuivant gar
dera à ce sujet le plus complet silence ; que le plus sou
vent le debiteur fera défaut, ou que s’il se présente et
qu’il ait le désir d’avantager le poursuivant au préjudice
des autres créanciers il imitera sa discrétion, et ainsi
trompé le tribunal ne manquera pas de consacrer une
prétention fondée en titres et dont rien ne décèle le vé
ritable caractère.
Quelle sera à l’égard de la masse la valeur du juge
ment ainsi obtenu ? Produira-t-il ses effets alors même
qu’il aurait acquis l’autorité de la chose jugée, si la date
�ART.
446, 447, 448.
195
de la faillite est fixée ou reportée à une époque anté
rieure au jour de sa prononciation ?
L’affirmative ne serait pas douteuse si le poursuivant
avait agi sans connaître la cessation de paiements. Cette
ignorance qui lui aurait permis de recevoir le paiement
des mains du débiteur lui assurerait le profit de la dé
légation judiciaire qu’il a régulièrement obtenue.
Mais il en serait autrement si la preuve de la connais
sance était acquise.- La saisie-arrêt n’étant qu’un mode
de paiements l’article 447 deviendrait applicable. Ses ef
fets seraient donc nuis en faveur de la masse.
On soutenait le contraire devant la cour de Paris dans
une espèce où, par le report de la faillite , le jugement
de validité se trouvait avoir été rendu après son ouver
ture. Ce rep o rt, disait-on , n’avait pu empêcher l’effet
de la délégation judiciaire. Cette délégation étant l’œuvre
de la justice ne pouvait être frappée de stérilité , parce
qu’elle ne pouvait être soupçonnée être le résultat d’une
connivence entre le saisissant et le failli. La délégation
judiciaire est l’effet légalement produit par le jugement
de validité ; cet effet se produit ipso facto et ne peut être
détruit par un fait postérieur et même par une décision
judiciaire qui reporterait la cessation de paiements de la
partie saisie à une époque antérieure soit aux saisiesarrêts, soit au jugement qui les a validées.
Etait-il possible d’admettre qu’aucun soupçon de con
nivence ne pouvait frapper le jugement de validité? Mais
si le débiteur avait instruit le tribunal de la cessation de
ses paiements , la demande en validité n’aurait-elle pas
été repoussée ? Donc, son silence en avait seul déterminé
�190
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
l’accueil, et comme il coïncidait avec la rélicence inté
ressée et déloyale du poursuivant la vérité était que le
jugement n’était que le produit d’une collusion qui, dans
l’espèce, résultait en outre de l’acquiescement au juge
ment que le débiteur s’était empressé de donner.
Le jugement ainsi obtenu n’avait pour la masse d’au
tre effet que de lui imposer l’obligation de prouver nonseuleinent qu’il avait été obtenu en fraude de ses droits,
mais encore que le saisissant avait concouru à la fraude.
Or, ce concours fésultant aux termes de l’article 447 de
la connaissance de la cessation de paiements, cette con
naissance prouvée et acquise , le jugement de validité
était frappé d’illégalité et restait sans autorité.
« Il est impossible,disait M. l’avocat général Roussel,
d’admettre que la jurisprudence prévaille contre la loi,
et que le droit acquis résultant, dans les cas ordinaires,
d’une délégation judiciaire, ne s’efface pas devant ce
grand principe d’ordre public reconnu par la loi.de l’é
galité de tous les créanciers d’une même faillite. Il est
évident que la délégation judiciaire résultant, d’après la
jurisprudence, du jugement de validité de l’opposition,
n’est accordée que sous la condition qu’elle ne nuira pas
à des droits antérieurement acquis par la volonté de la
loi. Or, le report de la cessation de paiements à une date
antérieure au jugement de validité de l’opposition doit
faire tomber l’obstacle qu’on prétend puiser dans ce ju
gement. »
Conformément à ces conclusions et par arrêt du 18
août 1860,1a cour de Paris refuse tout effet au jugement
de validité. Elle constate, an fait, qu’au moment de la
�art.
446, 447, 448.
197
poursuite le saisissant connaissait la cessation de paie
ments ; elle décide, en droit, que si le transport judiciaire
protège le créancier saisissant et de bonne foi dans les
termes de l’article 446, l’article 447 ne permet pas que
le créancier qui a procédé en connaissance de l’état d’in
solvabilité de son débiteur obtienne, dans aucun cas, un
privilège que repousse le principe d’égalité de condition
entre les créanciers en matière de faillites 1.
Nous considérons cette décision comme éminemment
juridique et faisant une saine, une exacte interprétation
des véritables principes de la matière. La cessation de
paiements, c’est-à-dire la faillite fixe la position des cré
anciers. Dès qu’elle est connue elle crée un obstacle in
vincible à tous actes de nature à avantager l’un au dé
triment des autres. L’efficacité de cette prohibition tient
à son observation, même en cas d’appel aux tribunaux.
Gardiens vigilants de la loi. les magistrats sont impuis
sants pour en autoriser la violation. On doit d’autant
mieux l’admettre dans les circonstances que le jugement
de validité n’a été que la conséquence de l’erreur née du
silence gardé sur la position du débiteur. On connaît d’ail
leurs la règle injudicio quasi conlrahitur■Or, comment
attacher au quasi-contrat de comparution en justice un
effet que ne saurait produire une convention spontanée.
A quelles conditions admettra-t-on la connaissance
de la cessation de paiements ? Pourra-t-on l’induire de
la saisie elle-même.
Il est impossible de résoudre cette question d’une ma1 Gazette des tribunaux, n° 40,447, du 25 septembre 4860 ;— D. P .,
60, 5, 474.
�198
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
nière absolue et uniforme. Le refus de payer qui a donné
lieu à la saisie peut résider dans des difficultés bien ou
mal à propos soulevées, dans des prétentions plus ou
moins fondées. Dans d’autres circonstances, au contraire,
il n’aura d’autres motifs que l’insolvabilité du débiteur.
Il appartient donc aux juges d’en déterminer le véri
table caractère. Comme éléments d’appréciation se pré
sentent la coexistence de divers protêts, la simultanéité
de plusieurs saisies, enfin la notoriété commerciale.
Il est en effet peu de faillites éclatant sans que des bruits
plus ou moins publics les aient annoncées, sans que des
faits auxquels le commerce ne saurait se méprendre en
aient fait pressentir l’imminence. Le caractère des uns et
des autres,leur plus ou moins de notoriété indiqueront à
la justice de quelle manière la difficulté doit être tranchée.
1 1 9 quinto. — Ainsi, pour les paiements proprement
dits la nullité est forcée dès qu’ils ont été reçus en con
naissance de la cessation de paiements. Mais il ne saurait
en être ainsi pour les actesà titreonéreux. Us doivent sortir
à effet malgré la certitude de cette connaissance chez celui
qui a traité avec le failli de bonne foi et sans fraude.
De pareils actes, en effet, ne peuvent être annulés que
s’ils causent un préjudice à la masse. C’est dans ce sens
que l’article 447 confère une faculté dont les tribunaux
sont libres de ne pas user ; dont ils useraient mal à pro
pos si en l’absence de ce préjudice ils se déterminaient
par le fait seul de la connaissance de la cessation de
paiements. C’est ce que la cour de cassation a expressé
ment consacré les 25 juillet et 24 décembre 1860.1
1 D.
P ., 61, 1, 71 ;—J. çlu P., 4861, P. 225 et 229; — Voy. infra
n» 123 bis,
�ART.
446, 447, 448.
199
120.
— L’article 445 du Code de 1807 ayant res
treint la présomption de fraude aux actes et engagements
pour faits de commerce, on en avait conclu que les actes
civils ne pouvaient être annulés que si à la preuve de
la connaissance de la cessation se joignait celle qu’ils avaient été faits en fraude des créanciers. Les termes gé
néraux de la loi actuelle ne permettent plus de distinc
tion dans les causes de l’engagement. Les actes sont tous
placés sur la même ligne et soumis par conséquent à un
sort commun. Leur annulation est ou peut être une
conséquence nécessaire de la connaissance de la cessation
chez ceux qui les ont contractés.
Telle est la théorie de la loi nouvelle sur les aliéna
tions, actes à titre onéreux ou gratuit et paiements opé
rés à une époque voisine ou postérieure à la faillite.
Nous avons maintenant à nous occuper des nantisse
ments mobiliers ou immobiliers accordés pendant la
même période. Nous examinerons d’abord ce qui se rap
porte à leur constitution. Nous traiterons ensuite de l’in
scription de l’hypothèque.
1 2 0 bis. — Mais avant demandons-nous quel serait
le sort du partage intervenu après la cessation de paie
ments avec les communistes du commerçant.
Evidemment tant que le failli n’est pasdésinvesti de ses
droits et actions , sa capacité pour consentir un partage
soit amiable soit judiciaire ne saurait être ni méconnue
ni contestée. O r , depuis 1838 , le désinvestissement du
failli ne résulte plus que du jugement déclaratif. Jusquelà donc il a pu valablement concourir au partage.
Il est vrai que par elle seule la cessation de paiements
�200
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
modifie la capacité du failli, même avant ce jugement.
Témoins les actes que les articles 446 et suivants décla
rent nuis ou annulables. Mais le caractère exceptionnel
de leurs dispositions leur impriment une spécialité ex
clusive aux actes qu’elles énumèrent.
Ces exceptions s’expliquent par la nature même de ces
actes. Ainsi, les libéralités, les paiements, les transmis
sions de propriété, les garanties hypothécaires, les nan
tissements pour dettes anciennes diminuent l’actif, violent
ce principe d’égalité tant et si justement recommandé.
Ils causent donc à la masse un préjudice qu’on ne pou
vait tolérer.
Le partage n’est ni une libéralité, ni un paiement, ni la
concession d’une garantie quelconque en faveur d’anciens
créanciers, pas même une aliénation. Il se place donc en
dehors des catégories créées par les articles 446 et 447.
C’est donc avec raison que la cour de Colmar refusait de
lui en faire l’application, par arrêt du 19 janvier 1856.1
M. Dalloz considère cet arrêt comme irréprochable
au point de vue de l’article 446. Mais il pense que la
question offre plus de difficultés en regard de l’article
447 permettant d’annuler les actes à titre onéreux, lors
que ceux qui ont traité avec le failli l’ont fait avec con
naissance de la cessation de paiements.
« L’arrêt,—dit-il, - se fonde pour soustraire le partage
à l’empire de cet article , sur ce qu’un tel acte est dé
claratif et non attributif de propriété. Mais ce n’est pas
là un point universellement admis, du moins en ce qui
concerne les cohéritiers entre eux. Plusieurs auteurs sou
�tiennent en effet que la fiction de l’article 883 du Code
civil à la faveur de laquelle le partage est considéré com
me déclaratif de propriété, a uniquement pour objet de
régler le sort des actes qui ont pu intervenir avant le par
tage entre les héritiers et les tiers relativement aux biens
composant la succession ,et n’est d’aucune influence quand
on se préoccupe du règlement des parts des cohéritiers.»
L’article 883 du Code civil se prête-t-il à cette dis
tinction ? Nous pourrions soutenir le contraire. Les au
torités les plus graves ne nous feraient pas défaut. Les
Dumoulin, les Domat, les Pothier, les Merlin repoussent
la divisibilité du partage qui ne peut être déclaratif con
tre les tiers que parce qu’il l’est entre les communistes
et à leur profit.
Mais cette digression serait oiseuse. Ce qui résulte en
effet de la doctrine rappelée par M. Dalloz c’est que les
droits conférés aux tiers par un des communistes, sur
les biens communs, seraient subordonnés au résultat du
partage. Ainsi l’hypothèque serait nulle et de nul effet
si l’immeuble affecté était obvenu au lot d’un coparta
geant autre que celui qui l’a concédée.
Comment M. Dalloz n’a-t il pas vu que son observation
ne tend à riep moins qu’à méconnaître et violer cette règle.
En effet, si la masse prétendait agir en vertu de l’ar
ticle 1166 et exercer les droits de son débiteur, elle ne
pourrait en avoir de plus étendus que ceux que ce débi
teur pourrait réclamer lui-même. Or, le failli n’a jamais
été recevable et fondé à se prévaloir de l’article 447. La
cour de cassation jugeait même, le 15 juillet 1857, qu’il
ne peut profiter de l’annulation de l’hypothèque judi—
�202
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ciairement prononcée sur la poursuite et au profit de la
masse1. Et M. Dalloz approuve cet arrêt.
Donc, la masse invoquant l’article 447 n ’agit et ne
peut agir qu’en sa qualité de créancière, qu’en vertu du
droit qu’elle tient de son débiteur. Quelle peut être la
valeur de ce droit en ce qui concerne les copartageants?
À-t-il pu affecter les choses qui leur sont obvenues ? Estil possible de donner au créancier chirographaire une
position qu’on refuserait au créancier hypothécaire?
En réalité, entre la masse et les copartageants le litige
a pour objet le sort des actes intervenus avant le par
tage. Les bénéficiaires de ces actes sont donc les tiers à
l’égard desquels le partage est déclaratif et non attribu
tif de propriété.
L’appel fait par la cour de Colmar à ce principe est
donc juridique et les conséquences qu’elle en déduit sont
justifiées. Il était impossible, d’ailleurs, d’appliquer l’ar
ticle 447 sans tomber en contradiction manifeste avec
son esprit.
La nullité facultative qu’il consacre puise son fonde
ment unique ou dans la violation du principe d’égalité,
ou dans l’atteinte que l’acte attaqué porte à l’actif.
Or, les communistes qui n’étaient pas, qui n’ont ja
mais été créanciers du failli restaient forcément en dehors
des effets de la faillite ; ils n’ont reçu dans le partage
que ce que la masse elle-même eût été obligée de leur
donner. Elle serait donc mal obvenue à parler d’une égalité qui était impossible.
D’autre part, le gage des créanciers n’a pas été dimil D. P., 57,
385.
�ART. 446, 447, 448.
203
nué. Si la cessation de l’indivision a privé le failli de
tous droits sur les lots de ses copartageants , elle lui a
conféré la propriété exclusive des choses tombées dans
le sien ; il a donc reçu l’équivalent de ce qu’il a donné.
Où serait dès lors pour la masse le préjudice auquel
l’article 447 a voulu la soustraire.
Nous ne voyons donc pas que la question puisse pré
senter plus de difficultés au point de vue de l’article 447
qu’à celui de l’article 446, et nous ne pouvons qu’ap
prouver la solution que lui a donnée la cour de Colmar.
Nous pouvions d’autant moins hésiter que la demande
en annulation du partage était condamnée par l’article
882 du Code civil. L’état de cessation de paiements était
pour les créanciers du failli un motif de plus de s’oppo
ser au partage, et s’ils ont négligé d’exercer ce droit on
ne peut les affranchir de la peine que la loi a expressé
ment édictée contre cette négligence.
Vainement exciperaient-ils d’un préjudice, vainement
le justifieraient-ils. Ils en sont les auteurs ou les com
plices volontaires, et c’est ce qui a motivé la déchéance
consacrée par l’article 882.
La seule action qui leur fût ouverte, nous l’avons dit
ailleurs \ est celle de l’article 1167 du Code civil,et elle
ne pourrait réussir que par la preuve de la fraude con
certée et exécutée par tous les copartageants.
À défaut de cette preuve le partage serait maintenu,
quelque préjudiciable qu’il pût être pour les créanciers.
121.
— L’hypothèque conventionnelle ou judiciaire,
tous droits d’antichrèse ou de nantissement, constitués
l Notre
T r a ité d u d o l et de la f r a u d e ,
t. 3, n° 1552.
�204
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sur les biens du débiteur depuis l’époque déterminé par
le tribunal comme étant celle de la cessation de ses paie
ments , ou dans les dix jours qui auront précédé cette
époque, sont nuis et sans effet relativement à la masse.
Cette disposition ne concerne que les hypothèques, les
nantissements et les gages conférés pour dettes antérieu
res à leur réalisation et obtenus après coup par les cré
anciers. Les dettes contractées sans garanties ne peuvent
en recevoir aucune aux approches de la faillite, et à plus
forte raison après qu’elle s’est divulguée par la cessation
de paiements. L’intérét général des créanciers détermi
nait la nécessité de cette prohibition qui empêche que
le failli n ’améliore le sort des uns au détriment des au
tres. La loi qui a proscrit les donations devait proscrire
les droits de préférence conférés gratuitement sans rien
recevoir en échange et obtenus souvent par l’obsession
et la violence morale.
Le prêteur qui a suivi dans l’origine la foi de son dé
biteur , qui s’est contenté d’une simple obligation , ne
peut plus changer le caractère de son titre. S’il exige
plus tard des sûretés , il force le failli à commettre une
fraude. Il fait lui-même un acte peu loyal en voulant
s’avantager au préjudice des autres créanciers. C’est donc
avec raison que le législateur le ramène à l’égalité qu’il
a tenté de violer.
D’ailleurs , les principes que nous avons développés
en ce qui concerne les paiements rendent parfaitement
raison de la disposition de la loi sur les hypothèques et
nantissements pour dettes antérieures. Les unes et les
autres peuvent être considérées comme un véritable paie-
�akt.
446, 447, 448.
205
ment. Or, de deux choses l’une, ou la dette n’est pas échue lorsque le nantissement est accordé, et dans ce cas
il doit être invalidé comme paiement anticipé; ou la dette
est échue, et la loi n’autorisant que le paiement en espè
ces ou en effets de commerce, le nantissement n’étant ni
l’un ni l’autre ne saurait échapper à la disposition de
l’article 446.
122.
— L’article 443 du Code de commerce ancien
allait plus loin encore. Il frappait de nullité les hypo
thèques prises en vertu d’un titre nouveau et pour som
mes actuellement prêtées. La loi de 1838 a avec raison
suivi une marche contraire.
Sans doute un emprunt par hypothèque est un acte
insolite chez un négociant. Il est donc jusqu’à un certain
point l’indice d’une gêne actuelle. Mais celte gêne peut
cesser par l’effet de cet emprunt ; il fallait donc le rendre
possible sous peine de condamner le commerçant à l’im
puissance de rétablir ses affaires et d’éviter ainsi une
faillite si onéreuse pour tous , si fâcheuse pour le failli
lui-même.
Or, proscrire l’hypothèque c’était rendre le prêt im
possible. Quel est celui qui consentirait à livrer ses fonds
avec la prévision de se voir arracher les garanties sous
la foi desquelles il a traité’/ Consacrer cette proscription
c’était donc frapper les ressources du débiteur d’une sté
rilité funeste ; c’était lui en ravir la disposition au mo
ment le plus critique ; c’était en un mot en vue de pré
venir les fraudes qui peuvent accompagner une faillite,
rendre la faillite inévitable.
D’ailleurs, si aux approches de la faillite un commer-
�2
0
6
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
çant ne peut valablement payer, si ce n’est dans le mode
établi par l’article 446 , il peut aliéner à titre onéreux.
La bonne foi qui ferait maintenir la vente doit faire sor
tir à effet l’obligation ; et si celle-ci est valable en prin
cipe, comment pourrait-on annuler l’hyothèque qui en
a été la condition ?
Sans doute la fraude peut tenter de profiter de cette
disposition. Ainsi, on pourra simuler une quittance pour
une dette antérieure, et en contracter une autre qui sera
censée s’être actuellement réalisée à l’effet d’obtenir une
hypothèque valable. Cette hypothèse peut se présenter;
le législateur s’en est même préoccupé en délaissant aux
parties lésées le soin d’en obtenir justice. Or, la preuve
de cette simulation entraînerait non-seulement la nullité
de l’hypothèque , mais encore celle de l’obligation ; et
cette preuve sera même plus facile que beaucoup d’au
tres. Un paiement, un emprunt laissent des traces dans
les écritures de celui qui les reçoit où les contracte. Ce
dernier a à rendre compte de l’emploi des fonds en pro
venant ; et il n’est pas douteux que si ces fonds avaient
servi à désintéresser le prêteur lui-même, on dût ne voir
dans l’obligation nouvelle qu’une véritable fraude dans
le but d’éluder les dispositions de l’article 446. On n’hé
siterait donc pas à la frapper de la peine portée par ce
même article.
Ainsi, la répression delà fraude étant, dans tous les
cas, garantie par une sanction pénale il ne fallait pas,
pour l’atteindre, s'exposer à punir la bonne foi.
L’hypothèque consentie pour prêt nouveau avant le
jugement déclaratif doit donc être maintenue, pourvu
�ART.
446, 447, 448.
207
que la somme pour laquelle elle est constituée ait été ré
ellement comptée au moment de l’acte.
125. — Qu’arriverait-il si le créancier chirogra
phaire ajoutant quelque chose à sa créance antérieure se
faisait consentir une hypothèque pour le tout ? Nous
croyons que dans ce cas on devrait appliquer l’article 446
dans toute sa rigueur, et que l’hypothèque entière devrait
être annulée.
Il est difficile en effet d’admettre qu’à un moment voi
sin de la faillite il n’ait rien transpiré de l’état des affai
res du débiteur. La loi suppose le contraire puisqu’elle
établit la nullité absolue de toutes les hypothèques pour
dettes antérieures. Elle admet donc, par cela seul, que
ces hypothèques n’ont été recherchées que parce que le
créancier a lui-même apprécié le péril qu’éprouvait son
titre chirographaire. Autoriser dans un cas semblable la
validité de l’hypothèque, ce serait encourager à éluder la
loi et annuler la garantie qu’elle présente pour la masse
au moment même où la présomption de fraude acquiert
une plus grande gravité.
Ainsi, celui qui aurait purement accepté l’hypothèque
serait privé de cette garantie qui lui a été peut-être spon
tanément et volontairement offerte, et celui qui était tel
lement persuadé de l’imminence de la faillite qu’il a re
cherché cette hypothèque à prix d’argent pourrait en re
cueillir le fruit I
Nous l’avons déjà dit, il est des actes qui par euxmêmes sont en quelque sorte démonstratifs de la fraude.
Or, est-il naturel qu’un commerçant qui juge sa créance
tellement compromise , que contrairement aux usages
�808
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
commerciaux il exige un nantissement immobilier, aille
ajouter une somme nouvelle à celle qui lui est déjà due?
Une pareille conduite n’est pas susceptible d’une double
interprétation. Elle ne peut êire expliquée que par la
volonté d’échapper à la disposition finale de l’article 4A6.
C’est donc à l’autorité de cette disposition qu’il convient
de ramener et de soumettre le créancier.
Cependant si la somme nouvellement et réellement
prêtée était importante et qu’il apparût des circonstances
que ce prêt n’a pas eu pour objet de contrevenir à l’ar
ticle 446, on pourrait seulement réduire l’hypothèque à
concurrence du montant du prêt dont le débiteur aurait
réellement profité.
123 bis. — Les termes restrictifs de l’article 446 in
diquent que l’hypothèque pour dette nouvelle conférée
même après la cessation de paiements ou dans les dix
jours qui l’ont précédée est valable et doit produire tout
son effet. Ce résultat est-il subordonné à l’ignorance du
créancier à l’égard de cette cessation, de telle sorte que
s’il l’a connue on doive annuler l’hypothèque par ap
plication de l’article 447 ?
L’article 446 n’excepte de la nullité l’hypothèque pour
prêt actuel et contemporain que par égard pour les ré
clamations que l’article 443 du Code de 1807 avait sou
levées. Celui-ci, en effet, .déclarait nulle de plein droit
l’hypothèque constituée en temps suspect, sans distin
guer si la créance qu’elle avait pour objet de garantir
était nouvelle ou ancienne.
La conséquence qu’on signalait avec juste raison était
de rendre impossible un emprunt qui aurait permis au
�aut.
446, 447, 44S.
209
commerçant de sortir de l’embarras naissant d’une crise
subite et imprévue. Comment en effet obtenir des fonds,
lorsque celui qui devait les fournir avait à affronter la
chance de voir disparaître les garanties que prescrivait
impérieusement la position critique de l’emprunteur.
La faillite devenait donc une nécessité , tandis qu’un
emprunt hypothécaire l’eût prévenue, peut-être même
empêchée, et eût ainsi sauvegardé tous les intérêts.
Ôn comprend les réclamations que suscitait un pareil
étal des choses qui , au lieu de protéger le commerce
comme on avait voulu le faire, était de nature à lui oc
casionner dans certains cas un grave préjudice.
Le législateur de 1838 fit droit à ces réclamations. La
nullité de l’hypothèque conférée en temps suspect pour
dette antérieure ,est rationnelle et juste. Elle était la con
séquence de cette égalité qu’il fallait établir entre tous
les créanciers. Mais ce principe n’avait rien à voir au cas
d’un prêt actuel dans le but louable de prévenir une
faillite. Il était même souverainement injuste de main
tenir le prêt et d’anéantir la garantie qui en avait été la
condition essentielle.
Or, résoudre affirmativement notre question c’est con
sacrer cette injustice , en revenir à l’ancien article 443
malgré son abrogation formelle qui s’induit de la lettre
et de l’esprit de notre article 446.
Qui veut la fin veut les moyens ; et puisqu’on a voulu
ouvrir au débiteur la seule voie qui pouvait le sauver
de la faillite, fallait-il bien lui permettre d’affecter vala
blement les immeubles qu’il possède et réaliser ainsi le
secours qui lui est indispensable.
i — 14
�210
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Or, il est évident que plus sa position critique sera
connue et plus le prêteur exigera cette garantie hypothé
caire. On ne livre pas son argent pour le seul plaisir de
se trouver compromis dans une faillite. Ne pas permet
tre de conjurer ce péril parce qu’on en connaissait l’im
minence, c’est évidemment rendre toute avance impos
sible et retirer d’une main ce qu’on donne de l’autre.
Aujourd’hui donc , que la dette nouvelle ait été con
tractée après cessation de paiements , que le créancier
ait ou non connu cette cessation , l’hypothèque qui en
garantit le remboursement est valable et doit produire
tout son effet. Elle ne tombe pas sous le coup de l’article
447, dont l’application diviserait l’opération contre le
prêteur en maintenant le contrat pour la remise des
fonds et en l’annulant dans la condition sans laquelle
cette remise n’eût pas eu lieu.
La cour régulatrice ne pouvait pas hésiter et n’a pas
hésité sur le véritable caractère et la portée réelle de l’ar
ticle 446. Aussi décidait-elle, le 8 mars 1854, que l’hy
pothèque constituée par un commerçant en état de ces
sation de paiements pour sûreté d’une dette en même
temps contractée était valable, encore qu’elle eût été con
férée en prévision de la faillite, si elle, a été consentie de
bonne foi et dans le but de prévenir la faillite.
« Attendu,— dit l’arrêt,—que la disposition de l’arti
cle 44 qui frappe de nullité l’hypothèque conférée depuis
l’époque déterminée par le tribunal de commerce comme
étant celle de la cessation de paiements, ou dans les dix
jours qui ont précédé cette époque, pour dettes antérieu
rement contractées , ne saurait s’appliquer au cas où
Æ
\
�ART.
446, 447, 448.
211
l’hypothèque est conférée en même temps que la dette
est contractée ; que la loi n’a entendu proscrire que les
actes qui ont pour effet d’assurer à un ou plusieurs cré
anciers une préférence au préjudice de la masse ; mais
qu’elle n’a pu vouloir interdire les transactions faites de
bonne foi par un commerçant qui, même en prévision
de sa faillite et pour la prévenir affecte ses immeubles
non à des dettes déjà contractées , mais à des engage
ments nouveaux destinés à lui procurer des ressources
nouvelles qui lui permettent de prévenir une crise com
merciale et de continuer des opérations qui peuvent être
profitables à ses créanciers.1 »
Il semble impossible d’interpréter la loi autrement.
C’est pourtant ce que la cour de Poitiers avait cru devoir
faire. Elle jugeait, le 16 janvier 1860, que l’hypothèque
consentie par le failli pendant l’intervalle compris entre
les dix jours qui ont précédé la cessation de ses paie
ments et le jugement déclaratif de la faillite était nulle et
de nul effet, bien qu’elle ne s’appliquât pas à des dettes
antérieures , s’il est établi qu’au moment où elle a été
constituée le créancier avait connaissance de la cessation
de paiements.
On ne manqua pas de se pourvoir contre cet arrêt, et
la cour régulatrice fut de nouveau mise en demeure de
s’expliquer.
De nouveau elle proclame que l’article 446 ne régit
que l’hypothèque pour dettes antérieures ; que faire ré
sulter de le connaissance de la cessation de paiements la
nullité de celle conférée pour dette nouvelle, c’est violer
cet article et appliquer faussement l’article 447.
1D. P., 54, 1, 149.
�812
des
f a il l it e s
et
ba n q u e r o u te s
« Attendu d’ailleurs, —ajoute-t elle,—que l’arrêt at
taqué ne peut se soutenir encore à un autre point de
vue ; qu’en effet il aurait pu et dû refuser effet à l’hypo
thèque conventionnelle consentie par le débiteur , si le
créancier voulait s’en prévaloir pour obtenir par préfé
rence aux autres créanciers le paiement de ce qui lui était dû avant l’acte constitutif de l’hypothèque ; mais que
relativement aux avances faites en exécution de cet acte
ledit arrêt n’a pu scinder la convention, et tout en main
tenant l’obligation principale du créancier déclarer nulle
et de nul effet l’hypothèque sous la foi de laquelle il avait versé les fonds.1 »
Il n’y a pas à insister sur le caractère de ces consi
dérations ; elles ne sont qu’une juste déduction du texte
et de l’esprit de la loi.
I 2 3 ter. — L’hypothèque pour dette nouvelleest donc
valable, même constituée après cessation de paiements
et acceptée avec connaissance de cette cessation. Or, ce
qui est vrai pour le prêteur ordinaire ne pourrait pas ne
pas l’être pour la femme du failli.'On ne saurait dans
les limites de la loi lui contester son hypothèque légale,
pour le cautionnement donné à la dette nouvelle du mari
en connaissance de la cessation de paiements et dans le
but de prévenir la faillite.
Si l’hypothèque légale est acquise , la subrogation à
son bénéfice que la femme aurait consentie en faveur du
créancier ne pourrait rencontrer aucun obstacle, et de
vrait sortir son plein et entier effet.
1 *4 décem bre 1860
D . P . , 6 1 , 1, 71 ; J . d u P , 1 8 6 1 , p. 2 £ S .
�ART.
446, 447, 448.
213
La cour de Poitiers , dans son arrêt du 16 janvier
1860, avait méconnu le principe et refusé la conséquence.
Elle décidait, en effet, que la connaissance de la cessation
de paiements avait exclu, pour la femme, toute possibi
lité d’acquérir une hypothèque légale ; que dès lors la
nullité de celle ci entraînait de droit celle de la subrogation.
La cour de Poitiers était conséquente. Elle appliquait
h la femme la loi qu’elle venait d’imposer au prêteur.
Non moins conséquente la cour suprême qui cassait l’ar
rêt à l’égard de celui-ci , en prononçait également la
cassation en ce qui concernait la femme.
C’était rigoureusement logique, la femme ne pouvant
quant au prêt nouveau qu’elle garantit et consent à payer
à la décharge de son mari subir une loi dont le prêteur
est affranchi.
La cour de cassation était allée plus loin encore en
refusant d’appliquer l’article 446 à l’hypothèque légale
de la femme , alors même qu’elle avait cautionné une
dette antérieure pour laquelle lecréancier n’avait pu va
lablement obtenir personnellement une hypothèque.
En conséquence elle déclarait, le 25 juillet 1860, que
la nullité prononcée par l’article 446, à l’égard des hy
pothèques constituées en temps suspect par le failli pour
dettes antérieures, n’atteint que l’hypothèque même con
férée par le failli, ou les hypothèques judiciaires obtenues
contre lui, mais non les hypothèques légales, et n’invalide
ni l’engagement contracté sans fraude par la femme so
lidairement avec son mari à raison de ses dettes, ni le
droit résultant au profit du créancier de la subrogation
que lui a consentie la femme de son hypothèque légale l.
1 J du P., 1861, p. 229.
�S
I4
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Que l’article 446 n’atteigne pas l’hypothèque légale,
nous l’admettons, mais à la condition qu’elle procédera
d’un droit acquis antérieurement à la faillite, ou légale
ment acquis depuis; par exemple, comme nous venons de
le dire, pour le cautionnement donné à une dette nouvelle.
Mais puisque à l’égard des dettes anciennes le débiteur
n’a plus aucune capacité pour grever l’actif au préjudice
de la masse, peut-on lui permettre de le faire en faveur
de la femme sans méconnaître et violer le droit que la
cessation de paiements a ouvert et conféré à cette masse.
Que ce soit la femme ou un créancier quelconque qui
prélève sur le prix des immeubles une somme plus ou
moins importante, les créanciers chirographaires ou les
hypothécaires venant après l’hypothèque légale en souffri
ront-ils moins, en éprouveront ils un moindre préjudice?
N’est-il pas évident d’ailleurs que le système que nous
combattons est la ruine de l’article 446 ? Le créancier
pour dette antérieure que le failli veut avantager sait fort
bien qu’il ne peut valablement obtenir une garantie hy
pothécaire. Mais il a un moyen facile et simple d’éluder
la prohibition de la loi : il exigera le concours de la
femme, son cautionnement solidaire et la subrogation à
son hypothèque légale.
Pourquoi la femme résisterait-elle aux instances des
créanciers , à celles de son mari ? Quel danger lui fait
courir son cautionnement, dès qu’elle en est indemnisée
par son hypothèque légale et qu’elle s’en libère par la
subrogation en faveur de laquelle le créancier sera payé
sur les biens du mari ?
La femme ne risquant rien n’hésitera donc pas à pré-
\
�ART.
446, 447, 448.
215
ter les mains à une combinaison à l’aide de laquelle,
contre la disposition formelle de l’article 446 , l’un des
créanciers au mépris de cette égalité si vivement poursui
vie sera intégralement payé, tandis que les autres ne re
cevront qu’un dividende encore réduit de la part qui leur
serait obvenue sur les sommes prélevées en force de
l’hypothèque légale.
Pourrait-il être que le concours et l’obligation de la
femme autorisassent légalement un pareil résultat, qu’il
faudrait bien admettre alors même que l’un eût été donné
et l’autre contracté en faveurdedix.de vingt créanciers,
et que le plus clair de l’actif du failli se trouvât ainsi
absorbé par quelques-uns au détriment de tous les autres.
Mais, objectera-t-on , faudra-t-il que la femme, si
elle est contrainte en vertu de son engagement de payer
sur ses propres, soit privée de l’indemnité que la loi lui
assurait ?
A notre avis , ce résultat n’aurait rien d’injuste. La
femme qui vient au secours de son mari, en parfaite con
naissance de sa position , le fait à ses risques et périls,
et il est beaucoup plus naturel de laisser à sa charge les
conséquences de son acte que de les imposer à la masse.
Mais ce résultat ne déconle pas de notre système. Pour
nous, en effet, ce qui est nul et de nul effet est non-seu
lement la subrogation à l’hypothèque , mais encore le
cautionnement lui-même. C’est-à-dire que nous sou
mettons le traité intervenu entre toutes les parties à la
règle de l’article 597 ; que nous n’y voyons que l’obten
tion d’un avantage particulier à la charge de l’actif,
nul dans toutes ses parties, en faveur et contre tous
ceux qui y ont concouru.
�210
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
La cour de cassation repousse ce point de vue par le
motif qu’aucune fraude n’était articulée. Mais cette fraude
n’est-elle pas dans le résultat de l’opération ?
En matière de faillites, la loi s’est avec juste raison
appropriée la règle frqus non in consilio sed, in eventu.
Aussi les articles 44G et 447 attachent-ils la nullité non
aux manœuvres qui auraient déterminé l’acte, mais à sa
constitution en temps suspect et au préjudice qui doit en
naitre pour la masse.
L’article S97 lui - même se préoccupe fort peu des
moyensqui ont amené le traité. Il l’annule par cela seul
qu’il en résulte un avantage particulier à la charge de
l’actif. Or, tels étant évidemment la nature et l’effet du
cautionnement de la femme, il ne saurait être validé,
car il constitue par lui-même une fraude à une loi d’or
dre public : celle de l’égalité entre créanciers.
. Comment se fait-il donc que ces considérations aient
échappé à la haute intelligence de la cour régulatrice !
Nous ne pouvons l’expliquer que par les circonstances
de l’espèce et par la qualité des parties en cause.
Le litige s’agitait entre créanciers, et l’on sait que le
bénéfice de l’article 446, spécial à la masse, ne peut être
revendiqué par les créanciers personnellement. Donc, les
actes étant inattaquables, devaient sortir leur plein et en
tier effet. De plus, la cour de Nancy avait déclaré en fait
que celui qui les contestait avait été payé de ce qui lui
était dû, et avait ainsi perdu la qualité de créancier.
L’absence de cette qualité devait donc , en enlevant
tout droit, amener forcément le rejet de la demande.
Nous osons croire que la solution eût dû être et aurait
�a r t
.
446, 447, 448.
2517
été différente si la nullité aveit été poursuivie au nom et
dans l’intérêt de la masse, ou par un créancier sérieux
et réel autorisé dans l’ordre à faire écarter les prétentions
de nature à compromettre sa créance, et repoussant une
collocation privilégiée ou non par application de l’article
597 du Code de commerce.
t
..
124. — Le banquier ou capitaliste qui par suite d’un
crédit ouvert au moyen d’une hypothèque aurait payé à
l’acquit du crédité, pendant les dix jours qui précèdent
la faillite et dans l’intervalle de la cessation au juge
ment déclaratif, aura-t-il pour ces paiements une hy
pothèque à la date du contrat ?
L’affirmative ne nous parait plus contestable sous l’em
pire de la loi nouvelle, si l’on admet la validité du contrat
en vertu duquel l’hypothèque a été consentie au créditant.
125. — Or, cette validité est aujourd’hui reconnue
par tous. On ne discute plus que sur la date de l’hypo
thèque que les uns soutiennent exister légalement du jour
de l’acte et que les autres subordonnent à la réalisation
du paiement.
126. — Malgré tout le respect que mérité l’immense
savoir de M. Troplong , nous ne saurions adopter celte
dernière opinion qui est la sienne ni admettre que le
contrat de crédit repose sur une condition potestative.
Il est de principe que la condition potestative ne crée
aucun lien de droit entre les parties; qu’elle vicie la con
vention d’une nullité radicale qui peut être invoqué au
tant par le créancier que par le débiteur.
o
Des hypoth.,
t . 2, n ° 4 7 8 ,
�218
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Cet effet peut-il se réaliser dans le contrat de crédit ?
Le créditant est-il maître de ne pas livrer les sommes
qu’il s’est engagé à fournir ? Nous sommes certain de la
réponse que ferait M. Troplong lui-même. Il faudrait
cependant admettre l’affirmative si la condition était
simplement potestative.
Le banquier qui a crédité est donc obligé dès le mo
ment même qu’il a consenti, mais il ne l’est qu’à condi
tion de l’hypothèque ; il n’a voulu engager une partie de
sa fortune que sous une garantie immobilière ; cette ga
rantie n’est que le corrélatif de l’obligation. La validité
de celle-ci entraîne donc celle de la condition.
A insi, le contrat est parfait par la promesse et par
l’acceptation réciproque. Dès cet instant existe un lien
de droit qui ne se résume pas dans cette proposition :
j’hypothèque si je prends ; mais bien dans cette autre :
je donne hypothèque pour les sommes que vous me
compterez jusqu’à concurrence d’un chiffre déterminé.
Il y a là un véritable engagement conditionnel qui exige
le concours de deux volontés, et dont l’événement est ré
glé par l’article 1179 du Code civil pour le principe, et
par l’article 2132 pour l’inscription.
L’opinion de M. Troplong , tout en reconnaissant la
validité du contrat, lui refuserait toute exécution. En effet,
si l’hypothèque ne naît qu’au fur et à mesure des paie
ments il faudra, comme l’observe M. Dalloz \ pour qu’
elle existe à cette date, constater la délivrance des deniers
par de nouveaux actes notariés et requérir chaque fois
de nouvelles inscriptions qui seront rayées ou renouvel Diction, gêner., v» hypoth. couvent., n° 136.
�art.
446, 447, 448.
Î1 9
lées autant de fois qu’il y avait des rentrées ou des sor
ties de caisse, ce qui serait impraticable.
Il ne faut pas d’ailleurs perdre de vue que le crédit
constitue , commercialement parlant, une valeur réelle
qui est fournie au moment de l’acte. Ce n’est pas la pro
messe d’un prêt à venir ; c’est un prêt véritable actuel
lement exigible qui est contracté. Le crédité peut s’en
servir immédiatement, sans même avoir besoin de s’en
tendre ultérieurement avec le créditant. L’hypothèque
qui en résulte doit donc être maintenue à la date de son
inscription si celle-ci est elle-même régulière.
A ces raisons de droit consacrées par une jurispru
dence imposante ï, professées par des auteurs graves2,
on pourrait joindre des considérations puissantes.
L’intérêt du commerce est directement engagé à l’issue
de ces questions. L’ouverture des crédits par hypothèque
est un moyen d’attirer dans la circulation des capitaux
importants qui viennent ainsi au secours de l’industrie et
font face à ses besoins. Un prêt ordinaire , s’il dépasse
les exigences du moment devient ruineux par l’intérêt
qu’il impose et par le défaut d’emploi de l’excédant.
D’ailleurs, pourra-t-on toujours le contracter d’une ma
nière opportune? L’occasion qui en a inspiré la pen
sée ou créé le besoin ne sera-t-elle pas cent fois écoulée
avant que les obstacles que l’on rencontre en pareille
matière soient tous levés ? On ne doit donc pas priver
1 Outre l ’arrêt de Caen confirmé par la cour de cassation le 6 janvier
1814, voyez arrêts de la cour de cassation du .10 août 1832 , de Bourges
du 11 juin 1839; D. P., 51, 1, 303 ; 40, 2, 199.
1 Grenier, t 1, p. 26
sect. 2, § 3, n° 2.
Pardessus, t. 4, p. 314
■v
Favart, v° h ypot.,
�220
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
le commerce d’une ressource aussi précieuse que celle
des crédits, dont la disposition reste à la convenance de
celui qui l’a obtenue. Or, ce serait l’anéantir que de
porter la moindre atteinte à l’hypothèque sous la foi de
laquelle elle a été admise.
D’autre part, la publicité de l’hypothèque prévient tout
danger de fraude vis-à-vis des tiers. Chacun sera.averti
de la position réelle du débiteur avec lequel on pourra
refuser de traiter, si son avoir indépendant de l’hypo
thèque ne présenie pas de garanties suffisantes.
Il résulta de ce qui précède que toutes les sommes
payées par suite d’un crédit seront garanties par l’hy
pothèque à la date de l’inscription, y compris celles qui
l’auraient été depuis la cessalion'de paiements jusqu’au
jugement déclaratif et dans les dix jours qui ont précédé
cette cessation. Le seul droit qu’aurait la masse serait de
contester la bonne foi de ces paiements et de faire an
nuler ceux qu’elle prouverait avoir été faits malgré la
connaissance de la déconfiture du crédité.
127.
— La dérogation à la législation précédente
sur la constitution de l’hypothèque, consacrée par la loi
actuelle , en nécessitait une pour ce qui concerne l’ins
cription. L’acquisition du droit étant licite , les consé
quences du droit précédemment acqqis ne pouvaient être
proscrites sans blesser le bon sens et la logique. ,
L’article 443 du Code de commerce ancien n’était que
la reproduction du principe consacré par la disposition
de l’article 2146 du Code civil, fondé lui-même sur l’ar
ticle 5 de la loi du 11 brumaire an VII, qui fixait à dix
jours le délai dans lequel, en cas de faillite, les inscrip-
�ART. 4 4 6 ,
447,
448.
221
tions ne conféraient point d’hypothèque. De l’ensemble
de ces dispositions on avait conclu que le créancier dont
le titre était antérieur à ces dix jours avant la faillite,
mais qui n’avait inscrit que pendant leur cours, n’était
qu’un simple créancier chirographaire.
Quelque logique que paraisse cette déduction, elle n’a
vait pas empêché la controverse de s’établir. Mais la ju
risprudence s’était prononcée pour le principe qu’elle ad
mettait et qui était enseigné par desavants jurisconsultes.1
Quant aux privilèges, on avait généralement admis
une distinction : ou ils dérivaient uniquement de la loi,
ou ils résultaient de la convention des parties. On ne
validait l’inscription que pour les premiers. Il en était
de même pour les hypothèques légales.
Aujourd’hui , toutes ces controverses et distinctions
sont tombées devant la disposition précise du Code nou
veau. Tous privilèges, toutes hypothèques , valablement
acquis soit avant soit après la cessation de paiements,
pourront être inscrits jusqu’au jugement déclaratif. La
seule condition imposée par le législateur c’est qu’entre
l’acquisition du droit et son inscription il ne se soit pas
écoulé plus de quinze jours.
128. — Pour se bien pénétrer du motif qui a fait
admettre cette restriction il faut consulter la discussion
à la suite de laquelle elle fut adoptée ; on appréciera
ainsi avec certitude la volonté du législateur.
Le principal caractère de l’hypothèque est la publicité.
C’est par elle que les tiers sont avertis de la position de
1Voy. Locré,‘ sur l’article 443
p. 333.
hypoth.,
Pardessus, n» 4<36 ; — Dalloz, v«
�222
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
fortune de celui qui vient solliciter leur confiance et leur
proposer des relations d’intérêt. Il importe donc que celui
qui pour des relations pareilles a déjà obtenu une hypo
thèque, la fasse promptement inscrire pour mettre chacun
en demeure de s’assurer de la solvabilité réelle du débiteur.
Mais un emprunt hypothécaire est tellement contraire
aux usages commerciaux que celui qui le contracte pour
rait craindre devoir la confiance s’éloigner de lui. Il est
en conséquence intéressé à en dérober le plus longtemps
possible la connaissance au public ; ce qui lui permet
de jouir des avantages qu’il rencontre dans les capitaux
qu’il se procure par cet emprunt sans en subir les in
convénients.
Il faut pour cela sauver les apparences. En consé
quence, l’on convient que l’hypothèque ne sera pas ins
crite. Content de l’avoir obtenue le créancier garde par
devers lui son titre, de telle sorte qu’aux yeux du com
merce le débiteur paraît avoir l’entière et libre propriété
de ses biens , malgré qu’en réalité il ne l’ait plus. La
gêne arrivant l’inscription est effectuée, et les créanciers
trompés par cette manœuvre déloyale voient, au moment
de la faillite, les garanties sous la foi desquelles ils ont
traité disparaître et leur échapper en entier.
C’est ce concert qui se réalise dans bien des cas, au
dire des hommes spéciaux qui siègent dans notre législa
ture, que la loi a voulu atteindre et punir en permettant
aux jugesd’annuler les inscriptions tardivement requises,
11 est évident, en effet, comme on le disait dans la dis
cussion, que si par connivence avec le débiteur qui crai
gnait d’éveiller la défiance des autres créanciers ou par
�art.
446, 447, 448.
223
une impardonnable imprudence le porteur du titre hy
pothécaire a gardé ce titre dans son bureau et l’a fait in
scrire seulement au moment de la faillite , il a par son
inaction trompé les tiers de bonne foi et induit en erreur
les autres créanciers, en sera-t-il récompensé par le
maintien de son hypothèque ?
L’affirmative eût consacré un abus révoltant. Autant
il était injuste d’annuler l’inscription de celui qui a fait
tout ce qui dépendait de lui pour vivifier son titre , qui
a mis toute la diligence possible à en requérir l’inscrip
tion , autant la moindre faveur pour celui qui n’a fait
ni l’un ni l’autre blesserait l’équité. Celui-ci a sciemment
ou involontairement concouru à tromper le public , à
attirer dans un piège d’autres créanciers; il est donc
coupable de dol ou d’une faute grave , et dans l’un ou
dans l’autre cas ce n ’est pas le punir trop fortement
que de le réduire au rang de ceux-ci.
On comprend par ce qui précède le véritable sens des
expressions de l’article 448 , “
p ourront être déclarées
miles, etc.. . . Toutes les fois que le créancier prouvera
que le défaut d’inscription dans la quinzaine du titre
n’est dû ni à la connivence ni à la négligence, qu’il est
seulement le résultat de la force majeure , de circons
tances fortuites, on pourra maintenir l’inscription. C’est
la fraude ou la faute qu’on doit punir, et non l’impos
sibilité d’agir. Mais l’imprudence, la négligence et à plus
forte raison la collusion avec le débiteur une fois prou
vées l’inscription doit être annulée.
129.
— La faculté d’inscrire dans la quinzaine du
titre s’applique aux hypothèques pour dettes antérieures,
\
�§24
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
comme à celles pour dettes nouvelles, aux titres judiciai
res, comme aux titres conventionnels,avec cette différence
cependant que le titre pour dettes antérieures doit être
consenti et le jugement pour l’hypothèque judiciaire ob
tenu avant la cessation de paiements et les dix jours qui
l’ont précédée. S’il en était autrement l’un et l’autre
tomberaient sous l’application de l’article 446, et l’ins
cription serait d’autant plus nulle que le droit au fond
est lui-même invalide. Il faut donc nécessairement, dans
l’application de l’article 448, ne pas l’isoler des disposi
tions précédentes avec lesquelles on doit le combiner.
1 3 0 . — Le délai de quinze jours accordé par l’article
448 est franc en faveur de tous les créanciers. Un titre
hypothécaire peut être consenti dans un lieu fort éloigné
de celui où l’inscription doit se faire ; ce qui, si le délai
avait été uniforme , aurait pu déterminer la déchéance
contre le créancier que cet éloignement seul a empêché
d’inscrire. La dernière disposition de l’article 448 a pour
but de remédier à cet inconvénient:
1
3
1
. - Ainsi se trouvent tranchées toutes les diffi
cultés qu’avait fait naître l’ancien article 443 soit quant
aux hypothèques conventionnelles, judiciaires ou légales,
soit quant aux privilèges dérivant de la loi ou de la vo
lonté des parties. A la prohibition générale de toute ins
cription la loi nouvelle a substitué une règle contraire en
validant celles prises dans la quinzaine du litrequel qu’il
soit, ce qui laisse d’ailleurs les hypothèques légales dis
pensées d’inscription à l’empire des principes qui doivent
les régir exclusivement. Un seul point est à retenir de
la jurisprudence ancienne : c’est que le renouvellement
�ART.
446, 447, 448.
225
des inscriptions déjà existantes peut être réalisé à quel
que époque que ce so it1, Le renouvellement ne confé
rant aucuns droits nouveaux, puisqu’il se borne à conser
ver ceux antérieurement acquis , aucune idée de fraude
ni de préjudice ne saurait s'attacher à son exécution.
432. — Nous terminerons nos observations sur cette
matière en faisant remarquer que tout ce que nous avons
dit de la constitution de l’hypothèque reçoit, par parité
de motifs, une application nécessaire aux privilèges, aux
nantissements , aux droits d’anlichrése. Tous ces droits
ayant une même origine, un but commun, sont passibles
des mêmes exceptions et régis par les mêmes principes.
La seule difficulté sérieuse qui ait surgi à ce sujet a
été la question de savoir si le privilège du gagiste régu
lièrement concédé affecte , en cas de substitution d’une
chose à une autre, la chose nouvellement donnée, alors
que la substitution n’a été opérée qu’après l’époque de la
cessation de paiements ou dans les dix jours qui l’ont
précédée.
Amené à examiner en principe , et abstraction faite
de l’état de faillite, si le commissionnaire qui s’est des
saisi de la chose qu’il avait reçue en gage en l’échan
geant contre une autre avait conservé Son privilège de
gagiste , nous nous sommes prononcé pour la négative.
Nous avons pensé, avec la cour de Rouen, que la resti
tution de la chose primitivement engagée entraînait Ja
renonciation au privilège ; que peu importait que la re
mise d’une autre chose eût été la condition de cette rest Troplong, D m hypothèques, t. 3, p. 46.
I « - 45
�£26
DBS FAILLITES ET BANQUEROUTES
litulion ; que celle remise constituait un gage nouveau
dont la validité était subordonnée à l’accomplissement
des formalités prescrites par l’article 2074 du Code civil;
qu’en fait il ne pouvait pas être que les avances eussent
été réalisées sur la chose nouvellement remise; qu’en
droit un privilège ne peut être créé que par une loi ex
presse , et que la convention des parties est impuissante
pour le faire résulter d’un fait auquel la loi ne l’a pas
attaché
Devrait-on le décider ainsi depuis la loi du 29 mai
4863 ? A notre avis , cette loi a bien modifié et singu
lièrement élargi le système de preuve de l’existence du
gage, mais elle n’a rien changé à celui qui subordon
nait l’effet du privilège à la possession permanente de
la chose donnée en gage. Le nouvel article 92 le con
firme mêin? très-expressément en disposant que dans
tous les cas le ‘p rivilège ne subsiste sur le gage qu'au
tant que ce gage a été et e s t r e s t é en la pos
session du créancier ou d'un tiers convenu entre les
parties.
Pourrait-il en être autrement au regard de la masse
d’un débiteur failli poursuivant la nullité de la substi
tution pour n’avoir été opérée que depuis la cessation
de paiements ou dans les dix jours qui l’ont précédée?
O u i, à notre avis , et par une supériorité de raison
incontestable. C’est en matière de faillite surtout qu’on
doit se montrer sévère dans l’admission des privilèges
blessant l’égalité absolue qui doit régner entre tous les
1 Notre
C o m m e n ta ire d u t i t r e d e t c o m m is s io n n a ir e s ,
n« 230 et 231.
�art.
446, 447,
448.
227
créanciers. Or , si en thèse ordinaire celui du gagiste
n’existe que si le gage a été mis et © s t r e s t é en
la possession du créancier , la dispense de celte condi
tion ne saurait se concevoir en cas de faillite du débi
teur. Or , cette condition n’existe pas si à une époque
quelconque le créancier s’est dessaisi du gage , la pos
session permanente, continue exigée par la loi ayant été
interrompue , la perte du privilège a été la conséquence
directe, forcée de celte interruption.
Il importe peu qu’en restituant ce qu’il avait le créan
cier ait reçu une autre chose. La dation de celle-ci est en
réalité un gage nouveau, devant produire tous ses effets,
mais à la condition qu’il y avait capacité chez le débi
teur de le concéder , chez le créancier de le recevoir.
Or, cette double capacité comment l’admettre sans violer
ouvertement l’article 446 du Code de commerce , si la
substitution s’est opérée après la cessation de paiements
ou dans les dix jours antérieurs ?
Nous n’admettons que le créancier ne peut se des
saisir sans perdre le privilège que dans un seul c a s , à
savoir : si la chose passe de chez lui dans les mains d’un
tiers qui les tient à sa disposition. Dans celle hypothèse
en effet si la chose a été déplacée la possession n ’a pas
cessé , celle du tiers étant la continuation de celle du
créancier et en produisant tous les effets aux termes du
nouvel article 92 du Code de commerce.
Nous avouons avec le plus profond regret que nous
nous trouvons en contradiction avec la cour d’Aix d’a
bord , avec la cour de cassation ensuite. En effet elles
ont jugé, la première le 17 janvier 1866, la seconde le
�828
DEà FAILLITES ET BANQUEROUTES
43 août 1867, que: « L’article 446 qui déclare nuis
r> dans l’intérêt de la masse les nantissements consentis
» par le failli pour dettes antérieures dans les dix jours
» qui ont précédé la cessation de paiements, est inap» plicable à la simple substitution faite sans fraude
» d’un gage nouveau et de même valeur à un ancien
» gage encore subsistant.1 »
Ce qui frappe dans ces deux monuments c’est la di
vergence sur la date de la substitution. L’arrêt d’Aix la
place au 20 ou au 26 mai 4S65; celui de la cour de
cassation au 20 juin. Cette différence est capitale. En
effet le jugement déclaratif faisait remonter la cessation
de paiements au 19 juin. Dès lors si la substitution s’é
tait opérée le 20 ou le 26 mai, elle ne se plaçait ni dans
une époque postérieure à la cessation de paiements, ni
dans les dix jours qui l’avaient précédée.
Aussi dans son dernier motif l’arrêt d’Aix déclare
que : « La faillite de Ch. Rostand et Ci0 n’ayant été
» fixée qu’au 19 juin, rien ne prohibait au Crédit agri» colede recevoir, le 20 mai, un nantissement nouveau
» et pour une créance qui aurait été à découvert, puis» que, à celte date, Ch. Rostand et Ci0 jouissaient sur
» la place de Marseille de tout leur crédit. »
Mais alors comment se fait-il qu’un créancier et que
les syndics de la faillite aient attaqué l’opération au
point de vue de l’article 446 ? Comment expliquer qu’ils
se soient pourvus en cassation pour violation de ce mê
me article ?
9
.............
1 J. du P., 4867, p 8 6 4 4 8 6 8 , p. 64
t
�ART.
446, 447, 448.
229
Quoiqu’il en soit, il paraît que ce rapprochement des
dates avait exercé une telle influence sur la cour d’Aix,
qu’elle se borne à poser en principe ce qui était en dis
cussion. « Attendu, —dit-elle,—que la substitution d’un
» gage nouveau à un gage ancien et encore subsistant
» n’a rien d’illicite, et ne saurait tomber sous l’appli» cation de l’article 446. » Pourquoi en doit-il être
ainsi; c’est ce que l’arrêt néglige de nous apprendre.
La cour de cassation fixant la date de la substitution
au 20 juin, c’est-à-dire à la veille même de la faillite
en prononce la validité.
« Attendu que si énergique que soit la protection ac» cordée à la masse par l’article 446, elle ne peut aller
» jusqu’à lui permettre de s’enrichir aux dépens d’au » trui ; qu’ainsi, en prononçant la nullité des nantisse» menls constitués pour dettes antérieures, cet article
» reconnaît la validité de ceux qui seraient consentis
» pour dette nouvelle , parce qu’il serait inique que la
» masse profilât des valeurs remises au débiteur en s’af» franchissant de la convention sous laquelle ces re» mises avaient été faites ;
» Attendu que la substitution d’un gage à un autre,
» accomplie dans les circonstances de fait que l’arrêt
» constate exister dans la cause actuelle, ne cause évi» demment aucun préjudice à la masse , à laquelle il
» est indifférent que le privilège s’exerce sur une chose
» ou sur une autre de valeur équivalente; que d’un
» autre côté ces substitutions peuvent être souvent très» utiles au crédit des commercants en leur prermeüant
» de retirer un gage dont ils pouvaient avoir un place-
�230
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
» ment avantageux en lui substituant une chose de
» même valeur, d’une réalisation actuellement moins
» avantageuse, »
O ui, enlever le profit du gage à celui qui n’a prêté
et livré son argent que sous la garantie que ce gage
lui offrait, serait une iniquité que l’article 446 n’a ni
consacrée, ni pu ni dû consacrer. On ne saurait donc
se prévaloir de sa disposition lorsque n’ayant pas cessé
d’être en possession de la chose engagée le créancier ré
clamera l’effet de son privilège.
Mais comment l’admettre ainsi en cas de substitution
d’une chose à une autre ? Au moment où elle s’opère le
créancier ne donne rien. Sa créance existe depuis plus
ou moins longtemps. Donc le gage nouveau a bien pour
objet de couvrir une dette antérieurement contractée.
Qu’importe qu’à l’origine il n’ait traité que sous la
condition de recevoir un gage ? Il n’a dépendu que de
lui d’assurer l’effet de cette condition. Il n’avait qu’à
obéir à la loi et qu’à rester en possession de la chose
qu’il avait reçue à ce titre. S’il s’en est dessaisi, s’il a
ainsi contrevenu à l’obligation que lui faisait si expres
sément la loi, il n’est victime que de sa propre impru
dence, et ne saurait ni se plaindre, ni trouver mauvais
qu’on lui en impute la responsabilité. Volenti non fil
injuria.
Si, en droit, le privilège du gagiste ne peut s’exercer
que sur la chose même qui a fait la matière du gage,
on ne saurait permettre cet exercice lorsque le créancier
est dans l’impuissance de représenter cette chose, lors
qu’il n’en possède qu’une autre. On doit d’autant moins
�ÀHT. 446, 447, 448.
231
le permettre que le privilège nuit essentiellement aux
tiers qui doivent en subir l’effet ; que conséquemment
on ne saurait méconnaître le d ro it, pour ces tiers , de
subordonner cet effet à l’observation rigoureuse des con
ditions exigées parla loi.
Mais, objecte l’arrêt , la substitution d’un gage à un
autre ne cause aucun préjudice à la masse l
Qui sait ? au moment de la substitution la chose sub
stituée et celle que le débiteur reprend peuvent être d’u
ne valeur équivalente. En sera l-il de même au moment
du règlement et du paiement? Les chances du commerce
sonL bien variables. N’arrivera-t-il pas que par le ré
sultat de ces chances la chose primitivement remise aura
diminué plus ou moins considérablement, tandis que
celle qui lui a été substituée aura renchéri dans les mê
mes proportions ? Dans ce cas la vente de l’une eût lais
sée en dehors du privilège une partie de la créance, que
la vente de l’autre éteindra intégralement. Ne sera-ce
pas là un préjudice réel pour la masse?
L’arrêt ajoute que ces substitutions peuvent être trèsut'.les aux commerçants en leur permettant de retirer
une chose qu’ils placeront d'une manière avantageuse
en échange d’une autre d’une réalisation plus difficile
et moins favorable.
C’est-à-dire que le débiteur pourra au gré de son in
térêt ou de son caprice disposer de la chose remise en
gage. Mais celte remise n’a-l-elle pas pour effet immé
diat et direct d’aliéner ce droit de disposition? Donc,
en le faisant revivre on relire au contrat son élément le
plus essenlieL
�232
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Que ce résultat puisse être utile au crédit du débiteur,
l’aura-t-on sauvé du naufrage? Non, évidemment, car
il n’en a pas moins fait faillite , et la question ne peut
naître que dans ce cas. La substitution aura donc pro
longé dans une mesure quelconque l’existence commer
ciale du débiteur, c’est-à-dire l’aura mis en mesure de
faire de nouvelles et nombreuses victimes. Contesterat-on à celles-ci le droit de soutenir que la substitution
leur a été préjudiciable, que sans son secours la faillite
éclatant plutôt elles y seraient demeurées étrangères?
Faudra-t-il qu’à ce préjudice se joigne celui de voir
l’auteur de celte substitution se soustraire au sort com
mun, au bénéflce de son privilège.
Au demeurant ce sont là de pures considérations, et
ce n’est pas par le sentiment que se résolvent les ques
tions de droit, surtout en ce qui concerne les privilèges
dont l’effet lèse l’intérêt des tiers, étrangers au contrat,
auxquels on ne saurait dès lors les opposer que dans
les cas et aux conditions expressément prévus par la
loi. O r, celui du créancier gagiste n’est par elle sanc
tionné que si le gage a été mis et est resté en posses
sion du créancier. Or, la substitution a fait cesser cette
possession quant à la chose primitivement engagée; elle
a donc anéanti la condition sans laquelle il n’y a pas
de privilège. Le gage susbtitué s’il a été donné en temps
suspect ne saurait sortir à effet; le créancier a perdu
tout droit sur la chose rendue et n’en a acquis aucun
sur celle qui lui a été substituée. La cour de cassation
l’admet ainsi lorsqu’un intervalle quelconque sépare
�àrt.
446, 4 4 7 , 4 4 8 .
833
la restitution du gage ancien de la remise du gage nou
veau ’.
Il est évident que dans tous les cas on devrait le dé
cider ainsi ; mais il n’y a là , à notre avis, qu’une su
périorité de raison qui n'affaiblit en rien notre doc
trine.
1 3 2 bis. — La nullité dont nos articles frappent les
actes fais dans les conditions qu’ils indiquent n'étant
prononcée qu’en faveur de la masse taxalivement, on a
voulu en conclure que l’action n’appartient qu’aux re
présentants de cette masse exclusivement, c’est-à-dire
aux syndics. On a donc soutenu qu’elle ne pouvait être
ni intentée ni suivie par les créanciers agissant person
nellement et en leur
nom.
/
Mais cette prétention a été écartée et devait l’être. Le
Code de commerce dans ses articles 444 et suivants n’a
ni dérogé ni entendu déroger à là règle que l’intérêt est
la mesure des actions, ni au principe consacré par l’ar
ticle 1167 du Code civil, aux termes duquel les créan
ciers peuvent en leur nom personnel attaquer les actes
faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.
O r, il est évident que toutes les fois que , dans une
faillite , un créancier poursuit la nullité d’une créance
comme simulée et frauduleuse , son action tombe sous
l'égide de l’article 1167. L’intérêt qu’il a à cette annu
lation est incontestable. Sans doute la masse profitera
du jugement, mais en diminuant le nombre des ayants ’
droit à la distribution de l’actif et en élevant ainsi la
■ 1 C a ssa tio n
iinar$ 1 8 6 $ ; -— J . d n P . , 1 8 6 8 , p 5 3 4 ,
�234
DES FAILL1TÊS ET BANQUEROUTES
proportion de ce qui reviendra à chaque créancier. Ce
lui qui aura obtenu le jugement en retirera personnelle
ment un avantage certain.
Comment d’ailleurs concilier la fin de non recevoir
qu’on voudrait opposer aux créanciers personnellement,
avec la disposition de l’article 494 du Code de com
merce. Est-ce pour lui interdire le droit de poursuivre
devant les tribunaux la contestation par lui élevée que
cet article accorde à tout créancier vérifié ou porté au
bilan la faculté de contredire aux vérifications faites ou
à faire ?
Dira-t-on que pour la suite à donner à ces contredits
la loi s’en remet aux syndics libres d’agir ou de s’abs
tenir? Mais en permettant de contester les vérifications
faites l’article 494 a d’avance ruiné cet argument. En
effet les syndics qui auraient vérifié et admis une cré
ance seraient absolument irrecevables à la contester dé
sormais. Il faudrait donc maintenir celle créance au
passif fût-elle cent fois simulée et frauduleuse, si on re
fusait au contestant le droit et le pouvoir d’en appeler
à la décision des tribunaux.
Où serait d’ailleurs la raison de ce refus ? Si le cré
ancier poursuivant gagne le procès , la masse en profi
tera ; s’il le perd , il supportera seul les dépens. La
masse a donc tout à gagner et rien à perdre. On mécon
naîtrait donc son véritable intérêt, si l’on empêchait les
créanciers de poursuivre personnellement et en leur
nom l’annulation d’une créance qui leur parait fraudu
leuse et simulée.
La cour de Paris ayant, le 20 février 1866, repoussé
�ART. 4 4 6 ,
447,
448.
835
la fin de non recevoir opposée au créancier , son arrêt
avait été déféré à la cour de cassation. On lui repro
chait d’avoir violé et faussement appliqué les articles
443, 446, 447, 494 du Code de commerce , 1166 et
1167 du Code civil, en ce qu’il avait annulé une obli
gation d’un an antérieure à la suspension des paiements
du débiteur ; et d'avoir prononcé cette annulation d’une
manière absolue et dans l’intérêt de la masse, bien que
la demande en nullité n’eût été formée que par deux
créanciers de la faillite et non par le syndic.
Mais par arrêt du 13 novembre 1867 la cour suprê
me donnant sa haute sanction à l’arrêt de Paris rejette
le pourvoil.
Tenons donc pour certain que chaque créancier de la
faillite est recevable et fondé non-seulement à contester
une créance qu’il prétend être simulée et frauduleuse,
mais encore à en poursuivre personnellement en son
nom l’annulatioû et à en faire prononcer le rejet du
passif.
Nous croyons toutefois que le créancier poursuivant
doit mettre en cause le syndic qui est ainsi mis en de
meure d’agir au nom et dans l’intérêt de la masse. Mais
c’est là un devoir plutôt de convenance que d’obliga
tion , et dont l’oubli n’avait paru ni à la cour de Paris
ni à la cour de cassation devoir faire repousser la de
mande.
L’arrêt de la cour de cassation doit d’autant plus être
remarqué qu’il revient sur la jurisprudence que la cour
#
»
1J du P., 1868, p. 273.
• f
�2.36
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
avait consacrée jusque là. En effet elle jugeait, le 9 avril
1829, que les créanciers d’une faillite sont sans qualité
pour attaquer en leur nom personnel, même comme
entachés de fraude, les actes faits par le failli.
Le 18 février 1863 elle cassait un arrêt de la cour
de Toulouse qui par application de l’article 494 du Code
de commerce avait consacré le contraire. Cette espèce avait cela de remarquable que l’action en justice avait
été intentée par le créancier contesté ; que celui-ci avait
appelé dans l’instance non-seulement les créanciers con
testants, mais encore le syndic; que ceux-ci avaient for
mé une demande reconvenlionnelle qui avait pour objet
le versement d’une somme de 37,500 fr. due par le
créancier contesté en qualité d’associé commanditaire.
Cette demande ayant été repoussée , ses auteurs avaient émis appel sans intimer le syndic qui avait été
partie au jugement. Or, le bénéfice du rejet acquis con
tre le syndic ne l’élait-il pas contre la masse, et pouvaitil être que des membres de cette masse vinssent le re
mettre en question ?
La cour de Toulouse s’était prononcée pour l’afTirmative et avait accueillie l’action des créanciers, « attendu
» que la demande était fondée sur les articles 1 1 €6 et
» 1167 du Code civil ; qu’elle était d’autant plus régu» lière qu’elle avait été produite reconventionnellement,
» et qu’elle était conforme à l'équité puisqu’elle avait
» pour but d’augmenter l’actif de la faillite. »
La cour de Toulouse donnait donc à sa décision le
caractère d’arrêt d’espèce, et ce caractère était même in
voqué par le pourvoi. « Vainement, — disait-on, —
�art.
446, 447, 448.
237
i> l’arrêt attaqué objecte-t-il que dans l’espèce les cré» anciers empruntaient leur droit d’action à la dispo» silion de l’article 494 du Code de commerce, car cet
» article confère bien à chaque créancier le pouvoir de
» fournir des contredits aux vériflcations des créances,
» mais ne leur donne pas le droit d’introduire une ins» tance judiciaire étrangère , comme dans l’espèce , à
» toute vérification de créance,et relative au paiement de
» sommes dont un tiers serait débiteur envers la faillite.
» Qu’importe que les défendeurs à la cassation eussent
» élevé des contredits à l’occasion desquels leur action a
» été reconventionnellement exercée? De ce qu’ils ont
» contredit une créance , il ne suit pas qu’ils aient eu
» le droit de former une demande autre qu’un conlre» dit. Ce qu’ils n’auraient pu faire par action principale,
» ils n’avaient pas le droit de le faire à titre de demande
» reconventionnelle. La fin de non recevoir devait d’au» tant plus être accueillie que l’on procédait par voie
» d’appel d’un jugement qui avait rejeté l’action en
» présence du syndic, et que le syndic n’avait point at» laqué ce jugement. »
Le pourvoi reconnaissait donc que le créancier qui a
contredit une créance est recevable à poursuivre la con
sécration de ce contredit. Mais la cour de cassation ne
l’admet pas ainsi. En effet , après avoir rappelé dans
ses motifs que le syndic représente seul la masse , et a
seul qualité pour exercer les actions qui l’intéressent,
son arrêt ajoute : « Que si comme on le prétend il y
» est dérogé par l’article 494 du Code de commerce
» qui autorise tout créancier vérifié ou porté au bilan
�23S
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
»
»
»
»
»
»
»
»
»
à assister à la vérification des créances'et à fournir
des contredits à leur vérification , cette dérogation
doit être restriclivement limitée au fait unique et exclusif de la vérification des créances devant le jugecommissaire, sans que l’on puisse en étendre les effets
aux instances judiciaires quelles qu’elles soient, même
à celles qui procéderaient des contredits des créanciers pour lesquelles le syndic doit être maintenu dans
la plénitude de ses droits .1 »
La cour de cassation ne nous a pas habitué à cette
étroitesse de vue dans l’interprétation de la loi. Sa doc
trine en effet arrive , ainsi que le fait remarquer le sa
vant M. Rodière, à dire à la" masse qu'il est de son in
térêt qu'elle ne s’enrichisse point, qu’il est de son inté
rêt , dès que le syndic ne l’a pas demandé , qu'elle ne
reçoive point, par exemple (c'était le cas de l'espèce),
37,500 fr. montant d’une commandite due au failli.
Induire une pareille conséquence de l'article 494 du
Code de commerce , c’est le comprendre et l’appliquer
d’une façon qui jure quelque peu avec la pensée de pro
tection qui a inspiré le législateur pour ce qui concerne
la masse. Nous n’hésitons pas h dire avec M. Rodière,
que pouvoir fournir des contredits c’est évidemment
pouvoir les soutenir et pouvoir les soutenir devant
tous les degrés de juridiction bien que le syndic se
taise ; et nous admettons comme lui que si on ne doit
jamais autoriser les créanciers à faire individuelle
ment quoi que ce soit qui puisse nuire à la masse, on
1 J. du P., 4863, p. 337.
\
�.1
ART.
446, 447, 448.
239
ne saurait les empêcher de faire tout ce qui a pour but
de procurer un avantage à celle masse , sans pouvoir
lui causer, quoi qu'il arrive, aucun préjudice.
Il élait impossible que la cour de cassation ne finît
pas par le penser a in si, et c’est ce retour que consacre
son arrêt du 13 novembre 1867.
A rt.
449.
Dan» le cas où des lettres de change au raie n t été
payées après l’époque fixée comme étant celle de la
cessatiou de paiem ents et avant le ju gem en t dé
claratif de fa illit e , l’action en ra p p o rt ne p o u rra
être intentée que contre celui p o u r compte duquel
la lettre de change a u ra été fo u rn ie .
S’il s’a g it d ’un b ille t à o rd re , l ’action ne p o u rra
être exercée que contre le p re m ie r en dosseur.
Dans l’un et l ’au tre cas, la preuve que celui à qui
on demande le ra p p o rt avait connaissance de la
cessation de paiem ents à l ’époque de l ’ém ission
du titre devra être fournie.
'
.
SOMMAIRE
133. Le tiers porteur de bonne foi devait par sa position être
dispensé de l’obligation de rapporter.
134. Conséquences de cette obligation par rapport au titre , par
rapport aux tiers porteurs eux-mêmes.
133. Le tiers porteur doit être considéré comme le mandataire
du premier porteur. Conséquences.
136 Le tiers porteur est déchu du bénéfice de l’article 4i9 s ’il
accepte le paiement par l ’un des modes proscrits par
l'article 446 ;
137. Ou un paiement anticipé.
138. Le rapport ne peut être réclamè,sila dette élait échue et si le
paiement régulier a été opéré avant la cessation réelle.
139. A quelle époque devra-t-on prouver la mauvaise foi du pre
mier porteur si le paiement a été fait après la cessation ?
�840
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
140.
Le tiers porteur serait-il obligé au rapport si son interven
tion avait été frauduleusement concertée avec le premier
porteur ?
4 40 bis. Divergence sur l ’interprétation de l’article449.Opinions
qui se sont produites.
440tor. Appréciation.
440 quatuor. Jurisprudence.
440‘tuinto. L’article 449 est inapplicable lorsque le billet i ordre
n'ayant pas été négocié, a été payé à l’échéance au
preneur par le souscripteur.
1 5 3 . — La disposition de cet article est une consé
quence de la position des tiers porteurs relativement aux
effets commerciaux. Celui qui accepte une négociation
n ’est pas obligé de s’enquérir des motifs qui font agir
celui qui la propose, et dont la solvabilité est souvent ce
qui décide le traité. Il est donc certain que s’il y a lieu
à rapporter à la masse une somme qui en a été mal à
propos distraite , ce rapport doit être effectué par celui
qui en a profité et qui a seul traité avec le failli.
134.
— Le tiers porteur qui n’a jamais eu aucune
relation avec celui-ci, ne saurait non plus être recherché
à raison du paiement de la traite qui lui a été cédée. Ce
paiement n’est pour lui qu’une restitution de ee qu’il avait réellement donné lui-même. Il y aurait injustice à le
punir pour un acte aussi légitime que celui d’avoir ac
cepté son remboursement de la part du véritable obligé.
On n’aurait pu le faire, d’ailleurs, sans altérer le crédit
qui s’attache à la lettre de change ou au billet à ordre.
Ces titres sont une sorte de monnaie qu’il importe de
conserver dans toute sa valeur. A l’échéance, les porteurs
sont dans la nécessité de recevoir leur paiement ou de
�ART.
449.
241
faire constater le refus par un protêt. Si ce paiement est
effectué, le protêt ne peut pas être fait, et sans ce protêt
point de recours contre les endosseursl.
La nécessité de rapporter, si elle leur était imposée,
dépouillerait donc les tiers porteurs des valeurs qu’ils ont
reçues et leur enlèverait tout recours contre leur cédant.
On comprend dès lors que la circulation des lettres de
change serait difficile. On exigerait au moins des garan
ties contre ce danger toujours menaçant.
135. — D’ailleurs il est certain que le tiers qui a
reçu a plutôt agi dans l’intérêt de son cédant, dans celui
du premier porteur de l’effet, que dans le sien propre.
Le refus de paiement constaté par un protêt amenait
jusqu’à celui-ci l’obligation de désintéresser les autres
porteurs. C’est donc lui qui a profité du paiement, et en
conséquence il était rationnel de mettre à sa charge le
rapport des sommes payées, s’il y a lieu à les rapporter.
Celui pour compte duquel l’effet a été créé sera donc
seul tenu envers les créanciers ; seul il a traité avec le
failli; seul il en a suivi la foi. Le tiers porteur ne connaît
peut-être pas celui-ci. Tel est en effet l’usage du com
merce, que celui qui consent à une négociation ne fait
le plus souvent confiance qu’à la signature deson cédant.
L’acceptation du paiement, lorsqu’il était opéré à l’éché
ance, était pour lui une nécessité ; il devra donc le con
server , puisqu’il ne pourrait plus recourir contre son
endosseur.
136. — Mais cela n’est vrai que lorsque le tiers pori Rapport d e M . T r ip ie r A la C h a m bre d e s p a ir s.
t — 16
�242
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
leur est de bonne foi ; que le paiement a élé régulière
ment effectué. Les prescriptions de l’article 446 relati
vement au mode dans lequel il doit se réaliser reçoivent
ici leur application. Ainsi, si au lieu d’espèces ou d’effets
de commerce le porteur a accepté des marchandises ou
des objets mobiliers, s’il s’est fait consentir une hypo
thèque ou remettre un gage le rapport l’atteindra per
sonnellement, et c’est à ses propres risques que les ga
ranties acceptées par lui seront annulées.
Les motifs de cette décision résident dans la manière
dont la loi envisage les paiements de cette nature. Ils
constituent une fraude contre les créanciers ; il est donc
rationnel que celui qui s’est rendu coupable de cette
fraude concoure directement à la réparation du préju
dice qui en résulterait.
Il y aurait d’autant plus de nécessité de l’exiger ainsi,
dans notre hypothèse, que la conduite du tiers porteur,
dans cette circonstance , pourrait être plus sévèrement
interprétée que ne le serait celle du créancier direct. On
comprend jusqu’à un certain point que celui-ci tente de
se soustraire à la perte qu’une faillite rend imminente ;
mais le tiers porteur, lorsqu’il a accepté la négociation,
a dû compter et a compté en effet sur le paiement réel
de la traite à l’échéance ; ce paiement il a droit de l’ob
tenir d’abord du débiteur , et a défaut de celui-ci, des
autres signataires sur le protêt qu’il est obligé de faire
dresser. Rien ne l’obligeait à ne pas exercer son recours
lorsqu’au lieu d’espèces on lui offrait des marchandises,
des effets mobiliers ou des garanties quelconques. On ne
peut donc expliquer sa renonciation à ce recours , que
�ART.
449.
243
comme le résultat d’une collusion avec le premier por
teur qu’il a voulu favoriser au préjudice des autres cré
anciers.
De deux choses l’une : ou le tiers dans cette circons
tance n’a été que le prête-nom du premier porteur, pour
faire profiter celui-ci par une voie détournée de ce qu’il
n’aurait pu acquérir directement, et dans ce cas il ne
mérite aucune indulgence ; ou bien il s’est volontaire
ment réduit à être simple créancier du failli, et dans ce
cas on doit lui rendre commune la position des autres
créanciers. Il serait d’autant moins^fondé à se plaindre
qu’il s’est condamné lui-même, qu’il s’est volontairement
réduit à ce rô le, puisqu’au lieu de faire protester faute
de paiement, il a préféré un paiement inusité décélant
l’état de faillite, et en cette double qualité proscrit par la
loi.
137. — Ce que nous disons pour le mode de paie
ment contre le tiers porteur serait admis dans le cas où
il aurait accepté un paiement anticipé. Cela s’induit des
termes mêmes de l’article 449. Cet article ne parle en
effet que des paiements faits après cessation et avant le
jugement déclaratif. Il résulte de là que si ces paiements
avaient eu lieu dans les dix jours qui ont précédé la ces
sation on ne pourrait en demander le rapport. Cette dis
position n’affecte donc que les paiements dont parle
l’article 447, c’est-à-dire ceux régulièrement faits pour
dettes échues ; d’où la conséquence que tous autres paie
ments resteraient uniquement régis par l’article 4 4 6
quant à leur date et au mode de leur réalisation.
138. — Il est donc indispensable, pour que le tiers
�244
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
porteur revendique le bénéfice de l’article 449 : 1* que
le paiement ait été effectué pour dettes échues ; 2 ° qu’il
ait été réalisé en espèces ou effets de commerce. A ces
conditions, les créanciers ne sauraient en demander le
rapport contre personne, s’il a été opéré avant la cessa
tion de paiements , l’eût-il été dans les dix jours qui
l’ont précédée.
Si le paiement régulier est postérieur à la cessation,
les créanciers peuvent le quereller et en demander le
rapport à la masse , mais seulement contre le premier
porteur. Pour le tiers tout est définitivement consommé.
Mais dans tous les cas le rapport est subordonné à la
preuve de la mauvaise foi.
159. — A quelle époque cette mauvaise foi serat-elle exigée ? On ne saurait prétendre que c’est au mo
ment du paiement ; car celui pour le compte duquel
l’effet commercial a été créé ne l’a plus en sa posses
sion. Le paiement s’opère sans son concours et sans qu’il
pût môme s’y opposer. Le dernier acte qui lui est per
sonnel est la transmission qu’il en a consentie en faveur
du tiers ; c’est donc à cet instant qu’il faudra prouver la
mauvaise fo i, c’est-à-dire la connaissance qu’il avait de
la cessation de paiements.
On comprend la portée de cette obligation. Un com
merçant est porteur d’un titre; il sait que le débiteur a
cessé ses paiements ; il prévoit la possibilité d’une ex
ception en ce qui le concerne ; à tout hasard il négocie
son titre, pour couvrir de la faveur due au tiers porteur
un paiement qu’il ne saurait accepter personnellement
sans être obligé de le restituer. Voilà la fraude que la loi
�ÀRT. 419.
a voulu empêcher, car elle aurait pour but d’éluder ses
dispositions et d’acquérir indirectement ce qu’elle prohibe
de faire directement.
Il est de l’essence d’une loi sur les faillites d’être ingé
nieuse dans la supposition de la fraude. C’est au mo
ment d’une déconfiture que chacun tente d’échapper à
ses conséquences. Les créanciers d’un côté , le failli de
l’autre emploient tous les moyens en leur pouvoir sans
s’inquiéter du sort des autres cointéressés. Il faut ce
pendant que dans un malheur commun il y ait pour
tous une chance égale ; et c’est pour arriver à ce résultat
que le législateur a dû poursuivre de ses investigations
l’intention contraire sur tous les points où elle peut es
pérer de se faire jour. La fraude que nous signalons
dans la transmission des titres ne sera pas sans doute la
plus rare. Cependant la répression pourra en être diffi
cile : il est si aisé d’antidater un ordre !
C’est aux tribunaux à bien se pénétrer de l’inflexible
volonté de la loi à proscrire tout ce qui tend à conférer
un bénéfice particulier à l’un des créanciers. Ils ne doi
vent pas oublier qu’en pareille matière la plus minime
faveur pour l’un devient une criante injustice pour une
foule d’autres. Ils doivent donc veiller avec sévérité au
maintien de l’égalité absolue que le législateur leur don
ne mission de faire respecter. Les circonstances de la
cause, l’inspection du titre, la production des livres tant
du cédant que du cessionnaire doivent être l’objet de
leurs explorations, lorsqu’il s’agira de déterminer le vé
ritable caractère et la date précise d’une négociation.
140. — Le tiers porteur jouirait-il de l’immunité de
�246
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
l’article 449 si son intervention avait eu lieu avec con
naissance de la fraude tentée par son cédant ? Nous ne
le pensons pas. La loi ne reconnaît de tiers porteur sé
rieux que celui qui est de bonne foi. C’est cette qualité
qu’elle protège en lui, soit lorsqu’elle l’affranchit des ex
ceptions qu’on pourrait faire valoir contre le premier
porteur ou les endosseurs précédents, soit lorsqu’elle le
place dans une position plus favorable en présence d’une
faillite. Si au lieu d’être de bonne foi le tiers porteur
n’est en réalité qu’un prête-nom complaisant, s’il s’as
socie à une fraude il n’y a plus aucun motif pour le dis
tinguer de l’auteur de cette fraude. On doit au contraire
lui rendre commune la peine portée contre celui-ci ; et
si tous deux se sont concertés pour tromper les créan
ciers , il est juste que la réparation leur soit solidaire
ment imposée.
14 0 bis. — On n’est pas d’accord sur la portée exacte
de l’article 449 , et son applicabilité a fait surgir une
divergence qui a sa source dans les divers modes de
paiement dont sont susceptibles les effets négociables, les
lettres de change notamment.
Ce paiement peut avoir été fait par le tiré à un tiers
porteur , ou par le tiré au preneur resté en possession
du titre jusqu’à l’échéance. Il p e u t, après le refus du
tiré et un protêt, être fait soit par le tireur, soit par un
des endosseurs au tiers porteur en remontant la filière
jusqu’au tireur. Si dans tous les cas le paiement a eu
lieu en état de cessation de paiements et en connais
sance de cet état par celui qui l’a reçu , l’article 449
devra-t-il, pourra-t-il être invoqué et appliqué?
�A.KT. 4 4 9 .
'
247
Ceux qui soutiennent l’affirmative font remarquer que
l’article 449 ne précise rien ni sur la personne de qui
émane le paiem ent, ni sur celle entre les mains de la
quelle l’argent a été versé ; ce dont il se préoccupe c’est
du caractère du titre et de sa négociabilité ; dès que ce
titre est transmissible par endossement, le rapport, de
quelque manière que le paiement ait eu lieu , ne peut
être demandé qu’à celui pour compte de qui il a été
créé. Le tiers porteur doit, à l’échéance , demander son
paiement au domicile ou à la personne indiqués, et pro
tester immédiatement contre le refus ; il d o it, dans un
bref délai après le p ro têt, dénoncer le protêt à tous les
obligés et les assigner en condamnation (articles 166 et
167 du Code de commerce). Or, peut-on concevoir que
le législateur ordonne de réclamer et défende de rece
voir ? Ce serait une inconséquence ; c’est pour cela que
le paiement d’un effet de commerce est sans distinction
affranchi de l’action en rapport ‘.
Une autre opinion subordonne l’application de l’ar
ticle 449 au cas où le paiement a été fait par le tiré à
l’échéance et sur présentation de la lettre de change.
Cette opinion invoque le principe d’égalité auquel la loi
entend soumettre tous les créanciers de la même faillite.
Dès que le commerçant ne paie plus indistinctement
tout le monde , il ne doit plus payer personne. Sans
doute, en droit commun, le paiement des dettes échues
est à l’abri de l’action paulienrie, et la meilleure défense
contre cette action est de dire meum recepi. Mais le
■'P ; ; . . . "
ti
' A lauzet, t . 5 , n ° 1 7 0 4 ; —
5, p. Ï71, n o t e î in fine.
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D e m a n g e a t s u r B r a v a r d , D e co m m is.,
�248
DES FA ILLITES ET BANQUEROUTES
point de vue change, d’après la loi commerciale, quand
le commerçant arrête ses paiements. Dans ce cas les
paiements faits à quelques créanciers favorisés sont ré
vocables , par cela seul que ces créanciers ont eu con
naissance de la cessation de paiements de leur débi
teur. Cette règle comportait néanmoins des exceptions,
et c’est une de ces exceptions que consacre l’article 449,
et ce caractère exige que sa disposition soit restreinte
dans ses plus étroites limites. Or, ces limites si elles ne
résultaient pas du texte de la loi s’induiraient de son
esprit que la discussion législative fixe avec une incon
testable évidence. Le tiers porteur n’a été dispensé du
rapport que lorsque forcé d’accepter le paiement il a
été dans l’impossibilité de faire protester et d’exercer son
recours contre tous les obligés, c’est-à-dire lorsque payé
par le tiré sur la présentation de la lettre il ne pouvait
ni refuser ni prétendre revenir contre les divers signa
taires ; et ce qui exigeait qu’il en fût a in si, c’est qu’en
pareille circonstance le condamner à rapporter le paie
ment serait une flagrante injustice puisqu’on lui enlè
verait non-seulement le bénéfice du paiement, mais en
core l’action contre les coobligés , bien qu’il eût été en
réalité dans l’impossibilité de l’exercer, et sans qu’on eût
à lui reprocher ni négligence ni faute.
La cour de cassation se plaçait à ce point de vue
lorsqu’elle jugeait, le 18 décembre 1865, que le paie
ment du montant d’une lettre de change que le tireur a
fait, en état de cessation de paiements, au preneur entre
les mains duquel cette lettre de change était revenue après protêt par le tiers porteur sur le tiré , tombe sous
�ABT. 449.
J49
la règle commune consacrée par l’article 447 du Code
de commerce, èt non sous la disposition exceptionnelle
de l’article 449; que ce paiement est donc rapportable
k la faillite du tireu r, si celui qui l’a reçu avait alors
connaissance de la cessation de paiements de ce der
nier *.
Qu’en aurait-il été si le paiement au lieu d’être fait
au preneur de la lettre de change l’avait été au tiers
por eur ? Si l’arrêt ne le décide pas il le fait préjuger, et
en effet où serait en droit la raison qui conduirait à un
résultat différent 1
Dans la note dont il accompagne cet arrêt, M. Labbé
n’admet ni l’une ni l’autre de ces opinions. Suivant lui
l’application de l’article 449 se détermine par la qualité
des personnes qui ont fait et reçu le paiement.
« Le paiement d’un effet de commerce, — dit-il, —
» s’accomplit dans deux circonstantances très-distinctes:
» ou il a lieu entre personnes qui n ’ont pas contracté
» ensemble, que la circulation du titre a mises fortuite*
» ment en relations ; ou il sert à terminer entre deux
» personnes une affaire qu’elles ont traité. — Je vends
» des marchandises*à Paul , je reçois en paiement du
» prix un effet que Paul tire sur son propre débiteur,
ou un effet dont Paul n’est lui-même saisi que par
» un endossemeht que Jacques a souscrit et que Pierre
» doit payer. Je puis être payé par Pierre ou par Jac» ques avec lesquels je n’ai pas de relations directes ;
» je puis aussi au défaut de Pierre ou de Jacques me
1 J .f lu P , 4 8 6 6 , p . 3 6 9 .
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DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
retourner contre Paul mon acheteur et obtenir de lui
un paiement qui se rattachera non pas seulement à
l’effet négociable mais encore à la vente intervenue
entre nous, qui mettra fin à une affaire dans laquelle
nous avons été parties dès le principe. Il nous semble impossible de confondre en d ro it, deux situations
si différentes en fait. Si Paul mon acheteur, cesse ses
paiements et penche vers la faillite, je ne dois pas a •
voir un sort meilleur que les autres personnes qui
ont, ainsi que moi, eu confiance en lui. Si Pierre ou
Jacques perdent leur crédit et sont précipités dans
des embarras d’argent qui précèdent une faillite, cela
me regarde moins, je suis comme un étranger, j’accomplis les actes de diligence prescrits par la loi ; s’ils
me paient, c’est l’affaire de Paul qui est libéré envers
moi, et si la masse des créanciers de celui qui a payé
se plaint, qu’elle s’attaque à celui qui a bénéficié du
paiement, qui étant le vrai créancier, créancier direct
de leur débiteur failli, doit subir les conséquences de
la faillite , et être mis sur un pied d’égalité avec ses
créanciers proprement dits.
» On pressent notre conclusion : l’article 449 est applicable au paiement par l’un des signataires du titre
à un tiers porteur; au paiement intervenu entre personnes qui n’ont pas contracté l’une avec l’autre; il
est inapplicable au paiement intervenu entre personnés liées entre elles par une cause antérieure à la
création ou à la cession du titre, entre personnes
pour lesquelles l'effet négociable a été le moyen de
terminer une affaire antérieure.
�ART.
4*9.
231
i 4 0 ter. — Celle de ces trois opinions qui apprécie
sainement l’article 449 est sans contredit la seconde. En
effet, comme nous venons de le dire, si son texte pou
vait laisser place au doute, ce doute disparaîtrait devant
son esprit.
Ce qui a motivé sa disposition , c’est que soumettre le
tiers porteur à rapporter le paiement qu’il a reçu eût
constitué la plus énorme injustice , lorsque ce paiement
a été fait par le tiré sur la présentation de la lettre de
change; il ne faut pour s’en convaincre que s’en référer
à la discussion législative.
Le projet de loi présenté par le Gouvernement ne fai
sait aucune exception. Il déclarait les paiements faits
par le débiteur dans l’intervalle écoulé entre l’ouverture
de la faillite et le jugement déclaratif présumés frauduleux,
sauf la faculté de prouver qu’ils avaient été reçus de
bonne foi et dans l’ignorance du mauvais état des affai
res du débiteur.
M. Moreau (de la Meurthe) attaqua cette disposition.
« La bonne foi se présume, - objectait-il,— et à moins
» que la fraude ne soit prouvée , les actes et les paie» ments faits par le failli pendant qu’il est encore à la
» tête de ses affaires, doivent être maintenus. Il en doit
» être ainsi surtout pour les tiers porteurs qui à l'è-
chéance sont obligés de recevoir le paiem ent qui leur
» est offert p a r le tiré , et qui n’ayant pu faire dresser
»
» le protêt seraient privés de leur recours contre les o» bligés antérieurs, s’ils étaient tenus de rapporter le
» paiement qu’ils ont reçu. »
Ce résultat parut si exorbitant à tout le monde qu’au-
�252
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
eu ne voix ne s’éleva en sa faveur , et que les partisans
du principe absolu de l’égalité proposaient de déclarer
que le tiers porteur obligé de rapporter le paiement ren
trerait dans son droit de recours contre les obligés anté
rieurs; mais cette opinion fut repoussée au nom de la
pratique commerciale et le système consacré par l’article
449 admis.
Reste donc que le motif de la dispense du rapport
est l’obligation de recevoir le paiement offert par le tiré
et dès lors l’impossibilité de faire protester et de recou
rir contre les autres débiteurs. Les débats qui avaient eu
lieu à ce sujet à la Chambre des députés avaient con
verti M. le Garde des sceaux Persil, qui dans le second
exposé des motifs devant la Chambre des pairs, en 1837,
justifiait l’article 449 en ces termes : « Le principe
» d’annulation admis par l’article 447, tout restreint
» qu’il est, a encore été modifié en faveur des tiers por» teurs d’effets négociables, qui, n’étant admis par la
» législation ni à protester contre le paiem ent qui leur
» serait offert, ni par conséquent à recourir contre les
» endosseurs, ne pourraient sans injustice être déclarés
» responsables de la valid ité d’un paiem ent qu'ils sont
h tenus de recevoir.
»
Dès lors si au lieu de payer, le tiré refuse et met le
tiers porteur dans la nécessité de faire protester et de
recourir contre les autres obligés , la raison d’èire de la
dispense du rapport n’existe plus. L’on doit en revenir
au principe de l’article 447.
Ce résultat qui s’induit de l’esprit de la loi est avoué
par la raison et par la justice. Conformément à l’article
�ART.
449,
253
447 le tiers porteur ne sera soumis au rapport que s’il
a reçu son paiement avec connaissance de la cessation
de paiements. O r, comment comprendre que celui qui
a dix débiteurs parfaitement solvables exige et reçoive
son paiement de celui qu’il sait être insolvable ?
Une pareille conduite si elle n’est pas une fraude
pour dispenser du rapport celui qui le d o it, constitue
pour le moins une inconcevable légèreté, une incontes
table imprudence, et dans l’un et l’autre cas le tiers ne
peut se plaindre si on lui en impose la responsabilité.
Il en a bien volontairement couru la chance , il doit la
subir.
| 4 0 quatuor. — Ces considérations justifient l’opinion
que nous soutenons, et qui paraît devoir être définitive
ment consacrée par la jurisprudence. Sans doute on
pourra signaler quelque divergence dans les arrêts. Mais
les plus récents prononcent dans le sens que nous indi
quons.
Ainsi la cour de Colmar jugeait, le 29 mars 4865,
« que l’action en rapport d’une lettre de change ou
» d’un billet à ordre , acquitté par le tiré ou le sous» cripteur après la cessation de ses paiements et avant
» la déclaration de sa faillite, n’est interdite aux créan» ciers du failli contre le tiers porteur qui connaissait
» cette cessation de paiements qu’autant que le paiement
» a eu lieu à l’échéance et sans protêt ;
» Que l’endosseur qui, après avoir remboursé le billet
» à ordre protesté par le tiers porteur, s’adresse à son
» cédant et en exige lui-même son remboursement sa» chant qu’il est en état de cessation de paiement, n’est
�254
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
» pas dispensé de rapporter à la faillite, ultérieusement
» déclarée, la somme ainsi payée.1 »
La cour de cassation qui dans maintes circonstances
saisie de la question ne l’avait pas examinée se fondant
sur les constatations de faits que présentaient les arrêts
attaqués2, vient enfin de la résoudre dans le sens de
l’arrêt de la cour de Colmar. Son arrêt du 45 mai 4867
juge en effet : « que la disposition exceptionnelle de
» l’article 449 du Code de commerce, en affranchissant
» virtuellement du rapport le porteur d’une lettre de
» change qui en a'reçu le paiement après l’époque fixée
» comme étant celle de la cessation de paiements et a» vant le jugement déclaratif de la faillite, a en vue li» mitativement le cas de paiement fait à l’échéance par
» le tiré ; qu’en conséquence le bénéfice de cet article
» ne saurait être invoqué par le tiers porteur qui, après
» protêt de la lettre de change à défaut de paiement
» par le tiré, a exercé utilement son recours contre l’un
» des signataires antérieurs solidairement obligés ; que
» dans un tel cas le paiement e s t, dans les conditions
» déterminées par l’article 447, rapportable par le tiers
» à la masse de la faillite de celui de qui il l’a reçu. t>
La cour de Bordeaux l’avait ainsi consacré à trois
reprises différentes , les 20 décembre 4864 et 6 juin
4855, et ses trois arrêts avaient été déférés à la cour de
cassation. Le pourvoi soutenait que l’article 449 était
général, absolu et ne distinguait pas si le paiement avait
l J. du P., 4865, p. 715.
®lVoy. J. du P., 46, 2 , 90; 56, 4, -177; 1866, p.369.
�ART. 4 4 9 .
*58
été fait avant ou après protêt ; que c’était donc ajouier
à sa disposition et le violer que d’en restreindre l’ap
plication à la première hypothèse.
Mais la cour régulatrice repousse ce moyen et rejette
les pourvois. Nous ne pouvons résumer plus exactement
la discussion que par la transcription de ses motifs.
« Attendu qu’aux termes de l’article 447 du Code de
» commerce tous paiements faits par le débiteur pour
» dettes échues après la cessation de ses paiements et
» avant le jugement déclaratif de sa faillite peuvent être
» annulés, si, de la part de ceux qui ont reçu du dé» biteur, ils ont eu lieu avec connnaissance de la ces» sation de ses paiements ;
» Attendu que si, par dérogation à celle règle géné» raie, l’article 449 du même Code dispose que lorsque
» le tiers porteur a reçu le paiement d’une lettre de
» change l’action en rapport ne pourra être intentée
» que contre celui pour le compte duquel la lettre de
» change aura été fournie , si , d'ailleurs , il est établi
» qu’il avait connaissance de la cessation de paiements
» à l’époque de l’émission du titre, cette disposition ne
» saurait être étendue au delà des limites que le légis» lateur a voulu lui assigner ;
» Attendu que d’après son économie générale et les
» motifs qui l’ont dictée, la disposition de l’article 449
» n’est applicable qu’au paiement fait à l’échéance par
» le tiré; qu’il en résulte en effet: 4* que les tiers
» porteurs d’effets négociables ont été affranchis de l’o
it bligation du rapport par le motif que n’étant pas ad» mis par la législation à protester lorsque le paiement
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» Attendu que cette disposition perd sa raison d’être
» et cesse de recevoir son application lorsque, après a» voir fait protester la lettre de change contre le tiré,
» le tiers porteur exerce son action en garantie contre
» les souscripteurs antérieurs solidairement obligés en» vers lui ; qu’en un tel cas, le tiers porteur libre d’exer» cer son recours contre celui de ces obligés solidaires
» qu’il lui plait de choisir doit, quant au paiement qu’il
» en a reçu , subir la loi commune des autres créan» ciers dans la faillite de leur débiteur, de même qu'il
» doit s’imputer de n’avoir pas exercé ou conservé son
» recours contre les auires obligés solidaires; que,d’au» tre p a rt, le tireur ne peut être responsable des con» séquences de la faillite des endosseurs qui, après l’é» mission de la lettre de change, ont pris part à sa né» gociation.ni être tenu de rapporter un paiement qu’il
» n’a pas reçu et qui ne lui profite pas .1 »
i J. du P.. 1*67, p. 481 et 491. — Conf. Douai, ÎO juillet 1871 ;
J. du P ., 1871, p. 665.
�ART.
449.
257
1 4 0 quinto. _ Ce qui a motivé la faveur faite au
tiers porteur c’est, outre l’injustice de lui enlever le bé
néfice d’un paiement qu’il ne pouvait refuser, que les
effets négociables en entrant dans la circulation devien
nent une sorte de monnaie dont on ne saurait altérer
la valeur sans les plus graves inconvénients pour le com
merce. Aussi venons-nous de voir que lorsque la lettre
de change a été payée par le tireur au preneur on re
tombe sous l’application de l’article 447 du Code de
commerce.
Il ne saurait en être autrement du billet à ordre. A
ce sujet la loi est formelle. L’article 449 autorise l’action
en rapport contre le premier endosseur , et ce premier
endosseur sera nécessairement le preneur,
On ne comprend donc pas qu’on ait pu soutenir que
celui-ci ne peut être soumis à cette action, lorsque s’ab
stenant de négocier le billet à ordre , il l’a gardé en sa
possession et en a été payé à l’échéance par le souscrip
teur. L’article 449 prévoit si bien la négociation qu’il
parle du premier endosseur. Or , s’il n’y a pas eu de
négociation , il n’y aura certainement pas d’endosseur,
et comment appliquer l’article 449 , c’est-à-dire valider
un paiement fait et reçu de mauvaise foi, et rendre défi
nitive et irréparable l’atteinte portée au principe d’égalité
entre les créanciers de la même faillite ?
C’est cependant ce qu’on soutenait devant la cour de
Paris. Mais par arrêt du 8 août 1865 cette prétention
était condamnée. Après avoir rappelé l’esprit de l’article
449, l’arrêt déclare que pour en revendiquer le béné
fice il faut avoir reçu du failli comme tiers porteur, ou
i — 17
�258
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
avoir de bonne foi reçu d’un autre endosseur ; d’où il
résultait que l’intimé ayant directement touché du dé
biteur en qualité de bénéficiaire, ce n'est point la dis
position spéciale et dérogatoire de l'article 449 qui
était applicable, mais bien la règle commune de l'ar
ticle 447.
On excipait dans l’espèce de ce que le billet à ordre
étant revêtu de plusieurs avals , le rapport non-seule
ment priverait le bénéficiaire du profit du paiement,
mais encore lui enlèverait tout recours contre les signa
taires de ces avals ses débiteurs solidaires, ce que l’arti
cle 449 avait voulu prévenir et empêcher.
Mais, répond l’arrêt : « le donneur d’aval n ’est point
» le propriétaire du billet dont il garantit le paiement,
» et il n’en devient pas davantage l’endosseur ; si le
» souscripteur satisfait à son engagement il paie non
» pour la caution, mais pour lui-même .1 »
On pourrait ajouter qu’étant donnée la certitude que
l’article 449 exigeait la négociation du billet à ordre,
l’existence d’un aval ou de plusieurs ne saurait faire que
le titre eût été négocié, alors qu’en fait il ne l’a pas été.
L’arrêt de la cour de Paris fut dénoncé à la cour de
cassation comme ayant violé'Ies articles 449 et 142 du
Code de commerce et faussement appliqué l’article 447
du même Code , en ce qu’il avait condamné le porteur
de billets à ordre, garantis par des avals, à faire le rap
port à la faillite des sommes qu’il avait reçues du failli
après l’époque fixée comme étant celle de la cessation
1 J. du P., <865, p. 4146.
�art.
449.
259
de paiements et avant le jugement déclaratif, alors qu’il
n’était pas établi qu’il eût connu la cessation de paie
ments à l’époque où les titres avaient été créés.
On raisonnait donc comme si le porteur avait été le
premier endosseur dont parle l’article 449. Mais avant
de se placer ainsi sous l’égide de l’article 449, il aurait
fallu justifier qu’on était en droit de l’invoquer. Or, ce
droit pouvait-il résulter de ce que les billets à ordre,
gardés d’ailleurs en portefeuille, étaient revêtus dé di
vers avals ?
La cour régulatrice répond négativement et en consé
quence rejette le pourvoi par arrêt du 15 mai 1867,
voici sur quels motifs :
« Attendu que la disposition exceptionnelle de l’arti—
» cle 449 du Code de commerce ne reçoit d ’applica—
» tion, en ce qui concerne les billets à ordre, que lors» qu’un billet à ordre ayant été négocié par la voie de
» l’endossement, le tiers porteur de ce billet reçoit lors
» de son échéance le paiement qui lui en est fait par
j » le souscripteur, et se trouve ainsi dans l’impossibilité
» de faire protester et d’exercer son recours contre ses
» obligés solidaires ; que tant que le billet à ordre n’a
» pas été négocié, celui au profit de qui il a été souscrit
» demeure le créancier direct du souscripteur, et les
» paiements qu’il en a reçus restent soumis à la règle
» générale de l’article 447.
» Attendu que l’aval s’identifie avec l’obligation qu’il
» a eu pour objet de garantir ; que, comme dans l’es—
t>pèce, lorsque l’aval a été donné en faveur du sous» cripteur d’un billet à ordre , le donneur d’aval peut
�260
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
»
»
»
»
»
être poursuivi solidairement et par les mêmes voies
que le souscripteur lui-même ; mais qu’il ne peut à
aucun titre être considéré comme un tiers porteur,
et que , dès lors, son intervention à l’acte ne saurait
donner lieu à l’application de l’article 449 . 1 »
On le voit, la cour de cassation n ’est nullement tou
chée de cet argument que l’obligation de rapporter le
paiement impose la perte du bénéfice de ce paiement
tout en privant le créancier de son recours contre les
coobligés solidaires, et c’est avec raison. Ce recours le
bénéficiaire du billet a pu l’exercer, et il devait l’exercer
dès que la cessation de paiements du souscripteur lui
était connue. Vainement les donneurs d’aval auraientils réclamé. Aucun tribunal n’aurait contraint le porteur
à se contenter d’un paiement dont la déclaration de
faillite lui imposait inévitablement la restitution.
Donc , s’il n ’a pas usé de son d ro it, si malgré qu’il
connût l’état de cessation de paiements du souscripteur,
c’est à lui qu’il s’est exclusivement adressé , et de lui
q u ’il a reçu son paiement, il ne saurait raisonnablement
se plaindre qu’on mette à sa charge les conséquences
de cette imprudence ou de cette faute quelles qu’elles
soient.
A rt.
450.
Toutes voies d ’exécution p o u r p a rv e n ir au paiem ent des loyers s u r les effets m o b ilie rs servant ii
l’exploitation du com m erce du fa illi seront sus
pendues pendant trente ans, à p a r t ir du jugement
déclaratif de faillite, sans p réju d ice de toutes me1 J du P., 4867, p. 489.
�ART.
450.
261
sures conservatoires et du d ro it q ui serait acquis
au propriétaire de re p re n d re possession des lieux
loués.
Dans ce cas, la suspension des voies d ’exécution
établie an présen t article cessera de plein droit.
SOMMAIRE
m . Le privilège du locateur le place en dehors de la faillite ;
suspension de son exercice pendant trente jours.
148. Avantage de cette mesure pour les créanciers.
143. Ne peut nuire au propriétaire qui peut la faire cesser en de
mandant la mise en possession immédiate des lieux loués.
144. La suspension n ’a lieu que tant que le locateur reste nanti
du gage affecté à son privilège.
145. Résumé de l ’article.
145bis. Loi du <2 févrir 1872. Modifications qu’élle introduit à
l’article 450.
141.
— Le propriétaire ou locateur a sur tout ce
qui garnit les lieux loués un privilège pour l’exercice
duquel il est considéré comme en dehors de la faillite.
Il peut donc, dès qu’elle se réalise et sans être astreint
à aucun délai, saisir et faire vendre tant les meubles
meublants que les autres objets mobiliers servant à l’exiploitation du commerce du failli.
C’est un droit rigoureux sans doute, mais il puise son
origine dans celui de propriété ; aussi n’a-t-on pas voulu
l’altérer dans son essence. Mais ne devait-on pas en
concilier l’exercice avec ce qu’exigeait l’intérêt non moins
sacré des créanciers ? C’est ca qu’a pensé le législateur
de 1838 ; c’est ce qu’il a voulu faire en suspendant toues voies d’exécution pendant trente jours à compter du
ugement déclaratif.
�263
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1 4 2 . — Cette mesure est favorable pour les créan
ciers ; elle leur permet de transiger amiablement avec le
propriétaire, de s’entendre , de se réunir et de prendre
des mesures pour le désintéresser , sans être obligés de
subir une saisie et, à la suite, une vente forcée dont le
moindre inconvénient est d’épuiser les ressources de la
faillite et d’anéantir leur gage.
1 4 3 . — D’autre part, cette mesure ne porte aucun
préjudice au locateur , car pendant la durée de la sus
pension les lieux restent garnis de tous les meubles et
effets mobiliers qui y avaient été déposés par le failli.
L’affectation de ce mobilier au paiement des loyers de
meure dans son entier , à tel point qu’une distraction
totale ou partielle ferait immédiatement cesser la sus
pension imposée par la loi.
C’est ce qui résulte expressément de la dernière dispo
sition de l’article 450 qui déclare que la suspension des
voies d’exécution cessera de plein d ro it, si le locateur
usant de l’option qui lui est laissée se détermine à re
prendre la possession des lieux loués.
En effet, pour que cette remise en possession pût être
effectuée il faudrait enlever le mobilier appartenant au
failli et faire disparaître ainsi le gage spécial du locateur.
C’est pourquoi la loi lui rend la plénitude de ses droits
tju’il est dès lors autorisé à faire valoir de la manière
que son intérêt l’exigera.
1 4 4 . — Ainsi la suspension ne se réalise qu’autant
que le gage reste en la possession du propriétaire. Tout
ce qui tendrait à lui enlever celui-ci ferait immédiatement
�ART.
450.
263
cesser cette suspension. La disposition prohibitive ne s’ap .
plique jamais aux mesures purement conservatoires.
145.
— La disposition de l’article 450 peut donc
se résumer en ces quelques mots : le locateur doit être
désintéressé de ce qui lui est dû. On a laissé aux créan
ciers la faculté d’y parvenir amiablement par telles trans
actions que les parties jugeront convenables et qui seront
de nature à empêcher que les ressources de la faillite
ne soient compromises ; suspension, mais profond res
pect pour le privilège du locateur que rien ne pourra
jamais ni altérer ni détruire l.
1 4 5 bis. — Le législateur de 1838 mis en demeure
de remédier à ce que l’exercice du droit rigoureux du
bailleur avait de dangereux pour la m asse, avait cru
faire assez en suspendant cet exercice pendant trente
jours à partir du jugement déclaratif. C’était là une at
ténuation qui n’accordait qu’un répit et laissait en défi
nitive se produire les inconvénients auxquels le com
merce voulait échapper.
Aussi les réclamations ne s’arrêtèrent pas, et leur u nanimité rendit à peu près inévitable une nouvelle in
tervention du pouvoir législatif, et motiva la loi du 1 2
février 1872.
Aux termes de son article 1,r, les syndics auront pour
les baux des immeubles affectés à l’industrie ou au
commerce du failli, y compris les locaux dépendant de
ces immeubles et servant à l’habitation du failli et de sa
famille, huit jours à partir de l’expiration du délai aci Voy.
in fr a
article 546.
�264
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
cordé par l’article 492 aux créanciers domiciliés en
France pour la vérification de leurs créances , pendant
lesquels ils pourront notifier au propriétaire leur inten
tion de continuer le b a il, à la charge de satisfaire à
toutes les obligations du locataire.
Toutes voies d’exécution sur le mobilier du failli étant
suspendue pendant le délai imparti aux syndics , il en
résulte que la durée de cette suspension sera au mini
mum de quarante-trois jours : quinze jours pour pro
noncer sur le maintien ou le renouvellement des syn
dics, vingt jours à dater de la décision rendue à ce su
jet, huit jours après leur expiration.
C’est donc de treize jours que le nouvel article 450
proroge le délai d’un mois accordé par l’ancien. Aussi
l’innovation sérieuse que le premier introduit est la fa
culté pour les syndics de notifier leur intention de con
tinuer le bail. Cette continuation pouvant entraîner des
conséquences graves pour la masse, puisqu’elle ne peut
avoir lieu qu’à la charge de satisfaire à toutes les obli
gations du locataire, la loi a avec raison subordonné la
démarche des syndics à l’autorisation du juge-commis
saire qui ne doit être accordée qu’après que le failli aura
été entendu. Il était en effet rationnel de consulter celuici sur l’opportunité de la continuation du bail.
L’intention des syndics ne pouvait lier le propriétaire
qui n’a à consulter et à obéir qu’à son intérêt person
nel. Aussi, de même que l’ancien, le nouvel article 450
lui réserve-t-il le droit de reprendre possession des lieux
loués. Aucune difficulté ne saurait naître si les syndics
consentaient à cette reprise. Mais s’ils sont dans l’inten-
�art.
480.
265
tion de continuer le bail, le propriétaire ne pourra ren*
Irer en possession que par la résiliation de ce bail.
O r, l’action à ce sujet est formellement suspendue
pendant le délai imparti aux syndics pour notifier leur
intention de continuer le bail. D’autre part il est non
moins expressément édicté que faute d’avoir intenté l’ac
tion dans les quinze jours qui suivront la notification
qui lui serait faite par les syndics , le bailleur sera ré
puté avoir renoncé à se prévaloir des causes de résilia
tion déjà existantes à son profit.
En réalité donc le propriétaire n ’a que quinze jours
pour former sa demande en résiliation. Il convenait en
effet de ne pas laisser trop longtemps en suspens le sort
du bail auquel la masse peut avoir le plus grave intérêt.
D’ailleurs , le propriétaire ne saurait prétendre que
le délai qui lui est accordé est insuffisant. Ces quinze
jours en effet suivent les quarante-trois accordés aux
syndics. C’est donc en réalité deux mois pendant les
quels le propriétaire des lieux loués pourra arrêter le
parti qui lui convient, et l’arrêter avec une pleine et
entière connaissance de cause.
Au reste , le droit de reprendre possession des lieux
loués n’est réservé qu’autant qu’il serait acquis au pro
priétaire , par exemple , si le bail prévoyant le cas de
faillite, l’avait formellement stipulé. En cas contraire, la
demande en résiliation est soumise au droit commun et
abandonnée à l’arbitrage souverain des tribunaux.
Nous verrons sous l’article 550 les modifications que
la loi de 1872 fait subir au privilège du bailleur.
�266
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
CHAPITRE II
DE
LA
N O M IN A T IO N
A rt.
D U J U G E -C O M M IS S A IR E
451.
P a r le ju gem en t q u i d é cla re ra la faillite, le tri
b u n a l de com m erce désign era l’u n de ses mem
b re s p o u r ju g e com m issaire.
A rt.
452.
Le ju ge-co m m issaire sera chargé spécialement
d ’accélérer et de su rv e ille r les opération s et la
gestion de la faillite.
I l fe ra au trib u n a l de com m erce le ra p p o rt de
toutes les contestations que la faillite p o u rra faire
naître, et qui seron t de la compétence de ce tri
bunal.
SOMMAIRE
146.
Avantages pour les faillites dans l’institution des jugescommissaires.
147. C’est aux re'dacteurs du Code que cette institution est due.
Causes qui lui ont donné naissance.
148. L’expérience a confirmé les espérances qu'elle faisait con
cevoir.
149. La loi de 1838 l’a renforcée en rendant l ’action du juge
plus immédiate et plus directe. .
150. Indépendance absolue des syndics quant à l ’administration.
151. Devoir du juge d ’accélérer les opérations.
152. Obligation pour lui de faire le rapport de toutes les contes
tations.
153. Il fait nécessairement partie du tribunal pour le jugement.
154. Doit-on conclure de ces prescriptions que tout ce qui con
cerne la faillite doit être déféré au tribunal qui l ’a dé
clarée ?
�art.
451, 452.
267
151.
Il faut distinguer si la faillite est demanderesse ou défende
resse ; compétence dans ce dernier cas selon qu’il s’agit
d’une action principale ou d’une action en garantie.
156. Application dans le premier cas des règles ordinaires, sauf
l'exception prévue par l ’article 59 du Code de procédure
civile.
157. Arrêt de la cour de Paris pour les syndics Brame Chevalier.
158. Conclusion.
146. — L’institution des juges-commmissaires a été,
pour les faillites, d’une haute importance. Elle a intro
duit dans leur administration une amélioration sensible.
Elle les force à se dérouler sous les yeux de la justice,
qui devient ainsi dépositaire de tous leurs secrets. Elle
est pour les créanciers la protection la plus efficace.
147. — C’est aux illustres auteurs du Code de com
merce que cette sage institution est due. Elle fut, à l’é
poque de sa création , un bienfait d’autant plus signalé
que le scandale des syndicats était pour les créanciers
aussi onéreux que les fraudes des faillis.
Nous avons déjà dit que sous l’ordonnance de 1673
le failli était seul chargé de réunir ses créanciers, aux
quels il devait remettre le bilan de sa position. Il était
indispensable, pour la rédaction de celui-ci,que le failli
gardât par devers lui toutes ses écritures. Il en résultait
que ce qui le préoccupait exclusivement c’était de les
rendre inintelligibles pour abuser ses créanciers et les
amener plus facilement à composition.
Contre cet abus révoltant on avait admis le dessaisisment. La conséquence de celui-ci était de transporter
l’administration des biens du débiteur sur la tête de ses
créanciers. C’est en cherchant à régler ce transport dans
�268
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
les premiers moments de la faillite qu’on fut amené à
créer des juges-commissaires.
Le législateur avait, au début de la faillite, à protéger
non-seulement l’intérêt des créanciers, mais encore celui
de l’ordre public gravement atteint par les fraudes que
le failli pouvait tenter. Pour ce qui concerne les premiers t
une régie provisoire de l’actif était indispensable. Les
créanciers auxquels la loi conférait l’administration des
biens avaient seuls le droit de régler celle-ci ; mais ce
droit leur appartenait également à tous. Or, comment à
l’époque de l’ouverture de la faillite connaître leurs in
tentions ? La majorité peut être étrangère à la localité
où siège le tribunal, inconnue même à cette époque : il
fallait donc avoir le temps de la réunir. Remettre , en
attendant , l’administration aux mains des créanciers
présents c’était bien souvent la livrer au failli lui-même,
ces créanciers pouvant n’être que supposés, amis ou cré
atures du débiteur, peut-être même ses complices.
Pour l’ordre public la justice avait à veiller sur les
manœuvres du failli et de ses adhérents, à s’assurer du
caractère de la faillite, de ses circonstances. Il faut, disait
un orateur au conseil d’Etat, porter dam les faillites,
au moment où elles s'ouvrent, le flambeau de la justice
pour'faire éclater la bonne fo i ou pour dévoiler et
prévenir la fraude l.
Confier l’administration provisoire à un simple citoyen
c’était protéger jusqu’à un certain point l’intérêt des cré
anciers , mais laisser celui de la société en souffrance.
L’absence de tout caractère publie était un obstacle de
l Procès-verbal du 28 février 1807.— Locré, 1 .17,
�ART.
451, 452.
269
nature à arrêter l’administrateur à chaque pas dans les
investigations auxquelles il aurait à se livrer. Lui accor
der un pouvoir judiciaire , comme on le pratique dans
quelques pays voisins , était une pensée irréalisable en
l’état de nos institutions et de nos mœurs.
D’autre part, faire administrer par un magistrat c’était
compromettre la dignité des fonctions qui lui sont con
fiées, l’exposer à une responsabilité fâcheuse.
C’est alors que naquit la pensée de choisir un admi
nistrateur dans la classe des citoyens, parmi les créan
ciers eux-mêmes, et de lui adjoindre comme surveillant
un magistrat. Cette pensée fécondée par une savante dis
cussion amena l’institution des juges-commissaires, dont
la mission parut d’une utilité si réelle qu’on n’hésita pas
à la rendre obligatoire pendant toute la durée de la faillite.
1 4 8 . — Plus de quarante ans se sont écoulés , et
l’expérience a démontré combien étaient fondées les es
pérances que l’on s’était promises de celte institution.
L’intervention immédiate du magistrat est un obstacle à
beaucoup de fraudes, un moyen d’atteindre celles qui
auraient été pratiquées. Sa surveillance continuelle qui
le rend dans tous les temps accessible aux réclamations
des créanciers ; le pouvoir qu’il a de mander les syndics,
de leur faire des réquisitions, des injonctions, de provo
quer même leur destitution est une barrière à tous les
abus et un obstacle à ce que l’administration soit dé
tournée de ses voies légales.
1 4 9 . -T- Le législateur de 1838 a été tellement pé
nétré de ces vérités que, loin de porter la moindre at
teinte à cette institution, il l’a au contraire renforcée en
�270
DES FAILLITES ET BÀNQUEROUTÊS
donnant au juge-commissaire une action plus immé
diate , une surveillance plus active sur toutes les opéra
tions de la faillite. Il a défini ses attributions d’une ma
nière plus précise en agrandissant la sphère dans la
quelle elles doivent s’exercer.
'5 0 . — Mais la mission qui lui est confiée n’a pas
cessé d’être ce qu’elle était sous l’empire de la législation
précédente, c’est-à-dire une mission toute de surveillance.
Le juge ne peut s’immiscer dans l’administration qui
reste tout entière le fait des syndics et sous leur respon
sabilité. Rien, si ce n’est un sentiment de déférence, ne
fait un devoir à ceux-ci de le consulter sur les actes de
cette administration quelque importants qu’ils soient.
151. — L’article 452 nous fournit le premier exem
ple de cette action plus immédiate que la loi accorde au
juge-commissaire en lui imposant formellement le devoir
d’accélérer les opérations de la faillite. Ce n’est là au
reste qu’un principe général dont nous trouverons le
développement dans diverses dispositions que nous ana
lyserons plus lard.
1 5 2 . — Le juge-commissaire présidant à la liquida
tion de la faillite est par cela mieux à même de se for
mer une opinion exacte sur les difficultés qui peuvent
naître de cette liquidation. C’est en effet sous ses yeux
que le bilan est dressé ; c’est lui qui surveille le dépouil
lement des écritures pour saisir le caractère de la fail
lite et la nature de la conduite du failli ; c’est enfin lui
qui est chargé de toutes les investigations qui peuvent
servir à la découverte de la vérité. Ces démarches il peut
�art.
451, 462.
271
et doit les faire tant pour l’intérêt privé que dans l’in
térêt public, et c’est dans la supposition qu’il s’en est
acquitté que la loi le rend non-seulement juge néces
saire dans toutes les contestations qui intéressent la fail
lite, mais le charge encore des fonctions de rapporteur.
153. — Cette qualité n’ayant pour but que de faire
communiquer au tribunal les renseignements que le juge
a personnellement recueillis dans l’exercice de ses fonc
tions ne prive pas le commissaire du pouvoir de juger.
Au contraire, ainsi que nous venons de le dire , il fait
nécessairement partie du tribunal dans toutes les con
testations. A insi, si le tribunal était divisé en plusieurs
sections et que le juge-commissaire ne fût pas attaché à
celle qui est investie du litige, il devrait être appelé pour
le jugement. Son absence serait une grave irrégularité
dont on pourrait même faire résulter la nullité du ju
gement.
Au reste, l’obligation de la présence et du rapport du
juge-commissaire n ’existe que lorsque le tribunal de
commerce est compétemment saisi de la connaissance du
procès. Or, en matière de faillites, les règles de la com
pétence soit à raison de la matière , soit à raison des
personnes, soit à raison du domicile ne souffrent au
cune exception.
154. — Ainsi on ne saurait conclure des termes de
l’article 452, comme nous l’avons entendu plusieurs fois
soutenir, que par cela seul que le juge-commissaire doit
faire le rapport, tous les procès soutenus par une faillite
sont de la compétence du tribunal qui a rendu le juge
ment déclaratif. C’est là, à notre avis, une erreur résul
tant d’une confusion facile à expliquer.
�272
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1 5 5 . — Il faut distinguer les actions intentées à la
faillite, de celles que la faillite intente elle-même.
Lorsque la faillite est défenderesse au principal, c’est
le tribunal devant lequel elle se liquide qui doit être in
vesti. Mais ce n’est là qu’une conséquence du principe
qui veut qu’en matière personnelle l’action soit déférée
au juge du domicile du défendeur. Or, le failli était do
micilié dans l’arrondissement du tribunal qui a déclaré
la faillite. C’est donc devant ce tribunal que les syndics
qui le représentent doivent être poursuivis.
Nous disons que la faillite doit être défenderesse au
principal, car si elle était seulement actionnée en garan
tie c’est devant le tribunal investi de la demande origi
naire qu’elle serait valablement citée.
1 5 6 . — Lorsque la faillite est demanderesse elle doit
suivre les règles ordinaires de la compétence. Il n’y a à
cette décision qu’une exception possible, lorque, aux ter
mes de l’article 59 du Code de procédure civile , le fait
qui motive l’action prend naissance dans la faillite mê
me et a pour objet d’en revendiquer les conséquences.
Telles seraient entre autres les demandes exercées par
les syndics à fin de rapport des sommes payées par le
failli à des tiers, dans l’intervalle du jugement déclaratif
au jour où elle a été ultérieurement rapportée.
1 5 7 . — C’est à ces actions qu’il faut réduire les
termes de l’article 59 du Code de procédure civile. C’est
ainsi que l’a décidé la jurisprudence. C’est ce qui ré
sulte de l’arrêt de la cour de P a ris , du 9 février \ 842,
dans l’affaire des syndics Brame Chevalier contre Petit
de Lille, qui dispose en ces termes :
�art.
273
481, 452.
« Considérant qu’aux termes de l’article 59 du Code
de procédure civile le défendeur doit être assigné, en
matière de faillite, devant le tribunal du domicile du failli;
que par ces mots, en matière de faillite, il faut entendre
toutes les contestations qui ont la faillite pour cause et
qui n’existeraient pas sans ce fait ; — considérant que
l’action intentée par les syndics a pour objet le rapport
des sommes touchées par les intimés après l’époque a
laquelle a été reportée l’ouverture de la faillite; que cette
demande, qui n’a pris naissance que depuis ladite fail
lite et qui est fondée sur les effets que doit produire le
jugement qui en a fixé l’ouverture , rentre nécessaire
ment dans la classe des actions qui doivent être soumi
ses au juge de la faillite.1 »
158.
— Ainsi, les actions personnelles dont l’origine
réside dans des faits ou des actes antérieurs à la faillite
et sur lesquels celle-ci n ’exerce aucune influence, doivent
être portées par les syndics devant le tribunal du domi
cile du défendeur. La nécessité du rapport du juge-com
missaire n’établit aucune dérogation à ce principe. Il en
est pour ces actions comme pour celles qui seraient dé
férées aux tribunaux civils. Le défaut d’attribution du
juge dispenserait de l’application de l’article 452.
-A rt.
455.
Les ordonnances du ju ge com m issaire ne seront
susceptibles de recou rs que dans les cas prévus
par la loi. Ces rec o u rs seront portés «levant le t r i
bunal de commerce.
i Gazette des tribunaux du <4 février 1848.
i — 48
�274
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
A rt.
454.
Le trib u n a l de com m erce p o u rra à toutes le» époques rem placer le ju ge-com m issaire de la fail
lite p a r un au tre de ses m em bres.
SOMMAIRE
159.
160.
161.
162.
163.
164.
165.
166.
Innovation sur le pouvoir accordé au juge-commissaire.
Controverse que le Code avait fait nailre sur le caractère
des décisions émanées de ce magistrat.
Ce qu’elles sont aujourd’hui.
'Le juge-commissaire décide en dernier ressort toutes les fois
que la loi ne réserve pas formellement le recours.
Comment doit être exercé ce recours de la part des créan
ciers et des syndics ?
L’article 454 comble une lacune qui existait dans le Code
de commerce, en donnant au tribunal l ’initiative du rem
placement du juge-commissaire.
Ce remplacement peut avoir lieu à toutes les époques. Ses
causes.
Formalités à suivre pour le provoquer et pour le prononcer.
1 5 9 . — La disposition de l’article 453 est une inno
vation introduite dans le but que nous signalions toutà -l’heure, celui d’agrandir les pouvoirs du juge-commis
saire. Ce magistrat n’avait jamais, sous l’tm piredu Code
précédent , à prononcer même sur les mesures les plus
insigniGantes sans que sa décision ne fût suscesptible
d’être attaquée.
1 6 0 . — Des difficultés sérieuses s’étaient même en- ,
gagées sur la nature et la portée de ses décisions. On
s’était demandé s’il fallait les déférer au tribunal de
commerce ou les porter par appel devant la cour ?
Les uns ne voyaient dans l’opinion émise par le juge
�ART. 4 5 3 , 4 5 4 .
275
qu’une mesure essentiellement provisoire et nullement
obligatoire pour ceux qu’elle pouvait léser. ïlssoutenaient,
en conséquence, qu’il fallait en référer purement et sim
plement an tribunal de commerce dont l’approbation
était indispensable pour les faire sortir à effet, sauf à émetlre appel du jugement qui l’avait accordée ou refusée.
Lesaulres.au contraire, assimilaient ces décisions aux
ordonnances rendues sur référé. Ils leur reconnaissaient,
en conséquence, le caractère de jugement et soutenaient
qu’on devait les attaquer par la voie de l’appel..
Mais la jurisprudence avait proscrit cette dernière o pinion. Les décisions des juges-commissaires n’avaient
donc d’autorité que par la sanction que leur donnait le
tribunal de commerce dont le jugement était susceptible
d’appel. Ainsi le juge-commissaire n’avait qu’un simple
droit d’avis.
161. — Il n’en est plus de même aujourd’hui. Le
pouvoir conféré au juge-commissaire constitue un véri
table degré de juridiction. Ses décisions sont en dernier
ressort, à moins que la loi n’ait formellement déclaré le
contraire en réservant la faculté de les attaquer. Dans ce
cas le tribunal de commerce en connaît comme juge
d’appel et son jugement n ’est susceptible que de recours
en cassation.
162. — Des termes de l’article 453 il suit que lors
que la loi est muette relativement à la décision rendue
par le juge-commissaire, celle décision est en dernier
ressort, et qu’elle ne saurait être attaquée par la partie
lésée.
163. — Dans les cas, au contraire, où la loi permet
�276
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
le recours, tous les ayants droit peuvent le réaliser. Il
est formé par la voie d’opposition qui doit être signifiée
aux syndics avec ajournement devant le tribunal de com
merce dans les formes ordinaires , sauf, si la cause re
quiert une plus grande célérité , d’obtenir du président
l’autorisation de citer à bref délai.
Si la décision est attaquée par les syndics, le tribunal
est régulièrement investi par leur requête en opposition
sur laquelle il rend son jugement.
1 6 4 . — L’article 454 comble une lacune qui exis
tait sous la législation précédente. Le remplacement du
juge-commissaire peut être commandé par la démission
ou par l’expiration de la qualité de magistrat de celui
qui a été nommé. L’initiative de ce renîplacement con
fiée au tribunal fait cesser un abus dont les conséquen
ces pouvaient être graves.
En effet, avant la loi actuelle , le remplacement du
juge qui s’était démis ou dont les pouvoirs avaient cessé,
n’était effectué que sur la requête des syndics. Il résul
tait de là que la faillite pouvait rester sans surveillant,
selon que ceux ci apportaient dans la présentation de
cette requête de la négligence ou du mauvais vouloir.
C’est précisément contre cette éventualité et pour en pré
venir le retour que le tribunal de commerce a été chargé
de pourvoir d ’office à ce remplacement.
1 6 5 . — Ce remplacement peut être prononcé à tou
tes les époques. Il faut espérer que l’on n ’aura à faire
usage de cette disposition que dans les cas dont nous ve
nons de parler ; mais la loi a dû porter ses prévisions
plus loin. La négligence du juge à remplir ses devoirs,
*
�a r t
.
453, 454.
277
une complaisance excesssive pour le failli ou pour les
syndics, le silence gardé sur des actes frauduleux parve
nus à sa connaissance peuvent commander son rempla
cement par un autre juge qui comprenne mieux ses de
voirs et les remplisse avec plus de fermeté.
166.
— Ce remplacement, qui peut au reste avoir
pour causes plusieurs autres circonstances laissées à l’ar
bitrage du tribunal, peut être demandé par tous les
ayants droit. Mais cette poursuite doit être réalisée par
voiede plainte seulement. C’est au tribunal qu’appartient
exclusivement le droit de vérifier les faits qui lui sont
dénoncés et de prononcer le remplacemen , s’ils sont
exacts et graves.
Observons encore que toute décision sur ce point est
plutôt une mesure d’administration qu’un jugement. Elle
n’est donc rédigée par écrit que si le juge est remplacé,
et dans ce cas le tribunal doit s’abstenir de la motiver.
Ce but de l’article 454 n’a pas été de compromettre
la dignité de la magistrature. On a voulu protéger les
intérêts divers qui se rattachent à la faillite ; on a voulu,
comme le disait M. Renouard dans la session de 1835,
fortifier tous les droits en accordant au tribunal, sur le
juge-commissaire, cette action plus immédiate, cette sur#
veillance plus efficace qu’on lui donnait à lui-même sur
la faillite. On ne doit donc jamais souffrir que cette dis
position devienne un sujet de scandale , en permettant
à qui que ce soit de traduire un magistrat à la barre
d’une audience publique et de l’y rendre l’objet d’accu
sations le plus souvent imméritées.
�278
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
CHAPITRE III
du
l 'a p p o s i t i o n
d us
s c e llé s
e t
d e s
p r e m iè r e s
D IS P O S IT IO N S A L ’ É G A R D D E L A P E R S O N N E D E F A IL L I
A rt. 4 5 5 .
P a r le jugem ent qui d éclarera la faillite le tri
b u n al ord on n era l’apposition des scellés et le dépôt
de la personne du failli dans la m aison d’a rrê t pour
dettes, ou la garde de sa personne p a r un officier
de police ou de justice, ou p a r un gendarm e.
Néanm oins , si le ju ge -c o m m issa ire estime que
l ’actif du fa illi peut être inventorié en un seul jour,
il ne sera point apposé de scellés et il devra être
im m édiatem ent p ro c é d é s l ’inventaire.
11ne p o u rra en cet état être reçu,contre le failli,
d’écrou ou recom m andation p o u r aucune espèce
de dettes.
A rt. 4 5 6 .
Lorsque le fa illi se sera conform é au x articles
438 et 439, et ne sera point au m om ent de la dé
claration incarcéré p o u r dettes ou p o u r au tre cau
se, le trib u n a l p o u rra l ’affran ch ir du dépôt ou de
la garde de sa personne.
La disposition du jugem ent q ui affran ch irait le
failli du dépôt ou de la gard e de sa personne pour
ra to u jo u rs , suivant les circonstan ces, être ulté
rieu rem en t rapportée p a r le t rib u n a l de commer
ce, m êm e «l’office.
SOMMAIRE
167.
168.
169.
170.
’
La déclaration de faillite entraîne la nécessité de s’assurer
de la personne et des biens du failli.
Importance d’une prompte apposition des scellés.
En' principe l ’obligation de l ’ordonner est absolue.
Exceptions dans la pratique à cette disposition du jugement.
�art . 4 5 5 ,
456.
279
171. 1” , si l ’inventaire peut être fait dans les vingt-quatre heures.
172. 2"‘, si avant le jugem ent déclaratif les meubles et marchan
dises ont été saisis à la requête d ’un créancier.
173. L’ordonnance du juge-commissaire est rendue en dernier
ressort.
174. Nature des mesures à prendre contre la personne du failli.
Leurs avantages, leurs inconvénients.
175. A dater du jugement déclaratif le failli est à l ’abri de toute
poursuite individuelle de la part des créanciers.
176. Solution d’une diffleulté que les termes de l’article 455 du
Code de commerce avaient fait naître.
177. Effet de la prohibition par rapport aux créanciers.
178. Exceptions à la règle tracée par l ’article 455 relativement
aux mesures à prendre contre la personne.
179. Premier objet de cette exception.
180. Deuxième objet.
181. Caractère du pouvoir laissé au tribunal.
182. Le bénéfice de l ’article456 est toujours révocable.
167. — La faillite déclarée ouverte,des précautions
indispensables sont commandées par la position exceplionrtelledans laquelle se trouve le failli. Ces précautions
concernent la personne et les biens. Elles ont pbur ré
sultat de s’assurer de l’une et de.veiller à la conservation
des autres qui doivent arriver intacts entre les mains des
créanciers.
168. — Le moyen d’atteindre ce dernier but, c’est
de réaliser en fait et par une mainmise judiciaire la dé
possession qui est en droit la conséquence de l’état de
faillite. Or, on sent que l’elTicacité de cette mesure dé
pendra, dans bien des circonstances, de la promptitude
avec laquelle elle sera exécutée. En conséquence , la loi
fait un devoir au tribunal de commerce d’ordonner l’ap-
�280
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
position des scellés par le jugement qui déclare l’ouver
ture de la faillite. Nous verrons, sous les articles suivants,
par qui et comment cette apposition doit être provoquée
et effectuée.
16 9 . — Celte obligation du tribunal est absolue et ne
comporte aucune exception. Elle doit être remplie dans
toutes les faillites sans distinction. Le jugement qui, sous
quelque motif que ce soit, dispenserait de l’apposition
des scellés commettrait une grave irrégularité et violerait
expressément la disposition de l’article 455.
170. — En principe ordinaire cette disposition du
jugement doit être exécutée rigoureusement; cependant
cette exécution comporte quelques exceptions que la na
ture même des choses commandait.
L’apposition des scellés est nécessitée pour empêcher
toute dilapidation au préjudice des créanciers, dans l’in
tervalle qui doit s’écouler entre le jugement déclaratif et
la rédaction d’un inventaire de tous les biens mobiliers
délaissés par le failli. Lorsque la consistance de ces biens
et leur nature sont établies, c’est aux syndics à prendre
toutes les mesures nécessaires à leur conservation. Les
scellés ne sont plus nécessaires. Les syndics sont chargés
et répondent de tous les objets dont l’administration leur
est réellement abandonnée.
174.
— En conséquence, toutes les fois que la ré
daction de l’inventaire peut être accomplie immédiate
ment, l’apposition des scellés devient inutile et le jugecommissaire est autorisé à dispenser de l’exécution du
chef du jugement qui l’ordonne. C’est ce qui a lieu lors-
�art.
455, 456.
284
que l’inventaire de la totalité de l’actif n’exige pas plus
de vingt-quatre heures. Cette exception est due à la vo
lonté d’économiser des frais,surtout dans les petites fail
lites qui n’en sont déjà que trop surchargées. Or, les scel
lés sont complètement inutiles lorsque la garantie qu’ils
offrent peut être sur-le-champ réalisée par une mesure
à laquelle il faut recourir plus tard, et qu’on peut tou
jours sans danger aucun devancer de quelques jours.
172. — Il en serait de même si avant la déclaration
de faillite le mobilier et les marchandises du failli avaient
été saisis à la requête d’un de ses créanciers. Le procès
verbal de l’huissier contenant le détail des uns et des
autres serait assimilé à un véritable inventaire, et la res
ponsabilité du séquestre excluant toute possibilité de dé
tournements ultérieurs le juge - commissaire pourrait
user de la faculté que lui laisse l’article 455.
173. — L’ordonnance que ce magistrat rendrait à
cet effet n’est susceptible d’aucun recours. Le silence
gardé par l’article 455 doit, aux termes de l’article 453,
le faire décider ainsi. En conséquence , le juge de paix
qui se serait transporté sur les lieux pour faire l’apposi
tion ordonnée par le jugement ne saurait passer outre
au mépris de cette ordonnance. Il devrait se borner à
dresser un procès-verbal de son abstention et des causes
qui l’ont motivée. Ce procès verbal doit être signé par
le juge-commissaire et les syndics.
174. — Les mesures à prendre contre la personne
du failli sont plus ou moins sévères, selon que la faillite
se présente sous des apparences plus ou moins favora-
#
�I
282
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
blés. Les juges peuvent, selon l’occurrence, ordonner l’em
prisonnement ou seulement la garde dans le domicile par
un officier de police ou de justice, ou par un gendarme.
On comprend l’utilité de l’incarcération dans les pre
miers moments de la faillite. Le failli appartient à la
justice qui a , comme les créanciers, le droit de lui de
mander compte de sa conduite. S’il est de bonne foi il
est bientôt rendu à la liberté; s’il a commis des fraudes
il doit en être puni , et dans ce cas l’emprisonnement
préventif assure les effets de la vindicte publique. 11 est
donc, sous ce point de vue et indépendamment de l’in
térêt qu’ont les créanciers à avoir le failli à leur dispo
sition, d’une efficacité incontestable.
Mais nous avouons que la seconde disposition autori
sée par l’article 455 nous paraît d’une utilité fort con
testable. Quel que soit le gardien choisi, il n’a souvent
d’autres peines à prendre que celle de réclamer les frais
qui lui sont dus, et qu’on aurait pu dispenser sans dan
ger les créanciers de payer.
Croit-on en effet que le gardien quel qu’il soit pourra
retenir le failli dans son domicile, si l’intention de celuici ou son intérêt le porte à prendre la fuite ? Celui qui
soumis à la garde de sa personne reste chez lui, ne le,
fait que parce qu’il le veut bien. Le jour qui amènera
une volonté contraire verra cette volonté s’exécuter sans
obstacles malgré toute la vigilance de l’officier préposé.
On peut donc regarder cette mesure comme illusoire.
Ou le failli est coupable ou il est de bonne foi. S’il est
coupable l’emprisonnement est seul de nature à l’empê
cher de prendre la fuite ; s’il est de bonne foi toute me-
�ART.
455, 456.
283
sure personnelle est une injustice : la loi devrait respec
ter le malheur et non l’aggraver par une rigueur inutile.
Ainsi, la garde de la personne par un officier de po
lice , de justice ou par un gendarme ne produit aucun
effet utile. Elle n’est que l’occasion d’une dépense qu’on
aurait pu éviter.
175. — Quoiqu’il en soit en l’état de notre législa
tion, l’une des deux mesures que nous venons d’indiquer
doit être ordonnée contre le failli par le jugement qui
déclare la faillite. Mais à dater de ce moment la personne
du failli est soustraite à toutes exécutions individuelles
de la part des créanciers. Il ne peut être emprisonné
qu’en vertu du jugement, si le dépôt dans la maison
d’arrêt est ordonné ; et si l’emprisonnement est effectué,
les créancier qui auraient obtenu des jugements de con
trainte ne peuvent même recommander leur débiteur.
176. — Celle disposition absolue fait cesser une
controverse à laquelle l’article 455 du Code de commerce
avait donné naissance. Cet article prohibant tout écrou
ou recommandation en vertu de jugements du tribunal
de commerce, on en avait conclu que la contrainte pour
dettes civiles ou administratives pouvait toujours être
exercée. Telle était notamment l’opinion de M. Pardes
sus1. La doctrine contraire enseignée par M. Dalloz®
esftiujourd’hui la seule admissible.
177. — Remarquons bien que l’immunité résultant
de celte prohibition ne va pas jusqu’à anéantir le droit
1 N° 1145.
8 T o m e 8 , p . 8 8 , n® 8 ,
�f
284
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
des créanciers ; elle en suspend seulement l’exercice tant
que dure la faillite. Ce n’est que par la déclaration d’excusabilité que ce droit est anéanti. Jusque-là on n’en
suspend l’exercice que dans l’intérêt d’abord des créan
ciers et pour leur assurer l’avantage d’une poursuite unique, et ensuite pour que le failli ne prenne pas la fuite
devant une multitude d’exécutions, et ne prive ainsi la
justice de son concours surtout dans les premiers mo
ments de la faillite.
4 7 8 . — Ce concours a paru si désirable au législa
teur qu’on n’a pas craint pour le favoriser de créer une
exception à la règle générale que nous indiquions toutà l’heure, quant aux mesures à prendre contre la per
sonne. L’article 456 permet au tribunal d’affranchir du
dépôt et de toute garde le failli q u i , sans se soustraire
à ses créanciers, a spontanément exécuté les prescriptions
des articles 438 et 439.
1 7 9 . — Cette exception a un double objet :
1° Engager le failli à ne pas quitter son domicile.—
« La personne du failli, disait en 1835 le rapporteur
de la loi, n ’est jamais aussi nécessaire que dans les pre
miers jours ; c’est alors que les fraudes et les tentatives
de fraude se précipitent et s’accumulent, que les preuves
disparaissent, que le-gage des créanciers est le plus com
promis. » Il y a donc un véritable intérêt à ce que le
failli reste à la disposition des créanciers et de la justice;
et quel plus énergique encouragement pouvait-on lui
donner que la certitude d’être affranchi de toutes mesures
personnelles ?
4 8 0 , •— 2° Encourager la déclaration spontanée du
�ART.
455, 456.
285
débiteur et le dépôt du bilan.—Ce n’est pas tdut en effet
que de ne pas prendre la fuite ; il faut que cette résolu
tion soit la conséquence d’une conduite loyale et probe.
On ne doit récompenser que celui qui à l’aspect d’une
ruine certaine a eu le courage de s’arrêter, de déclarer
lui-même sa déconfiture, sans recourir aux mesures fu
nestes qui ne retardent une catastrophe inévitable qu'au
détriment de l'a c tif1. Un acte pareil est un indice de
bonne foi, et toute disposition contre la personneest con• sidérée comme inutile.
181. — Cependant le législateur n’a pas fait de cette
inutilité une règle absolue et générale. Il permet seule
ment au tribunal de l’admettre. Il peut se faire, en effet,
que la déclaration et le dépôt du bilan soient dus à toute
autre cause qu’à la bonne foi du failli. C’est donc par
l’appréciation des circonstances dans lesquelles ils ont
été réalisés que les juges chercheront s’ils doivent ou non
user de la faculté qui leur est conférée par la loi.
Mais ils ne doivent le faire que lorsqu’il est démontré
que la déclaration et le dépôt du bilan sont le résultat
d’une volonté libre et spontanée, et non pas dictés par la
force des choses. Ainsi, le commerçant incarcéré pour
dettes et qui accomplirait l’une et l’autre ne serait pas
i V o y . le r a p p o r t d e M . R e n o u a r d , s e s s io n d e 1 8 3 5 .
L e m ê m e r a p p o r t c o n t i e n t u n e s t a t i s t i q u e d e s f a i l li t e s d é c la r é e s d a n s
les d ix d e r n iè r e s a n n é e s . E lle s s o n t a u n o m b r e d e 1 2 ,2 7 2
II y a e u d é
c laratio n d a n s 7 , 8 5 7 . — 3 , 1 0 5 f a i l li s o n t é té l a is s é s e n l i b e r t é ; 2 ,1 8 6 se
sont a b s e n té s ; 1 ,0 3 3 o n t r e p a r u ; 4 ,4 9 0 o n t d û ê t r e d é p o s é s d a n s la m a i
son d ’a r r ê t ; 5 ,2 7 0 o n t o b t e n u u n s a u f - c o n d u i t .— C e s 1 2 ,2 7 2 f a i l li t e s o n t
été te rm in é e s , s a v o i r : 4 ,4 9 5 p a r c o n c o r d a t ; 2 , 6 3 4 p a r c o n t r a t d ’u n i o n ;
467 p a r a r r a n g e m e n ts p a r t i c u l i e r s ; e n f in 4 ,6 7 6 n ’é t a i e n t p a s e n c o r e r é
glées en 1 8 3 5 .
�286
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
dans le cas de l’article 456. Alors, en effet l’exécution
des articles 438 et 439 est forcée pour faire cesser la
contrainte personnelle sous laquelle il se trouve. Il ne lui
est plus permis de continuer son commerce. Son em
prisonnement déterminait inévitablement sa faillite, et
s’il fait la déclaration prescrite par la loi, s’il dépose son
bilan c’est pour éviter l’accusation de banqueroute que
l’absenCe de celte double formalité lui ferait encourir,
plutôt que pour accomplir un devoir de probité et d’hon
neur. Dans une pareille circonstance le tribunal ne pour
rait pas le dispenser de toute mesure personnelle l.
1 8 2 . — Au reste, le bénéfice de l’article 456 est toujours révocable. On ne l’accorde qu’à la bonne foi pré
sumée. Si la liquidation de la faillite en démontre l’ab
sence , si elle fournit la preuve du contraire orn rentre
dans le droit commun , et le failli doit être soumis soit
au dépôt dans la maison d’a rrê t, soit à la garde de sa
personne. Celte nouvelle décision est prise sur la provo
cation des syndics ou des créanciers. Elle peut être ren
due d’office par le tribunal. Dans l’un comme dans l’autre
cas le jugement n’est prononcé qu’après le rapport du
juge-commissaire.
Aux. 4 5 7 .
Le greffier dn trib u n a l de com m erce adressera
sur-le-cham p au ju ge de paix avis de la disposition
du ju gem en t qui au ra ord on n é l’apposition de»
scellés.
Le ju g ed ep a ix pourra, m êm e axant ce jugement,
apposer le s scellés so it d’office, so it su r la réquisl1 Voy. i n f r a articles 460, 478.
�ART. 4 5 7 ,
458.
187
tlon d’un ou p lu sieu rs créan ciers, m a is seu lem en t
dans le cas de d isp a ritio n du d éb iteu r ou de dé
tournem ent de tou t ou p artie de son actif.
A rt. 4 5 8 .
Les sc e llé s sero n t apposés su r le s m a g a sin s,
com ptoirs, c a iss e s , p o rtefeu illes, liv r e s, papiers,
meubles e t effets du fa illi.
En cas de fa illite d’u ne so ciété en nom collectif,
les scellés sero n t apposés n o u -seu lem en t dans le
siège p rin cip al de la so ciété , m a is encore dans le
domicile sép aré de chacun des a sso ciés so lid a ires.
Dans to u s les c a s , le ju ge de paix d on nera san s
délai, au p r é sid e n t du trib u n a l de com m erce, avis
de l’ap p osition d es scellés.
»
S O MMA I R E
<83. Le juge de paix est seul compétent pour procéder à l'appo?
silion des scellés.
184. Il importe que celte apposition soit promptement réalisée.
Moyen adopté par le Code pour que ce magistrat connût
le jugement déclaratif.
<85. La loi actuelle a substitué un simple avis du greffier à l’ex
pédition du jugement. Utilité de celte innovation.
186. Les scellés doivent être apposés sur tout l ’actif. Le greffier
doit donc aviser les juges de paix dans l ’arrondissement
desquels existeraient des dépôts de marchandises.
187. Sous le Code le juge de paix pouvait apposer les scellés a vant jugement,sur la notoriété acquise. Dangers decette
disposition.
188. Disposition de la loi nouvelle. Cas dans lesquels le juge
pourra user de ce'tte faculté.
189. Le juge de paix peut agir d’office ou sur la réquisition d’un
créancier.
190. La décision de ce magistrat qui refuserait d’acquiescer à
celte requête est-elle en dernier ressort ?
191. Si l’apposition a lieu le magistrat doit en donner immédia
tement avis au président du tribunal de commerce.
�288
DES FAILLÎTES ET BANQUEROUTES
192.
La disposition de l'article 469 n’est pas applicable au cas
d’une apposition préalable. Cette apposition doit com
prendre le trousseau de la femme.
193. Devoir du juge de paix qui dans le cours de ses opérations
acquiert la preuve qu’il existe ailleurs des marchandises.
194. La faillite d’une société en nom collectif entraîne celle de
tous les associés. Conséquences.
195. Les associés commanditaires ne peuvent être soumis à au
cune mesure dans leur personne ou dans leurs biens.
196. Q u id , pour celui qui s’est immiscé dans l ’administration ?
197. La faillite d’une société anonyme ne soumet les associés à
aucune des conséquences de la déclaration, pas même les
administrateurs.
185.
— L’apposition des scellés en matière de faillite,
comme dans tout autre cas, est de la compétence exclu
sive du juge de paix. Elle se réalise en suite du jugement
déclaratif ou avant le jugement. Quelles en sont les con
ditions dans l’un et l’autre cas? C’est ce dont notre arti
cle 457 s’occupe. L’art. 458 en règle ensuite l’exécution.
184. — Nous avons déjà dit combien il était impor
tant que le jugement déclaratif reçoive une prompte exé
cution au chef qui ordonne l’apposition des scellés. 11 faut
j^onc que ce jugement soit le plus vite possible commu
niqué au juge chargé de cette opération. C’est dans cet
objet que le Code avait prescrit l’envoi d’une expédition.
Mais la loi nouvelle a cru que le temps qu’on mettait à
la rédiger pouvait être plus utilement employé.
■
1 8 5 . — En conséquence, l’article 457 remplace cette
expédition par un simple avis que le greffier du tribunal
de commerce doit immédiatement adresser au juge de
paix. Cet avis peut et doit être envoyé séance tenante.
�abt.
457, 458.
m
Dès sa réception et sans autre justification les scellés
sont apposés.
Cette activité excellente dans tous les cas , dans une
opération dont le moindre retard peut compromettre ou
atténuer l’efficacité, sera surtout d’une haute utilité lors
que la déclaration de la faillite requise par un créancier
aura été prononcée à l’insu du débiteur. Surpris à l’improviste, celui-ci, s’il n’a déjà pris ses mesures, ne pourra
se livrer à aucun détournement, et son actif entier de
viendra le gage de ses créanciers.
1 8 6 . — Les scellés doivent être apposés sur tous les
biens mobiliers du failli. En conséquence, le greffier du
tribunal de commerce devra transmettre l’avis de la dé
claration de faillite non-seulement au juge de paix de la
résidence du débiteur , mais encore à celui de tous les
lieux dans lesquels celui-ci aura des établissements, des
magasins ou dépôts de marchandises. Il conviendra, dans
ce cas , de faire la plus grande diligence possible , car,
plus les marchandises sont éloignées du siège de la fail
lite, plus un détournement total ou partiel est à redouter.
1 87. — Sous l’empire du Code l’apposition des scellés
pouvait être faite par le juge de paix avant le jugement
déclaratif, sur la notoriété acquise du dérangement des
affaires du commerçant.
Mais cette notoriété n’était nullement définie ni dans
son principe ni dans ses caractères, dont d’ailleurs une
appréciation exacte est fort difficile. De là de graves in
convénients pouvaient surgir.
Ainsi, un commerçant pouvait avoir de justes motifs
pour ne pas payer même des dettes commerciales. La
i — 19
�S90
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
malignité publique interprétait ce refus de paiement
d’une manière fâcheuse. Sur ces entrefaites un créancier
alarmé requérait l’apposition des scellés, et si séduit par
les apparences et entraîné par l’opinion qui s’était for
mée le juge accédait à cette réquisition, un tort immense
était injustement causé.
D’autre part, ce n’était pas sans danger que le juge
de paix devenait l’arbitre souverain des caractères qui
constituent la cessation de paiements. Un commerçant
éprouvait une gêne momentanée que quelque répit ob
tenu par un reste de crédit était de nature à dissiper,
mais averti par ces rumeurs qui résultent toujours des
embarras qu’une maison commerciale éprouve , le juge
de paix pouvait apposer les scellés et tout espoir d’éviter
une faillite était inévitablement perdu.
188.
— Il ne suffisait pas toujours de la prudence
ordinaire des juges de paix pour obvier à ces inconvé
nients. Mais leur certitude n’était pas, d’autre part, un
motif pour proscrire toute mise des scellés avant le juge
ment déclaratif. Une mainmise anticipée peut avoir les
conséquences les plus importantes pour les créanciers.
Il convenait donc de la permettre, mais seulement dans
des cas déterminés. C’est ce que fait l’article 457 en ne
l’autorisant que dans l’une des deux hypothèses sui
vantes : 1° si le failli a disparu de son domicile ; 2° s’il
a détourné tout ou partie de son actif.
Réduite à ces deux cas l’initiative de l’apposition des
scellés perd toute nocuité. En effet, il est difficile, dans
le premier , de confondre une absence légitime et mo
mentanée avec une disparition frauduleuse. Il y a entre
�7
ART. 4 5 7 , 4 5 8 .
291
l’une et l’autre trop de différence réelle pour qu’on puisse
s’y méprendre.
Quant au détournement de l’actif, il y a moins de
difficultés encore. C’est là un fait matériel susceptible
d’une preuve poussée jusqu’à l’évidence. C’est sur cette
preuve que le juge se décidera à agir. Si elle n’était pas
fournie, si le détournement n’était que présumé, la pru
dence lui ferait un devoir de s’abstenir jusqu’à ce que le
tribunal de commerce eût prononcé.
1 8 9 . — Dans tous les cas où il y a lieu de se livrer
à celte apposition préalable le juge de paix peut et doit
agir d’office. Il suffit qu’il ait connaissance que l’un des
faits prévus par l’article 457 s’est réalisé pour qu’il soit
autorisé à intervenir dans l’intérêt public autant que
dans celui des créanciers.
Ce dernier est tellement pressant que , si le juge de
paix n’use pas de l’initiative que lui laisse la loi, un ou
plusieurs créanciers peuvent le requérir. Il y a véritable
ment urgence dans les cas de l’article 457. En effet, la
disparition du débiteur laisse l’actif exposé à toutes sor
tes de dilapidations. Le détournement présente plus de
dangers encore. S’il n’est que partiel au moment où on
le découvre il peut acquérir à' chaque moment plus de
gravité. C’est donc à bon droit que les intéressés sont
admis à invoquer immédiatement l’action de la justice.
190. — La décision par laquelle le juge de paix
refuserait l’apposition préalable des scellés n’est suscep
tible d’aucun recours. La loi s’en réfère sur ce point à
son appréciation exclusive. Les créanciers éconduits
n’auraient d’autre voie à prendre que celle de provoquer
la déclaration de faillite.
�S92
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
191.
— Si accédant à la réquisition, ou si d’office
le juge de paix apposait préalablement les scellés, il doit
sans délai en donner avis au président du tribunal de
commerce. Celui-ci sur cette communication réunit le
tribunal qui prononce immédiatement l’ouverture de la
faillite et ordonne les mesures indiquées par la loi.
£ 9 2 . — Dans tous les cas les scellés doivent être
apposés sur tout l’actif mobilier du failli, dans son do
micile, sur ses magasins, caisses et comptoirs , sur ses
livres, papiers, correspondance, en un mot sur tous les
documents trouvés en la possession du failli. On s’assure
ainsi de toutes les ressources d’un côté et de l’autre de
tout ce qui peut éclairer l’administration du failli et dé
terminer le caractère et la nature des opérations.
Si le juge de paix agit avant jugement déclaratif, il ne
doit rien excepter des scellés. L’exception dont parle
l’article 469 ne se réalise que lorsque l’apposition a lieu
après jugement et à la requête des syndics.
Le trousseau de la femme du failli devant être repris
sur nouvelle estimation doit être placé sous les scellés.
Il importe aux créanciers qu’il en soit ainsi pour em
pêcher tout enlèvement ultérieur qui augmenterait la
moins value qu’ils seront obligés de payer.
193.
— Si dans le cours de ses opérations le juge
de paix acquiert la preuve que le failli a, dans d’autres
pays , des magasins ou des dépôts de marchandises , il
doit donner avis de l’apposition au juge de paix du lieu
dans lequel ces marchandises sont reposées. A la récep
tion de cet avis celui-ci doit immédiatement les placer
sous la main de la justice.
�ART.
457, 458.
,
293
194. — La faillite d’une maison de commerce qui
a des associés en nom collectif entraîne de plein droit
la faillite de ceux-ci. Chacun d’eux en effet étant solidai
rement obligé répond sur toute sa fortune du paiement
intégral des dettes.
En conséquence, les scellés doivent être apposés dans
le domicile de tous. C’est pour faciliter celte mesure que
l’article 438 exige que la déclaration de faillite contienne
l’indication de ces domiciles.
Par suite du même principe chacun des associés soli
daires est individuellement soumis aux dispositions or
données contre la personne. Mais la déclaration dans les
trois jours et le dépôt du bilan spontanément réalisé par
le gérant ou par l’un d’eux leur rendent commun à tous
le bénéfice de l’article 456. En effet, la déclaration signée
de la raison sociale est considérée comme l’ouvrage des
associés et doit par conséquent leur profiter à tous.
195. — Les commanditaires ne sont soumis à aucune
mesure ni dans leur personne, ni dans leurs biens, par
la faillite du gérant. Dans les sociétés de ce genre il
n’existe aucune solidarité. Chaque associé commanditaire
n’a qu’un intérêt limité à sa mise et ne peut contribuer
à la perte au delà de cette mise. Tout ce que les créan
ciers peuvent exiger c’est que la mise ait été versée. Ceux
qui ont fait ce versement ne doivent plus rien. Ceux qui
ont encore à le faire sont à l’instar des autres débiteurs
de la société. Les créanciers pourront les contraindre
comme ils feraient de ces derniers.
196. — Cependant le commanditaire qui s’est im
miscé dans l’administration devient solidairement tenu
�294
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
à toutes les dettes sociales. Nul doute que dans ce cas il
ne soit réellement en faillite comme le gérant lui-même,
et à ce titre passible comme lui des mesures à prendre
contre la personne et les biens.
Mais ces mesures résulteraient-elles de plein droit con
tre lui du jugement qui déclare la société en état de fail
lite ? Pourrait-on, en force des dispositions de ce juge
ment, apposer provisoirement les scellés dans son domi
cile ? Nous ne le pensons pas. Son immixtion le soumet
certainement à la solidarité envers les créanciers. C’est
là la peine de la violation des obligations que la loi lui
imposait. Mais avant d’appliquer une peine il faut prou
ver qu’elle a été encourue , et celte preuve ne peut être
faite que contradictoirement avec celui contre qui elle
est requise.
Ainsi, les créanciers ne peuvent profiter des consé
quences de l’immixtion qu’après avoir établi qu’elle a
réellement eu lieu. Ils doivent donc d’abord traduire en
justice le commanditaire pour le faire déclarer débiteur
pur et simple. La décision conforme qui interviendrait
rendrait le jugement déclaratif de la faillite commun,
exécutoire contre lui.
197.
— Si la société qui a failli est une société ano
nyme, les scellés ne peuvent être apposés que sur l’actif
qui lui appartient. Il n’y a, en effet, dans les sociétés de
ce genre aucun associé solidaire ; il ne saurait, consé
quemment être requis d’apposition dans le domicile d’au
cun de ses membres. On doit donc se borner à l’effectuer
dans les établissements et magasins que la société exploite.
Le domicile des administrateurs eux - mêmes est à
�art.
457, 458.
295
l’abri de toute apposition. Cependant, comme en leur
qualité ces associés sont comptables envers les créanciers,
comme ils peuvent être détenteurs de papiers et docu
ments concernant leur gestion, le juge de paix pourrait
s’il en était requis se transporter dans leur domicile et
y apposer les scellés , mais seulement sur les papiers et
effets de la société.
A rt. 4 5 9 .
Le greffier du trib u n a l de com m erce ad ressera,
dans les vingt-quatre h eu res , au p rocureur de la
république du r e s s o r t , ex tra it des ju gem en ts dé
claratifs de fa illite m en tio n n a n t le s p rin cipales
indications et d isp o sitio n s qu’ils contiennent.
A rt. 4 G 0 .
Les d isp o sitio n s qui o rd on n eron t le dépôt de la
personne du fa illi dans une m aison d'arrêt pour
dettes, ou la garde de sa p e r so n n e , sero n t exécu
tées à la d iligen ce so it du m in istère p u b lic , so it
des syndies de la fa illite.
A rt. 4 6 1 .
Lorsque le s d en iers appartenant a la fa illite ne
pourront suffire im m éd ia tem en t aux fra is du ju
gement de d éclaration de la f a illit e , d’affiche et
d'insertion de ce ju gem en t dans les journaux,
d’apposition d es s c e llé s , d’a rresta tio n et d’incar
cération du fa illi , l ’avance de ces frais sera faite
sur ordonnace du ju g e-co m m issa ire par le tréso r
public , qui én sera rem b ou rsé par p rivilège su r
les p rem iers rec o u v r em en ts, sa n s préjudice du
privilège du p ropriétaire.
S OMMAI RE
198.
Ces dispositions ont pour but de faire cesser l ’impunité que
dioerses causes assuraient au failli sous l’empire du Code.
�296’
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
199.
200.
Remède employé par la loi actuelle.
Obligation pour le grenier d’envoyer au procureur de la
république l ’extrait du jugement déclaratif dans lesvingtquatie heures.
201. Conséquences de cet envoi. Devoirs du procureur.
202. L’incarcération du failli par suite du jugement est laissée au
procureur de la république ou aux syndics.
203. Difficulté que le silence du Code avait fait naître par rap-;
port à ceux-ci.
204. Réfutation d’un arrêt de la cour de Toulouse qui avait an
nulé l ’emprisonnement poursuivi à leur requête.
204 bis. Le failli emprisonné en vertu du jugement qui ordonné
Le dépôt de sa personne et élargi pour défaut de con
signation d’aliments peut-i! être réincarcéré en exé
cution de ce jugement ?
205. Importance de l ’innovation introduite par l’article 461.
206. Les avances du trésor public ne peuvent aller au delà des
frais des opérations prévues par l’article 461.
207. Dans quel mode l’on peut obtenir ces avances.
208. Après leur réalisation la faillite doit se poursuivre au moyen
de l’actif s’il en existe fin, sinon il y a lieu à la clôturer.
209. Le Trésor doit être remboursé sur les premières rentrées.
210. Ce remboursement est pris par privilège sur l’actif mobi
lier immédiatement après le paiement du propriétaire des
lieux loués.
198.
Ces trois dispositions qui terminent le cha
pitre 3 contiennent des innovations importantes. Elles
se justifient par des considérations puissantes.
L’impunité presque absolue des faillis a de tout temps
soulevé les plus unanimes réclamations. Ceux-là surtout
élevaient la voix qui ruinés par une faillite scandaleuse
se voyaient arracher dans un instant les modestes éco
nomies qu’une vie tout entière de privations et de labeurs
leur avait permis d’amasser.
�art.
459, 460, 461.
297
Cette impunité n’était pas due à l'insuffisance de la
loi. Certes,, ce n’est pas le reproche d’avoir été trop in
dulgent qu’on pourrait adresser au Code de commerce
de 1807 ; mais l’excès de sévérité avait produit un ré
sultat funeste. Ce Code avait dépassé le but qu’il s’était
proposé ; aussi les peines qui y étaient prescrites étaientelles bien rarement appliquées.
À cette première cause d’impunité s’en réunissaient
d’autres plus directes. Parmi celles-ci il faut remarquer
l’absence à l’origine de la faillite de toute participation
du ministère public; l’indulgence de la juridiction appe
lée à statuer sur les nombreux cas de banqueroute frau
duleuse, l’obligation pour les créanciers de supporter les
frais de la poursuite même en cas de condamnation ;
d’avancer, au risque de les perdre, ceux de déclaration de
la faillite lorsque l’actif était insuffisant pour y pourvoir.
Le Code ne contenait aucune disposition efficace pour
que le procureur de la république connût les faillites qui
éclataient dans son ressort. Ce magistrat ne les appre
nait officiellement que par le rapport que les agents
étaient tenus de lui adresser et que la plupart d’entre eux
ne lui adressaient pas. On sait que la durée de leurs
fondions était limitée à quinze jours ; qu’elle pouvait
cependant être prorogée de quinze jours encore. Ce délai
s’écoulait à prendre les mesures conservatoires , à con
voquer les créanciers. A peine l’agent avait-il eu le temps
d’apercevoir les causes de la faillite qu’il devait céder la
place aux syndics. Comment aurait-il pu transmettre
des notions qu’il n’avait pas lui-même ?
Arrivaient les syndics. La loi les obligeait à faire un
�298
DES FAILLITES RT BANQUEROUTES
rapport dans la huitaine de leur entrée en fonctions;
mais ces huit jours étaient consacrés à la levée des scellés,
à l’inventaire, à prendre connaissance des livres et écri
tures ; et le rapport renvoyé d’un jour à l’autre n’était
transmis, lorsqu’il l’était, qu’après que par la perte d’un
temps précieux l’action du ministère public était devenue
d’une utilité plus que douteuse. Alors, en effet, la fraude
était consommée , les preuves avaient disparu , le failli
lui-même s’était soustrait aux recherches de la justice.
Tout cela n’était rien encore auprès de l’indulgence
que les faillis rencontraient devant les cours d’assises. Il
se passait des choses véritablement incroyables. Il est
surtout un fait dont nous avons été témoin et qui a fait
sur nous la plus vive impression : Une marchande pu
blique , dans un pays voisin d’Aix , achète en foire de
Beaucaire pour plus de 80,000 fr. de marchandises.
Quelques mois après elle convoque ses créanciers pour
leur proposer de lui abandonner une partie de leurs
créances. L’un d’eux fait déclarer la faillite.
L’agent, honorable négociant de la ville d’Aix, se trans
porte sur les lieux. Les renseignements qu’il recueille
sur le caractère de la faillite sont d’une gravité telle
qu’il croit de son devoir de les transmettre au ministère
public. Le procureur de la république et le juge d’ins
truction accèdent, et après de longues et minutieuses
recherches on fait abattre une cloison bâtie au troisième
étage de la maison, et l’on trouve parmi des tas de sar
ments soixante-quinze ballots de marchandises. D’autres
dépôts sont saisis chez les voisins.
Une instruction criminelle se poursuit. Celle femme
�ART. 469, 460, 461.
299
est renvoyée aux assises, et le jury l’acquitte ! Et ce jury
était composé en majeure partie de négociants 1
On comprend qu’après de tels exemples le ministère
public hésitât à poursuivre dans l’intérêt même des cré
anciers , lorsque surtout le détournement était moins
clairement établi. Vouées d’avance à l’impuissance, ces
poursuites n’étaient d’ailleurs nullement encouragées par
la masse qui en supportait les frais en cas de réussite.
Aussi les créanciers aimaient-ils mieux se. taire que de
courir la chance d’ajouter un nouveau sacrifice à la perte
qu’ils éprouvaient déjà.
199, — Le nouveau législateur a senti combien un
tel état de choses était déplorable. Il a voulu le faire ces
ser en assurant, par les précautions que le mel indi
quait , les moyens d’obtenir satisfaction de la mauvaise
foi ou de la fraude.
Ainsi, les investigations immédiates du ministère pu
blic ont été provoquées ; l’incarcération provisoire du
failli assurée ; la masse exonérée des frais de poursuites,
même dans le cas de condamnation ; enfin la sévérité
du Code de commerce mitigée par la substitution, dans
plusieurs cas , de la juridiction correctionnelle à celle
des cours d’assises.
Telles sont les modifications adoptées par la loi ac
tuelle. Nous allons les voir se produire dans plusieurs
articles. L’article 459 est le premier de cette série.
2 00, — Cet article exige que le procureur de la ré
publique soit instruit de toutes les faillites qui éclatent
dans l’arrondissement. A cet effet, le greffier du tribunal
de commerce est chargé sous sa responsabilité, dès qu’-
�300
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
une faillite est déclarée, d’adresser à ce magistral un ex
trait du jugement. Cet extrait doit contenir les noms,
prénoms et demeure du failli ; les noms des syndics et
du juge -commissaire ; enfin la mention çles mesures
ordonnées contre la personne du failli. Cet envoi doit être
fait dans les vingt-quatre heures du jugsment.
201.
— Ainsi prévenu, le procureur de la république
prend immédiatement les renseignements nécessaires
pour déterminer s’il doit intervenir sur-le champ ou
attendre le rapport ordonné par l’article 482. La con
naissance qu’il a de l’existence de la faillite le met à mê
me d’exiger l’accomplissement de cette disposition.
L’envoi du rapport n’est donc plus, comme autrefois,
livré au caprice ou à la négligence des syndics. Le pro
cureur de la république doit insister auprès du juge-com
missaire et des syndics. Il pourrait, en cas d’inexécution
de cette formalité essentielle, provoquer la révocation des
syndics et même le remplacement du juge-commissaire.
Telles sont, en effet, les instructions que le ministre
de la justice a transmis aux parquets. « Le procureur
dé la république, dit la circulaire du 8 juin 1838, exigera
soigneusement l’envoi qui doit lui être fait dans4es vingtquatre heures par le greffier du tribunal. Il ne souffrira
aucun retard qui ne soit justifié dans la remise du mé
moire des syndics, qu’eux-mêmes sont obligés d’adres
ser au juge-commissaire dans la quinzaine de leur en
trée ou de leur maintien en fonctions. »
Le but de ces prescriptions n’est pas difficile à saisir.
Il tend à mettre le procureur de la république à même
de réaliser cette surveillance non moins active que celle
�art.
459, 460, 461.
301
des juges commerciaux et des syndics que la loi exige
de l u il. C’est, en effet, « par ces documents autant que
par les autres documents qu’il peut recueillir que le pro
cureur de lia république forme son opinion sur la fail
lite. Il se contente de veiller sur la suite des opérations,
ou reconnaissant des indices de banqueroute, il se dé
termine à une plus active intervention.2 »
Ainsi, le procureur de la république reçoit un rôle actif
dans toutes les faillites. Il a le devoir de veiller sur toutes
•les opérations. A quelque époque que la fraude se dé
couvre il peut et doit la poursuivre. C’est pour.lui en
fournir les moyens que nous verrons la loi l’autoriser,
toutes les fois qu’il le jugera utile , à assister aux actes
principaux de la liquidation ; à se faire communiquer
les livres et papiers ; à réclamer tous les renseignements;
à recueillir les preuves ; à s’emparer des pièces de con
viction. Mais pour qu’il en fût ainsi il fallait, avant tout,
que ce magistrat eût connaissance qu’une faillite a éclaté.
L’exécution littérale de l’article 459 est donc d’une im
portance réelle.
202.
— Cette exécution aura en outre ce résultat que
le procureur de la république pourra poursuivre l’incar
cération du failli si le jugement l’ordonne. L’article 460
confie cette mesure au procureur de la république chargé
d’exécuter les mandements de justice. Et comme il importe
souvent pour sa réalisation qu’elle ait lieu sans délai et
avant que le failli s’y soit soustrait par la fuite, la négli
gence que l’on apporterait à prévenir ce magistrat le
mettrait dans l’impossibilité d’agir d’une manière utile.
i Circulaire du 8 juin.
* Ib id e m .
I. '
�302
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Le Code de commerce ne s’était pas expliqué sur le
devoir que la loi actuelle fait au ministère public. Mais
la nature du pouvoir déféré qui n’est que l’accomplisse
ment d’un mandat judiciaire avait empêché toute con
troverse, et la compétence du procureur de la république
était universellement admise.
2 0 3 . — Mais des difficultés s’étaient élevées sur le
droit des syndics à provoquer eux-mêmes l’emprisonne
ment du failli. La jurisprudence les avait résolues en
sens contraire. Entre autres, un arrêt de la cour de Tou
louse, du 15 juin 1836 \ avait déclaré les syndics non
recevables à exercer ce droit qui n ’appartient, dit-il,
qu’au procureur de la république ou au juge-commis
saire. En conséquence, l’emprisonnement que les syndics
avaient fait opérer fut déclaré nul par la cour.
2 0 4 , — Cet arrêt, si nous étions encore sous l’em
pire du Code de commerce de 1807, ne pourrait être
suivi. Il nous p a ra ît, en effet, s’écarter des véritables
principes et violer la maxime que l’intérêt est la mesure
des actions.
La disposition du jugement qui ordonne l’arrestation
du failli ne prononce pas une peine, pas même un em
prisonnement préventif. On considère le failli comme un
débiteur insolvable ; on prononce contre lui une con
trainte. Aussi la masse est-elle obligée à la consigna
tion d’aliments , à moins que le ministère public ne
poursuive pour banqueroute simple ou frauduleuse.
Sans doute cette contrainte est décernée dans l’intérêt
i Sirey, 37, S. 20.
�ART. 4 5 9 , 4 6 0 , 4 6 1 .
303
public. C’est pourquoi personne n’a jamais été tenté de
contester au procureur de la république le droit d’en
provoquer l’exécution. Mais elle est aussi et essentielle
ment dans l’intérêt des créanciers ; et pourquoi leur re
fuserait-on le pouvoir de la faire sortir à effet ?
Parce que le Code de commerce ne s’en expliquait
pas ? Mais ce silence équivaut-il à une prohibition ? Ce
que le Code avait défendu c’est l’exercice de la contrainte
que chaque créancier pourrait être tenté de poursuivre
individuellement. Conclure de cette défense à celle de
provoquer par leurs représentants légaux l’exécution de
l’emprisonnement ordonné par le jugement déclaratif
était d’autant plus irrationnel, que c’est la certitude de
cette exécution dans l’intérêt de tous qui a fait proscrire
l’autre comme inutile et frustratoire.
La cour de Toulouse l’avait elle-même si bien senti
qu’elle avait attribué la faculté de faire exécuter cette
partie du jugement au juge-commissaire, concurremment
avec le procureur de la république;, mais celte attribu
tion était loin d’être irréprochable en droit.
En effet, comme magistrat consulaire,le juge-commis
saire ne peut pas même connaître de l’exécution des ju
gements qu’il a rendus ; à plus forte raison ne pourraitil les exécuter lui-même. Comme juge-commissaire il
n’a reçu aucune délégation de l’autorité publique ; il ne
saurait donc commander aux agents de celle-ci. Sa mis
sion toute de surveillance ne le rend pas le représentant
des créanciers. Ce sont les syndics seuls qui adminis
trent, qui ont l’exercice des droits de ceux-ci. Nul autre
qu’eux ne peut donc être admis à les faire valoir.
�304
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Ainsi, si les créanciers ont intérêt à ce que le juge
ment qui ordonne le dépôt de la personne du failli sorte
à effet, et cela est incontestable, ils ont qualité pour en
poursuivre l’exécution ; et même sous l’empire du Code
il était impossible de confier la réalisation de cet intérêt
au juge-commissaire.
L’arrêt de la cour de Toulouse contient donc une ap
préciation erronée q u i, du reste , n’est plus à craindre
à l’avenir. Sa doctrine est formellement condamnée par
l’article 460 de la loi actuelle.
En conséquence et désormais lessyndics pourront pour
suivre l’emprisonnement du failli, si le procureur de la
république ne l’a fait lui-même. Toute controverse est
tranchée par le texte formel de la loi.
2 0 4 bis. — Quelle est la nature de leur droit? Peu
vent-ils indéfiniment l’exercer pendant la durée des opé
rations de la faillite , alors même que le failli d’abord
incarcéré aurait été remis en liberté pour défaut de con
signation d’aliments ?
Nous avons été consulté à ce sujet dans l’espèce sui
vante : X*, déclaré en état de faillite, est écroué en vertu
du jugement ordonnant le dépôt de sa personne dans la
maison d’arrêt pour dettes.
Plusieurs mois s’écoulent, et les syndics ayant cessé
de consigner les aliments X* est remis en liberté par or
donnance du président.
Dix mois ap rès, X* est poursuivi pour banqueroute
simple et condamné à trois mois d’emprisonnement. Les
syndics prétendent alors donner de nouveau suite à la
disposition du jugement ordonnant le dépôt de sa per
sonne, et recommandent le failli.
�A*T. 459, 460, 461.
308
Nous avons été d’avis que celte prétention était inad
missible; qu’elle était condamnée par les principes tant
du droit commun .que du droit commercial.
La faculté de recommander le débiteur n’appartient
qu’à ceux qui ont le droit d’exercer contre lui la con
trainte par corps. Cette disposition de l’article 792 du
Code de procédure civile découlait forcément de la nature
des choses. Par les effets qu’elle entraîne, la recomman
dation n’est que l’exercice de la contrainte par corps. Il
n’était donc pas possible de l’autoriser de la part de celui
qui n’avait pas le pouvoir de réaliser cet exercice.
Il est évident que les syndics sont dans cette catégorie.
Où puiseraient-ils le droit d’exercer la contrainte par
corps. Ils ne sont et n’ont jamais été peut-être créan
ciers du failli. Le fussent-ils, qu’ils ne pourraient jamais
exercer que les droits de la masse ; et si chacun des
membres de celle-ci pouvait, avant la faillite, contrain
dre le débiteur même par corps, ce droit lui a été enlevé
par l’évènement de la faillite. .
L’article 455 ne permet ni controverse ni doute. À
partir du jugement déclaratif il ne pourra être reçu
contre le fa illi ni écrou, n i recommandation pour au
cune espèce de dettes.
Les syndics représentent les créanciers. Ils peuvent et
doivent exercer et faire valoir leurs droits. Mais ils ne
peuvent faire en leqr nom collectif ce que la loi prohibe
à chacun d’eux individuellement, à moins qu’on ne sou
tienne que de la réunion de toutes ces incapacités surgit
une capacité.
La masse n’a donc que les droits que ses membres
i — 20
�306
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ont individuellement; et si chacun d’eux a perdu celui de
faire écrouer ou recommander le failli, les syndics qui les
représentent tous, qui n’agissent qu’en leur nom et dans
leur intérêt ne peuvent ni le revendiquer ni se l’attribuer.
Cette conséquence, qui s’induit du texte de la loi, ré
sulte plus évidente encore de son esprit. On sait les ré
pugnances qu’a de tous temps excité la contrainte par
corps. Le législateur ne s’en est pas dissimulé la rigueur;
mais il a dû l’autoriser, précisément parce que cette ri
gueur était un moyen de contraindre le débiteur à désinté
resser son créancier. Son exercice n’est donc légitime,dans
l’esprit du législateur , que lorsqu’il est dans le cas de
déterminer le résultat qu’on peut et doit s’en promettre.
Or, ce résultat est impossible après la faillite. Le dé
biteur n ’a plus les moyens ni même le droit de payer
ses créanciers. Il est dessaisi de tous ses biens que la
masse liquidera et se distribuera après l’union. Que lui
donnerait de plus la contrainte ? Le plaisir de la ven
geance , celui de punir de la privation de sa liberté le
commerçant qui n’a peut-être sucçombé que devant une
de ces crises qui ne viennent que trop souvent boule
verser le commerce?
Le législateur ne pouvait favoriser ni encourager de
pareils sentiments. Son devoir était au contraire de pro
hiber la contrainte par corps dès qu’il était certain qu’
elle n’avait et ne pouvait avoir aucune efficacité. L’arti
cle 455 prouve qu’il n’a point failli à ce devoir.
Ce qui était vrai pour l’individu ne pouvait pas ne
pas l’être pour l’être moral que la réunion de tous a
constitué. La masse est donc régie par l’article 455. Les
�art.
459, 46 0 , 461.
307
syndics n’ayant pas le droit d’exercer la contrainte par
corps ne peuvent revendiquer celui de recommander.
Admettre le contraire serait méconnaître et violer les ar
ticles 455 du Code de commerce et 792 du Code de pro
cédure civile.
Ce serait en o u tre , dans notre hypothèse , viole» une
autre disposition non moins expresse, celle de l’article 31
de la loi du 17 avril 1832 sur la contrainte par corps.
L’article 804 du Code de procédure civile permettait,
sous certaines conditions faciles à remplir, de faire ré
incarcérer le débiteur que le défaut de consignations d’a
liments avait fait élargir. Cette faculté aggravait singu
lièrement le caractère déjà si acerbe de la contrainte
par corps. Elle faisait de cette voie d’exécution une into
lérable tyrannie contre la famille elle-même, puisqu’elle
laissait au créancier le moyen de lui rendre son chef
dans un moment où sa présence ne pouvait lui être d’au
cune utilité réelle, de le lui arracher au moment où son
travail aurait pu lui être d’un puissant secours.
Plus la mesure était rigoureuse et plus il convenait de
tracer une limite à son exercice. Or, y en avait-il de
plus naturelle, de plus légitime que celle puisée dans le
fait personnel du créancier? Le défaut de consignation,
fût-il le résultat de la négligence ou de l’oubli, devait être
considéré comme l’abandon du droit et en entraîner la
perte. C’est ce que le législateur de 1832 n’a pas hésité
à admettre.
En conséquence, aux termes de l’article 31 de la loi,
le débiteur élargi faute de consignation d'aliments, ne
pourra plus être incarcéré pour la même dette.
�308
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Il est impossible d’équivoquer sur 1? sens de cette dis
position. Le mot dette qu’elle renferme n’est que la dé
signation de la cause efficiente de la contrainte qui ne
peut, en matière civile, résulter que d’une dette. Vaine
ment donc les syndics essaierent-ils de prétendre que la
contrainte prononcée par le jugement ordonnant le dépôt
de la personne du failli, n’ayant pas son fondement dans
une dette, échappe à l’application de l’article 31. Ce que
cet article a voulu faire, ce qu’il fait c’est l’application à
l’emprisonnement civil ou commercial de la règle non
bis in idem qui est la sauve garde de la liberté indivi
duelle en matière criminelle. Or, ne serait-ce pas la vio
ler que de permettre qu’un seul et même titre autorisât
l’exercice géminé de la contrainte par corps?
Les syndics ne pourraient donc récuser l’autorité de
l’article 31 de la loi du 17 avril 1832 qu’en prouvant
que leur recommandation puisée dans un droit distinct a
réellement une cause autre que celle qui avait déterminé
l’emprisonnement, dont le défaut de consignation d’ali
ments a motivé la cessation. Or cette preuve est-elle,
nous ne dirons pas possible, mais proposable? Sur quel
fondement le failli avait-il été écroué d’abord ? En verlu
du jugement qui ordonnait le dépôt de sa personne. Quel
titre invoque la nouvelle recommandation ? Ce même
jugement, celte même disposition. Il n’y a donc en réa
lité qu’un droit unique, qu’une seule et même cause.
Dans l’hypothèse même où la prétention des syndics
ne sera't pas repoussée par les articles 435 du Code de
commerce et 792 du Code de procédure civile, elle le se
rait infailliblement par l’article 31 de la loi de 1832.
�art.
459,
460,
461.
309
En serait-il autrement au point de vue du jugement dé
claratif et des effets de la disposition ordonnant le dépôt
de la personne du failli dans la maison d’arrêt pour dettes?
La réponse ne saurait être ni incertaine ni divergeante.
C’e s t, à notre avis , ce qui s’induit nécessairement de
l’esprit de la loi.
La nature du pouvoir conféré aux juges consulaires
s’explique par les motifs qui en ont déterminé la consé
cration. Quel est le but que le législateur s’est proposé en
permettant, au moment du jugement déclaratif de la fail
lite, de décréter l’incarcération du failli? Est-ce une peine
qu’il a voulu infliger? Evidemment non. À ce moment,
en effet, les causes réelles de la faillite sont encore un mys
tère, et punir le commerçant qui n’est peut-être que la
victime de pertes et de malheurs immérités n’était ni mo
ral , ni rationnel, ni surtout juste. L’idée d’une peine
préventive n’a pu entrer dans la pensée du législateur.
Est-ce pour réaliser contre le failli l’exercice de la
contrainte par corps ré s u lta n t^ caractère commercial
de ses dettes? Pas davantage. Le législateur aurait-il au
torisé cet exercice au moment même qu’il le prohibe à
tous, au moment surtout où le failli entièrement dessaisi
de ses biens est placé par lui dans l’impossibilité maté
rielle de satisfaire aux exigences de cet exercice.
La faculté d’ordonner le dépôt de la personne du failli
a donc un autre motif dont il est facile de se rendre rai
son. La présence et le concours du failli peuvent être
indispensables dans les premiers moments, lorsqu’il s’a
git de dépouiller les écritures, de dresser le bilan , de
fixer le nombre des créanciers , de connaître les débi-
�310
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
teurs , de rechercher les causes de la faillite ; celle-ci
p e u t, de son côté , constituer un délit ou un crime. Il
convenait donc à l’intérêt public et privé de prévenir la
fuite ou la disparution du failli, d’autant plus à craindre
qu’il aurait plus de sujets d’éviter les explications, de se
soustraire à un châtiment mérité.
Il fallait donc pourvoir à ce double intérêt, et le moyen
le plus énergique de le faire , la précaution la plus hé
roïque était, dès que la faillite éclatait, de s’assurer du
failli et de le tenir ainsi à la disposition des syndics et
de la justice.
Tel est si bien l’unique but du dépôt de sa personne
dans la maison d’arrêt, que l’article 472 autorise le jugecommissaire à proposer d’office sa mise en liberté ; que
le sauf-conduit que le failli peut toujours solliciter et le
tribunal accorder ne comporte d’autre condition que le
cautionnement de se représenter lorsqu’il en serait re
quis ; enfin , que l’article 456 permet de dispenser du
dépôt et de la garde de sa personne le failli qui s’est con
formé aux articles 438 et 439.
Ainsi, la sévérité de la loi s’évanouit devant l’appa
rence de la bonne foi et du malheur. Cette apparence
fait supposer que le but qu’on poursuivait sera naturel
lement atteint sans avoir à recourir à une mesure rigou
reuse pour le failli, onéreuse à la masse elle-même.
Si c’est là, en effet, le fondement du pouvoir conféré
au tribunal de commerce, il faut nécessairement conclure
qu’on ne saurait se méprendre sur le caractère de la dis
position du jugement ordonnant le dépôt de la personne
du failli ; qu’elle est essentiellement temporaire; que son
�ART. 4 5 9 , 4 6 0 , 4 6 1 .
311
effet ne peut être que momentané et transitoire ; qu’il
ne pouvait survivre à la circonstance qui le motivait :
cessante causâ cessât effeclus.
A quoi bon, en effet, prolonger la détention du failli,
lorsque d’une part son concours n ’est plus d’aucune uti
lité pour les syndics , que , de l’autre, la certitude qu’il
n’existe ni crime ni délit a complètement désintéressé la
vindicte publique, ou lorsque, dans l’hypothèse contraire,
il y a eu condamnation et châtiment subis.
Or, nul mieux que les syndics n’est à portée et à mê
me de juger à quel moment ils peuvent se passer de la
présence et du concours du failli. N’est-ce pas parce
qu’ils ont cru que le moment était venu qu’ils ont cessé
de consigner les aliments. Pouvaient-ils concevoir un
doute sur les conséquences de ce défaut de consignation.
Dès lors le jugement a produit tout son effet ; la me
sure ordonnée a perdu toute son autorité et n’a plus par
conséquent aucune raison d’être. Le failli, s’il était en
core détenu , devrait être mis en liberté. A plus forte
raison ne peut-il plus être incarcéré , si le fait exclusif
et personnel des syndics l’a mis en cet état.
L’intérêt même des créanciers commande cette solu
tion. C’est la masse qui doit, à ses fra is, pourvoir aux
aliments du failli. C’est à elle qu’incombera la charge
d’un secours à la famille qu’elle prive des ressources
qu’elle puiserait dans le travail de son chef. La perpé
tuité de cette double charge pourrait consommer ce qui
a survécu au naufrage. Elle l’absorberait du moins dans
une certaine proportion. Nierait-on dès lors l’intérêt des
créanciers à ce qu’elle s’éteigne le plus tôt possible.
�312
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Les inspirations du ressentiment, un désir de ven
geance peuvent bien faire méconnaître cet in té rê t, en
conseiller même le sacrifice. Mais de pareils sentiments,
en quelque sorte naturels et concevables chez les créan
ciers , ne doivent pas régner dans l’esprit des syndics.
Hommes de la justice, leur devoir est de ne pas s’y as
socier. Ils doivent faire le bien des créanciers , malgré
eux s’il le fa u t, et s’ils méconnaissent leurs obligations
et leurs devoirs les tribunaux ne doivent pas hésiter à
les y ramener.
En résumé , les syndics ne pouvant exercer la con
trainte par corps ne sont ni recevables ni fondés à re
commander le failli.
Le jugement qui ordonnait le dépôt de la personne a
produit tout son effet par l’exécution qu’il a reçue, exé
cution qui ne devait et ne pouvait être que temporaire,
et qui ne pouvait survivre à la cause qui motivait la
détention.
Prétendre revenir à cette exécution après y avoir mis
un terme par le défaut de consignation d’aliments c’est
méconnaître l’esprit et le texte de la loi.
C’est dans tous les cas s’arroger un droit formellement
proscrit par l’article 31 de la loi du 17 avril 1832.
205.
— L’innovation introduite par l’article 461 est
une des plus importantes de celles admises par la loi ac
tuelle. Elle met fin à un état de choses également funeste
à l’intérêt public et privé : nous voulons parler des fail
lites que personne n’osait faire judiciairement constater,
malgré quelles existassent d’une manière certaine , à
cause de l’insuffisance de l’actif à faire face aux pre
miers frais.
�a r t
.
459,
460, 461.
343
C’était là un fait anormal, une position extraordinaire;
il n’y avait pas d’autre issue certaine que la perte inté
grale des droits des créanciers ; car, tandis que dans la
crainte de supporter les frais d’une déclaration et de ses
conséquences chacun d’eux se gardait bien de la provo
quer , le débiteur quoique ne payant plus restait à la
tête de ses affaires et disposait de son actif qui ne tar
dait pas à disparaître complètement.
D’autre p a rt, les débiteurs de mauvaise foi puisaient
dans la prévision d’un pareil événement les encourage
ments les plus fâcheux. Plus la ruine est complète , et
plus il est permis de prévoir et de redouter la fraude.
Cependant l’absence d’un jugement déclaratif laissait le
débiteur à l’abri des investigations de la justice, et ce ré
sultat était de nature à déterminer les commerçants à ne
s’arrêter que lorsque parvenus à l’extrême limite de l’in
solvabilité ils étaient sûrs de trouver dans cette insolva
bilité, vraie ou simulée, un gage contre toute poursuite.
L’article 464 remédie à tous ces inconvénients en met
tant à la charge du trésor public l’avance des premiers
frais de la faillite. Désormais une ruine complète ne
sera plus un motif pour échapper aux peines que les
causes qui l’ont produites sont de nature à mériter. Les
créanciers ne recevront plus lg loi de leur débiteur. La
déclaration de faillite les mettra à même de reconnaître
s’il est ou non de bonne foi. La fraude , si elle existe,
sera atteinte et punie, car c’est surtout dans des faillites
de ce genre que les investigations du ministère public
s’exerceront avec le plus grand soin.
206. — L’avance à faire par le trésor public se bor-
�314
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ne au paiement des frais pour les opérations énumérées
dans l’article 461, c’est-à-dire ceux du jugement décla
ratif, ceux d’affiches et d’insertion dans les journaux,
ceux d’apposition des scellés, d’arrestation et d’incarcé
ration du failli. Ces derniers comprennent la consigna
tion des aliments toujours à la charge des créanciers.
L’avance de ces frais sera faite sur l’ordonnance du jugecommissaire.
2 0 7 . — La circulaire du 8 juin 1838 indique le
mode à suivre pour obtenir la réalisation de cette avance.
« Il sera nécessaire, dit le garde des sceaux, de se con
former au décret du 18 juin 1811 relatif aux frais de
justice criminelle. Ainsi, il devra être fourni un mémoire
séparé pour chaque objet de dépense, savoir : 1 ° pour
les frais du jugement de déclaration de faillite; 2 ° pour
les frais d’apposition des scellés ; 3 “ pour les frais d’ar
restation ; 4° pour les frais d’incarcération ; 5° pour
les frais d’affiches, et 6 ° pour les frais d’insertion dans
les journaux. C’est au bas de chacun de ces états que
devra être apposée l’ordonnance du juge qui en autorise
le paiement. »
2 0 8 . — Le concours du trésor public ne peut dé
passer les limites ainsi circonscrites. Parvenue au point
où elles arrivent, la faillite doit trouver dans l’actif les
sommes nécessaires aux opérations ultérieures. Rien
n’empêche que, même avant la levée des scellés, le jugecommissaire accorde l’autorisation de vendre une partie
des marchandises pour faire face aux dépenses qu’amène
le développement de la faillite.
Que si l’actif ne comporte même pas cette vente pré-
�ART. 4 5 9 , 4 6 0 ,
315
461.
alable, si les objets placés sous les scellés sont de nulle
valeur, il n’est pas nécessaire de pousser plus loin une
épreuve qui a produit jusque-là tous ses effets utiles. On
doit recourir alors à l’application de l’article 527 et faire
prononcer la clôture de la faillite,
Le jugement qui l’ordonne est une véritable peine in
fligée au failli que chaque créancier peut désormais exé
cuter , même par la voie de la contrainte personnelle.
La loi actuelle ayant aboli la cession de biens , le failli
ne peut plus être libéré dè-Ja contrainte que par le ju
gement qui le déclarerait excusable. Or , pour qu’il y
ait lieu à la prononciation de cette excusabilité il faut
que la faillite soit entièrement liquidée. Le failli perd
donc toute chance à en obtenir le bénéfice, si l’insuffi
sance de l’actif amène la clôture de la faillite et en em
pêche la liquidation.
Cette considération est de nature à engager les com
merçants à ne pas continuer un commerce qu’ils ne sau
raient prolonger sans dissiper complètement leur actif.
La loi exige d’eux qu’ils s’arrêtent lorsque leurs res
sources sont évidemment insuffisantes eu égard à leurs
engagements. C’est à ce prix d’ailleurs qu’elle met la
présomption de leur bonne foi et leur liberté dans l’a
venir l.
i
209.
— Si l’actif doit produire quelques ressources
on continue les opérations de la faillite. Le Trésor est
remboursé de ses avances sur les premières rentrées. Il
est, à cet effet, dressé par le greffier un état de liquida1 Voy. infra article 527.
, •
i
�316
DES
F A I L L IT E S
ET
BANQUEROUTES
tion du montant de ces avances. Le juge-commissaire
ordonnance cet état qui est ensuite transmis au direc
teur de l’enregistrement et des domaines, qui est chargé
d ’en faire opérer le remboursementl.
210.
— Ce paiement est fait par privilège sur tou
tes les autres créances, sauf les droits des hypothécaires
sur le prix des biens affectés à l’hypothèque. Ce privilège
est donc restreint à l’actif mobilier qui ne peut être ré
parti qu’après le paiement préalable des frais que les
opérations de la faillite entraînent. Le privilège du Tré
sor n’est donc ni préjudiciable ni lésif pour les créan
ciers. Ils supporteraient les frais, si la suffisance de l’actif
avait permis de ne pas recourir au Trésor. C’est ce qu’ils
font, dans le cas contraire, en remboursant les avances
faites par celui-ci.
Une seule créance reste préférée même à celle résul
tant des avances pour les frais : c’est celle du locateur
pour les loyers des lieux occupés par le failli. Le Trésor
ne peut être payé sur le prix des meubles qui le garnis
sent qu’après que le propriétaire a été lui-même com
plètement désintéressé 2.
1 C ir c u la ir e d u 8 j u i n 1 8 3 8 .
s V o y . in fr a a rtic le 5 4 6 .
�art.
462, 463.
CHAPITRE IV
PG
LA
N O M IN A T IO N
DES
ET
S Y N D IC S
OU
REM PLACEM ENT
P R O V IS O IR E S
A rt. 4 6 2 .
P a r le ju gem en t qui déclaeera la fa illit e , le t r i
bunal de com m erce n o m m era un ou p lu sieu rs
syndics provisoires.
Le ju g e -c o m m is s a ire convoquera im m édiate
ment les créanciers p résu m és à se r é u n ir dans un
délai qui n’excèdera pas quinze jo u rs . Il consul
tera les créan ciers présen ts à cette réu n io n , tant
sur la com position de l ’état des créanciers p résu
més que s u r la nom ination de nouveaux syndics.
Il sera dressé pro cès-verbal de le u rs d ires et o b
servations, lequel sera représenté au trib u n a l.
S u r le vu de ce p ro cès-v erb a l et de l ’état des cré
anciers présum és, et s u r le ra p p o rt du juge-com
m issaire le t rib u n a l nom m era de nouveaux syn
dics ou continu era les p re m ie rs dans le u rs fonc
tions.
Les syndics a in si in stitu és sont définitifs ; ce
pendant ils peuvent être rem placés p a r le t r ib u
nal de com m erce , dans les cas et suivant les fo r
mes qui seron t déterm inées.
Le n o m bre des syndics p o u rra être h tonte épo
que porté ju s q u ’à t r o is ; ils p o u rro n t être choisis
parmi les personnes étran gères à la m asse, et r e
cevoir , q u elle que soit le u r qualité , après avoir
rendu compte de le u r gestion, une indem nité que
le trib u n al a r b it r e r a s u r le ra p p o rt du ju ge-com
missaire.
A rt. 4 6 5 .
Aucun paren t ou a llié du fa illi ju s q u ’au q u a triè
me degré inclusivem ent ne p o u rra être nom m é
syndic.
�318
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
S OMMAI RE
211.
213.
213.
214.
215.
Le but de la loi nouvelle a été d’amener le plus prompte
ment possible la solution des faillites. Elle a donc sim
plifié l ’administration.
Avantages de la suppression de l’agence.
1" conséquence: Abrogation des règles particulières à ces
fonctions.
2 " conséquence : Les opérations des agents sont déférées
aux syndics.
3“* conséquence : Nomination directe des syndics par le tri
bunal.
216.
217.
218.
219.
Après le jugem ent déclaratif le juge-commissaire doit con
voquer lui-même les créanciers.
La réunion doit avoir lieu dans la quinzaine du jugement.
C edélai est insusceptible d ’être augmenté de celui des
distances.
Dans quelles formes doit se faire la convocation ?
Objets de la délibération.
220. Maintien ou remplacement des syndics par le tribunal. Mo
tifs de cette importante innovation.
221. Qualités requises pour être syndic.
222.
Exception unique à la liberté illimitée du choix.
222 bis. Les syndics nommés par ce second jugement sont défi
nitifs.
Le nombre des syndics ne peut jamais dépasser celui de trois.
On peut prendre les syndics parmi les personnes étrangè
res à la masse.
223. Tempérament nécessaire é cette règle.
226. Les syndics, créanciers ou non, ont droit à une indemnité
qui est réglée par le tribunal de commerce.
227. Cette indemnité est due tant aux syndics provisoires qu’aux
définitifs.
228. Quid des démissionnaires, des révoqués ?
229. Les syndics peuvent appeler de la décision qui fixe le chif
fre de l’indemnité.
230. Forme de l'appel.
230 bis. Le jugement peut-il être attaqué par le failli ou les cré
anciers ?
223.
224.
�art.
462, 463.
319
211.
— Le principal objet que se soit proposé le
nouveau législateur a été d’amener le plus rapidement
possible soit une transaction entre le failli et ses créan
ciers, soit une répartition de l’actif entre-les ayants droit.
L’un des moyens qui devaient conduire à ce résultat était de simplifier l’administration, et c’est ainsi que l’on
est arrivé à se demander s’il ne convenait pas de sup
primer l’agence pour confier l’administration aux syn
dics dès l’origine de la faillite.
L’agence, créée par le Code de 1807, avait été consi
dérée comme fort utile. L’impossibilité de réunir les cré
anciers, quelquefois même de les connaître au moment
de la déclaration, la nécessité absolue de pourvoir à l’ad
ministration des biens dont le failli était dessaisi, impo
saient au tribunal le devoir de nommer des délégués en
attendant que les intéressés fussent mis à même de se
prononcer. L’agence était donc une véritable transition
entre l’administration du failli et celle des créanciers.
Malheureusement, dans la plupart des c a s , ceux-ci
n’en retiraient aucun avantage. Le temps pendant le
quel les agents restaient à la tête de l’administration était
entièrement perdu , précisément parce qu’ils n’étaient
pas continués dans cette administration. Les syndics qui
leur succédaient ne pouvaient retirer aucun profit des
études qu’ils avaient faites des affaires du failli. Tout était à recommencer, et un nouveau délai venait s’ajouter
à celui qu’avait exigé l’accomplissement de la mission
confiée aux agents.
212.
— La suppression de l’agence était donc une
économie de temps incontestable. Elle avait en outre
�320
DES
F A I L L IT E S
ET
BAN QUEROUTES
l’immense avantage de rendre moins compliqués les
rouages de l’administration : c’est cette double considé
ration qui a déterminé la loi actuelle à consacrer celle
suppression.
2 1 3 . — Avec l’agence sont tombées les règles qui
lui étaient propres. Les syndics provisoires qui rempla
cent les agents sont dispensés de toute protestation pré
alable de serm ent, affranchis de la prohibition d’êlre
nommés deux fois dans une seule année. Loin de pro
scrire cette double nomination la loi actuelle tend à la
favoriser, puisqu’elle appellera à la tête des faillites des
gens instruits par l’expérience et plus aptes que d’autres
à les mener promptement à fin. Rien n’empêcherait
même aujourd’hui qu’un même individu fût en même
temps chargé de plusieurs faillites.
2 1 4 . — Les fonctions déférées aux agents le sont
aujourd’hui aux syndics provisoires ; quelques-unes
d’entre elles, notamment les convocations des créanciers,
ont été confiées directement aux juges-commissaires.
Nous trouverons sous les articles suivants le développe
ment de ces propositions.
2 1 5 . — Une autre conséquence de la suppression
de l’agence a été l’obligation pour le tribunal de nom
mer les syndics provisoires. Il est évident, en effet, que
l’administration ne pouvait être suspendue en attendant
que les créenciers eussent été consultés. Il fallait donc
que par le même jugement qui déclare la faillite il fût
pourvu à cette administration. Conséquemment on ne
pouvait pas ne pas s’en rapporter au tribunal pour le
�m . 462, *63.
321
choix immédiat des administrateurs, quelle que fût d’ail
leurs la dénomination qu’ils dussent recevoir.
Les syndics provisoires sont donc nommés par le ju
gement déclaratif. Leur mission consiste à provoquer
sur-le-champ toutes les mesures conservatoires dans
l’intérêt des créanciers et à pourvoir à tout ce que l’ad
ministration peut exiger l,
2 1 6 . — La première opération après le jugement
qui ouvre une faillite est de réunir les créanciers pour
les consulter sur la direction! donner à l’administration.
Le soin d’amener cette réunion est laissé au juge-com
missaire. La loi nouvelle déroge à l’article 476 du Code
ancien en ce sens que la convocation doit être réalisée
sans attendre l’accomplissement des formalités exigées
par cet article.
De plus, l’article 476 n’imposait au juge commissaire
qu’un devoir desurveillance pour cette convocation, tan
dis que la loi nouvelle lui ordonne de la faire lui-même.
Elle a voulu par ce moyen avoir la certitude morale que
la plus grande impartialité présiderait à cette convocation.
2 1 7 . — La réunion des créanciers est fixée à un
délai de quinzaine du jugement; ce délai est de rigueur
et nonobstant le plus ou moins d’éloignement du domicile
des divers créanciers. On peut dès lors prévoir que quel
que diligence que le juge-commissaire mette à remplir la
mission qui lui est confiée, beaucoup de créanciers ne
pourront ni assister à cette réunion,ni s’y faire représenter.
Le législateur ne s’est pas dissimulé cette éventualité.
1 V o y . i n f r a c h a p i t r e 5 , a r t i c l e s 4 6 8 e t s u iv
i — 21
�322
DES
F A IL L IT E S
ET
BANQUEROUTES
D evait-il, dans cette prévision , accorder un plus long
délai, ou bien joindre à celui de quinzaine un délai quel
conque pour les distances ? On a dit avec raison que
c’eût été entraver la marche de la faillite et retarder in
définiment la liquidation, et cela sans grande utilité. En
effet, le délai des distances eût entraîné des retards con
sidérables pour peu qu’il y eût des créanciers domiciliés
à l’étranger ou dans les colonies. L’absence de ceux-ci
ne pouvait leur porter aucun préjudice, puisque la no
mination des syndics était déférée au tribunal. On a
donc , dans l’intérêt d’une prompte expédition , adopté
un délai uniforme , et celui de quinze jours ayant paru
suffisant pour que sur tous les points de la France les
créanciers fussent instruits, on n’a pas hésité à l’admet
tre, certain que le plus grand nombre sera toujours à
même de prendre part à la délibération.
Pour seconder l’intention de la loi le juge-commis
saire doit apporter la plus grande diligence dans la con
vocation. Il y procédera donc dès les premiers moments
de la faillite. On comprend que des retards, quels qu’ils
fussent, enlèveraient aux créanciers le bénéfice d’assister
à la réunion et de prendre part aux premières opérations.
218.
— Le juge-commissaire est-il astreint dans
cette convocation à suivre les formes voulues par l’arti
cle 476 du Code de commerce ancien? Nous ne le pen
sons pas. La loi n’a pu vouloir exiger du juge-commis
saire les mêmes soins et la même responsabilité qu’elle
était en droit d’imposer à des agents salariés. La dignité
du magistrat serait compromise si on lui imposait tout
autre obligation que le simple envoi d’une lettre signée
�par lui. Son caractère le met au dessus de tout soupçon
et rend inutiles toutes preuves tendantes à justifier que
la convocation a été générale.
2 1 9 . — A l’expiration du délai de quinzaine et à
l’heure et au lieu indiqués, les créanciers se réunissent
sous la présidence du juge-commissaire. Les présents
délibèrent pour les,absents, quel que soit leur nombre.
L’objet de cette réunion est de fixer autant que possible
l’état des créanciers de la faillite sur lequel le juge-com
missaire doit appeler les inVestigations, et de voter sur
le maintien ou le remplacement des syndics nommés par
le jugement déclaratif. Il est rédigé du tout procès-verbal,
dans lequel sont consignés les dires et observations des
créanciers.
2 2 0 . — Sur le vu de ce procès-verbal et de l’état
des créanciers présumés arrêté dans la séance, le tribu
nal , sur le rapport du juge-commissaire, nomme de
nouveaux syndics ou continue les premiers dans leurs
fonctions.
Cette disposition de la loi actuelle pourrait être con
sidérée comme une dérogation exorbitante à des princi
pes que toutes les législations ont sans cesse respectés.
L’ordonnance de 1673 , le Code de commerce qui lui
avait succédé s’en rapportaient aux créanciers pour le
choix des syndics. La seule modification introduite par
ce dernier avait été de laisser au tribunal la désignation
parmi les candidats présentés par eux. En cela, on n’a
vait que sanctionné le droit que la faillite conférait à ces
créanciers. ]Les biens de leur débiteur leur appartenant
désormais, ils avaient sans contredit le pouvoir de les
�324
DES
F A I L L IT E S
ET
BAN QUEROUTES
administrer et partant qualité exclusive pour se substi
tuer des mandataires de leur choix.
Priver les créanciers du droit de nommer les syndics,
c’était violer à leur encontre le droit sacré de la pro
priété , c’est les forcer à faire administrer par des man
dataires qui peuvent ne pas être ce ux qu’ils auraient
désiré employer. Tel est, en' effet, le caractère de la dis
position de l’article 462. Elle ordonne bien que les cré
anciers soient consultés, mais elle n’astreint pas le tri
bunal à se conformer à la délibération qu’ils auront
prise. Elle lui laisse même la faculté de maintenir les
syndics dont le remplacement aurait été proposé. Les
créanciers n’ont donc plus, pour la nomination des syn
dics, qu’un simple droit d’avis, que voix consultative ;
la dépossession est complète.
Des considérations puissantes ont déterminé celte in
novation aux législations précédentes , cette dérogation
aux principes que nous rappelions tout à l'heure. Quant
à leur légitimité elle ne pouvait être contestée. C’est la
loi qui règle l’association qui résulte d’une faillite ; c’est
elle qui l’organise , qui la crée. Elle pouvait donc , en
échange du bénéfice que les créanciers y trouvent , lui
imposer , en la forme , telles conditions qu’elle jugeait
utiles dans leur propre intérêt.
Or , la permanence du syndicat maintient dans l’ad
ministration l’unité , l’esprit de suite , l’expérience ac
quise. C’est à ces avantages qu’on venait de sacrifier l’a
gence. Cependant cette suppression devenait sans effets si
on abandonnait aux créanciers le droit exclusif de rem
placer les syndics, comme ils auraient pu le faire pour
�/
ART.
462, 463.
325
les agents. C’é ta it, sous un autre nom , se soumettre à
tous les inconvénients que la mission confiée à ceux-ci
présentait r et auxquels on avait voulu précisément se
soustraire.
D’ailleurs, jusque-là il n’y a que des créanciers pré
sumés, qui peuvent n’avoir qu’un droit apparent que la
vérification fera disparaître. On aurait donc pu, en cet
é tat, leur refuser tout concours à des mesures que les
créanciers certains ont seuls qualité et droit de remplir.
Si, dans un but de célérité, on leur a cependant permis
de voter avant la reconnaissance de leur titre, on a pu
et dû veiller à ce que leur action ne pût aller dans au
cun cas jusqu’à influer d ’une manière fâcheuse sur la
faillite et à nuire ainsi aux véritables intéressés.
Le choix; des syndics n’élait pas chose si indifférente
qu’on dût le laisser à la discrétion unique des membres
présents. L’expérience a dévoilé toutes les manœuvres
que l’on tente pour diriger ce choix soit dans l’intérêt du
failli, soit dans celui de quelques créanciers au préjudice
de la masse. Ces manœuvres étaient d’autant plus à crain
dre , que la loi actuelle ne qualifie plus , comme avant
elle l’avait fait le Code , de complicité de banqueroute
frauduleuse le vote complaisamment donné avant la vé
rification par une personne qui n’avait qu’un titre ap
parent et non sincère. Il convenait dès lors de protéger
d’une manière plus efficace les créanciers véritables que
l’éloignement empêchait de prendre part à la délibération.
Ce sont eux pourtant qui seront en général les cré
anciers sérieux. La raison indique en effet que ce n’est
pas parmi eux qu’on ira chercher des complaisants, et
�326
DES
F A I L L IT E S
ET
BANQUEROUTES
que le failli ou tout autre intéressé à la nomination des
syndics s’adressera à ceux qui, se trouvant sur les lieux,
seront plus à portée de prendre part aux premières opé
rations de la faillite, et pourront ainsi plus utilement
servir l’intérêt auquel ils se sont dévoués.
S’en rapporter en conséquence pour le choix des syn
dics exclusivement aux créanciers présumés , présents,
c’était évidemment blesser les droits de ceux dont le do
micile éloigné ou la tardiveté de la convocation est cause
qu’ils n’ont pu participer au vote. C’était même com
promettre jusqu’à un certain point l’intérêt public, que
de laisser l’administration arriver a des personnes dispo
sées, dans un intérêt quelconque, à déguiser la véritable
situation des affaires.
La résolution addptée par le nouveau législateur se
justifie Honc par des motifs d’équité et de raison. Elle
n ’est d’ailleurs que la conséquence de la fixation, pour
la première réunion, du délai de quinzaine , au lieu de
la liberté laissée par le Code de ne la tenir qu’après que
tous les créanciers avaient été mis à même de répondre
à l’appel. Il fallait remplacer cette faculté par une ga
rantie contre les abus que l’absence de plusieurs inté
ressés pouvait occasionner, et la substitution de la volonté
du tribunal à celle des créanciers présents s’offrait na
turellement à l’esprit. L’impartialité de la justice donne
la certitude que l’administration ne sera pas détournée
de ses voies légitimes. C’est avec réflexion et prudence
qu’elle a été confiée par le jugement déclaratif à des
mains jugées probes et capables. Pourquoi la leur en
lèverait-on , si on n’avait à alléguer contre elles aucun
motif sérieux ?
�ART.
462, 463.
327
Ainsi les créanciers n’ont et ne doivent avoir sur la
nomination des syndics qu’une influence dont l'efficacité
est subordonnée à la gravité des raisons qu’ils allégue
raient contre leur maintien. Le tribunal qui seul a le
droit dénommer, a seul celui de remplacer. L’unité dans
l’administration que la loi a voulu amener lui fait mê
me un devoir de n’user qu’avec la plus grande prudence
de ce dernier droit. Ses décisions sur ce point sont sou
veraines. Elles ne peuvent être attaquées ni par opposi
tion, ni par appel, ni par la voie de la cassation.
2 2 » . — Toutes personnes peuvent être appelées à
administrer la faillite. Il suffit que celui qui est investi
du syndicat jouisse de ses droits civils et ait la capacité
de faire le commerce. Ainsi, le mineur commerçant est
apte à remplir ces fonctions.
• ✓
C’est, au reste , surtout la capacité commerciale que
l’on doit rechercher. Ainsi il a été décidé qu’un étran
ger, associé ou chef d’un établissement fonctionnant en
France, pourrait être choisi par le tribunal.
222.
— Le droit de choisir est donc illimité. Il n’y
a qu’une seule exception admise par la loi : elle concerne
les parents et alliés du failli jusqu’au quatrième degré
inclusivement. La raison commandait cette exception.
Les fonctions des syndics peuvent, dans plusieurs cas,
nécessiter des mesures incompatibles avec les rapports
qu’une pareille parenté fait supposer ; et il est d’une sage
prévoyance d’éviter toute lu üe entre le devoir et l’affection.
2 2 2 bis, — Les syndics institués par ce second juge
ment sont définitifs ; ils procèdent à la liquidation jus-
�32S
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
qu’au concordat ou à l’union, sauf le droit pour le tri
bunal de les révoquer et remplacer dans les formes dé
terminés par les articles suivants.
223.
— Le Code de commerce n’avait pas limité le
nombre des syndics. Comme les créanciers étaient char
gés de présenter la liste des candidats, il leur appartenait
de fixer le nombre qu’ils jugeaient être nécessaire. La loi
nouvelle semble ne pas admettre que ce nombre puisse,
dans aucun cas, être porté au delà de trois.
Cette détermination est due au désir de diminuer au
tant que possible les frais de la gestion. Or, à l’avenir,
les syndics, quels qu’ils soient, auront droit à une in
demnité. Une nomination multiple faite par le tribunal
seu l, à une époque où il est impossible de prévoir les
besoins réels de la liquidation, pourrait grever la masse
d’une dépense qu’il eût été possible de lui épargner.
Cette considération a exercé une telle influence sur
l’esprit du législateur, qu’il semble n’avoir admis la no
mination de trois syndics qu’aprèsque l’expérience aura
démontré l’utilité indispensable de ce nombre. En effet,
les dispositions des articles 562 qui permet de porter à
toute époque le nombre des syndics jusqu’à trois, et 464
qui trace le mode des adjonctions, paraissent supposer
que l’on n’a d’aboid choisi qu’un ou deux syndics. Ne
serait-ce pas là un conseil indirect d’en agir ainsi, sauf
à choisir plus tard le troisième si la liquidation l’exige?
La discussion législative tend à fixer dans ce sens l’esprit
de la loi. Les tribunaux de commerce se conformeront
donc à l’intention du législateur en n’instituarït trois
syndics que lorsqu’il sera certain qu’un nombre moin
dre ne peut suffire.
�%
ART.
462, 463.
339
224.
— La question de savoir si les non créanciers
pouvaient être nommés syndics s’était agitée sous le Code
de commerce. Le doute s’élevait de la combinaison des
articles 486 et 480. Le premier, disposant pour les a gents, autorisait le tribunal à les prendre parmi les per
sonnes étrangères à la faillite ; Ce que le dernier ne disait
plus pour les syndics. On avait en conséquence consi
déré ce silence comme le refus d’une autorisation sem
blable. Cependant l’opinion contraire avait prévalu; il
suffisait en effet, pour la partager, de remarquer que la
différence de la rédaction de ces deux articles tenait à
ce que les agents étant nommés par le tribunal, sans le
concours des créanciers, on aurait pu prétendre qu’il y
avait nécessité pour les magistrats de les choisir parmi
les intéressés; tandis que les syndics étant au choix des
créanciers, le moindre doute ne pouvait s’élever sur la
faculté pour ceux-ci de déléguer tels mandataires qu’ils
jugeraient convenables.
C’est au reste pour dissiper toutes les incertitudes à
cet égard, que la loi actuelle a nommément inscrit dans
ses dispositions la faculté pour les juges de nommer des
personnes étrangères à la masse. Cela , au reste , était
forcément amené par la nature des choses. Sous quel
prétexte eût-on imposé à un créancier les devoirs et la
responsabilité du syndicat ? Et si beaucoup plus préoc
cupé de ses propres affaires que de celles de la masse,
chacun eût refusé l’administration de celle-ci, comment
aurait-on pû le contraindre à l’accepter ? Et pendant ces
démissions et ces refus successifs que seraient devenus
l’actif de la faillite et sa liquidation,
�330
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Il élait donc plus sage d’investir le tribunal d’un pou
voir discrétionnaire et de lui reconnaître le droit dénom
mer des syndics non créanciers. On était même allé
beaucoup plus loin dans la discussion de la loi. La
crainte de voir un créancier abuser des fonctions de syn
dics pour améliorer sa position particulière au détriment
de la masse , fit demander leur exclusion absolue du
syndicat. On proposait à cet effet la création d’offices de
curateurs de faillites , auxquels l’administration serait
dans tous les cas dévolue. Mais cette idée fut bientôt
abandonnée à cause des inconvénients que son exécution
devait entraîner , et dont la déconsidération qui s’atta
cherait bientôt à une profession intéressée à multiplier
et à prolonger les faillites n’était pas le moindre. Quant
à l’abus signalé, on s’en remit à la prudence et aux lu
mières des tribunaux consulaires et aux châtiments que
sa perpétration fait encourir.
225.
— Il y a plus encore : la faculté de choisir les
syndics parmi les personnes étrangères à la masse n’a
été concédée que comme une exception à la règle ordi
naire qui désigne les créanciers comme devant être plus
naturellement revêtus de ces fonctions. C’est dans ce sens
que les tribunaux doivent agir dans le plus grand nom
bre des cas. Ils doivent éviter par des précédents trop
nombreux de faire une loi exclusive de ce qui n’est qu’
une tolérance. C’est ainsi que le ministre de la justice
expliquait l’intention du législateur : « Prendre les syn» dics parmi les créanciers connus qui inspirent le plus
» de confiance, telle doit être la règle générale ; choisir
» ces syndics parmi d’autres personnes , telle doit être
�V
ART.
462, 463.
331
» l’exception que pourront déterminer des motifs dont
» l’appréciation dépendra entièrement des circonstan» ces.1 »
226.
— L’indemnité que le Code de commerce
n’allouait qu’aux agents est accordée par la loi nouvelle
aux syndics, qu’ils soient ou non créanciers. Cette dis
position aura l’avantage d’appeler plus souvent les cré
anciers dans l’administration , et de les empêcher , en
cas d’acceptation, de rechercher ailleurs un dédommage
ment soit à leurs peines et soins , soit à la perte que la
faillite leur impose. Elle a de plus pour résultat impor
tant de rendre la responsabilité des syndics en général
plus directe , en les soumettant à toutes les obligations
des mandataires salariés.
L’article 484 du Code avait promis un réglement
d’administration publique pour établir les bases de cette
indemnité. Mais ce réglement n’a jamais paru. La loi
actuelle laisse la fixation de la somme à allouer à l’ap
préciation du tribunal de commerce, qui la détermine sur
le rapport du juge-commissaire. Elle doit être propor
tionnée à l’importance de la faillite , aux difficultés de
l’administration,aux résultats obtenus pour les créanciers.
227.
— Cette indemnité est due tant aux syndics
provisoires qu’aux syndics définitifs. Elle est réglée à la
fin de chaque gestion, et doit être payée par les syndics
qui remplacent ceux qui avaient été provisoirement
choisis, s’ils ne sont maintenus, et dans tous lescasaprès
la reddition du compte de la gestion. Si les syndics pro1 C irculaire d u 8 ju in .
�332
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
visoires sont maintenus, ils prélèvent eux-mêmes sur la
masse l’indemnité qui leur est allouée par le tribunal.
Les syndics définitifs ne sont payés qu'après la reddition
de leur compte.
2 2 8 . — Les syndics démissionnaires ont droit à
l’indemnité. En est-il de même du syndic remplacé ? On
comprend que la solution de cette question dépend sur
tout des causes qui ont motivé la révocation. Autant il
serait injuste de priver de l’indemnité celui dont un dis
sentiment sur la gestion amènerait le remplacement, au
tant il serait peu raisonnable d’accorder une récompense
quelconque à celui que des malversations ou des fautes
graves feraient révoquer.
2 2 9 . — Les syndics pourront-ils frapper d ’appel la
décision du tribunal qui arbitre l’indemnité qui leur est
due ? L’affirmative nous paraît résulter invinciblement
des deux considérations suivantes :
1° Le droit des syndics à recevoir une indemnité leur
est acquis définitivement par la déclaration de leur vo
lonté de l’obtenir. Les termes de l’article 462, pourront
recevoir , ne doivent pas être entendus en ce sens que
le tribunal est libre de l’accorder ou de la refuser. La
faculté qu’ils infèrent ne signifie qu’une seule chose, c’est
qu’il est loisible aux syndics de demander une indemnité,
et que s’ils le font ils doivent l’obtenir.
Or, le droit ainsi établi, il en résulte que l’indemnité
doit être dans de justes proportions avec la peine que
les syndics ont prise et l’importance de la gestion qui
leur a éié confiée. Si donc la décision du tribunal bles
sait ces proportions, les syndics ainsi lésés seraient rece
vables à la faire réformer.
�2° Il est vrai que l’article 462 dispose que le tribunal
arbitrera l'indemnité, ce qui ferait supposer que le lé
gislateur s’eu rapporte exclusivement à la conscience des
magistrats consulaires. Mais au fond on ne peut douter
que celte décision ne soit un véritable jugement. Or, la
faculté d’émettre appel est de droit commun ; elle existe
tant que la loi ne l’a pas déclarée inadmissible. Pour la
décision qui nous occupe non-seulement elle n ’a pas été
refusée, mais il faut encore remarquer que l’article 583
n’a pas rangé dans la catégorie de ceux qui ne sont sus
ceptibles d’aucun recours les jugements rendus sur la
détermination de l’indemnité. Il y a donc lieu de rester
dans les termes du droit commun et de reconnaître la
recevabilité de l’appel.
230.
— Cet appel est régulièrement formé par voie
de requête. L’arrêt qui intervient peut augmenter ou di
minuer le chiffre de l’indemnité.
2 30 bis. — Les syndics peuvent donc attaquer le
jugement qui leur paraîtrait ne pas avoir alloué une in
demnité suffisamment rémunératrice. Mais ils ne peu
vent le faire que par la voie de l’appel. Celle de l’op
position ne saurait leur appartenir , puisque le juge
ment intervenant sur la requête par eux présentée ne
saurait être par défaut en ce qui les concerne.
Il n’en est pas ainsi soit du failli concordataire , soit
de la masse des créanciers en cas d’union. C’est évidem
ment au détriment de l’un ou de l’autre que s’opérera
le paiement de l’indemnité allouée. Seront-ils donc re
cevables, suivant le cas , à former opposition au juge
ment rendu sans qu’ils aient été entendus et appelés ?
�334
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Un jugement du tribunal de commerce de Marseille,
du 121 juin 1871, résout négativement cette question à
à l’égard du failli. Les motifs sont d’abord que la loi
est absolument muette sur le mode de liquidation des
émoluments des syndics ;
Ensuite : « que les faillites sont instruites sous la
» surveillance d’un juge-commissaire ; que les actes des
» syndics, les peines qu’ils ont prises et les soins qu’ils
» ont donnés à la faillite sont appréciés sur le rapport
» de ce juge ; qu’aucune disposition de loi n’exige que
» cette appréciation soit précédée de débats conlradic» toires ; que le jugement sur requête par lequel il
» est statué en pareil cas n’est donc pas un jugement
» par défaut, et qu’il n’est pas rangé par l’article 580
» du Code de commerce au nombre de ceux qui sont
» susceptibles d’opposition: 1 »
L’article 580 n ’a qu’un objet. La question de savoir
si le failli ou ses créanciers pouvaient attaquer le juge
ment qui déclare la faillite ou celui, qui en reporte la
d ate, était de nature à soulever quelques difficultés. 11
devenait donc nécessaire de s’en expliquer.
A côté de cette spécialité figure d’ailleurs l’article 583
qui est on ne peut plus précis quant à la faculté de re
courir contre les jugements. Or, dans l’énumération de
ceux qu’il déclare n ’être susceptibles ni d’opposition, ni
d’appel, ni de pourvoi en cassation , on cherche vaine
ment les jugements qui ont prononcé sur l’indemité à
allouer aux syndics. Donc, ces jugements se placent sous
i J o u r n a l de M a rse ille , 71,
\,
161.
�art.
462, 463.
335
l’empire du droit commun en matière de voies de re
cours, et ceux qui s’en trouveraient lésés sont recevables
à les attaquer.
Cette conclusion qui se tire du silence gardé à leur
sujet par l’article 583, se déduit forcément de leur ca
ractère. En effet, si l’article 583 déroge dans certains
cas au droit commun en matière de recours contre les
jugements , c’est que ceux intervenus dans ces cas sont
relatifs à l’administration et non au contentieux de la
faillite ; qu’ils sont dès lors dans le cas de léser non des
intérêts, mais une opinion, mais des amour-propres.
Or, comment ranger dans cette catégorie les juge
ments déterminant l’indemnité des syndics. Leur exé
cution en attribuant à ceux-ci une partie de l’actif pré
judicie nécessairement soit au failli concordataire dont
elle diminue les ressources, soit à la masse qui verra ce
qui peut lui revenir réduit en proportion. Dès lors
comment admettre que l’un ou l’autre doive fatalement
subir cette exécution et satisfaire à une condamnation
prononcée en son absence , et sans qu’il ait été même
appelé ?
Aussi, comme il était facile de le prévoir, le jugement
du tribunal de Marseille était-il reformé par la cour
d’Aix , le 18 décembre 1871. Voici les motifs qui dé
terminent cette réformation :
« Attendu qu’il est de principe général et essentiel
» qu’aucune décision judiciaire ne soit rendue , ou au
» moins ne devienne définitive qu’après débat et con» tradiction ;
» Attendu qu’aux termes de l’article 519 du Code de
\
�336
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
»
»
»
»
»
»
commerce le compte définitif que le syndic est obligé
de rendre peut être débattu par le failli, et qu’on ne
comprendrait pas que l’indemnité qui est un élément
de ce compte et qui a été allouée au syndic par un
jugement rendu hors sa présence, ne pût être soumise
à aucun débat;
» Attendu, dès lors, qu’il faut adm ettre, ou que le
» jugement ne lie pas le failli, n’a aucune autorité con» tre lui et doit être considéré comme non avenu, ou
» que le failli doit être recevable à l’attaquer par la voie
» de l’opposition ;
» Attendu qu’aucun texte de loi ne prohibe l’opposi» tion contre un jugement sur requête toutes les fois
» qu’il porte atteinte aux intérêts d’un tiers , et qu’au
» contraire l’article 583 du Code de commerce qui énu» mère les jugements qui, en matière de faillite, ne sont
» susceptibles ni d’opposition ni d ’appel, ne comprend
» pas dans cette énumération celui qui fixe l’indemnité
» due au syndic.1 »
Le caractère juridique de ces considérations ne sau
rait être ni méconnu ni contesté. Elles justifient la con
clusion qu’en tire la cour , à savoir , la recevabilité de
l’opposition formée par le failli non-seulement après
concordat, mais encore dans l’hypothèse d’un contrat
d’union.
En effet, pour être moins actuel dans ce dernier cas
que dans le premier, l’intérêt n ’en existe pas moins. Ce
qui sera retranché des sommes allouées se répartissant
1J o u r n a l
de M a r s e ille ,
72, 4, 130.
�entre les créanciers le libérera d’autant et diminuera ce
qu’il aura à payer en cas de retour à meilleure fortune,
ou en cas de réhabilitation.
D’ailleurs aux termes de l’article 537 du Code de
commerce , le compte définitif doit être rendu en pré
sence du failli, ou lui dûment appelé. S’il est partie né
cessaire à cette reddition, c’est qu’il est recevable à dé
battre le compte , et, comme le dit l’arrêt, on ne com
prendrait pas dès lors qu’on pût lui interdire de débat
tre le chiffre de l’indemnité allouée.
Ce débat qui intéresse le failli, n’intéresse pas moins
les créanciers. On ne saurait donc contester à ces der
niers le droit de le soulever et de le suivre.
Ce droit appartient non-seulement à la masse , mais
encore à chaque créancier personnellement. Il peut
donc être exercé par les délégués de l’une , ou au nom
personnel du contestant. L’issue du procès importe à
la masse et il suffit qu’elle puisse accroître le dividende
afférant à chacun de ses membres pour que l’action
qu’un seul intentera et suivra en son nom personnel et
à ses frais doive être reçue et jugée.
A bt. 4 6 4 .
Lorsqu’il y a u ra lieu de procéd er à l'adjonction
ou au rem placem ent d ’un ou p lu sieu rs syndics, il
en sera référé p a r le ju ge-com m issaire au t r ib u
nal de commerce, q ui procédera à la nom ination
suivant les form es établies p a r l’article 462.
Aux. 4 6 5 .
S’il a été nom m é plu sieu rs syndics, ils ne p o u r
ront a g ir que collectivement ; néanm oins le ju g e -
�338
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
com m issaire peut donn er à un ou p lu sieu rs d’en
tre eux des autorisation s spéciales à l’effet de faire
séparém ent certains actes d’adniinistration. Dans
ce d e rn ie r cas les syndics au torisés seron t seuls
responsables.
SOMMAI RE
231.
Le droit de remplacer est une conséquence du droit d’in
stituer.
232. Faculté pour le tribunal d'adjoindre de nouveaux syndics.
233. Le remplacement et l’adjonction peuvent se réaliser dans
tous les temps, même d’office.
234. Dans tous les cas, les créanciers doivent être consultés sur
le maintien on le remplacement des nouveaux syndics.
235. Les syndics sont solidairement responsables de leur gestion.
236. Nature de l’obligation que la loi leur impose d’agir collec
tivement.
237. L’un des syndics peut-il recouvrer les créances actives.
238. Exception au principede la solidarilé.Ouelleenesl la portée?
239. La faculté de diviser la gestion ne doit être admise qu’avec
la plus grande prudence.
— Le droit de remplacer est une conséquence
immédiate du droit d’instituer. Déjà le Code de commerce
avait inscrit ce principe dans toutes ses dispositions.
Ainsi, le remplacement des agents appartenait au tri
bunal qui les avait nommés. Celui des syndics provisoi
res devait être résolu par les créanciers et confirmé par
le tribunal qui les avait choisis sur la liste présentée par
ceux-ci. Enfin les syndics définitifs n’étant nommés que
par les créanciers, ne pouvaient être remplacés que par
eux.
La loi nouvelle confiant la faculté d’élire, dans tous
les cas, au tribunal de commerce, lui défère par cela seul
le pouvoir exclusif de remplacer.
231,
�232. — Il en est de même de l’adjonction de nou
veaux syndics. L’artice 462 , nous venons de le voir,
admet la possibilité d’une adjonction qui porterait le
nombre des syndics à trois ; c’est aussi au tribunal que
celte nomination nouvelle appartient.
233. — Le remplacement des syndics nommés,l’ad
jonction de nouveaux syndics peuvent se réaliser à toutes
les époques de la faillite. L’un et l’autre peuvent être ré
clamés par les parties intéressées ou prononcés d’office
par le tribunal. Dans tous les cas, la décision est rendue
après le rapport du juge-commissaire, beaucoup plus à
même que personne d’apprécier l’opportunité du rem
placement ou le besoin d’une nouvelle nomination.
2 3 4 . — Si le syndic est remplacé ou s’il en est ad
joint un second ou un troisième , le juge-commissaire
convoque les créanciers à se réunir dans la quinzaine
au plus tard , pour les consulter sur le maintien ou le
remplacement des nouveaux élus. Sur le vu du procèsverbal de la réunion le tribunal les maintient en fonc
tions ou les remplace de nouveau.
Le remplacement dont s’occupe l’article 464 étant
déterminé par la démission, la révocation ou la mort des
premiers syndics, l’adjonction jugée utile par le tribunal
ne pouvant être contestée il semble qu’on aurait pu se
dispenser de réunir les créanciers; mais il s’a g it, dans
les deux cas, d’une nouvelle nomination qu’il est bon de
leur soumettre. Il n’est certes ni dans la pensée de la
loi, ni dans l’intention présumable des magistrats de
confier l’administration à des personnes incapables ou
indignes. Or, une erreur peut être commise , et c’est le
�340
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
moyen de la réparer que la loi a voulu offrir lorsqu’elle
ordonne de soumettre les nouveaux choix au contrôle
des parties intéressées. Il est vrai que l’avis de celles-ci
n’est pas obligatoire; mais il est incontestable que par
les renseignements qu’ils seront à même de fournir les
créanciers pourront, dans beaucoup de cas , éclairer la
religion des juges et les amener à retirer une confiance
imméritée ou mal à propos témoignée.
255.
— La gestion des syndics les oblige tous soli
dairement pour les actes de leur administration . même
quand ils n’auraient été faits que par un d’enlre eux.
Le principe de la solidarité est une dérogation à la dis
position de l’article 1995 du Code civil, qui ne rend les
comandalaires solidaires qu’autant que cela est formelle
ment exprimé dans l’acte. Rien dans le Code de com
merce n’énonçait la solidarité des syndics, et cependant
on n’hésitait pas à la leur imposer. Le motif qui l’avait
fait décider ainsi , malgré ce silence et malgré l’article
1995 du Code civil, était la nature du mandat qui naît
de la faillite, mandat judiciaire et indivisible , dont les
obligations sont réglées par la loi seule, sans pouvoir être
modifiées par aucune stipulation l.
236.
— C’est dans ce sens que la loi actuelle dis
pose que les syndics ne pourront agir que collective
ment 2. On ne saurait en effet entendre par là que l’ab
sence ou la maladie de l'un d’eux privera les autres de
la faculté d’administrer. Pour ce qui les concerne perv Cassation, 18 janvier 1814. — Sirey, 14, 1, 57.
s Voy. infra article 497, n° 462.
�N
art.
464, 465.
341
sonnellement les syndics sont censés s’autoriser récipro
quement. Le contraire amènerait à cette conséquence
qu’une absence motivée par les besoins même de la fail
lite , qu’une maladie accidentelle rendrait toute gestion
impossible. Ainsi la marche de la faillite se trouverait
suspendue. Il faudrait pourvoir à chaque instant à des
remplacements, multiplier les convocations des créan
ciers et enlever bien souvent de son poste un excellent
administrateur qui n’aurait d’autre tort que celui d’être
fortuitement empêché.
On ne peut donc interpréter l’article 465 qu’en ce sens
que , vis-à-vis les tiers, les syndics sont solidairement
responsables de leur gestion ; que, quant à eux, ils peu
vent en l’absence les uns des autres prendre , sous la
surveillance du juge-commissaire toutes les mesures con
servatoires nécessaires, continuer même la vérification
des créances ; bien entendu que tous ces actes engage
raient la responsabilité du syndic absent ou empêché.
237.
— L’un des syndics pourra- 1—il en l’absence
des autres opérer le recouvrement des créances actives?
Il nous semble qu’il faut distinguer entre les créances
purement commerciales et les titres civils.
Ceux-ci exigeant une quittance, quelquefois sans ré
mission des titres qui peuvent être restés chez les notai
res , les débiteurs doivent, pour leur propre sûreté, ré
clamer l’exécution littérale de l’article 465. S’ils n’ont
traité qu’avec un seul syndic et que celui-ci ait détourné
les sommes reçues , ils pourraient être obligés de payer
une seconde fois. Il y aurait injustice à rendre les syn
dics non signataires responsables d’un acte qu’ils ont pu
�342
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ignorer, que le débiteur a eu l’imprudence de laisser
s’accomplir sans exiger leur concours.
Que si la créance civile n’était établie que par un acte
sous seing privé , inventorié avec le portefeuille et livré
au pouvoir des syndics, on devrait l’assimiler aux cré
ances commerciales et décider la question de responsa
bilité comme pour ces dernières.
Or, pour ces créances que le débiteur solde en retirant
le titre , le paiement fait à un seul syndic est valable.
D’abord, parce que la disposition absolue du titre que
les autres syndics lui ont laissée est une autorisation suf
fisante pour en opérer l’encaissement, même en leur
absence; en second lieu , parce qu’il est impossible que
les autres syndics aient plus lard ignoré ce paiement.
En effet, c’est à eux à se faire rendre compte de ce qui
s’est passé en leur absence, à vérifier les valeurs qu’ils
ont laissées, et à faire opérer le versement dans la caisse
du montant de celles qui ne sont plus représentées en
nature. S’ils ont négligé ce devoir , ils ont commis une
faute dont ils sont responsables. Et si par suite de cette
négligence des sommes quelconques ont été détournées,
ils sont tenus d’en indemniser les créanciers, sauf leur
recours contre l’auteur du détournement. En pareille
circonstance, il n’y a pas à hésiter entre eux et les débi
teurs. Ceux-ci ayant retiré leur titre n’ont commis ni
faute ni imprudence; tandis que les syndics ont été im
prudents en laissant à l’un d’eux la disposition du por
tefeuille, plus imprudents encore en négligeant d’en vé
rifier l’état et d’en contraindre le dépositaire à la repré
sentation des titres en nature ou de leur valeur.
�(
art.
464, 465.
343
238.
— La loi actuelle a introduit une exception au
principe de la solidarité qui n’en comportait aucune sous
l’empire du Code précédent. Le juge-commissaire peut
autoriser un des syndics à faire seul certains actes dé
terminés. Le résultat de cette autorisation est évidem
ment de rendre celui qu’elle concerne seul responsable
de la gestion qui lui est spécialement affectée. Les autres
syndics demeurant étrangers à celte branche de l’admi
nistration, n’ayant à cet égard ni action ni contrôle, res
tent justement en dehors de toutes les conséquences qu’
elle est susceptible d’entraîner.
Quant au syndic autorisé, la responsabilité particulière
qui pèse sur lui ne l’affranchit pas de celle qu’il encourt
pour les autres parties de l'administration. La divisibilité
de la gestion ne s’applique qu’aux actes spécialement dé
terminés et ne peut être invoquée que par les syndics
qui n’ont pas à s’en occuper. En conséquence, la res
ponsabilité générale est encourue par le premier qui ne
cesse pas d’être solidairement obligé envers les créanciers.
230. — La faculté dont parle l’article 465 forme un
droit nouveau dont il n’existe aucune trace dans le Code.
Son application pourrait ne pas être sans inconvénient, si
elle n’élait réglée avec la plus grande prudence. Elle crée,
en effet, deux gestions dans une ; elle introduit deux di
rections dans une administration ; elle affaiblit enfin la
responsabilité en la divisant. Le juge-commissaire ne doit
donc l’autoriser que dans des cas extrêmement rares, et
lorsqu’il ne pourrait sans danger la refuser. Plus il y a
de gérants responsables, et plus il y a de garanties ma
térielles et morales pour une bonne administration.
�344
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
A rt.
466.
S’il s’élève des réclam ations contre quelqu ’une
des opérations des syndics , le juge-com m issaire
statuera dans le délai de trois jo u rs, sau f recours
devant le trib u n a l de commerce.
Les décisions du ju ge-co m m issaire sont exécu
toires p a r provision.
A rt.
467.
Le ju ge-com m issaire p o u rra , soit s u r les récla
m ations à lu i adressées p a r le fa illi ou p a r des
créanciers , soit m êm e d ’office , proposer la révo
cation d ’un ou p lu sieu rs des syndics.
Si, dans les huit jo u rs , le ju ge-co m m issaire n’a
pas fait dro it aux réclam ations qui lu i ont été adressées, ces réclam ations p o u rro n t être portées
devant le tribu n al.
Le trib u n al, en cham bre du conseil, en tendra le
rap p o rt du ju ge-co m m issaire et les explications
des syndics, et p rononcera à l’audience s u r la ré
vocation.
S OMMAI RE
240.
244.
242.
Distinction entre ces dispositions.
Cas auxquels s’applique l’article 466.
En quoi consistent les modifications qu’a subies l ’ancien
article 495 du Code de commerce.
243. Le juge-commissaire n ’a plus l’option de prononcer ou de
renvoyer au tribunal.
244-. Caractère de la décision ; innovalion sur la précédente lé
gislation.
245. Le juge-commissaire peut-il siéger comme juge lorsqu’il
s ’agit de l’appel de ses décisions ?
246. A qui appartient le droit de révocation ?
247. Quelles personnes peuvent la poursuivre ?
248. Pour quelles causes peut-elle être prononcée? Envoi du
jugement au procureur de la république dans certains cas.
�466, 467.
S45
Le juge-com m issaire n ’a qu’un droit de proposition. Il peut
faire partie du tribunal appelé à juger.
C’est au juge-com m issaire que la demande en révocation
doit être adressée; dans quel délai doit-il lui-m êm e in
vesti" le tribunal ?
Comment cette demande est-elle instruite ?
Le jugem ent est prononcé à l’audience. Discussion législa
tive de cette disposition.
Comment est-il procédéau remplacement dusyndicrévoqué?
ART.
249.
250.
251.
252.
253.
240. — Il ne faut pas confondre les réclamations
qui font l’objet de l’article 466 avec la demande en ré
vocation dont s’occupe l’article suivant. La disposition
du premier ne concerne que le mode d’administration
adopté par les syndics. Elleouvre aux créanciers le droit,
s’ils trouvent ce mode périlleux ou inopportun , de le
faire déclarer tel par la justice et de contraindre les syn
dics à l’abandonner.
241. — L’article 470, par exemple, permet la con
tinuation de l’exploitation du commerce du failli. Les
bases sur lesquelles celte exploitation devra se faire peu
vent amener des dissentiments graves entre les syndics
et les créanciers. Ainsi encore , les syndics ne poursui
vront pas la nullité d’actes que les créanciers soupçon
neront être frauduleux ; ou bien ils entreprendront un
procès chanceux dont le résultat serait onéreux pour la
masse. Dans ces cas comme dans tout ce qui concerne
le mode de gestion, les créanciers peuvent demander que
la justice impose aux syndics la conduite qu’ils doivent
tenir. C’est le recours à cet effet que règle l’article 466.
2 4 2 . — Le droit à cet égard n’est point une inno
vation de la loi actuelle. L’article 495 du Code de com-
�346
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
merce l’avait formellement consacré. Seulement le légis
lateur de 1838 en a organisé l’exercice d’une manière
plus énergique. Il le devait, au reste, d’autant plus qu’
ayant imposé aux créanciers les syndics nommés par le
tribunal, il était juste qu’il leur facilitât les moyens les
plus capables de rappeler dans les voies les plus utiles
l’administration de la chose commune.
245.
— L’option laissée par l’article 494 du Code
de commerce au juge-commissaire de prononcer luimême ou de renvoyer les parties devant le tribunal a été
rapportée. Le juge-commissaire doit aujourd’hui décider
le litige, dans le délai de trois jours. Sa décision est exé
cutoire par provision , même en cas de recours au tri
bunal de commerce.
2 4 4 . — Ainsi , le juge-commissaire prononce en
premier ressort et remplace le premier degré de juridic
tion. Il en résulte que le tribunal de commerce décide
comme juge d’appel et que son jugement n’est suscep
tible d’aucun recours.
Il n’en était pas de même sous l’empire du Code. Le
juge-commissaire n’ayant qu’un ministère de pure sur
veillance, ne pouvait rendre aucune décision qui fût obli
gatoire pour ceux qui s’en prétendaient lésés. Ces déci
sions ne pouvaient même être assimilées à des ordon
nances de référé , et n’étaient par conséquent suscepti
bles ni d’exécution provisoire ni d’appel. La marche na
turelle était de recourir au tribunal qui avait incontes
tablement le droit de réformer les actes de son délégué,
et le jugement rendu à ce sujet pouvait ensuite être at-
�ART.
466, 467.
347
taqué par voie d’appel, puisque par sa nature il statuait
toujours sur un intérêt indéfini1.
En conséquence, l’innovation introduite par l’article
466 est tout entière dans le sens que nous indiquions
tout à l’heure , à savoir : que l’on a voulu lui conférer
une action plus immédiate et plus directe sur la faillite.
Cette résolution a, dans l’hypothèse actuelle , l’avantage
de décider sans retard une contestation véritablement
urgente, et d’économiser les frais et les longueurs d’un
procès ordinaire.
245. — I.e juge-commissaire pourra-t-il siéger com
me juge, lorsqu’il s’agira d’un recours formé contre ses
propres décisions ? Le doute pourrait s’élever de la dis
position de l’article 452 qui exige que toutes les con
testations que la faillite fait naître ne soient jugées que
sur son ra p p o rt, ce qui, avons-nous dit, ne lui enlève
pas voix délibérative dans ces mêmes contestations. Mais
quelque général que soit ce texte , il est des exceptions
qui n’ont pas besoin d’être écrites. Il serait monstrueux
que le juge du premier ressort fût chargé de juger en
appel le mérite de ses propres décisions. La morale,
l’équité , la loi repoussent une pareille faculté que la
convenance seule porterait le juge à répudier.
246. — Il nous reste à parler de la révocation des
syndics. De même que leur remplacement, cette révo
cation ne peut être prononcée que par le tribunal de
commerce. L’article 467 règle la manière de procéder
qui doit être employée en pareille circonstance.
i Pardessus, n° 4143.
�348
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
247.
— Le droit de poursuivre la révocation ap
partient :
1” Au failli. = L’intérêt du failli à ce que l’ordre et
l’économie régnent dans l’administration est incontes
table. Plus les créanciers recevront dans la liquidation,
moins il aura à payer lui-même lorsque voulant obtenir
sa réhabilitation il sera obligé de les désintéresser inté
gralement. Sous un autre rapport, l’importance du divi
dende à recevoir ou reçu influera nécessairement sur les
dispositions des créanciers relativement au concordat ou
à la déclaration d’excusabilité. Il était donc juste de
permettre au failli de demander la révocation des syndics
qui agiraient contrairement à ce double intérêt.
2° Aux créanciers. = Le droit de ceux-ci à exiger
que les syndics remplissent convenablement leurs fonc
tions est plus direct, plus immédiat encore que celui du
failli. Le préjudice qu’une gestion infidèle ou inexacte
leur causerait est trop évident pour que la faculté d’en
obtenir une prompte et éclatante réparation ait pu être
mise un instant en question.
3° Au juge-commissaire. = Mieux que personne ce
magistrat est en position de juger l’administration des
syndics. La place qu’il remplit auprès d’eux exige qu’il
ait sans cesse l’œil ouvert sur tous leurs actes. Or, cette
place ne lui a été confiée que pour surveiller et proté" ger tous les intérêts. Comment satisferait-il à cette dou
ble mission , s’il ne pouvait requérir la révocation de
mandataires négligents ou infidèles ?
Il y a plus encore : ce qui n’est qu’une faculté pour
le failli ou les créanciers est imposé comme un devoir au
�art.
466, 467.
349
juge-commissaire. Les premiers peuvent; par leur posi
tion, ignorer plusieurs circonstances qui ne doivent pas
échapper à l’attention de celui-ci ; et si ces circonstances
sont de nature à déterminer la révocation , le juge doit
d’autant moins hésiter à la poursuivre, que c’est sur son
rapport que le tribunal a imposé les syndics aux créan
ciers; qu’il y a donc pour le tribunal et pour lui une
plus haute responsabilité morale à ce que ces syndics
s’acquittent dignement de leurs fonctions.
248.
— L’appréciation des causes qui doivent faire
admettre la révocation est confiée à la prudence du tri
bunal. Mais comme celte mesure peut laisser sur l’hon
neur de celui qui en est l’objet une empreinte fâcheuse,
les juges ne doivent admettre que celles qui sont d ’une
évidente gravité.
En première ligne se placent l’infidélité, les malver
sations, la collusion avec le failli pour tromper les cré
anciers ou pour déguiser la vérité ; le détournement
d’objets mobiliers pendant ou après l’inventaire ; la sou
straction de deniers. Dans chacun de ces cas, le tribu
nal doit non-seulement prononcer la révocation , mais
encore ordonner l’envoi de son jugement au procureur
de la république pour que la société et la masse obtien
nent la réparation qui leur est due.
Il en serait de même dans le cas où un syndic cré
ancier aurait abusé de ses fonctions pour s’avantager au
détriment de la masse.
Des motifs moins graves peuvent faire prononcer la
révocation. Ainsi, si les syndics n’ont pas déposé, dans
la quinzaine, le rapport exigé par l’article 482 ; si; après
�350
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
le jugement qui condamne le mode de leur gestion aux
termes de l’article 466, ils continuent ce mode ; s’ils n’o
pèrent pas avec exactitude le recouvrement des créances
actives ; en un mot, s’ils négligent de remplir en tout ou
en partie les devoirs qui leur sont imposés , les parties
intéressées , le juge-commissaire pourront solliciter ou
proposer leur révocation. Mais la justice nous parait exiger
dans ce cas qu’ils soient avertis avant d’être atteints par
cette mesure sévère ; on ne devrait donc la consacrer
qu’après que les mises en demeure amiablement faites
par le juge-commissaire seraient restées sans résultat.
24-9. — Contrairement à ce qui a lieu dans les hy
pothèses prévues par l’article 466. le juge-commissaire
en ce qui concerne les révocations n’a qu’un simple droit
de proposition. Celui de décider appartient exclusivement
au tribunal. Il s’agit, en effet, de rétracter le jugement
de nomination qui est l’œuvre du tribunal entier, de
remplacer ce jugement par un jugement nouveau. On
ne pouvait donc confier au juge-commissaire le droit de
procéder seul à cette substitution.
Mais de ce que ce magistrat n’a aucune décision préala
ble à rendre, il suit qu’il fait légalement partie du tribu
nal qui prononce la révocation ; qu’il a voix délibérative
pour le jugement qui doit être rendu sur son rapport.
250.
— La demande en révocation faite par le failli
ou par les créanciers doit être adressée au juge-commis
saire et non au tribunal de commerce. Dans la huitaine
de la réception ce magistrat doit provoquer une décision
du tribunal.
Ce délai est laissé au juge par déférence pour sa qua-
�ART.
466, 467.
351
lité et pour lui donner le temps de s’éclairer sur les faits
qui lui sont dénoncés. Si le juge-commissaire en a véri
fié plus tôt l’exactitude ou le mal fondé, il peut en réfé
rer immédiatement au tribunal. Rien ne s’oppose à ce
que le tribunal prononce, avant les huit jours , sur un
fait aussi urgent que l’adoption ou le rejet d’une révo
cation. La détermination du délai fixé par l’article 467
n’est que la mesure la plus éloignée du temps pendant
lequel le juge-commissaire est autorisé par la loi à gar
der le silence. Mais si ce délai est expiré sans que le juge
ait investi le tribunal , les parties plaignantes peuvent
s’adresser directement à celui-ci.
251. — Les débats ont lieu en chambre du conseil;
c’est le juge-commissaire qui expose la plainte et fournit
les preuves à l’appui. Dans la crainte qu’on ne recher
chât dans la demande en révocation qu’une occasion de
scandale, la loi n’a pas permis d’entendre la partie pour
suivante. Elle éloigne ainsi de ces débats toute passion,
en n’exigeant qu’un compte-rendu que le caractère de
son auteur garantit impartial et juste. Si les syndics sont
admis à le discuter, c’est qu’il fallait respecter le principe
sacré de la défense et qu’il était impossible d’adopter que
quelqu’un pût être condamné sans avoir été entendu.
252. — Le jugement quel qu’il soit doit être pro
noncé à l’audience. Cette disposition avait été rejetée en
1835 par la chambre des députés. Adoptée par la cham
bre des pairs en 1836, elle fut reproduite par le Gouver
nement en 1838. Des députés en demandèrent de nou
veau la suppression. Ils soutenaient qu’on donnait mal
à propos un caractère judiciaire à une lutte qui ne con-
�352
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
cernait que T’administra lion. Les syndics, ajoutaient-ils,
ne sont que des mandataires pouvant être révoqués par
leurs mandants ; il n’est ni juste ni nécessaire de don
ner à cette révocation, souvent pour des causes infaman
tes, une publicité qu’on refuse à la défense.
Ces raisons qui avaient triomphé en 1835 échouèrent
en 1838. La Chambre , sur les observations du garde
des sceaux et par respect pour le principe de la publicité
des jugements , consacra le projet du Gouvernement et
adopta l’article 467 dans toutes ses dispositions.
Cette publicité donnée au jugement paraît d’autant
plus exorbitante, que les débats n’en ont aucune et que
l’article 583 interdit tout recours contre ses dispositions.
Mais, de deux choses l'une, ou la révocation sera pro
duite par la négligence, le dissentiment ou l’omission de
formalités essentielles ; ou par l’infidélité , le détourne
ment ou des malversations. Dans le premier cas, la pro
bité des syndics n’éprouvera aucune atteinte. Dans le
second cas, il y a eu véritablement délit ; et si la publi
cité est de nature à en empêcher la perpétration, par la
crainte du déshonneur qui en rejaillirait , on ne peut
qu’applaudir à la résolution qui prescrit cette publicité.
2 5 5 . — Si la révocation est prononcée, il est pourvu
au remplacement des syndics dans les formes exigées
par l’article 462.
�a r t
.
468, 469.
353
CHAPITRE V
DES
FONCTIONS
DES
SYNDICS
SECTION Ire
D ISP O SIT IO N S G É N É R A L E S
A rt. 468.
Si l’apposition d es scellés n ’avait p oin t eu lieu
avant la n om in atio n des syn dics, ils req u erron t le
juge de paix d’y procéder.
A rt. 469.
Le ju ge-com m issa ire p ourra é g a le m e n t, su r la
demande des syndics, le s d isp en ser de fa ire placer
sous les scellés ou le s a u to riser à en faire extraire:
1° Les v êtem en ts, h a rd es, m eu b les et effets n é
cessaires au fa illi et à sa fa m ille , et dont la d éli
vrance sera a u to risée par le ju ge - com m issaire,
sur l’état que lu i en so u m ettro n t le s syn dics1;
2° Les objets su je ts à d ép érissem en t prochain
ou à d ép réciation im m in e n te ;
3° Les objets servan t à l ’exp loitation du fonds
de com m erce, lorsq u e cette ex p lo ita tio n n e pour
rait être in terrom p u e sa n s préju d ice pour le s cré
anciers.
Les objets com pris d an s les deux paragraphes
précédents sero n t de su ite in v en to riés avec p risée
par les syn dics, en présen ce du juge de paix qui s i
gnera le procès-verbal.
*
SOMMAIRE
254. Les syndics provisoires remplaçant les agents sont obligés
de requérir que les scellés soient apposés , s ’ils ne l ’ont
pas encore été.
i — 23
�354
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
255. Ceite apposition à leur poursuite doit être combinée avec
les besoins du failli, avec l ’intérêt des créanciers.
256. Les syndics peuvent en faire excepter les vêtem ents, har
des et effets nécessaires au failli et à sa famille.
257. La quotité de ceux à délivrer au failli est laissée à l ’appré
ciation du juge-com m issaire.
258. Les effets personnels aux membres de la famille doivent
leur être remis sans état.
259. Exception en ce qui concerne le trousseau de l»«femme.
260. L’ordonnance du juge-com missaire qui autorise la déli
vrance n ’est susceptible d’aucun recours.
261. La m êm e dispense des scellés s ’applique aux effets sujets à
dépérissement ou dépréciation , aux objets servant à
l’exploitation du fonds de commerce.
262. Tous les objets susceptibles d’être exem ptés des scellés
peuvent en être extraits.
263. Quels sont ceux qui doivent être estim és et inventoriés?
264. Comment et par qui doit être fait l’inventaire ?
2 5 4 . — La suppression de l’agence laisse aux syn
dics provisoires le devoir de prendre les mesures conser
vatoires que la déclaration de faillite nécessite. La plus
importante de toutes est sans contredit l’apposition des
scellés sur les facultés mobilières du débiteur. Ils doi
vent donc la requérir immédiatement après leur entrée
en fonctions.
Cette apposition pourrait paraître superflue du moment
qu’il existe des syndics dont la mission est précisément
de veiller à la conservation de l’actif. Nous avons vu ce
pendant que la loi ne crée qu’une seule exception à l’o
bligation de faire apposer les scellés , à savoir : si l’in
ventaire peut être fait dans un seul jour L Alors , l’ini Voy.
su p ra
article 455.
�ART.
468, 469.
355
ventaire rend celle apposition sans objet, et réunit à l’é
conomie de temps celle des frais. Mais lorsqu’il s’agit
d’un mobilier important qui exige plusieurs jours pour
être inventorié , l’apposition des scellés a l’avantage de
placer l’universalité des objets sous la main immédiate
de la justice, et d’empêcher tout détournement soit avant
soit pendant l’inventaire.
Peu de syndics accepteraient la responsabilité d’un
mobilier, de marchandises, de valeurs laissées sans pré
caution dans le domicile du failli. A la chance d’un dé
tournement possible par celui-ci ou par sa famille se
joindrait celle d’être en butte à des soupçons de la part
des créanciers, soupçons qu’il convient surtout de ne
pas exciter.
En conséquence, autant dans l’intérêt de leur honneur
que dans celui des créanciers, les syndics devront se
hâter de se conformer littéralement à celle disposition
de la loi, et dès leur entrée en fonctions requérir que les
scellés soient apposés, s’ils ne l’ont été déjà.
Or, cela arrivera le plus souvent, car le jugement qui
déclare la faillite nomme en même temps les syndics
provisoires. Ceux-ci pouvant s’ils acceptent entrer im
médiatement en fondions, il sera difficile que le juge de
paix les ait prévenus dans l’accomplissement de cette
formalité; à moins qu’usant de la disposition de l’article
457, ce magistrat n’ait apposé les scellés avant le juge
ment déclaratif.
255. — Nous avons d i t , sous l’article 458 , que le
juge de paix agissant d’office soit avant soit après le ju
gement déclaratif, doit apposer les scellés sur tout ce
�356
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
qui se trouve au domicile du failli sans en rien excepter.
Il n’en est plus de même lorsque l’apposition est faite à
la réquisition des syndics. Elle d o it, dans ce cas , être
combinée avec les besoins du failli, ceux de sa famille,
avec l’intérêt des créanciers.
2 5 6 . — Ainsi les syndics pourront, avec l’autorisa
tion du juge-commissaire, excepter des scellés les vêle
ments , hardes, meubles et effets nécessaires au failli et
à sa famille, et dont il leur sera fait remise.
Le Code de commerce n’autorisait la délivrance de ces
objets qu’après leconirat d’union. On retardait ainsi sans
aucune nécessité et pour un temps indéfini cet acte d’hu
manité. Quels que puissent être les torts du failli, la fa
veur qui s’attache à une grande catastrophe ne devait pas
permettre qu’on le laissât dans le dénûment le plus ab
solu, qu’on privât sa famille des objets de première né
cessité. Et cela sans aucun avantage pour les créanciers.
On peut au contraire aujourd’hui faire au début de
la faillite ce qu’on ne faisait autrefois qu’à la fin. Ainsi
le bienfait acquiert une plus grande portée de la promp
titude que l’on met à le réaliser. Et c’esbpour que rien
ne le retarde qu’on a permis de ne pas même apposer
les scellés sur les objets à délivrer.
2 5 7 . — La quotité, l’importance de ces objets doivent
être calculées sur la position sociale qu’occupait le failli,
sur le nombre de personnes qui composent sa famille.
On ne doit cependant pas oublier que la loi n ’entend ac
corder que le nécessaire ; et que pousser la générosité
jusqu’au superflu serait outrepasser ses intentions \
V oy.
infra
a rtic le 4 7 4 .
�art .
468, 469.
357
258. — C’est sur l’état dressé par les syndics que la
délivrance est ordonnée. Cet état n’est nécessaire que pour
les vêtements, hardes, meubles et effets pris sur l’actif ;
en d’autres termes , pour ceux appartenant directement
au failli. Il résulte de là que les effets personnels aux
divers membres de la famille ne doivent point figurer
sur cet é tat, malgré qu’ils soient restituables intégrale
ment à leur propriétaire.
259. — Il faut cependant excepter le trousseau de
la femme. Comme la moins value en sera supportée par
les créanciers, les objets qui le composent ne sont déli
vrés qu’après avoir été non-seulement décrits, mais en
core estimés à la diligence des syndics.
260. — En vertu de l’article 453 , l’ordonnance du
juge qui autorise la délivrance n’est susceptible d’aucun
recours.
261. — Le juge-commissaire peut encore , sur la
demande des syn& cs, les dispenser de mettre sous les
scellés : 1° les objets sujets à dépérissement prochain
ou à dépréciation imminente; 2° ceux servant à l’ex
ploitation du fonds de commerce , lorsque cette exploi
tation ne pourrait être interrompue sans préjudice pour
les créanciers.
Cette exception à la règle générale est, on le voit, tout
entière dans l’intérêt des créanciers. Ce n’est pas tout
que de veiller à la conservation matérielle du gage , il
importe de l’administrer le plus utilement possible , et
surtout d’empêcher tout ce qui tendrait à en diminuer
la valeur. Les syndics doivent donc se faire remettre de
suite tout ce qui ne pourrait sans péril être conservé
plus longtemps.
�' \
- \
358
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
D’un autre côté, la jouissance non interrompue des
objets servant à l’exploitation du fonds de commerce peut
être d’une utilité immense. Souvent dans les petites fail
lites on sauve ce qu’il y a de plus clair dans l’actif, en
empêchant seulement pendant quelques jours l’inter
ruption du commerce. C’est la prévision de cet état de
choses qui a fait introduire dans l’article 469 la dispo
sition dont nous nous occupons.
2 6 2 . — Dans tous les cas prévus par l’article 469,
l’urgence qui motive pour les objets y relatés l’exemption
des scellés est telle que , si avant l’acceptation des syn
dics et leur intervention, le juge de paix les avait com
pris dans l’apposition , l’extraction pourrait en être de
mandée et autorisée. Il y serait procédé par le juge de
paix à la première réquisition des syndics.
2 6 3 . — Dans le cas d’exemption comme dans celui
d’extraction, les objets ne sont livrés aux syndics qu’à la
charge par eux d’en faire un inventaire descriptif et es
timatif. Il faut cependant distinguer entre les hardes,
meubles et effpts à délivrer au failli, et les autres objets
dont parle l’article 469. Les premiers sont affranchis de
toute estimation. La raison en est qu’une fois remis au
failli, ces effets sont pour toujours sortis de l’actif, et que
les créanciers ne peuvent plus en exiger ni la représen
tation en nature, ni leur valeur. Il suffit donc que l’état
que doivent en dresser les syndics en fasse connaître la
quantité et la qualité, pour pouvoir plus tard être uti
lement consulté lorsqu’il s’agira de fixer les secours qui ,
doivent être fournis au failli et à sa famille.
Mais il en est autrement des objets extraits ou excep-
�\
ART. , 4 6 8 , 4 6 9 .
359
tés des scellés pour cause de dépérissement prochain ou
de dépréciation imminente. Ceux-ci comme ceux em
ployés à l’exploitation du commerce ne sont livrés aux
syndics qu’à la charge de les représenter en nature , ou
d’en rapporter la valeur. Il importe dès lors de fixer cette
valeur, au moment même de la délivrance, par un in
ventaire régulier.
26 4.
— Cet inventaire est rédigé paï les syndics en
présence du juge de paix qui en signe le procès-verbal.
La prisée est faite par les syndics ou par telle personne
désignée conformément à l’article 480.
470.
La vente des objets su jets à d ép érissem en t on à
dépréciation im m in en te ou d isp en d ieu x à co n ser
ver, et l’exp loitation du fonds de com m erce au ron t
lieu à la d ilig en ce des syn dics , su r l ’au to risa tio n
du ju ge-com m issaire.
A rt.
- SOMMAI RE
265. Les objets sujets à dépérissement ou à dépréciation extraits
des scellés doivent être immédiatement vendus avec
l ’autorisation du juge-com m issaire.
266. 1II en est de m ême des objets dispendieux à conserver.
267. Destination du produit de ces ventes.
26 8 . Abrogation de l ’article 464 du Gode de commerce relative
m ent à la vente préalable des marchandises et meubles
non sujets à dépérissement.
269. La continuation de l ’exploitation du fonds de commerce
doit ètrê autorisée par le juge-com missaire ; caractère
de cette autorisation.
270. L’opportunité de celte,exploitation peut être contestée par
les créanciers, par le failli.
�360
271.
272.
273.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Comment celle opposition est jugée.
Etendue de l’exploitation.
Différence entre l’article 470 et l'article 532.
2 6 5 .— L’exemption ou l’extraction des scellés pour
les objets sujets à dépérissement ne pouvait avoir qu’un
but : celui de permettre aux syndics d’en réaliser la va
leur. Ils doivent, en conséquence, le plus promptement
possible en opérer la vente par l’une des voies prescrites
par l’article 486.
L’obligation de faire autoriser la vente par le jugecommissaire, que la loi impose aux syndics, pourrait
paraître superflue. La qualité de la marchandise étant
fixée par l’autorisation donnée de l’extraire des scellés,
la nécessité de la vendre est par cela seul démontrée.
Cette seconde autorisation n’est donc qu’un redoublement
de précautions contre l’erreur qu’on aurait pu d’abord
commettre sur la nature des objets extraits des scellés.
Il est certain, en effet et nous le justifierons en exa
minant l’article 486, que la loi, surtout en ce qui con
cerne les marchandises, n’a voulu permettre de vendre,
dès l’abord, que celles qui seraient réellement sujettes à
dépérissement ou à dépréciation. C’est pour assurer l’exé
cution de cette volonté qu’elle l’a placée sous l’égide
d’une double autorisation.
266.
— Aux objets sujets à dépérissement ou dépré
ciation la loi ajoute ceux qui seraient dispendieux à con
server ; tels seraient les animaux domestiques, les che
vaux de luxe, ceux attachés à l’exploitation d’une usine
que l’intérêt des créanciers ne permettrait pas d’exploi
ter. L’urgence de la vente ne saurait être mise en doute;
�le juge-commissaire doit donc l’autoriser ; elle doit être
précédée d’un inventaire estimatif.
2 6 7 . — Le produit de ces diverses ventes est destiné
à faire face aux premiers frais. Mais s’il excède les be
soins ou si les espèces trouvées en caisse sont suffisan
tes, il est en tout ou en partie déposé dans les trois jours
à la caisse des consignations.
2 6 8 . — L’article 464 du Code de commerce auto
risait les agents à vendre même les marchandises non
dépérissables, à la condition néanmoins d’obtenir l’auto
risation du tribunal de commerce. Celte disposition spé
ciale à l’agence n’a pas été reproduite par la loi actuelle
et ne devait pas l’être. Les syndics provisoires ou défi
nitifs peuvent aujourd’hui vendre les marchandises non
dépérissables , à quelque époque que ce so it, et à plus
forte raison si celle vente était nécessitée par le besoin de
fournir aux frais. L’article 486 règle les formalités à rem
plir et le mode à suivre pour y parvenir. Il n’y a donc
plus lieu à d’autre autorisation que celle du juge-com
missaire.
2 6 9 . — Nous avons dit, dans l’article précédent, que
l’exploitation du fonds de commerce du failli peut être
utile pour la masse. Cette utilité est. appréciée par le jugecommissaire dont les syndics sont tenus de rapporter
l’autorisation.
La faculté d’exploiter s’étend à toutes les usines sus
ceptibles de l’être l. Mais l’autorisation ne constitue qu’un
acte de juridiction gracieuse et n’a aucun caractère judii R a p p o r t d e M . T r i p i e r à l a C h a m b r e d e s p a i r s , s e s s io n d e 1 8 3 8 ,
�362
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ciaire. Il en résulte que malgré que l'article 470 ne s’ex
plique point sur le recours à exercer par qui de droit,
l’opportunité de la mesure qu’elle sanctionne peut être
discutée.
2 7 0 . — Elle peut l’être par les créanciers. Ils peu
vent craindre de voir l’actif délaissé par le failli subir
encore une perte considérable , et préférer le partager
tel quel plutôt que de le soumettre à de nouveaux hasards.
Elle peut l’être encore par le failli. C’est à ses risques
que l’exploitation se poursuit ; il n’est déchargé envers
les créanciers que jusqu’à concurrence de ce qui leur est
réellement payé. Or, si l’actif de la faillite au lieu d’être
réparti est engagé dans de nouvelles spéculations, il ne
pourra plus tard obtenir sa réhabilitation qu’en rendant
les créanciers indemnes des résultats fâcheux que ces
spéculations auront entraînées.
L’opposition du failli serait donc recevable au même
titre que celle des créanciers. Le juge-commissaire doit
même examiner mûrement les motifs sur lesquels elle
serait fondée, car éclairé par sa propre expérience le failli
est beaucoup plus à même de connaître les inconvénients
et les chances défavorables que l’exploitation peut ren
contrer.
2 7 1 . — L’opposition soit des créanciers soit du failli
est jugée dans les formes prescrites par l’article 466, c’està-dire en premier ressort par le juge-commissaire, et sur
l’appel de la partie condamnée, par le tribunal de com
merce.
2 7 2 . — Aù reste, l’autorisation d’exploiter le com
merce ne peut s’entendre que dans le sens d’une liqui-
�ART.
470.
363
dation progressive et non dans celui d’une continuation
réelle du commerce. Ainsi , les syndics pourraient faire
les achats indispensables pour faciliter la vente des mar
chandises existantes en magasin , ou confectionner les
produits d’une usine pour en favoriser l’écoulement.
Mais ils ne devraient pas se livrer à des spéculations dont
le résultat pourrait être de compromettre l’actif confié à
leurs soins. C’est ainsi que la cour d’Aix a jugé en 1822,
dans la faillite Second , que les syndics n’avaient pas le
droit de réaliser l’expédition d’un navire préparée par
le failli, et sur le point d’être effectuée au moment où la
faillite fut déclarée A
273.
— Il est vrai que l’on pourrait vouloir établir
le contraire en invoquant l’article 532. Il est certain, en
effet, que dans l’hypothèse de cet article les syndics peu
vent être autorisés à exploiter le commerce dans toute
l’acception ordinaire de ce mot. Il faudrait donc , dans
ce cas, adopter une solution contraire à celle que nous
venons d’indiquer. Mais cette différence, loin d’affaiblir
celle-ci, en fait ressortir l’exactitude lorsque l’on en re
cherche les motifs.
Ces motifs sont dans la position bien distincte des
parties dans l’un et l’autre cas. Dans l’espèce de l’article
532 l’union vient d’être formée. La dépossession du failli
en faveur des créanciers est complète. Ceux-ci sont ap
pelés à régler la disposition ultérieure d’objets leur appar
tenant, à déterminer la durée et l'étendue du mandat
qu’ils confèrent eux-mêmes ; rien ne s’oppose dès lors à
\
1 D. A., t. 8,
p. 112,
�364
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ce que ce mandat n’ait d’autres limites que celles qu’il
leur conviendra de fixer.
Dans l’hypothèse de l’article 470 , au contraire , les
créanciers ne sont et ne peuvent être consultés. Ce sont
les syndics qui veulent exploiter; c’est le juge-commis
saire qui les y autorise. On dispose donc de la chosa
d’autrui sans l’aveu et peut-être contre l’intention des
parties intéressées. Un motif d’utilité évidente a bien pu
faire admettre celte faculté contraire à tous les princi
pes , mais la raison indique qu’on ne pourrait jamais
aller au delà du provisoire ni permettre que son exercice
pût compromettre l’avenir des créanciers.
Ce que la loi a voulu dans celte période de la faillite,
c’est d’empêcher que par une trop brusque interruption
du commerce on ne jetât la perturbation dans les affaires
du failli. C’est donc une exploitation conservatoire qu’
elle a décrétée, en attendant que conformément à l’arti
cle 532 les créanciers fussent en état de pourvoir défi
nitivement à ce qu’exige leur intérêt. Il n ’y a donc a u
cune contradiction entre cet article 532 et l’article 470
tel que nous l’interprétons.
A rt. 4 7 1 .
Les livres seront extraits des scellés et rem is par
le ju ge de paix an x syndics, après avo ir été arrêtés
p a r lu i; il constatera som m airem ent p a r son pro
cès-verbal l ’état dans lequel ils se trouveront.
Les effets de portefeuille à courte échéance ou
susceptibles d ’acceptation, ou p o u r lesquels il fau
d ra fa ire des actes co n se rv a to ire s, sero n t aussi
extraits des scellés p a r le ju ge de p a ix , décrits et
rem is aux syndics p o u r en fa ire le recouvrem ent.
Le b o rd erea u en sera rem is au juge-com m issaire.
�Les antres créances seront recouvrées p a r les
syndics s u r le u rs quittances. Les lettres adressées
an fa illi seront rem ises aux syndics qui les o u vri
ront ; il p o u rra s’il est présent assister à l’ouver
ture.
S OMMAI RE
274.
275.
276.
277.
278.
279.
280.
281.
282.
283.
284.
285.
286.
287.
288.
Division de l ’article.
Nécessité pour les opérations ultérieures de la possession
immédiate des livres par les syndics.
Ils doivent en conséquence être extraits ou dispensés des
scellés.
Obligation pour le juge de paix de les arrêter. Que signi
fient ces mots ?
Cette opération doit être faite dans le plus bref délai et sans
déplacement.
Les livres doivent être arrêtés par le juge de paix , même
dans les cas ou il n’y a pas lieu à apposition des scellés.
L ’apposition des scellés pourrait nuire aux créanciers, si on
ne vérifiait, avant, le portefeuille pour en extraire les
effets à courte échéance ou susceptibles d’acceptation ou
de négociation.
Avant de les remettre le juge de paix doit en rédiger un
état descriptif.
Obligation des syndics d’en opérer le recouvrement ou la
négociation.
Modifications au Code de commerce sur le recouvrement
des autres sommes dues au failli.
Obligation de verser le montant de ces recouvrements à la
caisse des dépôts et consignations. Exception autorisée.
Dérogation au principede l ’inviolabilitédela correspondance
Droit des syndics d ’ouvrir les lettres adressées au failli.
Faculté pour celui-ci d’assister à l’ouverture. Modification
à l ’article 463 du Code de commerce.
Dans quelle forme les syndics doivent procéder pour assu
rer l’exécution de la disposition de la loi.
Le failli a le droit d ’obtenir après leur ouverture la restitu
tion des lettres étrangères à son commerce.
�/
366
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
2 7 4 . — Cet article statue sur trois objets également
importants : 10 la remise des livres aux syndics ; 2° celle
des effets à courte échéance ou pour lesquels il y a des
mesures conservatoires à prendre ; 3° la réception et
l’ouverture des lettres adressées au failli.
2 7 5 . — La possession immédiate des livres est d’u
ne absolue nécessité pour l’accomplissement des opéra
tions dévolues aux syndics et au juge-commissaires. Les
livres renferment tous les renseignements tant sur le chif
fre des créances que sur le nom des créanciers et leur
demeure. Ils sont donc indispensables pour la convoca
tion que le juge doit réaliser , pour la formation du bi
lan, pour le contrôle de celui dressé par le failli. Enfin,
leur connaissance doit répandre le plus grand jour sur
le caractère et les causes de la faillite.
Cette possession n ’est pas moins utile en ce qui con
cerne les créances actives de la faillite que les syndics
doivent recouvrer. C’est, en effet, là que l’on rencontrera
les indications sans lesquelles le recouvrement serait dif
ficile ou même impossible. Il convenait donc , dans le
véritable intérêt des créanciers, de consacrer le droit que
les mandataires choisis par la justice ont, dès leur entrée
en fondions, d’exiger la remise entre leurs mains des
livres et écritures.
2 7 6 . — La loi en autorise l’extraction immédiate
des scellés. Elle ne s’explique pas sur le point de savoir
s’ils peuvent en être exceptés ; mais il n’est pas douteux
que si le juge de paix n ’accède que sur la réquisition des
syndics, il est complètement inutile d’apposer les scellés
sur les livres.
»
j.
�2 77. — Dans ce cas comme dans celui d’extraction
les livres sont remis aux syndics par le juge de paix après avoir été arrêtés par lui. Ces mots n ’ont pas ici la
même signification que dans l’article 475. Pour ce qui
concerne le juge de paix, arrêter les livres c’est en con
stater l’état matériel de manière à les rendre inaltéra
bles ; ainsi , mention de cette opération est faite sur la
dernière feuille écrite par le failli. S’il existe des blancs,
le magistrat les bétonne et les paraphe pour qu’on ne
puisse plus tard les remplir.
Il est dressé procès-verbal de cette opération et de la
remise aux syndics. Ce procès-verbal résume sommaire
ment l’état des livres, indique s’ils sont écrits d’un seul
trait, le nombre de feuillets laissés en blanc et les bâtonnements qui auraient été faits avant son examen.
2 7 8 . — Cette opération doit être faite dans le plus
bref délai possible. Le juge de paix doit y procéder sans
désemparer. Il résuie de la discussion à la chambre des
députés que ce magistrat ne p e u t, sous aucun prétexte
et pour quelque cause que ce soit, déplacer les livres ni
les faire transporter chez lui.
279. — L’obligation de faire arrêter les livres et d’en
constater l’état par le juge de paix est absolue. Elle n’ad
met aucune exception ; elle doit donc être exécutée mê
me dans le cas où, conformément à l’article 455, il n’y
aurait pas lieu à apposition des scellés. La mission du
juge se bornerait alors à la rédaction du procès-verbal
de cette double formalité.
2 8 0 . — L’apposition des scellés n’est requise que
dans l'intérêt de la masse. Elle produirait souvent un effet
�368
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
contraire, si avant d’y procéder on ne vérifiait les valeurs
contenues dans le portefeuille pour en extraire celles à
courte échéance, ou pour lesquelles il y aurait des mesu
res conservatoires à prendre ou une négociation à opérer.
On sait quelles sont les exigences de la loi relative
ment aux lettres et billets commerciaux. Un retard de
vingt-quatre heures peut en compromettre le sort, en al
térer la valeur en déchargeant par l’absence de protêt à
l’échéance lesendosseursde toute responsabilité. Or,c’est
précisément pour parer à des déchéances de cette nature
que les syndics provisoires sont institués; il ne faut donc
pas qu’ils trouvent dans les précautions ordonnées en fa
veur de la masse un obstacle à l’exercice de leur mission.
Il était en conséquence rationnel de les autoriser à
faire extraire ou affranchir des scellés toutes les valeurs
dont l’échéance est imminente ou accomplie; celles sus
ceptibles d’acceptation, celles qui nécessiteraient des me
sures conservatoires, et enfin les remises à faire encaisser
sur une autre place. Les unes et les autres doivent leur
être à l’instant remises par le juge de paix, sans qu’ils
aient besoin de requérir l’autorisation du jugè-commissaire.
281* — Mais avant de les livrer le juge de paix doit
en rédiger un état descriptif. Cet étal énonce nominati
vement chacune d’elles, le nom du souscripteur, l’éché
ance , le lieu où elles doivent être payées et les diverses
sommes pour lesquelles elles ont été souscrites ; il est
signé par le juge de paix et par les syndics pour lesquels
cette signature vaut chargement , et remis ensuite au
juge-commissaire.
�ART.
471.
369
2 8 2 . — Nantis de ces effets, les syndics en poursui
vent le recouvrement sous leur responsabilité. Ils font
tous actes conservatoires, requièrent tous protêts à défaut
d’acceptation ou de paiement, exercent tous recours. Ils
négocient les remises payables en d’autres lieux. La perte
de ces négociations au taux de la place est par eux por
tée en dépense à la charge des créanciers. Elle est jus
tifiée au moyen du bordereau de négociation qui est joint
comme décharge à leur compte de gestion.
2 8 3 . — Toutes les autres sommes dues au failli dont
il n’existe d’autres titres que la mention sur les écritures
sont recouvrées par les syndics sur leur quittance. Sous
l’empire du Code de commerce les agents ne pouvaient
faire ces recouvrements qu’avec le visa du juge-commis
saire. La loi nouvelle a affranchi les syndics provisoires
de l’obligation de rapporter ce visa qui était une entrave
à l’administration sans utilité marquée. Celte modifica
tion était d’ailleurs uife conséquence de la suppression
de l’agence et des idées consacrées p a r la loi nouvelle
sur l’institution du syndicat.
284. — Le montant de ces recouvrements doit être,
pour l’excédant des sommes nécessaires pour les frais,
versé dans la caisse des dépôts et consignations dans le
délai de trois jours. Cependant, comme les effets négociés/peuvent venir à retour, les syndics peuvent se faire
autoriser par le juge -commissaire à garder en caisse des
fonds suffisants pour en opérer le remboursement.
285. — Le respect dû au secret des lettres a été de
tout temps une prescription impérieuse chez les peuples
i — 24
�370
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
policés. C’est un crime que de s’immiscer dans une cor
respondance, d’en surprendre les secrets au mépris de
la foi publique qui est chargée de leur transmission. Ce
principe si éloquemment défendu par notre immortel
Mirabeau devait-il recevoir exception en matière de fail
lite ? Ce n’est pas sans hésitation que cette question a
été résolue par l’affirmative. La faillite compromet tant
et de si graves intérêts que l’on a cru devoir sacrifier la
rigueur de cette loi à l’espérance d’une réparation que
la connaissance de la correspondance pouvait amener.
Le Code de commerce et après lui la loi actuelle ont
donc ordonné que les lettres adressées au failli seraient
remises aux syndics tant que durent les opérations de la
faillite. Cependant, pour concilier autant que possible
ce qu’exigeait la position du failli avec le respet dû au
secret de la correspondance , on a laissé à celui-ci le
droit d’assister à leur ouverture, s’il est présent au siège
de la liquidation.
•
\
286.
— Toutefois la loi de 1838 a modifié la dis
position du Code. L’article 463 de celui-ci portait : les
agents ouvriront les lettres si le failli est absent ; s’il est
présent il assistera à leur ouverture. Ces termes présen
taient cet inconvénient, que le droit d’ouvrir les lettres
n ’était absolu que si le failli était absent. D’où la con
séquence que lorsqu’il était présent son assistance était
un droit, et qu’on ne pouvait passer outre qu’après l’avoir
mis en mesure de l’exercer. Cette interprétation rigou
reuse du texte pouvait n’avoir pas été dans l’intention de
la loi, mais elle était de nature à amener des difficultés.
Toute équivoque est désormais impossible. L’article
�ART. 4 7 1 .
371
471 donne aux syndics le droit absolu d’ouvrir les lettres
dans tous les cas. Le failli pourra y assister s’il est pré
sent. La substitution de ce mot à celui du Code, assis
tera , fixe la nature du droit qui lui est réservé. C’est
une simple faculté que le failli exercera ou non , selon
qu’il le jugera convenable , sans que les syndics aient
jamais à le mettre en demeure de le faire.
2 8 7 . — Pour l’exécution de cette disposition de la
loi les syndics doivent transmettre au directeur du bureau
de la poste du canton une expédition du jugement dé
claratif. Sur le vu de cette expédition et conformément
à l’article 73 de l’instruction générale sur le service des
postes, du 28 avril 1808, les directeurs et facteurs sont
tenusde remettre aux syndics les lettres adressées au failli.
2 8 8 . — Au reste, le but de cette mesure n’étant que
de mettre les syndics à même de connaître parfaitement
toutes les affaires de la faillite, il en résulte que c’est
uniquement la correspondance relative à ces affaires que
la loi a voulu mettre en leur possession. En conséquence
toutes les lettres étrangères au commerce du failli de
vraient lui être immédiatement restituées. Celui-ci aurait
le droit de contraindre à cette restitution, si elle n’était
amiablement consentie. Le juge-commissaire serait com
pétent pour l’ordonner ; mais il est évident que ce droit
ne pourrait s’exercer qu’après l’ouverture des lettres. Ce
n’est qu’alors, en effet, qu’on saura si elles sont ou non
étrangères aux opérations du failli. Permettre la reven
dication avant cette ouverture, c’était autoriser un pro
cès à la réception de chaque lettre.
�372
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
A rt.
472.
Le jnge-com m lssairc, d’ap rès l ’état ap paren t des
a ffa ire » du f a i l l i , p o n rra proposer sa m ise en li
berté avec sauf-conduit provisoire de sa personne.
Sü le trib u n a l accorde le sauf-conduit , il pourra
o b liger le fa illi à fo u rn ir caution de se représen
t e r , sous peine de paiem ent d ’une som m e que le
trib u n a l a rb itre ra , et qui sera dévolue à la masse.
A rt.
473.
A défaut p a r le ju ge-co m m issaire de proposer
un sauf-conduit p o u r le fa illi , ce d e rn ie r pourra
présen ter sa dem ande au trib u n a l de commerce,
q ui statuera en audience p u bliq u e , ap rès avoir
entendu le juge-com m issaire.
SOMMAI RE
289.
290.
291.
292.
293.
294.
295.
296.
297.
La loi a permis aux tribunaux de commerce de faire cesser
l'emprisonnement ordonné par le jugement déclaratif.
Initiative laissée au juge-commissaire de le proposer en
l ’absence présumée de mauvaise foi et de fraude.
L'obtention d’un sauf-conduit peut être réclamée pai et
pour le faill non arrêté.
A quelle époque le juge-commissaire doit-il user de son
droit d’initiative ?
Le sauf-conduit n ’est jamais que provisoire.
Le tribunal peut soumettre la délivrance du sauf-conduit
à l'obligation par le failli de donner caution. Mode de ce
cautionnement. Conséquences.
Le sauf-conduit fait cesser l ’emprisonnement alors même
qu’avant sa faillite le failli eût été incarcéré à la requête
d’un ou de plusieurs créanciers.
Celui qui a fait incarcérer peut intervenir sur la demande
en délivrance, mais non former opposition au jugement
qui l’accueille ni en émettre appel.
Il en est de même des syndics.
�ART.
598.
599.
300.
301.
302.
303.
304.
305.
306.
472, 473.
373
Le failli peut demander lui-même le sauf-conduit si le jugecommissaire omet ou refuse d’agir.
La révocation du sauf-conduit est prononcée pour inexécu
tion des obligations que sa délivrance impose au failli.
Par l ’expiration du terme si sa durée a été limitée.
Si le failli abuse de la liberté qui lui est laissée ou si de
nouveaux renseignements le rendent suspect de fraude.
Dans quelle forme est poursuivie la révocation ? Quels en
sont les effets ?
Faute par le failli dont le sauf-conduit est révoqué de se
constituer prisonnier, les sommes qui font l’objet du cau
tionnement sont acquises à la masse.
A quelle époque finit l’emprisonnement en cas de refus ou
de révocation du sauf-conduit.
Le sauf-conduit peut être demandé à toute époque et mê
me après plusieurs refus.
La délivrance du sauf-conduit ne peut mettre fin à l ’em
prisonnement préventif par suite d’une poursuite crimi
nelle ni à celui subi per suite d’une condamnation.
2 89.
— Le failli incarcéré en vertu du jugement
déclaratif ne doit pas , si la faillite n’est que le résultat
de malheurs réels, attendre dans les prisons la fin de la
liquidation. Le débiteur de bonne foi doit trouver dans
la perte de ses biens de quoi racheter sa liberté , qu’on
ne saurait lui ravir avec justice que s’il avait mérité de
la perdre.
Déjà dans un but d’humanité le législateur a soustrait
la personne du failli aux exécutions individuelles de ses
créanciers. La contrainte prononcée par le jugement
qui déclare la faillite absorbe et anéantit toute contrainte
préexistante. La masse seule aurait-elle le droit de rester
impitoyable , et de perpétuer sans utilité pour elle une
détention imméritée ?
�374
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
La loi ne s’est pas montrée cruelle à ce point. Elle to
lère, elle ordonne même l’emprisonnement dans le début
de la faillite, alors qu’elle peut présumer l’existence d’un
crime ou d’un délit dont la société doit obtenir répara
tion ; mais infliger une peine lorsqu’il n’y a que mal
heur, répugnerait à sa dignité, à sa justice.
2 9 0 . — Ce sentiment de la loi nous est divulgué par
la disposition qui charge le juge-commissaire de propo
ser lui-même la mise en liberté provisoire du failli. On
devait en effet se méfier de la juste irritation que les cré
anciers éprouvent de la perte qu’une faillite, quelles qu’en
soient les causes, leur fait essuyer. Aussi est-ce au sur
veillant légal de la faillite qu’on laisse le soin de conci
lier l’intérêt de la liquidation avec les sentiments d’hu
manité que la position du failli est de nature à exiger.
En conséquence, le juge-commissaire après avoir pris
connaissance sommaire de l’état des affaires, pourra, s’il
présume le malheur et l’absence de fraudes, requérir du
tribunal de commerce la mise en liberté avec sauf-con
duit en faveur du failli.
2 9 1 . — La délivrance du sauf-conduit n’est pas un
bénéfice exclusif au failli incarcéré. Elle peut être accor
dée à celui qui a abandonné son domicile pour se sous
traire aux recherches de ses créanciers et de la justice.
On p e u t, en effet , quoique de très-bonne fo i, reculer
devant un emprisonnement qui, ne fût-il que d’un seul
jour, n’en blesse pas moins la susceptibilité d’une posi
tion sociale, irréprochable jusque-là. On ne saurait donc
punir de sa fuite celui qui n ’a eu en vue que de s’y
soustraire. D’ailleurs l’intérêt des créanciers le voulait
�art.
472, 473.
375
ainsi. La présence du failli peut être d’une grande uti
lité pour la liquidation , et l’on comprend qu’un saufconduit est le plus puissant moyen de l’obtenir.
292.
— Le juge-commissaire peut user de l’initia
tive que lui laisse la loi, à quelque époque qu’il jugera
utile de le faire. Cependant il ferait prudemment d’at
tendre la levée des scellés et la confection de l’inven
taire. Cette opération peut fournir des notions certaines
sur le caractère de la faillite , et le retard de deux ou
trois jours qu’elle occasionnera sera plus que compensé
par l’avantage de pouvoir agir avec une plus grande
connaissance de cause.
2S 3. — Au reste, à quelque époque que le sauf-con
duit soit accordé il n’est et ne peut être que provisoire.
Il eût été imprudent de renoncer d’avance d’une manière
définitive à toute détention ou autres mesures person
nelles , lorsque des renseignements ultérieurs , lorsque
des faits mis en évidence par la liquidation il pourrait
naître des présomptions ou des preuves de mauvaise foi.
294.
— Cette éventualité est inséparable du pouvoir
accordé au juge-commissaire de proposer la délivrance
d’un sauf-conduit sur l’état apparent des affaires. Une
base aussi faillible ne pouvait autoriser une mesure qui
laisserait la justice désarmée en présnce de la fraude.
Aussi ne s’est-on pas borné à donner au sauf-conduit
un caractère provisoire ; on a en outre autorisé le tribu
nal à exiger une caution pour la garantie des obligations
que son obtention impose au failli.
^
Le chiffre et la forme de ce cautionnement doivent être
fixés par le tribunal. Le jugement doit décider si la eau-
�376
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tion sera hypothécaire ou seulement personnelle , ainsi
qu’on le pratique en matière commerciale, ou bien si la
somme fixée doit être déposée réellement. Dans tous les
cas , la mise en liberté , si le failli est détenu , ne sera
effectuée qu’après que la disposition du jugement sur le
cautionnement aura été littéralement exécutée.
C’est contre les syndics que cette exécution doit être
poursuivie. En conséquence, la caution désignée, si elle
est personnelle ou hypothécaire, est obligée de les assi
gner en réception. Faute par le failli de se représenter
dans les cas où la loi lui en fait un devoir, le montant
du cautionnement est définitivement acquis à la masse.
295.
— Si le failli avait été incarcéré avant sa fail
lite à la requête d’un ou plusieurs créanciers, l’obtention
du sauf-conduit n’en détermine pas moins son élargis
sement immédiat. Non-seulement la déclaration de fail
lite empêche tout exercice ultérieur de la contrainte in
dividuelle, mais elle amène encore de plein droit la ces
sation de celle qui a été réalisée. La contrainte par corps
n ’est consacrée que comme moyen de forcer le débiteur
à se libérer. Elle suppose donc que cette libération est
praticable ou possible. Or, après la faillite, le failli des
saisi et de fait et de droit de l’universalité de ses biens,
ne peut plus payer; le voudrait-il, qu’il ne pourrait le
faire utilement pour le créancier , car il n’est pas dou
teux que celui-ci ne fût obligé à rapporter à-la masse
tout ce qu’il aurait reçu en dehors des répartitions aux
quelles la liquidation de l’actif donnera lieu.
Devant cette impossibilité matérielle et légale tombent
les droits des créanciers. L’emprisonnement du failli ne
�ART.
472, 473.
377
peut se continuer qu’en vertu du jugement déclaratif. A
dater de ce moment c’est la masse qui supporte seule la
consignation des aliments. Or , l’effet du sauf-conduit
étant de suspendre l’exécution de ce jugem ent, rien ne
met obstacle à la mise en liberté immédiate x.
2 9 6 . — Mais le créancier qui a fait incarcérer le
failli peut s’opposer à la délivrance du sauf-conduit ; il
est en conséquence recevable à intervenir pour faire or
donner qu’il n’y a pas lieu à l’accorder. Pourra-t-il émettre appel du jugement qui nonobstant son opposition
décerne le sauf-conduit ? Ou à défaut d’intervention de
sa part former opposition à la décision rendue sur la
proposition du juge-commissaire ou sur la demande du
failli ?
N
La controverse qui s’était établie sur ces questions,
sous l’empire du Code , ne peut plus se renouveler. La
loi actuelle l’a tranchée par son article 583. Les juge
ments qui statuent sur les demandes de sauf-conduit ne
sont susceptibles ni d’opposition, ni d’appel, ni de pour
voi en cassation.
297. — Les syndics sont recevables à contester l’op
portunité de la mise en liberté ; mais ils ne peuvent le
faire que comme le créancier lui-même, c’est-à-dire en
intervenant sur la proposition dont le juge a investi le
tribunal. Ils n’auraient aucun recours après la pronon
ciation du jugement.
298.
A défaut par le juge-commissaire d’user de
1 V o y , le r é s u m é d e l a j u r is p r u d e n c e s u r c e p o i n t . —
n°» 2 0 3 , 2 0 4 , 2 0 5 e t s u iv .
Diction génér., v» faillite,
D a llo z j e u n e ,
�378
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
la faculté que lui laisse l’article 472, le failli est autorisé
à demander lui-même au tribunal soit sa mise en liberté
soit un sauf-conduit. Il est statué sur cette demande en
audience publique et sur le rapport du juge-commis
saire. Les syndics et le créancier qui auraient fait incar
cérer le failli peuvent s’opposer à l’admission de la de
mande ; mais le jugement qui intervient est définitif et
ne peut être attaqué ni par le failli, ni par les syndics,
ni par le créancier.
2 9 9 . — La délivrance d’un sauf-conduit impose au
failli des obligations impérieuses; entre autres,celle de se
représenter toutes les fois que sa présence sera utile ou
nécessaire. La violation de ces obligations peut entraîner
la révocation immédiate du sauf-conduit.
300. — La révocation s’opère de plein droit par l’ex
piration du délai qui a été fixé, si la durée du sauf-con
duit a été limitée par le jugement. Mais si le sauf-conduit
a été accordé pour assister aux opérations de la faillite,
le terme de sa durée n’est échu qu.’après la dissolution
de l’union et le compte des syndics, quelque long que
fût l’intervalle écoulé depuis son obtention L
301. — La révocation du sauf-conduit peut, en ou
tre, être prononcée, si le failli abuse de la liberté qui lui
a été laissée, ou si de nouveaux renseignements le ren
dent suspect de banqueroute. On ne doit jamais oublier
que le sauf-conduit n’est qu’une récompense que la loi
accorde à la bonne foi, et qu’il serait impolitique et in
juste de l’étendre à la mauvaise foi ou à la fraude.
1 Paris, 12 février 1817 ; —D. A., t. 8, p. 94.
�#
art .
472, 473.
379
302.
— La révocation est poursuivie dans les formes
adoptées pour la délivrance. Ainsi, lorsqu’il y a lieu à la
prononcer, le juge-commissaire en fait la proposition au
tribunal qui décide s’il convient ou non de l’admettre.
A défaut de proposition de la part du juge-commis
saire la révocation peut être réclamée par les syndics ou
par les créanciers. Si les uns et les autres gardent le si
lence, elle peut être ordonnée d’office par le tribunall.
L’effet de la révocation est de replacer le failli sous
le coup de la disposition du jugement qui ordonne le
dépôt de sa personne dans la maison d’arrêt pour dettes.
Il est en conséquence obligé de se reconstituer prison
nier. A défaut de cette constitution, sa réintégration dans
la maison d’arrêt est poursuivie par le procureur de la
république ou par les syndics.
«
503. — Le failli , avons nous d i t , en acceptant le
sauf-conduit, s’engage à se représenter toutes les fois
qu’il en sera requis. Cet engagement s’applique même
au cas de révocation. En conséquence, si lorsque celleci a été prononcée le failli prend la fuite , les cautions
ordonnées et admises doivent compter aux syndics les
sommes pour lesquelles elles se sont obligées, et qui de
meurent acquises à la masse.
3 04,
— Dans le cas de révocation comme dans celui
de refus du sauf-conduit le failli reste emprisonné jus
qu’à la signature du concordat, et en cas d’union tant
que celle-ci n’est pas dissoute. Peu importe que dans cet
intervalle il ait été condamné comme banqueroutier,
l Pardessus, n» 1149 ; — Locré, t. 6, p. 137,
�380
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
l’expiration même de la peine qui lui aurait été infligée
n’aurait pas pour résultat son élargissementL
Les droits de la masse contre la personne du failli
suspendus par le sauf-conduit ne cessent qu’avec la liqui
dation de la faillite. Jusque-là les besoins de cette liquida
tion peuvent exiger le concours et la présence du failli.
Ce n’est que lorsque les répartitions de l’universalité de
l’actif ont été réalisées et ont amené la dissolution de
l’union qu’il n’y a plus de faillite, plus de masse, et que
l’emprisonnement au nom de celle-ci n’est plus possible.
Mais alors l’article 339 rend à chaque créancier l’exer
cice de leurs droits individuels dont les avait privés la
déclaration de la faillite. Mais si aucune incertitude ne
saurait exister sur le d ro it, on peut facilement prévoir
qu’il ne sera poursuivi et exercé que très-rarement. L’o
bligation de consigner les aliments est pour la masse une
charge qu’elle a intérêt à voir cesser le plus tôt possi
ble ; qu’elle ne s’imposera que dans le cas d’une réelle
et absolue nécessité2.
305.
— Le failli ne peut donc avant ce moment ob
tenir sa mise en liberté que par un> sauf-conduit. Il peut
le demander à toute époque, et alors même qu’il aurait
déjà éprouvé un ou plusieurs refus. On comprend qu’
arrivés à une certaine période de la faillite , à l’union
par exemple, les motifs qui ont déterminé ces refus peu
vent ne plus exister. Ainsi la vindicte publique aura été
satisfaire ; il y aura eu absence de poursuites^ acquitte
ment ou condamnation subie. L’intérêt des créanciers
1 Cassation , 9 novembre 18 2 4 ;— D. P., 43, 1, 506.
2 Voy. su p ra n° 204 bis.
�ART.
472, 473.
381
peut même exiger la mise en liberté qui exonérera la
masse de l’obligation de consigner les aliments. La con
tinuation forcée de l’emprisonnement ne répondrait donc
à aucun besoin.
Ainsi l’article 472 ne s’applique pas exclusivement aux
premiers moments de la faillite. Le juge-commissaire,
le failli, les syndics, les créanciers peuvent en tout temps
en poursuivre l’exécution, en revendiquer le bénéfice. Dès
refus successifs de la part du tribunal ne formeraient au
cun obstacle à l’admission ultérieure de ces réclamations.
306.
— Nous croyons utile de faire observer que tant
que la peine prononcée contre le banqueroutier n’a pas
été subie, le tribunal n ’a pas le droit de faire cesser l’em
prisonnement par un sauf-conduit. Il en serait de même
si le failli simplement poursuivi n’avait pas été jugé ou
renvoyé par la chambre du conseil. Dans ces deux cas
le failli est à la disposition absolue de l’autorité publique,
et la faculté donnée aux tribunaux de commerce par les
articles 472 et 473 se trouve forcément suspendue.
A rt. 4 7 4 .
Le fa illi p ou rra o b ten ir pou r lu i et sa fam ille,
sur l’actif de sa f a illit e , d es seco u rs a lim en ta ires
qui sero n t fixés , su r la p rop osition d es syndics,
par le ju g e-co m m issa ire , sau f appel au trib u n a l
en cas de con testa tio n .
S O M M A IR E
307.
308.
309.
Causes qui déterminent l’allocation d ’un secours.
Son opportunité au début de la faillite.
La détermination de la somme à allouer appartient au jugecommissaire sur la proposition des syndics.
�382
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
310. Le failli peut s’adresser au juge-commissaire à défaut d ’i
nitiative des syndics.
311. Le juge-commissaire n’est nullement lié par l’avis des syn
dics. Causes qui doivent influer sur sa décision.
313. Sa décision ne peut être attaquée que par voie d ’appel de
vant le tribunal de commerce.
313. Cet appel peut être formé par le failli comme par les syn
dics. Différence entre l'article 474 et l’article 530.
314. Formes de l'appel.
3 0 7 . — La ruine complète qui résulte d’une faillite,
l’emprisonnement décrété contre le failli, l’impossibilité
pour lui de se livrer à aucune industrie dans les pre
miers moments de la faillite, peuvent nécessiter pour sa
famille et pour lui l’obtention d’un secours qu’il serait
par trop inhumain de lui refuser.
Déjà l’humanité avait fait décréter la remise des vête
ments, hardes, meubles et effets indispensables à la vie.
Dans l’article actuel la loi pousse plus loin la prévoyance,
elle veut pourvoir à l’alimentation après avoir fourni à
l’habillement et à l’habitation.
3 0 8 . — C’est surtout au début de la faillite, lorsque
la famille entière est sous le coup du désastre qui vient
de la frapper, que la délivrance de secours de tous genres
est plus pressante et plus utile. Aussi la loi actuelle at—elle dérogé à la législation précédente pour la remise
d’une somme d’argent, comme pour les vêtements, meu
bles et hardes. Le Code de commerce n’accordait les uns
et les autres qu’après le contrat d’union. Le système
consacré en 1838 nous parait bien plus rationnel. Au
moment de l’union, en effet, la famille revenue du coup
qui l’a frappée peut se créer des ressources en se livrant
�ART.
474.
383
au travail, ce qu’elle n’a ni la possibilité, ni souvent le
pouvoir de faire le lendemain de l’ouverture de la fail
lite. Il existe donc pour cette période un besoin bien plus
urgent que pour l’autre.
C’est sur cette prévision que sont basés les articles 474
et 530. Après l’union les secours ne peuvent être accor
dés que si les créanciers sont d’avis d’en allouer ; tandis
que dans l’hypothèse de notre article les créanciers ne
sont pas même consultés.
3 0 9 . — C’est au juge - commissaire exclusivement
que la loi s’en rapporte sur l’opportunité de la remise
d’un secours. S’il pense que l’état du failli et de sa fa
mille l’exige, il fixe le chiffre de la somme que les syn
dics devront lui remettre à titre d’aliment.
C’est sur la proposition des syndics que cette décision
doit être rendue. Les syndics sont encore mieux placés
pour apprécier la véritable position du failli et pour ju
ger de l’urgence des secours. Voilà pourquoi la loi leur
laisse le soin honorable de provoquer une mesure que
l’humanité commande. Mais il y a dans cette initiative
plus encore qu’une simple faculté ; les syndics ne doi
vent pas hésiter à y trouver un encouragement à remplir
comme un devoir, un acte de loyauté que le législateur
a entendu favoriser.
310. — Au reste, cette initiative des syndics n’est pas
indispensable pour qu’un sscours soit accordé. Ainsi, le
failli peut s’adresser directement au juge-commissaire.
Dans ce cas, la décision à intervenir n’est rendue qu’après que la demande a été communiquée aux syndics
et sur les observations dont ils la font suivre.
�384
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
3 1 1 . — Mais alors même que les syndics conclu
raient au rejet de la demande, le juge-commissaire pour
rait l’accueillir. Rien ne lie sa conscience que ses propres
impressions. Il lui est donc loisible de les suivre dans la
détermination du secours ; seulement ce qu’il ne doit ja
mais perdre de vue , c’est que ce secours n’est délivré
qu’à titre d’aliment, qu’il doit donc être strictement me
suré aux besoins réels du failli et de sa famille ; qu’ac
corder du superflu serait méconnaître la véritable inten
tion de la loi.
Le juge-commissaire doit aussi prendre en grande
considération le caractèee de la faillite. Si les apparences
sont de nature à faire supposer la fraude , si l’on peut
présumer qu’il y a eu détournement de l’actif, la de
mande devrait être rejetée. Il convient devenir au secours
de la bonne foi et du malheur. Mais si le failli a eu re
cours à des moyens illégaux et condamnables, toute fa
veur deviendrait injuste et impossible. C’est dans ce sens
que la loi fait de la remise d’un secours une simple fa
culté et non un devoir.
3 1 2 . ■— La décision du juge n’étant rendue qu’après
que les syndics ont été mis à même de s’expliquer, ne
peut être censée dans aucun cas avoir été prononcée au
profit du défaut. Aussi ne peut elle être attaquée que par
appel devant le tribual de commerce.
315.
— Il existe entre l’article 474 et l’article 530
une différence qu’il convient d’expliquer. Ce dernier n’ad
met de recours contre la décision du juge-commissaire
qu’en faveur des syndics, et seulement quant à la quo
tité du chiffre fixé. L’article 474, au contraire, admet-
�ART.
474.
388
tant la voie de l’appel sans déterminer la partie qui
pourra l’employer, suppose que le failli e st , comme les
syndics, recevable à attaquer la décision.
Mais la raison de cette apparente contradiction est
facile à saisir. Dans l’espèce de l’article 530 la loi laisse
à ceux qui doivent le payer le droit de donner ou de re
fuser un secours quelconque. C’est donc une pure libé
ralité qu’ils exercent dans le premier cas, et ce caractère
est exclusif de toute possibilité chez le failli de contester
soit le principe , soit le chiffre admis par le juge-com
missaire. Les créanciers seuls peuvent prétendre que ce
magistrat a dépassé les limites qu’ils avaient eux-mêmes
l’intention de ne pas franchir. C’est parce que cette pré
tention peut être fondée que la loi a réservé aux syndics
le droit de se pourvoir.
Dans l’hypothèse de l’article 474 la volonté des cré
anciers est inconnue. La demande du failli constitue donc
un litige commun , dont la solution pouvait être sans
dangers et sans inconvénients soumise aux deux degrés
de juridiction. On a en conséquence réservé la faculté
d’appel au failli ainsi qu’aux syndics.
3 1 4 . — Cet appel doit être réalisé dans la forme or
dinaire. La partie contre laquelle il est dirigé doit être
ajournée par devant le tribunal de commerce. Quoique
dépouillé de ses actions le failli conserve la capacité d’ex
ercer, soit en denfandant soit en défendant, celles qui sont
uniquement relatives à la personne.
A rt. 4 7 5 .
Les syndics a p p ellero n t le fa illi au p rès d’eux
pour clore et a rrêter les liv res en sa présence.
i — 25
�386
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
S’il n e se ren d pas à l’in vitation il sera sommé
de com paraître dan s le s q u a ran te-h u it h eu res an
p lu s tard. *
S oit qu’il a it ou n on obtenu un sa u f-c o n d u it, il
pourra com paraître phr fondé de p ouvoirs , s’il
ju stifie de cau ses d’em p êch em en t recon n u es vala
b les par le ju ge-com m issaire.
S O M M AIR E
315.
316.
317.
Nature du devoir imposé aux syndics d ’arrêter les livres.
Nécessité d’appeler le failli à cetle opération.
La sommation de comparaître dans les quarante-huit heu
res n ’est pas nécessaire si le failli est en fuite.
318. Intérêt du failli 4 se représenter au premier appel surtout
s ’il a déjà obtenu un sauf-conduit.
319. Il ne peut se faire représenter que pour causes jugées v a-.
labiés par le juge-commissaire.
320. Il en est de même pour le failli qui n’a pas obtenu de saufconduit.
321. La crainte d ’être arrêté s’il se représentait ne saurait con
stituer pour le failli une excuse valable.
3 1 5 . — Nous avons déjà vu de quelle importance
sont les écritures en matière de faillite. C’est par leur
dépouillement qu’on connaît le secret des affaires du
failli, sa véritable position, la nature et le caractère des
opérations auxquelles il s’est livré. Il importe donc que
les livres restent purs de toute altération et tels qu’ils
ont été laissés par le failli. C’est pour parvenir à ce ré
sultat , que la loi n’admet leur remise entre les mains
du syndic qu’après qu’ils'ont été vérifiés, décrits et ar
rêtés par le juge de paix.
L’article 475 fait un devoir d’arrêter les livres en pré
sence du failli. S’agit-il dans cette circonstance de l’opé-
�abt.
475.
387
ration matérielle déjà déférée au juge de paix ? Evidem
ment non ; car si la loi n’avait eu en vue dans cet arti
cle que cette opération , sa disposition n’eût été qu’une
véritable superfétation. La signature des syndics ne pou
vait ajouter plus d’authenticité à la formalité déjà rem
plie par un magistrat. L’obligation imposée aux syndics
n’eût donc constitué qu’une perte de temps inutile.
Pour les syndics clore et arrêter les livres ne peut s’en
tendre que de l’obligation de balancer les comptes divers,
arrêter les soldes dus, fixer la position du failli à l’égard
de ceux avec lesquels il a traité ; en un mot extraire et
constater les résultats de son administration.
316.
— On comprend dès lors pourquoi la loi fait
un devoir aux syndics d’appeler le failli. Une opération
de ce genre l’intéresse trop vivement pour qu’il ne soit
pas au moins mis en demeure de la suivre pour en as
surer l’exactitude. Son concours est d’ailleurs dans l’in
térêt de tous. Des notes non encore transcrites peuvent
exister, des renseignements sur telles ou telles opérations
peuvent être indispensables; lui seul peut donner ces ren
seignements, rendre ces notes intelligibles, et concourir
ainsi à la certitude si désirable dans les opérations des
syndics.
Ceux-ci doivent donc l'appeler , et si cette invitation
reste sans effet le sommer de comparaître dans les qua
rante-huit heures au plus tard.
317.
Cette sommation serait-elle nécessaire si le
failli était en fuite ? Nous ne le pensons pas. La loi ne
peut vouloir des formalités qui doivent nécessairement
rester sans effets , qui ne peuvent avoir aucun résultat.
�388
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
i
Or, le délai donné par l’article 475 est tellement court
qu’il serait probablement expiré avant que le failli eût
connaissance de la sommation. Le plus souvent, d’ailleurs,
on ignorera la retraite qu’il a choisie. Ce que l’on saura
c’est qu’il ne comparaîtra pas, qu’il ne veut pas compa
raître; il devient donc complètement inutile de l’appeler.
On objectera peut-être que le failli peut avoir sur les
lieux un fondé de pouvoirs. Mais nous allons voir tout à
l’heure que la faculté de se faire représenter n’appartient
qu’au failli légitimement empêché. Or, la fuite depuis
ou avant la déclaration de faillite ne saurait jamais con
stituer une excuse valable.
5 1 8 . — Ce n’est donc que lorsque le failli est pré
sent au siège de la faillite qu’il doit être appelé ou som
mé de comparaître, et dans ce cas il lui importe même
de ne pas attendre cette sommation et de se rendre au
premier appel. Que s’il n’obéit ni à l’un ni à l’autre il
ferait supposer qu’il redoute le dépouillement de ses écri
tures, qu’il en craint les conséquences. Cette idée pour
rait faire naître contre lui des soupçons de fraude, des
présomptions fâcheuses qui seraient un obstacle à ce qu’on
lui accordât un sauf-conduit.
Il y a même plus, si son défaut de comparution était
postérieur à la délivrance de celui-ci, il y aurait par cela
seul lieu à en prononcer la révocation. On comprend
jusqu’à un certain point qu’il ne se représente pas s’il
craint d’être arrêté, parce que sous le coup du jugement
qui ordonne son incarcération il n’a pas, pour garantir
sa liberté, obtenu encore un sauf-conduit. Mais s’il pos
sède cette garantie, pourrait-on expliquer sa désobéis-
�•: i , t . » . v
ART.
--
475.
u L i ■_
389
sance autrement que par la certitude qu’il a que le dé
pouillement des livres fera disparaître les apparences de
bonne foi dont il a jusque-là profité ?
3 19. — Le failli en état de sauf-conduit doit donc
se hâter de répondre au premier appel des syndics. Si
des causes légitimes l’empêchent de le faire il doit im
médiatement les exposer au juge-commissaire. Si ce ma
gistrat les juge valables le failli pourra se faire représen
ter par un fondé de pouvoir.
32 0. — Cette faculté petit aussi être accordée au failli
qui n’a pas encore obtenu de sauf-conduit, s’il est dé
tenu ou si absent de son domicile il est empêché par ma
ladie ou autres motifs graves d’obéir à l’injonction qui
lui est faite. La loi laisse, dans tous les cas, l’admissibi
lité de l’excuse à l’appréciation du juge-commissaire.
3 2 1 . — Si'la désobéissance du failli ne tenait qu’à
la crainte d’être arrêté , pourrait-on lui accorder la fa
culté de se faire représenter ? Nous ne le pensons pas.
Le failli est, dans ce cas, en état de révolte contre la loi
et les mandements de justice. On ne pourrait, sans se
rendre complice de sa faute, l’encourager dans sa con
duite. Ce serait en outre l’autoriser à se soustraire à l’exé
cution que les jugements doivent recevoir. Le failli qui
n’aurait pas d’autre excuse ne pourrait donc déléguer
un mandataire.
A rt. 4 7 6 .
Bans le cas où le b ila n n ’a n ra it pas été déposé
par le fa illi, le s syn d ics le d ressero n t im m éd ia te
ment à i’aide des liv res et p ap iers du fa illi et des
renseignem ents qu'ils se p rocu reron t, et ils le dé
poseront au greffe du trib u n a l de com m erce.
�390
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
A rt.
477.
Le ju ge-com m issaire est autorisé à entendre le
fa illi , ses com m is et employés et toute au tre per
sonne , tant s u r ce q ui concerne la form ation du
bilan que s u r les causes et les circonstances de la
faillite.
S OMMAI RE
322.
Modification aux dispositions du Code sur la dresse du bilan
après la déclaration de faillite.
323., Système adopté par le Code de 1807.
324. Système qui lui a été substitué.
323. L’article 476 a-t-il enlevé aux syndics le droit d’interroger
la femme, les enfants du failli, ses commis et employés?
326. Doit-on appeler le failli?
327. Le bilan rédigé par les syndics ne peut créer un droit en
faveur ou contre les créanciers que sauf modifications.
328. Caractère de la mission confiée au juge-commissaire par
l ’article 477. Cette mission s’étend à la femme et aux
enfants dn failli.
329. Objets qu’elle a pour but.
322.
— Le bilan, dit l’article 439, est l’évaluation
et l’énumération de tous les biens mobiliers et immobi
liers du débiteur, l’état des dettes actives et passives, le
tableau des profits et pertes, celui des dépenses.
Nous avons vu que le dépôt au greffe du bilan, facul
tatif sous le Code précédent, doit aujourd’hui être effec
tué au moment de la déclaration , sous peine pour le
failli d’être présumé banqueroutier simple L On a dû
cependant prévoir le cas où cette obligation ne serait
pas remplie, et régler dans cette hypothèse à qui appar1 Voy.
su p ra
article 439-
�S
ART. 4 7 6 , 4 7 7 .
391
tiendrait le devoir de rédiger le bilan ; sur ce point en
core la loi actuelle a dérogé à ce qui se pratiquait avant
sa promulgation.
3 2 3 . — Le Code prévoyait le cas où le failli ayant
rédigé son bilan l’avait encore en sa possession au mo
ment de l’enlrée en fonction des agents. L’article 470 en
ordonnait la remise non plus au greffe, mais aux agents
eux-mêmes. Celte remise devait être effectuée dans les
vingt-quatre heures.
Si le bilan n’avait pas été préparé , le failli présent
sur les lieux et ayant obtenu un sauf-conduit était obligé
de le rédiger lui-même en présence des agents et sans
déplacement des livres et écritures. À défaut de saufconduit, le failli faisait procéder à cette rédaction par un
mandataire de son choix.
Enfin , dans le cas où le bilan n’avait pas été rédigé
par le failli ou par son fondé de pouvoirs, les agents étaient obligés de procéder à celte rédaction au moyen des
documents énumérés dans l’article 473.
3 24. — La loi nouvelle charge les syndics de prépa
rer cette pièce importante toutes les fois que son dépôt
préalable n’a pas été effectué par le failli. Ils doivent y
procéder dès leur entrée en fonctions à l’aide des livres,
papiers et documents que , dans cette prévision , elle a
permis d’extraire des scellés. Ils la déposeront ensuite au
greffe du tribunal de commerce.
325. — La loi ajoute que les syndics s’aideront dans
cette rédaction des renseignements qu’ils se procureront.
Les sources auxquelles les agents pouvaient puiser ces
renseignements étaient déterminées par l’article 473 du
�392
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Code de commerce. C’étaienl la femme du failli, ses en
fants, ses commis et autres employés.
Les syndics pourront-ils aujourd’hui obtenir de ces
mêmes personnes les renseignements que les agents avaient le droit de leur demander? L’affirmative ne nous
parait pas contestable, malgré que l’article 476 ne re
produise plus les expressions de l’article 473.
Il est évident, en effet, que les renseignements autori
sés par notre disposition doivent s’entendre surtout de ceux
qu’on doit trouver auprès des personnes qui , ayant le
plus approché du failli, ont une connaissance plus inti
me de ses affaires. Priver les syndics de la faculté de les
consulter serait dans bien des cas les réduire à l’impos
sibilité de rédiger un bilan quelconque. Il peut n’exister
aucun livre ; ceux que le failli laisse peuvent être irré
gulièrement tenus , et dans ces hypothèses pourrait-on
trouver ailleurs que chez les ' personnes désignées le fil
conducteur qui doit diriger les syndics dans le début de
leurs opérations?
Qui veut la fin veut les moyens. Le silence gardé par
l’article 476 ne peut donc être considéré comme une pro
hibition. Si le législateur n’a pas déterminé les sources
auxquelles les syndics doivent puiser les renseignements
qui leur seront nécessaires, c’est qu’il les leur abandonne
toutes, sans autres limites que les besoins de l’opération
dont il les a chargés.
La disposition de l’article 477 vient à l’appui de notre
conclusion. Elle accorde au juge-commissaire une faculté
que le Code de commerce lui refusait, celle d’interroger
la femme et les enfants du failli. Comprendrait-on qu'on
�N
ART.
476, 477.
393
eûl voulu restreindre la faculté de prendre de simples
renseignements, lorsqu’on étendait celle d’interroger ?
Ainsi la femme, les enfants du failli, ses commis, ses
employés ne pourraient sous prétexte du silence de la loi
refuser aux syndics les renseignements que ceux-ci leur
demanderaient. Cependant à cet égard leur obligation
est toute morale ; leur refus n’aurait d’autres conséquen*
ces que les préventions fâcheuses qu’il pourrait inspirer
sur le caractère de la faillite.
326. — Les syndics doivent-ils appeler le failli?
L’article 476 ne leur en fait pas un devoir ; mais l’uti
lité de son concours à la dresse du bilan est trop ma
nifeste pour que la loi ait entendu la rendre impossible.
Elle s’en remet à l’appréciation des syndics qui ne man
queront sans doute pas , si le failli est présent, de lui
demander sa coopération. Le refus de celle-ci pourrait
motiver le révocation du sauf-conduit.
3 2 7 . — Le bilan rédigé par les syndics et déposé
au greffe du tribunal de commerce peut être consulté
par les créanciers ; mais aucune de ses énonciations ne
peut créer un droit quelconque en faveur ou contre aucun
d’eux. On comprend , en effet, que la possibilité d’une
rectification admise lorsque le bilan est rédigé par le failli
lui-même , doit à plus forte raison être réservée lorsque
ce bilan est l’ouvrage des syndics. Ceux-ci ne peuvent
donner qu’une opinion qui sera plus ou moins exacte,
selon que les renseignements pris dans les livres ou ail
leurs seront plus ou moins sincères. Les parties intéres
sées pourront donc , dans tous les cas, en faire recon
naître l’erreur en ce qui les concerne.
�394
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
328.
— La mission conférée par l’article 477 n’a
pas été consacrée sans contestations. Ce n’e s t, en effet,
qu’après que la discussion en eut déterminé le véritable
caractère qu’elle a été inscrite dans la loi'.
On tenait sous le Code que le droit confié au jugecommissaire participait de la nature de celui conféré au
juge d’instruction. Ainsi les personnes mandées par lui
étaient assimilées à des témoins ; elles devaient consé
quemment si elles ne comparaissaient pas, être condam
nées à l’amende. Ce défaut de comparution pouvait mê
me entraîner contre elles des soupçons de complicité de
banqueroute l.
C’est cette qualité de témoins qui avait fait exclure la
femme et les enfants du failli du nombre de ceux que le
juge-commissaire pouvait interroger. Le système du Code
avait été adopté, en 1835, par la Chambre des députés
qui avait maintenu la prohibition en ce qui les concerne,
par application de l’article 322 du Code d’instruction
criminelle. Mais la Chambre des pairs adopta, en 1836,
une opinion contraire. Elle permit au juge-commissaire
d’interroger la femme et les enfants, parce que sa mis
sion n’avait aucun caractère judiciaire, que l’instruction
à laquelle il se livrait était d’une nature différente de celle
qui est déférée au juge d’instruction ; que partant ce qui
serait immoral dans celle-ci, pouvait n’étre que légitime
et naturel dans l’autre. Cette opinion ainsi motivée fut par
tagée par la Chambre des députés dans la session de 1838.
Il résulte de ce qui précède que non seulement le jugecommissaire peut interroger la femme et les enfants du
1 Pardessus,
n° 1154.
�art.
476, 477.
395
failli, mais encore que pour ce qui concerne les autres
personnes sa mission n’a aucun caractère judiciaire. Ainsi
les commis, les employés , les tiers ne sont plus des té
moins ; ils ne peuvent donc plus être condamnés à l’a
mende s’ils ne comparaissent pas. Leur absence ne peut
plus élever contre eux des soupçons de complicité. S’ils
comparaissent, ils sont libres de répondre aux questions
qui leur sont faites ou de se taire. Le juge n’a dans au
cun cas les moyens de les contraindre.
5 2 9 . — Les perquisitions que le juge-commissaire
peut faire en vertu de l’article 477 ont deux objets :
1 ° la formation du bilan ; 2 ° la recherche des véritables
causes de la faillite et ses circonstances.
Ce qui concerne le bilan est plus particulièrement
confié aux syndics ; mais il peut se faire que les person
nes auxquelles ceux-ci s’adresseront refusent de leur
donner les renseignements nécessaires., et c’est dans la
prévision de ce refus et pour en neutraliser les effets que
l’on charge le juge-commissaire d’agir personnellement.
On a pensé avec raison que la médiation du juge, l’in
fluence que sa position lui donne sur le sort de la fail
lite appellerait la confiance, et qu’il deviendrait sans peine
le confident des secrets qu’on n’aurait pas voulu com
muniquer aux syndics.
Le juge commissaire n’est pas seulement le protecteur
des intérêts privés, il doit encore veiller à ce que le droit
de la société ne reçoive aucune atteinte. C’est là le motif
pour lequel il doit rechercher dans les circonstances de
la faillite tout ce qui peut éclairer la justice et amener
la répression de la fraude. Ces recherches sont d’ailleurs
�396
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
indispensables pour qu’il puisse motiver l’opinion qu’il
est chargé de transmettre au procureur de la républi
que 1.
A rt. 4 7 8 .
L o rsq u ’un com m erçant a u ra été déclaré en fail
lite apres son décès, ou lorsque le fa illi vien dra à
décéder apres la déclaration de faillite , sa veuve,
scs enfants , scs h éritiers po u rro n t se présenter
ou se fa ire représen ter p o u r le suppléer dans la
form ation du b ilan , ain si que dans toutes les au
tres opérations de la faillite.
SOMMAI RE
330.
Le failli a intérêt et droit à assister à toutes les opérations
de la faillite.
331. Ce droit est transmissible à ses héritiers qui peuvent l’exer
cer par eux-mêmes ou par un fondé de procuration.
332. Le concours des héritiers ne modifie en rien les conditions
de la liquidation.
333. La loi actuelle n ’a pas maintenu la restriction que l’article
473 du Code précédent avait mise aux droits des héritiers.
334. Les héritiers du commerçant déclaré en faillite après décès
ont les mêmes droits que ceux du commerçant mort après
la déclaration.
5 5 0 . — Le droit du failli d’assister à toutes les opé
rations de la faillite, indépendamment des cas où il doit
être appelé , n'est pas contestable. Nous avons déjà dit
que l’administration doit être faite au mieux de ses in
térêts ; comment pourrait-il en faire modifier ou chan
ger la direction si on le mettait dans l’impossibilité de
l’apprécier en l’écartant de la liquidation ?
I Voy. infra article 482.
�ART.
478.
397
5 3 1 . — Ce droit du failli est transmissible à ses hé
ritiers. Si le failli meurt après la déclaration de faillite,
l’intérêt qu’il avait à la régularité de l’administration passe
sur la tête de ses héritiers substitués à l’obligation de
payer le solde entier des créances en capital et intérêts,
s’ils veulent un jour réhabiliter la mémoirede leur auteur.
Ceux-ci peuvent donc, s’ils le jugent convenable, in
tervenir dans la formation du bilan, prendre part à l’in
ventaire, assister à toutes les opérations de la faillite. Ils
peuvent déléguer ce droit à un mandataire, sans que dans
aucun cas cette faculté soit soumise à aucune condition.
C’est là d’ailleurs en la forme la seule différence qui existe
entre eux et le failli. Nous avons dit que celui-ci ne peut
se faire représenter que pour des raisons jugées valables.
3 3 2 . — Mais au fond il n’y a aucune distinction
entre le failli et ses héritiers. Ceux-ci ne peuvent jamais
avoir plus de droits que le'premier n’en aurait eu luimême. A insi, ils ne peuvent exercer aucune action en
ce qui concerne les biens, indépendamment des syndics;
ils ne doivent être appelés dans les instances engagées
par ceux-ci que dans les cas où le failli le serait lui-mê
me; leur concours ne saurait changer en rien les con
ditions de la liquidation.
333. — L’article 478 confère un pouvoir général et
sans restrictions. Les héritiers du failli pourront assister
ou se faire représenter à toutes les opérations de la fail
lite. Il étend en conséquence la disposition de l’art. 473
du Code de Commerce précédent qui restreignait cette
faculté aux cas où le failli était obligé de se présenter
lui-même. Il n’y avait aucun motif plausible pour main-
�398
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tenir cette restriction. Réduits à suppléer le failli et à
donner aux syndics les renseignements qui doivent faci
liter leur gestion, les héritiers ne pourront par leur con
cours qu’assurer une meilleure, une plus prompte expé
dition : il convenait donc de l’autoriser dans tous les cas.
334.
— Les héritiers du commerçant dont la faillite
n’est déclarée qu’après son décès ont le même droit que
ceux du commerçant mort après cette déclaration. Il y
a dans les deux cas parité de raisons, et partant néces
sité d’une décision semblable.
i
SECTION IIe
S B L A L E V É E DES SO ELLÉB E T D I L 'IN V E N T A IR E
A rt. 4 7 9 .
Dans les tro is jo u rs les syndics req u erron t la
levée des scellés et procéderont à l ’in ven taire des
bien s du failli, lequel sera présent on dûm ent ap
pelé.
A rt. 4 8 0 .
L’inventaire sera dressé en double m inute par
les syndics à m esure qiie les scellés seront levés,
et en présence du ju ge de paix q ui le sign era à cha
que vacation. L’une de ces m inutes sera déposée
au greffe dn trib u n a l de commerce dans les vingtquatre heures, l’an tre restera entre les m ains des
syndics.
Les syndics seront lib re s de se fa ire aider, pour
sa rédaction comme p o u r l’estim ation des objets,
p a r q ui ils ju g e ro n t convenable.
I l sera fait récolem ent des objets qui, conformé
m ent à l ’article 469 , n’au raien t pas été m is sous
les scellés,et au raien t déjà été inventoriés et pri
sés.
�art.
479, 480.
399
SOMMAI RE
335.
336.
337.
338.
339.
340.
341.
342.
343.
344.
345.
Modification que la suppression de l’agence a introduite en
ce qui concerne la levée des scellés. Quelle est la nature
du délai accordé par l ’article 479.
Ce délai court à partir de l'acceptation des fonctions de syndic
Le failli doit être présent ou dûment appelé à la levée des
scellés. En est-il de même de ceux qui auraient formé
opposition à cette levée ?
La levée des scellés n’opère pas la délivrance en faveur des
syndics. Nécessité d’un inventaire.
L’inventaire doit-il être fait dans le procès-verbal de levée?
L’inventaire est rédigé en double minute. Conditions, des
tination de chacune d’elles.
Les syndics peuvent se faire aider tant pour l ’estimation
que pour la rédaction.
L ’inventaire doit comprendre : 4* l’intégralité des facultés
mobilières du failli ; exception pour les meubles et som
mes prêtées ou déposées ;
2° Les papiers dont la conservation importe à la masse ;
3° Les effets et remises contenus dans le portefeuille ;
4° Les effets à courte échéance déjà distraits des scellés et
les effets déjà livrés en vertu des articles 469 et 471.
33 5.
— Le soin de faire procéder à la levée des scel
lés a été de tout temps confié aux syndics provisoires.
Mais sous l’empire du Code le syndicat étant précédé de
l’agence, cette opération qui peut être d’une urgence ré
elle était forcément retardée de vingt ou de trente jours,
selon que les agents étaient restés plus ou moins long
temps à la tête de l’administration.
La suppression de l’agence a donc, quant à ce, pro
duit ce résultat, que les syndics nommés par le jugement
déclaratif pourront immédiatement requérir cette levée
�400
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
et procéder à l’inventaire ; ce qui joint à une économie
de temps et de frais l’avantage de prévenir la détériora
tion qu’un séjour prolongé sous les scellés pouvait occa
sionner à la marchandise.
Nous disons que les syndics pourront immédiatement
faire procéder à la levée des scellés. Ils le peuvent, en
effet, s’ils le jugent convenable. Il est vrai que l’article
479 ne prescrit cette mesure que dans les trois jours ;
mais il faut remarquer que ce délai n’est fixé que comme
un maximum qu’il n’est pas permis de dépasser. Il n’y
aurait donc aucun obstacle à ce qu’il fût devancé. La
promptitude dans les opérations est surtout le but que
s’est proposé le nouveau législateur. Tout ce qui rentre
dans ce but est conforme au véritable esprit de la loi.
Aussi peut-on voir dans les discussions qu’elle a subies
qu’il a été admis : qu’à quelque époque qu’il en soit re
quis et notamment avant l’expiration des trois jours, le
juge de paix ne saurait se refuser à procéder à la levée
des scellés.
Ainsi le délai fixé par l’article 479 est la limite au delà
de laquelle commence la négligence. Les syndics ne sau
raient la franchir ; mais ils peuvent se dispenser de l’at
teindre.
336.
— Quel est le point de départ de ce délai ?
Evidemment le moment de l’acceptation par les syndics
des fonctions qui leur sont déférées. La désignation faite
par le jugement qui déclare la faillite ne confère aucune
obligation tant qu’elle n’est pas acceptée par celui qu’
elle concerne. En conséquence , quelle que soit la dis
tance qui s’est écoulée entre le jugement, l’apposition
�art.
479, 480.
401
des scellés ei cette acceptation , le délai de trois jours à
l’expiration duquel les scellés doivent être levés ne court
que du moment où l’acceptation s’est réalisée.
5 3 7 . — Le failli doit êtie présent à la levée des scel
lés. En conséquence , s’il n’a pas quitté son domicile il
doit être appelé par les syndics. Le tribunal pourrait,
s’il était détenu et non poursuivi par le ministère pu
blic, lui accorder un sauf-conduit provisoire pour la du
rée de cette opération. A défaut, il pourrait se faire re
présenter par un mandataire.
Devrait-on appeler aussi ceux qui auraient fait oppo
sition à la levée des scellés ? Il faut distinguer : si l’op
posant ne fait valoir d'autres droits que ceux qu’il a
comme créancier ; s’il n’a agi qu’en cette qualité son
opposition est considérée comme non avenue sans qu’il
soit besoin de l’appeler. En effet, les syndics sont les
représentants de tous les créanciers. En protégeant la
masse en général , ils protègent chacun de ceux qui la
composent en particulier. Ils n’ont donc besoin de met
tre aucun d’eux personnellement en cause.
Mais si l’opposition était fondée sur une prétention
de propriété d’un ou de plusieurs des objets placés sous
les scellés, sur la réclamation d’un dépôt confié au failli,
les syndics seraient obligés d’appeler l’opposant à la le
vée des scellés.
Il en était de même sous le Code précédent dans le
cas de revendication d’un objet mobilier non payé. Mais
la loi nouvelle ayant expressément aboli le privilège du
vendeur soit quant à la reprise de l’objet soit quant
l Voy. infra article 650.
i — 26
�402
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
au droit de préférence sur le prix , l’opposition faite par
le vendeur d’un objet mobilier rentrerait dans la caté
gorie de celles signifiées par de simples créanciers et su
birait le même sort.
Ainsi, l’obligation d’appeler les parties intéressées se
réduit dans son exercice à ceux qui se prétendraient
propriétaires ou déposants ; comme leurs droits, en les
supposant justifiés, ne pourraient sortir à effet que si
les objets existent en nature, ou si le dépôt est intact, ils
doivent être mis à même de faire constater cet état ou
de se convaincre du contraire.
3 3 8 . —■ La levée des scellés n’opère pas délivrance
des objets en faveur des syndics. La condition indispen
sable à celle-ci est que l’actif soit déterminé d’une ma
nière tellement exacte que son universalité soit irrévoca
blement acquise aux créanciers. Or, cette fixité ne s’ob
tient que par l’inventaire de tout ce qui existe sous les
scellés. Cet inventaire est rédigé au fur et à mesure de
leur levée.
3 3 9 . — Le procès-verbal de levée doit -il renfermer
l’inventaire descriptif et estimatif? L’affirmative était dé
cidée sous l’empire du Code. Quoique fait par les syn
dics cet inventaire était rédigé par le juge de paix qui
restait dépositaire de la minute.
Cet état de choses avait excité de nombreuses et vives
réclamations. On se plaignait des frais considérables qu’
occasionnaient le nombre des vacations et la longueur
des expéditions qu’il fallait prendre au greffe de la jus
tice de paix. L’article 479 fait droit à ces plaintes. Dé
sormais la dresse de l’inventaire est exclusivement dévo-
�ART.
479, 480.
403
lue aux syndics, sans autre participation de la part du
juge de paix que la signature qu’il est obligé d’apposer
à chaque vacation.
Le procès-verbal de levée doit donc être pur et sim
ple. Cette levée est faite elle-même graduellement d’une
pièce à l’autre , selon que les objets trouvés dans cha
cune d’elles sont inventoriés. À la fin de chaque séance
le juge de paix réappose les scellés, s’il reste encore des
objets à inventorier.
340.
— L’inventaire est fait à double minute rédi
gées simultanément en présence du juge de paix et si
gnées par lui. L’une de ces minutes reste entre les mains
des syndics, l’autre est déposée au greffe du tribunal de
commerce. Les créanciers ont ainsi non-seulement la
faculté de la consulter quand ils le jugent convenable,
mais encore un excellent moyen de contrôler le compte
rendu des syndics et de s’assurer si ce compte fait raison
de tous les objets inventoriés.
344.
— Le désir de ne pas prolonger outre mesure
une opération déjà susceptible par elle-même d’une cer
taine longueur a fait autoriser les syndics à se faire aider
par telles personnes qu’ils le jugeront convenable, nonseulement pour la rédaction matérielle, mais encore pour
l’estimation des objets. Il est évident que celle-ci sera
plus utilement faite par des gens du métier que par les
syndics qui pourront être dans l’impossibilité d’assigner
un prix quelconque aux marchandises et effets mobiliers.
Le salaire des personnes employées dans ce double objet
est passé en dépense comme frais de gestion.
3 4 2 . — L’inventaire doit comprendre l’intégralité
\
�404
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
des facultés mobilières du failli. Les effets qui auraient
été confiés à celui-ci à titre de dépôt ou de garde doi
vent être rendus à leur légitime propriétaire. Si des dif
ficultés s’élèvent sur le droit revendiqué par celui-ci, les
objets qui font la matière du litige doivent être provi
soirement inventoriés, et si en définitive ils doivent être
rendus, la quittance de celui qui les reçoit opère la dé
charge des syndics vis-à-vis des créanciers.
Le dépôt peut ne consister qu’en une somme d’argent.
Il importe dès lors que tout ce qui est trouvé dans la
caisse du failli soit décrit dans l’état où il se trouve au
moment de l’apposition ou de la levée des scellés. Les
sommes renfermées dans des sacs cachetés ou étiquetés
seraient rendues à leur véritable propriétaire. Mais en
ce qui concerne l’argent, c’est-à-dire les espèces mon
nayées, il ne saurait exister réellement de dépôt que si la
partie réclamée est restée constamment séparée de l’actif
du failli. La confusion que celui-ci aurait faite des som
mes qui lui ont été confiées avec celles qui lui appartien
nent les rendrait toutes la propriété de la masse, sauf les
droits du déposant de poursuivre pour la violation du
dépôt.
3 4 3 . — Indépendamment des meubles, effets mobi
liers et marchandises, l’inventaire doit comprendre les
papiers dont la conservation importerait à la faillite. Ce
pendant on ne devrait décrire que ceux qui pourraient
avoir de l’influence sur les opérations pendantes ou qui
seraient d’un intérêt actuel. Si on voulait le faire pour
tous, l’inventaire serait bien souvent interminable.
3 4 4 . — Les effets de portefeuille, les remises et tou-
�art .
4-79, 480.
405
tes les valeurs commerciales doivent être soigneusement
inventoriés ; c’est là quelquefois la partie la plus impor
tante de l’actif, celle dont la disposition intéresse le plus
vivement les créanciers. On ne doit donc rien omettre de
ce qui est nécessaire pour exiger des syndics un compte
exact et fidèle.
Nous verrons plus tard que les syndics sont respon
sables des prescriptions qu’ils laisseraient encourir par
leur faute. Il convient, pour éviter toutes difficultés à cet
égard, que l’inventaire mentionne l’échéance des divers
effets et indique ainsi ceux pour lesquels la prescription
est déjà accomplie.
345.
— Quant aux effets à courte échéance qui ont
été distraits des scellés conformément à l’article 471,
ainsi que les objets sujets à dépérissement ou destinés à
l’exploitation du commerce déjà livrés aux syndics en
force de la disposition de l’article 469, il doit en être fait
mention dans l’inventaire général. C’est en transcrivant
l’état qui en a été dressé que cette obligation de la loi
s’exécute. Ce récolement a l’avantage de mettre dans un
seul tableau, sous les yeux des parties intéressées, l’uni
versalité des biens dont les syndics ont reçu l’adminis
tration.
A rt.
481.
En cas de déclaration de faillite après décès lo rs
qu’il n’a u ra point été fait d ’inventaire an térieu re
ment à cette déclaration , ou en cas de décès du
failli avant l’ouverture de l ’in v e n ta ire , il y sera
procédé im m édiatem ent dans les form es du p ré
cédent article, et en présence des h é ritiers ou eux
dûment appelés.
�406
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
SOMMAIRE
346.
347.
348.
Il ne saurait jamais être rédigé plus d ’un inventaire. Con
séquences pour le cas où avant la faillite et après le dé
cès les héritiers du commerçant ont fait procéder à l’in
ventaire de la succession.
Comment et par qui doit être rédigé l ’inventaire dans le cas
où le failli meurt avant ou après l’ouverture de la faillite?
La déclaration de faillite après décès produit tous les effets
de la séparation des patrimoines.
*
346.
— L'intention du législateur est de prohiber
toute répétition dans une opération qui ne peut amener
que des frais considérables. Il ne peut donc y avoir dans
aucun cas plus d’un inventaire. L’utilité de cette prohi
bition se fera principalement sentir dans le cas d’une
faillite déclarée après décès.
Nous avons vu que les créanciers peuvent la faire pro
noncer dans l’année du décès de leur débiteur. Mais dans
l ’intervalle il peut y avoir eu addition d’hérédité,accep
tation bénéficiaire , ce qui aura nécessité la confection
d’un inventaire par les héritiers. Si cet inventaire existe,
s’il est régulier et authentique la loi n ’en exige pas d’au
tres. Les syndics n’ont dans cette hypothèse qu’à procé
der au récolement des objets déjà inventoriés , et à en
exiger la restitution des héritiers soit en nature soit en
valeur.
Dans cette hypothèse encore il n’y aurait pas lieu à
apposition des scellés. Cette mesure toute de précaution
n’a d’autre objet que celui de déterminer un inventaire
exact des facultés mobilières du failli dont elle prévient
tout détournement. C’est ce que prouve la disposition de
�ART. 4 8 1 .
407
l’article 455 qui la déclare inutile lorsque l’inventaire
peut être fait dans les vingt-quatre heures. En consé
quence si au moment où la faillite est ouverte l’inven
taire avait été dressé, l’apposition des scellés n’aurait au
cun but utile. En effet, l’actif est désormais certain. Toute
dissimulation est impossible , et partant ce qui tend à
empêcher celle-ci rend l’autre superflu. Le juge de paix
devrait donc s’abstenir de remplir cette mission sur le
vu de l’inventaire; les syndics, de leur côté, sont dispen
sés -de le requérir.
Mais si l’inventaire dressé parles héritiers ne compre
nait pas tout ce que le failli décédé a délaissé, si des dé
tournements avaient été commis, des omissions faites, les
syndics devraient veiller à la répression des uns et à la
réparation des autres. C’est surtout dans ce but qu’ils
auraient à procéder au récolement des objets inventoriés.
547. — Il peut se faire cependant que les héritiers
n’aient fait procéder à aucun inventaire soit par négli
gence, soit parce qu’ils seront encore dans les délais pour
le faire lorsque la faillite sera déclarée. D’un autre côté
le failli peut décéder avant la rédaction de celui que les
syndics sont obligés de dresser. A qui des héritiers ou
des syndics appartiendra,dans l’un et l’autre cas,le droit
de faire inventaire ? Quelle sera la forme à employer ?
Faudra-t-il recourir aux dispositions du Code de procé
dure, s’il existe des mineurs au nombre des héritiers ?
L’article 481 tranche d’une manière précise toutes ces
questions. Mais avant d’être adoptée , sa disposition a
divisé la Chambre des députés , surtout dans la session
de 1835. A cette époque la commission proposait de faire
rédiger l’inventaire par deux notaires.
�40S
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
L’inventaire dressé par les syndics, disait-on, est bon
pour la faillite. Mais dans le cas où il y aurait lieu à ac
ceptation bénéficiaire, cet inventaire ne produirait aucun
effet. Les héritiers seraient donc obligés d’en faire un se
cond, ce que l’on doit éviter en entourant celui qui doit
être fait des formes nécessaires pour en assurer l’authen
ticité.
D’ailleurs, ajoutait-on, le décès du commerçant a ou
vert les droits des héritiers. Or, lorsque des intérêts aussi
respectables que les leurs viennent se croiser avec les in
térêts de ceux qui sont placés sous la garantie des lois
spéciales, il n’en faut pas faire abstraction pour les fondre
tous dans la faillite. Les intérêts des héritiers peuvent être
divisés et distincts de ceux des créanciers, et ce serait les
sacrifier à ceux-ci que de livrer l’inventaire aux syndics.
On répondait : Que lorsqu’il y a faillite l’intérêt des
créanciers absorbait nécessairement tous les autres ; qu’ainsi en supposant qu’après le décès il y eût un double
intérêt, celui des héritiers ne pouvait passer qu’après celui
des créanciers; qu’en réalité le décès ne changeait rien
à la nature des choses ; qu’il n’y a pas plus alors deux
intérêts, qu’ils n’existent pendant la vie du failli; les hé
ritiers ne sont que le failli lui-même; ils n’ont pas d’au
tres droits à moins qu’ils ne soient créanciers, et dans
ce cas ils seront à l’instar de tous les autres créanciers.
Que le principe qui doit prévaloir en matière de fail
lite est l’économie. Or, le mode le plus économique pour
faire inventaire est celui prescrit aux syndics, qu’il faut
donc l’adopter dans tous les cas ; d’ailleurs , lorsque le
failli est vivant les syndics font l’inventaire ; pourquoi ne
�ART.
481 !
409
trouverait-on pas de garanties suffisantes dans ces mê
mes syndics lorsque le failli est décédé? Il s’agit de faire
un inventaire exact : les mêmes raisons se présentent ;
les syndics capables dans le premier cas doivent l’être
dans le second.
Quant à la nécessité de faire un second inventaire pour
l’acceptation bénéficiaire , elle ne peut se présenter que
si, tous les créanciers payés, il restait un excédant. Mais
alors les créanciers qui étaient saisis par la faillite sont
dessaisis par le paiement qu’ils ont reçu de tout ce qui
leur restait dû ; cet excédant appartient aux héritiers, et
à quoi bon dans ce cas une acceptation bénéficaire, lors
que la succession est entièrement libérée, qu’elle n’a plus
de dettes ? Voudrait-on encore exiger un inventaire? On
l’aurait tout fait dans le compte que les syndics doivent
rendre de leur gestion , et qui déterminerait d’une ma
nière précise l’excédant afférant aux héritiers. Que dès
lors rien ne saurait excuser une déviation aux règles
d’une stricte économie. Que celle-ci tournerait au profit
des héritiers même, dans le cas surtout où l’actif excé
derait le passif.
Qu’enfin l’inventaire dressé par les syndics est fait en
la continuelle présence du juge de paix , et que l’assis
tance de ce magistrat était de nature à rassurer tous les
intéressés ; que, d’ailleurs, la veuve et les héritiers avaient
la faculté de se présenter à l’inventaire , de surveiller
leurs droits et de faire telles réquisitions qu’ils jugeraient
convenables.
Ces raisons ont prévalu et devaient prévaloir sur le
système soutenu par la commission. Depuis longtemps
�410
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
on se plaint des longueurs et des frais qu’occasionne
l’inventaire. Fallait-il, dans un intérêt fort problémati
que, répudier dans plusieurs cas les améliorations intro
duites sous ce double rapport par la loi actuelle dans
l’accomplissement de cette formalité ?
Nous disons dans un intérêt fort problématique I II
est rare en effet qu’on poursuive la faillite d’un négociant
dont l’actif dépasse le passif. Il est invraisemblable en
l’état de cette déclaration que, tous les créanciers payés,
il reste quelque chose à appréhender par les héritiers.
Ce n’est cependant que dans ce cas que s’ouvrent les
droits de ceux-ci. Jusque-là les créanciers sont les seuls
ayant droit à l’actif de la faillite. Il est donc rationnel de
leur permettre d’en disposer au mieux de leurs intérêts.
Ainsi, toutes les fois qu’il y aura faillite déclarée l’in
ventaire de facultés mobilières sera fait par les syndics,
soit que le failli existe , soit qu’étant décédé avant ou
après le jugement sa mort n ’ait pas été, dans le premier
cas, suivie d’un inventaire dressé par ses héritiers. Mais
dans les deux hypothèses les héritiers doivent être pré
sents ou dûment appelés. Leur droit à se faire représenter
par un fondé de pouvoirs ne saurait non plusêtre contesté.
348.
— La déclaration de faillite après décès pro
duira-t-elle les effets de la séparation des patrimoines ?
L’affirmative ne saurait être douteuse. La cessation de
paiements pour motiver une ouverture de faillite après le
décès doit nécessairement avoir précédé celui-ci. Elle est
donc antérieure forcément à la prise de possession des
héritiers. Or, depuis cet instant le failli était lui-même
dessaisi de ses biens, et ce dessaisissement est un obstacle
�ART.
481.
411
invincible à ce que des tiers acquièrent sur ces mêmes
biens des droits quelconques du chef des héritiers ; ainsi,
alors même que ceux-ci auraient accepté purement et
simplement l’hérédité , leurs créanciers personnels ne
pourraient concourir aux répartitions des biens de la
succession qui n’appartient jamais qu’aux créanciers du
failli, leur auteur.
A rt.
482.
En toute faillite , le » syndics dans la quinzaine
de le u r entrée ou de le u r m aintien en fonctions
seront tenus de rem ettre au ju gc-com m issalrc un
m ém oire ou compte som m aire de l’état apparent
de la faillite, de ses principales causes et circons
tances et des caractères qu'elle parait avoir.
Le ju ge-com m issaire transm ettra im m édiate
ment les m ém oires avec scs observations au p ro
cu reu r de la répu bliqu e. S’ils ne lu i ont pas été
rem is dans les délais prescrits, il devra en préve
n ir le p ro cu reu r de la répu bliq u e et lu i in diqu er
les causes du retard.
A rt. 4 8 5 .
Les officiers du m inistère public po u rro n t se
tran spo rter au dom icile du fa illi et assister à l’in
ventaire.
Ils au ro n t à toute époque le dro it de r e q u é rir
com m unication de tous les actes, livres ou papiers
relatifs h la faillite.
S OMMAI RE
349.
550.
Motifs de la disposition de l ’article 482.
La loi ne s’en rapporte plus exclusivement aux syndics pour
L'evoi du rapport. Double objet de cette innovation.
551. Délai dans lequel ce rapport doit être remis au juge-com
missaire.
�412
352.
353.
354.
355.
356.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Obligation de celui-ci et du procureur de la république de
prévenir Iout retard. Peine que ce retard ferait encourir
aux syndics.
Le rapport reçu par le juge-commissaire doit être sans délai
transmis par lui avec ses obervations au procureur delà
république. Discussion que cette dernière disposition a
subie.
Tout retard de la part des syndics doit être signalé au pro
cureur de la république. Conséquences selon que le re
tard est ou non justifié.
La disposition de l ’article 483 n'est pas limitative du droit
du procureur de la république d ’assister à toutes les opé
rations de la faillite.
La faculté d ’exiger à toute époque communication des li
vres, actes et papiers est une conséquence forcée du droit
d ’investigation.
349.
— Nous avons déjà dit que le Code de com
merce imposait aux agents et aux syndics, tant provisoi
res que définitifs, l’obligation d’adresser au procureur de
la république un rapport sur les causes et circonstances
de la faillite. Mais l’omission de cet envoi, contre laquelle
il n’existait aucune précaution législative, ne contribuait
pas peu à l’impunité presque absolue contre laquelle
protestait l’opinion publique.
Les articles que nous avons à examiner ne sont qu’une
satisfaction accordée à cette opinion ; que le moyen d’at
teindre à une répression efficace des abus et des fraudes
qui auront pu se commettre. Déjà nous avons vu que
l’article 459 prescrit au greffier de transmettre dans les
vingt-quatre heures une expédition des jugements décla
ratifs au procureur de la république. Ainsi prévenu de
l’existence de la faillite ce magistrat pourra contraindre
�art.
482, 483.
413
le juge-commissaire et les syndics à lui adresser le rap
port prescrit par l’article 482.
350.
— La loi ne, s’en rapporte plus aux syndics
exclusivement pour la rédaction et l’envoi de ce rapport.
Ceux-ci n’ont plus aucune relation directe avec le procu
reur de la république; c’est au juge-commissaire qu’ils
doivent le remettre. Il y a dans cette nouvelle prescrip
tion un double but :
D’a b o r d d e placer l’exécution de la mesure sous la
garantie du magistrat chargé de la surveillance de la
faillite. Les relations journalières qu’il a forcément avec
eux mettent celui-ci en position de rappeler aux syndics
le devoir qu’ils ont à remplir d’en exiger l’accomplisse
ment dans le temps voulu.
D’autre part, la justice trouve dans le caractère public
du juge-commissaire une plus forte garantie pour l’exac.
titude des renseignements transmis. Les syndics pour
raient essayer d’atténuer ou d’exagérer la gravité des
faits imputés au failli. Etranger à la faillite le procureur
de la république n’en apprenait, sous l’empire du Code
de commerce , que ce qu’il plaisait aux syndics de lui
faire savoir. Aujourd’hui toute surprise de ce genre vien
drait échouer devant les connaissances personnelles que
le juge-commissaire est obligé d’avoir. Il n’est donc pas
probable qu’elle soit même tentée.
351.
— La remise par les syndics au juge-com
missaire du mémoire prescrit par l’article 482 doit être
effectuée dans la quinzaine de leur maintien dans leurs
fonctions, ou au plus tard dans la quinzaine de la no
mination des nouveaux. Ce dernier délai ne peut dans
�414
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
aucun cas être dépassé. Ainsi, si sur l’avis des créanciers *
les syndics d’abord élus étaient remplacés, leurs succes
seurs n’auraient que quinze jours pour opérer la remise
de leur mémoire.
3 5 2 . — Le juge-commissaire , le procureur de la
république doivent impérieusement exiger l’exécution lit
térale de cette prescription. La loi entend leur faire un
devoir de tenir la main non- seulement à la remise du
mémoire, mais encore à ce que celui-ci renferme la vé
rité tout entière, tant sur le caractère de la faillite que
sur les actes qui l’ont précédée, suivie et accompagnée.
Sans cela cette remise dégénérerait bientôt en une sim
ple formalité, sans aucune utilité et sans b u tl.
Tout retard non justifiée de la part des syndics à rem
plir l’obligation qui leur est imposée pourrait devenir un
motif de révocation, indépendamment du droit qu’aurait
le procureur de la république de se faire communiquer
toutes les pièces pour se former une opinion sur la con
duite du failli et sur l’état des affaires.
3 5 3 . — Nous venons de dire que le législateur nou
veau, trouvant dans l’intervention du juge-commissaire
une garantie de l’exactitude des faits , l’avait chargé de
recevoir le mémoire des syndics qu’il doit immédiate
ment transmettre au procureur de la république , en le
faisant suivre de ses observations personnelles.
Cette dernière disposition a été fortement critiquée dans
les discussions que la loi a subies. On soutenait qu’en
s’expliquant sur le caractère et les causes de la faillite le
1 Circulaire du 8 juin 4838.
�juge compromettait son indépendance , qu’il engageait
d’avance son opinion. Comment, ajoutait-on, votera-t-il
plus tard sur l’excusabilité du failli, si dès les premiers
instants on lui fait un devoir de s’en expliquer ? Ne se
croira-t-il pas lié par les observations écrites qu’il aura
transmises ?
On répondait que la loi ne demandait l’avis du jugecommissaire que parce que des plaintes unanimes s’é
taient depuis longtemps élevées contre l’insuffisance des
rapports des syndics ; qu’il fallait remédier à cet abus et
chercher ailleurs que chez ceux-ci des garanties contre
sa reproduction; que cette mesure était autant dans l’in
térêt du failli que dans celui de la vindicte publique ;
qu’il n’était pas impossible, en effet, qu’un syndic cré
ancier obéissant plutôt au ressentiment de la perte qu’il
éprouve qu’à des inspirations impartiales, ne déguisât la
vérité en ce qu’elle aurait de favorable au failli ; que les
observations du juge rectifieront ce qu’il y aura d’incom
plet, d’insuffisant ou d’exagéré dans le rapport ; qu’une
telle mission rentre parfaitement dans le mandat du jugecommissaire, bien loin d’en altérer le caractère ; que ce
qui importe surtout c’est que le procureur de la répu
blique ne soit pas induit en erreur par la complaisance
ou le mensonge ; le rapport passant sous les yeux du
juge-commissaire ce résultat est obtenu, car ce magis
trat qui seul connaît l’ensemble des faits, qui est le dé
positaire obligé de tous les renseignements, qui a reçu de
la loi la mission de les rechercher sera à même de cor
riger les erreurs, de faire disparaître l’exagération ou le
mensonge.
�V
416
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Quequant à la crainte qu’il ne se croie lié par ses ob
servations elle est sans fondement réel; que l’avis qu’il
peut yémettre est essentiellement provisoire ; qu’en effet
il ne s’explique que sur l’état apparent des affaires, tan
dis que le vote sur l’excusabilité n’arrivant qu’a près la
liquidation, des modifications importantes pouvaient être
prévues, qui amèneraient à rectifier dans un sens com
me dans l’autre l’avis précédemment émis. C’est par ces
dernières impressions que l’opinion du juge se fixera sur
la nécessité d’admettre ou de refuser l’excusabilité.
Ces motifs sont la justification la plus complète du
devoir imposé au juge-commissaire. Ils en expliquent
l’utilité, ils en enseignent l’étendue. Nous avons dû les
reproduire, parce que ce n’est qu’en les consultant que
le juge appréciera sainement le caractère et la portée de
ce que la loi attend de lui dans celte circonstance.
354.
— Ainsi, dès la réception du mémoire des syn
dics le juge-commissaire doit le transmettre au procureur
de la république ; si dans les délais ci-dessus fixés les
syndics ne le lui ont pas fait parvenir, il doit s’informer
des causes de ce retard et instruire de tout ce magistrat.
Si ces causes sont légitimes un nouveau délai peut être
accordé ; si elles ne sont dues qu’à la négligence ou à la
mauvaise volonté des syndics le procureur de la répu
blique pourra poursuivre leur révocation soit auprès du
juge-commissaire , soit directement auprès du tribunal
de commerce.
C’est là en définitive la sanction pénale de l’obligation
prescrite par l’article 482. Le pouvoir que nous recon
naissons au procureur de la république est consacré par
�art.
482, 483.
A17
l’esprit de la loi, expliqué par les instructions ministé
rielles. 11 n’est même pas douteux que le refus du jugecommissaire de remplir les obligations que ce même ar
ticle lui impose , n’autorisât le procureur de la répu
blique à demander son remplacement.
355.
— L’article 483 est le corollaire indispensable
des mesures prises pour exciter la vigilance du ministère
public. Cette vigilance demeurerait souvent sans résultat,
si capable de recevoir des renseignements le procureur
de la république ne pouvait intervenir directement dans
les opérations de la faillite.
Bien qu’incomplète sous plusieurs rapports la législa.
tion de 1807 réservait au procureur de la république la
faculté d’assister à la dresse du bilan , à l’inventaire et
aux autres actes de la faillite l. L’article 483 ne parle plus
que de l’inventaire ; mais sa disposition ne saurait être
considérée comme limitative. L’intention du législateur
a été de s’en rapporter exclusivement à l’opinion que le
procureur de la république pourra se former sur l’utilité
de son concours, et d’autoriser celui-ci dans toutes les
circonstances et à toutes les époques.
356.
— De plus l’article 483 autorise ce magistrat à
exiger communication des actes, livres et papiers de la
faillite. A quelque époque que cette communication soit
requise les syndics ne sauraient la refuser , pas même
sous prétexte qu’elle doit retarder la liquidation. On peut
se convaincre par là si la loi actuelle a entendu restrein
dre la faculté que le Code de commerce conférait au mi
nistère public.
i Voy. article 489 du Code de commerce ancien.
i — 27
�418
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Ainsi, le procureur de la république peut assister à
toutes les opérations de la faillite; il peut, en outre, s’il
soupçonne la fraude se faire communiquer tous les livres,
papiers et actes de la faillite. Il peut exiger cette com
munication avant le rapport des syndics, comme après,
comme à toute autre époque de la faillite. Il suffit qu’
une circonstance quelconque vienne inspirer la pensée de
la possibilité d’une fraude ou d’un dol, pour que le droit
d’investigation du ministère public devienne un devoir
que rien ne doit gêner ni empêcher. Or, ce droit d'in
vestigation ne serait pas complet s'il n'allait jusqu’à
exiger la [communication autorisée par l’article 483,
et à réclamer des syndics tous les renseignements qui se
ront jugés nécessaires1.
SECTION IIIe
DE LA V E N T E DES M A R C H A N D ISE S E T M EU B LES,
B T DEB RECO U V R EM EN T!)
A rt.
484.
L’In ventaire term in é , le s m arch an d ises , l’ar
gen t , le s titr e s a c tifs , le s liv res et p ap iers , m eu
b les et effets dn d éb iteu r sero n t rem is aux syndics
qui s ’en chargeront au bas d u dit in v en ta ire.
A rt.
485.
,
Les syndics co n tin u ero n t de procéder so n s la
su rveillan ce du ju g e-co m m issa ire , au recouvre
m ent des d ettes actives.
SOMMAIRE
357.
358.
Qualité des syndics dans l ’administration qui leurest confiée.
Actions qui intéressent plus particulièrement la masse.
1 Circulaire du 8 ju in 1838.
�359.
Obligation pour les syndics de faire rapporter à celle-ci tout
ce qui en a été illégalement ou irrégulièrement distrait.
360. Le porteur d ’un effet transmis par un endossement irrégu
lier pourra-t-il prouver qu’il en a fait réellement les fonds
au failli ?
361. Cas dans lesquels le porteur n ’a pas eu le droit de remplir
lui-même les blancs de l ’endossement.
362. Les actions en nullité des actes frauduleux , celles en rap
port dévolues aux syndics peuvent être exercées par les
créanciers individuellement. Dans quels cas et à quelles
conditions ?
363. Si l’instance était engagée par les syndics les créanciers ne
sont pas reçus à intervenir.
364.
365.
Les jugements rendus contre les syndics lient tous les créan
ciers, à moins q u ’il n ’y ait entre eux division d’intérêt.
Les instances liées avant la faillite doivent être continuées
par ou reprises contre les syndics. Conséquences quant
au jugem ent, à l ’appel.
366.
367.
368.
Les syndics sont saisis de l’administration des immeubles
du jour du jugement déclaratif.
Les immeubles ne peuvent être vendus q u ’après l’union.
Peuvent-ils être affermés par les syndics ?
Les syndics ne sont chargés des meubles que par la décla
ration qu’ils en font au pied de l’inventaire.
369.
Formes actuelles du recouvrement des dettes actives.
Dans quel cas les débiteurs pourront-ils ou non exciper de
la compensation?
Elle, ne peut avoir lieu entre une dette due à la société et
une créance sur l’un des associés.
372. Les syndics ont-ils contre les commanditaires une action
directe pour le versement, de leur mise ?
370.
,
371.
5 5 7 . — C’est après la confection de l’inventaire que
commence, à vrai dire,l’administration confiée aux syn
dics ; les pouvoirs de la masse, ceux du failli se concen
trent sur leur tête, et c’est cette double qualité que leur
�420
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
confère le jugement qui les a délégués. Ainsi, ils repré
sentent le failli dont ils ont les actions actives et passives;
ils sont au même titre les représentants de la masse pour
tout ce qui concerne la faillite. Nous devons examiner les
devoirs importants que cette double qualité leur impose
sous le rapport des biens délaissés par le failli, sous celui
des diverses personnes qui peuvent y avoir intérêt.
5 5 8 . — Les syndics ont seuls le droit d’intenter tou
tes actions et de défendre à toutes demandes non-seule
ment au nom du failli contre ses débiteurs ou créanciers,
mais encore au nom de la masse contre les créanciers
qui auraient individuellement des prétentions à faire va
loir ou des privilèges à réclamer contre elle.
Les actions qui intéressent plus particulièrement la
masse sont sans contredit celles qui ont pour but de faire
restituer tous les effets qui en auraient été distraits, dans
quelques mains que ces effets se trouvent. Telles seraient
les revendications de marchandises ou objets donnés en
gage ou à titre de nantissement, sauf les droits des dé
positaires ; celles des objets confiés à des tiers à titre de
prêt ou de dépôt ; enfin la demande en délivrance de
marchandises retenues par le vendeur, quoique achetées
et payées par le failli.
3 5 9 . — Les syndics doivent encore au nom de la
masse faire rentrer dans l’actif tout ce qui en est illéga
lement ou irrégulièrement sorti ; en conséquence, pour
suivre la nullité des actes frauduleusement consentis dans
des temps voisins de la faillite , la révocation des droits
conférés aux mêmes époques et le rapport des paiements
reçus avec connaissance du mauvais état des affaires
du failli, ou pour dettes non échues.
�art.
484, 485.
421
Enfin et toujours au nom de la masse, les syndics ont
à exiger des tiers porteurs la restitution des billets de
commerce dont la possession ne serait pas justifiée ou
dont la transmission n’aurait pas été faite conformément
à ce qui est prescrit par les lois de la matière.
On sait, par exemple, que l’endossement irrégulier ou
en blanc ne vaut que comme procuration. Or, la faillite
révoquant tous les pouvoirs émanés du failli, il en ré
sulte que les traites ainsi négociées doivent faire retour à
l’actif et ne peuvent plus être encaissées que par les syndics.
3 6 0 . — Mais le porteur de l’effet irrégulièrement
endossé pourrait-il prouver par les livres et la correspon
dance , ou par tout autre document qu’il en a fait les
fonds, et que partant il en est réellement propriétaire ?
L'affirmative paraît d’abord devoir être préférée. L’en
dossement n’a d’autre but que de transférer la propriété,
s’il est régulier. Il semblerait donc que la preuve de ce
transfert sérieux,quels qu’en soient les éléments,devrait
prévaloir sur une irrégularité dans la forme, et que dès
lors la prétention de l’administrer devrait être admissi
ble. Priver le porteur de tout moyen de justifier sa pro
priété serait agir avec une rigueur d’autant plus outrée
que le commerce repose sur la bonne foi, et ne peut ad
mettre ni la sévérité des principes ordinaires, ni un res
pect aveugle pour la forme.
Mais cela peut être vrai lorsque c’est l’endosseur lu imême qui revendiqué l’effet qu’il a régulièrement trans
mis Indépendamment des considérations qui précèdent,
on invoquerait dans ce c a s , contre cette revendication,
les principes applicables à la fraude et qui font excepr
�422
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tion à toutes les règles. La fraude entacherait de nullité
une demande de ce genre et rendrait toutes sortes de
preuves admissibles pour établir que le demandeur a
réellement touché la valeur de l’effet négocié. La faculté
de faire cette preuve n’est plus alors, comme le fait ob
server M. Pardessus, susceptible de conférer un privilège
à un imprudent qui devait savoir à quelles conditions
l’endossement opère un transport de créances, et qui n’é
tant pas présumé ignorer la loi , a donné ses fonds en
se contentant d’un endossement imparfait ; c’est empê
cher qu’on ne le vole l.
Ce qui se réalise dans cette hypothèse n’est autre chose
qu’un appel à la justice, pour qu’elle supplée à l’irrégu
larité de l’endossement et en reconnaisse le véritable ca
ractère ; ce qui suppose que celui contre lequel on agit
refuse cette reconnaissance. On demande à la justice ce
qu’on pourrrait demander au libre consentement de son
adversaire. Or, la justice elle-même ne saurait suppléer
un aveu que celui qui devrait l’accorder n’aurait pas la
capacité de faire, et c’est ce qui se réalise pour le failli.
Aussi, M. Pardessus qui enseigne que la preuve est
admissible à l’encontre de l’endosseur, déclare-t-il cette
preuve impossible lorsqu’il y a faillite. « Si le principe
de l’article 138, dit-il, peut être modifié lorsque l’auteur
de l’endossement irrégulier est libre de disposer de ses
biens et de donner un consentement que la justice peut
suppléer pour qu’il ne profite pas de sa mauvaise foi, la
même modificalion ne peut plus être admise, lorsque par
le dessaisissement il est devenu incapable de donner un
,-v
;■-! Pardessus,
'
D r o it c o m m e rcia l,
"
n° 355.
�a r t
.
484, 485.
423
consentement qui change les effets de l’endossement ir
régulier.1 »
Or, ce dessaisissement résulte de plein droit de l’état
de faillite qui produit en outre cet autre effet, que les
droits de tous ceux qui ont traité avec le failli sont in
variablement fixés au moment de son ouverture. La na
ture de ces droits se règle par les titres alors existants
qui produisent tous leurs effets, s’ils sont réguliers; qui
deviennent au contraire de nulle valeur s’ils ne sont pas
par eux-mêmes translatifs de la propriété de l’objet qui
a été aliéné.
En effet, c’est la masse des créanciers qui par la fail
lite est substituée au failli lui-même. Par rapport à elle
comme pour les tiers , le transfert de la propriété d’un
effet commercial par la voie de l'endossement doit résul
ter de l’endossement lui-même. On ne peut admettre ni
équivalent ni élément étranger ou extrinsèque. Cela est
constaté par une jurisprudence constante et enseigné par
les auteurs les plus recommandables2.
Mais, dira-t-on, les créanciers ne sont que les représentants du failli, ses ayants cause; ils sont donc pas
sibles de toutes les exceptions qui pourraient atteindre
celui-ci; et si par rapport à lui la preuve de l’endosse
ment est admissible il n’y a a aucune raison de la pro
hiber à l’égard de la masse.
Il est vrai que les syndics représentent le failli, mais
ils représentent aussi les créanciers. Il faut donc distin'
Droit commercial,
n» 1 1 7 6 .
s Pardessus, D u c o n tr a t de c h a n g e , n° 126 ;—Nouguier, D e la le ttre
de c h a n g e , t. 1, p. 301
Persil, sur l’art. 139 du Code de com., n° 4.
�424
DES FAILLITES KT BANQUEROUTES
guer dans l’action qu’ils exercent la qualité en laquelle
ils agissent; que si cette action se rapporte à des droits
particuliers au failli , ils seront réellement ses ayants
cause et comme tels pouvant être repoussés par toutes
les exceptions opposables au failli lui-même. Que si au
contraire l’action concerne les biens dont le failli a dis
posé contrairement aux droits de la masse , celle-ci est
si peu l’ayant cause du failli qu’elle pourrait être avec
lui en opposition d’intérêt. Jamais cette circonstance ne
se réalisera plus fréquemment que dans les demandes
tendantes à faire prononcer des rapports à la masse. On
comprend que si en pareille matière la masse pouvait
être liée par les actes du failli tout rapport serait im
possible, car la demande est nécessairement fondée sur
un fait personnel à celui-ci , et qui créerait contre lui
une fin de non recevoir qui condamnerait d’avance les
prétentions contraires des créanciers.
On doit donc admettre que pour tout ce qui concerne
la composition de l’actif l’action des syndics est indé
pendante des droits que l’on pourrait faire valoir contre
le failli. Les créanciers sont à cet égard de véritables
tiers agissant jure proprio, et non les représentants de
leur débiteur.
Cette doctrine est celle formellement admise par l’or
donnance de 1673 pour ce qui concerne l’endossement
irrégulier. L’article 25 du titre 5 porte en effet : « Au
cas que l’endossement ne soit pas dans les formes cidessus , les lettres seront réputées appartenir à celui qui
les aura endossées, et pourront être saisies par les cré
anciers et compensées par ses -redevables. » Or, per-
�art.
484, 485.
425
mettre aux créanciers de saisir, c’est évidemment les af
franchir des exceptions particulières à ^l’endosseur de
l’effet et notamment de l’obligation de subir la preuve
que les fonds ont été réellement faits , preuve qui par
rapport à eux pourrait n’ôtre que le résultat d’une col
lusion entre le réclamant et le débiteur.
Il est vrai que les articles 137 et 138 du Code de
commerce ne rappellent plus expressément ces termes
de l’ordonnance ; mais il est certain aujourd’hui en
doctrine et en jurisprudence 1 que ce silence n’est pas
une abrogation, et que le législateur de 1807 a au con
traire entendu confirmer dans toute leur rigueur les
principes de l’ordonnance.
Au reste, la faculté pour le porteur de prouver autre
ment que par l’endossement lui-même son droit de pro
priété à l’encontre de l’endosseur personnellement est
encore fort problématique. La cour de cassation a bien
souvent refusé de la consacrer. Ainsi , la cour d’Aix
l’ayant admise, son arrêt fut cassé le 23 juin 1817.2
Depuis , la même question s’étant présentée la cour
régulatrice a persisté dans son opinion en décidant, le
15 juin 1831, que l’endosseur pouvait se prévaloir de
l’irrégularité de l’endossement contre lequel on ne doit
admettre aucune preuve étrangère à l’acte 3.
Mais quelle que soit l’opinion à laquelle on s’arrête,
en l’état de la controverse qui existe en jurisprudence
en ce qui concerne l’endosseur , aucun doute ne peut
i Voy. l’arrêt de la cour de cassation plus bas transcrit.
s D. A., t. 6, p. 567.
3D . P ., 31, 1, 210.
�426
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
s’élever à l’égard des syndics. Pour eux aucune preuve
ne saurait être admise : c’est ce que la cour de cassation
vient de nouveau de décider par arrêt du 15 décembre
1841 rendu dans l’espèce que voici :
Le 16 février 1836, Masselin avait remis par un endos
sement en blanc un effet de fr. 1371 au sieur Picard.
Celui-ci l’ayant négocié en avait retiré le montant.
Le 27 du même mois la faillite de Masselin est décla
rée. Le syndic assigne aussitôt le sieur Picard en resti
tution de celte somme parce qu’aux termes de l’article
138 il ne l’aurait touchée que comme mandataire. Pi
card au contraire se prétend propriétaire sérieux comme
ayant fourni la valeur de l’effet.
Le 2b juin 18 i7, jugement du tribunal de commerce
de Lisieux qui admet la prétention du sieur Picard en
déférant d ’office le serment supplétoire. Appel du syndic,
et le 26 mars 1838 arrêt de la cour de Caen qui con
firme purement et simplement.
Le syndic se pourvut en cassation. Devant la cour on
soutenait que la preuve n’était pas admissible à l’encon
tre des créanciers qui ne pouvaient être considérés com
me les ayants cause du failli , ainsi qu’on le prétendait
dans l’intérêt du défendeur à la cassation. Ce système fut
complètement admis par la cour dans un arrêt motivé
en ces termes :
« Attendu qu’il est reconnu en fait que l’effet litigieux
remis pas Masselin à Picard n’était revêtu que d’un en
dossement en blanc ; que cet endossement n’était point,
dès lors, conforme aux dispositions de l’article 137 du
Code de commerce, et qu’aux termes de l’article 138 il
�ART. 4 8 4 , 4 8 5 .
i2 7
%
n’en a donc point opéré le transport au sieur Picard ;
qu’il n’a été qu’une procuration , et qu’en le négociant
le sieur Picard n’a pu agir qu’à titre de mandataire, d’où
il résulte que cet effet étant demeuré la propriété du
failli a pu , comme le portait l’ordonnance de 1673 en
termes exprès, êire saisi per les créanciers, et par suite
le produit réclamé du sieur Picard par le syndic de la
faillite au nom de la masse - qu’il est bien reconnu que
le Code de commerce , loin de déroger aux dispositions
de l’ordonnanceconcernant Pendossement.les a rétablies
dans toute leur rigueur en en adoptant les principes;
que les articles 137 et 138 sont conçus en termes gé
néraux, clairs et précis, et que les effets peuvent en être
réclamés par toutes parties intéressées ;
» Attendu qu’en supposant même que dans des espè
ces spéciales et à raison des circonstances particulières
on ait pu recourir à des preuves extrinsèques pour éta
blir, en dehors de l’endossement, la réalité du transport
d’un billet à ordre, lorsque la contestation s’agitait entre
l’endosseur et le porteur qui tenait de lui ses droits ; il
ne saurait en être ainsi lorsque l’irrégularité de l’endos
sement est opposée parle syndic d’une faillite dans l’in
térêt de la masse des créanciers ; que le syndic n’est
plus alors le simple représentant de l’endosseur ; qu’il,
réunit une double qualité, puisqu’il est aussi surveillant
et défenseur de la masse à laquelle il est chargé de faire
rapporter tout ce dont le failli n’était pas légalement
dessaisi au moment de l’ouverture de la faillite; que
l’arrêt attaqué, en déniant au syndic le droit de deman
der contre le sieur Picard le rétablissement à la masse
�428
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
du produit d’un effet à lui remis sur un simple endos
sement en blanc, a donc formellement violé les articles
137 et 138 du Code de commerce.1 »
On le voit, notre proposition sous ce double rapport
est complètement justifiée. La cour de cassation n’admet
pas expressément qu’on puisse toujours prouver contre
l’endosseur lui-même, mais elle exclut bien positivement
la preuve à l’encontre des syndics qu’elle considère,quant
à ce , non pas comme les représentants du failli, mais
comme de véritables tiers.
361.
— Cette jurisprudence pourrait paraître sévère
s’il n’était pas facile d’en éluder les effets. Il suffit, en
effet, qu’au moment de la présentation au débiteur l’en
dossement ait été rempli pour qu’il produise tous ses
effets ordinaires. Or, cette formalité peut être accomplie
par toutes personnes, par le porteur lui-même. La loi,
en effet, n’exige pas que l’endossement soit écrit de la
main de son auteur. Il dépend donc du porteur de ré
parer l’irrégularité de son titre et d’assurer sur sa tête la
propriété de l’effet qui lui a été cédé. Celle-ci ne pour
rait plus lui être ravie, à moins cependant que l’effet ne
lui eût pas été réellement cédé à titre de propriété, et
qu’en remplissant le blanc il n’eût abusé d’un mandat
d’encaisser qu’il aurait réellement reçu. La preuve du
véritable caractère de la transmission serait, dans ce cas,
à la charge des syndics.
Mais, hors le cas de fraude, l’endossement régularisé
serait inattaquable, à moins qu’il ne l’eût été postérieu-
�a r t
.
484, 485.
429
a
rement à la faillite. Le failli étant à cette époque inca
pable de conférer la propriété et de suppléer à une ir
régularité dans le titre , personne ne pourrait le faire
pour lui. C’est ce que la cour de cassation a formelle
ment décidé le 18 novembre 1812 , après un délibéré
de deux audiences l.
La preuve du moment où le blanc aurait été rempli
serait, on le comprend, fort difficile. Aussi, ne pourraiton utilement la faire que si elle résultait d’un acte pu
blic ; comme s i , par exemple , l’effet ayant été protesté
après la faillite avait été transcrit dans le protêt avec
l’endossement non rempli.
362,
— L’action en rapport des sommes irréguliè
rement distraites de l’actif, celle en nullité des actes frau
duleusement consentis ne peuvent être intentées au nom
de la masse que par les syndics. Mais ce droit ne fait
point obstacle à ce qu’un créancier exerce celles que les
syndics négligeraient ou ne voudraient poursuivre. Cha
que créancier a le droit de rendre sa position meilleure,
en cherchant à augmenter l’actif à partager. Mais, dans
ce cas, et quoique la décision profitât à la masse, si la
réclamation triomphait cette même masse resterait étran
gère aux frais que la chance contraire pourrait entraî
ner. Les poursuites individuelles des créanciers sont ex
clusivement à leurs périls et risques. Il y a même plus,
le jugement qui interviendrait ne saurait être opposé
aux syndics attaquant plus tard le même défendeur.
Aussi celui-ci est-il autorisé , en cas de contestations
1 D . A.,
t.
6, p 650.
�430
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
soulevées par un créancier, à appeler en cause les syn
dics, pour que le résultat de la poursuite liât contradic
toirement la masse et prévint tout litige ultérieur.
3 6 3 . — La faculté que nous venons de reconnaître
aux créanciers individuellement ne leur donne pas le
droit d’intervenir , lorsque l’action qu’ils prétendraient
vouloir exercer est poursuivie par les syndics. Chaque
créancier, en effet, est légalement représenté par ceuxci. Leur présence en cause en dehors du ministère que
leurs mandataires remplissent est complètement inutile.
3 6 4 . — Mais ce principe produit en outre des con
séquences importantes. Ainsi, les jugements rendus pour
ou contre les syndics lient ou profitent irrévocablement
à la masse. Ceux qui la composent ne peuvent donc ni
former tierce opposition, ni intenter de nouveau l’action
sur laquelle ils sont intervenus.
Ce principe pourtant ne reçoit son entière application
que lorsque tous les créanciers ont un intérêt identique
dans le procès qui s’est engagé. Il souffrirait donc une
exception; si quelques-uns d’entre eux avaient un inté
rêt distinct ou opposé. Ainsi il a été jugé que les créan
ciers hypothécaires qui ont des intérêts séparés de ceux
des chirographaires peuvent former opposition à un ju
gement qui leur préjudicie, quoiqu’il ait été rendu avec
les syndics de la masse. Tel serait celui qui prononcerait
la résolution de la vented’un immeuble acquis parle failli !
3 6 5 . — Les instances introduites avant la déclara1 Cassation, 25 juillet 1814; 13 juin 1837 ;— Toulouse, 8 mai 1824;
—D. A., t. 8, p. 62, 10B et 109 ; D. P., 37, 1, 436.
�art .
484, 485.
431
tion de faillite doivent être reprises contre les syndics ou
continuées par eux. Tout jugement obtenu après cette
déclaration contre la personne du failli directement pour
rait être frappée de tierce opposition par les syndics.
Mais les jugements rendus avant le jugement déclara
tif, même celui qui aurait été prononcé le jour de celuici, ne seraient pas susceptibles d’un pareil recours. Pour
toutes ces hypothèses les créanciers ont été valablement
représentés par leur débiteur. Les condamnations pro
noncées contre celui-ci rejailliraient donc contre eux,
sauf toutefois les droits conférés par l’article 1167 du
Code civil dans le cas de collusion ou de fraude.
La faculté, d’émettre appel de ces jugements appartient
incontestablement aux syndics. Le délai court de la si
gnification faite au failli avant la déclaration , ou aux
syndics si cette signification préalable n’a pas eu lieu.
L’obligation pour les syndics de continuer les actions
que le débiteur aurait intentées avant la faillite rte s’ap
plique qu’à celles qu’ils croiront raisonnables et justes,
ou avantageuses pour la masse. Ils peuvent donc renoncer
à celles qui, dans leur opinion, ne présenteraient aucun
de ces caractères. Le failli ou les créanciers qui croiraient
devoir réclamer contre cet abandon pourraient, aux ter
mes de l’article 466 , investir le juge-commissaire de
l’appréciation de la conduite à tenir par les syndics.
Tels sont les devoirs et les droits des syndics relative
ment aux actions qui naissent de la faillite, quel que soit
l’objet auquel elles s’appliquent. Il nous reste à parler de
l’administration qui leur est confiée relativement aux im
meubles, aux meubles, marchandises et créances actives.
�4321
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
566. — En ce qui concerne les immeubles, les syn
dics sont saisis de leur administration dès que le juge
ment déclaratif est rendu. Ils sont immédiatement sub
stitués au failli dans leur exploitation. Ils doivent donc
continuer provisoirement le mode adopté par celui-ci,
entretenir les baux existants, ou administrer par euxmêmes s’il n’y en a aucun.
5 6 7 . — Les immeubles ne peuvent être vendus qu’après l’union. On comprend, en effet, que tant que la
possibilité que le failli soit remis à la tête de ses biens
n ’est pas effacée, on doit lui ménager celle de reprendre
ses immeubles. L’utilité de cette reprise est incontesta
ble ; elle fournira au failli les moyens d’emprunter pour
satisfaire aux engagements qu’il s’est imposés dans le
concordat ; ei dans le cas où il serait obligé de vendre,
l’occasion d’obtenir tractativement de meilleures condi
tions, un prix plus avantageux et surtout le moyen d’é
viter les frais d’une vente judiciaire.
Mais pourrait-on, en attendant, affermer les immeu
bles laissés libres par le failli ? Sous l’empire du Code,
les syndics n’étaient aptes à le faire qu’à la charge d’y
être expressément autorisés par le tribunal de commerce.
C’était, du moins,ce que décidait la doctrine. Mais cette
question a singulièrement perdu de son importance par
la précision du délai dans lequel il y aura concordat ou
union. Ce délai est tellement court qu’on ne saurait con
cevoir la nécessité d’une location quelconque. Il serait
donc inutile d’autoriser un acte qui n’aurait d’autre ré
sultat que celui de grever les biens d’une charge qui en
gênerait la libre disposition soit dans le cas de restitu
tion au failli,soit dans celui de vente par suite de l’union.
�ART.
484, 485.
433
3 6 8 . — A la différence de ce qui se réalise pour les
immeubles, les syndics ne sont chargés des meubles
meublants, effets mobiliers, marchandises, créances que
lorsque leur importance et leur nature ont été détermi
nées. Nous avons vu que l’inventaire n’a pas d’autre
objet. Aussi, n ’est-ce qu’après sa confection que les syn
dics reçoivent réellement tous les objets qui y sont dé
crits. Cette réception est constatée par une déclaration
au bas de chaque minute. Dès ce moment commence la
responsabilité des syndics et l’obligation qui leur est im
posée de procéder à la liquidation.
3 6 9 . — L’acte le plus important de celle-ci est le
recouvrement des dettes actives. Nulle opération n’est
plus délicate, en ce sens que des syndics mal intentionnés
n’auraient dans aucune autre circonstance plus de faci
lités pour tromper les créanciers , soit en déguisant le
chiffre des rentrées, soit en dissimulant le paiement luimême. Aussi le Code de commerce avait-il soumis les
quittances des agents au visa du juge-commissaire , et
subordonné les recouvrements des syndics à son autori
sation '.
Mais la loi actuelle, éclairée par une longueexpérience,
a supprimé celte double formalité qui n'était propre qu’à
embarrasser et à retarder la marche de la liquidation.
Aussi l’article 485 laisse les syndics opérer les recouvre
ments sous la surveillance du juge-commissaire. Ce qu’il
importe toutefois de remarquer dans cet article c’est cet
appel spécial à une surveillance que déjà la loi a appe4 Voy. articles 463 et 492 du Code de commerce ancien.
i — 28
�434
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
léesur toutes les opérations de la faillite en général. Nous
trouvons là une preuve de toute la sollicitude du législa
teur pour ce qui s’attache aux recouvrements, et de la
gravité du devoirqu’il impose au juge-commissaire de
s’assurer de la fidélité dés syndics dans cette partie de
leur mission.
3 7 0 . — Les débiteurs poursuivis par les syndics ne
pourraient compenser les sommes dont ils sont redeva
bles avec celles qui pourraient leur être dues par la fail
lite. Pour que la compensation s’opère il faut que les
dettes réciproques soient également liquides et certaines.
Or, la dette due à la faillite doit être intégralement payée;
elle est donc certaine ; celle due par elle ne l’est pas. Le
créancier, en effet, n ’aura à percevoir que les dividendes
qui seront déterminés plus tard. Ce ne serait donc que
jusqu’à concurrence de ces dividendes que la compen
sation pourrait s’opérer, si leur quotité était connue au
moment où la poursuite est réalisée.
Si cependant la créance et la dette étaient toutes deux
échues avant la faillite la compensation pourrait plus
lard être opposée ; car, dans ce cas et dès l’instant où les
deux dettes sont devenues exigibles, elles ont été respec
tivement éteintes par la seule force de la loi.
3 7 1 . — Le débiteur d’une société en faillite ne peut
compenser sa dette avec une créance qu’il aurait sur un
des membres de la société. Peu importerait que ce mem
bre fût le gérant lui-même. Les dettes particulières de
l’un des associés ne tombent jamais à la charge de la so
ciété ; conséquemment dans l’hypothèse qui nous occupe,
il ne se rencontrerait pas une des conditions essentielles
�f,
ART. 484, 485.
435
de la compensation , à savoir identité parfaite dans la
personne respectivement créancière et débitrice.
5 7 2 . — Nous avons déjà dit que les commanditaires
ne pourraient compenser la mise qu’ils se sont engagés
à verser avec les créances qu’ils auraient acquises plus
tard sur la société l. Mais pourraient-ils être contraints
par les syndics au paiement de celte mise s’ils ne l’a
vaient pas encore versée ? Lès syndics seraient-ils dans
celte poursuite seulement les ayants cause du failli, de
manière qu’on puisse leur opposer toutes les exceptions
dont celui-ci serait passible , même la nullité du pacte
social ? En d’autres termes, les syndics ont-ils contre les
commanditaires une action directe du chef des créanciers?
Cette question, depuis que la société en commandite
a reçu des développements si étendus est la plus impor
tante que puisse soulever l’administration des syndics.
Elle a été résolue plutôt que justifiée par les auteurs qui
l’ont examinée.
Mais une discussion fort importante que la faillite
Loubon a présentée est venue fournir l’occasion de la
traiter d’une manière complète.
Un très-habile professeur de la faculté de droit d’Àix,
l’honorable M. Cresp l’a résolue par la négative dans un
mémoire remarquable produit dans l’intérêt des com
manditaires Dans ce mémoire M. Cresp réduit les syn
dics à la simple qualité d’ayants cause du failli. 11 fonde
son opinion sur les principes généraux du droit qu’il
exprime en ces termes :
1 Voy. nos observations sur l’article 444.
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436
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DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
« S’il est permis d’engager un autre que soi-même
envers des tiers, et si ces tiers peuvent avoir directement
action contre celui avec qui ils n ’ont pas directement con
tracté, ce n’est qu’aux conditions suivantes :
» 1° Et avant tout, que l’obligation ait été contractée
au nom de celui pour qui l’on voulait contracter ;
» 2° Qu’il y ait eu mandat formel de sa part avant
le contrat, ou profit démontré pour lui dans le contrat
même. »
M. Cresp soutient qu’aucune de ces conditions ne se
réalise dans la commandite, ce qu’il prétend justifier par
la nature de cette société qui a son origine dans la lé
gislation italienne. Après en avoir exposé les règles M.
Cresp en examine le développement sous l’ordonnance
de 4673 et ensuite sous le Code de commerce.
Nous avons eu à soutenir l’opinion contraire, et voici
la discussion à l’aide de laquelle nous sommes parvenus
à réfuter les arguments de ce profond jurisconsulte que
nous avons suivi sur le triple terrain qu’il avait adopté.
Il f a u t, disions-nous, pour assurer le triomphe de
notre opinion , rechercher à notre tour ce que fut la
commandite en Italie , et en France sous l’ordonnance
de 4673 ; nous examinerons ensuite ce qu’elle est sous
le Code de commerce.
Avant d’entreprendre cette tâche disons un mot des
principes qu’on a rappelés comme point de départ.
Ces principes préliminaires sont incontestables en
matière ordinaire. Il n’en saurait être de même dans
l’application qu’on veut en faire à un cas purement com
mercial. Cela tient surtout à la différence des législations
civiles et commerciales.
�art.
484, 485.
437
La distance qui les sépare n’est jamais échappée aux
jurisconsultes qui se sont occupés de cette dernière.
Voici en quels termes énergiques M. Cresp lui-même
nous la signalait :
« Eût-on toute la science d’un Cujas, toute la péné» tration d’un Merlin , on s’exposerait aux plus graves
» comme aux plus dangereuses méprises, si aux actes et
» aux différends commerciaux on voulait appliquer les
» principes du pur droit civil.
» Sa rigueur et ses abstractions quelquefois subtiles
» sont peu compatibles avec un droit auquel il faut avant
» tout des règles simples, équitables et justes.1 »
Or, ces règles ne sont même pas toujours écrites. Elles
peuvent ne résulter que des usages universellement re
çus ; elles n’en sont pas moins exclusivement suivies,
constituassent-elles la dérogation la plus expresse aux
principes généraux du droit.
C’est ainsi qu’en Italie , qu’en France sous l’ordon
nance de 1673 on reconnaissait au gérant de la com
mandite le pouvoir d’obliger personnellement ses coas
sociés, quoiqu’on admît qu’il agissait en son propre et
privé nom , sans mandat exprès ni tacite. L’intérêt du
commerce avait créé cette exception au droit commun ;
l’utilité publique en avait déterminé l’application cons
tante.
Le Code de commerce a consacré cet usage ; mais il
l’a fait en termes tels que la question ne saurait s’agiter
désormais. La commandite, aujourd’hui, ne présente pas
1 Cresp, In tro d u ctio n a u cours de d ro it com m ercial et m a ritim e , p.
9 Aix, -1832.
�438
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
seulement la fiction commune à toute société d’une per
sonne morale ; cette fiction y devient une réalité ; la per
sonne morale y prend une individualité, un nom, une
signature qui lui est propre : c’est la raison sociale '.
La nature des créances est irrévocablement fixée par
l’emploi de cette raison : ou celui qui s’est obligé a signé
cette raison ayant pouvoir de le faire, et la dette est so
ciale ; ou il n’a traité qu’en son nom, et lui seul, nous
le reconnaîtrons volontiers, demeure obligé à toutes les
suites de son fait.
Il est donc inutile de se livrer à l’examen des princi
pes généraux du droit, on reconnaît que tout se résume
en définitive dans ces deux questions : Le gérant d’une
société en commandite traite-t-il et peut-il traiter au
nom de ses commanditaires, comme au sien ? Agit-il et
peut-il agir en vertu d’un mandat formel ou tacite de
ses commanditaires?
Nous soutenons l’affirmative sur ces deux questions
qui nous paraissent résolues par cela seul qu’il y a pour
les commandites une raison sociale. Mais avant d’exa
miner ces questions sous l’empire du Code , prouvons
que l’action directe des tiers était admise par l’école ita
lienne et par l’ordonnance de 1673,
§ I. —L a commandite en Italie.
On nous a dit : l’Italie est le berceau de la comman
dite ; c’est donc là que nous devons l’étudier pour tâcher
d’en saisir l’idée première, les traits natifs, les caractères
essentiels et indélébiless. Cette étude nous l’avons faite,
i Cresp, ibidem, p. 32.
* C o n s u lta tio n
p o u r les c o m m a n d ita ir e s ,
p, 44.
�ART. 4 8 4 , 485.
439
et son résultat a été pour nous la certitude que l’admis
sion de l’action directe n’a été contestée par aucun des
écrivains qui nous ont légué leurs pensées.
Casaregis nous apprend ce qu’était la commandite en
Italie, ses caractères, son essence..
« Accomandita sive societas inita per viam accoman» ditæ, quæ multum solet practicari Florentiæ, nihil a» liud est quam communis negotiatio in ter accomandan» tes et accomandatarium pro capitalibus respective ab
» eis in negotio expositis, in quo non expenditur nomen
» accomandantium sed accomandatarii duntaxat, et sic
» jus formale ipsius negotii residet penes accomandata» rium qui habet totale excercitiura et administrationem,
» et proprio nomine contrahit et distrahit; et accoman» dans habet tantum interesse per participationem pro
►
> rata capitalis immissi, non vero per proprietatem in
» jure formali ipsius negotii, ita ut dici nequeat quod
» vel ex mandato expresso, vel tacito accomandantium
» contrahentes cum negocio sequantur fidem et perso» nam dictorum accomandantium .1 »
Plus on voudra faire ressortir chacun de ses caractè
res pour en exclure la possibilité de l’action directe, plus
on donnera de la force à la conclusion que l’auteur en
fait résulter.
« Hujusmodi enim accomandantes seu participes in
» accomanditâ, non obligantur erga creditores accoman» ditæ, ultra capitalia per eos respective in negotio ex» posita, accomandatarius vero in solidum obligatur erga
» omnes secum contrahentes .2 »
i C a sa reg is, D isc u rsu s l e g a l e s d e c o m m ercio , d is e . 2 9 , n ° 2 4 , V e n is e ,
4 840.
s / t o i , i b id e m , n° 2 5 .
�440
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Ainsi, quelle que soit la commandite ou plutôt préci
sément à cause de ce qu’elle est, les associés ne sont pas
obligés envers les créanciers au delà de leur mise. Hujusmodi accomandantes non obligantur ultra capitalia.
C’est qu’en effet chacun des caractères ci-dessus retracés
est de l’essence de cette société ; à tel point que s’ils ne
se rencontrent pas tous dans l’association, celle-ci ne sera
plus une commandite mais bien une société en nom col
lectif.
Or, dans celle-ci chacun des associés est solidairement
et indéfiniment tenu. Il est vrai que chacun d’eux peut
administrer ; que celui qui agit est censé le mandataire
de l’autre ; que les tiers suivent la foi et la personne de
chacun d’eux ; mais s’il doit en être de même pour les
commanditaires, pourquoi distinguerait-on dans les obli
gations des uns et des autres ? Quels seraient les motifs
pour soumettre les commanditaires à n’être tenus que
jusqu’à concurrence de leur mise? Qu’on ne dise donc plus qu’il y a exclusion de la pos
sibilité de l’action directe dans ce que le commandité est
le seul maître du commerce dans lequel son nom seul
paraît, dans lequel il n’est jamais censé agir en vertu
d’un mandat exprès ou tacite. Cela pourrait être vrai en
droit civil, en vertu des principes généraux qui régissent
celui-ci. Cela ne saurait être exact en matière commer
ciale , pour une société exceptionnelle dans ses formes
comme elle l’est dans ses résultats.
11 faut dans la commandite séparer les personnes de
la mise : pour obliger les premières au delà de celles-ci,
il faudrait un mandat exprès ou tacite; pour obliger les
�ART.
484, 485.
441
secondes, le pouvoir se réalise à l’instant même de l’as
sociation, par la seule force de la communion dans la
quelle tombent ces mises. La commandite est plutôt une
association de capitaux que de personnes. Nihil aliud
est quam communis negotiatio. Ceux qui contractent avec
elle traitent plutôt avec la chose qu’avec le gérant luimême. Contrahentes cum negotio. Le gérant est le maî
tre de cette chose ; il a tout le droit, toute l’administra
tion du commerce. Comprendrait-on un administrateur
d’une chose oui n’aurait pas le droit d’obliger celle-ci ?
Or, la chose, dans la commandite , c’est la réunion des
mises; ce sont ces mises qui constituent le commerce.
Donc le gérant, administrateur unique de cette chose,
de ce commerce, a nécessairement le droit de l’obliger;
sans pouvoir sur les personnes, il engage la mise en
s’engageant lui-même.
Ainsi et quels que soient les caractères de cette so
ciété , ce serait vouloir fermer les yeux à l’évidence que
de méconnaître qu’ils ont pour résultat forcé d’obliger
les commanditaires jusqu’à concurrence de leur mise.
Non obligantur ultra capitalia.
Quel est le sens que Casaregis a attaché à ces mots ?
Constituent-ils une obligation personnelle et directe ?
Il nous semble que les termes employés par Casaregis
ne laissent aucun doute possible sur l’affirmative. Si cet
auteur ne s’était servi que du mot obligés, nous soutien
drions encore avec succès qu’il admet l’action directe.
Envers qui peut-on être obligé à une dette , si ce n’est
envers le créancier ? Existe-t-il une obligation de débi
teur à débiteur, tant que la dette est due au créancier?
I
�442
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Nous n’avons pas même besoin de recourir à cette
interprétation quelque rationnelle qu’elle soit. La pensée
de l’auteur, dans cette circonstance, n’en comporte au
cune. Il nous a dit lui-même que l’obligation existe en
faveur des créanciers : erga creditores obligantur.
La certitude de l’obligation démontre celle de l’action.
L’une et l’autre appartiennent au créancier. Elles sont
donc toutes deux directes. Il est impossible de prêter
une autre intention à l’auteur.
Dans l’action indirecte, en effet, celui qui est poursuivi
n’a jamais été tenu de rien envers celui qui le poursuit,
puisque ce n’est qu’au nom et comme exerçant les droits
d’autrui que celui-ci peut agir. Dans une commandite,
si les créanciers ne peuvent attaquer les associés que du
chef du gérant, il s'ensuivra que ce n’est qu’envers celuici que ces associés seront obligés, qu’ils ne pourront dans
aucun cas l’être envers les créanciers ! Ne pourrions-nous
pas à notre tour nous écrier qu’un pareil système n ’est
que la plus étrange, la plus énorme des contradictions?
La pensée de Casaregis de consacrer l’action directe
ne saurait donc être méconnue. Elle résulte des termes
mêmes dans lesquels il la formule. Elle résulte encore
de cette circonstance que toutes les fois que cet auteur a
voulu parler de l’action indirecte, il s’en est expliqué ex
pressément.
Voyez, par exemple, ce qu’il dit des associés en par
ticipation : « Participes non teneantur nisi ad ratam
» capitalis pro quo participant in negotio. Neque ipsi
» agere possunt contra debitores societatis, neque con» veniri valent à creditoribus societatis. p
�art.
484, 485.
443
Avec quel soin l’auteur énonce sa pensée I II ne lui
suÇit pas de dire simplement non teneanlur : le doute
peut encore s’élever sur la portée de ces termes ; il ajoute
immédiatement que les participants ne pourront jamais
être attaqués par les créanciers. Là est sans doute l’action
indirecte ; mais y a-t-il parité entre cette décision et celle
relative aux commanditaires, ceux-ci ne restent-ils pas
obligés erga credilores ?
Il y a plus, si les participants ne peuvent jamais être
attaqués par les créanciers, il n’en est pas de même des
commanditaires ; ceux-ci peuvent l’être pendant et après
la société. C’est ce qui était admis en Italie, d’après Casaregis lui-même qui nous l’enseigne dans le passage
suivant :
« Et semel facta restitutione capitalium cum portione
>> lucrorum cuilibet ex sociis vel accomandantibus, re» lictis tamen aliis effectibus societatis, vel accomandilæ,
» penes socium administratorem vel accomandatarium,
» ad effectum satisfaciendi creditoribus societatis aut ac» comanditæ, nulla actio intentari amplius poterit per
» creditores contra alios socios, vel accomandantes qui
» suacapitalia cum lucris receperunt.si non-fuerint ipsi
» postea satisfacti à socio administratore vel accoman» datario, penes quem remanserunt alia capitalia dictæ
» societatis , aut accomanditæ pro sôlutione didorum
» creditorum ; quod tamen locum liabet quando scien- .
» tibus et patientibus creditoribus, prædita restitulio ca» pitalium et divisio lucrorum fada fuerit.1 »
Deux choses nous paraissent résulter invinciblement de
i Casaregis, dise. 29, n° 29
�444
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ces paroles. La première , que tant que dure la société
les créanciers non payés par le gérant pourront attaquer
le commanditaire qui n ’aurait pas versé. C’est ce que
Casaregis enseigne en termes formels , lorsqu’il dit :
« Facta restitutione nulla actio intentari amplius pote» rit. » Si on ne le peut plus désormais, on l’a pu jus
qu’à ce moment.
La seconde , c’est que si les créanciers ont ignoré le
partage ils pourront toujours attaquer les commanditai
res , s’ils ne sont pas payés par le gérant. On ne leur
prohibe cette attaque que si le partage a été fait scientibus et patientibus creditoribus.
Comment donc les créanciers qui pourraient deman
der aux commanditaires le recomblement de la mise que
ceux-ci auraient retirée , n’auraient-ils pas le droit de
les actionner pour les contraindre au versement de cette
mise lorsqu’ils ne l’ont pas effectuée ?
Remarquons que toute équivoque sur les termes de
vient ici impossible. Il ne s’agit plus d’une obligation
envers tel ou te l, mais d’une action à intenter par les
créanciers contre les commanditaires. Cette faculté d’ac
tion exclut l’actiou indirecte, car les participants contre
lesquels n’existe que celle-ci ne peuvent, dans aucun cas,
être attaqués par les créanciers : neque conveniri possunt à creditoribus societatis. Si le contraire se réalise
pour les commanditaires c’est que leur position est dif
férente, c’est que jusques à concurrence de leur mise ils
sont directement obligés envers les créanciers.
Casaregis professe donc l’action directe , et cette opi
nion est celle de tous les auteurs italiens. Nous nous ar
rêterons aux plus célèbres.
�art.
484, 485.
445
Azuni, dont on a fait un éloge si mérité \ professe en
termes plus exprès encore la même opinion que Casaregis. On a emprunté le nom de cet auteur sans en citer
les paroles. Nous allons combler cette lacune dont on
pourra ainsi apprécier les motifs.
Il importe d’abord de voir comment Azuni entend la
commandite :
« La societa in commandita, e una commune nego» ziazione fra due, o piu socj contratta di somme capi» tali certe, rispettivamente da essi nel commercio es» poste, ed administrate sotto nomme d’uno de medesi» mi socj detto commanditario, che ne a tutto il diritto
» formate,e l’esercizio per contrattareet distrarre a pro» prio nome , rimanendo soltanto presso gli altri socj
» chiamati commanditanti, l’interesse per partecipazione
» a pro rata del capitale somministrato. Ondè e contra» enti collo stabilito negozio, non potranno mai allegare
» d’aver seguita la fede e persona dei secondi, benchè
». siavi preceduto il loro mandato expresso o tacito.s»
La commandite est donc pour Azuni ce qu’elle est
pour Casaregis. C’est dans les mêmes termes que chacun
d’eux en déduit les caractères, en trace les nuances.
Mais Azuni est plus explicite que Casaregis ; lorsqu’il
en fait ressortir les effets, il ne se contente pas de dire ;
<< I commanditanti, ossiam partecipi nella comman» dita , non restano obligati verso i creditori di essa,
» che per il capitale da ciascum di loro espotto nella
» contrattata negoziazione. »
1 Consultation pour les commanditaires, p. 35.
s Azuni, D i z io n n a r io u n iv e r s a le d é lia g iu r is p r u d e n z a m e r c a n t i l e ,
tom. 1, p. 2,9, v» C o m m a n d ita , édit, de Livourne, 4822.
;
�446
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Il ajoute immédiatement :
« Ne nostri stati tutti gli associati sono tenuli solida» Ti'amente per i debiti ed oblighi délia société, quand’
» anche questi fossero contratti da un solo di quegli,
» sotto il nome de’ quali corre il negozio. Mediante che
» abbia fatti, e sottoscritti a nomme délia société. Taie
» obligazione solidaria pero e indistinta rispetto ai sus» detti, e ristretta alla sola porzionne di fondo, che vi
» hanno, i non nominati.1 »
On ne saurait professer l’action directe en termes plus
formels. Si les associés non nommés , c’est-é-dire les
commanditaires, sont solidairement tenus jusqu’é con
currence de leur mise, qui peut douter qu’ils ne puissent
être attaqués directement par les créanciers ?
Cette opinion d’Azuni est d’autant plus remarquable
qu’on ne peut lui reprocher de s’être fait une idée inex
acte de la commandite. Nous l’avons vu enseigner que
le gérant a tout le droit, tout l’exercice, toute l’admi
nistration du commerce ; qu’il contracte sous son propre
nom ; qu’il n ’a ni mandat formel, ni mandat tacite, qu’
aucun des créanciers n’a suivi la foi ou la personne des
commanditaires ; et tout cela ne fait aucun obstacle é
cette obligation solidaire qui résulte pour tous les asso
ciés des faits du gérant.
N’est-ce pas lé la preuve de ce que nous disions tout
é l’heure , qu’en Italie la commandite était considérée
surtout comme une association de capitaux ; et que le
gérant représentant l’être moral, sans pouvoir pour en
gager la personne de ses commanditaires au delé de leur
1 Azuni,
lo c o c i t a t o .
�art.
484, 485.
447
mise, traite constamment au nom de cette mise, en dis
pose et l’engage directement envers les créanciers.
C’est ce que le célèbre Ansaldus nous apprend de la
manière la plus formelle; et son opinion est d’autant
plus précieuse qu’il est de Florence, et que c’est à Flo
rence surtout que la commandite était le plus usitée :
Multum solet practicari Florentiœ .
« Ubi quod tam ex lege accomandilæ quam ex dis» positione statuti Florentini quoties accomandarites, non
*> sint nominati creditores dici nequeunt contraxisse cum
» ipsis accomandantibus, non nominatis.sed solum cum
» ipsa ralione vel personis nominatis. Ideoque non pos» sunt accomandanles in hoc casu teneri erga eosdem
» creditores nisi ratione rei. Seu illius limitati capitalis,
» cum quo contribueront ad efformandam illam ratio» nem , ac personam formalem , seu inlellectualem , et
» cum qua creditores tantummodo contrahunt .1 »
Ainsi, les commanditaires traitent avec les créanciers
au moyen de leur m ise, la commandite constitue un être
moral que le gérant engage vis-à-vis des tiers. Il faut le
reconnaître, il y a dans ces faits incontestables le prin
cipe non moins incontestable d’une action directe.
El ce n’est pas accidentellement que ces principes sont
admis par Ansaldus. Il y revient sans cesse dans le dis
cours 9S. Voici ce qu’il dit au n° 58 :
« Vera et formali accomandigia, qui nimirum aliqui
» negoeiandam pecuniam tradiderirît lertiæ personæ,
» seu institori qui sub proprio nomine vel alterius socii
1 Ansaldus, De A n s a ld is d isc u rs u s le g a le s de c o m m ercio el m e r c a dise. 98, n» 59.
ta ra ,
�44S
»
»
»
»
DBS FAILLITES ET BANQUEROUTES
rationem administrât non autem sub nomine accomandantium, tum cerlum esi quod iidem accomandantesnon possunt teneri pro facto ejusdem institoris,
ultraquam posuerint in illo negotio. »
Plus loin, au n° 40, Ànsaldus a déjà admis que :
« Ubi negotium erigilur cum certo et limitato capi» tali creditores habent solum modo abligatum idem
» capitale, nullamque aclionem exercere possunt adver» sns alia bona ejus qui negotium erexit. »
En résumé , l’opinion d’Ànsaldus nous amène à ce
résultat que la commandite est une association de capi
taux. Les commanditaires ne peuvent donc être person
nellement tenus au delà de leur mise ultraquam posue
rint. Mais de toute certitude ils sont directement obligés
jusqu’à cette concurrence par le fait du gérant, pro facto
ejusdem institoris. De toute certitude aussi les créanciers
peuvent les actionner, car on ne leur refuse cette action
que sur les autres biens de l’associé, adversus alia bona.
Et pour qu’il en soit ainsi il faut qu’il s’agisse d’une
vraie commandite, d’une société dans laquelle le gérant
a toute /’administration tout l'exercice , tout le droit
ou la propriété du commerce ; dans laquelle le nom du
commanditaire reste inconnu et caché à tous les yeux.
S’il en était autrement, vainement aurait-on pris la qua
lité de commanditaire, vainement aurait-on promis un
capital limité , on ne serait pas moins obligé indéfini
ment ; et c’est ce qu’Ansaldus nous enseigne dans le n° 60
du même discours :
« Quando accomandantes, permiserunt expendi pro» prium nomen, vel absolutè vel junctum cum illo in-
�art.
484, 485.
449
» stitoris, parum refert, cum limitatum fuerit nec ne
» capitale, cum pro tota surnom personaliter semper ad» stringantur. »
Joseph Urcéol, conseiller d’Etat du grand duc de Tos
cane , Urcéol qui a colligé les décisions de la Rote flo
rentine professe la même opiuion qu’Ansaldus, son pré
décesseur.
« Qui contraint cum administratore seu complimen» torio, potius crédit ipsi negotio quam accomandanti» bus et præponentibus.
» Complimentarius habet quidem facultatem socios
» accomandantes obligandi in solidum , sed pro rata
» tantum capitalis immissi.1 »
Plus bas : « Administrans in negotio erecto per viam
» accomanditæ, tenetur in solidum adversus omnes cre» ditores, accomandantes vero non nisi pro quantitate
» immissa. »
Ainsi, dans la commandite , on traite plutôt avec la
chose qu’avec le gérant lui-même. Celui-ci a la faculté
d’obliger solidairement ses associés, mais jusqu’à con
currence de leur mise. C’est la Rote de Florence qui le
décide elle-même en termes exprès. Est-il permis de se
faire encore la moindre illusion sur l’obligation des
commanditaires ?
Elle ne peut être que de la même nature que celle du
gérant, car toute la différence qui existe entre eux c’est
que l’un est tenu indéfiniment, tandis que les autres ne
le sont qu’au prorata de leur mise. Aussi, tous les au i J o s e p h i U rce o li
n° 1 et passim.
d ecisio n es in c ly tœ R otœ F l o r e n t in c e ,
1 — 29
decisio 47,
�450
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
teurs ont-ils placé ces obligations sur la même ligne,
accomandans non obligatur ultra capitalia, accomandarius in solidum.
Jorio lui-même n’a pas dit autre chose. Dans les pa
roles qu’on lui a empruntées 1 cet auteur décrit les ca ractères de la commandite, et il le fait dans les termes
identiques avec ceux employés par Casaregis, par Azuni, etc.. . . Mais ce qu’on n ’a pas dit , c’est que Jorio
arrive à la même conclusion que ceux-ci, et que lui
aussi reconnaît que les commanditaires sont obligés en
vers les créanciers ; ce qui prouve que dans la pensée
de cet auteur les circonstances qu’il relève peuvent bien
légitimer une obligation restreinte à la mise de fonds,
mais jamais anéantir cette obligation elle-même.
Voilà donc invariablement fixés les caractères, la na
ture et surtout les effets de la commandite. Il en résulte
de la manière la plus incontestable que les commandi
taires sont directement obligés envers les créanciers ;
qu’ils le sont au même titre que le gérant, mais jusqu’à
concurrence de leur mise. Les créanciers peuvent donc
les actionner en leur nom , leur demander compte de
cette mise avec laquelle ils ont traité et qui est devenue
le gage de leur créance.
Il nous reste à examiner une prétention d’autant plus
extraordinaire qu’elle ne tend à rien moins qu’à anéan
tir la commandite.
'
'
Nous avons vu les auteurs comparer les commandi
taires à des participants. Socii accomandantes seu par
ticipes in accomandita. On s’est emparé de cette assimi1 C o n s u lta tio n
p o u r les c o m m a n d ita ir e s ,
p, 33, 34.
�art .
451
484, 485.
lation pour soutenir qu’on ne doit appliquer aux com
manditaires que les règles de la société en participation.
On aurait dû cependant ne pas perdre de vue que les
auteurs sont unanimes sur ce point, que la commandite
a ses règles particulières, et que de quelque manière
qu’on veuille l’envisager elle produit des effets qui lui
sont propres et spéciaux, et qui diffèrent essentiellement
de ceux produits par la participation.
Dans leur essence la participation et la commandite
présentent des caractères tellement opposés, que tous les
auteurs ne manquent pas de remarquer qu’à proprement
parler le participe n’est pas un associé, particeps vere
socius non est. Partout, au contraire, le commanditaire
est qualifié d’associé : socius sive accomandans.
Il est vrai que quelquefois ce dernier est qualifié de
participant dans la commandite, mais c’est surtout pour
le distinguer de l’associé en nom collectif qui est seul
associé dans toute l’acception de ce terme, puisque seul
il est indéfiniment tenu.
La commandite a pour but d’exploiter un commerce,
une branche d’industrie déterminée ; elle est faite pour
un temps limité, et ne finit que par l’expiration du terme
fixé dans l’acte social. La participation, au contraire, ne
se lie que pour une ou quelques opérations dont le rè
glement amène la rupture du lien qui unissaitles intéressés.
C’est surtout ce caractère qui est l’indice le plus frap
pant de la participation. Aussi le désigne-t-on souvent
sous le nom de société momentanée l .
1 Azuni,
S 6.
D h io n n a r io d e lta g iu r i s p r u d e n z a m e r c a n l i la ,
v°
S o c ie la ,
�452
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Les associés commanditaires ne peuvent administrer
les affaires sociales sous peine de devenir associés en nom
collectif. Les participants, au contraire, peuvent tous gé
rer, administrer sous leur propre nom les affaires communes,à la chargede rendre compte à leurs coparticipants.
Si des caractères de ces deux sociétés nous passons aux
effets qu’on leur attribue, nous nous trouvons en p ré
sence d’une divergence non moins sensible. Les comman
ditaires sont tenus envers les créanciers ; ils sont aussi
solidaires jusqu’à concurrence de leur mise avec le gérant.
Le participant non-seulement n’est jamais solidaire,
mais il n’est pas même tenu envers les créanciers. Il ne
peut jamais être attaqué par eux, neque conveniri valent
a creditoribus, et Casaregis qui l’enseigne ainsi dit tout
le contraire pour les commanditaires C Comment dans
le système que nous combattons pourra-t-on concilier
ces deux doctrines ?
Pourquoi, d'ailleurs, si la commandite et la partici
pation sont une seule et même chose les régirait-on ex
clusivement par les principes de la participation ?
Pourquoi n’appliquerait-on pas les règles tracées pour
la commandite ? C’est cependant dans un but quelcon
que que celles-ci ont été si soigneusement décrites, et
par quel motif faudrait-il leur préférer les premières ?
Ce sont là tout autant de questions ardues que le sys
tème que nous combattons tend , je ne dirai pas à ré
soudre, mais à créer, substituant ainsi la difficulté et le
doute à la solution claire et certaine qu’une sage appré
ciation nous démontre.
1Voir
le n° 39 du 29e discours de Casaregis ci-dessus Cité.
�ü
art.
484, 485.
453
Cela seul suffirait pour faire rejeter une confusion entée
sur un rapprochement et tellement hasardée, qu’on n’en
trouve aucune trace dans cette école italienne qui, ainsi
qu’on l’a d it, doit s’y connaître cependant mieux que
personne. Qu’on recehrche attentivement l’opinion de Casaregis, d’Azuni, de Jorio, d’Ansaldus, d’Urcéol, et l’on
se convaiucra qu’aucun d’eux n’a songé à ne faire qu’
une seule et même chose de la commandite et de la par
ticipation. Le contraire se trouve consigné dans leurs
écrits qui distinguent toujours ces deux sociétés par la
différence de caractère autant que par l’inégalité des ef
fets. De Lucca lui-même fait cette distinction 1 dont la
réalité est d’ailleurs démontrée par la raison et se justi
fie par sa seule évidence.
D’ailleurs et alors même qu'il ne faudrait voir dans
la commandite qu’une espèce de participation, il neserait
pas moins certain que celte espèce ayant ses règles à
part devrait être régie par celles-ci, plutôt que par les
principes généraux de la participation. Cela serait d’au
tant plus certain, que ces règles s’éloigneraient plus gra
vement de ces principes ; l’intention du législateur de
séparer les uns des autres étant par là clairement dé
montrée. Ainsi, appelez la commandite du nom qu’il
vous plaira . vous ne pourrez jamais vous dégager des
effets qui y sont spécialement attachés.
Or , son principal effet est de créer contre les com
manditaires une obligation en faveur des créanciers, par
tant de donner à ceux-ci une action directe et person
nelle pour en contraindre l’exécution.
1De
L u c ca , de d e b itto el c r é d ita ,
dise. 87, n°s 4 à 6.
�454
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
On excipe encore de l’unité du but auquel on atteint
par la commandite et la participation. L’un et l’autre,
nous dit-on \ présentent cette utilité privée et publique
relevée par les auteurs, puisque l’une et l’autre ont pour
objet d’attirer dans le commerce les capitaux des non né
gociants,et de favoriser ainsi le développement de l’in
dustrie.
Ce rapprochement dans les résultats ne peut influer
sur la nature des choses, sur lés moyens qui y condui
sent. On peut atteindre le même but quoique par des$
voies bien différentes; les exemples ne nous manqueraient
pas si nous avions besoin d’en étayer nos paroles.
Vous craignez, difes-vous, que l’action directe ne re
tienne ceux qui veulent se mêler accidentellement au
commerce; mais cette crainte ne peut raisonnablement
exister, dès que celte action directe est bornée au capital'
engagé et qu’on peut s’en libérer par l’abandon de ce
capital. Celui qui veut braver les chances du commerce
doit s’habituer à l’idée de cet abandon ; mais cette crainte
n’existe pas surtout chez ceux qui se soumettent volon
tairement à cette action directe. Chacun doit connaître
la loi, les devoirs, les droits, les obligations qu’elle con
sacre et qu’elle impose. Et de quoi se plaindrait celui
qui pouvant n’être que participant a mieux aimé être
commanditaire ? La loi qui a autorisé ces deux modes
d’association laisse le choix libre , mais elle ne veut ni
ne peut être plus,exigeante pour les intérêts des citoyens
qu’ils ne le sont eux-mêmes.
4insi, tout repousse la prétention de ne voir dans la
1 C o n s u lta tio n
p o u r les c o m m a n d ita ir e s ,
p. 36, 37.
�ART.
484, 485.
455
commandite qu’une participation. On ne saurait dans
aucun cas les confondre.
En résultat donc, l’école italienne est unanime sur la
nature de l’obligation des commanditaires ; elle donne
lieu à l ’action directe des tiers :
,1° Parce que ceux-ci traitent avec la mise des asso
ciés qui forme l’être moral, la société ;
2° Parce que sans mandat pour engager les personnes
au delà du capital promis, ultraquam posuerint, le gé
rant engage la chose, c’est-à-dire le capital, dans tous
les actes qui concernent la société.
S 2. —De la commandite sous l’ordonnance de 1 6 7 3 .
Notre tâche sur cette partie de la cause sera facile ;
on l’a rendue légère lorsqu’on a fait observer que la
raison et l’expérience indiquent qu’en empruntant à
l’Italie son utile et ingénieuse invention, nous avons dû
lui emprunter aussi l’e sp rit, le b u t, les régies primor
diales de cette invention même l.
Ainsi la commandite est restée, sous l’ordonnance de
1673, ce qu’elle était en Italie. Nous avons donc prouvé
que celte loi admet l’action directe , en prouvant que
cette action était admise par la législation et la doctrine
des Italiens.
Fallût—
il s’en référer aux termes de l’ordonnance,
examiner la question sans aucun précédent, il serait im
possible de ne pas arriver au même résultat. Une saine
interprétation , une entente vraie de la doctrine nous
amènerait toujours à la proscription du système que
nous combattons.
i
C o n s u lta tio n p o u r les c o m m a n d ita ir e s ,
p. 39.
�4fi6
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
L’ordonnance de 1673 exige que les sociétés en nom
collectif ou en commandite soient rédigées par écrit
(art. 1, tit. 4). Elle veut que celles contractées entre né
gociants soient enregistrées au greffe de la juridiction
consulaire et insérées par extrait dans un tableau exposé
en lieu public (art. 2 , ibid.).
Les articles 7 et 8 s’occupent des effets que ces sociétés
produisent. En voici la reproduction littérale :
« Art. 7.=Tous associés seront obligés solidairement
» aux dettes de la société, encore qu’il n’y en ait qu’un
» qui ait signé, au cas qu’il ait signé pour la compa» gnie et non autrement.
» Art. 8 .=Les associés en commandite ne seront obli» gés que jusqu’à concurrence de leur part. »
Il est impossible de ne pas s’arrêter à la relation inti
me qui lie ces deux articles. Leur rapprochement amène
à cette inévitable conséquence que l’obligation de l’arti
cle 8 est d’une nature identique à celle proclamée par
l'article qui précède; que cette obligation se restreint seu
lement dans son étendue , lorsque des associés en nom
collectif elle passe aux commanditaires qui sont soumis
au même lieu,quoique dans des proportions différentes.
Les associés commanditaires sont donc obligés aux
dettes jusqu’à concurrence de leur part et portion. La
valeur de cette expression nous est expliquée par l’arti
cle 7 qui définit de cette manière l’obligation des asso
ciés en nom collectif. Il est certain que ceux-ci peuvent
être actionnés directement par les créanciers. Donc , si
les commanditaires sont comme eux obligés aux dettes,
ils pourront aussi être exposés à cette même action di-
�ART. 484, 485.
457
recte. Cette conséquence est d’ailleurs trop rationnelle,
trop logique, pour pouvoir être contestée. La raison n ’indiquë- 1—elle pas qu’on ne peut être obligé à une dette
si ce n’est en faveur du créancier de cette même dette ?
Cette interprétation de l’article 8 est-elle fondée sur
l’esprit de la loi ; représente-t-elle la véritable intention
du législateur? Telle est la question qu’il faut résoudre
par la doctrine des auteurs.
A la tête de ceux-ci figure Savary. Son opinion devait
être d’un trop grand poids pour qu’on n’ait pas tenté
de se la rendre favorable. Nous allons la rétablir et
prouver que cet auteur n’interprète pas autrement que
nous l’article 8 . Mieux que personne Savary doit con
naître l’esprit de la loi, dont il est un des auteurs.
Savary examinant l’article 8 du titre 2 relatif à l’en
registrement et à la publication des extraits de société,
fait remarquer ces mots de la loi : entre négociants.
De sorte, dit-il, que les sociétés en commandite avec des
non négociants ne peuvent être soumises à cette double
formalité. Et tout aussitôt Savary ajoute : 1
« Néanmoins il serait juste, pour la conservation du
» bien public, qu’elles fussent registrées, afin qu’il eût
» connaissance des clauses et conditions qui le regar» dent, pour deux raisons :
» La première, etc.. . .
» La seconde, parce que souvent dans les sociétés en
» commandite les associés participent aux profits et per» tes, quand ils ont mis tout leur argent pour compo» ser un fonds capital, y ayant seulement quelques pré1 P a r fa it
n é g o c ia n t ,
tome, A , part. 2, liv. 1, ch. 1, p. 366, éd. 1777.
�458
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
» rogatives pour celui sous le nom duquel se fait le com» merce. De sorte que si le public en avait connaissance
» par le moyen de l’enregistrement de cette clause , il
» est certain que l’associé qui n’est point nommé dans
» les promesses, billets, lettres de change serait tenu et
» obligé pour sa part aux dettes qui auraient été créées
» et qui se trouveraient être employées dans la société,
» suivant l’article 8 du titre 4 qui porte que les associés
» en commandite ne seront obligés que jusqu’à concur» rence de leur part. Et si cette clause n’est point connue
» du public les créanciers demeureraient frustrés de cet
» avantage, si les deux associés s’entendaient ensemble.»
Ainsi, dans la pensée de Savary aucun doute ne s’é
lève sur la nature de l’obligation imposée par l’article 8
aux commanditaires. C’est bien celle d’être tenus des det
tes jusqu’à concurrence de leur part dans la société. Et
c’est pour que cette obligation ne soit pas éludée qu’il
réclame cette publicité que la loi n’a pas cru devoir or
donner.
La conséquence de cette même obligation nous l’avons
déjà exposée, nous n’avons donc qu’à constater que,
loin de proscrire l’action directe, Savary la proclame en
termes formels en mettant à la charge des commandi
taires l’obligation de payer les dettes , en les assimilant
de cette manière aux associés collectifs qui ne sont, eux
au ssi, obligés qu’à ce paiement dans des proportions
plus étendues.
Comment donc a-t-on pu se prévaloir de l’opinion de
Savary pour étayer le système contraire ? En abusant
de quelques paroles de cet auteur pour confondre deux
choses essentiellement distinctes.
�art.
484, 485.
459
Savary, nous dit-on l, a écrit que le marchand com
mandité faisant le négoce sous^on nom ne fait que don
ner participation aux commanditaires dans les profits et
pertes de son commerce. Donc, il ne voit dans la com
mandite qu’une participation, et sous ce rapport sa doc
trine est bien exclusive de l’action directe des créanciers.
Il est évident qu’en ce point comme en toute cette ma
tière, Savary n’est que l’écho de l’école italienne ; c’est
donc, comme celle-ci, une assimilation qu’il établit.
Comment Savary aurait-il confondu deux choses dont
il fait si bien ressortir les nuances si diverses, les carac
tères si distincts ? Pour la commandite il fait remarquer
que la société doit être prouvée par écrit ; que seul le
complimentairë peut administrer le commerce , sous
peine pour le commanditaire qui s’immiscerait dans
cette administration de devenir indéfiniment responsable.
Voici comment il s’exprime pour la participation qui
était, sous l’ordonnance, qualifiée société anonyme :
« Il reste maintenant à expliquer la troisième sorte
» de société que l’on appelle anonyme, qui se fait aussi
» parmi les marchands et négociants. Elle s’appelle ainsi
» parce qu’elle est sans nom et qu’elle n’est connue de
» personne , comme n'important en façon quelconque
» au public."2 »
Remarquons ces derniers mots : la connaissance de
cette société n’importe en façon quelconque au public.
Le contraire existe pour la commandite ; c’est Savary qui
vient de nous l’apprendre. N’y eût-il que cette différence
i C o n s u lta ti» n p o u r les c o m m a n d ita ir e s , p. 43,
3 Savary. ib id e m , p 368,
�460
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
elle serait immense ; la distance qu’elle tracerait serait
infranchissable.
« Il y en a, poursuit Savary, qui sont verbales, d’au» très par écrit, et la plupart se font par lettres missives
» que les marchands s’écrivent respectivement l’un à
» l’autre. Les conditions en sont bien souvent brèves,
» n ’y ayant qu’un seul et unique article, et elles finis» sent quelquefois le même jour qu’elles sont faites. »
Déjà Savary, parlant de la participation en général,
nous a d it 1 qu’elle est appelée anonyme, parce qu’elle
ne se fait sous aucun nom. Ceux qui font ces sociétés
^travaillent chacun de leur côté sous leur nom particulier,
pour se rendre raison ensuite l’un à l’autre des prolits
et pertes qu’ils ont faits dans leur négociation.
Qu’on rapproche maintenant ces conditions de celles
qui sont exigées pour la commandite, non-seulement elles
n’ont rien de commun entre elles, mais elles s’excluent
mutuellement. Il est dès lors impossible d’admettre que
ces deux sociétés puissent n’en faire qu’une.
Veut-on la preuve que Savary n ’a jamais adopté cette
confusion qu’on lui prête ? C’est lui-même qui va mous
la fournir à la page 368. Il nous apprend qu’il y a quatre
sortes de sociétés anonym es, et de suite il décrit et fait
connaître chacune d’elles. Si, comme on le soutient, Sa
vary n’a vu dans la commandite qu’une sorte de parti
cipation, c’était bien le moment de le dire. Que conclure
donc du silence qu’il garde sur ce point ? de l’exclu
sion de la commandite, des quatre sortes de sociétés ano
nymes qu’il admet? Evidemment rien autre, si non qu’il
n’a jamais pensé ce que cependant on lui fait dire.
1 I b id e m , p. 546.
�V
art.
484, 485.
461
Et non-seulement Savary distingue la commandite de
la participation par la différence des conditions consti
tutives de chacune, il les distingue bien plus encore par
les effets qu’il y attache. Dans la participation,il dit ex
pressément que les associés ne sont jamais obligés envers
les tiers ; qu’ils ne le sont que vis-à-vis les uns des au
tres. Il enseigne le contraire pour les commanditaires ;
Il soumet en effet ceux-ci au paiement des dettes. Nous
allons le voir le professer plus fortement encore dans ses
parères.
Dans la 5â me,1 Savary, à qui l’on demande si en cas
de faillite l’associé commanditaire est tenu de toutes les
dettes, répond :
« dans la commandite , le complimentaire de la so» ciété fait lui seul toutes choses activement et passive» ment sous son nom singulier ; en sorte que tous ceux
» qui traitent et négocient avec lui ne reconnaissent que
» lui seu l, et ne suivent que sa bonne foi et non celle
» de l’autre associé , parce que son nom ne paraît ja » mais dans les négociations ; et c’est pour cela qu’il
» n’est point obligé personnellement en toutes les dettes
» contractées par le complimentaire. »
Le sens de cette conclusion est assez clair pour qu’on
ne pût se croire autorisé à y voir l’exclusion de toute
obligation s. Savary déclare que le commanditaire n’est
pas engagé en toutes les dettes. Cela ne dit nullement
qu’il ne sera pas obligé jusqu’à concurrence de sa part
et portion. Notre allégation est d’autant plus fondée que
Savary décide formellement le contraire.
1 T o m e 2 , page 4 4 6 .
, 2 C o n s u lta tio n
p o u r les c o m m a n d ita ir e s ,
p, 45.
�462
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
« Et c’est pour cela qu’il ( le commanditaire ) n’est
» point obligé personnellement en toutes les dettes con» tractées par le complimentaire ; et supposé que le com» plimentaire fît faillite , il n ’est obligé aux dettes que
» jusqu’à la concurrence du fonds capital qu’il a mis
» dans la société. Cela est conforme à l’article 8 du
» titre 4 de l’ordonnance ci-dessus alléguée. »
Constatons que dans ce parère Savary enseigne l’action
directe. Sans doute les commanditaires ne peuvent être
tenus à toutes les dettes , mais ils seront obligés de les
supporter jusqu’à concurrence de leur mise. Ils seront
obligés non pas quoiqu’ils soient, mais parce qu’ils sont
commanditaires ; qu’en cette qualité ils n’ont ni admi
nistré ni paru. S’ils avaient fait l’un ou l’autre ils le se
raient indéfininiment.
L’emprunt que l’on fait au 55me parère 1 est d’autant
plus remarquable que , dans celui-ci, Savary distingue
formellement la commandite de la participation qu’on
lui impute d’avoir confondue. Nous verrons bientôt le
sens qu’il faut ajouter à ces mots : le complimentaire
s’oblige seul.
Dans le parère 65me nous retrouvons dans les mêmes
termes ce que Savary vient de dire dans la 52me, c’est-àdire que le complimentaire achetant, vendant et signant
seul en son nom n’oblige point son associé, et c’est pour
cela que Savary répète encore ; qu’en cas de faillite cet
associé n’est obligé aux dettes que jusqu’à concurrence
desamise,tandis quelecomplimentairel’estindéfiniment.
Ces paroles suffisent pour faire comprendre que par
i
C o n s u lta tio n p o u r les c o m m a n d ita ir e s ,
p. 48.
�ART.
4-84, 485.
463
ces mots : le complimentaire s’oblige seul, Savary n’en
tend parler que de l’obligation indéfinie. Comment, s’il
le comprenait autrement pourrait-il reconnaître d’abord
cette obligation exclusive et absolue, et ensuite une obli
gation limitée pour le commanditaire ?
Cette simultanéité d’obligations serait d’autant plus
inconciliable qu’elles sont toutes les deux de la même na
ture. Pour le commanditaire comme pour le commandité
il y a , d’après Savary, obligation aux dettes ; d’où la
conséquence que celui-ci en s’obligeant lui-même oblige
nécessairement celui-là jusqu’à concurrence de sa mise.
Au reste, c’est de cette manière que l’admet Savary;
c’est ce qu’il enseigne dans tout le cours de son ouvrage,
et notamment en termes'exprès dans son parère 23me :
« La société en commandite est celle que Pierre et
» François font ensemble pour faire le commerce, dont
» François porte seulement son argent sans agir ni ap» porter son industrie dans la société , et Pierre, outre
» l’argent qu’il porte dans la société, y met encore son
» industrie, et tout le commerce se fait en son nom eL
» est le seul complimentaire de la société, c’est-à-dire
» qu’il signe lui seul tous les actes d’icelle société. C’est
» pourquoi il n’y a que lui seul qui s’oblige ; et il n’o» blige son associé que jusqu’à la concurrence du fonds
» capital qu’il a apporté à la société. »
Est-il possible d’admettre que lorsque Savary dit que
le complimentaire s’oblige seul, il entende parler d’autre
chose que de l’obligation personnelle indéfinie? S’obliger
seul, c’est pour Savary si peu exclure toute obligation de
la part du commanditaire, qu’il nous apprend le con-
�464
DUS FAILLITES ET BANQUEROUTES
traire, qu’il enseigne qu’en s’obligeant lui-même le com
mandité oblige son associé jusqu’àconcurrence desamise.
La vérité est donc que Savary reconnaît que le com
manditaire est tenu du fait du gérant ; qu’il est comme
celui-ci, mais pour une quotité moindre, tenu des dettes
sociales. Savary admet donc l’obligation personnelle et
partant l’action directe.
Serait-il vrai cependant qu’après avoir ainsi enseigné
cette action , ce même auteur eût professé le contraire
dans les formules des sociétés en commandite ?
On va en juger.
C’est dans la première de ces formules et dans les ob
servations qui la suivent qu’on croit en trouver la preu
ve l. Avant d’examiner le droit il nous paraît utile de
rappeler les faits hypothétiquement admis par Savary.
Cet auteur suppose 2 : que Fournier, marchand à Pa
ris, Langlais, marchand à Lyon, et de la Mare, fabri
cant de draps d’or,d’argent et de soie contractent une so
ciété en commandite pour le commerce et trafic des draps
d’or, d’argent et de soie qui se manufacturent à Lyon.
De la Mare doit être le gérant de la société dont le
siège principal est dans la ville de Lyon. Diverses obli
gations sont particulièrement imposées aux commandi
taires Fournier et Langlais.
D’après l’article 11 de l’acte social formulé par Sava
ry, Langlais sera tenu de faire venir d’Italie et autres
lieux , sous son nom , toutes les soies nécessaires pour
ladite fabrication.
1 C o n s u lta tio n
p. 46 , 47.
tome 4, part. 2, ch. 2, p. 394 et suiv.
p o u r les c o m m a n d ita ir e s ,
2 P a r f a i t n é g o c ia n tt
�ART.
481, 485.
465
C’est par suite de cet article que, Savary supposant la
faillite, non pas de la société, mais de Langlais, se de
mande quelle sera par rapport à la même société la po
sition de ceux qui auraient vendu à celui-ci les soies
qu?il a lui-même livrées à la société.
C’est dans les termes rappelés par la Consultation 1
que Savary résout cette question. 11 admet que les négo
ciants qui auraient vendu ces soies à Langlais n’ont au
cune action directe contre les autres associés. Qu’ils ne
peuvent que saisir entre, leurs mains les fonds et profits
appartenant audit associé.
A-t-on pu de bonne foi voir dans cette décision l’exclu
sion de l’acfion directe des créanciers d’une société con
tre les commanditaires de cette même société ? Mais qu’a
de commun la position de ceux-ci avec celle de ceux
qui, dans le fait que nous venons de rappeler, auraient
traité avec Langlais ? A quels titres ces derniers préten
draient-ils agir contre la société ?
Ils n ’ont jamais traité avec elle. La commandite , et
l’on s’épuise à nous le répéter , est exclusivement régie
et administrée par le complimentaire. Aucun autre asso
cié ne peut traiter pour elle, ni l’engager. Or, dans l’es
pèce, c’est de la Mare qui est le complimentaire, et ce
n’est pas avec lui que les vendeurs de soie ont traité.
Voudraient-ils ceux-ci exciper de l’acte social ? Mais
l’article 1 1 repousserait toutes leurs prétentions, puis
qu’il met à la charge personnelle de Langlais l’obligation
de procurer à la société les soies dont celle-ci peut avoir
besoin. Or, dans la commandite , Savary nous apprend
1 Page 47, alinéa 4.
i — 30
�466
DKS FAILLITES ET BANQUEROUTES
V
et
»
»
»
jo
»
l’on a soin de le faire observer 1 : « Que les associés
ne s’obligent point l’un et l’autre, quoique les choses
qu’ils traitent aillent au bien ou à l’avantage de la
société. Mais seulement chaque associé en particulier
s’oblige en son propre et privé nom aux choses auxquelles il s’est obligé par l’acte de société. »
Ceux donc qui auraient traité avec Langlais pour les
soies que celui-ci devait fournir ne pourraient invoquer
l’acte social , car sa disposition et les principes rappelés
par Savary repousseraient leurs prétentions ; la vente
qu’ils ont faite ne concerne en rien la société. Celle-ci
en était formellement exclue, puisque Langlais, simple
associé commanditaire, devait la traiter sous son nom.
Cette opération reste donc particulière à celui-ci ; elle
est d’autant moins un acte social que, comme comman
ditaire, Langlais ne pouvait s’y livrer. La stipulation
contraire aurait violé la commandite dans son caractère
constitutif en accordant la faculté de gérer au simple
commanditaire.
La loi s’unit donc au contrat pour fixer la nature de
l’acte , la qualité des contractants. Ceux qui ont traité
avec Langlais n’ont que celui-ci pour débiteur. Qu’im
porte que les soies qu’ils lui ont livrées aient été par
celui-ci versées dans la société ? Cette fourniture était
une partie de la mise de fonds que Langlais devait faire.
Ceux qui l’ont mis à même d’exécuter cette obligation
sont dans la position du capitaliste à qui l’un des asso
ciés aurait emprunté une somme quelconque avec indi
cation que c’est, pour fournir sa mise sociale. Cette indii Consultation pour les commanditaires, p. 46 in fine.
�art.
484,-485.
467
calion ne donnerait au prêteur aucun droit contre la
société.. Il n’en resterait pas moins créancier particulier
de son emprunteur, et comme tel il n’aurait, sans con
tredit aucune action directe contre la société.
Il en est de même des marchands qui auraient vendu
à Langlais ; ils seraient les créanciers particuliers de ce
lui-ci, et bien que la chose par eux vendue eût tourné
au bénéfice de la société, ils ne pourraient venir contre
celle-ci par action directe , parce qu’ils n’ont jamais
traité avec elle, et c’est surtout par ce motif que Savary
ne leur reconnaît que le droit de saisir entre les mains
de celle-ci les fonds et profits appartenant à l’associé qui
est leur débiteur.
Qu’y a-t-il de commun entre une pareille hypothèse
et celle dans laquelle nous sommes placés? Et comment
appliquer une décision prise pour des créanciers de ce
genre, à ceux qui auraient traité avec la société elle-mê
me par le ministère de son gérant et pour des faits rela
tifs au commerce de cette même société? Youdrait-on,
pour reconnaître l’action directe de ceux-ci , qu’on eût
accordé cette action même à ceux qui ne sont pas cré
anciers de la société ?
Mais, dit-on, ce n’est pas tout, Savary dit encore en
toutes lettre que « des créanciers ayant connaissance
» que leur débiteur a contracté société en commandite
» pourront, en exerçant les droits de leurs débiteurs,
» demander raison aux autres associés tant du fonds
» capital que du profit *. Donc Savary surtout a refusé
» l’action directe. »
1 Consultation pour les
c o m m a n d ita ir e s ,
p. 47, 3e alinéa.
�468
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Le mérite de cette objection et la pensée de Savary vont
être démontrées par les paroles de celui-ci, bien mieux
que nous ne pourrions le faire nous-même. Il ne faut
pour cela que transcrire dans son entier le paragraphe
dont on n’emprunte que la fin. Ce paragraphe le voici :
« Il en est de même de Fournier, marchand à Paris,
» lequel pourrait faire pour son compte particulier le
» commerce de draps de Hollande, toiles ou autres sor» tes de marchandises qui ne lui sont pas prohibées par
» l’acte de société , dans lequel ne réussissant pas il
» pourrait aussi faire faillite ; de telle sorte que ses cré» anciers ayant connaissance que leur débiteur a con» tracté une société en commandite ils pourront , en
» exerçant les droits de leur débiteur, demander raison
» aux autres associés tant du fonds capital que des pro» fits qui auront été faits par ladite société.1 »
Avons-nous besoin maintenant d’expliquer le sens de
ces paroles ? N’est-il pas pour tous de la dernière évi
dence ? Les créanciers qui ne pourront exercer que les
droits de leurs débiteurs sont les créanciers particuliers
de l’un des associés , et ils ne pourront agir ainsi que
parce que n’étant pas ceux de la société , ils ne pour
raient de près ni de loin intenter aucune action contre
celle-ci qui leur est restée complètement étrangère. Mais
il est certain qu’on ne pourrait appliquer la même dé
cision à ceux qui auraient traité avec la société elle-mê
me ; car ceux-ci sont les créanciers de l’être m o ral, de
tous les associés sans distinction. Ils pourront donc leur
demander compte à tous dans la limite des obligations
que chacun d’eux a contractées dans l’acte social.
i S a v a r y , ib id e m , p . 3 9 9 .
•
'
f
•
�Savary n ’est donc pas ici d’une opinion autre que celle
qu’il professe dans ses parères, dans tout le cours de son
œuvre. Il confirme l’action directe des créanciers de la
société, puisqu’il décide que l’action indirecte appartient
seulement aux créanciers particuliers des associés ce qui
est rationnel, car une distance immense sépare ces deux
espèces de créanciers, et c’est l’apprécier dignement que
d’accorder aux premiers ce qu’on refuse aux seconds.
En résultat, Savary reconnaît que les commanditaires
sont obligés aux dettes, comme le sont les associés soli
daires ; que cette obligation est pour les uns et pour les
autres d’une nature identique; qu’il n’y a d’autre diffé
rence que son étendue limitée pour les uns , indéfinie
pour les autres.
Savary a le soin de ne pas confondre la participation
et la commandite si distinctes dans leur nature , dans
leurs caractères, dans leurs effets.
Savary reconnaît donc que les créanciers de la société
ont une action directe contre tous les associés.
Cette même opinion est professée par tous les juris
consultes qui ont commenté l’ordonnance de 1673.
Jousse , sous l’article 8 , enseigne que « les associés
» en commandite ne sont ordinairement tenus que jus» ques à concurrence du fonds qu’ils ont mis dans la
» société, et non au delà .1 »
• De Ferrière 2 détermine ainsi les effets de la société en
commandite : « La commandite ou compagnie condi» donnée oblige tous les associés pour le fonds et capi1 Sur l’ordonnance de 1673, p. 73.
2 D ic tio n , de d r o i t , v® B a n q u e .
�470
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
»
»
»
»
tal qui est en icelle , et non davantage. P artan t, s’il
arrive qu’ils perdent plus grande somme que leurs
fonds, il n’y a que ceux qui portent le nom de la sociélé qui soient obligés pour le surplus. »
Boutaric, sur l’article 1er de l’ordonnance, après avoir
défini la société générale , continue : « Mais ce n’est
» pas de cette société générale et universelle que l’or» dormance entend parler dans l’article que nous expli» quons , lorsqu’elle dit que toute société générale ou
» particulière en commandite sera rédigée par écrit, elle
» parle des sociétés générales par rapport ou par oppo» sition à la société en commandite ; et la société géné» raie en ce sens n’est autre chose qu’une société libre
» et collective , c’est-à-dire une société contractée sous
» le nom de tous les associés , et en laquelle tous les
» associés et chacun des associés agit, contracte et s’o» blige, et en s’obligeant oblige indéfiniment la société;
» au lieu que Ta société en commandite est toujours sur
» la tête d’un ou de quelques-uns des associés qui seuls
» agissent et signent tous les actes concernant la société
» en commandite, mais qui ne peuvent obliger les as» sociés en commandite qu’à concurrence du fonds qu’ils
» ont porté et mis dans h société.1 »
Plus loin, sous l’article 8 , Boutaric explique pourquoi
il en est ainsi : « Nons l’avons déjà dit, les associés con» tribuent seulement de leurs fonds et de leur argent et
» nullement de leurs soins ou de leur industrie. Comme
» ils ne font aucune fonction d’associé et que ce n’est
» point avec eux qu’on contracte , les créanciers n’ont
i Explication de l’ordonnance sur le commerce, p. 23.
�/
art.
484, 488.
471
»
»
»
»
»
aucun sujet de se plaindre, si en cas de faillite ou de
banqueroute ils sont obligés seulement à concurrence
de leurs fonds, et non point indéfiniment comme le
sont les associés qui ont paru et agi en cette qualité,
et avec lesquels on a contracté.1 »
A la suite de ce passage l’auteur nous donne l’étymo
logie de la commandite , qu’il dit « s’appeler ainsi du
» vieux terme commendat dont se servent les coutumes
» pour exprimer la charge qu’on donne d’acheter ou de
» négocier quelque chose , commisses rei gerendœ po» testas. »
Bornier nous apprend que ce qui distingue la com
mandite de la société libre et collective, c’est que celle-ci
« oblige non-seulement ceux qui en portent le nom,
» mais aussi les associés en icelle, tant pour le fonds ou
» capital qu’ils y ont mis que pour le plus qu’il pour» rait y avoir de pertes , ni plus ni moins que si tous
» étaient nommés et solidairement engagés. La com» mandite oblige tous les associés seulement pour lefonds
» et capital qui est en icelle.3 »
Nous nous" bornons à enregister ces opinions diverses
dont les termes nous dispensent de tout commentaire,
car il est évident que chacun de ces auteurs met sur la
même ligne ^obligation des commanditaires et celle des
solidaires, sous la restriction pour les premiers qu’ils ne
peuvent être obligés au delà de leur mise. Cette identité
d’obligation démontre à son tour l’identité de l’action
contre les uns et les autres.
1 I b id e m .
2 C o n fé re n c e
s u r V o rd o n n a n ce ,
art. 1er de celle de
1673, t. 2, p. 446.
�4 7%
1)ES FAILLITES ÈT BAN'QtlEROUTES
V e u t- o n s a v o ir si ces a u t e u r s c o n f o n d e n t la c o m m a n
d ite e t l a p a r tic ip a tio n ? E c o u to n s e n c o r e B o r n ie r :
« I l y a u n e a u t r e s o c ié té
» m e r c a n tils , a n o n y m e o u
» deux m a rc h a n d s
» p o u r a c h e te r e n
» q u e l ’u n
q u ’o n a p p e lle
momentanée,
m e tte n t en
en
te rm e s
q u i e st lo r s q u e
com m un
le u r
a rg e n t
fo ire u n e c e r ta in e m a r c h a n d is e , et
d ’e u x e n t r e le s m a in s d u q u e l il e s t m is se
» c h a r g e d e fa ire les a c h a ts , et q u ’a p r è s q u ’ils s o n t fa its
» ils p a r ta g e n t l a m a r c h a n d is e ; e n ce c a s , le v e n d e u r
» d e la m a r c h a n d is e n ’a p o in t d ’a c tio n c o n tr e c e lu i q u i
» s ’e st m é lé d e l ’a c h a t, p a r c e q u ’il a su iv i s e u le m e n t la
» b o n n e foi d e c e lu i q u i l ’a a c h e té e d e l u i, e t n o n p a s
» ce lle d e l ’a u t r e q u i lu i é ta it in c o n n u , e t q u e c e tte so » c ié té n e d u r e q u ’a u t a n t d e
te m p s q u ’il e n f a u t p o u r
» a c h e te r et p a r t a g e r les m a r c h a n d is e s ; e t c ’est p o u r
» c e la q u ’elle e s t a p p e lé e
momentanée.1 »
V o ilà la v r a ie p a r tic ip a tio n , e t c o m m e n t r e c o n n a îtr e
d a n s u n e p a r e ille so c ié té si b o r n é e , si fu g itiv e , u n e c o m
m a n d ite ?
E n f in , B o u r j o n , d a n s 'l e s m é m o r a b le s p a r o l e s citées
p a r M e rlin 2, n ’a - t - i l p a s f o r m e lle m e n t p r o f e s s é l’a c tio n
d ir e c te ?
« L es e n g a g e m e n ts q u e l ’u n d e s a s s o c ié s c o n tr a c te e t
» q u ’il s o u s c r it p o u r lu i e t c o m p a g n ie r é f lé c h is s e n t c o n » tr e to u s le s a u t r e s , e t ils s o n t te n u s s o l i d a i r e m e n t . . .
» C ette ré fle x io n d ’e n g a g e m e n ts c e sse e n c e r ta in s c a s :
» l ’a sso c ié e n c o m m a n d ite n e
p e u t ê tr e
» fa it d e s a u tr e s a u d e là d u f o n d s q u ’il a
i Barnier,
5 Q u e s t.
ib id e m ,
de d r o it,
p. 453 ;—Voy. Boutaric, lo c o
4mc édition, v°s o c ié té , § 2.
engagé p ar
le
m is d a n s
la
c il a t o ,
p. 24.
�art.
484, 485.
473
>> société ; c’est la nature d’une telle société limitée à ces
» fonds. . . De là il s’ensuit qu’en abandonnant ces fonds
» sur lesquels la poursuite des créanciers est limitée à
» son égard, il ne peut être actionné de leur part. »
Cette doctrine que Bourjon dit résulter de l’ordonnance
de 1673 n’a pas besoin de commentaires ; elle précise
de la maniéré la plus formelle deux choses essentielles:
la première, que le complimentaire engage ses associés,
mais jusqu’à concurrence seulement de leur mise, ainsi
que Savarÿ l’enseigne lui-même dans son parère 2l3me ;
la seconde, que la mise des commanditaires est directe
ment engagée envers les créanciers qui peuvent action
ner Ceux-ci tant qu’ils n’en ont pas fait l’abandon.
On n’a pü se dissimuler toute l’importance de ces pa
roles si' formelles de Bourjon ; aussi a-t-o n tenté de les
affaiblir.
Le n° 13 de cet auteur, nous a-t-on d it1, redresse
et éclaircit singulièrement ce que les premières phrases
avaient de louche et d’embarrassé.
Ce n’est que par réflexion , continue-t-on , que les
engagements de l’autre associé atteignent le commandi
taire , et cette expression est bien peu compatible avec
une action directe.
On ajoute : d’ailleurs, la société ordinaire et la com
mandite sont deux sociétés fort différentes qu’il ne faut
pas confondre , et le commanditaire est moins associé
que participe ou croupier.
Si quelque chose dans l’opinion de Bourjon peut pa
raître louche et embarrassé, c’est sans contredit et uni1 C o n s u lta tio n
p o u r le s c o m m a n d ita ir e s ,
p, 49.
�474
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
quement le sens qu’on lui prête et auquel l’auteur n’a
jamais songé. C’est sans ambiguïté aucune que Bourjon
professe que le commanditaire est tenu du fait du gérant
jusqu’à concurrence de sa mise, et qu’il ne peut se sous
traire à l’action des créanciers qu’en abandonnant cetle
mise sur laquelle celle action est limitée à son égard.
Nous l’avons déjà dit, on ne saurait parler plus clai
rement; si toutefois une opinion aussi précise avait besoin
d’une confirmation quelconque, nous la trouverions dans
le n° 13 dont on fait une si étrage interprétation.
Bourjon qui vient de dire que les engagements de l’un
des associés réfléchissent contre tous les autres qui en
sont solidairement tenus, que pour les associés comman
ditaires cette réflexion se restreint à leur mise , ajoute
immédiatement :
« Celte restriction de la réflexion contre ceux-ci a lieu
» quoique cette société n’eût pas été rendue publique
» par l’enregistrement d’icelle, parce que tel associé est
» moins associé que participe ou croupier. On le juge
» ainsi au Châtelet, cela est équitable ; ce serait rigueur
» outrée et confusion de deux sociétés fort différentes
» d’admettre le contraire. »
Il n’y a rien dans ces paroles qui tende à affaiblir ce
que Bpurjon a déjà dit des effets de la commandite; il
est bien vrai qu’il appelle le commanditaire moins associé
que participe ou croupier, mais c’est précisément parce
qu’il en est ainsi qu’il enseigne que l’on doit admettre
la restriction de l’obligation, alors même que la société
n ’a pas été rendue publique par l’enregistrement. Le
contraire, c’est-à-dire l’admission d’une responsabilité
�art.
484, 485.
475
indéfinie et solidaire, en se fondant sur le défaut de pu
blicité serait rigueur outrée. Ce serait de plus confondre
la société en nom collectif avec la commandite, en ap
pliquant à celle ci-les effets de celle-là.
Ainsi, la véritable pensée de Bourjon est que, qu’elle
ait été ou non publique, la commandite ne peut soumet
tre l’associé à l’action des créanciers que pour le montant
de sa mise, mais que rien ne peut empêcher ce résultat,
et ce qui doit surtout le déterminer c’est que tel associé
est moins associé qu° participe ou croupier ; car s’il en
était autrem ent, si le commanditaire était un associé
dans toute l’acception de ce terme, il serait comme eux
tenu solidairement pour toutes les dettes.
Bourjon ne confond donc pas la commandite avec la
participation. S’il assimile le commanditaire à un parti
cipe ce n’est que pour le distinguer de l’associé ardinaire,
et pour justifier ainsi la différence qu’il enseigne dans
l’obligation de l’un et de l’autre.
Quant à l’expression dont se sert cet auteur et qu’on
dit peu compatible avec une action directe il suffit, pour
en fixer le sens, de voir l’usage qu’il en a fait. C’est aussi
par réflexion qu’il déclare les associés en nom collectif
tenus solidairement de toutes les dettes. Par rapport à
ceux-ci on ne pourra équivoquer sur la nature de l’ac
tion. Elle est essentiellement directe. D’où la conséquence
que la réflexion contre les commanditaires n’étant dis
tincte de celle-là que par la restriction qu’elle doit rece
voir , elle constitue dans les limites de cette restriction
une action directe.
Pothier seul a professé l’opinion contraire. Nous aussi
�476
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
nous rendons un juste et éclatant hommage au génie
éminent de ce célèbre jurisconsulte ; mais notre respect
ne saurait aller jusqu’à méconnaître les erreurs qui lui
sont échappées.
La cause de celle que nous relevons dans cette circons
tance serait peut-être facile à justifier. Rappelons-nous
ce que M. Cresp nous disait lui-même avec cette énergie
d’expressions qui le caractérise :
« Ca serait une grande erreur que de croire que la
» connaissance même complète de la législation civile
» pût jamais dispenser de faire de la législation com» merciale une étude particulière.
» Eût-on toute la science d’un Cujas, toute la péné» tration d’un Merlin , on s’exposerait aux plus graves
» .comme aux plus dangereuses méprises,si aux actes et
» aux différends commerciaux on voulait appliquer les
» principes du pur droit civil.1 »
Ne serait-ce pas parce qu’il s’est trop préoccupé des
abstractions et des rigueurs de ceux-ci que Pothier est
tombé dans l’erreur que nous lui reprochons.
Fort exact dans la définition de la commandite, Po
thier n’apprécie pas avec la même justesse la nature de
cette société. S’il refuse l’action directe aux créanciers
c’est parce que le commanditaire reste complètement
étranger aux actes et contrats de la société. Seul , le
complimentaire peut consentir les uns et les autres.
Donc, il s’oblige seul.
Ainsi Pothier ne refuse l’action directe que par le motif
1 Cresp„ I n tr o d u c tio n a u c o u r s d e d r o i t c o m m e r c ia l e t m a r i t i m e , p.
32 Aix, 1832.
�art.
W
484, 485.
477
■■
qu’il l’a fait réduire jusqu'à concurrence de la mise. Il
est évident en effet que si le commanditaire faisait tout
ce que le gérant peut faire , il devrait comme celui-ci
être indéfiniment tenu. Quel motif y au rait-il, s’il n’y
avait aucune différence dans les fonctions, à en admettre
une aussi importante dans les obligations ?
Pothier a méconnu la distinction que nous signalions
tout à l’heure entre la mise et la personne des comman
ditaires Celle-ci n’est jamais engagée parce qu’elle reste
sans cesse en dehors de la société. La mise au contraire
l’est toujours , parce que c’est elle qui constitue la so
ciété, le fonds capital que régit le complimentaire c’est
avec elle que traitent les tiers ; c’est partant elle qui s’o
blige par le ministère du gérant. Le pouvoir de celui-ci
de l’engager en s’engageant lui-même résulte de la loi,
de la force des choses. La commandite est-elle autre
chose que commissœ rei gerendce potestas.
C’est ce qu’avaient parfaitement compris nos maîtres
en celte matière. C’est ce qu’ils exprimaient avec préci
sion et énergie lorsque, après avoir rappelé que le complimentaire n’avait ni mandat exprès ni tacite, qu’il trai
tait sous son propre et privé nom, ils s’écriaient : « Tune
» certum est quod iidem accomandantes non possunt
» teneri pro facto ejusdem institoris ultraquam posuerint
» in illo negotio.1 » « Complimentarius habet quidem
» facultatem socios accomandantes obligandi in soli—
» dum , sed pro rata tantum capitalis immissi.2 »
1 Ansaldus, De A n s a l d i s d is c u r s u s
dise. 98, n° 58.
i J o s e p h i U r c e o li d e c is io n e s i n c l y t œ
le g a l e s d e c o m m e r c io e l m e r c a -
lu r a ,
n° 3 .
/
R o lœ F l o r e n t i n e e ,
deeisio 47,
�478
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
C’est ainsi que l’ordonnance de 1673 l’avait elle-même
admis. L’un de ses auteurs, Savary, ne nous dit-il pas
que le complimentaire signe seul tous les actes de la so
ciété ; c’est pourquoi il n’y a que lui d’obligé, et il n’o
blige son associé que jusqu’à concurrence du fonds ca
pital qu’il a apporté à la société l. Et après lui, tous les
commentateurs, Jousse, Bornier, Boutaric, Bourjon, ne
le répètent-ils pas en termes exprès.
Concluons donc que Pothier s’est trompé. Il n’a été
frappé que de l’absence d’un mandat quelconque, et fai
sant application du principe du droit civil que personne
ne peut être engagé par le fait d’autrui, il décide pour la
société commerciale ce qu’il enseigne pour la société ci
vile, au milieu de laquelle il intercale l’autre comme une
épisode. Tout entier à l’entrainement de son esprit, de
ses habitudes tournées exclusivement sur le droit civil,
il n’a pu découvrir que la société en commandite con
sacrait l’abrogation formelle de ce principe pour la mise
des associés.
Nous oserons donc répéter ce que l’on a dit avant
nous 2 : en matière commerciale l’autorité de Pothier a
moins de poids qu’en matière civile. Vainement fait-on
observer que Pothier nous a légué divers traités sur des
matières commerciales. N’a-t-o n pas fait pour le droit
maritime l’observation que nous faisons pour les socié
tés ? M.Cresp 3 ne nous dit-il pas lui-même que Pothier
est tombé , sur ces matières , dans des erreurs que les
i Parère 23.
3 C o n s u lt a t i o n p o u r l a
s I n tr o d u c tio n a u co u rs
B anque.
d e d r o i t c o m m e r c ia l e t m a r i t i m e ,
p. 75.
�art.
484, 485.
479
moindres connaissances pratiques , que l’expérience lui
auraient fait éviter ?
Cette expérience du commerce qui manquait à Pothier,
Savary la possédait à un degré supérieur. On ne peut donc
pas hésiter entre l’opinion de l’un et celle de l’autre.
Non-seulement l’opinion de Pothier méconnaît la na
ture de la commandite, mais encore elle viole le texte de
l’ordonnance ; nous sommes heureux d’avoir pour l’éta
blir à laisser parler Merlin.
Pothier enseigne que le commanditaire n’est tenu
qu’en vers l’associé principal.
« Cette distinction,—dit Merlin,—serait en contradic» tion directe avec le texte de la loi. En effet, l’ordon» nance déclare que les associés sont obligés aux dettes.
» A qui paye-t-on naturellement une dette ? C’est à son
» créancier sans doute et non à son débiteur. Ces termes
» de la loi ne peuvent donc s’appliquer, naturellement
» qu’aux créanciers de la société ; si le législateur s’était
» ainsi exprimé pour dire seulement que, envers son
» associé principal, l’associé commanditaire doit sup» porter les charges de la société , il se serait servi de
» termes tout-à-fait impropres et même ridicules.1 »
Merlin n’est pas moins explicite sur l’effet de l’admi
nistration du complimentaire à l’égard de ses associés
commanditaires :
« Dans cette société (la commandite), le gérant a pou» voir d’engager les commanditaires ; ceux-ci ne parais» sent point, à la vérité, dans les contrats qui intéressent
» la société ; mais l’associé principal sous le nom duquel
i
Q u estio n s de d r o it,
4me édit. in-8°, t. 14, v° S o c ié té , § 2, 1re col.
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
480
»
»
»
»
»
»
»
elle s’exerce, auquel ils ont confié l'administration des
affaires communes, contracte et agit pour la société.
Il a donc le pouvoir d’obliger ses associés envers les
créanciers. Ses coassociés contractent donc réellement
avec les créanciers jusqu’à concurrence de leur part.
Le gérant à'qui seul la gestion sociale est et peut être
confiée est leur mandataire à cet égard .1 »
Nous n’avons pas à suivre Merlin dans l’assimilation
qu’il fait non pas entre le commanditaire et le partici
pant, mais entre le participant et le commanditaire quant
aux effets de la société, k raison ou à tort Merlin sou
tient que les uns et les autres sont également obligés en
vers les créanciers. Ce qu’il nous suffit de constater c’est
que pour le commanditaire l’obligation directe ne saurait, au dire de cet auteur, êlrevcontestée.
Qu’importerait d’ailleurs que M, Merlin se fût trompé
pour ce qui concerne le participant ? Tout ce qu’il fau
drait en conclure c’est que chaque société produisant des
effets divers , c’est par ces effets qu’iT faudrait régler le
sort, des associés ; faudrait—il parce que les participants
neseraient pas tenus'directement anéantir les dispositions
législatives qui décident le contraire pour le comman
ditaire ?
Concluons donc que pour celui-ci l’action directe des
créanciers ne saurait être méconnue. L’opinion isolée de
Pothier ne saurait prévaloir sur celles de Savary, Jousse,
Bornier, Boutaric, Bqurjon et enfin Merlin ; sur le texte
même de l’ordonnance.
i
Ib id e m ,
colonne.
�§3. —De la commandite sous le Gode.
L’intenlion des rédacteurs du Code de ne rien changer
aux effets de chaque société qu’ils consacrent nous est
divulguée dès les premiers pas. Il est utile, disait l’archi
chancelier, de conserver les dénominations qui sont con
nues, et de leur laisser les effets qu’elles ont toujours
eus l. C’était surtout pour la commandite qu’on s’expri
mait ainsi , ce qui éloigne toute idée qu’on ait voulu
priver les créanciers de l’action directe que leur accor
dait la législation précédente.
Il est facile au contraire de se convaincre que c’est
surtout celle action directe à laquelle le législateur a voulu
aboutir. Cela résulte invinciblement des modifications
qu’il a introduites dans la forme de cette société.
La première de ces modifications qui n’est pas la moins
significative est celle qui ressort de la disposition du § 2
de l’article 23 : la commandite est régie sous un nom
social. Il est facile d’en apprécier les conséquences.
Par rapport aux tiers, un nom social est l’indication
authentique qu’à côté de celui avec qui ils traitent se
rencontrent d’autres ressources, d’autres garanties. C’est
la dénomination officielle de l’existence d’un être moral,
d’une société contre laquelle doivent naturellement réflé
chir les engagements que contracte celui qu’elle a investi
du pouvoir de disposer du nom social.
Par rapport aux associés la création d’une raison so
ciale , la faculté d’en disposer est un véritable mandat
d’administrer dans l’intérêt commun le fonds social, de
l Locré, procès-verbal sur l’article 48.
i - - 31
�482
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
les obliger par le résultat de cette gestion de les rendre
responsables chacun dans les limites et pour la quotité
voulues par la loi.
« Dicimus quod per creationem et deputationem com» plim entarii, intelîigitur ei attributa facultas subscri» bendi nomen sociorum rationiscantantis, et sicomnes
» socii rémanent ob illius administrationem et negotio» rum gestionem in solidum obligati.1 »
On applique sans difficulté ce principe dans les socié
tés en nom collectif. On nous apprend que par le fait seul
de leur association les associés sont censés s’être consti
tués les mandataires les uns des autres ; de telle sorte que
l’obligation revêtue de la signature sociale les engage tous2.
Pourquoi n’en serait-il pas de même pour la comman
dite ? La loi a-t-elle distingué entre ces deux sociétés
lorsqu’ellea prescrit pour cette dernière une raison sociale?
Si la loi est muette ne faut-il pas reconnaître que la
même cause doit produire les mêmes effets? Il y a plus,
si dans la société en commandite un nom social ne peut
produire aucun des effets qui en résultent pour la société
en nom collectif, pourquoi en a-t-on, comme dans celleci, prescrit l’emploi ?
Il est vrai que , dans l’u n e, cette raison sociale peut
se composer du nom de tous les associés, tandis que dans
l’autre on en exclut formellement celui des commandi
taires. Mais cette inégalité est plus que compensée par la
faveur qu’on fait à ceux-ci. Ils ne peuvent jamais perdre
au delà de leur mise ; l’associé collectif reste toujours
1 Casaregis, dise. 39, n° 24__ Ansaldus, dise. 45, n° 3.
2 C o n s u lta tio n
p o u r les c o m m a n d ita ir e s ,
p. 21, 22.
�Âr t .
484, 485.
483
indéfiniment tenu ; il expose sans cesse son avenir, son
honneur , sa fortune tout entière. C’est souvent, payer
fort cher le stérile avantage de voir son nom figurer dans
la raison sociale; celui-là du moins l’a pensé ainsi, qui
pouvant être associé solidaire a préféré n’être que com
manditaire.
Le motif, d’ailleurs, de cette prohibition est facile à
comprendre. On a voulu par ce moyen éviter aux tiers
l’erreur de croire associé en nom celui qui ne serait que
commanditaire, Cette erreur eût été facile si le nom de
celui-ci avait fait partie de la raison sociale. Elle l’eût
été d’autant plus que les relations de la société seraient
plus étendues et s’éloigneraient davantage du lieu où
elle a été publiée. C’est uniquement pour en éviter la
possibilité et pour empêcher qu’on n’exploitât cette er
reur qui pourrait, dans bien des cas, devenir un moyen
de fraude , que l’on a laissé dans l’isolement et dans
l’ombre l’associé commanditaire, sous peine pour lui de
devenir indéfiniment tenu s’il sortait de l’inaction à la
quelle op le réd u it1.
L’observation de cette prohibition devient donc du
plus haut intérêt pour le commanditaire lui-même. Mais
il est évident qu’il ne saurait s'en prévaloir pour pré
tendre se libérer entièrement. Tout l’effet qu’elle produit
c'est d’empêcher qu’il ne soit indéfiniment tenu , c’est
de lui imposer une obligation restreinte à sa mise, c’est,
en un m o t, de lui assurer les avantages de la position
qu’il s’est faite dans la société.
i Pardessus, t. 4, n° 1032, p. 122 ; — E. Vineens, t. 2, p. 316, n°2;
—Malepeyre et Jourdain, p. 148 ;_ F av a rd de Langlade, v° société, § 2,
n° 2 ;—Dalloz, v° société, ch. 2, sect.2, n° 11
Locré, Espvit du Code
de commerce, t. 1. p, 131 ;—Voy. aussi l’Exposé des motifs dulilre 3.
�484
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
De ce principe incontestable résulte la certitude que
quoique le nom du commanditaire ne chante pas dans
la raison sociale, cette raison ne le représente pas moins
pour l’intérêt qu’il a dans la société. Par suite, l’emploi
de ce nom l’engage vis-à-vis de ceux qui ont contracté
avec le gérant.
Il n’est plus vrai aujourd’hui que celui-ci ne contracte
qu’en son seul et privé nom. Proprio nomme contraint
et distrahit. A ce nom le législateur a substitué un nom
social, c’est-à-dire un nom qui n’appartient privativement à aucun des associés , mais qui les désigne tous ;
un nom qui résume l’association , un nom enfin qui
matérialise la réunion des intérêts divers dont est for
mée la société. Celui qui traite avec ce nom traite donc
avec l’être moral lui-même, qui reste tout entier soumis
à l’obligation qui résulte du contrat. Le créancier de
celle-ci ne saurait donc être privé de l’action que toute
obligation suppose et crée.
Cette conséquence inévitable dans les sociétés en nom
collectif ne saurait être refusée dans les commandites. Il
serait par trop absurde de supposer que le législateur
n’a voulu un nom social que pour signifier que le gérant
ne traite qu’en son seul et privé nom.
Azuni ne nous atteste-t-il pas que tel est l’effet en
Italie de l’emploi du nom social : 1 « Tuti gli associati
» sono tenuti solidariamente per i debiti délia societa,
» quand’anche questi fossero contratti da un solo di
» quegli, sotto in nome de’ quali corre il negozio : tal
1 A zuni, Dizionnario universale délia giurispmdenza mercantile,
v» Commandita, § 3
�ir t .
484, 485.
485
» obligazione e ristretta alla sola porzione di fundo che
» vi haono i non nominati. »
Ainsi, en Italie, l’emploi d’un nom social est obliga
toire dans la commandite comme dans la collective. Le
législateur français qui a admis la même mesure dans la
répartition des obligations , en exigeant la substitution
d’un nom social au nom du géran t, ne peut avoir eu
une autre intention que celle de rendre obligatoire ce
nom social.
Nous trouverions au surplus une nouvelle preuve de
cette intention dans les articles 29 et suivants. Dans la
société anonyme les associés ne s’obligent jamais envers
les tiers ; or. non-seulement le législateur s’est cru obligé
de le dire formellement, mais encore il a défendu tout
nom social. La société anonyme n’existe point sous un
nom social (art. 29). Si la commandite ne doit pas
produire d’autres effets qu'e l’anonyme , qu’était-il be
soin d’exiger pour elle ce qu’on défend dans celle-ci ?
Pourquoi cette étrange contradiction ?
Concluons de là que le législateur n’a vu dans l’emploi
d’un nom social que ce que nous y voyons nous-même,
c ’est-à-dire qu’il a voulu ainsi fixer irrévocablement la
nature des créances que le gérant peut souscrire. Celles
qui sont revêtues de la signature sociale doivent être
supportées par la société, car c’est elle qui les doit, c’est
pour son administration quelles ont été créées. Le cré
ancier pourra poursuivre cette société tout entière; les
associés principaux indéfiniment, les commanditaires
jusqu’à concurrence de leur mise.
Nous avons donc raison de voir dans l’article 23 une
�486
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
preuve de cette action directe qu’on ne craint pas de
nous contester.
Une seconde et non moins importante modification à
l’ordonnance de 1673 a été introduite par l’article 42 du
Code qui prescrit la publicité de toutes les sociétés en
commandite et leur enregistrement. On sait que l’or
donnance ne rendait ces formalités obligatoires que pour
celles entre négociants. Quel a pu être le but de cette
innovation ?
Celui évidemment de rendre impossible l’abus qui pré
occupait Savary lui-même ; cette collusion que le défaut
de publicité rendait facile, et à l’aide de laquelle le gérant
pouvait non-seulement frustrer les créanciers de la mise
du commanditaire, mais encore faire considérer celui-ci
comme un créancier ordinaire 1.
Quant aux effets qui doivent en résulter c’est encore
Savary qui nous les enseigne. On jugera de ce qu’a voulu
le législateur par la manière dont l’un des auteurs de
l’ordonnance envisageait la mesure qu’il a consacrée.
« Il est certain , disait Savary3, que si le public en
» avait connaissance par l’enregistrement, l’associé qui
» n’est point nommé dans les promesses, billets, lettres
» de change et autres actes, à cause de la commandite
» serait tenu et obligé pour sa part aux dettes qui a u » raient été créées et qui se trouveraient être employées
» dans la société. »
Voilà quels eussent été les effets de la publicité sous
i Savary, Parfait négociant , tome 1, part. 2, liv. 1, ch. 1, p. 366,
édition de 1777.
3 Idem, ibidem.
�ART.
484, 485.
487
l’ordonnance de 1673. Le Code aurait-il consacré cette
publicité pour en faire ressortir l’effet contraire ? Ce sim
ple rapprochement ne suffit-il pas pour exclure toute
idée d’affirmative ?
Cette publicité est d’autant plus relevante sous le Code
qu’elle exige l’enregistrement de l’acte de société. Il est
donc facile aujourd’hui de connaître le nom de l’associé
commanditaire; Sans doute , il ne peut être prononcé
dans la publication , mais il existe en toutes lettres sur
l’acte social. On est assuré de le trouver à l’enregistre
ment si l’acte est sous seing privé ; dans la minute du
notaire s’il est authentique.
Ce n’est pas tout encore : l’article 42 qui prononce la
peine de nullité en cas de violation de ses prescriptions
dispose formellement que cette nullité ne pourra , dans
aucun cas, être opposée à des tiers par les associés. Le
système qui, dans les commandites, ne tend à faire con
sidérer les créanciers que comme les ayants cause du
gérant, pouvait-il recevoir une plus éclatante réfutation?
Notons bien que la disposition de la loi s’applique
autant à la commandite qu’à la société en nom collectif.
Mais si, dans la première, il n’y a que des ayants cause,
il s’ensuivra qu’on pourra toujours opposer la nullité de
la société. Les ayants cause du gérant ne sont et ne peu
vent être considérés que comme celui-ci pourrait l’être
lui-même ; ils seraient donc de véritables associés.
Mais si les créanciers ne sont que des associés, quels
seront'dans la commandite les tiers auxquels on ne pourra
opposer la nullité de la société ?
En l’état, deux choses nous paraissent résulter invin-
�488
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ciblememt de l’article 42 : 1 ° une distinction entre les
associés et les tiers, aussi tranchée qu’elle est exclusive
de l’idée que ceux-ci peuvent n’ètre que les représentants
de ceux-là ; 2 ° faculté pour les tiers d’agir directement
et en leur nom contre tous les associés. 'Déclarer une
exception non applicable à quelqu’un, c’est reconnaître
à celui-ci le droit d’intenter une demandei II serait par
trop oiseux d’affranchir d’üne fin de non recevoir celui
qui ne pourrait, dans aucun cas, introduire l’action-que
cette fin de non recevoir tend à repousser.
La disposition de l’article 42 est donc décisive; elle
établit l’action, de même que l’article 23 crée l’obligation;
et c’est à bien meilleure raison que nous pourrions dire,
à notre tour, n’y eût-il dans le Code que ces deux arti
cles, l’action directe que nous revendiquons ne saurait
nous être refusée, car notre droit se trouve consacré de
la manière la plus formelle par leur saine interprétation.
A v a n t d e p r o u v e r q u e ce d r o it r é s u lte b ie n p lu s é v i
d e m m e n t e n c o r e d e l ’in te n tio n d u lé g is la te u r , n o u s e x a
m in e r o n s les o b je c tio n s q u e l ’o n n o u s a fa ite s s u r le tex te
d e la lo i.
On nous a dit d’abord, l’article 23 dispose que la so
ciété en commandite se contracte entre un ou plusieurs
associés responsables ou solidaires, et entre un ou plu
sieurs associés simples bailleurs de fonds que l’on nomme
commanditaires ou associés en commandite. La loi éta
blit donc deux classes , deux ordres d’associés : les uns
qui sont responsables et solidaires, les autres quir par
oppssition à ceux-là nesont ni responsables ni solidaires 1.
»
i Consultation pour les commanditaires, p. 64.
�ART.
484, 485.
489
Qui a jamais contesté ce principe ? Notre système vat-il confondre ces deux classes d’associés ? Avons-nous
jamais prétendu rendre les associés commanditaires res
ponsables et solidaires ?
Nous soutenons que les commanditaires ne sont tenus
chacun que pour leur part et portion. Cette obligation
ainsi limitée exclut toute idée de solidarité: L’effet le plus
immédiat de celle-ci n’est-il pas de rendre chaque débi
teur d’une dette commune contraignable pour le tout,
sans division ni discussion ?
Nous confondons si peu les commanditaires avec les
solidaires et responsables qu’on ne nous a jamais vu
prétendre faire partager aux premiers l’état de faillite du
gérant. Nous reconnaissons au contraire que chacun de
ceux-ci se libérera entièrement par le versement de sa
mise. La vérité est donc que nous ne voulons de la so
lidarité pas plus la chose que le nom.
Mais l’article 23 qui distingue par les effets de la so
ciété les divers membres de celle-ci, dit-il que les com
manditaires non responsables, non solidaires ne seront
pas même obligés à concurrence de leur mise ? Ne se
borne- 1-il pas au contraire à décider que leur obliga
tion sera d’une nature différente de celle des gérants?
Pour connaître la manière de résoudre ces questions
il n’y a qu’à consulter l’article 24 qui est la conclusion
de l’article 23. Il nous apprend, en effet, que les asso
ciés solidaires seront en société collective, et les bailleurs
de fonds seront associés en commandite ; d’où la consé
quence que chacun d’eux sera soumis aux conditions de
ces deux sociétés* quant aux obligations qui en résultent;
t
�490
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
c’est-à-dire que , d’après l’article, les premiers seront
indéfiniment tenus, et que les derniers ne le seront que
jusqu’à concurrence en vertu de l’article 26.
C’est ainsi que le législateur a compris, a entendu sa
disposition. C’est ce que M. Locré nous apprend à la
suite de cet article 24.
« Il y a donc alors, dit-il, pour la même entreprise
» deux espèces de sociétés qui ne se confondent pas, et
» dont chacune a les effets qui lui sont propres : les asso» ciés en nom collectif sont solidairement et indéfiniment
» obligés ; les associés en commandite ne sont toujours
» obligés que jusques à concurrence de leur mise.1 »
s 4insi l’article 23 qualifie les associés ; l’article 24
enseigne quels seront les effets de cette qualification, et,
on le voit, loin d’exclure toute obligation chez les com
manditaires, l’esprit de la loi est de les rendre toujours
obligés jusqu’à concurrence de leur mise.
Remarquons que l’article 24 répète l’expression de
l’article 23 : simples bailleurs de fonds, ce qui n’empê
che nullement les commanditaires d’être toujours obli
gés. Il n’est donc pas vrai de dire que la loi n’ait voulu
voir dans ces bailleurs de fonds que des capitalistes , de
simples prêteurs et pas autre chose9.
Les commanditaires sont de véritables associés. L’ar
ticle 23 les qualifie ainsi à deux reprises différentes.
L’article 24 le dit plus expressément encore en dispo
sant qu’à leur égard la société sera en commandite.
Le commanditaire est si bien associé, qu’ainsi que le
1 Locré, Esprit du Code de commerce. 1 .1, p. 130.
65,
2 C onsultatif pour les commanditaires, p.
�a r t
.
484, 485.
491
fait observer M. Odilon B arrotl, il participe aux béné
fices de la société. Peut-on voir dans ces bénéfices un
intérêt déguisé, comme on s’efforce de le soutenir ?
La négative nous paraît d’autant plus inévitable que,
dans les sociétés en commandite, les bénéfices et les in
térêts sont distincts et indépendants les uns des autres.
Ainsi l’acte social assure aux commanditaires, d’abord,
l’intérêt de leur mise, plus leur part dans les bénéfices.
Il est donc impossible de ne voir dans ceux-ci que l’é
quivalent de ceux-là.
Or , le seul fait de retirer une part des profits autre
que le simple intérêt de leur argent ferait, comme l’en
seigne M. Emile Vincens 3, déclarer commanditaires ceux
qui déguiseraient leur association sous la forme d’un
prêt pour soustraire leur capital aux pertes, en cas de
malheurs. Comment donc considérer comme de simples
prêteurs ceux qui-n’ont nullement déguisé l’association
et qui ont stipulé l’intérêt de leur mise et une part dans
les bénéfices ?
Au reste, si la loi s’est servie de cette expression : bail
leurs de fonds, c’est pour indiquer surtout la différence
de position entre l’associé principal et le commanditaire;
elle ne laisse à celui-ci,dans la société, d’autre droit que
celui de verser les fonds promis. Elle lui prescrit l’inac
tion la plus complète pour le distinguer du premier, et
c’est ce que signifie la désignation d’associé simple bail
leur de fonds, par opposition à ceux qui gèrent la so1
Adhésion à la consultation pour la Banque,
2 Législation commerciale, t .
P a ris , d u
40
4 , p . 317, n° 3 ; —
a o û t 1 8 1 3 ; — M a le p e y re e t J o u r d a i n
commerciales,
p. 435, ,
D a llo z , 3 5 , 2 , 2 4 4
a r r ê t de la c o u r de
Traité des sociétés
�492
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ciété. Cequi prouve cette intention unique de la loi c’est
que le projet du Code qualifiait seulement le comman
ditaire d’associé non gérant. Mais le Tribunat fit observer
que cette qualification était impropre; que plusieurs des
associés principaux peuvent ne pas gérer , et qu’on les
autoriserait à décliner la solidarité que leur qualité leur
imposait, si on déclarait les non gérants ni solidaires ni
responsables ; c’est sur -ces observations qu’on adopta
les qualifications qui se trouvent dans le Code L
Il est donc impossible de se méprendre sur l’intention
du législateur ; si les commanditaires sont exceptés delà
solidarité, ils ne le sont nullement des engagements que
leur qualité leur impose, ils restent toujours obligés jus
qu’à jconcurrence de leur mise.
Sont-ils affranchis de l’action des créanciers ? Oui,
nous dit-on, car les associés principaux sont seuls décla
rés responsables , c’est-à-dire qu’ils 'ont seuls qualité
pour répondre aux actions sociales; qu’ils peuvent seuls
les exercer soit en demandant soit en défendant. Il est
fâcheux pour cette interprétation , que la loi ait ellemême défini ce qu’elle entendait par le mot: responsable,
plus fâcheux encore que sa définition soit en contradic
tion manifeste avec elle. Responsable pour le législateur,
ne signifie pas autre chose que solidaire ; seulement on
doit se servir de l’un ou de l’au tre, selon qu’il existe
dans la société un ou plusieurs associés principaux. Voici
dans quels termes nous l’apprend M. Locré 3 :
« Les premières rédactions disaient associés gérants;
1 Locré, Esprit du Code de commerce,
s Ibidem.
1 .1, p. 126.
�ART. 4 8 4 , 4 8 5 .
493
» le conseil d’Etat subslilua au mot gérants , celui de
» solidaires , parce que plusieurs peuvent être associés
» sans être gérants.
» Ensuite et sur la demande du Tribunat , on a fait
» précéder le mot solidaires de celui de responsables,
» par la raison que la qualité de solidaires ne convient
» qu’au cas où il y a plusieurs associés principaux , et
» qu’il faut un autre terme applicable au cas oùup seul.
» associé principal est joint aux commanditaires. »
Ainsi, responsable ne signifie pas autre chose que so
lidaire ; celui-ci à son tour ne signifie pas autre chose
que gérant. Voilà l’article 23 réduit à sa vraie expres
sion , mis à nu par le législateur lui-même ; et l’on y
trouve en définitive , quoi ? Des associés gérants et des
associés qui ne le sont pas. Voilà le résultat que l’esprit
de la loi fait lui -même ressortir.
Les conséquences qu’on voulait déduire de l’article 23
sont donc jugées : l’article 23 ne proscrit ni l’action ni
l’obligation; il créerait plutôt l’une et l’autre. Toute la.
distinction qui en résulte pour les associés c’est que les
uns peuvent gérer ou gèrent, et que les autres ne le peu
vent jamais.
Nous avons d’avance répondu aux objections puisées
dans la disposition finale de l’article 23, renouvelées par
l’article 25. Nous avons démontré que le commandité
agit si peu aujourd’hui sous son seul et privé nom,que
ce nom lui est interdit, qu’il a été remplacé par un nom
social.
D’avance aussi nous avons justifié le motif qui a fait
proscrire le nom du commanditaire de la raison sociale.
�494
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Il nous reste à ajouter que cette prohibition n’est qu’une
déduction logique de la nature de la société en com
mandite.
En passant dans notre Code cette société n’a pas perdu
sa physionomie primitive ; elle n’a pas cessé d’être ce
qu’elle était avant, ce qui surtout la distingue de la so
ciété en nom collectif, c’est à-dire qu’elle est société de
choses plutôt que de personnes.
Ce caractère actuel de la commandite ressort surtout
de l’article 32 du Code. Le législateur qui défend de
nommer la personne des commanditaires, exige que l’ex
trait déposé fasse connaître le montant des valeurs four
nies ou à fournir par eux. Pour les associés collectifs, au
contraire, l’extrait doit contenir les nom s, mais jamais
les sommes qui forment le fonds capital.
Où trouver la raison de cette différence , si ce n’est
dans la nature distincte de ces deux sociétés? Dans l’une,
véritable société de personnes, les associés, nous dit M.
Emile Vincens x, étant toujours solidairement tenus sur
tous leurs biens, c’est à la personne que s’adressent la
confiance et le crédit, et non au fonds capital ; dans
l’autre, au contraire, la personne s’efface complètement;
elle n’est et ne peut être jamais tenue que jusqu’à con
currence de la mise. La connaissance des noms ne pou
vait ajouter une garantie quelconque ; qu’importe , en
effet, si la mise se réalise , quelle est la main dont elle
provient ? Mais ce qui était véritablement utile, c’était de
déclarer cette mise, de la faire connaître au public, qui
i Législation commerciale, t. \, p 317.
�ART.
484, 485.
495
doit y puiser les éléments du crédit qu’on peut accorder
à la société l.
Ainsi les créanciers ne traitent pas avec la personne
des commanditaires. Ce qui le prouve c’est que les noms
ne doivent pas leur être connus. De toute certitude ils
traitent avec la mise, et ce qui le prouve encore c’est que
celle-ci doit être déclarée et publiée. L’article 43 nous
amène forcément à cette conséquence, on l’avoue impli
citement ; car si, comme on d it, la publicité des noms
rend infailliblement les personnes obligées, on ne pour
rait sans inconséquence refuser à la publicité de la mise
un effet identique pour cette même mise.
Il résulte donc de cette disposition de l ’article 43 que
l’apport des commanditaires reste directement obligé
envers les créanciers, et ce qui doit surtout faire consa
crer ce principe admis par les législations antérieures
c’est qu’aujourd’hui on ne traite pas avec un gérant,
mais avec une raison sociale. Nous avons démontré que
le consentement donné à l’emploi de celle-ci constituait,
aux yeux de la loi un véritable m andat2.
Mais, nous dit-on, il faut pour la validité du mandat
que ce qui en fait l’objet soit de nature à pouvoir être
légalement fait par le mandant lui-même ; or, le com
manditaire ne pouvant administrer par lui-même , ne
peut administrer par un représentant3.
1 Qui contrahil cum adminislratore , seu complimentario , polius
crédit ipsi negotio quarn accomandantibus. Rote de Florence, déc. 47,
J. Urcéol, loco cilato.
5 Merlin, Quest. de droit, v° Sociétés, § 2.—Pardessus, Droit com
mercial, t. 4, n» 4032.
3 Consultation pour les commanditaires, p. 72, 73.
�496
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Cette objection renverserait, lés notions les plus essen
tielles de la commandite, en appliquant au gérant une
prohibition qui ne concerne et ne peut concerner que le
commanditaire : qu’un tiers ne puisse administrer au
nom et comme mandataire formel de celui-ci , c’est ce
qui est incontestable. Le commanditaire serait, dans ce
cas, censé administrer lui-même : on nous l’a d it, qui
mandat ipse fecisse videlur.
Mais il est évident que ce qui est défendu pour le
tiers ne saurait l’être pour le gérant. La meilleure de
toutes les raisons c’est que la loi a formellement auto
risé, disons mieux, impérieusement exigé pour celui-ci
ce qu’elle prohibe pour celui-là. C’est au gérant qu’elle
remet la direction du commerce , la régie exclusive de
la chose commune ; c’est à lui qu’elle confie l’emploi de
la raison sociale, la disposition illimitée du fonds capi
tal. N’y a-t-il pas, dans ces circonstances, une présomp
tion légale d’un mandat au moins tacite de la part des
copropriétaires de ce fonds capital et jusqu’à concurrence
de l’apport fait par chacun d’eux.
Pour juger si le mandant pouvait légalement.faire la
chose qui fait l’objet du m an d at, il faut se rapporter à
l’époque où celui-ci a été créé. Au moment de l’acte
chaque intéressé avait sans contredit le pouvoir d’admi
nistrer , de devenir associé en nom collectif ; partant
chacun d’eux avait le droit de déléguer à autrui cette
même administration. Or, cette délégation, la loi la fait
résulter de l’acceptation de la qualité de commanditaire.
Devenir associé commanditaire c’est faire plus encore,
c’est renoncer en faveur d’autrui à l’administration de
�ut
art.
497
484, 488.
la mise que l’on verse et de celle qui est versée par ses
coassociés. Soutiendra-t-on aussi qu’on n’est pas maître
de renoncer à un droit que l’on pourrait exercer ?
Bien loin donc que la qualité de mandant soit incon
ciliable avec celle de commanditaire, il faut reconnaître
que celle-ci suppose à tel point celle-là , que sans cette
supposition il ne saurait exister de société en commandite.
Faut-il s’arrêter à cette assimilation nouvelle entre le
commandité et un commissionnaire ? Ne suffit-il pas de
faire remarquer, entre autres, que le commissionnaire
n’agit qu’en son nom, tandis que le commandité ne peut
agir que sous le nom social ?
Au reste, il est facile de s’apercevoir que l’on continue
pour le Code le système qu’on s’était tracé sous les légis
lations précédentes. On affecte de méconnaître le but des
conditions que le législateur a tracées pour la comman
dite, pour pouvoir faire résulter de chacune d’elles l’ex
clusion de ce qui doit ressortir de leur ensemble.
Ainsi, nous dit-on, comment serions-nous personnel
lement tenus? Notre nom ne peut paraître dans la raison
sociale (art. 23, 25) ; nous ne pouvons administrer (art.
27 , 28) ; enfin l’extrait ne doit pas>contenir nos noms,
et il nous est même interdit de le signer (art. 43, 44).
Il est temps d’en finir avec cette éternelle confusion.
Le commanditaire n’est tenu jusqu’à concurrence de sa
mise seulement que par une dérogation aux règles ordi
naires des sociétés. Cette dérogation tient elle-même à
l’observation stricte des conditions dont elle a été entou
rée. Partant, si le comtpanditaire n’est pas indéfiniment
tenu, s’il ne perd que jusqu’à concurrence de sa mise,
i — 32
�498
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
c’est uniquement parce que son nom ne chante pas dans
la raison sociale ; c’est pa^ce que toute administration
lui est formellement prohibée ; c’est enfin parce que sa
signature ne figure que sur l’acte social lui-même. La
violation d’une seule de ces prohibitions rend le comman
ditaire indéfiniment responsable. Qu’on se prévale de
leur observation pour s’exonérer de cette responsabilité,
on le peut, on le doit ; mais vouloir en exciper pour être
déchargé de l’obligation restreinte à la mise, c’est, nous
osons le dire , prétendre faire résulter l’exemption du
fait qui constitue l’obligation elle-même.
Nous arrivons à l’article 26. On connaît sa disposition
qui n’est que la sanction de celles qui précèdent : l’as
socié commanditaire n’est passible des pertes que jusqu’à
concurrence des fonds qu’il a mis ou dû mettre dans la
société.
Or, on doit comprendre dans les pertes les engage
ments et les dettes qui constituent le passif de la faillite.
Les commanditaires passibles des pertes le sont donc
de ces engagements et dettes. En d’autres termes, l’ar
ticle 26 ne peut signifier que ce que signifiait l’article 8
du titre 4 de l’ordonnance de 1673
Il est vrai qu’il existe dans les termes de l’un et de
l’autre une nuance, mais ce résultat est plus que justifié
par la différence des deux législations sur la commandite.
Sous l’ordonnance de 1673 cette société n’était nulle
ment organisée ; elle n’avait aucun nom, ne recevait au
cune publicité , rien enfin n’en signalait l’existence. Le
gérant traitait seul , il souscrivait en son nom toutes les
obligations sociales ; il fallait en conséquence, en réser
�vant l’action des tiers, fixer la nature de cette action, en
indiquer la portée, expliquer si elle serait ou non sociale,
c’est-à-dire directe ou indirecte.
Sous le Code , au contraire , la commandite est une
vraie société ; elle est régie sous un nom social, elle re
çoit la plus grande publicité. Le caractère de l’action des
tiers était dès lors fixé par la nature de la chose ellemême. Elle ne pouvait être que sociale, elle ne pouvait
que s’étendre contre tous les membres de la société, en
vertu des principes généraux du droit.
Cette action n’avait donc pas besoin de la sanction
d’une disposition expresse ; celle-ci ne pouvait se com
prendre que par l’introduction d’une modification à ces
mêmes principes généraux.
C’est uniquement ce but que s’est proposé l’article 26
qui restreint en faveur des commanditaires l’obligation
illimitée qu’on aurait pu, sans lui, vouloir leur imposer.
Celte spécialité de l’article 26 est exclusive de l’idée qu’il
ail voulu dénaturer l’action qu’il consacre jusqu’à con
currence de la quotité fixée.
L’obligation du commanditaire quelque restreinte qu’
elle soit ne perd pas le caractère qui lui est propre ; elle
n’en est pas moins sociale , c’est-à-dire constitutive en
faveur des créanciers d’une véritable action directe.
Ainsi la différence des deux législations explique par
faitement la nuance de leur disposition, nuance qu’on a
eu raison de qualifier d’insignifiante, d’imperceptible \
car elle est bien plutôt apparente que réelle.
Les expressions de l’article 26 s’expliquent encore par
i Dalloz et Crémieu, Consultation pour la Banque.
�500
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
cette circonstance. On demandait, dans la discussion au
conseil d’Etat, si le commanditaire serait obligé de res
tituer les bénéfices qu’il aurait précédemment reçus. La
négative fut adoptée , et c’est pour indiquer ce résultat
qu’au lieu des mots : obligés aux dettes , on consacra
ceux de : passibles des pertes.
La différence de ces expre-sions e s t, nous le disons,
plutôt apparente que réelle, car, passibles des pertes ne
peut avoir d’autres significations que celle que l’on recon
naît à cette autre locution : obligés aux.dettes.
Passible 1 voilà-l’action directe des créanciers. Ce mot
peut-il avoir une-autre portée , une autre signification
que celle-ci : tenus envers celui qui a droit de réclamer;
or, qui peut réclamer contre une perte, sinon le créan
cier qui doit la supporter ?
Passible ne saurait signifier que le commanditaire
n’est tenu qu’envers le gérant. Les droits de celui-ci sont
consacrés par l’acte social qui n'oblige le commanditaire
que jusqu’à concurrence de sa mise. Il n’était pas né
cessaire que le législateur fit une disposition spéciale pour
réduire une obligation qui , pour le gérant , n’a jamais
été plus étendue. L’acte social ne lui permettait pas de
réclamer autre chose que la mise à laquelle est fixé l’en
gagement du commanditaire à son égard.
Cette circonstance est des plus décisives. Le gérant ne
peut jamais demander autre chose que la mise. Il y avait
donc quelqu’un qui avait à réclamer plus encore, puis
que le législateur a cru devoir limiter à ce terme l’obli
gation du commanditaire? et celui-là qui pourrait-il
être, sinon le tiers créancier?
>
�ART.
484, 485.
501
Ainsi, de toute certitude l’article 26 consacre l’action
directe ; il ne signifie et ne peut signifier autre chose que
ce que disait l’article 8 du titre 4 de l’ordonnance de
1673, quoique dans des termes différents.
Mais, nous dit-on, cette différence est tellement sensi
ble, tellement significative, que M. Merlin,sous l’ordon
nance, dans son réquisitoire de l'an XII, fait dépendre
de là la question d’action directe. Si donc l’ordonnance
se fût exprimée comme le Code, ce magistrat eût été tout
disposé à conclure dans le sens inverse; et c’est ce qu’il
a déclaré lui-même dans l’adhésion motivée donnée à
la consultation en faveur de M. Perregaux
Cette adhésion de M. Merlin donne d’abord le plus
complet démenti au système qu’on disait naguères être
celui de l’ordonnance de 1673; si M. Merlin parait re
gretter quelque chose, ce n’est pas, ainsi qu’on l’insinue,
d’avoir plié le texte de l’ordonnance à une interprétation
qui la dénaturait complètement 1 mais de n’avoir vu
dans le Code que ce qu’il y avait dans l’ordonnance,
qu’il soutient toujours autoriser l’action directe.
Ce fait admis en 1833 par Merlin , est d’autant plus,
important à relever qu’il est la meilleure réponse que
l’on puisse faire à l’adhésion elle-même ; car si l’ordon
nance autorise l’action directe , le Code la consacre in
contestablement ; les auteurs de celui-ci n'ont-ils pas
expressément entendu conserver les dénominations con
nues et leur laisser les effets qu’elles ont toujours eues?
Cette conséquence , comme la volonté de ne rien in
nover, Merlin lui-même nous les enseigne non pas seu1 Consultation pour les commanditaires, p.
77, 78.
�-802
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
lement en l’an XII, mais depuis le Code, mais sous le
Code lui même, et notamment en 1829 lorsque, sous ses
yeux , on réimprimait à Bruxelles cette édition dernière
qu’il enrichissait de tant de savantes annotations.
Merlin , à cette époque , voyait une identité parfaite
de signification dans l’article 26 du Code et l’article 8
du titre 4 de l’ordonnance ; cette opinion est vingt fois
reproduite dans son Répertoire dont nous allons trans
crire quelques passages :
« Le commanditaire ne peut être obligé au delà des
» fonds qu’il a mis dans la société.
» Telle était la disposition de l’article 8 du titre 4 de
» l’ordonnance du mois de mars 1673 : les associés en
» commandite, y est-il dit, ne seront obligés que jus» qu’à concurrence de leur part.
» Le Code de commerce renouvelle et explique ainsi
» cette disposition.1 » Suivent les termes des articles23,
24. 25, 26, 27, 28.
Plus bas et sous l'article 26, Merlin disait encore :
« On a vu plus haut ( sect. 2, § 3, art. 2 ) qu’aux
» termes de l’article 26 qui n’est en cela que l’écho de
» l’article 8 du titre 4 de l’ordonnance de 1673, l’asso» cié commanditaire n ’est passible des pertes que jus» qu’à concurrence des fonds qu’il a mis ou dû mettre
» dans la société. »
Voilà pour l’identité des deux dispositions ; voici pour
celles des conséquences :
« Résulte-t-il de là , comme l’a cru Pothier , que
» l’associé commanditaire ne peut, dans aucun cas, être
i R é p e r t . , v» sociétés, S 3 , a r t . 2 , n ° M , 2 .
�a r t
.
484, 485.
503
» actionné par les créanciers de la société ? Non , il en
» résulte seulement que l’associé commanditaire est quitte
» envers les créanciers en leur abandonnant sa mise. »
Rien n’est assurément plus clair que les termes que
nous rapportons. Merlin pensait donc, même en 1829,'
que le Code de commerce pouvait se plier à l’interpré
tation qu’il faisait lui-même en l’an XII de l’ordonnance
de 1673 ; que la première de ces législations était telle
ment conforme à la seconde qu’elle n’avait d’autre but
que celui de la renouveler ; que notamment l’a,rticle 26
n’était que l’écho de l’article 8 du titre 4 de l’ordon
nance; qu’enfin, dans la pensée des auteurs du Code,
l’action directe ne pouvait être contestée.
C’est cependant tout le contraire que Merlin ensei
gnerait dans l’adhésion ! Le démenti qu’il se donne à
lui-même pourrait surprendre. Mais il n’en serait que
plus méritoire si la doctrine, d’abord soutenue, était ré
ellement entachée d’erreur ; si celle qui lui est substituée
avait un fondement certain dans la loi. Or, on ne sau
rait admettre ni l’un ni l’autre.
Oui, sans doute, il existe entre l’ordonnance et le Code
une différence dans les termes. Mais il est facile de l’expli
quer lorsqu’on se rend compte de la pensée de celui-ci.
En déclarant' le commanditaire solidairement obligé
aux dettes, l’ordonnance permettait de l’actionner direc
tement à toutes les époques. Peu importait que le gérant
fût encore debout et la société in bonis ; il suffisait qu’il
existât une dette. Le créancier avait deux débiteurs tenus
au même titre. Il pouvait donc les poursuivre l’un et
l’autre, ou l’un ou l’autre à son choix.
�504
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Une pareille faculté faisait aux commanditaires une
position incompatible avec la part que la législation nou
velle leur assignait dans la société. Elle pouvait en écarter
les capitaux qu’on cherchait à attirer, et qui ne pouvaient
répondre à l’appel que si les personnes qui s’engageaient
à les fournir et auxquelles on prohibait toute immixtion
dans les affairas sociales, pouvaient et devaient se croire
à l’abri de toutes poursuites de la part des créanciers
sociaux.
Où était d’ailleurs l’utilité de son maintien ? Il n’est
pas de société, quelque florissante qu’on la suppose, qui
n’ait son passif. Tant que l’actif est suffisant pour y faire
face, cet actif peut et doit seul être livré aux exécutions
des créanciers, avec d’autant plus de raison que chacun
d’eux a traité non avec tel ou tel associé, mais avec l’être
moral qui est devenu son débiteur principal. Que si la
société ne peut plus payer on recoure contre ses mem
bres , c’était justice. Mais tant qu’elle est debout et en
état de retnplir ses engagements , c’est à elle qu’on doit
s’adresser exclusivement, et si elle paye , que peut-on
exiger de plus ?
Voilà uniquement ce que le Code a voulu , ce qu’il a
consacré en déclarant les commanditaires passibles des
pertes jusqu’à concurrence de leur mise. On ne saurait
donc se méprendre sur son intention, ni équivoquer sur
l’effet de la différence dans les termes avec l’ordonnance.
On a voulu non modifier ou refuser l’action , m ais, si
l’on peut s’exprimer ainsi, en cantonner l’exercice.
Cette ^intention du législateur se manifeste avec netteté
et évidence dès les premiers pas que l’on fait dans la
�discussion au conseil d’Etat. Aussi nous bornerons-nous
à copier le procès-verbal de la séance relative à la ma
tière des sociétés 1. On pourra se convaincre qu’il n’y a
et ne peut y avoir quelque chose de confus que pour
ceux qui auraient intérêt à ce qu’il en fût ainsi.
M. Merlin ouvrit lui-même la discussion.
« Il attaque la division triparlite qu’établit cet arti» cle 19. Il soutient qu’il n’existe que deux espèces de
» sociétés : la société collective qui unit plusieurs asso» ciés sous un nom social ; la société anonyme qui ne
» porte qu’un nom unique , et dans laquelle entre la
» société en commandite. »
S’il est, nous dit-on, une opinion que Merlin ait ex
primée avec conviction et reproduit avec constance, c’est
celle que la commandite n’est qu’une participation ; que
l’espèce d’uqe société dont la participation est le genre
La confusion dans laquelle on se jette , possible en
Italie et en France sous l’ordonnance de 1673 , ne l’est
plus aujourd’hui que la participation n’est plus, comme
alorsi qualifiée de société anonyme; celle organisée par
le Code , sous ce nom , n’a rien de commun ni avec la
participation ni avec la commandite : on veut bien en
convenir3.
De là résulte bien évidemment que Merlin assimilant
la commandite avec la société anonyme, exclut toute idée
de ressemblance avec la participation.
Ne perdons pps de vue que le projet soumis à la dis1 Loeré, Législation civile, commerciale et criminelle de la France,
t. 47, p. 484 et suiv.
2 Consultation p o u r les commanditaires, p, 88,
3 Ibidem, p. 92.
�506
DUS FAILLITES ET BANQUEROUTES
cussion organisait la société anonyme. Si donc Merlin a
parlé de celle-ci, il n’a pu que vouloir, désigner celle
qui allait être discutée, celle qui fut admise après l’avoir
été dans la même séance.
Merlin, dans l’opinion que nous venons de retracer,
n’a donc pas confondu la commandite avec la participa
tion, et ce qui le prouve bien mieux encore c’est la suite
de la discussion , c’est la réponse de M. Regnaud de
S'-Jean d’Angely. Nous reprenons le procès-verbal.
M. Regnaud dit : « Il y a plusieurs différences entre
» la société anonyme et la société en commandite.
» Dans la première, les associés ne sont pas invaria» blement fixés. La possession des actions leur donne
» le titre; la vente des actions les en dépouiile. Legérant» peut n’être pas associé ; il n’est pas responsable sur
» ses biens, même quand il est associé. Le nom social
» peut n’être désigné que par l’objet de la société. Dans
» la seconde il y a nécessairement un associé gérant et
» responsable sur tous ses biens. Les autres sont des
» associés qui ne sont pas solidaires, et s ’engagent que
» les fonds qu’ils mettent ou s’obligent de mettre dans
» la société.
» Dans la société anonyme on ne peut connaître les
» associés entre lesquels elle est formée. Quand ils sont
» connus ils peuvent gérer sans responsabilité, sans
» solidarité générale. Dans la société en commandite le
» commanditaire n ’est pas caché, il est nommé dans
» l’acte de société, il répond directement quoiqu’en pro» portion do sa mise. Enfin, il ne peut gérer sansde» venir associé pur et simple. »
�Il résulte évidemment de ces paroles que, dans le con
seil d’Etat, on a considéré celles de Merlin dans le sens
que nous soutenons être le seul admissible. La réponse
de M. Regnaud fixe invariablement quelle était l’asso
ciation à laquelle M. Merlin assimilait la commandite,
c’était la société anonyme telle que le Code l’adoptait.
Pour échapper à cette inévitable conséquence on s’est
avisé d’un expédient au moins singulier, c’est de ne voir
dans la réponse de M. Regnaud qu’un exemple de ces
préoccupations, de ces méprises que l’on dit avoir do
miné les discussions du conseil d’Etat. M. Regnaud,diton, répond société anonyme, tandis que M. Merlin parle
participation , et partant de là , il s’évertue à noter les
différences qu’il aperçoit entre la commandite et la so
ciété nouvellement créée1.
Il est certain que si M. Merlin a entendu désigner la
participation sous le nom d’anonyme, la réponse de M.
Regnaud est étrange ,' d’autant plus qu’elle est faite en
présence de Merlin lui-m êm e, qui va sans doute s’em
presser de détromper son collègue sur la véritable portée
de ses paroles. Il est certain en effet qu’une méprise est
impossible chez M. Merlin; lui du moins doit savoir ce
qu’il a voulu dire.
Or, c’est bien Merlin qui répond à M. Regnaud,mais
c’est pour partager ce qu’on dit être une erreur pour
s’associer à cetle préoccupation que l’on reproche à celuici. Voici les termes du procès-verbal :
« M. Merlin admet ces définitions. Mais il ne convient
» pas qu’il puisse y avoir société en commandite entre
1
Consultation pour les commanditaires,
p. 92.
�508
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
deux personnes seulement, dont une gère sous un
nom social, car ce nom annonce au public une société
collective ; et par cela seul qu’un négociant signe : un
tel et compagnie , il manifeste au public qu’il a au
moins un associé non commanditaire. On sait bien
que dans quelques places de commerce on s’est habitué à l’emploi d’un nom social , alors même qu’il
n’existe qu’une société en commandite entre deux
personnes; mais cet usage est une source de surprises
que l’on ne peut prévenir qu’en le proscrivant, car on
ne le préviendrait pas en ordonnant que la société en
commandite sera enregistrée. Elle ne doit pas l’être,
et l’ordonnance de 1673 ne l’exigeait pas, parce qu’il
faut laisser au commanditaire la facilité de demeurer
ignoré. La société en commandite a donc tous les caractères de la société anonyme. »
Merlin admet les définitions auxquelles vient de se
livrer M. Regnaud ; il reconnaît donc que celui-ci a
saisi sa véritable pensée, qu’il ne s’est pas mépris,sur la
nature de la société qu’il a voulu désigner. Il reconnaît
en outre que, telle que la résume celui-ci, la société en
commandite présente bien avec l’anonyme les différences
relevées. Aussi Merlin persistant dans son opinion, s’ef
force-t-il de faire disparaître de la commandite celles
de ces différences les plus marquées. Regnaud vient de
dire que la commandite a un nom social; Merlin de
mande qu’on l’en affranchisse. Regnaud vient de dire
que le commanditaire nommé dans l’acte social est fa
cilement connu par l’enregistrement obligé de cet acte,
et Merlin soutient que cet enregistrement ne doit pas
�\
ART.
484, 485.
S09
avoir lieu, pour laisser aux commanditaires la facilité.de
demeurer ignoré. Ainsi modifiée, la commandite, con
clut-il, a tous les caractères de l'anonyme.
Le nouvel emploi de ce mot est décisif. Merlin vient
d’apprendre quel est le sens qu’on y attache ; et s’il ne
nomme pas la participation, c’est qu’il n’a jamais en
tendu la désigner. Il faudrait, pour prétendre le contraire,
soutenir que Merlin lui-même a partagé la préoccupation
de M. Regnaud , et qu’à son tour il suppose , il croit
avoir dit le contraire de ce qu’il a réellement dit.
La réponse de Merlin prouve donc que celle de M.
Regnaud faisait une juste interprétation de la pensée du
premier. De là résulte la certitudeque celui-ci, dans l’as
similation qu’il soutient exister, a en vue la société ano
nyme nouvellement créée et non la participation.
Comment donc Merlin aurait-il pu confondre la commanditeavec celle-ci. Le Code ne lui refuse-t-il pas même
le nom de société ? a-t-elle d’autres conditions, d’autres
lois que la volonté des parties ? n’est-elle pas restreinte
à une ou plusieurs opérations de commerce? (art. 47,
48, 49, 50). Comment donc aurait-on demandé pour
l'espèce le contraire de ce qu’on exige pour le genre. ?
Nous craindrions, en insistant sur la différence qui sé
pare la commandite delà participation, de paraître atta
cher de l’importance à une assimilation que tout re
pousse, que tout détruit; aussi nous bornerons nous aux
observations qui précèdent et qui justifient que, sous le
Code, Merlin n’a jamais pensé à cette assimilation qu’il
a vingt fois, au contraire,, repoussée formellement L
i
Répert.,
v»
société,
é d it, in -8 » , p . 2 7 8 , 2 9 8 , 3 0 7 .— V o ic i a u re ste ,
�510
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Ce qui ressort encore de la réponse de M. Merlin c’est
qu’en admettant toutes les définitions de M. Regnaud,
il pense, comme lui, que le commanditaire répond di-^
rectement ; cette responsabilité ne fait aucun doute pour
ce dernier qui en fait résulter l’impossibilité de confon
dre les deux sociétés qu’il compare. Merlin n’en doutait
pas plus que lui lorsqu’il écrivait les lignes que nous
avons empruntées à son Répertoire.
On reproche à M. Regnaud d’avoir fait reposer cette
responsabilité sur le motif unique que le commanditaire
est nommé dans l’acte social ; mais ce reproche est luimême fondé sur une évidente confusion ; les parolçs de
M. Regnaud sont exclusives du sens qu’on lui prête. Être
nommé dans l’acte distingue la commandite dans ses
conditions, de même que la responsabilité directe la dis
tingue dans ses effets. C’est cette double différence que
M. Regnaud signale , sans intention aucune de ne voir
dans celle-ci que l’effet de celle-là.
Au reste, ce qu’il importe de remarquer c’est que les
paroles de M. Regnaud n’ont trouvé aucun contradicteur
dans le sein du conseil d’E ta t, moins encore chez M.
Begouen que chez tout autre.
M. Begouen, en effet, professe la même opinion que
Regnaud, car c’est lui qui se charge de réfuter les nou
velles objections de Merlin. C’est à lui et à lui seul qu’il
répond. M. Merlin , nous venons de le voir , soutenait
sur la participation, l ’opinion deM. Cresp lui-même, dans l’ouvrage que
nous avons cité ci-dessus : « Sans parler de la participation classée à
» part des autres, et qui s’en distingue par le fond non moins que par la
» forme, il ne faut pas confondre entre elles la société en nom collectif,
» la commandite, l’anonyme. » A plus forte raison , d’après M. Cresp,
ne doit-on pas confondre l’une de ces trois avec la participation.
�art.
484, 485.
'
511
qu’il ne fallait pas autoriser un nom social dans les com
mandites, ni moins encore exiger l’enregistrement pour
laisser au commanditaire la facilité de rester ignoré.
M. Begouen répond : « Le public ne peut être trompé
» par l’usage qu’on fait d’un nom social. Celui qui for» me l’entreprise est toujours obligé de faire enregistrer
» la société. Si les associés sont solidaires, il le déclare;
» s’il a un ou plusieurs associés commanditaires, il ne
» les nomme pas , mais il déclare quelle est leur mise,
» et cette déclaration est la seule chose qui importe au
» public et forme sa garantie. »
Cette opinion de M. Begouen prévalut sur celle de M.
Merlin. Le Code a adopté un nom social pour les com
mandites,et la nécessité de l’enregistrement comme moyen
pour les tiersde vérifier la sincérité delà déclaration du gé
rant de s’assurer des obligations imposées à chaque associé.
On a cherché encore à dénaturer les paroles de M. Be
gouen qu’on a dit être exclusive des conséquences signa
lées par M. Regnaud et admises par M. Merlin lui-même.
La lecture du procès-verbal nous parait la meilleure ré
ponse à toutes les objections sur ce point. Aussi est-ce à
cette lecture que nous nous en référons. Nous nous bor
nerons à cette seule observation : si la déclaration du
gérant n’avait pour but que de mettre les créanciers sur
la voie, pourquoi exiger que cette déclaration portât uni
quement sur la quotité et l’importance des mises? Ne suf
fisait-il pas pour atteindre ce but d’une déclaration pure
et simple qu’il existait une commandite ? 11 nous semble
que le motif qui fait exclure celle-ci et exiger l’autre,
démontre par lui-même la certitude que ces mises sont
et demeurent affectées au paiement des dettes sociales.
�512
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
C’est à tort au reste qu’on a dit que l’opinion de M.
Begouen avait clôturé la discussion.- Il nous reste à faire
connaître l’opinion de M. Cretet qui est plus explicite
encore que celle de M. Regnaud lui-même. Voici ce qui
la provoqua.
M. Louis, qui parla après M. Begouen, proposait de
qualifier ainsi les trois sortes de sociétés : la société so
lidaire; la société mixte ; la société sans nom.
Voici la réponse de M. Cretet que nous copions tex
tuellement :
« Il n’y a aucun avantage à repousser les dénomi» nations usitées et parfaitement entendues.
» Si l’on veut changer les choses il y a plus d’incon» vénients encore : la société en commandite n’existe
» qu’en France ; elle n’est pas usitée en Angleterre, et
» on l’y désire généralement. C’est une combinaison
» utile et ingénieuse pour associer à une entreprise les
» capitaux de ceux qui ne veulent pas en partager indé» Animent les chances.
» On dira que dans ce contrat les choses ne sont pas
» égales entre les associés ; que le commanditaire partage
» dans tous les bénéfices, tandis qu’il ne s’expose qu’à
» des pertes limitées.
» Mais si on lui refusait ces conditions , ses capitaux
» ne tourneraient pas au profit du commerce, et d’ail» leurs il y a une véritable compensation en ce qu’il
» ne lui est pas permis de gérer.
» La loi ne s’était pas assez expliquée sur ces sortes
» de contrats. La jurisprudence seule a établi qu’en cas
» de faillite de la société le commanditaire pourrait être
�art.
484, 485.
513
» poursuivi pour verser sa mise, s’il ne l’avait pas en—
» core fournie. Le projet consacrece principe et ne laisse
» plus de prise au doute. »
Yeut-on quelque chose de plus précis, de plus clair,
le commanditaire pourra être poursuivi après la faillite
de la société ? Cela peut-il s’entendre autrement que de
l’action directe des créanciers ? Le gérant ne peut-il pas
poursuivre sans cesse en vertu de l’acte social ? Si les
créanciers voulaient agir en vertu de l’article 1166 du
Code civil , ne le pourraient-ils pas , comme le gérant
lui-même, pendant toute la durée de la société ?
Pourrait-on hésiter encore à sanctionner l’action di
recte ? Le projet qui ne laissait plus de prise au doute est
devenu par son adoption la loi qui nous régit ; ne seraitce pas la violer que de douter encore ?
C’est donc avec une parfaite connaissance de cause que
M. Merlin nous disait, dans son Répertoire, que l’arti
cle 26 n ’était que l’écho de l’article 6 du titre 4 de l’or
donnance de 1673. Cette doctrine faisait une application
des motifs de la loi tellement vraie , tellement certaine,
qu’il est impossible d’adopter la rétractation dont on se
prévaut, et dans laquelle Merlin voudrait, en se réfutant
lui-même , donner un démenti formel à l’intention du
législateur.
Ainsi, l’esprit de la loi consacre formellement et sans
équivoque l’obligation personnelle du commanditaire et
l’action directe des tiers. Nous allons prouver que sur ces
deux points la doctrine s’est prononcée avec la même
précision et la même clarté.
Voici comment l’auteur le plus spécial. M. Pardessus,
s’exprime sur les articles 23 et 26 du Code :
x - - 33
�514
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
« On a vu au n° 1027 que les conditions d’une société
en commandite peuvent être rédigées ou devant noiaires ou sous signature privée, comme celles d’une société en nom collectif. L’acte doit être rendu public
par extrait ; cet extrait doit faire connaître que parmi
les associés il y a tant de commanditaires, mais sans
qu’on soit obligé d’indiquer leurs noms : seulement il
faut exactement énoncer en quelles sommes et en quels
objets consiste leur mise, et si elle a été fournie ou si
elle reste à fournir. L’importance de cette énonciation
est très-grande. Elle seule peut apprendre aux tiers
qui traiteront avec la société qu’outre la solvabilité
personnelle et indéfinie des associés responsables et
solidaires, le capital de la société est composé de telles sommes ou valeurs dont les créanciers pourront
demander le paiement aux commanditaires.1 »
On le voit, M. Pardessus ne fait pas résider la garantie
du public dans la déclaration du commandité, mais bien
dans les capitaux déclarés. C’est ainsi qu’il comprend
l’opinion de M. Begouen ; il y voit d’ailleurs si peu l’ex
clusion de l’action directe , qu’il n’hésite pas lui-même
à professer le contraire , d’abord dans le numéro que
nous venons de transcrire , plus explicitement encore
dans le suivant :
« L’associé commanditaire n’est tenu , comme nous
» l’avons vu au n° 1027, que jusqu’à concurrence de
» sa mise. S’il ne justifie pas qu’il l’ait versée, les cré» anciers de la société peuvent le poursuivre directement
» jusqu’à son entier paiement. Il ne serait pas fondé à
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
1 Pardessus, D r o it commercial, 4">e édit. t. 4, p. 116, n° 1029.
�art.
484, 485.
515
»
»
»
»
»
opposer à leur demande la compensation des créances qu’il a u ra it, depuis la formation de la société,
acquises contre le gérant ; n i , s’il n’a pas versé sa
mise , à répondre aux créanciers qu’il ne les connaît
pas et qu’il n’est obligé qu’envers le gérant.
» Dans cette espèce de société les commandités et les
» commanditaires sont tous obligés au paiement des
» dettes, avec la seule différence que les premiers le sont
» indéfiniment et les autres jusqu’à concurrence de leurs
» mises. Si les derniers ne paraissent pas dans les né» gociations qui intéressent la société , ils contractent
» néanmoins avec les créanciers par le ministère des
» commandités à qui ils ont abandonné la gestion exclu» sive ; ils ne peuvent repousser la demande des créan» ciers qu’en prouvant qu’ils ont versé leur mise entre
» les mains des associés responsables et solidaires.1 »
M. Emile Vincens a marché sur les traces de Pardes
sus, non pas, sans doute, dans la brochure qu’on invoque.
Là, M. Emile Vincens n’a eu qu’un but : celui de s’éle
ver contre l’abus, de flétrir l’usage que l’on fait du nom
de la commandite en l’appliquant à ces caisses, compa
gnies, sociétés, alliances, salamandres .minautaure, res
taurants portatifs, assurances contre la perle des procès,
contre le besoin d’argent, qui échappent ainsi à la néces
sité de l’autorisation'prescrite pour les sociétés anonymes ?
Pour connaître quels sont les effets qu’Emile Vmcens
attache aux véritables sociétés en commandite , il faut
recourir à son excellent Traité de la législation com
merciale, et voici ce que nous y trouvons : 3
1 Pardessus, ib id e m , 4me édit., n° 1034.
s
Emile
V in c e n s , D es
sociétés p a r
3 Tome 1. p. 319, n° 5.
a c tio n s ,
p.
22.
�516
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
« Nous avons dit que la seule obligation que le com» manditaire contracte c’est celle de fournir la mise dé» terminée. S’il ne l’avait pas versée complètement ou
» qu’il l’eût reprise, il pourrait être contraint à la réin» tégrer avec les intérêts de droit et les dommages- inté» rêts s’il y avait lieu , e t , en cas de perte, c’est envers
» les créanciers qu’il serait tenu de parfaire la somme
'» annoncée; car s’il répond à concurrence de sa mise,
» il faut l’entendre de celle qu’il a dû verser. »
Tenu envers les créanciers ! Donc Emile Yincens adopte
l’action directe enseignée par M. Pardessus.
Les auteursd’un Traité spècial des sociétés commer
ciales, MM. Malepeyre et Jourdain se rangent formelle
ment à cette opinion.
« Les associés commanditaires,—disent-ils
ainsi
» que nous l’avons enseigné , ne sont obligés au paie» ment des dettes de la société que jusqu’à concurrence
» de leur mise ; mais ils ne sont pas seulement tenus
» envers la société; ils peuvent être aussi poursuivis par
» les tiers créanciers de la société s’ils ne justifient pas
» du versement de la totalité de leur mise.
» L’article 26 du Code de commerce déclarant for» mellementque l’associé commanditaire est passible des
» pertes jusqu’à concurrence des fonds qu’il a mis ou
» dû mettre en société ; il est reconnu qu’il est obligé
» de la même manière que les associés solidaires, mais
» seulement jusqu’à concurrence de sa mise.
» L’associé principal contracte au nom de tous les as» sociés. Les engagements qu’il souscrit réfléchissant de
i
Traité des sociétés commerciales,
P a ris , 1 833, p . 157.
�art.
»
»
»
»
484, 485.
517
la manière réglée par la lo i, les commanditaires ne
peuvent donc se soustraire aux poursuites descréanciers qu’en fournissant la preuve qu’ils ont versé dans
la caisse sociale le montant de leur commandite. »
M. Devaux (du Cher), cet éminent jurisconsulte a prêté
à l’opinion de M. Pardessus l’appui de sa haute autorité.
Voici comment il s’exprimait dans la consultation qu’il
rédigeait en 1832 dans l’affaire Armand Lecomte 1 :
« L’article 26 porte : L’associé commanditaire n’est
» passible des pertes que jusqu’à concurrence de sa mise.
» La mise seule est donc responsable et non la per» sonne; et quand la mise est opérée qu’importe la
» personne ? Tant que la mise n’est pas réalisée et jus—
» qu’à ce qu’elle le soit il y a, comme on l’a fait obser» ver, obligation personnelle du souscripteur , et par
» conséquent connaissance nécessaire de la personne du
» souscripteur pour le contraindre à réaliser sa mise.
» Mais la réalisation consommée , la mise seule étant
» responsable , qu’importe en quelles mains passe le
» titre de propriété de la mise ? »
Plus haut M. Devaux a déjà dit : « Le public qui traite
» avec le gérant de la commandite contracte en consi» dération: 1 ° de la confiance personnelle qu’inspirent
» la moralité, la fortune, le talent administratif du gé» rant, et 2 ° des capitaux dont il peut disposer et qui
» forment le fonds social.
» Le public a deux responsabilités à exercer, deux ga» ranties à faire valoir : 1” la responsabilité qui pèse
» sur les gérants d’une manière indéfinie, et qui engage
1 ü. P., 32, 2, 107.
�518
DES FAILLITES .ET BANQUEROUTES
»
»
»
»
non pas seulement leur mise sociale, mais encore leur
fortune individuelle ; 2 ° la responsabilité qui absorbe
tout le capital social composé de toutes les actions prises
par les capitalistes.
» Tout capitaliste qui souscrit pour une action s’engage
» personnellement pour toute la somme promise au paie» ment de celte action. De là il résulte qu’il y a une
» obligation de l’actionnaire envers le public de payer
» le prix de son action. Mais c’est la seule obligation
» positive que contracte le bailleur de fonds. »
On ne saurait définir avec plus de lucidité , de vérité
et de raison la nature et les effets de la société en com
mandite. On ne saurait rien ajouter à ces paroles pour
prouver l’existence de l’action directe qu’elles établissent
avec un rare discernement.
M. Dalloz , avant de rédiger la consultation pour la
Banque de France, avait déjà énoncé dans sa Jurispru
dence générale l’opinion qu’il développe avec tant de
force dans cette consultation.
« Les associés commanditaires, —avait-il dit —dans
» les négociations qui intéressent la société, sont censés
» s’obliger envers les tiers jusqu’à concurrence de leur
» mise , par le ministère des commandités , et peuvent
» en conséquence être directement actionnés par les cré» anciers de la société, s’ils ne justifient pas de l’entière
» réalisation de leur apport. »
En résultat, l’action directe a été reconnue dans le
conseil d’Etat par MM. Cambacérès, Regnaud, Begouen,
Creiet, Merlin lui-même, sans qu’aucune contradiction
i Tome
v» S o c ié té , ch. 2, sect.
i
art. 2.
�ART.
484, 485.
519
se soit élevée. Parmi les auteurs cette, action a été lourà-tour enseignée par Merlin, Pardessus, E. Vincens, Malepeyre et Jourdain, Dalloz, Persil fils. Pourrait-on dès
lors hésiter à embrasser une opinion qu’éclaire un pareil
faisceau de lumières? Craindrait-on de s’égarer en mar
chant sur les traces de tant et de si grands maîtres ?
L’opinion contraire est, il est vrai, enseignée par MM.
Delvincourt et Rogron, ce dernier éditeur des Cinq Codes
qu’il a revêtus d’annotations bien souvent superficielles;
quant à M. Delvincourt, il n’est pas difficile de se con
vaincre qu’il n’est pas lui-même très-sûr du principe
qu’il n’admet qu’en quelque sorte.
Nous ne parlons pas de M. Favard de Langlade, car
nous pourrions, à notre tour , l’invoquer à l’appui de
notre opinion. Voici, en effet, ce qu’il enseigne relative
ment à la commandite 1 :
<i II y a entre les engagements de ces deux espèces
» d’associés une différence extrêmement importante,
» puisque les associés responsables et solidaires sont tenus
» indéfiniment de tous les engagements contractés par
» la société , tandis qu’au contraire le commanditaire
» n’en est tenu que jusqu’à concurrence des fonds qu’il
» a versés ou dû verser dans la société (art. 26) ; cette
» disposition est conforme à l’ancien droit qui était fondé
» sur l’article 8 du titre 4 de l’ordonnance de 1673.
» L’associé commanditaire est donc quitte envers les
» créanciers en leur abandonnant sa mise. »
S’il est une opinion incontestable , c’est évidemment
celle qui ne voit dans l’article 26 du Code de commerce
1 R é p e r l.
d e n o u v e lle l é g i s l a t .,
v°
so c ié té ,
chap. 3, sect. 1. § 2, n* 3.
�520
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
qu’une disposition identique avec celle de l’ordonnance;
tous les auteurs sont d’accord sur ce point ; on peut voir
que M. Favard l’admet sans difficulté aucune.
M. Favard reconnaît encore l’obligation du comman
ditaire vis-à-vis les tiers ; il le déclare tenu des engage
ments sociaux. Il ajoute qu’il n’est quitte envers les cré
anciers qu’en leur abandonnant sa mise.
Conçoit-on que M. Favard de Langlade ait pu vouloir
dire, dans une des sections qui suivent, que ce même
commanditaire n’est tenu de rien envers les créanciers?
Mais quel besoin a-t-il dans ce cas de leur abandonner
sa mise ? S’il ne doit rien, il n’a nullement à s’acquitter
envers eux. M. Favard serait donc tombé dans la plus
étrange, la plus incroyable contradiction.
Ainsi, des deux professeurs qui enseignent l’action in
directe , l’un hésite , l’autre se contredit. On ne saurait
donc préférer leur opinion à cette masse imposante d’au
torités qui soutiennent l’opinion contraire.
Ajoutons que cette dernière doit d’autant plus être a doptée, qu’elle est celle pratiquée de nos jours en Italie.
Àzuni nous l’atteste dans son dictionnaire qu’il éditait en
1822. A ce témoignage nous pouvons joindre celui non
moins important d’un célèbre professeur de l’académie
de Pise \ Pourrait-on hésiter à proclamer vrai ce que les
héritiers des Casaregis, des Ansaldus nous enseignent
être tel ?
Concluons donc que l’esprit de la loi, que la doctrine
s’unissent formellement dans l’admission de ce principe,
i Lorenzo Quartïeri, lnsliluzionc digiurisprudenza romana cl fra n ccse comparata, t. 2, p. 234, n° 638.
�art.
484, 485 .
521
que la commandite produit contre tous les associés des
effets spéciaux. Chacun de ces associés est obligé envers
les créanciers dans les limites adoptées par la loi : l’as
socié solidaire en vertu de cette même solidarité, l’associé
commanditaire en force du mandat qu’il est censé don
ner au complimentaire de l’engager pour le montant de
sa commandite. L’action contre les uns et contre les au
tres participe donc de la même nature, reconnaît la mê
me origine, se justifie par les mêmes motifs. Si le tiers
qui contracte avec la société a confiance dans la mora
lité , la fortune du gérant, il n’en accorde pas moins à
la mise qu’il connaît, qu’il sait devoir former le capital
social ; il traite avec celui-ci autant qu’avec le gérant;
il doit pouvoir exercer contre tous les deux les actions
qui naissent de sa qualité de créancier.
Nous sommes loin de méconnaître les considérations
\ que l’on fait valoir ; sans doute on a reconnu l’excellence,
l’utilité des sociétés en commandite ; sans doute on a
voulu encourager cette combinaison utile et ingénieuse
pour associer aux entreprises du négoce les capitaux de
ceux que leurs chances éloignent, et c’est pour cela, com
me nous le disait M. Cretet, que les choses ne sont pas
égales entre les associés, que le commanditaire partage
dans tous les bénéfices,.tandis qu’il ne s’expose qu’à des
pertes limitées. Si on lui refusait ces conditions, ses ca
pitaux ne tourneraient pas au profit du commerce l.
Voilà tout ce que la loi a fait en faveur des comman
ditaires ; voilà donc tout ce que les magistrats peuvent
faire à leur tour. Perte limitée, c’est ce que nous deman
dons, c’est ce que notre action a pour but d’obtenir.
i Procès-verbal du conseil d’Etat,—Locré, loco cilalo, 1 .17, p. 186.
�03525
DES FAILLITES F,T BANQUEROUTES
Pourrait-on nous refuser cette action sans se mettre
en contradiction avec la loi, avec les principes ? Mais at-on bien mesuré les conséquences de l’action indirecte
à laquelle on veut nous restreindre ? C’est au nom de la
commandite, dans son intérêt qu’on la demande ! Mais
c’est sa ruine complète qu’on sollicite. Qui désormais
aura confiance dans une société pareille, lorsqu’il sera
permis au gérant de faire disparaître , par sa collusion
aveu ses associés, le gage qu’on aura offert au public?
Il suffira au gérant de donner une déclaration, de con
sentir une contre lettre, et lorsque après sa ruine com
plète on demandera compte aux associés de leur mise,
on sera froidement éconduit au moyen de ces déclara
tions , de ces contre-lettres ! Pourrait-on donner aux
spéculateurs de l’époque une arme plus terrible contre
la fortune publique ?
,
C’est ce résultat que l’on réclame cependant, c’est à
ce but que l’on doit nécessairement atteindre , si, dans
les créanciers, il ne faut voir que le gérant lui-même.
Sans doute les commanditaires ont pu être trompés;
mais pourquoi ont-ils été imprudents? Ils étaient maîtres
de s’associer , d’accepter ou de refuser le gérant. Que
n ’ont-ils, dans l’origine, exigé toutes les sûretés qui de
vaient les garantir? Leur intérêt leur en faisait une loi
impérieuse. Que si trop de confiance les a entraînés,
faudra-t il rendre responsables de cette faute ceux-là mê
me que celte faute a précipités dans l’abîme ? Il y a en
tre les créanciers et les commanditaires cette énorme dif
férence que ceux-ci pouvaient, avec plus de prudence,
se soustraire au danger ; tandis que les premiers devaient
�a r t
.
484, 485.
523
nécessairement succomber. Comment auraient-ils pu
douter d’un crédit assuré par un acte d'association re
vêtu des formes voulues par la loi ?
On ne saurait donc leur refuser la seule réparation
qu’ils puissent obtenir et dont l’insuffisance démontrée
ne pourra que diminuer, sans la combler, la perte que
leur a occasionné l’imprudence des signataires de la com
mandite. Cette réparation ils la trouveront dans l’action
directe que leur assurent l’esprit, le texte de la loi , la
plus incontestable doctrine.
C’est dans le même sens que s’est prononcée la juris
prudence des tribunaux et cours de la république.
Plusieurs décisions du tribunal de commerce de Mar
seille ont consacré l’action directe ; la plupart d’entre
elles n’ont pas même été frappées d’appel ; ce qui prouve
que, juges ou parties, les négociants de cette ville qui
occupe en Europe un si haut rang commercial, ne re
gardent pas cette opinion comme douteuse L
Le tribunal de commerce de Montpellier a adopté cette
jurisprudence; il a, il y a peu de temps, rendu un ju
gement qui n’a pas même été déféré à la cour.
La cour d’Aix a , le 10 mars 1820 , rendu un arrêt
conforme sur la plaidoirie du savant et si regrettable
Chansaud.
La cour de Nimes s’est expliquée dans le même sens
dans l’affaire de MM. Barneaud et Saunier, de Gap, com
manditaires de la maison Brousse.
Toutes ces décisions ont jugé la question in terminis.
Toutes ont décidé que le commanditaire qui n’avait pas
1 Glariond,
t. 4, p 233; t. 4, p. 45.
�524
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
versé pouvait être contraint par les créanciers non payés
par le gérant.
Le système de ne voir dans les créanciers que les
ayants cause du gérant a encore été renversé par la cour
de cassation.
Ainsi, le 14 juillet 1838, cette cour a décidé : qu’un
associé commanditaire ne s’étant libéré qu’au moyen
d’un transport de créances, et le débiteur ayant compensé
la dette avec une créance qu’il avait lui-même sur l’as
socié responsable personnellement, le transport opéré
par le commanditaire n’a pu équivaloir au versement
effectif de fonds auquel il était tenu vis à-vis des tiers
par l’acte de société. Si ces tiers n’étaient jamais que les
ayants cause du gérant, celte décision se fut sans aucun
doute prononcée en sens contraire ; vis-à-vis de celui-ci
le transport était sans contredit valablement fait.
Enfin la cour de cassation vient, par un arrêt du 27
mai 1839, de consacrer en termes formels ce qui n’était
qu’une induction dans l’arrêt qui précède. Elle a décidé
que : « Lorsqu’un acte de société a été publié conformé» ment à l’article 42 du Code de commerce comme acte
» de société en commandite , les associés ne sont plus
» recevables à contester son caractère à l’égard des tiers
» qui ont contracté de bonne foi avec le gérant. Ils ne
» peuvent pas, par exemple, à l’aide de clauses parti—
» culières soustraites à la connaissance des tiers , faire
» considérer l’acte publiquement qualifié de société en
» commandite comme un simple prêt par actions l.
Comment conciliera-t-on les termes si précis de cet
1 Gazelle de» tribunaux , n» 4,301,
du 23 juin 4839.
�ART.
484 , 485 .
525
arrêt avec la prétention de ne voir dans les commandi
taires que de simples prêteurs, de capitalistes et pas autre
chose ? Comment les conciliera-1-on avec l’allégation
que les créanciers ne sont que les ayants cause, ne peu
vent qu’exercer les droits du gérant ? Est-ce que celuici n’est pas lié par les conventions qu’il a-souscrites avec
ses coassociés ? Si donc ces conventions ne sont pas obli
gatoires pour ces tiers , si d’après la cour de cassation
on ne peut pas même les leur opposer, il s’ensuit néces
sairement qu’on ne saurait refuser à ces tiers le droit
de venir en leur nom réclamer l’exécution des clauses
qui leur sont acquises par la publicité qu’elles reçoivent
et sous la foi desquelles ils ont traité avec la société.
Enfin, la cour de Paris a eu deux fois dans la même
année à s’expliquer sur la question. La première fois le
23 février, et la seconde le 24 août 1833.1
On s’évertue à créer entre ces deux décisions une con
tradiction qui n’existe pas. Le même principe, en effet,
a dicté l’une et l’autre. Il n’y a pour s’en convaincre
qu’à les rappeler.
L’arrêt du 23 février admet l’action directe. En voici
les motifs : « Considérant que si pendant l’existence de
» la société les tiers ne peuvent diriger leur action que
» contre l’associé gérant, c’est que lui seul alors repré» sente la société tout entière , et que les créanciers
» n’ont aucun intérêt à agir contre les commanditaires
» tant que la société exécute ses engagements à leur
» égard. Qu’il suit de là qu’après la dissolution de la
» société par suite de la faillite, les créanciers de la so~
1 D. P . 33. 2, U9, 244.
�526
»
»
»
»
»
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ciélé peuvent exercer leurs droits contre chacun des
associés géraifis ou. commanditaires , dans la limite
des obligations auxquelles chacun d’eux est soumis ;
qu’en pareil cas l’action des créanciers contre les commanditaires est directe et personnelle. »
Il y avait faillite dans l’espèce de cet arrêt, et en con
séquence des motifs visés par la cour l’action directe,
ainsi que nous l’avons déjà énoncé, fut admise.
Dans l’arrêt rendu le 24 août cette circonstance déci
sive ne se rencontrait pas. La Banque de France pour
suivait M. Perregaux, commanditaire de la maison Laf
fitte. Cette maison n’étant pas en faillite , l’action de la
Banque fut déclarée non recevable. Ce résultat l’arrêt du 24 février lui-même le faisait
assez pressentir. Ne dit-il pas que tant qu’existe la so
ciété les tiers ne peuvent actionner que le gérant ? N’ad
met-il pas l’action directe et personnelle qu’a près la dis
solution de la société par suite de la faillite ? Le fait est
donc, dans les affaires de ce genre, le guide le plus ab
solu du droit. Or, nous le répétons, la maison Laffitte
était seulement en liquidation. L’arrêt du 24 août qui
refuse l’action directe ne fait donc qu’une juste applica
tion de l’arrêt du 23 février.
Loin donc de revenir sur sa jurisprudence la cour de
Paris l’a au contraire explicitement confirmée. Elle a jugé
en août ce qu’elle avait jugé en février. C’est toujours
un principe identique qui la guide. Cela ressort claire
ment des termes même de ses arrêts.
Mais, nous dit-on, qu’importe qu’il y ait ou non fail
lite ? Comment l’événement postérieur de celle-ci peut-
�art.
484, 485.
527
il influer sur l’action? Ou les créanciers ont acquis cette
action en traitant et la faillite ne peut rien ajouter ni
rien ôter à leurs droits, ou ils n’ont alors acquis aucune
action de ce genre ; et nous ne voyons pas comment la
faillite en survenant aurait pu leur donner l’action qu’ils
n’avaient pas dans l’origine L
On confond l’exercice d’un droit avec le droit luimême.
Nous l’avons prouvé, les créanciers en traitant avec le
gérant traitent avec le commanditaire ; ils ont donc l’un
et l’autre pour obligés directs dans les proportions re
quises. L’action contre tous est dès ce moment certaine.
Mais les lois sociales sont exécutoires pour les tiers
comme pour les associés. Dès l’instant qu’on contracte
avec une société on est obligé de se conformer aux pres
criptions de l’acte social, de suivre dans l’exécution les
conditions tracées par la loi. Or, la loi et l’acte social
veulent que la commandite soit exclusivement régie par
le gérant ; les associés ne peuvent s’immiscer ; c’est donc
contre le premier seul que doivent être dirigées toutes
les actions sociales.
D’ailleurs , ici comme en tout, l’intérêt est la mesure
de l’action ; quel est celui des créanciers à recourir contre
le commanditaire, si le paiement qu’ils réclameraient de
celui-ci pouvait leur être fait par le gérant ?
Ainsi, le droit des créanciers existe pendant toute la
durée de la société. L’action directe naît de l’engagement
et avec cet engagement lui-même ; mais son exercice est
suspendu parce qu’il est inutile ; tant que le gérant paie
les créanciers n’ont pas besoin d’autres recours.
1 Consultation peur les commanditaires, p.
404.
�528
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
C’est ainsi que l’admet l’arrêt de la cour de Paris ;
c’est ainsi que le comprend un jurisconsulte éminent,
M. Odilon B arrot, dans l’adhésion qu’il a donnée à la
consultalion de MM. Dalloz et Crémieux ’.
On comprend dès lors que la suspension de cet exer
cice soit levée au moment où disparaissent les causes
qui l’ont motivée. La faillite modifie d’une manière pro
fonde la société , enlève toute possibilité de paiement,
proclame l’insolvabilité notoire du gérant. Qui pourrait
donc s’opposer encore à ce que les créanciers fissent va
loir tpus leurs droits ?
Ainsi, le point de savoir si les créanciers peuvent ou
non agir directement contre les commanditaires dépend
uniquement de la faillite du commandité ; c’est ainsi que
le consacre la cour de Paris dans les arrêts que nous
examinons. Loin de se contredire ces deux arrêts ne pro
clament qu’une seule et même chose ; celui du 24 août
n’est qu’une conséquence immédiate et directe de celui
du 13 février.
Mais, ajoute-t-on , la cour de Paris dans l’arrêt du
24 août ne s’est décidée par aucun argument tiré de
l’absence de l’état de faillite2. •
L’argument le plus puisssant à cet égard était la po
sition des parties ; c’est à cette position convenue que se
rapporte l’arrêt. Ce n’était pas une thèse de droit qu’
avait à démontrer la cour ; elle ne pouvait qu’appliquer
le droit à l’espèce, et ce qui dominait celle-ci était sans
contredit l’absence de toute faillite.
*
1 D. P.. 33, 2, 144.
2 Consultalion pour les commanditaires,
p. 101.
�On peut se faire à cet égard d’autant moins de doute
que les défenseurs de M. Perregaux, M.Valismenil luimême interprétant eomme nous l’arrêt du 13 février, ne
manquaient pas de faire remarquer que la différence de
position devait amener une différence dans les résultats
en vertu même du principe consacré par cet arrêt.
« Cet arrêt en le prenant tel qu’il est décide la ques» tion en faveur de M. Perregaux; car s’il admet l’ac» tion directe contre le commanditaire c’est seulement
» dans le cas de faillite. Or, nous n’avons pas besoin de
» dire que la maison Laffitte n’est ni en faillite ni dans
» un état analogue ; elle est en liquidation. Or, qu’est» ce qu’une maison en liquidation? C’est celle qui ayant
» cessé ses affaires s’occupe de solder son passif, de re» couvrer son actif. L’état de liquidation , loin de faire
» présumer l’insolvabilité, fait au contraire présumer la
» solvabilité. En matière commerciale la déclaration de
» faillite peut seule établir l’insolvabilité , puisque tout
» commerçant qui cesse ses paiements est en état de
» faillite. Le commerçant dont personne ne poursuit la
» déclaration de faillite est donc censé continuer ses
» paiements, et par conséquent être solvable. Cette vérité
» certaine en thèse générale est d’autant plus incontes» table dans l’espèce que, par acte du 4 décembre 1830
» et d’autres actes postérieurs, la Banque a reconnu la
» solvabilité de la maison Laffitte. Il n’y a donc rien de
» commun entre la situation actuelle et celle sur laquelle
» la cour a prononcé. »
Voilà les inspirations de fait qui présidèrent à l’arrêt
du 24 août. Les défenseurs de M, Perregaux loin de
i — 34
�530
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
répudier celui du 23 février l’invoquaient en leur faveur.
Ils sollicitaient la cour d’être conséquente avec ellemême, d’appliquer encore le principe déjà admis : « que
» tant que la société existe c’est le gérant qui peut seul
» être attaqué. » Aurait-on parlé ainsi, si dans l’espèce
il y avait eu faillite ? La cour elle-même serait-elle re
venue de sa jurisprudence ?
Concluons donc que le fait doit nécessairement influer
d’une manière puissante sur le d ro it, et que l’action
directe si elle peut être contestée lorsqu’il n’y a pas
faillite, ne saurait l’être lorsque celle-ci est venue dé
montrer l’insolvabilité du gérant.
Vainement dit-on que cette distinction serait contraire
à toutes les notions du droit et des choses. Qu’importe
pour l’existence du droit que son exercice reste plus ou
moins longtemps suspendu ? si d’ailleurs cette suspen
sion est le résultat de la volonté du législateur ; si elle
est la conséquence forcée de la nature des choses ? Oui.
le commanditaire contracte avec les tiers par le minis
tère du gérant, personnellement et directement jusqu’à
concurrence de sa mise. Et ce qui fait que l’existence de
la société empêche ces mêmes tiers de s’adresser au
commanditaire, c’est qu’ils ne sont pas maîtres pendant
cette existence de choisir entre les débiteurs de la même
dette. La loi le leur défend 1 ; la nature de la société s’y
oppose. Le tiers doit connaître l’association avec laquelle
il contracte ; il doit savoir que la commandite ne peut
être administrée que par le gérant; que celui-ci pendant
1 Voy, l’opinion de M. Cretet ci-dessus citée; — Procès-verbal de la
discussion au conseil d’Etat.
�toule la durée de la société peut seul recevoir et payer
pour tous. Il se soumet à ces conditions en traitant avec
une commandite. Pourquoi voudrait-il attaquer le com
manditaire si le gérant est en mesure de le payer ? Cela
ne suffit-il pas à ses intérêts ?
La faillite fait évanouir toute possibilité de ce paiement.
Alors s’ouvre l’intérêt des tiers , et c’est aussi à ce mo
ment que la loi a dû leur rendre et leur rend en effet la
plénitudcdeleurs droitsqu’elle avait jusqu’ici suspendus.
' Alors en effet il n’existe plus de société, plus d’adminis
tration; il n ’y a et ne peut y avoir que des créanciers et
des débiteurs.
L’état de faillite pèsedoncd’un grand poids dans l’ap
préciation des droits des créanciers. La modification qu’il
apporte à la société est puissante et décisive. L’absence
de cet état dans l’espèce du dernier arrêt de la cour de
Paris a seule pu le déterminer. Seule, sans doute, elle a
aussi motivé l’adhésion de M. Merlin. Il est permis de
croire que , sans cette circonstance , le plus profond de
nos jurisconsultes ne serait pas venu donner un démenti
aux principes qu’il avait toujours professés.
La jurisprudence est donc unanime comme la doc
trine , comme la législation elle-même. Sous toutes les
périodes que nous avons parcourues nous avons vu cha
cune d’elles atteindre le même but, consacrer le même
résultat. La cause des créanciers est donc invincible à
l’abri de ce triple rempart.
Sur cette discussion la cour de Grenoble d’abord, celle
d’Aix ensuite 1 ont consacré le système que nous avions
i Voy. ces arrêts, l’un du 18 mars 1840, l’autre du 22 juillet suivant,
dans le Recueil de MM. Tavernier et Castellan, t. 1, p. 386, 400
�développé, et accordé aux syndics l’action directe qu’ils
réclamaient.
Depuis ces arrêts deux magistrats éminents se sont
occupés de la question et l’ont résolue en sens inverse.
M. Troplong1 pense que sous l’ordonnance de 1673
l’associé commanditaire n’était pas, en général, directe
ment tenu ; mais que dans le nombre infini d’espèces
diverses que révélait la commandite à cette époque il y
avait des sociétés formellement qualifiées de sociétés en
commandite, qui comportaient l’action directe des tiers.
Au reste , ajoute M. Troplong , on ne doit pas trop
argumenter des autorités et des idées qui se rencontraient
dans l’ancienne jurisprudence. Le Code de commerce en
organisant la commandite a, tout à la fois, abandonné
certains errements de la commandite italienne et trans
formé la commandite française, et c’est ainsi qu’il est
arrivé à consacrer l’action directe.
M. Delangles professe une opinion diamétralement con
traire. Ainsi, il admet que l’action directe était autorisée
par le droit ancien, mais qu’elle ne peut plus l’être sous
l’empire du Code de commerce.
Pour justifier cette dernière proposition cet auteur exa
mine la commandite à deux époques. Tant que la société
est in bonis, dit-il, il n’y a pas d’action de la part des
créanciers contre les commanditaires ; après la faillite
cette action ne saurait exister que si elle était créée par
la faillite elle-même. Or , celle-ci rend les droits exigi
bles, dessaisit le débiteur, mais ne donne jamais à per
sonne un droit plus ample que celui qui existait avant.
i Des sociétés civiles et commerciales, nos 829 et suiv.
n» 270
9 Des sociétés commerciales,
�art
. 484, 485.
533
M. Delangle a raison dans la première partie de son
argument. Tant que la société est in bonis on ne saurait
admettre l’action directe contre les commanditaires. Cela
n’est plus contestable. Ainsi, M. Troplong enseigne luimême que tant que le gérant est debout, c’est lui seul
qui doit être actionné L Mais les conséquences que le
premier tire de ce principe ne nous paraissent ni justes
ni logiques.
Nous avons déjà dit qu’on ne doit jamais confondre
l’action , c’est-à-dire la mise en mouvement du droit
avec le droit lui-même. Celui-ci est nécessairement pré
existant à l’autre, puisque seul il peut la créer et l’au
toriser.
Ainsi le droit est acquis au moment où l’obligation est
régulièrement contractée. Le créancier puise dans cette
obligation la faculté de contraindre la société ; or , tout
le temps que celle-ci fonctionne elle se personnifie dans
le gérant que la loi elle-même constitue son seul et uni
que représentant.
On comprend dès lors que seul il ait qualité pour
répondre aux actions qui la concerne ; nul autre que lui
ne saurait donc être attaqué, bien moins encore le com
manditaire à qui il est interdit de s’immiscer dans l’ad
ministration.
La faillite se réalisant la société est dissoute , la sol
vabilité du gérant s’évanouit ; il ne reste plus que des
droits personnels à exercer , qu’un actif à réaliser. Dès
lors s’ouvre aussi non pas le droit, mais l’action contre
tous les détenteurs de cet actif.
i Loco cilalo, n» 841.
�534
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Si parmi ceux-ci figurent des commanditaires, pour
quoi les excepterait-on de la règle commune? Personne
ne les représente plus. Aucun intermédiaire obligé ne
s’offre aux yeux des créanciers, et en conséquence l’exer
cice des droits qui leur appartient ne peut et ne doit
rencontrer aucun obstacle.
Ce n’est pas un droit qui naît de la faillite, mais seu
lement un fait qui rend possible ce qui ne l’était pas
avant. Les créanciers doivent dans tous les temps être
payés. Avant la faillite ils ne pouvaient l’être que par le
gérant; depuis, celui-ci étant manifestement impuissant,
c’est à chaque membre de la société qu’ils peuvent de
mander ce paiement.
La faillite ne crée pas le droit, il en ouvre seulement
l’exercice. L’objection de M. Delangle tombe par cela seul.
Il est vrai cependant que l’on pourrait arriver au
même but par l’action oblique. Mais ce qui doit faire pro
scrire celle-ci c’est qu’elle soumettrait les créanciers à des
chances qu’on ne saurait leur infliger sans injustice ;
ainsi les actes émanés du gérant leur seront opposables
alors même que ces actes entraîneraient la libération des
commanditaires. Des contre-lettres mêmes obligatoires
contre le gérant, le deviendraient contre les créanciers 1
Ces conséquences seraient tellement monstrueuses, ren
verseraient à tel point les principes les plus formellement
consacrés par la lo i, que M. Delangle lui-même n’hé
site pas à les repousser. Ainsi il enseigne qu’une quit
tance du gérant, qu’un arrangement fait avec lui, qu’
une compensation admise par lui ne sauraient être uti
lement opposés aux créanciers; mais c’est là précisément
répudier les principaux effets de l’action oblique.
�art.
4-84, 485.
535
Un système se juge par ses conséquences. En condam
nant celles de l’opinion qu’il soutient, M. Delangle con
damne son opinion elle-même et la rend inacceptable.
La cour de cassation nous a donné raison. Par arrêt
du 28 février 1844, la chambre civile après une longue
délibération rejeta le pourvoi formé contre les arrêts de
Grenoble et d’Aix, et consacra l’action directe. Depuis,
de nombreuses décisions dans le même sens ont défini
tivement fixé la jurisprudence \
1 D. P., 44, 1, 145.
FIN DU PREMIER VOLUME
�TABLE DES CHAPITRES
PAGES
P ré fa c e ........................................ ................................................
'
Loi sur les faillites et banqueroutes.— Préambule...............
1
Livre III. Titre I. De la faillite. Dispositions générales-----
22
Chap. 1. De la déclaration de faillite et de ses effets...........
43
Chap.
2.
De la nomination du juge-commissaire.................
2G6
Chap. 3. De l ’apposition des scellés et des premières dispo
sitions à l’égard de la personne du failli...........
278
Chap. 4. De la nomination et du remplacement des syndics
provisoires............................................................
317
Chap. 5. Des fonctions des syndics.........................................
353
Sect. 1. Dispositions générales...............................................
353
Sect. 8. de la levée des scellés et de l’inventaire..................
398
Sect. 3. De la vente des marchandises et meubles et des re
couvrements..........................................................
418
§ 1. La commandite en Ita lie ................................................
438
§
2.
La commandite sous l ’ordonnance de 1673..................
455
§ 3. La commandite sous le Code.........................................
481
FIN DF. LA TABLE DES CHAPITRES DU PREMIER VOLUME
��
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/332/RES-20983_Bedarride_Traite-faillites-2.pdf
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PDF Text
Text
T ÏJ T ï
TRAITÉ
DES
COMMENTAIRE
DE L/V LOI DD 28 MAI 1838
PAR J. BÉDARRIDE
Tome 2
Avocat près la Cour d’appel d’Aix, ancien Bâtonnier
Membre correspondant de l’Académie de Législation de Toulouse
Chevalier de la Légion d’Honneur
CINQUIÈME ÉDITION
Revue et mise au courant de la doctrine et de
TOME DEUXIÈME
a»asu s
I. .
L A RO S E ,
22,
a ix.
LIBRAIRE
RUE SO UFFLOT, 2 2 !
ACHILLE MAKAIRE, LIBRAIRE
i
Æ8 7 S
2,
RUE PONT-MOREAU, 2
�T ÏJ T ï
TRAITÉ
DES
COMMENTAIRE
DE L/V LOI DD 28 MAI 1838
PAR J. BÉDARRIDE
Avocat près la Cour d’appel d’Aix, ancien Bâtonnier
Membre correspondant de l’Académie de Législation de Toulouse
Chevalier de la Légion d’Honneur
CINQUIÈME ÉDITION
Revue et mise au courant de la doctrine et de
TOME DEUXIÈME
a»asu s
I. .
L A RO S E ,
22,
a ix.
LIBRAIRE
RUE SO UFFLOT, 2 2 !
ACHILLE MAKAIRE, LIBRAIRE
i
Æ8 7 S
2,
RUE PONT-MOREAU, 2
��GODE DE COMMERCE
LIVRE III. TITRE I. CHAPITRE V.
SECTION IIIe
D E L A V E N T E D E S M A R C H A N D IS E S E T M B ü B L E S ,
ET DEB R EC O U V R E M E N T S
(Suite)
Art. 486.
Le ju g e -c o m m is s a irc p o u r r a , le fa illi e n te n d u ou
d û m e n t app elé , a u t o r is e r le s syn d ics à p ro c é d e r
à la vente d es effets m o b ilie r s ou m a rc h a n d is e s .
I l d é c id e ra si la vente se fe r a so it à l ’a m ia b le ,
so it a u x e n c h è re s p u b liq u e s p a r l ’e n tre m is e de
c o u rt ie r s ou «le to u s a u tre s officiers p u b lic s p r é
p osés à cet effet.
L es sy n d ics c h o is iro n t d a n s la classe d ’o ffic ie rs
p u b lic s d é te rm in é e p a r le ju g e -c o m m is s a ir e c elu i
d o n t ils v o u d r o n t e m p lo y e r le m in is tè re .
SOM M AIRE
373. Caractère de la disposition de l ’article 486.
374. La vente du mobilier peut être autorisée comme celle de la
marchandise.
375. Conditions exigées pour la réalisation de l ’une et de l’autre.
376. L’article 486 ne confère qu’une faculté. La décision du juge
est en dernier ressort.
377. Distinction jugée nécessaire entre les effets mobiliers et les
marchandises.
378. Avantages et inconvénients de la vente aux enchères.
U— 4
�2
379.
380.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
C’est au juge à décider si la vente se fera soit à l’amiable
soit aux enchères, et à choisir la classe d’officiers publics
qui devront y présider.
Malgré le silence de l ’article 486 le juge-commissaire peut
ordonner que les marchandises seront vendues à la
Bourse par l ’entremise des courtiers.
5 7 3 . — On ne doit point se méprendre sur le véri*
table caractère de la disposition de l’article 486. La fa
culté de vendre les marchandises et effets mobiliers n’est
qu’une exception autorisée pour un cas extraordinaire,
et non une règle générale que l’on doive suivre dans
toutes les faillites. Il e s t, en effet, dans la pensée du
législateur de maintenir autant que possible les choses
dans un tel état que le failli, s’il obtient un concordat,
puisse se remettre sur-le-champ à la tête de son com
merce, sans autre interruption que celle qui résulte des
formalités nécessaires pour parvenir à cette solution.
Or, la vente préalable des marchandises et meubles
rendrait non-seulement ce fait impossible, mais serait
êncore dans bien des cas un obstacle invincible à tout
concordat. Le failli obligé de se procurer des marchan
dises pourrait n’avoir ni les ressources ni le crédit indis
pensables pour une pareille acquisition ; il se verrait
ainsi dans l’impossibilité d’exploiter son industrie , et
conséquemment d’offrir à ses créanciers autre chose que
le produit des ventes réalisées par les syndics.
La loi n’a donc admis la vente du mobilier et des
marchandises, à cette période de la faillite, que comme
une nécessité à laquelle l’intérêt des créanciers pourra
commander d’avoir recours, si ces marchandises et mo
bilier sont dans le cas de souffrir une forte dépréciation
d’un ajournement quelconque dans leur réalisation.
�art.
486.
3
3 7 4 . — Celle pensée avait été celle du législateur
de 1807. Sous l’empire du Code de commerce les syn
dics provisoires ne pouvaient vendre que les marchan
dises, et encore fallait-il qu’elles fussent susceptibles de
dépérissement ou que leur aliénation fût commandée par
la nécessité de pourvoir aux frais de gestion K Cette res
triction que la doctrine avait admise sans difficultés n’a
pas été consacrée par la loi actuelle. L’article 486 per
met la vente du mobilier, comme celle des marchandi
ses. Mais l’exercice de ce droit nous paraît devoir être
régi par les considérations consacrées par la législation
précédente, avec d’autant plus de raison qu’aujourd’hui
les délais pour arriver au concordat sont beaucoup moins
longs qu’ils ne l’étaient alors.
3 7 5 . — Le caractère de l’article 486 rend parfai
tement raison des conditions exigées pour la réalisation
de la vente, à savoir : l’autorisation du juge-commissaire
d’abord, ensuite l’appel du failli.
Le juge-commissaire ne doit autoriser la vente qu’en
se pénétrant des considérations qui précèdent et qui doi
vent constamment régir l’application du pouvoir que la
loi lui confère. Le failli doit être entendu ou dûment
appelé ; l’intérêt incontestable qu’il a à la mesure qu’il
s’agit d’ordonner justifie, en ce qui le concerne, la pres
cription de la loi. On peut encore ajouter que ses con
naissances spéciales sont de nature à éclairer la religion
du juge sur l’opportunité d’une vente actuelle. Si les
créanciers sont intéressés à retirer de l’actif le prix le
plus élevé , le failli ne l’est pas moins qu’eux-mêmes.
1 Pardessus, n« 1d80.
�4
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Plus la vente sera productive, et plus il y gagnera per
sonnellement par l’extinction proportionnelle de ses det
tes. Il a donc le droit de s’opposer à cc qu’on la réalise
s’il croit le moment défavorable et inopportun.
3 7 6 . — C’est sur les explications du failli et celles
des syndics que le juge refuse ou donne son autorisa
tion. La loi s’en rapporte entièrement à son apprécia
tion. Cette autorisation peut être générale ou partielle ;
elle peut être accordée pour les marchandises, refusée
pour le mobilier ; en un m o t, chargé de concilier tous
les intérêts, le juge use ou n’use pas de la faculté que
lui laisse la loi. Quelle qu’elle soit, sa décision n’est ja
mais susceptible d’aucun recours.
3 7 7 . — Nous venons de dire que l’article 486 place
sur la même ligne les effets mobiliers et les marchan
dises. Nous croyons cependant que dans l’application de
la faculté qui lui appartient le juge-commissaire ne doit
pas hésiter à faire une distinction entre les uns et les
autres. On comprend, en effet, qu’il devienne nécessaire
de vendre les marchandises ; la crainte d’une déprécia
tion, une occasion de s’en défaire avantageusement peu
vent légitimer le parti pris par les syndics et autorisé
par le juge. Mais aucune de ces circonstances ne saurait
être invoquée pour la vente des effets mobiliers. Il est
évident qu’un retard de quelques mois ne leur fera rien
perdre de leur valeur ; tandis que leur aliénation avant
le concordat aurait, si celui-ci venait à être réalisé, les
plus fâcheuses conséquences pour le failli. Elle ne doit
donc être autorisée que s’il y a certitude sur l’issue de
la faillite. Tant qu9 tout espoir d’arrangement n’est pas
�akt.
486.
5
perdu il y aurait de la cruauté à disposer du mobilier
du failli.
378.
— Le mode le plus avantageux pour la vente
des marchandises est sans contredit celui des enchères.
La publicité qu’elles reçoivent, le concours d’acquéreurs
qu’elles déterminent sont autant d’éléments qui augmen
tent les chances d’un bon résultat. D’ailleurs, le procèsverbal de l’officier public qui prête son ministère est une
sauvegarde contre toute dilapidation ; il empêche surtout
toute dissimulation dans le prix.
Mais ce mode n’est pas sans inconvénients. Le plus
grave qui puisse en naître est le préjudice qu’il peut oc
casionner aux marchands de la localité, en inondant la
place d’une quantité considérable de marchandises ven
dues nécessairement au dessous du cours. Cette circon
stance peut amener une mévente temporaire qui , en
temps de crise commerciale surtout, pourrait déterminer
de nouveaux sinistres. L’intérêt général faisait donc un
devoir de prendre toutes les précautions que comman
dait une pareille éventualité.
579.
— En conséquence la loi laisse au juge-com
missaire , mieux instruit de la position commerciale de
la place que les syndics, le droit de prescrire le mode
qui doit être employé. C’est donc à lui seul à décider si
la vente se fera soit à l’amiable , soit aux enchères pu
bliques. Sa décision n’est susceptible d’aucun recours.
C’est aussi au juge-commissaire qu’appartient le droit
de désigner les officiers publics qui seront chargés de la
vente. C’est là une innovation à ce qui se pratiquait sous
le Code de commerce. Alors, en effet, les syndics qui
�6
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
décidaient seuls du mode de vente choisissaient aussi les
officiers par l’entremise desquels ils la faisaient effectuer;
mais il arrivait souvent que ce choix était querellé. Les
courtiers, les commissaires-priseurs réclamaient contre
la décision qui les avait exclus, et retardaient ainsi par
un procès le moment de la vente.
La disposition de notre article fait cesser tous les effets
de cette rivalité entre les officiers préposés aux ventes pu
bliques. Les syndics n’ont plus à choisir que la personne
qu’ils veulent employer, et qu’ils doivent nécessairement
prendre dans la classe déterminée par le juge dont la dé
cision à cet égard est également insusceptible de recours *.
380.
— Indépendamment de la vente à l’amiable
et de celle aux enchères, le Code de commerce autorisait
expressément la vente à la Bourse et par lots. Malgré le
silence de l’article 486 sur cette dernière, nous n’hésitons
pas à penser qu’il est dans le droit du juge-commissaire
de l’ordonner. Cette vente a l’avantage d’offrir, quoique
dans des limites plus restreintes, la publicité et la con
currence de la vente aux enchères, sans présenter l’in
convénient que nous signalions tout à l’heure. Les lots
ne sont pas à la portée de tout le monde et ne peuvent
guères convenir qu’aux commerçants eux-mêmes. Bien
entendu que les marchandises seules peuvent faire l’ob
jet d’une vente de ce genre. Dans ce cas encore le jugecommissaire ne pourrait désigner d’autres officiers pu
blics que les courtiers qui ont seuls qualité pour prési
der à ces ventes.
i Voy. supra article 439.
�ART.
487.
7
A rt. 487.
Les sy n d ics p o u r r o n t , avec l ’a u to r is a tio n d u
ju g e -c o m m is s a ire et le fa illi d û m e n t app elé, t r a n
s ig e r s u r toutes con testation s q u i in té re s se n t la
m asse , m êm e s u r celles q u i so n t re la tiv e s à d es
d ro its et action s im m o b ilie r s .
Si l ’o b je t de la tra n sa c tio n est d ’u n e v a le u r in
d é te rm in é e ou q u i excède tr o is eents f r a n c s , la
tra n sa c tio n ne s e r a o b lig a to ir e q u ’a p r è s a v o ir été
h o m olo gu ée, s a v o ir : p a r le t r ib u n a l de co m m e rce
p o u r les tra n sa c tio n s re la tiv e s à d es d ro its m o b i
lie r s , et p a r le t r ib u n a l civil p o u r les tra n sa c tio n s
re la tiv e s à des d ro its im m o b ilie rs .
Le fa illi s e ra app elé à l ’h o m o lo ga tio n ; i l a u r a
d a n s to u s les cas la fac u lté de s’y o p p o se r. Son o p
position su ffira p o u r e m p ê c h e r la tra n s a c tio n si
e lle a p o u r ob je t des b ie n s im m o b ilie r s .
SOMM AIRE
381.
382.
383.
384.
385.
386.
38T.
388.
389.
Motifs qui ont fait admettre pour les syndics la faculté de
transiger.
La loi actuelle permet la transaction dès l’ouverture de la
faillite.
Avantages de celte disposition : 1° Economie de temps et
de frais.
2’ Lumières qui en naissent pour la délibération sur le
concordat.
3° Facilité de terminer les difficultés nombreuses que les
traités souscrits par le failli peuvent amener.
Comment se règlent les obligations de faire et les promes
ses de marchandises à livrer ?
Conditions de la transaction : 1° Autorisation du jugecommissaire.
2° Appel et mise en demeure du failli.
Quels seraient les effets du refus du failli de consentir à la
transaction.
�___
O
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
390.
3* Homologation de la justice. Dans quels cas est-elle né
cessaire ?
391. C'est sur la valeur intégrale du titre contesté qu’il convient
de décider s’il y a lieu ou non à l’homologation.
392. Quel est le tribunal qui doit homologuer ?
393. Le failli doit être appelé à l’homologation. Effets de son
opposition.
394. Dans quel cas pourra-t-on appeler du jugement du tribu
nal civil ?
395. Les syndics ne peuvent compromettre hors le cas d’arbi
trage forcé en vertu de la loi ou de la convention légale
ment souscrite avent la faillite.
5 8 1 . — La faculté de transiger n’appartient, d’après
la loi civile , qu’à ceux qui peuvent disposer de l’objet
qui fait la matière de la transaction l. Il résulterait de
ce principe que les syndics incapables d’aliéner seraient
dans l’impossibilité de transiger.
Mais l’exercice de cette faculté peut devenir d’une uti
lité immense dans une faillite. Cela est d’une évidence
telle que personne ne l’a jamais contesté. Aussi, malgré
le silence que le Code de commerce avait gardé à cet
égard, le droit de transiger avait été universellement re
connu aux syndics, à la charge par eux d’obtenir l’ho
mologation du tribunal.de commerce3.
3 8 2 . — La loi actuelle a formellement consacré cette
opinion. Frappée des avantages que la transaction en
traîne, elle n’a pas hésité à en admettre la possibilité à
toutes les phases de la faillite, dès l’ouverture de celle-ci
et avant toute vérification. On peut trouver dans les
1 Article 2045 du Code civil.
2 Pardessus, n° 4484 .
�ART.
487.
9
motifs de l’article 450 un exemple pratique de cette vo
lonté de la loi.
3 8 5 . — Au reste, cette détermination n’était qu’une
déduction logique de l’esprit qui a présidé à la législa
tion qui nous régit. On a voulu économiser le temps,
réduire les frais. Ce double but n’est-il pas atteint par
la transaction ?
Obliger les syndics à plaider dans tous les cas c’était
non-seulement s’exposer à des lenteurs inévitables, mais
encore compromettre bien souvent les intérêts de la
masse. 11 est des débiteurs envers lesquels la prudence
commande d’agir avec les plus grands ménagements ; il
est des créances qu’il faut savoir réduire pour ne pas les
perdre en totalité. C’est précisément à quoi l’on arrive
par une sage transaction.
3 8 4 . — Un autre avantage d’une transaction dès le
début de la faillite était signalé en ces termes par le rap
porteur de la loi, dans la session de 1838 : « L’autori
sation de transiger avant qu’on soit arrivé à la délibé
ration du concordat aura, pour éclairer et faciliter cette
délibération, une utilité toute spéciale, puisqu’elle pourra
servir à constater les éléments incertains et litigieux de
l’actif et du passif de la faillite. »
5 8 5 . — N’est-ce pas d’ailleurs à l’instant de l’ouver
ture de la faillite que naissent les difficultés les plus sé
rieuses, les contestations les plus nombreuses et les plus
graves? On se trouve alors en présence des recouvrements
à opérer, des actes présumés frauduleux à poursuivre,des
engagements et traités souscrits par le failli à liquider.
�40
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
3 8 6 . — On sait quant aux obligations de faire qui
pourraient résulter de ces engagements, qu’elles ne pour
raient être exigées de la masse si elle croyait devoir s’y
soustraire. Tout se résoudrait alors en une condamnation
pécuniaire à titre de dommages-intérêts. Mais celui qui
a reçu l’engagement du failli ne pourrait se soustraire à
son exécution si la masse la requérait. Par rapport à lui
la faillite n’est point une cause de résiliation ou de nul
lité du contrat. Il suffit que les obligations prises par le
failli soient remplies par les créanciers pour qu’il soit
tenu d’exécuter celles qu’il s’est imposées lui-même.
Quant aux traités qui auraient pour but une vente de’
marchandises , il faudrait distinguer s’il s’est agi de la
vente d’un objet déterminé, d’un corps certain, la pro
priété en a été transférée à l’acheteur au moment même
du contrat. Dès lors la masse ne saurait en refuser la
livraison, s’il existe dans l’actif. L’acheteur aurait même
le droit d’empêcher qu’il fût placé sous les scellés, à la
charge d’en payer le prix convenu aux époques déter
minées.
S’il s’agit au contraire d’un objet non spécialement
déterminé; si, par exemple, le failli s’était engagé à livrer
telle quantité de marchandises, l’acquéreur serait consi
déré comme le créancier d’une obligation de faire, c’està-dire que la masse pourrait le contraindre à accepter
la livraison aux époques convenues, et qu’en cas où elle
se refuserait elle-même à faire cette livraison l’acqué-'
reur n’aurait qu’une action en dommages-intérêts, dont
la liquidation le constituerait jusqu’à concurrence créan
cier du failli.
�II est donc certain que l’existence de ces engagements
peut faire surgir , à l’ouverture de la faillite , une foule
de contestations qu’il sera souvent avantageux de tran
siger. Le législateur a donc consâcré une mesure excel
lente en admettant une exception à l’article 2045 du
Code civil, et en n’apportant aucune entrave à son ab
solue application , quelle que soit l’époque à laquelle il
sera utile d’y recourir.
387. — La consécration formelle de cette exception
a déterminé la nécessité de fixer les conditions et les
règles qui doivent en diriger l’exercice.
La première condition pour que les syndics puissent
transiger est que la transaction soit autorisée par le jugecommissaire. Rien de ce qui intéresse les droits des cré
anciers ne peut s’effectuer sans le concours et l’adhé
sion du surveillant que la loi leur a choisi. Le jugecommissaire est l’appréciateur impartial des besoins de
la faillite. Lui demander d’autoriser une mesure c’est
l’amener à en examiner mûrement l’utilité et l’opportu
nité ; et cet examen est le plus efficace contrôle des opé
rations projetées par les syndics.
Le refus du juge-commissaire de donner son autori
sation serait un obstacle invincible à toute transaction.
3 8 8 . — La seconde condition est que le failli soit
mis à même de s’expliquer sur la transaction. L’abandon
qui peut en résulter , la remise d’une partie de la dette
qui peut en être la conséquence intéressent le failli à un
très-haut point. Quoique dessaisi de l’administration le
failli n’est pas moins resté propriétaire de ses biens. Le
sacrifice plus ou moins considérable qu’on en consenti-
�12
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
rait resterait à sa charge en laissant subsister une partie
équivalente de ses dettes ; il est donc juste qu’il puisse
l’empêcher s’il croit que rien de sérieux ne le commande.
3 8 9 . — Quel serait le résultat du refus que ferait le
failli de consentir la transaction ? La loi distingue entre
les droits mobiliers et ceux immobiliers. Pour les pre
miers la transaction peut être réalisée nonobstant l’op
position du failli ; pour les seconds, au contraire , cette
opposition ne permet plus de passer outre.
Cette conséquence est absolue. Ce n’est même qu’à
cette expresse condition que la faculté de transiger a été
étendue aux biens et droits immobiliers. On av ait, en
effet, formellement proposé de l’exclure pour ce qui les
concerne. Pour le mobilier, disait-on, les syndics pou
vant en disposer avec l’autorisation du juge-commissaire,
il n’y a rien que de simple dans la permission de tran
siger à la même condition ; pour les immeubles, au con
traire , cette autorisation ne suffisant plus , le droit de
transiger ne doit pas être reconnu. Mais l’utilité de la
transaction, même lorsqu’il s’agit d’immeubles, fit re
jeter cette proposition, en subordonnant toutefois l’exis
tence du droit à l’adhésion du failli.
3 9 0 . — La troisième condition est que la transaction
soit homologuée par la justice Nous avons vu tout à
l’heure que, sous l’empire du Code, la doctrine qui avait
admis le droit de transiger soumettait, dans tous les cas,
la transaction à l’homologation du tribunal de com
merce. L’article 487 consacre une double dérogation à
cette doctrine.
D’abord, l’homologation n’est obligatoire que lorsque
�l’objet de la transaction excède trois cents francs ou qu’il
est d’une valeur indéterminée. Conséquemment, s’il ne
s’agit que d’une valeur de trois cents francs ou au des
sous de cette somme la transaction n’est pas soumise à
être homologuée.
3 9 1 . — C’est donc le chiffre de l’objet transigé qui
règle s’il faut ou non recourir à l’autorité judiciaire.
Mais ce chiffre doit être déterminé non pas sur le résultat
que la transaction amène , mais par le titre sur lequel
le litige s’est élevé. Par exemple , si le débiteur d’une
somme de mille francs offre de transiger en en payant
sept cents, il y a lieu de faire homologuer la transaction.
Dans cette hypothèse la massé , il est v ra i, ne perdra
que trois cents francs; mais en réalité l’objet de la trans
action est une créance supérieure en valeur ; or, la loi
a bien voulu autoriser les syndics à agir sans le concours
de la justice , mais pour ce qui concerne des droits peu
importants. C’est là une exception qu’il convient de res
treindre, parce qu’il a été dans la pensée du législateur
de la limiter ; ce qui est prouvé par le texte : Si l’objet
de la transaction...., et non pas : S i l'effet de la tran
saction... Ces termes, indépendamment de la discussion
que la loi a subie et qui en fixe le sens, nous paraissent
justifier la solution que nous indiquons.
3 9 2 . — A cette dérogation au principe de l’homo
logation la loi en ajoute une quant à la juridiction ap
pelée à la prononcer. Le tribunal de commerce n ’est
investi que s’il s’agit d’un droit ou d’un objet mobilier.
Ce qui concerne les biens et droits immobiliers est déféré
aux tribunaux ordinaires. Ainsi le chiffre de l’objet Iran-
�14
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sigé règle s’il y a ou non lieu à homologation ; sa na
ture détermine l’autorité à laquelle cette homologation
sera réclamée.
393.
— Devant l’une et l’autre juridiction la demande
en homologation est faite par requête , le failli dûment
appelé. Cette obligation d’appeler le failli est la consé
quence du droit qui lui est réservé de former opposition
à l’homologation , alors même qu’il aurait refusé de
comparaître sur la dénonciation qui lui a été faite du
projet de transaction.
L’opposition du failli à l’homologation produit des
effets analogues à ceux qui résulteraient de son refus de
transiger. Ainsi, le tribunal de commerce qui ne connaît
que des transactions mobilières a la faculté de passer
outre, nonobstant cette opposition, sauf au failli la fa
culté d’émettre appel de la décision.
Le tribunal civil, au contraire, ne peut jamais homo
loguer la transaction à laquelle le failli aurait formé op
position, soit qu’on suppose qu’il se fût ravisé après avoir
d ’abord consenti, soit que ne s’étaDt pas expliqué lors
du projet il le fasse sur la demande en homologation.
Il importe, au reste, de remarquer les termes de l’ar
ticle 487 : L'opposition du fa illi suffira pour empêcher
la transaction. Il faut donc que le failli ait réalisé cette
opposition ; d’où la conséquence que si le failli, sur la
citation à se présenter à l’homologation, .se borne à ne
pas comparaître, son absence ne saurait être un obstacle
à ce que cette homologation soit accordée par le tribunal
civil.
5 9 4 . — Dans quel cas pourra-t-on appeler du ju-
�ART.
487.
15
gement rendu par le tribunal ? Le texte même de notre
article établit une distinction fort naturelle. Le tribunal
peut refuser l’homologation alors même que le failli dé
clarerait y consentir. Il est évident, en effet, que ce con
sentement n’a pas pour résultat de lier le juge. Quoiqu’il
arrive les magistrats doivent toujours apprécier la trans
action. S’ils ne sont pas convaincus de son utilité , s’ils
la trouvent onéreuse pour les créanciers il est rationnel
qu’ils se refusent à la sanctionner. Dans ce cas les syn
dics peuvent émettre appel de leur décision , selon que
la matière est ou non appellable.
Mais si le jugement est uniquement basé sur le refus
du failli de consentir à la transaction , ce jugement est
en dernier ressort. Nous venons de voir que le droit du
failli est absolu et que son veto suffit pour rendre toute
transaction impossible. L’autorité supérieure devant la
quelle on porterait l’appel ne saurait donc réformer un
jugement qui aurait fait une application exacte d’une dis
position impérieuse. Ce jugement est donc inattaquable.
395.
— Les syndics qui peuvent transiger pourrontils compromettre? La négative se justifie par cette con
sidération de fait que notre article 487, qui autorise la
transaction , se lait sur le compromis. Ce silence doit
être pris pour un refus formel. On connaît la maxime :
Qui dicit de uno, de altero negat.
En d ro it, l’exclusion du compromis ne saurait être
contestée par cela seul que la faculté de transiger est au
torisée. En thèse , le pouvoir de transiger ne renferme
pas celui de compromettre '. L’admission du premier ne
1 Article 4989 du Code civil
9.
*
.
�16
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
préjuge donc rien sur le second. Sans doute l’un et l’au
tre tendent à prévenir ou terminer un procès, mais il y
a entre eux une différence essentielle.
« Le premier, disait M. Tarrible, donne au manda
taire la faculté de terminer lui-même le procès aux con
ditions qu’il juge convenables ; le second lui donne celle
de soumettre le procès au jugement d’arbitres. Terminer
par son propre jugement ou par le jugement d’autrui
sont deux choses différentes.1 »
Or, c’est précisément parce que le compromis n’est
qu’un déplacement de juridiction qu’il n’a pu être dans
l’esprit de la loi de permettre aux syndics de le consentir.
Le législateur tient essentiellement à ce que toutes les
fois qu’il s’agit de faillites les contestations soient jugées
autant que possible avec le concours et sur le rapport
du juge-commissaire. Cette intention, pour ce qui con
cerne la loi de 1838, est invinciblement démontrée par
la modification qu’elle a fait subir à l’article 635 du
Code ce commerce. Or, le compromis ne tend qu’à éloi
gner ou même annuler ce concours, enlevant ainsi à la
justice elle-même la garantie de bonne administration
qu’elle est assurée d’y puiser. N’est-il pas évident dès
lors que si la loi s’est lue sur la faculté de compromettre,
c’est parce qu’elle ne l’a pas admise, ni voulu admettre?
Les syndips ne peuvent donc compromettre ; toutes les
contestations non transigées devront être soumises aux
tribunaux, à moins toutefois qu’elles ne fussent par leur
nature indépendantes de leur compétence. Telles seraient,
par exemple , les difficultés qui se rattacheraient à la
i Rapport au Tribunat.
�aht.
487.
17
liquidation d’une société dont le failli serait mefnbre, ou
à l’exécution d’uri traité renfermant la clausé compro
missoire légalement-souscrit avant la faillite.
Dans ce cas l’arbitrage devenant forcé en vertu de la
loi ou de la convention, les syndics seraient contraints
à y recourir comme l’aurait été le failli lui-même.
Art. 488.
S i le f a illi h été a ffra n c h i d u d épôt, ou s 'il a o b
tenu u n sa u f-c o n d u it le s sy n d ic s p o u r r o n t l'e m
p lo y e r p o u r fa c ilite r et é c la ir e r le u r g estion : le
ju g e -c o m m is s a ire fix e ra les c o n d itio n s de so n t r a
vail.
I
SOMMAIRE
396.
Intérêt commun du failli et des créanciers à la liquidation
de l’actif. Avantage du concours du premier.
397.
Ce concours ne peut être exigé que si le failli est libre de
sa personne.
Les conditions en sont réglées par le juge-commissaire.
Les syndics demeurant seuls responsables ne peuvent être
contraints à employer le failli.
Le failli peut-il refuser la missirn que les syndics vou
draient lui conférer ? Quelles seraient les conséquences
de ce refus ?
398.
399.
400.
396.
— Dans la liquidation de l’actif de la faillite
l’intérêt du failli est si intimément lié avec celui des cré
anciers, qu’on n’a jamais hésité à permettre qu’il fût em
ployé par les syndics dans les actes de cette liquida lion.
En effet, si les créanciers doivent récévoir uné plus
forte somme de la réalisation des ressourcés de là faillite,
ce qui amèriera ce résultat tournera au profit dû failli
dont la libération s’acquerra dans les mêmes proportions.
n - 2
�18
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Cette conséquence doit enlever toute crainte d’abus de la
part de celui-ci s’il est appelé, en vertu de notre article,
à aider et éclairer la gestion des syndics.
D’autre part l’efficacité du concours du failli n’a pas
besoin d’être justifiée. Il est évident que , mieux que
personne , le débiteur peut diriger les opérations qu’il
avait lui-même entreprises, et fixer d’une manière pré
cise sa position vis-à-vis des tiers.
3 9 7 . — Ce concours du failli ne peut être ordonné
que s’il est libre de sa personne. Cette liberté il l’aura
acquise soit par l’application de l’article 456 , soit par
l’obtention d’un sauf-conduit. L’article 488 est donc un
nouvel encouragement à l’exécution littérale des obliga
tions que la loi impose au débiteur au moment de la
cessation de paiements, puisque les conséquences de
cette exécution permettront au failli de jouir du bénéfice
de notre disposition actuelle.
Il n’est pas douteux en effet que l’emploi dans la ges
tion ne soit, sous un double rapport, très-favorable pour
le failli. Il fournit, en premier lieu, l’occasion de prouver
la bonne foi avec laquelle il a toujours agi ; il dispose
les créanciers à reconnaitre le zèle qu’il mettra à leur
devenir utile, et dont il sera sans doute récompensé lors
qu’il s’agira de lui témoigner de l’indulgence.
3 9 8 . — En second lieu, cet emploi donne au débi
teur l’occasion de gagner par son travail ce qui est né
cessaire à ses besoins personnels et à ceux de sa famille.
Il ne serait pas juste, en effet, que le failli fût condamné
à ne recevoir aucun salaire des peines qu’il pourra se
donner. Le législateur qui l’a ainsi pensé laisse au jugecommissaire le droit de régler les conditions de son travail.
�ART.
488.
19
Au reste, quel que soit le salaire alloué il est certain
que son paiement ne saurait occasionner aux créanciers
aucun grief raisonnable. Ce salaire, en effet, diminuerait
en proportion les secours qui auraient été alloués aux
termes de l’article 474 ; ils recevraient donc d’un côté
ce qu’ils donneraient de l’autre. Ils gagneront même à
cette position nouvelle du failli qui leur prêtera son in
dustrie en échange d’un argent qui lui serait plus hu
miliant sans doute, mais beaucoup moins pénible de re
cevoir sans rien faire pour eux.
3 9 9 , — Les syndics sont appréciateurs souverains
de l’utilité et de l’opportunité de l’emploi qu’ils doivent
faire du failli. Ils ne peuvent être contraints à le réaliser
s’ils ne jugent pas convenable de le faire. La raison en
est simple : ils ne cessent pas de rester solidairement
responsables de la gestion et des actes qu’ils auraient
laissé faire par le failli. En conséquence, s’ils se méfient
de sa probité , s’ils suspectent sa bonne foi ils auront
non-seulement le droit de ne pas l’adm ettre, mais en
core celui de le congédier après l’avoir admis. Par rap•
port à eux le failli n’est jamais qu’un commis ordinaire
qu’ils peuvent prendre et renvoyer à leur gré.
4 0 0 . — Le failli, est-il, de son côté, maitre de refuser
la mission que les syndics voudraient lui confier ? Nous
ne le pensons pas , si d’ailleurs des motifs graves, ap
prouvés par le juge-commissaire, ne lui faisaient un de
voir d’agir ainsi. Le failli doit à ses créanciers tous les
soins que ceux-ci exigeront de lui dans le but de liquider
son actif. C’est là un faible équivalent de la perle qu’il
leur cause. En conséquence , si libre de sa personne il
�20
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
refusait de se rendre à l’appel des mandataires légaux
de ses créanciers, ceux-ci de leur côté pourraient se croire
déliés de l’obligation de lui fournir des secours, que les
syndics pourraient faire rétracter si déjà ils avaient été
concédés.
Art. 489.
Les d e n ie rs p ro v e n a n t d es ventes et d es r e c o u
v re m e n ts s e r o n t , s o u s la d éd u c tio n d es so m m es
a r b it r é e s p a r le ju g e -c o m m is s a ir e p o u r le m o n
ta n t d es d ép en ses et fr a is , v e rsé s im m é d ia te m e n t
à la caisse des dépôts et c o n sig n a tio n s. Sla sas les
tro is jo u r s d es recettes il se ra ju s tifié a u j u g e c o m m is sa ire d e sd its v e rse m e n ts ; en cas «le r e t a r d
le s syn«lics d e v ro n t les in té rê ts d es so m m es q u 'ils
n’a u r o n t p o in t versées.
Les d e n ie rs v e rsé s p a r le s sy n d ics et to u s a n tre s
c o n sign és p a r «les tie rs , p o u r com pte «le la fa illite ,
n e p o u r r o n t ê tre r e t ir é s q u ’en v e rtu d ’u n e o r d o n
n an ce d u ju g e -c o m m is s a ire . S ’il ex iste d es o p p o
sitio n s le s sy n d ic s d e v ro n t p ré a la b le m e n t en o b
t e n ir la m a in le v ée .
Le ju g e -c o m m i s s a ir e p o u r r a o r d o n n e r qu e le
v e rse m en t s e r a fa it p a r la caisse d ire c te m e n t e n
t re le s m a in s d es c ré a n c ie rs d e la fa illit e , s u r u n
état «1e r é p a r t it io n d re s s é p a r le s sy n d ics et «or
d o n n an cé p a r lu i.
S OMMAI RE
401.
Système du Code de commerce sur les recouvrements opé
rés par les syudics.
402. Le défaut de sanction en laissait les formalités sans exécu
tion, Inconvénients qui en naissaient.
403. Obligation actuelle des syndics de.verser les deniers reçus
à la caisse des dépôts et consignations, et de justifier de
ce versement dans les trois jours de la recette.
404. Peine que la violation de cette obligation fait encourir ; sa
nature, son efficacité.
�art.
405.
406.
407.
408.
489.
*»
21
Exception pour les sommes ne'cessaires aux dépenses, aux
frais et aüx autres besoins de la faillite..
Toutes les sommes consignées sont retirées sans frais sur
ordonnance du juge-commissaire.
Innovation consacrée quant au mode de paiement.
Obligation pour les syndics d ’obtenir la mainlevée des op
positions. Quels créanciers peuvent s’opposer à la déli
vrance.
401. — Le Code de commerce voulait que les de
niers provenant des recouvrements et ventes fussent
versés, déduction faite des dépenses et frais, dans une
caisse à double serrure. Une des clés devait être remise
au plus âgé des agents ou des syndics , l’autre à celui
des créanciers que le juge-commissaire désignait.
Le bordereau de la caisse devait être chaque semaine
remis au juge-commissaire qui pouvait, sur la demande
des syndics, ordonner le dépôt des fonds à la caisse d’a
mortissement. Le retirement de ces fonds était ensuite
opéré en vertu d’une ordonnance de ce magistrat. Jus
que-là ils produisaient, au profit de la masse, l’intérêt
accoutumé.
4 0 2 . — Malheureusement ces prescriptions man
quaient de sanction. Aussi, rien n’était moins exécuté
que les obligations qu’elles imposaient. La caisse à dou
ble serrure n’existait dans aucune faillite. Les syndics
n’usaient que rarement de la faculté de faire ordonner
le dépôt des fonds. Us préféraient, en général, en con
server exclusivement la manipulation , ce qui n’exerçait
pas une minime influence sur les longueurs de la liqui
dation si souvent interminable.
Il arrivait bien souvent, en effet, que les syndics n’hé-
�22
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sitaient pas à faire valoir à leur profit les deniers ap
partenant à la faillite. Ces fonds qui étaient censés res
ter improductifs dans la caisse de la faillite et dont il
n’était dû aucun intérêt, étaient placés par eux chez des
banquiers qui leur en supportaient l’intérêt qu’ils s’ap
pliquaient, en attendant une répartition qu’à cause de
cela même ils retardaient le plus possible.
4 0 3 . — Le législateur nouveau vivement préoccupé
des réclamations que cet abus avait excité s’est appliqué
à en empêcher la reproduction et à enlever ainsi aux
syndics tout intérêt à voir la faillite se prolonger indéfi
niment. Déjà et dans ce but il les autorise à réclamer le
salaire de leur gestion, qu’ils soient ou non créanciers,
pour les dissuader de chercher ce salaire par des moyens
détournés. Il fait plus encore dans l’article 489 : il les
prive de la disposition des fonds en les obligeant à les
verser, dans les trois jours de leur réception, à la caisse
des dépôts et consignations.
Ce devoir, de facultatif qu’il était, est devenu obliga
toire. Non-seulement les syndics doivent opérer ce ver
sement, mais ils doivent encore en justifier dans le même
délai, en remettant au juge-commissaire une note exacte
des recettes et des sommes déposées. Ce magistrat doit
en vérifier l’exactitude pour se conformer à la mission
de surveillance active que la loi lui confère spécialement
sur cette partie de la gestion.
4 0 4 , — Une clause pénale garantit l’exécution de
cette obligation. Les syndics doivent les intérêts de toutes
les sommes qui n’auraient pas été déposées à partir de
l’expiration du délai de trois jours. La loi assimile les
�■
art.
489.
23
-
syndics retardataires au débiteur d’une somme d’argent
en demeure de payer. Elle leur applique donc comme à
celui-ci la disposition de l’article 1 153 du Code civil.
Mais elle n’exige pas pour eux la sommation qui seule,
aux termes de cet article, fait courir les intérêts. Il suffit,
pour que les syndics en soient tenus , qu’ils n ’aient pas
fait le dépôt qui leur est ordonné. Pour eux les intérêts
sont dus de plein droit par la seule expiration du délai
de trois jours.
Il é tait, ce semble , difficile d’aller au delà de cette
exigence, surtout en présence de l’article 1153. Cependant
on a,dans la discussion de la loi,reproché à cette elause
pénale d’être beaucoup trop indulgent. Ce n’est pas assez,
disait-on , d’assimiler dans ce cas les syndics aux débi
teurs en retard. L’absence de dépôt peut constituer une
négligence grave ; on la prolongerait volontairement dans
certains cas ; enfin un syndic consentirait à supporter
les intérêts s’il pouvait ainsi acheter la faculté de dispo
ser à son profit de sommes appartenant à la faillite.
Il fut répondu que le sens que cette objection suppo
sait à la disposition de l’article 489 n’était pas celui qu’il
avait réellement ; que le paiement des intérêts n’était la
peine que du simple retard ; mais que ce retard pouvait,
de plus, selon les circonstances constituer une prévari
cation ; que dans ce cas, indépendamment des intérêts,
on pourrait non-seulement prononcer la destitution,
mais encore appliquer la,: peine corporelle prononcée
contre les syndics qui ont malversé , sans préjudice des
dommages-intérêts pour la réparation du préjudice ré
sultant de la malversation.
(
�24
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
4jnsi fi^ée la disposition de Particle 489 permet d’at
teindre le but qu’elle s’est proposée. Ses termes se justi
fient par ce principe : que la loi doit se préoccuper des
cas généraux, et disposer pour ce qui a lieu le plus sou
vent de eo quod plerwnque fit et non pour les exceptions
qui peuvent se réaliser. Or , en thèse ordinaire , il ne
s’agira le plus souvent que d’un simple retard. En effet,
les syndics ne seront plus tentés de disposer des fonds
de la faillite, de courir les chances d’un placement lors
qu’ils ne pourraient se procurer qu’un intérêt tout au
plus égal à celui qu’ils seront obligés de supporter euçmêmes en faveur des créanciers. Dès lors , l’obligation
de servir de. plein droit ce dernier fait disparaître tout
motif.de prolonger la liquidation qu’il est dans l’esprit
de la loi de voir terminer au plus tôt.
Sans doute il peut se trouver quelques syndics qui
seront tentés d’abuser de leurs fonctions et bien aises de
contracter ce qu’ils considéreront comme un emprunt à
la faillite. La loi a prévu celte exception lorsqu’elle a
appelé toute la surveillance du juge-commissaire sur les
recouvrements, lorsqu’elle a ordonné qu’on lui justifiât
dans les trois jours du versement à la caisse des dépôts.
Contre cette exception la loi s’en repose d’abord sur le
juge-commissaire qui doit tenir la main à l’exécution
littérale de cette justification , et sur les peines que les
syndics peuvent encourir. A insi, le juge-commissaire
avertira une première fois les syndics négligents. En cas
de nouveau retard il en recherchera les motifs, et selon
leur gravité proposera ou la destitution seulement, ou
concurremment cette même destitution et la poursuite
�m
art.
489.
25
autorisée par l’article 596. Ainsi, le mal prévu trouvera
une sûre et prompte répression, grâce au développement
donné par la loi nouvelle au germe de protection que
renferme l’institution des juges-commissaires, et que la
précédente législation n ’avait pas assez fécondé.
Les syndics n’ont donc plus d’intérêt réel à retenir en
leurs mains les deniers de la faillite. Ne fût-ce même
que par la crainte des poursuites que cet acte pourrait
motiver ils s’empresseront de réaliser le dépôt qui leur
est ordonné. Ainsi consignées, toutes les sommes,provenant de la vente du mobilier et des recouvrements pro
duiront, en faveur de la m'asse, les intérêts que la caisse
des dépôts supporte en pareil cas. Il en serait de même
des sommes que des tiers auraient consignées pour le
compte de la faillite.
405.
— Le législateur a cependant admis et dû ad
mettre une exception à l’obligation absolue de déposer.
Cette exception se rapporte aux sommes présumées
nécessaires pour faire face aux dépenses, aux frais que
la faillite entraîne et à tous les autres besoins actuels de
la liquidation.
Ainsi nous avons vu que dans l’actif de la faillite peu
vent se trouver des valeurs payables sur une autre place
el qu’il faudra négocier. Or , les syndics peuvent être
obligés de restituer les fonds qu’ils ont ainsi touchés, si
l’effet retourne impayé. Il était peu rationnel d’ordon
ner dès lors le dépôt de ces fonds avant d’avoir acquis
la certitude qu’il ne faudra pas les rembourser.
Les sommes nécessaires à ces remboursements éventuels, ainsi que celles pour faire face aux dépenses et
�26
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
frais seront donc laissées entre les mains des syndics ;
leur quotité en sera déterminée sur leur demande par le
juge-commissaire.
4 0 6 . — Le législateur pour suivre un ordre logique
a été amené à traiter, sous cet article, du mode de res
titution des sommes déposés pour le compt° de la fail
lite soit par les syndics, soit par des tiers. Cette restitu
tion s’opère sans frais et sur le vu de l’ordonnance du
juge-commissaire qui la prescrit.
4 0 7 . — C’est aussi ce qui se réalisait sous l’empire
de la législation précédente. Mais l’article 489 consacre
une innovation importante quant au mode de paiement
en permettant au juge-commissaire d’ordonner que ce
paiement sera fait directement par la caisse entre les
mains des créanciers.
La décision à cet égard est livrée à la seule apprécia
tion du juge. Elle ne peut être attaquée ni par les syn
dics ni par aucun des créanciers. Pour son exécution un
état de répartition est dressé par les syndics, ordonnancé
par le juge-commissaire et remis au directeur de la caisse
qui y fait consigner la quittance des sommes payées.
Cependant chaque créancier est obligé de présenter aux
syndics le titre affirmé , pour que la mention prescrite
par l’article 569 y soit portée.
4 0 8 . — Ce paiemen t direct ou la délivrance des som
mes totales aux syndics est subordonnée à la mainlevée
des oppositions qui auraient été faites à la caisse des
dépôts et consignations. La faculté de former opposition
n’appartient jamais aux créanciers ordinaires. Elle serait
par rapport à eux sans objet, puisqu’elle ne saurait leur
�V
ART. 489.
27
donner plus de droits que ceux que leur qualité leur
assure.
Mais il n’en est pas de même des créanciers privilé
giés ou se prétendant tels. Ceux-ci devant être payés in
tégralement peuvent s’opposer à la délivrance des fonds
jusqu’après leur paiement. C’est dans la prévision d’une
opposition de ce genre que l’article 489 oblige les syn
dics à en obtenir préalablement la mainlevée.
e
SECTION IVe
e
D IS
s
1
(1
„
B
■
se
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C O N S E R V A T O IR E S
A rt. 490.
1
B
ACTES
A c o m p te r d e 1cm* e n tré e en fo n c tio n s le s sy n dics se ro n t te n u s de fa ir e to n s actes p o u r la con
s e rv a tio n «les d r o it s d u fa illi co n tre se s d é b it e u r s .
I ls se ro n t a u s s i te n u s de r e q u é r i r l ’in s c r ip t io n
a u x h ypoth èques s u r le s im m e u b le s d e s d é b it e u r s
d u fa illi, si elle n ’a p a s été r e q u is e p a r l u i : l ’in s c rip tio n se ra p r is e a u n o m de la m a s s e p a r le s
syndics q u i jo in d r o n t à le u r s b o r d e r e a u x u n c c rtilicat c o n sta ta n t le u r n o m in a tio n .
Ils s e r o n t te n u s a u s s i d e p r e n d r e in sc rip tio n ^
a u n om de la m a sse d es c ré a n c ie rs , s u r le s iMi
m e u b le s d u fa illi d o n t ils c o n n a îtro n t l ’existen ce,
d ’in sc rip tio n s e r a re çu e s u r u n sim p le b o r d e r e a u
én o n çan t q u ’il y a fa illite , et r e la t a n t la d ate d u
ju g e m e n t p a r le q u e l ils a u r o n t été n o m m é s.
S O MMA I R E
0
409.
S
g
r
440.
411.
Obligation pour les syndics de prendre toutes les mesures
conservatoires.
Objet de ces mesures.
Les syndics peuvent-ils retourner aux correspondants les
valeurs transmises en compte courant si elles restent
impayées ?
�28
412.
413.
414.
41 S.
416.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Quid si ces valeurs portaient la clause de retour sans frais ?
Les syndics sont recevables à exercer toutes exécutions
contre les débiteurs du failli.
Us doivent inscrire les droits hypothécaires du failli et re
nouveler les inscriptions que celui-ci aurait prises.
Les inscriptions requises par les syndics profitent au failli
concordataire.
L’inscription ordonnée par l’article 490 sur les biens du
failli confère-t-elle une hypothèque ?
4 0 9 . — Le résultat immédiat de l’acceptation des
fonctions de syndics est l’obligation de veiller à la con
servation des biens et droits de la faillite, par conséquent
le devoir de prendre dans ce but et le plus tôt possible
toutes les mesures nécessaires.
Ce devoir était imposé par le Code de commerce aux
agents qui précédaient nécessairement les syndics provi
soires et succédaient immédiatement au failli. On com
prend en effet que l’efficacité des actes conservatoires est
souvent attachée à leur prompte réalisation et que le be
soin s’en fait plus particulièrement sentir à l’ouverture
de la faillite. Les syndics provisoires remplaçant aujour
d’hui les agents dans l’administration première sont na
turellement appelés à pourvoir à tout ce que l’intérêt de
cette administration peut exiger.
4 1 0 . — Les mesures conservatoires ont pour objet
non-seulement les droits et biens immobiliers, mais en
core et essentiellement les créances mobilières et les ga
ranties qui y sont attachées. Nous avons déjà vu , en
parlant des billets à courte échéance , que les syndics
doivent les faire protester à défaut d’acceptation ou de
paiement et exercer ensuite le recours contre les endos-
�art.
490.
29
seurs. Il en est de même pour tous ceux trouvés en la
possession du failli et qui écherront par la suite.
4 H . — Si des valeurs commerciales avaient été
transmises en compte-courant par des correspondants du
failli, ceux-ci pourraient-ils en cas de non paiement en
exiger le retour pur et simple sous l’obligation d’en cré
diter le failli ? C’est ainsi qu’on en use en pareille ma
tière. Il n’est pas douteux que le commerçant qui aurait
reçu des valeurs pareilles at qui en aurait crédité l’en
voyeur se serait borné à les retourner si elles n’avaient
pas été payées , en les portant cette fois à son propre
crédit. Mais cette opération n’est possible qu’autant que
le commercant a la plénitude de ses droits. Les syndics
ne pourraient donc plus la réaliser après la faillite. Cette
décision nous paraît commandée par un double motif.
D’abord , parce que les livres doivent être arrêtés et
les comptes réglés au jour même de l’ouverture. Cette
mesure imprime dès lors aux écritures un caractère de
fixité qui exclut toutemodification ultérieure. Or, le renvoi
d’effets par la passation en compte atteindrait un résultat
contraire ; il constituerait une continuation d’opérations
de banque, une véritable disposition d’une partie de l’actif
qui excéderait les fonctions confiées aux syndics.
De plus, le failli est devenu propriétaire définitif des
billets qui lui sont transmis en compte courant. Ainsi, il
serait déchu de tout recours contre son correspondant
s’il ne les avait pas fait protester en temps utile. Les syn
dics succèdent au .nom des créanciers à cette propriété.
Ils doivent faire, pour ce qui la concerne, ce qu’ils sont
obligés de faire pour tous les autres droits ; en consé-
�30
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
guence, exiger du correspondant lui-même le paiement
que le souscripteur ou l’accepteur refuserait d’opérer. Le
failli pouvait, il est vrai, compenser avec son correspon
dant ; les syndics ne le peuvent plus. Aptes à recevoir
intégralement tout ce qui est dû à la faillite , ils n’ont
qu’une capacité éloignée et restreinte pour le paiement
de ce qui est dû par elle. Ils ne peuvent jamais l’opérer v
en dehors des répartitions lorsqu’il s’agit de créances
ordinaires.
La prétention du correspondant d’obtenir le retour des
effets par lui transmis est donc condamnée. Elle serait
la violation des principes qui précèdent. Elle exigerait
d’une part une rectification du compte; elle constituerait
de plus une véritable compensation.
Cette prétention violerait en outre la disposition de
l’article 574 de la loi. Elle crérait en effet un droit de
revendication en dehors des conditions rigoureuses que
cet article exige. Elle est donc sous tous ces rapports in
admissible.
4 1 2 . — Ainsi, les effets transmis en compte courant
doivent être encaissés par les syndics. Peu importe qu’il
y ait ou non la clause retour sans frais. Les inconvé
nients que nous avons signalés, l’absence de qualité des
syndics n’en existent pas moins. Ou ces effets seront dans
le cas d’être revendiqués ou non. Or , on sait que la
clause de retour sans frais est indifférente dans l’applica
tion des règles tracées pour cette revendication l. Si celleci n’est pas autorisée, l’envoyeur sera solidairement tenu
du paiement avec le souscripteur, l’accepteur et les au
tres endosseurs des effets.
i Voy. infra article 674.
�ART.
490.
31
415.
— Les syndics étant obligés de prendre toutes
les mesures nécessaires pour assurer le paiement des
créances actives, il en résulte qu’ils sont recevables à
faire toutes saisies-arrêt contre tous débiteurs ;
A poursuivre par toutes les voies de droit l’exécution
des jugements et actes ;
A interrompre par des citations en justice toutes les
prescriptions qui ont commencé à courir et dont on
pourrait plus tard exciper.
Toute négligence dans ce dernier cas engagerait forte
ment leur responsabilité, et les rendrait personnellement
garants des sommes qu’elle aurait fait perdre aux créan
ciers.
4 1 4 . — Parmi les actes conservatoires, tout ce qui
concerne les hypothèques acquises au failli se recom
mande d’une manière spéciale à la vigilance des syndics.
Ainsi, ils doivent non-seulement entretenir et conserver
les inscriptions existantes , mais encore requérir celles
que le failli aurait négligé de prendre. L’inscription ou
le renouvellement se fait au nom de la masse sur le vu
des titres qui en confèrent le d ro it, accompagnés d’un
certificat constatant la nomination des syndics. Ce cer
tificat est délivré par le greffier du tribunal de commerce
et reste joint au bordereau.
L’inscription pour être valable doit réunir les condi
tions exigées par l’article 2148. La seule exception créée
par la faillite n’est relative qu’au nom des créanciers
qu’il n’est pas nécessaire d’indiquer autrement que par
la mention que cette inscription est requise en faveur de
la masse des créanciers du failli.
�32
DES FAILLITES F,T BANQUEROUTES
4 5 S.
— Le profit de ces inscriptions est acquis au
failli , si obtenant un concordat il est remis à la tête de
ses affaires. Dans ce cas les syndics ont été des adminis
trateurs judiciaires dont tous les actes peuvent être vala
blement invoqués par l’ancien failli. Il n’a pas même
besoin pour cela de faire émarger les inscriptions. Il est,
par le concordat, subrogé dans tous les droits des créan
ciers qui avaient inscrit.
Cependant la prudence conseillerait àü failli concor
dataire de rectifier ou même de renouveler en son nom
les inscriptions prises par les syndics, afin de n’être pas
exposé à ignorer la vente des biens affectés à sa créance.
Sans cette précaution , en effet, il pourrait arriver que
les notifications faites au domicile élu par les syndics ne
lui fussent pas transmises, et qu’il perdît par ignorance
soit la faculté de surenchérir, soit le droit de se présenter
utilement dans l’ordre.
Cette rectification ou renouvellement serait fait par le
conservateur , sur le vu du jugement qui homologue le
concordat et sur la justification que ce jugement a acquis
l’autorité de la chose jugée.
416.
— L’article 490 charge, en outre, les syndics
de prendre inscription en faveur de la masse sur les im
meubles du failli. Cette disposition n’est qu’une répéti
tion littérale de celle de l’ancien article 500.
Nous ne pouvons nous rendre un compte exact de
l’utilité de cette prescription. Le Code de 1807 l’avait
consacrée dans l’unique but d’empêcher que la masse
des créanciers ne fût pas avertie des expropriations '.
i Locré
E s p r i t d it C o d e d e c o m m er ce,
art. 500.
�ART. 490.
33
Nous ne saurions admettre la possibilité du danger qu’on
aurait ainsi voulu prévenir ; car l’ignorance qu’elle sup
pose est difficile à prévoir. La publicité que l’expropria
tion reçoit, son insertion dans les journaux , l’affiche
qui doit être apposée au domicile de l’exproprié , tout
garantit contre une crainte qui ne peut être que chimé
rique.
Il est encore une raison plus décisive de le penser
ainsi. Depuis la faillite aucun créancier ne peut pour
suivre l’expropriation des biens du failli que contre les
syndics. C’est contre eux encore que la poursuite inten
tée avant la faillite devrait être continuée. Il est donc
matériellement impossibleque l’expropriation soit jamais
consommée, sans que les syndics en soient instruits.
On a prétendu encore que l’inscription sur les immeu
bles du failli donnait à la faillite une plus grande pu
blicité. Mais cette considération ne nous touche que mé
diocrement. Il est vrai que les registres hypothécaires
sont publics. Mais les moyens ordonnés par la loi pour
rendre la faillite notoire sont bien autrement énergiques,
eL s’ils ne suffisaient pas pour amener une entière pu
blicité nous ne voyons pas ce que pourrait faire une in
scription qui ne se manifeste que par la transcription
sur un registre que les commerçants surtout vont rare
ment consulter.
Sous tous ces rapports, l’inscription prescrite par l’ar
ticle 490 serait donc superflue. Que sera-ce, si recher
chant quels peuvent en être les effets, on arrive à ce ré
sultat qu’elle ne saurait en produire aucun. Or , sous
l ’empire du Code, ce résultat était incontestable. Il était,
I
ii — 3
�34
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
en effet, admis en doctrine et en jurisprudence que l’in
scription ordonnée par l’article 500 ne créait aucun droit
hypothécaire en faveur des" créanciers, parce que la masse
se composant principalement de créanciers chirographai
res dont les titres ne conféraient point hypothèque, leur
réunion ne pouvait dénaturer leurs droits ni leur accorder
un privilège que chacun d’eux pris isolément n’aurait
pu réclamer ; parce que la faillite ne transforme pas les
créances , qu’elle ne fait que les égaliser entre elles en
en déterminant irrévocablement la nature, le caractère
et le mode uniforme de paiement; parce qu’enfin l ’in
scription est destinée à constater un droit préexistant et
non à créer celui qui n ’existerait pas. ,
Ces principes avaient déjà reçu plusieurs fois la sanc
tion de la cour suprême , lorsqu’une nouvelle occasion
s’est présentée de les appliquer. La cour de Nîmes avait
jugé que l’inscription prise par les syndics n’établissait
pas en faveur des créanciers, sur les biens advenus par
succession à leur débiteur, un droit de préférence sur les
créanciers du défunt, alors que ceux-ci n’avaient inscrit
leur hypothèque ni du vivant de leur débiteur ni dans
les six mois du décès, mais seulement après la faillite
de l’héritier et à une date postérieure à l’inscription des
syndics.
Les syndics à l’appui de leur pourvoi soutenaient que
leur inscription devait primer celle des créanciers du
défunt. Pour empêcher cette préférence , disaient-ils,
ceux-ci auraient dû au moins inscrire dans les six mois
du décès ; alors ils auraient pu obtenir le privilège de la
séparation des patrimoines et être payés avant les créan-
�art.
490.
35
tiers de l’héritier sur les immeubles de la succession.
Cette séparation ne pouvant plus se faire, la loi confond
les uns et les autres et range tous les créanciers à la date
de leur inscription. Conséquemment, celle des syndics
étant antérieure à celle des créanciers du défunt doit être
payée avant celle-ci.
Mais, par arrêt du 22 juin 1841, la cour de cassa
tion a rejeté le pourvoi par les motifs suivants :
« Attendu qu’une inscription n’a pour but et pour
effet que de conserver une hypothèque quand elle existe
en vertu d’actes préalables, de lui faire obtenir une pré
férence de rang sur les hypothèques à l’égard desquelles
cette formalité n’a pas été observée, mais non de créer
par elle-même cette hypothèque qui ne peut être le ré
sultat que d’une convention, d’une loi expresse ou d’un
jugement ayant acquis l’autorité de la chose jugée;
» Attendu que dans l’espèce la masse des créanciers
de Deleutre fils n’avait en sa faveur aucun de ces moyens
de prendre droit sur les immeubles de son débiteur, de
préférence surtout aux hypothèques qui longtemps avant
la faillite avaient été légalement concédées sur les biens
su sieur Deleutre père , lesquels n’avaient pu passer, à
titre de succession dans les mains de Deleutre fils , que
chargés des hypothèques qui les grevaient avant l’ouver
ture de cette succession ;
» Attendu que si l’article 500 du Code de commerce
enjoint aux syndics de prendre inscription au profit de
la masse des créanciers, rien ne prouve que ce même
article ait nécessairement attaché à cette inscription la
vertu non de conserver une hypothèque qui n’existait
�36
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
pas, mais de la créer hors des cas qui dans le droit com
mun peuveut la faire acquérir.1 »
Les principes consacrés par cet arrêt sont également
enseignés par la doctrine. MM. Pardessus2 et Troplong 3
notamment rappellent les paroles de M. Locré , et en
concluent que l’article 500 ne confère aucuns droits
d’hypothèque. Ainsi, ajoute ce dernier, le créancier por
teur d’un titre hypothécaire qui ne l’aurait pas fait in
scrire , ou qui ayant requis l’inscription ne l’aurait pas
renouvelée, ne pourrait se prévaloir de l’inscription prise
par les syndics pour suppléer à l’omission de ces forma •
lités en ce qui le concerne.
C’est aussi pour cette raison que plusieurs cours et
tribunaux delà république avaient demandé la suppres
sion de l’inscription comme inutile. Cette opinion eut de
l’écho dans le sein du conseil d’Etat qui la maintint ce
pendant : nous avons vu dans quel objet4.
La loi nouvelle a-t-elle dérogé à l’article 500 du Code?
A-t-elle accordé l’hypothèque que celui-ci n’avait pas
concédée? Le doute peut s’élever de l’article 517 qui
dispose que le concordat conserve aux créanciers l’hy
pothèque inscrite en vertu de l’article 490. Mais nous ne
croyons pas cette énonciation suffisante pour qu’on
puisse résoudre ces questions par l’affirmative.
Il nous parait en effet que l’article 490 laisse les cho
ses dans le même état où elles étaient sous le Code de
commerce. La faillite est aujourd’hui ce qu’elle était au ■
1 D. P., 41, 1, 261.
2 Tome 4, n» 1167.
3 Sur l’article 2146, u° 655.
4 Voy. Locré, loco citatn.
�H:
,';;v
art.
490.
37
trefois. On doit donc raisonner sous l’empire de notre
législation actuelle, comme on le faisait sous le Code.
Or , l’hypothèque , dit la cour de cassation , ne peut
résulter que de la convention , d’un jugement définitif
ou d’une loi expresse.
De conventions ! Il n’en existe aucune entre le failli
et ses créanciers chirographaires qui ait changé la nature
du titre. Conséquemment aucune- hypothèque n’étant
originairement due, il n’en existe aucune après la faillite.
De jugement ! Il en est un que la masse pourrait in voquer : celui qui prononce l’ouverture de la faillite.
Mais ce jugement se borne à constater un fait : il ne
prononce aucune condamnation ; il ne s’occupe des cré
ances que pour les liquider, que pour en déterminer le
caractère et l’importance au moment où il intervient. Il
est, dès lors, évident qu’il ne renferme aucun élément
d’un droit hypothécaire.
A défaut de convention et de jugement existe-t-il une
loi qui ait expressément conféré hypothèque ? On ne
pourrait invoquer que l’article 490. Mais celui-ci n ’or
donne qu’une inscription et ne parle point d’hpothèque.
U ne saurait donc sulfire pour établir un droit qui ne
peut être reconnu que s’il était formellement consacré.
Mais, dira-t-on, à quoi bon inscrire, s’il n ’y a aucuns
droits à conserver ? Cette question on pouvait la faire
sous le Code qui répondait que le but de cette inscription
était d’empêcher que les créanciers ignorassent les ex
propriations, et de donner à la faillite une plus grande
publicité. Or, la preuve que le nouveau législateur n’a
pas voulu autre chose, c’est que l’article 490 n’est que
I
�38
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
la reproduction littérale de l’ancien article 500 , et que
rien dans les discussions que la loi actuelle a subies de
puis 1834 jusqu’en 1838, ne fait supposer une innova
tion quelconque dans les conséquences de la formalité
qui y est prescrite.
L’article 490 n’est donc aujourd’hui que ce qu’était
l’article 500, et si celui-ci n’accordait aucune hypothè
que, le premier n’en confère pas davantage. Les expres
sions de l’article 517 sont le résultat de la préoccupation
dont nos lois ne portent que trop souvent les déplorables
traces. L’article 517 1 crée et ne conserve rien. Il intro
duit un droit nouveau, à savoir, que le jugement d’ho
mologation confère hypothèque à la condition d’être in
scrit. Si une inscription nouvelle est indispensable, celle
prise en vertu de l’article 490 est donc insuffisante, et
si elle est insuffisante, comment aurait-elle conféré hy
pothèque ?
Le système consacré sous le Code par la doctrine et
la jurisprudence est donc encore vrai aujourd’hui. L’in
scription ordonnée par l’article 490 ne saurait créer des
droits qui n’ont jamais existé et qui sont même pros
crits par l’article 446, et c’est sans doute à cause de ce
résultat que , contrairement à la disposition de l’article
2148 du Code civil, cette inscription est reçue sur un
simple bordereau énonçant qu’il y a faillite et relatant
la date du jugement qui a nom’mé les syndics.
i Voy. nos observations sous cet article.
�abt. 4 9 1 , 4 9 2 .
SECTIOE Ve
SB
LA
V É R IF IC A T IO N
SB*
CRÉANCES
A r t . 491.
A p a r t i r d u ju g e m e n t d é c la r a tif de la fa illit e les
c ré a n c ie rs p o u r r o n t re m e t tre a u g re ffie r le u r s
titre s , avec u n b o r d e r e a u in d ic a tif d es so m m es
p a r e u x ré cla m ée s. L e g re ffie r d e v ra en t e n ir état
et en d o n n e r récépissé.
I l ne s e r a re s p o n s a b le d es tit re s q u e p e n d a n t
cin q a n n é e s à p a r t ir d u j o u r d e l ’o u v e rt u re d u
p ro c è s -v e rb a l d e vérificatio n .
A rt. 492.
Aes c ré a n c ie rs q u i à l ’é p o qu e d u m a in tie n o u d u
re m p la c e m e n t d es syn d ics , en exécu tio n d u t r o i
sièm e p a r a g r a p h e de l ’a rtic le 462 , n ’a u r o n t p as
re m is le u r s titre s, se ro n t im m é d ia te m e n t a v e rtis
p a r des in s e rtio n s d a n s les jo u r n a u x et p a r le ttre s
d u g reffier, q u ’ils d o ive n t se p ré s e n te r en p e r s o n
ne ou p a r fon dés de p o u v o irs , d a n s le d é la i d e v in g t
jo u r s à p a r t ir d esd ite s in s e r t io n s , a u x sy n d ics de
la fa illite , et le u r re m e t tre le u r s tit re s acc o m p a
gn és d ’u n b o r d e r e a u in d ic a tif des so m m es p a r eu x
ré cla m ée s, si m ie u x ils n ’a im e n t en f a ir e le dép ôt
a u g reffe d u t r ib u n a l de com m erce; il l e u r en se ra
d o n n é récép issé.
A l ’é g a rd d es c ré a n c ie rs d o m ic ilié s en F ran ce
h o rs d u lie u où siège le t r ib u n a l s a is i de l ’in s t r u c
tio n de la fa illite , ce d é la i s e r a a u g m e n té d ’u n jo u r
p a r cinq m y r ia m è tre s de d istan ce e n tre le lie u où
siège le t r i b u n a l et le d o m ic ile d u c ré a n c ie r.
A l ’é g a rd d es c ré a n c ie rs d o m ic ilié s h o rs d u t e r
r it o ir e c o n tin en ta l de la F ran ce, ce d é la i s e r a a u g
m enté c o n fo rm é m e n t a u x rè g le s d e l ’a rtic le 73
d u Code de p ro c é d u re civile.
�40
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
SOMMAIRE
417.
418.
419.
420.
421.
422.
423.
424.
423.
426.
427.
428.
429.
Approbation générale que les formes prescrites à la Aérifi
cation avaient reçues. Objet de celle-ci.
Le législateur nouveau a voulu les améliorer et non les af
faiblir.
Il a surtout cherché à abréger les délais. Dispositions du
Code de commerce à cet égard.
Nécessité du dépôt préalable des titres. La loi l’envisage à
une double époque.
Il est facultatif à partir du jugement déclaratif jusqu’à ce
lui qui maintient ou remplace les syndics.
A cette époque il ne peut être effectué qu’entre les mains
du greffier. Obligations de celui-ci envers les syndics
maintenus ou institués.
La responsabilité du greffier quant aux titres déposés est
réduite à cinq ans à partir de l ’ouverture du procèsverbal de vérification.
Le dépôt des titres est forcé après le jugement qui main
tient ou remplace les syndics. Conséquences.
Substitution d’un délai franc de vingt jours à celui unifor
me de quarante jours accordé par le Code de commerce.
Abrogation de l ’article 511 de celui-ci.
Les créanciers hypothécaires ou privilégiés doivent être mis
en demeure de faire vérifier leurs titres.
Les titres déposés en vertu de nos deux articles ne sont pas
soumis à enregistrement préalable.
Les récépissés délivrés par le greffier ou les syndics sont
dispensés du timbre et de l'enregistrement.
Délais pour les créanciers résidant hors France.
417.
-<- Les formes que le législateur de 1807 avait
imposées à la vérification des créances avaient été con
sacrées par l’approbation de toutes les chambres de
commerce ; et la surveillance du juge-commissaire qu’il
�art. 4 9 1 , 4 9 2 .
41
a eu soin d’ajouter donnait, sur cet objei important, une
complète sécurité : les enquêtes autorisées , l’apport des
registres ordonné dans certains cas devaient rassurer
tout créancier légitime et dissiper toute crainte d’erreur
ou de fraude à cet égard
Tel doit être, en effet, le but de la vérification : faire
participer à la répartition de l’actif les créanciers sérieux
et en écarter ceux qui n’auraient aucun titre réel ; et
comme en définitive un pareil résultat est autant dans
l’intérêt de la masse que dans celui du failli, s’il est de
bonne foi l’une et l’autre doivent imprimer à cette opé
ration un caractère tel qu’elle ne se réduise pas à un
contrôle passif de toutes les prétentions qui viendront à
se produire.
4 1 8 . — Ce qui était vrai sous le Code de commerce
n’a pas cessé de l’être aujourd’hui. Aussi, le législateur
nouveau s’est-il bien gardé de porter aucune atteinte aux
formes de la vérification. Mais l’expérience avait signalé
des améliorations dans le but de les perfectionner, et
ce sont ces améliorations qu’on s’est hâté de consacrer.
4 1 9 . — La plus importante est celle qui concerne
les délais dans lesquels il doit être procédé à la vérifica
tion. Celle-ci, on le sait, est le principe de la liquida
tion de la faillite. Ce n’est, en effet, qu’après avoir fixé
l’état des créanciers et le chiffre des créances qu’on ap
pelle les intéressés à délibérer sur le concordat ou l’u
nion. L’urgence d’une détermination quelconque rejaillit
donc sur l’opération qui doit l’amener. Aussi , de tous
les temps les législations qui la prescrivaient ont-elles
1 De Ségur, Exposé des motifs.
�42
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
manifesté l’intention qu’il y fût procédé dans le plus
court délai.
Cependant il faut reconnaître que tout en proclamant
l’urgence de la vérification le Code de commerce ren
voyait cette opération à un délai fort éloigné. Les agents
ne pouvant y procéder, le temps pendant lequel ils ad
ministraient et qui était presque toujours d’un mois était
complètement perdu. Les syndics qui les remplaçaient
avaient d’abord à s’occuper de la levée des scellés, de
l’inventaire et quelquefois de la vente des marchandises.
Les démarches pour la vérification ne venaient qu’après
tous ces préliminaires.
A cette cause de retard venaient se joindre les délais
énormes accordés par les articles 502, 503 et 511. C’é
tait d’abord quarante jours pour opérer le dépôt des ti
tres qui n ’étaient vérifiés que quinze jours après l’expi
ration de ce premier délai. C’était ensuite un nouveau
délai pour les créanciers retardataires calculé sur leur
éloignement, de manière qu’ils eussent au moins un jour
par chaque distance de trois myriamètres, avec obliga
tion d’observer pour les créanciers résidant hors de
France les délais prescrits par l’article 73 du Code de
procédure civile.
Convaincue de la nécessité de fixer le plus tôt possible
le sort de la faillite, la loi nouvelle a sagement précisé
son intention à cet égard. La suppression de l’agence a
fait disparaîtredes longueurs que son existence entraînait;
mais là ne s’est pas bornée sa prévision. Nous allons
voir combien elle a réduit les divers délais qu’elle a ac
cordés aux créanciers.
�4 2 0 . — Un préalable indispensable à toute vérifica
tion est le dépôt des titres et l’énonciation des prétentions
individuelles des créanciers. Ces premières démarches
facilitent le travail de vérification confié aux syndics. Us
peuvent ainsi, par le rapprochement du bordereau avec
les écritures du failli, se convaincre du plus ou moins
de sincérité des créances prétendues.
La loi règle ce dépôt à une double époque : 4° depuis
le jugement déclaratif de la faillite jusqu’au maintien ou
au remplacement des syndics ; 2° depuis le jugement
qui prononce l’un ou l’autre jusqu’à la clôture du pro
cès-verbal de vérification.
4 2 1 . — Dans le premier cas le dépôt est facultatif;
ainsi chaque créancier peut, dès l’ouverture de la faillite,
remettre ses titres avec un bordereau indicatif des som
mes réclamées au greffier du tribunal de commerce qui
doit en tenir un état et en donner récépissé.
4 2 2 . — On comprend pourquoi l’article 491 nomme
exclusivement le greffier comme devant recevoir ce dé
pôt. A cette période de la faillite on ne sait encore si
les syndics en exercice seront ou non maintenus. Dans
cette incertitude, la loi a compris que les créanciers pour
raient avoir de la répugnance à confier leurs titres en
des mains qui, peut-être, resteront étrangères à l’opéra
tion que ce dépôt prépare; elle a considéré, d’autre part,
que les syndics eux-mêmes ne se livreront à aucune re
cherche tant qu’ils ne seront pas certains d’être mainte
nus, et que partant il était inutile de les constituer dé
positaires.
Mais dès que le jugement qui maintient ou remplace
�44
DKS FAILLITES ET BANQUEROUTES
les syndics est rendu, le greffier doit livrer à ceux-ci les
titres dont il est dépositaire. Il est évident, en effet, que
le dépôt n’en est pas ordonné pour qu’il les conserve en
tre les mains, mais bien dans l’objet que nous indiquions
tout à l’heure ; il doit donc mettre les syndics à même
de le remplir.
Il est vrai que les récépissés qu’il a délivrés engagenl
sa responsabilité ; mais i! a pour s’en dégager une dou
ble voie : ou reprendre des mains des syndics les titres
que ceux-ci ont examinés, ou exiger des créanciers la
restitution de ces récépissés au moment de la vérification
contradictoire. À défaut de cette restitution , le greffier
pourrait retenir les titres môme vérifiés pour en faire
plus tard l’échange ou ne les délivrer que sur valable
décharge.
(
]
(
]
,
(
423.
— Sous l’empire du Code de commerce, la responsabilité des greffiers relativement aux titres qui leur 1
sont confiées était indéterminée. Cet état de choses avait
depuis longtemps excité des réclamations. Ces fonction- (
naires trouvaient injuste l’obligation de répondre sans £
mesure de la négligence des créanciers.
r
Ces réclamations ont été entendues, et les effets de la r
responsabilité restreints à une duréedecinq ans. Ce délai I
commence à courir du jour de l’ouverture du procès- v
verbal de vérification. La logique indiquait ce point de f
départ ; car, puisque le dépôt n’a lieu que pour parvenir c
à la vérification, il n’était pas probable que le créancier r
retirât ses titres avant; mais comme, dès que celle-ci a i
commencé chacun doit se présenter pour faire admettre g
sa créance, on a supposé que les titres ont dû faire re- I
�art.
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491, 492.
45
tour à leurs propriétaires. Alors commence d’ailleurs la
négligence ; le dépôt a produit tous ses effets, le déposant a pu le faire cesser, et s’il reste cinq ans sans en
réclamer la restitution le greffier est complètement libéré
de toutes ses conséquences.
4 2 4 . — Dans le second cas le dépôt est forcé. En
conséquence, les créanciers qui n’ont pas usé de la faculté de l’article 491 doivent être mis en demeure de
produire leurs titres soit aux syndics définitifs , soit au
greffier du tribunal.
Cette mise en demeure se réalise par l’insertion dans
les journaux et par lettres du greffier. L’envoi de cellesci pourrait paraître suffisant pour avertir les créanciers.
Mais comme le greffier ne peut écrire qu’à ceux dont le
nom est connu ou porté dans le bilan, et qu’indépendamment de ceux-là il peut en exister d’autres, la loi a
prescrit la publicité de la convocation pour garantir tous
les intérêts et répondre à toutes les éventualités,
Remarquons encore que la loi impose au greffier le
devoir d’écrire aux créanciers, que le Code de commerce
avait attribué aux syndics. On a voulu ainsi prévenir les
réclamations qui s’étaient quelquefois élevées sur la m anière dont les syndics avaient accompli cette mission. On
leur avait reproché dans plus d’une circonstance de n’avoir prévenu que certains créanciers dont les dispositions
favorables à l’intérêt qu’ils s’étaient formé leur étaient
connues. La substitution dans ce mandat d’un officier
ministériel dégagé de tout intérêt dans la faillite a paru
un moyen péremptoire pour déjouer tout calcul de ce
genre , et pour empêcher la mauvaise foi d’élever des
plaintes injustes ou mal fondées.
�46
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
4 2 5 . — L’article 492 a remplacé le délai uniforme
de quarante jours par un de vingt jours seulement, mais
augmenté d'un jour par chaque cinq myriamètres de
distance entre le lieu où siège le tribunal et le domicile
du créancier. Ce délai court à partir de l’insertion dans
les journaux. Il est de rigueur pour tous les créanciers;
il est dans tous les cas unique. L’article 511 du Code de
commerce relatif aux créanciers retardataires est com plètement abrogé. Il a été considéré comme dangereux
et inutile. Accorder deux délais, a-t-o n dit, c’est rendre
le premier purement comminatoire ; c’est le second seul
auquel on se met en mesure d’obéir.
La suppression de celui-ci a d’ailleurs cet avantage
qu’en même temps qu’elle rend la liquidation plus ex
péditive, elle économise les frais du jugement et des for
malités prescrites par les articles 511 et 512 du Code
de commerce ancien.
Les créanciers doivent donc profiter des vingt jours
francs qui leur sont accordés pour opérer le dépôt de
leurs titres. Nous verrons, sous les articles suivants, les
conséquences de la violation de cette obligation. La ré
alisation du dépôt est constatée par un récépissé soit des
syndics soit du greffier , selon qu’il a été effectué entre
les mains des uns ou de l’autre.
4 2 6 . — Les lettres que le greffier est chargé d’écrire
doivent être envoyées à tous les créanciers indistincte
ment, aux hypothécaires , aux privilégiés , comme aux
chirographaires. Nul ne peut participer aux répartitions
de l’actif mobilier, s’il n’a été admis au passif après due
vérification. Or, les créanciers privilégiés et hypothécai
�art .
491, 492.
47
res sont admis à ces répartitions, si elles ont lieu avant
la liquidation des objets affectés à leur privilège et hypo
thèque , ou si cette liquidation préalable ne les a pas
soldés en entier. Ils sont donc, dans cette double prévi
sion, soumis à la vérification sans laquelle ils ne pour
raient exercer leur droit ; ils doivent dès lors être mis en
demeure de se présenter.
Cela est surtout vrai pour les créanciers privilégiés sur
les meubles. Leur créance ne peut être payée que si elle
a subi l’épreuve de la vérification. Cela a été notamment
jugé par la cour de Bordeaux , le 10 décembre 1839,
contre un médecin qui réclamait les honoraires de ses
visites pendant la dernière maladie du failli. Cet arrêt
décide que le tribunal civil compétent pour juger la ques
tion de privilège, était incompétent pour ordonner le paie
ment de la créance non vérifiée, et que la demande de
ce paiement était non recevable jusqu’après vérification 1
4 2 7 . — Les titres déposés en vertu des articles 491
et 492 ne sont pas soumis à un enregistrement préala
ble 2 : ils peuvent être sur papier libre, et leur enregis
trement exposerait les porteurs à des frais considérables,
avant même qu'il fût certain s’ils retireront quelque chose
de la faillite.
4 2 8 . — Il en est de même des récépissés délivrés
soit par les syndics soit par le greffier. Ils ne sont sou
mis ni à l’enregistrement ni au timbre. Le dépôt, alors
même qu’il est reçu par le greffier,} ne constitue pas un
acte de ses fonctions ; c’est une simple remise officieuse,
1 D. P., 40, 2, 127.
2 Décision ministérielle, du 28 juin I808.
�48
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
el le récépissé n’a pas d’autre objet que de prouver que
les titres sont en la possession de son auteur.
429.
— L’article 49â accorde aux créanciers résidant
hors de France les délais prescrits par l’article 73 du
Code de procédure civile. Mais cette prescription n’est
pas obligatoire pour la masse, en ce sens qu’en atten
dant l’expiration de ce délai il lui est permis de passer
outre à la vérification et à toutes autres opérations ulté
rieures, et même à la répartition de l’actif, comme nous
le verrons plus bas.
A rt. 495.
Ea v é rific a tio n d es c réa n ce s c o m m e n c e ra d an s
le s t r o is jo u r s de l ’e x p ira t io n d es d é la is d é t e rm i
n és p a r le s p r e m ie r et d eu x ièm e p a r a g r a p h e s de
l ’a rtic le 492. E lle se ra c o n tin u é e sa n s in t e r r u p
tion. E lle se fe r a a u x lie u , j o u r et h e u r e in d iq u é s
p a r le ju g e -c o m m is s a ire . E’a v e rtiss e m e n t a u x cré
a n c ie rs o r d o n n é p a r l ’a rtic le p ré c é d e n t con tien
d r a m e n tio n d e cette in d ic a tio n . N é a n m o in s les
c ré a n c ie rs se ro n t de n ou v eau con voq u és à cet ef
fet ta n t p a r le ttre s d u g re ffie r qu e p a r in s e rtio n s
d a n s le s jo u r n a u x .
B.es c ré a n c e s d es sy n d ics s e ro n t v é rifiée s p a r le
ju g e -c o m m is s a ir e ; le s a u t r e s le se ro n t c o n tra d ic
to ire m e n t e n tre le c ré a n c ie r ou son fo n d é de pou
v o irs et le s syndics, en p ré se n c e d u ju g e -c o m m is
s a ir e q u i en d r e s s e r a p ro c è s -v e rh a l.
A rt. 494.
'Tout c ré a n c ie r vérifié on p o r t é a u b ila n p o u rra
a s s is te r à la v é rific a tio n d es c réa n ce s et fo u rn il'
d es c o n tre d its a u x vé rific a tio n s faites et à faire.
Ee Sailli a u r a S© m êm e d ro it.
�art.
493, 4^ 4.
SOMMAIRE
430.
La vérification doit s’ouvrir trois jours après l ’expiration des
délais accordés aux créanciers domiciliés en France.
431. Quand et de quel moment ces trois jours commencent à
courir.
432. Nécessité d'une nouvelle convocation.
433. A quelle époque et par quels moyens elle doit être faite ?
434. Innovation de la loi actuelle quant au mode de vérification.
Avantage que cette innovation présente.
433. Il suffit aujourd’hui d ’être inscrit au bilan pour avoir droit
d’assister à l ’assemblée.
436. La vérification ne peut donc commencer qu’après l’expira
tion des délais pour la distance qui sépare les créanciers
du chef-lieu.
437. Exception en ce qui concerne les créanciers résidant hors
France.
438. Au jour indiqué les créanciers se réunissent pour la vérifi
cation.
439. Le créancier qui a perdu son titre peut le suppléer et as
sister à la vérification.
410. La loi actuelle accorde la même faculté au failli.
441. On doit d’abord vérifier la créance des syndics. Ce soin est
confié au juge-commissaire.
442. '' Les créances présentées sont vérifiées contradictoirement
entre le porteur et les syndics.
443. Elles peuvent être contestées par les créanciers même après qu’elles ont été admises.
443 )>is. Le droit des créanciers n ’est éteint que par l’expiration
des délais de la vérification et de l ’affirmation. Doc
trine et jurisprudence.
444. Les syndics ne sont pas obligés de pôürsuivre sur les con
testations soulevées par les créanciers.
443. Le droit de contester appartient au failli, mais il ne peut
l’exercer que par le ministère des syndics.
446. Les créanciers peuvent personnellement s’approprier et
poursuivre les contestations faites par le failli.
h
— 4
�50
447.
448.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
A défaut des poursuites des uns et des autres le failli fait
insérer ses protestations au procès-verbal ; il peut en
suite les réaliser lors de la distribution de l’actif.
La clôture du procès-verbal de vérification rend les créan
ciers non recevables à contester les créances.
4 5 0 . — L’article 493 renferme une nouvelle modi
fication aux dispositions du Code de commerce relative
ment à l’ouverture du procès-verbal de vérification. Nous
avons dit que l’article 503 prescrivait cette ouverture
quinzaine après l’expiration des quarante jours fixés par
l’article 5021. La loi actuelle l’exige dans les trois jours,
à dater de l’expiration des vingt qu’elle accorde aux cré
anciers domiciliés en France.
Mais nous venons de voir que ces vingt jours sont
susceptibles d’être augmentés des délais de distance à
raison d’un jour par chaque cinq myriamètres. De là
plusieurs conséquences importantes.
4 5 1 . — La première, c’est que le délai de trois jours
ne .commence à courir que de l’expiration des délais ac
cordés au créancier le plus éloigné. C’est ce qu’on doit
forcément induire des termes de notre article 493 : la
vérification commencera après l'expiration des délais
déterminés par les premier et deuxième paragraphes de
l'article 492. La loi a donc entendu accorder non-seu
lement le délai de vingt jours, mais encore celui des dis
tances. On ne peut, en conséquence, procéder à la véri
fication, tant que l’un et l’autre ne sont pas épuisés. Or,
le dernier ne l’est que lorsque le créancier le plus éloi
gné a joui dans son entier de celui auquel il a droit.
4 5 2 . — La seconde, c’est qu’une nouvelle convoca
�art.
493, 494.
51
tion apprenne à tous les créanciers les jour, lieu et heure
précis auxquels la vérification commencera. S’il est facile
aux syndics qui ont sous les yeux l’état général des cré
anciers de calculer d’avance les délais et leur expiration,
les créanciers isolément ne peuvent le faire. Il est donc
juste qu’ils en soient officiellement avertis , pour qu’ils
puissent se présenter à l’assemblée dans laquelle il sera
procédé à cette importante opération.
Aussi et malgré que l’avertissement donné aux créan
ciers en vertu de l’article précédent doive indiquer le
moment de la vérification , l’article 493 exige-t-il une
convocation spéciale.
433.
— Cette convocation doit nécessairement être
réalisée avant l’expiration des délais de l’article 492. Il
est évident, en effet, que si l’on attendait pour la faire
cette expiration elle deviendrait entièrement illusoire,
puisque la vérification doit nécessairement s’ouvrir trois
jours après, ce qui ne permettrait pas à la convocation
d’arriver utilement aux divers créanciers.
C’est encore par lettres du greffier et par insertion
dans les journaux que les créanciers doivent être avertis.
Ici comme dans tous les cas où elle est prescrite , cette
seconde formalité est commandée non-seulement dans
l’intérêt des créanciers inconnus, mais encore dans celui
des créanciers que le greffier pourrait oublier de convo
quer. Il est dès lors certain que l’allégation de n’avoir
point reçu de lettres du greffier ne sau rait, dans aucun
cas, relever les créanciers non comparants des effets de
leur absence K
i Voy. infra article 503.
�32
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
434.
— A cette innovation, quant aux délais, la loi
en ajoute une tout aussi importante relativement au
mode dans lequel il doit être procédé à la vérification.
L’article 501 du Code de commerce prescrivait de la ré
aliser au fur et à mesure que les créanciers se présen
taient. L’opération se passait donc uniquement entre le
créancier produisant et les syndics, sauf pour tous les
autres le droit de contester plus tard.
Aujourd’hui la vérification a lieu en assemblée géné
rale. Ce mode a l’avantage d’appeler sur les créances un
examen plus sévère et plus utile en les soumettant à l’ap
préciation des membres présents. Il rend, par conséquent,
beaucoup plus difficile l’introduction de faux créanciers.
Sans doute , le Code de commerce appelait aussi un
semblable résultat en permettant aux créanciers vérifiés
d’assister aux vérifications ultérieures et de contester
même les créances précédemment admises. Mais , dans
l’exécution , cette faculté rencontrait des obstacles forcés
qui en rendaient l’exercice difficile. Le premier de tous
était l’ignorance de te qui avait été fait avant. Le créannier ne pouvait connaître même le nom des créanciers
déjà admis qu’en prenant connaissance des procès-ver
baux dressés par le greffier ; et l’admission prononcée
par les syndics, sanctionnée par le juge-commissaire ne
créait-elle pas d’avance un préjugé défavorable à toute
contestation ultérieure ? Ce n’était donc qu’après des re
cherches peu usitées chez les commerçants, qu’en pré
sence d’une présomption fâcheuse qu’une attaque pouvait
être dirigée contre un créancier précédemment admis, et
celte double circonstance a toujours rendu ces attaques
extrêmement rares.
'
'
�art.
493, 494.
Le système de la loi nouvelle est donc préférable. Les
créanciers trouvent dans leur réunion même les moyens
de faire subir à chaque créance un examen sérieux, d’em
pêcher toute fraude. Chacun d’eux peut , en déclarant
les circonstances qui sont à sa connaissance, en révéler
qui soient de nature à être utilisées soit par les syndics
soit par les créanciers.
435.
— La conséquence du nouveau mode de véri
fication était l’abrogation de la condition que l’article 504
du Code de commerce avait mise au droit des créanciers
d’assister à la vérification. Il est évident que la loi nou
velle prescrivant qu’il soit procédé à cette opération en
assemblée générale ne pouvait exiger qu’une seule con
dition chez ceux qu’elle appelait à cette assemblée, à sa
voir, d’être porté au bilan comme créancier.
Sans doute cette inscription n’établit qu’une présomp
tion ; mais on ne doit pas oublier que le bilan a été sou
mis aux observations des créanciers réunis pour délibé
rer sur le maintien ou le remplacement des syndics ;
que s’il a été rédigé par ceux-ci , il a été précédé d’un
examen attentif des écritures. Cette double circonstance
est de nature à donner à la présomption un caractère
de gravité qui se rapproche beaucoup de la certitude.
Qu’importait d’ailleurs que plus tard il soit reconnu
que celui qui figurait d’abord sur le bilan n’est pas réelellement créancier? Quel inconvénient pouvait-il résulter
de son concours- à la vérification ? Si ce concours a été
purement passif, personne ne saurait s’en plaindre. S’il
a eu pour résultat d’éclairer les créanciers sur le plus ou
moins de fondement de telle ou telle créance , c’est un
�54
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
service rendu à la masse qu’il aura mise ainsi à même
soit d’éviter un procès injuste, soit d’obtenir le retran
chement ou la réduction de la créance prétendue.
4 3 6 . — En conséquence, le droit d’assister à la vé
rification appartient à tous ceux que le bilan qualifie de
créanciers; ils doivent être appelés à y concourir , et ce
n’est qu’après les avoir mis en demeure de s’y présenter
que l’on p e u t, dès l’expiration des délais qui leur sont
accordés, passer outre à cette vérification.
4 3 7 . — Il est cependant une exception pour les cré
anciers domiciliés et résidant hors de France ; mais cette
exception était commandée par la force des choses. Il
était certain que, comme tous les autres, ces créanciers
ont le droit d’assister à toutes les opérations de la fail
lite. Cependant on a dû passer outre, malgré que les dé
lais qui leur sont accordés ne soient pas expirés. Le sys
tème contraire rendait la liquidation interminable , en
retardant quelquefois pendant des années entières le mo
ment de la vérification. On eût ainsi sacrifié les intérêts
des créanciers domiciliés en France, qui seront toujours
les plus nombreux et que leur qualité de nationaux re
commande plus particulièrement à toute la protection
du législateur.
D’ailleurs , le retard qui leur aurait singulièrement
nui ne pouvait être d’une grande utilité pour ceux en
faveur desquels on l’eût admis. Il est en effet certain que,
par leur éloignement même, les créanciers résidant hors
France n ’auront jamais à exercer qu’une très-médiocre
influence sur la vérification.
On a donc sagement fait de prescrire la vérification,
�art.
493, 494.
55
malgré que les délais de l’article 73 du Code procédure
civile ne soient pas encore expirés. Il est vrai que , par
ce moyen, les créanciers résidant hors France sont pri
vés du droit de contester les créances produites dans la
faillite ; mais, à cet égard, l’intérêt commun des autres
créanciers à écarter de la masse ceux qui n’auraient au
cun titre pour en faire partie est une sauvegarde suffi
sante pour tous.
4 5 8 . — Au jour indiqué dans la convocation les
créanciers se réunissent sous la présidence du juge-com
missaire ; ils présentent en personne ou par fondé de
pouvoirs leurs titres à la vérification, qui doit être con
tinuée sans interruption jusqu’à épuisement. Il est du
tout dressé procès-verbal par le juge-commissaire. Ce
procès-verbal reste déposé au greffe du tribunal de
commerce. Des expéditions partielles pourront en être
prises par les parties intéressées ï.
4 3 9 . — Le créancier qui aurait perdu son titre serait
admis à y suppléer par tous les moyens à sa disposition
et à réclamer son admission au passif. Il pourrait ob
tenir et produire un extrait des livres du failli. Il peut,
par cela même, assister à la réunion et concourir avec
les autres créanciers à toutes les opérations.
4 4 0 . — Enfin et par une dérogation expresse à la
législation précédente , la loi permet au failli d’assister
à la vérification. Le Code de commerce avait repoussé
cette faculté pour éviter de jeter dans la discussion de
l’aigreur et de la passion. On avait aussi craint que la
Voy. infra article 569.
�56
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
présence du failli ne lit que compliquer, embarrasser et
ralentir inutilement l’opération.
La loi nouvelle n ’a pas cru devoir sacrifier à cette
double considération l’utilité que peut offrir pour les
créanciers la présence du failli, le droit qu’il peut à juste
litre revendiquer lui-même d’être partie dans une me
sure aussi importante.
Que le failli ait à l’admission des créances à son passif
un intérêt direct et majeur c’est ce qui ne sera contesté
par personne; c’est de sa ehose qu’il va être disposé;
c’est son avenir qui va demeurer grevé de toute la partie
du passif qui restera impayée. Il lui importe donc de
repousser toutes les prétentions injustes et mal fondées.
Plus il y aura de créances réduites ou rejetées et plus
fortes seront les proportions dans lesquelles sa dette s’é
teindra. Il était donc de toute justice de lui permettre
d’assister à la vérification.
Cela était plus équitable encore lorsque, par des motifs
quelconques, le failli n’a pas lui-même rédigé son bilan.
Dans ce cas, en effet, les syndics n’ont pu agir que par
approximation , non-seulement quant au chiffre de la
créance , mais encore quant au nom et à la personne
des créanciers. Les écritures peuvent, d’ailleurs, ne pas
être le miroir fidèle de la position du failli, et quel autre
que lui pourra signaler avec plus de certitude les erreurs
échappées aux syndics ?
Remarquons que, dans celte circonstance, le failli a
un intérêt qui lui est commun avec les créanciers. S’il
importe au premier de réduire sa dette , il n’importe
pas moins à ceux-ci de diminuer le notnjire $es ayants
�droit. Moins il y aura de parties prenantes et plus les
véritables créancier verront augmenter la part qui leur
sera déférée dans les répartitions.
Sous un autre point de vue le concours du failli n’est
pas moins avantageux pour les créanciers. Dans la vé
rification les syndics agissent plutôt comme représentants
de la masse qu’au nom du failli. Aussi, tout en obligeant
irrévocablement celle-ci , ils ne lient point celui-là. Il
est en effet certain que la vérification est, pour le failli
qui n’y a pas encore concouru, res inter altos acta , et
qu’il a le droit de contester les créances admises même
après le concordat ou l’union. Sa présence à cette opé
ration, sans protestations ni réserves, lui enlèverait l’exer
cice de ce droit ; elle produirait donc un bien réel pour
les créanciers dont le sort resterait ainsi définitivement
fixé.
On ne peut donc qu’applaudir à la disposition nou
velle qui permet au failli d’assister à la vérification, d’au
tant que le législateur a agi avec prudence en n’accor
dant au failli qu’une faculté qu’il dépend de lui d’exercer.
Ainsi, les syndics ne sont pas obligés de l’appeler. Son
absence n’est jamais un obstacle ;. seulement s’il use de
son droit, il ne peut être exclu de la réunion.
441.
— La vérification s’ouvre paf l’examen des
créances dues aux syndics. Cet examen est confié par la
loi au juge-commissaire. Dans la crainte que ce magistrat
ne pût se livrer utilement aux recherches que cette vé
rification exige, on avait proposé d’en livrer le soin à tel
créancier qu’il désignerait lui-même. Mais cette propo
sition fut rejetée pour exclure toute idée d’une complai-
�58
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sance réciproque que la position respective du créancier
et des syndics pouvait inspirer. D’ailleurs , il importait
surtout pour la créance des syndics de s’assurer d’une
vérification sérieuse et sincère , et c’est pour l’obtenir
qu’on en a chargé le juge-commissaire.
La créance des syndics peut être contestée. Il est dans
ce cas procédé aux formes de l’article 498 et suivants.
Mais cette contestation ne porte aucune atteinte aux fonc
tions qu’ils ont à remplir, et n’empêche nullement qu’il
soit passé outre à la vérification des titres des autres cré
anciers.
4 4 2 . — Cette vérification se fait contradictoirement
entre les créanciers produisants et les syndics. Ceux-ci
ont donc le droit d’admettre la créance ou de la contester
en tout ou en partie.
4 4 3 . — Mais ce droit ne leur appartient pas exclu
sivement. Il est vrai qu’ils sont dans tous les cas les re
présentants de la masse, et que c’est en cette qualité que
la loi les commet pour recevoir contradictoirement les
vérifications. En conséquence, la masse ne peut agir que
par eux ; ils ont seuls qualité pour la protéger et la dé
fendre.
Il est vrai encore que cette masse comprend l’univer
salité des créanciers. Mais à côté des droits qui appar
tiennent en général à l’être moral, il convient de placer
ceux qui peuvent être réclamés personnellement par tous
les membres de cet être moral. Or, chacun d’eux, dans
la sphère de ces droits, peut avoir intérêt à contester
l’admission des créances qu’il a lieu de croire fausses
ou éteintes. On devait donc lui reconnaître la faculté de
s’opposer à cette admission.
�art.
493, 494.
59
Ainsi , si chaque créancier n ’est pas partie nécessaire
dans la vérification, en ce sens que son absence n’empê
che pas de passer outre, il peut y intervenir activement
en contestant les créances, même celles déjà admises.
4 4 5 bis, — Quelle est la durée de la faculté laissée
aux créanciers; peut-elle être exercée après l’affirmation
de la créance ?
Les termes de l’article 494 semblent résoudre cette
question. Puisqu’il permet de contredire aux vérifications
déjà faites, puisqu’il n’a fixé aucun délai à la recevabilité
de l’action , on pourrait croire qu’il en autorise perpé
tuellement l’exercice. Il n’en saurait être ainsi cependant.
Cette faculté doit avoir un terme pour qu’on puisse ar
river à quelque chose de certain. Or, ce terme était na
turellement indiqué au moment où les vérifications étant
achevées on va sortir du provisoire et aborder le définitif.
Nous pensons donc que le droit de contester existe
jusqu’à la clôture du procès-verbal de vérification et
d’affirmation ; qu’il peut être exercé contre toute créance
admise et affirmée. Tel est aussi l’avis de MM. Pardes
sus, Boileux et Dalloz '.
M. Renouard estime au contraire que l’affirmation
rend la créance désormais inattaquable et crée une fin de
non recevoir absolue contre toute contestation ultérieure.
Cette doctrine conduisait à une conséquence étrange
qui ne pouvait échapper à la pénétration de l’honorable
magistrat. Je sais bien , d it- il, que l’affirmation peut
suivre immédiatement l’admission; que l’article 497 ori N° 1186;— sur Boulay-Paty, n° 493 ;—Juriipr. génér., v» fallite,
n° 631.
�60
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
donnant de la prêter dans la huitaine au plus tard ne
met nul obstacle à ce qu’elle soit prêtée de suite ; que la
faculté de contredire aux vérifications faites, ouverte par
l’article 494, pourra ainsi devenir illusoire. Tout cela
est vrai ; mais il est vrai aussi qu’une créance affirmée
n’est plus au simple état de créance vérifiée , qu’elle a
acquis un caractère légal de certitude auquel des effets
pareils doivent être attachés1.
Ainsi, le législateur rompant avec toutes ses habitudes
n’aurait accordé qu’un droit illusoire dont il aurait re
mis le sort à la discrétion de celui qui avait à en redou
ter les effets.
Le pouvoir de contester n’a rien d’alarmant pour les
créanciers sérieux et sincères. Il.ne menace et ne peut
inquiéter que ceux qui croient tout permis pour atténuer
la perte à laquelle la faillite les expose. Or , quel plus
puissant encouragement à suivre cette voie pouvait-on
leur offrir que leur reconnaître le moyen d’assurer le
triomphe de leur fraude.
Il est évident, en effet, que plus une créance offrira
de prise à des contestations, plus le porteur aura intérêt
à les prévenir et à les empêcher de se produire. Il ne
manquera donc pas, après avoir obtenu une admission
que l’ignorance des syndics aura fait prononcer.de prêter
son affirmation à l’instant même et à rendre ainsi im
possible même la recherche de la vérité. C’est au légis
lateur qui a veillé avec tant de sollicitude à assurer la
sincérité des prétentions que la faillite soulève, qui a pris
tant de précautions pour faire régner l’égalité entre tous
i Sur l’article 497.
�art.
493, 494.
61
les créanciers, qu’on pourrait reprocher d’avoir autorisé
et par cela même encouragé une pareille déloyauté, une
telle fraude ?
Nous ne saurions l’admettre. Nous sommes au con
traire convaincus qu’un pareil résultat n’est ni dans la
lettre ni dans l’esprit de la loi.
Evidemment l’article 494 a un but. Il n’a pas été in
scrit dans la loi pour y demeurer une lettre morte et
sans effets possibles. Or, ceux qui l’y ont inscrit pou
vaient-ils ignorer que, nous ne dirons pas le plus sou
vent, mais qu’à peu près toujours l’affirmation suit im
médiatement l’admission. Donc , si cette conviction ne
les a pas empêchés d’autoriser de contredire aux vérifi
cations déjà faites, sans parler de l’affirmation, c’est que
pour eux cette affirmation ne pouvait être un obstacle à
l’exercice de cette faculté.
C’était là d’ailleurs une appréciation rationnelle du
caractère de cette formalité. L’affirmation n ’est au fond
que l’allégation <Ju créancier. Sans doute le serment est
une garantie, mais à l’égard de l’homme loyal et probe.
Mais en est-il de même de celui que la nécessité de le
prêter n’a pas empêché de recourir au mensonge ? Re
culera-t-il devant cette nécessité, après l’avoir audacieu
sement bravée ? Et parce qu’au mensonge il aura joint
le parjure, on déclarera inviolable le droit emprunté à
ces sources impures.
Si cette inviolabilité avait été dans la pensée du légis
lateur, il n’eût pas manqué de la concilier avec la fa
culté qu’il concédait. Le moyen s’en offrait naturellement.
Il fallait prescrire un délai obligatoire entre l’admission
�62
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
et l'affirmation , délai pendant lequel les ayants droit
auraient pu et dû réaliser leur action. L’article 497 ac
corde bien huit jours. Mais , comme l’enseigne M. Renouard lui-même, ces huit jours sont une faveur pour
celui qui doit prêter l’affirmation et qui peut toujours la
prêter instantanément. Ainsi, c’est sciemment que le lé
gislateur aurait fait de la faculté qu’il concède un véri
table piège pour les créanciers pouvant toujours être dés
armés avant d’avoir été en mesure d’agir.
La cour de Lyon avait donc raison lorsque, dans son
arrêt du 25 novembre 1849, elle déclarait qu’une doc
trine si favorable à l’erreur et à la fraude n ’avait pu en
trer dans l’esprit du législateur. La preuve de la vérité
de cette appréciation résulte, pour nous, du rapproche
ment des articles 494 et 497.
Vainement M. Renouard, pour atténuer l’étrange effet
de son système,, objecte-t-il que les créanciers concou
rent aux vérifications par le ministère des syndics, leurs
représentants légaux ; qu’ils doivent subir les conséquen
ces de leurs actes ; que d’ailleurs ils ont le droit d’y as
sister en personne ; que leur abstention les constitue en
état de faute dont les effets restent naturellement à leur
charge.
Ces objections trouvent une réponse péremptoire dans
la loi elle-même. Les vérifications faites sont nécessai
rement l’œuvre des syndics. Donc, la loi en accordant
aux créanciers le droit de les contester a par cela même
reconnu que, dans cette opération, le fait des syndics ne
liait pas les créanciers.
On ne pouvait consacrer le contraire sans compromet-
�ART.
493, 494.
63
tre le but qu’on se proposait. On ne voulait faire parti
ciper à l’actif que ceux qui y avaient des droits sérieux,
légitimes, incontestables. Or, il était facile de prévoir que
les syndics , quelque bien intentionnés qu’ils fussent,
pouvaient être induits en erreur par ceux qui avaient
intérêt à la faire naître ; qu’ils pouvaient ignorer beau
coup de choses que la vérification d’autres créances ferait
ultérieurement découvrir. Il était donc rationnel, puis
qu’on voulait avant tout la vérité vraie, qu’on sanction
nât tout ce qui était de nature à y conduire.
De là la faculté pour les créanciers individuellement
de contredire , même après l’admission prononcée par
les syndics.
D’autre part, leur assistance à toutes les vérifications
ne constitue pas un devoir. On ne pouvait même pas la
leur imposer à ce titre. Comment, en effet, exiger qu’un
négociant absorbé par ses affaires vint journellement
perdre cinq à six heures, et cela pendant les mille et une
séances que la vérification peut exiger ? Etait-il juste,
était-il possible de le contraindre à sacrifier un intérêt
urgent, actuel, considérable à un intérêt encore problé
matique et dans tous les cas fort minime ?
L’article 494 a voulu non créer une obligation, mais
prévenir une difficulté. On n’eût pas manqué d’exciper
contre l’action personnelle du créancier du principe qui
prohibe en matière de faillite la poursuite individuelle.
On aurait ajouté pour les créances déjà admises que le
mandant était lié par le fait du mandataire , et comme
la loi entendait et voulait le contraire, fallait-il bien qu’
elle s’en expliquât.
�64
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
>
9
De là la disposition : tout créancier p o u r r a as
sister à la vérification, e tc ... . Or, une faculté emporte
avec elle le droit d’en user ou ncn. Donc , le créancier
qui s’abstient fait une chose licite, ne se constitue pas en
faute. Une peine quelconque légitime, dans l’hypothèse
d’un devoir méconnu ou violé, serait une véritable énor
mité dans le cas où l’on n’a pas fait c? qu’on était libre
de ne pas faire.
Dans un arrêt du 8 avril 1851, visé plus bas, la cour
de cassation objecte que s’il était perm is, sous prétexte
d’une erreur commise, de remettre en question ce qui a
été décidé à la suite d’une vérification régulière, le mê
me droit devrait par réciprocité être accordé au créancier
lui-même ; qu’ainsi la condition de tous demeurerai!
perpétuellement incertaine ; qu’aucune limite ne sépa
rerait l’état provisoire de l’état définitif; qu’aucune li
quidation ne s’opérerait avec succès.
Cette considération était puissante et décisivê dans
l’espèce de l’arrêt, puisque, comme nous allons le voir,
la contestation était postérieure à la clôture du procèsverbal de vérification. Mais elle ne pourrait être juste
ment opposée à la doctrine que nous professons.
Nous soutenons, en effet, que le droit des créanciers
ne peut être exercé que jusqu’à cette clôture. Nous n'ad
mettons cet exercice que pendant la durée de l’état pro
visoire. Jusqu’à l’expiration des délais de la vérification
la mission des syndics est précautionnelle et conserva
toire. La liquidation elle-même pourra être évitée , s'il
intervient un concordat.
Quel inconvénient peut-il naître de laisser jusque-là
�art.
4-93, 494.
65
la position des créanciers incertaine. Cette incertitude
n’est-elle pas commandée par la nature des choses ?
N’est-ce pas par l’ensemble des vérifications qu’on pourra
sainement apprécier celte position et l’asseoir d’une ma
nière définitive.
Il est donc rationnel de faire participer la vérification
du caractère de la période de la faillite dans laquelle elle
a lieu. On ne pourrait faire autrement sans se lier d’a
vance et en aveugle , sans s’exposer à accepter comme
sincères des créances qui ont osé se produire contre toute
vérité.
A cet égard encore l’intention du législateur ne peut
même être révoquée en doute. Elle résulte explicite et
formelle de l’article 5S1.
S’il est une mesure destinée à exercer une influence
décisive sur le sort des créances c’est sans contredit le
report de la date de la faillite. Ce report peut être pour
suivi et prononcé, même d’office, jusqu’à l’expiration des
délais de la vérification et de l’affirmation. Supposez ce
report prononcé la veille, quelle position fera-t-on aux
créanciers qui auront à en souffrir. Pourront-ils, se pré
valant de la vérification et de l’affirmation , prétendre
que leurs créances ont acquis un caractère légal de cer
titude qui les rend inviolables ? Répondront-ils à l’ob
jection de la postériorité du report qu’il y a eu faute à
le réclamer si tard, qu’on pouvait et devait le faire plus tôt.
Evidemment non, et malgré l’admission et l’affirma
tion les paiements faits au mépris des articles 446 et 447
devront être rapportés, et leurs montants accroîtront le
chiffre de la créance primitivement admise , à moins
n — 5
�66
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
qu’on ne prétende que l’article 581 n’autorise le report
jusqu’au moment qu’il indique que pour lui refuser ses
effets les plus immédiats, les plus importants pour la
masse.
Singulier rôle que la doctrine que nous repoussons
ferait jouer au législateur. Là, dans l’article 494, il au
rait édicté un droit dont l’extinction pouvait et devait
être acquise avant qu’il eût pu être exercé. Ici, dans l’ar
ticle 581 , il en concéderait un autre au moment même
où il ne pourrait plus produire son effet. Et l’on assi
gnerait à cette doctrine un caractère légal et juridique !
Concluons donc que tant que le procès-verbal de vé
rification n’a pas été clôturé toutes les opérations sont
essentiellement provisoires ; la vérification des créances
plus encore que les autres, car la nécessité de la modifier
peut naître de ses développements, des faits qui peuvent
en surgir.
On pourrait prétendre avec raison qu’il n’y a rien de
commun entre la position du créancier présentant sa cré
ance à la vérification au moment qui lui conviendra et
celle des syndics qui n’auront pas même sous les yeux
les écritures pouvant contrôler celles dont on produit l’ex
trait. Nous préférons, quant à nous, reconnaître qu’il est
juste que tout soit égal entre le créancier et la masse.
Or, loin de s’écarter de ce principe, notre doctrine ne
tend qu’à en réclamer l’application en faveur de celle-ci.
En effet, que le créancier puisse revenir contre son er
reur et la faire réparer, c’est ce qui n’est pas contestable.
Sans doute il serait irrecevable à faire modifier le chiffre
vérifié et admis ; mais il se présenteru de nouveaa à la
�art.
493, 494.
67
vérification, et si les créances pour lesquelles il demande
son admission sont certaines, si elles ne font pas double
emploi avec les précédentes, cette seconde admission ne
saurait lui être refusée. Pourquoi donc la masse forcée
de réparer l’erreur qui lui était profitable ne pourraitelle revenir contre celle qui lui serait nuisible.
Loin donc de revendiquer un privilège pour la masse,
nous la plaçons dans un état marqué d’infériorité vis àvis du créancier. Son droit à elle expire avec la clôture
du procès-verbal de vérification. Son droit à lui ne recon
naît aucune limite et peut s’exercer après comme av an tl.
Notre doctrine appuyée sur la saine entente de la loi
trouve encore un fondement puissant dans les considé
rations de morale et de justice.
On pourra lui opposer deux arrêts de la cour de cas
sation. Mais ces décisions s’expliquent par les espèces
sur lesquelles elles sont intervenues.
Dans celle de l’arrêt du 8 avril 1851 la créance avait
été contestée après la clôture des vérifications. C’est ce
qui résulte de ces termes de l’arrêt :
« Considérant qu’aucune contestation ne s’est élevée
sur le taux , ni sur la sincérité de la créance qui a été
admise par les syndics, visée par le juge-commissaire,
affirmée par le créancier, comprise parmi celles qui ont
servi de base au concordat et à trois répartitions de di
vidende.2 » Loin de contredire notre doctrine, cet arrêt
n’en est qu’une application.
Nous ignorons à quelle époque était né le litige dans
1 Article 603.
SD. P., 51, 4, 424.
�68
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
l’espèce de l’arrêt du 1er mai 1835. L’omission du point
de fait,par l’arrêtiste,nenous permet pas de l’apprécier.
Mais ce qui nous a frappé c’est la contradiction fla
grante entre les motifs et le dispositif sur un des points
en litige.
11 s’agissait de la faillite d’une société. Un créancier
avait été admis au passif social.
Plus tard, les syndics qui avaient procédé à cette ad
mission contestent le chiffre de la créance pour double
emploi- d’une somme de deux mille francs, et la qualité
du porteur qu’ils soutiennent n’êlreque le créancier per
sonnel d’un des associés. Leur prétention est accueillie
par le tribunal et la cour de Rouen.
La cour de cassation investie par le créancier pose, en
principe, que la déclaration d’admission, lorsqu’elle n’est
accompagnée d’aucune restriction ni réserve, constitue
de la part des syndics une reconnaissance de la dette;
que ceux-ci ne peuvent être reçus à contester ultérieu
rement cette créance, à moins toutefois qu’ils n’adminis
trent la preuve que des circonstances de dol, de fraude
ou de force majeure ont arrêté la manifestation de la vé
rité et empêché une vérification exacte et sincère ; mais
que la simple erreur de fait ou de droit dans l’apprécia
tion des titres ou documents alors connus ou ayant dû
l'être ne saurait détruire l’effet de la reconnaissance des
syndics et de l’affirmation du créancier1.
Or , admettre au passif une somme compensée dans
un précédent compte, est-ce autre chose que commettre
une erreur que l’appréciation du compte connu ou ayant
�art.
493, 494.
69
dû l'être aurait infailliblement prévenu et empêché? Ce
pendant le retranchement de la somme de deux mille
francs prononcé par la cour de Rouen est maintenu et
consacré par la cour de cassation.
Ce maintien, il est vrai, est motivé sur ce que l’erreur
serait imputable au créancier lui-même. Mais tout ce
qu’on avait à lui reprocher c’était d’avoir mal à propos
compris dans son bordereau des sommes dues deux mille
francs dont il avait été payé. Ce n’était certes pas là un
dol ni une fraude. On n ’articulait aucune manœuvre
tendant à empêcher la découverte de la vérité que l’examen des comptes en possession des syndics aurait clai
rement manifesté.
La cour de cassation recule donc devant les consé
quences du principe , et en réalité elle consacre notre
système, car, dans les cas d’erreurs, la condition quelle
exige ne manquera pas de se réaliser. Toutes les fois, en
effet, que les syndics admettront comme due une créance
qui ne l’était pas, ils ne l’auront fait que parce que mal
à propos, volontairement ou involontairement le créan
cier l’aura portée sur le bordereau des sommes pour les
quelles il réclame son admission au passif. Or , si cela
suffit pour faire réparer l’erreur , nous avons raison de
dire que l’affirmation ne pourra jamais créer un obsta
cle à cette réparation.
Ajoutons que s i , en ce qui concerne la qualité du
créancier , l’arrêt de la cour de Rouen est cassé , c’est
que la cour régulatrice considère en fait que la contesta
tion émane des mêmes syndics qui avaient admis la
créance ; que les motifs invoqués à l’appui existaient et
�70
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
étaient connus au moment qu’ils agissaient ainsi; que
par conséquent ils n’avaient pas cédé à une erreur.
Qu’aurait fait la cour si la contestation avait été sou
levée par un créancier non présent à la vérification, ou
si l’erreur alléguée n’avait été découverte qu’après l’ad
mission et l’affirmation ?
La cour suprême a elle-même résolu cette question,
lorsque, dans un arrêt du 16 janvier 1860, elle déclare:
que l'admission après vérification implique reconnais
sance de la créance admise et renonciation aux causes
de nullité d o n t o n a u r a i t p u a l o r s o x o i p e r l.
Ce dernier arrêt fixe le sens de celui de 1855. Il lui
enlève ce que son principe avait de trop absolu et lui af
fecte le caractère d’arrêt d’espèce plutôt que de doctrine.
En restreignant les effets de la renonciation aux moyens
dont on aurait pu se prévaloir lors de la vérification, la
cour de cassation admet par cela même la faculté et le
droit de faire réparer l’erreur qui n’a été découverte
qu’après l’admission et l’affirmation.
En résumé l’article 494 prouve que, dans la vérifica
tion, les créanciers ne sont représentés par les syndics
que dans une certaine mesure ; que chacun d’eux est
recevable à contester, même après que ceux-ci ont admis
la créance. On ne saurait donc opposer une fin de recevoir
à l’action personnelle, alors même que d’après la juris
prudence de la cour de cassation la fin de non recevoir
écarterait les syndics.
Le droit existant, il est impossible que le législateur
l P . P., 60, 1, 7 5 ; - , J. du P., 1860, p. 996,
�ART. 493, 494.
71
s’en soit, pour son exercice, entièrement remis à la dis
crétion de celui que cet exercice menace. En déduire l’ex
tinction de l’affirmation, c’eût été méconnaître la maxime:
contra non valentem agere , non ouvrit prescription
règle de morale et de justice dont l’observation en ma
tière commerciale était sollicitée par l’intérêt public luimême.
L’admission et l’affirmation participent du caractère
de la phase de la faillite pendant laquelle elles s’accom
plissent. Elles sont essentiellement provisoires et doivent
se modifier suivant les nécessités qui surgiront de leur
développement. Il est impossible d’admettre que le légis
lateur ait entendu consacrer le mensonge et la déloyauté,
assurer le triomphe de la mauvaise foi et de la fraude.
Cette vérité qu’il appelle de tous ses vœux il n’a pu per
mettre de l’étouffer sous l’erreur qu’on serait parvenu à
créer. La découverte de cette erreur mettant en mou
vement l’intérêt de la masse, ouvre par cela même l’ac
tion en réparation 1.
Mais cette action ne pouvait être éternelle. Son terme
naturel s’induisait du passage de la faillite de l’état pro
visoire à l’état définitif, c’est-à-dire de l’expiration des
délais pour la vérification et l’affirmation.
4>
A cette époque où l’on va aborder la liquidation on ne
pouvait plus en laisser les bases variables et incertaines.
Aussi devrait-on déclarer non recevable toute contesta
tion ultérieure sur la sincérité et la quotité des créances.
1 Lyon, 21 novembre 1849;— Nîmes, 29 novembre 1849
Colmar,
27 décembre 1855;—Dijon, 12 mai 1856.^ D. P., 50, 2, 225, 226 ;
56, 2, 180; 57, 2, 64.
�IA
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Cette règle ne comporle qu’une exception, à vavoir :
le cas de dol, de fraude ou de force majeure. Des actes
de cette nature n’ont jamais pu créer des titres valables
et préjudicier à autrui. Les réprimer en tous temps est,
pour les tribunaux, non pas seulement une faculté, mais
un impérieux devoir. C’est ce que l’arrêt de cassation,
du 16 janvier 1860, consacre en matière de vérification
et d’affirmation de créances.
4 4 4 . — Les syndics seront-ils obligés de suivre les
contestations soulevées par les créanciers et de combattre
au nom de la masse les créances attaquées? Non, sans
doute. Le droit des uns est indépendant de celui des
autres ; il peut donc être exercé séparément. En consé
quence, les syndics ne peuvent être contraints de pren
dre qualité que s’ils croient la contestation sérieuse et
fondée. S’ils s’abstiennent, c’est aux créanciers contes
tants à poursuivre à leurs périls et risques les préten
tions qu’ils ont relevées 1.
4 4 5 . — Le failli a, comme les créanciers, le droit
de fournir tous contredits aux vérifications faites et à
faire. C’est là la conséquence directe de la faculté que la
loi lui donne d’assister à la vérification.
Mais pourrait-il poursuivre isolément des syndics les
contestations que ceux-ci refuseraient de soutenir? Nous
ne le pensons pas. La loi en appelant le failli à la vérificetion n ’a pas voulu lui donner directement ou indi
rectement le moyen d’embarrasser et de ralentir la mar
che de la faillite. Or, il lui serait facile de pousser jus—
i Voy. supra n° 132 bis.
�art.
493, 494.
73
qu’à l’abus la faculté de contester, pour peu qu’il le crût
utile à ses intérêts. De plus, il pourrait ainsi grever la
masse de frais considérables, puisque les condamnations
aux dépens prononcées contre lui viendraient, au grand
détriment des créanciers,augmenter le passif de la faillite.
En outre, le failli est désinvesti de ses actions. Nous
avons déjà dit que s’il peut ester en justice pour les droits
exclusivement attachés à sa personne, il ne peut quant
à ses biens agir que par le ministère des syndics.
C’est donc à eux à apprécier les contestations soule
vées par le failli, à en rechercher la nature et la portée;
à se les approprier s’ils les croient fondées, et à passer
; outre à la vérification dans le cas contraire.
446. — Chaque créancier pourrait, à défaut des
syndics, relever en son nom et poursuivre les contesta
tions faites par le failli. De leur p a r t, en effet, on n’a
pas à craindre des procès dont les bases uniques seraient
la morosité ou le caprice. Leur propre intérêt est, à cet
égard, une garantie suffisante. Plaidant en leur nom ils
auraient personnellement à supporter les conséquences
d’une condamnation, et cette perspective doit les rendre
circonspects dans l’exercice du droit que la loi leur confère.
447. — Quant au failli dont la contestation ne serait
relevée ni par les syndics ni par les créanciers, ses droits
sont sauvegardés par les protestations qu’il peut faire
insérer dans le procès-verbal. Ces protestations lui con
servent le droit de les faire juger lui-même, lorsqu’après
concordat ou union il s’agira de distribuer l’actif aux
créanciers. À cette époque les craintes qui ont déterminé
le législateur à lui refuser ce droit au moment de la
�74
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
vérification n’ont plus aucun objet ; il rl’y a dès lors
plus d’inconvénients à lui permettre de réaliser une ac
tion utile à ses intérêts. Il pourrait demander la restitu
tion de ce qui aurait été indûment payé ; à plus forte
raison doit-on l’autoriser à empêcher que celui à qui il
n ’est rien dû touche quelque chose L
448.
— Il n’en est pas de même pour les créanciers.
Le droit qu’ils ont de contester les créances doit être
exercé pendant la durée de la vérification. La clôture
du procès-verbal les rendrait non recevables à contester
ultérieurement les créances admises , sauf les cas de
fraude dont la preuve serait à la charge du contestant2.
Cette différence entre le failli et les créanciers pour la
durée du pouvoir de contester explique celle que nous
signalions tout à l’heure dans l’exercice de ce pouvoir,
Les créanciers étant contraints sous peine de déchéance
de le réaliser avant la clôture du procès-verbal, il eût
été irrationnel de prétendre les en empêcher. Le failli,
au contraire, n’ayant à craindre aucune fin de non re
cevoir de ce genre, ne saurait se plaindre de l’interdic
tion dans laquelle on l’a maintenu pendant la durée de
la vérification.
A rt . 495.
Le p ro c è s -v e rh a l «le v é rific a tio n in d iq u e r a le do
m ic ile d es c ré a n c ie rs et de le u r s fo n d é s de pou
v o irs.
11 c o n tie n d ra la d e s c rip tio n s o m m a ire des ti
tre s , m e n tio n n e ra les s u r c h a r g e s , r a t u r e s et in
te rlig n e s , et e x p r im e r a si la c ré a n c e est admise
ou contestée.
1 Voy. in fr a article 5i 6, n»s 893 et 894.
2 Voy. in fr a article 503, n° 504.
�ART. 495.
75
SOM M AIRE
449. Importance du procès-verbal. Enonciations qu’il doit ren
fermer.
450. 4* Le domicile des créancierset de leurs fondésde pouvoirs.
451. 2° La description sommaire des titres et la mention des sur
charges, ratures et interlignes.
452. 3* Si la créance est rejetée ou admise avec ou sans réserves.
453. Ces réserves peuvent être faites par les créanciers présents;
454. Par le failli qui y a intérêt ;
455. Parr le porteur de la créance lui-même. Nécessité de ces ré
serves pour les créanciers privilégiés sur les meubles.
456. Indépendamment des procès-verbaux de vérification on doit
constater la composition de l’assemblée. Fin de non re
cevoir contre les créanciers et le failli présents qui n ’au
raient pas contesté.
I
449.
— Nous venons devoir que l’article 493 charge
le juge-commissaire de dresser procès -verbal des vérifi
cations. Il semblerait résulter de ces termes que la ré
daction
de procès-verbal
appartient
à ce magistrat
trocès- verbal
est destiné à constater
la qualité
des ayants;
mais
évident
qu’il
faut appliquer
danslecette
droit, ille est
chiffre
de leur
créance
; à remplacer
titre cirqui
] constance
l’article
1040
du
Code
de
procédure
civile.
Ce
aurait été égaré après l’admission. Sous tous ces rapports
!
il a une importance réelle, et il n’est pas étonnant que
a loi en ait tracé expressément les formes. Ce procèsverbal doit contenir :
45(4 — 1° L’indication du domicile des créanciers
et de leurs fondés de pouvoirs.
Nous avons vu que pour tout ce qui concerne la vérification il n’est pas indispensable que les créanciers
�76
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
comparaissent en personne. Chacun d’eux peut se faire
représenter par un mandataire. Le domicile dont la meiv
tion est requise est le domicile réel tant du créancier que
du mandataire. Or, la loi n’exige pas que ceux-ci soient
résidants dans le lieu où siège le tribunal saisi de l’ins
truction ; elle laisse les créanciers entièrement libres dans
leur choix.
On avait proposé dans la discussion d’obliger les cré
anciers à élire domicile au chef-lieu ; mais cette propo
sition fut rejetée pour ne pas introduire dans la loi des
formalités de procédure obligatoires, et dont la violation
pouvait devenir la source de nombreuses contestations
ou le prétexte d’une déchéance incompatible avec la na
ture des droits des créanciers.
Le mandataire peut donc être pris ailleurs que dans
la localité ; mais, quel que soit son domicile il en est
fait mention dans le procès-verbal concurremment avec
celui du créancier qui l’a délégué.
4 5 1 . — 21° La description sommaire des titres et la
mention des surcharges, ratures et interlignes.
Cette prescription a pour objet, en constatant la ma
térialité des titres, d’assurer aux créanciers l’exercice du
droit de contester les créances admises en leur absence.
Le porteur intéressé à déguiser cette matérialité pour
rait, après l’admission, prétendre avoir égaré son titre et
le remplacer par l’extrait du procès-verbal. Cette ruse
devient impossible dès que celui-ci n’est que le miroir
fidèle du titre lui-même et qu’il constate les vices dont
celui-ci peut être entaché.
4 5 2 . — 3° Si la créance est admise ou rejetée.
�aut .
495.
77
L’admission peut n’être prononcée qu’avec réserves
soit de la part du créancier, soit de la part du failli, soit
enfin de la part du porteur de la créance lui-même.
453, — Les créanciers présents à la vérification peu
vent suspecter la sincérité de la créance dont on demande
'admission, sans être actuellement à même d’en démonrer la fausseté ou l’exagération. Ce cas se réalisant ils
I ont le droit de faire telles réserves qu’ils jugeront utiles
jour empêcher qu’on ne leur oppose plus tard leur sience comme une fin de non recevoir. Il doit en être
'ait mention dans le procès-verbal d’admission.
454, — Il en serait de même de celle que le failli
aurait intérêt à faire insérer pour pouvoir plus tard être
admis à contester la créance. Nous avons déjà d it1 que
sa présence à la vérification lui enlèverait le droit de
quereller les créances admises, s’il ne s’est pas opposé à
eur admission. Il a donc , pour conserver ce d ro it, à
aire constater son opposition par l’insertion de ses ré ierves au procès-verbal.
455, — Enfin , le créancier vérifié et admis peut
ivoir intérêt à n’accepter cette admission qu’avec réser
ves, dans le cas notamment où étant débiteur de la failite il aurait à prétendre une compensation entre sa créince et sa dette. Mais c’est surtout pour les créanciers
privilégiés sur les meubles que ces réserves sont indis
pensables ; car en faisant procéder purement et simplenent à la vérification de leurs créances ils sont censés
ivoir fait novation et avoir accepté le rang de créancier
.impie chirographaire2.
1 Voy. supra article 493, n° 440.
i Cassation, 29 juillet 1841. — D. P., 41, 1, 294.
�78
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
456.
— Toutes ces formalités 'sont relatives aux
procès-verbaux particuliers à chaque créance vérifiée.
Mais nous croyons que le mode de vérification admis par
la loi actuelle exige que ces procès-verbaux soient pré
cédés d’un protocole dans lequel le juge-commissaire doit
énoncer le nom de tous les créanciers qui ont comparu
sur la convocation. La vérification en assemblé a pour
but de simplifier cette opération, en mettant les créan
ciers en demeure de contester les créances qui vont être
vérifiées. Et nous n’hésitons pas à croire que celui qui
ayant assisté à cette vérification n’aurait pas contesté, ne
serait plus recevable à le faire ultérieurement.
Il est vrai que l’article 494 place sur la même ligne
les vérifications faites et à faire ; mais nous croyons que
la faculté de contredire ces dernières n’est réservée qu’aux
créanciers qui n’y ont pas assisté, et qui n’ont pu par
conséquent manifester leur opposition au moment même
de la présentation. Ceux-là donc qui ont été à même de
s’expliquer , qui ont laissé s’accomplir la vérification
sans protestations ni réserves ne sauraient prétendre re
venir sur la reconnaissance au moins tacite qu’ils ont
faite des droits du créancier, sauf le cas où il serait
prouvé que la découverte du fait qui motive la contes
tation est postérieure au procès-verbal.
Il faut donc, dans l’intérêt même de la stabilité des
vérifications, que l’on connaisse les personnes qui y ont
assisté. Cette connaissance résultera de la mention faite
en tête des procès verbaux de vérification, du nom des
créanciers qui formaient l’assemblée.
Ce que nous disons des créanciers est surtout vrai
�ART.
495.
79
pour le failli. La présence de celui-ci à la vérification ne
se décèlera dans les procès-verbaux particuliers que dans
le cas où il croira devoir contester. D’où la conséquence
ue, pour les créances non contestées, il n’y aurait au
cun moyen de constater son assistance et d’en tirer une
in de non recevoir contre ses prétentions ultérieures.
Il importe donc pour la sauvegarde des droits acquis
ue la preuve de la présence du failli ressorte de l’opé
ration elle-même , et cette preuve doit être donnée par
'indication de la composition de l’assemblée non-seule
ment au commencement de la vérification, mais encore
à toutes reprises de séances, après suspension ou renvoi.
A rt. 496.
Dans to u s le s cas le ju g e -c o m m is s a ir e p o u r r a ,
même d ’o ffic e , o r d o n n e r la. re p ré s e n ta tio n d es l i
vres du c ré a n c ie r , o u d e m a n d e r , en v e rtu d ’u n
coinpulsoirc, q u ’i l e n so it r a p p o r t é u n e x t r a it fa it
p a r les ju g e s d u lie n .
SOMMAI RE
457.
458.
459.
160.
461.
Toutes les créances, excepté celles résultant d’un jugement
régulier et passé en force de chose jugée , peuvent être
contestées.
Il appartient au juge-commissaire d’ordonner la communi
cation de tous documents et même l’apport des livres.
Si le domicile du créancier était trop éloigné, le juge peut
ordonner par un compulsoire la production d’un extrait
de ses livres. Quelle est l ’autorité qui peut être chargée
de ce compulsoire ?
La décision du juge peut être provoquée ou rendue d’office.
Différence dans les effets.
Si les énonciations des livres sont insuffisantes ou contra
dictoires, le juge doit, s’il y a contestation, renvoyer au
tribunal de commerce qui défère, s’il y a lieu ,1e serment
au créancier contesté.
�80
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
4 5 7 . — Toutes les créances produites dans une fail
lite peuvent devenir l’objet de contestations de la part
des parties intéressées. Ce principe reçoit une seule ex
ception, lorsque la créance résulte d’un jugement régu
lièrement obvenusoit contre le failli avant sa faillite, soit
depuis contre les syndics,et ayant acquis l’autorité de la
chose jugée. Il est vrai de dire, dans ce cas, que la cré
ance a été d’avance contestée, les droits du porteur con
tradictoirement établis. Toute recherche ultérieure est
donc impossible : res judicata pro verilate habetur.
4 5 8 . — Il est cependant des cas où la créance sans
être précisément contestée encore peut présenter quel
ques doutes qui, s’ils n’étaient levés, occasionneraient un
procès. L’appréciation des mesures nécessaires pour les
éclaircir est laissée par la loi à la prudence du juge-com
missaire. Ce magistrat peut donc ordonner la commu
nication de tous titres et documents utiles à consulter, et
même la représentation des livres du créancier.
4 5 9 . — L’apport des livres pourrait devenir onéreux
et gênant si le créancier était domicilié dans un lieu éloi
gné du siège de la faillite. Cette considération relevée lors
de la discussion du Code de commerce, avait fait admet
tre la faculté pour le juge d’ordonner qu’il en serait pro
duit un extrait qui devait être fait par les juges de com
merce du domicile.
Notre article autorise aussi le compulsoire, mais en
modifiant la disposition de la législation précédente quant
à la désignation de l’autorité chargée d’y procéder. Il
peut se faire, en effet, que le tribunal de commerce de
l’arrondissement du créancier obligé de produire ses li-
�ART.
496.
Si
vres soit éloigné du domicile de celui-ci. Dans ce cas on
n’évitait pas le déplacement des écritures, quoiqu’on abrégeât de beaucoup les distances.
C’est pour éviter même ce déplacement restreint que
la loi actuelle permet de confier le compulsoire aux juges
du lieu. Ce qui signifie qu’à défaut de magistrats consu
laires on pourra recourir aux magistrats civils , et qu’à
défaut des uns et des autres le juge de paix sera compé
tent. Il est certain qu’on atteint ainsi sûrement le but que
le législateur s’est proposé, à savoir : de ne pas soumet
tre les créanciers à faire voyager leurs livres. Il y en aura
en effet bien peu d’entre eux qui n’habiteront pas au
moins au chef-lieu de justice de paix.
16 0 . — L’exercice du pouvoir confié au juge-com
missaire peut être provoqué par les syndics ou par les
créanciers. Il peut aussi être le résultat spontané de la
volonté du juge. Mais si dans chacun de ces cas il y a
identité dans le b u t, les effets peuveut être et sont très.
différents. A insi, l’apport ordonné d’office ne préjuge
rien à l’encontre des syndics ou des créanciers qui con
testeront plus tard ; tandis que si cet apport est réclamé
par eux, on pourra en induire l’intention de soumettre
le sort de la créance aux énonciations qui se rencontre
ront dans les livres.
161. — Si les écritures du créancier ne contiennent
rien de relatif à l’opération qu’il s’agit de vérifier et qu?
celles du failli soient explicites contre lui, ou bien si les
énonciations des unes et des autres sont contradictoires
et se détruisent réciproquement, le juge-commissaire s’il
y a contestation doit renvoyer au tribunal de commerce.
h — 6
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
C’est alors aux juges investis à se décider par les pré
somptions respectivement invoquées. Ils pourront même
déférer le serment mais au créancier contesté. Le failli,
en effet, n’est plus en position de le prêter , et le fait
n ’étant pas personnel aux syndics il n’y a que le créan
cier qui soit en état de remplir cette solennelle formalité
A rt.
497.
S i la c réa n ce est a d m is e , le s sy n d ic s sigiiccon t
su e ch acu n d e s tit re s la d é c la ra tio n su iv a n te :
A d m i s « » g ta s ss if t l f la f a i l l i t e î l e .....................
/ /i n t f l a s o tr u a e î l e ............................. t e ...............................
Le ju g c -c o in lh is s a ir c v is e r a la d é c la ra tio n .
C haque c ré a n c ie r, d a n s la h u ita in e a u p lu s ta rd ,
a p r è s q u e sa c réa n ce a u r a été v é rilié e , s e r a tenu
d 'a ffirm e r , e n tre le s m a in s d u jn g c -c o n im is s a irc ,
q u e la d ite c réa n ce est sin c è re et v é rita b le .
S O MMA I R E
462.
La créance qui ne réunit pas en sa faveur l ’unanimité des
syndics ne saurait être admise ; elle est [par cela seu
contestée.
463. Cette même unanimité est requise pour tous les actes d’ad
ministration. Règles à suivre en cas de dissidence de la
part des syndics.
464. Dans quelle forme l'admission au passif doit être constatée?
465. L’admission ne produit d’effets efficaces que si elle est sui
vie de l'affirmation. Forme et délai de celle-ci.
466. Débat dont elle a été l ’objet à la chambre des députés.
467. Il doit en être rédigé procès-verbal.
468. Le délai de huitaine est facultatif et simplement commina
toire. Conséquences qui naissent d’un retard prolongé.
.469. A dater de la clôture du procès-verbal , l'admission suivie
de l ’affirmation fixe irrévocablement la position du cré
ancier vis-â-vis de la masse.
470.
Q u id ,
par rapport au failli.
i
�a.r t
497.
83
47t.
Distinclion des passifs dans les sociétés en nom collectif ou
en commandite.
472. Distinction dans le caractère de la créance ; mention si elle
n ’est qu’éventuelle.
46 2 .
— La créance soumise à la vérification, si elle
n’est contestée par personne, doit être admise au passif
de la faillite. Quelles sont les conditions de cette admis
sion, sa forme et ses conséquences ?
Nous avons énoncé déjà la condition la plus efficace,
la plus essentielle, à savoir, l’absence de toute contestation.
Cette condition serait-elle remplie, s’il y avait diver
gence dans l’opinion des syndics sur la sincérité de la
créance ? En d’autres term es, faut-il que les syndics
soient unanimes en faveur de l’admission ?
Il ne saurait, à notre avis, s’élever aucune difficulté,
s’il n’y avait que deux syndics. L’un votant pour et l’au
tre contre , il n’y a pas plus de probabilité pour l’opi
nion de l’un que pour celle de l’autre. Il n’y a qu’un
doute qu’il convient de faire lever par la justice. L’ad
mission devrait donc être ajournée jusqu’après jugement.
Si les syndics sont au nombre de tro is, la majorité
devra-t-elle décider de l’admission ou du rejet ?
Les termes généraux de la loi nous paraissent repous
ser la solution affirmative. La vérification doit se faire,
dit l’article 493, entre le créancier et les syndics. Chacun
de ceux-ci est donc partie essentielle dans cette opération,
et s’ils ne sont pas tous convaincus de la certitude des
droits du réclamant il n’y a pas de vérification efficace.
De p lu s, l’article 497 veut que la déclaration d’ad
mission soit signée par les syndics. Cette prescription
�84
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
resterait inexécutée si tous les syndics ne pouvaient don
ner et ne donnaient pas leur signature.
Si du texte de la loi on passe à l’esprit qui y a présidé,
on arrive à des conséquences identiques : le législateur
s’est appliqué à entourer la vérification des créances de
toutes les conditions qui doivent en assurer la sincérité;
ainsi et malgré que dans cette opération les syndics soient
les représentants de la masse, leur opinion unanime ne
saurait déterminer l’admission, si elle-çi est contestée par
un seul créancier. Or, comment refuserait-on à un syn
dic le droit qu’un simple créancier peut revendiquer?
De deux choses l’une : ou le syndic qui refuse l’admis
sion est créancier, et dans ce cas sa qualité lui confére
rait le droit d’empêcher cette admission jusqu’après ju
gement; ou il n’est pas personnellement créancier, et sa
qualité de mandataire de justice donnerait un poids plus
fort à son opposition dans laquelle on ne pourrait sup
poser aucune idée d’intérêt personnel.
D’ailleurs il est, après tout, possible que le syndic con
testant ait raison contre les deux autres. Des recherches
plus exactes peuvent lui avoir fait connaître des circons
tances que ses collègues n’ont pu apprécier. N’y eût-il
que ce doute, que l’intérêt de la masse commanderait un
examen ultérieur, et partant le renvoi devant la justice.
Nous pensons donc avec M. Locré 1 qu’il y a créance
contestée toutes les fois que les syndics ne sont pas una
nimes pour l’admission. Ce cas se réalisant et quel que
soit le nombre de ceux qui ont voté pour celle-ci, il y a
lieu de faire prononcer sur les observations des syndics
dissidents.
i Tome 6, page 263, art, 603.
�art.
497.
85
463.
— l u reste, ce n’est pas seulement pour l’ad
mission que l’unanimité des syndics est requise ; il doit
en être de même pour tous les actes d’administration.
Nous avons vu que l’article 465 déclare que les syndics
ne peuvent agir que collectivement, et qu’ils sont tous
solidairement responsables de l’administration. Or, com
ment celte responsabilité pourrait-elle être infligée au
syndic qui se refuserait à l’encourir ?
Celui-ci pourrait donc, si l’acte auquel il ne voudrait
pas consentir lui paraît dangereux ou inutile, en appeler
d’abord au juge-commissaire et ensuite au tribunal ; et
en attendant qu’il eût prononcé entre ses collègues et lui,
son opposition suffirait pour empêcher ceux-ci de passer
outre à l’opération qu’ils sont d’avis de tenter.
464.
— Dans la forme , la déclaration d’admission
se borne à l’énonciation qui en est insérée dans le pro
cès-verbal conformément à l’article 495. Cette énoncia
tion doit contenir le chiffre de la créance. Elle est répétée
sur les titres produits, signée par les syndics et visée par
le juge-commissaire.
La mention de l’admission devrait être inscrite sur
chaque titre de créance. Dans la pratique, cependant elle
est faite sur le bordereau qui accompagne ces titres.
L’intérêt des créanciers a dû faire adopter de préférence
cette marche qui est plus simple et plus économique pour
eux. En effet, si les titres déposés sont dispensés d’un
enregistrement préalable,cet enregistrement devient forcé
au moment de la vérification. Or, plusieurs de ces titres
sont quelquefois sur papier libre, ce qui, indépendam
ment des droits d’enregistrement, soumettrait les créan-
�86
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ciers à des amendes considérables. On évite cette fâcheuse
nécessité en portant l’admission sur le bordereau qui
résume la position du créancier, et qui destiné à l’enre
gistrement est toujours fait sur papier timbré. Tel est au
moins l’usage suivi, si nous ne nous trompons, devant
le tribunal de commerce de Paris ; tel est celui que nous
avons toujours vu pratiquer au tribunal de commerce
d’Aix.
Les créanciers par comptes courant n’ont à produire
que l’extrait de leurs livres. C’est sur cet extrait que l’ad
mission est inscrite. Il doit donc être sur papier timbré
et enregistré.
465.
— La vérification est complète par l’accomplis
sement de la formalité qui précède et dès que la mention
a été signée par les syndics et visée par le juge-commis
saire. Mais elle n’est pas encore efficace. Le créancier
n’a le droit de prendre part aux répartitions que si dans
la huitaine du procès-verbal il a affirmé entre les mains
du juge-commissaire quesa créance est sincèreet véritable.
Toutefois, par une dérogation aux principes ordinaires
il n’est pas indispensable que cette affirmation émane
personnellement du créancier. Nous avons vu que la
vérification peut être requise par un mandataire dont le
pouvoir enregistré reste annexé au procès-verbal. Ce
même mandataire est admis à affirmer la créance ; car,
a-t-on dit, ce n’est point ici un serment décisoire déféré
sur un litige, mais bien un acte que le droit commun
permet de remplir par mandataire ’.
4-66. — C’est principalement sur ce caractère de l’af1 Discussion à la Chambre des députés.
�ART.
497.
87
firmation que la commission de la chambre des députés
s’appuyait pour demander la suppression de cette forma
lité ; car, disait-elle, si elle pouvait avoir quelque effi
cacité , elle la perdrait dès qu’elle peut être faite par
mandataire. En réalité,ajoutait la commission,elle n’en
a aucune; elle n’est qu’un jeu pour les hommes de mau
vaise foi,et une formalité superflue pour les honnêtes gens.
La chambre ne crut pas devoir adopter la suppression
qui lui était proposée, non qu’elle se fit illusion sur la
force des motifs sur lesquels la demande était fondée,
mais dans l’espérance que la crainte du parjure, même
simplement autorisé , préviendrait peut être certaines
manœuvres ; car si l’affirmation n’empêche pas toujours
celui qui est engagé d’aller en avant, la nécessité de l’ac
complir peut détourner ceux qui ne lé sont pas encore,
en l’état surtout de l’article 593 qui appelle sur le par
jure les peines de la banqueroute frauduleuse.
D’ailleurs, la remise de titres non sincères et la vérifi
cation peuvent n’avoir été, dans les premiers moments
de la faillite, que le résultat d’un entraînement irréfléchi.
Faire dépendre la complicité de banqueroute frauduleuse
de ce fait seul, c’eût été agir avec une sévérité par trop
rigoureuse ; on a donc maintenu l’affirmation qui em
porte avec elle une telle idée de persistance et de calcul,
que la conduite de celui qui n’ayant aucuns droits réels
y aurait procédé ou fait procéder, serait sans excuse.
C’est donc comme dernier terme accordé à la bonne foi
et au repentir qu’elle a été adoptée. Ainsi, la loi obéit à
la dignité et à la noblesse du mandat qui lui est dévolu:
Monealpriusquam feriat.
�88
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
4 6 7 . — L’affirmation est donc le complément né
cessaire de la vérification. En conséquence, elle doit être
comme celle-ci constatée par écrit. Quoique la loi soit
muette sur ce point, il est certain qu’il doit en être dressé
procès-verbal à la suite de celui de vérification. Ce pro
cès-verbal doit être signé par le créancier affirm ant, le
juge-commissaire et le greffier.
4 6 8 . — L’affirmation doit être faite, avons-nous dit,
dans les huit jours de la vérification ; mais ce délai est
essentiellement facultatif. Rien ne s’oppose à ce que le
créancier y fasse procéder avant son expiration et même
immédiatement après la vérification. La fixation de hui
taine n ’a eu d’autre objet que celui de déterminer le
point de départ de l’obligation pour les syndics.de con
voquer les créanciers pour la délibération sur le concor
dat et l’union.
A défaut d’affirmation dans le délai de huitaine , le
créancier est-il déchu du droit de la faire plus tard ?
Non ; mais il est censé n’être pas réellement créancier,
et il est, par rapport à lu i, procédé conformément à ce
qui est prescrit par l’article 503. Ainsi, il ne fait point
partie de la réunion qui vote sur le concordat; il ne
participe à aucune des répartitions de l’actif. Une loi
sur les faillites ne pouvait admettre des déchéances ri
goureuses. Elle devait se borner et celle qui nous régit
s’est bornée en effet à imposer à chacun l’obligation de
supporter les risques résultant de sa négligence.
/
4 6 9 . — L’affirmation suivie de vérification fixe ir
révocablement la position du créancier par rapport à la
masse, à partir de la clôture du procès-verbal. La décla-
�ART.
497.
89
V
ration d’admission le lie lui-même d’une manière abso
lue. Ainsi, s’il l’avait acceptée sans protestations ni ré
serves, il serait à jamais non recevable à prétendre faire
rétablir dans son entier le chiffre réduit par les syndics,
ni réclamer aucun privilège sur les autres créanciers s’il
ne lui en a été concédé aucun.
470. — Quant au failli, il faut distinguer : s’il a
ui-même dressé son bilan, et si présent à la vérification
il n’a élevé aucune difficulté ni fait des réserves, il serait
non recevable à contester plus tard. Mais s’il n’a pas
assisté à la vérification, nous avons déjà dit qu’il n’était
pas personnellement lié par ce qui a été fait pendant son
absence. Il pourra donc , même après le concordat ou
'union, faire réduire la créance en prouvant qu’elle est
exagérée, ou la faire supprimer en justifiant qu’elle n’é
tait pas due. Mais ce pouvoir n’existerait plus si la cré
ance déjà contestée par les syndics avait été consacrée
)ar un jugement ayant acquis l’autorité de la chose ju
gée, sauf la voie de la requête civile dans les cas auto
risés par la loi.
Mais même contre le failli, l’admission ferait pleine
foi de la qualité de créancier. Il ne serait donc pas re
cevable à prouver par témoins contre cette qualité, ni à
exiger la représentation du titre primitif qui peut avoir
été perdu, ha preuve de l'admission couvre le créancier
d’une présomption ju ris qui ne le céderait qu’à la preuve
du contraire, résultant des écritures ou de tout autre titre
$mané de celui qui serait attaqué. Rien , pas môme le
serment ne pourrait suppléer cette preuve littérale.
4 7 1 , — ha faillite d’une société en nom collectif ou
�90
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
en commandite établit forcément deux passifs : l’un de
la société, l’autre particulier à chacun des associés ou au
gérant. Dans le premier se rangent tous les créanciers
sociaux ; dans le second , ceux personnels aux associés
ou au gérant. Les syndics doivent donc lors de l’admis
sion des diverses créances indiquer le passif auquel elles
appartiennent. Cette indication est indispensable, parce
que l’avoir social, c’est-à-dire tout ce qui est possédé
par l’être moral y compris les mises de fonds des asso
ciés, devient le partage exclusif des créanciers de la so
ciété. Le concours des créances indistinctement ne s’é
tablit que sur l’actif personnel du débiteur particulier et
qui se compose de tout ce que celui-ci possède en dehors
de la société.
472.
— Enfin, il peut exister dans les faillites une
catégorie de créanciers dont les droits ne seront définitifs
que par la réalisation d’une condition. Telles seraient les
créances garanties par un cautionnement résultant d’une
convention ou de la nature du titre. Or, la faillite est
libérée si le débiteur, principal paye. Mais l’incertitude
de ce paiement autorise les porteurs de ces engagements
à se présenter à la faillite, au passif de laquelle ils doi
vent être admis '. Il importe, dans ce cas, pour la con
servation des droits de la masse , qu’il soit fait mention
que l’admission n’est qu’éventuelle. Les syndics doivent
donc l’énoncer dans la déclaration insérée au procèsverbal et inscrite sur les titres.
i Voy. infra articles 842 et suiv,
I
�art.
498, 499, 500.
91
A rt . 4 9 8 .
SI la crean ce est con testée le ju g e -c o m m is s a ir e
pourra, sa n s q u ’il so it b e so in «le citation , re n v o y e r
à b ref d é la i d e v a n t le t r i b u n a l de c o m m e rce q u i
jugera s u r so n ra p p o rt.
Le t r ib u n a l d e c o m m erce p o u r r a o r d o n n e r q u ’il
«oit fait d ev a n t le ju g e -c o m m is s a ire en q u ête s u r
les faits, et q u e les p e r s o n n e s q u i p o n r r o n t f o u r
nir des re n s e ig n e m e n ts so ie n t, à cet effet, citées
par-devant lu i.
A rt . 4 9 9 .
lo rs q u e la c o n testa tio n s n r l ’a d m issio n d ’u n e
créance a u r a été p o rté e d evan t le t r ib u n a l de com
merce , ce t r ib u n a l, si la cau se n ’est p o in t en état
de recevoir ju g e m e n t d é fin itif a v an t l ’cxpiratioBQ
des délais fixés à l ’é g a rd d es p e rs o n n e s d o m ic ilié e s
en France, p a r le s a r t ic le s 492 et 497, o r d o n n e ra ,
selon les c irc o n s ta n c e s , q u ’il s e r a s u r s is o u p assé
outre à la con vocation d e r a s s e m b lé e p o u r la f o r
mation d u con co rd at.
Si le t r ib u n a l o r d o n n e q u ’i l s e r a p assé o u t r e , il
pourra d é c id e r p a r p ro v is io n q u e le c ré a n c ie r con
testé sera a d m is d a n s le s d é lib é r a t io n s p o u r un e
somme qu e le m ê m e ju g e m e n t d é t e rm in e ra .
A rt. 5 0 0 .
lo rs q u e la con testation s e r a p o rté e d evan t u n
tribunal c i v i l , le t r i b u n a l d© c o m m e rc e d é c id e ra
s’il sera s u r s is o u p asse o u t r e ; d a n s ce d e r n ie r cas
ïæ trib u al civil s a is i d e la c o n testa tio n ju g e r a à
bref délai, s u r re q u ê te d es sy n d ic s sig n ifié e a u c ré
ancier contesté et sa n s a u t r e p ro c é d u re ,s i la c r é a n
ce sera a d m ise p a r p ro v is io n et p o u r q u e lle so m m e.
bans le cas o ù u n e c ré a n c e s e r a it l ’o b je t d ’u n e
instruction c r im in e lle on c o rre c tio n n e lle , le t r i bnnal de c o m m erce p o u r r a é g a le m e n t p ro n o n c e r
c sursis; s’il o r d o n n e de p a s s e r o u tre il n e p o u r r a
�92
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
a c c o rd e r l'a d m is s io n p a r p ro v is io n ,e t le créancier
contesté n e p o u r r a p r e n d r e p a r t a u x opérations!
de la fa illite ta n t q u e le s t r ib u n a u x -compétents
n ’a u r o n t p a s statué.
S OMMAI RE
472 bis. Objet de ces dispositions.
473. Obligation du juge de renvoyer au tribunal s’il y a contes
tation. Ne peut plus ordonner ce renvoi d’office.
474. Le tribunal saisi par le renvoi ou par la citation doit statuer
dans le plus bref délai possible. Il peut ordonner qu’il
sera fait enquête par le juge-commissaire,
475. Doit-on recueillir par écrit les dépositions ?
476. Le juge-commissaire peut ordonner le dépôt au greffe du
titre contesté.
477. Quel est le tribunal compétent ? Distinction entre la com
pétence territoriale et celle d’attribution. Conséquences,
478. Les articles 490et 500 ont introduit un droit nouveau quant
aux formes de la procédure. Motifs de ces dispositions,
479. Dans quels cas le tribunal est-il appelé à décider s'il yi
lieu à surseoir ?
480. L’admission du sursis est purement facultative , excepté
dans le cas où la contestation serait de nature à consti
tuer la banqueroute frauduleuse.
481. En rejetant le sursis le tribunal doit prononcer sur l ’admis
sion provisoire pour une somme déterminée.
482. Cas dans lequel cette admission ne saurait être ordonnée.
483. De quelle manière il est statué sur le sursis et sur l’admis
sion lorsque la contestation est déférée au tribunal civil,
484. Dans tous les cas l’admission provisoire n’est que facultative
malgré que le tribunal doive être consulté. Procédure)
suivre.
485. Droits du créancier intéressé contre les syndics.
486. Les jugements sur le sursis et admission provisoire ne sont
susceptibles d’aucuns recours.
�ART.
498, 499, 500.
93
472 bis. — Nous avons vu , sous les articles précé
dents, par qui les créances peuvent être contestées. Les
articles actuels tracent les obligations que le litige sur
venu sur l’une ou plusieurs de ces créances impose au
juge-commissaire, et le mode de jugement par le tribu
nal investi de la connaissance de la contestation.
473.
— Le juge-commissaire n’a reçu ,de la loi au
cune attribution sur les difficultés que la vérification fait
naître soit qu’il s’agisse de l’existence entière de la cré
ance, soit que tout se borne à une simple réduction, soit
enfin que l’on ne conteste que les privilèges et hypothè
ques qu’on voudrait en faire résulter. Il doit dans cha
cun de ces cas renvoyer les parties à se pourvoir devant
qui de droit.
Il est vrai que les termes de l’article 498 semblent
établir que ce renvoi n’est que facultatif ; mais ce serait
mal en saisir l’intention que de l’admettre ainsi. D’abord
il répugne à la raison que le mandat de surveillance
confié à ce magistrat puisse s’étendre jusqu’à l’autoriser
à connaître si un créancier a ou non cette qualité. Par
tout où la loi a voulu rendre ce mandat plus ample elle
s’en est formellement expliquée. Son silence, dans l’ar
ticle qui nous occupe, ne permet donc pas d’admettre
pour lui le pouvoir de juger.
Mais les termes mêmes de cet article s’expliquent par
eux-mêmes. La faculté laissée au juge de renvoyer à
l’audience ne se rapporte qu’à la forme et non au fond
même. Ainsi, ou le juge usera de la faculté qui lui est
accordée, et l’instance se trouvera liée sans citation; o u '
dans le cas contraire le contestant sera obligé d ’investir
ja tribunal par un ajournement régulier.
�96
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
les dépositions recueillies par le juge soient fidèlement
retenues par é crit, qu’elles soient ensuite soumises au
tribunal. L’opinion de la majorité des juges n ’est pas
liée par celle du commissaire ; il faut donc lui fournir
les éléments nécessaires pour qu’elle puisse se former avec cette indépendance et cette liberté sans lesquelles il
n’y a plus de bonne justice.
Ces considérations, Traies dans tous les cas, reçoivent
une application bien plus incontestable encore lorsque
l’objet du litige excède le taux du dernier ressort. Or,
comment l’appelant pourrait-il espérer convaincre la
cour de la nécessité de réformer s’il n’a d’autre élément
d’appréciation à lui soumettre que ses propres alléga
tions repoussées déjà par le premier juge? Les magistrats
supérieurs n’auront pas même la ressource d’entendre
le rapport du juge-commissaire. Ils ne pourraient donc
qu’ordonner une nouvelle enquête pour éclairer leur re
ligion sur les faits énoncés.
Or, cette nouvelle enquête retarderait la solution do
procès. Evidemment donc le législateur qui a tout fait
pour rendre cette solution plus prompte, n’a pu de près
ni de loin autoriser un pareil résultat.
Ainsi, si en principe l’enquête peut être ordonnés
d’office sans que les parties l’aient demandé, sans que les
faits aient été cotés, l’exécution de cette enquête demeure
pour la relation des témoignages soumise à la règle or
dinaire, c’est-à-dire à une constatation par écrit.
476.
— L’article 508 du Code de commerce permet
tait au juge d’ordonner le dépôt au greffe du titre con
testé. La loi nouvelle se tait sur cette faculté ; mais a
�97
ART. 498, 4 9 9 , 500.
silence ne nous parait pas devoir être considéré comme
une prohibition. Le dépôt au greffe ne sera le plus sou
vent nécessaire que lorsque la matérialité des titres ins
pirera des soupçons de faux. Or, la mission du juge étant
essentiellement de veiller à tout ce qui intéresse l’ordre
public et à la répression de toutes les fraudes, elle com
prend virtuellement le pouvoir de faire tout ce qui tend
à garantir l’un et à assurer l’autre. A ce double litre le
dépôt au greffe peut être ordonné sans qu’il soit besoin
d’une autorisation expresse de la loi.
477.
— Quel est le tribunal compétent pour statuer
sur les difficultés soulevées par la vérification? Incon
testablement celui devant lequel la faillite est elle-même
pendante. Nous avons déjà dit que, quant à la compé
tence territoriale, toutes les contestations dans lesquelles
la faillite est défenderesse principale doivent être portées
au siège de cette faillite l. Or, dans la vérification cha
que créancier est demandeur en admission. Dès lors,
toutes les difficultés qui se rattachent à cette demande
sont de droit déférées au tribunal auprès duquel cette
vérification se poursuit.
Mais si pour la compétence territoriale la faillite est
attributive de juridiction, il n ’en est pas de même pour
celle d’attribution. Les matières sur lesquelles le tribunal
de commerce n’aurait pu statuer avant la faillite restent,
après celle-ci, de la compétence exclusive des juges or
dinaires. Si donc la contestation née dans la vérification
porte sur celles-ci, c’est le tribunal civil qui doit être
investi.
Voy. supra article 482, nMBo,
n —
7
�98
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Ainsi, s’agit—il d’une lettre de change , d’un billet à
ordre, d’un acte ou d’une opération de commerce, d’une
transaction entre négociants, d’un gage ou d'un nantis
sement commercial , en un mot d’un engagement ou
d’une obligation ayant son origine dans les relations
d’affaires du failli, le tribunal consulaire sera appelé à
juger le différend. S’agit-il, au contraire, d’un emprunt
contracté civilement, de la nullité d’un acte authentique,
de la constitution d’une hypothèque ou d’un privilège
sur les immeubles du failli, la contestation sera exclu
sivement dévolue au tribunal civil.
Mais, dans l’un et l’autre cas, c’est le tribunal du lieu
de la faillite qui est seul compétent pour l’un comme
pour l’autre. Le pouvoir de saisir le tribunal par un
simple renvoi appartient su juge-commissaire.
478.
— Les dispositions des articles 499 et 500 ont
introduit un droit nouveau quant aux formes de la pro
cédure sur les contestations. Elles ont pour but de pré
venir un abus contre lequel la législation précédente était désarmée. On sait que le concordat qui ne pouvait
être voté que par les créanciers admis, était obligatoire
pour ceux qui n ’y avaient pas concouru alors même que
leur absence n’avait eu pour cause que les contestations
soulevées contre leurs créances. Le failli trouvait dans
cet état de choses un excellent moyen pour écarter de la
délibération un créancier dont il redoutait la position,
les renseignements ou l’influence. Il n’avait qu’à se con
certer avec un autre créancier qui contestait l’admission
du premier et le plaçait ainsi en dehors de toutes les
opérations subséquentes.
�art.
498, 499, 500.
99
Ou bien les syndics attendaient pour faire délibérer
sur le concordat l’issue de la contestation , et un temps
souvent fort long s’écoulait au grand préjudice de tous.
La loi nouvelle a pris contre l’une ou l’autre de ces
éventualités une précaution efficace. Il doit être rendu
compte au tribunal de commerce des contestations que
les vérifications ont fait naître. Le tribunal avise au
moyen de concilier l’urgence de la délibération sur le
concordat avec le droit appartenant au créancier qui s’est
mis en mesure de faire vérifier sa créance, de faire par
tie de la réunion appelée à prendre cette délibération.
479.
— Il peut , en conséquence , si la cause n’est
pas en état de recevoir jugement définitif dans les délais
fixés par les articles 492 et 497, ordonner qu’il sera
sursis à la convocation des créanciers jusqu’après ce ju
gement. On ne comprendrait pas, en effet, que le tribu
nal eût à s’occuper s’il y a lieu ou non à surseoir, si la
contestation étant réglée avant l’expiration des délais tout
était terminé avant l’époque où la convocation doit être
effectuée.
Mais ce qui étonne dans la condition prescrite par
l’article 499 c’est le rappel de l’article 492 et l’admission
seulement hypothétique d’un fait dont la réalisation est
inévitable.
Nous avons vu, en effet, que l’article 493 n’ordonne
la convocation pour la vérification que lorsqu’il s’est écoulé trois jours de l’expiration non-seulement du délai
de vingt jours, mais encore de celui accordé aux créan
ciers domiciliés en France pour la distance de leur do
micile au chef-lieu de la faillite. Or, comment pourrait-
�100
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
il se faire qu’une contestation élevée dans le cours de la
vérification fût en état d’être jugée avant l’expiration de
délais qui doivent être échus pour que la vérification
elle-même puisse s’ouvrir?
Le législateur s’est donc laissé dominer par une pré
occupation d’autant plus fâcheuse que , des termes de
l’article 499, on pourrait induire des conséquences ré
prouvées par l’article 493 sur le moment où la vérifica
tion doit commencer. Il y a, en effet, une contradiction
évidente entre ces deux articles : l’un fixant l’ouverture
de la vérification après tous les délais accordés par l’ar
ticle 492 ; l’autre supposant qu’une contestation née
après cette ouverture sera en état d’être définitivement
jugée avant l’expiration de ces mêmes dWais.
Mais si cette contradiction existe dans les termes, elle
n’est ni dans l’esprît ni dans l’intention du législateur.
Ce qu’il a voulu dire dans l’article 499, c’est si la con
testation est de nature à être jugée définitivement pendant
le cours de la vérification. Telle est la véritable pensée
qu’il a voulu exprimer C’est donc à elle qu’il faut re
courir, sans se préoccuper autrement des fermes impro
pres dans lesquels elle a été rendue.
Cette même pensée nous est divulguée par le rappel de
l’article 497. Celui-ci donne à chaque créancier vérifié
huit jours pour affirmer sa créance. Or, il est fort pos
sible qu’une contestation née au commencement ou au
milieu de la vérification soit en état d’être jugée définiti
vement avant l’expiration de cette huitaine dont le cré
ancier dernier vérifié a droit de profiter, puisqu’elle est
accordée individuellement à chaque créancier.
h'/f/c-X
.
-- . < 6>\
1
N
�ART. 498,
499, 500.
101
Mais cela ne pourra guère se réaliser lorsque la con
testation sera de nature à subir les deux degrés de juri
diction. II appartiendra donc, dans ce cas, au tribunal
de commerce de statuer s’il y a lieu ou non de surseoir
à la convocation des créanciers.
480.
— Or, sur ce point, le tribunal de commerce a
un pouvoir éminemment discrétionnaire. C’est là la con
séquence de la mission réglementaire que la loi lui confie
sur la faillite. Il peut donc admettre ou rejeter le sursis,
sans que sa décision puisse être attaquée ni critiquée.
Il est un seul cas où le sursis est forcé , à savoir :
lorsque la contestation aurait pour résultat de constituer
le failli en état de banqueroute frauduleuse. Comme si»
par exemple, on soutenait qu’une créance est le produit
d’un concert frauduleux entre le failli et le prétendu cré
ancier. La preuve de cette fraude placerait le failli sous
le coup de l’article 591 et rendrait tout concordat impos
sible. Userait donc nécessaire,avant de s’occuper de celuici,d’attendre que la justice eût prononcësur la contestation.
Mais, hors ce cas exceptionnel et toutes les fois qu’il
s’agit d’une contestation ordinaire , soit sur l’existence,
soit sur le chiffre de la créance, la question du sursis est
entièrement livrée à l’appréciation souveraine du tribu
nal. La loi ne trace aucune règle à cette appréciation.
Mais ce que les tribunaux ne doivent jamais perdre de
vue c’est que le sursis n’est pas dans l’intention du lé
gislateur, et qu’ils se conformeront à sa véritable pensée
en ne l’admettant que très-rarement et seulement dans
des circonstances impérieuses et urgentes.
On sait, en effet, combien la loi nouvelle s’est efforcée
�402
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
par la réduction des divers délais d’arriver promptement
à la délibération du concordat. Or, tout ce qui contra
rierait ce résultat important s’éloignerait d’une manière
sensible de son esprit, et ce qui le prouve sans réplique
c’est la seconde disposition de l’article 499.
4 8 1 . — En effet, le jugement qui rejette le sursis
n’aura pas pour objet d’empêcher le créancier contesté
de prendre part à la délibération. Le tribunal p eu t, en
ordonnant de passer outre,décider que ce créancier sera
admis à cette délibération pour une somme déterminée.
Le tribunal aura donc toujours la faculté de concilier
l’urgence que l’opération commande avec le droit des
créanciers d’y participer ; et l’on comprend que l’admis
sion provisoire ne sera refusée que lorsque les présomp
tions les plus graves viendront d’avance démontrer la
justice de la contestation et l’inanité absolue des droits
prétendus par le créancier.
4 8 2 . — Mais le refus est forcé , lorsque la créance
contestée est l’objet d’une instruction correctionnelle ou
criminelle. Quelque prudent qu’il fût dans ce cas de
surseoir, le tribunal peut ordonner qu’il sera passé outre,
mais sans pouvoir admettre provisoirement le créancier.
La présomption de fraude qui résulte de la poursuite
légitime cette exception à la faculté laissée au tribunal.
Mais précisément à cause de sa nature exceptionnelle,
cette mesure doit être restreinte au seul cas prévu par la
loi. Ainsi, il faut qu’tl y ait instruction commencée et
non pas seulement plainte ou projet de poursuite. Il faut,
en outre, que cette instruction se renferme rigoureuse
ment dans la personne du créancier. Car, si le fait était
�ART.
498, 499, 500.
103
de nature à compromettre le failli et à constituer contre
lui une présomption de banqueroute frauduleuse, le sur
sis, comme nous le disions plus haut, deviendrait de ri
gueur pour la validité même du concordat à intervenir.
Mais la poursuite correctionnelle pourrait être com
mune au failli sans qu’il en résultât la nécessité de sur
seoir. Le failli même condamné pour banqueroute sim
ple peut concorder ; à plus forte raisoD le pourrait-il s’il
n’était encore que sous le poids du soupçon. Il y aurait
donc lieu, dans ce cas, à l’application littérale de l’article
5ü0. L’admission provisoire ne pourrait être prononcée.
383. —■ Si la contestation est déférée au tribunal
civil, il est procédé quant au sursis et à l’admission pro
visoire de la même manière que devant le tribunal de
commerce, avec cette différence que le premier est pro
noncé ou rejeté par le tribunal de commerce, tandis qu’il
est statué sur la seconde par le tribunal civil.
La raison de cette prescription est facile à saisir. Le
tribunal de commerce est investi dès l’origine de la pour
suite de la faillite ; il l’a vue se dérouler tout entière
sous ses yeux ; il en connaît toutes les circonstances, et
c’est par celte connaissance générale qu’il peut sainement
apprécier s’il convient de surseoir ou de passer outre.
Le tribunal civil, au contraire, n’est saisi qu’accidentellement d’un épisode qui se rattache à la faillite, mais
dont les débats se concentrent dans un intérêt particu
lier. Il ne pourrait donc juger la question de sursis que
relativement à cet. intérêt, n ’ayant pas auprès de lui le
juge-commissaire dont le rapport est d’un si puissant se
cours pour l’exposition des besoins généraux de la faillite.
�104
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
II était donc rationnel de laisser la solution de la ques
tion du sursis au juge le mieux en position de la résoudre.
C’est à ce titre que le tribunal de commerce a été choisi.
L’admission provisoire n ’exige pas une connaissance
approfondie de la faillite. Elle ne peut être que le ré
sultat de l’opinion que le juge peut immédiatement se
former du caractère de la contestation et de la nature de
la créance contestée. C’est donc au juge saisi de l’appré
ciation de l’une et de l’aulre qu’appartient naturelle
ment le droit de la prononcer.
4 8 4 . — Il en est, au reste, pour le tribunal civil
comme pour le tribunal de commerce : l’admission pro
visoire n’est que facultative. Elle peut donc être refusée
malgré que le sursis ait été rejeté.
Mais le tribunal doit toujours être consulté. La loi n’ad-'
met pour le faire expliquer d’autres procédures qu’une
requête expositive des contestations existantes, et commu
niquée par les syndics aux créanciers contestés. Sur le vu
de celte requête le tribunal statue dans le plus bref délai.
4 8 5 . — C’est au créancier qui a intérêt à l’admis
sion provisoire à veiller à ce que les syndics présentent
celte requête. S’ils négligent ce devoir il doit les sommer
de s’en acquitter au plus vile, sous peine de dommagesintérêts auxquels les syndics pourraient être personnel
lement condamnés.
Il pourrait, de plus, s’opposer è toute réunion avant
qu’il eût été statué sur son admission, sauf la voie de
plainte au juge-commissaire autorisée par l’article 466,
et selon les circonstances le droit de poursuivre la révo
cation des syndics.
�ART. 498, 499, 500.
105
486. — Les jugements qui ordonnent de surseoir
ou de passer outre, ceux rendus par les tribunaux civils
ou de commerce sur l’admission provisoire ne sont sus
ceptibles d’aucuns recours, aux termes de l’article 5S83,
paragraphe 4.
_
'
A rt. 501.
ILe es'camcier dosât S® jîH*iviIége «me l ’hypoiltaèqMe
seulement s e ra it contesté s e ra a d m is d a n s le s d é jibéi'Mtion» de la fa illite com m e ea-éancici* o e d inaire.
SOMMAI RE
487. Nécessité de combiner cet article avec l’article 508. Distinc
tion entre le droit d’assister à la délibération et celui de
voler sur le concordat.
:488. C’est simplement le droit d’assistance qu’établit l ’article
501. Motifs pour lesquels il est déféré aux créanciers hy
pothécaires ou privilégiés.
489. Le créancier dont l ’hypothèque ou le privilège est contesté
n’a pas le droit de voter sur le concordat.
490. Si la contestation porte sur la créance , l ’hypothécaire est
régi par l ’article 499.
491. Dans quel sens faut-il entendre ces mots de l ’article 501
sera adm is comme créancier ordinaire.
487. — La disposition de cet article ne peut par ellemême donner matière à des difficultés sérieuses. Mais
il en est autrement lorsqu’on la rapproche de celle de
l’article 508. Celui-ci, en effet, exclut les créanciers hypolhécaires, privilégiés ou nantis de gages de tout con cours au vote sur le concordat, sous peine d’être privés
des effets attachés à l’hypothèque , au privilège ou au
nantissement.
Le droit conféré par l’article 501 doit donc dans l’exé-
�106
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
cution être combiné avec l'article 508. Il importe surtou
aux créanciers hypothécaires, privilégiés ou gagistes d’en
bien saisir la portée et la nature , pour ne pas être ex
posés à se voir ravir malgré eux des avantages qu’il n’au
rait ja.mais été dans leur pensée de répudier.
Il faut, en conséquence, distinguer la faculté d’assister
à la délibération du concordat, de celle de voter sur les
propositions qui en font la base.
i
488.
— La première appartient à tous les créanciers
sans distinction des titres qui leur confèrent cette qualité,
Ce principe se justifie par l’utilité que la masse peut pui
ser dans leur concours individuel. Un créancier privilé
gié ou hypothécaire peut être à même, comme le simple
chirographaire, de fournir des renseignements précieux,
d’éclairer la discussion par des documents qui seront en
sa possession , et de contribuer ainsi à l’appréciation
exacte de la conduite et des propositions du failli.
C’est ce droit d’assistance que l’article 501 garantit
aux créanciers dont on conteste l’hypothèque ou le pri
vilège. Ils peuvent le revendiquer , comme ils le pour
raient si aucune contestation ne s’était élevée. La loi, en
effet, n’a exclu nulle part les créanciers hypothécaires
ou privilégiés de la réunion appelée à voter le concordat,
Elle n’a pas dû le faire :
1° Parce que l’interdiction de voter est toute dans
leur intérêt exclusif; qu’il leur est loisible de s’y sous
traire en se soumettant aux conséquences du vote. Ils
doivent donc être présents pour être à même d’épuiser
l’option qui leur est laissée.
2° Parce que le créancier hypothécaire, notamment,
�ART.
501.
107
peui n’avoir dans son hypothèque qu’un titre illusoire,
soit qu’il n’existe pas d’immeubles, soit que le rang de
son inscription lui enlève toute espérance de paiement.
II est donc alors dans la position d’un créancier ordi
naire quant à la remise stipulée dans le concordat et il
est permis de croire qu’il n’hésitera pas à prendre part
au vote.
3° Enfin le concordat peut être rejeté, et l’union,
dans ce cas ayant lieu de plein droit séance tenante, les
créanciers hypothécaires et privilégiés ont intérêt à être
présents pour prendre part au vote des mesures que l’u
nion commande.
Ainsi le créancier hypothécaire ou privilégié a' droit
d’assister comme tel à la réunion. Il y assiste comme
créancier ordinaire, si son hypothèque ou son privilège
est contesté.
489.
— Mais le droit de voter ne lui appartient dans
aucune de ces hypothèses, et il ne saurait l’exercer sans
être atteint par la pénalité de l’article 508. Il deviendrait
trop facile d’éluder celle-ci s’il suffisait d’une attaque
contre le privilège ou l’hypothèque pour donner au cré
ancier la faculté que cet article lui refuse , lorsque ces
privilège et hypothèque sont admis sans difficultés.
Vainement le créancier prétendrait-il que son hypo
thèque étant mise en question, il n’a fait en votant que
ce que la possibilité de n’être que simple chirographaire
lui commandait de faire, et qu’il ne peut être censé a voir renoncé à un droit dont il poursuivait judiciaire
ment le maintien. On lui répondrait avec raison que si
ce droit pouvait être douteux pour celui qui le contestait,
�408
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
il ne devait pas l’être à ses propres yeux puisqu’il en
soutenait la sincérité ; qu’il devait donc se considérer
toujours commé créancier hypothécaire ou privilégié et
agir comme tel; qu’il s’est condamné lui-même en pre
nant part à un vote qui lui était prohibé, et qu’il ne sau
rait se plaindre de son propre fait dont il a pu d’avance
connaître et calculer toutes les suites.
4 9 0 . — Doit-on induire des termes de l’article 501
que les créanciers hypothécaires ou privilégiés ne pour
raient être provisoirement admis si la contestation portait
sur la créance elle-même? Evidemment non. L’article
501 crée une hypothèse spéciale qu’il régit sans déroga
tion aux articles précédents. C’est donc à ceux-ci qu’i^
était contestée.
'faudrait recourir si la créance
»
4 9 1 . — Il y a , en outre , entre l’hypothèse de cet
article et celles de l’article 490 cette différence que,dans
celles-ci, l’admission est provisoire,qu’elle doit être pro
noncée par justice; tandis que dans la première l’ad
mission est définitive, qu’elle a lieu de plein droit sans
qu’il soit besoin de recourir aux tribunaux. Quel que
soit en effet le sort de la contestation, la qualité de cré
ancier ne sera nullement altérée; la quotité de la créance
ne variera pas. La perte des accessoires réclamées ré
duira le créancier à la qualité desimpie chirographaire,
et c’fest dans ce sens que l’article 501 prescrit de l’ad
mettre comme créancier ordinaire.
A rt. 502.
A l ’e x p ira tio n des d é la is d é te rm in é s p a r les ar
ticles 492 et 497, à l ’é g a rd d es p e rso n n e s dom ici
lié e s en F ran ce, il s e ra p assé o u tre à la form atiou
�ART. 502, 503.
109
du concordat et à toutes Ses o p é ra tio n s de ïa f a il
lite , sous l ’exception p o rtée a u x a rtic le s 56 7 et
508 en fa v e u r d es c ré a n c ie rs d o m ic ilié s h o rs du
territoire co n tin en ta l d e la F ran ce.
Aux. 505.
A défaut de c o m p a ru tio n et a ffirm a tio n d a n s les
délais q u i le u r so n t a p p lic a b le s , les d é fa illa n ts
connus ou in c o n n u s ne s e ro n t p as c o m p ris d a n s
Scs ré p a rtitio n s à f a ir e J to u tefo is, la voie de l ’op
position le u r s e r a o u v e rte ju s q u ’à la d is t r ib u t io n
des d en iers in c lu s iv e m e n t ; Scs f r a i s de l ’o p p o si
tion d e m e u re ro n t t o u jo u r s à le u r charge.
Leur o p p o sitio n n e p o u r r a s u s p e n d re l ’exécution des r é p a rt itio n s o rd o n n a n c é e s p a r le ju g e com m issaire ; m a is s ’i l est p ro c é d é à des r é p a r t i
tions nouvelles a v an t q u ’il a it été statu é s u r le u r
opposition, ils s e ro n t c o m p ris p o u r la so m m e qu i
sera p ro v iso ire m e n t d é te rm in é e p a r le t r ib u n a l et
qui sera ten u e en r é s e rv e ju s q u ’a u ju g e m e n t de
leur opposition.
S’ils se fo n t u lt é r ie u r e m e n t r e c o n n a ître c ré a n
ciers, ils ne p o u r r o n t r ie n ré c la m e r s u r le s r é p a r
titions o rd o n n a n c é e s p a r le ju g e -c o m m is s a ire ;
mais ils a u r o n t le d r o it de p r é le v e r s u r l ’a ctif n on
encore r é p a r t i , les d iv id e n d e s a ffé re n ts à le u r s
créances d au s le s p r e m iè r e s ré p a rt itio n s .
SOMMAIRE
492. Caractère et objet de l ’article 502.
493. Conséquences de l'abrogation des articles 510, 511 et 512
du Code de commerce , par rapport : 1° aux créanciers
domiciliés en France ;
494. 2° Aux créanciers domiciliés hois du territoire cotinenlal.
495. Caractère de l ’article 503.
496. L’expiration des délais pour la vérification laisse les créan
ciers en retard de se présenter, sans action pour le rap
port de l ’actif déjà distribué.
�110
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
497.
Mais celte disposition ne s'applique ni aux créanciers étran
gers qui sont dans les délais de l ’article 73 du Code de
procédure, ni aux créanciers contestés.
498. Dans tous les autres cas la déchéance est de plein droit en
courue, mais elle n’est relative qu’aux répartitions con
sommées ou ordonnancées.
499. L ’opposition des créanciers aux répartitions se règle par
l ’époque à laquelle elle est formée. Première hypothèse:
avant toute répartition ;
500. Deuxième : postérieurement à l ’ordonnance du juge-com
missaire.
501. Troisième : après plusieurs répartitions.
502. Droit des opposants à prélever avant toute répartition nou
velle le dividende déjà distribué.
503. Formes de l ’opposition. Les frais autres que les dépens des
contestations qu'elle ferait naître restent à la charge de
l ’opposant.
504. L ’opposition étant nécessairement postérieure à la clôture
du procès-verbal de vérification , celui qui l ’a formée ne
peut être admis à contester les créances vérifiées.
505. Les prescriptions de l ’article 503 ne s’appliquent qu’au cas
où la faillite s’est terminée par union.
492.
— Le législateur de 1838 a simplifié puissam
ment la marche de la faillite en abrogeant les articles
510 , 511 et 512 du Code de commerce. Qn sait que
ces articles accordaient un second délai aux créanciers
qui ne s’étaient pas présentés à la vérification, et que ce
n ’était qu’après qu’il était expiré que l’on passait outre
à la convocation des créanciers à l’effet de délibérer sur
le concordat.
4 9 5 . — De cette abrogation il résulte :
1° Pour les créanciers domiciliés en France , qu’ils
n’ont plus que le délai prescrit par les paragraphes 1 e*
�2 de l’article 492, et qu’à l’expiration de ce délai il est
passé outre à la formation du concordat et à toutes les
opérations de la faillite , quel que soit le nombre des
créances vérifiées et admises.
Il est donc pour eux de la plus haute importance de
faire leur diligence dans ce délai. Leur négligence pour
rait leur nuire : d’abord en les privant de participer au
vote sur le concordat; en second lieu, en rendant obli
gatoire un concordat lésif que leur présence aurait fait
repousser en déplaçant la majorité. On sait, en effet, que
cette majorité ne peut être calculée que sur le nombre
des créanciers et sur le chiffre des créances admises. Il
est donc certain que si tous les ayants droit avaient ac
compli cette formalité , les adhésions au concordat au
raient dû par cela même être plus nombreuses.
Il est bon, d’ailleurs, que le traité avec le failli soit
l’expression vraie des besoins et de l’intention de la ma
jorité. L’inaction que s’imposeraient certains créanciers
ne leur nuirait donc pas seulement à eux-mêmes; elle
pourrait encore léser ceux qui s’étant opposés à l’admis
sion des propositions déraisonnables du failli, auraient
trouvé dans leur concours le moyen de les faire rejeter.
L’intérêt général s’unit donc à l’intérêt privé pour faire
un devoir à tous ceux qui sont créanciers d’une faillite
de se présenter à la vérification dans le délai requis.
494. — Pour les créanciers domiciliés hors France,
la conséquence de l’esprit de la loi était de les laisser
complètement à l’écart et en dehors de toutes les opéra
tions de la faillite, quoique les délais qui leur sont ac
cordés pour la vérification ne fussent pas expirés. On ne
�11â
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
pouvait' parvenir à une prompte solution qu’en leur im
posant le sacrifice d’un droit que leur qualité leur assu
rait , qu’en les condamnant ainsi à subir la loi tracée
par les autres créanciers.
Cette disposition pourrait paraître injuste si de puis
santes considérations ne venaient la légitimer. Quant au
droit du législateur il est incontestable. Le règlement des
faillites intéresse l’ordre public. L’autorité chargée de
veiller à celui-ci trouvait donc dans la mission qui lui
était confiée le pouvoir d’intervenir d’une manière effi
cace dans ce règlement et d’ordonner toutes les mesures
propres à le favoriser. On reconnaîtra sans peine que la
prompte expédition dans les formalités indispensables
est, sous tous les rapports, un avantage trop considéra
ble pour qu’on dût la subordonner à des scrupules poui
un d ro it, sans utilité réelle même pour ceux qui peu
vent le revendiquer et dont le nombre sera tel, en géné
ral, que leur concours aurait été sans influence sur la
solution adoptée par les créanciers présents.
De plus, le législateur devait d’abord toute sa protec
tion aux créanciers nombreux domiciliés en France; et
en leur laissant la direction exclusive de la faillite il obéissait au principe qui,en matière d’assemblées,subor
donne le sort de la minorité à la volonté de la majorité,
Enfin, le retard occasionné par l’exécution littérale de
l’article 73 du Code de procédure civile , que(!la justice
commandait d ’appliquer aux créanciers domiciliés hors
France, eût été pour ceux-ci aussi fâcheux que pour les
autres. Que serait devenu pendant oe temps l’actif de là
faillite ? Ne pouvait-il pas dépérir même entre les mains
de ses administraseurs ?
�La disposition qui eût consacré ce retard pouvait donc
devenir meurtrière même pour ceux en faveur desquels
il eût été admis. Il y avait pour sauvegarder leurs inté
rêts une mesure beaucoup plus efficace à prendre, et c’est
celle que nous trouvons ordonnée par l’article 502. Quoi
que non vérifiées, les créances des étrangers sont censées
exister réellement et aucune répartition ne peut être or
donnancée sans que ces créances ne soient comprises
dans la masse prenante. Or , de deux choses l’une : si
la faillite se termine par l’union, les créanciers qui n’ont
pu concourir à la délibération sont placés sur la même
ligne que tous les autres. Comme eux ils sont assurés
de leur part, puisque tant que dure le délai de la véri
fication cette part doit être prélevée sur les sommes à
répartir; si un concordat est voté, l’intérêt des créanciers
présents à obtenir les conditions les plus avantageuses
garantit suffisamment les droits des créanciers étrangers
auxquels ces conditions seront communes.
C’est cette double considération que , dans la session
de 1835, faisait parfaitement ressortir le rapporteur de
la loi. « Ce serait souvent, disait M. Raynouard, si on
attendait l’expiration des délais de l’article 73 du Code
de procédure, nuire aux étrangers eux-mêmes en lais
sant l’actif, qui est aussi leur gage, se détériorer par des
lenteurs. La réserve de leur dividende les tiendra indem
nes de toutes pertes ; et si la force des choses met un
obstacle à ce qu’ils figurent dans les opérations du con
cordat, ils trouveront une garantie dans l’intérêt person
nel des créanciers présents qui, soumis comme eux à des
conditions égales pour tous, auront pesé et débattu ces
conditions avant de les accepter pour eux-mêmes. »
ii — 8
�114
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
On voit par là les inspirations qui ont présidé à l’a
doption de la loi. Les articles 567 et 568 corrigent ce
que l’article 502! pourrait avoir de trop rigoureux. L’en
semble de ces dispositions concilie toutes choses.
4 9 5 . — L’article 503 réglant une hypothèse relative
au paiement des créances aurait pu être renvoyé au cha
pitre qui traite de la répartition de l’actif. On en fit mê
me l’observation dans la discussion ; mais il fut répondu
que l’ordre logique voulait qu’il fût maintenu à la place
qu’il occupait. Cet article, en effet, n’est que la sanction
pénale de la violation des prescriptions relatives à la vé
rification, et dont il est par conséquent le complément
nécessaire.
L’actif, avons-nous dit, n’appartient qu’aux créanciers
réels du failli. Il n’y a de créanciers réels que ceux qui
ont fait vérifier et affirmer leurs titres. Il n’y a de cré
ances certaines que celles qui ont été admises. Consé
quemment , les premiers seuls doivent être appelés à la
délibération du concordat ; si le rejet de celui-ci amène
une répartition, les dernières seules ont droit d’y con
courir quelles que soient les énonciations du bilan. Voilà
le principe consacré par l’article 503.
\
4 9 6 . — L’intérêt des créanciers à utiliser les délais
pour la vérification en devient beaucoup plus urgent,
L’actif, en effet, peut être d’une nature telle qu’il a pu
être totalement réalisé , et qu’une seule répartition en
comprenne l’intégralité. Or, cette hypothèse se réalisant,
les créanciers retardataires seraient définitivement déchus
de tous leurs droits. En effet, ce qui s’est accompli pendant
leur absence est définitif. Ils ne pourraient ni rechercher
�ART.
502, 503.
-
115
les créanciers qui ont touché, ni les contraindre à rap
porter tout ou partie des sommes reçues.
Cette disposition peut d’autant moins être taxée de sé
vérité que des mises en demeure réitérées provoquent
les créanciers à se présenter à l’affirmation ; que , dès
lors, leur inaction prend un caractère tel qu’on peut
présumer qu’ils se reconnaissent sans qualité et sans
droits dans la faillite. La loi a dû le supposer ainsi jus
qu’à manifestation d’une prétention contraire. Pouvaitelle se montrer plus jalouse des droits des créanciers,
qu’ils ne le sont eux-mêmes ? Devait-elle conférer un
droit qu’ils ne demandent même pas? Evidemment non.
Ce qu’elle devait faire c’était de laisser à chacun la res
ponsabilité des conséquences que peut entraîner une in
concevable négligence.
497.
— De ce que le législateur n’a dû ni pu punir
que la négligence, il suit : 1° Que la disposition de l’ar
ticle 503 n’est applicable aux créanciers étrangers qu’après l’expiration des délais de l’article 73 du Code de
procédure. C’est précisément parce que tant que les dé
lais courent ils sont censés n’avoir pu légalement se pré
senter , que la part leur revenant dans les répartitions
doit être mise en réserve. Mais l’échéance des délais, sans
qu’ils aient fait leur diligence , les constitue en étal de
négligence et les range sous le coup de la disposition en
tière de l’article 503. En conséquence, non-seulement il
n’y a pas lieu de leur réserver une part quelconque dans
les répartitions ultérieures, mais celle qui dans les précédenes leur était réservée doit être comprise dans les
sommes à distribuer; — 2° Que les créanciers dont les
�116
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
titres sont contestés doivent être compris dans les répar
titions pour la totalité de leur créance, sauf à ne délivrer
le dividende qu’en proportion des droits consacrés par
le jugement définitif. On ne pourrait en effet rendre des
créanciers sérieux victimes d’une contestation qui s’est
opposée à l’admission par eux réclamée, ni les exposer
à perdre une partie de ce qu’ils doivent légitimement tou
cher même après qu’ils auront fait rejeter la contestation,
car ce rejet pourrait ne se réaliser qu’après plusieurs ré
partitions. Il est donc juste que dans chacune d’elles on
mette en réserve le dividende afférent à la créance totale.
Si celle-ci est en définitive réduite, une part proportionnelle
de ce dividende sera retenue pour le compte de la masse,
4 9 8 . — Dans tous les autres c a s , le créancier en
retard de se présenter est déchu de toute participation à
la répartition de l’actif. Cette déchéance est encourue de
plein droit sans qu’il soit besoin de la faire prononcer
par justice h Mais elle n’est pas absolue, en ce sens qu’
elle n’enlève pas le droit de se faire admettre plus tard.
Elle ne s’applique qu’aux répartitions consommées ou
simplement ordonnancées au moment où l’admission est
poursuivie. Il n’était pas, en effet, de l’essence d’une loi
sur les faillites de créer des forclusions générales et dé
finitives. Ainsi, les retardataires peuvent se présenter à
toute époque et former opposition à la répartition jusqu’à
la délivrance des deniers inclusivement. L’effet de celte
opposition se détermine par l’époque qui la voit se réaliser.
4 9 9 . — \ 0 L’opposition est faite avant toute répari Pardessus, n° 1488.
�tition. L’opposant est de plein droit admis à concourir à
tout ce qui s’est réalisé plus tard. Si une distribution
était ordonnancée avant que son opposition fût jugée, il
serait procédé à son égard de la manière que nous ve
nons d’établir pour les créanciers contestés.
500.
— %° L’opposition est postérieure à l’ordon
nance du juge qui détermine une répartition. Dans ce
cas l’opposition n’arrête pas l’exécution de l’ordonnance.
Les décisions rendues par le juge-commissaire sur cette
matière sont insusceptibles de recours. Elles doivent en
outre fixer la quotité du dividende. Or, pour établir cette
quotité, le juge a nécessairement pris pour base le chiffre
de la somme à distribuer et celui des créances admises.
Il faudrait donc, si ce dernier s’augmentait après coup,
diminuer proportionnellement le dividende primitivement
fixé et conséquemment annuler l’ordonnance rendue,
ou tout au moins lui en substituer une nouvelle.
Il n’y aurait donc jamais rien de certain , même en
matière de répartitions , s’il fallait sans cesse au gré de
créanciers coupables de négligence modifier ce qui a été
fait par le juge. Que d’embarras surgiraient dans la li
quidation! Que d’entraves sans cesse renaissantes 1Aussi
la loi n’a-t-elle pas hésité entre les droits en souffrance
et ceux qui ont eu le tort de se manifester bien tard. La
répartition ordonnancée se continuera sur les bases dé
terminées. Le tort qui pourra en résulter pour les retar
dataires n’étant qu’une conséquence de leur négligence,
il était rationnel de leur en laisser subir la chance, plu
tôt que de rendre les créanciers diligents victimes d’un
fait qui leur est étranger.
�118
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Les créanciers opposants n’ont donc aucuns droits
aux répartitions ordonnancées avant leur opposition ;
mais ils doivent de plein droit compter dans celles qui
pourront se réaliser plus tard.
Si au moment où elles s’ouvrent il n’avait pas en
core été statué sur l’opposition , le tribunal arbitrera la
somme qui doit être prélevée sur celles à distribuer. Cette
somme sera tenue en réserve jusqu’au jugement. Elle
doit, pour se conformer à l’esprit de la lo i, représenter
non-seulement le dividende qu’il s’agit de délivrer ac
tuellement, mais encore celui que l’opposant aurait pris
dans la précédente répartition l.
501. — 3° Enfin l’opposition ne vient qu’après plu
sieurs répartitions consommées. Les opposants n’ont,
dans ce cas, rien à réclamer des autres créanciers, alors
même que l’actif aurait été intégralement épuisé. La né
gligence est une faute, et plus elle se prolonge, plus les
conséquences s’en aggravent. Quelles qu’elles soient,
c’est à celui qui n’a pas voulu les prévenir à les subir.
Si l’actif n’a pas été épuisé, les créanciers opposants sont
admis à la répartition de ce qui reste à distribuer.
5 0 2 . — Dans les deux dernières hypothèses, les
opposants sont autorisés à prendre dans les distributions
auxquelles ils participent, non-seulement un dividende
égal à celui des autres créanciers, mais encore à préle
ver sur les sommes à partager une part représentant
celle déjà reçue par ces derniers.
Cette prescription est une innovation à ce qui se pra1 Voy. infra n° 502.
�ART. 5 02, 503.
119
tiquait sous l’empire du Code précédent. L’article 513
de celui-ci déclarait les créanciers en retard définitive
ment déchus du dividende qu’ils auraient pris dans les
distributions réalisées pendant leur absence. De telle sorte
qu’on arrivait à ce résultat : que, dans une faillite, des
créanciers pouvaient toucher quarante ou cinquante pour
cent , tandis que d’autres n ’en recevaient que cinq ou
dix. Aussi ne doit-on pas être étonné de l’opposition que
cette disposition souleva soit auprès des cours et tribu
naux de la République, soit dans le conseil d’Etat.
La plupart des opinions recueillies admettaient la dé
chéance vis-à-vis des créanciers payés avant l’opposi
tion, en ce sens que ceux-ei ne pourraient dans aucun
cas être tenus à rapporter ce qu’ils avaient reçu. La né
gligence des autres sera assez punie, disait-on , par la
chance qu’ils courent de ne rien recevoir, si au moment
de leur opposition il ne reste plus rien à distribuer, ou
si ce qui reste est insuffisant pour leur faire obtenir un
dividende égal à celui que les autres ont retiré. Vouloir
davantage , c’est vouloir consacrer une injustice , c’est
blesser l’égalité avec d’autant moins de raison que les
causes qui ont empêché le créancier de se présenter plus
tôt peuvent ne provenir que d’une impossibilité réelle ;
et, dans ce cas, l’équité exige que tout en respectant ce
qui a été fait en son absence , on l’assimile aux autres
créanciers, en lui permettant de prélever sur ce qui reste
une part égale à celle que les autres ont déjà reçue L
Ces observations donnèrent naissance à un amende
ment en ce sens ; mais il fut rejeté sous le prétexte que
i Locré, Observations des cours el tribunaux, tome 6, p. 297 et sniv.
�120
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
son admission était la suppression de l’article 513. Cet
article, disait-on, tend à stimuler les créanciers en retard;
cependant loin d’opérer cet effet, il donnerait, au con
traire, aux créanciers négligents, l’avantage de recevoir
leur créance en un seul paiement ; il pourrait même en
résulter qu’ils absorberaient en entier le reste de l’actif,
et que par la les créanciers qui se sont empressés à con
server le gage commun se trouveraient déchus l.
Mais ces motifs ne présentent au fond rien de solide.
La déchéance prononcée par l’article 513 pouvait fort
bien se concilier avec l’amendement, et les inconvénients
signalés n’en sont pas, à vrai dire. Aussi doit-on applau
dir le nouveau législateur d’être revenu sur la résolution
consacrée par ses prédécesseurs; et l’on ne peut ne pas
reconnaître que sa disposition a gagné en justice ce
qu’elle a perdu sous le rapport de la sévérité.
Ainsi, à l’avenir, si un créancier ne se présente qu’après l’épuisement de la m asse, il n ’aura rien à rece
voir. Mais si au moment de son opposition il reste une
partie quelconque de l’actif, il sera adm is, dût-il l’ab
sorber, à prélever avant tou'e distribution nouvelle, une
part égale à celle déjà reçue par les autres, l’insuffisance,
s’il y en a, restant toujours à sa charge.
505.
— L’opposition n’a pas besoin d’être intro
duite et jugée comme une action ordinaire. Il suffit que
le créancier dénonce sa qualité au juge-commissaire et
aux syndics, et qu’il requière la vérification de sa cré
ance 2. Cette vérification a lieu en la forme ordinaire.
i Procès-verbal du conseil d’Etat, 32me séance, n° 58.
3 Pardessus, n° 1188.
�akt.
502, 503.
121
Les frais de l’opposition et du procès-verbal de vérifica
tion et d’atfirmation restent à la charge de l’opposant.
Mais les dépens auxquels pourrait donner lieu la contes
tation qui serait faite continueraient à être supportés
par la partie qui succomberait.
504. — Nous avons déjà dit que la faculté de con
tester les créances même admises ne peut être exercée
que jusqu’à la clôture du procès-verbal. Ce principe re
çoit son application à l’encontre des créanciers oppo
sants. Il en résulte que cette opposition étant nécessai
rement postérieure à la clôture, les créanciers qui l’ont
formée sont privés du droit de contester les autres cré
ances. C’est là une nouvelle conséquence de leur négli
gence.
505. — La déchéance prononcée par l’article 503
ne peut être encourue que lorsque la faillite s’est ter
minée par union. Le concordat n’a d’autre effet en fa
veur du failli que d’obliger tous les créanciers à sup
porter la remise consacrée par la majorité ; à quelque
époque donc que chacun d’eux se présente, aucun doute
ne pourrait s’élever sur leur droit. Ils ne peuvent de
mander plus que le dividende stipulé ; ils ne peuvent
jamais recevoir moins.
�m
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
CHAPITRE VI
DU
CONCORDAT
BT
IIB
1,’lJNIOIV
SECTION I r0
DE
LA
C O N V O C A T IO N
&
DE
L ’A S S E M B L É E
DES
C R É A N C IE R S
A rt. 504.
D a n s le s t r o is jo u r s q u i s u iv ro n t le s d é la is pres
c rits p o u r l ’a liin n a t io n , le ju g e -c o m m is s a ir e fera
c o n v o q u e r p a r le g re ffie r, à l ’effet de d é lib é r e r s u t
la fo rm a tio n d u c o n co rd at, le s c ré a n c ie rs don t les
créa n ce s a u r o n t été v é rifiée s et a ffirm é e s , ou ad
m ises p a r p ro v isio n . Les in s e rtio n s d a n s le s jour
n a u x et le s le ttre s de con vocation indiqueront
l ’o b je t de l ’asse m b lé e .
A rt. 505.
Aux lie u , j o u r et h e u r e q u i s e ro n t fixés p a r le
ju g e -c o m m is s a ire , l ’asse m b lé e se fo r m e r a sous sa
p ré sid e n c e ; le s c ré a n c ie rs vé rifiés et a ffirm é s ou
a d m is p a r p ro v is io n s’y p ré s e n te ro n t en personne
o u p a r fo n d é s de p o u v o irs .
L e f a illi s e r a a p p e lé à cette a sse m b lé e ; i l devra
s’y p r é s e n te r en p e rso n n e , s’il a été d isp e n sé de la
m is e en dépôt, o u s’il a o b te n u u n sa u f-c o n d u it, et
il ne p o u r r a s’y f a ir e r e p r é s e n t e r qu e p o u r desmotifs v a la b le s et a p p ro u v é s p a r le juge-com m issaire.
A rt . 506.
L es syn d ics fe ro n t à l ’a sse m b lé e u n r a p p o r t sur
l’état d e la fa illite , s u r le s fo r m a lit é s q u i auront
été re m p lie s et le s o p é ra tio n s q u i a u r o n t eu lieu ;
le fa illi s e r a en te n d u .
Le r a p p o r t des sy n d ics s e r a r e m i s , sig n é d’eux,
a u ju g e -c o m m is s a ir e , q u i d r e s s e r a proces-verbal
d e ce q u i a u r a été d it et d écid é d a n s l ’assemblée.
�1
ART. 504, 5 05, 506.
123
SOMMAIRE
506. Importance du concordat. Différence entre ses effets et ceux
de l ’union.
507. Avantage qu’il présente pour les créanciers. Conséquence
Quant à la remise de la dette.
508. Précautions que la loi a dû prendre pour en assurer la sin
cérité.
509. Convocation des créanciers dans les trois jours de l ’expira
tion du délai de la vérification. Quel est le point de dé
part de ces trois jours.
510. Cette convocation doit être faite d’ordre du commissaire.
Motifs qui l ’ont fait ordonner ainsi.
511. Mode adopté pour cette convocation. Fixation du jour de la
réunion.
512. Composition de l ’assemblée.
513. Obligation des syndics d’y appeler le failli. Intérêt de celuici à s’y rendre.
514. Chaque créancier a le droit de se faire représenter; le failli
ne le peut que si les causes d’empêchement sont jugées
valables.
515. La délibération est précédée de la lecture du rapport des
syndics. Le failli est ensuite entendu.
516. Motifs pour lesquels la loi a exigé un rapport écrit et signé.
Action des créanciers contre les syndics qui auraient fait
un faux rapport en faveur du failli.
517. Pourrait-on, dans ce cas, faire annuler le concordat?
518. Le rapport doit être annexé au procès-verbal et déposé au
greffe.
519. Le failli absent et non représenté ne peut obtenir un con
cordat.
520. Il en serait de même si les propositions faites par lui étaient
simplement orales.
521. Mais non si elles étaient écrites. Vérité de cette opinion
depuis la loi nouvelle.
522. Pouvoirs dont le mandataire du failli doit être revêtu.
�124
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
5 0 6 . — La période dans laquelle nous entrons est,
sans contredit, de toutes celles de la faillite la plus im
portante. La conduite du failli va être, enfin, souverai
nement apprécié par ses créanciers ; le mode de liqui
dation définitivement fixé; l’intérêt qui s’attache à cette
double décision se fait plus particulièrement sentir, en ce
qui concerne le failli dont l’avenir entier est puissam
ment engagé à l’issue qu’elle va recevoir.
L’union,en effet, le dépouille de toutes ses ressources,
l’exproprie de tous ses biens. 11 ne peut désormais se
livrer avec sécurité à une industrie quelconque ; car tout
ce qu’il acquerra par la suite deviendra immédiatement
le gage de ses créanciers. Ainsi privé de tous moyens,
pour toujours plié sous le poids de ses dettes, comment
pourra-t-il atteindre celte mesure si désirable qui doit le
relever de toutes les incapacités, la réhabilitation ?
Le concordat, au contraire, comme on l’a si bien dit,
est un premier pas vers celle-ci. Son acceptation entraîne
en effet, avec elle , l’idée de la bonne foi du failli, la
présomption que sa conduite a été exempte de fraude.
De plus, en le replaçant à la tête de ses affaires elle le
met à même de continuer son commerce, et de trouver
dans des chances plus heureuses l’occasion de désinté
resser tous ses créanciers. Enfin et dans tous les cas elle
assure sa tranquillité future, puisque , payé que soit le
dividende qu’il a promis, il n’y a plus pour lu i, à l'é
gard des créanciers, d’autres liens que ceux que sa con
science lui impose.
5 0 7 . — Pour les créanciers eux-mêmes, le concor
dat présente cet avantage qu’ils sont dispensés de courir
�les chances d’une liquidation le plus souvent sans résul
tats heureux, et de retirer à des époques rapprochées une
partie plus ou moins considérable de leur créance. Mais
il produit cet effet remarquable que la majorité impose
sa volonté à tous les intéressés , même à ceux qui ont
refusé un vote favorable. Ainsi, un créancier légitime se
voit contraint, malgré lui, à abandonner une partie des
droits que ses titres et le droit commun lui conféraient.
508. — Sous ce dernier rapport surtout il importait
de prendre toutes les précautions nécessaires pour que
la volonté exprimée fût sérieuse , sincère , dégagée de
toutes idées d’intérêt personnel et exclusif. Il fallait em
pêcher que cet acte ne devînt un instrument de spoliation,
un encouragement à la fraude. La solennité des formes
pouvait conduire à ce résultat, et c’est dans cet objet que
notre législation a si soigneusement prescrit les condi
tions au prix desquelles elle rend le concordat obligatoire.
509. — Le concordat doit être votée par l’assemblée
générale des créanciers, de la composition de laquelle la
loi s’occupe d’abord. 4 cet effet et dans les trois jours
qui suivent les délais de l’affirmation, tous les créanciers
qui ont subi cette épreuve et qui ont affirmé leurs cré
ances doivent être convoqués.
Le délai dont parle notre article doit être calculé à
partir de l’expiration de la huitaine accordée au créan
cier dernier vérifié pour l ’affirmation de sa créance. Ce
n’est qu’après l’expiration de celte huitaine que les délais
de la vérification sont réellement consommés, et que ce
lui de trois jours accordés pour la convocation commence
à courir.
�126
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
510.
— C’est le juge-commissaire que la loi charge
de celte convocation. Le Code précédent en avait remis le
soin aux syndics. L’abrogation de cette disposition a eu
pour objet de garantir à tous le droit d’être nominative
ment appelés. L’impartialité du magistrat est un gage
certain qu’il n’y aura aucune omission volontaire ; et les
syndics ne pouvant plus, selon leurs dispositions person
nelles, laisser à l’écart ceux dont ils craindraient l’oppo
sition, n ’exerceront sur la délibération d’autre influence
que celle qu’ils puisent dans leur position et dans la par
faite connaissance des affaires qui en est la conséquence.
5 1 t . — La loi prescrit pour cette convocation le
même mode que pour les précédentes, c’est-à-dire, lettres
individuelles par le greffier et insertion dans les jour
naux. Mais celle-ci n’a pas, dans la circonstance actuelle,
le même objet que dans les autres , c’est-à-dire celui
d’appeler les créanciers inconnus. Il est évident, en effet,
qu’en supposant qu’il en existe encore, il serait inutile
de les mettre en demeure, puisqu’ils ne pourraient assis
ter à la réunion , alors même qu’ils s’y présenteraient.
Le concordat ne peut être délibéré que par les créanciers
admis après vérification. Eux seuls doivent être convo
qués. L’insertion de l’avis dans les journaux ne peutavoir qu’un seul but, à savoir : réparer les omissions in
volontaires que le greffier pourrait commettre à l’encon
tre d’un ou de plusieurs créanciers.
L’insertion dans les journaux , comme les lettres de
convocation , doit annoncer l’objet de la réunion. Le
jour de celle-ci est fixé par le juge-commissaire. Ce
magistrat doit, dans cette fixation, avoir égard à la vo-
�’
ART. 504, 505, 506.
127
lonté de la loi qui est de terminer le plus promptement
possible. Or, il est à peu près certain que les créanciers
éloignés du siège de la faillite auront choisi un manda
taire sur la localité, et que conséquemment rien ne s’op
posera à ce que le jour de la réunion suive de près celui
de la convocation. Cependant, comme les pouvoirs don
nés pour la vérification peuvent être insuffisants, com
me des créanciers domiciliés dans les communes plus ou
moins voisines peuvent avoir procédé en personne , il
convient d’accorder le temps moral pour que chacun
d’eux puisse se présenter,ou pour que de nouveaux pou
voirs soient transmis.
Au reste, sur ce point, le juge a pour guide certain
le procès-verbal de vérification qui énonce non-seulement
le domicile réel du créancier, mais encore celui du man
dataire, s’il en existe. Dans ce cas encore la procuration
se trouvant annexée, il est facile de calculer les exigen
ces qui peuvent en naître.
512. — Aux jour, lieu et heure indiqués, l’assem
blée se forme sous la présidence du juge-commissaire.
Elle se compose en général de tous les créanciers véri
fiés et adm is, sauf la disposition de l’article 508 en ce
qui concerne les hypothécaires ou privilégiés.
Les créanciers contestés , mais provisoirement admis
pour une quotité quelconque sont, jusqu’à due concur
rence , à l’instar des créanciers définitivement admis.
Comme eux ils ont le droit d’assister à la réunion et de
prendre part au vote.
515.
— La présence du failli est indispensable,
puisque c’est sur ses propositions qu’il doit être statué,
�128
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
et que les modifications votées par les créanciers ne sont
valables qu’aulant qu’elles seraient régulièrement accep
tées par lui. Les syndics doivent donc judiciairement
l’appeler à la réunion.
Sur cet appel le failli est tenu de comparaître, et il
doit s’empresser de le faire. Le concordat est une vérita
ble conciliation que la présence du failli et ses explica
tions peuvent plus facilement déterminer. Il est donc du
plus haut intérêt pour lui de profiter du droit que la loi
lui accorde, et de venir en personne convaincre les cré
anciers de sa bonne foi et de la sincérité des malheurs
qui ont déterminé sa faillite. Mais l’exercice de ce droit
est purement facultatif, et l’absence du failli n’est dans
aucun cas un obstacle à ce qu’il soit immédiatement
passé outre à la délibération.
Seulement cette absence peut avoir pour le failli les
plus graves conséquences. Elle jette sur sa conduite un
vernis de mauvaise foi. Elle fait présumer la fraude ’. Le
simple bon sens lui fait donc un devoir impérieux de
prévenir par sa présence une éventualité de cette nature.
5 1 4 . — Chaque créancier a le droit de se faire re
présenter à l’assemblée par un fondé de pouvoirs. Mais
cette faculté n’est accordée au failli que si les motifs qui
l’empêchent de comparaître sont déclarés valables el
approuvés par le juge-commissaire3. A défaut son man
dataire ne serait pas admis à la réunion.
5 1 5 . — L’assemblée ainsi constituée, la délibéra
tion s’ouvre par le rapport des syndics sur l’état de la
i 1 Voy. infra article 586.
a Voy. supra article 475.
�ART.
804, 505, 506.
429
faillite. Le vote des créanciers doit être l’expression ex
acte delà connaissance que chacun d’eux a des circon
stances et des causes de la faillite. Ce vole est un vérita
ble jugement sur la conduite du failli ; il était donc in
dispensable de le faire précéder d’un exposé sincère des
formalités remplies, des opérations qui ont eu lieu, enfin
de tout ce qui peut être utile à l’appréciation de la na
ture de la faillite.
C’est ce caractère de jugement imprimé à la délibéra
tion qui a motivé la disposition de l’article 506 portant
que le failli sera entendu. C’est surtout dans cette cir
constance que se manifeste l’intérêt qu’a celui-ci à assis
ter à la délibération. Il est incontestable que le rapport
des syndics exercera la plus grande influence sur la dé
termination des créanciers. Or, ce rapport pourrait être
inexact, exagéré, contraire à la vérité. Il resterait cepen
dant sans contradiction , si le failli ne se mettait pas à
même d’éclairer la religion des créanciers, et de rétablir
les faits sciemment ou involontairement dénaturés.
La disposition de la loi qui appelle le failli est donc
pour lui toute de protection. Il ne doit pas être condamné
sans avoir été défendu. C’est donc à lui à profiter de
cette protection que l’équité commandait et que l’huma
nité avoue.
516.
— Après avoir veillé ainsi à ce que la position
du failli exige , la loi s’occupe des créanciers. On a vu
quelquefois des syndics, par une collusion coupable avec
le failli, tromper les créanciers par un faux exposé et les
amener à consentir un concordat dont l’obtention leur
était payée par des traités particuliers s’ils étaient créan
ciers, par d’autres faveurs s’ils ne l’étaient pas.
ii — 9
�130
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Sous le Code de commerce cet abus était fort difficile
à réprimer. Le rapport des syndics ne laissant aucune
trace, il était impossible de les convaincre d’inexactitude,
alors même que celle-ci se manifestait plus tard aux
parties intéressées.
La loi nouvelle rend cet abus moins à craindre. Elle
en prépare, dans tous les cas, la répression, par le de
voir qu’elle impose aux syndics de rédiger leur rapporl
par écrit et de le remettre signé entre les mains du jugecommissaire. Comme tous les autres actes d’adminis
tration, ce rapport engage la responsabilité des syndics;
et si après le concordat il était prouvé que les syndics
ont sciemment altéré la vérité en faveur du failli, les
créanciers auraient le droit d’obtenir contre eux person
nellement la réparation du préjudice que cette forfaiture
a pu leur causer, sauf au ministère public à poursuivre
lui-même en vertu des articles 596 et 597 dans l’inté
rêt de la vindicte publique.
517.
Les créanciers seraient-ils en droit d’obte
nir , en outre , la nullité du concordat ? Oui , s’il étail
prouvé que le failli a directement concouru aux moyens
à l’aide desquels les créanciers ont été induits en erreur,
comme s i , par exemple , les termes du rapport ont été
préparés entre lui et les syndics.
Mais si le failli s’est borné, sur la promesse de ceuxci de le faire concorder, à signer un traité dans lequel
il s’est engagé à leur payer le montant intégral de leur
créance ou de telle autre somme convenue, le concordai,
fruit du faux rapport, continuerait à être exécuté.
Cette opinion peut paraître spécieuse, et la distinction
1
�ART. 504, 505, 506.
131
sur laquelle elle repose , subtile. On pourrait, en effet,
soutenir que, dans l’un et l’autre cas, le failli s’est as
socié à la fraude des syndics, qu’il en a assumé la com
plicité, et que s’il ne doit pas en supporter la peine ma
térielle , il serait au moins immoral de lui en accorder
le bénéfice. Mais cette objection nous paraît repoussée
par l’esprit de la loi.
Ainsi, l’article 597 punit d’une peine corporelle le
créancier dont l’adhésion au concordat a été la consé
quence d’un traité particulier. Or, le concours du failli
à ce traité est indispensable, et il est certain qu’en le si
gnant il ne peut en ignorer le but. Cependant l’article
597 affranchit le failli de toute peine.
L’acceptation du traité par celui-ci ne constitue donc
ni délit n i contravention. Pour l’admettre ainsi la loi ne
s’est préoccupée que de la question intentionnelle; elle
a pensé que la position du failli le mettant en quelque
sorte à la discrétion de ses créanciers, ne lui permettait
pas de se soustraire aux exigences dont ils peuvent l’as
saillir, et d e résister d’une manière absolue à leurs pré
tentions.
Or, si dans ce cas la présomption d’une contrainte
morale affranchit de tout reproche le failli qui a connu
les conséquences de son fa it, les moyens qui devaient
(servir à la fraude, comment déciderait-on autrement lors
que la contrainte étant exercée par les syndics , il en a
iSubi l’influence sans connaître même le mode que ceux-ci
[emploieraient pour lui faire obtenir le concordat promis?
Le fait en lui-même n’est donc pour le failli d’au
cune conséquence. La faute en reste tout entière aux
�132
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
syndics qui ont abusé de leur position , des fonctions
qui leur avaient été confiées. Ayant calculé seuls les
moyens de consommer la fraude , ils doivent seuls en
supporter toute la responsabilité.
Nous avons donc raison de dire que le failli qui n’a cédé
qu’à une promesse vaguede concordat ne saurait être puni
d’une manière quelconque d’un fait innocent aux yeux
de la loi ; qu’on ne saurait donc faire annuler le traité
i ntervenu sur un faux rapport que s’il s’est activement as
socié à la fraude, que s’il a participé à sa consommation,
Mais si, pour lui, tout s’est réduit à l’acceptation d’un
traité particulier , les créanciers n’auront recours que
contre les syndics qui seront personnellement tenus des
dommages-intérêts qu’ils ont le droit de réclamer.
518.
— Le rapport des syndics , après avoir été lu
aux créanciers, doit être, séance tenante, remis au jugecommissaire. La loi n’indique pas d’une manière for
melle la destination que ce magistral doit lui donner,
Mais il est évident, par ce qui précède, qu’il doit le dé
poser au greffe du tribunal. Le but que le législateur
s’est proposé en exigeant un rapport écrit et signé, sérail
complètement manqué, si ce rapport n’était pas conservé
à la disposition des créanciers. Comment espèrerait-on
convaincre les syndics, si l’écrit qui les condamne élail
susceptible de se perdre dans le domicile du juge-com
missaire ?
Ce magistrat doit donc annexer le rapport des syndics
au procès-verbal de la séance qu’il est tenu de rédiger,
Le tout est ensuite déposé dans les archives du greffe,
où les créanciers pourront en prendre expédition, le cas
échéant.
�ART. 504, 505, 506.
433
519. — Immédiatement après le rapport il est pro
cédé à l’appréciation des propositions faites par le failli.
Si celui-ci est absent et non représenté par un fondé
de pouvoirs, pourrait-il intervenir un concordat ?
L’affirmative nous parait inadmissible. Le concordat
est une convention synallagmatique qui exige , pour sa
perfection, le consentement réciproque de tous les inté
ressés. L’absence absolue du failli rend l’accomplisse
ment de celte condition impossible. En cet état, le con
cordat signé par les créanciers serait illusoire, car il dé
pendrait du failli de l’exécuter ou non, selon qu’il le ju
gerait convenable.
De plus le concordat doit, à peine de nullité,être signé
séance tenante. L’impossibilité d’obtenir la signature du
failli frapperait donc d’une impuissance absolue tout
traité intervenu en son absence et sans sa participation.
L’absence du failli rendrait donc l’union des créan
ciers inévitable, avec d’autant plus de raisons que le con
cordat est une faveur qui mérite d’être recherchée , et
qu’on ne doit jamais conférer à celui qui par sa con
duite parait vouloir la répudier.
520.
— En serait-il autrement si le failli non com
paraissant avait fait des propositions ? Non, si ces pro
positions étaient purement verbales; car il n’existerait
aucun lien de droit contre le failli. Il lui suffirait, pour
annuler le concordat, de dénier les engagements qui
n’auraient pas d’autres bases que sa parole.
524. — Mais si les propositions avaient été écrites
et signées par le failli, rien ne s’opposerait à ce qu’elles
fussent adoptés. L’acceptation des créanciers rendrait
l’engagement proposé définitif et obligatoire.
�134
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Cetie opinion était professée par M. Locré, sous l’em
pire du Code l. Mais nous croyons qu’à celte époque M.
Locré se trompait. Cette opinion n’est devenue vraie que
depuis la loi nouvelle. Il était, en effet, reconnu par la
législation de 1807 que le banqueroutier simple ne pou
vait concorder. Or , l’absence du failli à la délibération
constituait la banqueroute simple. Elle était donc un
obstacle invincible à tout traité.
Aujourd’hui cette absence produirait encore, il est vrai,
le même résultat ; mais il est à remarquer que le failli,
même condamné pour banqueroute simple , n ’est pas
privé de la faculté de concorder. À plus forte raison ne
pourrait-il l’être tant qu’il ne serait que présumé ban
queroutier simple.
Il pourrait donc faire, quoique absent, des proposi
tions par écrit, et celles-ci pourraient être sanctionnées
par les créanciers. Mais on comprend que cette sanction
devrait être pure et simple. La moindre modification ne
serait obligatoire qu’après avoir été formellement adop
tée par le failli.
5 2 2 . — Si le failli a obtenu le pouvoir de se faire
représenter, il est essentiel que la procuration donnée à
son mandataire soit de nature à autoriser celui-ci à trai
ter, sans être obligé à chaque modification d’en référer
à son mandant. Cette nécessité serait dans le cas de ren
dre le concordat impossible, en empêchant qu’il fût signé
séance tenante, comme le veut la loi.
1 Esprit du Code de commerce, ait. S26.
�ART. 507, 508, 509.
135
SECTION IIe
DU
O O H O O B D A T
| Ier. — De la formation du concordat.
A rt. 507.
U ne p o u r r a ê tre con sen ti de tra ité e n tre les
créanciers d é lib é ra n t s et le d é b ite u r fa illi , q u ’après l'acco m p lissem en t d es fo rm a lité s c i-d e s su s
prescrites.
Ce traité ne s’é t a b lir a qu e p a r le co n co u rs d ’u n
nombre de c ré a n c ie rs fo rm a n t la m a jo r it é et r e
présentant, en o u tre , le s tr o is q u a rt s de la to talité
«les creances v é rifiée s et a ffirm é es, ou a d m ise s p a r
provision, c o n fo rm é m e n t à la section 5 d u ch ap i
tre 5 ; le tout à p ein e d e n u llité .
A rt. 508.
Les c réa n cie rs h yp oth écaires in s c rits o u d is
pensés d’in sc rip tio n s , et le s c ré a n c ie rs p riv ilé g ié s
on nantis d ’u n gag e , n ’a u ro n t p as voix d a n s les
opérations re la tiv e s a u c o n co rd at p o u r le s d ite s
'créances, et e lle s n ’y se ro n t com ptées qu e s’ils r e
noncent à le u r s hypoth èques, gages ou p riv ilè g e s.
Le vote a u con co rd at e m p o rte ra d e p le in d ro it
cette ren on ciation .
A rt. 509.
Le concordat s e r a , à p e in e de n u llité , sig n é sé
ance tenante. S’i l est c on sen ti se u le m e n t p a r la
majorité en n o m b re , ou p a r la m a jo rité d es tr o is
«piarts en som m e, la d é lib é ra tio n s e r a re m is e à
huitaine p o u r tout d é la i ; d a n s ce cas , le s r é s o lu
tions prises et le s a d h é sio n s d on n ées lo r s de la
première a ssem blée d e m e u re ro n t sa n s effet.
�136
DES
FA IL L IT E S
ET
BANQUEROUTES
SOMMAIRE
523.
Ces articles déterminent les conditions relatives à l’époque
du concordat, à la majorité qui doit le consacrer,au
mode de délibération à suivre.
524.
Le concordat ne peut intervenir qu’après l’accomplissement
525.
des formalités prescrites par les articles précédents.
Différence dans les effets entre le concordat et les traités que
le débiteur en déconfiture peut faire avec ses créanciers.
526.
Ceux-ci ne sont valables que s’ils réunissent l ’unanimité,
et s’ils interviennent avant la déclaration de faillite.
526bis. Après la déclaration judiciaire de la faillite peut-il inter
venir un traité autre que le concordat.
527. Quelle majorité doit réunir le concordat ? Système de l'or
donnance de 1673. Conséquences.
528. Motifs qui déterminèrent le législateur de 1807 à exiger de
plus la majorité en nombre.
529. Il n’y a de concordat valable qne celui qui réunit la majo
rité en nombre et en sommes.
530. Comment se calcule la première. Est-ce sur le nombre des
créanciers ad m is, ou sur celui des présents à la délibé
ration ?
531.
Ne sont pas considérés comme présents les créanciers do
miciliés hors France , malgré qu’ils soient encore dans
532.
les délais de la vérification.
Ni les créanciers hypothécaires quant aux créances garan
533.
ties par l’hypothèque,et les privilégiés pour celles affec
tées à leur privilège.
Chaque créancier ne peut compter que pour une voix quel
que soit le nombre de ses créances.
534.
Distinction créée par un arrêt de la cour de Bordeaux entre
les cessions antérieures à la faillite et celles postérieu
res, condamnée par la cour de cassation.
535. Le mandataire compte pour autant de voix qu’il a de pro
536.
curations.
La majorité en sommes se calcule sur le total des créances
vérifiées, Elle doit être des trois quarts.
�ART.
507, 5 0 8 , 509.
137
537. Exception : 1° pour ce qui concerne les créances hypothé
caires ou privilégiées ;
538. 2° Pour celles dues aux créanciers étrangers.
539. Les créances provisoii ement admises ne comptent que pour
la quotité déterminée par le tribunal.
540. Les créanciers hypothécaires ou privilégiés, s’ils votent sur
le concordat, sont présumées par cela seul avoir renoncé
à leur hypothèque ou privilège.
541. Il importe donc que le nom de ceux qui auraient voté soit
inscrit au procès-verbal Qui peut demander l’applica
tion de l’article 508 ?
542. La déchéance résultant du vote annule l’hypothèque et le
privilège, même à l ’égard des créanciers postérieurs au
concordat.
543. Les privilèges sur les meubles sont également atteints par
l’article 508.
544. La nullité ou la résolution du concordat restitue aux re
nonçants tous les effets de leur hypothèque ou privilège.
545. Distinction entre le concordat et les traités particuliers en
tre les créanciers et le failli. Ces derniers sont-ils valables?
546. La loi ne qualifie de concordat que l ’acte délibéré en as
semblée de créanciers et signé séance tenante. Cette si
gnature est prescrite à peine de nullité.
547. Si dans la première réunion le concordat est voté par l’une
des deux majorités, il y a lieu de renvoyer à huitaine.
Ce délai, sous la loi actuelle, est de rigueur.
548. Ce renvoi n’est pas une continuation de la délibération.
Tout ce qui s’est fait à la première séance est nul et
sans portée.
323. — L’importance du concordat a déterminé le
législateur à en fixer les conditions d’une manière précise,
ces conditions se rapportent à l’époque à laquelle il est
permis de le consentir, à la majorité requise pour le ren
dre obligatoire, au mode de délibération qui doit êtresuivi,
�138
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
5 2 4 . — A quelle période de la faillite peut-on vala
blement concorder ? Des motifs d’intérêt général ont dé
terminé la disposition de l’article 507 qui défend tout
traité avant l’accomplissement des formalités prescrites
par les articles précédents. Une vérité démontrée par
l’expérience , c’est que les commerçants sont beaucoup
trop faciles à concorder. Cela tient à leur profession qui
n’est qu’une chance perpétuelle de gains ou de pertes.
Quel est le négociant dans les prévisions duquel il n’entre
pas.annuellement quelques faillites à supporter? Or, la
perte prévue est plus facilement supportée. Ce qu’on dé
sire , c’est de la régler le plus tôt possible afin de n’y
plus penser.
Ce sont ces dispositions que la loi a voulu combattre.
Ces facilités qu’elles présentent pour terminer amiablement pourraient encourager les fraudes et contribuer à
augmenter le nombre des faillites.
En effet, autoriser à concorder à l’ouverture de la
faillite, c’était conférer au failli tous les bénéfices de sa
position sans lui en imposer les charges ; c’était lui per
mettre d’abuser ses créanciers sur l’importance de son
actif, sur la consistance de son passif ; c’était faciliter
l’introduction de créanciers simulés, et par cela même l’a
doption d’un concordat frauduleux au mépris des droits
des créanciers sérieux ; c’était enfin mettre le failli à l’a
bri de toutes poursuites du ministère public, en créant
un obstacle invincible à toutes recherches ultérieures.
Tous ces inconvénients, le législateur de 1807 appelé
à la réforme de nos institutions commerciales les voyait
se dérouler sous ses yeux. Telles étaient, en effet, les
�ART. 507, 508, 509.
139
tristes mais réelles conséquences des prescriptions in
complètes de l’ordonnance de 1673, dont l’insuffisance
avait été si audacieusement exploitée que les faillis pou
vaient impunément jo u ir des richesses qu’ils extor
quaient à leurs créanciersl.
Le remède était ici à côté du mal. Le Code de com
merce n’hésita pas à le prescrire, et sa disposition est
passée dans la loi nouvelle.
Il n’y a de concordat obligatoire que celui dont l’adop
tion a été précédée par l’accomplissement des formalités
que nous avons retracées. Àinsi, le failli ne peut plus
tromper sur la consistance de son actif. L’apposition des
scellés et l’inventaire l’ont fixé d’une manière invariable.
On n’a plus à Redouter le concours de créanciers si
mulés , la vérification ayant constaté les titres de ceux
appelés à délibérer. Enfin, si la fraude existe, elle a pu
être recherchée et punie, la liquidation ayant subi toutes
ses phases préliminaires sous les regards du juge-com
missaire et la surveillance qu’il est loisible au procureur
de la république d’exercer.
525.
— On ne doit pas confondre le concordat avec
les traités qu’un débiteur en déconfiture peut faire avec
ses créanciers. Ceux-ci peuvent se réaliser à toutes les
époques. Ils diffèrent du concordat en ce que celui-ci,
s’il est régulier et légal, oblige tous les créanciers, même
ceux qui s’y sont opposés ou qui n’y ont point concouru,
tandis que les autres ne lient que les créanciers qui les
ont consentis. Peu importe que les adhésions soient nom
breuses , qu’elles représentent la très-grende majorité ;
1 Voy. discussion au conseil d’Etat,
�140
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
n’y eût-il qu’un seul dissident, qu’on ne pourrait nonseulement pas le contraindre à subir le sort des autres,
mais encore l’empêcher de poursuivre la déclaration de
faillite, et par là la nullité complète du traité.
526.
— Il faut donc, pour qu’un traité de ce genre
puisse exister, qu’il réunisse l’unanimité des créanciers.
A cette condition la loi ne pouvait que l’accepter, quelles
que fussent les stipulations. Mais il faut, de plus , que
ce traité ait été consenti avant toute déclaration de fail
lite. Après le jugement qui la proclame, l’unanimité des
créanciers se prononcerait en vain. Elle ne pourrait ar
rêter la marche de la faillite, ni se soustraire à l’applica
tion de l’article 507. Les formalités qui doivent précéder
le concordat sont d’ordre public. Il n’est donc permis à
personne d’en empêcher la réalisation.
5 2 6 bis. — La cour d’Agen s’est prononcée en sens
contraire. Elle a jugé , le 23 juin 1859 , que le traité
consenti au failli, par tous les créanciers , est valable et
met fin à la faillite, bien qu’il n’ait pas été conclu dans
la forme du concordat et que le failli s’engage par ce
traité à payer ses dettes à des conditions et à des termes
différents, si d’ailleurs cette inégalité d’avantages est
acceptée d’un commun accord par les créanciers L
Dans la note dont il accompagne cet arrêt, M. Dalloz
pense que sa doctrine est à l’abri de critique , qu’elle
présente un intérêt qu’il importe de faire remarquer. Le
failli animé de bonnes intentions trouve , dans le droit
qui lui est ainsi reconnu, le moyen de couper court aux
J D. P., 59, i , 175.
�ART. 5 07, 508, 509.
141
opérations de la faillite, et d’arriver plus tôt et plus économiquement à la solution qu’il désire autant que les
créanciers. Le traité dont il s’agit ici joue le même rôle
que le règlement amiable en matière d’ordre, et les tri
bunaux ne peuvent que l’accueillir favorablement. Mais
il faut, pour que le traité produise les mêmes effets qu’un
concordat, qu’il contienne un règlement définitif; et, à
cet égard, il a été jugé avec raison que le traité par le
quel les créanciers du failli consentent à sa mise en li
berté , moyennant le cautionnement de sa femme , n’a
pas pour effet de lui faire recouvrer l’exercice de ses
droits et l’administration de ses biens.
Nous ne nous dissimulons pas toute la faveur qui
s’attache aux moyens de couper court aux opérations de
la faillite et d’économiser les frais. Mais encore faudraitil , pour que les tribunaux pussent les accueillir et les
consacrer, que la loi leur en eût conféré le pouvoir.
Or, bien loin de concéder ce pouvoir , le législateur
l’a très-expressément prohibé. Les termes de l’article 507
sont aussi absolus que formels : Il ne pourra être con
senti de traité entre les créanciers délibérants et le
failli, qu'après l’accomplissement des formalités cidessus prescrites.
Ainsi, le législateur qui en matière d’ordres a permis
de couper court aux opérations et aux frais par un rè
glement amiable , n’a pas laissé la même faculté dans
les faillites. Il exige que toutes les formalités préliminai
res et notamment la vérification et l’affirmation des cré
ances aient été accomplies avant qu’une entente quel
conque puisse s’établir entre les intéressés.
�142
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
On pourra regretter cette exigence qui entraîne des
longueurs et des frais à la charge de l’actif. Mais on ne
peut se dissimuler qu’elle était inspirée par la nature des
choses. Nous venons de rappeler les conséquences dé
plorables pour les créanciers qu’avait entraîné le silence
que l’ordonnance de 1673 avait gardé à ce sujet.
D’autre part, les faillites touchent à l’ordre public nonseulement au point de vue de l’atteinte qu’elles portent
au commerce , mais encore à celui de la répression des
crimes et délits dont elles peuvent être l’occasion. Per
mettre de les étouffer à leur naissance sans aucun con
trôle sur les droits des créanciers, sur la véritable posi
tion du failli, sur les causes et les caractères de sa dé
confiture, offrait le -moyen de multiplier les faillites, d’en
courager l’intervention de tiers sans titres réels, et qui
dictaient cependant la loi aux créanciers sérieux ; assu
rer- enfin l’impunité à la conduite la plus déloyale , la
plus coupable.
On voit combien est puissant et respectable le mobile
qui a déterminé le législateur. Dans tous les cas il suffi!
qu’il ait exprimé sa volonté, pour que les tribunaux ne
puissent ni la méconnaître ni la violer.
Au reste, la cour d’Agen n’a encouru ni l’un ni l’au
tre de ces reproches. Dans l’espèce, le vœu du législateur
avait été rempli. L’arrêt, en effet, constate que toutes les
créances avaient été vérifiées et affirmées, et que le traité
n’était intervenu qu’après l’expiration des délais fixés
pour cette opération. Donc, ce traité n’avait pas eu pour
effet de couper court aux opérations de la faillite : effet
que la loi repousse d’ailleurs.
�ART. 507, 508, 509.
143
Mais la loi n’a pas seulement déterminé l’époque h
laquelle le traité peut intervenir. Elle a, de plus, réglé
la forme dans laquelle il doit être conclu ; et si l’arrêt
de la cour d’Agen est irréprochable au premier point de
vue, il ne l’est pas sous le second. A tort ou à raison le
législateur a voulu que le traité fût délibéré en assem
blée de créanciers, sous la présidence du juge-commis
saire; qu’il fût ensuite homologué par le tribunal. Ac
cepter comme valable un traité fait en dehors de ces for
mes non soumis à l’homologation, c’est donc méconnaî
tre le texte même de la loi.
Sans doute, dans l’espèce de l’arrêt, les circonstances
étaient éminemment favorables : les faillis s’engageaient
à payer intégralement les créanciers. Mais un principe
ne puise son caractère juridique que dans la loi. Une
opération est licite dans toutes les circonstances, ou elle
ne l’est dans aucune. Faire dépendre de celles-ci sa va
lidité, c’est remplacer une règle uniforme et précise par
un arbitraire indéfini.
A quoi bon d’ailleurs , lorsque le moment légal du
traité est arrivé, dispenser des formes exigées. Ne peuton pas faire dans le concordat, ce qu’on fait dans le
traité amiable. Ne suffit-il pas de l’accord des parties
pour que leurs conventions, quelles qu’elles soient, pro
duisent leurs effets ? Sans doute, dans le concordat voté
par la majorité seulement tout doit être égal pour les
créanciers. Mais, lorsque tous les créanciers sans excep
tion y accèdent, qu’importe la différence stipulée. Il suffit
que les créanciers les plus maltraités acceptent le sort qui
leur est fa it, consentent l’avantage fait aux autres. Ce
�DES FAILLITES ET feANQÜËROUTES
serait pousser l’amour du principe de l’égalité jusqu’au
plus ridicule fanatisme que de soutenir que les parties
intéressées ne sont pas libres d’en répudier le bénéfice,
Donc, après que toutes les formalités pour arriver au
concordat ont été remplies, il n’y a plus qu’à délibérer
sur l’acceptation, sur les conditions de ce concordat. Si
tout le monde est d’accord, le juge-commissaire n’aura
qu’à le constater. Plus le traité sera avantageux pour les
créanciers, et moins le tribunal hésitera à lui donner la
sanction que des motifs d’ordre public l’appellent à con
céder. Dès que les parties peuvent consentir un concordat,
elles le doivent. Tout autre arrangem ent, quelle qu’en
soit la nature, ne serait qu’un refus déguisé d’obéir à la
loi, qu’un moyen de se soustraire au contrôle du jugecommissaire, à celui du tribunal. La justice ne saurait
donc le consacrer sans méconnaître et violer la loi.
Vainement la cour d’Agen prétend-elle qu’il est im
possible de rejeter, en principe et d’une manière abso
lue, les traités amiables ; que s’ils ne sont point permis,
ils ne sont point non plus prohibés par la loi.
Nous répondons qu’il suffirait que ces traités ne fus
sent pas permis pour qu’on ne pût les permettre ; que
ne pas voir une prohibition formelle dans les articles 507,
509, 513, 514 et 515 du Code de commerce, c’est fer
mer les yeux à l’évidence.
En résumé, après la déclaration judiciaire de la fail
lite , tout traité intervenu avant l’accomplissement des
formalités prescrites pour arriver à la délibération do
concordat est frappé d’une nullité absolue et radicale.
Après cet accomplissement il nesaurait inlervenird’au-
�145
ART. 507, 508, 509.
tre traité que le concordat lui-m êm e, délibéré dans les
formes prescriteset devant être homologué parle tribunal.
La justice en validant le traité qui a été consenti en
dehors de ces conditions ne fait pas autre chose qu’ho
mologuer un concordat irrégulier au mépris de la pro
hibition formelle de l’article 515.
527. — À quelle majorité doit être consenti le con
cordat? L’ordonnance de 1673 n’en exigeait qu’une qui
se composait des trois quarts des créances.
Il résultait de cette prescription que le failli n’avait
qu’à créer quelques dettes simulées pour former tout-àcoup un volume de créances capables de réduire au si
lence les porteurs de titres sérieux.
528. — Rassurés sur ce point par la nécessité d’une
vérification préalable, les auteurs du Code avaient pro
posé l’adoption de la disposition de l’ordonnance ; mais
cette proposition fut vivement attaquée par les sections
réunies du Tribunal , comme ne protégeant pas égale
ment les intérêts de tous les créanciers.
« En effet, disait l’orateur , en écartant même tout
soupçon de fraude, les créanciers les plus considérables
dans une faillite sont toujours les négociants avec les
quels le failli fait des affaires. Or, ceux-là se prêtent vo
lontiers à un concordat, parce qu’ils espèrent se remplir
de leur perte dans les relations subséquentes qu’un com
merce ultérieur leur donnera l’occasion de se ménager.
» Il n’en est pas ainsi du petit capitaliste, comme le
rentier, le journalier, le domestique qui a placé ses éco
nomies sur le failli. Celui-là se les voit enlever , sans
ii — 10
�H6
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
avoir pour les recouvrer les mêmes ressources que cem
qui lui imposent ce sacrifice.
» D’ailleurs, ajoutait le Tribunat, en principe général
tout créancier a le droit d’exercer sur son débiteur tous
les effets attachés à son titre, jusqu’à l’acquit parlait de
ce qui lui est dû. Nulle remise ne peut lui rien faire per
dre,si elle n’est consentie par lui-même et de son plein gré
» Le concordat repose sur des bases entièrement con
traires, puisqu’il s’y trouve toujours quelque créancier
qui est forcé par la volonté d’autrui à voir s ’évanouir
une partie quelquefois notable de sa créance, et à lais
ser en même temps son débiteur jouir en pleine fran
chise de la liberté de sa personne et de tous les avanta
ges du bien qui lui reste.
» Pour qu’une telle condition quelquefois si injuste,
toujours si dure à l’égard du créancier qui s’y refuse, lui
soit imposée malgré lui, il faut au moins que sa volonté
se trouve contrebalancée par un grand poids de volon
tés opposées. Il est donc équitable que dans un concor
dat les voix soient non-seulement pesées , mais comp
tées de manière que pour faire la loi aux refusants il
fallût, avec la plus haute quotité de créances , réunir
aussi la majorité des voix. »
529.
— C’est ce qui fut en définitive admis par le
Code. C’est aussi ce|que la loi nouvelle a consacré. Il
n’existe donc de concordai valable que celui qui réunil
la majorité des créances en nombre et en sommes.
Comment doit-on calculer cette double majorité ?
550.
— 1° Majorité en nombre:—Elle se forme de
la moitié plus un des créanciers admis à voter. Or sont
�ART. 507, 508, 509.
147
admis de droit tous ceux qui ont fait vérifier et affirmer
leur créance. Sera-ce sur leur nombre total que l’on
devra calculer la majorité , ou bien sur celui des pré
sents au vote ?
C’est dans ce dernier sens que s’était prononcé le
Code de commerce \ et cette solution était rationnelle
et juste. En effet, exiger la majorité des créanciers véri
fiés c’était laisser la décision du concordat en dehors de
toutes règles, donner à la négligence ou à l’inertie la
faculté de le rendre impossible, et livrer la majorité en
sommes au caprice du nombre.
Sans doute chaque créancier vérifié a droit de voter
le concordat. Mais ce droit veut être exercé; celui qui
s’abstient de le faire s’en rapporte volontairement au
jugement d’autrui et se soumet à subir une loi à la
quelle il n’a pas voulu s’opposer.
11 est à regretter que la loi actuelle ne se soit pas net
tement expliquée sur ce p o in t, et que l’article 507 ne
reproduise plus les expressions de l’article 522 du Code.
Mais cette omission ne doit pas être considérée comme
introduisant un droit nouveau. Rien dans la discussion
législative n’autorise une pareille idée que l’esprit de la
loi repousse, au contraire, formellement. Il est certain,
en effet, qu’on a voulu favoriser le concordat et le ren
dre plus facile que sous le Code. Or, cette intention serait
inconciliable avec la faculté laissée aux créanciers d’en
empêcher l’adoption par une absence involontaire ou
calculée. Il faut donc tenir, aujourd’hui comme autre
fois, que les présents délibèrent pour les absents et que
i Article 8312.
�448
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
la majorité qu’exige la loi est celle des suffrages réelle
ment exprimés.
5 3 1 . — Les mêmes motifs empêchent de considéra
comme présents les créanciers étrangers qui sont encore
dans les délais de la vérification. Le résultat, en effet,
eût été le même , puisqu’ils peuvent être en nombre tel
qu’avec les absents volontaires, l’unanimité des votants
ne pût pas atteindre à la majorité voulue ; il n ’a pu cer
tainement entrer dans l’esprit de la loi de créer une
hypothèse dans laquelle , par la seule force des choses,
le concordat serait d’avance condamné.
5 3 2 . — Ne sont réputés présents, dans le sensés
la lo i, que ceux qui ont droit de voter et qui votent en
effet. A insi, les créanciers hypothécaires ou privilégié
ne peuvent, quoique assistant à la délibération, compte
pour déterminer la majorité. M ais, il en serait autre
ment si, renonçant à leur hypothèque ou privilège,ils
prenaient part au vote ; ou si porteurs d’un titre ordi
naire , vérifié et admis , ils avaient voté comme créan
ciers chirographaires jusqu’à due concurrence.
En effet, la prohibition de voter n’est relative qu’au
créances garanties par une affectation spéciale ; tout
autre créance, quel qu’en soit le porteur, donne à celui
ci le droit de participer à toutes les opérations de la fail
lite, sans distinction.
5 3 3 . — Mais chaque créancier ne compte que pou:
une voix, quel que soit d’ailleurs le nombre des créai) |
ces dont il est porteur , soit que ces créances lui soiei
personnellement d u e s, soit qu’elles lui aient été trans
mises par vente, cession ou transport. Le droit de vols I
�1
ART.
507, 508, 509.
149
est indivisible et insusceptible d’être exercé plus d’une
fois par le même créancier.
554. — Un arrêt de la cour de Bordeaux , du 26
avril 1 8 3 6 , 1 avait décidé qu’il fallait distinguer si les
cessions étaient antérieures ou postérieures à la faillite.
Dans le premier c a s , disait la cour , les titres cédés se
confondent sur la tête du cessonnaire qui devient créan
cier unique, et qui par conséquent ne peut avoir qu’une
voix dans les délibérations. Dans le second cas, les cré
anciers cédants transmettent à leur cessionnaire tous les
droits qu’ils avaient eux-mêmes, et partant la faculté de
voter que chacun d’eux avait incontestablement acquise;
conséquemment, le cessionnaire doit compter dans la
délibération pour autant de voix qu’il a de créances.
Mais cet arrêt, déféré à la cour régulatrice, a été cassé
le 24 mars 1840 :
« Attendu que le droit de voter est un droit indivi
duel qui ne peut être exercé qu’une seule fois par la
même personne , quel que soit le nombre des titres qui
lui confèrent le droit de l’exercer ; et que, pour qu’il en
fût autrement, il faudrait qu’il existât dans la loi une
disposition qui n’exisle pas dans le Code de commerce ;
que la distinction faite par l’arrêt attaqué entre les ces
sions faites postérieurement à la faillite et celles faites
avant son ouverture , est une distinction arbitraire qui
n’est également fondée sur aucune disposition de la loi.3 »
Il résulte bien clairement de cette décision qu’un cré
ancier ayant déjà le droit de voter, qui acquiert de nou1 D .P , 36, 2, 147.
îD .P.,40, 1, 38.
4
*
�130
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
velles créances, confond celles-ci avec les siennes pro
pres ; que sa substitution aux cédants ne lui transfère pas
la faculté de voter appartenant à ceux-ci ; en un moi,
que cette faculté étant exclusivement attachée à la per
sonne, le même individu ne peut l’exeocer plusieurs fuis,
5 3 5 , — C’est par un autre principe qu’il faut régler
le cas où un créancier réunit en ses mains plusieurs pro
curations. Alors, en effet, le créancier n’est plus substitué
aux droits des mandants. Les créances restent distinctement sur la tête de chacun de ceux-ci, qui sont censés
agir personnellement. Leur mandataire a donc le droit
de voter pour chacun d’eux, et il doit, dans les délibéra
tions,compter pour autant de voix qu’il a de procurations,
5 3 6 , — 2° Majorité en sommes. = Comme l’ordon
nance de 1673 et le Code précédent, la loi actuelle exige,
pour que la majorité existe, l’adhésion des trois quarts
des créances. Or, il n’en est pas de celte majorité com
me de celle en nombre. On ne la calcule pas seulement
sur le chiffre des créances représentées, mais sur le total
des sommes vérifiées et admises.
5 3 7 , — Ce principe comporte cependant exception
dans certains cas qui naissent soit de la nature des cho
ses, soit d’une prévision implicite de la loi.
1° Les créances hypothécaires ou privilégiées doivent
être vérifiées ; mais elles sont loin d’être dans la posi
tion des chirographaires relativement au concordat.
Ainsi, les premières restent étrangères aux stipulations
du traité. Quelle que soit la remise accordée, elles n’en
seront pas moins intégralement payées , et c’est surtout
à cause de ce résultat que la loi interdit à leurs pro-
�priétaires de voter sur le concordat. Il ne serait ni ra
tionnel ni juste de confier la détermination de la remise
à consentir à ceux qui ne doivent en supporter aucune.
Par réciprocité, il convient de laisser ces mêmes cré
ances de côté lorsqu’il s’agit de calculer la majorité en
sommes exigées par la loi. Le contraire eût conduit in
évitablement , dans certains cas , à la conséquence que
nous signalions tout à l’heure, à savoir, que tout con
cordat pourrait devenir impossible. En effet, les créances
hypothécaires peuvent s’élever àplus d ’un quart du
passif, et dans ce cas l’unanimité des créanciers ordinai
res ne pourrait atteindre au chiffre exigé.
Un pareil résultat serait d’autant plus extraordinaire,
que lescréanciers hypothécaires, privés de voter sous peine
de perdre les effets attachés à leur qualité, ne pourraient
dans aucun cas compléter la majorité , et qu’ainsi les
chirographaires seraient dans l’impuissance d’obtenir un
concordat avantageux, et forcés malgré eux à se lancer
dar.s une liquidation qui peut être désastreuse. Il n’était
donc pas possible que la loi qui a voulu favoriser le con
cordat, dans l’intérêt des créanciers autant que dans ce
lui du failli, se jetât dans cette inextricable difficulté.
La majorité que la loi impose ne peut être que les
trois quarts des créances chirographaires. Les hypothé
caires ou privilégiées, quoique dûment vérifiées, ne doi
vent influer en rien dans le calcul de cette majorité.
538. — 2° Nous avons vu que les créances dues
aux créanciers domiciliés hors France sont censées véri
fiées, lorsqu’il s’agit de la répartition des deniers. Mais
n’en est pas de même pour le concordat. Elles resten
�152
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
donc nécessairement en dehors de celles sur lesquelles
se calcule la majorité.
5 3 9 . — Les créances provisoirement admises en
vertu des articles 499 et 500 ne sont comptées que pour
la quotité déterminée par le tribunal. Le concordat n’est
pas nul, si la contestation étant jugée ces créances sonl
portées à une valeur supérieure, à moins cependant qui
cette augmentation n’eût pour effet de faire disparaître
la majorité l.
Le concordat qui serait intervenu en violation de
dispositions de l’article 507, soit quant à l’époque oùil
a été consenti soit quant à la majorité requise , sérail
frappé de nullité. Dans les articles suivants nous expo
serons les conséquences de cette nullité , les formes el
les délais dans lesquels elle doit être relevée.
5 4 0 . — Nous venons de voir que les créances hy
pothécaires restent nécessairement en dehors de toutes les
opérations du concordat, à moins que leurs propriétaires
ne renonçassent aux avantages qui sont attachés à leur
qualité. Celle renonciation n’a pas besoin d’être expresse.
Elle est complète par la seule participation au vote.
Sous l’empire du Code de commerce qui consacrait ce
principe on admettait qu’il était loisible au juge-commis
saire ou au tribunal d’autoriser ces créanciers à voter,
si par le rang du privilège ou de l’hypothèque il était
évident qu’ils n’en retireraient aucun bénéfice3. Cette
tolérance n’est plus dans l’esprit de la loi qui nous ré
git. Dans aucun cas et quel que soit le rang de leur hy1 Voy. infra article 512, n° 567.
3 Pardessus, t, 4, n» 1235;—Boulay-Paty, n°s 255, 256
�ART. 507, 508, 509.
453
pothèque , les créanciers ne peuvent voter sans perdre
immédiatement leur qualité. La loi leur laisse le choix
ou de suivre les chances de la distribution du prix des
immeubles , ou de revêtir la qualité de simples chiro
graphaires. Ils ne peuvent profiter des unes et de l’au
tre. C’est donc à eux à voir ce qui leur est le plus avan
tageux et à agir au mieux de leurs intérêts.
544.
— Il importe donc que les noms des créanciers
hypothécaires ou privilégiés qui ont pris part au vote
soient inscrits sur le procès-verbal. Cette constatation as
sure à chacun des intéressés le bénéfice de l’article 508.
Or, tous les créanciers indistinctement ont qualité pour
poursuivre la déchéance encourue. Les hypothécaires,
parce que les sommes que le renonçant aurait touchées
seront attribuées à ceux qui viennent après lui ; les chi
rographaires, parce que s’il n’existe aucune inscription
postérieure ces sommes viendront augmenter la masse
mobilière.
542.
— La déchéance qui résulte du vote au concor
dat est absolue et définitive contre le créancier. Son hy
pothèque est à jamais éteinte , même en faveur du tiers
qui aurait contracté avec le failli postérieurement au
concordat, alors même que celui-ci consentirait à la con
sidérer comme valable. Admettre le contraire serait élu
der la loi et donner à la fraude une large issue. En effet
tous les créanciers hypothécaires pourraient voter, im
poser ainsi la concordat aux chirographaires, après s’être
assurés d’avance de la volonté du failli de considérer
comme non avenue la renonciation écrite dans l’art. 508.
Or , loin d’autoriser de pareilles conséquences , l’in -
�154
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tentionde la loi a été de proscrire toute espèce de fraude
dans l’obtention du concordat. Aussi , le créancier qui
se trouverait dans cette position ne pourrait-il même exciper du consentement du failli. Dans tous les cas nonseulement il n’obtiendrait pas d’être relevé des effets de
sa renonciation tacite , mais il serait encore susceptible
d’être poursuivi en vertu de l’article 597.
543.
— Les créanciers privilégiés sur les meubles
sont-ils, par rapport au concordat , placés sur la même
ligne que les privilégiés sur les immeubles ? Sont-ils,
comme eux, atteints par la prohibition de l’article 508^
Cette question était controversée sous l’empire du Code.
M. Locré1 soutenait la négative. L’affirmative était, au
contraire, enseignée par MM. Pardessus 3 et BoulayP aty3. C’est dans ce dernier sens que semblent l’avoir
résolue le texte et l’esprit de la loi actuelle.
Le texte.=11 est certain, en effet, qu’en comparant la
disposition de notre article 508 avec celle de l’ancien ar
ticle 5210 on est forcé de reconnaître que la première a
entendu régir tous les privilèges de quelque nature qu’ils
soient, puisque après avoir parlé des créanciers dispen
sés d’inscription, c’est à dire des privilégiés sur les im
meubles, elle ajoute les privilégiés ou nantis d’un gage.
Il est évident que ce second membre de phrase ne peut
s’appliquer qu’aux privilèges sur les meubles.
L’esprit de la loi corrobore cette explication. Les pri
vilégiés sur les meubles ne sont pas plus soumis aux
i Esprit du Code de commerce, t. 6, p. 45.
3 Tome 4. n° 1235.
3 Tome 1, p. 362, n« 255.
�ART.
507, 508, 509.
155
conditions du concordat que les privilégiés sur les im
meubles. Quelle que soit la remise consentie,ils retirent
toujours l’intégralité de leur créance. Et puisque ce mo
tif a fait écarter ceux-ci du vote, on ne voit pas pour
quoi on ne prendrait pas la même décision contre les
autres, ubi eadem ratio, idem jus.
L’intérêt des créanciers chirographaires est que tous
ceux qui ne participent pas à la perte qui résulte du
concordat ne concourent pas à la rendre obligatoire. Sur
ce point i! n’y a nulle différence entre les privilégiés sur
les immeubles et les privilégiés sur les meubles. Ils doi
vent conséquemment être tous placés sur la même ligne
et être atteints por les mêmes prohibitions.
Pour les uns comme pour les autres, le vote au con
cordat entraîne donc renonciation à tous les effets de
leur privilège.
544. — Dans tous les cas où cette renonciation est
encourue , elle n’est définitive que si le concordat reçoit
son exécution. En conséquence , si celui-ci n’était pas
homologué, s’il était annulé ou rescindé, les créanciers
hypothécaires ou privilégiés rentreraient dans la plénitude
de leur droit et seraient relevés des effets de leur renon
ciation. Dans le concordat comme dans tous les autres
contrats synallagmatiques, les deux obligations sont cor
rélatives et inséparables. Les créanciers ne sont censés
avoir renoncé à'ieurs droits que contre les avantages pro
mis par le concordat. Si la réalisation de ceux-ci devient
impossible leur propre obligation s’évanouit et s’efface.
Toutes les parties sont remises au même état qu’avant.
545. -v On ne doit pas confondre le concordat avec
�156
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
les traités que le failli peut souscrire individuellement avec
un ou plusieurs de ses créanciers. Ces traités en les sup
posant valables n’obligent que ceux qui les ont contractés.
Or , cette validité serait aujourd’hui beaucoup plus
douteuse que sous l’empire de la législation précédente.
Ce qui nous le fait penser ainsi c’est l’intention mani
feste du législateur de réprimer énergiquement tout ce
qui tendrait à amener une inégalité quelconque dans le
sort des créanciers. Dans tous les c a s , ces traités de
vraient être appréciés sous l’influence de l’article 597
dont la sévère application est la garantie la plus efficace
de la sincérité du concordat.
546.
— La loi ne considère comme tel que l’acte qui
est délibéré par l’assemblée des créanciers régulièrement
convoqués. C’est pour empêcher qu’il en soit autrement
que l’article 509 exige que cet acte soit signé séance te
nante. Sans cette précaution le concordat pourrait être
colporté auprès des créanciers, et des adhésions recueil
lies par séduction ou corruption, arrachées par la ruse à
la faiblesse, imposeraient la loi aux dissidents. Or, dans
bien des circonstances cette loi est assez dure, pour qu’on
ait dû dans toutes s’assurer de la sincérité des suffrages
qui l’ont sanctionnée.
La signature séance tenante est impérieusement exigée
à peine de nullité. Le juge-commissaire doit donc veiller
à l’exécution stricte de cette formalité. Le concordat in
tervenu au n^épris de cette prescription ne pourrait être
homologué par le tribunal. Chaque intéressé pourrait
faire valoir cette irrégularité et casser le concordat pré
tendu, si le tribunal ne croyait pas devoir le faire d’office.
�ART.
507, 608, 509.
457
547.
— Si les adhésions recueillies à la première
séance ne représentent ni la majorité en nombre ni celle
en somme, le concordat est définitivement rejeté. Mais
si l’une de ces majorités s’est prononcée en faveur du
traité, la loi autorise une seconde épreuve en permettant
le renvoi de la délibération à huit jours.
La précédente législation contenait une disposition
semblable. Mais , dans l’exécution , celle-ci avait reçu
une modification dont la législation actuelle est insus
ceptible. On décidait, en effet, sous le Code, que l’arti
cle 522 n’ètait que comminatoire , et que rien n’empê
chait que le concordat qui n’avait pas été admis dans la
seconde réunion ne le fût postérieurementl.
Cette doctrine ne saurait être adoptée sous l’empire
de notre article. Elle a été formellement proscrite, ainsi
que nous l’apprend la discussiondégislative. Le délai que
l’article 509 acccorde est un délai fatal, entraînant une
déchéance absolue. Si dans la seconde délibération le
concordat n’est pas sanctionné par la majorité de l’arti
cle 507, il est immédiatement procédé à l’union. Le
juge-commissaire est forcé d’en proclamer l’existence2.
Il devient donc désormais impossible même de s’occuper
d’un concordat.
54 8.
— L’article 509 a définitivement tranché une
difficulté que le vague de l’article 522 du Code de com
merce avait fait naître , à savoir , si les créanciers qui
avaient adhéré au concordat dans la première réunion
étaient liés par leur consentement. Le doute n’est plusp eri D.A., t. 8, p. 425,n°4B.—Caen, 2 avril 4838 D. P .,40, 2, 43.
3 \ o y . in f r a article 629.—Cassation, 6 août 4840; D. P., 40, 4, 329.
�158
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
mis aujourd’hui en présence des termes formels de la
loi. Il n’y a de concordat obligatoire, même pour ceux
qui l’ont signé, que celui qui réunit la majorité indis
pensable pour sa constitution valable. L’absence de cette
majorité laisse le traité en état de simple projet, et rend
sans effet les adhésions qui avaient été déjà recueillies.
Or, le renvoi à huit jours autorisé par l’article 509
n’est pas une continuation de la délibération ; c’est une
délibération nouvelle indépendante de la première, qui
s’ouvrira au jour indiqué. Là, les propositions du failli
seront renouvelées,et la discussion recommencera sur leur
appréciation. C’est à la majorité des membres présents
que la délibération devra être prise , et l’admission ne
sera valable que si cette majorité signe le traité séance
tenante. Les créanciers absents ne seront point comptés
pour déterminer cette majorité , alors même qu’ils au
raient assisté à la réunion qui a déjà eu lieu et signé le
concordat. En un m o t , tout ce qui a été fait avant la
\
seconde réunion est considéré comme non avenu et ne
saurait être invoqué en faveur ou contre le failli.
A ut . 510.
Si le fa illi a été c o n d a m n é com m e b a n q u e ro u
t ie r fr a u d u le u x ,le c o n c o rd a t ne p o u r r a ê tre formé.
L o r s q u ’u n e in stru c tio n en b a n q u e ro u t e fra u d u
le u se a u r a été com m encée , le s c ré a n c ie rs seront
con voqués à l ’effet de d é c id e r s’ils se ré se rv e n t de
d é lib é r e r s n r u n co n co rd at en cas d ’acquittem ent,
et s i, eu c o n séqu en ce, ils s u rs o ie n t à sta tu e r jusq u ’apès l ’is su e d es p o u rs u ite s .
Ce s u r s is n e p o u r r a ê tre p ro n o n c é q u ’à la m ajo
r it é en n o m b r e et en so m m e d é te rm in é e p a r l’ar
ticle 507. S i à l ’e x p ir a t io n d u s u r s is il y a lieu à
�ART.
510, 511.
159
d élibérer s u r le c o n c o r d a t , les rè g le s é ta b lie s p a r
le précéden t a rtic le s e ro n t a p p lic a b le s a u x n o u
velles d é lib é ra tio n s .
A
rt
.
511.
>
Si le f a illi a été c o n d a m n é com m e b a n q u e r o u
tier sim p le , le c o n c o rd a t p o u r r a ê tre fo rm é . N é
anm oins , en cas d e p o u r s u it e s com m encées , les
créanciers p o u r r o n t s u r s e o ir à d é lib é r e r jjusqu’après l’is su e d es p o u rs u ite s , en se c o n fo rm a n t a u x
dispositions d e l ’a r t ic le p récéd en t.
SOMMAIRE
349. La banqueroute frauduleuse est un obstacle à tout concordat.
550. Dérogation à la disposition du Code de commerce. Autorisa
tion de surseoir à*la délibération en cas de poursuite
commencée.
551. Majorité requise pour ce sursis.
552. N’aurait pas dû être exigée. Par quels motifs ?
553. Dès qu’il y a poursuite commencée le juge-commissaire
doit consulter les créanciers sur le sursis.
554. Peut-on renvoyer la solution à huitaine , si le sursis sans
réunir les deux majorités est voté par l ’une d’elles.
555. Si le sursis est accordé la délibération est renvoyée jusqu’
après le jugement sur la poursuite.
556. C’est le principe de la condamnation et non la peine appli
quée qui fait décider s’il peut ou non être consenti de
concordat.
557. La plainte en banqueroute faite par un créancier n’empêche
point la délibération sur le concordat.
5sre. Le premier projet du Code de commerce contenait une dis
position analogue à celle de l’article 511. Motifs et consé
quences de son rejet.
559. La loi actuelle en la rétablissant s’est conformée aux idées
de justice déjà adoptées par les magistrats.
560. Les créauciers pouvant concorder en cas de poursuites en
�160
561.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
banqueroute simple , peuvent à la même majorité sur
seoir à la délibération.
L’exécution des articles 510 et 511 est laissée au jugecommissaire et au tribunal, sauf pour les créanciers la
voie de l ’opposition et le droit de demander la nullité du
concordat même après l’homologation.
549.
— La prohibition de concorder faite au ban
queroutier frauduleux n’a pas besoin d’être justifiée. Il
eût été immoral que l’homme que la loi condamne à une
peine afflctive et infamante obtînt de ses créanciers une
faveur réservée à la bonne foi et au véritable malheur.
Aussi, le législateur n’a-t-il pas voulu que les intérêts
privés en opposition avec l’intérêt public amenassent
une transaction lorsqu’il y a crime. Nous aurons occa
sion de remarquer plus d’une fois que la disposition de
l’article 510 est d’ordre public ; qu’il ne peut y être dé
rogé sous aucun prétexte, et que la banqueroute fraudu
leuse non-seulement empêche tout concordat à interve
nir, mais encore efface et annule celui déjà intervenu.
550* — Le Code de commerce était beaucoup plus
sévère que la législation actuelle. Notre article ne pro
hibe le concordat qu’en cas de condamnation interve
nue, tandis que l’article 521 du premier faisait produire
cet effet à la simple présomption , sans s’expliquer sur
le cas où , par suite de l’instruction , cette présomption
venait à se dissiper. Celte lacune se trouve aujourd’hui
remplie par le second paragraphe de l’article 510.
En principe donc, le soupçon de fraude ne suffit plus
pour rendre tout traité impossible. Il y a possibilité de
concorder tant que le failli n’est pas condamné* Tant
�ART.
510, 511.
101
qu’il n’est que poursuivi il ne saurait, il est vrai, inter
venir de concordat définitif; il eût été imprudent de le
permettre, puisque si la poursuite se terminait par une
condamnation celle-ci entraînerait de plein droit la
nullité de ce qui aurait été fait ; mais la délibération
peut être suspendue jusqu’après le jugement ; et comme
celle suspension n’est qu’une concession faite à l’intérêt
des créanciers, c’est à eux que la loi s’en rapporte pour
en déterminer l’opportunité.
Le législateur de 1838 a compris que dans bien des
cas les créanciers auront beaucoup à perdre à être con
traints à contracter l’union ; que le concordat n’est pas
seulement favorable au failli ; qu’il importait donc , en
voulant punir justement celui-ci , de ne pas faire sup
porter aux premiers les fâcheuses conséquences du doute
qui existe encore. Ce but nous paraît atteint par la dis
position qui autorise le sursis en cas de poursuites pour
banqueroute frauduleuse. Les créanciers, en effet, ne
manqueront pas de le consacrer toutes les fois que leur
intérêt exigera d’éviter l’union.
551. — Le sursis ne peut être admis que s’il est
volé par la majorité voulue pour le concordat lui même,
c’est à dire la moitié plus un des votants et les trois
quarts des créances chirographaires admises. Le législateiy semble s’être vivement préoccupé de celte pensée :
que pour différer la marche de la faillite il fallait avoir
la presque certitude que le concordat sera adopté , s’il
est possible qu’il le soit. Présumant en conséquence que
les opposants au renvoi s’opposeront plus lard au con
cordat lui-même, il considère comme inutile de retarder
n
\\
�462
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
une solution que le nombre et le chiffre des oppositions
rendent dès lors extrêmement probable.
552.
— Nous ne saurions nous associer à celte pré
occupation , et l’exigence d’une pareille majorité pour
autoriser le sursis nous parait contrarier le but que celuici doit atteindre. Il a été dans la pensée de la loi de fa
voriser le concordat. Or , est-ce cette pensée que l’on
poursuit, lorsqu’on laisse au premier mouvement d’irri
tation la faculté de le rendre impossible dans des condi
tions telles que la plus extrême prudence devait protéger
les créanciers contre leur propre impulsion.
En effet, la poursuite contre le failli peut n’avoir pour
base qu’une erreur que le grand jour de l’audience
viendra éclairer et dissiper. Et cependant cette poursuile
imméritée se sera aggravée par le rejet du concordai
qu’elle aura peut-être seule déterminé. Il est possible,
il est même probable que l’opposition de certains créan
ciers n’aura été que la conséquence de la conviction de
la fraude imputée au failli, conviction que les créan
ciers ont tous ordinairement à l’ouverture de la faillite,
et qui dans la circonstance aura puisé un plus haut de
gré de force dans l’accusation poursuivie par la justice.
Cette éventualité n’était-elle pas de nature à empêcher
que le sort de tous les créanciers , que l’avenir du failli
fût livré à la merci d’un petit nombre d’entre eux qui
seront les premiers à regretter plus tard la mesure irré
parable qu’ils ont prise par erreur ?
Il eût été, ce semble, beaucoup plus rationnel de sui
vre, dans ce cas, la règle ordinaire des assemblées déli
bérantes et de s’en rapporter à la majorité des votants;
�ART.
510,
511.
163
ou bien, puisque la condamnation pour banqueroute
frauduleuse est seule exclusive du concordat, proclamer
en principe qu’il serait sursis à la délibération lorsque le
failli serait poursuivi, sauf à la majorité des créanciers
de déclarer qu’il serait passé outre. On évitait ainsi de
laisser à quelques refus la faculté de proscrire le concor
dat ; on donnait à chaque créancier le moyen de redres
ser son opinion , de s’éclairer des renseignements que
l’instruction aura fait surgir. On substituait enfin, à une
précipitation irréfléchie, une marche plus juste quoique
plus lente.
En l’état il n’existe, relativement au soupçon de ban
queroute frauduleuse,qu’une différence plutôt apparente
que réelle, entre la disposition de la loi nouvelle et celle
du Code précédent. Sous l’empire de celui-ci, l’effet de
la prohibition était peu sensible, soit par les longs délais
qui s’écoulaient de l’ouverture de la faillite à la délibé
ration du concordat et qui permettaient toujours de fixer
la position du failli, soit parce que l’union devant être
contractée par les créanciers il était toujours loisible à
ceux-ci d’en retarder l’époque. Aujourd’h u i, au con
traire, le rejet du sursis entraîne de plein droit l’union
qui doit être proclamée séance tenante. C’est ce qui se
réalisera dans la plupart des cas , par la difficulté que
présente la nécessité de réunir la majorité en nombre et
en sommes en faveur du sursis.
553. — Quoi qu’il en soit, dès qu’il y aura poursuite
commencée le juge-commissaire consultera lescréanciers
sur le sursis ; si celui-ci n’est pas adopté par la majorité
en nombre et en sommes,il doit être passéoutre à l’union.
�164
DES FAILLITES ET BANQUEBOUTES
554.
— Si l’une de ces majorités se prononce pour
l’affirmative faut-il, aux termes de l’article 509, renvoyer
la délibération à huitaine ? Il convient, dans le silence
du texte, de rechercher l’esprit de la loi. A notre avis on
parvient ainsi à résoudre affirmativement cette question.
Le sursis en cas de poursuite pour banqueroute frau
duleuse est assimilé au concordat. Il doit être admis par
la majorité requise pour celui-ci. Il est donc naturel que
dans une circonstance identique l’on procède également
pour l’un et pour l’autre, et que la double épreuve or
donnée leur soit commune.
Le rejet du sursis , lorsque l’une des deux majorités
le sanctionne, ne condamne pas seulement le failli,mais
encore l’autre majorité elle-même. Or, entre celle qui adopte et celle qui ne s’est pas prononcée , il serait par
trop sévère d’opter pour le côté de la rigueur, avec d’au
tant plus de raison que cette dernière peut ne manquer
que d’un nombre ou d’un chiffre peu important. D’ail
leurs un tel état de choses constitue au moins un doute,
et ce doute ne peut être tranché que par une nouvelle et
dernière épreuve. Ce qui est vrai pour le concordat ne
peut pas ne pas l’être pour le sursis, puisque le refus de
celui-ci entraîne inévitablement la constitution de l’union I
et produit par conséquent un effet analogue au rejet da j
premier. Il ne pouvait donc entrer dans l’esprit de la K
loi d’agir dans un cas autrement que dans l’autre.
Conséquemment, l’obligation quant à la majorité d ’o
béir à l’article 507, dans le cas de sursis, crée celle dese
conformer à l’article 509 lorsque cette majorité se divise.
h y a donc lieu de recourir à une seconde épreuve lorsque, sans être encore décisive, la première a été favorable,
�art. 510, 511.
165
555. — Si le sursis est accordé, la délibération sur le
concordat est de plein droit renvoyée jusqu’àprès l’issue
de la poursuite. A cette époque, une convocation nou
velle faite dans les formes prescrites par l’article 504 ré
unit les créanciers qui peuvent ou non consentir le con
cordat, selon qu’il y a eu acquittement ou condamna
tion.
556. — C’est le principe de celle-ci et non la peine
appliquée qui d o it, dans ce dernier cas , faire admettre
ou rejeter le concordat. Ainsi , le failli condamné pour
banqueroute frauduleuse, en faveur de qui le jury aurait
admis des circonstances atténuantes et qui n’aurait été
puni que correctionnellement, ne resterait pas moins
sous le coup de la prohibition de l’article 510.
557. — On avait agité, sous le Code, la question de
savoir si la plainte en banqueroute déposée par un cré
ancier suffisait pour empêcher le concordat. On pourrait
aujourd’hui se demander s’il y aurait lieu à délibérer
sur le sursis? La négative doit s’induire des expressions
poursuites commencées, que le législateur a avec inten
tion inscrites dans les articles 510 et 511.
Le droit de plainte qui appartient à chaque créancier
serait une source d’abus si on l’assimilait à l’action ré
alisée de la justice. Celle-ci suppose qu’il existe contre
le failli des indices graves, des présomptions puissantes
qu’il convient d’apprécier. L’autre , au contraire , peut
n’avoir de fondement que le ressentiment de la perte
que la faillite fait éprouver ; n’être entre les mains du
créancier qu’un moyen de retarder la liquidation , ou
�166
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
qu’une spéculation pour effrayer le failli et lui imposer
des sacrifices particuliers l.
On n’a donc pas voulu attacher à la plainte d’un
créancier un effet réservé à l’instruction commencée, à
la poursuite réalisée. Il est par conséquent, malgré
l’existence de cette plainte , loisible aux créanciers d’a
dopter le concordat , sauf au plaignant de s’opposer à
l’homologation si la plainte a déterminé des poursuites.
558.
— Le projet du Code de commerce présentait
une disposition analogue à celle de l’article 511. Mais la
discussion au conseil d’Etat ne fut pas favorable à la dis
tinction entre la banqueroute simple et la banqueroute
frauduleuse. L’article 521 les plaça sur la même ligne,
et défendit tout traité dans l’une comme dans l’autre.
Cette disposition était d’autant plus rigoureuse, qu’indépendamment de ce qu’elle assimilait la faute au crime,
elle ne punissait pas seulement le fait constaté , mais
encore le simple soupçon. Si l’examen des actes, disait
l’article 521 , livres et papiers du failli donne quelques
présomptions de banqueroute, il ne pourra être fait au
cun traité entre le failli et ses créanciers.
Mais il ne faut pas perdre de vue les circonstances au
milieu desquelles se trouvait le législateur de 1808. On
sortait à peine d’une crise qui avait favorisé tous les dés
ordres, et le scandale des faillites avait été poussé si loin,
qu’il semblait que la répression ne pouvait en être trop
sévère. Il fallait par des mesures énergiques rassurer le
1 II serait dangereux de laisser aux créanciers le droit d’empêcher le
concordat. Chacun d’eux pourrait, par ce moyen, chercher à se procurer
des avantages particuliers. (Exposé des m o tifs en 4838;.
�ART. 510, 511.
167
crédit public,ramener la confiance en faisant de la loyauté
la condition esssentielle de toutes relations commerciales.
Trente ans de ce régime ont permis au nouveau lé
gislateur de se départir d’une sévérité qui n’était plus
dans nos mœurs. Il répugnait, en effet, au progrès de
celles-ci devoir punir comme banqueroutier frauduleux
le malheureux que le fait de n’avoir pas tenu de livres
réguliers , quelquefois par impuissance de le faire , ou
d’avoir omis de déposer son contrat de mariage au greffe
du tribunal de commerce, faisait déclarer banqueroutier
simple.
559. — Déjà la magistrature s’était associée à cette
répugnance. Plusieurs arrêts avaient, dans des circons
tances de ce genre , refusé d’annuler les concordats in
tervenus contrairement au texte formel de la loi et mal
gré la jurisprudence de la cour de cassation'1.
L’article 511 généralise le principe de ces arrêts et
l’étend à tous les cas de banqueroute simple. Le concor
dat n’est plus prohibé. C’est aux créanciers à décider si
le fait qui la constitue permet ou exclut l’indulgence.
560. — Le concordat pouvant être consenti après la
condamnation, peut à plus forte raison l’être tant que
le failli n’est que poursuivi. Il semblerait dès lors que
tout sursis à la délibération ne dût constituer qu’un re
tard inutile. Cependant la loi en admet la possibilité
dans ce cas comme dans celui de banqueroute fraudu
leuse. Cette prescription se légitime par l’intérêt que peu
vent avoir les créanciers à être fixés sur les véritables
i Voy. notamment Rouen, 21 novembre 1835;-—Aix, 9 janvier 1840
-D .P ., 37, 2. 132; 41, 2, 30.
�170
DES FAILLITES ET BANQUEROUTÉS
A rt .
514.
D an s to u s le s cas, a v an t q u ’i l so it statu é s u r l ’hom o !o g a tio n ,le ju g e -c o m m is s a ir e fe r a a u trib u n a l
de com m erce u u r a p p o r t s u r le s c a ra c tè re s de la
fa illit e et s u r l ’a d m is s ib ité d u c o n co rd at.
A rt.
515.
E n cas d ’in o b s e rv a tio n d es rè g le s c i-d e ssu s pres
c rite s, ou lo r s q u e d es m o tifs tir é s so it de l ’intérêt
p u b lic , so it de l ’in té rê t d es c ré a n c ie rs , p a ra îtro n t
de n a t u r e à e m p ê c h e r le c o n co rd at, le t r i b u n a l en
r e fu s e r a l ’h o m o lo g a tio n .
SOMMAIRE
562.
563.
56i.
565.
566.
567.
568.
569.
570.
574.
572.
Le concordat n’est obligatoire qu’après qu’il a été homolo
gué par le tribunal de commerce.
Le délai de l’opposition étant de huitaine , le tribunal ne
doit prononcer sur l’homologation demandée qu’après
son expiration, pour ne rendre sur toutes les oppositions
qu’un seul jugement.
Le droit d’opposition appartient aux créanciers signataires
du concordat. Dans quels cas?
Aux créanciers qui ont refusé de signer.
Aux créanciers qui n’ont nas assisté é la délibération. Dis
tinction entre ceux qui ont été admis et les retardataires,
Droits de ces derniers.
Aux créanciers provisoirement admis.
Aux créanciers hypothécaires ou privilégiés , mais dans
deux hypothèses seulement.
Formes de l’opposition. Elle doit être motivée.
Sont parties nécessaires dans l ’instance le failli, les syndics.
S’il n ’en existe qu’un et qu’il soit opposant, il doit avant
tout en faire nommer un second.
La dénonciation de l’opposition doit contenir ajournement à
la première audience utile. Quelle est cette audience? ,,
La poursuite de l’opposition est personnelle à l’opposant.
�art.
573.
574.
575.
576.
577.
578.
579.
580.
581.
582.
583.
584.
585.
612, 513, 514, 615.
471
Les autres créanciers ne peuvent ni intervenir ni suivre
l ’instance en cas de désistement.
Si les causes de l ’opposition excèdent la compétence consu
laire, il est sursis au jugement de celle-ci jusqu’après la
décision des juges ordinaires. Modification au Code de
commerce.
Le jugement qui prononce le sursis doit déterminer un dé
lai dans lequel l’opposant sera tenu d'investir le juge
compétent et de justifier de ses diligences.
Influence du jugement de l’opposition sur l'homologation.
Le concordat annulé à la requête d’uu seul créancier est
nul pour tous les autres.
La nullité du concordat pour tout autre cause que pour
banqueroute frauduleuse ne constitue pas les créanciers
en état d ’union.
Les jugements sur l’opposition peuvent être attaqués par
appel.
En l'absence de toute opposition l ’homologation est pour
suivie par la partie la plus diligente.
Le jugement doit dans tous les cas être précédé d’un rap
port du juge-commissaire.
Le tribunal peut toujours accorder l ’homologation,excepté:
1* si le failliaétécondamné pour banqueroutefrauduleuse;
2° Si les règles prescrites par les articles précédents ont été
violées ;
3" Si des motifs tirés soit de l’intérêt public soit de l’intérêt
des créanciers paraissent de nature à empêcher le con
cordat.
Le tribunal peut en outre refuser d’office l ’homologation
pour cause de fraude , alors même que poursuivi pour
banqueroute fruduleuse le failli a été acquitté.
Il le peut aussi si le failli a été condamné pour banqueroute
simple.
Le jugement qui refuse ou accorde l ’homologation est-il
susceptible de recours de la part soit des syndics, soit du
failli, soit des créanciers ?
�M%
586.
587.
588.
DUS FAILLITES ET BANQUEROUTES
Est-ce par opposition ou par appel que l ’on doit procéder.
Les prescriptions des articles 513 et 514 sont-elles ordon
nées à peine de nullité ?
L’annulation du jugement d’homologation remet les parties
au même état qu’auparavant. La plus diligente doit donc
demander derechef l ’homologation que le tribunal peut
refuser ou accorder de nouveau.
562,
— Le concordat voté par la majorité requise
par les articles précédents n’est encore qu’un projet de
transaction arrêté entre les créanciers et le failli. Il ne
devient définitif et obligatoire que lorsque soumis à l’ex
amen du tribunal de commerce , il a été approuvé par
la justice. Cette approbation résulte du jugement qui
prononce l’homologation.
La nécessité de l’homologation se justifie par les con
séquences que le concordat entraîne. En principe géné
ral les conventions n’ont de force qu’entre les parties
contractantes. Ici, au contraire , on a dû admettre que
le vœu de la majorité liait la minorité : d’où la consé
quence que les créanciers connus ou inconnus doivent
le subir. C’est pour consacrer cette dérogation au droit
commun que l’on appelle le concours de la justice.
Celle-ci veillera à ce que le traité ne soit pas le pro
duit d’une majorité viciée. Elle protégera la minorité
contre l’excès d’une générosité injustifiable. Elle s’assu
rera que les formes protectrices des intérêts de tous ont
été religieusement observées. Son intervention a donc
une haute portée; il importe que les magistrats en soient
eux-mêmes convaincus, pour qu’ils ne soient jamais por
tés à ne la considérer que comme une pure formalité.
5 6 3 . — C’est au tribunal de commerce que l’on doit
�akt.
512, 513, 514, 515.
173
demander l’homologation. Ce soin est laissé à la partie
la plus diligente. La loi n’a même fixé aucun délai à
cette action. Seulement le tribunal ne peut jamais pro
noncer avant l’expiration de celui de huit jonrs à dater
de la signature du concordat.
On l’a voulu ainsi, parce que les créanciers qui vou
dront réaliser le recours que la loi leur laisse,étant obligés
de former leur opposition dans ces huit jours, il pourra
être statué sur le tout par un seul et même jugement.
56 4 . — La voie d’opposition au concordat est ou
verte à tous ceux qui y ont été parties ou qui auraient
eu le droit d’y concourir. Dans ces termes se trouvent
compris ceux qui ont signé; mais, par rapport à eux il
convient de remarquer qu’ils ne seraient recevables dans
leur opposition que si leur consentement ayant été le
résultat du dol ou de l’erreur, ils prouvaient qu’ils n’ont
découvert l’un et l’autre qu’a près avoir signé ; ou bien
encore, que si les causes de leur opposition étaient pos
térieures au concordat L
565. — Les créanciers qui présents à la délibération
ont refusé de signer cet acte , ont incontestablement le
droit de l’attaquer. On ne pouvait sans injustice les em
pêcher de déférer à la justice l’appréciation des moyens
qu’ils ont fait valoir à l’assemblée. Ces moyens que la
majorité a repoussés pourraient fort bien être admis par
le tribunal et faire annuler la transaction.
-566. — Pour les créanciers qui n’ont pas assisté à
la délibération , il faut distinguer entre ceux dont les
1 Voy. infra art. S18.
�474
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
créances ont été vérifiées et admises et ceux qui n’ont
pas subi cette double opération. Les premiers sont con
sidérés comme les non signataires et l’on doit leur ap
pliquer les mêmes règles.
Quant aux derniers , l’article 512 leur reconnaît le
droit de former opposition au concordat ; mais ils doi
vent, avant to u t, faire vérifier et affirmer leurs créan
ces. Tant qu’ils n’ont pas au moins dénoncé leur qua
lité au juge-commissaire et aux syndics, ils ne sont pas
censés créanciers. Ils ne peuvent, par suite, exercer au
cune des facultés attachées à cette qualité.
Mais il importe de remarquer que si les créanciers
retardataires ont le droit de se faire reconnaître jusqu’à
la distribution intégrale de l’actif, la faculté de s’oppo
ser au concordat n’e s t, dans aucun cas, possible qu’a
vant l’expiration de la huitaine de la signature , et que
passé ce délai elle ne peut plus être exercée. Cette dé
chéance, tellement absolue qu’elle s’applique à la femme
mariée, aux mineurs, aux interdits, régit les créanciers
qui ne se sont pas présentés. On ne pouvait, en effet,
laisser éternellement l’état du failli en suspens. Les cré
anciers négligents sont assimilés aux créanciers vérifiés
qui ont gardé le silence ; ils seraient, comme eux, non
recevables à former opposition.
Celui qui se présenterait dans la huitaine pourrait va
lablement former opposition quoique sa créance fût con
testée. Cette opposition est indépendante du jugement
sur la contestation. Il suffit qu’elle ait été réalisée dans
le délai légal, pour qu’aucune éventualité puisse priver
le créancier des effets qu’elle est susceptible de produire.
�art.
512, 513, 514, 515.
175
Or, la contestation n ’enlève pas la qualité de créancier;
c’est le jugement qui peut seul produire cet effet. Con
séquemment, tant que ce jugement n’est pas rendu, la
présomption qui résulte du titre rend le porteur capable
de prendre toutes les mesures conservatrices des droits
qu’il peut avoir. Seulement, le jugement de l’opposition
est forcément renvoyé jusqu’après la décision de la con
testation sur la qualité de l’opposant.
Admettre le contraire serait rendre le créancier victime
d’un fait qui lui est étranger, des lenteurs calculées que
la vérification de sa créance peut rencontrer.
Ce serait de plus le livrer à la discrétion du failli ou
de tout autre intéressé qui saurait bien, pour se débar
rasser d’un redoutable adversaire, lui susciter une con
testation, dût cette contestation ne produire d’autre ré
sultat que de rendre, par l’expiration du délai légal, toute
opposition au concordat impossible.
Le créancier qui requiert sa vérification avant l’expi
ration du délai de l’article 512 n’est donc pas tenu d’at
tendre que son admission ait été prononcée. Il peut, dès
qu’il a dénoncé sa qualité , former opposition au con
cordat s’il le croit utile à ses intérêts. Le tribunal saisi
doit surseoir à y statuer jusqu’après le réglement des
contestations que cette vérification fait naître.
Si ces contestations ne portaient que sur une partie de
la créance, tout sursis deviendrait inutile. Il serait alors
certain que le réclamant est créancier pour la partie non
contestée ; et comme le droit de former opposition n ’est
pas subordonné au chiffre de la créance , mais seule
ment à la qualité de créancier , la certitude de celle-ci
�176
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
rendrait l’appréciation de l’opposition indispensable. Le
tribunal pourrait donc y statuer immédiatement.
567.
— Les créanciers provisoirement admis, aux
termes des articles 499 et 500, peuvent former oppositipn, alors même que la contestation sur leur qualité ne
serait pas encore jugée. Le tribunal peut surseoir ou
passer outre à la décision de cette opposition, selon que
le litige existerait sur la totalité ou sur une partie seu
lement de la créance.
Il est cependant une hypothèse où le sursis serait forcé,
malgré que la contestation fût limitée à la quotité de la
créance , à savoir , si l’admission de la partie contestée
était de nature à modifier la majorité qui a voté le con
cordat. Il y a, en effet, entre les retardataires et les cré
anciers provisoirement admis cette différence , que les
premiers n’ayant pu par leur négligence assister à la
délibération , n’étant même pas à cette époque réputés
créanciers, restent à tout jamais exclus des personnes et
des sommes sur lesquelles se calcule la majorité. De là,
la conséquence que celle obtenue n’est, dans aucun cas,
modifiée par leur admission ultérieure.
Les seconds, au contraire, se sont spontanément pré
sentés en temps utile. Ils ont requis leur admission dans
le délai légal. On ne pourrait donc raisonnablement les
rendre victimes des contestations qui leur ont été susci
tées. En conséquence , c’est sur la somme qui leur est
réellement due que se calcule la majorité. Le jugement
qui rejette les contestations et admet l’intégralité de leur
créance a un effet rétroactif qui le reporte au moment
où l’admission a été demandée par le créancier.
�Il résulte de cette rétroactivité que si la majorité qui
a admis le concordat ne représente plus les trois quarts
des créances, le concordat est nul. On comprend , dès
lors, que toutes les fois que la partie de la créance con
testée doit, si elle est admise, entraîner de telles consé
quences, le tribunal considère comme un devoir de sur
seoir à statuer sur l’opposition jusqu’après le jugement
définitif sur la contestation.
Toutefois, ce retour sur la majorité n’est possible que
lorsque le créancier,dont l’admission intégrale le déter
minerait, a formé opposition au concordat. D’où la con
séquence qu’en l’absence de toute opposition de ce genre,
le concordat serait régulièrement obvenu et que l’homo
logation devrait être prononcée par le trib u n al, quel
que fût le nombre des créances provisoirement admises
et non définitivement réglées au moment où cette homo
logation est demandée.
568. — Les créanciers privilégiés ou hypothécaires
peuvent-ils former opposition au concordat ? Les termes
de l’article 512 font cesser toute incertitude. Cette voie
n’appartient qu’à ceux qui ont eu le droit de concourir
au concordat, ou dont les droits ont été reconnus de
puis. Or, les privilégiés ou hypothécaires étant nommé
ment exclus de ce concours, ne pourraient revendiquer
une faculté incompatible avec leur qualité.
Cette conséquence du principe posé par l’article 508
nous paraît rationnelle. On comprend , en effet, que le
concordat reste en dehors des atteintes de ceux qui ne
doivent pas en supporter les effets. Il convenait donc de
laisser à ceux qui doivent en ressentir tout le poids , le
n — 42
�478
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
soin exclusif de veiller à ce qu’il ne soit pas consenti
contrairement à leurs intérêts et au mépris des prescrip
tions de la loi.
Cependant ce principe reçoit exception, et les créan
ciers hypothécaires ou privilégiés peuvent, dans les déais de l’article 542, former opposition au concordat :
1° Si en réalisant cette opposition ils déclarent renon
cer aux effets de leur privilège ou hypothèque. Cette re
nonciation, loisible à toute époque, leur assurerait l’ex
ercice de tous les droits attachés à la qualité de simple
chirographaire à laquelle ils se réduiraient.
2° Si au moment de l’opposition le prix des objets
affectés à leur privilège ou hypothèque ayant été distri
bué, leur créance n’avait pas été colloquée en rang utile.
Cette hypothèse peut se réaliser lorsque l’expropriation
ayant été poursuivie avant la faillite, l’ordre a été défi
nitivement clôturé avant l’expiration du délai de huit
jours depuis la signature du concordat. La validité de
'opposition est, dans ce cas, subordonnée à la condition
que le créancier n ’ait absolument rien touché dans l’or
dre; car si une partie de sa créance , quelque minime
qu’elle f û t , avait été payée , sa qualité d’hypothécaire
ayant produit ses effets le soumettrait pour toujours aux
prescriptions de l’article 508 , et partant à l’exclusion
qui en résulte quant au droit de former opposition.
569.
— En la forme , l’opposition est réalisée par
une requête contenant les motifs sur lesquels elle est
fondée. L’omission de cette formalité frappe de nullité
la demande de l’opposant. On l’a ainsi admis pour em
pêcher ces oppositions qui ne sont souvent tentées que
pour effrayer le failli et l’amener à composition.
�ART. 512, 513, 514, 515.
179
Ce but du législateur donne la mesure complète de
ce que l’on doit entendre par l’obligation de motiver
l'opposition. Une énonciation générale que le concordat
a été fait au mépris des prescriptions de la loi ne suffi
rait pas. La requête doit impérieusement renfermer l’é
nonciation détaillée des vices sur lesquels l’opposition
est fondée. De plus et pour se conformer au véritable
esprit de la lo i, on devrait décider que l’opposant est
non recevable à invoquer d’autres moyens que ceux
qu'il aurait explicitement énumérés dans sa requête.
570. — Sont parties nécessaires dans l’instance en
opposition les créanciers et le failli. Les premiers conti
nuent à être valablement représentés par les syndics.
D’où la conséquence que le créancier opposant ne doit
ajourner que ces derniers. S’il n’existe qu’un seul syn
dic et que celui-ci ait lui-même formé opposition, il ne
peut poursuivre cette opposition qu’après avoir fait nom
mer un autre syndic. Cette nomination appartient au
tribunal de commerce.
Le failli est ordinairement représenté par les syndics.
Mais, dans cette circonstance la loi fait une exception
au principe de l’incapacité du failli , qui n’est anéantie
que par l’homologation définitive du concordat. L’im
portance réelle du débat soulevé par l’opposition a mo
tivé et justifie cette exception.
t
5 7 1 , — L’opposant doit donc appeler dans l’ins
tance le failli et les syndics. L’ajournement doit être si
gnifié pour la première audience utile. Il faut entendre
par là celle qui suit l’expiration du délai de huitaine de la
signature du concordat ; car tant que ce délai n’est pas
�480
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
expiré il peut se former de nouvelles oppositions , et il
est dans l’intention de la loi qu’il soit statué sur chacune
d’elles par un seul et même jugement. Si l’audience in
diquée était antérieure à cette expiration, le tribunal de
vrait surseoir et renvoyer à un jour postérieur.
5 7 2 . — La poursuite de l’opposition reste purement
personnelle à celui qui l’a réalisée. Ceux qui se sont ab
stenus ne pourraient, après l’expiration du délai de hui
taine, intervenir dans l’instance et profiter de la diligence
de l’opposant. M. Pardessus 1 pense, en outre, qu’ils se
raient non recevables à poursuivre la plainte en banque
route qu’ils auraient précédemment formée, et dont leur
adhésion tacite au concordat ferait supposer l'abandon.
Il suit encore de notre principe que si l’opposant se
désistait de son opposition , tout serait irrévocablement
terminé en faveur du failli, aucun autre créancier ne
pouvant se faire substituer dans la poursuite.
5 7 3 . — Malgré que l’homologation soit exclusive
ment déférée au tribunal de commerce , il peut arriver
que ce tribunal soit incompétent pour l’appréciation de
l’opposition. C’est ce qui se réalise lorsqu’elle repose sur
des faits dont la connaissance appartient à la juridiction
ordinaire, par exemple, lorsque l’opposant prétend que
le failli est coupable de banqueroute frauduleuse, qu’il a
dissimulé son actif au moyen de ventes dont il attaque
la sincérité. Il est évident, dans ces cas, que le sort de
l’opposition est subordonné à l’instruction criminelle sur
la plainte en banqueroute , ou à l’annulation des actes
1 N» 1240,
�A.RT. 512, 513, 514, 515.
181
simulés. Or, le tribunal de commerce ne peut ni réaliser
la première, ni prononcer la seconde.
L’article 635 du Code de commerce déférait, dans ces
cas et autres analogues, la connaissance de l’opposition
aux juges ordinaires seuls compétents pour en apprécier
les causes. Mais la loi nouvelle a abrogé cette disposi
tion. La connaissance de l’opposition appartient désor
mais,dans toutes les hypothèses,au tribunal de commerce;
seulement il est sursis à y statuer jusqu’après la décision
des juges ordinaires sur les causes de l’opposition K
574* — Cette nécessité de deux jugements, l’un pré
judiciel, l’autre sur l’opposition, pourrait entraîner une
perte de temps considérable, si le créancier opposant n’a
vait, pour intenter son action devant le juge compétent,
d’autres règles que sa volonté. Il pourrait être d’autant
moins pressé de le faire, que son opposition elle-même
peut n’être qu’un prétexte pour empêcher le concordat
de sortir à effet et pour amener le failli à un sacrifice.
C’est pour remédier à cette éventualité que la loi exige
que, par le jugement qui ordonne le sursis, le tribunal
de commerce détermine un délai pendant lequel le cré
ancier sera tenu de réaliser son action et de justifier de
ses diligences. Si l’opposant laisse écouler ce délai sans
investir l’autorité compétente, le tribunal de commerce
doit, sur la demande de la partie intéressée, le débouter
incontinent de son opposition.
575. — L’homologation du concordat est la consé
quence naturelle du rejet des oppositions. Mais si ces
i Voy, nos observations sur le préambule de la loi.
�182
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
opposifions sont fondées, si elles sont admises, le con
cordat est déclaré nul à l’égard de tous les créa nciers
sans exception.
Cette disposition remplit une lacune qui avait donné
lieu , sous l’empire du Code , à bien de difficultés. On
s’était demandé si le concordat annulé sur l’opposition
d’un créancier, restait obligatoire pour tous ceux qui n’a
vaient pas formé opposition. Les auteurs et notamment
M. Pardessus \ considérant le silence de ces derniers,
comme un acquiescement au concordat, s’étaient pronon
cés pour l’affirmative, sauf à ces créanciers à demander
la résolution, si par l’effet du jugement sur l’opposition
le failli ne pouvait plus exécuter le concordat.
Cette solution avait ce singulier résultat, qu’un acte
qui est de sa nature indivisible pouvait être nul pour les
uns et valable pour les autres. On arrivait ainsi à cette
conséquence étrange,que même la fraude du failli envers
tous ses créanciers lui était profitable contre la plupart
d’entre eux ; et que là où la loi exige une égalité absolue
pour to u s, certains créanciers recevaient la totalité de
leur créance, tandis que d’autres ne pouvaient jamais en
recevoir qu’une partie. Il pouvait donc résulter de cette
doctrine que , dès qu’une seule opposition menaçait le
concordat, chaque créancier devait se rendre à son tour
opposant pour profiter de la chance d’annulation et se
faire payer l’intégralité de ce qui lui était dû.
Ce système et ses conséquences sont proscrits par la
loi actuelle. Le concordat nul pour un seul des créan ciers, est nul pour tous. Cela paraît et est, en effet, beaui N° 1242.
�art. 512, 513, 514, 515.
183
coup plus rationnel ; car , que l’opposition soit fondée
sur la fraude ou sur la violation de la loi , il suffit que
l’une ou l’autre ait réellement existé pour qu’il soit im
possible de la diviser dans l’application. Le vice qui en
résulte atteint le traité dans sa partie essentielle et en a néantit tout les éléments.
D’ailleurs,le concordat quoique signé n’est pas encore
obligatoire, même pour les signataires. Il ne le devient
que par l’homologation. Cela est si vrai que si le tribu
nal de commerce, en l’absence de toute opposition , re
fuse celle-ci , le concordat ne saurait recevoir d’exécu
tion. Par quel motif plausible donnerait-on au refus
d'homologation provoqué par les plaintes fondées d’un
créancier, un effet moins général qu’au refus prononcé
d’office par le tribunal de commerce ?
576. — La nullité du concordat prononcée pour tout
autre cause que pour banqueroute frauduleuse ne con
stitue pas les créanciers en état d’union. Les créanciers
doivent seulement être appelés à délibérer de nouveau.
Leur convocation doit être faite et l’avis donné dans les
formes prescrites par les articles 504 et suivants.
• 577. — Les jugements qui prononcent sur les oppo
sitions sont susceptibles d’appel de la part de la partie
qui a succombé. Cet appel doit être émis dans la quin
zaine de la signification. L’instance d’appel est poursui
vie entre l’opposant, les syndics ei le failli.
578. — Nous venons de voir que les uns et les autres
sont parties nécessaires sur l’opposition. Il n’en est pas
de même pour l’homologation. Celle-ci est demandée
�184
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
par une simple requête sans assignation par la partie la
plus diligente , dès l’expiration du délai de l’opposition.
Ces formes expéditives et sommaires ont fait craindre
qu’on ne vît dans le jugement à rendre par le tribunal
qu’une simple formalité sans importance plutôt qu’un
acte sérieux , et c’est pour obvier à la méconnaissance
formelle de l’intention de la loi qui naîtrait de cette idée,
que l’article 514 a tracé les obligations que le juge a à
remplir en l’absence de toute discussion contradictoire
surtout.
En effet, le jugement d’homologation est une épreuve
solennelle imposée principalement au failli. Il doit être,
aux yeux de la justice,digne de la faveur que ses créan
ciers lui ont témoignée, et qui ne sort à effet que si elle
est ratifiée par l’autorité judiciaire.
5 7 9 . — C’est au juge commissaire que la loi confie
l’exécution de cette haute pensée. Le jugement du tribu
nal doit être précédé d’un rapport de ce magistrat. Ce
rapport, nécessaire dans tous les cas, est indispensable
en l’absence de toute opposition ; il doit exposer les ca
ractères de la faillite, la conduite du failli, l’état de ses
affaires et les causes de sa catastrophe ; il doit énoncer
si les formalités voulues par la loi ont été remplies et
si le concordat est ou non admissible. Mention de l’exé
cution de cette importante formalité doit être faite dans
le jugement qui admet ou rejette l’homologation.
5 8 0 . — La loi laisse à la prudence du tribunal à ac
corder ou refuser l’homologation; elle se borne à indiquer
quelques cas dans lesquels le refus est forcé, à savoir :
1° Si le failli a été condamné pour banqueroute frau-
�ART.
512, 513, 514, 515.
185
duleuse. Cette défense est la conséquence directe de la
disposition de l’article 510. Si à l’époque où l’homolo
gation est demandée le failli n’est que poursuivi, le tri
bunal renvoie à y statuer jusqu’après l’événement de la
poursuite.
Les prescriptions du second paragraphe de l’article
510 rendent cette dernière hypothèse peu probable. Elle
peut cependant se réaliser si, depuis le vote du concor
dat et sur la plainte d’un créancier, une information en
banqueroute frauduleuse a été prise.
581. — 2* Lorsque les règles prescrites par les arti
cles qui précèdent n ’ont pas été observées. Ces règles ne
concernent pas seulement l’intérêt privé , mais encore
l’ordre public ; elles protègent celui-ci , car elles ont
pour but de rendre les faillites moins nombreuses en
enlevant aux faillis toute espérance d’un arrangement
clandestin et précipité, en les soumettant aux investiga
tions intéressées des créanciers et de la justice. Il était
donc rationnel d’attacher à leur violation une sanction
pénale suffisante pour la prévenir et l’empêcher.
Le tribunal de commerce peut donc aujourd’hui refu
ser d’office l’bamologation pour violation des formes.
Cette possibilité avait fait, sous l’empire du Code, l’objet
d’un doute grave en doctrine et en jurisprudence. L’opi
nion même la plus généralement adoptée était que l’ini
tiative du tribunal se restreignait au cas de fraude, parce
que, disait-on , les formes étant plus particulièrement
en faveur des créanciers, ceux-ci pouvaient valablement
y renoncer. Or, cette renonciation résultait explicitement
de l’absence de toute opposition,
�186
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
On invoquait, en outre, la disposition de l’article 526
qui n’admettait pour causes de refus de l’homologation
que l’inconduite et la fraude. La preuve, disait-on, que
cet article est lim itatif, c’est que le refus du tribunal
constituait le failli en prévention de banqueroute. Or,
cette prévention naturelle dans la supposition d’une in
conduite ou de fraude , aurait été exorbitante et injuste
dans le cas d’inexécution des formalités qui ne pouvait
même être exclusivement imputable au faillil.
Ce dernier motif avait seul une véritable et réelle im
portance ; et ce qui prouve qu’il devait faire admettre
l’opinion qui l’invoquait, c’est que la loi actuelle qui a
consacré l’opinion contraire a abrogé les conséquences
que le Code attachait au refus d’homologation. Quel
qu’en soit aujourd’hui le motif et principalement en ce
qui concerne la violation des form es, ce refus n’établit
plus une présomption de banqueroute.
582.
— 3° Si des motifs tirés soit de l’intérêt public,
soit de l’intérêt des créanciers paraissent de nature à
empêcher le concordat. Le refus, dans ce cas, est sub
ordonné à l’existence de ces motifs. Mais cette existence
reconnue et constatée dans le jugem ent, aucune consi
dération ne saurait autoriser ni légitimer l’adoption de
l’homologation.
Bien entendu que l’appréciation de ces motifs est laissée
tout entière à l’arbitrage du tribunal. Ainsi, si les magis
trats étaient convaincus qu’il y a eu fraude, s’il est cer
tain pour eux que le concordat est le fruit de complaii Pardessus, n° 1243;—Boulay-Paty, 1 . 1, p. 270;— Locré, sur l’arti
cle 526.
�ART.
512, 513, 514, 515.
187
sances illégales ou d’une collusion trop souvent déter
minée par des manœuvres et des transactions illicites,
si même les conditions du concordat leur paraissent ex
céder les bornes de la raison 1, ils doivent refuser leur
approbation , et ne pas hésiter à repousser la demande
en homologation.
583. — Le tribunal de commerce pourrait-il refuser
d’homologuer le concordat sous prétexte de fraude, alors
que le failli ayant été poursuivi pour banqueroute frau
duleuse,, aurait été acquitté? En fait, la loi n’imposant
pas aux juges l’obligation d’indiquer les éléments de
leur conviction, il est certain que leur indépendance est
absolue, et qu’il suffit qu’ils soient convaincus de l’exis
tence des motifs dont parle l’article 515 , pour qu’ils
soient autorisés à refuser l’homologation dans toutes les
hypothèses. En d ro it, notre question pourrait paraître
douteuse, si la chose jugée au criminel pouvait avoir une
influence forcée sur la décision des tribunaux ordinaires.
Mais, depuis longtemps les principes sont fixés sur ce
point, et nous croyons incontestable que les faits même
qui ont motivé la poursuite peuvent être pris en considé
ration après l’acquittement, pour faire rejeter la demande
en homologation, soit que le tribunal pense que le jury
s’est trompé, soit que des circonstances nouvelles vien
nent donner à la fraude une plus grande consistance.
584. — La condamnation pour banqueroute simple,
bien qu’elle ne soit plus une prohibition de concorder,
1II y a peu de temps le tribunal de la Seine a refusé d’homologuer
unconcordat qui avait réduit les créanciers à cinq pour cent et accordé
au failli cinq ans pour le paiement de ce dividende.
�188
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
peut cependant motiver le rejet de l’homologation. Les
causes de celte condamnation peuvent être de telle na
ture qu’il y eût danger, pour l’intérêt public, à donner
au failli un témoignage d’indulgence que la loi réserve
à la bonne foi, à la négligence, à l’imprudence même,
mais jamais à la déloyauté.
585.
— Le jugement qui accorde ou refuse l’homo
logation est-il susceptible de recours? Nous avons déjà
dit qu’aucun douie ne saurait s’élever lorsqu’une oppo
sition ayant été formée, le tribunal a statué contradic
toirement entre toutes les parties sur cette opposition ei
comme conséquence sur l’homologation. 11 y a alors une
instance ordinaire soumise, comme tout autre, aux prin
cipes qui régissent les deux degrés de juridiction. Mais,
lorsqu’en l’absence de toute opposition l’homologation
est demandée , il n’y a d^autres parties en cause que le
poursuivant. La question de recours peut donc éprouver
une véritable difficulté non-seulement en ce qui concerne
le failli et les syndics, en cas de refus d’homologation,
mais principalement à l’égard des créanciers dans l’hy
pothèse contraire.
Si l’homologation est refusée, la raison de douter qu'il
puisse exister un recours se puise dans les termes et
dans l’esprit des articles 514 et 515. Pour ce qui con
cerne l’homologation, le tribunal exerce, avons-nous dit,
un pouvoir dont la loi ne lui demande aucun compte.
Son opinion se détermine sur le rapport du juge-com
missaire et sur les faits puisés dans la conduite du failli
et dans les circonstances de la faillite qui s’est déroulée
sous ses yeux. Dans cette occurrence il est difficile d ’ad-
�#
art. 512, 513, 514, 515.
189
mettre un mal jugé de nature à être réparé par l’auto
rité supérieure, d’autant plus que celle-ci devra se pro
noncer en l’absence de toute contradiction et sur simple
requête, et sans que sa décision puisse être éclairée par
le rapport du juge-commissaire.
Cependant l’intérêt majeur que l’homologation a pour
le failli et pour les créanciers, le silence de l’article 583
qui laisse cette décision sous l’empire du droit commun
doivent faire admettre pour les uns et pour les autres la
faculté d’émettre appel, si, sur leur demande, l’homolo
gation n’a pas été accordée.
Si le jugement accorde l’homologation les créanciers
seuls pourraient.avoir à s’en plaindre. Mais, par rapport
à eux, la faculté de l’attaquer paraîtrait condamnée par
des considérations bien plus puissantes encore.
D’abord, l’article 512 n’accorde que huit jours pour
former opposition au concordat. O r, concéder après ce
délai la faculté de recourir contre le jugement qui l’ho
mologue , ne serait-ce pas relever les créanciers de la
déchéance absolue dont cet article les frappe , et éluder
sa disposition ?
Ensuite l’absence de toute opposition n’est-elle pas.de
la part des créanciers, un acquiescement formel au con
cordat? Or, qui veut la fin veut les moyens ; et puisqu’il
ne saurait exister de concordat valable sans homologa
tion, l’adhésion à celui-ci entraîne le consentement à cellelà, ce qui rendrait i nattaquable le jugement qui la prononce.
Enfin, à ces causes de non recevabilité vient s’en join
dre une autre non moins précise, le défaut d’intérêt des
créanciers à faire annuler le jugement. En effet, la loi n ’a
�190
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
pas prescrit à l’homologation un délai après lequel elle
ne puisse plus être prononcée. Or, le défaut d’opposition
ayant rendu le traité définitif, rien ne s’opposerait à ce
que, après l’infirmation d’un premier jugement, on ne
fît prononcer l’homologation par un autre plus régulier.
Quelque concluants que puissent paraître ces motifs
contre l’admission d’un recours quelconque envers le ju
gement qui a homologué le concordat , c’est l’opinion
contraire qui a prévalu en doctrine et en jurisprudence;
on s’en est référé au droit commun dans le silence delà
loi spéciale. Mais il importe de remarquer que l’action
des créanciers se borne à exciper des irrégularités qui
pourraient vicier le jugement, comme si, par exemple,
il avait été rendu contrairement aux prescriptions des
articles 513 et 514, elle ne pourrait jamais aller jusqu'à
contester le concordat lui-m êm e, ni soutenir qu’il doit
être annulé. Sur ce point, tout est terminé par le défaut
d’opposition ; et ainsi se trouvent conciliés le droit de
recours et la disposition de l’article 512.
586.
— Quelle est la voie que les créanciers doivent
prendre pour obtenir la réformation du jugement d’ho
mologation ? Doivent-ils procéder par appel ou par op
position ?
On a voulu distinguer trois hypothèses : ou l’homolo
gation a été poursuivie par les syndics, ou par le failli
contre les syndics, ou par le failli seul.
Dans les deux premiers cas les créanciers ont été par
ties dans l’instance; car , jusqu’après l’homologation,
les syndics les représentent valablement ; ils ne pour
raient donc venir que par appel contre le jugement.
Dans le troisième cas, le jugement pourrait être assi-
�art. 612, 513, 514, 515.
191
milé à un défaut , et la voie de l’opposition semblerait
indiquée naturellement. C’est dans ce sens que se pro
nonce M. Pardessus \
Plusieurs motifs, selon nous, condamnent cette opinion.
D’abord, il nous paraît impossibled’assimiler à un défaut
le jugement rendu sur l’homologation du concordat. II
ne peut y avoir défaut que lorsque la partie ayant été
appelée, n’a pas comparu. Or, dans l’instance en homo
logation, l’appel en cause des créanciers n’est pas même
ordonné, puisque la loi en confie la poursuite à la partie
la plus diligente, sans ajournement et sans débats.
La raison d’une telle prescription est facile à saisir.
L’homologation n’est qu’une conséquence de l’admission
du concordat. Consentir à celui-ci,c’est conférer au failli le
mandat de la requérir, de la faire prononcer. Cette pré
somption existe tant que, par une opposition en forme,
les créanciers n’ont pas manifesté une opinion contraire.
Il suit de là qu’en demandant l’homologation le failli
agit au nom de tous les intéressés, et que tous ceux que
le concordat atteint sont représentés dans l’instance s’ils
n'ont pas formé opposition,
En deuxième lieu .,* le droit des créanciers réduits à
quereller la régularité du jugement ne s’ouvre qu’après
la prononciation de celui-ci. Or, comment le tribunal
pourrait-il connaître d’une action qui a son origine dans
la décision qu’il a rendue, qui n ’existait pas avant, qui ne
s’est ouverte qu’après qu’il s’est lui-même désinvesti en
prononçant sur l’objet qui lui était déféré? L’opposition,
dans ce cas, n’aurait d’autre résultat que celui de saisir
1N°1î46.
�192
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
le premier juge de la connaissance du bien ou mal jugé
de sa propre décision. Elle violerait donc le principe qui
a présidé à la constitution des deux degrés de juridiction,
à savoir, qu’un tribunal ne peut jamais se réformer luimême, et que l’examen du plus ou moins de validité légale
d’un jugement définitif appartient au juge supérieur.
Ainsi,l’opinion de M. Pardessus ne pourrait être admise
que si les créanciers devant être admis dans l’instance
pouvaient soutenir que le jugement devait rejeter l’homo
logation. Mais puisque, d’après lui même, ils ne peuvent
jamais que critiquer les irrégularités du jugement, il est
évident que tout se réduit à une question de nullité pour
la solution de laquelle le juge d’appel est seul compétent.
Le jugement d’homologation n’est donc jamais un
jugement de défaut. Dans toutes les hypothèses il ne
peut être attaqué que par appel.
587.
— Les prescriptions des articles 513 et 514
sont-elles de droit rigoureux, à tel point que leur viola-s
tion frappe de nullité le jugement intervenu? Celte ques
tion doit se résoudre par les motifs qui ont fait adopter
chacune de ces prescriptions.
La défense que fait l’article 513 de prononcer le ju
gement avant l’expiration du délai de huitaine n’a évi
demment pour but que d’éviter les frais qui résulteraient
de la nécessité de prononcer par jugements séparés sur les
oppositions qui peuvent être formées dans ce délai. C’est
donc une économie que la loi a voulu faire dans l’intérêt
de tous.Il suit delà que la violation de cette défense n’en
lève ni ne crée aucun droit. A insi, les oppositions faites
après le jugement, mais avant l’expiration des huit jours,
�ABT.
512, 513, 514, 515.
193
seraient bien obvenues, et il devrait y être statué malgré
que l’homologation eût été une première fois accordée.
Mais, si le délai expire sans qu’il ait été formé de nou
velles oppositions, le jugement rendu avant est valable et
définitif. Les créanciers qui pouvant faire opposition ont
gardé le silence, ne pourraient demander la nullité d’une
décision qui ne leur a causé aucun préjudice.
Il n’en est pas de même pour le rapport prescrit par
l’article 514, L’homologation dégénérerait bientôt en une
simple formalité sans importance , si elle pouvait être
donnée sans que la faillite, son état, ses causes, la con
duite du failli aient été exposés au tribunal. On doit donc
considérer l’obligation imposée au juge-commissaire
comme substantielle. Le seul moyen d’en assurer l’exé
cution c’est de l'exiger à peine de nullité, avec d’autant
plus de raison que cette exécution touche à l’intérêt gé
néral, à l’ordre public, comme tout ce qui tend à n’ac
corder le bénéfice du concordat qu’à la bonne foi et non
à la surprise, à la collusion ou à la fraude l.
588.
— L’annulation du jugement d’homologation
comme irrégulièrement rendu , n’autorise pas la cour à
annuler le concordat. Elle doit renvoyer au tribunal de
commerce à juger de nouveau sur la requête de la partie
la plus diligente. Le tribunal n’est nullement lié par sa
décision précédente. Il peut refuser l’homologation mal
gré qu’il l’eût précédemment accordée, si, plus éclairé,
il se trouve en présence de causes et motifs dé la nature
de ceux énoncés dans l’article 515.
1 Douai, 23 décembre 1839
D. P., 41, 2, 43.
ii — 13
�194
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
§ Ier. — D e s
effets d u c o n c o r d a t.
Art. 516.
1/h o m o lo ga tio n d u c o n c o rd a t le r e n d r a obliga
to ire p o u r to u s le s c ré a n c ie rs p o rté s ou n o n por
tés an b ila n , v é rifié s ou n o n vérifiés, et m êm e pour
les c ré a n c ie rs d o m ic ilié s h o r s d u t e r r it o ir e conti
n e n ta l de la F ran c e , a in s i qu e p o u r ceux q u i , en
v e rtu d es a rtic le s 499 et 5 0 0 , a u r a ie n t été admit
p a r p ro v is io n à d é lib é r e r , q u e lle qu e soit la som
m e qu e le ju g e m e n t d é fin itif le u r a t t r ib u e r a it ul
té rie u re m e n t.
Art.
517.
L ’h o m o lo ga tio n c o n s e rv e ra à chacu n d es créan
c iers, s u r le s im m e u b le s d u f a i l l i , l ’hypothèque
in s c rite en v e rtu d u tro is iè m e p a r a g r a p h e de l’ar
ticle 490. 4 cet effet , le s syndics fe ro n t inscrire
a u x hypoth èques le ju g e m e n t d ’h om olo gatio n , à
m o in s q u ’i l n ’en a it été d écid é a u tre m e n t p a r le
con co rd at.
SOMMAIRE
589.
L’homologation rend le concordat définitif. En conséquence
la remise consentie par les créanciers est acquise au failli.
590. Le concordat est obligatoire pour tous les créanciers sans
exception. Dérogation à ce qui était admis sous le Code.
590 bis. La reconnaissance de la dette et l ’engagement delà
payer après l'homologation du concordat lient obligatoi
rement l’ancien failli.
591. Les créanciers contestés ne pourront, après le réglement
de leur créance, réclamer que le dividende proportionnel
sur les sommes définitivement admises.
591 bis. Le concordat voté par les créanciers sociaux seuls est-il
opposable aux créanciers personnels des associés ?
592. Par réciprocité les créanciers antérieurs à la faillite auront
le droit d’exiger le dividende convenu.
�art.
816, 517.
195
593.
Arrêts qui décident que le failli qui a poursuivi l’homolo
gation ne peut plus contester les créances.
594. Justification de l’opinion con'raire.
595. Exceptions à la faculté de contester après l’homologation.
596. Dans quelles proportions les créanciers hypothécaires ou
privilégiés participent-ils à la remise convenue?
597. Le failli ne peut opposer aux créanciers qui ne se présente
598.
raient q u ’après l’homologation, le défaut de vérification
et d’affirmation antérieures.
L ’homologation confère une hypothèque aux créanciers
chirographaires.
599.
Comment doit-on interpréter les termes de l ’article 517 ?
En résulte-t-il que l ’inscription de l’article 490 confère
hypothèque ?
600. L ’hypothèque résultant du jugement d'homologation doit
être inscrite.
601. Il suffit d’un seul bordereau pour tous les créanciers. Ses
formes.
602. Le bordereau doit être pris au nom de tous les créanciers
opposants ou signataires du concordat.
603. En celui des créanciers domiciliés hors France et qui sont
encore dans les délais de la vérification.
604.
Les créanciers encore inconnus participent-ils à l ’hypothè
que prise p arles syndics ?
605. Par rapport à eux il en est des cautions comme de l’hypo
thèque.
606. L ’hypothèque pour les créanciers contestés est toujours
pour le montant de ce qui leur sera dû en vertu du rè
glement définitif de leur créance.
607. Le jugement d’homologation produit de plein droit hypo
thèque, à moins de stipulations contraires, sur les biens
du failli et des cautions.
589.
— Le concordat légalement consenti et régu
lièrement homologué devient obligatoire et forcé. C’est
exclusivement par ses dispositions que se règlent la po-
�196
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sition du failli et les droits des créanciers dans leurs rap
ports ultérieurs.
Ainsi , le failli est définitivement libéré de toute la
partie de la dette qui lui est remise. Il ne doit plus à
chacun de ses créanciers que le dividende proposé et ac
cepté. Le paiement de ce dividende le met à l’abri de
toute action et de toutes recherches, de la part de ceux
dont les titres remontent à une date antérieure à celle du
jugement qui avait déclaré la faillite.
590.
— Cet effet se produit sans exception envers
les créanciers quels qu’ils soient, alors même qu’ils se
raient demeurés inconnus et qu’ils prétendraient avoir
ignoré la faillite. Les termes généraux de l’article 616
ne laissent plus aucun doute à cet égard, et terminent
ainsi une controverse que le vague de l’article 524 du
Code de commerce avait fait naitre.
Cet article, en effet, disposait que l’homologation du
concordat le rendait obligatoire pour tous les créanciers.
Cette expression comprenait-elle ceux qui n’ayant pas
été inscrits au bilan, étaient restés en dehors et n’avaient
participé à aucune opération de la faillite ? S’étendaitelle également à ceux dont les créances contestées dans
la vérification n’avaient été réglées que postérieurement
à l’admission du concordat ?
Telles étaient les questions qui avaient .divisé la doc
trine et la jurisprudence. On peut cependant se convain
cre que cette division allait en s’affaiblissant, et que la
négative ralliait chaque jour de nouveaux suffragesl.
Il résultait de cet état de choses que le concordat
i Voy. Cassation,' 24 août 1836
D. P., 37, 4, 244.
�art.
516, 517.
197
n’était bien souvent, pour le failli, qu’une ressource in
certaine, impuissante; pour les créanciers,qu’une source
d’injustices. Si le failli était de bonne foi et qu’il eût pro
mis tout ce qu’il pouvait réellement donner, les créan
ces qu’il lui fallait payer en dehors du concordat, inté
gralement et sans même pouvoir exciper du bénéfice du
terme, venaient jeter le désordre dans ses prévisions,
détruire tous ses calculs, le livrer à des exécutions im
médiates, ou lui enlever toutes ses ressources actuelles.
Dans chacune de ces prévisions devait nécessairement se
rencontrer la chance de ne pouvoir plus tard remplir les
obligations qu’il s’était imposées , et par conséquent la
probabilité d’une nouvelle faillite.
Si le failli était de mauvaise foi, qu’il eût colludé avec
quelques créanciers pour les tenir éloignés de sa faillite,
les créanciers concordataires devenaient victimes de cette
collusion. Ils perdaient, eux, une partie de leur créan
ce , tandis que sous leurs yeux et sans qu’ils pussent
l’empêcher, d’autres créanciers recevaient l’intégralité de
ce qui leur était dû.
Un pareil résultat pouvait-il se concilier avec la loy
auté qui doit être le principe du concordat, et l’égalité
qui doit présider au sort commun de tous les créanciers?
Etait-il d’ailleurs équitable de diviser, dans l’exécution,
un acte qui pour être juste doit être essentiellement in
divisible? Or, le concordat doit inévitablement régir tout
ce qui s’est accompli avant lui. De sa date commence
pour le failli une ère nouvelle qui substitue les obliga
tions qu’elle crée à celles qui existaient auparavant. Et
puisque la loi accorde à la majorité le droit de l’imposer
�198
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
à la minorité, convient-il de laisser à quelques membres
de celle-ci les moyens de se soustraire à ses effets ?
Il nous semble donc que le système admis sous le
Code était irrationnel, dangereux, injuste. Etait-il permis
d’alléguei valablement qu’on avait ignoré la faillite,qu’on
n’avait pas été mis en demeure de s’y présenter, lorsque
la publicité donnée sous tant de formes et à tant do re
prises différentes n’a pour but précisément que d’obvier
aux oublis que le failli ou les syndics pourraient com
mettre en rédigeant l’état des créanciers ?
Nous ne pouvons , en conséquence , qu’approuver
hautement le système de la loi actuelle, Sa disposition
est claire, précise, absolue. Tout créancier quelconque,
connu ou inconnu, présent ou absent, est définitivement
lié par le concordat ; il n’a pas d’autres droits que les
signataires eux-mêmes. La date du titre réclamé règle
donc seule le sort de la créance. Le paiement est total
ou partiel, selon que cette date est postérieure ou anté
rieure à l’homologation.
]\fous avons déjà dit que, par la mise en
faillite de la société, chaque associé solidaire est person
nellement et de plein droit en état de faillite ; que leurs
créanciers particuliers ne peuvent agir que contre les
syndics administrant l’actif social, et qui admettent cha
cun d’eux au passif personnel de leur débiteur h
Le concordat délibéré par les créanciers sociaux lie
rait-il les créanciers particuliers des associés? Pourraientils être obligés d’en accepter les conditions ?
5 9 0 bis,
Les créanciers sociaux ont un double droit : celui de
1 Voy. supra n° 35 bis.
�ar t .
516, 517.
199
participer à la répartition de l’actif social ; celui de ve
nir en concours avec les créanciers personnels sur l’actif
particulier de chacun des associés.
Ce dernier ne peut jamais absorber le droit de ces
créanciers personnels, et faire qu’on puisse disposer de
l’actif de leur débiteur sans les consulter à ce sujet. Ce
droit restreint à cet actif n’a rien perdu de son caractère.
11 est, quant à ce, l’égal de celui des créanciers sociaux.
Il doit, par conséquent, jouir de la même prérogative.
On ne saurait donc leur contester et moins encore
leur dénier la faculté de délibérer sur le concordat, d’ad
mettre ou de rejeter le sacrifice qui doit en résulter.Celui
qui serait intervenu sans leur concours ou sans qu’ils
eussent été mis en état et en demeure de le prêter, ne leur
préjudicierait en rien et nesaurait même leurêtreopposé.
Les syndics doivent donc les appeler à la délibération.
Quel sera le mode à adopter dans celte délibération ?
M. Renouard estime qu’on doit d’abord faire voter les
créanciers sociaux , puis établir une délibération parti
culière sur chaque associé , à laquelle concourront les
créanciers sociaux et les créanciers personnels.
Ce qui pourrait résulter de ce mode c’est que les as
sociés auxquels le concordat voté par les créanciers so
ciaux profiterait, verraient ce concordat repoussé lors de
la seconde délibération , ou obtiendraient de celle-ci le
bénéfice que la première leur avait refusé. Il est facile
de prévoir que l’adjonction des créanciers personnels aux
créanciers sociaux p e u t, dans un sens ou dans l’autre,
modifier les majorités requises.
Le même individu pourrait donc se trouver en état de
�200
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
concordat pour les u n s , d’union pour les autres. Nous
n’avons pas besoin d’insister sur les embarras innextricables que créerait un pareil état des choses. Le moyen de
le prévenir est donc à rechercher et surtout à employer.
Ce moyen , la loi de 1838 l’a donné en autorisant
par l’article 531, les concordats particuliers, c’est-à-dire
autant de délibérations distinctes qu’il y a d’associés. Ce
qui est facultatif dans tous les cas, nous parait un de
voir rigoureux à l’égard des associés qui ont des créan
ciers particuliers, parce qu’alors il n ’y aura qu’une dé
libération à laquelle prendront part et ces créanciers et
les créanciers sociaux. La position du débiteur en res
sortira avec netteté et précision.
Sans doute il pourra arriver que, parmi les membres
d’une même société , les uns obtiendront un concordat
et les autres se trouveront en état d’union. Mais, ce ré
sultat, l’article 531 l’autorise. Tout au moins, éviteraiton ainsi l’anomalie que nous venons de signaler, d’une
seule et même personne en état de concordat pour les
uns, de contrat d’union pour les autres.
591.
— La loi met nominativement sur la ligne des
créanciers soumis au concordat ceux dont les créances,
contestées n’auraient pas encore été réglées au moment!
de l’homologation. Cette application spéciale, malgré les
termes généraux de notre article, indique avec quel soin
le législateur a voulu prévenir toute difficulté et éviter cje
donner naissance à toute interprétation qui aurait été
plus ou moins fondée. En l’état donc, quelle que soit lia
somme définitivement adjugée , le créancier contestélet
admis provisoirement ne pourra réclamer qu’un divi
dende proportionnel sur le montant définitif de sa créante.
�ART.
S16 , 517.
201
En résumé , le concordat a pour effet immédiat, en
faveur du failli.de réduire toutes ses dettes de la portion
dont remise lui est accordée. Personne ne peut exiger
plus que le dividende qui excède celte partie. Payé que
soit celui-ci , ses obligations légales sont éteintes , sans
qu’il puisse être recherché au delà ni sur ses biens pré
sents, ni sur ceux qu’il pourra acquérir par la suite.
591 bis. — La remise partielle de la dette résultant
du concordat est, pour le failli, une pure faveur. Il peut
donc en répudier les effets, y renoncer en faveur de tel
ou tel de ses créanciers. L’engagement qu’il contracte
rait, à cet égard, le lierait obligatoirement. Il ne pour
rait en être exonéré que dans le cas et aux conditions
qui feraient annuler un contrat ordinaire, c’est-à-dire
pour défaut de consentement valable , pour incapacité,
pour absence de cause, ou son caractère illégal ou illicite.
Or, le consentement s’induirait de l’acte régulier con
statant l’engagement, La présomption naissant de cette
induction ne céderait que devant la certitude que le con
sentement a été déterminé par le dol ou la fraude, sur
pris par l’erreur ou imposé par la violence. On comprend
qu’il ne suffirait pas d ’alléguer l’existence d’un de ces
vices; il faudrait surtout la prouver.
La capacité du failli remis par le concordat à la tête
de ses affaires est incontestable. Le jugement qui homo
logue le concordat lui restitue ses droits et actions dont
il recouvre ainsi le libre et entier exercice. Ici encore le
titre est d’un utile secours, puisque le rapprochement
de sa date et de celle du jugement homologatif tranche
la question de savoir si l’engagement a été souscrit avant
ou depuis ce jugement.
�202
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Mais la sincérité de la date , à moins de la supposer
authentique ou devenue certaine par un des modes in
diqués par la loi, pourra être attaquée et le sera infail
liblement, lorsque le titre aura été souscrit dans un temps
plus ou moins rapproché du moment où le failli aura
repris sa capacité. On ne manquera pas de soutenir que
l’engagement a été réellement contracté en état de fail
lite; qu’il constitue l’arrangement particulier prohibé par
l’article 597 ; que sa date n’a été qu’une précaution
contre l’effet de cette prohibition.
Nous convenons qu’en présence d’allégations de ce
genre , le porteur du titre ne pourrait se prévaloir de
l’article 1322 du Code civil. Il s’agirait, en effet, d’une
fraude à une loi d’ordre public dont peut se prévaloir
l’auteur même de la fraude. La preuve même par té
moins et par présomptions pourrait être admise. Mais,
en cas de défaut ou d’insuffisance de preuve, la capacité
s’induisant de la postériorité de la date serait acquise.
Valable sous ce double rapport, l’obligation ne le se
rait pas moins au point de vue de la cause et de son ca
ractère. Il est unanimement admis en doctrine et en ju
risprudence, que l’obligation civile fondée sur la préexis
tence d’une obligation naturelle a une cause juste et lé
gitime.
Or, le concordat ne libère le failli de la partie de la
dette remise que civilement. Il demeure donc naturelle
ment obligé, et son obligation a même un caractère spé
cial et particulier , puisque ce n’est qu’en y satisfaisant
que le failli se libérera des incapacités légales qui ont
survécu au concordat.
�ART.
516, 517.
203
L’engagement du failli de payer intégralement ses cré
anciers a donc une cause. Loin de le réprouver , la loi
en fait un devoir moral par le prix qu’elle attache à sa
réalisation.
On a prétendu cependant le qualifier d’immoral et
d’illicite. L’égalité, a-t-on dit, doit régner entre les cré
anciers de la même faillite ; et ce principe crée un obs
tacle invincible à ce que les uns obtiennent un paiement
intégral, tandis que les autres ne recevraient qu’un divi
dende plus ou moins considérable.
Celte objection n’aurait de fondement juridique que
si l’en g ag e m en t de payer avait été contracté ou convenu
pendant la durée des opérations précédant le concordat.
A lors , en effet, il serait considéré comme le prix du
concours aux délibérations d e la faillite, au vote du con
cordat. Il constituerait donc le traité particulier prohibé
par l’article 597, et rien ne pourrait le soustraire aux
effets de cette prohibition.
Après l’homologation du concordat, l’unique consé
quence à induire du principe d’égalité est le droit des
créanciers à être payés du dividende convenu. À ce paie
ment se trouve plus particulièrement affecté l’actif qui a
été rendu au failli. Il doit donc servir à le réaliser de
préférence aux charges nouvelles dont il a été grevé en
faveur d’un ou de plusieurs de ces créanciers.
Nous considérerions donc l’engagement de payer in
tégralement l’ancienne dette comme essentiellement con
ditionnel. Il ne serait, en effet, ni juste ni moral que
son exécution devînt un obstacle au paiement du divi
dende à tous les ayants droit. On ne devrait donc l'au-
�204
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
toriser qu’après ce paiement et sur les ressources dé
sormais libres du failli.
■A celte condition et dans cette occurrence, comment
serait-on admis à invoquer le principe d’égalité. La fail
lite n’existe plus ; le droit général que les créanciers in
distinctement avaient sur l’actif a disparu. Il a été can
tonné par le concordat et restreint au dividende convenu.
Celui-ci payé, tout ce qui reste appartient exclusivement
au failli. Il peut en disposer à ses plaisir et volonté, le
transmettre à titre onéreux et gratuit ; à plus forte rai
son le consacrer à éteindre son ancienne dette.
Qu’aurait à y redire le créancier non favorisé ? Quel
préjudice éprouverait-il? Les sommes consacrées à cette
extinction lui étaient-elles affectées. Pouvait-il les saisir,
se les faire appliquer en tout ou en partie, depuis qu’il
a touché intégralement le dividende?
Il est donc évident que, dans ces circonstances, il est
impossible de faire intervenir la loi d’égalité. La nullité
qu’on voudrait en déduire ne profiterait en rien aux cré
anciers que le principe protège exclusivement. Son résul
tat unique serait d’enrichir le failli, en lui assurant l’ex
cédant d’actif qu’a laissé, laisse ou laissera le paiement
du dividende. Or, nous pouvons, sans témérité, affirmer
que cet intérêt a fort peu préoccupé le législateur.
L’économie de la loi nous en fournit la preuve. Ainsi,
les articles 446 et suivants ne disposent qu’en faveur des
créanciers. La nullité qu’ils consacrent n’est qu’à leur
profit, et lorsque le failli concordataire a voulu s’appli
quer le bénéfice du jugement par eux obtenu et pronon
çant la nullité de l’hypothèque concédée dans les dix jours
�art.
516, 517.
§05
de la cessation de paiements, sa prétention a été repous
sée, et l’effet de cette hypothèque a été maintenu sur les
immeubles restant libres après l’acquittement du divi
dende. C’est ce que la cour d’Aix jugeait, sur ma plai
doirie, le 7 août 1856. Le pourvoi contre son arrêt était
rejeté par la cour de cassation le 15 juillet 1857 l.
Comment, d’ailleurs, déclarer illicite un acte que la
loi appelle de tous ses vœux. Si elle ne prescrit pas obli
gatoirement la réhabilitation, c’est qu’elle ne pouvait le
faire sans annuler l’effet du concordat ; elle devait donc
se borner à l’encourager , à la favoriser en attachant à
son obtention la reprise des droits de citoyen et de com
merçant.
Or, l’engagement de solder intégralement l’ancienne
dette est un acheminement vers cette réhabilitation. Lui
refuser tout effet, quoique réellement souscrit en état de
capacité, il ne doive affecter que les ressources person
nelles au failli concordataire, ce serait violer le texte de
la loi et en méconnaître formellement l’esprit2.
592.
— Pour les créanciers, le concordat homologué
leur confère le droit d’exiger leur dividende aux époques
convenues. Nous avons déjà dit que ceux qui ont été
admis après vérification étaient présumés avoir réelle
ment la qualité qu’ils réclament. Mais cette présomption
exclut-elle la preuve contraire, et le failli qui a signé le
concordat, qui en a demandé l’homologation serait-il
recevable à refuser le dividende, sous prétexte que celui
qui le réclame n’est pas créancier ?
1D. P., 57, 1, 385.
2 Paris, 24 mai 1856 ; — Bordeaux, 24 août 4849, et 24 avril 4868.
-D .P ., 5.0, 2, 402; 57, 2, 45 ; 58, 2, 17.
�206'
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
595.
— Divers arrêts et notamment un de la cour de
Douai, du 25 avril 1813, et un de la cour de cassation
du 23 avril 1834 1, ont décidé la négative. Ces arrêts se
fondent sur ce que le concordat devant réunir la majo
rité en nombre et en sommes, celte majorité se calcule
sur l’état des créances vérifiées et affirmées; que , dès
lors, toutes les créances qui ont servi à établir cette ma
jorité sont tellement fixées au concordat, qu’il ne pour
rait y être rien changé sans détruire l’harmonie des cal
culs arrêtés entre tous les délibérants ; que , d’ailleurs,
en demandant que ce concordat soit homologué, le failli
l’exécute et se rend ainsi non recevable à attaquer la ré
alité des créances qui ont concouru à le former.
5 9 4 . — Malgré tout le respect que nous inspirent
les décisions de la magistrature , nous avouons ne pas
pouvoir partager l’opinion de la cour de Douai et de la
cour de cassation. Il nous semble que cette opinion ne
tend à rien moins qu’à un véritable déni de justice au
préjudice du failli.
En effet, tant que dure l’état de faillite , celui ci est
incapable d’agir pour tout ce qui concerne ses biens. Il
ne nous paraît pas exact de dire, comme l’arrêt de la
cour de cassation, que le failli est capable de contracter
avant le concordat, de faire de bonne foi tous actes,
donner tous acquiescements qui sont de son intérêt.
Cela pourrait être admissible pour tout ce qui n’a pas
été réglé par la loi spéciale ; mais évidemment on ne
saurait l’admettre dans tous les actes que cette loi a no
minativement confiés aux syndics.
1 D. A., t, 8, p. 16B;—D, P,, 34, 1, 179,
�ART.
561, 517.
207
Ainsi nous avons vu, sous l’article 494, qu’en matière
de vérification le failli n’est pas partie nécessaire dans
l’opération ; que, s’il y assiste, il ne peut poursuivre par
lui-même les contestations qu’il est dans le cas de sou
lever , et que sur le refus des syndics de les soutenir il
ne peut que protester pour faire valoir plus tard les droits
qui peuvent être fondés.
Voilà bien une incapacité clairement établie par la
loi. Or , tant qu’elle se continue , il est certain que le
failli ne peut se rendre non recevable à user plus tard
de la faculté de relever les protestations qu’il a pu faire
insérer dans le procès-verbal.
Remarquons que c’est l’intérêt de la masse qui a fait
consacrer cette incapacité. On n’a pas voulu permettre
au failli de rendre la vérification interminable , et de
grever son actif des frais nombreux qui pourraient ré
sulter de l’abus de la faculté de contester.
Cette incapacité n ’a d’autre terme que celui de la fail
lite. Elle finit avec celle-ci airmoment où, tout étant dé
cidé, il va être procédé à la distribution des fonds. Ainsi,
si les créanciers repoussent le concordat, s’ils se rangent
sous le régime de l’union, le failli est admis à contester
les créances qui prétendent à la répartition de l’actif1.
Cela n’est ni contestable ni contesté. Pourquoi en seraitil autrement, lorsqu’il est intervenu un concordat ?
Parce que le failli, en poursuivant l’homologation,
aurait reconu les droits des créanciers ! Mais , ce n’est
que par le concordat lui-même que le failli reprend sa
capacité absolue et l’administration de ses biens. D’autre
1 Douai,25 mai 1829. —D. P., 29, -2, 239.
�208
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
part, il n ’y a de concordat valable que celui qui est ho
mologué. En poursuivant cette homologation le failli ne
fait donc qu’un acte indispensable pour rentrer dans
ses droits , pour reprendre l’exercice de ses actions ; et
c’est cet acte qu’on invoquerait pour le soutenir non re
cevable dans cet exercice 1 A insi, c’est au moment où
sa liberté, où son droit de contester lui est acquis, qu’on
lui en interdirait l’usage ; et l’on ferait résulter cette in
terdiction du fait même qui doit lui acquérir ce droit.
En d’autres termes , tant que le failli serait incapable
d’agîr, il pourrait contester; il ne le pourrait plus, dès
qu’il aurait conquis cette capacité ! On nous permettra
de croire qu’une telle conséquence doit rendre le prin
cipe dont elle découle, inadmissible.
Remarquons d’ailleurs qu’à cette période de la faillite,
l’abus qui a fait refuser au failli la faculté de contester
les créances n’est plus à craindre. La marche de la fail
lite ne peut plus être entravée ni retardée. La masse ne
sera plus tenue des frais qui pourront être exposés. Le
concordat a définitivement réglé le sort des créances,
l’époque et le mode de leur paiemeut. Une contestation
ultérieure ne réagirait ni sur les unes ni sur l’autre. Il
n’y a plus qu’un procès ordinaire entre le failli et celui
qui s’est injustement porté créancier, et l’intérêt du pre
mier à ne pas gaspiller follement ses ressources est un
sûr garant qu’il n’ira pas les compromettre dans des
difficultés hasardées et sans fondement.
Ainsi, jusqu’après l’homologation, on ne peut arguer
de l’inaction et du silence du failli. Il n’a pas eu le pou
voir de poursuivre judiciairement. Ce pouvoir, l’homo-
�ART.
516, S17.
209
logation le lui confère. La demande qu’il en fait est donc
pour lui un préliminaire indispensable. En conséquence
laraison.et l’équité ne tolèrent pas qu’on lui oppose cette
demande commeune fin de non recevoir contre son action.
Mais, d it-o n 1, permettre au failli de contester après
le concordat, ce serait perpétuer illégalement l’état de
faillite. Cette objection manque de portée. Après l’homologation il n’y a plus de faillite. Les créanciers sont
payés ou le seront aux termes convenus. Une difficulté
entre l’un d’eux et le failli concordataire ne peut exercer
une influence quelconque sur le sort des autres, à moins
que par le rejet de la créance contestée le concordat ne
réunît plus la majorité requise. Ce serait là, sans doute,
un motif pour en faire prononcer la nullité, et chaque
créancier pourrait s’en prévaloir, puisqu’il se serait ré
alisé après le jugement d’homologation. Mais, dans une
éventualité semblable , on peut être sûr que le failli se
gardera bien de réclamer. Il aimera beaucoup mieux
payer ce qu’il ne devrait réellement pas, que de s’expo
ser à perdre le bénéfice de son traité.
Il est donc facile de prévoir que les contestations
soulevées par le failli ne seront pas de nature à détruire
l’harmonie des calculs arrêtés, au moins d’une manière
sensible. La masse ne sera donc jamais intéressée à ce
qu’on lui interdise le droit de les soutenir. Nous pour
rions même ajouter que ce qui lui importe bien réelle
ment c’est que le failli ait la faculté de faire réduire les
créances excessives , disparaître celles qui ne sont pas
dues. En effet , la masse ne saurait rester indifférente,
i Voy. arrêt de la cour de Douai, ci-dessus cité.
n — 14
�S10
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
même après sa dissolution , au mode de répartition de
l’actif. Elle a un intérêt direct à ce qu’il n’arrive qu’à
ceux qui y ont un droit légitime. Moins le failli aura à
payer, plus facilement il pourra remplir les engagements
qu’il a contractés dans le concordat.
Jusqu’ici nous avons parlé du cas où le failli présent
à la vérification aurait fait des protestations contre les
créances plus tard attaquées par lui. Mais nos observa
tions s’appliquent à fortiori à l’hypothèse où, absent de
l’assemblée , il n’a pu faire ces protestations. Alors, en
effet, la vérification est pour lui res inter alios acta 1;
et si on ne lui accordait pas la faculté de contester après
le concordat, il s’en suivrait qu’il n’aurait jamais le
moyen de le faire ; qu’ain si, par cela seul qu’il a con cordé, il serait inévitablement tenu de payer même les
dettes qu’il ne devrait pas.
Objecterait-on qu’il ne dépendait que de lui d’assister
à la vérification pour signaler aux syndics et aux créan
ciers les exceptions qu’il pouvait avoir contre telle ou
telle créance, ou toq| au moins pour protester contre son
admission ? Mais cette absence du failli ne constituerait
une faute que si la loi lui faisait un devoir de se rendre
à la vérification. Mais on a compris que l’absence du
failli pouvait être le résultat de tout autre sentiment que
de la négligence, comme si, par exemple, il est détenu,
s’il a été dans l’impossibilité d’obtenir un sauf-conduit,
s’il a craint par sa présence de paraître braver ses cré
anciers , ou du jeter une plus vive irritation au milieu
de discussions toujours pénibles. En conséquence, on l’a
Locré, tome 6, p. 23.
�art.
516, 517.
211
laissé le seul juge de l’opportunité de l’exercice de la
faculté qu’on lui conférait.
Il suit de là que le failli ne peut commettre une faute
en s’abstenant. Il suffirait, d’ailleurs, qu’aucune peine
n’ait été attachée à cette abstention, pour qu’on ne pût
lui en appliquer une, en lui enlevant le droit de discuter
des exigences qui ont pu faire illusion aux syndics, quoi
qu’elles ne fussent nullement fondées.
Ainsi et dans toutes les hypothèses, le failli est rece
vable à contester après avoir poursuivi l’homologation
du concordat. Cet acte ne le lie qu’envers ceux qui sont
réellement créanciers ; et puisqu’il serait admis , même
après paiement, à répéter ce qu’il aurait payé par erreur
et pour dette non due, à plus forte raison peut-il résister
à la demande d’un paiement injuste.Que l’on soit sévère
dans l’appréciation de son action, que l’on exige de lui
des preuves certaines, évidentes, écrites de son assertion,
nous le comprenons ; mais lui refuser même le moyen de
produire ces preuves, serait une rigueur déplorable et in
juste.
595. — Toutefois, ce principe souffre quelques ex
ceptions : ainsi, le failli serait non recevable à contester
après le concordat les créances qui auraient été vérifiées
en sa présence et sans réclamation aucune de sa part,
celles qu’il aurait lui-même inscrites sur son bilan. Dans
le premier cas il a pu, sinon contester, du moins mettre
les syndics à même de le faire. En gardant le silence, en
s’abstenant même de protester, il a reconnu la sincérité
des droits prétendus. Dans le second, il a formellement
avoué l’existence de la dette; car si les déclarations faites
�m
V
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
par le failli dans son bilan ne lient jamais les créanciers,
il est certain qu’elles font pleine foi contre lui-même,
à moins qu’il ne prouve qu’elles sont le résultat d’une
erreur de fait L
Il est une autre exception que l’on doit également
admettre. Les créances contestées par les syndics et ad
mises par un jugement définitif ne peuvent plus être atta
quées. L’autorité de la chose jugée les couvre de sa pro
tection, et la maxime res judicata ipro veritate habetur
les rend désormais inviolables. On ne pouvait, en effet,
permettre de revenir sans cesse sur les jugements. Le
failli a pu se défendre. La loi en lui en accordant le
droit, lui faisait un droit d’intervenir. S’il s’est abstenu,
il est à l’instar de celui qui ayant été condamné par
défaut, a laissé le jugement devenir définitif. Nous de
vons faire remarquer que cette hypothèse se réalisait
dans l’espèce jugée par l’arrêt de la cour de cassation
que nous citions tout à l’heure. La créance attaquée par
le failli après l’homologation résultait d’un jugement
définitif. Il est permis de croire que cette circonstance
n’a pas été sans inflence sur la décision de la cour.
596.
— Les créanciers hypothécaires ou privilégiés
restent en dehors des stipulations du concordat. En con
séquence, ils ne supportent aucune réduction, si par l’im
portance des objets affectés à leur créance et par le rang
de leur hypothèque ou privilège, ils peuvent être intégra
lement payés. Dans le cas contraire, ils restent simples
chirographaires pour toute la partie de la dette non collo
quée en rang utile, et la remise stipulée au concordat afi D. A., t. 8, p. 144. — Locré, t. 6, p. 260.
�ART. 516, 517.
213
fecte cette partie. Nous aurons à l’expiiquer d’une manière
plus complète en examinant la disposition de l’art. 556.
597.
— Nous avons dit que le concordat dûment
homologué était obligatoire pour les créanciers inconnus
qui ne se sont pas présentés à la faillite. Il résulte delà
qu’ils peuvent en invoquer les stipulations et exiger du
failli le paiement du dividende convenu. Ce paiement est
exigible dès qu’ils ont dénoncé leur qualité, et le failli ne
pourrait s’y soustraire. Il ne le pourrait notamment sous
le prétexte que ces créanciers n’ont, pas fait vérifier leurs
créances. Cette obligation ne leur est imposée que lors
que le régime de l’union ayant été admis , ils veulent
faire partie de la masse ; ils doivent alors prouver con
tradictoirement avec elle que le droit qu’ils réclament
leur appartient réellement, et cette preuve ne pouvant
résulter que de la vérification et de l’affirmation, ils
sont obligés de procéder à cette double opération.
Il ne saurait en être de même après le concordat. Le
failli remis à la tête de ses affaires à repris l’exercice de
ses actions actives et passives. Il a donc qualité pour faire
rejeter la demande d’un créancier qui se prétendrait tel
sans y être fondé. A cette époque, d’ailleurs, il n’y a plus
de masse, plus de syndics, et la vérification ne peut se
faire qu’avec le failli concordataire. Elle est acquise , si
celui-ci convient de la dette. Dans le cas contraire , la
justice est appelée à prononcer , sans que le défaut de
vérification antérieure puisse être un obstacle à l’admis
sion des prétentions du créancier. Nous avons vu,en effet,
que les créanciers en retard de se présenter n’encourent
d’autre déchéance que celle édictée par l’article 503 qui
ne peut jamais se réaliser lorsqu’il y a eu concordat.
�DES FAILLITES ET BANQUEBOUTES
598.
— Un autre effet du concordat est de conférer
aux créanciers chirographaires un droit d’hypthèque jus
qu’à concurrence de la somme que chacun d’eux doit
recevoir. Cet effet se réalise par l’inscription du jugement
d’homologation.
599.
— La loi fait remonter la date de cette hypo
thèque à l’inscription conservatoire que l’article 490 impose aux syndics, le devoir de requérir. Nous avons déjà
d it1 que les termes de l’article 517 peuvent créer des
doutes sur la question de savoir si cette inscription pro
duit ou non des effets en faveur des créanciers. Nous
avons fait remarquer, avec la doctrine de la cour de cas
sation, qu’au moment où elle se réalise, il n’existe au
cune des conditions auxquelles la loi a attaché le droit
hypothécaire, ni conventions authentiques, ni jugement
de condamnation, ni disposition législative.
Nous avons ajouté que dans l’exécution le bordereau
n’était soumis à aucune des prescriptions de l’article
2148 du Code civil ; qu’il était simplement au nom des
syndics représentant la masse et reçu sur un certificat
attestant qu’il y a faillite. Enfin , nous avons relevé la
nécessité d’inscrire le jugement d’homologation comme
indiquant qu’avant ce jugement il existait bien une ins
cription, mais que bien certainement il n’y avait pas en
core hypothèque, et nous avons conclu que celle-ci ne
pouvait résulter que du jugement d’homologation luimême.
A cette époque, en effet, il y a une convention que le
concours de la justice a rendue authentique. Il y a donc
i Voy, supra article 490,
�art.
616, 517.
215
une base légale à l’hypothèque : aussi voyons nous que
les bordereaux d’inscription doivent être pris par les
syndics au nom des créanciers qui y sont nominative
ment désignés ; qu’il doit y être fait mention des sommes
dues et de l’époque de leur exigibilité.
Il est donc vrai de dire que l’homologation du con
cordat crée l’hypothèque et ne la conserve pas. Que si
gnifie donc la disposition littérale de l’article 517, en
indiquant le contraire?
Il n’est pas difficile , derrière l’expression employée
par le législateur, de découvrir sa véritable pensée. Il
faut consulter la discussion de la loi, et de son examen
attentif il résulte que les termes employés n’ont d’autre
signification possible que celle d’une priorité absolue,
que la loi a voulu dans tous les cas accorder aux créan
ciers, sur les droits acquis après le concordat.
En principe, cette priorité est légitime et équitable. Il
est juste que les créanciers d’un failli qui, pouvant réa
liser tous les biens de leur débiteur pour s’en appliquer
la valeur, les lui ont conditionnellement restitués, con
servent sur ces mêmes biens un privilège qui garantit
l’exécution du contrat. Le failli n’a été remis à la tête
de ses affaires qu’à la charge de payer le dividende con
venu par le concordat. Assurer ce paiement par une
préférence sur tous les créanciers ultérieurs, n ’était donc
que la conséquence légitime , qu’une déduction logique
des engagements respectivement contractés et déjà exé
cutés par les créanciers.
Ce résultat était, il -est vrai, naturellement atteint par
l’inscription du jugement d’homologation. Car, depuis
�218
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
aucuns droits. Les tiers qui ont traité avec le failli après
leconcordat ne sauraient prétendre raisonnablement être
payés avant les signataires de celui-ci ; ils ne peuvent
se plaindre que le principe de la publicité a été violé à
leur encontre ; l’inscription prise conservatoirement les
a prévenus de l’état de faillite antérieure de leur débiteur.
Ils ont su, dès ce moment , que le concordat qui lui a
rendu la capacité , lui a imposé des obligations sacrées
dont l’extinction sera privilégiée et opérée de préférence
à celles qu’on leur propose d’accepter. Ils ont donc dû
se faire représenter cet acte , calculer les ressources de
leur débiteur eu égard au chiffre de ses obligations. Us
ont dans tous les cas traité avec connaissance de cause,
et on ne leur infère aucun grief en les soumettant à la
chance qu’ils ont bien volontairement courue.
Ainsi encore , les créanciers concordataires n ’auront
pas à se disputer une préférence qui n’appartient à au
cun d’eux , et qu’il serait déplorable de rendre le prix
de la course, lorsqu’il est certain que la moindre faveur
pour l’un serait une injustice pour l’autre. A une iden
tité parfaite de droits et de titres , la loi a ajouté une
date unique et commune dans le point de départ de
l’hypothèque. Elle a ainsi veillé au maintien de l’égalité
acquise aux créanciers d’une faillite, en assurant à tous
une participation proportionnelle aux biens qui n’ont
jamais cessé d’être le gage de tous.
Yoilà la véritable signification des termes de l’article
517. Egalité entre tous les créanciers, préférence légitime
pour le montant de leur dividende, et pour atteindre ce
double b u t, rétroactivité de l’hypothèque jusqu’à Tins-
�art.
516, 517.
219
cription conservatoire. Il n’est donc pas exact de soute
nir que celle-ci puisse, par elle-même, produire aucun
effet. L’hypothèque ne naît que du jugement d’homolo
gation. Ce jugement crée donc et ne conserve rien. Jus
que-là, nous le répétons, il y a une inscription, mais
point d’hypothèque.
600. — Cequi le prouved’unemanièredécisive c’est
que si le jugement d’homologation n’est pas inscrit, il
n’y a réellement aucune affectation hypothécaire sur les
biens dn failli en faveur des créanciers. Cependant, si
cette affectation résultait déjà de l’inscription conserva
toire, elle ne pourrait être effacée que par le laps de dix
ans et faute de renouvellement. En conséquence, en fai
sant un devoir d’inscrire le jugement d’homologation, la
loi a de nouveau, de plus fort établi qu’il n’y a réellement
hypothèque qu’en vertu des dispositions de ce jugement.
601. — Il suffit d’un seul bordereau pour tous les
créanciers. Mais le nom de chacun d’eux doit être clai
rement désigné, ainsi que la somme due et l’époque de
l’exigibilité. Ce bordereau doit, de plus, contenir élection
de domicile dans l’arrondissement.
Toutefois, cette prescription qui est toute dans l’intérêt
du failli et pour lui éviter les frais d’inscriptions nom
breuses , ne fait pas obstacle à ce que chaque créancier
inscrive pour la conservation de ses droits, si les syndics
ont négligé de le faire. Dans le cas contraire, toute di
ligence individuelle serait frustratoire et inutile.
602. — Le bordereau des syndics doit comprendre
non-seulement les créanciers signataires du concordat,
mais encore tous ceux dont les créances ont été vérifiées,
�220
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
affirmées et admises. La minorité doit subir la loi de la
majorité; elle n’a donc point de droits plus étendus que
celle-ci, mais elle en a toujours autant. Il importe donc
qu’elle soit protégée comme elle, et que participant for
cément à la remise votée, elle participe également aux
garanties qui assurent le paiement du dividende convenu.
6 0 3 . — L’inscription doit être prise , en outre , au
nom des créanciers domiciliés hors France et qui sont
encore dans les délais de la vérification. Nous avons vu
que, même pour les répartitions que l’union pourrait
amener avant l’expiration de ces delais, la loi assimile
ces créanciers à ceux qui ont été régulièrement admis.
Cela tient à ce que leur silence est dû à leur éloignement,
et non à leur négligence. Or, la même considération les
protège dans l’hypothèse du concordat. Il est donc juste
de leur rendre communes les garanties accordées aux
autres créanciers.
6 0 4 , — En serait-il de même pour les créanciers
inconnus et qui n’ont pas même décélé leur existence au
moment où l’inscription se réalise"? Nous ne le pensons
pasc Nous venons de voir que , pour être régulier , le
bordereau rédigé par les syndics doit énoncer le nom
des créanciers et indiquer le chiffre de la créance. Or,
comment accomplir cette double formalité, lorsqu’il n’est
pas même certain qu’il y ait des créanciers ?
En cet état, soit que l’on prit une hypothèque de pré
caution, soit que l’on fit participer à celle prise par les
syndics les créanciers qui produiraient plus tard leurs
titres et justifieraient de leur qualité, on tomberait dans
des inconvénients graves , désastreux pour le failli ou
pour les tiers.
�art.
516, 517.
n 1
V
Pour les tiers ! car , lofsqu’après l’homologation ils
ont traité avec le failli, ils ont consulté l’état des créan
ciers, le concordat et l’inscription requise en exécution
de celui-ci ; ils ont mesuré sur ces pièces authentiques
les obligations de l’ancien failli, et accordé leur confiance
sur l’importance de celles-ci relativement aux ressources
et à la valeur des immeubles. Serait-il juste que la pro
duction tardive de plusieurs créanciers coupables de la
plus insigne négligence v in t, malgré leur prévoyance,
bouleverser leurs calculs et leur enlever le gage sur le
quel ils ont dû compter ?
Désastreux pour le failli l Car si l’hypothèse que nous
indiquons pouvait se réaliser, si les créanciers inconnus
se présentant devaient évincer les tiers, ou si les syndics
en inscrivant étaient obligés de faire des réserves en leur
faveur, quelle serait la position du failli ? Les capitalis
tes effrayés d’une obligation dont ils ne pourraient ap
précier ni l’étendue ni la portée, refuseraient de traiter
avec lui. Aucun ne consentirait à courir la chance d’une
perte plus ou moins importante. Le failli ne pourrait
donc ni vendre ses immeubles, ni emprunter; il verrait
la confiance s’éloigner de lu i, ses ressources immobili
sées entre ses mains, et cela précisément au moment où
il a un besoin de crédit d’autant plus pressant qu’il a à
satisfaire aux obligations que le concordat lui impose.
Il serait donc condamné inévitablement à une nouvelle
ruine et menacé d’une seconde faillite.
N’est-il pas plùs rationnel et plus juste de faire sup
porter les conséquences d’une négligence inconcevable
à ceux qui ont à se la reprocher ? Les créanciers qui,
\
�322
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
malgré la publicité acquise à la faillite, n ’ont pas utilisé
les délais que la loi accorde depuis l’ouverture jusqu’au
concordat pour décéler au moins leur existence, ne mé
ritent aucune faveur. La loi ne doit pas les supposer et
ne les suppose pas créanciers jusqu’au moment où il
leur plaira d’établir leurs droits; et de même que s’ils
se présentaient après la distribution entière ils auraient
perdu tout titre à la répartition de l’actif, de même, lors
qu’ils ne viennent qu’après l’homologation du concordat,
ils ne peuvent prétendre aux garanties accordées aux cré
anciers qui plus diligents se sont conformés aux pres
criptions de la loi. Leur qualité de créancier n’existe que
lorsqu’ils l ’ont fait reconnaître , et c’est à cet instant et
sans rétroactivité sur les faits accomplis qu’ils peuvent
exiger une garantie.
Or , de deux choses l’une : ou ils se contenteront de
la simple reconnaissance du failli, et ils n’auront qu’un
titre chirographaire ; ou ils exigeront un titre hypothé
caire, soit conventionnel soit judiciaire, et cette hypo
thèque n’aura d’effets en leur faveur que du jour de son
inscription. Ainsi le voulaient la faveur due au concor
dat et le respect des droits acquis pendant qu’ils demeu
reront dans l’inaction et le silence.
605.
— Ce que nous disons de l’hypothèque s’ap
plique au cautionnement. Les cautions données par le
failli seraient tenues envers tous les créanciers vérifiés,
admis ou contestés ; elles ne le seraient envers les retar
dataires inconnus que jusqu’à concurrence de l’engage
ment spécial qu’elles seraient dans le cas de contracter
en leur faveur.
�art.
516, 517.
223
606. — Les créanciers contestés ont hypothèque
pour l’intégralité du dividende acquis sur les sommes
dont ils demeureront définitivement créanciers. En sup
posant dont que le bordereau des syndics ne leur attri
buât qu’une somme moindre , ils sont autorisés à faire
rectifier l’hypothèque après le jugement de la contesta
tion. L’hypothèque ainsi rectifiée remonte, comme celle
de tous les autres créanciers , à l’inscription conserva
toire prescrite par l’article 490.
6 0 7 . — Le jugement d’homologation produit de
plein droit hypothèque, lors même que le concordat ne
s’en serait pas occupé. Les syndics devraient donc requé
rir l’inscription que les créanciers individuellement pour
raient prendre, faute par eux de l’avoir fait ; mais cette
hypothèque n’étant pas d’ordre public, la disposition de
l’article 517 ne sort à effet que s’il n’y a pas été dérogé
par le concordat.
Or, cette dérogation peut être, dans certains cas, d’une
grande importance pour le failli, si, par exemple, il était
dans la nécessité d’emprunter pour le paiement du di
vidende. Cet emprunt sera d’autant plus facile que ses
biens seront moins grevés. Il peut donc proposer aux
créanciers de s’abstenir de toute inscription.
L’acceptation de cette proposition par la majorité en
nombre et en sommes la rend obligatoire pour tous. En
conséquence, les opposants au concordat ne seraient pas
fondés à requérir l’inscription.
Le jugement d ’homologation produit, contre les cau
tions, le même effet que contre le failli, c’est-à-dire que
le cautionnement est présumé immobilier, et qu’en con-
�224
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
séquence les créanciers sont autorisés à inscrire contre
ceux qui l’ont donné, à moins de stipulations contraires.
11 convient donc à ceux qui ne voudraient consentir
qu’un cautionnement mobilier ou immobilier avec dis
pense d’hypothèque de s’en expliquer dans le concordat,
pour ne pas se trouver engagés autrement et au delà de
leurs intentions.
A rt. 5 1 8 .
A ucune action en n u llit é d u c o n c o rd a t n e sera
re ce v a b le , a p r è s l ’h o m o lo g a tio n , qu e p o u r cause
d e d o l d éc o u v ert d e p u is cette h o m o lo g a tio n , et ré
su lta n t, so it d e la d is s im u la tio n d e l ’actif, soit de
l ’e x a g é ra tio n d u p a ssif.
SOMMAIRE
608.
609.
610.
611.
612.
618.
614.
615.
Celle disposition consacre une exception à l ’article 512,
pour le cas de dol ou de fraude. Débat qu’elle a soulevé.
Molifs de son adoption.
Pour que le concordai puisse être attaqué après l ’homolo
gation , il faut • 1° que la découverte du dol soit posté
rieure au jugement ;
2* Qu’il consiste soit dans la dissimulation de l’actif, soit
dans l ’exagération du passif.
Aucunes fins de non recevoir ne sauraient résulter de l ’ab
sence de poursuites criminelles, ou de l ’exécution du
concordat.
Formes delà demande, poursuite,intervention des créanciers
Moyens de constater la pertinence des faits cotés.
Toute poursuite pour banqueroute simple de la part des
créanciers est impossible après l ’homologation : mais ils
peuvent la dénoncer s’ils viennent à la découvrir.
Durée de l ’action autorisée par l ’article 518.
608. — La seule voie laissée par la loi pour alla-
�ART. 518.
quer le concordat est celle de l’opposition dans la hui
taine de la signature. Nous avons déjà dit que l’échéance
de ce délai sans réclamations rendait toutes demandes
ultérieures non recevables.
Cela s’entendait cependant de celles qui auraient pour
bases des moyens nés et connus avant l’homologation.
Le silence, par rapport à ceux-ci, équivaut à la renon
ciation à s’en prévaloir. Les créanciers qui s’abstiennent
sciemment de contester le concordat à l’époque où la loi
leur permet de le faire sont censés y acquiescer, et rien
de ce qui a précédé cet acquiescement ne peut les en
relever.
Mais le dol, la fraude, même lorsque l’un ou l’autre a
précédé le concordat, peut n ’être découvert qu’après le
jugement d’homologation. Cette hypothèse se réalisant,
les réclamations auxquelles elle aurait donné lieu ne
pouvaient être considérées comme éteintes par l'accepta
tion du concordat faite avant la découverte du vice qui
l’entachait. Convenait-il donc d’autoriser une exception
au principe absolu que nous rappelions toul-à l’heure ?
Le Code de commerce ne s’était pas occupé de cette
hypothèse. On avait conclu de son silence qu’il fallait
s’en référer au droit commun en matière de contrats.
On décidait, en conséquence, que le consentement n’é
tant valable que s’il n’a été dégagé de toute erreur , et
pur de dol et de fraude, la découverte postérieure de
l’un de ces vices permettait de poursuivre la rétractation
du concordat, même après son homologation.
Dans la discussion de la loi actuelle on faisait remar
quer que celte faculté indéfinie n’était pas sans inconn — 15
�226
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
vénients. Il importe, disait-on, au failli et aux tiers qui
contracteront avec lui, que sa position soit stable et cer
taine. Or, la menace incessante d’une action en nullité
peut compromettre les relations qu’il voudra établir. La
chance qui résulterait de sa réalisation éloignera de lui
la confiance, rendra son état précaire et incertain, jusqu’à
ce que par le bénéfice du temps toute crainte ait disparu.
Ces considérations avaient déterminé la chambre des
députés, dans la session de 1835, à proscrire toute atta
que contre le concordat après son homologation , alors
même qu’elle serait fondée sur la fraude ultérieurement
découverte. Mais la chambre des pairs fut d’un avis con
traire. « En droit, disait M. Tripier son rapporteur, le
dol, l’erreur ou la fraude vicient le contrat, lorsqu’il est
évident que, sans les manœuvres employées par l’une des
parties, l’autre n ’aurait pas contracté. En fait, l’application
de ce principe peut être faite sans danger au concordat. »
Mais de l’avis de la chambre des pairs elle-même,
cette application devait être restreinte à des cas graves et
limités. Il était juste de donner un moyen de se défen
dre contre la fraude ; mais il fallait bien se garder de
fournir un prétexte à des persécutions qui, sans motifs
sérieux et dans un intérêt facilement appréciable , met
traient sans cesse en question l’état du failli.
De là, la disposition de l’article 510 qui crée le prin
cipe et en limite l’application.
609.
— Le concordat pourra être attaqué, même
après l’homologation , dans le cas de dol ou de fraude
seulement et aux conditions suivantes >
1° Si le dol et la fraude ont été découverts après le
�ART. 518.
227
jugement d’homologation. Si cette découverte était anté
rieure à ce jugement, elle remonterait soit à l’époque de
la délibération, soit au temps qui s’est écoulé entre celleci et le jugement d’homologation. Dans le premier cas
elle pouvait motiver un refus d’acceptation ; dans le se
cond, une opposition. On ne fait donc aucun grief aux
créanciers en leur déniant la faculté d’attaquer par une
voie extraordinaire , un acte qu’ils ont ou sciemment
consenti ou refusé d’attaquer par la voie ordinaire.
610.
— 2° Si le dol consiste soit dans la dissimu
lation de l’actif, soit dans l’exagération du passif. Il est
évident, dans l’un et dans l’autre de ces cas, que le con
cordat n’aurait pas été adopté sans les manœuvres em
ployées. Si les créanciers eussent connu l’importance ré
elle de l’actif, ils ne se seraient pas contentés d’un divi
dende qui n’était pas le juste équivalent de ce que le failli
pouvait leur payer. D’autre part, si des créanciers sup
posés ont concouru au vote , la majorité a été faussée
dans son principe ; il n ’en existe donc aucune, et il est
juste que ce qui a été ainsi arrêté ne puisse produire au
cun effet.
D’ailleurs , chacun de ces deux faits est constitutif de
la banqueroute frauduleuse. Son existence peut donner
lieu à une poursuite criminelle que le ministère public
pourrait intenter d’office, même après l’homologation du
concordatOr, comme le disait M. Tripier à la cham
bre des p a irs, condamner les créanciers à la nécessité
de poursuivre en banqueroute frauduleuse par la voie
criminelle , ou de subir la perle que leur imposera le
1Articles 820, 821.
�228
DES FAILLITES eT BANQUEROUTES
concordat, serait violer à leur égard les règles du droit
et de l’équité, ainsi que l’intérêt du commerce.
Tout crime, en effet, donne nécessairement lieu à deux
actions : Tune publique dans l’intérêt social, l’autre pri
vée en faveur de celui qui a éprouvé un préjudice. Or,
en matière de banqueroute frauduleuse , comme après
l’homologation du concordat, l’action civile a essentiel
lement pour objet la nullité de cet acte, et comme cette
action, en thèse ordinaire , est indépendante de l’action
publique, la partie lésée doit pouvoir demander directe
ment aux tribunaux civils la réparation du tort qu’elle
a éprouvé. La disposition de l’article 518 n’étant que la
consécration de ce principe est parfaitement conforme
au droit commun.
Ainsi, dans les cas que cet article prévoit les créan
ciers peuvent déférer la connaissance de la fraude au
ministère public, attendre le résultat de la p#ursuite, y
intervenir même en se portant partie civile ; ou bien se
pourvoir contre le failli en nullité du concordat, et pro
voquer ainsi, des tribunaux ordinaires, un résultat iden
tique à celui qu’aurait la poursuite criminelle.
611.
— Cette demande ne saurait être repoussée
par aucunes fins de non recevoir tirées soit de l’absence
de poursuites criminelles, soit de ce que, antérieurement
à l’action, le concordat aurait été exécuté en tout ou en
partie. Il est évident que cette exécution n’a pu être,
comme le concordat lui-même, que la conséquence de
l’ignorance des créanciers, relativement à la fraude im
putée au failli. De p lu s, dans l’espèce , la nullité étant
d’ordre public, elle n’a pu faire tacitement ni expressé
ment l’objet d’une transaction valable.
�612.
— Par analogie avec la disposition de l’article
512, on doit décider que la demande en nullité formée
après l’homologation du concordat doit èire motivée et
énoncer les faits dont on veut faire résulter la fraude.
Cette demande est uniquement dirigée contre le failli. 4
cette époque , en effet, il n’existe plus de syndics, plus
de masse. Aussi, contrairement à ce qui a lieu pour l’op
position , chaque créancier a le droit d’intervenir dans
l’instance et de la poursuivre en son nom en cas de dé
sistement du demandeur originaire.
615. — La pertinence des faits est facile à vérifier,
en se pénétrant bien de l’esprit de l’article 518. On
doit, en les admettant comme prouvés , rechercher s’ils
sont de nature à annuler forcément le concordat. Que
s i, quelques graves qu’ils puissent être , leur existence
n’est pas inconciliable avec celle du traité , la réclama
tion doit être repoussée sans même qu’il soit nécessaire
d’ordonner la preuve des faits allégués.
Or, il n’y a qu’une seule hypothèse dans laquelle la
loi proscrit absolument le concordat, c’est celle de la
banqueroute frauduleuse , et nous avons vu que c’est à
cette hypothèse seule que se réfère l’article 518.
614. — Il suit de là, que si les faits découverts après
l’homologation ne constituaient qu’une banqueroute sim
ple, toute demande en nullité du concordat serait inad
missible. Il faut, conséquemment, admettre que les cré
anciers ne peuvent, par défaut d’intérêt. poursuivre le
failli en banqueroute simple. En effet, cette poursuite
serait pour eux sans avantage possible. Elle ne ferait pas
annuler le concordat dont l’existence est aujourd’hui
�230
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
possible même après condamnation. Ils ne pourraient
obtenir de dommages-intérêts, car leurs rapports pécu
niaires sont souverainement réglés par ses dispositions.
Elle serait, dès lors, non recevable.
Mais cette fin de non recevoir ne va pas jusqu’à leur
interdire le droit de porter plainte. Lp ministère public
peut toujours poursuivre; son action n’est éteinte que
par la prescription du délit. Elle peut être exercée d’of
fice, même après l’homologation. Rien ne s’oppose à ce
qu’elle soit provoquée par les créanciers.
6 1 5 . — L’article 518 ne limitant pas la durée de
l’action en nullité qu’il autorise, c’est par l’article 1304
du Code civil que l’on devra régler son exercice. La
prescription ne sera donc acquise qu’après dix a n s , à
partir de la découverte du dol.
A rt. 519.
A u ssitôt a p r e s qu e le ju g e m e n t d'hom ologation
sci'ii p asse cm fa rc e de eBiosc ju g é e , le s fonctions
d es sy n d ics cesseron t.
H.c» sy n d ics r e n d r o n t a u f a illi le u r com pte défi
n itif, en p ré se n c e d u ju g e -c o m m is s a ire ; ce compte
s e r a d éb a ttu et a rrê te , aïs re m e t tro n t a u fa illi l’u
n iv e r s a lité de ses b ie n s , liv r e s , p a p ie rs et effets.
Le fa illi en d o n n e ra d éch arge.
I l s e ra d re s s é d u fo u t p ro c c s -v c rb o ! p a r le jugec o m m issa ire , d o n t les fo n ctio n s cesseron t.
En cas d e con testation , le t r i b u n a l de commerce
p ro n o n c e ra .
SOMMAIRE
616.
L’homologation du concordat rétablit le failli dans la pléni
tude de ses droits, sauf les restrictions admises par le
concordat.
�ART.
519.
S31
617. Les restrictions apportées à la capacité du failli sont obli
gatoires pour les tiers qui ont contracté avec lui.
618. Elles cessent de plein droit dès que le dividende promis est
intégralement payé.
619. Par dérogation à l ’article 525 du Code de commerce, le failli
n ’est remis à la tête de ses affaires que lorsque le juge
ment d’homologation a acquis l ’autorité de la chose ju
gée. Quand cette autorité est-elle acquise ?
620. A cette époque les fonctions des syndics empirent de plein
droit.
621. La remise au failli de l’universalité de ses.biens, livres, pa
piers et effets doit être précédée de la reddition du compte.
622. Cette reddition a lieu en présence du juge-commissaire qui
dresse procès-verbal et cesse ses fonctions.
623. Si le compte est adm is, décharge est donnée aux syndics
dans le procès-verbal , et la remise des écritures a lieu
instantanément.
624. En cas de contestation , le juge doit renvoyer les parties à
se pourvoir en la forme ordinaire par devant le tribunal
de commerce.
625. Le juge-commissaire doit-il nécessairement concourir au
jugement?
626. Les syndics ne peuvent être contraints à se dessaisir des
livres et papiers de la faillite avant l’apurement de leur
compte, mais ils sont obligés de les laisser consulter au
failli.
627. Les créanciers peuvent nommer un gérant chargé de rece» voir les comptes. La décharge de ce gérant libère défini
tivement les syndics.
628. Les syndics sont tenus solidairement et par corps au paie
ment du reliquat de leur compte.
629. Les syndics peuvent porter en dépense les honoraires qui
leur sont dus, sauf au tribunal à les déterminer s’il y a
contestation.
630. Par la cessation du dessaisissement le failli rentre dans l'ex
ercice de ses actions actives et passives. Conséquences
quant aux jugements qui ont ordonné le rapport des
sommes payées en temps suspect,
�232
DUS FAILLITES ET BANQUEROUTES
6 ! 6 . — Un autre effet du concordat est de rétablir
le failli dans la plénitude de ses droits et actions. L’in
capacité qui pesait sur lui par l’effet de la faillite dispa
rait et s’efface. L’administration de ses biens lui est ren
due, ainsi que la faculté d’en disposer.
Toutefois, cet effet peut être modifié par le concordat.
Les créanciers peuvent y stipuler telles précautions qu’ils
croient utiles contre l’administration du failli. Ils peu
vent désigner plusieurs d’entre eux pour surveiller cette
administration, liquider les biens et assurer la réparti
tion de leur prix conformément au concordat. Us peu
vent même convenir que le failli ne pourra agir et dis
poser de ses biens qu’avec l’assistance et le consente
ment des créanciers nommés à cet effet.
617.
— Ces restrictions sont obligatoires et valables.
Leur effet doit être appliqué non-seulement au failli,mais
encore aux tiers, alors même qu’ils soutiendraient avoir
agi de bonne'foi. Aussi a-t-il été jugé , dans le dernier
cas , qu’un créancier postérieur à la faillite ne peut se
prévaloir, au préjudice de la masse, de la cession qui lui
aurait été faite par le failli concordataire d’une créance
appartenant à son actif, nonobstant que ce créancier allè
gue avoir contracté de bonne foi et dans l’ignorance de
la faillite 1.
La doctrine consacrée par cet arrêt nous paraît ration
nelle et légale. Elle repose sur la maxime que chacun doit
vérifier la position de celui avec lequel il contracte, et
dans le cas d’une faillite antérieure exiger la représen
tation de l’acte qui a rendu la capacité au faillis.
' Bruxelles, 21 juin 1820.
2 D. A,, t. 8, p 161.
�ART. 519.
233
618. — Les restrictions stipulées dans le concordat
ne sont exécutoires qu’autant que le dividende convenu
n’est pas encore intégralement payé. Elles cessent de
plein droit et sans stipulations expresses dès que ce paie
ment est effectué. Les créanciers étant désormais sans
droits légaux contre le failli n’ont plus à s’immiscer dans
l’administration de ses affaires, qui lui demeure exclu
sivement libre et personnelle.
619. — Le point de départ de la restitution au failli
de ses droits et actions avait été fixé par le Code de com
merce au moment de la signification aux syndics du ju
gement d’homologation. Le législateur avait donc accordé
à ce jugement une exécution provisoire qui pouvait a mener des complications étranges, si attaqué dans les
délais ce jugement venait à être rétracté.
Cette disposition a été modifiée par notre article. On
a avec raison pensé que rien n’était terminé tant que
tout pouvait être remis en question. En conséquence,la
faillite n’est définitivement close que lorsque le jugement
qui a homologué le concordat a acquis l’autorité de la
chose jugée. Cet effet est produit par l’expiration de
quinze jours de la signification aux syndics, sans qu’au
cun appel ait été formé l.
620. — Avec cette expiration cessent de plein droit
les fonctions des syndics. Le failli est remis à la tête de
ses affaires. L’universalité de ses biens, livres, papiers
et effets lui est rendue. La faillite est effacée sinon pour
le passé, au moins pour l’avenir, à la charge par le failli
d’exécuter le concordat.
1 Voy.
in fr a
art. 582.
�234
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
6 2 1 . — La remise effective des biens, livres et pa
piers doit être précédée du compte que les syndics doi
vent repdre de leur gestion. Ce compte est rendu au failli,
et cet effet du concordat est remarquable. Les syndics
jusque-là mandataires des créanciers sont devenus ceux
du failli. Ce changement de caractère produit par le con
cordat, ne doit point être perdu de vue. Il enseigne aux
syndics à ménager dans l’exercice de leurs fonctions l’in
térêt du failli, envers lequel ils peuvent en définitive voir
leur responsabilité gravement compromise, dans le cas
contraire.
6 2 2 . — Le compte est rendu et débattu en présence
du juge-commissaire. Cette prescription a un double
motif. Acteur dans toutes les opérations de la faillite, ce
magistrat est à même d’apprécier la sincérité des articles
accusés par les syndics. La nécessité de braver ce con
trôle ést seule capable d’empêcher la supposition de dé
penses non réalisées, et l’exagération dans celles qui ont
été réellement faites. De plus, l’influence attachée à son
caractère préviendra souvent des difficultés que le failli
pourrait soulever sur les doutes qu’il s’est faits , et que
le témoignage impartial du juge sera de nature à dissi
per complètement.
Mais , dans cette circonstance le pouvoir du juge est
tout moral. La faillite est finie, et avec elle est expirée la
mission que ce magistrat avait reçue de la loi. Il n’a donc
plus d’autorité réelle sur les parties. Si ses fonctions ont
survécu un instant à celles des syndics, c’est qu’il doit
rédiger le procès-verbal de la reddition des comptes qui
clôture définitivement la faillite et termine son mandat.
�ART. 519.
235
G23. — Le compte présenté par les syndics est ad
mis ou rejeté. Dans la première hypothèse tout est dit.
La remise des biens, titres, papiers, effets se réalise im
médiatement. Le failli en donne décharge dans le pro
cès-verbal du juge, et les syndics sont à tout jamais libé
rés des effets de leur administration.
624. — Si le compte n’est pas adm is, le procèsverbal mentionne les contestations, et délaisse les parties
à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront. Le juge-commis
saire qui ne peut plus prononcer lui-même, n’a pas non
plus la faculté de renvoyer les parties à l’audience. Il ne
s’agit plus que d’un procès ordinaire qui doit être ins
truit et jugé dans les formes prescrites par le Code de
procédure.
Mais la décision dû litige appartient au tribunal de
commerce. C’est donc à la partie la plus diligente à in
vestir sa juridiction et à porter la cause à son audience.
625. — Le juge-commissaire doit-il concourir for
cément au jugement ? En fa it, son concours peut être
utile pour éclairer la religion du tribunal sur le plus ou
moins d’exactitude de certains articles du compte. Mais
en droit, ce concours n’est pas indispensable. En effet, à
l’époque de ce jugement il n’y a plus de faillite, plus de
juge-commissaire. Les fonctions qu’il exerçait n’ont pas
survécu au procès-verbal qu’il a dû rédiger. Son ab
sence, par conséquent, lors du jugement qui prononce
sur ces contestations, ne nuirait en rien à sa validité.
626. — Le failli qui contesterait le compte pourraitil exiger la remise immédiate des livres et papiers de la
faillite ? Nous ne le pensons pas , du moins en ce qui
�236
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
concerne ceux relatifs à la gestion des syndics. On ne
peut contraindre ceux-ci à livrer les documents qui doi
vent justifier l’existence et l’exactitude de leurs opéra
tions avant l’apurement de leur compte. Quelque néces
saires qu’ils puissent être au failli , leur détention par
les syndics se légitime par l’intérêt que ces derniers ont
à leur possession. Cet intérêt se continue jusqu’à l’accep
tation ou au réglement du compte. Dès cet instant, la
résistance des syndics serait injuste et mal fondée, et le
failli pourrait non-seulement les contraindre à la restitu
tion, mais encore obtenir contre eux des dommages-i ntérêts.
Dans l’intervalle du jugement d’homologation à l’a
purement du compte, quelque long qu’il soit et malgré
que les syndics fussent restés nantis des livres et papiers
de la faillite, tout acte d’administration qu’ils se permet
traient de faire serait frappé de nullité radicale. Leur
mandat cesse de plein droit dès que l’homologation est
devenue définitive. Le failli seul est capable d’adminis
trer. Il faut donc concilier le droit de celui-ci avec la
faculté que nous venons de reconnaître aux syndics, de
retenir les livres et papiers jusqu’à l’apurement de leur
compte. En conséquence, les syndics seraient obligés de
faciliter la gestion du failli, et de lui permettre de con
sulter chez eux et en leur présence les documents dont
la communication serait nécessaire.
627.
— La disposition de l’article 519 , en ce qui
concerne la reddition du compte au failli n’est pas ab
solue. Il peut y être dérogé par le concordat. La stipu
lation dans celui-ci que les comptes seront rendus à un
commissaire-gérant nommé par les créanciers est vala-
�ART.
519.
237
ble. Dans cette hypothèse , la décharge donnée par ce
commissaire met les syndics à l’abri de toutes réclama
tions ultérieures, quant à leur administration soit de la
part du gérant, soit de la part des créanciers 1, et à plus
forte raison de la part du failli, qui n ’ayant jamais re
pris l’administration est demeuré étranger aux résultats
de celle des syndics.
628.
— Les syndics sont tenus solidairement et par
corps au paiement du reliquat de leur compte soit envers
le failli, soit envers les créanciers dans le cas d’une gé
rance. En thèse ordinaire, il est difficile d’admettre l’ex
istence d’un reliquat quelconque à la charge des syndics
qui n’ont à payer que les frais de la faillite, auxquels
ils doivent satisfaire au moyen des rentrées. Mais plu
sieurs causes peuvent amener ce résultat. Les syndics
peuvent être déclarés responsables des intérêts des som
mes qu’ils n’auront pas déposées à la caisse des consi
gnations dans les trois jours de leur réception ; des re
couvrements qu’ils auront négligé de faire et qui ne pour
ront plus l’être ; enfin, ils peuvent avoir à rendre compte
d’une exagération constatée dans les dépenses. Quelles
qu’en soient d’ailleurs les causes.il suffit qu’ils soient dé
biteurs pour que la restitution des sommes qui forment
le reliquat soit solidairement prononcée avec contrainte
par corps, sauf les peines prononcées par la loi contre
les malversations dont ils se seraient rendus coupables.
629.
— Les syndics doivent porter dans le compte,
à la charge de l’oyant, les honoraires que l’article 462
leur alloue. La disposition de cet article qui charge le
1 Rouen, 16 février 1829 ; — D. P., 31, 2, 20.
�238
•DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tribunal de commerce d’en déterminer le chiffre ne fait
pas obstacle à ce qu’en cas de concordat les parties s’en
tendent amiablement. Si le chiffre porté par les syndics
est contesté, le tribunal prononce.
6 5 0 . — Enfin, la cessation du dessaisissement ré
sultant de l’homologation du concordat rend au failli
l’exercice de ses actions actives et passives. C’est donc
contre lui personnellement que doivent être intentées on
continuées les poursuites qu’il y aurait lieu de diriger,
ou qui auraient déjà été commencées contre les syndics.
Les actious intentées par les syndics ne peuvent plus
être suivies que pardéfailli. Seul, il profite des jugements
obtenus par les syndics et subit les conséquences de ceux
intervenus contre eux. fl résulte de là qu’il peut seul se
pourvoir contre les uns et défendre sur l’appel des au
tres. La signification des premiers aux syndics ne ferait
courir les délais de l’appel que si elle avait été réalisée
avant le jugement d’homologation. Toute signification
ultérieure ne serait valable qu’autant qu’elle serait faite
à la personne ou au domicile de l’ancien failli.
La règle que les jugements obtenus par les syndics
profitent au failli concordataire reçoit-elle exception
dans l’hypothèse de jugements ordonnant le rapport de
paiements faits en temps suspect ?
On sait que la nullité édictée par l’article 446 n’est
qu’en faveur de la masse. D’où Ton a conclu qu’elle ne
pouvait être invoquée par tout autre que le représentant
de celle-ci, par le failli notamment.
Cette conclusion nous l’admettons d’une manière ab
solue dans le cas o ù , pendant le cours de la faillite , le
�art.
519.
239
syndic s’est abstenu de poursuivre , et a ainsi reconnu
en quelque sorte la légalité du paiement.
Le concordat intervenant dans ces circonstances laisse
forcément les choses en l’état où le syndic les avait pla
cées, et n’a pu conférer au failli un droit et une action
appartenant exclusivement à la masse et que celle-ci n’a
pas voulu exercer.
Comment en serait-il autrement ? Si l’indu paiement
a été intégral, celui qui l’a reçu est resté étranger à la
faillite, n ’a été appelé à aucune délibération et n’a con
tribué en rien à la formation des majorités en person
nes et en sommes voulues pour le concordat.
Si le paiement n’a été que partiel, le créancier n’aura
été admis au passif que pour le solde restant d û ^ c ’est
ce solde seul qui aura servi à calculer la majorité en
sommes ; enfin , dans les prévisions sur lesquelles le
failli a-basé le dividende qu’il a offert, il n’a pu faire
entrer même éventuellement ce dont il s’est dépouillé
en temps plus ou moins suspect. A quel litre donc,
dans quel intérêt lui permettrait-on de revenir contre
son propre fait, et de faire annuler un acte respecté par
ceux dont il blessait ou pouvait blesser l’intérêt?
Devrait-il en être de même lorsque sur la poursuite
des syndics un jugement a ordonné le rapport des som
mes payées dans les conditions de l’article 446 ? Prohibera-t-on au failli concordataire de poursuivre l’exé
cution de ce jugement s’il est définitif, le maintien et la
consécration s’il est frappé d’appel ?
Un jugement du tribunal de commerce de Marseille
avait résolu négativement cette question ; il se décidait
�240
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
entre autres motifs sur cette considération : « Que le
» concordat est un véritable contrat formé entre le failli
» et ses créanciers ; que si celui-ci est remis en posses» sion de l’universalité de ses biens , c’est à la charge
» de payer à ses créanciers le dividende fixé ; que là» cher de remettre en question les règlements de compte
» définitivement arrêtés dans la liquidation de la fail» lite , c’est s’efforcer de diminuer les ressources sur
» lesquelles le failli a dû fonder ses calculs en accep» tant les charges du concordat ; et c’est venir , par là
» même , lui enlever le moyen de remplir ses obliga» lions ; que même sous ce point de vue c’est encore
» au profit de la masse que le failli, réintégré par le
» concordat dans l’exercice de ses droits et actions,
» poursuit la rentrée des créances définitivement arrê» tées vis-à-vis de cette masse, puisque c’est au moyen
» de ces recouvrements qu’il obtiendra les fonds né» cessaires pour s’acquitter envers elle. »
Mais sur l’appel dont il avait été frappé, ce jugement
fut infirmé par la cour d’Aix le 20 décembre 4864 , et
le pourvoi dirigé contre son arrêt était rejeté le 30 juil
let 4866. Ces deux arrêts s’étayent sur ce que : « Le
» jugement ordonnant le rapport n’avait été rendu
» qu’au profit de la masse , à la requête du syndic ne
» représentant dans cette action que cette masse, et par
» application de l’article 446 n’ouvrant le droit de de» mander l’annulation du paiement que relativement à
» la masse; que ce jugement n’avait été ni exécuté nimê» me signifié au créancier avant le concordat intervenu;
» que dès lors il n’y avait eu ni versement réalisé ni
�ART.
519.
241
» même droit définitivement acquis en faveur de la
» masse ; que le failli remis par le concordat à la tête
» de l’administration de ses biens n’a pas qualité pour
» l’obtenir, puisqu’il ne représente pas la masse et que
» le concordat n’a pas pour effet de le subroger aux
» droits et actions de celle-ci.1 »
Que le failli concordataire n’ait aucune initiative quant
à l’action en nullité des paiements opérés en temps sus
pect ; que relativement à cette action il ne soit ni le re
présentant de la masse ni son subrogé, il ne s’ensuit pas
nécessairement qu’il ne soit pas appelé à recueillir le
bénéfice des diligences du syndic à ce sujet. Supposez
que le jugement qui a ordonné le rapport ait été exé
cuté , est-ce qu’après le concordat la partie condamnée
pourrait revenir contre cette exécution et se faire resti
tuer les sommes rapportées ? Personne n’oserait le sou
tenir. En effet, ces sommes constituent en tout ou en
partie l’actif réalisé par le syndic , et que le concordat
fait rentrer aux mains du failli ; sur l’importance du
quel celui-ci a calculé le dividende au paiement duquel
cet actif est naturellement affecté. Dès lors , l’obliger à
le restituer ce serait peut-être le mettre dans l’impossi
bilité de faire face à ce paiement et ramener l’état de
faillite, au grand détriment des créanciers.
Or, n’est-ce pas cette chance cà laquelle on s’expose
dans le système de la cour d’Aix et de la cour de cassa
tion ? Est-ce que le failli n ’aura pas pris en sérieuse
considération le jugement ordonnant le rapport des
1J.duP, 4866, p. 4064.
h
— /je
�242
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sommes payées en temps suspect , dans la détermina
tion du dividende qu’il offre à ses créanciers ? Est-ce
que de leur côté ceux-ci auraient accepté un dividende
inférieur à ce que promettait l’actif qu’on allait remettre
au failli, et dans lequel étaient comprises les sommes à
rapporter ?
Que fait-on donc en prohibant au failli concordataire
de poursuivre soit l’exécution soit le maintien des juge
ments ordonnant ce rapport, si ce n’est renverser et dé
truire les éléments de l’accord intervenu entre celui-ci
et la masse de ses créanciers, et blesser gravement nonseulement l’intérêt du failli, mais encore celui de la
masse elle-même.
Le concordat, en effet, ne l’a pas désintéressée. Elle
ne le sera que par le paiement du dividende. Donc, tout
ce qui tend à compromettre ce paiement est dans le
cas de lui occasionner un préjudice réel et sérieux. Or,
ce paiement ne sera-t-il pas compromis, si le failli con
cordataire ne peut ni exécuter ni faire maintenir les ju
gements qui ont ordonné le rapport, s’il est ainsi privé
des plus claires ressources sur lesquelles il comptait pour
y faire face.
Le système des arrêts que nous examinons peut donc
avoir pour la masse des conséquences désastreuses non
pas seulement à ce point de v u e , mais encore à celui
de la formation et de l’acceptation du concordat. Dans
une dissertation dont il fait suivre l’arrêt de la cour de
cassation , M. Alauzet lui reproche d’offrir une prime
d’encouragement à la fraude. « En effet, — dit cet ho» norable jurisconsulte, — que risque un créancier en
�ART.
519.
243
cherchant à obtenir, de son débiteur aux abois, une
position privilégié, puisqu’il est certain que, dans la
plus fâcheuse hypothèse, il conservera sa créance in tégrale à l’encontre de son débiteur ? S’il est parvenu
» à se faire payer sa créance contrairement aux pres» criplions des articles 446 et 447,. après le concordat
» il est bien plus favorisé encore et n’a plus rien à
» craindre, ce qu’il a louché lui est définitivement ac» quis-. Cependant cet heureux créancier a librement
» voté pour le concordat qu’il a un intérêt si grand à
» faire accorder , et il n’a pas à redouter l’application
» de l’article 597 qui punit le créancier qui aura fait
» un traité duquel résulterait en sa faveur un avantage
» à la charge de l’actif du failli ; l’article 59S qui dé» clare nulles ces conventions même à l’égard du failli
f> ne pourra pas être, invoqué ; ainsi s’évanouiront tou» tes les garanties si laborieusement établies par la loi,
» et, le failli pourrait à son gré favoriser ceu!x de ses
» créanciers qu’il lui plairait de choisir , leur 'assurer
» une position meilleure et autre que celle qui aurait
» dû être la leur, et acheter ainsi leur adhésion au con» cordât qui pourrait seul leur garantir les avantages
» qui leur ont été promis. »
»
»
»
»
Ce résultat serait d’autant plus regrettable que la pré
sence et le concours du créancier tenu au rapport au
ront peut-être faussé la délibération et fait admettre un
concordat qui, en fait, aurait dû être rejeté.
En effet, le premier effet du jugement qui annule les
paiements opérés en temps suspect sera de faire admet
tre le créancier au passif de la faillite, pour l’intégralité
I
�244
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
de ce qui lui est dû. Il contribuera donc de sa personne
à former la majorité en nombre, et c’est sur sa créance
totale qu’on calculera la majorité en sommes.
Or, supposez que le concordat n’ait obtenu que tout
juste la double majorité requise , si son adoption libère
le créancier de l’obligation de rapporter que lui a fait
le jugement, il en résultera qu’au moment du vote'il
n’était plus créancier ou ne l’était que d’une somme
moindre suivant que l’indu paiement aura été total ou
partiel, et dans l’un et l’autre cas le concordat n’aura *
pàs réuni la double majorité requise. Cependant tout le
monde devra en subir et en subira les effets, excepté ce
lui-là seul qui lui a donné une apparence de légalité.
Qu’on ne dise pas que dans sa position le créancier
s’abstiendra de voter. Comme l’observe M. Alauzet, il a
un intérêt trop évident à l’admission du concordat pour
qu’il ne fasse pas tout ce qu’il est possible de faire
pour la déterminer. Pourquoi d’ailleurs ne voterait-il
p a s , alors qu’il le peut sans aucun risque d’empirer la
position que lui fait le iugement d’annulation, qu’il a
tout à gagner et rien à perdre.
Nous accusera-t-on de nous contredire, puisque nous
reconnaissons au failli le droit de faire exécuter le juge
ment ordonnant le rapport des sommes induement
payées, tandis que nous venons de dire que l’hypothè
que annulée en faveur de la masse ne cesse pas de sub
sister contre le failli après le concordat.
Mais nous ferons remarquer que nous ne l’admettons
ainsi, que sauf le droit de préférence acquis à la masse
jusqu’à paiement intégral du dividende. Celle-ci est
�*
ART.
519.
245
donc sans intérêt à la validité ultérieure de l’hypothè
que qui ne peut, dans aucun cas devenir un obstacle au
paiement de ce dividende. \
En est-il de même du droit de retenir et de s’appro
prier les sommes dont le syndic a obtenu et fait pro
noncer le rapport à la masse ? Non , évidemment, car
ainsi que l’établissait le tribunal de commerce de Mar
seille , cette rétention en privant le failli concordataire
des ressources sur lesquelles il avait compté peut lui
enlever les moyens de remplir les obligations qu’il s’est
imposées , en basant sur ces ressourcés le taux du di
vidende.
Cette différence dans les conséquences justifie et légi
time celle que nous admettons dans les résultats de l’an
nulation de l’hypothèque et de celle de paiements, et
nous absout du reproche de contradiction.
Dans ses termes l’article 446 n’a rien qui repousse
le système que nous admettons. Il était naturel et inévi
table qu’un loi sur les faillites eût surtout pour objectif
l’intérêt des créanciers. Mait elle ne devait ni ne pou
vait borner la protection qu’elle leur accorde à telle ou
telle période de la faillite, Cette protection devait se con
tinuer tant que la masse était dans le cas de l’invoquer,
c’est-à-dire non - seulement pendant l’administration
des syndics provisoires, mais encore pendant l’union
jusqu’à liquidation entière et définitive ; après concor
dat, jusques après paiement intégral du dividende. On
ne saurait distinguer entre ces deux périodes. Il n’y a
qu’une différence , à savoir : que dans la première , la
masse est demeurée constituée en fait comme en droit ;
�246
DES FAILLITES ET
BANQUEROUTES
que dans la seconde subsistant seulement en droit, cette
masse ne sera reconstituée en fait que par l’annulation
du concordat.
Or, si l’exécution qui prévient et empêche cette annu
lation intéresse le failli , elle n ’intéresse pas moins la
masse, et c’est cet intérêt que l’on sert en admettant le
failli concordataire à donner suite aux jugements qui,
sur la poursuite des syndics ont ordonné le rapport des
sommes payées en temps suspect. On se trouve donc implicitiment dans les conditions de l’article 446.
Avec M. Alauzet nous pensons qu’on ne saurait com
prendre ni admettre qu’un droit exercé par la masse,
consacré par un jugem ent, se fût tout à coup évanoui
sans que nul l’ait recueilli, sans que nul pût désormais
l’invoquer et l’exercer.
Le concordat serait donc de la part de la masse la
remise de la dette , au risque de voir cette remise avoir
pour effet non-seulement de violer le principe d’égalité
absolue entre tous les créanciers, mais encore de rendre
l’exécution du concordat impossible ! or, qui oserait le
soutenir ?
Il n’y a donc pas à hésiter. Les sommes dont le rap
port a été ordonné constituent une des ressources de la
faillite , et sont tombées dans l’actif liquidé par le syn
dic. Le concordat qui replace le failli à la tête de ses
affaires fait passer en ses mains cet actif tel qu’il était
dans celles du syndic, et le substitue non-seulement aux
obligations, mais encore à tous les droits de celui-ci.
C’est (Jonc très juridiquement que la cour de Colmar
jugeait, le 10 juillet ^866 : Que le concordat obtenu
�247
ART. 519.
*
%
par le failli n ’anéantit pas nécessairement l’action en
rapport exercée par les syndics contre un créancier payé
en temps suspect, non plus que le jugement qui en a
été la suite : qu’ainsi, s’il résulte des circonstances que,
lors du concordat, ni les créanciers ni même le créan
cier auquel le rapport est demandé et qui a pris part à
cet acte sous toutes réserves, n’ont entendu que l’action
en rapport serait considérée comme anéantie, cette ac
tion doit être réputée faire partie des biens remis au
failli qui peut dès lors y donner suite , et spécialement
reprendre l’instance engagée sur l’appel du jugement
qui avait ordonné le rapport1.
La cour de Bordeaux se prononçait implicitement
dans ce sens lorsqu’elle jugeait, le 45 février 1849 :
Que lorsqu’un acte qualifié b a il, souscrit par un failli,
a été annulé , comme simulé et antidaté , par un juge
ment intervenu sur les conclusions du syndic , cet acte
ne peut être validé en appel par le motif que le failli
rétabli depuis le jugement par un concordat à la tête de
ses affaires , et continant l’instance , ne saurait exciper
de la simulation. La cour motive celte solution : 1* sur
ce que la décision contraire ferait perdre aux créanciers
l’avantage du jugement qu’ils ont légitimement obtenu,
et leur enlèverait un gage sur lequel ils ont dû compter;
2° sur ce que la simulation résultait de la nature des
choses2.
Un arrêt delà même cour, du 16 juillet 1840, était
on ne peut plus explicite. Il décidait, en effet, que les
1 J. du P., 1867, p. 74.
Ib id e m , 49, 2, 458.
2
�m
DÈS FAILLITES ET BANQUEROUTES
jugements obtenus par les syndics d’une faillite doivent
profiter au failli , lequel, dans le cas de concordat ho
mologué, prend les choses dans l’état où elles se trouvent
au moment où, conformément à l’article 519, il est ré
intégré dans les biens et droits qui composent son actif;
spécialement que le failli a qualité pour signifier le ju
gement qui a condamné un créancier à rapporter à la
masse de la faillite une somme qu’il avait illégalement
reçue 1.
En résumé , l’article 446 s’oppose à ce que le failli
concordataire intente contre un créancier l’action en
rapport que les syndics ont négligé ou refusé de
poursuivre. Mais si sur leur initiative un jugement a or
donné ce rapport, on ne saurait dénier au failli concor
dataire le droit de faire sortir ce jugement à effet, et de
profiter de ses dispositions.
III. — De l’annulation ou de la résolution du concordai.
p a r su ite «le c o n d a m n atio n p o u r b an queroute
fr a u d u le u s e in te rv e n u e a p rè s s o u .hom ologation,
lib è r e «le p lein d ro it le s cau tion s.
En cas d ’in exé c u tio n p a r le fa illi des conditions
d e son c o n co rd at, la ré s o lu tio n d e ce tra ité pour
r a être p o u rs u iv ie co n tre lu i d ev an t Se trib u n a l
de com m erce , eu p ré se n c e «les c au tion s , s ’il en
existe, ou elles d û m e n t app elées.
L a ré so lu tio n «Su co n co rd at ne lib é r e r a pas les
c au tio n s q u i y s e ro n t in te rv e n u e s p o u r en g a ra n
t i r l ’exécution totale on p a rtie lle .
! J du p., iOf
358,
�ART.
520, 521.
249
Aux. 521.
lo r s q u e , a p r è s l ’h om olo gatio n d u c o n co rd at, ïe
ïaâlli se ra p o u rs u iv i p o u r b a n q u e ro u te fr a u d u le u
se , et placé so u s m a n d a t de dépôt ou d ’a r r ê t , le
trib u n a l de com m erce p o u r r a p r e s c r ir e telles m e
sures c o n se rv a to ire s q u ’il a p p a rtie n d ra . Ces m e
sures cesseron t de p le in d ro it d u j o u r de la d éc la
ration q u ’il n ’y a lie u à s u iv re , de l ’ord o n n a n c e
(('acquittem ent on de l ’a r r ê t d ’a b so lu tio n .
S OMMAI R E
631. Le concordat homologué peut être annulé pour dol ou
pour cause de condamnation pour banqueroute. Effet
que produit chacune de ces causes.
632. L’annulation du concordat libère les cautions.
633. Le concordat peut en outre être résolu pour inexécution.
634. Principe et conséquences de l ’action en résolution.Eu quoi
elle diffère de celle en nullité.
635. Chaque créancier peut individuellement l ’exercer. Propo
sition contraire rejetée par la chambre des députés.
836. Elle ne se prescrit que par trente ans de l’exigibilité de la
dette.
637. Effets de la résolution par rapport au failli.
638. L’effet de la condamnation obtenue par un seul créancier
s’applique-t-il à tous les autres ?
639. La résolution ne libère pas les cautions.
640. Critique de cette disposition sous le rapport d eP équitéet
du droit.
641. Opinion de la commission de la chambre des pairs.
642. Discussion des motifs qui la firent rejeter.
643. Intérêt des cautions à empêcher la résolution. Elles doivent
être appelées.dans l ’instance.
644. L’offre qu’elles feraient devant le tribunal de payer le di
vidende intégralement ne rendrait pas la demande en
résolution non recevable.
645. Motifs réels de leur appel en cause,
�'250
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
646.
Etendue de l'obligation des cautions. Comment s’imputent
les sommes que les créanciers touchent dans les répar
titions de ljactif.
647. Après la résolution il peut être consenti un nouveau con
cordat. Effet de celui-ci sur l’obligation des cautions
qui n ’y ont pas été appelées.
648. Devait-on ordonner des mesures conservatoires dans le cas
de poursuites en annulation ou résolution , comme clans
celui de banqueroute frauduleuse?
649. Motifs pour lesquels le législateur en a restreint l ’emploi à
ce dernier cas.
650. La disposition de l ’article 521 n ’est pas restrictive.
165. Elle doit être interprétée par son esprit plutôt que par la
lettre qui n’a été conservée que par une négligence in
concevable.
652. L’initiative de ces mesures appartient au tribunal, sauf le
droit des créanciers de les provoquer s’il omet d’y statuer,
653. En quoi ces mesures peuvent et doivent consister.
654. Leur durée est nécessairement subordonnée aux résultats
de la poursuite.
6 3 1 , — Le concordat dûment homologué est sus
ceptible d’être annulé, aux termes de l’article 518, pour
cause de dol découvert depuis l’homologation. La con
damnation pour banqueroute frauduleuse ultérieurement
prononcée produit un effet identique. C’est ce qui est
réglé par l’article 522. 11 y a entre ces deux causes de
nullité cette différence , que la première doit être cons
tatée par le tribunal de commerce, tandis que la seconde
résulte de plein droit de l’arrêt de condamnation.
Cependant il y a une telle similitude entre ces deux
causes que les effets en sont identiques. Nous avons déjà
remarqué que le dol, tel que le détermine l’article 618,
n’est qu’une banqueroute frauduleuse poursuivie par la
�ART. 520, 521.
251
voie civile, puisque les faits qui le constituent sont éga
lement constitutifs de celle-ci.
652. — Il résulte donc de l’un et de l’autre que
l’annulation qui en est la conséquence anéantit le con
cordat qui non-seulement n’existe plus pour l’avenir,
mais qui est censé n’avoir jamais pu valablement exister;
que tout en respectant certains faits accomplis 1 les par
ties sont remises au môme état qu’avant le concordat.
Toutes les stipulations du traité s’évanouissent. Ainsi, les
garanties hypothécaires conférées en vertu de l’art. 517
se trouvent rétractées ; ainsi les cautions qui répondaient
de l’exécution du concordat sont non-seulement libérées
pour l’avenir, mais elles peuvent encore se faire restituer
ce qu’elles ont déjà payé par suite de leur engagemen.
653. — A ces causes de nullité qui peuvent anéantir
le concordat il faut joindre l’action en résolution qui
peut en faire cesser les effets. Le concordat est comme
tous les autres actes soumis à la condition résolutoire.
Ce principe, que le Code n ’avait pas expressément con
sacré avait été admis par la jurisprudence. Mais les con
séquences qu’on en faisait résulter étaient bien différen
tes de celles consacrées par la loi actuelle.
634. — L’action en résolution diffère dans ses cau
ses de l’action en nullité. Aussi, les effets de l’une et de
l’autre quoique identiques sur un point, celui de la re
constitution de l’état de la faillite , agissent d’une m a
nière bien distincte sur la position des parties intéressées.
C’est ce qui ressort bien formellement de la disposition
de nos articles.
i Voy. infra article 526.
�252
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
En principe , la consécration de l’action résolutoire
est une pensée d’équité et de justice. La réduction con
sentie ou subie par les créanciers sur le total de leurs
créances n’est que la conséquence de l’engagement que
prend le failli de. payer à chacun d’eux et aux ternies
convenus le dividende déterminé. Si le failli manque à
■cet engagement, les créanciers doivent être relevés des
obligations qu’ils se sont eux-mêmes imposées. Celles-ci
deviendraient dès lors des effets sans cause. Or, quelque
faveur que l’on dût professer pour le concordat, il était
impossible de la porter au point d’admettre qu’il conti
nuerait à lier les créanciers, alors même que le failli se
refuserait à l’exécuter ou serait dans l’impuissance de le
faire.
635.
— Ces notions qui ont présidé à l’admission
du droit en principe, indiquent quels sont ceux qui peu
vent en requérir l’exercice. Le failli est obligé à l’exécu
tion du concordat envers chacun de ses créanciers per
sonnellement. En conséquence, celui d’entre eux quia
à se plaindre d’une inexécution en ce qui le concerne,
peut faire prononcer la résolution du traité.
Cependant, le projet présenté d’abord par le Gouver
nement à la chambre des pairs et adopté par elle, dispo
sait que la demande en résolution ne pourrait être in
tentée que par la double majorité dont le concours est
requis pour l’adoption du concordat. On craignait, en
autorisant les poursuites individuelles , de livrer le sort
du failli et l’intérêt des créanciers au caprice et à l’impa
tience d’un seul, qui pouvait gravement les compromettre
l’un et l’autre par une démarche précipitée et irréfléchie.
�art .
520, 521.
253
Mais cette prescription consacrait une injustice, tout
en voulant remédier à des inconvénients qui étaient au
fond plus spécieux que graves. En effet, le failli aura
toujours le moyen d’empêcher la résolution , en exécu
tant religieusement ses obligations envers tous les cré
anciers. Quant à ceux-ci , chacun a un droit égal à ce
que cette exécution se réalise à son égard. Il faut donc
qu’il ait les moyens de l’assurer, dans le cas où le failli
tenterait de s’y soustraire. Subordonner ces moyens à la
volonté d’autres plus heureux peut-être, envers lesquels
le failli s’est acquitté, c’était rendre l’exercice de ce droit
impossible et livrer le créancier en souffrance à la dis
crétion de son débiteur.
Or , de tous les moyens pour contraindre le failli à
payer, le plus énergique est sans contredit la demande
en résolution. La crainte seule de voir recommencer
l’état de faillite doit inspirer au débiteur les plus grands
efforts, dans l’intention de satisfaire à ses engagements.
En conséquence, refuser à chaque créancier individuel
lement la faculté de poursuivre cette même résolution,
c’était leur ravir la garantie la plus efficace.
« De plus, — ainsi que le disait le rapporteur de la
commission à la chambre des députés,—après le concor
dat il n’y a plus de masse, plus de communauté, plus
de majorité , plus de minorité. Il n’existe plus que des
droits individuels dont l’exercice ne reconnaît d’autres
limites que celles qui sont tracées par la loi. Reconstituer
la majorité serait impossible , surtout s’il s’était écoulé
quelques années depuis le concordat. Soumettre l’action
en résolution au concours de cette majorité, c’était écrire
�254
DES ,FAILLITES ET BANQUEROUTES
dans la loi un principe condamné d’avance à ne recevoir
jamais aucune application. »
Telles furent les raisons opposées au projet du Gou
vernement et à l’avis de la chambre des pairs. L’un el
l’autre les sanctionnèrent en se rangeant à l’opinion de
la chambre des députés qui les avait consacrées. L’aclion
en résolution n’est donc, dans son exercice, soumise à
aucune condition. Elle appartient à chaque créancier
individuellement. Elle peut être exercée dès que se réa
lise chez le failli le refus d’exécuter les charges que le
concordat lui impose.
6 3 6 . — De ce que cette action n ’est qu’un mode
pour déterminer le paiement , il résulte que le droit de
l’intenter existe tant que celui de demander ce paiement
n’est pas éteint. Il ne peut donc être atteint de prescrip
tion que par l’expiration de trente ans à partir de l’é
chéance du terme.
6 3 7 . — Quels sont les effets de la résolution pro
noncée par justice sur la réclamation d’un créancier'?
Nous avons à examiner cette question sous le point de
vue de la position du failli, des créanciers, des cautions.
Quant au failli , aucun doute ne saurait s’élever. Le
jugement qui admet la résolution le constitue en état de
faillite. Le concordat s’efface et les opérations prescrites
par la loi sont reprises et continuées selon leurs derniers
errements.
6 3 8 . — Mais cet état régit-il le failli envers tousses
créanciers? En d’autres termes, la résolution obtenue par
un seul ne produit-elle des effets qu’en faveur de. celuici, ou bien profite-t-elle à tous les autres créanciers?
�a rt .
520, 821.
§55
Le concordat, disait M. Teste, est dans ses résultats
un acte essentiellement divisible. Sa résolution ne doit
donc profiter qu’à celui qui l’a obtenue.
Cette opinion émise dans la discussion de la loi ac
tuelle ne souffrait aucune difficulté sous le Code. Elle
avait été enseignée et consacrée par la doctrine et la juris
prudence. Mais c’était là un effet du silence gardé par le
législateur sur les conséquences de la résolution. En l’ab
sence de toute prescription contraire on admettait dans
son entier le principe qui régit les conventions synallag
matiques. Le créancier qui se plaignait de l’inexécution
du concordat était libéré des engagements qu’il avait luimême contractés. La résolution le dégageait de la pro
messe d’une remise sur la dette, et obligeait le failli à le
payer intégralement. On comprend dès lors que les cré
anciers qui n ’avaient pas été parties dans l’instance ne
pouvaient en revendiquer le bénéfice , précisément en
vertu du principe incontestable rappelé par M. Teste.
Mais il ne saurait en être ainsi sous l’empire de la loi
nouvelle. L’article 522 exige que par le jugement qui
prononce la résolution le tribunal de commerce nomme
un juge-commissaire et un ou plusieurs syndics. La con
séquence forcée de la résolution est donc aujourd’hui la
reconstitution de l’état de faillite. Or, cet état est essen
tiellement indivisible; il ne peut pas exister pour les uns
et ne pas exister pour les autres. D’où il résulte qu’il
reçoit forcément application non-seulement aux créan
ciers qui avaient concordé , mais encore aux créanciers
nouveaux envers lesquels le débiteur s’est engagé dans
l'intervalle écoulé depuis le jugement d’homologation
jusqu’à la résolution K
i Voy, i n f r a articles 523 etsuiv.
/
�258
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
faillite, que ceux qui cautionnent le failli le font surtout
dans l’intention de lui assurer le bénéfice du concordat.
D’où la conséquence qu’ils devraient être libérés, si par
le fait des créanciers celui-ci vient à être résolu, avant
même qu’une mise en demeure légale les ait mis à mê
me de réaliser leur cautionnement.
la
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
6 4 ! . — C’est ce que demandait la commission de
chambre des pairs. « Comment pourrait-on vouloir,
—‘disait son honorable rapporteur, M. Tripier,—que
lorsqu’un débiteur est dépouillé de tous les avantages
du concordat, la caution restât obligée à payer pour
lui ? Le premier effet de la résiliation c’est d’annuler
entièrement le concordat. Dès ce moment la règle de
droit, sauf les conventions particulières, c’est que le
concordat est annulé surtout à l’égard des tiers, de la
caution qui n’est intervenue que pour faire jouir le
débiteur du bénéfice du contrat. Quelle sera donc la
position des créanciers ? Ils auront à choisir : ou de
rester dans les termes du contrat, ou d’en provoquer
l’annulation. S’ils trouvent que le débiteur ne présente
pas de solvabilité suffisante , et que la caution soit
bonne,c’est à eux de ne pas provoquer l’annulation,
et alors ils conserveront tous les droits que leur confère le concordat. S’ils trouvent, au contraire, qu’il y
a bénéfice pour eux à demander la résiliation,la caution doit être libérée. »
6 4 2 . — On ne pouvait méconnaître tout ce qu'un
pareil système avait de concluant et de logique ; cepen
dant on l’a rejeté sur le motif surtout que c’est en vue
des cautions que le concordat a été adopté et le failli re
�mis à la tête de ses affaires ; que, dans cet intervalle, il
peut avoir contracté de nouvelles dettes qui viennent di
minuer les droits des créanciers à l’actif, ce qui ne serait
pas arrivé si les cautions n’étaient pas intervenues ; qu’il
était donc juste de garantir par le maintien de leur en
gagement les créanciers, du tort que cette intervention a
seule en définitive occasionné.
Ces arguments qui ont triomphé sont loin d’être sans
réplique. Les créanciers n’auraient à craindre un préju
dice de l’administration du failli que si les cautions n’é
taient pas à même de satisfaire à leur engagement. Mais
si le contraire se réalise, si au refus du failli elles offrent
de payer le dividende convenu , c’est aux créanciers à
l’accepter. Que si la résolution leur paraît préférable, de
quel droit pourraient-ils se plaindre d’une chance qu’ils
ont volontairement courue ?
6L3. — Quoi qu’il en soit, le principe de la non li
bération a été inscrit dans la loi, et ce qui n’a pas peu
contribué à amener ce résultat c’est que l’engagement des
cautions peut n’être que partiel, et que dans cette hypo
thèse l’exécution que celles-ci donneraient au concordat
ne désintéresserait pas complètement les créanciers. Il
est permis de croire que c’est dans cette circonstance
surtout qu’il pourra s’agir de résolution, car si le cau
tionnement était égal à l’intégralité du dividende, l’in
térêt des cautions à empêcher le retour de la faillite est
un sûr garant des soins qu’elles mettront à ce que le
failli soit en mesure de s’acquitter à l’échéance.
En effet, la résiliation du concordat enlève aux cau
tions l’espérance de se faire rembourser ce qu’elles au-
�260
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ront payé à la décharge du failli. Non-seulement les
biens actuels de celui-ci passent de nouveau à ses cré
anciers, mais encore son industrie est arrrêtée, ses res
sources pour l’avenir perdues. Ainsi s’évanouit l’espé
rance de se récupérer plus tard en cas d’insuffisance des
biens présents. C’est sous ce rapport que la loi a déclaré
les cautions parties nécessaires dans l’instance en rési
liation et qu’elle prescrit de les y appeler.
644.
Résulte-t-il de cette obligation imposée au
demandeur que si devant le tribunal les cautions offrent
d’exécuter intégralement le concordat, en désintéressant
le créancier, celui-ci doive être débouté de sa demande?
L’affirmative semblerait commandée parles principes
que nous rappelions tout à l’heure. On pourrait, en effet,
soutenir que l’obligation de la caution ne commence
qu’après que le cautionné a refusé d’exécuter ses enga
gements ; qu’il n’y a inexécution absolue que lorsque
celle-ci, mise à son tour en demeure, a fait éprouver ce
même refus ; que les créanciers en acceptant le caution
nement se sont soumis à opérer cette mise en demeure;
que si la caution veut payer, l’acte est réellement exé
cuté ; que peu importe, en effet, aux créanciers la main
qui réalise le paiement, pourvu qu’il soit tel qu’il suf
fise pour les désintéresser de toutes les sommes portées
au concordat.
Mais cette solution quelque fondée en droit qu’elle
puisse l’être, ne saurait être admise. Le pricipe consacré
par l’article 520 s’y oppose.
En effet, l’inexécution par le failli donne lieu à la ré
solution et ne libère pas les cautions. Il suit de là que
�ART. 520, 521.
261
dès que ceüe inexécution se réalise , les créanciers sont
investis d’une double faculté : 1° celle de se faire payer
par les cautions ; 2° celle de retirer au failli le bénéfice
du concordat. Ces deux facultés peuvent être simultané
ment exercées. Elles sont également utiles. Par la pre
mière, les créanciers sont assurés de retirer tout ce qui
leur a été garanti par les cautions ; par la seconde , ils
ont la chance de recevoir davantage, si la liquidation de
l'actif amène des résultats plus favorables que ceux en
trevus au moment du concordat.
Il est donc impossible que la réalisation de l’une de
ces facultés empêche les créanciers de jouir du bénéfice
de l’autre. Le paiement qui serait offert par les cautions,
elles le doivent même après la résiliation ; elles ne'fe
raient donc en offrant de le réaliser au commencement
de l’instance qu’anticiper sur l’obligation qu’elles seront
tenues de remplir après le jugement. Leur offre n’aurait
donc aucune influence sur le droit qu’ont les créanciers
d’obtenir la résiliation, indépendamment du paiement
qui leur dû en tout état de cause.
645.
— 11 semblerait dès lbrs que l’appel en cause
des cautions est inutile, puisqu’elles ne peuvent dans au
cun cas empêcher la demande des créanciers de sortir à
effet. Mais ce qui le justifie c’est l’intérêt que nous si
gnalions tout à l’heure. La résiliation est trop importante
pour elles par les conséquences quelle peut entraîner;
il faut qu’elles soient en mesure de surveiller et de dis
cuter la défense du failli et les prétentions du poursui
vant, d’examiner les actes dont celui-ci veut faire résul
ter l’inexécution. Le fait matériel du refus de paiement
�362
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
peut ne pas toujours constituer celle-ci. Ce refus peut
tenir à des difficultés justement soulevées ou à des cir
constances de force majeure dont le débiteur peut être
relevé. Or, les cautions peuvent de leur chef faire valoir
tous ces moyens et repousser la demande par les excep
tions que le débiteur principal pourrait opposer lui-même.
646.
— Il nous reste à examiner quelle est l’étendue
de l’obligation des cautions dans l’hypothèse de la réso
lution. Il est évident que cette obligation est subordon
née soit à la liquidation de l’actif, soit à l’admission d’un
nouveau concordat. Ainsi, la chance que les créanciers
ont de toucher un dividende plus fort que celui primiti
vement obtenu ne peut se réaliser aux dépens des cau
tions ; on ne peut les autoriser à prendre d ’abord les
sommes cautionnées, et ensuite le dividende résultant de
la liquidation. Ce serait vouloir les enrichir au détriment
de tiers qui ne leur devaient rien , qui ne sont devenus
leurs débiteurs que d’une manière accessoire. En consé
quence les à-comptes payés par le failli avant la résolu
tion ont libéré d’autant les cautions. De plus, tout ce qui
sera produit par les répartitions que l’union amènera
sera tout d’abord imputé sur les sommes dues par les
cautions ; de telle sorte que celles -ci n’auront à payer
que la différence qui existera entre ce que les créanciers
auront reçu sur l’actif et le dividende cautionné. Si celuici n’est pas atteint par le résultat de la répartition , le
solde doit en être supporté par les cautions ; si au con
traire les sommes distribuées égalent ou dépassent le
chiffre de celles cautionnées, les cautions sont complè
tement libérées ; elles ont, en outre, le droit de se faire
restituer ce qu’elles auraient déjà payé.
�art .
520, 521.
263
Cela n’est, d’ailleurs, absolument vrai que si l’enga
gement des cautions comprenait l’intégralité du dividen
de promis dans le concordat. A insi, si cet engagement
n’est que partiel les créanciers auraient le droit d’impu
ter soit les à-comptes reçus du débiteur, soit les produits
de la liquidation sur la partie de la dette due par le
failli seul. Les cautions ne profiteraient des uns et des
autres qu’après l’extinction complète de celle-ci.
6 47. — L’annulation et la résiliation diffèrent encore
en ce que la première est -inévitablement suivie du régime
de l’union. Après la seconde au contraire, il est loisible
aux créanciers de consentir un nouveau concordat.
Mais Si dans la délibération et l’adoption de celui-ci
ceux qui avaient cautionné le premier ne sont ni admis
ni appelés ; si on n’exige pas qu’ils renouvellent leurs
engagements, on ne pourrait plus les rechercher à rai
son de leur concours au concordat précédent. Il y a no
vation complète dans le titre, et partant libération en
tière pour ceux qui n’auraient pris aucune part à celui
qui a remplacé le premier L
64 8 . — Les approches de l’annulation ou de la ré
solution du concordat étaient de nature à inspirer des
craintes sur la conduite ultérieure du failli. En effet, celuici pmt, pour se garantir des chances d’une solution af
firmative, se hâter de mettre à couvert tout ou partie de
son actif. On avait donc parlé de mesures conservatoires
à prendre dès le début de la poursuite.
6 49. — Le législateur a dû peser les inconvénients
J Voy. article 1281 du Code civil.
�264
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
auxquels ces mesures étaient destinées à remédier , et
ceux qui pouvaient naître de ces mesures elles-mêmes.
La poursuite dirigée contre le failli peut être l’effet de
l’irritation , d’un désir de vengeance , d’un mouvement
irréfléchi ; elle peut être, en définitive, rejetée par la jus
tice ; elle est, dans tous les cas, particulière à celui qui
l’a intentée. En cet état, des mesures conservatoires pou
vaient être nuisibles au failli; fallait-il s’exposer à causer
un préjudice considérable avant que la justice se fût pro
noncée sur la réalité des torts imputés au débiteur?
Le législateur par respect pour le droit de propriété
n’a pas cru devoir autoriser la moindre atteinte aux pou
voirs que le concordat a conférés à l’ancien failli ; il a
subordonné les mesures conservatoires à l’existence de
présomptions assez graves pour que l’autorité publique
ait jugé nécessaire d’intervenir.
Ainsi, une demande en résolution, l’action en nullité
pour dol poursuivie par la voie civile ne peuvent déter
miner l’adoption d’aucune mesure touchant l’adminis
tration des biens du failli. Elle reste entre les mains de
celui-ci jusqu’après la décision du juge investi de la de
mande.
Mais il n’en est pas de même pour la poursuite en
banqueroute frauduleuse. L’intervention de l’autorité
une fois réalisée, la liberté du failli se trouve compro
mise , et avec la perte de celle-ci naît la nécessité de
s’assurer de l’administration des biens dans l’intérêt des
créanciers.
Telle est la disposition de l’article 521. On pourrait la
résumer dans ces quelques paroles, si la rédaction mal-
�ART. 520, 521.
265
heureusement maintenue contre le vote de la chambre ne
donnait naissance à des difficultés qu’il faut éclaircir.
650- — L’article 521 semble n’autoriser les mesu
res conservatoires que lorsque le failli se trouve placé
sous mandat de dépôt ou d’arrêt. C’est ce qui est textuel
lement écrit dans sa disposition. Cependant on mécon
naîtrait évidemment l’intention du législateur, si par res
pect pour ce texte les tribunaux lui subordonnaient aveu
glément l’application de la faculté qui leur est laissée.
Il est certain, en effet, que s’il peut y avoir danger pour
les créanciers à laisser un mandataire du failli adminis
trer lorsque celui-ci est en prison , le danger est bien
plus réel lorsque , sous le poids d’un simple mandat
d’amener, le failli administre lui-même et peut ainsi fa
cilement , dans la prévision des suites de l’instruction,
dilapider ou dénaturer sa fortune.
Or, c’est précisément dans la crainte d’une éventua
lité de ce genre que la loi a prescrit de prendre des me
sures conservatoires. Conséquemment, donner à ses pa
roles un sens limitatif et restrictif ce serait proclamer
qu’on ne pourrait utiliser la précaution qu’elle autorise
précisément dans le cas où le besoin s’en fait plus par
ticulièrement sentir.
651.
— L’article 521 doit donc être interprêté par
son esprit plutôt que par son texte. La pensée réelle de
la loi est d’autoriser les mesures conservatoires toutes les
fois qu’il y aura poursuite sérieuse , certaine , et non
dans le cas où il y aurait seulement plainte en banque
route de la part des créanciers. Or, comme la banque
route frauduleuse est un crime, il était difficile d’admet-
�266
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tre une intervention de la justice sans supposer l’existence
d’un mandat de dépôt ou d’arrêt ; et voilà la série d’i
dées à l’aide dé laquelle on est arrivé à rendre la pensée
que nous venons d’indiquer d’une manière que l’on a
crue plus énergique et qui n’est au contraire que fort
incomplète.
Au reste, ce défaut de précision dans les termes de
l’article 521 a préoccupé le pouvoir législatif lui-même.
On a craint que les tribunaux ne se crussent liés par le
texte, et n’ordonnassent des mesures conservatoires que
lorsqu’il existerait soit un mandat de dépôt, soit un man
dat d’arrêt. « Cependant,—disait-on à la chambre des
députés, —un mandat d’amener peut avoir été décerné,
et cet état peut se prolonger longtemps. Le failli peut
avoir pris la fuite ; il peut aussi sous des motifs plausi
bles retarder son interrogatoire, et pendant ce temps que
deviendra l’actif ? »
On proposa, en conséquence, de retrancher de l’article
521 les mots : et iplacè sous mandat de dépôt ou d'arrêt
Cette proposition fut adoptée. Mais le retranchement n’a
pas été opéré dans le texte officiel , et l’article 521 a
conservé sa rédaction première.
Malheureusement cette omission laisse exister les dif
ficultés que l’amendement voté par la chambre avait
pour objet de prévenir. En l’état cependant de ce qui
précède le sens de l’article 521 nous parait fixé. On peut
ordonner les mesures conservatoires toutes les fois qu’
une poursuite judiciaire étant réalisée il peut y avoir
péril pour les créanciers. On ne doit donc pas hésiter si
ce péril se manifeste, encore que le failli ne se trouverait
qu’en l’état d’un simple mandai d’amener.
�4
ART. 520, 521.
267
652. — L’initiative de ces mesures appartient au tri
bunal de commerce. A cet effet, le procureur de la répu
blique ou le juge d’instruction doit officiellement dénon
cer au président l’existence de la poursuite criminelle.
A défaut de cet avertissement, ou si après avoir été avisé
le tribunal négligeûe statuer, chaque créancier peut in
dividuellement les provoquer. Le droit de ceux-ci est in
contestable. On ne doit pas, en effet, perdre de vue qu’il
n’y a plus à cette époque personne qui puisse agir au
nom et dans - l’intérêt de to u s, les syndics ayant cessé
leurs fonctions après l’homologation du concordat.
653. — L’étendue et l’importance des mesures con
servatoires qu’il convient d’ordonner sont laissées à la
prudence des juges. On ne doit pas cependant oublier
que tant qu’il n’y a pas eu condamnation le failli con
cordataire jouit de la plénitude de ses droits ; qu’il peut
déléguer l’administration de ses affaires à tel mandataire
qu’il lui plaira choisir ; qu’on ne saurait donc le priver
de cette faculté sans violer à son égard le droit sacré
de la propriété. .
Tout doit, en conséquence, se borner à une surveil
lance efficace dans l’intérêt des créanciers. Le tribunal
pourra donc adjoindre au mandataire du failli ou au failli
lui-même un ou plusieurs créanciers, sous le contrôle
desquels devra se réaliser l’administration. Il peut aussi,
sans aller jusque-là, ordonner telles mesures qu’il jugera
devoir concilier l’intérêt des créanciers et ce qui est dû
à la présomption d’innocence qui protège encore le failli.
654-. — La durée des mesures conservatoires est li
mitée par celle de l’information, au sort de laquelle elles
�268
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sont forcément attachées; elles cessent de plein droit si
le failli est acquitté ou renvoyé de la poursuite par une
ordonnance de non lieu, ou seulement convaincu de ban
queroute simple. Dans l’un comme dans l’autre de ces
cas le failli reprend la plénitude de ses droits et actions.
S’il est condamné pour banqueroute frauduleuse, les
mesures conservatoires cessent également pour faire place
à un état définitif réglé par les articles suivants.
En effet, la condamnation même par contumace an
nule de plein droit le concordai. Nous allons voir les
formalités qui doivent être remplies dans ce cas, comme
dans ceux d’annulation pour dol ou de résolution pour
inexécution.
A rt . 522.
S u r le t u de l’a r r ê t de c o n d a m n a tio n p o u r ban
q u e ro u te fr a u d u le u s e ,o n p a r le ju g e m e n t q u i pro
n o n c e ra so it l ’a n n u la t io n , so it la ré s o lu tio n dn
c o n co rd at, le t r i b u n a l d e co m m e rce n o m m e ra un
ju g e -c o m m is s a ire , et u n ou p lu s ie u r s syndics.
Ces sy n d ics p o u r r o n t f a ir e a p p o s e r les scellés.
Ils p ro c é d e ro n t, sa n s r e t a r d , avec l’assistan ce du
ju g e d e p aix , s u r l ’a n c ie n in v e n ta ire ,a u récolem ent
d es v a le u rs , a ctio n s et p a p ie rs , et p ro c é d e ro n t, s’il
y a lie u , à u n s u p p lé m e n t d ’in v e n ta ire .
Ils d re s s e ro n t u n b ila n su p p lé m e n ta ire .
Ils fe ro n t im m é d ia te m e n t a ffic h e r et in sérer,
d a n s le s jo u r n a u x à ce d estin és, avec u n e x tra it du
ju g c m e n t q u i le s nom sue, in v ita tio n a u x créan ciers
n ou ve a u x, s’il en existe, d e p r o d u ir e d a n s le délai
d e v in g t jo u r s le u r s t it r e s d e c ré a n c e s a la vérifi
cation. Cette in v ita tio n s e r a fa ite a u s s i p a r lettres
d u g re ffie r, c o n fo rm é m e n t a u x a rtic le s 492 et 493.
A rt. 525.
I l s e r a p ro c é d é , sa n s r e t a r d , à la vérificatio n des
tit re s d e créa n ce s p ro d u its en v e rtu de l ’article
p récéd en t.
�art.
522, 523, 524.
2 6 9
Il n ’y au«»a p as lie n à n o u v e lle v é rifica tio n d e »
créances a n té rie u re m e n t a d m ise s et a ffirm é es,
sans p ré ju d ic e n é a n m o in s d u r e je t ou d e la r é d u c
tion de celles q u i , d e p u is , a u r a ie n t été pay ées
en tout ou en p artie .
A rt. 524.
Ces o p é ra tio n s m is e s à fin , s’il n ’in te rv ie n t p as
de n ouveau c o n c o r d a t , le s c ré a n c ie rs s e ro n t con
voqués à l ’effet d e d o n n e r l e u r avis s u r le m a in
tien ou le re m p la c e m e n t d es syndics.
Il ne s e r a p ro c é d é a u x r é p a r t it io n s q u ’a p r è s l ’ex
p iration , à l ’é g a r d d es c ré a n c ie rs n o u v e a u x , des
délais acc o rd é s a u x p e rso n n e s d o m ic ilié e s en F ra n
ce, p a r le s a r t ic le s 492 et 497.
SOMMAIRE
655.
656.
657.
658.
659.
660.
661.
662.
663.
La loi nouvelle a tranché la controverse qui s’était établie
sur les questions de savoir si le failli concordataire pou
vait être poursuivi pour banqueroute frauduleuse, et si
la condamnation annulait le concordat.
Cettè annulation est aujourd’hui la conséquence forcée de
cette condamnation. L’état de faillite doit être reconsti
tué sur le vu de l ’arrêt.
En cas d’annulation pour dol ou de résolution pour inexé
cution, cette reconstitution doit être faite parle juge
ment qui admet l ’une ou l’autre.
Le jugement est exécutoire nonobstant opposition ou appel.
L’existe-nce possible de nouveaux créanciers empêche qu’il
soit immédiatement passé outre aux opérations ultérieu
res de la faillite.
Caractère des mesures à prendre par les nouveaux syndics.
L ’apposition des scellés pour la conservation de l’actif est
facultative.
Récolement des effets sur l ’ancien inventaire ; supplément
d’inventaire s’il y a lieu.
Ces récolement et supplément d’inventaire doivent être
laits en présence et avec l’assistance du juge de paix.
�270
664.
665.
666.
667.
668.
669.
670.
671.
672.
673.
674.
675.
676.
677.
678.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Mesures requises dans l’intérêt particulier des créanciers
nouveaux : 4* Bilan supplémentaire;
2° Publicité que doit recevoir le nouveau jugement. Mode
à suivre.
Objet de celte publicité. Convocation des créanciers connus
ou inconnus avec invitation défaire vérifier leurs créan
ces dans les vingt jours.
Ce délai qui nécessite la suspension de la liquidation est de
rigueur, alors même qu’il n'existerait aucun nouveau
créancier connu.
3* Vérification des créances. A lieu au fur et à mesure de
la production des titres nouveaux.
Le droit de contester appartient à tous les créanciers et au
failli.
Les créanciers nouveaux ne peuvent contester les anciens.
Développement de cette opinion.
Mais tous peuvent demander la radiation ou la réduction
des créances payées en tout ou en partie.
Les discussions nées dans la vérification sont régies parles
articles 494 et suivants.
Après ces opérations les créanciers doivent être appelés h
délibérer sur le concordat.
Cette délibération est inutile après condamnation pour ban
queroute frauduleuse.
Q u i d lorsque le concordat a été anulé pour dol ?
On peut après la résolution consentir un nouveau concor
dat. A quelles conditions.
Formalités à remplir lorsqu’il n ’intervient pas de concordai.
Suspension de toute répartition jusqu’après l'échéance des
délais accordés par les articles 492 et 497.
655.
— Deux faits étaient fortement controversés
sous l’empire du Code de 1807, à savoir: si le failli pou
vait, après l’homologation du concordat, être poursuivi
pour banqueroute frauduleuse ; si sa condamnation en
traînait 1'atmuiatiou du concordat.
�\
ART. 522, 523, 524.
271
La loi actuelle a dissipé tous les doutes. Non-seulement
le failli peut être poursuivi à quelque époque que la
fraude se découvre , mais encore sa condamnation en
traîne , comité conséquence forcée, la nullité du traité
consenti par les créanciers et homologué par la -justice.
Le consentement des uns, l’assentiment de l’autre sont
présumés les fruits de l’erreur et du dol. Ils ne peuvent
être, dans aucun cas, une égide derrière laquelle le failli
puisse cacher sa mauvaise foi et profiter de sa fraude.
656. — C’est ce qu’enseigne expressément l’article
522, en prescrivant aux tribunaux de commerce de pro
clamer sur le vu de l’arrêt de condamnation la reconsti
tution de la faillite, par la désignation de nouveaux syn
dics et le choix d’un juge-commissaire. Le législateur
considère donc, dans l’hypothèse d’une condamnation, le
concordat comme anéanti de plein droit ; et cet anéan
tissement remettant les parties dans l’état où elles étaient
avant le vote du concordat, les opérations de la faillite
doivent être reprises au point où elles ont été laissées.
657. — L’annulation du concordat pour dol, sa ré
solution pour inexécution produisent un effet identique.
Le jugement qui prononce l’une ou l’autre doit donc,
pour se conformer aux exigences qui naissent de l’état
des choses qui en résulte, désigner le juge-commissaire
et les syndics.,
658. — Il est vrai que dans l’un comme dans l’autre
cas ce jugement est susceptible d’être frappé d’appel.
Mais l’appel lui-même n’est point suspensif pour ce qui
concerne l’institution des syndics et les conséquences
qu’elle entraîne. Le jugement est quant à ce assimilé au
�272
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
jugement déclaratif, et comme celui-ci il doit être exé
cuté provisoirement. Le danger de laisser le failli admi
nistrer ses biens est le'même dans les deux circonstan
ces. Il y a donc lieu d’adopter dans chacune d’elles une
détermination identique.
6 5 9 . — Toutefois, s’il est vrai que par rapport aux
anciens créanciers il ne s’agisse que de reprendre les
opérations au point où elles ont été interrompues, l’exis
tence possible de créanciers nouveaux fait un devoir de
revenir, en ce qui les concerne, sur les opérations pré
cédemment accomplies. L’homologation du concordat a
remis le failli à la tête de ses affaires. Des relations nou
velles ont pu accroître le nombre des intéressés à l’actif.
Il était impossible, dès lors, de prendre une mesure dé
finitive quelconque, avant que ceux-ci aient été mis à
même d’y concourir dans la limite de leurs droits.
6 6 0 . — Ainsi, il est des précautions générales dont
l’accomplissement est indispensable dans l’intérêis des
créanciers tant anciens que nouveaux. Il en est d’autres
particulières à ces derniers. Nous allons les rappeler toutes.
661. — Les mandataires légaux de la masse doivent
en première ligne veiller à la conservation de l’actif exis
tant au moment de la reconstitution de la faillite. Mais
leurs obligations, même sur ce point, se ressentent des
circonstances au milieu desquelles ils agissent.
A insi, l’apposition des scellés ordonnée par l’article
455 n’est plus que facultative. Cette différence s’explique
pafaitement par celle qui existe dans la position du failli
dans chacune de ces hypothèses. On comprend que lors
que la faillite éclate il devient urgent de placer sous la
�main de la justice toutes les facultés mobilières du failli.
Leur consistance , leur valeur n ’étant déterminée par
aucun élément certain, des détournements, des dilapida
tions peuvent facilement se réaliser. L’apposition des
scellés les rendant impossibles ne saurait trop tôt être
effectuée, jusqu’à ce que par un inventaire régulier tout
danger ait disparu.
Or, dans l’hypothèse de nos articles l’inventaire existe.
Il a été régulièrement dressé par les premiers syndics.
Il est déposé au greffe du tribunal. D’autre part, le compte
rendu par les syndics après l’homologation fixe les biens
qui ont été restitués en nature au failli, les valeurs qui
lui ont été remises. Le failli ne pourrait donc essayer
de soustraire les uns et les autres, sans qu’on fût en
mesure de le convaincre et en état de lui en demander
compte. On prouverait facilement par l’inventaire que
les objets réclamés existaient dans la faillite, par le compte
des syndics qu’ils lui ont été remis.
11 n’y a donc aucun besoin réel de requérir une nou
velle apposition des scellés, surtout si l’intervalle qui
sépare l’homologation de l’annulation ou de la résolu
tion du concordat n’a pas été d’une bien grande durée.
Si cet intervalle a été considérable, si plusieurs années
se sont écoulées , et que le failli remis à la tête de ses
affaires ait continué de se livrer au commerce, on peut
aisément présumer qu’il aura en quelque sorte renou
velé son actif; que quant aux marchandises su rto u t, il
en existera peu de celles qui ont déjà été inventoriées.
Alors il peut devenir fort utile de faire procéder à l’ap
position des scellés. C’est pour parer à toutes ces évenii —
18
�274
DBS FAILLITES ET BANQUEROUTES
tualités que la loi s’en est rapportée à l’appréciation des
syndics. C’est donc à eux à voir, selon les circonstances,
ce qu’exige l’intérêt réel des créanciers qu’ils ont mis
sion de protéger.
6 6 2 . — Les mêmes considérations ont fait prendre
une décision identique pour ce qui concerne l’inventaire.
Ce qui est rigoureusement prescrit aux nouveaux syndics
c’est de procéder immédiatement au récolement des va
leurs, effets et papiers énumérés sur l’ancien. Ils cons
tateront ainsi s’ils existent encore en la possession du
failli, et dans le cas contraire la destination que celui-ci
a donnée à ceux qui ne se retrouveront plus. Cette opé
ration terminée il arrivera , ou que l’actif n ’a pas été
augmenté et l’ancien inventaire sera suffisant , ou qu’il
existe de valeurs nouvelles et les syndics procéderont
sans retard à un supplément d’inventaire; tous les objets
y seront décrits et estimés. Les syndics se chargeront en
suite tant des anciens que des nouveaux, pour en dispo
ser dès ce moment conformément aux pouvoirs que la
loi leur confère et sous leur responsabilité.
6 6 3 . — Lerécolement et le supplément d’inventaire
doivent, que les scellés aient été ou non apposés, être
faits en présence et avec l’assistance du juge de paix.
Nous avons déjà dit que cette assistance est le gage le
plus certain de la sincérité de ces opérations, le concours
d’un magistrat éloignant'toute idée de collusion entre le
failli et les syndics.
6 6 4 . — L’actif ainsi fixé et la faillite reconstituée,
nous rencontrons la série des mesures ordonnées en fa
veur des créanciers dont les litres ont été souscrits depuis
�l’homologation du concordat. Comme les anciens, ceuxci ont droit au partage de l’actif. On ne pouvait donc
procéder à sa répartition qu’après les avoir mis à même
de se présenter utilement et de subir les épreuves qui
sont imposées aux intéressés dans une faillite. C’est dans
cet intérêt particulier que la loi a prescrit aux syndics:
1° La confection d’un bilan supplémentaire. Il est
évident qu’on ne pouvait, dans l’hypothèse d’une deman
de en annulation ou résolution , d’une condamnation
pour banqueroute frauduleuse imposer au failli l’obli
gation de rédiger lui-même l’état des nouveaux créan
ciers. Celui qui résiste à une action ne peut être tenu
d’exécuter volontairement l’acte auquel on veut le con
traindre. Or, comme cependant il importe de connaître
le nom de ceux qui sont devenus créanciers, on devait
en imposer la recherche aux syndics qui, par le dépouil
lement des écritures, pourront se procurer tous les élé
ments nécessaires à cette recherche;
665.
— 2° De donner de la publicité au jugement
qui fait revivre la faillite. Cette publicité a un double ob
jet : d’abord d’appeler tous les ayants droit à la vérifi
cation de leurs titres, ensuite de suppléer à l’imperfection
des écritures et à leur insuffisance relativement à la dé
signation des créanciers. C’est même plus particulière
ment pour ceux dont les noms auraient été omis dans
les livres du failli que cette publicité est ordonnée. Ceux,
en effet, qui figureront dans le bilan supplémentaire se
ront convoqués par lettres du greffier , tandis que les
premiers ne seront dans le cas de connaître le change
ment d’état de leur débiteur que par l’insertion faite dans
les journaux.
�276
DES FAILLITES
ET BANQUEROUTES
Quoi qu’il en soit, le mode de publicité dans notre hy
pothèse est le même que celui prescrit par l’article 442
pour le jugement déclaratif. Elle a le même but ; elle doit
donc recevoir la même étendue, les mêmes soins.
6 6 6 . — Les créanciers connus ou inconnus doivent
être invités à se présenter dans les vingt jours pour faire
procéder à la vérification de leurs titres de créance. Ce
délai est absolu pour tous, indépendant deg distances. Il
commence à courir du jour de l’insertion et de l’affiche.
6 6 7 . — Tant que ce délai n’est pas expiré, les opé
rations ultérieures de la faillite sont forcément suspen
dues. Cette suspension est de rigueur, alors même que le
dépouillement des écritures n’aurait signalé aucun cré
ancier nouveau. Cette absence d’indication peut être le
résultat de la négligence ou de l’incurie du failli. Or,
comme c’est pour les créanciers inconnus que la publicité
est surtout prescrite, on doit, dans la présomption qu’il
en existe, attendre l’effet de la mise en demeure, la cer
titude du contraire n’étant acquise qu’après l’expiration
des vingt jours, sans qu’il s’en soit présenté aucun.
Dès lo rs, il y a lieu de passer immédiatement outre
aux opérations qui restent à accomplir et qui sont indi
quées par l’article suivant;
6 6 8 . — 3° De procéder à la vérification des créan
ces qui seront produites. Remarquons que l’avis adressé
aux créanciers n’est plus de déposer leurs titres entre les
mains des syndics, mais bien de les faire vérifier ; qu’en
outre le délai de vingt jours détermine le maximum du
temps accordé, sans qu’il soit prohibé aux créanciers de
se présenter avant son expiration.
�art.
822, 523,
524.
277
Il résulte de ces deux circonstances que contrairement
à ce qui est prescrit par l’article 493, la vérification n’a
pas lieu en assemblée de créanciers, qu’elle s’opère iso
lément à mesure de la production des titres et contra
dictoirement entre le créancier et les syndics. Il n ’est
pas même nécessaire d’appeler le failli. Cet appel serait
impossible, puisque les syndics ignorent eux-mêmes le
moment où les créanciers se présenteront, et que dès
que les titres sont produits ils doivent les vérifier. Mais
rien n’empêche que le failli, s’il est sur les lieux, n’as
siste à la vérification s’il le juge convenable.
La vérification est faite dans la forme ordinaire. Elle
doit être suivie, dans les huit jours, de l’affirmation de
la créance par le créancier en personne ou par un fondé
de pouvoirs.
669. — Le droit de contester les créances appartient à
tous les créanciers vérifiés sans distinction des anciens et
des nouveaux ; il peut être exercé par le failli lui-même,
dans les proportions et de la manière que nous avons
plus haut déterminées K
670. — Les créanciers nouvellement admis pour
ront-ils contester les créances déjà vérifiées par les an
ciens ? Nous ne le pensons pas. En principe, l’admission
d’une créance forme pour le porteur un titre incontesta
ble envers la masse, dès que le procès-verbal de vérifi
cation est devenu définitif. Or, celui qui a été rédigé dans
les premiers moments de la faillite a été régulièrement
clôturé. La disposition de l’article 523 n’a pas pour obi Voy, t u p r a article* 494 et stiiT.
�278
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
jet de revenir sur cette clôture. Si une nouvelle vérifica
tion est ordonnée c’est par respect pour les faits accom
plis et dans le but unique de consacrer des droits régu
lièrement acquis. En conséquence , le créancier admis
comme tel à prendre part à la délibération du concor
dat annulé, dont les titres n’ont pas été contestés à l’é
poque de leur vérification , est à l’abri de toute discus
sion ultérieure , surtout de la part de ceux qui ne sont
devenus créanciers qu’après que cette qualité lui était
définitivement acquise.
Telle nous parait être la volonté du législateur, qui
s’induit d’abord de ce que l’article 523 dispense les cré
anciers anciens de toute vérification nouvelle, ce qui in
dique que par rapport à eux la première est considérée
comme efficace et suffisante ; ensuite de ce que cette mê
me disposition garde le silence le plus complet sur la
faculté que pourraient revendiquer les créanciers nou
veaux de contester les créances anciennement admises.
Dans l’hypothèse, ce silence équivaut à un refus formel.
On reprocherait vainement à celte décision de violer
l’égalité, en accordant aux premiers créanciers contre les
nouveaux un droit que ceux-ci ne pourraient exercer à
leur encontre. Mais cette prétendue inégalité est plutôt
apparente que réelle. Les premiers créanciers ont subi
l’épreuve imposée aux nouveaux. L’intérêt de la masse à
écarter de son sein tous ceux dont les droits ne seraient
pas certains est une garantie que cette épreuve a été sé
rieuse. Et si en résultat l’admission a été prononcée , il
n’est plus permis de douter de la sincérité de leur qua
lité. Le respect pour les droits acquis contradictoirement
�ne peut donc constituer la violation du'principe de l’é
galité. Ce qui la constituerait, ce serait de soumettre les
créanciers anciens à une nouvelle épreuve , tandis que
les nouveaux n’en subiraient jamais qu’une seule.
67 i . — D’ailleurs, la loi a suffisamment veillé aux
intérêts de ces derniers, en les autorisant à demander le
rejet ou la réduction des créances qui depuis le concor
dat auraient été payées en tout ou en partie. Or, par leur
accession dans la faillite après l’annulation ou la résolu
tion du concordat, il est à présumer que ces créanciers
contesteront bien plutôt le chiffre que la nature et l’ori
gine des créances. L’article 523 leur offrant la faculté
d’éloigner ou de faire réduire les créances qui mérite
raient de l’être, une plus ample exigence de leur part se
rait évidemment sans intérêt et partant non recevable.
672. — Les discussions nées à l’occasion des véri
fications nouvelles seront jugées en la forme déterminée
par les articles 498 et suivants. Ainsi, le tribunal de
commerce décidera d ’abord s’il y a lieu de surseoir ou
de passer outre. Le juge saisi réglera ensuite l’admission
provisoire en déterminant le chiffre jusqu’à concurrence
duquel elle aura lieu.
673. — Ces opérations terminées et le délai de vingt
jours expiré, les créanciers sont convoqués pour décider
s’il y a lieu ou non à consentir un nouveau concordat.
674. — Cependant cette délibération ne peut avoir
lieu que lorsqu’il y a possibilité de concorder. Or , si
l’annulation du premier traité n’est que la conséquence
d’une condamnation pour banqueroute frauduleuse , il
�280
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
serait inutile de consulter les créanciers. L’union dans
ce cas est forcée, tout concordat étant formellement pro
hibé par l’article 510.
675.
— Qu’en est-il lorsque l’annulation a été pro
noncée pour causededol? Pourrait-il intervenir un nou
veau concordat? Nous ne le pensons pas. Il est vrai que
l’article SI 0 ne prohibe celui-ci que dans le cas de con
viction du crime de banqueroute frauduleuse ; mais il
faut remarquer que le dol, pour être une cause d’annu
lation, doit consister dans l’exagération du passif ou dans
la dissimulation de l’actif, c’est-à-dire dans une vérita
ble fraude tentée contre les créanciers.
Or , c’est précisément dans la prévoyance d’une pa
reille éventualité que l’article 518 a fait un devoir au
tribunal de commerce de refuser l’homologation qui lui
serait demandée. Ainsi, nous avons vu que ce refus peut
se réaliser même après l’arrêt d’acquittement du failli,
à plus forte raison devrait-il l’être si celui-ci avait été
civilement convaincu de fraude contre ses créanciers.
Alors, en effet, l’intérêt public exigerait ce refus, puisque
le concordat destiné à récompenser le malheur et la
bonne foi ne saurait être, sans danger pour l’ordre so
cial , accordé au dol et à la fraude , qu’une faveur de
cette nature encouragerait.
Ainsi, dans notre hypothèse, le concordat quoique échappant à la disposition de l’article 510 n’en serait pas
moins frappé dans son essence. Les tribunaux devraient
le proscrire en vertu de la disposition de l’article 515.
676.
— Ce n’est donc réellement que pour le cas de
résolution pour inexécution qu’un second concordat peut
�ART.
522, 523, 524.
281
légitimement intervenir, et qu’il y a par conséquent lieu
à interroger les créanciers sur son opportunité. Cette dé
libération doit être faite dans les termes et conditions des
articles 504 et suivants. Le traité devra être voté par la
majorité en nombre et en sommes de tous les créanciers
tant anciens que nouveaux, sauf le renvoi à huitaine, si
dans la première séance l’une de ces majorités seule
ment s’est prononcée en faveur du failli.
Le nouveau concordat s’il réunit la majorité requise
doit subir toutes les épreuves qui avaient été imposées au
premier. Chaque créancier peut dans la huitaine y for
mer opposition. 11 n’est obligatoire que par l’homologation
qui doit être poursuivie par la partie la plus diligente K
677, — Dans le cas de condamnation pour banque
route et d’annulation pour dol, dans celui de résolution
s’il n’intervient pas de nouveau concordat, les créanciers
sont de plein droit sous le régime de l’union. En con
séquence , les créanciers sont consultés sur le maintien
ou le remplacement des syndics et sur la nature des pou
voirs qui leur seront confiés pour l’administration de
l’actif2.
67 8. — Les conséquences de l’union peuvent ame
ner la distribution entre les créanciers de l’actif actuel
lement disponible. Cette distribution est suspendue par
la loi en faveur des créanciers nouveaux.
Nous avons vu que pour la vérification des créances
nos articles n ’accordent qu’un délai uniforme de vingt
jours, quelle que soit la distance des domiciles. Cette
1Voy.
3 Voy.
su p ra
in f r a
n° 619.
article 529 et saiy.
�282
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
disposition n’esl pas susceptible de causer un grave pré
judice ; elle ne peut que priver le créancier de concourir
au maintien ou au remplacement des syndics, et de plus
à la délibération du concordat.
Il n’en est pas de même des distributions de l’actif.
La partie de celui-ci, susceptible d’être actuellement ré
partie, peut former la presque totalité de ce que le failli
possède. Le créancier exclu de la répartition pourrait
donc être exposé à ne jamais recevoir autant que les au
tres, si ce qui reste est de peu ou de nulle valeur.
Or, comme cette exclusion peut n’être que le résultat
de l’éloignement, le créancier serait donc puni d’un fait
qu’il n’a pas dépendu de lui d’empêcher. Ce serait là
urie évidente injustice que la loi prévient en accordant
les délais supplémentaires des distances.
Ainsi, pour ce qui concerne la délibération sur le con
cordat. l’admission de l’union, on doit passer outre dès
l’expiration du délai de vingt jours. Pour ce qui concerne
la distribution, au contraire, ce délai s’augmente confor
mément aux dispositions des articles 492 et 497 d’un
jour par cinq myriamètres de distance, entre le lieu où
siège le tribunal et le domicile du failli, et de la huitaine
accordée au dernier créancier vérifié pour l’affirmation
de sa créance ; bien entendu que cette augmentation ne
concerne que les créanciers domiciliés en France.
Mais l’expiration de ces délais , sans que le créancier
eût dénoncé son existence, ferait disparaître la suspen
sion. Cette inaction prolongée constituerait une négli
gence dont la masse ne pourrait dans aucun cas sup
porter la responsabilité l.
*
1 Voy. supra article 503.
/
' '
�L e» actes fa its p a r le fa illi p o s té rie u re m e n t au
jugem ent d ’h o m o lo ga tio n , et a n té rie u re m e n t à
l’a n n u latio n on à la ré so lu tio n dis c o n c o r d a t , ne
seront a n n u lé s q u ’en cas de fra u d e a u x d r o it s d es
créanciers.
A
u t
. 5&6.
Les c ré a n c ie rs a n t é r ie u r s an co n co rd at r e n t r e
ront d an s l ’in té g ra lité de le u r s d ro its , à l ’é g a rd du
fsaîlîi seu lem en t; m a is ils sa® p o u r ro n t ligu re**d an s
la suasse qu e posai* Ses p ro p o rtio n s su iv a n te s , sa
voir: s’ils n ’ont touch é a u cu n e p a r t d u d ivid en d e,
pour l ’in té g ra lité de le u r s c ré a n c e s; s’ils ont re çu
aise p a rtie «Isa d ivid en d e, poaaa* la p o rt io n tic le u r s
créances p rim it iv e s c o rre s p o n d a n te :a la p o rtio n
du d ivid en d e p ro m is q u ’iOs n ’on t p as to u c h é .
Les d isp o sitio n s «lia p ré se n t a rtic le sevon t ap
plicables au cas o ù taaie seconde fa illite vieaidra à
s’o u v rir sa n s q u ’il y a it eu p ré a la b le m e n t am nnlallon oaa résoiaation d u concordat.
SOMMAIRE
679.
680.
681.
682.
688.
684.
685.
686.
Objet de ces deux dispositions.
Effets de l’annulation et de la résolution sur. les actes du
failli depuis l’homologation.
La loi ne fait plus de distinction entre eux ; elle n ’annule
que ceux faits en fraude des créanciers.
Nature de la preuve que le demandeur sera obligé de four
nir. Dérogation aux dispositions des art. 446, 447, 448.
Motifs qui ont dû faire admettre cetle dérogation.
Conséquences de l’annulation , de la résolution ou d’une
seconde déclaration de faillite pour le failli vis-à-vis de
ses créanciers.
Pour les créanciers par rapport à la masse. Comment se
règle l’admission à celle-ci des anciens créanciers.
Les bases adoptées par l ’article 526 ont été dictées par l’in
térêt des nouveaux créanciers.
�284
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
687.
Elles concilient d ’ailleurs ce qui est dû à chacun, en assu
rant aux anciens un dividende égal ou supérieur à celui
des nouveaux,ou tout au moins plus fort que celui qu’ils
avaient accepté.
688. Dans tous les cas l’infériorité éventuelle du dividende est
compensée par l ’application de l’article 536 , au cas de
nouvelle faillite.
688 bis. Quid en cas d’arrangement amiable.
688 ter. L’article 526 est inapplicable si le dividende est garanti
par une hypothèque suffisante.
689. Les créanciers nouveaux ne seraient pas fondés à forcer les
anciens à se pourvoir contre les cautions, ni à se faire
subroger à leurs droits contre elles.
690. La faillite sur faillite amenant la résolution du concordat
ne libère pas les cautions.
691. A quelles conditions et par qui la nouvelle faillite peut être
poursuivie.
692. Ses effets quant aux actes du failli dans un temps voisin.
693. La validité de l ’hypothèque inscrite en vertu de l’article
517 ne donne pas aux créanciers le droit d’en retirer le
produit et de concourir aux répartitions de l’actif. On
doit appliquer à cette hypothèse l ’article 526.
694. La solution est la même en cas d’annulation du concordat,
ou de résolution simple pour inexécution.
6 7 9 . — Après avoir réglé les conséquences de l’an
nulation ou résolution du concordat par rapport à l’état
du failli, le législateur a dû s’occuper des conséquences
de l’administration momentanée qui lui avait été con
fiée, et fixer la position des créanciers entre eux. Tel est
le double objet de nos deux articles.
6 8 0 . — L’annulation ou la résolution du concordat,
avons-nous d it, fait revivre l’état de la faillite. On re
prend les opérations de la liquidation au point où on
�ÀRT.
528, 526.
285
les avait laissées, pour les continuer jusqu’à l’entier ac
complissement des prescriptions de la loi. On pouvait,
dès lors, contester la capacité du failli dans l’époque in
termédiaire, ei soutenir que tout ce qu’il avait fait dans
cette période devait être frappé de nullité.
C’est sur cette considération que , sous l’empire du
Code, la doctrine avait insisté pour se refuser à admet
tre la résolution du concordat. Les créanciers non payés,
disait-on, pourront provoquer une nouvelle faillite , si
le débiteur est encore négociant, sinon ils le poursuivront
par les voies ordinaires l.
681. — Le nouveau législateur ne pouvait donc, en
autorisant l’annulation et la résolution, ne pas régler le
sort des actes faits par le failli depuis l’homologation
du concordat jusqu’au rétablissement de la faillite; il y
avait nécessité de le faire pour empêcher de sérieuses et
graves difficultés.
Ces actes sont déclarés valables. Ils ne pourront être
annulés que s’ils ont été faits en fraude des droits des
créanciers.
Remarquons que la loi ne fait plus entre eux les dis
tinctions qu’elle a tracées dans l’article 446. Elle les met
donc tous sur la même ligne. Ainsi, qu’il s’agisse d’une
aliénation ou d’une libéralité, d’un paiement en espèces
ou en marchandises pour dettes échues ou non échues,
d’une hypothèque ou d’un nantissement, la nullité ne
sera prononcée que sur la preuve de la fraude.
682. — Le demandeur en nullité aura donc à prou
ver que la fraude existe. Pour être efficace, cette preuve
1 Locré
Esprit du Code de commerce,
t. 6, p. 444.
�286
DES FAILLITES ET
BANQUEROUTES
devra établir que la volonté du failli de tromper ses cré
anciers a été connue et partagée par celui avec qui il a
traité. La fraude, en effet, n’est une cause de nullité que
si elle a été concertée entre les parties contractantes. Si
l’une de ces parties a été de bonne fo i, la convention
doit être respectée, quels que soient les reproches fondés
que l’on peut adresser à l’autre.
Il n’en est donc plus ici comme pour les actes faits
aux approches de la faillite. Pour ceux-ci la fraude con
siste dans la connaissance que le tiers a eue de la gêne
du commerçant avec lequel il a traité. Dans notre hy
pothèse, au contraire, la fraude n’est constituée que par
ses caractères ordinaires , c’est-à-dire consilium et evenlus. Son appréciation est donc subordonnée à l’exis
tance de ces éléments indispensables.
685.
— Cette différence dans les exigences de la loi
se justifie par celle qui existe dans la position du failli
à ces deux époques. Le commerçant gêné dans ses af
faires doit s’arrêter. Il doit surtout ne pas consommer
dans des tentatives ruineuses l’actif qui lui reste et qui
doit appartenir à ses créanciers. Celui qui l’aide sciem
ment dans ces tentatives se rend complice de sa faute;
et puisque , contrairement à ce que veut la loi qu’il ne
peut ignorer , il favorise la dissipation de l’actif, il ne
peut se plaindre si, par application de cette même loi,
les créanciers le font condamner à supporter les consé
quences de son propre fait. C’est une chance qu’il a bien
volontairement courue.
Après lé concordat, au contraire, la faillite peut être
considérée comme terminée. Le failli a repris sa capacité,
�jm
ART.
525, 526.
287
l’administration et la régie de ses biens ; et s’il est vrai
que ce soit à la condition de remplir les obligations que
le concordat lui impose, il n ’est pas moins certain qu’il
ne pourra parvenir à leur exécution qu’à l’aide des traités
qu’il contractera avec les tiers, du crédit qu’il pourra en
obtenir. La confiance lui est même plus nécessaire que
jamais ; et ce serait en tarir la source que d’exposer les
actes qu’il pourrait souscrire à une présomption de fraude
dans les cas d’annulation ou de résolution ultérieure.
Que pourrait-on d’ailleurs reprocher à ceux qui au
raient traité avec le failli concordataire? De n’avoir pas
deviné qu’il existait des faits qui peuvent le faire décla
rer banqueroutier frauduleux, et annuler le concordat?
mais tout le monde l’a ignoré jusqu’au moment où la
poursuite s’est ouverte. De n’avoir pas découvert le dol
qui peut lui être imputé plus tard ? mais les créanciers
eux-mêmes beaucoup plus intéressés n’ont pas été plus
clairvoyants. Enfin, de n’avoir pas prévu qu’il n’exécu
terait pas ses engagements ? mais cette idée devait d’au
tant moins les préoccuper , que leurs relations avec le
failli le mettaient précisément à même de trouver les
ressources nécessaires à cette exécution.
Aucun reproche ne pourrait donc leur être adressé.
Les tiers n’ont vu et n ’ont pu voir dans le failli qu’un
homme jouissant de la plénitude de ses droits, capable de
contracter et dont ils n’avaient aucun motif de suspecter
les intentions. Ils sont donc à l’abri de toute atteinte,s’ils
ont agi de bonne foi. Dans le cas contraire, ils ne pour
raient profiter de* leur fraude. Mais pour eux , comme
dans tous les cas ordinaires, la fraude n ’est pas présumée;
�288
DES FA ILLITES ET BANQUEROUTES
elle doit être prouvée. Si cette preuve est faite,l’acte sera
annulé. L’absence de toute justification ou son insuffi
sance ferait rejeter la demande des créanciers 1.
6 8 4 . — Après avoir ainsi réglé la position des cré
anciers vis-à-vis des tiers qui ont contracté avec le failli
concordataire, la loi s’occupe des rapports que l’annu
lation , la résolution ou la déclarartion nouvelle de la
faillite déterminent entre les créanciers et le failli, entre
les créanciers individuellement et la masse.
En ce qui concerne le failli, la rétractation du con
cordat, quelle qu’en soit la cause, révoque de plein droit
la remise qui lui avait été consentie. Chaque créancier
rentre dans la plénitude de ses droits et recouvre sa cré
ance tout entière. Ces résultats sont indépendants des
paiements qui ont été faits en vertu du concordat et qui
sont dès lors imputés sur l’intégralité des capitaux, inté
rêts et frais, sans autre extinction en faveur du failli que
celle des sommes réellement reçues.
6 8 5 . — Mais entre créanciers il n’en est pas de mê
me. Si le concordat a été exécuté en tout ou en partie,
c’est par cette exécution que se règlent les droits qu’ils
peuvent avoir à l’actif.
Ainsi, ceux qui auront touché l’intégralité du divi
dende convenu sont définitivement désintéressés ; ils ne
sont plus censés créanciers par rapport à la masse dont
ils ne peuvent plus faire partie.
Ceux qui n’ont encore rien reçu sont de plein droit
admis dans celle-ci pour le montant intégral de leurs
créances vérifiées et affirmées.
1 Voy. infra n° 692.
�ART.
289
525, 526.
Enfin, si le dividende a été payé en partie, les créan
ciers n ’y figurent que pour la partie du capital corres
pondant à la portion du dividende restant due.
Par exemple, le concordat avait été consenti au moyen
d’un dividende du vingt-cinq pour cent. Le créancier
d’une somme de 80,000 fr. devait donc toucher réelle
ment 20,000 fr. Il en a reçu 10,000, et après ce paie
ment le concordat a été annulé ou résolu. Il résulte de
la disposition de l’article 526 qu’il ne sera plus créancier
dans la nouvelle masse que de la somme de 40,000 fr.;
car le restant dû de son dividende représente bien cette
somme au 25 %>. Les 10,000 fr. reçus auront donc
éteint la moitié de sa créance.
6 86.
— Il semblerait cependant beaucoup plus na
turel que ce créancier n’ayant été payé que de 10,000 fr.
figurât dans la faillite pour le reste de son capital , ou
soit 70,000 fr. L’annulation du concordat est incompa
tible avec les effets que l’on fait produire au paiement
partiel qui s’est réalisé en force de ses dispositions. Mais
une considération puissante puisée dans l’existence des
créanciers nouveaux appelés à la répartition de l’actif a
conduit le législateur à excepter la masse de la loi qu’il
a faite au failli. On ne peut, en effet, douter que ce ne
soit à l’occasion de ces nouveaux créanciers seulement
que les proportions de l’article 526 ont été fixées.
N’est-il pas certain que s’il n’en existe aucun la dis
position de cet article est complètement indifférente ?
L’actif, dans cette hypothèse, sera réparti entre les cré
anciers primitifs sur les bases déterminées ; mais en sup
posant qu’il soit supérieur aux sommes d u es, d’après
n — 19
�290
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
cette détermination l’excédant devrait appartenir au failli.
Or, comme les créanciers conservent contre lui tous leurs
droits jusqu’à concurrence de ce qui leur est réellement
dû en capital, intérêts et frais, c’est entre eux et au marc
le franc du solde dont ils sont encore créanciers que cet
excédant sera réparti.
L’article 526 n’est donc d’une application effective que
lorsque, dans l’intervalle de l’homologation au rétablis
sement de la faillite, des tiers ont contracté avec le failli
et sont devenus ses créanciers. Dans le règlement de leurs
droits vis-à-vis des précédents intéressés , le législateur
devait observer une mesure exacte et éviter de les grever
ou de les avantager en faveur ou au détriment de ceux-ci.
Le premier eût été d’autant moins juste que si une
partie du dividende a déjà été payée,on peut présumer
facilement que c’est à l’aide des ressources que le failli
a trouvées dans les relations postérieures au concordat,
et qu’en définitive ceux qui ont fourni ces ressources
n’ont encore rien touché , tandis que les créanciers ont
déjà été payés d’une partie de leurs créances.
Or, ce paiement est irrévocablement acquis ; il ne peut
être rapporté à la masse. Les nouveaux venus sont donc
définitivement privés de toute participation à cette partie
de l’actif qui leur aurait été dévolue au marc le franc,
si elle avait existé en caisse lors de la nouvelle faillite.
Les nouveaux créanciers éprouvent donc déjà un vé
ritable préjudice de cet état des choses, et ce serait l’ag
graver outre mesure que d’admettre que ce paiement
n’aurait pas, par rapport à eux, la conséquence d’éteintre la partie correspondante du capital. Vainement vou-
f
�ART.
525, 626.
291
drail-on, pour répudier cette conséquence , exciper de
ce que le concordat disparaissant, doit entraîner avec lui
tous les effets qu’il était susceptible de produire ; on
pourrait facilement rétorquer cet argument et dire que
si l’annulation du traité doit remettre les parties dans le
même état qu’avant sa signature, les paiements faits en
vertu de ses stipulations doivent être rapportés comme
irréguliers et nuis.
Si cependant ceux qui les ont reçus sont autorisés à
les retenir, c’est que par exception aux règles ordinaires
le concordat, quoique annulé, est susceptible d’exécution
pour les faits accomplis de bonne foi sous son empire.
Or, au moment même où ces paiements ont été réali
sés, l’extinction de la partie du capital s’est opérée. Cet
effet est inséparable de la cause, et puisque l’annulation
reste sans effets pour celle-ci, elle devait demeurer étran
gère à celui-là, à moins qu’on ne prétendît imposer aux
tiers toutes les charges dont le concordat était suscepti
ble, sans leur conférer les avantages qu’il peut entraîner.
687.
— Nous avons déjà dit, cependant, qu’on ne
saurait leur adresser aucun reproche fondé. Ils ont traité
avec le failli sur la foi d’un concordat qu’ils devaient
croire définitif et dont l’annulation ou la résolution ne
saurait leur être imputée. Ils méritent donc autant de
faveur que les anciens créanciers qui, dans quelque po
sition qu’on les place d’ailleurs, recevront un dividende
égal ou supérieur au le u r, ou tout au moins plus fort
que celui dont ils s’étaient contentés.
Supposons , en effet, deux créanciers de 20,000 fr.:
l’un avait concordé moyennant une remise de 73 •/„. Il
�292
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
lui revenait 5,000 fr. dont il a touché la moitié. Après
l’annulation du concordat il est admis à la masse pour
10,000 fr.; tandis que le second doit l’être pour la tota
lité des 20,000 fr.
Si la liquidation de l’actif présenteune pertede 75% ,
ces deux créanciers auront reçu un dividende égal. Le
premier aura touché 2,500 fr., en vertu du concordat
il aura à prendre le 25 % sur la somme de 10,000 fr.
dans la nouvelle faillite ; total : 5,000 fr. que le second
touchera dans celle-ci seulement.
Si lu perte est du 85 % le premier recevra plus que
le second. Celui-ci n ’aura, en effet, que le 15 % sur la
totalité de ses 20,000 fr.; tandis que le premier touchera
le 15 % sur 10,000 fr. et le 25 % sur 10,000 fr.
Enfin , si cette perte n’est que du 70 % > le second
créancier prenant le 30 % sur ses 20,000 fr., recevra
plus que le premier qui n’aura eu que le 25 % sur la
moitié de sa créance. Mais dans ce cas encore, celui-ci
réalise un bénéfice comparativement à ce qu’il avait à
recevoir d’après le concordat, puisqu’au lieu de 25 %
sur la totalité de sa créance, il en recevra réellement 30
sur la moitié restant due. Il aura donc plus que ce qu’il
avait exigé lui-même.
688.
— Ajoutons que si la loi place ainsi les créan
ciers anciens sous le coup d’une inégalité éventuelle,
par rapport aux nouveaux cette éventualité est plus que
compensée par l’application qu’elle fait de l’article 526,
au cas d’une nouvelle faillite avant la liquidation de celle
que le concordat avait clôturée. C’ast là un véritable avantage conféré aux créanciers primitifs. On admettait,
�ART.
525, 526.
293
en effet, sous le Code précédent, qu’en cas de faillite sur
faillite , les créanciers qui avaient concordé sur la pre
mière n’étaient admis dans la seconde que pour le mon
tant du dividende qu’ils avaient accepté, déduction faite
des à-comptes qui leur avaient été payés. Il résultait de
là qu’un créancier de 40,000 fr. qui avait concordé
moyennant le 23 % ne figurait dans la nouvelle faillite
que ponr 10,000 fr.; qu’en supposant que la perte que
celle-ci faisait éprouver fût du 75 % » ü retirait une
somme de 2,500 fr. ou soit le 6 1/4 7° sur sa créance
de 40,000 fr., tandis que sur un capital pareil le créan
cier nouveau touchait une somme totale de 10,000 fr.
Le rapporteur de la loi nouvelle avait donc raison
lorsque, dans la session de 1835, il reprochait au Code
de commerce d’avoir sacrifié les créanciers anciens aux
nouveaux, et trouvait qu’il était urgent de concilier d’une
manière plus juste ce qui était dû aux uns et aux autres.
Nous avons prouvé que le terme moyen adopté par l’ar
ticle 526 était de nature à remplir celte exigence ; sa
disposition est donc à l’abri de tout reproche.
Ainsi , les créanciers anciens, s’ils n’ont rien touché
du dividende convenu dans le concordat, concourront
dans la nouvelle faillite pour la totalité de leurs créan
ces, tant dans l’hypothèse de l’annulation ou de la réso
lution que dans celle d’une seconde déclaration. Si ce
dividende leur a été payé en partie, ils ne seront admis
que pour la partie du capital correspondant à celle du
dividende qui leur est encore due.
688 bis. — L’article 526 doit recevoir son applica
tion non-seulement dans l’hypothèse d’un concordat
�294
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
judiciaire, mais encore dans celle d’un concordat amia
ble. Les raisons qui militent dans un cas militent non
moins puissamment dans l’autre , et celte identité de
raisons faisait nécessairement aboutir à un résultat iden
tique.
En effet, le jugement déclaratif ne crée pas l’état de
faillite ; il ne fait que le constater. Ce qui constitue cet
é ta t, c’est la cessation de paiements , et cette cessation
ne saurait être contestée , lorsque le débiteur commer
çant est obligé d’attermoyer avec ses créanciers et de
leur demander l’abandon et la remise d’une partie de
leur créance. Dès lors, c’est sous l’empire de la loi spé
ciale que tombent les actes faits à cette occasion, et par
ses dispositions que se règlent les droits des parties con
tractantes.
On ne saurait dénier au concordat amiable les effets
du concordat judiciaire. Le premier ne diffère du se
cond qu’en ce que celui-ci régulièrement voté s’impose
même aux créanciers qui l’ont repoussé ou qui n’ont
pris aucune part à la délibération , tandis que celui-là
ne lie et ne peut lier que ceux qui l’ont expressément
souscrit, et qui l’ont exécuté.
Sans doute les souscripteurs eux-mêmes seront déga
gés, si l’acte portant expressément qu’il ne sera valable
que s’il réunit l’unanimité des créanciers, cette unani
mité n’a pas été obtenue. Mais à défaut de cette clause,
tout traité intervenu avec un commerçant en état de
cessation de paiements et ayant pour objet de lui faire
remise d’une partie de la dette e s t, à l’égard des con
tractants, un véritable concordat produisant tous les ef«
�art.
525, 826.
295
fets du concordat judiciaire , même au point de vue de
l’article 526.
Ainsi et par arrêt du 12 novembre 1859, la cour de
Paris jugeait que le créancier qui a fait à son débiteur
remise d’une partie de la dette , à la condition de payer
le surplus à des époques déterminées, ne p e u t, en cas
de faillite de celui-ci après le paiement de divers à comptes , être admis au passif de la faillite que pour la
portion de la créance primitive correspondant à la por
tion du dividende promise et non payée.
Une pareille convention, dit l’arrêt, présente tous les
caractères d’un concordat amiable , à l’égard duquel il
y a lieu de statuer par assimilation , suivant les règles
établies en matière de concordat judiciaire.
Dans cette espèce on se prévalait d’une clause du
traité portant : que faute de paiement aux échéances
convenues, le créancier rentrerait dans la plénitude de
ses droits pour la totalité de sa créance, déduction faite
des à-comptes reçus. Mais répond l’arrêt : « La condi» tion résolutoire pour défaut de paiement insérée dans
» la convention n’a rien de commun avec la clause pé» nale, et n’a pas d’autre sens et d’autre portée que les
» conditions de même nature qui se rencontrent dans
» le concordat après faillite déclarée ; que la conven» tion dont s’agit avait pour but de créer au débiteur
» au profit des appelants une situation nouvelle qui ré» tablit son crédit commercial, et qu’elle a eu pour ef» fet de provoquer la confiance des tiers et de faciliter
» les opérations dans lesquelles ce débiteur a trouvé les
» moyens de payer les neuf dixièmes de sa dette ; que
�296
»
»
»
»
»
»
»
»
»
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
les créanciers de la faillite qui a suivi le concordat
amiable et les opérations nouvelles du failli doivent
être protégées contre les conséquences de la résolulion encourue par le failli, comme ils le seraient en
cas de faillite après concordat judiciaire ; que les m êmes raisons d’honnêteté , d’ordre et d’intérêt public
qui ont porté le législateur à limiter les effets de la
résolution par la disposition de l’article 5 2 6 , justi—
fient l’assimilation admise par le jugement.1 »
Ce qui a , en effet, déterminé la disposition de l’arti
cle 526 , c’est qu’il était impossible d’admettre que les
créanciers qui concordant avec leur débiteur lui ont per
mis de reprendre les affaires, d’utiliser son crédit, de
lui demander les moyens de payer le dividende conve
nu, vinssent dans la seconde faillite demander et obte
nir une position meilleure que celle des créanciers qui
n’ont traité que postérieurement au concordat qui n’a
été ainsi pour eux qu’un véritable piège.
Or, est-ce que l’arrangemeut amiable n’a pas un ré
sultat identique ? Est-ce qu’il ne met pas le débiteur en
mesure de continuer son commerce, de se livrer à de
nouvelles opérations, à se procurer ainsi au détriment
des nouveaux créanciers - les ressources qu’il a consa
crées à se libérer partiellement des engagements qu’il a
contractés envers celui qui lui a remis une partie de la
dette ?
Où donc serait la raison de distinguer et d’autoriser
dans un cas ce qu’on prohibe dans l ’autre? La cour de
�ART.
825, 526.
297
Paris avait donc raison de déclarer que tout justifiait
l’assimilation qui permettait d’en appeler dans tous les
cas à l’article 526.
Qu’importe que dans la prévision d’une inexécution
partielle le traité amiable ait stipulé que le créancier
rentrerait dans tous ses droits pour la totalité de sa cré
ance ? C’est là un effet qui n’a pas besoin d’être expres
sément convenu et qui résulte nécessairement du fait
seul de l’inexécution , et qui est expressément consacré
par l’article 526 lui-même , mais vis-à-vis du failli.
Or, il n’est ni dans le droit ni dans le pouvoir des par
ties de lui donner plus d’extension , par la raison que
cette extension créerait un privilège au préjudice de la
masse ; qu’en matière de privilèges les tiers ne peuvent
les subir que dans les cas et aux conditions expressé
ment déterminées par la loi ; que dans notre matière,
loin de l’autoriser, la loi le prohibe formellement dans
l’article 526.
Ainsi, dans quelque circonstance que se soit produit
l’abandon partiel de la dette , le créancier non payé en
totalité ne peut être admis au passif de la faillite du dé
biteur, ultérieurement déclarée, que pour la portion de
sa créance primitive correspondant à la portion du di
vidende convenu non encore payée.
6 8 8 ter. — Cet effet lui-même n ’est acquis que si
la résiliation du concordat, ou la nouvelle mise en fail
lite compromet le paiement de la portion du dividende
encore due, en réduisant le créancier à la qualité de
simple chirographaire. Donc, dans la supposition d ’une
�298
DES FA ILLITES ET BANQUEROUTES
inscription prise en vertu du jugement qui avait homo
logué le concordai et garantissant le paiement de la
portion du dividende non payée, les créanciers ne pour
ront hypothécairement réclamer que cette portion ellemême, et non une portion correspondante du capital.
Le tribunal civil de Paris avait décidé le contraire.
Ses motifs étaient : « Que l’inscription prise au nom de
la masse , en vertu de l’article 490 du Code de com
merce, constituait un droit d’hypothèque au profit des
créanciers du failli ; que cette hypothèque a conservé la
totalité des créances de la première masse ; qu’à la vé
rité ces créances auraient pu être éteintes par le paied’un dividende de 35 % aux termes du concordat,
mais que ce concordat ayant été résolu de plein droit
par la seconde faillite, il ne peut être opposé aux créan
ciers de la première masse que pour l’exécution qu’il a
déjà reçue à leur égard, et non pour l’avenir ; qu’il ré
sulte de cette exécution que ces créanciers ayant reçu
17 1/2 % sur un dividende total de 35 , ont été par
cela même payés de la part de leur créance qui se trou
vait éteinte par ce dividende partiel soit de la moitié, et
qu’ainsi ils demeurent créanciers de la moitié de leur
créance primitive. »
Que la survenance d’une seconde faillite n’empêche
pas l’hypothèque acquise aux créanciers de la première
masse de subsister et de produire son effet, c’est ce qui
ne saurait souffrir aucune difficulté. C’est même préci
sément pour cela que ces créanciers sont non recevables
à invoquer l’article 526. Car payés en vertu de cette
hypothèque de la totalité du dividende stipulé , il ne
�ART.
525, 526.
299
leur est plus rien d û , et se trouvent dès lors en dehors
des conditions auxquelles est subordonnée l’application
de l’article 526.
Un reproche qu’on peut justement adresser au juge
ment, c’est d’avoir admis que l’inscription prise en vertu
de l’article 490 conférait un droit d’hypothèque aux
créanciers. Dans nos observations sur cet article nous
avons établi que cette inscription n ’était et ne pouvait
être qu’un nouveau moyen de publicité du jugement
déclaratif. Comment confèrerait-elle un droit d’hypothè
que , puisqu’au moment où elle est requise on ignore
nécessairement quels seront les créanciers, quelles seront
les sommes dues.
Ce droit ne peut naître que de l’inscription du juge
ment qui a homologué le concordat. Alors, en effet, il
ne règne plus d’incertitude , car la vérification des cré
ances a positivement établi le nom des créanciers et la
quotité des créances.
Qu’importe que la seconde faillite détermine de plein
droit la résolution du concordat. Ainsi que le constate
le jugement lui-même , cette résolution n ’a aucune in
fluence sur l’hypothèque résultant de l’inscription du
jugement homologatif, et ne saurait en modifier les ef
fets. Donc, les créanciers qui en bénéficient seront col
loqués sur le prix des immeubles pour ce qui leur reste
dû, c’est-à-dire uniquement pour le solde non payé du
dividende. Les admettre pour une portion du capital
primitif correspondant à ce solde , ce serait donner à
l’hypothèque une extension qu’elle ne comporte pas,
méconnaître l’intérêt et les droits des créanciers nou-
�300
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
veaux, et consacrer que la seconde faillite a amélioré et
pu améliorer la position des anciens créanciers.
Ainsi de deux choses l’une : ou la collocation assu
rera le paiement de ce qui reste dû sur le dividende, et
les créanciers ne sont ni recevables ni fondés à récla
mer autre chose ;
Ou ces créanciers ne viendront en rang utile que pour
une portion, et dans ce cas réduits à recourir à la masse
chirographaire , ils pourront pour ce qui leur reste dû
invoquer l’article 526.
Il est dès lors évident que lorsqu’il s’agit pour eux
d’exercer leurs droits hypothécaires , ils ne peuvent et
ne doivent être colloqués que pour ce qui leur reste dû
sur le dividende stipulé dans le concordat.
C’est ce que la cour de Paris consacre avec raison en
infirmant le jugement par arrêt du 22 juin 1850. Cet
arrêt établit d’abord qu’avant la loi de 1838, l’inscrip
tion prise en faveur de la masse en vertu de l’article 500
du Code de commerce, n’était qu’une mesure conserva
toire ayant pour objet de manifester l’état de faillite et
non de créer un droit hypothécaire ; que ce droit n’était
fixé et établi par l’article 524 qu’en vertu du jugement
qui avait homologué le concordat et pour les droits de
chacun au dividende consenti ; qu’ainsi quels que fus
sent les événements ultérieurs, les créanciers d’une pre
mière faillite ne pouvaient réclamer , au préjudice des
créanciers postérieurs, sur les biens immeubles affectés
à leur créance , des garanties hypothécaires plus éten
dues que celles déterminées par le concordat ; qu’il ne
saurait en être autrement sous l’empire des articles 490
�ART.
525, 526.
301
et SI 7 du nouveau Code remplaçant les articles 500 et
524 de l’ancien.
L’arrêt ajoute : « Considérant qu’en faisant résulter
» de la mesure indiquée par l’article 490 un droit d’hy» pothèque indépendant de l’article 517, on arriverait
» à cette conséquence que le Code de commerce aurait
» créé un droit hypothécaire collectif, indéterminé , en
» dehors des prescriptions rigoureuses du droit civil
» qui ne reconnaît que des hypothèques légales , con» ventionnelles ou judiciaires ; que dans l’article 526
» qui règle , en cas de nouvelle faillite , les droits des
» créanciers de la première pour la partie de leur cré» ance non éteinte dans les termes d’un concordat, on
» ne trouve aucune disposition ayant pour objet de
» modifier la situation hypothécaire faite aux créan» ciers par le concordat, et qu’il ressort de l’ensemble
» de ses prescriptions qu’elles ne concernent que les
)> droits de tous chirographairement exercés;
» Considérant qu’accorder aux premiers le droit ex» orbitant de retenir ce qu’ils ont touché en vertu du
» concordat, et d ’exercer , contrairement à ses condi» lions , les droits hypothécaires les plus étendus pour
» le surplus de leurs créances originaires, au préjudice
» des créanciers de la seconde faillite, ce serait créer un
» privilège qui ne ressort d’aucune disposition de la loi
» et serait contraire à l’équité , notamment dans l’es—
» pèce où c’est avec les deniers des créanciers de la se» conde faillite que l’immeuble a été terminé et porté à
» une valeur considérable ; qu’enfin l’admission du
» système ci-dessus aurait pour résultat de rendre im-
�302
BES FAILLITES ET BANQUEROUTES
»
»
»
»
»
»
possible dans les mains d’un failli, après un concordat obtenu , la disposition de ses valeurs immobilièr e s , puisque ceux qui contracteraient avec lui à cet
égard postérieurement au concordat seraient menacés
de l’exercice éventuel des prétentions des créanciers
concordataires au delà des droits par eux acceptés ;
» Considérant que dans la cause il s’agit seulement
» de régler les droits à l’ordre et de déterminer pour
» quelle part les créanciers contestés doivent être collo» qués ; qu’il résulte du concordat consenti par les cré» anciers de la première faillite qu’ils se sont soumis
» à un dividende de 35 % hypothécairement garanti ;
» qu’ils ont touché 17 1/2 % dudit dividende, et qu’» ils doivent ainsi être colloqués dans l’ordre ouvert
» pour le surplus dudit dividende, soit 17 1/2 % eu
» vertu dudit concordat.1 »
Impossible de méconnaître et de contester la justesse
et l’autorité de ces considérations, et la haute portée ju
ridique de la conclusion qui s’en déduit. Nous le répé
tons, si colloqués en rang utile les créanciers de la pre
mière faillite sont payés de l’intégralité du dividende
qu’ils avaient accepté, ils sont intégralement désintéres
sés , et dès lors dans l’impossibilité de se prévaloir de
l’article 526.
689.
— De la combinaison des articles 520 et 526
pourraient naître quelques difficultés, si la reprise de la
faillite était la conséquence de la résolution du concordat.
Cette résolution, avons-nous vu, ne libère pas les caui J duP.,'81, 4, 30.
�ART.
525, 526.
303
tions. Qu’arrivera-t-il donc lorsque les anciens créan
ciers se trouveront en présence des nouveaux ? Ces der
niers pourront-ils contraindre les autres à se faire payer
par les cautions et les exclure de tout concours dans la
répartition de l’actif, sous prétexte que pouvant retirer
l’intégralité du dividende ils sont en réalité désintéressés?
Pourront-ils tout au moins se faire subroger contre les
cautions jusqu’à concurrence de ce que les premiers cré
anciers recevront dans la liquidation de l’actif?
L’on doit résoudre négativement ces questions. Et
d’abord les principes que nous avons développés sous
rarticleT,520 répondent à la première.
Par la résolution du concordat les créanciers sont in
vestis d’un double droit : celui de se faire payer par les
cautions ; celui de venir dans les répartitions de l’actif
et d’y recevoir au delà même de ce que le concordat leur
promettait. Ce sont là deux facultés dont l’exercice simul
tané est si peu inconciliable , qu’ainsi que nous l’avons
déjà d i t , l’offre par les cautions de payer le dividende
auquel le failli était obligé n’empêcherait pas la résolu
tion demandée. Il suit de là que les créanciers nouveaux
seraient mal fondés à prétendre soumettre à une option
ceux que la loi en a formellement affranchis , et à les
obliger de se livrer à une poursuite qui, réalisée qu’elle
fût, ne saurait être un obstacle à ce qu’ils fussent com
pris dans les répartitions ultérieures.
Quant aux cautions, elles ne sont obligées que si les
créanciers ne reçoivent pas du failli le montant de ce que
celui-ci s’est engagé à leur payer. Le rétablissement de
la faillite substitue l’actif au failli ; c’est donc cet actif
�304
DES FAILLITES ET
BANQUEROUTES
qui devient le principal obligé. En conséquence , s’il est
suffisant pour solder le dividende prom is, les cautions
sont libérées comme elles l’auraient été si le failli avait
payé lui-même. Il résulte de ces considérations que nonseulement les créanciers nouveaux ne pourraient se faire
subroger contre les cautions, mais encore que celles-ci
ont le droit incontestable d’obtenir des créanciers qu’elles
désintéresseraient la subrogation à leurs droits pour ve
nir en leur lieu et place prendre part à la répartition de
l’actif, jusqu’à concurrence de ce qu’elles auraient payé
si le dividende excédait les sommes cautionnées.
690.
— L’effet que la résolution produit contre les
cautions se réalise-t-il dans le cas d'une nouvelle décla
ration de faillite avant la liquidation de la première?
Les créanciers concordataires peuvent-ils prendre leur
part proportionnelle dans l’actif du failli et conserver
leurs droits contre les cautions ?
Il nous parait que ces questions doivent être résolues
par l’affirmative. Dans cette hypothèse il y a véritable
ment résolution du concordat, son exécution étant désor
mais impossible par suite du dessaisissement du failli
qui est la conséquence du jugement déclaratif. Il n’y a
pas d’autre différence entre ce cas et celui de la résolu
tion ordinaire, que celle qui s’effectue dans le mode de
sa réalisation : dans l’un, la résolution est de plein droit;
dans l’autre, elle ne peut être que le résultat d’une dé
cision spéciale de justice.
Il doit donc y avoir dans chacun d’eux des effets iden
tiques. C’est ainsi d’ailleurs que paraît l’admettre le se
cond paragraphe de l’article 526 , en assimilant le cas
�ART.
525, 526.
305
de faillite à ceux d’annulation ou de résolution quant aux
droits des créanciers anciens vis-à-vis des nouveaux. Or,
on ne pourrait appliquer dans aucun cas, à l’hypothèse
de la faillite sur faillite, les effets de l’annulation. Celleci étant circonscrite dans ses causes, ne saurait résulter
de la première qui ne peut jamais donner lieu qu’à une
inexécution, et par conséquent à la résolution. C’est,dès
lors,' dans les effets de celle-ci qu’il faut exclusivement
se renfermer pour régler les conséquences que la décla
ration de la faillite doit entraîner contre les parties in
téressées.
6 9 1 . — La déclaration de faillite ne peut être pour
suivie qu’avant l’annulation ou la résolution du concor
dat. Il est évident qu’après la prononciation de l’une ou
de l’autre cette poursuite serait complètement inutile,
l’état qu’elle tend à créer existant déjà. Mais pour qu’il
y ait lieu à l’admettre, il faut que le débiteur ait cessé
ses paiements et que cette cessation réunisse les carac
tères que nous avons décrits sous l’article 437.
Dans ce cas encore comme dans celui d’une première
déclaration , la faillite peut être spontanément requise
par le débiteur , provoquée par les créanciers sans dis
tinction entre les anciens et les nouveaux, ou prononcée
d’office par le tribunal. Dans la première hypothèse, le
failli devrait opérer le dépôt de son bilan, dont la rédac
tion est laissée, dans les deux autres, aux nouveaux syn
dics, conformément à l’article 522.
692. — Quant aux actes et paiements faits par le
débiteur aux approches de cette nouvelle faillite, les pré
somptions et distinctions créées par les articles 446,
n — 20
�306
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
447 et 448 reprendraient leur empire. A la différence
de ce qui a lieu dans le cas d’annulation ou de résolu
tion du concordat, la fraude qûi devrait les faire annu
ler résulterait de la simple connaissance de la cessation
de paiements. Il est évident, en effet, que les motifs qui
l’ont fait décider autrement dans ces deux hypothèses,
seraient sans application à celle-ci, et qu’il y a lieu par
conséquent de s’en référer à ceux que nous avons déve
loppés sous ces trois articles l.
693.
— Mais l’hypothèque inscrite en vertu de l’ar
ticle 617 au profit des créanciers concordataires ne pour
rait être valablement querellée ; elle pourrait donc sor
tir à effet, et assurer ainsi à ces mêmes créanciers une
préférence sur les immeubles du failli à l’encontre de
tous autres.
Cette hypothèse se réalisant, comment règlera-t-on la
position de ces créanciers sous le point de vue de l’ar
ticle 626 ? Devra-t -on établir leur admission au passif
en calculant leur capital sur le dividende qui leur est
dû; imputer ensuite sur ce capital ce qu’ils toucheront
en vertu de leur hypothèque et les faire concourir pour
l’excédant aux répartitions de l’actif? Exemple: Paul
était créancier de 20,000 fr.; il a concordé pour un di
vidende de 25 % t ü devait donc recevoir 5,000 fr. pour
lesquels il lui a été conféré une hypothèque. Avant tout
paiement le débiteur a été de nouveau déclaré en état
de faillite. En vertu de l’article 526 Paul doit être admis
dans cette faillite pour sa créance entière de 20,000 fr.
Plus lard les immeubles se vendent ; Paul est colloqué
1 V oy.
supra articles
446, 447, 448 ; et n»» 680, 681.
�pour le montant de son hypothèque, soit pour 5,000 fr.
Devra-t-on le considérer comme créancier de 15,000 fr.
dans la nouvelle faillite, et l’admettre à concourir com
me tel aux distributions ?
.
Il résulterait de la solution affirmative que Paul reti
rerait l’intégralité du dividende qui lui a été promis, et
qu’il ne subirait aucune extinction sur son capital. Or,
ce résultat mis en présence de la disposition de l’article
526, des motifs qui en ont déterminé l’adoption , nous
paraît inadmissible.
Le texte de la loi attache au paiement du dividende
une extinction proportionnelle du capital. Que ce paie
ment s’opère avant ou après l’anéantissement du con
cordat, il ne saurait régner aucune différence de nature
à modifier celte prescription absolue. Le concordat an
nulé ou résolu ne doit produire ancun effet, sauf les
actes accomplis sous son empire ; dès lors l’hypothèque
qui n’a encore rien produit devrait être entraînée dans
sa chute. Il est vrai que la loi n’admet pas cette déduction
fort logique pourtant, et qu’elle autorise le créancier à
en poursuivre le bénéfice, mais évidemment à la eharge
des conséquences qu’elle attache à celui-ci, ou tout au
moins sans dérogation aucuneau principe qu’elle consacre.
Si l’hypothèque avait produit tous ses effets avant la
nouvelle faillite, le créancier aurait été payé de l’intégra
lité de son dividende et son capital eût été éteint. Il doit
en être de même si ce paiement intégral se réalise après
la déclaration. La loi qui laisse au créancier l’option
de retirer son dividende ou de courir les chances de la
nouvelle liquidation, prohibe le cumul de l’un et de l’au
tre. C’est donc au créancier à se prononcer.
�308
DES FAILLITES
ET BANQUEROUTES
L’esprit de la loi vient ici au secours du texte. Le cu
mul est proscrit dans l’intérêt des nouveaux créanciers
que l'on n’a pas voulu sacrifier aux anciens. Cependant
on arriverait infailliblement à ce résultat si l’on permet
tait à ces derniers de loucher d’abord hypothécairement
une partie de leur créance, de venir ensuite au marc le
franc pour ce qui resterait dû.
Vainement argumenterait-on de ce que ces créanciers
conservent le droit, tout en concourant aux répartitions
de l’actif, de se faire payer par les cautions dans le cas
prévu par l’article S20. Il n’y a entre le cautionnement
et l’hypothèque sur les biens du failli aucune assimila
tion possible. En effet , si les cautions sont obligées de
payer, ce n’est pas par un prélèvement sur l’actif de la
faillite qu’elles opèrent ce paiement, mais par leurs pro
pres fonds sur lesquels les créanciers nouveaux n’ont
jamais eu aucuns droits. Ils ne pourraient donc se plain
dre d’un fait qui ne peut dans aucun cas diminuer ni
altérer leur gage commun. On pourrait donc concevoir
sans peine que le cumul pût se réaliser dans cette hypo
thèse, sans qu’il fallût l’admettre dans l’autre.
Mais en réalité, même pour ce qui concerne les cau
tions, les créanciers ne cumulent pas, nous l’avons déjà
dit. Tout ce qu’ils touchent dans les répartitions est, de
plein droit, imputable sur les sommes dues par les cau
tions qui sont libérées d’autant. Leur admission à ces
répartitions est donc plutôt une justice accordée à cellesci qu’un acte de faveur pour les créanciers. On a voulu
alléger ainsi autant que possible le fardeau qu’on fait
peser sur des tiers qui ne sont devenus débiteurs qu’à
�l’occasion du concordat, dont on enlève cependant le
bénéfice que leur engagement avait pour but d’acquérir
au failli.
Tout ce que les créanciers peuvent donc espérer dans
l’hypothèse de l’article 520 c’est de retirer un dividende
jamais moindre, quelquefois plus élevé que celui que le
concordat leur assurait. Il est vrai que dans le cas de
l’hypothèque, cette chance est plus défavorable puisque
le dividende peut être plus faible ; mais c’est à eux à
prononcer avec prudence sur ce qu’il leur convient de
faire.
S’ils renoncent à leur qualité d’hypothécaire, ils con
courent comme tous les autres créanciers à la réparti
tion de l’actif; mais si tenant à cette qualité ils se font
payer par préférence du montant de leur hypothèque,
ils ne peuvent prétendre au paiement intégral de leur
dividende et à l’admission au partage de l’actif pour une
quotité quelconque de leur ancienne créance. Si le prix
des immeubles n’a pas suffi pour opérer le premier en
totalité, leur droit à la seconde se règle par ce qui leur
reste dû conformément au mode prescrit par l’art. 526.
694.
— Le même effet se produit dans le cas d’an
nulation ou de résolution du concordat pour simple in
exécution. La disposition de l’article 520 ne concerne
pas le cautionnement hypothécaire fourni par le failli,
et qui est réglé , par rapport aux nouveaux créanciers,
de la manière que nous venons d’établir.
�310
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
SECTION IIIe
DE L A CLOTURE B U CAS D’I N S U r r i »A H O E DE L’A O T ir
A
rt.
527.
SI à q n e lq n e épo qu e q u e ce soit, a v a n t l ’h om olo
g a tio n d u c o n co rd at o u la fo rm a tio n de l ’u n io n , le
c o u rs d es o p e ra tio n s de la fa illite se tro u v e a rre té
p a r in su ffisa n c e de l ’actif, le t r ib u n a l de c o m m e r
ce p o u r r a , s u r le r a p p o r t d u ju g e -c o m m issa ire ,
p ro n o n c e r m ê m e d ’office la c lô tu re d es op é ra tio n s
de la fa illite .
Ce ju g e m e n t fe r a r e n t r e r ch aqu e c ré a n c ie r dans
l ’exercice de ses a c tio n s in d iv id u e lle s , ta n t contre
le s b ie n s qu e c o n tre la p e rso n n e d u fa illi.
P e n d a n t u n m o is , à p a r t i r de sa d ate , l ’exécu
tio n de ce ju g e m e n t s e r a su sp e n d u e .
A
rt.
528.
Le f a illi o u to u t a u t r e in té re s s é p o u r r a , h toute
épo qu e, le fa ir e r a p p o r t e r p a r le t r ib u n a l, en ju s
tifia n t q u ’il existe d es fo n d s p o u r fa ir e face aux
f r a i s d es o p é ra tio n s de l a fa illit e , o u en faisan t
c o n s ig n e r e n tr e le s m a in s d es sy n d ics so m m e su f
fisante p o u r y p o u r v o ir.
D a n s to u s le s cas, le s f r a i s d es p o u r s u it e s exer
cées en v e rtu d e l ’a rtic le p ré c é d e n t d e v ro n t être
p r é a la b le m e n t a cq u itté s.
SOMMAIRE
695.
Le Code de commerce ne contenait aucune disposition de
la nature de celle de ces deux articles. Fâcheuses con
séquences de cette omission.
696. Le failli trouvait dans la profondeur de sa ruine le moyen
d’en éviter les conséquences.
697. Cependant cet excès pouvait provenir de la fraude, ou con
stituer au moins une faute.
698. Le système adopté par le nouveau législateur contre cet
abus est renfermé dans les articles 461, 527, 528, 541.
�ART.
699.
527, 528.
311
La faillite sera toujours déclarée au moyen de l ’avance des
frais faite par l’Etat.
700. Si l ’actif est ensuite insuffisant, l,e tribunal de commerce
clôture la faillite. Forme dans laquelle le jugement est
rendu.
701. Ce jugement ne fait pas cesser l’état de faillite, ni l’incapa
cité du failli ; mais il rend aux créanciers la faculté de
le poursuivre individuellement.
702. Quel sera par rapport à la masse le sort du paiement obte
nu par l'effet de ces poursuites ?
702 bi‘. Le partage fait avec un cohéritier en état de faillite clô
turée par insuffisance d ’actif est valable.
703. Par l ’abolition de la cession des biens le failli ne peut plus
se libérer de la contrainte par corps que par le concor
dat ou l ’excusabilité. 11 a donc le plus haut intérêt à ar
river à l’un ou à l’autre. Conséquences.
704. La clôture de la faillite peut être prononcée à toutes les
époques.
705. Application des articles 527 et 528 aux faillites anciennes.
Différence entre les anciens et les nouveaux faillis relativement à la cession des biens.
706. L ’exécution du jugement qui clôture la faillite est suspen
due pendant un mois à partir de sa date. Motifs.
707. Le j ugement de clôture peut toujours être rétracté.
708. A quelles conditions ?
709. L ’obligation d’indemniser les créanciers des frais de pour
suite par eux exposés indique tout l ’intérêt qu’a le failli
à utiliser le délai d’un mois pendant lequel l ’exécution
est suspendue.
710. La rétractation devrait être prononcée s’il existait dans
l ’actif des effets mobiliers ou des marchandises.
711. Le jugement de clôture n’est susceptible ni d’opposition ni
d’appel. La rétractation doit en être demandée par ac
tion principale.
712. Mais on peut appeler du jugement qui statue sur celle-ci.
713. Les jugements sur la rétractation prononçant toujours sur
un intérêt indéterminé sont toujours appellables.
�312
714.
715.
DUS FAILLITES ET BANQUEROUTES
Les parents, la femme, les enfants du failli, ses créanciers
peuvent comme lui poursuivre la rétractation du juge
ment de clôture.
Effets du jugement qui admet cette rétractation.
6 9 5 . — Le Code de commerce n’avait pris aucun
moyen pour amener à une solution quelconque les fail
lites dans lesquelles l’actif ne pouvait faire face aux frais
de la liquidation. Il résultait de cet état des choses que
ces faillites étaient interminables, que les créanciers dé
couragés finissaient par faire le sacrifice de ce qui leur
était dû , et que le failli dégagé de toute crainte d’une
poursuite individuelle , parce qu’il était perpétuellement
dans les liens de la faillite, ne payait jamais rien. C’était
là, il faut en convenir, une conséquence que les faillis
devaient naturellement rechercher avec ardeur.
6 9 6 . — D’autres fois, un négociant était dans une
telle déconfiture, que l’actif qui lui restait était évidem
ment insuffisant pour fournir aux frais que la déclara
tion judiciaire de la faillite eût entraînés. Aucun des
créanciers n’osait en faire l’avance, dans la crainte fon
dée d’ajouter une perte nouvelle à celle qu’ils éprou
vaient déjà. En l’absence de toute poursuite le débiteur
restait à la tête de ses affaires , continuait de gérer son
actif, finissait par le dévorer en totalité. Il trouvait donc
dans la profondeur de sa ruine au moins apparente le
moyen de braver impunément ses créanciers.
6 9 7 . — Cependant, pour arriver à ce point le com
merçant avait commis ou une faute grave ou une fraude
coupable.
En effet, la raison et la loi exigent qu’un négociant
�art.
527, 528.
313
qui ne peut plus faire face à ses engagements s’arrête
et appelle ses créanciers à recueillir les ressources dont
il peut encore disposer. Celui-là donc qui loin d’agir
ainsi continue un commerce frappé de mort,qui sous le
vain espoir d’une chance heureuse dévore jusqu’à son
dernier sou dans des tentatives ruineuses et désespérées,
viole ouvertement toutes les obligations morales que sa
qualité lui impose.
C’est cette rébellion à l’esprit de la loi que le Code de
commerce encourageait malheureusement. En effet, pour
quoi le commerçant se serait-il arrêté au moment où la
gêne se manifestait ? L’actif qui lui restait permettait
non -seulement la déclaration, mais encore la liquidation
de sa faillite. L’une et l’autre l’exposaient à subir la res
ponsabilité des actes frauduleux ou imprudents qu’il avait pu commettre ; tandis qu’après avoir dévoré l’inté
gralité de ses ressources il était assuré d’échapper aux
conséquences de ses engagements. Il se débarrassait de
toute contrainte individuelle, en déclarant sa faillite; il
était affranchi de tous les effets de celle-ci, par l’insuf
fisance de l’actif qui la laissait impoursuivie.
Cette insuffisance pouvait en d’autres circonstances
n’êlre que le résultat de la fraude. À l’approche du péril
le commerçant se hâtait de faire disparaître sa fortune
après l’avoir dénaturée. Son dénûment apparent laissait
les créanciers désarmés, et il lui était facile de jouir en
paix du fruit de ses rapines ou d’obtenir sa libération
définitive au moyen d’une faible somme qu’il leur faisait
facilement accepter.
6 9 8 . — De tels abus voulaient être réprimés. L’in-
�314
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
térêt public comme celui des créanciers exigeait qu’on
fit disparaître ce funeste encouragement à toutes les
fraudes. Et c’est avec juste raison que le législateur nou
veau s’est efforcé d’en rendre le retour impossible.
L’ensemble du système qu’il a adopté nous est divul
gué d’abord par l’article461 .ensuite par les articles 527
et 528 , enfin par l’article 541. Il est facile de se con
vaincre que toutes ces dispositions convergent vers un
but identique.
6 9 9 , — La faillite sera toujours déclarée. La pers
pective de perdre les frais avancés pour la déclaration et
les autres mesures qui s’y rattachent n’arrêtera plus per
sonne , puisque l’Etat est chargé de fournir à cette dé
pense, sans répétition contre les créanciers si l’actif ne
suffit pas à leur remboursement. La publicité que cette
déclaration recevra , l’apposition des scellés, l’examen
des livres et écritures amèneront la découverte des frau
des qui auraient été commises et dont la répression sera
facilitée par l’incarcération que le failli subira. Dans tous
les cas le dessaisissement sera réalisé, l’actif passera aux
mains des créanciers pour faire face aux opérations ul
térieures de la faillite.
7 0 0 , — Si l’actif est insuffisant pour remplir cette
destination, le tribunal de commerce prononce la clôture
de la faillite. Ce jugement est rendu sur le rapport du
juge-commissaire ; il est provoqué par les créanciers ou
les syndics,ou rendu d’office par le tribunal. La présence
du failli n’est dans aucun cas nécessaire ; il ne doit donc
pas être appelé dans l’instance. Ce jugement a pour effet:
701, — De laisser subsister l’état de faillite, et par
�conséquent les incapacités qui en sont les conséquences
et qui grèvent le failli jusqu’à la réhabilitation. L’article
527 est positif : il autorise non la clôture de la faillite,
mais la clôture des opérations. A quoi bon, en effet, pour
suivre ces opérations, lorsque l’actif n’est pas même suffi
sant pour subvenir aux frais auxquels elles donnent lieu.
L’état de faillite continue donc, mais il est profondé
ment modifié par la clôture de ses opérations. Avant et
depuis le jugement déclaratif le failli est dessaisi de ses
biens, même de ceux qui lui obviennent postérieurement;
ses droits et actions passent aux mains des syndics qui
les font valoir et les exercent au nom de la masse. Com
me conséquence de ce désinvestissement général et absolu
qui le met dans l’impossibilité de répondre aux diverses
prétentions qui pourraient surgir, le failli est à l’abri de
toute poursuite individuelle, et surtout de toute contrainte
par corps autre que celle résultant de la disposition du
jugement déclaratif qui ordonnerait le dépôt de sa per
sonne dans la maison d’arrêt pour dettes.
Cet étal des choses ne pouvait exister perpétuellement.
L’intérêt des créanciers exigeait qu’il eût un terme. Ce
terme arrivait naturellement avec la liquidation de l’actif
et sa répartition entre les ayants droit. Le sort des cré
anciers ainsi fixé, l’existence de la masse n’a plus au
cune raison d’être , et sa dissolution devait avoir pour
conséquence de faire rentrer les créanciers dans l’exer
cice de leurs droits et de lçur restituer cette action indi
viduelle qu’on leur avait interdit. C’est ce que consacre
l’article 539.
Or, le législateur n’a vu et ne pouvait voir dans l’in-
�316
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
suffisance de l’actif que la plus désastreuse, mais la plus
certaine, la plus positive des liquidations. On pouvait dès
lors , sans plus tarder , fixer la position respective du
failli et des créanciers, et c’est ce que fait l’article 527.
Par la clôture pour insuffisance d’actif les créanciers
rentrent dans l’exercice de leurs actions individuelles,
tant contre la personne que contre les biens du failli.
La clôture par insuffisance d’actif place donc le failli
dans la position que la clôture de l’union fait à celui dont
l’actif vient d’être liquidé. À cette différence que ce der
nier est définitivement et pour toujours libéré des liens
de la faillite ; que la déclaration d’excusabilité le mettra
à l’abri de toute contrainte par corps. Tandis que le
premier peut à toute époque être replacé sous l’empire
de la faillite , et que ne pouvant être déclaré excusable,
il peut toujours être contraint sur sa personne.
Dans la discussion de la loi, dans la session de 1837,
un membre de la chambre des députés voulut faire dis
paraître cette dernière différence. M. Démonts proposait,
en conséquence, de charger le tribunal, en prononçant
sur la clôture, de statuer sur l’excusabilité, et de n’au
toriser l’exercice de la contrainte par corps que si la ré
ponse était négative. A l’appui de cette proposition, MM.
Sevin-Moreau et Martin (de Strasbourg) disaient que son
rejet mettrait le petit commerce, les petits patentés dans
l’impossibilité de se soustraire à la contrainte par corps;
qu’il fallait une exception pour le malheur.
Mais permettre pour le failli qui a dévoré tout son
actif avant de se déclarer en faillite ce qu’on autorisait
pour celui dont l’actif vient d’être liquidé et réparti, c'é-
�ART.
527, 528.
317
tait méconnaître et contrarier le but qu’on se proposait.
On voulait que les commerçants s’arrêtassent à temps ;
qu’ils s’abstinssent de gaspiller leurs dernières ressour
ces dans des opérations que leur profonde insolvabilité
condamnait d’avance à la stérilité et à l’impuissance.Or,
pour assurer la réalisation de cette sage volonté il fallait
une sanction pénale. Et quelle pouvait être cette sanc
tion , si ce n ’est l’exercice de la contrainte menaçant à
tout instant la liberté de la personne. Donner le moyen
de s’en affranchir, accorder la même faveur à celui qui
avait méprisé le vœu de la loi et à celui qui s’y était con
formé, c’était lui dénier toute efficacité en lui enlevant la
garantie qui pouvait et devaitseuleenassurerl’observalion.
C’est ce que le rapporteur de la loi , M. Quesnault
répondait. La position n’est pas la même, disait-il. On
comprend que lorsque l’union a eu son cours, que lors
que l’actif a été liquidé on fixe définitivement le sort du
failli, et qu’on le fixe d’une manière favorable si sa con
duite ne présente rien de fâcheux ni aux créanciers ni
au tribunal. Mais, à l’égard d’un homme qui s’est joué
de ses créanciers en ne déclarant sa faillite qu’au mo
ment où il ne lui restait plus rien à leur offrir , il ne
saurait en être ainsi ; ce serait encourager la fraude que
d’affaiblir la disposition du projet.
Mais relativement à la capacité future du failli, il n’y
a aucune différence. L’article 527, loin de vouloir créer
une distinction, a au contraire confondu les deux posi
tions, et c’est le rapporteur de 1835, M. Renouard, qui
va nous l’apprendre : 1
1 L'abolition de la contrainte par corps modifie tous les raisonnements
à ce sujet.
*
�318
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
« Une analogie assez sensible devait exister entre la
clôture par insuffisance d’actif, et le cas de clôture de
l’union après liquidation totale. Dans cet esprit le projet
de loi dispose que , par l’effet du jugement de clôture,
chaque créancier rentrera dans l’exercice de ses actions
individuelles , tant contre les biens que contre la per
sonne du débiteur. Au mot débiteur , la commission a
substitué le mot failli, afin qu’il demeure bien constant
que l’état de faillite et toutes les incapacités qui en dé
coulent continuent à subsister comme après la clôture
de l’union-1 »
Or, après l’union, l’incapacité du failli est plutôt mo
rale qu’effective. Ainsi , les biens qu’il acquiert ou qui
lui obviennent restent en sa possession. Il peut les admi
nistrer, en disposer , sauf le droit des créanciers de les
exécuter dans la forme légale. Il reprend l’exercice de
ses droits et actions , la capacité de contracter , d’ester
en justice. On ne pourrait dès lors contester ces droits à
celui dont la faillite a été clôturée par insuffisance d’ac
tif, tant que cette clôture n’aura pas été rétractée.
702.
— On ne comprend pas, dès lors, qu’on ait pu
sérieusement agiter la question de savoir si,après lareconstitution de la faillite, les créanciers payés dans l’in
tervalle sont tenus de rapporter à la masse les sommes
par eux reçues. C’est cependant l’affirmative que la cour
de Paris a consacrée en jugeant, le 8 mars 1856 , que
si après la clôture par insuffisance d’actif le failli peut
payer tel ou tel de ses créanciers, ces paiements ne sont
point irrévocables ; que les sommes touchées par l’un
ou quelques-uns de ces créanciers doivent être rappori Sur l’article 587.
�ART.
527, 528.
319
tées à la masse , dans le cas où le jugement de clôture
vient à être rétracté \
L’obligation de rapporter à la masse n ’est et ne peut
être que la conséquence de l ’irrégularité ou de l’illégalité
des paiements. Ainsi, le débiteur qui paye, le créancier
qui reçoit après faillite ou contrairement aux disposi
tions des articles 446 et 447 violent la loi, consomment
une opération pour laquelle ils n ’ont ni l’un ni l’autre,
ni qualité, ni capacité. Qu’on prive le créancier du profit
qu’il a illégalement recherché et obtenu, ce n’est qu’une
juste réparation de sa désobéissance aux ordres du légis
lateur.
Mais consacrer la peine, lorsque l’acte n’a été, de la
part des parties, que l’exercice d’un droit conféré par la
loi elle-même, c’est non plus faire justice, mais mécon
naître les plus simples notions de la raison, de la mo
rale, du droit lui-même.
Or, que le failli puisse valablement payer après la clô
ture des opérations de la faillite, comment le contester
en présence de l’article 527. Est-ce qu’on ne l’a soumis
aux exécutions individuelles de ses créanciers que pour
lui refuser le moyen de se soustraire à ces poursuites et
d’échapper à la contrainte par corps ?
D’autre part, n’a-t-o n rendu aux créanciers l’exercice
de leurs actions qu’à la condition qu’on pourrait leur
arracher le profit qu’ils auraient retiré de cet exercice.
C'est cependant cette double anomalie que la doctrine de
la cour de Paris tend à consacrer.
Le tort de l’arrêt c’e s t, en posant un principe vrai,
�320
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
de repousser les conséquences naturelles et logiques qui
en découlaient. Si après la clôture des opérations le failli
peut payer, et comment le méconnaître , il n’a fait, en
payant, qu’un acte légitime autorisé par la loi. Dès lors
comment en contester l’efficacité ?
L’argument tiré de la continuation de l’état de faillite
n’a aucune portée sérieuse. Nous venons de l’établir.
L’état que la clôture par insuffisance d’actif laisse sub
sister est celui que la clôture de l’union après liquida
tion crée pour le failli. Or , contesterait-on la validité
absolue du paiement que celui-ci aurait fait à un dos
créanciers? Pourquoi donc repousserait-on cette validité
en ce qui concerne l’autre, puisque, en réalité, ainsi que
nous le disait M. Renouard, il ne continue à être inca
pable que comme après la clôture de l’union.
11 fa u t, pour être de l’avis de la cour de Paris, ad
mettre que la clôture des opérations a laissé subsister
dans toute son énergie l’état que le jugement déclaratif
a constitué; qu’ainsi la masse a continué d’exister com
me être moral, concentrant sur sa tête les droits et les
actions de tous ses membres, faisant exclusivement valoir
les uns, exerçant les autres par le ministère des syndics.
O r,n’est-ce pas leconlraire qui s’induit de l’article 527;
ne dissout-il pas la masse , n’éteint-il pas l’action col
lective en restituant aux créanciers l’exercice de leurs
droits et actions individuels ?
La doctrine que nous repoussons et qui méconnaît le
texte de la loi n’en méconnaît pas moins l’esprit. Le lé
gislateur a donné à la clôture par insuffisance d’actif le
caractère d’une peine contre une imprudence tellement
�ART.
527, 528.
324
lourde, qu’elle atteignait les proportions d’un dol contre
les créanciers. Celte peine consiste dans le danger que
présente l’exercice sans fin de la contrainte par corps.
Mais l’efficacité de la peine tient évidemment à la ré
alisation de cet exercice. Offrir aux créanciers la chance
d’ètre désintéressé de ce qui leur est dû , c’était les ap
peler à user de leur droit, les y encourager.
Mais les priver du profit de cet exercice, les réduire à
ne retenir du paiement qu’une part tellement minime
qu’ils n’y trouveront aucun intérêt réel, c’est leur impo
ser en quelque sorte le devoir de s’abstenir. Pourquoi
braver les ennuis, les soucis d’une poursuite rigoureuse,
si on doit être privé de la seule compensation qu’on pût
s’en promettre. Ainsi se trouvera assurée pour le failli
cette impunité que la loi a repoussée comme un malheur
et un danger.
Vainement exciperait-on du principe qui prescrit une
égalité absolue entre les intéressés à la même faillite. Le
législateur a dû se préoccuper de ce principe et se mon
trer jaloux d’en assurer la plus stricte application, lors
que prohibant toute action individuelle , il privait les
parties du moyen de se protéger elles-mêmes. Mais il
ne pouvait faire survivre le principe à la cause qui l’a
vait fait se produire, continuer à défendre un droit que
son bénéficiaire doit et peut vivifier. Or , c’est ce que
réalise la clôture des opérations de la faillite.
Le législateur en faisant rentrer les créanciers dans
l’exercice de leurs actions impose à chacun d ’eux l’obli
gation et le devoir de faire toutes les diligences qu’exige
leur intérêt. Il ne pouvait surtout punir celui qui a acii — 21
�3^2
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
compli ce devoir au profit de ceux qui ont dédaigné ou
négligé de le remplir.
De quoi peuvent raisonnablement se plaindre ces der
niers? Ils devaient être au courant de la condition de
leur débiteur. Celle-ci s’étant améliorée , ils pouvaient,
de leur côté, soit diriger des poursuites et se faire payer,
soit provoquer la rétractation de la clôture et empêcher
que l’actif remis sous le régime de la faillite ne reçût
aucune destination particulière. S’ils n’ont fait ni l’un
ni l’autre, ils ont encouru le reproche de négligence. Estce agir avec trop de sévérité que de leur en laisser la
responsabilité et la charge.
En résumé donc, tant que le jugement de clôture n’a
pas été rapporté, le failli a le droit et la capacité de ré
aliser les paiements nécessaires pour arrêter les pour
suites dont il est l’objet et échapper à la contrainte par
corps.
Les créanciers autorisés à poursuivre individuellement
le remboursement de ce qui leur est dû puisent dans
cette faculté la capacité et le droit d’accepter ce rem
boursement.
Le rapport à la masse des sommes qui en sont sorties
n’est juste et par conséquent légitime , que lorsque la
sortie de ces sommes a eu lieu au mépris des disposi
tions et contre la prohibitiun de la loi.
Il ne saurait ni en morale , ni en raison, ni en droit
être ordonné, lorsque cette sortie n’a été que la consé
quence de l’exercice d’un droit reconnu et consacré par
la loi.
La légalité du paiement fait depuis le jugement de
�ART.
527, 528.
353
clôture et avant sa rétractation en assure tous les effets
et repousse invinciblement toute obligation de rapport à
la masse.
702 bis. — Nous avons été consulté sur la question
de savoir si un partage intervenu avec un cohéritier dé
claré en faillite, mais dont les opérations avaient été
clôturées par insuffisance d’actif, devait être annulé sur
la demande des créanciers ?
La détermination précise de la position réelle du failli,
après application de l’article 537, commandait une ré
ponse négative. Puisque après la clôture des opérations
il est à l’instar du failli dont l’actif a été liquidé et dis
tribué , il est comme celui-ci apte à tous les actes de la
vie ordinaire; il peut emprunter,prêter,vendre,acheter,
actionner ou se défendre en justice, transiger et compro
mettre ; toujours sauf le droit des créanciers de faire
rétracter le jugement de clôture ou de procéder à des
exécutions contre ses biens et contre sa personne.
A plus forte raison ne saurait-on lui contester la ca
pacité de procéder au partage d’une succession dans la
quelle il a une part. La liquidation de celte part peut
être nécessitée par le besoin de faire face aux poursuites
individuelles dont il peut être l’objet et qui compromet
tent sa liberté. On ne saurait donc avec raison lui inter
dire cette ressource.
Quant aux cohéritiers qui ont procédé avec lui , on
n’aurait aucun reproche fondé à leur adresser. Quel motif
alléguerait-on contre leur concours? L’intérêt des créan
ciers I Mais ont-ils mission et charge de le protéger,de le
défendre? La loi leur en fait-elle une obligation? Doivent-
�324
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ils se montrer plus diligents que ces créanciers euxmêmes ? Ceux-ci en effet ont été en position et par con
séquent en demeure de prévenir le préjudice dont ils se
plaignent. Ils pouvaient faire rapporter la clôture et
frapper le failli de l’incapacité qui serait résultée de la
reprise des opérations. Ils pouvaient sans recourir à cette
mesure s’opposer au partage, y intervenir. Si malgré ce
droit ils n’ont rien fait, leur négligence n’a pu nuire qu’à
eux-mêmes, et il y aurait rigueur injuste à en faire peser
les conséquences sur les cohéritiers qui n’ont fait qu’user
du droit que la loi leur conférait.
Le partage serait donc valable. Les créanciers se trou
veraient sous l’empire de la disposition de l’article 882
du Code civil. Ils ne pourraient donc, comme nous l’a
vons dit ailleurs, le faire annuler qu’en prouvant qu’il
a été sciemment fait par toutes les parties, non pas seule
ment au préjudice mais encore en fraude de leurs droits '.
Aucun monument de jurisprudence n’est encore inter
venu sur notre question. Mais la cour de Colmar a eu à
résoudre une difficulté qui n’est pas sans analogie avec
elle. Il s’agissait de savoir si le partage fait avec connais
sance de la cessation de paiements tombait sous l’appli
cation des articles 446 et 447. Voici les remarquables
motifs qui portent la cour à consacrer la négative :
« Considérant qu’il résulte de l’esprit comme des ter
mes des dispositions prohibitives énumérées dans l’arti
cle 446 (sauf les transmissions à titre gratuit) qu’il faut
pour que cet article puisse recevoir son application, qu’il
existe entre les contractants un titre engendrant le rapi Voy. notre Traité du doleldela fraude, t. 3, n° 155î.
�abt.
527; 528.
325
port de créancier d’une part, de débiteur de l’autre , et
qu’il y ait de la part du failli paiement d’une dette ou
dation en paiement opéré au profit ou par préférence
d’un créancier au détriment de tous les autres , enfin
rupture de l’égalité de position qui doit être la condition
de tous les créanciers du failli ; que ce n’est donc qu’à
des transmissions à litre gratuit et à des actes de libéra
tion opérés par le failli, dans les conditions de l’article
446, qu’est attachée la présomption de fraude entraînant
de plein droit la nullité de ces transmissions et paiements
conformément audit article ;
» Qu’en présence de ces principes et des dispositions
spéciales à la matière commerciale , et pour le cas de
faillite, il devient évident que l’article 446, pas plus que
l’article 447, ne sauraient s’appliquer aux partages et
liquidations , lorsque d’ailleurs les actes qui les opèrent
sont réguliers, sérieux et sincères; qu’en effet, en ma
tière de partages, les contractants ou plutôt les coparta
geants ne sont point, à l’égard les uns des autres , des
créanciers ou des débiteurs , mais des communistes ou
copropriétaires des choses à partager; qu'ils ne sont te
nus ou liés les uns envers les autres par aucune conven
tion ou lien contractuel ; qu’ils ne tirent leurs droits
respectifs d’aucun engagement pris ou consenti, mais les
puisent dans leur qualité d’héritiers qu’ils tiennent de
la loi, ou d’une institution faite par un tiers, droits re
montant au jour de l’ouverture de la succession et se rat
tachant à la personne dont l’hérédité est à partager; qu’enfin l’effet du partage étant purement déclaratif et non
attributif de propriété, il ne s’opère ni transmission soit
�326
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
à titre gratuit soit à titre onéreux, ni paiement ou dation
en paiement, conditions exigées par les articles 446 et
447, quel qu’ait été d’ailleurs le mode de partage qu’il
ait convenu aux parties d’adopter , et qu’il se soit fait
soit par attribution soit par lotissement , sauf toutefois
la simulation et la fraude.1 »
Il serait difficile de ne pas rendre hommage à la force
et au caractère éminemment juridique de ces motifs. Ils
confirment évidemment l’opinion que nous venons d’é
mettre. Si le partage est en dehors de la catégorie des
actes prévus et réglés par les articles 446 et 447, il ne
peut être attaqué et annulé que conformément aux prin
cipes du droit commun. Dès lors surgissent l’article 882
du Code civil et les conséquences que nous en avons
déduites3.
L’immunité attachée au partage ne saurait s’étendre
aux contrats accessoires auxquels il aurait donné nais
sance. Ainsi, les libéralités que le failli aurait consenties,
les paiements qu’il aurait fait à ses cohéritiers seraient,
après la déclaration de faillite ou la rétractation de la
clôture, régis par les articles 446 et 447.3
7 0 3 . — Le failli se trouve donc placé dans cette al
ternative de ne pouvoir s’exonérer de la contrainte par
corps que par le développement de la faillite. A son tour
celle-ci ne peut recevoir que l’une de ces deux issues :
le concordat ou le régime de l’union. Il entrera donc for
cément dans les prévisions du commerçant obéré d’at—
i 19.janvier 1856. — D. P., 56, 2, 137.
3 V oy.
supra
n “ 120 bis.
a Voy. sous ces deux articles.
�ART.
527, 528.
327
teindre à l’une d’elles. De là, la conséquence qu’il s’ar
rêtera lorsqu’il verra sa ruine imminente ; car , pour y
arriver , il faut que l’actif puisse fournir aux frais des
opérations qu’il faut accomplir. Il ménagera donc celui
qui lui reste au moment où il s’aperçoit que sa déconfiture
est inévitable, dans la crainte de s’exposer, s’il le dissipe
dans des spéculations hasardeuses, à une ruine complète
pour le présent , à une situation extrêmement précaire
pour l’avenir.
D’autre part, en intéressant le failli aux opérations de
la faillite, en rendant leur accomplissement indispensa
ble, on l’amènera à désirer soit le concordat soit la dé
claration d’excusabilité, On restreint donc d’autant les
chances laissées à la fraude dont l’existence reconnue
appellerait une peine, dont la supposition suffirait pour
exclure non-seulement tout traité mais encore une solu
tion favorable sur la question d’excuse. L’une ou l’autre,
en effet, sera le prix de l’opinion que les créanciers et
les juges se seront formée de la bonne foi du failli.
Il est donc permis de croire que le système de la. loi
nouvelle produira de bons résultats. C’est aux tribunaux
à seconder l’intention du législateur par une application
sévère, mais juste, de la faculté qui leur est déférée.
7 0 i, — Cette applicationnereconnait aucune limite.
Elle peut être réalisée à partir de la déclaration jusqu’
après l’adoption de l’union , dès que l’insuffisance de
l’actif se décèle Peu importe que plusieurs opérations
aient déjà été accomplies. N’en restât-il qu’une seule,
que si les fonds manquent pour l’exécuter il y a lieu à
prononcer la clôture. C’est danà ce sens que notre article
�328
DES FA ILLITES ET BANQUEROUTES
déclare celle-ci facultative à toutes les époques. Il est
certain que si l’on avait posé des bornes quelconques
au delà desquelles le remède autorisé par l’article 527
eût été inapplicable, les faillis de mauvaise foi n’auraient
pas manqué de laisser tout juste de quoi arriver au point
qui devait les en garantir. Le législateur a donc prudem
ment adopté la maxime qu’il n’y a rien de fait tant qu’il
y a quelque chose à faire. Ce n ’est que lorsque la fail
lite a reçu sa solution légale que l’article 527 ne peut
plus être appliqué.
705.
— Le préambule de la loi rend la disposition
de cet article commune aux faillites déclarées sous la loi
ancienne. On a donc considéré cette disposition comme
se rapportant à la forme seulement. Ce n’est, en effet,
que comme loi de procédure qu’on a pu la faire rétroagir sur des faits accomplis sous l’empire d’une législa
tion précédente.
On ne devra pas perdre cette observation de vue, lors
qu’il s’agira de régler à l’encontre des anciens faillis les
effets de la clôture. Sans doute ils seront-identiques à
ceux produits contre les nouveaux, quant aux droits des
créanciers de les poursuivre individuellement. Mais les
premiers pourront s’affranchir de la contrainte par corps,
par la cession volontaire ou judiciaire de leurs biens.
C’est là un droit qui leur a été acquis, dès que la loi sous
l’empire de laquelle ils ont failli leur en permettait l’exer
cice. On ne saurait donc le leur enlever , sans violer à
leur égard le principe de la non rétroactivité des lois l.
1 V oy.
supra n M 2 .
�ART.
527, 528.
329
706. — Nous avons déjà dit que le failli n’était pas
partie nécessaire dans l’instance en clôture de la faillite.
Le jugement qui la prononcera sera donc par défaut.
Mais l’exécution en est suspendue pendant un mois à
partir de la date.
Cette dernière disposition enlève au jugement ce qu’il
pourrait avoir de trop rigoureux dans la forme. On pour
rait s’étonner, en effet, qu’on puisse laisser ainsi de côté
le failli dans une instance qui peut avoir pour lui de si
graves conséquences. Mais l’insuffisance de l’actif est un
fait matériel qui résulte des écritures, du bilan, de l’in
ventaire. Quelle valeur pourraient avoir les explications
personnelles du failli, en présence de documents si po
sitifs et si certains ?
Que si le failli a d’autres ressources, soit personnelles
soit qu’il les doive à des tiers, il doit s’empresser d’en
justifier. C’est pour lui en fournir les moyens sans pré
judice possible que la loi ordonne de laisser toutes cho
ses en l’é ta t, pendant un délai de trente jours à partir
du jugement qui a prononcé la clôture.
70 7. — Le jugement qui clôture la faillite peut tou
jours être rétracté. Le failti peut faire prononcer celte
rétractation à toutes les époques. Maison comprend qu’il
ne pourrait atteindre à ce résultat à l’aide d’allégations
plus ou moins fondées. La loi a eu le soin d’en préciser
les conditions, tant pour le principe que pour les consé
quences.
708. — Ainsi , pour que le jugement puisse être
rétracté, il faut :
1° La justification qu’il existe des fonds suffisants
�330
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
pour faire face aux frais des opérations de la faillite, ou
la consignation entre les mains des syndics d’une som
me capable d’y subvenir ;
2° Le paiement préalable des frais des poursuites in
dividuellement exercées par les créanciers en vertu du
jugement qui avait prononcé la clôture.
709.
— La dernière de ces conditions manifeste clai
rement quel est le véritable esprit de la disposition qui
suspend pendant un mois l’exercice de la faculté rendue
aux créanciers. C’est là un délai de grâce accordé au
failli, un encouragement qu’on lui donne à utiliser le
temps pour se procurer des ressources. Que si par né
gligence ou impuissance ce délai s’écoule sans que la
rétractation ait été poursuivie et obtenue , il est dû aux
créanciers une réparation pour le dommage que leur fe
rait éprôuver une rétractation ultérieure. Les poursuites
qu’ils peuvent avoir dirigées n’ont été que l’exercice d’un
droit incontestable; il est donc juste que les conséquen
ces en soient supportées par celui qui l’a occasionné
par son silence.
Il est donc d’un haut intérêt pour le failli de faire ré
tracter le jugement le plus tôt possible. Chaque jour ag
grave la charge qui lui est imposée à cet effet, puisque
les poursuites peuvent chaque jour aussi devenir plus
nombreuses. Or, quelque multipliées qu’elles aient été,
quel que soit le chiffre total des frais qu’elles ont déter
minés , l’acquittement intégral et préalable de ces frais
est de rigueur. La rétractation, alors même que la pre
mière condition serait remplie, ne saurait être obtenue
que par l’accomplissement simultané de cette obligation.
�1
ART.
527, 528.
331
710. — Celte première condition serait-elle elle-même
suffisamment remplie , si au lieu de fonds on prouvait
qu’il existe des marchandises ou effets mobiliers de na
ture à subvenir aux frais ? L’affirmative ne nous parait
pas douteuse. Aux yeux de la loi il n’y a réellement in
suffisance que lorsqu’il n’existe aucune ressource. Si
l’actif en présente, de quelque nature qu’elles soient les
syndics doivent les réaliser, et fournir par ce moyen aux
frais des opérations prescrites par la loi. Ce n'est qu’a près l’épuisement total de l’actif qu’ils peuvent deman
der la clôture. En conséquence , si elle avait été pour
suivie et prononcée sans qu’il eût été au préalable pro
cédé à la vente des effets mobiliers et marchandises exis
tant en nature, le failli pourrait la faire rétracter, alors
même que ces marchandises et effets seraient évidem
ment insuffisants pour faire face aux frais de toutes les
opérations, sauf à la voir prononcer de nouveau après
l’emploi du produit de la vente.
7 1 1 . — La rétractation du jugement de clôture doit
être poursuivie par action principale dirigée contre les
syndics, il nous parait, en effet, que par sa nature ce
jugement n’est susceptible ni d’opposition ni d’appel. La
loi lui imprime un caractère essentiellement transitoire
et précaire qui le rend plutôt un acte d’administration
qu’un véritable jugement.
11 ést.en effet.de l’essence de ceux-ci de disposer pour
le présent comme pour l’avenir , et d’être inébranlables
lorsqu’on leur a laissé acquérir l’autorité de la chose
jugée. Dès lors le bénéfice en résultant est définitivement
acquis. Ainsi, les jugements déclaratifs de faillite, quoi-
�332
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
que ne constatant qu’un fait, lient à tout jamais les cré
anciers et le failli, s’ils n’ont été attaqués en temps utile.
Le jugement de clôturen’est obligatoire que tant qu’il n’a
pas été rétracté, et il peut l’être à toute époque. Il n’est
donc pas susceptible d’acquérir l’autorité de la chose jugée.
D’ailleurs l’opposition, si elle est accueillie, a pour ré
sultat de faire rélroagir la caducité du jugement au mo
ment même où il a été rendu, de telle sorte qu’il n’a pu
en aucun temps produire des effets obligatoires. Or, dans
notre espèce, c’est le contraire qui se réalise, puisque la
loi n’accorde la rétractation qu’au prix de l’accomplis
sement préalable des conséquences que le jugement a pu
produire.
L’appel lui-même n’a été institué que pour obtenir
de la juridiction supérieure une réformation qu’il n’est
plus au pouvoir du juge du premier degré d’accorder.
Or, par une exception à la règle générale en matière de
clôture de la faillite , c’est le juge qui l’a prononcée qui
peut toujours la rétracter. Il serait donc inutile de de
mander à un autre ce qu’il est dans tous les cas loisible
d’obtenir de celui-ci.
Ainsi, le jugement de clôturen’est susceptible ni d’op
position ni d’appel. C’est donc par action principale qu’on
doit en poursuivre la rétractation.
712.
— Mais il n’en serait pas de même de celui qui
aurait prononcé sur la demande de celle-ci. En effet, des
difficultés peuvent s’être élevées sur l’accomplissement
des conditions exigées par l’article 528. La solution qu’
elles ont reçue peut devenir la matière d’une apprécia
tion par le juge supérieur; comme si, par exemple, un
�ART.
527, 528.
333
créancier prétendant avoir dirigé des poursuites réclamait
le remboursement de telles ou telles dépenses que le failli
soutiendrait ne devoir pas être remboursées.
Ce serait là un véritable procès ordinaire sur lequel la
décision du juge serait susceptible d’acquérir l’autorité
de la chose jugée. Il n’est donc pas douteux que si le
tribunal adoptant le système du créancier avait refusé la
rétractation, le demandeur pourrait se pourvoir par ap
pel contre le jugement et en obtenir la réformation de
l’autorité de la cour. En l’absence de toute disposition
prohibitive, il y a lieu de recourir au droit commun.
7 4 5 . — La faculté d’émettre appel dans ce cas ne
devrait pas être réglée sur le chiffre de la somme récla
mée, mais par les conséquences du refus de rétractation.
Or, celui-ci constitue un intérêt indéterminé qui ren
drait le litige appellable, quelle que fût la quotité des frais
réclamée.
7 1 4 . — La rétractation du jugement de clôture peut
être poursuivie non-seulement par le failli, mais encore
par tous ceux qui pourraient y avoir un intérêt. Nous
croyons qu’on ne devrait pas distinguer entre l’intérêt
matériel et celui purement moral. Il est dans l’intention
de la loi de favoriser la liquidation des faillites ; on ne
doit donc pas se montrer difficile sur le mobile de celui
qui en fournit les moyens. Ainsi, les parents, la femme,
les enfants du failli, l’un de ses créanciers seraient rece
vables, après avoir rempli les conditions de l’article 528,
à faire rétracter le jugement qui a clôturé la faillite.
7 1 5 . — L’effet de cette rétractation, à quelque épo
que qu’elle se réalise , est de remettre toutes les parties
�33i
DES FA ILLITES ET
BANQUEROUTES
au même état où elles étaient avant la clôture. On reprend
donc les opérations de la faillite au point où elles avaient
été interrompues. La faculté pour les créanciers de pour
suivre individuellement est de plein droit retirée ; tout
rentre , en un m o t, sous l’empire des règles que nous
avons ci-dessus retracées.
SECTION IVe
DE
.
L ’U N IO N
DES
C R E A N C IE R S
A rt. 5 2 9 .
S 'il n ’in te rv ie n t p o in t d e c o n c o r d a t , le s créan
c ie rs s e ro n t d e p le in d r o it en état d 'u n io n .
Le ju g e -c o m m is s a ire le s c o n su lte ra im m é d iate
m e n t, ta n t s u r le s fa its d e la gestion , qu e s u r l’u
tilit é d u m a in tie n ou du re m p la c e m e n t d es syn
dics. L es c ré a n c ie rs p riv ilé g ié s , h y p oth écaires ou
n a n tis d ’u n gag e s e ro n t a d m is à cette d é lib é ra tio n .
11 s e r a d re s s é p ro c è s -v e rb a l d es d ir e s et o b s e r
va tio n s d es c ré a n c ie rs , et s u r le vu de cette pièce
le t r i b u n a l de c o m m erce s t a tu e ra com m e i l est dit
à l ’a rtic le 463.
Les sy n d ics q u i n e s e ra ie n t p a s m a in te n u s de
v ro n t r e n d r e l e u r com pte a u x n o u v e a u x syndics,
en p ré se n c e d u ju g e -c o m m is s a ire , le f a illi dûm ent
appelé.
SOMMAIRE
716.
717.
La loi actuelle modifie la forme et les effets de l ’union.
Système du Code de commerce ; embarras qui en résul
taient ; solution qu’ils avaient reçue.
718. Système adopté en 1838. L’union résulte de plein droit
soit du re je t, soit de l'annulation du concordat pour dol
ou banqueroute frauduleuse.
719. La déclaration du juge-commissaire que les créanciers sont
v en état d’union doit être consignée au procès-verbal.
�art.
720.
721.
722.
723.
724.
785.
726.
727.
728.
729.
730.
731.
732.
733.
529.
335
Devoirs que l ’union impose eu juge-commissaire et aux
créanciers.
A la différence de ce qui était admis sous le cod8, l’union
ne révoque plus les syndics.
Les créanciers n’ont sur la nomination de ceux de l ’union
que voix consultative. Motifs de cette dérogation.
Le juge-commissaire doit donc les interroger tant sur les
actes de la gestion que sur le maintien ou le remplace
ment de ceux qui existent.
Le tribunal prononce sur le vu du procès-verbal contenant
les dires et observations des créanciers.
Les créanciers hypothécaires, privilégiés ou gagistes sont as
similés aux chirographaires quant à cette délibération.
Si les syndics sont maintenus , ils ne rendent leur compte
définitif qu’à l’expiration de leur nouveau mandat.
S ’ils sont remplacés, ils rendent immédiatement compte
aux syndics nouveaux.
Le compte peut être débattu : 1* par les syndics ;
2° Par le failli.
Il suit de là que ce dernier doit être appelé à la reddition.
L ’approbation donnée par les syndics lie le failli qui n'a
pas comparu quoique dûment appelé , ou qui n ’a rien
contesté quoique présent.
Mais cette forclusion ne s’étend pas aux erreurs ou omis
sions, ni au cas de dol ou de fraude.
L’application de l ’article 489 aux syndics de l ’union a rendu
inutile la nomination d'un syndic prescrite par l'article
527 du Code de commerce.
716. — La loi nouvelle a introduit une grave inno
vation en ce qui concerne l’union, non-seulement quant
à ses effets, mais encore quant à la forme. C’est dans
cette dernière surtout que ses dispositions peuvent être
considérées comme de véritables améliorations.
717. ■— En effet, le Code ancien soumettait l’union
�336
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
à l’assentiment des créanciers. Elle n’existait régulière
ment, même après le rejet du concordat, que si elle avait été souscrite par la majorité; c’est ce qui lui avait
fait donner le nom de contrat d’union.
Cette prescription soulevait des difficultés sérieuses qui
avaient partagé la doctrine et la jurisprudence. Il pou
vait en résulter des complications étranges et une impos
sibilité de toute solution pour la faillite. Ainsi, par exem
ple, le concordat n’ayant pas réuni la double majorité
exigée pour sa validité, si le contrat d’union n’était pas
souscrit par lenombre requis,que devenait la liquidation ?
Au milieu des différents systèmes que cette supposition
avait fait naître, la jurisprudence avait signalé dès long
temps le vice illogique qui en résultait. Aussi s’était-elle
efforcée de le corriger dans l’application. C’est ainsi
qu’un arrêt de la cour de cassation , du 6 août 1840,
avait entre autres décidé qu’un contrat d’union signé
par six créanciers seulement, sur trente-huit présents à
la délibération , était obligatoire et valable 1 ; mais cet
arrêt consacrait bien plutôt l’induction qui se tire pour
la nécessité de l’union du refus du concordat, que l’ex
pression littérale de l’article 527 du Code de commerce
sous l’empire duquel il était rendu.
L’embarras n’était pas moindre lorsque le contrat
d’union avait été consenti par la majorité des créanciers.
Fallait-il qu’il fût homologué par le tribunal de com
merce pour le rendre obligatoire contre les créanciers
qui avaient refusé leur adhésion ? Malgré le silence ab
solu du Code l’affirmative n’en avait pas moins été sou1 D. P-, 40, 1, 329.
�aut.
337
529.
tenue : « Malgré que le Code n’en ait rien dit, enseigne
M. Emile Vincens.Ie principe subsiste et doit être appli
qué toutes les fois qu’une délibération non unanime
peut obliger tous les créanciers d’une faillite.1 »
718.
— La loi de 4838 a banni toute controverse
tant sur la constitution de l’union que sur ses effets con
tre les créanciers ; elle dispose que s’il n’intervient pas
de concordat soit par défaut de consentement de la ma
jorité, soit par suite du refus d’homologation ; ou si celui
qui avait été consenti est annulé pour cause de dol ou
de banqueroute frauduleuse , les créanciers sont en état
d’union.
Cet état se réalise donc aujourd’hui de plein droit par •
la seule force de la loi et sans le concours des créanciers.
Il est obligatoire pour tous, dès que le juge-commissaire
en a proclamé l’existence qui est la conséquence immé
diate et directe du rejet du concordat.
De plus, dès qu’il a été régulièrement déclaré, cet état
est définitivement acquis pour et contre tous, de telle
sorte qu’aucun traité ne pourrait être ultérieurement
proposé ni admis. Celui qüi interviendrait au mépris de
cette prescription serait frappé d’une nullité radicale.
719.
— Le procès-verbal doit donc énoncer l’ac
complissement du devoir imposé au juge-commissaire.
Ainsi, après avoir énoncé que les formalités prescrites
par la loi ont été remplies, mentionné le résultat du vote
sur le concordat et le rejet de celui-ci, il doit indiquer
que le commissaire a déclaré que les créanciers étaient
i Tome
p. 443.— Conf. Boulay-Paty, tom, 4, p. 3.11.
H — 22
�338
DES FA ILLITES ET BANQUEROUTES
en état d’union. Le rappel de toutes ces formalités est
indispensable pour la validité des opérations ultérieures
Le silence du procès-verbal rendrait celles-ci contesta
bles et permettrait même, soit aux faillis soit aux cré
anciers de poursuivre la nullité de l’union.
720.
— Les conséquences du rejet du concordat et
de la proclamation de l’union qui le suit sont d’imposer
des obligations nouvelles aux créanciers et au juge-com
missaire. En première ligne figure le choix des syndics
qui doivent administrer.
725.
— Sur ce point encore la loi actuelle s’éloigne
de la pratique consacrée par le Code précédent. Sous
l’empire de celui-ci le contrat d’union mettait fin de plein
droit à la mission des syndics provisoires que le tribunal
avait choisis sur la liste triple qui lui avait été soumise;
et comme les nouveaux étaient censés être plus spéciale
ment les mandataires des créanciers , c’était à eux que
la faculté de les choisir avait été exclusivement dévolue.
Le tribunal n’avait plus à intervenir ni dans l’institu
tion , ni dans le remplacement des syndics qui étaient
dès lors définitifs.
Aujourd’hui l’union ne révoque plus les syndics pré
cédemment élus. La gestion leur est au contraire conti
nuée, sauf le droit réservé au tribunal de les remplacer
sur l’avis des créanciers.
722.
— Ceux-ci n’ont donc, pour le choix des syn
dics de l’union , que voix consultative. Il en est de ces
derniers comme des syndics provisoires. Nous avons déjà
exposé les motifs qui ont fait consacrer le système adopté
par l’article 462, mais son application à l’hypothèse ac-
�ART.
529.
339
tuelle pourrait néanmoins paraître exorbitante. Il ne
s’agit plus, en effet, au moment de l’union , de créan
ciers présumés. Tous ceux qui concourent à la délibéra
tion ont subi l’épreuve de la vérification qui a constaté
leurs droits. Il semble donc que lorsqu’il s’agit de la
disposition d’un actif qui est bien réellement leur gage,
on aurait dû leur rendre la faculté d’élire les manda
taires qui doivent l’administrer en leur nom.
Mais le désir de maintenir l’unité dans l’administra
tion, la nécessité de tenir les syndics directement dépen
dants du tribunal de commerce et conséquemment du
juge-commissaire , l’intérêt des créanciers éloigné s qui
sont encore dans les délais pour faire vérifier et qui ne
peuvent voter, quoiqu’ils en aient le droit, ont déterminé
le législateur à rendre commune aux syndics de l’union
la forme adoptée pour les syndics définitifs.
723. — Le juge-commissaire doit donc immédiate
ment après avoir déclaré que les créanciers sont en état
d’union , les consulter sur le maintien ou le remplace
ment des syndics et sur les faits de la gestion. L’opinion
des créanciers sur le premier objet se ressentira néces
sairement de celle qu’ils se seront formée sur le second;
et si l’on réfléchit qu’aux termes de l’article S06 la délibérationqui se termine par l’union s’ouvre par le compte
que les syndics doivent fournir de leur administration,
on demeure convaincu qu’il ne sera pas difficile aux
créanciers de trouver les éléments nécessaires pour se
prononcer sur l’un et sur l’autre.
724. — Les dires et observations, tant sur la gestion
que sur le maintien ou le remplacement des syndics,
�340
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
doivent être insérés dans le procès-verbal de la séance.
C’est en les consultant que le tribunal apprécie leur na
ture et leur gravité: qu’il continue les syndics ou les
remplace par d’autres.
725.
— Les créanciers hypothécaires, privilégiés ou
nantis d’un gage ont voix délibérative, comme les chiro
graphaires. 11 ne s’agit plus , en effet, d’imposer à ces
derniers un sacrifice qu’ils ne supporteraient point euxmêmes, mais de voter sur le mode d’administration de
l’actif. Il convient donc que tous les intéressés et les
créanciers hypothécaires, privilégiés ou gagistes ont au
moins un intérêt éventuel, participent à une décision
qui doit les obliger tous.
On voit dans cette circonstance dans quelle intention
la loi a ordonné que les créanciers privilégiés fussent ap
pelés à l’assemblée formée en vertu de l’article 504. S’ils
n’ont pas le droit de voter sur le concordat, ils ont in
contestablement celui de prendre part aux opérations que
la constitution de l’union nécessité. Or, comment exer
ceraient-ils ce dernier, s’ils n’étaient pas convoqués à la
réunion unique qui doit voir s’accomplir l’un ou l’autre?
7 2 6 . — Si les syndics sont continués dans l’admi
nistration , ils ne cessent de gérer , conformément au
mode prescrit par les créanciers quant aux objets réglés
par les articles suivants. Ils ne rendent leur compte dé
finitif qu’à l’expiration de leur nouveau mandat qui se
termine soit par la liquidation entière de la faillite, soit
dans le cas prévu par l’article 536.
7 2 7 . — Si le remplacement des syndics définitifs
proposé par les créanciers est admis par le tribunal, les
�nouveaux élus reçoivent le compte de leurs prédécesseurs.
Ce compte est rendu en présence du juge-commissaire
qui dresse procès-verbal des difficultés qui pourraient
naître.
7 2 8 . — Le compte est débattu :
1° Par les syndics en exercice. Il est vrai que la res
ponsabilité des actes antérieurs à leur entrée en fonctions
s’attache exclusivement aux anciens syndics; mais celle
de la reddition du compte lui-même est encourue par
les nouveaux. Si par négligence, par connivence ou par
faiblesse ceux-ci ont négligé la défense des intérêts qui
leur sont confiés , et qu’il en soit résulté un préjudice
pour les créanciers, ce préjudice leur est imputable et ils
seraient tenus de le réparer. Ils doivent donc, pour se
soustraire à toutes réclamations de ce genre, se montrer
sévères dans le règlement de la gestion qu’ils sont char
gés d’apurer.
729. — 2° Par le failli. Nous avons déjà dit que
l’administration de l’actif doit concilier le double intérêt
des créanciers et du failli. S’il importe aux uns de retirer
le plus possible, il convient à l’autre qu’il en soit ainsi;
car sa libération se réalisera sur des bases plus larges.
Cette identité d’intérêt dans le résultat donne à chacun
d’eux le droit d’exiger que les actes des syndics aient été
sans cesse de nature à le déterminer; de poursuivre et
d’exiger la réparation de tout ce qui se serait éloigné de
ces bases.
Mais l’action des uns est indépendante de celle de
l’autre. Elle peut et doit être exercée séparément. Ainsi
le failli n’est nullement lié par l’assentiment donné par
�342
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
les nouveaux syndics à la gestion des syndics précédents.
Le compte qu’ils déclareraient accepter au nom des cré
anciers ne serait nullement obligatoire contre lui ; et les
redressements qu’il prouverait justes devraient être con
sacrés par la justice.
730. — Il suit de ce qui précède que le failli doit
être appelé à la reddition du compte. Vainement on lui
reconnaîtrait le droit de le contester , si l’on pouvait se
dispenser de le mettre à même de le faire. L’omission
de cette formalité vicierait l’opération et permettrait au
failli de l’attaquer à toutes les époques.
7 3 1 . — Si le failli régulièrement appelé n’a pas
comparu , quoique dans le cas de se présenter , ou si
ayant assisté à la reddition il avait négligé de débattre le
compte, il ne pourrait plus le faire après l’approbation
qu’en auraient faite les nouveaux syndics. La décharge
accordée par ceux-ci serait définitive en faveur des ren
dants. Tout ce que le failli pouvait exiger c’est d’être
partie nécessaire dans cette reddition ; mais la loi qui l’a
ainsi décidé pour obéir à une pensée de justice n’a pu
livrer le sort de cette opération à ses caprices. Elle a dû,
en conséquence, lui retirer le pouvoir de contester , dès
l’instant où mis en demeure de l’exercer il y a renoncé luimême.
7 3 2 . — Toutefois la forclusion contre le failli n’est
pas telle qu’il ne pût obtenir raison des omissions ou
erreurs dont il justifierait l’existence. Il en serait en ou
tre relevé , s’il prouvait que l’approbation du compte
n’est que le résultat du dol ou de la fraude.
733?
La disposition de l’article 489 s’applique
�ART.
529.
343
aux syndics de l’union, comme aux syndics provisoires
et définitifs. En conséquence, comme ceux-ci, les pre
miers sont obligés de verser dans la caisse des dépôts et
consignations toutes les sommes qu’ils seront dans le
cas de recouvrer : dès lo rs, la nomination d’un caissier
prescrite par l’article 527 du Code de commerce était
complètement inutile. Aussi notre article 529 n’en fait-il
plus un devoir aux créanciers.
A r t . 530.
Les c ré a n c ie rs s e r o n t con sultés s u r la q u estio n
de s a v o ir si u n se c o u rs p o u r r a ê tre accord é a u
failli s u r l’actif de la faillite .
L o rs q u e la m a jo rité d es c ré a n c ie rs p ré se n ts y
a u ra c o n se n ti,u n e so m m e p o u r r a ê tre accord ée an
fa illi à tit re de se c o u rs s u r l ’actif de la fa illite . Les
syndics en p ro p o se ro n t la qu otité q u i s e ra fixée
p ar le ju g e -c o m m is s a ire , s a u f re c o u rs au t r ib u n a l
de com m erce d e la p a r t des sy n d ics seu lem en t.
SOMMAIRE
734.
735.
736.
737.
738.
739.
740.
741.
Effets de l'union sur le secours à allouer au failli et à sa
famille.
Différence entre l’article 474 et l'article 530.
Ce dernier déroge au Code de commerce. Parallèle entre
leurs dispositions.
Avantages du système actuel.
Les créanciers sont donc seuls juges de l’opportunité du se
cours. Leur délibération doit dans tous les cas être pro~ voquée par le juge-commissaire.
Le vote a lieu à la majorité des créanciers présents.
Le principe seul est soumis aux créanciers. Le chiffre est
fixé parle juge-commissaire.
Le failli n’a aucun recours contre le vote des créanciers qui
refusent le secours, ni contre la fixation du chiffre. Celleci peut être attaquée par les syndics.
�344
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
74*2. Forme du recours de ceux-ci. Il est déféré en dernier res
sort au tribunal de commerce.
7 5 4 . — Nous avons vu, sous l’article 474, que, dans
les débuts de la faillite, des secours alimentaires peuvent
être accordés au failli sur la masse ; que leur quotité
doit être réglée d’abord par le juge-commissaire , et en
dernier ressort par le tribunal ; ce qui implique que les
créanciers peuvent être contraints à les fournir.
L’union, dépossédant complètement et d’une manière
définitive le failli, fait de plein droit cesser les effets de
cette disposition ; elle peut cependant créer par cela
même un besoin plus urgent de ces secours. C’est cette
prévision qui a fait introduire dans la loi l’article que
nous examinons.
7 5 5 . — Il y a entre l’article 530 et l’article 474
cette différence que , dans l’hypothèse de celui-ci , c’est
le tribunal qui décide s’il y a lieu à accorder une som
me quelconque à titre d’aliment. Dans celle du premier,
au contraire, la solution de cette question est laissée ex
clusivement aux créanciers , sans que la justice puisse
juger le refus qu’ils feraient d ’accorder le secours récla
mé par le failli.
756. — Cette disposition est une innovation à la
législation précédente. L’article 530 du Code accordait
au failli contre lequel il n ’existait aucune présomption
de banqueroute , le droit de demander et d’obtenir un
secours dont la quotité était fixée par le tribunal sur le
rapport du juge-commissaire. Si cette prescription paraît
plus humaine, celle qui l’a remplacée est au fond beau
coup plus juste.
�ART.
530.
345
Remarquons, d’abord , que l’humanité a une bonne
part dans la loi nouvelle ; l’article 474 qui proclame les
secours forcés dans la première période de la faillite,
est dicté par un sentiment qui honore le législateur ; et
la différence que nous signalions tout-à-l’heure , entre
cette disposition et celle de l’article 530, est une appré
ciation judicieuse et juste de la position du failli à ces
deux époques.
Le moment qui voit la faillite éclater est naturelle
ment pour le commerçant un instant critique. Plus l’é
vénement aura été imprévu et plus la perturbation qu’il
jette dans la vie du failli sera considérable. Il fallait donc
lui ménager le temps de s’habituer aux soins nouveaux
qui viennent l’assaillir , de chercher dans le travail la
possibilité de subvenir à ses propres besoins, à ceux de
sa famille. D’ailleurs, le jugement déclaratif ordonnant
le dépôt de sa personne dans la maison d’arrêt, est luimême un obstacle à ce que le failli trouve ailleurs que
dans l’actif des ressources pour vivre. Il était donc juste
de prélever sur celui-ci une somme suffisante pour rem
plir ce'but.
Après l’union, au contraire, le failli ne sera que trèsrarement en butte à des mesures contre sa personne. Il
pourra donc trouver dans son industrie et dans son tra
vail les moyens qui lui manquent. Sa famille elle-même
aura eu le temps de se résigner à la position que lui fait
la catastrophe de son chef, et de prendre un parti con
venable pour se procurer par elle-même les secours dont
elle a besoin.
En cet état, forcer les créanciers à en fournir encore
�346
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
c’était pousser jusqu’à l’injustice la faveur pour le failli.
En effet, la liquidation de la faillite peut avoir eu des
résultats tels qu’on pourra présumer la fraude, sans avoir
cependant la moindre possibilité de la prouver. Fallaitil à la perte matérielle déjà éprouvée par les créanciers
ajouter le sacrifice d’une partie quelconque de l’actif?
Et si , sans supposer la fraude , il est certain que le
failli a commis une faute grave ! S’il a anéanti une no
table portion de sa fortune en continuant son commerce,
lorsque déjà sa ruine était inévitable ! Si dans la folle
espérance de se relever il a compromis outre mesure le
gage de ses créanciers, l’humanité s’accorderait elle bien
du résultat que nous indiquions lout-à-l’heure ? Pour
rait-elle jamais autoriser qu’on contraignit encore les
créanciers à permettre qu’avant même toute répartition,
le plus clair de l’actif fût abandonné au failli ?
7 3 7 . — Tout se réunissait donc pour conseiller la
consécration du système adopté par notre article. Il est
d’ailleurs d’une plus haute moralité et peut produire des
effets plus désirables que celui de la législation .précé
dente. Par cela seul que le failli est placé dans une dé
pendance plus absolue vis-à-vis des créanciers, il est à
présumer qu’il s’efforcera de les persuader de sa bonne
foi et de mériter parla loyauté de sa conduite la faveur
qu’il sera dans le cas de solliciter.
7 3 8 . — Les créanciers jugeront donc à l’avenir et
d’une manière souveraine s’il convient ou non d’accor
der un secours au failli. Cette délibération doit être pro
voquée d’office par le juge-commissaire , alors même
que le failli serait absent, ou que présent à l’assemblée
�ART.
530.
34.7
il ne la réclamerait pas. La loi a compris la susceptibi
lité qui pourrait l’empêcher de prendre lui-même l’ini
tiative. Plus un homme est honorable et plus il lui ré
pugne, le malheur venu, de paraître tendre la main ; et
cependant celui-là peut être bien plus digne d’obtenir
un secours que tel autre qui ne craindra pas de le solli
citer hautement. Le mandat donné au juge-commissaire
est donc un véritable témoignage de commisération en
faveur de la bonne foi honteuse.
739. — La délibération est prise en la forme ordi
naire, c’est-à-dire, l’admission ou le rejet du secours est
voté par la majorité des membres présents. Il résulte de
ces termes de l’article 530 que la majorité numérique
suffit. Ce n’e st, en effet, que dans les cas expressément
prévus que la majorité en sommes doit accompagner
celle-ci.
740. — Les créanciers ne sont jamais consultés que
sur la question de savoir si un secours sera accordé au
failli; s’ils se prononcent pour la négative tout est dit.
Si le principe est admis les conséquences en sont laissées
à l’appéciation du juge-commissaire.
En conséquence, les syndics proposent à ce magistrat
la quotité du chiffre qu’ils pensent devoir être allouée.
L’opinion des syndics ne lie nullement la conscience du
juge qui peut diminuer ou augmenter le chiffre proposé.
741. — Le failli n’a aucun recours à exercer contre
la délibération négative des créanciers, ni contre la dé
cision du juge-commissaire quelle qu’elle soit. Mais cette
dernière peut être attaquée par les syndics. La raison
de cette différence réside dans la nature de la disposi-
N
�348
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tion de l’article 530. Le secours dont il y est parlé est
une pure libéralité de la part des créanciers ; en consé
quence, le failli ne saurait ni les contraindre à la réa
liser , 4 se plaindre de la quotité de celle qui lui a été
accordée.
Les syndics, au contraire, doivent veiller à ce que le
principe admis par les créanciers ne reçoive pas une
extension qu’il ne comporterait pas. En conséquence,
s’ils pensent que le chiffre admis par le juge-commis
saire a dépassé les prévisions de leurs mandants ils peu
vent en demander la réduction.
742.
— Le recours des syndics se réalise par une
simple requête sans citation ni ajournement du failli. Il
est déféré au tribunal de commerce qui juge par appel
et souverainement quelle est la quotité du secours qui
sera allouée.
A r t . 551.
L o r s q u ’u n e société de c o m m e rce s e r a en faillite,
le s c ré a n c ie rs p o u r r o n t n e c o n se n tir de concordat
q u ’en fa v e u r d ’u n o u de p lu s ie u r s d es associés.
En ce cas , to u t l ’a c tif so c ia l d e m e u r e r a sous le
r é g im e de l ’u n io n . L es b ie n s p e rs o n n e ls de ceux
avec le s q u e ls le c o n c o rd a t a u r a été c on sen ti en se
r o n t exclus, et le t ra ité p a r t ic u lie r p assé avec eux
ne p o u r r a c o n te n ir l ’e n g ag e m en t d e p a y e r u n di
v id e n d e qu e s u r d es v a le u r s é t ra n g è r e s à l ’actif
so cial.
L ’associé q u i a u r a o b te n u u n c o n co rd at p artic u
l i e r s e r a d é c h a rg é de to u te s o lid a rité .
SOMMAIRE
743.
Le principe de la solidarité qui régit lessociétésen nom col
lectif rend, en cas de faillite, le sort de tous les associés
commun et identique.
�art.
744.
745.
746.
747.
748.
749.
750.
751.
752.
83 ) .
'
349
Ce principe avait été rigoureusement consacré par le Code de
commerce.
Exception admise par la loi actuelle. Ses motifs.
Le concordat particulier opère la décharge de la solidarité
en ce qui concerne les créanciers.
Il déroge vis-à vis des associés à l ’article 121 du Code civil.
La libération de l ’associé concordataire n ’a qu’un effet ac
tuel. A quelles conditions pourra-t-il se faire réhabiliter?
La partie de la dette afférente à cet associé est éteinte mô
me au profit des autres.
Différence entre cette hypothèse et celle prévue par les ar
ticles 542 et 545.
Le fonds social reste affecté à la dette de la société. C'est
sur ses biens personnels que l’associé doit payer le divi
dende auquel il s’est obligé.
Si au moment de la faillite l’associé qui a obtenu un con
cordat n ’avait pas versé sa mise de fonds, il serait obligé
de le faire nonobstant celui-ci.
743.
— Dans les sociétés en nom collectif la solida
rité qui lie les associés rend leur sort indivisible. La fail
lite de l’être moral est commune à tous ses membres.
Chacun d’eux subit dans sa personne et ses biens les
mesures qui résultent du jugement déclaratif, et cela
non-seulement quant aux biens sociaux , mais encore
pour ceux qui leur sont propres et particuliers.
Si la faillite se termine par un concordat, les conven
tions qui y sont stipulées profitent à tous les associés,
sauf le droit de celui qui paierait le dividende convenu
sur ses biens de répéter contre les autres leur part et
portion. En attendant, chacun d’eux reprend l’adminis
tration tant du capital social que de sa fortune particu
lière, à la charge pourtant de la solidarité dans le paie
ment du dividende convenu.
�350
DES FA ILLITES ET BANQUEROUTES
Si le refus d’un concordat amenait l’adoption du régi
me de l’union, les effets de celui-ci régissaient tous les
associés qui demeuraient, dès lors , indéfiniment tenus
sur leurs biens présents et à venir vis-à-vis des créanciers.
7 4 4 . — Ces principes admis par le Code de com
merce ne comportaient aucune exception. Ils avaient
leur point de départ dans les maximes de la législation
civile et commerciale : l’indivisibilité de l’union sociale
d’abord, la solidarité des associés ensuite. On était arrivé
à cette conséquence que le sort de tous les membres
d’une société devait être commun, et cela dans un dou
ble intérêt : celui des créanciers qui avaient ainsi plus
de garanties pour le remboursement de ce qui leur était
dû ; celui des associés eux-mêmes qui trouvaient dans la
répartition des biens de tous le moyen de se libérer sur
une échelle plus vaste, peut-être même de s’exonérer des
incapacités que l’état de faillite entraîne si les masses ré
unies étaient suffisantes pour désintéresser les créanciers.
Il fallait donc, sous l’empire de cette législation, con
corder avec les associés, ou les envelopper tous dans le
régime de l’union. Quelque favorable que fût d’ailleurs
la position particulière de l’un d’eux, la rigueur du prin
cipe était un obstacle invincible à toute distinction dans
le règlement des rapports ultérieurs avec les créanciers.
7 4 5 . — Le législateur nouveau appelé à s’expliquer
à son tour n’a pas cru devoir adopter les bases consa
crées par ses prédécesseurs. L’application rigoureuse des
principes absolus et de l’unité fictive de la personne so
ciale aurait quelquefois pour résultat de blesser l’équité,
de nuire aux créanciers eux-mêmes et de rendre impos
�sibles les égards dus à celui des associés qui est évi
demment malheureux et de la plus entière bonne fo i l.
Sous ces inspirations la faculté pour les créanciers de
consentir des concordats particuliers a été inscrite dans
la loi.
Il convient, en conséquence, d’établir les effets dont
les traités particuliers seront susceptibles, ainsi que leur
mode d’exécution. Nous verrons, en recherchant celuici, sur quels biens doit être payé le dividende qui y sera
convenu.
746. — Par rapport à l’associé concordataire , le
traité le libère pour l’avenir de toute solidarité. Il n’est
donc plus tenu des engagements sociaux que jusqu’à
concurrence des sommes qu’il doit payer en vertu de ce
traité. Cet effet se produit vis-à-vis les créanciers en
force des principes ordinaires. Ainsi, chacun est libre de
renoncer à un droit créé en sa faveur. Or , la novation
dans le titre opérée par l’acceptation du concordat im
plique nécessairement l’abandon de la solidarité résul
tant, pour les créanciers, des titres souscrits par la rai
son sociale. Aussi, la dernière disposition de l’articla 531
était-elle sans objet en ce qui les concerne.
747. — Mais ce qui l’a fait inscrire dans la loi c’est
qu’à côté des créanciers existaient les coassociés. Pour
ces derniers il convenait de régler toutes choses pour évi
ter les difficultés que leurs rapports avec celui d ’entre
eux qui a concordé pouvaient faire surgir. Or, l’un des
associés soumis à l’union ayant payé beaucoup plus que
la portion de la dette le concernant aurait pu, en vertu
' Rapport de M. Renouard, session de 1835.
�352
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
de l’article 1214 du Code civil, redemander au concor
dataire la partie de la dette qu’il aurait dû payer luimême. La dernière disposition de notre article condamne
celte prétention. L’associé qui a obtenu un concordat
particulier ne peut jamais être tenu de payer plus que le
dividende mis à sa charge soit envers les créanciers soit
envers ses coassociés.
Tel est donc l’effet de l’abandon de la solidarité con
senti par les créanciers, que le débiteur en faveur duquel
il a lieu est libéré des effets de celle-ci , même envers
ses codébiteurs. L’article 531 déroge formellement à la
disposition de l’article 1214 du Code civil. Au reste, c’é
tait là une conséquence forcée de l’admission des con
cordats particuliers. On ne pouvait relever l’associé de la
solidarité envers les créanciers , sans l’en affranchir en
même temps à l’égard de ses coassociés.
7 4 8 . — La remise consentie par les créanciers pro
fite donc au concordataire envers et contre tous. Le paie
ment du dividende convenu le libère de toute participa
tion quelconque aux dettes sociales. Mais cette libération
n’a qu’un effet actuel et ne lie nullement l’avenir.
Ainsi,si cet associé voulait plus tard se faire réhabili
ter, il devrait payer non-seulement la portion intégrale
de sa dette en capital, intérêts et frais, mais encore tou
tes les dettes sociales1.
7 4 9 . — Par rapport aux coassociés, le concordat
obtenu par l’un d’eux produit cet effet, que la partie de
la dette à la charge de celui-ci est définitivement éteinte
en ce qui les concerne. Peu importe que les créanciers
1 V oy.
infra
article 004.
�ART.
531.
353
ne reçoivent qu’un faible dividende de celle-ci. La remise
du surplus qu’ils consentent profile à tous les codébi
teurs. Anéantie pour l’un en totalité, la dette est égale
ment anéantie pour les autres codébiteurs.
750^ — Au reste, cet effet se réalise dans les cas or
dinaires, en vertu de la disposition de l’article <285 du
Code civil ; mais il était d’autant plus nécessaire de le
rappeler dans cette circonstance , qu’on aurait pu être
tenté de chercher un résultat contraire dans les articles
542 et suivants relatifs aux coobligés du failli ; mais ce
qui doit enlever tout doute c’est la différence qui existe
entre noire hypothèse et celle réglée par l’article 545.
Dans celle-ci, la remise consentie par le créancier n’est
jamais censée être volontaire ; tandis que dans la faillite
d’une raison sociale, les biens de tous les associés soli
daires étant également dévolus aux créanciers et le con
cordat particulier n’étant que facultatif, sa souscription
émane d'une volonté libre et spontanée. Dès lors, la re
mise est une véritable libéralité de la part des créan
ciers , et comme elle a pour effet de soustraire l’associé
à l’action de la solidarité à l’égard de ses codébiteurs, il
est juste que ceux-ci reçoivent en échange la faveur
d’une libération partielle.
D’ailleurs, le concordat particulier divise la dette qui
était jusque-là commune à tous les associés. O r , cette
division , aux termes de l’article 1210 du Code civil,
suffit pour que le créancier doive déduire de la dette so
lidaire à la charge des débiteurs la part et portion du
débiteur déchargé de la solidarité. Dans le cas de l’arti-
n — 23
�\
354
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
cle 545, la signature du concordat n’opère ni décharge
de la solidarité, ni division de la dette.
Enfin, par le paiement du dividende convenu, l’as
socié concordataire est censé avoir payé intégralement
sa part de la dette. Les droits des créanciers sont donc
complètement éteints quant à ce, et ils ne peuvent alors
même qu’ils prétendraient se les réserver, exercer con
tre les autres associés aucune répétition. La dette n’existe
plus pour personne.
7 51.
— Les concordats particuliers n’altèrent en
rien les droits des associés sur le fonds social. C’est à
l’être moral que ce fonds appartient, c’est exclusivement
à sa décharge qu’il doit être consacré. Il faut entendre
par fonds social les mises que chaque associé a versées
ou dû verser ; les marchandises, effets mobiliers, meu
bles, ustensiles qui font l’objet ou qui servent à l’exploi
tation du commerce ; les immeubles, les créances et va
leurs appartenant à la raison sociale; enfin, tout ce qui
n ’est pas la propriété particulière de l’un des associés.
Cet actif, disons-nous, est destiné à éteindre la dette
commune , et dans aucun cas celle de l’un des associés
seulement. Cette affectation particulière ne peut céder à
aucune considération. Or, la dette résultant du concordat
consenti en faveur de l’un des associés lui est toute per
sonnelle ; dès lors il ne saurait-, pour y faire face, pré
tendre l’imputer sur la part de l’actif qui pourrait lui
revenir. Le consentement des créanciers ne pourrait lier
les coassociés qui s’opposeraient à ce qu’il en fût ainsi.
C’est sur ses biens personnels dont l’administration lui
est rendue par l’effet du concordat que l’associé doit
prendre pour payer les obligations qu’il a contractées.
�ART.
531.
355
752.
— Il suit de là que si cet associé n ’avait pas
encore, au moment de la faillite versé sa mise de fonds,
il devrait le faire même après avoir obtenu un concor
dat. La perte de tous droits, à l’actif social est la condition
imposée par la loi à la décharge de la solidarité qu’elle
lui confère. Etranger désormais à la société, il ne saurait
participer en rien aux ressources que celle-ci peut pos
séder et qui sont exclusivement acquises à ses membres.
Or, le contraire se réaliserait, s’il pouvait retenir p ardevant lui la portion de ces ressources qu’il détient et
la consacrer à ses besoins personnels. Il acquerrait ainsi
sa libération aux dépens de ses coassociés. Cela serait
d’autant plus injuste que ceux-ci déjà frustrés des avan
tages qu’ils auraient trouvés dans l’application à la dette
commune de ses biens personnels, verraient encore leur
position grevée jusqu’à concurrence du montant de la
mise qui leur serait ainsi soustraite.
Les syndics de l’union devraient donc , dans l’intérêt
des autres faillis, exiger ce versement. Les créanciers ne
pourraient en dispenser l’associé concordataire qu’en en
appliquant l’intégralité à la décharge des autres associés.
A r t . o 32.
Les syndics re p ré s e n te n t la n iasse des c ré a n
ciers, et so n t c h a rg é s de p r o c é d e r a la liq u id a tio n .
N éan m oin s,les c ré a n c ie rs p o u r r o n t le u r d o n n e r
niiiudat p o u r c o n tin u e r l ’e x p lo ita tio n de l’actif.
La d é lib é ra tio n q u i le u r c o n fé re ra ce m a n d a t en
déterm inera la d u ré e et l ’é t e n d u e , et fixera les
sommes q u ’ils p o u r r o n t g a r d e r e n tre le u r s m a in s,
il l’effet de p o u r v o ir a u x fr a is et dépen ses. E lle ne
pourra ê tre p ris e q u ’en p ré se n c e d u ju g e -c o m m is -
�356
DES FAILLITES ET
BANQUEROUTES
« a ir e , et à la m a jo rité d e s tro is q u a rt s d es créait*
ciers en n o m b re et en som m e.
L a voie «le l'o p p o sitio n se ra o u v erte con tre cette
d é lib é ra tio n an fa illi et a u x c ré a n c ie rs dissidents.
Cette op p ositio n ne s e r a p as su sp en sive de l'exé
cution.
A rt. 5 3 5 .
L o rs q u e le s o p é ra tio n s des syn d ics entraîn eron t
des en g ag e m en ts q u i e x c é d e ra ie n t l ’actif «le l ’u
n io n , le s c ré a n c ie rs q u i a u ro n t a u to risé ces opé
r a tio n s se ro n t se u ls ten u s p erso n n e lle m e n t an
d e là de le u r p a r t d a n s l ’actif, m a is se u le m en t dans
les lim ite s d u m a n d a t q u ’ils a u r o n t d o n n é ; ils
c o n trib u e ro n t a u p r o r a t a de le u r s créances.
S O M M A IR E
758.
754.
755.
756.
757.
758.
759.
760.
761.
L’union confère aux créanciers le droit de faire régir l’actif
par leurs mandataires dont les actes les obligent tous.
Exceptions pour les droits hypothécaires qui ne peuvent
être défendus et protégés que par les créanciers person
nellement.
Les hypothécaires ne sont donc pas légalement représentés
par les syndics dans les instances relatives aux immeu
bles du failli.
Ils doivent y être appelés, et s’ils ne l ’ont pas été ils peu
vent attaquer le jugement par tierce opposition.
Ils peuvent aussi en émettre directement appel.
11 en est autrement pour les jugements et actions qui ont
pour objet l’actif mobilier.
L’union étant une communauté accidentelle d’intérêts, la
mission des syndics est de la faire cesser le plus tôt pos
sible.
Autorisation donnée par la loi de 1838 de confier aux syn
dics la continuation du commerce. Innovation au Code
de commerce.
Critique de cette disposition.
%
�art.
762.
763.
764.
765.
766.
767.
768.
769.
770.
771.
772.
773.
774.
532, 533.
357
La délibération doit préciser l’étendueet la durée du mandat.
Elle doit réunir les trois quarts des suffrages des créanciers
en nombre et en sommes.
Fixer la somme que les syndics garderont en mains pour
faire face aux dépenses et aux frais.
Elle doit être prise en présence du juge-commissaire,et si
gnée par ceux qui l ’ont ■votée.
Les créanciers hypothécaires,privilégiés ou nantis de gages
ne peuvent compter pour déterminer la majorité.
Elle peut être attaquée par opposition. Forme de celle-ci.
Autorité qui. doit en connaître. Délai.
Le droit de former opposition appartient aux créanciers dis
sidents et au failli. Conséquences pour celui-ci.
L’opposition ne suspend pas l’exécution.
Effets de la gestion des syndics pour les créanciers et le
failli en cas de bénéfices.
En cas de pertes elles ne sont supportées par les créanciers
dissidents que, jusqu'à concurrence de l'actif. Dans quel
les proportions ?
Les créanciers qui ont autorisé l ’exploitation répondent au
marc le franc de leurs créances des engagements excé
dant l ’actif.
Les créanciers privilégiés ou hypothécaires qui auraient si
gné la délibération sont soumis à la même obligation.
Toutefois les uns et les autres ne seraient pas tenus, si ces
engagements excédaient les limites du pouvoir des
syndics.
753.
— L’union établit entre tous les créanciers d’u
ne faillite une communauté d’intérêts qui doit être régie
en leur nom par des mandataires. Ces mandataires sont »
les syndics nommés en vertu de l’article 5Ü$9.
L’actif de cette communauté se compose de tous les
meubles et immeubles du failli. Les syndics de l’union
l’administrent au même titre que les syndics provisoires
�358
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ou défînitis ; ils continuent d’exercer toutes les actions
actives et passives ; leurs actes lient la masse et obligent
tous les créanciers, sauf le cas prévu par l’article 533.
754.
— Il convient cependant de rappeler que les
créanciers hypothécaires rte sont représentés légalement
par les syndics de l’union que lorsqu’ils ont un intérêt
commun avec les chirographaires. Dans le cas contraire
et lorsqu’il s’a g it, par exemple , de la disposition des
droits inhérents à leur qualité, la faculté de les protéger
et de les défendre leur appartient exclusivement. Ainsi,
la rédaction d’un cahier des charges pour l’adjudication
des immeubles du failli, faite par les syndics, ne saurait
leur être opposée; et ceux d’entre eux qui pourraient
prétendre à exciper du pacte commissoire ne seraient
nullement liés par la renonciation au droit de l’exercer
contenue dans ce cahier des charges '. Une clause sem
blable , susceptible de rendre la vente plus facile et ses
résultats plus avantageux, servirait les intérêts de la mas
se , mais au détriment du créancier de ce droit. Il est
donc impossible que les syndics aient pu en même temps
représenter ce double et contradictoire intérêt.
Vainement exciperait-on de ce que les créanciers hy
pothécaires ont concouru à la délibération sur le main
tien ou le remplacement des syndics ; et qu’ainsi ils ont
donné à ceux-ci le mandat de les représenter. Cela est
vrai pour les droits purement mobiliers et même pour
l’administration des immeubles ; car les syndics seuls
peuvent faire valoir les uns et être chargés de l’autre.
Mais il n’en est pas ainsi des droits hypothécaires. Ces
Rouen, 27 janvier 1S15 . — Sirey, 15, 2, 140.
�ART.
532, £33.
359
droits restent constamment en dehors de la faillite; leur
exercice se concentre dans la personne et sur la tête de
leurs propriétaires qui ont exclusivement la capacité de
s’y livrer dans la distribution du prix des immeubles, et
de prendre en attendant toutes mesures conservatoires.
Les syndics n’ont donc pas à s’en occuper , ^t s’ils ne
sont pas préposés à leur administration, ils n’orit à plus
forte raison aucune qualité pour consentir les actes qui
en intéressent la disposition , et conséquemment pour
défendre aux attaques qui seraient dirigées contre leur
existence.
On doit surtout le décider ainsi dans les cas où l’in
térêt des hypothécaires est en contradiction avec celui de
la masse. Supposez, en effet, que le vendeur d’un im
meuble non payé poursuive la résolution de la vente par
lui consentie au failli. Les chirographaires peuvent trou
ver quelque avantage dans la réussite de cette action.
Elle aura, en effet, pour résultat de faire disparaître plu
sieurs créanciers privilégiés et d’augmenter l’actif mobi
lier de toutes les sommes que le demandeur en résolu
tion aura touchées et qu’il sera tenu de restituer. De plus,
c’est dans cet actif que tombera le prix des améliorations
faites par le failli, et qui sans cette circonstance aurait
été dévolu aux créanciers hypothécaires. Comment, dans
celte circonstance, les syndics concilieront-ils ce qu’exi
ge la position de ces derniers et l’intérêt contraire de la
masse? Comment pourront-ils défendre le droit de l’une
et des autres ? Ne devront-ils pas nécessairement sacri
fier l’un d’eux? Or, on évite ce résultat qui serait déplo
rable en reconnaissant aux hypothécaires le pouvoir ex-
�360
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
clusif de se défendre eux-mêmes toutes les fois que les
actions intentées sont de nature à influer sur les garan
ties inhérentes à leurs créances.
7 5 5 . — C’est dans ce sens que s’e s t, dans tous les
temps, prononcée la jurisprudence. Ainsi, il a été jugé:
que les créanciers hypothécaires ne sont pas légalement
représentés par les syndics dans une instance relative à
la propriété de l’immeuble hypothéqué , et dont l’issue
pourrait diminuer et anéantir les droits hypothécaires
ou lorsque l’instance a pour objet, et pourrait avoir pour
résultat de diminuer la valeur de l’immeuble hypothéqué3.
7 5 6 . — Il résulte de là que, dans les instances de
cette nature, le poursuivant doit non-seulement intenter
l’action contre les syndics, mais encore appeler en cause
les créanciers hypothécaires. Que s’il s’est contenté d’a
journer les syndics, ces derniers pourront intervenir dans
le procès et prendre en mains la défense de leurs intérêts.
Il en résulte encore que si cette intervention n’a pas
été réalisée, le jugement n’aura contre eux aucun effet
valable, et qu’ils pourront le frapper de tierce-opposition
lorsqu’on prétendra le leur opposer.
757. — Mais pourront-ils, sans recourir à cette op
position, l’attaquer directement par appel ? La négative
semblerait s’induire de ce que n’ayant pas été légalement
représentés, il n’y a pas à leur égard de véritable juge
ment. Mais, remarquons d’abord que le créancier hypo
thécaire est seul apte à exciper du défaut de représen1 P aris, 40 ju ille t 1833 ; — D . P ., 33, 2, 24.
? Cassation, 22 jan v ier 1833 ;— D . P „ 33, 4, 131.
�ART.
532, 533.
361
tation , et que siau lieu de le faire valoir , il acceptait
l’autorité de la décision intervenue en son absence , il
serait étrange que celui qui profite de cette acceptation pût
en faire résulter une fin de non recevoir contre l’appel.
En second lieu, la tierce opposition est toute dans l’in
térêt de l’opposant et pour lui assurer le bénéfice des
deux degrés de juridiction. Il peut donc renoncer à un
droit créé à son profit exclusif, s’il le juge convenable.
Son adversaire ne pourrait avoir la prétention de l’en
empêcher, avec d’autant plus de raison qu’il serait sans
intérêt à le faire, puisque par rapport à lui la demande
aurait réellement subi les deux degrés. En conséquence,
la fin de non recevoir qu’il élèverait contre l’appel de
vrait être repoussée comme mal fondée. C’est dans ce
sens que divers arrêts ont prononcé 1.
758. — Ainsi, pour tout ce qui de près ou de loin
peut intéresser les droits hypothécaires ou les immeubles
hypothéqués, les syndics sont sans pouvoirs pour enga
ger ceux qu’ils concernent, et auxquels la faillite du dé
biteur n’en enlève jamais la libre et exclusive disposi
tion. Mais, pour les actions personnelles et mobilières il
n’y a aucune distinction à faire entre les créanciers. Tous
sont irrévocablement liés par les actes des syndics qui
les représentent légalement. Aucun d ’eux ne serait dès lors
admis à intervenir dans une insiance pendante, à former
tierce-opposition au jugement et à en émettre appel.
759. — Quelle est la nature des pouvoirs conférés
aux syndics ? Pour les déterminer avec précision il coni Bordeaux, 7 décem bre 1 8 2 9 ; L yon, 21 décem bre 1831. — D .P ,,
29, 2, 117; 31, 2, 10g.
�362
DKS FAILLITES ET BANQUEROUTES
•»
vient de bien se fixer sur le caractère de l’administration
qui leur est confiée. L’union n’est pas une société entre
les créanciers. Elle constitue seulement une communauté
d’intérêts résultant de l’indivision des biens créée par la
loi, et qui n’existe que le temps nécessaire pour arriver
au partagedeces mêmes biens entre tous les ayants droit.
La principale mission, l’unique, devrions-nous dire,
que les syndics soient censés avoir reçue est donc celle
de hâter ce partage à l’effet de fairecesser le plus promp
tement possible cette indivision accidentelle qui unit for
cément les créanciers. Les syndics devraient donc se
borner à liquider le commerce et non le continuer , à
moins cependant que les communistes en aient autre
ment décidé. Mais, dans ce cas, les syndics agissent non
plus en force de la disposition de la lo i, mais en vertu
du mandai formel qu’ils reçoivent des intéressés,mandat
que le législateur autorise et réglemente, quoiqu’il ne le
crée point.
760.
— Au reste , cette autorisation est déjà assez
remarquable. Elle serait naturelle si elle ne s’appliquait
qu’au vœu unanime des créanciers. Il doit , en effet,
leur être loisible, comme à tous les autres citoyens, d’in
vestir leurs mandataires de pouvoirs aussi étendus qu’ils
le jugent convenable. Mais cette unanimité n’est pas mê
me requise. C’est la majorité qui décide de l’étendue du
mandat et qui peut ainsi imposer à la minorité une con
cession allant jusqu’à la disposition entière de la pro
priété commune. Cette dérogation aux principes qui ré
gissent le m andat, déjà atteints par la nomination des
mandataires qui est confiée au tribunal, rend beaucoup
plus grave l’innovation créée par l’article 532.
�ART.
532, 533.
363
Le Code de commerce gardait, en effet, le silence sur
l’exploitation de l’actif par les créanciers. En l’absence
de toute disposition à ce sujet on ne s’était nullement
préoccupé de la question de savoir si on pouvait ou non
autoriser les syndics à la continuer. On laissait donc à
leur mission son véritable caractère qui était et qui est
encore, nous venons de le dire, de liquider pour mettre
un terme à l’indivision.
Il est vrai qu’à cette époque l’union était un contrat
auquel il ri’était pas rare de voir plusieurs créanciers re
fuser de prendre part. Assez de difficultés s’étaient éle
vées sur la portée de cette faculté ; on était assez embar
rassé de déterminer la position de céùx qui en avaient
usé, pour qu’on pût songer à compliquer encore cet état
de choses par la prétention de faire exploiter pour leur
compte l’actif de la faillite. Celte prétention n’avait donc
jamais été émise; dans tous les cas elle eût été inévita
blement condamnée , car elle n’aurait eu aucun point
d’appui dans la législation.
La faculté de continuer l’exploitation du commerce est
donc un droit créé par la loi de -1838. Or, il ne s’agit
plus à l’époque actuelle, comme au début de la faillite,
d’une exploitation provisoire et bornée. L’autorisation
que la majorité peut consentir ne reconnaît d’autres bor
nes que sa propre volonté. C’est elle seule qui détermine
Indurée et l’étendue du mandat. Elle peut donc décider
qu’il sera exercé pendant tel nombre d’années qu’elle
jugera convenable , et donner aux syndics la mission
d’acheter, de vendre, de fabriquer , en un mot de faire
le commerce comme le faisait le failli lui-même.
�364-
DES FAILLITES ET
BANQUEROUTES
761.
— Ce droit nous paraît exorbitant. Il répugne
à ce principe incontestable que le mandat ne peut exister
s’il n’est volontairement consenti par celui qui le con
fère. Or, dans l’espèce, la minorité est obligée de subir
la loi qu’il plaira à la majorité de lui imposer; elle sera
liée par un mandat qu’elle refuse, et obligée de suppor
ter les conséquences d’une administration qu’elle ne veut
pas autoriser. Que deviennent les droits sacrés de pro
priété , si l’on condamne ainsi à braver les chances du
commerce celui qui ne veut pas y consentir ; soit qu’ef
frayé de la catastrophe de son débiteur, il craigne de voir
disparaître dans le même abîme les débris échappés au
naufrage ; soit qu’ayant besoin du dividende qu’il per
cevrait dans le partage, quelque modique qu’il fût, il ne
puisse sans péril pour ses propres affaires attendre plu
sieurs années encore; soit enfin, qu’étranger au commerce
il préfère donner à ce qui lui reste une autre direction.
Déjà la loi avait, pour la nomination des syndics, dé
rogé aux principes ordinaires en n’accordant aux créan
ciers que voix consultative. Fallait-il après avoir imposé
les mandataires , imposer encore le mandat ? Nous le
pensons d’autant moins qu’en laissant le sort de l’actif
au vote de la majorité , on s’expose à porter un grave
préjudice à cette classe de créanciers que l’orateur du
Tribunat nous signalait tout à l’heure comme la plus
intéressante 1 ; à ces petits capitalistes, employés, jour
naliers, domestiques qui ayant placé leurs économies
sur le failli , n’ont pas d’autres ressources que le divi
dende qui leur revient, sans qu’ils puissent espérer se
1 V oy.
supra
n° 528,
�art.
532. 533.
365
refaire de leurs pertes par les opérations que d’autres
pourront plus tard réaliser avec les syndics autorisés à
continuer le commerce.
Vainement voudrait-on exciper de ce que dans les ré
unions d’intéressés la majorité doit toujours faire la loi.
Cela peut être vrai dans les associations ordinaires, parce
qu’en y accédant chaque membre s’est volontairement
soumis à l’application de celte règle. Mais l’union qui
naît de la faillite est, pour tous les créanciers, acciden
telle et forcée. Il y a autant d’intérêts particuliers qu’il
y a de membres, et leur volonté est restée étrangère aux
circonstances qui l’ont déterminée. Par conséquent, les
principes qui régissent les sociétés volontaires sont ici
sans application possible.
Que dans les débuts de la faillite le juge-commissaire
autorise l’exploitation provisoire du commerce , on le
comprend lorsqu’on s’arrête aux motifs de cette prescrip
tion 1; lorsqu’on sait qu’elle ne doit recevoir son exécu
tion que dans le cas où cette exploitation ne pourrait
être interrompue sans préjudice pour les créanciers.
Mais, après l’union cette crainte n’est plus à concevoir.
Les syndics ont eu le temps de parer à ce qu’elle exigeait,
et l’exploitation ne répond plus à aucune nécessité.
On devait donc revenir aux principes ordinaires, et ne
l’autoriser qu’en tant que l’unanimité des créanciers se
serait prononcée pour sa continuation.
Quoi qu’il en soit, la loi ayant consacré l’opinion con
traire , il nous reste à examiner les conditions qu’elle
exige pour que les syndics puissent valablement exploiter
i V oy.
supra a rticle s
469, 470.
�366
DES FAILLITES ET
BANQUEROUTES
le commerce et les effets que leur exploitation produit
pour les créanciers.
762. — Nous venons de voir que les syndics ne sont
plus, quant à ce, des mandataires légaux ; qu’ils n’agis
sent et ne peuvent agir qu’en vertu du pouvoir que leur
confèrent les créanciers. Il résulte de là que, vis-à-vis
de ceux-ci comme vis-à-vis des tiers avec lesquels ils
contractent, ils sont soumis aux obligations et aux règles
ordinaires du mandat. Or, il est certain que le mandant
n’est régulièrement obligé que par les actes qui ne dé
passent pas les limites du pouvoir qu’il a consenti. On
doit donc, dans la délibération qui autorise l’exploita
tion de l’actif, soigneusement déterminer, fixer sans am
biguité et sans équivoque l’étendue et la durée de la
mission des syndics. Cela importe aux créanciers quant
à leur responsabilité, aux tiers pour la sécurité des trans
actions qu’ils seront appelés à faire avec les syndics.
763. — La délibération ne peut être prise qu’à la
majorité des trois quarts des créanciers en nombre et en
sommes. Cette majorité est plus forte que celle exigée
pour le concordat lui-même. Mais on remarquera que
la décision peut avoir pour les créanciers des conséquen
ces plus graves , plus fâcheuses que celle du concordat.
Celui-ci, en effet, n’impose jamais qu’une remise plus
ou moins forte , tandis que l’autre peut avoir pour ré
sultat la perte de la créance entière selon que la gestion
des syndics aura été malheureuse.
D’ailleurs, en exigeant une majorité aussi considéra
ble, le législateur a en quelque sorte subi l’influence des
principes que nous rappelions tout-à-l’heure ; il s’est
�ART.
532, 533.
367
ainsi efforcé d’atténuer la dérogation qu’il y apportait en
se rapprochant le plus possible de l’unanimité à laquelle
il renonçait.
764. — Nous avons dit que l’article 489 oblige h s
syndics de l’union, comme les syndics provisoires et dé
finitifs, à verser le montant des recouvrements à la caisse
des dépôts et consignations. Les uns et les autres, ne
peuvent retenir par devers eux que les sommes que le
juge-commissaire arbitrera être nécessaires pour faciliter
leur gestion. Mais ce principe reçoit forcément une ex
ception dans l’hypothèse qui nous occupe. Il est certain,
en effet, que son application littérale serait incompatible
avec l’exercice du commerce permis aux syndics. La fi
xation des sommes qu’ils devront garder en mains ne
peut, dans ce cas, avoir d’autres bases que l’étendue de
leur mission et les besoins présumés de l’exploitation.
C’était donc à ceux qui déterminent cette étendue à ap
précier ces derniers. Aussi et par dérogation à la règle
ordinaire, la loi a-t-elle chargé les créanciers de fixer la
somme jusqu’à concurrence de laquelle les syndics se
ront dispensés de l’obligation de verser à la caisse des
consignations.
Cette partie delà délibération importe à la régularité
de la gestion des syndics. L’omission d’y statuer les lais
serait sous le coup de la disposition de l’article 489. Ils
doivent donc ne rien omettre pour attirer sur ce point
l’attention des créanciers.
765. — Enfin , la délibération doit être prise sous
la présidence et en présence du juge-commissaire. Il ré
sulte de la combinaison des articles 532 et 533 que le
�368
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
vote doit être ostensiblement donné par chaque créan
cier, et le procès-verbal signé par tous ceux qui ont été
d’avis d’autoriser. Sans celte double formalité l’exécution
de l’art. 533 serait difficile, pour ne pas dire impossible.
766.
— Les créanciers hypothécaires, privilégiés ou
nantis de gage doivent-ils concourir à former la majorité
en nombre et en sommes voulues par la loi? La réponse
devrait être affirmative si l’on ne consulte que l’article
529. En effet, le texte les admet nommément à la déli
bération, et aucun des articles suivants ne leur fait un
devoir de s’abstenir dans telle ou telle circonstance.
Mais la solution doit être différente en se rapportant
à l’esprit de la loi. L’on trouve entre les conséquences
de la continuation du commerce et celles du concordat
une telle identité d’effets, qu’il serait illogique de ne pas
exiger dans le vote de l’une les règles que la loi a tracées
pour celui de l’autre. Si les créanciers hypothécaires ou
privilégiés sont exclus de la délibération sur le concor
dat, c’est qu’ils demeurent, dans tous les cas, affranchis
de la remise qui y est stipulée. Or, si la continuation du
commerce a pour résultat une perte quelconque , celte
perte leur restera également étrangère , l’intégralité de
leur créance leur étant assurée par l’effet de leur hypo
thèque ou privilège.
Conséquemment, leur concours à celle ci serait dans
le cas d’imposer aux autres créanciers un sacrifice auquel
ils ne prendraient aucune part, et celte éventualité suffit
pour leur faire refuser toute coopération au concordat ;
elle doit suffire pour les écarter d’un acte qui, ainsi que
nous le disions, peut être plus désastreux encore que le
concordat lui-même.
�ART.
532, 533.
369
é
Nous pensons donc que la majorité des trois quarts
en nombre et en sommes doit être uniquement calculée
sur la masse chirographaire, et que si ce chiffre n ’était
atteint qu’à l’aide des créanciers hypothécaires ou pri
vilégiés, la délibération serait dans le cas d’être annulée
sur la demande des parties intéressées.
7 67. — En effet, la loi déclare la délibération sus
ceptible d’opposition. La connaissance de celle-ci est dé
férée au tribunal de commerce en premier ressort. Elle
constitue donc une instance ordinaire qui doit être intro
duite par ajournement contre les syndics. Le jugement à
intervenir pourra toujours être attaqué par appel.
Devant l’un et l’autre degré l’opportunité de la mesure
pourra être examinée et contestée, indépendamment des
vices de forme qui pourraient être relevés.
Le législateur ne dit rien du délai dans lequel l’oppo
sition devra être formée. Il faut conclure de ce silence
qu’elle peut l’être à toutes les époques, et malgré que la
délibération ait déjà été exécutée. On peut, en effet, con
jecturer qu’il est dans l’intention de la loi de permettre
de révoquer une mesure qui mériterait d’autant plus de
l’être, que l’expérience acquise en aurait constaté les
dangers pour les créanciers.
768. — Le droit de former opposition appartient :
1° A chaque créancier opposant. L’intérêt qu’ils ont
à empêcher l’exécution du projet consacré par la majo
rité est évident. Cet intérêt motive suffisamment l’action
qui leur est ouverte.
%° Au failli. La réserve que la loi fait en sa faveur
est remarquable. Elle tranche une difficulté qui aurait
h — 24
�370
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
pu s’élever sur les conséquences de l’exploitation du
commerce.
On aurait pu, en effet, soutenir en son nom que quel
que soit le résultat, il doit être libéré jusqu’à concurrence
de l’actif par lui délaissé aumoment de la faillite, et dont
la valeur a été fixée par l’inventaire. La continuation de
l’exploitation, aurait-on pu ajouter, étant le fait person
nel des créanciers doit s’accomplir à leurs risques et pé
rils , sans que le débiteur puisse jamais voir sa position
s’aggraver par un acte qui lui est resté étranger.
Quelque rationnel que pût paraître ce système, ce n’est
pas celui que la loi a adopté. Toutes les fois que le com
merce sera continué, les bénéfices de l’exploitation pro
fiteront au failli qui sera libéré d’a u ta n t, et les pertes
resteront à sa charge, en ce sens qu’il ne sera censé avoir
payé que ce que les créanciers auront réellement touché.
La preuve de cette intention de la loi nous est fournie
par le droit d’opposition que l’article 522 lui confère ex
pressément.
Il est évident, en effet, que si le failli était déchargé
jusqu’à concurrence de l’actif, il ne pourrait dans aucun
cas exiger davantage ; peu lui importerait la destination
ultérieure que celui-ci recevrait. Maîtres d’en disposer
à leur volonté , les créanciers n’auraient nullement à
s’enquérir de ses intentions. Il n’aurait lui-même aucun
intérêt à s’immiscer dans la manière dont il leur plairait
d’en régler l’administration.
Cette absence d’intérêt excluait toute action. Mais la
réserve de celle-ci indique bien que le législateur n’ad
met point l’existence de la première. Or, quel peut être
�ART.
532, 533.
371
l’intérêt du failli dans cette circonstance à empêcher que
l’actif soit de nouveau exposé aux chances du commerce,
si ce n’est celui de diminuer sa dette en obtenant que
l’intégralité de ses ressources soient distribuées à ses
créanciers ? C’est donc uniquement parce que ce résultat
ne sera pas atteint, si l’exploitation ne réussit point,
que le droit de s’opposer à ce qu’elle soit continuée lui
a été accordé.
Ainsi donc, l’avenir du failli restera grevé des pertes
que l’administration des syndics présentera. Sa réhabili
tation ne pourra seréaliser qu’aprèsen avoir tenu compte
aux créanciers, en capital, intérêts et frais, tout comme
il profitera des bénéfices qui en seront résultés.
Le failli est donc nécessairement partie dans la délibé
ration qui permet l’exploitation. Si sa voix n’est point
comptée pour en établir l’opportunité, il a la faculté de
faire rétracter le vote affirmatif des créanciers. S’il s’ab
stient d’en faire usage il adhère à leur opinion ; il est
censé avoir autorisé lui-même la continuation du com
merce. Conséquemment, il n’y a rien d’injuste à lui faire
subir à son tour les chances qu’elle aura déterminées.
769.
— De quelque part qu’elle vienne, à quelque
époque qu’elle se réalise , l’opposition ne suspend pas
l’exécution de la délibération. Cette prescription n’est
qu’une conséquence forcée de sa recevabilité absolue et
du défaut de détermination d’un délai quelconque à la
déchéance du droit. Il pourrait, en effet, arriver qu’au
moment où elle sera formée l’exploitation fût en plein»
activité et qu’une suspension de quelques jours seulement
amenât, pour les créanciers, un préjudice irréparable.
�372
DES FA1LLITBS ET BANQUEROUTES
770. — Si l’exploitation réussit et produit des bé
néfices, chaque créancier concourt au prorata de sa cré
ance dans les répartitions qui en seront ordonnancées.
Il n’y a aucune différence entre ceux qui ont autorisé
l’exploitation et ceux qui ont refusé d’y consentir. Tous
ont des droits égaux, même ceux qui ayant formé oppo
sition à la délibération en ont été déboutés par la jus
tice. Si ces bénéfices étaient plus que suffisants pour que
tous les créanciers pussent être payés, l’excédant, après
le solde de ce qui leur est dû en capital, intérêts et frais,
serait acquis au failli.
7 7 1 . — Si la gestion des syndics a été malheureuse
les effets en sont supportés par les créanciers dans des
proportions différentes, selon que les engagements n’ex
cèdent pas ou excèdent l’actif de l’union.
Dans le premier cas les dettes étant éteintes au moyen
de l’actif lui-même, chaque créancier contribue réelle
ment pour sa part et portion. La privation du dividende
afférent à chaque créance les soumet toutes à une con
tribution égale.
Dans le second cas les obligations changent. Les cré
anciers qui ont voté contre la continuation du commerce
ne sont jamais tenus au delà de leur part dans l’actif.
Us ne retirent rien , mais ils n’ont jamais rien à payer.
7 7 2 . — Ceux au contraire qui ont autorisé cette con
tinuation sont obligés de solder tout ce qui sera dû in
dépendamment de l’actif. Ainsi, non-seulement ils ne re
tirent rien,mais ils sont en outre tenus de parfaire de leurs
propres fonds aux charges contractées par les syndics.
Toutefois, cette obligation n’est pas solidaire entre eux.
�art.
532, 533.
373
Chacun ne doit que sa part et portion. On calcule celleci sur le chiffre de leur créance, et c’est au prorata que
la contribution s’opère.
On voit par là combien il est indispensable que la
délibération soit signée par ceux qui l’ont autorisée.
Bientôt personne ne voudrait l’avoir approuvée, ce qui
ferait surgir de graves difficultés pour les tiers qui au
raient une somme quelconque à répéter.
773. — Nous avons dit plus haut que les créanciers
hypothécaires, privilégiés ou nantis de gages restent en
dehors de la délibération à laquelle ils ne peuvent con
courir. Si quelqu’un ou plusieurs d’entre eux l’avaient
cependant signée, la disposition de l’article 533 leur de
viendrait commune. Ils seraient, en conséquence, sou
mis à contribuer au paiement des engagements excédant
l’actif en proportion du montant de leur créance. Les
tiers qui ont traité avec les syndics, n’ignorant pas les
prescriptions de l’article 533, ont nécessairement consulté
la délibération et mesuré leur confiance sur le nombre
et l’importance des signatures. Ce serait les tromper que
d’en affranchir quelques-unes de l’obligation- commune
à toutes, alors même que ceux qui les auraient données
eussent pu légalement se dispenser de le faire.
7 7 4 . — Le droit des tiers est donc ouvert par le fait
seul de la souscription. Il est cependant une condition
sans laquelle ce droit ne saurait sortir à effet : c’est que
les engagements des syndics aient été pris dans les limites
de leur mandat. Ceux qui excéderaient resteraient à la
charge exclusive des syndics ou des tiers, selon les règles
tracées par l’article 1997 du Code civil.
�374
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Onjne pourrait taxer cette prescription d’injustice : les
tiers, les syndics sont en faute, les uns pour avoir outre
passé leur mission, les autres pour avoir accepté de pa
reils engagements s’ils en ont connu la nature, et dans
le cas contraire, pour ne pas avoir exigé la représenta
tion de l’acte de procuration à l’effet de s’assurer de
l’aptitude de ceux avec lesquels ils ont traité. Négligence,
imprudence ou légèreté, peu importe. Les créanciers ne
peuvent répondre que des actes qu’ils ont autorisés. On
ne leur fait donc pas une faveur en les plaçant, dans
cette circonstance, sous l’égide des principes ordinaires
en matière de m andats l.
A
rt.
554.
L es syndics son t c h argés de p o u r s u iv r e la vente
des im m e u b le s , m a rc h a n d is e s et effets m o b ilie rs
d u fa illi , et la liq u id a tio n de ses dettes actives et
p assives; le tout so u s la su rv e illa n c e d u ju g e -c o m
m is sa ire ,e t san s q u ’il soit b e so in d ’a p p e le r le f a illi.
A
rt.
555.
Les syndics p o u r ro n t, en se c o n fo rm a n t a u x r è
gles p re sc rite s p a r l ’a rtic le 487, t r a n s ig e r s u r
toute espèce de d ro its a p p a rte n a n t a u fa illi, n o n
o bstan t toute o p p ositio n de sa part.
SOMMAIRE
775.
776.
L ’union laissant subsister l ’état de faillite , la mission du
juge-commissaire continue jusqu’à la liquidation.
Le dessaisissement qui résulte de l’union ne confère aux
créanciers que le droit de vendre les meubles et les im
meubles.
1 Article 1998 du Code civil
�ART.
834, 835.
375
778 bl*.
Les syndics de l’union peuvent-ils aliéner les rentes sur
l'Etat, malgré l ’opposition du failli?
776ter. Caractères de la soustraction des titres. Responsabilité
de l ’agent de change.
777. La vente des premiers a lieu dans les formes établies par
l’article 486 ; mais il n ’est plus nécessaire de la faire
autoriser, ni d’appeler le failli.
778. Si l’exploitation du commerce a été autorisée , la vente ne
comprend que les meubles m eublants, argenterie, etc.,
sauf ceux délivrés au failli.
779. La disposition de l’article 592 du Code de procédure civile
est inapplicable aux faillites. Les droits du failli sont ex
clusivement réglés par l ’art. 469 du Code de commerce.
780. Le failli qui avant l ’union n’aurait pas obtenu la remise
autorisée par cet article, peut la réclamer après.
781. Les syndics de l’union ont mission de liquider les créances
actives et passives.
782. Dettes qu'ils peuvent payer avant les répartitions géné
rales.
783. La faculté de transiger leur appartient comme aux syndics
provisoires et définitifs.
784. Il n ’y a cependant plus de distinction entre les droits mo
biliers et immobiliers. Les syndics de l ’union peuvent
transiger sur les uns et sur les autres malgré l’opposi
tion du failli.
785. Mais celui-ci doit être appelé à la transaction et à l ’homo
logation, si celle-ci est nécessaire.
786. L’omission de cette formalité entraîne nullité. Le failli seul
peut la faire valoir.
787. Si absent de la transaction mais appelé à l'homologation le
failli n ’a pas relevé cette nullité,il est déchu du droit de
le faire plus tard.
788. Les syndic de l’union ne peuvent transiger avec le banque
routier frauduleux, ni avec le failli ordinaire.
789. Caractère de la transaction qui serait consentie par les cré
anciers.
»
v
�376
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
775. — L’union ne fait point cesser l’état de faillite
tant à l’égard*du failli qu’à l’égard des créanciers et des
syndics. La mission de surveillance conférée au jugecommissaire s’exerce donc sur l’administration des re
présentants de l’union, de la même manière et avec des
effets identiques que pour celle des syndics provisoires
et définitifs.
776. — Par le fait seul de l’union le failli est défi
nitivement dessaisi de ses biens. Toutefois, leur propriété
n ’est pas transférée sur la tête des créanciers. Ils n’ont
que la faculté de les vendre avec ou sans le concours du
failli.
Cette faculté d’aliéner s’applique aux meubles, com
me aux immeubles. Le chapitre IX que nous aurons à
analyser plus tard règle ce qui concerne ces derniers.
Quant aux meubles, marchandises et effets mobiliers,
il est évident qu’après le refus d’un concordat les motifs
qui en ont fait jusque-là suspendre la vente n ’existent
plus. Il n’y a plus ni espoir ni possibilité que le failli en
reprenne l’administration et la jouissance. Il serait donc
inutile d’en retarder plus longtemps la vente et d’éloi
gner ainsi l’époque qui doit en voir le prix distribué
aux créanciers.
776 bis. — Les rentes sur l’Etat sont-elles comprises
dans les effets à vendre par les syndics, et peuvent-elles
être transférées malgré l’opposition formelle du failli ?
L'importance de cette question se fait facilement sen
tir. L’actif du failli peut consister en tout ou en partie
plus ou moins considérable en inscriptions de renies. En
réalité donc, il s’agit de savoir si les créanciers victimes
�ART.
534, 535.
377
d’une faillite se verront contraints de laisser leur débi
teur à la tête de la forlunequ’il se sera frauduleusement
ménagée et qu’il aura acquise de leurs dépouilles.
L’immoralité d’un pareil résultat semble être un obs
tacle invincible à sa consécration. Comment imaginer,en
effet, que le législateur se soit prêté à une pareille ini
quité et l’ait encouragée en la couvrant de son autorité.
C’est cependant ce que de graves jurisconsultes n’ont
pas hésité à admettre; c’est ce que l’honorable M. Mollot
enseignait naguères formellementl.
L’unique fondement de cette doctrine repose sur l’in
saisissabilité des rentessur l’Etat,sur la législation spéciale
qui les régit. Mais appliquer ce principe même au cas
de faillite , est-ce l’apprécier sainement et donner à la
législation exceptionnelle qui le consacre une juste, une
exacte interprétation ? C’est ce qu’il faut rechercher.
L’insaisissabilité des rentes sur l’Eta a pour fonde
ment, non une faveur pour leur propriétaire, mais l’in
térêt de l’Etat exclusivement. La loi du 24 août qui in
stitue le grand-livre déclarait les rentes saisissables et
réglait la forme de la saisie-opposition. Cette disposition
excita de vives et nombreuses réclamations. On la si
gnalait comme un obstacle au but que le législateur s’é
tait proposé. L’Etat, disait-on, était intéressé à donner
aux inscriptions la valeur et l’effet du numéraire circu
lant ; dès lors, les inconvénients des oppositions qui en
travent leur circulation nuisent essentiellement au crédit
public ; la difficulté pour les porteurs de négocier leurs
titres qu’ils sont souvent obligés de vendre à vil prix,
i
Gazelle des tribunaux,
n» 40354, du 7 ju in 1860,
�378
D ES' FA ILLITES ET BANQUEROUTES
éloigne les capitalistes et devient un invincible obstacle
au développement de l’institution.
Ces plaintes étaient graves et sérieuses. La menace
d’une opposition dont pouvait être frappé le litre offert
à la négociation , et qui pouvait se réaliser depuis la
vente et avant le transfert, devait décourager et retenir
les acheteurs , et par conséquent nuire au but d’utilité
publique qu’on voulait atteindre.
Aussi devaient-elles faire et firent-elles impression.
La loi de l’an VI prohiba toute opposition au paiement
des rentes. Les créanciers, disait le rapporteur, prévenus
et instruits qu’ils n’auront point à compter sur cette
ressource pour la sûreté et le paiement de leurs créances,
régleront à l’avenir leurs transactions en conséquence, et
se ménageront d’autres sûretés moins sujettes à tromper
leur attente.
Ce motif de justification de la prohibition est remar
quable. Les précautions qu’il indique aux créanciers
peuvent facilement être observées en matière ordinaire.
Rien n’empêche le prêteur, tout au contraire lui fait un
devoir, avant de livrer son arg en t, de vérifier la solva
bilité de l’emprunteur , d’exiger une hypothèque , un
gage ou tout autre garantie de nature à assurer son
remboursement.
Est-ce que tout cela est possible en commerce? Exiger
du banquier avançant des fonds à un négociant, du
manufacturier ou du marchand en gros livrant ses mar
chandises de se faire justifier de la solvabilité du pre
neur ou de l’acheteur ; vouloir qu’il se fasse préalable
ment donner une hypothèque ou un gage, serait-ce au-
�379
tre chose que tuer le crédit et anéantir tout commerce
au grand détriment de l’intérêt public lui-même.
Mais s’il en est ainsi , quel reproche pourrait - on
adresser à celui qui n’a d’autre tort que celui d’avoir
subi les nécessités de sa position ; où serait la justice,
! si ces nécessités devaient fatalement devenir pour lui
une cause de ruine ? A-t-on pu croire, a-t-on cru que
ce serait là le moyen d’offrir au commerce cet encoura
gement que son influence sur la prospérité publique lui
a fait de tout temps prodiguer.
Nous pouvons donc, sans trop de témérité, considérer
la législation spéciale comme laissant les affaires com
merciales en dehors de ses dispositions, surtout dans
l’hypothèse d’une faillite plaçant le débiteur dans une
position extraordinaire et exceptionnelle. Cette convic
tion nous est inspirée par l’esprit de cette législation, tel
qu’il résulte des paroles du rapporteur de l’an VI.
La doctrine contraire conduit à la fraude la plus dé
loyale , la plus intolérable. Aux approches de la faillite
un négociant utilisera le crédit qui lui reste, contractera
des emprunts, réalisera tout son actif réalisable, en con
sacrera tout ce qui en proviendra à l’acquisition de rentes
sur l’Etat. La faillite éclatant, on ne pourra pas préten
dre qu’il a détourné l’actif, puisqu’il en justifiera l’em
ploi. Mais cet emploi aura été fait exclusivement à son
profit personnel; les créanciers n’auront rien à y pré
tendre , et devront souffrir que le failli jouisse en paix
de 20, de 30, de 50,000 fr. de rente qu’il leur a litté
ralement volées.
Objectera-t-on qu’ils ont pu et dû se préoccuper de la
I
�380
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
possibilité de cette fraude ! Mais quels moyens avaientils pour en éviter les effets, en paralyser les conséquen
ces ? La base des opérations commerciales a été , est et
sera toujours la solvabilité apparente de l’emprunteur
ou de l’acheteur. Du jour où il ne devra plus en être
a in si, le commerce , cette grande artère de la fortune
sociale, cette source de la prospérité publique aura cessé
d’exister.
L’insaisissabilité absolue des rentes sur l’Etat, possi
ble et légitime dans les affaires civiles, serait, en com
merce et en présence d’une faillite, une rigueur injuste
et un danger. L’intérêt de l’Etat qui la fait sanctionner
dans le premier cas proteste lui-même énergiquement
contre son adoption dans le second.
D’ailleurs, par le jugement déclaratif et le dessaisisse
ment qui en est la conséquence , tous les biens du failli
passent aux mains des syndics. Ils sont donc nantis des
inscriptions de rentes, comme de toutes les autres parties
de l’actif. Pourquoi ne pourraient-ils pas disposer des
unes, de la même manière qu’ils sont autorisés à le faire
pour les autres.
Cette dernière considération signale une distinction à
observer dans la solution de notre question. Ou le failli
ayant acheté ou acquis les inscriptions avant la cessa
tion des paiements, les titres se trouvent dans l’actif de
la faillite ; ou elles ne lui sont obvenues que depuis la
faillite et après la cessation légale du dessaisissement.
Dans ce dernier cas , les choses sont rentrées sous
l’empire de la législation spéciale. Son application ne
saurait être récusée. Les créanciers ne pourraient attein-
�art
.
534, 535.
381
dre les rentes que par une opposition. Ils seraient donc
repoussés par la prohibition formelle de la loi. La cour
deParis l’ayant ainsi jugé le 30 juillet 1853,1e pourvoi
dont son arrêt avait été l’objet était rejeté par la cour
suprême le 8 mai 1854.1
La cour de Lyon appelée plus tard à statuer sur la
première hypothèse déclare, le 19 juin 1857, que l’in
saisissabilité dont sont frappées les rentes sur HEtat ne
s’oppose pas à ce que ces rentes soient, après faillite,
aliénées à la diligence des syndics et au profit de la
masse des créanciers. Cette décision ayant été à son tour
dénoncée à la cour de cassation, le pourvoi était égale
ment rejeté le 8 mars 1859.9
Dans la note dont il accompagne cet arrêt M. Dalloz
en critique la doctrine. Il lui reproche d’être en contra
diction avec l’arrêt de 1854. C’est ce que pense égale
ment M. Camps3. Ces reproches sont-ils mérités ? Nous
ne saurions l’admettre.
Il ne peut exister de contradiction que si deux espèces
identiques ont reçu une solution en sens opposé. Ici nous
avons bien une divergence formelle dans la décision.
Mais qu’elle différence dans les espèces.
Dans celle de l’arrêt de 1854 un commerçant avait
été déclaré en faillite le 8 avril 1809. Le 25 avril 1823,
il recueillait dans la succession de son père une rente
5% de 2,640 fr., qu’il vend aussitôt à son profit.
En 1846, c’est-à-dire vingt-trois ans après la vente,
trente-sept ans depuis la faillite , les syndics actionnent
1D. P., 84, 1, 187.
5D. P., 59, 1, 445.
3M o n ite u r d e s t r i b u n a u x , du 23 juin 1859.
�382
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
le notaire rédacteur des certificats qui avaient servi à la
vente, et sous prétexte d’irrégularité dans leur délivran
ce , exigent de lui le remboursement du capital de la
rente, à titre de dommages-intérêts.
Accueillie en première instance , cette demande fa
repoussée en appel et en définitive par la cour de cas
sation.
L’existence de l’irrégularité est reconnue et constatée;
mais, dit notamment la cour régulatrice, les dommagesintérêts ne pourraient être dus que si cette irrégularité
avait occasionné un préjudice. Or, si le certificat de pro
priété délivré par le notaire a facilité la vente de la rente
qui se trouvait dans la succession du père du failli, ce
n ’est pas ce certificat qui a créé pour celui-ci le droit de
disposer de la rente. Ce droit découlait pour lui de la
qualité d’héritier de son père , combinée avec le carac
tère d’insaisissabilité de l’objet qu’il aliénait. Le principe
qui soustrait les rentes sur l’Etat à toute espèce de main
mise de la part des tiers n’est pa,s modifié par l’état de
faillite du propriétaire de la rente.
Pour saisir la signification réelle de ces arrêts il faut
se rappeler que le sens et la valeur des monuments ju
diciaires se déterminent par la nature du litige qu'ils j
tranchent ; qu’ils ne prononcent jamais que secmdum
materiam subjeclam. Donc, les arrêts de Paris et de la
cour de cassation ne disent qu’une chose, à savoir que
l’état antérieur de faillite est sans influence sur le carac
tère des rentes obvenues au failli vingt-trois ans après
le jugement déclaratif. Dans ces termes, qui oserait con
tester le caractère légal et juridique de cette proposition,
�ART. 5 3 4 ,
535.
383
L’union fait cesser l’état de faillite, en ce sens que le
failli n’est pas dessaisi de plein droit des ressources qu’il
peut acquérir. Libre désormais de se livrer au commerce,
d’exercer une industrie, il fait les résultats siens; il peut
les administrer, en disposer.
Sans doute, il n’est pas à l’abri des poursuites de ses
anciens créanciers. M ais, pour l’un de ceux-ci indivi
duellement comme pour le syndic agissant au nom de
tous, il n’y a d’ouverte que la voix exécutive : la saisiearrêt , la saisie-exécution, l’expropriation immobilière.
Dès lo rs, la rente sur l’Etat échue au failli ne pouvant
être atteinte que par une de ces voies, et la législation
actuelle les proscrivant toutes, il y a lieu de recourir à
son application.
La cour de Paris et avec elle la cour de cassation ne
rendent donc, en 1853 et 1854 , qu’un arrêt d’espèce.
Elles ne posent aucun principe absolu. Elles ne décident
p a s , notamment, que la législation des ans VI et VII
doit être appliquée, lorsque la rente existant au moment
de la faillite a passé aux mains du syndic en vertu du
dessaisissement général du failli. Or, c’est cette hypo
thèse sur laquelle la cour de cassation statuait en 1859.
Un sieur Buer , négociant à Lyon , avait été déclaré
en faillite le 1er mars 1855. Dans son actif figurait une
rente sur l’Etal qu’il avait donnée en gage à un de ses
créanciers, et que les syndics retirèrent en désintéressant
le détenteur.
Après contrat d’union, les syndics se mettaient en
mesure d’aliéner le titre , lorsque, le 27 octobre 1856,
à la suite d’une opposition par lui faite à la caisse du
�384
DES
FAILLITES ET BANQUEROUTES
receveur général, le failli assigne les syndics, aux fins
de voir valider cette opposition et s’entendre condamner
à lui restituer le bordereau d’inscription.
On le voit, il n’y avait là rien de commun avec l’es
pèce de l’arrêt de 1854. C’était une position toute diffé
rente , sans aucune analogie. Il est donc impossible de
qualifier de contradictoire l’arrêt rendu en 1859.
Cet arrêt a-t-il méconnu et violé la législation spé
ciale, et à tort refusé d’appliquer le principe de l’insaississabilité ?
Nous n’insisterons pas sur la circonstance si décisive
que les syndics n’étaient en possession du titre que parce
qu’ils l’avaient repris du créancier gagiste en lui payant
intégralement ce qui lui était dû. Cela seul devait faire
repousser la demande du failli. Aurait-il été recevable à
contraindre celui-ci à lui restituer le gage avant de le
désintéresser de sa créance ? Comment donc l’aurait-il
été contre les syndics. Subrogée de droit au créancier
par le paiement de cette créance , la masse n’avait-elle
pas succédé aux actions que le créancier pouvait exercer
aux exceptions qu’il était dans le cas d’opposer.
Mais, abstraction faite de ce point de vue et en droit
pur, la doctrine de l’arrêt de 1859 se justifie de la ma
nière la plus péremptoire. Les magistrats qui l’ont rendu
n’ont pas méconnu les lois de la matière, ils les ont dé
clarées inapplicables à l’espèce. Or, avant de leur repro
cher de les avoir violées, on aurait dû établir qu’on pou
vait, qu’on devait les appliquer.
Cette preuve, les faits du procès la rendaient impos
sible. Le tribunal de Lyon l’observait fort judicieuse-
�ART.
534, 535.
385
ment. Le litige consistait non à prononcer sur une op
position faite par des tiers, mais à savoir si les syndics
seraient dépossédés d’un titre dont ils s’étaient trouvés
régulièrement nantis en vertu du dessaisissement édicté
contre le failli par l’article 443 du Code de commerce.
Evidemment un pareil litige ne pouvait tomber sous
l’empire des lois de l’an VI et de l’an VII. Vouloir le
résoudre par leur disposition , c’était ajouter à ces dis
positions et les faire sortir du cercle dans lequel leur ca
ractère exceptionnel les renfermait étroitement.
Il fallait, de plus, oublier l’esprit dans lequel elles a vaient été conçues , le but qu’elles s’étaient proposées.
Rappelons nous qu’on a voulu faire de ces rentes une
monnaie circulante. Or, comment atteindre à ce résultat,
si ce n’est en donnant aux inscriptions quoique nomi
nales le caractère d’effet au porteur.
C’est, en effet, ce qui s’est réalisé. L’article 5 de la
loi du 22 floréal an VII nous dispense de toute démons
tration : Les arrérages dus pour rentes perpétuelles se
ront payés au porteur de l’extrait d’inscription au
grand-livre, sur la représentation qu’il en fera. Il en
donnera son acquit au payeur.
Voilà donc , quant à l’utilité de la rente , le porteur
de l’extrait d’inscription préféré au titulaire lui-même.
Le droit de celui-ci se borne à faire opposition au paie
ment. M ais, pour que sa prétention soit accueillie par
les tribunaux auxquels elle sera forcément soumise , il
sera tenu de justifier que le litre a été volé, perdit ou
subrepticement retenu par le porteur. A défaut de cette
preuve ou si le porteur établit la légitimité de sa possesh — 25
�386
des
fa il l it e s
et
banqueroutes
sion, l’opposition loin d’être validée serait repoussée, et
le détenteur du titre continuerait d’en percevoir les ar
rérages.
Or, peut-on contester la légitimité de la possession
des syndics, te titre, ils le tiennent de la loi elle-même
qui n’est pas moins puissante et ne doit pas, par consé
quent, avoir moins d’efficacité que la volonté de la par
tie. Comment donc les tribunaux pourraient-ils refuser
de la consacrer , alors qu’ils n’hésiteraient pas à sanc
tionner celle du créancier gagiste.
La conséquence de la légitimité de cette possession
e s t, pour les syndics , le droit exclusif de percevoir les
arrérages au profit de la masse. Comprendrait-on, dès
lors, qu’ils fussent contraints à renoncer à ce droit. Nous
ne connaissons aucune loi exigeant que la masse se dé
pouille en faveur du failli, et c’est pourtant à ce résultat
qu’aboutirait la doctrine que nous repoussons.
C’est donc avec infiniment de raison que, dans l’arrêt
de 1859 , la cour de cassation insiste sur la mainmise
des syndics. Les effets qui en résultent sont décisifs.
A notre avis, ces effets ne peuvent se borner au droit
de percevoir les arrérages. Ce droit entraîne forcément
celui d’aliéner le titre, lorsque le contrat d’union a fait
évanouir toute possibilité d’arrangement. Alors, en effet,
naît pour les syndics le devoir de liquider et de réaliser
l’actif pour arriver à sa distribution entre les ayants
droit. Pourquoi en serait-il autrement pour les rentes
sur l’Etat. La faillite devra-t-elle être éternelle, et les
syndics devront - ils à perpétuité retirer les arrérages
pour les distribuer aux créanciers ?
�*
art
.
534,7 535.
387
Nous avons donc raison de le dire. Dès que la masse
est autorisée à jouir de l’intérêt, son droit à disposer du
capital ne saurait être contesté au moment où la liqui
dation de l’actif est devenue une nécessité.
Comment, d’ailleurs, dénier aux syndics cette faculté
d’aliénation. Ils sont les mandataires légaux, les repré
sentants du failli. C’est en cette qualité qu’ils procéde
ront. Or, la règle quis mandat ipse fecisse videtur, estaussi incontestable dans le mandat légal que dans le
mandat conventionnel.
Ce que l’arrêt de 1859 en a induit, ce qu’il devait en
induire c’est que le transfert de la rente opéré par les
syndics est réellement fait par le failli lui-même : ce qui
rendait de plus fort inapplicable les lois des ans VI et VII _
M. Dalloz ne méconnaît pas l’autorité de cette consi
dération, mais il en conteste l’exactitude. « Si, dit-il,
la vente opérée par les syndics pouvait être réputée vo
lontaire de la part du failli, il n’y aurait plus de doute
sur le droit des créanciers. Mais comment admettre le
consentement du failli, lorsque, comme dans l’espèce, il
résiste à la vente et réelame la restitution de son titre,
de la même manière qu’il réclamerait la restitution de
toute autre valeur déclarée insaisissable par la loi. »
Cette objection a le tort d’équivoquer sur la nature et
l’étendue du mandat des syndics ; de confondre deux
choses qu’il est impossible d’assimiler.
Les syndics de l’union sont tenus de liquider et de
vendre l’actif mobilier et immobilier. En procédant à
cette vente, ils sont dans les limites du mandat qu’ils
ont reçu. Ce mandat doit recevoir sa pleine et entière
�388
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
exécution, que le failli veuille ou ne veuille pas. Il n’a
pas même à donner son consentement. Ce consentement
la loi fait mieux que le présumer ; elle le fait résulter
de plein droit du dessaisissement.
Vainement objecte-t-on que ce dessaisissement n’a
trait qu’à l’administration : que la propriété des biens
n’a jamais cessé de résider sur la tête du failli, malgré
le jugement déclaratif. Mais cette propriété est purement
nominale. Elle a perdu ses attributs principaux, notam
ment le droit de disposition. Ce droit est désormais dans
le patrimoine exclusif de la masse qui l’exerce par ses
syndics. N’est-ce pas en force de ce droit que ceux-ci,
sans le concours du failli, sans avoir à le consulter, per
çoivent les revenus, négocient les effets du portefeuille,
quittancent et reçoivent les capitaux exigibles.
Donc, si dans les premiers moments de la faillite, et
alors qu’un concordat la résoudra peut-être amiablement, les syndics n’ont pas à se préoccuper du consen
tement du failli, a fortiori n’ont-ils pas à le faire lors
que l’union est venue donner la certitude qu’il ne sera
jamais replacé à la tête des affaires. Alors surgit la né
cessité de réaliser l’actif le plus promptement possible.
Pouvait-on, dès lors, exiger le consentement formel du
failli, et l’autoriser à entraver la liquidation au gré de
sa volonté ou de ses caprices.
La loi ne mérite pas ce reproche, car elle a soigneu
sement proscrit toute éventualité de ce genre. Ainsi,
l’article 534 autorise les syndics à vendre les immeu
bles, marchandises et effets du failli, sans qu’il soit be
soin d’appeler celui-ci.
�art
.
534,
535.
389
L’article 535 va plus loin encore : Les syndics pour
ront transiger sur toute espèce de droits appartenant
au failli, n o n o b s t a n t t o u t e o p p o s i t i o n d e s a p a r t .
Si les syndics ne sont pas le failli, comment se fait-il
qu’après concordat, les jugements rendus en faveur ou
contre les syndics seuls, profitent ou nuisent au failli ?
Comment, après l’union, les syndics pourront-ils trans
mettre notamment la propriété des immeubles, sans que
le failli ait été présent ou appelé à la vente ? Comment,
enfin, si le consentement du failli devait avoir une au
torité quelconque, les syndics sont-ils autorisés à tran
siger, c’est-à-dire, à aliéner ses droits, nonobstant son
opposition expresse et formelle.
De toute certitude, donc, les syndics n’agissent qu’au
nom et comme mandataires légaux du failli, l’engagent
irrévocablement, et ils ne sont appelés à le faire que
parce que, relativement à l’aliénation de l’actif, le failli
est frappé d’une incapacité absolue, qu’il n’a aucune
opinion à manifester et à émettre, lorsque le contrat
d’union est venu le dépouiller de tous ses biens et les
transmettre à la masse.
L’induction que l’arrêt de 1859 tire de la règle quis
mandat ipse fecisse videtur, est donc légitime autant
que juridique.
Reste l’objection tirée du caractère d’insaisissabilité
des rentes. Le droit du failli, quant aux choses que la
loi défend de saisir, est purement personnel, et sa dis
position est exceptée des attributions des syndics. Or,
nous dit M. Dalloz, la revendication par le failli des
rentes sur l’Etat ne peut pas plus être repoussée que
celle des autres effets déclarés insaisissables.
�390
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Nous ne pouvons admettre l’assimilation que M. Dal
loz établit entre les rentes sur l’Etat et les choses que
l’article 59H du Code de procédure civile déclare insai
sissables. Nous comprenons fort bien que, dans un but
d’humanité qu’on-ne saurait trop louer, le législateur
ait voulu conserver au débiteur quelques infimes débris
du naufrage dans lequel vient s’engloutir sa fortune.
Mais nous ne comprendrons jamais le motif qui , en
présence de créanciers injustement dépouillés, ferait au
toriser le failli à jouir impunément et insolemment de
dix, vingt, trente, cinquante mille francs de rente.
N’est-ce pas cependant, nous dira-t-on, ce qui peut
se réaliser dans la déconfiture civile ? Oui sans doute.
Mais, quelque énorme, quelque irrationnel que soit ce
résultat, ce qui le justifie dans la vie civile, c’est que
ceux qui en sont victimes ont pu l’éviter et le prévenir.
Les créanciers, dirons-nous avec le rapporteur de la loi
de l’an VI, ne peuvent pas trop se plaindre. Dûment
prévenus par la loi, ils ont été en mesure et par consé
quent en demeure de conjurer le péril en se ménageant
des garanties plus efficaces. Ils ne souffrent donc que
de leur négligence. Or, un pareil reproche, nous l’avons
déjà dit, ne saurait justement atteindre les créanciers du
failli.
La différence que nous établissons en leur faveur,
fondée en raison, trouve, en d ro it, un point d’appui
dans les effets respectifs de la déconfiture civile et de la
faillite. La première laisse le débiteur debout et à la
tête de ses affaires. Il n’en a perdu ni l’administration
ni la jouissance. Ses créanciers n’auront que le droit de
�art
.
534,
535.
391
saisie. Ils seront donc contraints de le restreindre dans
les limites tracées par la loi.
La faillite, au contraire, désinvestit le failli de ses
droits et actions ; le dépouille de ses biens dont la dis
position appartient désormais exclusivement aux syn
dics. Les créanciers n’ont donc pas besoin de recourir à
la saisie. Ils sont légalement nantis par la loi elle-même.
Les arrérages des rentes leur sont valablement acquis.
Il s’agit pour eux, non d’acquérir, mais de n’être pas
dépouillés. Comment leur opposerait-on l’insaisissabi
lité résultant de la loi de l’an VI.
Le résultat que nous venons de signaler serait donc,
en présence d’une faillite, une véritable monstruosité
qu’aucune loi ne peut autoriser.
On ne peut, d’ailleurs, équivoquer sur le caractère de
la législation spéciale. La prohibition de toute opposi
tion a eu pour but, non de favoriser le titulaire de la
rente, mais l’intérêt de l’Etat ; de faciliter la circulation
et la négociation des titres, d’éviter les graves et nom
breux inconvénients qui pouvaient naître des opposi
tions ; de dégager la comptabilité du trésor des entraves
qui devaient en naître.
Il y a loin de là à l’insaisissabilité édictée par le Code
de procédure civile ; on ne saurait dès lors assimiler à
celle-ci, cette prohibition. Non, les rentes ne sont pas
insaisissables au même titre que les choses déclarées
telles par l’article 592 ; et la preuve c’est que, relative
ment à celles-ci, celui qui les détiendrait serait obligé
de les restituer sans que le réclamant eût à prouver au
tre chose que leur classement dans une des catégories
énumérées par cet article.
»
�392
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Pour les rentes, au contraire, les arrérages sont ac
quis au porteur, de préférence au titulaire de l’inscrip
tion. Celui-ci pourra bien s’opposer à leur paiement,
mais il ne pourra se le faire attribuer personnellement
qu’en faisant valider son opposition, et pour obtenir ce
résultat, il devra prouver que son titre a été perdu ou
volé ; que la possession du porteur est illégitime ou en
tachée d’illégalité. Cette preuve pourra-t elle jamais être
proposée contre les syndics ?
Enfin, il faudrait admettre que l’article 572 du Code
de procédure civile régit le failli, et nous allons voir
qu’il ne saurait en revendiquer le bénéfice K
Nous avons donc raison de le dire : toute assimilation
entre les deux insaisissabilités est impossible. Les lois
des ans VI et VII ne créent pas l’insaisissabilité procla
mée par le Code de procédure civile. Elles n’ont en vue
qu’une seule hypothèse : celle où un tiers vient, à quel
que titre que ce soit, faire opposition au paiement de la
rente. Il faut, dès lors, comme toutes les lois d’excep
tion, les renfermer strictement dans le mode qu’elles se
sont tracées.
Ainsi tombent les reproches de contradiction et d’il
légalité adressées à la jurisprudence de la cour suprême.
L’arrêt de 1839, comme celui 1854, n’a fait qu’une
juste et exacte application des lois de la matière.
L’insaisissabilité absolue, telles que l’enseignent MM.
Mollot, Dalloz et Camps, méconnaît le caractère de
cette législation. Comment la concilier, en effet, avec la
volonté du législateur de faire des rentes une monnaie
i V. in frà n° 779;
�ART.
534,
535.
393
circulante, avec la nécessité de payer les arrérages au
porteur de l’extrait d’inscription.
Ce que ces lois prohibent, c’est toute tentative de
mainmise de la part des tiers, c’est l’expropriation du
titulaire encore nanti de son titre.
Mais si ce titulaire s’est lui-même dépouillé de son
titre, ou lorsque sa dépossession ordonnée par la loi s’est
matériellement accomplie, la légitimité de la possession
du porteur, lui conférant le bénéfice exclusif de la rente,
l’autorise par cela même à en aliéner le capital. Refu
serait-on ce droit au créancier gagiste voulant réaliser
le gage pour se payer de ce qui lui est dû ? Or, com
ment dénier au gage légal et judiciaire, l’effet qu’on ac
corderait au gage conventionnel ? La présomption du
consentement du débiteur, qui naît pour celui-ci du
contrat, ne résulte-t-elle pas, en cas de faillite, du des
saisissement légal.
La conclusion à tirer de tout cela, est la justesse de
la distinction que nous avons signalée. La rente obvenue
au failli, ou acquise par lui après le contrat d’union,
n’est jamais sortie de ses mains, et les créanciers ne
pouvant l’acquérir que par une saisie-opposition, se
verraient atteints et repoussés par la prohibition de la
loi spéciale.
La rente acquise ou obvenue avant le jugement dé
claratif de la faillite, ou pendant la durée du dessaisis
sement résultant de ce jugement, a été de plein droit
dévolue à la masse. Les syndics qui ont trouvé les titres
sous les scellés, en sont régulièrement nantis. Ils ont le
droit exclusif, non seulement de percevoir les arrérages?
�394
DES FAILLITES ET
BANQUEROUTES
mais encore de vendre les inscriptions, et de les trans
férer, lorsque le contrat d’union aura rendu la liquida
tion et la réalisation de l’actif indispensables,
776 ter. — Quei sera ie droit de ia masse , si le
failli ayant soustrait les titres avant l’apposition des
scellés, en a disposé à son profit ? A notre avis, cette
soustraction n’est que le détournement de l’actif consti
tuant la banqueroute frauduleuse, et puni comme tel.
Or, comme un crime ne saurait jamais conférer un
droit à son auteur, et occasionner un préjudice à un
tiers, nous estimons que les syndics seraient recevables
et fondés à s’opposer au paiement des arrérages. C’est
là l’opposition du propriétaire réservée par la loi.
Cette opposition devrait infailliblement réussir contre
le failli, s’il était encore nanti des extraits d’inscription.
Mais elle ne produirait aucun effet, si ces extraits ayant
été vendus, avaient été transférés au nom de l’acheteur.
Le mode dans lequel s’opère la vente de ces effets,
ne permet aucun recours contre cet acheteur. La négo
ciation est le fait exclusif des agents de change. Les par
ties ne se sont jamais rapprochées et ne se connaîtront
peut-être jamais. La fraude concertée entre elles n’est
pas même sérieusement proposable, ce qui exclut toute
idée de la nécessité d’une réparation quelconque vis-àvis de l’acheteur.
Mais cette réparation est due par l’agent de change
qui a vendu. Il a, en effet, gravement manqué à ses
devoirs. La législation de l’an X, qui institue les agents
de change, leur défend de prêter leur ministère à un
failli, sous peine de destitution et de 3,000 f. d’amende.
�art
. 534,
535.
395
Or, l’agent de change qui aurait vendu pour le failli,
malgré le jugement déclaratif, ne pourrait même exciper
de son ignorance. La publicité donnée à ce jugement,
la possibilité de le connaître, repousseraient toute excuse
de ce genre, qu’il ne pourrait d’ailleurs alléguer sans
se reconnaître coupable de négligence ou d’imprudence.
Le'' délit existerait donc, et la peine serait encourue.
Or, tout délit ouvre de droit une action en faveur de
celui qui en souffre ; et comme, dans notre hypothèse,
le préjudice causé aux créanciers est évident, leur droit
à en obtenir la réparation est incontestable. Ils devraient
donc, à ce titre, être admis à exiger de l’agent de change
le remboursement du capital des rentes aliénées.
Cette prohibition faite aux agents de change est un
argument contre l’insaississabilité. Elle ne tend à rien
moins, en effet, qu’à frapper d’indisponibilité entre les
mains du failli, les rentes qu’il aurait soustraites à ses
créanciers, et à fournir à ceux-ci le moyen de les attein
dre. Si c’est là le motif de la loi, et on ne saurait en in
diquer un autre, que devient le principe enseigné par
les honorables jurisconsultes dont nous venons de dis
cuter l’opinion.
777.
— Il est procédé à cette vente dans les formes
prescrites par l’article 486. L’unique dérogation que la
loi fait à sa disposition est relative à la nécessité de faire
autoriser la vente par le juge-commissaire, le failli en
tendu ou dûment appelé. Cette autorisation, indispensa
ble pour les syndics provisoires ou définitifs, n’est pas
même exigée pour ceux de l’union. La raison de cette
différence est fort simple. Les premiers ne sont institués
�396
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
que pour administrer et conserver, en attendant que,
par la vérification des créances, on puisse délibérer s’il
y aura ou non concordat. Les derniers, au contraire,
ne viennent qu’après que, par un vote négatif sur celuici , tout arrangement amiable est démontré impossible.
La mission qu’ils reçoivent est donc celle de liquider et
de réaliser l’actif pour opérer les répartitions. La vente,
qui n’est qu’une exception pour les uns, est donc obli
gatoire et forcée pour les autres. On comprend, dès
lors, qu’ils soient dispensés de requérir l’assentiment du
failli et l’autorisation du juge-commissaire.
7 7 8 . — Si les syndics ont été autorisés à continuer
l’exploitation du commerce, la vente ne comprend plus
que les effets mobiliers proprement dits , ou soit les
meubles meublants, l’argenterie, bijoux, linges et har
des personnels au failli. Les droits de celui-ci, par rap
port à ces derniers, se bornent à retenir ceux qui lui
ont été délivrés en conformité de l’article 469.
779. — Ainsi, il ne serait pas recevable à exiger
qu’on lui abandonnât les objets énoncés dans les n033,
4, 6, 7 et 8 de l’article 5921 du Code de procédure ci
vile. Cet article est spécial aux cas de déconfiture ordi
naire, et reste sans application aux faillites qui sont ex
clusivement réglées par la loi particulière L Or, tout ce
que celle-ci accorde au failli, c’est la délivrance des ob
jets dont s’occupe l’article 469, l’article 530 laissant les
créanciers arbitres souverains de la question de savoir s’il
y a lieu ou non d’accorder un secours pécuniaire.
I Rouen, 4 février 1828; D .P ., 30, 2, 140.
�ART.
534,
535.
397
780. — On remarquera que, dans la section que
nous examinons, il ne se trouve aucune disposition ana
logue à celle de l’article 469 ; mais on ne doit pas in
terpréter cette absence dans ce sens que, si le failli n’a
vait ni demandé ni obtenu la délivrance des objets dont
parle celui-ci, dès le début de la faillite, il ne puisse
plus les recevoir après l’union. Le silence de la loi re
pose uniquement sur la présomption que le failli est déjà
en possession de ces objets. En conséquence, si cette
présomption n’était pas fondée, et si, dans un but quel
conque, le failli n’avait pas usé de la faculté que lui
donne l’article 469, rien ne s’opposerait à ce que, par
application de même article, le juge-commissaire n’or
donnât la remise qu’il peut autoriser. L’exercice de ce
pouvoir, même après l’union, serait parfaitement légal.
Il pourrait être provoqué par les syndics ou par le failli
lui-même.
781. — À la différence de celle des syndics provi
soires ou définitifs, la mission des syndics de l’union
consiste à liquider non seulement l’actif, mais encore le
passif. Ainsi, ils ont qualité pour contraindre tous débi
teurs, opérer la rentrée des créances actives, recevoir tous
capitaux et en concéder quittance. Les inscriptions pri
ses sur les biens des débiteurs, soit par le failli, soit par
les syndics, leurs prédécesseurs, doivent être radiées sur
le vu de la quittance qu’ils auraient signée, ou du con
sentement qu’ils en auraient accordé, sans la participa
tion du failli.
782. — La liquidation des créances passives est, en
général, quant au mode à employer, réglée par la loi.
�398
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Elle s’opère par des répartitions ordonnancées par le
juge-commissaire. Mais, il est des dettes susceptibles
d’être payées avant ces répartitions : telles seraient les
sommes dues pour loyers, pour salaires de commis,
pour les reprises et dot de la femme ; celles dues au
créancier gagiste. Ce paiement importe d’autant plus à
la masse, qu’il arrête, pour la plupart de ces sommes,
le cours des intérêts qu’elle supporte au cinq ou six
pour cent, tandis que les fonds delà faillite, placés à la
caisse des dépôts et consignations, n’en produisent que
trois. C’est donc un acte de bonne administration que
de faire cesser un pareil état de choses. D’autre part, le
gage affecté à la créance peut être d’une valeur supé
rieure. En retirant les objets qui le constituent et en les
vendant, les syndics opèrent donc d’une manière dou
blement avantageuse à la masse. Us l’exonèrent du paie
ment des Intérêts, et la font profiter de ceux que pro
duira l’excédant de valeur.
783.
— La faculté de transiger, que l’article 487
reconnaît aux syndics provisoires ou définitifs, devait, à
plus forte raison, appartenir aux syndics de l’union,
pour éviter toute équivoque, l’article 535 l’énonce for
mellement, en rendant obligatoires pour ceux-ci les for
mes tracées aux premiers par l’article 487.
Ainsi, pour transiger après l’union, il faut l’autorisa
tion du juge-commissaire, la mise en demeure du failli.
La raison en est simple. La mesure n’a pas changé de
caractère avec l’époque qui la voit se réaliser. L’intérêt
du failli est le même, quel que soient les pouvoirs dont
sont revêtus ceux qui l’ont projetée : c’est toujours un
�art
. 534,
535.
399
sacrifice, une réduction ou même un abandon complet
des droits qui lui appartiennent, qui en sera le résultat.
784. — On a donc maintenu la solennité des for
mes ordinaires pour les premiers temps de la faillite,
avec cette différence cependant qu’après l’union on ne
distingue plus entre les droits mobiliers ou immobiliers.
Les syndic peuvent, malgré l’opposition du failli, tran
siger sur les uns comme sur les autres. On q’a pas
voulu lui accorder le droit de contraindre les créanciers
à plaider , en s’opposant à la transaction la plus rai
sonnable, ce qu’il pourrait faire, ne fût-ce que pour se
venger de ce qu’on n’a pas voulu lui accorder un con
cordat.
7 8 5 . — Au reste, cette précaution prise contre le
failli n’aura jamais pour lui des conséquences bien gra
tuit. En effet, ou l’objet de la transaction n’excède pas
trois cents francs, et alors même qu’il s’agirait de sacri
fier cette somme tout entière, le préjudice serait mini
me, indépendamment de ce que la nécessité de l’autori
sation du juge-commissaire est une garantie contre tout
abandon injuste de la part des syndics ;
Ou la transaction porte sur des droits excédant cette
somme, ou sur des objets indéterminés, et la nécessité
d’obtenir l’homologation de la justice est une protection
efficace pour l’intérêt du failli. Celui-ci, en effet, doit
être appelé à l’homologation ; il peut en contester l'op
portunité, prouver que la transaction est lésive. Evidem
ment, si son opposition est fondée sur des motifs justes
et raisonnables, le tribunal de commerce s’il s’agit de
droits mobiliers, le tribunal civil, s’il s'agit de droits im-
�400
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
mobiliers, ne manquera pas d’accueillir ses prétentions
et de refuser son adhésion au projet des syndics l.
786. — Si le failli n’est pas appelé à la transaction
et à l’homologation, il peut demander la nullité de tout
ce qui a été fait. Cette nullité devrait être prononcée. Il
est évident, en effet, que l’acte et le jugement seraient
entachés d’un vice radical. Mais la nullité n’est pas ab
solue. Elle est toute dans l’intérêt du failli ; d’où la con
séquence qu’il pourrait seul la faire valoir. Les créan
ciers seraient donc non recevables à en exciper ®.
M. Dalloz jeune fait suivre cet arrêt d’une annotation
qu’il termine par ces mots : « Cette décision peut pa
raître prêter à une critique au moins spécieuse. » Tel
n ’est pas notre avis. Il nous semble, au contraire, que
la cour de cassation a sainement appliqué les vrais prin
cipes. Au reste, en supposant que l’opinion de M. Dal
loz fût vraie sous l’empire du Code, il serait difficile de
l’admettre depuis la loi nouvelle. C’est ce que nous éta
blirons, en examinant l’article 570 relatif à l’aliénation
à forfait des créances delà faillite.
7 8 7 . — Le failli peut donc seul faire prononcer la
nullité de la transaction à laquelle il n’a pas été appelé.
Mais, si les syndics le mettent en cause lors de la de
mande en homologation, c’est devant le tribunal investi
qu’il doit requérir cette nullité. S’il ne comparait pas,
quoique dûment cité, et si, condamné par défaut, il
laisse le jugement devenir définitif ; ou si, présent dans
i Pour la détermination de la nature du droit et de sa quotité, voy.
nos observations sous l’art. 487.
s Cass., 17 septembre 1833; D, P., 34, 1, B.
�art
.
401
534, 535.
l’instance, il se borne à contester au fond la transaction,
sans la quereller pour l’omission, en ce qui le concerne,
il est censé avoir renoncé à la nullité dont il ne pourrait
plus exciper ultérieurement.
7 8 8 . — Les syndics de l’union peuvent-ils transi
ger avec le banqueroutier frauduleux? Non, évidemment.
Cette transaction ne serait qu’un concordat déguisé, et,
indépendamment de ce que tout traité de ce genre est
impossible après condamnation pour banqueroute frau
duleuse, les syndics n’ont aucune qualité pour consen
tir, au nom des créanciers, une remise quelconque au
failli, même ordinaire. C’est là un acte de pure libéra
lité que les créanciers sont seuls individuellement capa
bles de faire.
7 8 9 . — Il résulte de là que les créanciers pour
raient personnellement transiger même avec le banque
routier frauduleux. Mais il faut remarquer que, dans ce
cas, la transaction ne serait obligatoire que pour les si
gnataires, et qu’alors même qu’il y en aurait un nombre
plus que suffisant pour former la majorité, leur adhé
sion ne pourrait lier la minorité dissidente. Il n’y a d’ac
tes opposables à tous les créanciers que ceux qui ont le
caractère légal d’actes de l’union, comme ceux qui in
terviennent entre les syndics et les tiers. Ceux faits entre
l’union et le banqueroutier frauduleux ou le failli ordi
naire ne constituent que des traités particuliers sans
aucune force contre les personnes qui n’y ont pas con
couru l.
1 Paris, 2juillet 1840; D. P., 41, 2, 25.
. '-
’
n — 26
�402
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
A r t . 536.
L es c ré a n c ie rs en état d 'u n io n s e ro n t convoqués
an m o in s n u e fo ls d a n s la p r e m iè r e a n n ée , et, s’il
y a lie n , d a n s le s a n n é e s su iv a n te s , p a r le ju g e c o m m is s a ire .
D a n s ces a sse m b lé e s, le s sy n d ics d e v ro n t r e n d re
com pte d e l e u r g e s tio n .
Ils s e ro n t c o n tin u é s oit re m p la c é s d a n s l ’e x e r
cice d e le u r s fo n c t io n s , su iv a n t le s fo rm e s p re s
c rite s p a r le s a rtic le s 462 et 529.
SOMMAIRE
790. Silence que le Code de commerce avait gardé sur la con
vocation des créanciers après le contrat d'union. —
Conséquences. .
791. Amélioration créée par l’obligation faite au juge-commis
saire de la réaliser au moins une fois dans la première
année.
792. Influence que cette disposition aura sur l ’administration
des syndics.
793. Motifs qui ont fait confier le soin de cette convocation au
juge-commissaire.
794. Les créanciers, après avoir entendu le compte des syndics,
délibèrent s’il y a lieu de les maintenir ou de les rem
placer.
795. L’utilité d ’une convocation dan» les années subséquentes
est laissée à l ’appréciation du juge-commissaire.
796. A quelque époque que les créanciers soientjréunis, ils doi
vent délibérer s’il y a lieu de conserver ou de changer
les syndics.
797. Les articles 466 et 467 règlent les rapports des créanciers
des syndics, et le mode de remplacement de ceux-ci.
790.
— Sous l’empire du Code de commerce , le
contrat d’union ayant été souscrit et les syndics élus,
�ART.
636. '
403
" les créanciers n’étaient plus convoqués, jusqu’à ce que
la liquidation entière déterminât leur réunion, pour re
cevoir les comptes et donner aux syndics décharge de
leur mission: Cet état des choses laissait les syndics trop
indépendants des créanciers, et n’était pas un faible en
couragement à cette interminable lenteur qui rendait les
faillites perpétuelles.
7 9 1 . - Le nouveau législateur a voulu corriger cet
abus. Le remède apporté par l’article 536 atteindra-t-il
ce résultat ? Ce serait peut-être se faire illusion que de
répondre affirma tivement d’une manière absolue. Ce qui
paraît moins contestable, C’est que l’obligation imposée
au juge-commissaire de réunir les créanciers au moins
une fois dans le courant de la première année de la
gestion des syndics est un véritable progrès. Elle peut
avoir sur celte gestion la plus heureuse influence.
7 9 2 . — Il est certain, en effet, que la nécessité de
se trouver en présence des créanciers , de leur rendre
compte de leur administration sera pour les syndics un
puissant levier pour les engager à leur présenter des ré
sultats favorables, et à justifier ainsi qu’ils ont honora
blement répondu à l’attente qui leur avait fait conférer
les fonctions qu’ils ont à remplir. Ils craindront d’avoir
à se convaincre eux-mêmes de négligence, avec d’autant
plus de raison que la preuve de celle-ci pourrait entraî
ner leur remplacement.
785. — Le soin de procéder à celte convocation a
été avec raison confié au juge-commissaire.On comprend,
en effet, qu’en l’imposant aux syndics eux-mêmes on
�404
DES FAILLITES ET BANQUEBOUTES
leur accordait la faculté d’éluder cette assemblée. Plus
ils auraient mis de la négligence dans leur gestion , et
plus ils auraient reculé devant une mesure qui avait
pour but d’apprendre aux créanciers qu’ils ne s’étaient
pas montrés dignes de les représenter, tandis que la cer
titude de ne pouvoir échapper à ce compte rendu leur
inspirera une conduite vigilante et active dans l’admi
nistration qui leur est confiée.
Il importe donc que le juge-commissaire se pénètre
bien de la gravité du devoir qui lui est imposé. Il im
porte surtout qu’il ne le néglige point. Il ne pourrait le
faire sans manquer à la mission que la loi lui confie, et
sans se rendre complice du dommage qui pourrait résul
ter pour les créanciers de l’omission de l’épreuve que la
gestion des syndics doit subir.
794.
— Après avoir entendu le compte rendu des
opérations , les créanciers délibèrent sur le maintien ou
le remplacement des syndics. Le tribunal statue ensuite
sur le vu du procès-verbal contenant les dires et obser
vations des créanciers et sur le rapport du juge-commis
saire. Cette disposition de l’article 536 est la sanction de
celle qui précède. Il est, en effet, de toute évidence que
si les syndics sont dans l’impossibilité de témoigner de
leur diligence, si le compte de leur gestion les constitue
en négligence le tribunal ne doit plus leur confier une
mission qu’ils ont mal à propos délaissée. Les magistrats,
nous l’avons déjà dit, doivent se montrer d’autant plus
sévères qu’ils ont eux-mêmes imposé et choisi les syn
dics , et qu’ils ont ainsi une plus haute responsabilité
morale à ce que les créanciers ne puissent, dans aucun
cas, se plaindre avec justice de leurs actes.
�ART.
536.
405
79 5.
— En rendant obligatoire l’assemblée des cré
anciers dans la première année de l’union,la loi n’a pas
entendu prohiber de les réunir les années subséquentes.
Elle a seulement pensé que , sous son empire , le plus
grand nombre de faillites seraient complètement liquidées
au bout de ce laps de temps. En conséquence, toutes les
fois que le contraire se réalisera , le juge-commissaire
pourra, au moins une fois l’an, réunir les créanciers. La
fréquence de cette formalité rentre parfaitement dans les
intentions de la lo i, comme tout ce qui est de nature à
stimuler le zèle des syndics.
Au reste, la nécessité de la convocation dans les an
nées subséquentes est laissée à l’appréciation du jugecommissaire. Ce magistrat a alors, pour se former une
opinion, l’expérience déjà acquise. L’administration des
syndics peut être jugée par les résultats qu’elle a pro
duits. Ainsi, si depuis leur entrée en fonctions des répar
titions se sont succédées à des intervalles plus ou moins
longs, si le juge-commissaire est à même de connaître
les progrès de la liquidation, de savoir que les obstacles
qui s’opposent à ce qu’elle soit complète proviennent de
causes indépendantes des syndics, la réunion des créan
ciers peut paraître inutile. Le zèle des syndics est à la
hauteur de leur mission, il n’a pas besoin d’être excité.
Que si, au contraire, plus d’une année s’est écoulée sans
que la liquidation ait fait un pas; si malgré une pre
mière assemblée l’inaction des syndics se prolonge , il
est urgent d’en convoquer une seconde à l’effet dém et
tre les parties intéressées à même d’aviser.
7 9 6 . — À quelque époque que le juge-commissaire
�406
DES FAILLITES ET
BANQUEROUTES
réunisse les créanciers, et alors même que la distance
qui sépare une assemblée de l’autre serait moindre d’une
année , l’article 536 doit toujours recevoir son entière
application. A insi, les syndics sont obligés de rendre
compte de leur gestion ; les créanciers doivent être con
sultés sur leur maintien ou leur remplacement qui est
ensuite décidé par le tribunal de commerce.
797.
— Indépendamment du droit que chaque cré
ancier a d’exposer en assemblée générale les plaintes
qu’il peut avoir à diriger contre l’administration et les
actes des syndics, la loi réserve à chacun d’eux l’action
créée par les articles 466 et 467. Ces dispositions relati
ves aux syndics provisoires'et définitifs régissent aujour
d’hui ceux de l’union. Nous avons déjà d it1 que , par
rapport à ces derniers , les créanciers n ’ont plus qu’un
simple droit de plainte; tandis que sous l’empire du
Code ils pouvaient les remplacer. C’est là la conséquence,
avons-nous dit, de l’innovation introduite par la loi ac
tuelle dans le mode de nomination. Sous l’empire du
Code les syndics définitifs étaient choisis par les créan
ciers ; ils pouvaient donc êtrq révoqués par eux. Aujour
d’hui, c’est le tribunal qui désigne les syndics de l’u
nion ; lui seul peut en conséquence les exclure. Les cré
anciers doivent dès lors lui demander cette exclusion,
s’ils ont intérêt à la faire prononcer. Cette demande est
réglée par l’article 467 qui devient par conséquent par
faitement applicable.
i V o j.
supra articles
468, 529.
�A r t . 537.
L o rs q u e la liq u id a tio n de la fa illite s e r a t e r m i
née , les c ré a n c ie rs s e ro n t con voqués p a r le ju g e c o m m issa ire .
D a n s cette d e r n iè r e a sse m blée , les syn d ics r e n
d ro n t le u r com pte. L e f a illi s e ra p ré s e n t o u d û
m en t app elé.
L es c ré a n c ie rs d o n n e ro n t le u r a v is s u r l ’c x e u s a b ilité d u fa illi. H s e r a d re ssé , à ce* e ff e t , u n p r o
c è s -v e rb a l d a n s leq u e l chacu n d es c ré a n c ie rs p o u r
r a c o n s ig n e r ses d ir e s et o b se rv a tio n s.
A p rè s la c lô tu re de cette a sse m b lé e , l ’u u lo n se ra
dissou te de p lein d ro it.
A r t . 538.
Le ju g e -c o m m is s a ire p ré s e n te ra a u t r ib u n a l la
d é lib é ra tio n d es c ré a n c ie rs re la tiv e à l ’c x c u s a b ilité d u fa illi , et u n r a p p o r t s u r le s c a ra c tè re s et
les circ o n sta n c e s de la fa illite .
Le t r ib u n a l p ro n o n c e r a si le fa illi est ou n on
excusable.
SOMMAIRE
Après la liquidation de l'actif et sa répartition les syndics
doivent être déchargés de leur gestion.
Cette décharge doit être précédée de la reddition des eornptes. Le juge-commissaire doit donc convoquer les créan800. Le failli doit être appelé à l ’assemblée.
801. Son concours est dans l ’intérêt des créanciers.
802. Dans son propre intérêt.
803. Dans celui des syndics.
804. Mais il reste facultatif pour le failli. S’il le refuse, quoique
appelé, il est lié par l ’approbation des créanciers.
S’il s’élève des contestations le juge peut simplement ren
voyer la délibération ou délaisser les parties k se pourvoir.
Avantage du renvoi qui peut être demandé par les syndics,
le failli ou les créanciers.
,
'■
■<
�408
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
807.
Dans le second cas le tribunal est investi et prononce en la
forme ordinaire.
808. Les créanciers et le failli ayant également le droit de con
tester peuvent agir conjointement ou séparément. Les
créanciers qui ne seraient pas parties dans la contestation
ont le droit d’intervenir dans l ’instance.
809. La prudence ferait un devoir aux créanciers de nommer
parmi eux des mandataires pour soutenir le procès. Forme
et effets de la procuration.
810. Le failli qui n’aurait pas d’abord contesté peut intervenir
dans le procès fait par les créanciers.
811. Si les comptes ne sont pas contestés il est passé outre é la
décharge des syndics.
812. Les syndics reliquataires peuvent être conlraits au paiement
solidairement et par corps.
813. Cette solidarité avait été déniée sous le Code. Opinion con
traire de M. Dalloz et réfutation.
814. Elle est formellement établie par la loi actuelle.
815. Si lessyndicssonl créanciers ils ne peuvent poursuivre leur
paiement que contre chaque créancier pour sa part et
portion. Décidé en ce sens sous le Code.
816. Réfutation d’un arrêt de la cour de Bordeaux qui décide
que les syndics sont personnellement tenus des frais faits
au nom de la faillite.
817. L’absence de toute solidarité chez les créanciers ne pour
rait plus être contestée.
818. Après la reddition du compte les créanciers doivent donner
leur avis sur l ’excusabilité. Importance réelle de cette
innovation.
819. Comment cet avis doit-jil être constaté ?
820. Après cette formalité la séance est clôturée et l’union de
plein droit dissoute.
821. Èffets que le silence que le Code avait gardé sur la dissolu
tion avait produits sur les conséquences de celle-ci.
822.
Il e s t c e r t a i n a u j o u r d ’h u i q u e l ’é t a t d e fa ill i t e c e s s e par le
fait de cette dissolution, et que le failli est libre de traiter
avec tel ou tel de ses créanciers.
�art
823.
824.
.
537, 838.
409
Les fonctions du juge-commissaire cessent avec l ’union. Il
n’a plus qu’à soumettre au tribunal l ’avis des créancier^
sur Fexcusabilité.
Motifs qui lui ont fait imposer le devoir de faire un rapport
sur les caractère et circonstances de la faillite.
7 9 8 . — La dissolution de l’union est la conséquence
forcée de la liquidation de la faillite. P a rta n t, dès que
celle-ci est complète , que l’actif réalisé a été distribué,
la communion d’intérêt qui réunissait les créanciers a
rempli son objet. L’administration des syndics n’a plus
aucun but. Il ne reste donc plus qu’à les en décharger.
7 9 9 . — Cette décharge doit être précédée de la red
dition du compte d’administration à laquelle les syndics
sont tenus. À cet effet, le juge-commissaire doit convo
quer les créanciers à se réunir sous sa présidence aux
jour, lieu et heure indiqués. Cette convocation est faite
dans les formes ordinaires.
8 0 0 . — La présence du failli n ’est pas indispensa
ble en ce sens que son absence n’est jamais un obstacle
à ce qu’il soit passé outre à la reddition des comptes et
à leur réglement. Mais il est du devoir des syndics de
l’appeler à la réunion. La loi leur en impose l’obligation,
non-seulement dans son intérêt, mais encore et essen
tiellement dans celui des créanciers.
8 0 1 . — Il importe, en effet, à ceux-ci que le failli
assiste à la reddition des comptes. Personne ne connaît
mieux que lui la consistance réelle de l’actif qui lui res
tait au moment de sa faillite ; personne n ’est donc plus
en état d’en exiger un compte exact et fidèle, d’apprécier
d’une manière plus juste l’administration des syndics,
v
�410
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Les erreurs qu’il relèvera, les omissions qu’il fera répa
rer tourneront nécessairement au bénéfice de la masse.
8 0 2 . — Quant à lui personnellement, son droit à
être partie dans cette opération est incontestable. Nous
avons plusieurs fois répété que la gestion des syndics est
autant dans l’intérêt du failli que dans celui des créan
ciers. Plus ces derniers recevront, et plus il sera luimême libéré de ses dettes. Les syndics ne peuvent donc
être comptables envers les créanciers, sans le devenir au
même titre envers le failli.
8 0 3 . — Nous ajoutons que son appel en cause n’est
pas moins avantageux aux syndics eux-mêmes. Son
concours est indispensable pour donnner à leur décharge
un caractère définitif et irrévocable. On ne pourrait dé
cider autrement sans arriver à consacrer que , malgré
son droit évident, le failli pourrait être à son insu dé
pouillé de l’exercice du contrôle qui lui appartient sur
la gestion des syndics, du pouvoir qu’on ne saurait mé
connaître d’exiger et d’obtenir la réparation des erreurs,
omissions ou détournements dont il pourra justifier.
8 0 4 . — Or, ce concours, le failli est maitre de l’ac
corder ou de le refuser ; mais les syndics n ’ont plus à se
préoccuper de sa conduite , dès qu’ils l’ont mis en de
meure de se présenter. Si sur l’ajoyrnement le failli
s’abstient, l’approbation donnée au compte par les cré
anciers est obligatoire pour lui. Il ne pourrait, sous quel
ques prétextes que ce fût, obtenir une nouvelle reddition
de compte. La seule action qu’il aurait à exercer serait
celle en réparation des omissions, erreurs, faux ou dou
bles emplois dont il prouverait l’existence matérielle.
*
�ART.
637, 638.
411
C’est ce que la cour de cassation a consacré le 15
mars \8%6. Après l'approbation du compte par les cré
anciers , dit son a r r ê t, le failli ne peut remettre en
question l'administration des syndics, pour parvenir
par là à reviser et à renverser môme le compte qui l’a
liquidée et fixée l.
Ce principe est absolu et ne fléchit devant aucune con
sidération. Ainsi, le jugement qui sous prétexte d’erreurs
ordonne, sur la demande du failli, que les syndics qui
ont déjà rendu compte aux créanciers en rendront un
nouveau, doit être interprété en ce sens : que les syndics
sont soumis non à une reddition de compte proprement
dite, mais seulement à la réparation des erreurs signa
lées dans le comple précédemment rendu 3.
Mais l'absence du failli ne produirait aucun de ces ef
fets, si elle était imputable aux syndics. Or, cette impu
tabilité résulterait de plein droit de l’omission qu’ils au
raient faite de l’appeler à la reddition décompté. Dans
ce cas , la décharge donnée par les créanciers rie serait
pas même opposable au failli, et les syndics devraient à
sa première réquisition procéder à une nouvelle reddition.
805.
— Si dans l’assemblée régulièrement constituée
des difficultés s’élèvent, Je juge doit : ou ajourner la dé
libération à tel jour convenable, si les difficultés sont de
nature à être amiablement terminées sur plus amples
explications et sur la production de nouvelles pièces ; ou
renvoyer, dans le cas contraire, les parties à se pourvoir
devant le tribunal de commerce.
1 D. P ., 26, 1, 208.
3 Bordeaux, 17 ju in 1830, — D. P ., 31, 2, 240.
�412
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
8 0 6 . — Dans le premier cas , l'ajournement peut
être sollicité tant par les syndics que par les créanciers
et le failli. Cette mesure peut leur être à tous d’une
grande utilité. Elle peut, dans un sens comme dans l’au
tre, prévenir un procès, les recherches faites dans l’in
tervalle pouvant convaincre les contestants de l’exactitude
du compte, ou les syndics de la justice de la réclama
tion. Ce résultat permettra, le jour indiqué étant venu,
de s’entendre définitivement, d’apurer le compte et de
passer outre immédiatement aux autres opérations or
données par l’article 537.
8 0 7 . — Dans le second cas les contestations sont,
selon leur importance, appéciées en premier ou en der
nier ressort par le tribunal de commerce. Mais l’exis
tence du litige engagé n’est point un obstacle à ce que
les formalités voulues par l’article 537 reçoivent leur
exécution. Ce litige n’est plus qu’un procès qui s’agite
entre les parties, et dont le sort reste complètement sans
influence sur la faillite et sur l’union elle-même. En
conséquence, l’une et l’autre n’en sont pas moins clôtu
rées et dissoutes.
8 0 8 . — La décision de l’autorité judiciaire est pour
suivie en la forme ordinaire entre les anciens syndics
et les parties contestantes. Celles-ci sont les créanciers
ou le failli. Le droit que chacun d’eux a à réclamer peut
être exercé séparément ou conjointement.
Ainsi, si le failli assiste à l’assemblée et s’il conteste
lui-même les comptes, les créanciers peuvent s’unir di
rectement à lui, s’associer à la contestation pour la sou
tenir devant la justice ; ou bien lui laisser le soin ex-
�ART.
537,
538.
413
clùsif de la poursuivre en son nom. Faute par les cré
anciers d’avoir pris qualité dans l’instance, ils seraient
recevables à y intervenir pour surveiller leurs intérêts,
dès l’instant qu’ils auraient à craindre que par le résul
tat d’un accord entre les syndics et le failli, celui-ci ne
soutînt que faiblement ses prétentions et ne désertât en
quelque sorte le procès. Une transaction sous la forme
d’un jugement léserait leurs droits , puisque si les syn
dics ont des restitutions à opérer c’est à eux à en profi
ter exclusivement.
Si le failli est absent de la réunion, ou si étant pré
sent il n’a pas contesté, les créanciers peuvent contester
les comptes et en poursuivre judiciairement le redresse
ment. Ou la contestation est particulière à l’un d’eux, et
c’est à lui que l’obligation de la soutenir est imposée ;
ou elle est faite par tous , et c’est à la masse elle-même
qu’incombe le devoir de la poursuivre.
809.
— Mais il est évident, dans ce dernier cas, que
chaque créancier se trouve directement et personnelle
ment partie; qu’en conséquence il devrait être mis en
cause, ce qui entraînerait des frais considérables. L’in
térêt général exige donc que, dans la même séance, les
créanciers délèguent un ou plusieurs d’entre eux à l’effet
de plaider en leur nom et de les représenter. Celte délé
gation peut être faite dans le procès-verbal rédigé par
le juge-commissaire et signée par tous les créanciers.
Mais , comme à cette époque il n’y a plus de masse,
que les créanciers n’agissent et ne peuvent plus agir qu’en
leur nom , la délibération et la procuration ne seraient
obligatoires qu’à l’encontre des signataires, et nullement
pour ceux qui n'y auraient pris aucune part.
�414
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
8 1 0 . — Dans tous les cas,le failli,alors même qu’il
n’aurait pas contesté en principe , pourrait intervenir
dans l’instance existant entre les syndics et les créanciers.
Il est certain que le failli, en ce qui concerne les comptes,
n’est et ne peut pas être représenté par les syndics. D’a
bord, parce que ceux-ci n’agissent plus en cette qualité;
la mission qui leur était confiée a expiré avec la disso
lution de l’union. Ensuite, parce qu’il existerait une di
vision d’intérêts qui commandait de replacer le failli dans
la position de se défendre personnellement. Aussi est-il
réintégré dans la jouissance de ses actions actives et pas
sives , et par conséquent seul apte a les exercer depuis
l’accomplissement des formalités prescrites par l’art. 537.
8 1 1 . — Si les comptes ne sont contestés par per
sonne ils sont immédiatement apurés,et rien ne s’oppose
à ce que les syndics reçoivent la décharge de leur gestion.
Cette décharge est consignée dans le procès-verbal. Elle
est définitive si les comptes sont exactement balancés.
Elle le devient par le paiement du reliquat s’il en existe
un contre les syndics, et s’ils sont au contraire créanciers,
sauf les droits qui leur compétent contre la masse.
8 1 2 . — Si les syndics sont reliquataires, les sommes
qu’ils ont à payer forment la dernière répartition qui est
immédiatement ordonnancée par le juge-c'ommissaire.
Chaque créancier peut, en vertu de cette ordonnance, ré
clamer la part et portion lui revenant, contraindre les
syndics même par corps, enfin les poursuivre solidaire
ment.
8 1 5 . — Cette solidarité que nous avons dit exister
�ART.
537, 538.
415
pour l’administration l, avait été contestée sous le Code
surtout pour les syndics définitifs. Ceux-ci , disait-on,
sont directement nommés par les créanciers. Leur choix
n’a pas même besoin d ’être approuvé par la justice. Le
mandat est donc purement conventionnel. En conséquen
ce, il ne peut y avoir solidarité qu’autant qu’elle est ex
primée. L’article 1995 du Code civil l’exige expressé
ment ainsi. Or, si cet article est inapplicable aux agents
et aux syndics provisoires , ce qui est douteux, rien ne
sauraiten empêcher l’application aux syndics définitifs2.
Mais cette doctrine de M. Dalloz avait élé plusieurs
fois proscrite par la cour de cassation 3, et l’opinion de
celle-ci avait été adoptée et enseignée par MM. Pardessus
et Boulay-Paly.
Nous l’eussions nous-même sans hésitation embrassée
sous l’empire du Code de commerce; car il nous paraît
évident que M. Dalloz se préoccupant beaucoup trop des
personnes, néglige ce qui se rapporte au caractère et à
la nature du mandat lui - même. Dans tous les temps,
c’est la loi qui en a déterminé l’importance et réglé l’é
tendue ; c’était donc dans ses dispositions plutôt que
dans la délibération des créanciers que les syndics pui
saient les pouvoirs dont ils étaient revêtus. Le mandat
était donc légal, même dans la disposition qui conférait
aux créanciers le choix des personnes qui devaient en
être investies. En effet, la minorité était liée par la m a
jorité. Or, existe-t il dans le mandat conventionnel quel[ que chose qui se rapproche de ce résultat ?
1 Voy. supra a rticle 465.
2 D. A., t. 8. ch. 1, sec. 7, n» 11 .
’“'3 Voy. a rrê ts des 18 jan v ier 1814, et 26 ju illet 1836, — D , A ., t. 8.
p. 107 ; D, P ., 36, 1, 307.
�416
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
814-. — Mais, toute discussion devient superflue en
l’état de la loi actuelle. Le choix des syndics de l’union
a été enlevé aux créanciers qui n’ont plus que voix con
sultative. Il est donc v ra i, surtout aujourd’hui que les
syndics sont des mandataires légaux ; car c’est la loi qui
non-seulement trace l’étendue de leur mandat, mais en
core leur nomination qu’elle a confiée à la justice. Ils
ne pourraient donc , sous aucun prétexta , exciper de
l’article 1995, ni se soustraire à la solidarité qui résulte
de l’indivisibilité de leurs fonctions.
Remarquons de plus que cette indivisibilité qui n’était
qu’une induction sous le Code , est sous la loi nouvelle
un précepte formel. Nous en avons vu les conséquences
en examinant l’article 465. Or , cette disposition affecte
les syndics de l’union, comme les syndics provisoires et
définitifs. Les premiers sont donc solidaires pour tous
les actes de leur administration , pour la réparation du
dommage qui proviendrait de leur négligence , impru
dence ou malversation. Or , n’est-ce pas une véritable
malversation que d’être reliquataire , et de ne pouvoir
immédiatement s’acquitter ?
8 1 5 . — Si les syndics sont créanciers ils ont incon
testablement le droit de se faire rembourser ; ils sont
jusqu’à concurrence de leurs avances privilégiés sur l’ac
tif de la faillite. Après la distribution de celui-ci ils sont
recevables à forcer les créanciers à opérer ce rembour
sement.
L’action qu’ils auront à cet effet peut-elle être solidai
rement poursuivie contre les créanciers de la faillite ?
Cette question avait été résolue négativement sous l’em-
�1
ART.
537, 538.
417
pire du Code, alors que la nomination des syndics défi
nitifs était laissée au choix des créanciers ; on avait ad
mis que pour que ceux qui constituent conjointement un
mandataire soient tenus solidairement des effets du man
dat , il faut que ce mandat ait été de la part de tous
libre et volontaire h et non pas que, comme dans le cas
de désignation d’un syndic définitif par les créanciers
d’une féillite , le choix de la minorité ait pu être écarté
par le vœu de la majorité 3. On pouvait dire , en effet,
que les syndics n’avaient pas été nommés par chaque
créancier individuellement; qu’ils étaient institués par la
masse. Ils ne pouvaient donc avoir recours que contre
celle-ci, c’est-à-dire contre les intérêts distincts qui la
constituent et dans les proportions que chacun d’eux
comporte.
La doctrine de la cour régulatrice avait été appliquée
par un arrêt de la cour de Bordeaux, du 24 avril 1 8 3 8 ,3
qui avait jugé : que le syndic d’une faillite qui a chargé
un avoué d’occuper dans une instance intéressant celleci est tenu personnellement des frais dus à cet avoué,
sauf son recours contre la masse ; qu’il n’a pas d’action
solidaire contre les créanciers pour la répétition de ces
frais, chacun de ceux-ci n’étant obligé que pour sa part
et portion.
816.
— Autant cette seconde partie de l’arrêt nous
paraît irréprochable, autant la première s’écarte des vé
ritables principes de la matière. Le syndic d’une faillite
qui a agi en cette qualité ne peut être personnellement
i A rticle 2002 du Code civil
s C assation, 23 m ai 1837 ; — D. P ., 37, 1, 26S.
8 Sirey, 38, 2, 269.
h
—
27
�418
DES FA ILLITES ET BANQUEROUTES
tenu que dans le cas où il aurait dépassé les limites de
son mandat, ou commis une faute 1. Mais toutes les fois
qu’il s’est renfermé dans ces limites, qu’il a faitconnaître
sa qualité et la nature de ses pouvoirs il ne saurait être
obligé personnellement envers qui que ce soit, pas plus
que ne le serait un mandataire ordinaire, alors surtout
qu’on ne pourrait lui reprocher une faute quelconque.
8 1 7 . — Ainsi, sous l’empire du Code, les créanciers
n’étaient pas tenus solidairement des avances faites par
les syndics ; à plus forte raison doit-on l’admettre ainsi
depuis que la loi nouvelle a enlevé à leur mandat tout
caractère conventionnel en attribuant leur nomination au
tribunal de commerce. La volonté libre qui seule rend
les constituants solidaires existe si peu , que le droit du
tribunal va jusqu’à maintenir les syndics dont la ma
jorité aurait demandé le remplacement. On p e u t, en
outre et contre la solidarité , tirer un argument décisif
de la disposition de l’article 533. Là, en effet, il y a dé
libération volontaire , et cependant ceux qui l’ont prise
ne sont tenus des engagements qu’au prorata de leur
créance, et chacun pour sa part et portion.
8 1 8 . — La reddition des comptes terminée, soit que
les syndics aient été déchargés, soit que sur des préten
tions contradictoires le règlement en ail été déféré à l’au
torité judiciaire , les créanciers sont appelés à donner
leur avis sur l’excusabilité du failli.
Cette disposition crée un droit nouveau aussi logique
que rationnel. Elle soumet l’avenir du failli à l’apprécia1 A rticle 1992 du Code civil.
I
�ART.
537, 538.
41Ô
tion de son passé par les effets qu’elle attache à la dé
claration d’excusabilité. Sans doute, l’avis des créanciers
n’est pas obligatoire pour le tribunal ; mais il est permis
de croire que si à l’unanimité ou à une très-grande ma
jorité ceux-ci avaient voté contre Pexcusabilité, le tribu
nal de commerce se conformerait à ce vote, à moins de
circonstances extraordinaires qu’il n’est pas facile de
prévoir.
Dans cette conviction le failli a le plus puissant inté
rêt à se concilier l’indulgence de ses créanciers, pour en
obtenir un avis favorable ; et cet intérêt influera néces
sairement sur sa conduite à leur égard avant et pendant
sa faillite.
8 1 9 . — L’importance qui s’attache à la déclaration
d’excusabilité est démontrée par le soin que la loi prend
pour la constatation de l’avis des créanciers. Si cet avis
est affirmatif et unanime, il est consigné dansée procèsverbal de la séance et n’a pas besoin d’être motivé. S’il
est négatif ou si une minorité plus ou moins forte se dé
clare, il est rédigé un procès-verbal spécial dans lequel
les créanciers ou chacun d’eux doit inscrire les dires et
observations sur lesquels son vote s’est fondé.
8 2 0 . — Après l’accomplissement de cette formalité
le juge-commissaire doit clore la séance, et dès ce mo
ment l’union est de plein droit dissoute.
8 2 î . — La conséquence la plus immédiate et la
plus directe de celte dissolution est de faire cesser l’état
de faillite et de rendre au failli la capacité de contracter
tant avec ses anciens créanciers qu’avec tout autre per
sonne. Or, le silence gardé par le Code de commerce
/
�r
420
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sur l’époque de la dissolution avait fait naître des doutes
sur son existence et ses effets. On avait soutenu que mê
me après la décharge des syndics l’état de faillite conti
nuait , en ce sens que le failli demeurait incapable de
payer les créanciers s’il acquérait plus tard de nouveaux
biens ; que le seul mode de libération praticable était
d’obtenir la désignation d’un juge-commissaire et la no
mination de syndics chargés de répartir ces biens entre
tous les créanciers.
Mais ce système avait rencontré de nombreux et puis
sants adversaires. MM. Pardessus , Dalloz, Boulay-Paty
l’avaient tour à tour combattu, et la jurisprudence l’avait
enfin rejeté complètement.
822.
— Ce rejet est aujourd’hui consacré par le texte
de l’article 537. Il résulte de plein droit de la déclara
tion que l’union est dissoute. Or , dès l’instant de cette
dissolution le failli est, quant à ses biens nouveaux,sous
l’empire du droit commun ; il p e u t, par conséquent,
traiter librement avec tel ou tel de ses créanciers, lui
payer le solde de sa créance , sans que dans aucun cas
celui-ci soit dans l’obligation de rapporter à la masse
les sommes qu’il aurait reçues ; l’état de faillite ne peut
plus revivre; seulement, si les créanciers qui ont tous
un droit égal aux biens nouvellement acquis craignent
les frais énormes qu’amèneraient des poursuites indivi
duelles , ils peuvent se réunir et charger l’un d’eux de
poursuivre dans l’intérêt commun l.
La dissolution de l’union a donc pour effet de faire
»
i V oy. c assatio n , 4 août 1 8 4 1 5 13 août 1862. — D . P ., 41, 2, 43;
J . d u P , 1863, p. 109.
�ART.
537,
538.
m
cesser l’état de faillite, de relever le failli de son incapa
cité quant à l’exercice de ses actions actives et passives;
de le replacer, quant aux transactions à venir , dans la
plus entière indépendance , sauf l’obligation de payer
aux créanciers tout ce qui leur reste dû en principal,
intérêts et frais.
8 2 3 . — Les fonctions du juge-commissaire cessent
avec l’union. Le dernier acte qui lui est imposé est le
devoir de présenter au tribunal le procès-verbal relatif à
l’excusabilité du failli.
8 2 4 . — Le tribunal délibère sur cette excusabilité.
Son opinion est indépendante de l’avis des créanciers.
C’est pour le mettre à même d’apprécier celui-ci que la
loi charge le juge-commissaire de faire un rapport sur
les caractère et circonstances de la faillite.
L’avis des créanciers peut n’être dicté que par la com
plaisance ou produit par la colère et la rancune. Le
rapport du juge-commissaire doit être impartial et vrai.
Il doit démasquer la fraude , établir la bonne foi et le
malheur. Il s’agit d’un avantage immense à conférer, ou
d’un refus grave dans ses conséquences à faire subir. Il
importe donc que la décision du tribunal repose sur des
éléments purs de toute exagération, de tout mensonge.
I
,
A rt. 5 5 9 .
S i le f a illi n ’est p as d é c la ré e x c u s a b le , le s c ré
a n c ie rs r e n t r e r o n t d a n s l ’exercice de le n r s action s
in d iv id u e lle s, ta n t c o n tre sa p e r s o n n e q u e s u r scs
b ien s.
S’i l est d é c la ré e x c u s a b le , i l d e m e n r e r a a ffr a n clîi de la c o n tra in te p a r c o rp s à l ’é g a r d d es c ré a n -
�42g
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
c iers de s a fa illite , et ne p o u r r a p lu s être p o u r
su iv i p a r eu x q u e s u r ses b ie n s , s a u f le s exceptions
p ro n o n c é e s p a r le s lo is spéciales.
A r t . 540.
Ne p o u r r o n t ê tre d é c la ré s e x c u sa b le s : les b a n
q u e r o u t ie r s f r a u d u le u x , les s te llio n a ta irc s , les
p e rso n n e s c o n d a m n ée s p o u r v o l , e s c ro q u e rie ou
a b u s d e c o n fia n c e , les c o m p ta b le s d e d e n ie rs p u
blics.
SOMMAIRE
825.
826.
827.
Objet de ces deux dispositions.
Effets de l’union par rapport aux engagements du failli.
Sa dissolution rend aux créanciers toutes leurs actions pour
le paiement du solde de leurs créances.
827 bis. La lettre de change formant le titre du créancier renlré
dans l ’exercice de ses droits est prescrite après cinq
ans à compter de la clôture et de la dissolution de
l ’union.
828. Importance que la déclaration d’excusabililé a acquise sous
la loi actuelle. Ce qu’elle était sous le Code.
829. Les conséquences qu’elle entraîne aujourd’hui sont beau
coup plus rationnelles. En quoi elles consistent ; quels
effets on peut s'en promettre.
830. La contrainte par corps dont le failli est libéré par l’excusabilité est celle qui résulte des engagements ordinaires
et non celle à laquelle il serait soumis par des lois spé
ciales.
831. Les créanciers pourront-ils exécuter le failli immédiate
ment après la dissolution de l ’union , et sans justifier
qu’il a acquis de nouvelles ressources ?
832. Exceptions au principe que tous les faillis peuvent être dé
clarés excusables.
833. Sont exceptés : les banqueroutiers frauduleux et les stellionataires.
834. Ceux qui ont été précédemment condamnés pour vol, es
croquerie ou abus de confiance.
�art.
835.
836.
837.
838.
839.
840.
841.
842.
839, 540.
423
Les comptables des deniers publics.
Modification à l’article 575 du Code de commerce, en ce qui
concerne les tu teu rs, administrateurs, étrangers et dé
positaires.
L’article 540 est limitatif. Conséquences.
Le jugement sur l ’excusabilité est susceptible de recours.
Par la voie d’appel seulement.
De quel moment courent les délais de l'appel ?
Quelle en est la durée ?
Procédure à suivre par les créanciers ou le failli.
8 2 5 . — Ces deux articles règlent les effets de l’union
par rapport au failli vis-à-vis de ses créanciers. Ces ef
fets diffèrent essentiellement dans leur mode d’exécution
selon que le failli a été ou non déclaré excusable. Cette
double hypothèse est régie par l’article 539. 11 est des
cas dans lesquels les créanciers n ’ont pas même à don
ner leur avis sur l’excusabilité du failli ; ce sont ces ex
ceptions que l’article 540 établit.
8 2 6 . — Il n’en’’est pas de l’union comme du con
cordat. Nous avons vu que par l’admission de celui-ci
et moyennant le paiement du dividende stipulé le failli
est libéré envers ses créanciers; qu’il ne peut plus être
recherché tant sur ses biens présents que sur ceux à ve
nir ; qu’il n’y a pour la partie de la dette restante qu’un
lien purement moral, et que le débiteur n’est réellement
obligé à la solder intégralement que s’il veut plus tard
obtenir sa réhabilitation.
L’union, au contraire, ne libère le failli qu’à concur
rence de ce que les créanciers ont touché dans la répartiton de l’actif. L’excédant est dû par le failli qui peut
être contraint à en opérer le paiement. Seulement, tant
�424
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
que l’union n’est pas liquidée le débiteur est en état de
faillite, il jouit des immunités que cet état crée et notam
ment des effets de l’interdiction faite aux créanciers de
poursuivre individuellement la rentrée de ce qui leur
est dû.
827.
— La dissolution de l’union fait cesser l’état
de faillite, et avec lui toutes les prescriptions qui s’y rat
tachent. La communauté d’intérêt qui liait les créanciers
n’existe plus ; il n’y a plus de masse, plus de mandatai
res légaux. Chaque créancier se trouve dans le même
état qu’avant la faillite. Il reprend donc, dès cet instant,
la liberté d’action que la loi avait un instant suspendue.
L’appréciation des moyens à l’aide desquels il doit être
payé est désormais laissée à son seul arbitre, ainsi que
le droit de les exercer.
Cet exercice n’est limité par rien. Toutes les voies
d’exécution résultant du titre peuvent être employées.
En effet, le principe général est que la faillite ne modifie
aucuns des droits attachés à la qualité de créancier. Con
séquemment, après comme avant, il est loisible au por
teur d’un titre commercial de contraindre même par corps
son débiteur 1.
827 bis. — Les créanciers reprenant l’exercice indi
viduel de leurs droits reprennent, quant à leurs titres,
la position qu’ils avaient avant la faillite. Ainsi, les por
teurs de lettres de change ou de billets à ordre se trou
vent de plein droit replacés sous l’empire de l’article \ 89.
Ils ont perdu tout recours s’ils ont laissé s’accomplir la
prescription de cinq ans.
l Inutile* de rappeler que la co n tra in te p a r corps est abolie
�art.
539, 540.
425
L’opinion contraire a été soutenue. Elle s’étayait sur
la novation qu’on prétendait induire de l’admission au
passif substituant au titre ancien le titre résultant du
frocès-verbal d’admission. Cette opinion ne nous parait
pas juridique.
Nous l’avons dit bien de fois, nous venons de le re
dire : la faillite ne modifie, n’altère et ne change aucuns
droits. Elle constate ceux qui l’ont précédée , tels qu’ils
résultent des titres dont on les induit.
La vérification et l’admission qui en est la conséquence
ont pour objet de contrôler la légitimité des créances,
d’autoriser leur porteur à prendre part aux opérations
de la faillite, à la délibération sur le concordat, comme
à toutes celles que l’état d’union nécessiterait; à con
courir, enfin, à la répartition de l’actif au marc le franc
avec les autres créanciers. Ces droits sont la conséquence
de la sincérité delà créance, bien plutôt que du procèsverbal d’admission qui n’est elle-même que l’effet de
l’affirmation de cette sincérité.
La clôture de l’union ouvre une ère nouvelle, ou plutôt
remet les choses sur leur ancien pied. La masse est dis
soute , les fonctions des syndics cessent. Il n’y a plus
qu’un débiteur en présence de créanciers personnellement
appelés à exercer leurs droits tels qu’ils résultent des titres
dont ils sont porteurs.
Or , si ces titres ont repris tout leur empire relative
ment aux prérogatives qui en naissent, il ne serait ni
rationnel ni juste de les affranchir des conditions aux
quelles la loi a subordonné leur efficacité.
La cour d’Àix le jugeait implicitement ainsi, lorsque,
le 19 juillet 1820, elle repoussait l’exception de prescrip-
�426
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tion. Dans celte espèce , la faillite s’étant terminée pir
un concordat il y avait eu réellement novation , car e
créancier puisait son droit non dans son titre ancien,
mais dans le concordat lui-même qui avait entraîné h
remise partielle de la dette. Or, dit l’arrêt, le concordai
faisant novation à la dette réduite au dividende sti
pulé, ce n'est plus en vertu de leur premier titre que
les créanciers agissent , mais en vertu du concordat
constitutif d'une obligation nouvelle , et il ne serait
pas juste de laisser le créancier exposé à tous les ris
ques d'un titre dont on lui fait perdre les avantages.
La relation que la cour admet entre les risques et les
avantages et la conséquence qu’elle en déduit sont d’une
justesse aussi évidente qu’incontestable. Mais si l’affran
chissement des risques résulte de la perte des avantages,
le maintien de ceux-ci doit laisser les autres à la charge
du créancier. Or, ce maintien est acquis par l’union. Sa
clôture remet les créanciers en mesure d’exercer leurs
droits, et tels que les établit leur titre que rien n’est venu
modifier.
Aussi la cour d’Aix n’a-t-elle pas hésité. Saisie de la
question dans l’hypothèse que nous examinons, elle dé
clare la prescription admissible, attendu que le créancier
était resté plus de cinq ans sans agir , qu’il ne pouvait
le faire qu’en vertu des lettres de change dont il était
porteur; que la faillite s’étant terminée par un contrat
d’union n’avait opéré aucune novation '.
Déjà et le 23 mai 1856,1a cour de Rouen avait, dans
les mêmes circonstances, appliqué l’article 189 du Code
1 10 janvier 4861
\
B u lle tin des a r r ê ts de la co u r d 'Â ix ,
4864,p.16.
�art.
539, 540.
427
de commerce, attendu que l’admission d’une créance au
passif d’une faillite n’ajoute rien au titre primitif qui se
trouve seulement vérifié ; qu’elle n’en change pas la na
ture et le laisse dans la classe des actes à laquelle il ap
partenait; que la prescription suspendue pendant la fail
lite, interrompue par le jugement qui la clôt et réintè
gre le créancier dans tous leurs droits anciens contre ld!
débiteur , reprend son cours à compter de ce jugement
au titre auquel ces droits existaient précédemment.
Cet arrêt fut déféré à la cour de cassation. On lui re
prochait d’avoir violé et faussement appliqué l’art. 189.
L’admission d’une créance au passif d’une faillite, disaiton , est prononcée par une sorte de jugement spécial
rendu avec la contradiction de toutes les parties intéres
sées et du débiteur lui-même. Ce jugement devient un
titre unique et collectif pour toutes les créances compri
ses dans la même admission. Il opère donc une transfor
mation que l’arrêt a mal à propos méconnue, en refu
sant de lui faire produire les effets d’une reconnaissance
de dette par écrit séparé dans le sens de l’article 189.
Mais, par arrêt du 7 avril 1857, la cour de cassation
rejette le pourvoi, par les motifs que le créancier qui a
fait admettre sa créance au passif de la faillite de son
débiteur n’est pas fondé à prétendre que, parce fait seul,
il y a eu novation à sa créance primitive ; que cette ad
mission faite sur son affirmation n ’a pour objet et pour
résultat que de vérifier, et de confirmer la créance, sans
en changer la nature et l’origine.1.
Nous pouvons donc tenir pour certain qu’à l’égard
1 D. P ., 87,
362..
�428
DES FAILLITES
ET BANQUEROUTES
des lettres de change et billets à ordre la faillite du débi
teur ne fait que suspendre la prescription quinquennale
édictée par l’article 189.
Si la faillite se termine par un concordat, il y a novation. Une dette nouvelle se substitue à l’ancienne , et
le droit du créancier réside moins dans le titre originaire
que dans il concordat lui-même.
S’il intervient un contrat d’union, la prescription est
suspendue pendant toute la durée delà liquidation, par
la raison que les créanciers demeurent sous l’empire de
l’interdiction de poursuites individuelles, et que contra
non valentem agere, non currit prescriptio.
La clôture de la liquidation remet les créanciers dans
l’exercice de leurs droits et actions. Chacun d’eux recou
vre avec sa liberté d’agir le titre tel qu’il le possédait
avant la faillite. En leur restituant la faculté de pour
suivre individuellement, la loi leur en fait le devoir
pour tout ce qui intéresse la validité et l’efficacité du
titre. Le porteur d’une lettre de change ou d’un billet à
ordre qui est resté plus de cinq ans sans remplir ce de
voir, s’est volontairement placé sous le coup de l’art. 189
et exposé à voir son action postérieure repoussée par
l’exception de prescription l.
Sans doute et nous allons le dire, il est dans l’esprit
de la loi que la poursuite des créanciers ne soit admise
que s’ils justifient que le failli a acquis de nouvelles res
sources. Mais cela ne peut s’entendre des mesures con
servatoires. Tout ce qui tend à prévenir une déchéance,
b empêcher une prescription e st, dans tous les temps,
l Voy. notre C o m m e n ta ir e
des le ttr e s de c h a n g e ,
n° 754.
�ART. 5 3 9 ,
540.
429
d’une nécessité absolue et puise sa raison d’être dans cette
nécessité même. On peut et on doit donc l’accomplir à
toute époque sous peine de la perte du droit lui-même.
828.
— Cependant, ce que la faillite ne fait pas est
aujourd’hui produit par l’excusabilité. La déclaration de
celle-ci en faveur du failli l’affranchit de la contrainte par
corps pour tous les engagements antérieurs à la faillite.
Cet effet attaché à l’excusabilité fait subir à cette for
malité, telle qu’elle avait été exigée par le Code de com
merce, une complète transformation et la rend d’un bien
plus puissant intérêt. L’article 531 de l’ancienne loi des
faillites chargeait le tribunal de commerce de déclarer
si le failli était ou non excusable. La réponse négative
constituait contre lui une prévention de banqueroute
simple. Mais quelle qu’elle fût, cette réponse restait sans
influence sur les droits des créanciers.
Ainsi, les conséquences pour le failli du refus d’excusabilité étaient, au fond, d’une bien minime importance.
Malgré les termes de l’article 531 ce refus restait sans
application sur la réhabilitation. L’article 612 ne plaçait
pas le failli non excusé dans la catégorie de ceux qui ne
pouvaient se faire réhabiliter. Restait donc la prévention
de banqueroute simple q u i, n’ayant d’autre fondement
que l’opinion du tribunal de commerce sur l’excusabi
lité, était nécessairement vouée à l’impuissance. Le re
fus du tribunal n’entraînait donc aucune peine. Le failli
non excusé se libérait de la contrainte par corps de la
même manière que celui qui l’avait été. La loi les ad
mettait indifféremment à la cession.
D’autre p a r t, la déclaration affirmative ne conférait
�430
DES FA ILLITES ET BANQUEROUTES
aucun privilège au failli. En conséquence, peine plutôt
apparente que réelle, absence de tout bénéfice; voilà le
résultat que, sous l’empire du Code, avait l’avis affirmatif
ou négatif sur l’excusabilité. On comprend , dès lors,
que les faillis ne s’en préoccupassent pas trop dans leurs
prévisions.
829.
— L’article 539 a donné à cette formalité un
caractère plus analogue à sa nature et des conséquences
plus rationnelles. Désormais, les faillis s’efforceront d’ob
tenir une déclaration affirmative. Celle-ci constitue un
véritable témoignage de bonne conduite et de loyauté.
Elle ne reste pas sans fruit puisqu’elle affranchit de la
contrainte par corps, et c’est là un véritable, un puissant
encouragement à la mériter.
Il est vrai que, sous le Code, ce résultat eût pu pa
raître exorbitant, car les créanciers n’étaient pas même
consultés sur l’excusabilité. C’eût été leur arracher un
droit, après les avoir placés dans l’impuissance de se dé
fendre. Aujourd’hui, au contraire, c’est à eux que la loi
a déféré l’initiative de la délibération à prendre sur la
conduite du failli ; et s’ils la déclarent eux-mêmes loyale
et pure de toute fraude , ils provoquent directement la
faveur qui lui est décernée , et dont ils ne sauraient en
aucune façon se plaindre.
En regard de la récompense attachée à l’excusabilité
plaçons la peine que son refus fait encourir. Le failli qui
l’a méritée est pour toujours soumis à l’exercice de la
contrainte par corps. Il a donc le plus haut intérêt à
échapper à une solution qui grève sa liberté d ’une ma
nière absolue et indéfinie , l’abolition de la cession de
biens ne lui laissant aucun moyen de la rédimer.
�La déclaration d’excusabilité n ’est donc plus une for
malité sans portée. La loi a su lui rendre toute son im
portance. Les conséquences que sa solution entraîne
placent le failli dans la nécessité de l’obtenir favorable.
Elles doivent donc avoir sur sa conduite une influence
puissante L
8 3 0 . — La déclaration que le failli est excusable ne
le libérait de la contrainte par corps qu’en tant que celleci était attachée aux actes ordinaires que sa qualité de
négociant lui a fait souscrire. C’est ce qui s’induisait des
termes de l’article 539 : sauf les exceptions prononcées
par les lois spéciales. L’article, 575 du Code de com
merce ancien nous fournit un exemple de ces exceptions
dans les catégories qu’il crée pour ce qui concerne la
cession de biens. Ainsi, les étrangers non domiciliés en
France, les tuteurs, administrateurs ou dépositaires qui
ne pouvaient être admis à la cession , peuvent aujour
d’hui être déclarés excusables. Mais leur excusabilité les
laisserait contraignables par corps pour les engagements
ressortissant uniquement de leur qualité, en conformité
des lois qui les régissent.
8 3 1 , — Quelle qu’ait été la décision du tribunal, les
créanciers pourront-ils se livrer à des exécutions contre
le failli, immédiatement après la dissolution de l’union
qui leur en aura rendu le pouvoir ?
La jurisprudence a varié et varie encore dans la solu
tion de cette question. Plusieurs arrêts ont proscrit les
exécutions immédiates, et exigé que le poursuivant justi1 L’abolition de la c o n train te par corps e st venue rendre sans applica
tion les dispositions su r l’excusabilité en enlevant toute sanction à son
�432
DUS FAILLITES ET BANQUEROUTES
fiât que le failli avait acquis de nouveaux biens D’au
tres, au contraire, ont admis la recevabilité des pour
suites, dès que par la reddition des comptes l’union avait
été dissoute *.
Dans ce conflit de doctrines il faut chercher dans l’es
prit de la loi la solution de la difficulté que son texte
n’a pas résolue. De cette recherche est née pour nous la
conviction que le système adopté par la cour de Paris
doit être préféré.
Que les créanciers puissent se faire payer du solde
de leurs créances, c’est ce qui ne saurait faire l’objet
d’un doute ; mais le législateur, en leur conférant le
d ro it, n’a pas entendu autoriser des poursuites qui ne
seraient qu’une persécution évidemment inutile et frustratoire. Or, telles seraient incontestablement celles qui
suivraient immédiatement la dissolution de l’union. Le
failli vient d’être dépouillé de tous ses biens mobiliers
et immobiliers, toutes ses ressources ont été discutées et
distribuées, son état de faillite l’a forcément empêché
jusque là d’en acquérir de nouvelles ; il ne peut donc
payer, car il n’a plus rien. Des poursuites quelconques
ne pourraient avoir aucun intérêt réel pour le créancier.
Les autoriser serait un encouragement pour des senti
ments passionnés que la loi n’a pu ni dû vouloir sanc
tionner.
En l’absence de biens, exercera-t-on la contrainte par
corps, si le failli n’a pas été déclaré excusable? Quel
fruit pourra-t-on en retirer en l’état de dénûment com1 V oy. notam m ent P aris, 17 ju ille t 1824 ; 23 février 1833 ; — D. P.,
26, 2, 4 ; 34, 2, 43.
s Colmar, 31 décem bre 1830
Sirey, 31, 2, 230.
�art.
539,
540.
433
plet dans lequel se trouve le failli ? Par quels moyens le
failli pourra-t-il racheter sa liberté, lui qui vient d’être
exproprié de toutes ses ressources ? Nous n’hésitons pas
à penser avec, M. Dalloz \ que l’exercice de la contrainte
ne pourrait à celte époque que constituer un droit odieux
et vexatoire. On ne devrait donc pas le consacrer.
Ajoutons que les créanciers eux-mêmes sont intéres
sés à ce qu’il en soit ainsi. Il leur importe à tous que
le failli trouve dans son industrie le moyen de se créer
des ressources dont l’acquisition se réalise à leur profit,
puisqu’elles deviennent immédiatement affectées au paie
ment du solde de leurs créances. Or, des poursuites, surle-champ exécutées, rendraient ce résultat impossible, et
leur causeraient par conséquent un grave préjudice.
On ne doit donc permettre des poursuites contre le
failli, que si leur auteur justifie que celui-ci a, depuis
l’union, acquis de nouvelles ressources. Il en est ainsi
surtout pour ce qui concerne la contrainte par corps,
et la solution admise sous l’empire du Code doit, par
supériorité de raisons, être consacrée depuis la loi nou
velle. En effet, avant elle, le débiteur poursuivi par la
contrainte pouvait, à quelque époque que ce fût, s’en
exonérer par la cession, tandis qu’aujourd’hui cette voie
rigoureuse est éternelle contre le failli non excusé. On
doit donc se montrer beaucoup plus sévère dans l’em
ploi qui en sera fait. Qu’on l’autorise lorsque le failli
aura acquis le moyen de s’en libérer en payant sa dette,
rien de plus naturel ; mais, lorsque le failli ne possède
i T om . 8, v° F aillite, chap. 1, sect. 7, 20, 8 t .
n
—
28
*
�434
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
rien, lorsqu’il sort à peine de l’état de faillite, c’est se
conformer à l’équité et à la justice que de le proscrire.
La loi actuelle sanctionne donc le système admis par
la cour de Paris. Il est certes à regretter qu’elle ait imité
le silence gardé par le Code, et qu’elle n’ait pas réglé
d’une manière expresse les droits des créanciers en pa
reille occurrence. Mais ce que le texte ne dit pas, résulte
suffisamment de l’esprit de la loi. Nous venons d’en dé
velopper la portée.
8 3 2 . — Tous les faillis peuvent être déclarés excu
sables. Tel est le principe général; mais la nature mê
me de la mesure entraînait nécessairement des excep
tions. Ainsi, déclarer l’excusabilité d’un failli, c’est déci
der que sa déconfiture est le résultat du malheur, que
sa moralité est pure, que sa conduite est sans reproche.
Il esLdês lors évident que lorsque la preuve du contraire
- est acquise, on ne saurait lui accorder ce témoignage
honorable.
8 3 3 . — Or , cette preuve contraire est invincible
ment faite :
1° Contre le banqueroutier frauduleux , par l’arrêt
qui le condamne ;
T Contré les stellionataires, par le jugement qui les
déclare tels.
La banqueroute frauduleuse est un crime dont la
gravité est indépendante de la peine appliquée. Celui qui
s’en est rendu coupable a violé les lois de la probité et
de l’honneur. Ce serait porter atteinte à l’effet moral des
arrêts que de déclarer excusable celui qu’ils ont juste
ment flétri.
�art.
539, 540.
435
Le stellionat est une fraude déloyale et évidente ; c’est
à bon droit que la loi la punit de la perte de la liberté.
L’excusabilité devait rester impuissante devant cette
peine , nous venons d’ailleurs de le dire ; cette excusabilité repose sur la présomption de bonne foi. Le stellionataire a évidemment foulé aux pieds les prescriptions
de celle-ci ; il est donc, aux yeux de la loi, indigne de
cette faveur.
854.
— La même indignité est encourue par ceux
qui auraient été précédemment condamnés pour vol, es
croquerie ou abus de confiance , ou qui auraient été
convaincus de ces délits par des faits nés de leur faillite
elle-même. De pareilles condamnations ne permettent
pas d’assimiler ceux qui les ont encourues aux faillis mal
heureux et de bonne foi. Elles ont justement motivé l’ex
ception consacrée par l’article 540.
835.
— Il est une dernière classe que la loi a frap
pée de la même indignité : ce sont les comptables des
deniers publics. L’intérêt général a motivé cette dispo
sition pour empêcher ces fonctionnaires de sortir des
limites que leurs fonctions leur imposent. Or , celles-ci
sont le plus souvent ce qui leur a attiré la confiance et
le crédit ; ils abusent donc de leur qualité s i , violant
leur devoir , ils dissipent les sommes qui leur sont re
mises soit par de simples particuliers, soit par le Trésor.
Devant un pareil résultat la loi ne pouvait se montrer
trop sévère. Il fallait bien se garder d’affaiblir aucune
des dispositions qui garantissent leur exactitude et leur
probité l. On les a, en conséquence, laissés sous le poids
de la contrainte par corps.
i Loeré, su r l'a rtic le 678.
�436
DES FAILLITES E T BANQUEROUTES
8 3 6 . — Remarquons que les catégories créées par
l’article 540 sont empruntées à l’article 575 du Code
ancien. La raison en est simple : la déclaration d’excusabilité remplace aujourd’hui la cession ; elle en produit
les effets. Les débiteurs indignes de celle-ci devaient dont
être exclus de celle-là; mais le premier a fait disparaître
ce que le second avait de trop sévère dans l’exclusion
qu’il prononçait contre les tuteurs, les administrateurs
ou dépositaires, les étrangers. Ce qui avait motivé cette
exception rigoureuse était la qualité des uns et des au
tres ; mais il est certain que toutes les dettes ne tiraient
pas leur origine de cette qualité , et que pour protéger
les intérêts que la loi ou la volonté des parties leur avaient confiés on méconnaissait les malheurs réels qu’un
tuteur ou administrateur avait éprouvés dans son com
merce.
La loi actuelle fait une part plus équitable. Les tu
teurs, administrateurs, dépositaires et étrangers peuvent
être déclarés excusables. Ils sont donc affranchis de la
contrainte par corps pour toutes les dettes contractées
en dehors des lois spéciales qui les régissent ; mais ils
restent soumis à cette voie rigoureuse pour tous les en
gagements qui n ’ont pas d’autres causes que leur qua
lité même.
8 3 7 . — La disposition de l’article 540 est limitative.
Ainsi, il n’y a d’exclues de l’excusabilité que les person
nes nommément comprises dans les catégories qu’elle
crée. Au reste, elle ne fait nul obstacle au pouvoir ac
cordé aux créanciers et aux tribunaux de commerce de
refuser cette faveur à tout failli quel qu’il soit. Par exem-
�art.
639, 540.
437
pie, le banqueroutier simple n’est compris dans aucune
de ces catégories. Cependant, rien n’empêche que les
causes qui l’ont fait condamner ne deviennent un motif
pour le tribunal de ne pas le déclarer excusable. Mais
s’il a obtenu une solution favorable , les créanciers ne
pourraient la faire annuler en se fondant sur sa con
damnation. Il suffit que l’article 540 ne l’ait rappelé
dans aucune de ses dispositions, pour que le tribunal ait
pu l’excuser légalement.
8 5 8 . — La décision du tribunal sur l’excusabilité
est-elle susceptible de recours ? La négative avait été ad
mise sous le Code; mais, à cette époque, elle était plutôt
la constatation d’un fait qu’un véritable jugement ; elle
»
n’entraînait, d’ailleurs, ni contre le failli ni contre les
créanciers aucunes conséquences graves, aucun préju
dice réel.
Mais , sous la loi actuelle , la déclaration ou le refus
d’excusabilité compromet les intérêts des créanciers, ceux
du failli. La première arrache aux uns la garantie de la
contrainte personnelle , et par là peut-être toute espé
rance d’être payés du solde de leurs créances. Le second
laisse le failli incessamment menacé dans sa liberté, et
grève par conséquent son avenir entier de la plus ri
goureuse servitude. N’y a -t-il pas dans chacune de ces
hypothèses des motifs puissants de ne pas laisser le tri
bunal arbitre souverain , lorsque surtout son jugement
doit être prononcé sans que de part ni d’autre on ait été
appelé à se présenter et à se défendre.
Il y a plus : si la décision était en dernier ressort, si
elle n’était susceptible d’aucun recours le tribunal pour-
�438
des
f a il l it e s
et
banqueroutes
rait même juger contrairement à la disposition de l’ar
ticle 540 ; et les créanciers perdraient la contrainte par
corps au mépris de la volonté expresse du législateur 1
Ainsi ils ne pourraient, même en cas d’erreur reconnue,
obtenir la rétractation qui leur serait due 1 Evidemment
ce serait là méconnaître toutes les notions de la justice
et de la saine raison.
Dès que la loi nouvelle a fait de la déclaration d’excusabilité une véritable cession de biens.il faut tenir pour
elle ce qui était admis pour celle-ci sous l’empire du
Code. Or, le jugement qui intervenait sur la cession pou
vait être attaqué ; donc, celui qui est rendu sur l’excusabilité pourra l’être par la partie qui y aura intérêt.
Ce qui prouve que c’est de cette manière que l’a com
pris le législateur, c’est le silence qu’il a gardé dans l’ar
ticle 583. On sait que celui-ci a soigneusement énuméré
les jugements contre lesquels il n’y a aucun recours
possible; le jugement sur l’excusabilité n’est inscrit dans
aucune de ses catégories. Or , lorsque la loi spéciale se
ta it, il faut recourir au droit commun qui autorise la
partie lésée à attaquer les jugements qui lui préjudicient,
si par la quotité de l’intérêt engagé le tribunal n ’a pas
prononcé en dernier ressort. L’excusabilité est toujours
d ’un intérêt indéterminé ; donc, la décision qui y statue
est suscptible de recours.
8 5 9 . — Ce recours ne peut être que l’appel. Nous
avons déjà dit que la loi n’a pas fait un devoir aux cré
anciers, ni au failli d’être partiedans le jugement. Celuici ne saurait donc être par défaut. On ne saurait pren
dre ou prononcer le défaut que contre la partie qui de-
�àrï.
539, 540.
439
vait comparaître et qui n’a pas comparu. Celle-là seule
pourrait former opposition. Or, dans l’hypothèse de no
tre article , aucun des intéressés n’ayant à comparaître
n’aurait le droit de se pourvoir par opposition.
840.
— Les créanciers ou le failli pourront donc
appeler du jugement qui a prononcé sur l’excusabilité.
Les délais de cet appel courront du jour de la pronon
ciation du jugement. Bien, en effet, n’impose au failli
le devoir de faire signifier ce jugement dont le bénéfice
lui est immédiatement acquis. A cette époque, d’ailleurs,
il n’y a plus de syndics ; la masse est dissoute , et l’on
comprend que cette signification serait d’autant plus in
juste qu’elle imposerait au failli, dépouillé de toutes res
sources, des frais considérables. Les délais dans lesquels
l’appel devra être émis parlent donc, tant contre les cré
anciers que contre le failli, du jour du jugement.
841.
— Quelle sera leur durée ; faut-il appliquer
l’article 443 du Code de procédure civile , ou l’article
5821 de la loi actuelle ? Le véritable caractère de celui-ci
ne nous permet pas de le rendre l’arbitre de la question.
Les motifs qui ont fait limiter les délais ordinaires de
l’appel n’existent plus pour le jugement d’excusabilité.
Ii n’y a plus faillite lorsqu’il est rendu, car l’union est
alors dissoute. Il n’est donc pas intervenu en matière de
faillite, mais bien après faillite. Or, les premiers seuls sont
régis par l’article 592.1 Le délai d’appel sera donc ce
lui qui est accordé par le Code de procédure , c’est-àdire de trois mois'f.
1 V oy. infra nos observations su r cet article.
2 A u jo u rd ’h u i deux m ois.
�440
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
842.
- L'instance sur l’appel s’agitera contradic
toirement entre les parties qui y figureront nommément.
Chaque créancier pouvant émettre appel doit dénoncer
celui-ci au failli, ou intervenir sur celui émis par un
autre. Mais le failli devra appeler contre tous les créan
ciers ; car à cette époque il n’y a plus de masse, et par
tant plus de syndics pour les représenter tous. La pro
cédure qui lui est imposée est, en réalité, celle qu’il au
rait suivie sous l’empire du Code pour la cession de biens.
A rt.
5 4 1 .
A ucun d é b it e u r c o m m e rça n t n e s e r a re ce v a b le
à d e m a n d e r so n a d m issio n a u bénéfice d e cession
de b ie n s .
N é a n m o in s, u n c o n c o rd a t p a r a b a n d o n to tal ou
p a r tie l de l ’a c tif d u fa illi p e u t ê tre fo rm é , su iv a n t
les rè g le s p re s c rite s p a r la section 2 d u p ré se n t
ch ap itre.
Ce c o n c o rd a t p r o d u it le s m ê m es effets qu e les
a u tre s c o n co rd ats ; il est a n n u lé et r é s o lu d e la
m ê m e m a n iè re .
L a liq u id a tio n d e l ’a ctif a b a n d o n n é est fa ite con
fo rm é m e n t a u x p a r a g ra p h e s 2, 3 et 4 de l ’a rtic le
529 ,' a u x a rtic le s 532, 533, 534, 535 et 536 , et
au x p a r a g r a p h e s 1 et 2 d e l ’a rtic le 537.
Le con co rd at p a r a b a n d o n est a s s im ilé à l ’u n io n
p o u r la p erce p tio n d es d r o it s d ’e n re g istre m e n t.
SOMMAIRE
843.
844.
845.
Définition, caractère et effets de la cession de biens.
Son abolition était une conséquence de la disposition de
l ’article 539.
Cette abolition n ’est pas restreinte au cas de faillite. Elle
concerne tous les débiteurs commerciaux.
�art. 5 4 1 .
441
846.
Motifs de la disposition nouvelle. Ses avantages pour la ces
sion poursuivie avant la déclaration de faillite.
847. Après la dissolution de l ’union elle n ’était qu’une occasion
d’exposer des frais que l ’on a eu raison de proscrire.
848. L’art. 541 introduit de plus une modification qui laisse le
jugement à l ’autorité la plus compétente pour le rendre.
849. La prohibition prononcée par cet article ne s’applique qu’à
la cession judiciaire.
849 bis. La prohibition de l’article 541 s’étendait-elle à la cession
volontaire.
849 ter. Arrêt remarquable de la cour de cassation.
8 4 9 quatuor. s 0US ia i0j de 4 S3 8 je concordat par abandon était-il
obligatoire.
849 quinto. Inconvénients et abus que la loi de 1856 est venue
effacer.
8 4 9 s«to. Formes du concordat par abandon.
849 soptimo. Ses effets quant à la personne du failli.
849 octavo. Quant aux biens.
849 uono.
Objet de la dernière disposition.
849 decimo. Comment et dans quels cas le concordat par abandon
est-il annulé ou résilié.
849 undecimo. Le concordat par abandon fait-il cesser l ’attribu
tion de compétence du tribunal de la faillite?
849 duodecimo. Les syndics peuvent-ils poursuivre l'action en rap
port des sommes payées en temps suspect?
845.
— Dans la définition que le législateur nous
a lui-même donnée de la cession , celle-ci est qualifiée
l’abandon qu’un débiteur fait de tous ses biens à ses
créanciers, lorsqu’il se trouve hors d’état de payer ses
dettes l.
Il résulte évidemment de ces termes, que le commer
çant dont la faillite avait été déclarée ne pouvait recourir
1 A rticle 1265 du Code civil,
�442
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
à ce mode de libération tant que la liquidation n’était
pas terminée. Il é tait, en effet, dans l’impossibilité de
consentir l’abandon de ses biens, le jugement déclaratif
les ayant transportés de plein droit à ses créanciers.
D’autre p a r t, à cette époque la cession était inutile ;
elle n’avait pas pour effet de libérer complètement le
failli ; elle l’exonérait seulement de la contrainte par
corps l. Or , vis-à-vis des créanciers individuellement
cet effet était produit par l’état de faillite.
Ce n’était donc qu’après la dissolution de l’union, ou
avant la déclaration de la faillite qu’un commerçant
pouvait utilement invoquer le bénéfice de cession.
La cession de biens éiait volontaire ou judiciaire :
dans le premier cas son effet était réglé par la transac
tion ; dans le second, par la lo is.
La cession judiciaire était consacrée contre le vœu et
malgré l’opposition des créanciers. La loi avait voulu
ainsi arracher à toute contrainte personnelle les débiteurs
malheureux et de bonne foi.
8 4 4 . — Les conséquences de l’excusabilité , telles
qu’elles sont déterminées par les articles précédents,
rendaient la cession de biens superflue. L’article 541
n’est donc que la déduction logique de l’article 539.
8 4 5 . — Toutefois, il faut remarquer que l’abolition
de la cession n’a pas été restreinte au cas de faillite.
Notre article l’étend à tous les débiteurs commerciaux.
Il n’y a donc plus pour les commerçants qu’une seule
1 A rticle 1270 du Code civil.
2 A rticles 1269, 1270 du Code civil.
�art.
541.
443
voie pour sortir d’une déconfiture : celle de la [faillite
qui doit amener la déclaration d’excusabilité.
846.
— Les motifs qui ont déterminé le législateur
à adopter ce système méritent une entière approbation.
Ils ne sont, d’ailleurs, que l’exécution littérale d’un prin
cipe qui n’a jamais soulevé la moindre opposition.
Le débiteur qui réunit ses créanciers à l’effet de leur
abandonner ses biens, se déclare lui-même insolvable et
prouve qu’il est dans l’impossibilité de faire face à ses
engagements. Il est dès lors évident que s’il a continué
ses paiements, il ne pourra plus le faire à l’avenir. Il
est donc en état de faillite, d’autant plus que nous avons
déjà vu que la cessation des paiements peut résulter de
la circulaire dans laquelle le débiteur demande un ater
moiement. A plus forte raison le déciderait-on ainsi,
lorsqu’au lieu d’un simple retard, c’est l’acceptation d’u
ne cession de biens qui est sollicitée.
En cet état, la position du débiteur est nettement tran
chée par l’article 437. Elle appartient à la loi spéciale
dont l’application est commandée par l’intérêt public et
privé. Or , la cession avant la déclaration de la faillite
ne pouvait avoir d’autre objet que de se soustraire à
cette application. De là des inconvénients graves. L’état
des affaires du débiteur ne pouvait, à cette époque, être
sainement apprécié. Les créanciers n ’avaient pu ni l’ex
plorer , ni le faire vérifier par des mandataires ; ils se
trouvaient donc dans l’impossibilité de découvrir et de
signaler les fraudes que le débiteur avait pu commettre,
et de contester utilement les malheurs qu’il prétendait
avoir essuyés.
�444
DES FA ILLITES E T
BANQUEROUTES
En rendant désormais la déclaration judiciaire de la
faillite inévitable et forcée , la loi actuelle s’est précau
tionnée contre ces inconvénients. Il est difficile que la
mission confiée au juge-commissaire et aux syndics ne
produise pas, enfin, quelques lumières sur les actes du
failli. La fraude qui échappe au premier coup d’œil finit
par se trahir devant les investigations profondes des par
ties intéressées. Celte crainte qui doit préoccuper le dé
biteur , la certitude de la réparation que la justice ne
manquerait pas d’exiger sont de nature à le retenir dans
les bornes de la loyauté , à arrêter ceux qui pourraient
vouloir devenir ses complices , à garantir enfin l’intérêt
des créanciers, celui de la société tout entière en empê
chant les faillites par spéculation.
8 4 7 . — Après la dissolution de l’union , la cession
de biens telle que l’organisait le Code ne répondait à
aucune exigence véritablement utile, n’avait aucune ré
alité dans l’objet qu’elle se proposait. Le débiteur sor
tait à peine de l’état de faillite entièrement dépouillé de
tous ses biens; quels étaient donc ceux qu’il pouvait abandonner ? Dès lors, si les créanciers quoique ne re
cevant rien étaient contraints de consentir la cession, il
était beaucoup plus rationnel d’arriver à ce résultat en
évitant une instance longue et coûteuse. La disposition
de l’article 539 est donc encore, sous ce rapport, d’une
utilité incontestable.
8 4 8 . — Enfin et sous le rapport de l’autorité appe
lée à prononcer , l’abolition de la cession répond à un
vœu dès longtemps exprimé. La connaissance de la ces
sion , même après la faillite , était déférée au tribunal
�art.
541.
445
civil. Ainsi, la conduite du failli, la moralité de la fail
lite , ses circonstances étaient soumises à l’appréciation
de magistrats qui n’avaient jamais eu à s’en occuper, et
qui ne pouvaient profiter de la connaissance qu’en avait
acquise le juge-commissaire. Un pareil état de choses
justement relevé par les hommes spéciaux rendait les
surprises beaucoup plus faciles. On pouvait, par des al
légations plus ou moins exactes, égarer la religion du
tribunal et en obtenir une décision erronée soit pour,
soit contre le failli.
Le remplacement de la cession par la déclaration d’excusabilité ; l’examen de celle-ci laissé d’abord aux cré
anciers et ensuite au tribunal de commerce ; la faculté
pour celui-ci de ne pas se conformer à l’avis des pre
miers rendent à la mesure qu’il s’agit de sanctionner son
véritable caractère. Le juge devant lequel la faillite s’est
déroulée est essentiellement le plus capable de prononcer
sur l’avenir du failli. Le concours du juge-commissaire
à ce jugement suprême lui assure, d’ailleurs, les éléments
de certitude que la part active que ce magistrat a prise
à toutes les opérations de la faillite l’a mis à même d’ac
quérir.
849.
— La disposition prohibitive de l’article 541
ne concerne que la cession judiciaire. Il e s t, en effet,
certain qu’avant la faillite comme après la dissolution
de l’union, le débiteur capable de tous les actes de la vie
civile peut transiger avec ses créanciers ; que de leur
côté ceux-ci sont libres de consentir tels sacrifices qu’ils
jugent convenables, et notamment de renoncer à l’exer
cice de 1 a contrainte par corps. Mais lq validité de la
�446
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
cession d’une part, de ses conditions de l’autre, ne pour
rait être opposé qu’à ceux qui auraient été réellement
parties. Elle ne saurait nuire aux créanciers qui n’au
raient pas voulu y souscrire, et qui pourraient toujours
exécuter la personne et les biens cédés au mépris de
leurs droits.
8 4 9 bis. — Quelle est l’étendue de la prohibition de
l’article 541 ; régit-elle non-seulement la cession judi
ciaire, mais encore la cession amiablement acceptée par
les créanciers?
La solution de cette question que la pratique fît bien
tôt surgir, semblerait ne devoir rencontrer ni contradic
tion ni doute. Tant qu’il n’est pas déclaré en faillite le
commerçant jouit de sa capacité légale ; il a la libre ad
ministration de ses biens ; il peut en disposer , sauf les
restrictions que créent les articles 446 et suivants. Mais
évidemment, l’abandon de ces biens fait à tous les cré
anciers et devant leur être répartis à tous également, ne
saurait être querelé au point de vue de ces articles, ni
régi par leurs dispositions. Qui pourrait, d’ailleurs, en
invoquer le bénéfice , si tous les créanciers sans excep
tion adhèrent au traité? Or, cette adhésion unanime est
la condition sine qua non de sa validité.
Du côté des créanciers pourrait-il y avoir des difficul
tés sérieuses. L’acceptation de la cession de biens impli
que de leur part la remise partielle de la dette, la renon
ciation à exercer la contrainte par corps, à poursuivre la
déclaration de faillite. Or, tout cela n’intéresse en rien
la morale ni Tordre public , n’a rien de contraire à la
loi. Ce ne sont là que des avantages particuliers que
�ART.
S41.
447
ceux qui sont appelés à en profiter peuvent à leur gré
répudier.
Contesterait-on la légalité du traité amiable intervenu
avant la déclaration de faillite entre le débiteur et tous
ses créanciers dans l’objet d’atermoyer la dette ou de la
réduire ? Or, la cession de biens offerte et acceptée dans
les mêmes circonstances n’est que ce traité amiable à
des conditions spéciales. On doit donc la déclarer valable
et obligatoire, comme on ferait de celui-ci.
Le contraire a été cependant soutenu, et on a invoqué
la doctrine de M. Renouard. Cet honorable magistrat,
après avoir rappelé que la cession des biens était permise
aux commerçants par le Code de 1807, ajoute, en effet:
La loi de 1838 a été plus conséquente ; elle s’est gardée
d’ouvrir elle-même de faux-fuyants à qui voudrait l’é
luder , et elle a généralisé pour tous les débiteurs com
merçants la législation des faillites en leur interdisant
la cession de biens. Si l’abandon, des biens du débiteur
est volontairement accepté par tous les créanciers , ce
sera la condition du concordat1.
Ne permettre à tous les créanciers la faculté de s’en
tendre avec le débiteur que par le concordat, c’est leur
refuser le droit de le faire avant la faillite ; c’est rendre
la déclaration de faillite inévitable, alors même que les
créanciers auraient l’intérêt le plus évident à l’empê
cher. Est-ce là réellement ce qu’a pu vouloir, ce qu’a
voulu le législateur ? Nous ne saurions le croire.
La déclaration de la faillite et les formalités qu’elle
entraîne n ’ont d’autre objet que l’intérêt des créanciers.
i Sur l ’article 541
�448
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Or, qui peut mieux apprécier cet intérêt que les créan
ciers eux-mêmes.
Quel sera, d’ailleurs, le résultat de la faillite? On ne
peut en imaginer un plus favorable que celui qui met
les créanciers en possession de l’universalité de l’actif du
débiteur. Mais si ce résultat peut être atteint immédia
tement par un accord amiable, comment leur interdire
le droit de l’accepter et les contraindre à subir les lon
gueurs et les frais de la faillite.
La cession de biens n’a en elle-même rien d’injuste
ni d’odieux. Ce qu’on peut lui reprocher c’est de s’im
poser aux créanciers malgré leur volonté et contre leur
vœu. Or, cette contrainte n’est attachée qu’à la cession
judiciaire. C’est donc celle-ci seule que l’article 541 a
entendu et voulu proscrire.
Le but principal de sa disposition a été de mettre un
terme au grave inconvénient qui naissait de la possibilité
pour le débiteur commerçant de réclamer judiciairement
le bénéfice de cession, ce qui, dit M. Dalloz, entraînait
une grande complication dans la position respective du
commerçant et de ses créanciers. Il en résultait notam
ment que ces derniers étaient obligés de défendre devant
le tribunal civil à la cession de biens demandée par le
débiteur, en même temps qu’ils avaient saisi le tribunal
de commerce d’une action en déclaration de faillite. Ce
qui pouvait aboutir, d’une part, à l’admission au béné
fice de cession de biens, de l’autre, à une déclaration de
faillite.
On comprend que le législateur ait voulu remédier à
une pareille anomalie, prévenir la possibilité d’une telle
�449
ART. 8 4 1 .
contradiction. Mais lui attribuer la pensée de restreindre
le principe de la liberté des transactions , et proscrire
tout accord amiable avant la déclaration de faillite, c’est
ouvertement se méprendre sur ses intentions et lui sup
poser une volonté qu’il n’a jamais eue.
8 4 9 ter. — Le texte même de l’article 541 repousse
cette interprétation. La fin de non recevoir qu’il consa
cre contre toute demande en admission au bénéfice de
cession de biens suppose, en effet, une action en justice
à l’effet de contraindre les créanciers. On ne saurait ni
rationnellement, ni juridiquement l’appliquer aux pro
positions que le débiteur ferait à ses créanciers et que
ceux-ci peuvent toujours accepter ou refuser.
La doctrine de M. Renouard méconnaît donc le texte
et l’esprit de la loi : elle doit dès lors être repoussée.
C’est ce que la cour de cassation a fait en consacrant
celle que nous soutenons, par arrêt du 18 avril 1849 :
« Attendu, dit la cour régulatrice, que la prohibition
faite par l’article 541 d’admettre aucun débiteur com
merçant au bénéfice de cession n’est relative qu’à la
cession de biens judiciaire , laquelle est devenue sans
objet par les dispositions du Code de commerce sur les
faillites; que la preuve de cette distinction se trouve dans
les termes dont se sert l’article 541, et qui supposent
nécessairement qu'il s’agit d ’une demande en justice for
mée par le débiteur, et que le tribunal est appelé à ap
précier ;
» Attendu que l’intention du législateur n’a pu être
d’intêrdire entre un négociant à la tête de ses affaires,
jouissant de tous ses droits, et ses créanciers, une conii — 29
�450
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
vention qui a pour effet d’assurer la liberté d’un débi
teur de bonne foi de le garantir de la honte d’une faillite,
tout en réservant dans son actif l’intégralité du gage
sur lequel ils ont dû compter.1 »
8 4 9 quatuor. — La faillite déclarée et les formalités
préalables remplies, pouvait-il intervenir un traité libé
rant le failli de toute contrainte par corps au moyen d’u
ne cession de biens ? Ce traité réunissant la majorité en
nombre et en sommes lierait-il les dissidents ?
On a soutenu la négative , par la raison que ce ne
serait là que la cession de biens prohibée ; que sous la
couleur d’un concordat se cachait un contrat d’union
déguisé , dans le but unique de soustraire le débiteur à
la nécessité de la déclaration d’excusabilité et au contrôle
que le tribunal était appelé à exercer sur cette déclaration.
Ces objections n’avaient aucun fondement sérieux. La
loi en autorisant le concordat n’a nullement limité les
stipulations qui pourraient en former la base. Elle n’au
rait pu le faire sans gêner la liberté des transactions.
Les créanciers n’ont d’autre règle que leur intérêt et
leurs convenances ; et puisque en cette matière la volonté
exprimée par les majorités requises s’impose à la mino
rité , faut-il bien que celle-ci subisse la loi telle qu’elle
est édictée.
Le contrôle du tribunal de commerce ne sera pas élu
dé. A défaut de porter sur la déclaration d’excusabilité,
il s’exercera sur le concordat. Le pouvoir de refuser
l’homologation soit d’office , soit sur l’opposition de la
1 D. P ., 49, 1, n o .
�art.
541.
451
minorité sauvegarde et garantit contre tout abus, contre
toute surprise.
8 4 9 q u in to . _ Ainsi, l’article 541 qui avait supprimé
la cession de biens pour le commerçant, ne l’avait pas
fait sortir des habitudes et des usages. La pratique com
merciale continuait de l’admettre soit av an t, soit après
la déclaration de faillite. Cette pratique consacrée par la
cour de cassation elle-même était recommandée par la
magistrature consulaire. Le tribunal de commerce de
Paris, par deux délibérations en assemblée générale, en
signalait la convenance et l’ulilité.
Cet état des choses appelait l’attention du législateur.
Il fallait, puisque le principe était un besoin réel, l’in
troduire dans la loi, et, en se l’appropriant, lui tracer des
règles de nature à faire disparaître les inconvénients que
leur absence rendait inséparables d’une application pu
rement arbitraire.
Ces inconvénients , l’exposé des motifs de la loi de
1856 les énumère et les divulgue. « A défaut de toute
règle, le soin de la liquidation était remis à des commis
saires choisis parmi les créanciers ; la surveillance du
juge-commissaire n’existant plus , il en résultait que les
mandataires sans responsabilité, sans contrôle, commer
çants eux-mêmes, préoccupés avant tout du soin de leurs
affaires, manquaient de temps ou d’expérience ou quel
quefois même de scrupuleuse probité; étrangers souvent
aux affaires, ils se laissaient diriger par des conseils
quelquefois plus dangereux qu’utiles et toujours oné
reux ; ils encaissaient des sommes qu’ils pouvaient con
server un temps indéterminé ; ils retardaient indéfini-
�452
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ment la reddition de leur compte, et quand ils le faisaient
c’était sans ordre, sans régularité, sans garantie pour les
autres créanciers et surtout pour le failli. Enfin si leur
gestion était mauvaise, il était difficile de les remplacer.
La loi ne prescrivant rien, tout était arbitraire. »
Il fallait donc ou prohiber absolument le concordat
par abandon de biens malgré son utilité reconnue, ou
le conserver en principe, mais en lui traçant des règles
et une forme capables de mettre un terme à tous ces in
convénients. C’est ce dernier parti dont l’assemblée lé
gislative avait pris l’initiative en adoptant, avec l’adhé
sion du garde des sceaux, une proposition dans ce sens
proposée et développée par M. Bravard-Veyrières. C’est
ce que vint consacrer enfin la loi des 17-23 juillet 1856.
8 4 9 sexto. — L’abandon de biens est désormais ins
crit dans la législation. Mais, en l’élevant à la hauteur
du concordat, en lui en attribuant tous les effets on a
subordonné son adoption aux conditions prescrites pour
celle du concordat lui-même et qui ont pour objet d’en
garantir la sincérité.
Ainsi, il ne pourra être proposé et accepté qu’après
l’accomplissement de toutes les formalités auxquelles don
ne lieu le jugement déclaratif, notamment la vérification
et affirmation des créances. Il doit être délibéré en as
semblée générale sous la présidence du juge-commis
saire ; être voté séance tenante, et réunir la majorité en
nombre et en sommes, sauf renvoi à huitaine s’il n ’a
obtenu qu’une de ces majorités ; enfin être homologué
par le tribunal de commerce après l’expiration du délai
laissé aux dissidents pour y former opposition.
�)
art.
841.
453
84-9 septim o. — Le concordat par abandon de biens
régulièrement intervenu est obligatoire pour tous les cré
anciers antérieurs à la faillite, sans distinction entre ceux
qui ont pris part à la délibération et qui l’ont admis,
et ceux qui se sont abstenus ou qui l’ont repoussé. L’ho
mologation prononcée sur ou sans opposition le rend
définitif et inattaquable. Ses effets quant à la personne
du failli sont les mêmes que ceux du concordat ordi
naire; c’est-à dire qu’il est civilement libéré de la dette,
quel que soit le résultat de la liquidation des biens aban
donnés ; qu’à raison du solde qui resterait dû aux cré
anciers il ne peut plus être recherché ni sur les biens
qu’il a conservés si l’abandon a été partiel, ni sur ceux
qui pourront lui échoir plus tard si l’abandon à été total.
Sous ce rapport, donc, le concordat par abandon est
plus utile, plus efficace que la cession de biens. Celle-ci,
en effet, ne libère le débiteur que jusqu’à concurrence
de ce que les créanciers ont réellement touché , et ses
biens à venir restent affectés au surplus de la dette.
A cet avantage s’en joint un second. La cession de
biens comprend forcément l’universalité de ceux actuel
lement possédés par le débiteur. Le concordat par aban
don peut n’être que partiel. La loi a dû s’en remettre, à
cet égard, à la décision des créanciers. Elle leur permet
de venir en aide à la bonne foi et au malheur, et de fa
ciliter ainsi une réhabilitation que la certitude de l’un
et de l’autre fait espérer. Notons bien , en effet, que,
comme le concordataire ordinaire, le failli qui a aban
donné ses biens n’est exonéré des incapacités que la fail
lite fait peser sur lui que par la réhabilitation.
�454
DES FA ILLITES ET BANQUEROUTES
La loi de 1 856 fait donc mieux et plus que de réta
blir la cession de biens. Ce qui la rend irréprochable
même à ce point de vue c’est que, contrairement à ce
qui se pratique pour celle-ci, le concordat par abandon
ne peut exister que par son acceptation spontanée par
la majorité des créanciers en nombre et en sommes ; que
les tribunaux qui ne peuvent jamais l’imposer demeurent
investis du droit de le repousser en refusant l’homolo
gation soit d’office, soit sur l’opposition d’un ou de plu
sieurs créanciers.
8 4 9 octavo. — Quant aux biens, le concordat par abandon n’est qu’un véritable contrat d’union: Ainsi, ceux
qui sont abandonnés sont régis , administrés et vendus
par les syndics dans la forme et aux mêmes conditions
que celles imposées aux syndics de l’union.
849 nono, — Le caractère de l’abandon exigeait qu’on
s’expliquât sur le droit d’enregistrement dont l’acte est
passible. La régie considérant la cession de biens comme
une transmission de propriété percevait le droit de mu
tation, indépendamment de celui de quittance sur la va
leur totale des biens, alors même que ces biens étaient
grevés d’hypothèques au delà de cette valeur.
Ainsi,la masse payait une somme considérable et sou
vent au profit exclusif des créanciers hypothécaires , et
voyait ainsi sa perte s’accroître d’autant. Le législateur
de 1856 eu assimilant fort justement le concordat par
abandon à l’union n’autorise , pour l’un , que le droit
d’enregistrement à prélever sur l’autre.
8 4 9 decimo. — Aux termes de l’article 541, le con
cordat par abandon sera résolu et annulé de la même
�ART.
54-1.
m
manière que le concordat ordinaire. Nous comprenons
une annulation pour dol , fraude ou banqueroute frau
duleuse ; mais la résolution pour inexécution est plus
difficile à entrevoir et à supposer.
En effet, jusqu’à l’homologation du concordat lesbiens
du failli sont dans les mains des syndics. Il ne les re
prend qu’en force du concordat lui - même. Or , si ce
concordat consacre leur abandon, il est évident que les
syndics n’auront pas à en faire la remise, et que la ré
tention des biens constituerait l’exécution pleine et en
tière du concordat.
La dissimulation par laquelle le failli aurait gardé par
devant lui une partie quelconque de ses biens constitue
rait le détournement de l’actif, c’est-à-dire , non une
simple inexécution , mais une banqueroute frauduleuse
qui motiverait l’annulation du concordat.
8 4 9 undecim o. — Le paragraphe 7 de l’article 59 du
Code de procédure civile défère au tribunal de la faillite
la connaissance des actions nées de la faillite ou à son
occasion. Au nombredeces actions se place évidemment
celle en rapport des sommes reçues contrairement aux
articles 446 et 447. Elle a, en effet, si bien son fonde
ment dans la faillite que, sans son événement, elle n’eût
jamais existé. En conséquence, le défendeur appelé de
vant le tribunal de la faillite ne serait ni recevable ni
fondé à en décliner la compétence à raison du domicile.
La question de savoir s’il en était ainsi après concor
dat ne pouvait naître que dans l’hypothèse d’unconcordat
par abandon de biens. Le concordat ordinaire, en effet,
anéantit l’état de faillite. Il n’y a plus ni masse ni syn-
�456
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
dical. Une seule action survit : celle en paiement du di
vidende; mais elle n’appartient qu’à chaque créancier
individuellement, et ne peut être exercée que contre l’an
cien failli.
Le concordat par abandon, s’il libère la personne du
failli, laisse les biens à la disposition des créanciers ; leur
administration continue d’être exclusivement confiée aux
syndics qui les aliènent au nom et profit des créanciers,
et qui restent sous la surveillance du juge-commissaire.
De tout cela , la cour de Besançon concluait que le
concordat par abandon ne fait cesser l’état de faillite
qu’à l’égard du failli ; que les créanciers sont en état
d’union à l’effet de liquider et de répartir entre eux
l’actif abandonné. Elle jugeait, en conséquence, que l’ac
tion des liquidateurs se rattachant à cette liquidation et
devant sa cause à la faillite devait être nécessairement
appréciée par le juge du domicile du failli 1.
Mais, comment concevoir une faillite sans un failli.
N’est-ce pas exclusivement pour le débiteur que l’état
de faillite se réalise. Donc , en consentant à le relâcher
de ses liens les créanciers ont par cela même absolument
fait disparaître cet état.
Ce qui a survécu c’est une communauté d’intérêts
dont la liquidation doit être opérée par des mandataires
légaux. Le droit de ceux-ci à actionner les communistes
pour les contraindre à restituer la partie de l'actif qu’ils
détiendraient indûment est évident et incontestable. Mais
son exercice , quant au juge à investir , n ’est plus régi
par le paragraphe 7 de l’article 59 du Code de precéI 83 raar» 4885, — D.P,, 55, 8, 834.
�art.
541.
457
dure civile. Il obéit au contraire à la règle que nul ne
doit et ne peut être distrait de son juge naturel.
Aussi, la cour de cassation , par arrêt du 14 avril
1856 , rendu après délibération en chambre de conseil,
cassait-elle l’arêt de Besançon comme ayant faussement
appliqué et violé l’art. 59 du Code de procédure civile *.
Plus tard et par arrêt du 16 décembre 1856, la cour
de Colmar devant laquelle parties et matière avaient été
renvoyées jugeait dans le sens consacré par la cour su
prême a.
— On a agité la question de savoir
si , après le concordat par abandon d’actif , les syndics
sont recevables soit à intenter l’action en rapport des
sommes payées en temps suspect et indûment reçues,
soit à suivre l’instance qu’ils auraient déjà introduite à
ce sujet.
Pour la négative on a prétendu que par l’abandon et
la cession de ses biens le failli s’e s t, pour ce qui les
concerne, substitué les créanciers ; que ceux-ci sont de
venus ses représentants, ses ayants cause passibles de
toutes les exceptions qui lui étaient opposables et n’ayant
d’autres droits que ceux qu’il pouvait exercer lui-même;
que dès lors l’action en rapport ne lui ayant jamais
appartenu il n’a pu la transmettre et ne l’a pas trans
mise à ses créanciers.Cette opinion est repoussée par le texte et l’esprit de
la loi de 1856 autorisant le concordat par abandon
d’actif. Sans doute les créanciers n’ont pas trouvé dans
8 4 9 duodecim o.
1 J. du P ., 66, 2, 319 ; — D . P ., 66, 1, 203,
s J . du P ., 1867, p, 18.
�458
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
les biens abandonnés l’action en rapport des articles 446
et 447 du Code de commerce. Mais cette action, la dé
claration de faillite la leur a conférée directement. Elle
leur est donc acquise dès ce moment, et on ne pourrait
leur en prohiber désormais l’exercice qu’en soutenant
qu’ils l’ont aliénée et y ont renoncé en souscrivant le
concordat, ce que personne ne prétendra jamais.
En effet, que cette renonciation s’induise du concor
dat ordinaire , on le comprend. Ce concordat met fin à
l’état de faillite. Le failli reprend l’administration de ses
biens : il n’y a plus de masse, plus de juge-commissaire,
plus de syndics. Ceux-ci n’ont plus qu’à rendre compte
de leur gestion. Comment en cet état supposer qu’il
puisse être question d’introduire et de faire valoir une
action attachée à l’état de faillite ?
Le concordat par abandon d’actif, au contraire, laisse
cet état se continuer quant aux biens et droits abandon
nés. Ces biens doivent être régis et administrés dans
l’intérêt de la masse par les syndics sous la surveillance
du juge-commissaire. En réalité donc , si le concordat
par abandon libère la personne du failli sans qu’on ait
à statuer plus tard sur son excusabilité, il place les biens
sous le régime de l’union ; et dans la mission de les
réaliser qui leur est confiée , les syndics agissent non
comme représentants le failli, mais comme mandataires
de la masse seule propriétaire des biens abandonnés.
C’est ce qui résulte invinciblement de l’appel que le nou
vel article 541 fait aux articles 529, 532, 533, 534,
535. 536 et 537 du Code de commerce, appel qui fai
sait dire au rapporteur de la loi de 1856 : « Les biens
\
�ART.
541.
4S9
»
»
»
»
abandonnés aux créanciers seront désormais gérés et
administrés comme ils le sont sous le régime de l'union. La liquidation sera faite par des syndics sous la
surveillance d’un juge-commissaire. »
De ces effets spéciaux du concordat par abandon d’ac
tif, la cour de Rennes induisait avec raison que l’action
en rapport contre les créanciers qui ont reçu en temps
suspect pouvait être exercée par les syndics après comme
avant le concordat, cette action ayant pour but le main
tien de l’égalité entre tous les créanciers de la même
faillite, elle ne saurait rencontrer aucun obstacle dès que
la quotité afférant à chacun de ces créanciers ne sera
déterminée que par le résultat final de la liquidation.
Dans l'espèce de l’arrêt de Rennes le tribunal de com
merce avait repoussé l’action des syndics , par le motif
que le rapport ne pouvait plus profiter qu’au failli qui
n’a jamais pu l’exercer.
A cette objection la cpur répond que « le rapport de» mandé après comme avant l’abandon au nom et dans
» l’intérêt de la masse n’a jamais pu profiler qu’à elle,
» puisque la somme à rapporter a toujours dû être en» caissée par le syndic, pour ensuite être répartie entre
» ceux-là seuls qui composent la masse; que le failli
» ne peut en profiter que comme de toutes les autres
» sommes encaisssées par le syndic à quelque titre que
» ce s o it, qui toutes ont également pour effet d’aug» menter le dividende revenant à chaque créancier.1 »
Nous admettons donc avec la cour de Rennes que
1 J . du P ., 1861, p. 817.
�460
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
l’action en rapport des sommes indûment payées peut
être soit intentée, soit suivie après concordat par aban
don d’actif ; mais à la condition que l’abandon aura été
total et absolu. S’il n’est que partiel, il ne porte que sur
les objets déterminés ; la masse ne peut prétendre h
rien autre. Conséquemment , si l’action en rapport n’y
est pas nommément comprise, les syndics n’ont ni droit
ni qualité pour l’exercer ou pour la suivre.
CHAPITRE VII
BES
D IF F É R E N T E S
LEURS
ESPÈCES
D R O IT S
EN
DE
CAS
C R E A N C IE R S
DE
ET
DE
F A IL L IT E
SECTION Ir*
DES
O O O B L1G ÉB
ET
DES
C A U T IO N S
A r t . 542.
Le c ré a n c ie r p o r t e u r d 'e n g a g e m e n ts so u sc rits,
e n d o ssé s ou g a r a n t is s o lid a ir e m e n t p a r le fa illi et
d ’a u tre s c o o b lig é s q u i so n t en fa illite , p a r tic ip e ra
a u x d is t r ib u t io n s d a n s toutes le s m a sse s , et y fi
g u r e r a p o u r la v a le u r n o m in a le de son tit r e , ju s
q u 'à p a r fa it p aiem en t.
A r t . 543.
A ucun r e c o u r s p o u r ra is o n des d iv id e n d e s payés
n ’est o u v e rt a u x fa illite s d es c o o b lig é s les u n es
c o n tre le s a u t r e s , si ce n ’est lo r s q u e la ré u n io n
d e s d iv id e n d e s qu e d o n n e ra ie n t ces fa illit e s excé
d e r a it le m o n ta n t to tal de la c ré a n c e en p rin c ip a l
et a ccesso ires, a u q u e l cas cet e x cé d an t s e r a dévolu,
su iv a n t l'o r d r e d es e n g ag e m en ts , h ceux d es co
o b lig é s q u i a u r a ie n t le s a u t r e s p o u r g a ra n ts .
�A RT.
542, 543.
461
SOMMAIRE
850.
851.
852.
853.
854.
855.
856.
857.
858.
859.
860.
861.
862.
863.
864.
865.
Il existe dans chaque faillite diverses classes de créanciers.
Comment on les distingue.
Droits des créanciers contre les débiteurs solidaires. Con
séquences des paiements partiels faits par l ’un d'eux.
Exception en matière de faillite.
Motifs de la dérogation créée par l’article 542 aux princi
pes ordinaires.
Le droit de produire dans la faillite de chaque coobligé est
laissé à l’arbitrage du créancier.
Il peut poursuivre ceux qui sont demeurés solvables pour
l’intégralité de la dette.
Mais si avant il avait produit dans les faillites, il ne pour
rait leur demander que le solde encore dû jusqu’à par
fait paiement.
Ces termes comprennent, dans l’intention de la loi, le solde
des intérêts et frais. Comment se règlent les premiers.
Le droit de produire dans la faillite de chaque coobligé pour
la totalité de la dette n’existe que lorsque celle-ci est
due solidairement. Dans ce cas il est absolu.
Ainsi, la répartition ordonnancée dans la faillite d ’une cau
tion, même avant l ’échéance, devrait comprendre le cré
ancier qui se serait fait admettre.
Comment s’exerce l’action en recours soit des faillites entre
elles,soit de la part des coobligés solvables qui ont payé
La loi la prohibe aux unes et aux autres, lorsque le créan
cier a retiré dans chaque faillite le dividende auquel il
avait droit. Motifs.
Conséquences par rapport aux obligés demeurés solvables.
Mais cette prohibition ne concerne que la masse et nulle
ment le coobligé lui-même.
Nature de l’obligation qui lui serait imposée s’il voulait
obtenir sa réhabilitation.
On suivait sous le Code de commerce les mêmes principes,
bien qu’ils ne fussent pas textuellement écrits dans la loi.
�462
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
866. Arrêt de la cour de Paris. Singulière contradiction dans ses
dispositions.
Preuve de cette contradiction.
Dans tous les cas le système de cet arrêt est aujourd’hui
proscrit par l ’article 542.
869. L’excédant produit par les dividendes dans les diverses
faillites est attribué dans l ’ordre des engagements au
codébiteur qui aurait les autres pour garants.
870. Application de cette disposition aux titres ordinaires.
871. Aux titres commerciaux. Droits des souscripteurs , accep
teurs et endosseurs.
872. Ordre dans lequel la dévolution s’opère entre ces derniers.
873'. A qui profite cet excédant du tireur pour compte ou de
l ’accepteur ?
874. Obligations du porteur en cas d’excédant. Droit du premier
appelé é le recueillir.
867.
868.
850- — Il existe dans les faillites diverses classes de
créanciers : elles se distinguent par les facultés attachées
aux titres en vertu desquels elles agissent. Tels sont les
créanciers hypothécaires, privilégiés sur les meubles ou
les immeubles, nantis de gages ou porteurs d’engage
ments souscrits par plusieurs débiteurs solidaires ou
non. C’est de ces derniers que la loi s’occupe d’abord.
851.
— Tous les débiteurs solidaires sont tenus de
l’intégralité de la dette. Le créancier peut à son gré les
contraindre individuellement, s’adresser à celui qu’il lui
plaît de choisir. Mais en thèse ordinaire , les sommes
payées par l’un d’eux font disparaître au profit de tous
une partie équivalente de la dette , de telle sorte que le
créancier ne peut jamais demander aux autres que le
solde encore dû.
De plus, chaque débiteur solidaire n’est tenu envers
�ART.
542, 543.
463
ses codébiteurs qu’au paiement de sa part et portion ; et
s’il a réellement payé une plus forte somme, il a action
contre ces derniers pour les contraindre à lui restituer
la part qui les concerne l.
852.
— Une double exception a été consacrée à ces
deux derniers principes, lorsque les débiteurs ont été
déclarés en faillite. C’est ce que règlent nos deux dispo
sitions actuelles.
Ainsi, le porteur d’un titre souscrit par plusieurs dé
biteurs faillis a le droit de se présenter à la faillite de
chacun d’eux , de se faire admettre au passif pour la
totalité de sa créance, et de retirer dans chacune d’elles
le dividende sur l’intégralité de la dette. On ne saurait
l’obliger à précompter le montant des répartitions aux
quelles il a concouru, alors même qu’au moment où il
demande son admission une ou plusieurs des faillites se
trouvassent liquidées.
Exemple : Paul est créancier d’une somme de 10,000
francs de Jacques, de Pierre et de Joseph. Au moment
où la faillite de ce dernier s’ouvre , celle de Jacques et
de Pierre a déjà produit un dividende de 50 % qui a
été touché par Paul. Celui-ci n’est donc plus créancier
en réalité que de 5,000 fr. Cependant, il doit être ad
mis au passif de Joseph pour 10,000 fr., montant inté
gral de la créance originaire. Or, il est cependant cer
tain que si aucun des débiteurs n’était tombé en faillite,
les 5,000 fr. payés par l’un d’eux auraient réduit d’au
tant les droits de Paul qui ne pourrait plus exiger que
les 5,000 fr. restants.
1 V oy.
articles
1200
et
suiv.
du Code civ il.
�464
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
853.
— L’arlicle 542 contient donc une dérogation
au droit commun. Mais il est facile de s’en rendre compte
en recherchant les modifications que la faillite des dé
biteurs impose dans les relations ultérieures entre eux et
leurs créanciers.
Le porteur d’une créance solidairement due a le droit
de se faire intégralement payer par ses débiteurs. Or,
tant que ceux-ci sont solvables il y a certitude que ce
paiement se réalisera. En conséquence, lorsque le cré
ancier s’adresse à l’un d’eux pour l’exiger , tout ce qu’il
doit obtenir c’est ce qui lui reste d û , prélèvement fait
des à-comptes déjà reçus. L’autoriser à se faire payer
l’intégralité de la dette sans égard pour ce que les au
tres débiteurs lui ont compté, ce serait l’autoriser à re
cevoir plus qu’il ne peut demander.
Lorsque tous les débiteurs sont en faillite, le droit du
créancier d’exiger un paiement intégral n’en existe pas
moins ; mais la faculté de l’obtenir est singulièrement
altérée. Il ne recevra dans chaque faillite qu’un divi
dende plus ou moins considérable. Or , si ce dividende
était déduit dans les diverses faillites , s’il n’était admis
dans chacune que pour le solde résultant de cette dé
duction , il est certain d’avance qu’il n’obtiendrait ja
mais le paiement total de ce qui lui est dû au mépris du
droit que sa qualité lui assure.
C’est donc par respect de ce droit que la loi lui laisse
la faculté de se faire admettre dans la faillite de^chacun
de ses débiteurs pour la totalité de ce qui lui est dû et
de retirer un dividende proportionnel jusqu’à parfait
paiement. Cette faculté n’est que la conséquence de la
�art.
842, 843.
465
solidarité qui lie les débiteurs. S’il est vrai que chacun
d’eux est tenu de toute la dette , il n’y a rien d’exorbi
tant à exiger qu’à eux tous ils la payent en entier.
8 5 4 . — L’exercice de cette faculté est entièrement
laissé à l’arbitrage du créancier. Il peut sans s’astrein
dre ni à la nature, ni à l’ordre des engagements s’adres
ser à telle ou telle faillite ; produire dans l’une, s’abste
nir dans l’autre , sans qu’on pût l’obliger à rechercher
d’abord le débiteur principal, ensuite la caution. Dès
qu’il y a faillite , les droits même simplement éventuels
s’ouvrent en faveur du créancier qui peut immédiate
ment les faire utilement valoir , sauf l’action récursoire
des coobligés ou cautions, telle qu’elle va être établie
plus bas.
8 5 5 . — Si parmi les coobligés ou cautions il en est
qui ne soient pas en état de faillite, ils continuent à être
tenus intégralement de la dette. Le créancier peut in
différemment leur demander paiement, ou produire d’a
bord dans la faillite des autres. Dans le premier cas,
celui ou ceux qui auraient opéré ce paiement seraient
subrogés aux droits du créancier qu’ils pourraient faire
valoir dans les faillites de leurs codébiteurs1.
8 5 6 . — Si avant de recourir contre les obligés sol
vables le porteur de la créance avait produit dans les
faillites des autres codébiteurs solidaires, les dividendes
qu’il aurait touchés devraient être prélevés sur le mon
tant de la dette dont il ne pourrait demander que le
solde. La raison en est simple. Si la loi permet au créi V oy.
infra
n° 862.
h
- - 30
�466
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ancier de produire dans chaque faillite pour l’intégralité
de ce qui lui est dû, c’est pour lui fournir le moyen d’en
être payé par la réunion des dividendes. Or, si ce paie
ment complet est assuré, il faut revenir au principe or
dinaire dont le législateur ne s’est écarté que dans l’hy
pothèse de la faillite de tous les obligés solidaires. Ce
résultat se réalise lorsque quelques-uns d’entre eux sont
encore solvables. Tenus à tout payer lorsque le créancier
n’a rien reçu, ces derniers sont obligés de le rendre in
demne dans tous les cas, mais non de lui faire avoir au
delà de ce qu’il a droit d’exiger ; c’est cependant ce qui
arriverait si les dividendes touchés dans les faillites n ’a
vaient pas éteint à leur égard une partie correspondante
de la dette.
La loi n’a pu autoriser de près ni de loin un pareil
résultat. Tout ce qu’elle devait faire pour le créancier
c’était de rendre plus probable et plus facile la rentrée
des fonds qu’il avait prêtés. Or, lorsqu’il existe des débi
teurs solvables cette rentrée est certaine. Le paiement du
solde restant dû, prélèvement fait des à-comptes payés
par les codébiteurs, le désintéresse complètement et as
sure ce parfait paiement qu’il a été dans l’intention de
la loi de lui garantir.
857.
— Que faut-il entendre par ces mots de l’arti
cle 542 ? Comprennent-ils non-seulement le principal
de la créance, mais encore ses accessoires naturels, tels
que les intérêts et frais ? C’est dans ce sens que la dis
cussion au conseil d’Etat avait fixé l’étendue de l’article
534 du Code de commerce l. Telle est aussi l’intention
1 Locré, tom e 7, p, 33 et suiv.
�akt.
542, 543.
467
de la loi actuelle. Les intérêts et les frais s’unissent à la
créance , en déterminent le chiffre. Il n ’y a paiement
parfait que lorsque les uns et les autres ont été soldés.
Mais par rapport aux intérêts , il convient de distin
guer : ou tous les obligés sont en état de faillite , ou il
en existe qui sont encore debout. Dans le premier cas,
le cours des intérêts est réglé dans chaque masse au jour
du jugement déclaratif de la faillite h Dans le second,
les débiteurs solvables doivent les intérêts jusqu’au jour
du paiement effectif.
858.
— La faculté laissée au créancier par l’article
54â est une conséquence de la solidarité supposée entre
les débiteurs. Si donc cette solidarité n’existait p a s , si
la dette commune avait été divisée et si chacun des coobligés n’était tenu que de sa part et portion, le créan
cier n’aurait dans les faillites particulières d’autres droits
que ceux qu’il aurait pu exercer contre le débiteur per
sonnellement. Il ne serait admis au passif de chacune
de ceux-ci que pour la part et portion le concernant.
Mais si la dette est solidaire , soit par la convention
des parties soit par la nature du titre , le droit du cré
ancier d’être admis au passif des diverses faillites pour
l’intégralité de ce qui lui est dû est absolu et ne souffre
aucune exception. Ainsi, alors même qu’une des cautions
viendrait à faillir avant l’échéance de la dette, et que le
principal obligé et plusieurs autres cautions étant évi
demment solvables il y aurait certitude de paiement,
l’admission du créancier dans la faillite de la caution ne
pourrait être contestée. On consignerait seulement dans
1 V oy.
supra
a rticle 445.
�468
DES FA ILLITES ET BANQUEROUTES
le procès-verbal et au dos du litre que l’admission n’est
qu’éventuelle. Ses effets tomberaient de plein droit, si à
l’échéance le créancier était désintéressé par les débi
teurs solvables.
8 5 9 . — Si avant cette échéance des répartitions étaient ordonnancées, le créancier éventuellement admis
pourrait-il y prendre part ? L’affirmative ne nous parait
pas douteuse. L’admission n’a pas d’autre objet que la
faculté de concourir à la distribution de l’actif. Celui qui
a fait procéder à la première a donc irrévocablement
acquis le droit de participer à la seconde. D’ailleurs, la
caution solidaire est réellement débitrice , et sa faillite
rendant son engagement exigible le créancier peut à sa
volonté réclamer son paiement. Seulement, comme en
l’état de la solvabilité des autres codébiteurs il y a pro
babilité de paiement à l’échéance, la masse serait fon
dée à exiger que la part afférent au créancier dans les
répartitions restât, jusqu’à cette échéance, déposée dans
la caisse des consignations , ou que le créancier donnât
caution pour sa restitution si le débiteur principalement
obligé exécutait son obligation.
8 6 0 . — Dans tous les cas, la masse de la caution
qui aurait payé serait, jusqu’à concurrence , subrogée
aux droits du créancier contre le débiteur principal et
les autres coobligés solidaires; mais elle ne pourrait les
exercer que dans les limites des engagements de chacun
d’eux et de la même manière que le failli aurait pu le
faire. Ainsi, si la dette était commune entre celui-ci et les
autres débiteurs, elle ne pourrait exiger que la part pro
portionnelle de chacun d’eux dans ce qui dépasserait
�art.
542, 543.
469
celle que le failli devait payer. Si celui-ci n ’était que
caution, comme, par exemple, s’il avait garanti le paie
ment ou endossé le titre, le débiteur principal, les sous
cripteurs de l’effet, l’accepteur et les endosseurs précé
dents seraient tenus de rembourser à la faillite tout ce
qu’elle aurait payé.
Ce que nous disons de l’action récursoire se réalise
lorsqu’à côté des débiteurs faillis, il en existe qui ne le
sont pas. Il en serait autrement si tous les coobligés étaient également en état de faillite. Ici s’applique la dis
position de l’article S43.
861.
— Or, cet article prohibe tout recours à raison
des dividendes payés aux faillites des coobligés les unes
contre les autres, à la condition toutefois que le porteur
du titre ayant produit dans chacune d’elles, y a concouru
à la répartition de l’actif. C’esi là une dérogation for
melle aux principes ordinaires en matière de solidarité
et de cautionnement. D’une part, en effet, en vertu de
l’article 1213 du Code civil, la masse qui aurait payé
50 % pourrait recourir contre celle qui n’en a payé que
dix. De l’autre , la caution qui a soldé une partie quel
conque de l’engagement serait fondée à s’en faire rem
bourser par le débiteur principal ,,aux termes des arti
cles 2028, 2029 et suivants du Code civil.
Mais à côté des rapports entre les codébiteurs entre
eux , la faillite fait surgir un intérêt non moins sacré :
celui des tiers qu’elle compromet. Pour eux, il ne sau
rait jamais exister qu’une seule créance ayant droit à.la
répartition de l’actif. Or, lorsque par le résultat de son
admission au passif celte créance a reçu le dividende
�470
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
proportionnel, il ne lui est plus rien dû , et ce serait
blesser l’égalité que de l’admettre à exiger sous un autre
nom un nouveau dividende. C’est cependant ce qui se
réaliserait si on avait admis l’action récursoire des fail
lites entre elles.La même créance figurerait deux fois dans
le passif : une première fois , pour la totalité en faveur
du créancier ; une seconde fois , pour une partie quel
conque en faveur du codébiteur qui aurait payé une
somme plus forte.
Ainsi, la masse de la faillite aurait à payer deux et
quelquefois trois dividendes selon le nombre des codé
biteurs solidaires, tandis que chacun de ses membres in
dividuellement n’en recevrait qu’un seul. Il n’était pas
possible de consacrer un tel état de choses, et c’est dans
l’intention de le proscrire que l’article 543 a été sanc
tionné.
8 8 2 , — C’est par le même principe qu’il faudrait
régler les droits des codébiteurs solvables qui auraient
payé la dette en tout ou en partie. Nous avons déjà dit
que lorsque parmi les coobligés quelques-uns seulement
sont en état de faillite , le créancier peut : ou se faire
payer intégralement par les autres, ou produire dans les
faillites, et après avoir retiré les dividendes lui revenant,
exiger d’eux la restitution du solde.
Dans la première hypothèse les coobligés sont subro
gés aux droits du créancier. Ils sont recevables à les
exercer dans les faillites de leurs codébiteurs et pren
nent dans chacune d’elles le dividende sur la totalité, si
la dette était exclusive au failli ; sur la portion le concer
nant, si elle est commune.
�A RT.
542, 543.
471
Dans la seconde , la faillite est complètement libérée
par le paiement qu’elle a fait au créancier du dividende
qui est résulté de l’actif. Celui-ci a épuisé son droit. Les
coobligés solvables qui paient le solde restant dû n’ont
plus rien à exiger , quelque minime qu’ait été ce divi
dende, eu égard à ce qu’ils remboursent eux-mêmes. Us
ne peuvent être subrogés à une action qui est éteinte
parce qu’elle a produit tous ses effets.
Remarquons que, dans l’une comme dans l’autre, il
n’existe aucune différence réelle dans le sort des coobli
gés. En effet, dans la première ils auraient payé l’inté
gralité de la dette, et en vertu de la subrogation ils se
raient venus, dans les faillites des codébiteurs, prendre
le dividende qui en serait résulté. Or ils jouiraient, dans
la seconde, de ce même dividende, puisque le créancier
est obligé de leur en tenir compte. Ils ne perdent donc
rien dans celle-ci à ne pas être subrogés au créancier ;
cette absence de subrogation ne mettant à leur charge
que ce qu’ils auraient réellement eu à supporter dans le
cas contraire.
865.
— La suppression de l’action récursoire est
donc fondée sur le principe de l’égalité qui doit régner
entre tous les créanciers d’une même faillite. La masse
ne doit jamais qu’un dividende proportionnel au chiffre
des créances. En conséquence, elle ne doit plus rien lors
que ce dividende a été délivré. Par rapport à elle la cré
ance est éteinte , et cette extinction la met forcément à
l’abri de toute action récursoire de la part des débiteurs
solidaires qui ont payé dans des proportions plus fortes,
qu’ils soient ou non en état de faillite 1.
1 Pardessus, n° 4 2 5 5 ;— Locré, su r l’a rticle 5 3 4 ;— D. A., t. 8, p . 496.
�472
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Mais le failli n’est personnellement dégagé envers eux
que de la même manière qu’il l’est envers tous les autres
créanciers. Ainsi, il est tenu après la dissolution de l’u
nion de parfaire à ses engagements, tels que la loi civile
les a déterminés, et s’il acquiert de nouveaux biens, ses
coobligés pourront le contraindre dans les proportions
fixées par les articles 1213 et 2028 du Code civil. Dans
tous les cas il ne pourrait obtenir sa réhabilitation qu’après avoir intégralement désintéressé ses codébiteurs de
tout ce qu’ils auraient payé pour lui.
8 6 4 . — On comprend, au reste, que son obligation
à cet égard varie suivant qu’il était débiteur principal
ou seulement caution. Dans le premier cas , si la dette
lui a exclusivement profité il doit en rembourser l’inté
gralité aux codébiteurs qui l’ont éteinte. Si elle était
commune avec d’au tres, il lui suffirait de restituer la
partie qui le concernait personnellement,
Dans le second, il ne doit désintéresser que ceux en
vers lesquels il était garant de la dette. Ainsi, l’endos
seur d’une lettre de change en devient débiteur solidaire
envers le porteur et les endosseurs qui l’ont acceptée après lui. Il ne pourrait donc se faire réhabiliter qu’en
remboursant à chacun d’eux soit les sommes qui peu
vent encore être dues, soit celles qu’ils auraient payées à
cause de sa faillite. Quant aux endosseurs précédents, ils
n’ont rien à lui réclamer; ils sont les garants du failli
lui-même ; tout ce qu’ils auraient payé viendrait donc à
la décharge de celui-ci.
8 6 5 . — Les principes que nous venons d’exposer
sur l’action récursoire des coobligés n’avaient pas été
�ART.
542, 543.
473
expressément réglés par le Code de commerce ; mais ils
étaient universellement enseignés par les auteurs, et con
sacrés par la jurisprudence. Nous venons d’invoquer les
noms de MM. Pardessus, Locré, Dalloz. Nous pourrions
à ces autorités joindre celle de nombreux arrêts ; mais
nous n’en citerons qu’un seul dans lequel nous aurons
à signaler une bien singulière contradiction.
866.
—- Cet arrêt rendu par la cour de Paris, le 11
- juin 1825,1 avait à résoudre les deux questions suivantes:
4° S i , lorsque le tireur de lettres de change tombe
en faillite, et que par suite d’un concordat passé avec
les créanciers il paie un dividende au porteur, l’accep
teur (ou ses syndics, s’il est lui-même en faillite) peut
avoir action à raison de ces traites contre le tireur, en
core que les porteurs aient le droit de recourir contre
lui accepteur . ou de se faire admettre au passif de sa
propre faillite jusqu’à leur parfait paiement ?
2° Si, lorsque l’accepteur des traites tombe en faillite
après avoir reçu provision et sans avoir acquitté ses ac
ceptations , le tireur failli lui-même , mais qui par suite
d’un concordat a payé un dividende au porteur de ces
traites, peut être admis au passif de la faillite de l’accep
teur pour le montant de la provision qu’il lui avait en
voyée, et cela encore que les tiers porteurs exercent euxmêmes un recours contre l’accepteur pour leur entier
paiement ?
A notre avis, ces deux questions n’en font qu’une seule.
Il s’agit uniquement du recours par la faillite d’un co
débiteur contre celle de son codébiteur. Dans la premiè1 D. P., 26, 2, 52.
�474
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
re, c’est l’accepteur qui prétend l’exercer contre le tireur;
dans la seconde, c’est ce dernier qui la revendique con
tre le premier. Les mêmes principes devaient donc les
régler toutes deux. Aucune difficulté ne saurait aujour
d’hui empêcher qu’il en fût ainsi.
Cependant l’arrêt que nous rapportons ne le jugea
pas de cette manière. Il décide négativement la première
et affirmativement la seconde, et sur chaque point il a
reçu la sanction de la cour régulatrice qui a rejeté le
pourvoi qu’on avait formé contre l u i l:
867.
— Il est facile cependant de se convaincre de
la contradiction flagrante dans laquelle est tombée la
cour de Paris. Les motifs de sa décision sur la première
question condamnent inévitablement celle qu’elle a ren
due sur la seconde.
Ainsi elle refuse tout recours à la faillite de l’accep
teur contre celle du tireur, attendu « que le concordat
qu’obtient un débiteur failli et qui est homologué par la
justice, devient obligatoire pour et envers tous les cré
anciers ; que le dividende que paye le débiteur en vertu
de ce concordat équivaut au paiement intégral de sa
dette ; qu’en principe la dette du tireur est unique, qu’il
ne la doit qu’une seule fois, et que portée une seule fois
dans le bilan , elle ne peut participer aux dividendes
qu’une seule fois, quelles que soient les personnes inté
ressées à son acquittement ; que si les accepteurs ou tous
autres dont la signature garantit le paiement de la traite
sont obligés d’admettre le porteur à leur faillite , le di
vidende qu’ils lui payent ne vient pas à la décharge du
1 V oy. c a s sa tio n , 8 février 1 8 2 7 ; — D . P .,
%7,
1, 136.
�art.
542, 543.
475
tireur qui est déjà libéré par celui qu’il a payé, mais
n’a d’autre objet que de les dégager de leur cautionne
ment personnel. »
Ces motifs sont irréprochables en droit et justifient
bien le rejet de l’action récursoire exercée par l’accepteur
contre la faillite du tireur. Mais ils dictaient impérieu
sement une solution identique contre celle-ci poursui
vant un recours contre celle de l’accepteur. En effet,
pour ce qui concerne celui-ci il est certain que la dette
est unique , qu’elle n’est due qu’une seule fois, quelle
ne peut être portée qu’une seule fois au bilan et ne doit
participer qu’une seule fois aux dividendes ; que le paie
ment de celui-ci équivaut au paiement intégral, et qu’enfin si le tireur ou d’autres garants de la dette sont
obligés d’admettre le porteur à leur faillite, le dividende
qu’ils lui payent n’a d’autre objet que de les dégager de
leur cautionnement personnel.
En conséquence, l’arrêt que nous examinons, en ad
mettant le tireur à se présenter à la faillite de l’accep
teur , a méconnu les véritables principes et violé ceut>
qu’il venait de proclamer lui-même , à savoir : l’exis
tence d’une seule et même dette, et l’impossibilité de lui
accorder un double paiement.
Vainement dirait-on qu’en faisant provision le tireur
a payé tout ce qu’il devait, et que si par le fait de l’ac
cepteur il est obligé de payer une seconde fois.il est juste
de le reconnaître créancier pour le montant de la pro
vision. Cela est exact contre l’accepteur personnelle
ment, mais non contre la masse de sa faillite. L’égalité
entre tous les créanciers n’existe plus dès que la même
�476
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
dette produit deux dividendes, et nous avons vu que
c’est surtout pour éviter un pareil résultat que l’action
récursoire entre les faillites a été proscrite.
D’ailleurs, l’accepteur n ’est réellement obligé au paie
ment de la traite que parce qu’il y a ou qu’il est censé
avoir provision. Si en fait celle-ci n’a pas été fournie et
qu’il paye , il a, en thèse ordinaire, un recours incon
testable contre le tireur. Or, ce recours on le lui refuse
cependant contre la faillite de celui-ci. Quelle différence
y a t-il entre sa position dans ce cas et celle du tireur
lorsque la provision a été faite ? Si dans le premier l’ac
cepteur a fait confiance au tireur , dans le second c’est
le tireur qui l’a faite à l’accepteur ; il n’y a donc aucun
motif pour créer entre eux une distinction quelconque
et pour accorder à celui-ci ce qu’on refuse à celui-là.
Enfin, si par cela seul que le tireur ayant fait provi
sion ne doit plus rien,on doit l’admettre à recourir con
tre la faillite de l’accepteur, on devrait accorder le mê
me recours aux endosseurs, aux simples cautions, car
les uns et les autres ne sont obligés que parce qu’ils ont
signé le titre , sans qu’ils aient été jamais réellement et
véritablement débiteurs. Or , comme pour eux il n’y a
pas d’action récursoire, lorsqu’avant de les attaquer le
porteur a produit dans la faillite de l’obligé principal,
on doit évidemment prendre une décision identique con
tre le tireur qui a fait provision. Ce n ’est pas agir avec
une trop grande rigueur que de l’assimiler à une sim
ple caution.
Ce qu’il faut surtout remarquer dans les arrêts dont
nous nous occupons , c’est l’absence complète de motifs
�ART.
542, 543.
477
sur la seconde question. La cour d’appel se contente de
la trancher en disant que le tireur étant créancier de
l’accepteur doit être admis dans sa faillite, et la cour de
cassation garde à cet égard le plus complet silence. Mais
ce qui prouve la justesse de notre critique c’est que, de
vant la première, le tireur reconnaissant que le système
qu’il soutenait contre l’accepteur se rétorquait contre
lui-même, prétendait que, créancier par compte courant,
il n’agissait pas en vertu des lettres de change ; qu’il ne
demandait donc pas le même dividende que les porteurs
de celles-ci.
La cour a-t-elle admis ce point de vue ? C’est ce que
son arrêt laisse préjuger. Cependant c’est là une consi
dération qui, sauf des circonstances particulières, ne peut
avoir une portée réelle. Il serait extrêmement facile d’é
luder la loi si on pouvait la consacrer. En effet, tous
les endosseurs , toutes les cautions pourraient tenir le
même langage, présenter un compte courant dans lequel
ils passeraient ce qu’ils ont payé pour le failli, et lais
sant de côté les lettres de change, se prétendre créanciers
de la balance du compte. Dans l’espèce jugée par la cour
de P a ris , la demande était fixée par son objet. C’est
comme accepteur des traites qu’on recherchait celui qui
ayant reçu provision n’avait pas fait honneur à ses ac
ceptations. Mais c’est précisément parce qu’il avait reçu
cette provision , que celui-ci était devenu débiteur réel
des traites. Dès lors, sa faillite ayant payé au porteur le
dividende commun à tous les autres créanciers , s’était
complètement libérée pour ce qui concernait celte pro
vision. Elle ne pouvait donc plus être recherchée à rai
son de ce.
�478
DES FAILLÎTES
ET BANQUEROUTES
8 6 8 . — En admettant le contraire,l’arrêt a méconnu
les vrais principes. Il est, de plus, tombé dans une con
tradiction manifeste. Que si la cour de cassation n’a pas
vu dans sa seconde disposition une violation de la loi,
c’est que le Code de commerce n’avait nullement réglé
la position des coobligés entre eux. Depuis la promulga
tion de l’article 543 une décision de la même nature est
impossible. Elle ne manquerait pas, dans tous les cas,
d’être réformée par la cour régulatrice.
8 6 9 . — Nous avons déjà dit que le porteur ne peut
jamais recevoir plus que ce qui lui est légitimement dû.
Cependant les dividendes produits par les diverses fail
lites peuvent dépasser ces limites. Â qui appartiendra
l’excédant ?
La loi l’attribue à ceux des coobligés qui auraient les
autres pour garants, suivant l’ordre des engagements.
Pour la saine application de cette doctrine il convient de
distinguer entre les titres civils et les titres commerciaux.
8 7 0 . — Dans les premiers , il y a un ou plusieurs
débiteurs principaux. Dans ce dernier cas , la commu
nauté dans l’obligation crée pour tous un droit égal à
l’excédant qui est dès lors distribué au marc le franc.
S’il n’y a qu’un seul obligé principal et plusieurs cau
tions, celles-ci se partagent l’excédant dans la proportion
de ce que chacune d’elles a payé.
8 7 1 . — Dans les titres commerciaux, s’il existe plu
sieurs tireurs et que l’un d’eux ait exclusivement profité
de la créance , les autres sont considérés comme des
cautions. Il est alors procédé comme pour celles-ci.
Les accepteurs qui ont été obligés de payer sans avoir
�________
ART.
542,
543.
479
reçu provision sont naturellement préférés aux sous
cripteurs. L’acceptation suppose la provision à l’égard
du porteur et des endosseurs ; mais les tireurs restent
garants de sa réalisation. Si elle n ’a pas été. fournie,
l’accepteur après avoir payé a le droit de les contraindre
à le rembourser. L’excédant produit par les diverses fail
lites doit donc lui être attribué.
Enfin, si la lettre de change ou le billet à ordre a été
négocié , cet excédant appartient aux endosseurs plutôt
qu’à l’accepteur. Vainement celui-ci se prévaudrait-il,
si la date de son acceptation était postérieure aux en
dossements , de ce que la loi ordonne la dévolution de
l’excédant dans l’ordre des engagements. Cet ordre n’est
obligatoire qu’après la détermination de la nature de
l’obligation. Il ne doit être suivi qu’entre les parties qui
se doivent respectivement garantie, de manière à ce que
celle-ci soit exercée conformément aux droits de chacun.
Or, l’accepteur est toujours garant envers les endosseurs.
C’est donc à ces derniers à profiter d’abord de l’excédant.
872.
— Par rapport à eux, la dévolution s’opère en
faveur du dernier qui a pour débiteurs solidaires tous
les autres. On remonte ainsi jusqu’au premier, en sup
posant que l’excédant soit de nature à permettre d’aller
jusque-là. Ainsi, en admettant que deux endossements
fussent datés du même jour, c’est le second qui est pré
féré au premier, puisque dans l’ordre de la négociation
la garantie lui est due par celui-ci.
r 8 7 5 . — La détermination à appliquer donnerait lieu
à plus de difficultés s’il s’agissait d’une lettre de change
tirée pour compte et acceptée par le tiré. A qui du tireur
I
�480
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ou de l’accepteur devrait-on attribuer l’excédant ? Ils
sont l’un et l’autre les mandataires du donneur d’ordre,
et une préférence entre eux pourrait paraître difficile à
établir , si le principe de la garantie n’arrivait à faire
résoudre naturellement la question. Il convient donc de
rechercher en faveur de qui ce principe existe réellement.
La rédaction de l’article 115 du Code de commerce
avait laissé exister des doutes. On avait voulu induire de
ses dernières expressions que le tireur pour compte res
tait personnellement tenu , même vis-à-vis de l’accep
teur , à la garantie du paiement de la traite. Mais cette
interprétation avait trouvé de nombreux adversaires ;
elle était combattue par la discussion que cet article avait subie dans le conseil d’Etat qui depuis l’avait, au
fond , condamnée par son avis du %%novembre 1811,
tout en reconnaissant qu’en la forme c’était aux tribu
naux qu’appartenait le soin de le faire.
De nouvelles difficultés s’étant présentées et la juris
prudence se divisant sur le sens de cette disposition, l’in
terprétation en fut soumise au pouvoir législatif. L’arti
cle 1 er de la loi du 1 9 mars 1 8 1 7 a définitivement tran
ché la question contre l’accepteur , en restreignant la
responsabilité du tireur pour compte à ce qui concerne
les porteurs et les endosseurs.
Le tireur pour compte n’est donc jamais obligé envers
l’accepteur ; il ne lui doit conséquemment aucune ga
rantie. Q u’en est-il de celui-ci à son égard ?
L’acceptation suppose provision. Dès qu’elle se réalise,
celui dont elle émane devient débiteur direct envers tous
les intéressés. Or, le tireur pour compte n’a jamais rien
�art.
542, 543.
dû. Ce n ’est que par une exception aux princi
naires du mandat qu’il devient obligé personn
en exécutant celui qui lui a été donné. Mais sc
tion n’est et ne peut être qu’un cautionnement
il peut, comme les autres cautions de la traite,
dre le débiteur direct à lui rembourser ce qu’il ;
suite de son cautionnement.
Il suit de là que si le porteur a été désintére
partiellement par le tireur pour compte, celuifaire restituer soit par le donneur d’ordre, soit par l’ac
cepteur. Il pourrait donc se faire admettre dans leur
faillite, à moins que le porteur n’eût lui-même été ad
mis et n’eût retiré le dividende. Ce droit il le puiserait
soit dans l’article 54Ü5, soit dans la subrogation légale
qui se serait opérée en sa faveur par le paiement qu’il
aurait fait au porteur. De telle sorte qu’alors même que
l’accepteur étant encore solvable aurait payé une partie
de la traite , non-seulement il ne pourrait empêcher le
tireur pour compte de venir dans la faillite du donneur
d’ordre de préférence à lui-même , mais encore d’être
admis pour la totalité de la créance jusqu’à parfait paie
ment de ce qu’il a déboursé en principal et accessoires1.
De plus, si le dividende n ’était pas suffisant pour at
teindre ce résultat, l’accepteur serait tenu de payer le
solde restant dû. Dès lo rs , il est certain qu’il doit ga
rantie au tireur pour compte, et que par cela seul celuici prendrait avant lui l’excédant qui existerait.
8 7 4 . — Les paiements que le porteur reçoit dans
l Pardessus, n° 1255; — D . A., t. 8, p. 497 n° 9.
�482
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
les faillites des coobligés doivent tous être portés sur le
titre original. Son inspection suffirait donc pour établir
s’il y a ou non un excédant. Ce fa it, d’ailleurs , serait
facile à constater en consultant les états de répartitions
conservés par les syndics. Du moment que les divers
dividendes ont atteint l’intégralité de la dette, le porteur
n’a plus le droit de participer aux répartitions ultérieu
res. Ce droit appartient à l’obligé premier appelé dans
l’ordre qui précède. Celui-ci doit donc exiger la remise
du titre ; il peut saisir-arrêter entre les mains des syn
dics le montant des dividendes qui suivront, et exiger
la restitution de ceux qui auraient été emboursés par le
porteur.
A
rt.
544.
S i le c ré a n c ie r p o r t e u r d ’e n g a g e m e n t» s o lid a i
r e s e n tre le f a illi et d ’a u tre s c o o b lig é s a re ç u , a v a n t la f a i l l i t e , u n à -co m p te s u r sa créan ce , il ne
s e r a c o m p ris d a n s la m a sse qu e so u s la d éd u c tio n
de Cet à -co m p te, et c o n se rv e ra , p o u r ce q u i l u i r e s
te ra d û ,s e s d ro its co n tre le c o ob ligé ou la c au tio n .
L e c o o b lig é o u la c au tio n q u i a u r a fa it le p a ie
m e n t p a r t ie l s e ra c o m p ris d a n s la m ê m e m a sse
p o u r to u t ce q u ’il a u r a payé à la d é c h a rg e d u fa illi.
SOMMAI RE
875.
876.
877.
Cette disposition est une exception à l ’article 542 et un re
tour à la règle ordinaire , lorsque les à-comptes ont été
donnés et reçus pendant que les débiteurs étaient tous
solvables.
Reproches que l ’on avait adressés à cet article : 1* celui de
déroger à l ’article 542 et de retirer au créancier le béné
fice qu’on venait de lui conférer.
Réfutation.
�art.
878.
544.
483
2° Celui de violer la disposition de l’article 1252 du Code
civil.
879.
Cette violation existe-t-elle réellement, et l ’admission du
coobligé à la faillite de son codébiteur n’est-elle pas au
contraire dans l'intérêt du créancier ?
880. Les droits du coobligé dans la faillite de son codébiteur sont
réglés par les articles 1213 et 1214 du Code civil.
881. Comment on doit procéder si la dette était commune. Ou
si celui qui a payé n’était que caution.
882. Les droits des endosseurs contre les tireurs, accepteurs et
endosseurs précédents sont régis par la loi spéciale.
875.
— En principe , avons-nous d i t , le paiement
partiel fait par un débiteur solidaire éteint la dette jus
qu’à concurrence, au profit de tous les débiteurs. En re
cherchant quel était le motif de l’exception que l’article
542 faisait subir à ce principe , nous l’avons indiqué
dans l’état de faillite et dans les modifications qui en
résultent dans la position du créancier. L’article 544 est
une preuve que notre système repose sur une interpré
tation exacte de l’esprit de la loi.
En effet, nous voyons que pour les paiements opérés
et reçus pendant que les débiteurs étaient integri statûs,
le législateur revient au principe ordinaire. Ce paiement
a tous les effets qu’un acte de cette nature est suscepti
ble de produire, c’est-à-dire, qu’il entraîne l’extinction
de la dette pour les créanciers et la subrogation en fa
veur de celui qui l’a réalisé. De l à , le règlement des
droits de l’un et de l’autre contre la faillite du coobligé,
tel qu’il est établi par l’article 544.
876.
— Cependant divers reproches ont été adres. sés à celte disposition. Imposer au créancier, a-t-on dit
�484
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
d’abord, la déduction de l’à-compte par lui reçu, c’est
lui retirer le bénéfice que lui confère l’article 542, c’est
déroger au droit qu’on lui reconnaît d’être payé intégra
lement. En effet, ne devant retirer qu’un dividende dans
chaque faillite, il y a presque certitude d’une perte pour
lu i, et cette perte sera d’autant plus forte qu’il ne sera
pas admis au passif pour le chiffre total de sa créance.
877.
— Mais ce reproche était injuste. La faillite
prend, au moment où elle se réalise , le créancier dans
l’état qu’il s’est fait lui-même, avec les droits qu’il a à
prétendre. Or, si à cette époque la dette originaire a été
réduite, on ne saurait annuler les actes qui ont amené
celte réduction , sans violer des droits définitivement
acquis.
En admettant donc le créancier à concourir dans les
faillites de chacun de ses débiteurs pour l’intégralité de
ce qui leur reste dû , on lui accorde tout ce qu’il était
permis de lui accorder.
On ne pouvait, en effet , assimiler les à-comptes re
çus avant la faillite à ceux que le créancier recevra plus
tard dans la répartition de l’actif. Les uns ont été volon
tairement acceptés par les créanciers et n’ont produit
qu’une libération proportionnelle ; les au tres, au con
traire, libèrent complètement la masse et interdisent tout
recours ultérieur contre elle, malgré la solidarité du dé
biteur. Le créancier contraint de recevoir ne peut être
censé vouloir libérer les autres débiteurs jusqu’à ce qu’il
soit lui-même intégralement payé, et c’est surtout cette
présomption qui a fait admettre le principe consacré par
l’article 542.
�ART.
544.
485
Or, il serait impossible de la supposer pour les paie
ments opérés avant la faillite, et alors que les débiteurs
étaient tous integri status. Dans cette hypothèse , les
paiements n’ont été faits et reçus que dans l’intention
d’une libération partielle. En l’admettant ainsi, la loi ne
consacre qu’un fait qui résulte clairement et explicite
ment de cette intention commune.
Dès qu’il y a eu libération proportionnelle , la dette
a été éteinte jusqu’à concurrence. Cette extinction ac
quise , la faillite postérieure n’a rien pu changer à un
pareil état des choses. En effet, sa déclaration ne crée
aucuns droits nouveaux en faveur de qui que ce soit.
Elle se borne à mettre en mouvement ceux qui existent.
Conséquemment, elle n’a pu faire revivre en faveur du
créancier la partie de la dette régulièrement éteinte, ni
annuler les effets d’un paiement valablement opéré et
volontairement reçu.
On devait d’autant moins l’admettre, que la reconsti
tution de la dette était de nature à porter préjudice aux
créanciers des autres coobligés. En effet, celui qui a
payé, ou sa faillite, est subrogé aux droits du créancier,
et doit être admis au passif des autres codébiteurs. Or,
s’il s’y présente lui-même , il n’aura à répéter sur ce
qu’il a payé que la part afférente à chacun d’eux, tan
dis que le créancier prendrait danschacuneun dividende
sur la totalité de la dette. Dans ce dernier cas, les sim
ples cautions paieront et n ’auront aucune action récursoire contre les obligés principaux h Dans le premier,
au contraire , la faillite des cautions sera ou totalement
1 Voy.
su pra
n° 861.
�486
DES FAILLITES ET
BANQUEROUTES
ou partiellement libérée, selon que le coobligé qui a payé
l’à-compte était ou caution lui-même ou obligé prin
cipal.
L’intérêt des tiers s’unissait dès lors au respect des
droits acquis pour dicter au législateur la disposition
qu’il a consacrée. Il est donc, sous ce rapport , à l’abri
de tout reproche.
8 7 8 . — La disposition de l’article 544 a été atta
quée sous un second point de vue. Elle ne devait pas,
a-t-on dit, admettre dans la faillite des codébiteurs, con
curremment avec le créancier , le coobligé qui a opéré
le paiement partiel. C’est là une violation manifeste de
l’article 1252 du Code civil, qui veut que le créancier
soit payé de préférence au codébiteur dont il n ’a reçu
qu’un à-compte sur la dette.
8 7 9 . — Il était impossible de se soumettre,en ma
tière de faillites , à la rigueur des principes ordinaires.
La substitution d’une masse à la personne d’un débi
teur faisait un devoir de concilier ce qui était dû à l’in
térêt du créancier individuellement, avec les droits des
tiers nombreux dont celle-ci se compose. Que cette exi
gence ait motivé dans quelques cas l’affaiblissement des
liens que le droit civil impose, c’est ce qu’on doit par
faitement comprendre , c’est ce qu’il est impossible de
blâmer.
Mais , dans notre hypothèse , le blâme serait de plus
immérité, car la loi a fait pour le créancier tout ce qu’
elle pouvait raisonnablement faire. Elle lui accorde le
droit de poursuivre son paiement intégral, et conséquem
ment la faculté d’être admis dans la faillite de ses débi-
�teurs pour la totalité de ce qui lui est dû. Pouvait-elle
l’affranchir du sort commun à tous les autres créan
ciers, de voir cette faculté se résumer dans la réception
du dividende produit par chacune d’elles ? Evidemment
non, sans sacrifier les auires créanciers déjà assez mal
heureux de n’avoir que le failli pour unique débiteur.
Le paiement du dividende effectué , le créancier n’a
plus rien à prétendre. Peu fui importait donc que le
coobligé fût ou non admis à en recevoir un proportion
nel sur ce qu’il a payé à la décharge du failli. C’était là,
d’ailleurs, un droit qu’on ne pouvait méconnaître. Celui
qui a payé pour le compte d’un autre devient réellement
son créancier, et il n’y a aucune faveur à le traiter com
me tel.
Dans cette hypothèse donc, son admission à la faillite
est indifférente; le créancier n’aurait aucun motif de s’en
plaindre. Que sera-ce si, au fond, il est certain que cette
admission lui est au contraire favorable ? Or le paiement
partiel avant la faillite a éteint la dette, et nous venons de
voir que le créancier n’est jamais admis que déduction
faite de ce qu’il a reçu et qui ne peut plus produire un
dividende quelconque en sa faveur. Cependant, ce divi
dende il le trouve dans l’admission du coobligé ordon
née par l ’article 544. En effet , de deux choses l’une :
ou le coobligé est encore solvable , ou il est tombé en
faillite. Dans l’un comme dans l’autre cas il reste tenu,
en vertu de la solidarité , de tout ce qui est encore dû
au créancier. Celui-ci pourra donc, dans le premier cas,
saisir-arrêter entre les mains des syndics le dividende
auquel le coobligé a d roit1 ; dans le second , l’actif de
i P a rd e ssu s, n° 1216.
�488
DES FA ILLITES ET BANQUEROUTES
la faillite se trouvera augmenté de ce même dividende
dont le créancier profitera proportionnellement.
Loin donc que la disposition de l’article 544 lèse le
créancier, il faut reconnaître qu’elle est toute à son avan
tage. Il ne pourrait, sans elle, recevoir ce que son ap
plication est de nature à lui procurer.
La détermination du législateur est donc parfaitement
justifiée. Il nous reste à en déduire les conséquences.
8 8 0 . — Les droits du coobligé dans la faillite de ses
codébiteurs sont régis par les articles 12113 et 12114 du
Code civil. C’est ce qui résulte du texte et de l’esprit de
notre disposition. Il est évident, en effet, qu’en ne l’ad
mettant dans chaque faillite que pour les sommes payées
à la décharge du failli, le législateur n’entend parler
que de la part et portion de la dette dont celui-ci était
tenu.
8 8 1 . — Ainsi, si la dette était commune, le coobligé
qui a payé ne pourrait réclamer de ses codébiteurs que
la partie qui les concernait personnellement.il ne pour
rait donc être admis dans aucune des faillites pour la
totalité des sommes qu’il aurait payées. Ce pouvoir n’est
accordé au créancier* qu’en vertu de la solidarité des
débiteurs à son égard. Or , de débiteur à débiteur, il
n ’existe jamais de solidarité.
Si le coobligé n ’était que caution , le paiement qu’il
aurait réalisé l’aurait subrogé contre les débiteurs prin
cipaux, au droit de demander à chacun d’eux la totalité
de la somme l. Il devrait donc être admis dans leur fail1 Article 2030 du Code civil.
�ART.
544.
489
lite individuelle pour l’intégralité des sommes qu’il au
rait payées. Il serait, pour eux, à l’instar du créancier.
882.
— Enfin, les obligations qui naissent de l’en
dossement étant réglées par des dispositions spéciales,
c’est à celles-ci qu’il faudrait recourir pour fixer la po
sition de l’endosseur qui a u ra it, en tout ou en partie,
désintéressé le porteur. Il est certain qu’il pourrait re
courir soit contre les tireurs et accepteurs , soit contre
les endosseurs précédents qui sont tous ses débiteurs
solidaires. Il devrait donc être admis dans la faillite de
chacun d’eux pour l’intégralité de ce qu’il aurait payé.
A r t . 545.
N o n o b s ta n t le co n co rd at, le s c ré a n c ie rs c o n se r
ven t l e u r action p o u r la to talité de l e u r c réa n ce
c o n tre le s c o o b lig é s d u fa illi.
SOMMAIRE
883.
884.
885.
886.
887.
888.
889.
890.
Objet de cet article.
Le concordat ne constitue jamais la remise conventionnelle
de la dette.
Exception contenue dans le projet dè la loi pour ceux qui
avaient consenti au concordat.
Discussion et motifs du rejet adopté par les chambres.
La disposition de l’article 545 se justifie d’ailleurs en droit
par l’article 1208 du Code civil.
En réalité, le concordat ne libérant*-pas complètement le
failli obligé de payer intégralement pour être réhabilité»
ne pouvait libérer définitivement les coobligés. |
Les droits du créancier contre ceux-ci restent donc ce qu’
ils étaient avant la faillite, qu’il ait ou non voté le con
cordat.
Par exception à ce principe le créancier hypothécaire qui
aurait renoncé â sa qualité en votant le concordat per
drait tout recours contre les coobligés et cautions.
I,
�490
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
885.
— Les principes consacrés par l’article 1285
du Code civil pour les conséquences de la remise de la
dette pouvaient faire naître des difficultés entre les débi
teurs solidaires et le créancier qui aurait concordé avec
l’un d’eux. Pour les prévenir le législateur n’a pas hé
sité à se prononcer expressément, quoique son intention
fût implicitement démontrée par l’article 542.
8 8 4 . — Le concordat ne constitue donc pas la dé
charge conventionnelle, et n’a par conséquent jamais les
effets que l’article 1285 attache à celle-ci. Les motifs
de cette disposition sont on ne peut pas plus justes. Dès
que le concordat est homologué par la justice il devient
obligatoire pour tous les créanciers. La remise qui y est
stipulée manque donc du premier caractère exigé par sa
loi civile, c’est-à-dire qu’elle n’est ni spontanée, ni vo
lontaire , et que partant elle ne peut et ne doit profiter
qu’à celui qui l’obtient.
8 8 5 . — Il est vrai que cette considération ne pour
rait pas être utilement invoquée par ceux qui ont voté
pour le concordat, et c’est parce motif que le projet pré
senté par le Gouvernement avait distingué entre eux et
ceux qui s’étaient abstenus, en restreignant à ces der
niers le bénéfice de l’article 545.
8 8 6 . — Mais cette proposition n’était pas autre
chose qu’une exclusion de la délibération sur le concor
dat de tous les porteurs d’engagements souscrits par plu
sieurs débiteurs solidaires , et l’abandon de l’admission '
de celui-ci à la discrétion de quelques créanciers. Sans
cela, ainsi que le disait le rapporteur de la chambre des
�ART.
545.
491
députés , dans la session de 1835 , c’était rendre dans
plusieurs cas le concordat impossible. En effet, les cré
anciers porteurs d’engagements de ce genre peuvent être
fort nombreux , surtout dans la faillite d’un banquier.
Or, leur faire un devoir de s’abstenir de voter sons peine
de perdre tout recours contre les autres souscripteurs,
et maintenir les sommes qui leur sont dues au nombre
de celles qui doivent servir à calculer la majorité, c’était
renoncer à atteindre à celle exigée par l’article 507.
887.
— Arriver fatalement à l’union eût été d’au
tant plus regrettable dans cette circonstance, qu’en droit
la disposition de l’article 545 se justifie par les principes
du droit civil lui-même, notamment par l’article 1208
du Code civil.
On sait, en effet, qu’aux termes de sa disposition, le
codébiteur solidaire ne peut exciper des exceptions pu
rement personnelles à son coobligé. Or , s’il en est une
qui soit dans cette catégorie , c’est sans contredit celle
tirée de l’état de faillite et des conséquences qu’il en
traîne.
Le concordat est en quelque sorte forcé par la posi
tion malheureuse du débiteur. La remise qu’il impose
n’a été consentie que pour éviter une perte plus consi
dérable qui pouvait résulter de la liquidation faite en
état d’union. Les effets de cette remise restent donc ex
clusivement concentrés sur la tête du failli. « C’est là,
dit le judicieux Pothier, une exception in personam qui
n’est accordée au débiteur qu’en considération de son
état de pauvreté qui lui est personnel. Les remises ac
cordées par le contrat d’atermoiement n’ayant pas été
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
faites animo donandi, mais par néessité,Texceplion qui
résulte de ce contrat ne donne atteinte qu’à l’obligation
civile. L’obligation naturelle pour ce qui reste à payer
subsiste dans toute son intégrité et sert d’un fondement
suffisant à l’obligation des fîdéjusseurs.1 »
L’article 545 n’est donc qu’une saine application du
principe consacré par l’article 1208 du Code civil. L’ex
ception tirée du concordat étant purement personnelle
ne peut être invoquée par les codébiteurs du failli ; et
c’est surtout à cause de ce caractère que , sous l’empire
du Code de commerce , la doctrine et la jurisprudence
l’avaient ainsi admis , malgré l’absence de toute dispo
sition de la nature de celle que nous examinons.
888.
— D’ailleurs , ceux-là même qui ont voté au
concordat n’ont pas consenti une remise de la dette dans
l’acception ordinaire de ce mot. En effet, l’avenir du
failli reste grevé de l’obligation de payer le surplus, à
tel point que le défaut de libération le maintient dans
les incapacités qui résultent de l’état de faillite , et qui
ne disparaissent que par la réhabilitation. Or , il n’est
admis à celle-ci qu’après avoir intégralement payé ses
dettes en principal, intérêts et frais ; tandis que pour les
coobligés la remise eût été définitive, par cela seul que
le créancier eût voté au concordat.
Le rejet du projet du Gouvernement était donc dicté
non-seulement par les principes que nous venons d’ex
poser, mais encore par cette puissante considération que
le concordat eût produit un effet beaucoup plus étendu
i
Des obligations,
n° 380.
�ART.
54-5.
493
pour les codébiteurs que pour le failli lui-même. La dé
cision contraire eût d’ailleurs rendu le concordat diffi
cile, impossible même dans plusieurs cas, tandis qu’il a
été dans l’intention du législateur d’en favoriser l’adop
tion.
8 8 9 . — Les droits du créancier restent donc, après
le concordat, ce qu’ils étaient avant la faillite, ce qu’ils
sont dans l’hypothèse d’une union. Il peut, qu’il ait ou
non voté pour l’adoption du traité, après avoir reçu le
dividende stipulé . s’adresser aux codébiteurs solidaires,
réclamer de chacun d’eux le solde de sa créance s’ils
sont solvables, et s’ils sont en faillite se faire admettre à
leur passif pour la totalité de ce qui lui est dû jusqu’à
parfait paiement L
Les droits du créancier sont transmis au codébiteur
solidaire qui l’a désintéressé, sauf à celui-ci à les exer
cer dans les limites tracées par les articles précédents.
8 9 0 . — Il est cependant une hypothèse dans la
quelle la part prise par le créancier à la délibération du
concordat peut influer sur ses droits contre les cautions.
Nous avons vu que le créancier hypothécaire perd les
effets de son hypothèque s’il vote à cette délibération.
Il n’est pas douteux que ce cas se réalisant, la caution
ne fût libérée. Il y a dans ce fait un abandon volontaire,
de la part du créancier, des garanties affectées à sa cré
ance et qui devaient profiter à la caution. Or, la faculté
qu’a tout créancier de consentir tel sacrifice qu’il juge
convenable ne peut jamais aller jusqu’à dénaturer l’enl Cassation, 8 août 4842 ; — D, P ., 42, 4, 386.
�494
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
gageaient au préjudice des tiers. Dans l’espèce, cepen
dant , c’est la caution qui serait victime de l’abandon
volontairement souscrit par le créancier. Un tel résultat
serait injuste ; on ne pourrait donc le consacrer. On de
vrait voir dans le fait du créancier une véritable nova
tion dans le titre qui , aux termes de l’article 1281 du
Code civil, aurait complètement libéré la caution et les
autres débiteurs solidaires.
FIN DU DEUXIÈME VOLUME
�TABLE DES CHAPITRES
pages
Livre III. — Titre I. — Ghap. 5. — Sect. 3. De la vente des
marchandises et meubles et des recouvrements (suite).
i
Sect. 4. Des actes conservatoires...........................................
27
Sect. 5. De la vérification des créances................. ..............
39
Ghap. 6. Du concordat et de l’union. — Sect. 1. De la con
vocation et de l’assemblée des créanciers.............
122
Sect. 2. Du concordat. — § 1. De la formation du concordat.
135
§ 2. Des effets du concordat..................................................
194
§ 3. De l ’annulation ou de la résolution du concordat___
248
Sect. 3. De la clôture en cas d’insuffisance de l ’actif...........
310
Sec. 4. De l'union des créanciers...........................................
334
Chap. 3. Des différentes espèces de créanciers et de leurs,
droits en cas de faillite. — Sect. 1. Des coobligés et
des cautions...................................................................
FIN DE LA TABLE DES CHAPITRES DD DEUXIÈME VOLUME
460
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/332/RES-20983_Bedarride_Traite-faillites-3.pdf
27b2e499c86cfa69ee52d403d53a096e
PDF Text
Text
TRAITÉ
DES
OU
COMMENTAIRE
DE LA LOI DU 28 MAI 1838
Tome 3
PAR J. BÉDARRIDE
Avocat près la Cour d'appel d’Aix, ancien Bâtonnier
Membre correspondant de l’Académie de Législation de Toulouse
Chevalier de la Légion d’Honneur
CINQUIÈME EDITION
Revue et mise au courant de la doctrine et de la jurisprudence
TOME TROISIÈME
PARES
L.
LAROSE,
ACHILLE MAKAIRE, LIBRAIRE
LIBRAIRE
2 , RUE PONT-MORBAU, 2
2 2 , RUB SOUFFLOT, 22]
M8V4
�TRAITÉ
DES
OU
COMMENTAIRE
DE LA LOI DU 28 MAI 1838
PAR J. BÉDARRIDE
Avocat près la Cour d'appel d’Aix, ancien Bâtonnier
Membre correspondant de l’Académie de Législation de Toulouse
Chevalier de la Légion d’Honneur
CINQUIÈME EDITION
Revue et mise au courant de la doctrine et de la jurisprudence
TOME TROISIÈME
PARES
L.
LAROSE,
ACHILLE MAKAIRE, LIBRAIRE
LIBRAIRE
2 , RUE PONT-MORBAU, 2
2 2 , RUB SOUFFLOT, 22]
M8V4
�V
I
|3
�CODE DE COMMERCE
LIVRE III. TITRE I. CHAPITRE Vil.
SECTION IIe
DES
C R É A N C IE R S N A N T IS D E G A G E S
E T D E S C R É A N C IE R S P R I V I L É G I É S S U R L E S B IE N S M E U B L E S
A rt. 546.
L e » créan cier» du fa illi q ui seront valablem ent
n a n ti» de gage» ne seront in sc rit» d a n » la m asse
que p o u r m ém oire.
A rt. 547.
L e » syndic» po u rro n t, à tonte époque, avec l’au
torisation du ju ge-com m issaire, r e t ir e r le » gage»
au profit de la faillite, en rem b o u rsan t la dette.
A rt . 548.
D an » le cas où le gage ne sera pas r e tiré p a r le »
syndic», s’il est vendu p a r le créancier m oyennant
un p rix qui excède la créance , le su rp lu s sera r e
couvré p a r le » syndic» ; si le p rix est m o in d re que
la créance, le créancier nanti vien dra à con tribu
tion p o u r le su rp lu s dans la m asse, comme créan
cier ord in aire.
SOMMAIRE
891.
892.
Les privilèges sur les meubles sont généraux ou particu
liers.
Au premier rang de ceux-ci se place celui du locateur sur
les meubles garnissant les lieux loués.
ni — 1
�2
893.
894.
893.
896.
897.
898.
899.
900.
901.
902.
903.
904.
905.
906.
907.
908.
909.
910.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Etendue de ce privilège selon que le bail est authentique,
ou que sous seing privé il a ou nou acquis date certaine.
Ce privilège s’exerce non-seulement pour le prix des loyers
et fermages, mais encore pour tout ce qui a été déboursé
pour réparations locatives.
Indépendamment du privilège le locateur a un droit de suite
sur les meubles.
L’argent com ptant, les pierreries, bijous, valeurs, etc.,
sont affranchis du privilège et du droit de suite.
L ’un et l’autre s’exercent sur les marchandises existant au
moment de la faillite.
Au second rang figure le privilège sur le gage valablement
constitué. Que faut-il entendre par là ?
Faut-il appliquer aux gages commerciaux les prescriptions
de l ’article 2074 du Code civil.
Controverse qui s’est établie dans la jurisprudence.
Distinction entre le constituant et la masse de la faillite.
Pour celle-ci il n ’y a de gages valables que ceux constitués
conformément à l ’article 2074 du Code civil.
Nécessité de l ’exiger ainsi pour juger si le failli avait ou
non capacité d’engager.
L ’enregistrement de l’acte sous seing privé peut être sup
pléé par d’autres actes qui rendraient sa date certaine.
La règle de la constitution du gage ne reçoit exception que
lorsque sa certitude résulte ou d’une disposition de la loi
ou de la nature même de l’opération.
L’article 93 du Code de commerce donne un exemple des
premiers.
Exemple des seconds dans un arrêt de la cour de Toulouse.
Dans ces deux hypothèses le gage serait valable alors m ê
me qu’il eût été constitué dans les dix jours de la faillite.
La notification voulue par l’article 2075 du Code civil n’est
exigée que pour les titres non transmissibles par endos
sement.
Mais l ’endossement énonçant la nature de la transmission
ne pourrait établir le gage que s’il avait acquis date cer
taine.
�art .
546, 547, 548.
9M.
3
A plus forte raison la simple remise d ’un billet au porteur
ne suffirait pas pour prouver le gage.
912. Le gage ne donne privilège que tant que les objets qui le
constituent sont dans les mains du créancier.
9/3. Obligations de celui-ci pour la conservation du gage.
914. I] ne peut être obligé à restituer qu’après avoir été rem
boursé en principal, intérêts et frais.
915. Ce remboursement qui ne pouvait être fait sous le Code
que par les syndics définitifs, peut aujourd’hui être réa
lisé même par les syndics provisoires avec l ’autorisation
du juge-commissaire.
916. Si le gage n ’est pas retiré, le créancier a l’option ou de re
tenir les objets en rendant le surplus de leur valeur, ou
de faire vendre.
917. A quelle époque la vente est poursuivie.
918. Obligations et droits du créancier dans ces deux cas.
919. On ne doit pas confondre le privilège avec le droit de ré
tention. A qui la loi a-t-elle conféré celui-ci ?
920. Exception à la règle ordinaire pour les créances résultant ,
d'abus ou de prévarications des fonctionnaires sur leur
cautionnement.
921. Droit du commissionnaire qui a acheté ou vendu des mar
chandises pour compte d'au tru i, sur ces marchandises
ou leur prix.
922. Privilège résultant d’une saisie-arrêt pratiqué et validée
avant la faillite par jugement passé en force de chose
jugée.
923. Variations de la jurisprudence sur les effets de ce jugement.
924. Arrêt de la cour de cassation du 30 janvier 1842.
925. A quelle époque le jugement a-t-il acquis l ’autorité de la
chose jugée?
926.
927.
La présomption attachée au silence du condamné ne com
mence à courir que du jour de la signification. Droits
des syndics en cas de faillite.
Tant que les délais ne sont pas expirés les syndics peuvent
émettre appel ou relever celui fait par la partie.
�4
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
8 9 1 . — Les privilèges sur les meubles sont généraux
ou particuliers. Les premiers frappent l’universalité des
biens meubles ; les seconds ne s’exercent que sur certains
objets spéciaux. C’est de ces derniers que la loi s’occupe
d’abord. Nous devons donc les rappeler , et examiner
leurs effets par rapport à la faillite.
8 9 2 . — Au premier rang de ces privilèges se trouve
placé celui du locateur d’une maison ou d’une ferme,
sur tout ce qui garnit les lieux loués et sur tout ce qui
sert à l’exploitation de la ferme. Ainsi, meubles, usten
siles, chevaux de labourage appartenant au fermier, ré
coltes pendantes par racines ou détachées du sol, celles
même des années précédentes, rien ne peut être distrait
ni enlevé avant que le bailleur ne soit complètement
désintéressé dans les proportions établies par l’art. 2102
du Code civil, savoir :
8 9 3 . — Si le bail est authentique , ou si étant sous
seing privé il a acquis date certaine avant la faillite, le
bailleur a privilège pour tout ce qui lui est dû pour ter
mes échus et pour ceux à écheoir jusqu’à la fin du bail.
En conséquence , la masse est obligée de payer tout ce
qui peut être réclamé à ce double titre. Mais, au moyen
de ce paiement il lui est loisible de relouer la maison ou
la ferme pour le restant du bail, et d’en retirer les fer
mages.
Si le bail est sous seing privé et qu’il n’ait pas acquis
date certaine, le privilège n’existe en faveur du bailleur
que pour ce qui lui est dû pour l’année courante et
pour l’année d’après. Les créanciers sont donc libérés
par le paiement de ces deux années, bien entendu que,
�ART.
546, 547, 548.
5
dans ce cas comme dans le précédent, ils feront leur
profit des sous-locations qu’ils pourraient consentir.
Remarquons bien que le paiement, dans ce cas, n’est
dû que si le bail avait encore au moment de la faillite
plusieurs années à courir. Ainsi, si à l’époque de la fail
lite la convention était à jour , rien n’empêcherait les
créanciers de déguerpir au terme convenu en payant ce
qui serait dû pour l’année. Ainsi encore, si le bail était
verbal et que l’époque à laquelle il est d’usage de don
ner ou de prendre congé ne fût pas expiré , les syndics
pourraient et devraient signifier au bailleur leur volonté
de quitter les lieux.
8 9 4 . — Le privilège du bailleur s’exerce non-seule
ment pour le prix des loyers et fermages, mais encore
pour tout ce qui a été déboursé pour réparations locati
ves et pour les dépenses faites pour l’exécution du bail.
Il prime tous les autres privilèges tant particuliers que
généraux, à l’exception cependant de celui pour fourni
tures de semences, frais de récolte et vente d’ustensiles.
Mais ces privilèges particuliers se restreignent, les deux
prem iers, sur la valeur des récoltes de l’année , et le
dernier, sur le prix des ustensiles.
8 9 5 . — Indépendamment de ce privilège, le bailleur
a un droit de suite sur les meubles garnissant la maison
ou la ferme. En conséquence , il peut faire saisir dans
les mains des tiers tous ceux qui ont été distraits ou en
levés. Cette saisie doit être réalisée dans le délai de quinze
jours pour les meubles garnissant une maison, dans ce
lui de quarante jours pour ceux garnissant une ferme.
Cette différence dans le délai tient à ce qu’il est plus
�6
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
probable que le bailleur ignorera , pendant un certain
temps, l’enlèvement opéré dans une propriété sur la
quelle il peut ne pas se rendre souvent, et pour lequel
l’absence de voisinage donne la plus grande facilité.
8 9 6 , — De ce que la loi n’affecte au bailleur que
les meubles garnissant les lieux loués, il résulte que
tous ceux qui n’ont pas cette destination spéciale échap
pent à cette affectation. Ainsi , l’argent com ptant, les
pierreries, les bijoux, les titres de créance sont exceptés
du privilège et de la revendication. En est-il de même
pour les marchandises ?
8 9 7 . — La raison de douter c’est que les marchan
dises ne sont que transitoirement dans la maison ; qu’
elles n’y sont apportées au vu et su du bailleur que
pour en sortir. Mais, il est certain que celui qui a donné
un magasin à loyer a évidemment compté sur les mar
chandises qui y seraient déposées pour la sûreté du prix
de la location ; que l’apport de ces marchandises n’est
que la conséquence de la destination des lieux qui peu
vent n ’être garnis, en dehors de ces marchandises, que
de meubles de peu de valeurs et bien souvent insuffi
sants pour répondre des engagements du preneur. Il
serait donc injuste de soustraire ces marchandises au
privilège du bailleur.
Cependant, il y a entre ces marchandises et les meu
bles ordinaires celte différence : que le bailleur peut en
tout temps empêcher la sortie de ceux-ci, ou les reven
diquer si le locataire en a disposé; tandis qu’il ne pour
rait empêcher la vente journalière des premières, ni les
réclamer des personnes qui les auraient légalement a -
�ART.
546, 547, 548.
7
chetées. Ce serait là mettre obstacle à l’industrie du lo
cataire, à laquelle le bailleur ne peut préjudicier. D’ail
leurs, si des marchandises sortent, d’autres les rempla
cent qui sont à leur tour affectées à son privilège. Ainsi,
en cas de termes échus, toutes les marchandises existant
en magasin peuvent être saisies. Il en est de même de
celles qui s’y trouvent au moment de la déclaration de
faillite l.
898.
— Au deuxième rang des privilèges particuliers
vient celui des créanciers nantis de gages valablement
constitués. Ces créanciers étant censés couverts de ce qui
leur est dù, par le gage sur lequel ils doivent être payés
de préférence aux autres créanciers , ne sont inscrits
dans la faillite que pour mémoire.
Mais, pour que cette préférence soit acquise, il ne faut
pas seulement être nanti d’un gage, il faut encore l’être
valablement. Que signifient ces expressions de l’article
546 ? Quelle en est la portée ? C’est ce qu’il faut recher
cher. Nous examinerons, après, quels sont les devoirs
et les droits du créancier.
Les principes qui régissent la constitution du gage sont
enseignés par l’article 2074 du Code civil. Il fa u t, aux
termes de sa disposition, que le gage, s’il excède 150 fr.,
résulte d’une convention authentique ou d’un acte sous
seing privé dûment enregistré, contenant la déclaration
de la somme due , ainsi que l’espèce et la nature des
choses remises en gage, ou un état annexé de leurs qua
lité, poids et mesure.
1 Voy. article 450 ; — Survies privilèges, Troplong, art. 2102 ; __
Pardessus, n®» 1T99etsuiv.-, — D. A., v ° privilèges-, — in fra art. 55,0,
n® 930 bis • la loi du 12 février 1872.
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Ces formes sont exclusives. Ainsi, la cour de cassa
tion a jugé, le 5 juillet 1820 , que peu importerait que
le nantissement pût résulter des registres, de la corres
pondance ou de tous autres renseignements non suspects;
rien ne pouvant remplacer la convention exigée par l’ar
ticle 2074.1
899,
— En droit civil, il n’y a donc de gage vala
blement constitué que celui qui l’est conformément à cet
article 2074. En est-il de même pour les matières com
merciales ? En d’autres term es, l’article S48 exige-t-il
l’accomplissement des formalités qui y sont prescrites ?
L’application de l’article 2074 aux gages commerciaux
est faite sans difficultés par l’arrêt de la cour de cassa
tion que nous venons de citer. Cette application paraî
trait cependant repoussée par l’article 2084 qui dispose:
que les articles qui Je précèdent, y compris ce même ar
ticle 2074, ne sont point applicables aux matières com
merciales à l’égard desquelles on suit les lois qui les
concernent. Mais, sur ce point, il est à remarquer que
la législation commerciale a de tout temps exigé que le
gage fût prouvé par écrit. L’article 8 du titre 6 de l’or
donnance de 1673 voulait même qu’il en fût passé acte
par-devant notaire avec minute. Ce qui a fait dire à plu
sieurs auteurs que l’article 2084 ne s’appliquait pas à
la convention de nantissement proprement dite, mais à
divers droits de gages particuliers au commerce, tels, par
exemple, que ceux des commissionnaires dont parle l’ar
ticle 93 du Code de commerces.
1 D. P ., 20, 4, 577.
s Favard de Langlade, v° nantissement; — Pardessus, n° 585; — Duranton, t. 48, n° 523;—D. A., t. 40, p. 397, n° 5.
�ART.
900.
546, 547, 548.
9
— Cependant, les expressions de cet article ont
suffi pour am ener une divergence dans les décisions ju
diciaires. Ainsi, les cours de Colmar, de Rouen et de
Toulouse 1 ont jugé que l’article 2074 reçoit des m odi
fications en matières commerciales, et que le gage peut
être opposé aux tiers, quoique non prouvé par acte au
thentique ou sous seing privé dûm ent enregistré.
Les cours de Montpellier et de Metz, et tout récemm ent
encore celles de Douai et de Paris ont jugé le contraire.
Ces deux derniers arrêts , des 18 avril 1837 et 15 juin
1 8 4 1 ,2 n ’ont point été attaqués. Mais ceux des cours de
Montpellier et de Metz l’ayant été , le pourvoi a été re
jeté par la cour de cassation , le prem ier p ar l’arrêt du
5 juillet 1820 que nous avons déjà cité, et le second par
arrêt du ^ 7 m ars 18 2 9 .3
Ainsi, la cour de cassation n ’a pas varié dans sa ju
risprudence : deux fois appelée à prononcer sur l’appli
cabilité de l’article 2074 aux m atières commerciales, elle
a deux fois décidé l’affirmative.
Cependant, la m êm e cour a, le 31 m ai 1836 , rejeté
un pourvoi contre un arrêt de la cour de Dijon, en dé
cidant : que lorsqu’il y a contestation sur la nature des
engagements entre comm erçants , on peut valablement
décider que cet engagement est un n a n tissem e n t, en le
faisant résulter des faits, actes et circonstances de la cause
qui l’ont précédé, accompagné et s u iv i4.
l 7 mars 4842; 9 juin 1826; 8 mai 1835.—D. A., t 9, p, 46;—D.P.,
27, 2, 4; 35, 2, 430.
3 D. P.. 38, 2, 209; 41, 2, 548.
3 D. P., 29, 1, 185.
4 D. P., 36, 4, 378
4
�10
des faillites et banqueroutes
Cet arrêt ferait supposer que la cour de cassation est
revenue sur sa jurisprudence ; mais il faut remarquer
que dans l’espèce de cet arrêt la contestation s’agitait en
tre le créancier et le débiteur ; qu’il s’agissait, en con
séquence, de la constitution elle-même et non des effets
qu’elle doit entraîner contre les tiers. Or , pour ce qui
concerne ceux-ci, la cour de cassation persiste dans son
opinion , ce même arrêt déclarant que l’article 2074
n’est applicable qu’au cas où il y a plusieurs créanciers
en cause et qu’il s’agit de déterminer les conditions aux
quelles le gage confère à celui qui en est nanti le droit
de se faire payer par privilège et préférence à tous les
autres.
901.
— Nous croyons que la distinction consacrée
par cet arrêt est de nature à concilier les diverses opi
nions qui se sont formées dans la jurisprudence. Elle
nous paraît, en effet, renfermer l’interprétation la plus
juste, la plus concluante de l’esprit de la loi. Il y a une
distance immense entre la discussion qui s’agite entre
le débiteur et le créancier , et celle dans laquelle des
tiers sont directement intéressés. Dans la première , le
débiteur étant solvable , il ne s’agit que de qualifier
l’acte ou le fait en litige, abstraction faite de tout mode
de paiement. Celui-ci est assuré dans un cas comme
dans l’autre , sans qu’il puisse nuire à personne. On
comprend que dans de telles hypothèses le juge puisse
s’aider dans ses recherches des registres et des circons
tances qui ont accompagné, précédé ou suivi l’engage
ment qu’il faut apprécier.
Telle est aussi l’opinion d’un auteur grave en droit
�ART.
546, 547, 648.
\\
commercial : « Les formalités d’écriture, dit M. Par
dessus, dont l’objet est d’empêcher que des tiers ne soient
trompés, ne sont pas indispensables entre le débiteur et
le créancier. Ainsi, un créancier pourrait offrir et faire
la preuve par livres , correspondance et même par té
moins , si le tribunal jugeait à propos de l’admettre,
qu’un gage lui a été promis par le débiteur. A insi, le
débiteur pourrait, par les mêmes éléments, prouver que
l’objet dont le créancier se dit propriétaire ne lui a été
livré qu’à titre de gage l.
Mais lorsque le débiteur tombé en pleine déconfiture,
il s’agit d’établir un droit de préférence en faveur d’un
créancier, ceux contre lesquels cette préférence est récla
mée peuvent refuser une preuve que la loi n’a pas au
torisée. Or, en matière de gages, la loi commerciale est
au moins muette , et ce silence du Code, indépendam
ment de ce que nous avons dit de la législation anté
rieure, laisse la matière sous l’empire du droit commun.
C’est donc à celui qui allègue le gage à en justifier l’exis
tence, conformément à l’article 2074.
Au reste, une preuve que cet article régit les matières
commerciales nous est fournie par l’article 95 du Code
de commerce. Tous prêts, avances ou paiements qui
pourraient être faits sur des marchandises déposées ou
consignées par un individu résidant dans le lieu du do
micile du commissionnaire , ne donnent privilège à ce
commissionnaire ou dépositaire qu’autant qu’il s’est con
formé aux dispositions prescrites par le Code civil pour
les prêts sur gage ou nantissements. Dans ce c a s, sans
1. N» 485.
�12
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
doute, il serait possible de prouver par les registres la
réalité du gage, et cependant cette preuve est proscrite.
Pourquoi n’en serait-il pas de même lorsque le nantis
sement est fait non par un consignataire, mais par tout
commerçant à la suite d’un emprunt?
902.
— Il n’y a donc de gage valable que celui qui
est constaté par une convention authentique ou sous
seing privée dûment enregistrée. On doit surtout le dé
cider ainsi lorsqu’il s’agit d’une faillite , aux approches
de laquelle des fraudes nombreuses sont trop souvent
tentées contre les créanciers. Or, il serait facile au cré
ancier et au débiteur de déguiser la nature de l’acte qu’ils
ont réciproquement consenti et accepté. Une vente pour
rait devenir un gage, et un gage une vente; et dans
l’un et l’autre cas la masse perdrait non-seulement le
prix , mais encore les objets , puisque ce prétendu ac
quéreur ou gagiste aurait compensé celui-ci avec ce qui
pouvait lui être dû, on le retiendrait pour être payé par
privilège.
9 0 3 . — Un autre motif pour exiger une preuve
écrite existe dans la position du débiteur qui a failli. Il
pourrait avoir consenti le gage à une époque où il n’a
vait plus capacité pour le faire. Il faut donc que la date
du contrat soit fixée par l’authenticité de sa forme ou
par son enregistrement s’il est sous seing privé. On sait
que la date de celui-ci serait la seule qui pût être op
posée aux tiers. En conséquence , si cet enregistrement
avait eu lieu dans les dix jours qui précèdent la faillite,
la convention ne saurait sortir à effet.
9 0 4 , — Toutefois, l’enregistrement n’étant utile que
�art.
546, 547, 548.
13
pour fixer la date, on pourrait le suppléer par d’autres
actes qui rempliraient le même objet : l’accomplisse
ment, par exemple, de l’une des conditions prévues par
l’article 1328 du Code civil.
9 0 5 . — Telle est la règle générale que l’on doit ap
pliquer en matière de gages. Elle ne reçoit d’exceptions
que celles qui résultent d’une disposition expresse de la
loi, ou de la nature même de l’opération. L’article 93
du Code de commerce nous fournit un exemple des pre
mières.
9 0 6 . — Mais le privilège que cet article consacre
en faveur du commissionnaire, pour le remboursement
de ses avances, intérêts et frais, exige pour sortir à effet
l’accomplissement de toutes les conditions qui y sont sti
pulés. Ainsi :
1° Les marchandises sur lesquelles le commission
naire a fait des avances doivent lui être expédiés d’une
place autre que celle dans laquelle il réside. Nous avons
déjà rappelé qu’aux termes de l’article 95 , si le com
missionnaire habite la même ville que l’emprunteur, le
gage doit être établi conformément au droit commun.
Il faut, en outre :
2° Que les marchandises aient été envoyées pour être
vendues pour le compte de l’expéditeur ;
3° Que ces marchandises soient à la disposition du
commissionnaire , dans ses magasins ou dans un dépôt
public ;
4° Et dans le cas où elles seraient en cours de voya
ge, qu’il soit porteur d’un connaissement ou d’une let
tre de voiture justifiant l’expédition qui lui en a été faite.
�14
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Dans ce dernier cas, le connaissement doit être au nom
du commissionnaire; car s’il était simplement à ordre, il
ne prouverait pas que les marchandises sont réellement
pour lui, un pareil connaissement n’étant qu’une auto
risation pour décharger valablement le capitaine.
907.
— L’exception qui résulte de la nature même
de l’opération est celle dans laquelle des marchandises,
de l’argent, des valeurs quelconques ont été livrés avec
la clause expresse ou tacite qu’ils demeureraient affectés
à une destination spéciale. Nous en trouvons un exem
ple dans une espèce jugée par la cour de Toulouse le
16 juin 1831 -1 II s’agissait de diverses sommes déposées
par de jeunes conscrits et sur lesquelles ceux-ci deman
daient privilège après la faillite de la maison chargée de
faire les remplaçants.
La cour a jugé que le privilège existait, attendu que
les annonces et les prospectus que la compagnie avait
répandus promettaient le dépôt entre les mains d’un tiers
des sommes payées par les conscrits jusqu’à l’accom
plissement des engagements de la compagnie ; que ce
privilège, à défaut par la compagnie d’avoir procuré des
remplaçants aux conscrits, pouvait être revendiqué par
chacun de ceux-ci sur la totalité des sommes déposées,
encore bien que leurs versements aient été partiels, s’ils
ont eu lieu dans le même but.
On comprend que, dans cette hypothèse, la destina
tion des sommes à percevoir des souscripteurs avait été
réglée par les annonces et prospectus ; que le traité in
tervenu à la suite de cette promesse l’avait rendue irré-
�art .
546, 547, 548.
15
vocable : que c’était l’acceptation du dépôt à titre de ga
rantie pour chacun des jeunes gens sur la totalité des
sommes déposées , qui résultait tacitement du contrat.
L’arrêt de la cour de Toulouse ne faisait donc qu’une
interprétation rationnelle et légale de l’engagement qui
liait les parties.
9 08. — Dans cette hypothèse comme dans la pré
cédente , peu importerait que le dépôt ou l’expédition
des marchandises se fussent réalisées dans les dix jours.
Dans le premier cas, le dépôt n’est que l’exécution litté
rale du titre ; dans le second , le commissionnaire de
bonne foi ne saurait être privé du gage, sans être resti
tué de ses avances ou des acceptations qu’il aurait con
senties en vue de cette expédition. Or, sa bonne foi est
présumée jusqu’à preuve contraire. Ce serait donc aux
créanciers qui allégueraient la fraude à la prouver.
9 0 9 . — L’article 2075 du Code civil exige, lorsque
le gage consiste en titres de créance ou droits incorpo
rels, que l’acte qui le constate soit notifié aux débiteurs.
Mais cette formalité n ’est requise que pour les créances
non transmissibles par la voie d’endossement. Il est évi
dent, en effet, que celles dont la propriété peut être lé
galement transférée sans notification , peuvent à plus
forte raison être momentanément engagées sans qu’il
soit besoin de la réaliser.
9 1 0 . — Mais, l ’endossement énonçant la nature de
la transmission suffirait—il pour que le porteur pût ré
clamer le privilège ? Non, s’il faut s’en référer aux prin
cipes généraux , à moins qu’un enregistrement régulier
ne donnât à la transmission une date certaine. L’endos-
�16
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sement peut bien suppléer à la convention sous seing
privé, mais aux mêmes conditions que celle-ci. S’il suf
fisait d’antidater un endossement pour nantir valable
ment un créancier , le failli pourrait aliéner ainsi une
grande partie de son portefeuille au détriment de ceux
envers lesquels il ne serait animé d’aucuns sentiments
ne bienveillance. Ce serait, dans tous les cas, une arme
dont la fraude pourrait bien souvent abuser.
9 1 1 . — La simple remise d’un billet au porteur ne
• suffirait pas pour établir le gage d’une manière valable.
Ainsi, le porteur d’un effet de ce genre, qui avouerait ou
contre lequel on prouverait qu’il ne l’a reçu qu’à titre
de gage, serait tenu de le rapporter à la masse sans pré
tendre à aucune préférence.
9 1 2 . — Le gage constitué légalement ne confère pri
vilège qu’autant qu’il est en la possession du créancier
ou du dépositaire désigné par les parties. Si par un mo
tif quelconque il avait été retiré par le déposant ou qu’il
fût rentré dans ses mains , les droits du créancier se
raient inévitablement perdus. En d’autres termes, le dé
positaire n’a aucun droit de suite sur les objets mis en
gage. Leur détention réelle détermine seule la préférence
qu’il peut réclamer sur leur valeur.
9 1 5 . — Tant que le gage est dans ses mains,les de
voirs du créancier sont de veiller à sa conservation et de
l’entretenir en bon père de famille. Il répond de la dété
rioration et de la perte survenues par sa négligence ou
par sa faute II devrait indemniser le déposant, si les
mesures conservatoires nécessitées par l’échéance des
créances qui lui ont été remises n’avaient pas été prises,
�ART.
546, 547, 548.
17
ou si les hypothèques qui peuvent y être attachées n’a
vaient pas été renouvelées 1.
914'. — Les droits du créancier gagiste sont de re
tenir le gage jusqu’à parfait paiement de tout ce qui lui
est dû en principal et légitimes accessoires. Dans ceuxci, se trouvent compris les frais faits pour l’entretien et
la conservation du gage. Le débiteur, ou soit la masse,
s’il est en état de faillite, ne peut donc réclamer les ob
jets engagés qu’en réalisant ce paiement.
9 1 5 . — Le Code de commerce n’accordait la faculté
de retirer le gage qu’aux syndics définitifs qui seuls
avaient le droit de payer un créancier. Mais on a senti
que l’exercice de cette faculté pouvait être dans l’intérêt
de la masse avant l’union, soit pour arrêter le cours des
intérêts, soit qu’une occasion favorable de se défaire
avantageusement des objets détenus par le créancier se
présente, soit enfin que la valeur du dépôt fût hors de
toutes proportions avec le taux de la créance. La loi
nouvelle a donc permis aux syndics d’user de cette fa
culté à toutes les époques de la faillite.
Mais, en aggrandissant ce pouvoir, le législateur a
voulu en entourer l’exercice d’une garantie suffisante,
pour que la faveur et la complaisance ne devinssent ja
mais les mobiles d’un acte, qui ne doit avoir d’autres
causes que l’intérêt des créanciers. Il a donc exigé l’au
torisation du juge-commissaire, à quelque époque que
les syndics veuillent user de cette faculté.
9 Î 6 . — Si le gage n ’est pas retiré, le créancier peut
i Article 2080 du Code civil
ni — 2
\
�48
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
en poursuivre la vente, ou se faire autoriser à le retenir,
en restituant la valeur excédant celle des sommes qui lui
sont dues. Il est nécessaire, dans ce cas, de faire pro
céder par des experts à l’évaluation des objets qui le
constituent.
Cette option, que laisse l’article 2078 du Code civil,
appartient exclusivement au créancier. Elle ne peut être
déférée au débiteur, ou à la masse qui le représente.
Celui-ci peut, dans tous les cas, contester l’estimation,
et faire ordonner la vente. Mais il ne pourrait jamais
contraindre le créancier qui voudrait vendre, à retenir
le gage jusqu’à due concurrence.
917.
— La faculté de vendre ne peut être exercée
qu’à l’échéance fixée par la convention, et, dans le cas
de faillite, avant que le terme soit échu, que lorsqu’il
. y a certitude que le failli ne rentrera pas dans l’admi
nistration de ses biens, c’est-à-dire après l’union. Alors
seulement, les syndics seuls pourraient retirer le gage ;
et s’ils n’usent point de cette faculté, ils ne sauraient en
empêcher la vente. Le créancier a un double motif pour
la réaliser : d’abord, la certitude que le failli est dans
l’impossibilité de remplir ses engagements ; ensuite, le
désir bien naturel de pourvoir à ses intérêts.
En effet, tant qu’il est nanti du gage, le créancier ne
peut, sous aucun prétexte, pas même sous celui d'in
suffisance certaine, se présenter et concourir aux distri
butions. Si on le réduisait à ne vendre qu’après que ces
distributions ont été réalisées, ce serait donc le condam
ner à perdre tout ce qui pourra lui être dû, déduction
faite de la valeur que le gage a produit. L’intérêt qu’il
�ART.
546, 547, 548.
a à empêcher un pareil résultat ne saurait être ni con
testé ni méconnu ; et cet intérêt suffit pour rendre sa de
mande recevable et fondée.
Cette demande doit être dirigée contre les syndics.
Elle peut être portée devant le tribunal dans l’arrondis
sement duquel le gage est déposé.
9 1 8 . — Si le créancier conserve le gage, il doit rem
bourser aux syndics, soit en nature, soit en argent, l’ex
cédant de valeur fixé par les experts. Si la vente est or
donnée, elle a lieu aux enchères. Le prix en provenant
est attribué au créancier, jusqu’à concurrence de ce qui
lui est dû en principal, intérêts et frais. Le reste appar
tient à la masse, et doit être retiré par les syndics.
Si le prix fixé par les experts, ou produit par la ven
te, est insuffisant pour payer le créancier, les droits de
celui-ci ne sont éteints que proportionnellement. Cequi
lui reste dû tombe à la charge de l’actif, et concourt, au
marc le franc avec les autres créances, à sa distribution.
9 1 9 . — Il ne faut pas confondre le gage avec le
droit de rétention que la loi permet à certains créan
ciers d’exercer jusqu’après paiement de ce qui leur est
dû. Ce privilège particulier, établi par l’article 2102,
appartient, savoir :
Au possesseur ou détenteur, pour frais faits pour la
conservation de la chose, sur celte même chose ;
Aux aubergistes, sur les effets transportés dans leur
auberge ;
Aux voituriers pour les frais de voiture et les dépen
ses accessoires sur la chose voiturée ;
Aux créances résultant d’abus ou de prévarications
�20
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
commis par des fonctionnaires publics dans l’exercice de
leurs fonctions, sur les fonds de leur cautionnement et
sur les intérêts qui peuvent en être dus.
9 2 0 . — Ce dernier privilège diffère des précédents
en ce que la chose affectée n’est pas entre les mains du
créancier. Mais une opposition signifiée par celui ci équi
vaut à la prise de possession et donne ouverture au pri
vilège. Sans doute aussi son application ne sera pas fré
quente en matière de faillite. Mais nous avons vu que
les foctionnaires qui font habituellement des actes de
commerce peuvent être déclarés faillis. Nous en avons
cité des exemples \ et ces exemples suffisent pour nous
autoriser à inscrire ici ce privilège.
9 2 1 . — Nous pouvons ajouter à cette nomenclature
le privilège de celui qui a acheté des marchandises pour
compte, sur ces marchandises qu’il est autorisé à rete
nir jusqu’à l’acquittement de ses avances.
Celui du commissionnaire qui a vendu et livré des
marchandises pour le compte de son commettant, sur le
prix de la vente, pour le remboursement de sas avances
et frais.
9 2 2 . — Le créancier qui, avant la faillite, a saisi—
arrêté, entre les mains d’un tiers, des sommes apparte
nant au débiteur, a, par le jugement qui prononce la
validité et ordonne le dessaisissement du tiers saisi, un
privilège sur les sommes saisies à l’encontre de tous les
créanciers, même de ceux qui auraient fait des saisiesarrêts après ce jugement. Ce jugement a pour effet de
1 Voy. supra article 437.
�art .
546, 547, 548.
21
faire perdre au débiteur la propriété des deniers saisis—
arrêtés, et de rendre le tiers saisi débiteur direct du sai
sissant 1. Il forme en faveur de celui-ci une espèce de
cession ou subrogation judiciaire qui le rend proprié
taire de la somme qu’il est autorisé à toucher.
923.
— Cette question avait été, dans le principe,
l’objet d’une divergence qui tend chaque jour à dispa
raître. On contestait le privilège du créancier saisissant,
comme ne résultant ni de la loi, ni de la nature de la
créance. Celui qui saisit, disait-on, est comme celui qui
fait vendre. Il agit dans l’intérêt de tous les créanciers
dont l’universalité des biens du débiteur est le gage com
mun. Il est facile, d’ailleurs, en rapprochant les articles
qui régissent les saisies-arrêts, de se convaincre que les
t t
t
nouvelles saisies dont parle l’article 575 sont précisé
ment celles qui se réalisent après le jugement qui a pro
noncé sur la première, avec laquelle cet article les ad
met à concourir. Quant au transport de la propriété que
le jugement opérerait, une seule considération en dé
montre l’inanité. On connaît la maxime: res périt do
mino. Or, si après le jugement qui valide la saisie et
ordonne au tiers de se libérer entre les mains du saisis
sant, la chose saisie venait à périr, pourrait-on soute
nir qu’elle a péri pour le compte de celui-ci ?
Ces moyens développés en 1822 avec un grand talent
par l’éminent M. Nicod, n’ont pas prévalu auprès de la
cour de cassation. La chambre des requêtes rejeta le
pourvoi, par le motif surtout que l’effet du jugement de
1 Voy.
cassation, 28 février \ 82:2;
— D. P., 22, 1, 430.
�\
22
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
validité avait été de rendre le tiers saisi directement
obligé envers le saisissant.
On ne peut se dissimuler cependant que quelques-uns
de ces moyens n’eussent une certaine gravité. Quant à
celui tiré de l’article 375, il est évident qu’il ne pouvait
produire aucune impression. Car, ainsi que l’observe
M. C arré1, les nouvelles saisies dont parle cet article
sont si peu celles réalisées après l’instance, qu’elles doi
vent au contraire être notifiées à l’avoué du premier sai
sissant, ce qui implique nécessairement la condition que
l’instance introduite par celle-ci soit encore existante.
924.
— Au reste, la chambre civile de la cour de
cassation vient de consacrer la jurisprudence de la cham
bre des requêtes, en cassant, le 30 janvier 1842,2 un
arrêt de la cour de Bourges qui, sans s’arrêter au ju
gement de validité de la saisie-arrêt, avait admis les
saisissants postérieurs à la distribution qu’elle avait or
donnée.
L’opinion de la cour de cassation est donc bien arrê
tée. Nous croyons que l’on doit d’autant plus s’y con
former, qu’elle n’est qu’une interprétation exacte des
principes de la matière et du pouvoir confié aux tribu
naux. Il serait étrange, en effet, qu’un débiteur pût cé
der à l’un de ses créanciers une partie de son actif, que
cette cession notifiée aux tiers cédés donnât à ce créan
cier un privilège exclusif sur les objets cédés, et que
lorsque la cession est ordonnée par justice, le jugement
qui la consacre n’emportât pas les mêmes effets. La sai 1 Lois de la procédure t. 8, p. 402, art. 875.
2 D. P ., 26, 2, 82.
�ART.
546, 547, 548.
23
sie-arrêt a-t-elle un autre objet que de forcer le débiteur
à transporter à son créancier la créance qu’il a lui-même
à exiger d’un tiers ? Le jugement qui la valide et or
donne le transport doit donc être considéré comme le
serait le transport volontaire. La partie saisie pourraitelle, après ce jugement, disposer de la chose saisie-arrêtée? Le saisissant n’en est-il pas désormais le seul
dispensateur ? Qu’arriverait-il de plus si la cession avait
été réalisée par le débiteur ? Quoi 1 l’ordonnance de ré
féré qui prescrit, du consentement respectif des parties,
le dépôt à la caisse des consignations d’une somme saisiearrêtée avec affectation spéciale à l’extinction de la cré
ance du saisissant, équivaut au profit de celui-ci à une
délégation avec privilège, et s’oppose à ce que les cré
anciers du saisi, depuis tombé en faillite, puissent obte
nir la réintégration à la masse des sommes déposées ',
et le jugement qui attribue ces sommes à ce même sai
sissant, ne produirait pas un effet analogue ? Serait-ce
parce que le débiteur n’aurait pas consenti ? Mais n’estce pas pour vaincre sa résistance qu’on s’est adressé à
la justice ? Et le jugement lui-même n’est-il pas le con
sentement émané de l’autorité chargée par les lois de
suppléer au refus du débiteur ?
Use réalise donc, dans notre hypothèse, l’effet qui a
lieu lorsqu’il y a cession. Le privilège est acquis dès que
le jugement a lui-même obtenu l’autorité de la chose
jugée. Et, soit qu’il y ait ou non faillite, les autres cré
anciers ne peuvent empêcher le saisissant de retenir par
préférence tout ce qui lui a été adjugé.
1 Paris, 23 juin 1841 ; D .P ., 42, 2, 101.
�24
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
925.
— A quelle époque le jugement a -t-il l’auto
rité de la chose jugée ? Faut-il, s’il est en premier res
sort, qu’il y ait acquiescement régulier, ou que les dé
lais d’appel soient expirés ?
« Les sentences ou jugements qui doivent passer en
force de chose jugée sont ceux rendus en dernier ressort
et ceux dont il n’y a appel, ou donc l’appel n’est pas re
cevable, soit que les parties y eussent formellement ac
quiescé, ou qu’elles n’en eussent interjeté appel dans le
temps, ou que l’appel ait été déclaré péri L »
Cette règle n’a pas varié. C’est donc par son applica
tion que doivent être répondues les questions qui pré
cèdent. Il en résulte : que le jugement non attaqué,
quoique susceptible de l’ê tre , a , aux yeux de la loi,
l’autorité de la chose jugée. Le silence gardé parla partie
condamnée fait présumer qu’elle acquiesce à la décision.
La réalisation de l’appel détruit seule cette présomption.
Cette décision blesse d’autant moins les intérêts des
autres créanciers, que si le silence du débiteur était le
résultat d’une collusion concertée pour leur préjudicier,
ils pourraient eux-mêmes, en vertu de l’article 1166
du Code civil, attaquer le jugement et émettre appel,
tout comme ils pourraient quereller en leur nom l’ac
quiescement donné par leur débiteur en fraude de leurs
droits.
926.
— Mais, pour que la présomption dont nous
venons de parler, et résultant du défaut de recours de
la partie condamnée, puisse être acquise, il faut que
celle-ci ait été mise en demeure de réaliser ses droits.
1 Ordonnance de 1673, tit. 27, art. S.
�art .
546, 547, 548.
25
Cette mise en demeure ne peut résulter que d’une signi
fication du jugement qui fait courir les délais de l’op
position et de l’appel. Le jugement non signifié est censé
ne pas exister. Idem non esse, aut non. sïgnificari ; il
n’a donc encore aucune autorité. Les saisies-arrêts faites
entre la prononciation et la signification , viendraient
donc en concours avec le premier saisissant. La faillite
du débiteur déclarée dans le même intervalle, autorise
rait les syndics à faire rentrer à la masse les sommes
saisies-arrêtées.
927.
— Il en serait de même si la faillite était dé
clarée après l’appel émis par le débiteur, ou si, après
cette faillite, les syndics étant encore dans les délais re
levaient eux-mêmes appel. Dans tous ces cas, le créan
cier saisissant ne pourrait venir sur ces sommes qu’en
concours avec les autres créanciers.
A rt. 549.
L e salaire acquis aux o u v riers employés d irec
tement p a r le failli, pendant le m ois qui a u ra p ré
cédé la déclaration de faillite, s era adm is au nom
b re des créances p riv ilé g ié e s , au m êm e r a n g que
le p rivilège établi p a r l’article 2101 du Code civil
p o u r le salaii‘C des gens tic service.
ILcs salaires dus aux com m is p o u r les six m ois
qui au ro n t précédé la déclaration de fa illite , se
ron t adm is au m êm e ran g.
SOMMAIRE
928.
929.
Les privilèges généraux sur les meubles s'exercent dans
l ’ordre déterminé par l ’article 2101 du Code civil.
Sont classés au premier rang les frais de justice. Quels sont
�Zb
930.
931.
932.
933.
934.
935.
936,
937.
938.
939.
940.
941.
942.
943.
944.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ceux qui en matière de faillite sont compris dans cette
qualification ?
Au deuxième et troisième rang les frais funéraires et de
dernière maladie. Ceux-ci peuvent-ils être dus lorsque
le failli est encore vivant ?
Il résulterait du sens de la loi déterminé par la doctrine
qu’ils ne sauraient jamais l’être.
Le contraire a cependant prévalu. Controverses sur le point
de départ du privilège.
Celui adopté par M. Troplong nous paraît plus conforme à
l ’esprit de la loi.
Au quatrième rang les salaires des gens de service pour
l’année échue et courante.
La loi actuelle a fait cesser i ’assimilalion qu’on faisait sous
le Code des commis aux gens de service, en réduisant le
privilège aux appointements des six derniers mois.
Mais elle n’entend parler que des commis aux appointe
ments fixes et non des agents de change ou courtiers
attachés à une maison.
Dans la dénomination de gens de service l’article 2101 ne
compienait pas les ouvriers à la journée. Leurs droits en
cas de faillite.
La loi de 1838 a obéi à un sentiment d’équité en leur ac
cordant un privilège pour les salaires du dernier mois.
Ce privilège s’étend à tous les ouvriers employés par un
industriel, mais à condition qu’ils l’ont été directement
par lui et non par un entrepreneur quelconque.
Au cinquième rang les créances pour fournitures de sub
sistances. On doit, en cas de faillite, les restreindre à ce
qui était nécessaire au failli et à sa famille.
Différence dans l’étendue de ces privilèges et celle des pri
vilèges particuliers.
Indépendamment de ceux qui précèdent , d’autres privilè
ges de même nature résultent de la faillite.
1* Pour frais de défense. Dans quel ordre il s’exerce.
2° Pour frais d’administration de la faillite qui sont assimi
lés aux frais de justice.
�ART. 549.
27
9 2 8 . — Les créances privilégiés sur la généralité
des meubles sont celles énoncées en l’article 2101 du
Code civil ; dans le cas de faillite, comme dans tous les
autres cas, elles se classent dans l’ordre que cet article
, établit lui-même.
9 2 9 . — En conséquence, le premier rang appartient
aux frais de justice. Mais on ne doit comprendre sous
cette dénomination que les frais occasionnés par les di
verses formalités prescrites par la loi dans les articles qui
précèdent. Quant à ceux auxquels donnerait lieu la
poursuite criminelle ou correctionnelle intentée contre le
failli, leur recouvrement, lorsqu’ils sont à la charge de
la masse , s’opère dans l’ordre établi par le décret du 5
septembre 1807.
9 5 0 . — Le second rang des privilèges généraux est
attribué aux frais funéraires.
Le troisième, aux frais de dernière maladie. La faillite
pouvant être déclarée après le décès, l’application de ces
deux privilèges peut se réaliser dans les faillites. Une
difficulté pourrait toutefois s’élever pour le second. Que
faut-il entendre par dernière maladie ? Sera-ce celle
qui a précédé la faillite, si le failli est encore vivant ?
9 3 f . — Il est certain que par dernière maladie la
loi a voulu parler de celle qui s’est terminée par la mort
du débiteur. Le rapprochement du privilège des frais
faits pendant son cours d’avec celui pour frais funérai
res amènerait seul à cette conséquence, si d’ailleurs les
principes n’avaient été dès longtemps fixés dans ce sens.
On entend par dernière maladie, dit le savant Pothier,
�28
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
celle dont le défunt est m o rtl, et cette opinion est parta
gée par une foule d’auteurs que l’excellent traité de M.
Troplong rappelle2.
Le sens de la loi ainsi fixé, la réponse aux questions
que nous nous sommes posées est facile : comment ad
mettre un privilège pour une maladie quelconque, si la
loi ne l’accorde que pour la dernière ? Le failli étant vi
vant, l’application de la loi est impossible.
9 3 2 . — Le contraire a prévalu cependant. Mais,
comme il arrive ordinairement lorsqu’on s’écarte de la
loi, les docteurs sont tombés dans la plus grande con
tradiction sur le point de départ de ce privilège.
M. Grenier 3 pense que Jes frais de la maladie qui a
précédé la faillite doivent être pris par privilège , quelle
que soit la distance qui sépare l’une de l’autre.
M. Pardessus admet le privilège , pourvu cependant
qu’il ne se soit pas écoulé plus d’un an entre la guérison
et la faillite4.
Mais, M. Troplong n’admet cette exception à la règle
générale que lorsque le débiteur atteint d’une maladie
chronique tombe en état de faillite, et qu’autant que la
maladie durerait encore dans toute sa gravité au moment
de la faillite; car, ajoute M. Troplong, si le malade eût
été guéri à cette époque , ou en convalence , on devrait
imputer aux créanciers pour frais d’assistance de ne s’ê
tre pas fait payer5.
1 Procédure civile, p. 194.
s Tome 1 , page 184.
3 Hypothèque, t 2, p. 20, n° 302
4 N» 1194.
5 Tome t , p. 485.
�ART. 54-9.
9 3 3 . — En l’absence de toute règle législative il est
difficile d’établir des principes certains. Cependant, nous
devons dire que l’opinion de MM. Pardessus et Grenier
peut paraître plus généreuse ; mais qu’à notre avis celle
de M. Troplong est beaucoup plus conforme aux vérita
bles principes et à l’esprit de la loi.
9 5 4 . — En quatrième lieu sont classés les salaires
des gens de service pour l’année échue, et ce qui est dû
pour la courante. Le jugement déclaratif de faillite doit
être le point de départ pour fixer ce qui est acquis à ce
double titre.
9 3 5 . — Sous le Code de commerce, les commis a vaient été assimilés aux gens de service. On leur allouait,
en conséquence, les mêmes droits et les mêmes privilè
ges. L’article 540 fait cesser celte assimilation, en n ’ac
cordant au commis le droit d’être payé par privilège
que pour le salaire des six derniers mois qui auront
précédé la faillite.
9 5 6 . — Ce privilège continuant à être classé con
curremment avec celui des gens de service doit être ex
ercé au même rang, c’est-à-dire immédiatement après
ceux pour frais de justice, frais funéraires et de dernière
maladie ; mais il ne peut être réclamé que par les com
mis qui reçoivent des appointements fixes , et non par
ceux qui ne seraient payés qu’au fur et à mesure des
travaux dont ils seraient chargés. Ainsi , les agents de
change , courtiers ou commissionnaires exclusivement
attachés à une maison, ou créanciers pour commissions,
courtages ou négociations ne seraient admis que comme
créanciers ordinaires.
�30
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
9 3 7 . — De même , les gens de service dont parle
l’article 2101 ne sont que ceux qui sont employés pour
l’année. Nous comprenons sous ce titre ceux mêmes dont
le traitement est fixé par mois, mais dont l’industrie est
ordinairement louée non pas seulement pour des inter
valles plus ou moins longs , mais pour toute l’année.
Ainsi, les domestiques engagés auraient droit au privilè
ge , alors même que leurs gages auraient été réglés à
mois.
Mais les gens de travail payés à journées ne sont pas
compris dans cette catégorie de privilégiés ; ils n’avaient
donc, sous le Code de commerce,que le droit d’être ad
mis comme les autres créanciers.
9 3 8 . — La loi de 4848 a fait cesser cet état de cho
ses , en créant un privilège en faveur des ouvriers em
ployés par le failli. Cette innovation est marquée au coin
de la plus exacte justice. Il était, en effet, déplorable de
voir des malheureux qui, dans l’ignorance la plus pro
fonde de l’état des affaires du failli, lui avaient consacré
leur industrie, leur temps et leur peine, éconduits jus
qu’après les formalités qu’exigeait le développement de
la faillite, pour ne recevoir ensuite qu’une minime par
tie du salaire qui leur était dû.
Le législateur a sagement remédié à un pareil état de
choses. Le privilège qu’il a concédé est équitable , ren
fermé qu’il est dans des limites qui , quoique étroites,
sont suffisantes pour la garantie des intérêts qu’elles pro
tègent. En effet, il n’est pas présumable qu’un journa
lier, ou qu’un ouvrier transitoirement employé puisse
rester plus d’un mois sans être payé. Lui accorder , en
�art .
549.
31
conséquence et quoiqu’il arrive, le paiement de ce mois,
c’est lui assurer dans le plus grand nombre des cas son
remboursement intégral.
939.
— Mais ce privilège est soumis à la condition
expresse pour les ouvriers d’avoir été employés directe
ment par le failli. Ainsi, ceux qui auraient travaillé pour
le failli, mais sous la direction d’un chef ou d’un entre
preneur quelconque par lequel ils auraient été appelés,
ne pourraient prétendre à aucun privilège. Ils ont leur
action contre l’entrepreneur qui demeure seul respon
sable de leur salaire.
L’article 549 s’applique à tous les ouvriers occupés
par un industriel, tel qu’un entrepreneur de travuux pu
blics, un maître maçon, etc...........Chacun des ouvriers
employés par lui peut réclamer , en cas de faillite , le
privilège pour le mois qui précède la déclaration.
Dans tous les cas, ce privilège est admis au même
rang et en concours avec celui réservé aux gens de ser
vice et aux commis.
940.
— Au cinquième rang des créances privilégiées
se placent celles pour fournitures de subsistances au
failli et à sa famille. L’on sait que par ces mots il ne
faut pas entendre seulement ce qui concerne la nourri
ture, mais encore tout ce qui est nécessaire aux besoins
de la vie, comme les vêtements, le logement, l’instruc
tion des enfants, etc___
Mais ce privilège se restreint, pour les fournisseurs
quelconques, au remboursement de ce qui était néces
saire au failli et à sa famille. Ce sont les besoins de ceuxci et non leur profession qui le déterminent. Ainsi, le
�32
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
boulanger, le boucher qui aurait fourni à un traiteur ou
aubergiste, depuis tombé en faillite , ne pourrait récla
mer un privilège pour la fourniture intégrale des six
derniers mois, mais seulement pour la partie qui serait
arbitrée avoir été consommée par le failli et sa famille.
Le surplus ne constituerait qu’une dette ordinaire pour
laquelle le fournisseur serait purement et simplement
admis au passif de la faillite l.
9 4 1 . — Les privilèges généraux qui précèdent dif
fèrent des privilèges particuliers en ce qu’ils s’exercent
sur l’universalité des meubles, et en cas d’insuffisance
de ceux-ci sur le prix des immeubles, de préférence aux
autres créanciers privilégiés ou hypothécaires.
9 4 2 . — Indépendamment des cinq ordres de privi
lèges généraux que nous venons de parcourir, il en est
quelques autres spéciaux en matière de faillite. En tête
de ceux-ci figure celui pour la défense du failli devant
les tribunaux criminels.
9 4 3 . — Le droit de défense est sacré , et ce droit
exige pour être exercé pleinement que le failli ait le choix
de son défenseur , lorsqu’il se trouve poursuivi pour
banqueroute simple ou frauduleuse.
C’est pour ne pas gêner ce droit que le décret du 5
septembre 1805 a accordé un privilège aux honoraires
de la défense sur tous les biens du failli. Ce privilège
s’exerce pour tout ce qui a été convenu par celui-ci et
son défenseur,après les privilèges généraux de l’art.2101.
i Voy. au surplus Troplong, art. 2101 ; — Pardessus, n° 1203 ; —
Dalloz, v» P r i v i l è g e .
•
�art .
549.
33
Néanmoins, le Trésor dont les droits ne viennent qu’après ceux de la défense , peut contester le règlement
des honoraires, s’il lui paraît exagéré. Dans ce cas, c’est
au tribunal qui a connu de l’affaire à en déterminer le
chiffre.
Toutefois, cette faculté du domaine a beaucoup perdu
de son utilité et de son importance depuis la loi nouvelle
qui a singulièrement restreint ses droits. Nous verrons,
en effet, plus bas que le Trésor ne peut répéter les frais
contre la masse lorsqu’il y a eu condamnation ; et dans
les cas d’acquittement, que si la poursuite a été intentée
par les syndics au nom des créanciers.
944.
— Les frais d’administration de la faillite doi
vent être aussi remboursés par privilège ; et dans ces
frais nous comprenons les honoraires des syndics. Il est
évident que cette administration est faite dans l’intérêt
des créanciers. Il est donc juste que la masse tout en
tière en supporte le remboursement.
Quant au rang dans lequel doit être exercé ce privi
lège, nous croyons qu’il faut distinguer les frais d’admi
nistration proprement d its , tels que frais généraux de
conseils , plaidoiries, voyages, etc.. . . , des honoraires
des syndics. Les premiers doivent être rangés sur la mê
me ligne que les frais de justice , et figurer au premier
rang des privilèges. Les seconds ne peuvent, à notre
avis, être ragés qu’après ceux consacrés par l’art. 2101
et les frais de défense.
nr —
3
�34
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
A rt. 550.
Le privilège et le droit de revendication établis
p a r le n° 4 de l’article 2109 du Code c iv il, au p ro
fit du vendeur d’effets m o b ilie r s , ne seront point
ad m is en cas de faillite.
SOMMAIRE
945.
Sous le Code de commerce on accordait au vendeur d’effets
mobiliers non payés le privilège et la revendication au
torisés par l’article 24 02, même en cas de faillite.
946. La loi actuelle les a abolis l’un et l’autre. Ses motifs.
947. Toutefois il n ’est pas sans intérêt de retenir ce qui se pra
tiquait sous le Code, car l’acquisition du privilège faite
sous la loi qui l’autorisait n’a pu être détruite par l’arti
cle 550.
, 948. Objections faites contre cette solution dans les espèces qui
se sont présentées depuis la loi nouvelle.
949. Arrêts qui les ont justement écartées.
950. La disposition de l’article 550 s’applique à la vente des
meubles incorporels, sauf au vendeur non payé qui n'au
rait pas encore livré le droit de rétention.
950bis. Loi du 12 février 1872. Son caractère par rapport au
privilège du locateur.
945.
— L’article 2102 du Code civil, § 4, accorde
au vendeur d’effets mobiliers non payés le droit d’être
colloqué par privilège sur le prix de la revente desdits
objets, ou d’en revendiquer la propriété aux conditions
et dans les cas qui y sont exprimés.
Ce double droit pouvait-il être appliqué en matière
de faillite ? de grandes difficultés étaient nées à cet égard ;
mais il avait été admis qu’en l’état du silence gardé par
le Code, il fallait s’en référer aux principes généraux qui
�en autorisaient l’exercice d’une manière illimitée dans
tous les cas de vente.
946.
— Cette décision a été repoussée par la loi
nouvelle qui introduit un droit contraire, en déclarant
qu’en cas de faillite le privilège et la revendication pour
le prix d’effets mobiliers ne pourrout plus être admis.
Cette innovation est importante ; elle était nécessitée par
l’abus qu’entraînait l’exercice de ce double droit. Un
commerçant était en apparence à la tête d’une fortune
mobilière dont l’existence ne contribuait pas peu à lui
faire obtenir le crédit qu’il demandait, et le lendemain
de sa faillite celte fortune s’évanouissait pièce à pièce,
ou si elle restait en sa possession, elle y était tellement
grevée de privilèges et de préférence, qu’elle ne procurait
aucun secours à ceux qu’elle avait attirés dans le piège.
Aussi, depuis longtemps des réclamations nombreud
ses avaient-elles signalé cet état des choses à l’attention
du législateur, et demandé un énergique remède contre
les fraudes qui en résultaient. La loi de 4838 a fait droit
à ces plaintes, par la disposition de l’article 5 5 0 , qui
rend impossibles pour l’avenir les abus du passé.
947.
— Mais il n’est pas sans intérêt de retenir ce
qui se pratiquait sous l’empire du Code, car l’article 550
ne peut, sans rétroactivité, régir les ventes qui auraient
été consenties avant sa promulgation. Les lois nouvelles
n ’ont aucun empire sur le passé ; elles ne pourraient,
sans blesser ce caractère essentiel, influer sur les droits
acquis conformément à la loi alors en vigueur.
Or, les privilèges sont acquis au moment même du
contrat dont ils dérivent. C’est donc par la loi qui régit
�36
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
celui-ci qu’ou doit en régler les effets. De là, il résulte
que celui qui aurait vendu un meuble sous l’empire du
Code pourrait, aujourd’hui encore, poursuivre à son
profit le droit de privilège et de revendication que le
Code créait en sa faveur, et que la jurisprudence avait
admis pour les matières commerciales.
948.
— Au reste, cette question s’est plusieurs fois
présentée depuis la loi nouvelle, et chaque fois on a sou
tenu que le vendeur, sous le Code, avait, depuis celle-ci,
perdu tout droit de préférence. La loi elle-même, a-t-on
d it, s’en est formellement expliquée. Son préambule
porte : que les faillites déclarées sous le Code continue
ront seules à être régies par les anciennes dispositions
du Code de commerce, ce qui indique que celles qui se
raient déclarées sous la loi nouvelle, le seront par elles.
Or, tout ce qui est amené par le fait de la faillite, par
tage le sort de celle-ci et se trouvé sous l’empire des
mêmes dispositions.
Cet argument confond l’exercice du droit avec le droit
lui-même. Ainsi, le privilège n’est pas produit par la
faillite, il existe avant qu’elle se réalise. Celle-ci ne fait
donc qu’en déterminer l'application immédiate, qui se
serait accomplie dans toute autre hypothèse, et par cela
seul que l’acquéreur aurait refusé de payer.
Dès lors, et en admettant même le principe de l’ob
jection, celle-ci manquerait de base dans les conséquen
ces que l’on voudrait en tirer relativement au privilège.
Mais rien n’est moins certain que le principe sur le
quel on fonde cette objection. La disposition du préam
bule ne se rapporte qu’aux formalités de la procédure,
�ART. 550.
1
37
et ce serait en abuser étrangement que de l’appliquer
au fond du droit.
l
1
3
,s
I-
i,
II
le
3.
îs
s.
es
)il
la
ait
se
îla
bin;e.
leri
re,
9 4 9 . — C’est ce qui a été expressément décidé,
notamment par un arrêt de la cour de Paris du 10r dé
cembre 1840, qui juge la question même du privilège
créé sous l’empire du Code, dont elle admet l’exercice
sous la loi nouvelle, par les motifs suivants :
« Considérant que le privilège du vendeur non payé
pouvait être exercé même en cas de faillite ;
» Considérant que si l’article 550 de la loi du 28
mai 1838 a proscrit, en matière de faillites, le privilège
et la revendication établis par l’article 2012 du Code
civil, cette disposition, introductive d’un droit nouveau,
ne peut avoir d’effet rétroactif ; qu’en vain on prétendrait
que, par suite du fait de la faillite, la position des cré
anciers se trouve soumise d’une manière absolue à l’em
pire de la loi nouvelle ; que s’il en est ainsi à l’égard
des dispositions réglementaires, il en est autrement à
l’égard des contrats créés antérieurement à ladite loi, et
sous l’influence et la protection de dispositions législa
tives contraires l. »
L’appréciation que la cour de Paris fait du préambule
de la loi nous parait incontestable. Les conséquences
qu’elle en tire relativement à l’exercice du privilège, ne
le sont pas moins. Il faudrait donc l’imiter dans toutes les
occasions où l’on aurait à juger les mêmes questions.
9SOo — La disposition de l’article 550 s’applique
1 J o u r n a l d u p a l a i s , 1844, t. 1, p, 224 ; — dans le même sens, voy.
arrêts de Paris, 2 août 1840, 28 février 4842 ; de Limoges, 16 mai 4840.
�38
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
essentiellement à la vente de meubles incorporel, tels
que les fonds de magasin ou autres établissements indus
triels ; mais le vendeur qui n’aurait pas encore opéré la
livraison aurait le droit, même en cas de faillite de l’ac
quéreur, de retenir l’objet vendu jusqu’à parfait paie
ment. Un membre de la chambre des députés deman
dait qu’on ajoutât à la loi une disposition dans ce sens ;
mais il fut répondu, avec juste raison, qu’elle était inu
tile, parce que le droit commun en autorisait suffisam
ment l’exercice.
Il est incontestable, en effet, qu’il ne saurait y avoir
lieu à privilège ni à revendication, tant que le vendeur
est encore en possession de l’objet qui a fait la matière
de la vente. En conséquence, la disposition qui suppri
mait seulement ceux-ci, ne préjugeait rien sur le droit
de rétention qui peut appartenir au vendeur.
Toutefois, les débats qui ont eu lieu à la chambre des
députés ne sont pas sans utilité pour fixer celui-ci. Il
en résulte, en effet, que son exercice a lieu malgré la
faillite, et que, par conséquent, la masse qui revendi
querait le meuble corporel ou incorporel vendu au failli,
ne pourrait contraindre le vendeur à s’en dessaisir,
qu’en lui en payant le prix intégral.
9 5 0 bis. — Nous avons déjà constaté que sous l’em
pire de la loi de 1838 comme sous le Code de commer
ce, le propriétaire des lieux loués au failli avait privilège
sur les meubles et effets mobiliers, non seulement pour
les loyers échus, mais encore pour tous ceux à échoir
jusqu’à l’expiration du b a ill.
1 Voy. supra n03 892 etsu iv .
�Ce qui en résultait, c’est que dans plusieurs faillites
le bailleur absorbait sinon la totalité, du moins le plus
clair de l’actif au détriment de la masse chirographaire,
ainsi réduite à perdre la plus grande partie de ce qui
lui était dû.
On comprend dès lors les plaintes et les réclamations
qu’un pareil état des choses avait soulevées. Réclama
tions et plaintes marquées, il faut le reconnaître,au coin
de la raison et de la justice.
Où était, en effet, la raison de cet énorme avantage
concédé au locateur, de la préférence qu’on lui accor
dait sur tous les autres créanciers? Pourquoi fallait-il
que l’une ne perdit rien et que les autres perdissent tout?
Est-ce que tout comme ceux qui avaient traité avec
le failli, le propriétaire n’avait pas fait confiance au
failli ? En louant à un commerçant, celui-ci avait-il pu
se dissimuler la chance d’une faillite ? N’en avait-il pas
tenu compte dans la détermination du prix de la location?
Qu’on dut avoir égard au respect qu’inspire le droit
de propriété, on le pouvait, peut-être même on le de
vait, mais dans une certaine mesure, et non dans des
proportions telles qu’il dût être intégralement payé des
loyers quelle que fût la durée du bail, dût-il absorber
l’actif entier laissé par le failli.
Ce qui était naturel, c’est qu’on le payât de tous les
loyers échus au moment de la déclaration de faillite.
C’est que faisant de celle-ci une cause de résiliation en
faveur de la masse, celle-ci fût obligée, si elle usait de
son droit, de l’indemniser du loyer non seulement de
l’année courante, mais encore du temps qui serait jugé
�40
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
nécessaire pour une reloca-tion des immeubles occupés
par le failli.
Le législateur de 1872 a jugé convenable d’avoir égard
aux réclamations et aux plaintes du commerce. Nous
avons déjà vu que l’article 1er de la loi du 12 février,
modifiant l’article 450 de la loi de 1838, donnait aux
syndics un délai jusqu’à l’expiration duquel ils peuvent
signifier leur intention de continuer le bail, et pendant
la durée duquel toutes voies d’exécution et toute action
en résiliation sont suspendues 1.
Le môme article 1" règle les devoirs et les droits res
pectifs des parties, suivant que le bail est résilié ou con
tinué.
S’il est résilié, le bailleur a privilège, en ce qui con
cerne le passé, pour les deux dernières années de loca
tion échues avant le jugement déclaratif de faillite ; en
ce qui concerne le présent et l’avenir, pour l’année cou rante, pour tout ce qui concerne l’exécution du bail et
pour les dommages-intérêts qui pourront lui être alloués
par les tribunaux.
Le projet du gouvernement, admettant que ce qui
concerne l’exécution du bail et les dommages-intérêts
eux-mêmes n’étaient que des accessoires suivant néces
sairement le sort du principal, n ’avait rien statué à leur
égard. Mais sur l’observation que les privilèges étant de
droit étroit, tout devait être expressément et formelle
ment prévu. Le Corps législatif crut devoir s’en expli
quer, et déterminant ce qu’il fallait entendre par les
termes : tout ce qui concerne l’exécution du bail, il ad1 Voy. s u p r a n° 145 bis.
�ART. 5 8 0 .
41
mit que le privilège du bailleur s’étendrait au coût des
réparations locatives qui resteraient à sa charge, et à
l’indemnité de moins value du matériel industriel par
lui fourni.
La nécessité de se prononcer était bien plus impérieu
se encore, en ce qui concerne les dommages-intérêts.
On pouvait, en effet, se demander si les tribunaux pou
vaient en allouer et fonder la négative sur ce que la
faillite était en quelque sorte un fait de force majeure
dont la responsabilité n’incombait à personne.
La loi n ’a pas été de cet avis et ses termes impli
quent pour les tribunaux le droit et la faculté d’accor
der des dommages-intérêts. Mais le caractère de la fail
lite et le fait que ces dommages-intérêts grèveront en
réalité la masse chirographaire, imposent une grande cir
conspection dans l’exercice de ce droit et de ce pouvoir.
Le but de la loi n’a pas été, n ’a pas pu être d’enri
chir le bailleur. Ce qu’elle a voulu, c’est qu’on le rendit
indemne des conséquences de la faillite. Les tribunaux
doivent donc calculer les dommages-intérêts sur le temps
probable qu’exigera une relocation, et allouer à ce titre
le loyer de six mois ou d’un an à partir de l’expiration
de l’année courante. Us doivent d’autant plus en agir
ainsi qu’il est évident que le locateur ne poursuivra la
résiliation que lorsqu’il sera certain d’une nouvelle lo
cation et souvent à un prix plus avantageux pour lui.
Si le bail est continué, le bailleur a le droit d’exiger
tous les loyers échus et dus au moment du jugement dé
claratif. Quant aux loyers à échoir, et même ceux en
cours, il ne peut prétendre en être payé qu’à leur échéan-
�42
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ce successive, à la condition néanmoins que les sûretés
qui lui ont été données au moment du contrat seront
maintenues, ou que celles qui lui ont été fournies de
puis la faillite seront jugées suffisantes.
Or, la vente et l’enlèvement des meubles garnissant
les lieux loués sont une atteinte grave aux sûretés pré
vues au moment du contrat. En conséquence, le bail
leur n’est tenu de consentir à la continuation du bail
que si les syndics offrent et donnent une garantie jugée
suffisante.
Dans le cas contraire, le bailleur doit obtenir la rési
liation du bail et, dans ce cas, il doit être payé par pri
vilège et immédiatement des loyers échus, de ceux de
l’année courante, de tout ce qui concerne l’exécution du
bail et, en outre, du loyer d’une année à échoir à par
tir de l’expiration de l’année courante, que le bail ait
ou non date certaine.
Cette disposition confirme ce que nous disions tout à
l’heure des dommages-intérêts. C’est évidemment à ce
titre que cette année en sus de l’année courante est ac
cordée ; et si dans l’hypothèse la résiliation étant forcée
par la vente et l’enlèvement du gage, la loi a admis ce
maximum d’indemnité , comment accorderait-on audelà lorsque la résiliation est poursuivie par le bailleur
spontanément et sans autre motif que la faillite?
Il n’y aurait lieu ni à résiliation, ni à dommagas-intérêts si les syndics étant autorisés à continuer le com
merce, les marchandises achetées dans ce but venaient
remplacer celles qui seraient vendues et enlevées ; ou si,
par la cession du bail, le nouveau locataire garnissait
�art .
S50.
43
les lieux de gages suffisants et exécutait toutes les condi
tions que le bail primitif imposait au failli.
Il est évident que la personne qui paiera importe
peu au bailleur qui 11e peut raisonnablement exiger qu’il
ne soit apporté aucune modification à son droit. Or, si
la loi nouvelle autorise, soit la continuation, soit la ces
sion du bail, ce n’est qu’à la condition que ce droit soit
respecté et continue son plein et entier effet.
Donc en autorisant les syndics à céder le bail, la loi
nouvelle concilie l’intérêt de la masse avec les justes
exigences du bailleur, en faveur duquel elle a cru devoir
interdire tout changement de destination des lieux.
Aussi ne comprenons-nous pas que la cession du
bail ou la sous-location soit prohibée lorsque le bail en
refuse la faculté. Une clause de ce genre qui n’a rien de
blessant pour le locataire qui l’a consentie, est injuste à
l’égard de la masse. En effet, elle la soumet à suppor
ter un loyer d’autant plus onéreux qu’elle ne peut user
des lieux loués,et cela peut être pendant une suite d’an
nées plus ou moins longue. Nous ne voyons pas en quoi
la dispense pour la masse d’exécuter cette clause blesse
rait l’intérêt du vendeur avec les conditions auxquelles
la cession du bail est subordonnée.
Quoi qu’il en soit, si le bail le prohibe, il ne peut y
avoir cession ou sous-location que pour le temps à rai
son duquel le bailleur aura par anticipation touché les
loyers. Or, qu’il ait été réellement payé, ou qu’il ait la
certitude de l’être, nous ne saurions voir la raison plau
sible qui devait faire interdire dans ce dernier ce qui est
aulorisé'dans le premier. Cette certitude ne s’induit-elle
�44
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
pas des conditions imposées à la faculté de sous-louer
ou de céder le bail.
Ce n’est donc que d’un pas fort timide que le légis
lateur est entré dans la voie des modifications. Tel qu’il
le fait le sort du bailleur est assez avantageux et diffère
assez de celui des autres créanciers pour qu’on ne soit
pas tenté de s’appitoyer sur son compte.
La non rétroactivité est un principe qui s’impose à
toute loi nouvelle. Aussi celle de 18721 a-t-elle soin
d’exprimer qu’elle reste sans application aux baux qui
auront acquis date certaine avant sa promulgation.
Le bailleur aura donc privilège, pour tout ce qui est
échu et pour tout ce qui est à échoir. Tout ce qui a pa
ru possible, c’est de lui refuser le droit d’exiger par an
ticipation les loyers à échoir, s’il lui est donné des sû
retés suffisantes pour en garantir le paiement.
A rt. 551.
Les syndics présenteront an ju ge-com m issaire
l’état «les créanciers se prétendant privilégiés su r
les bien s m eubles, et le ju ge-co m m issaire a u to ri
s e ra , s’il y a lieu , le paiem ent de ces créanciers
s u r les prem iers d eniers ren trés.
S i le privilège est contesté , le t rib u n a l pron on
cera.
SO M M A IR E
951.
Les créanciers privilégiés peuvent être payés avant toute
répartition sur une liste dressée par les syndics d’office
ou sur l’ordre du juge-commissaire.
952. A quelle époque cette liste peut-elle être présentée ?
953. Après l'avoir consultée le juge-commissaire peut ordonner
le paiement de tout ou partie de la créance.
�ART.
954.
955.
956.
957.
958.
959.
960.
851.
45
Il est évident, en effet, que ce paiement ne peut à aucune
époque entraîner le moindre inconvénient.
De ce que le pouvoir du juge n’est que facultatif, résultet-il que les créanciers privilégiés ne peuvent jamais con
traindre les syndics h les payer ?
Droits à cet égard des créanciers privilégiés sur la généra
lité des meubies.
Droits des privilégiés sur certains meubles.
La faculté de contester les privilèges appartient à tous les
intéressés.
Mais elle doit être exercée dans la vérification.
La partie qui succombe doit être condamnée aux dépens.
9 51. — Les créanciers privilégiés sont en quelque
sorte en dehors de la faillite. Us ne subissent aucune
des chances de la liquidation et doivent, dans tous les
cas , être payés de tout ce qui leur est dû. Us ne sont
donc pas obligés d’attendre , pour recevoir leur paie
ment, que la distribution du prix du mobilier soit ou
verte. Us peuvent le réclamer dès que le mobilier est
vendu et avant toute répartition.
A défaut de réclamations directes, le juge peut l’or
donner d’office après avoir reçu la liste que les syndics
sont obligés de lui remettre de tous les créanciers qui se
prétendent privilégiés.
9 5 2 . — A quelle époque cette liste doit-elle être re
mise ? U est certain que les syndics ne peuvent connaî
tre les prétentions des divers créanciers que par la véri
fication des créances, chacun étant obligé de subir cette
formalité et de réclamer, en l’accomplissant, le privilège
qu’il prétend lui appartenir. La clôture du procès-verbal
permet seule aux syndics de saisir dans leur ensemble
�A6
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tous ceux qui ont été revendiqués, et les met à même
d’en présenter la lite complète. C’est donc aussi à cette
époque qu’ils doivent la remettre au juge-commissaire.
9 5 3 . — Ce magistrat peut immédiatement ordon
ner le paiement de toutes ou de parties des créances pri
vilégiées soit sur les sommes existant en caisse , soit sur
celles qui entreront les premières. Ce pouvoir était né
cessaire , parce que parmi les créanciers il peut s’en
trouver pour lesquels un plus long retard serait une in
justice, leur position et la nature de leurs créances exi
geant impérieusement un prompt paiement. Il est évi
dent que c’est dans ce sens qu’il faut entendre les ex
pressions de notre article : autorisera, s'il y a lieu. Or,
il y aurait toujours lieu de le faire après l’union, la loi
n’astreignant pas les privilégiés à attendre la répartition.
9 5 4 . — Le juge-commissaire peut donc, avant l’u
nion, ordonner le paiement de tel ou tel créancier pri
vilégié. Il faut d’autant plus le décider ainsi que , par
rapport à eux, la question de savoir si la faillite se ter
minera par concordat ou par union est sans aucune im
portance. Dans l’un comme dans l’autre cas la créance
doit être soldée en totalité. Ai nsi, non-seulement la remi
se, mais encore les termes stipulés dans le concordat ne
peuvent leur être opposés. Qu’importe dès lors , même
en supposant qu’il soit intervenu un concordat, qu’ils
aient été payés de ce qui leur était dû. Ce paiement le
failli n’aura plus à le faire , lui qui serait contraint de
l’opérer s’il n’avait pas été fait. La décision du jugecommissaire ne pourraitdonc lui occasionner aucun pré
judice ; il ne saurait donc en naître aucun grief.
�ART.
551.
47
9 5 5 . — Mais ce pouvoir est purement facultatif pour
le juge. Nul ne saurait en contraindre l’exercice. Resultet-il de là que les créanciers privilégiés ne puissent exi
ger le paiement de leur créance qu’après le contrat d’u
nion ?
Une distiction entre les divers privilèges nous paraît
nécessaire : ou les privilèges sont généraux, ou particu
liers.
9 5 6 . — Les créanciers privilégiés sur l’universalité
des meubles ne pourraient contraindre les syndics à les
désintéresser avant l’union. Us n’ont en leur possession
aucuns des objets affectés qui ne doivent être nécessai
rement aliénés qu’après la réalisation de celle-ci K C’est
donc au moment où l’on dispose de leur gage qu’il leur
est permis d’utiliser leurs droits. Tant que les meubles
existent, ils ne sauraient ni se faire payer sur un prix
qui n’est pas réalisé , ni exécuter les meubles dont les
syndics sont spécialement chargés, et que seuls ils peu
vent vendre.
Il est vrai que cette vente peut être autorisée par le
juge-commissaire avant même la vérification des créan
ces 2. Mais il est certain qu’elle ne peut alors être requise
que dans un objet spécial : les besoins actuels de la fail
lite, et que rarement le juge autorisera une vente totale.
En fût-il autrement, le droit des créanciers privilégiés
se bornerait à former opposition entre les mains du receveurde la caisse des consignations dans laquelle le prix
de la vente doit être déposé. Ce qui doit le faire admell Article S34.
1 Article 486.
�48
DES FAILLITES ET BANQUEKOUTES
tre ainsi , c’est qu’à l’époque de la vente autorisée par
l’article 486 la vérification n’ayant pas encore en lieu,
il n’existe ni créanciers privilégiés , ni créanciers ordi
naires. Les uns et les autres ne sont encore que présumés.
957.
— Quant aux créanciers qui ont des privilèges
particuliers sur certains meubles , ils peuvent se faire
payer si leur dette est exigible soit en vertu de la loi, soit
en vertu de la convention. Dans ce nombre il faut placer
le locateur, le gagiste, le voiturier, etc.. . . Le droit du
premier est formellement reconnu par la lo il. Celui des
autres résulte de la nature même de leur créance et de
la possession de l’objet qui en répond.
Cet objet ne peut passer entre les mains des syndics
qu’à condition de désintéresser le détenteur. Les droits
de celui-ci ne sont donc nullement altérés parla faillite;
il conserve par conséquent contre celle-ci la faculté de
faire vendre l’objet qui est en sa possession, tout comme
il aurait pu le faire contre le failli lui-même.
Remarquons, en effet, que la prohibition des pour
suites individuelles ne concerne en aucune manière ceux
qui ont pour leur créance une affectation spéciale. C’est
ainsi que l’article 572 permet aux créanciers hypothé
caires, même après la déclaration de faillite, de poursui
vre l’expropriation des immeubles. Pourquoi n’en seraitil pas ainsi du créancier privilégié qui a dans ses mains
de quoi se payer de ce qui lui est dû. Le gage n’est-il
pas la plus énergique des affectations, et n’est-ce pas en
vue aussi du droit qu’a le créancier de l’aliéner que la
i Article 450.
�ART. 5 5 1 .
49
loi a permis aux syndics de le retirer à toutes les épo
ques de la faillite ?
9 5 8 . — Tous les intéressés peuvent contester le pri
vilège réclamé par un créancier. Ainsi, à défaut par les,,,
syndics de le contredire au nom de la masse et même
dans le cas où ils y acquiescent, chaque créancier peut
en son nom individuel susciter et soutenir la contestation.
9 5 9 . — Mais cette faculté rappelée par l’article 551
ne peut évidemment être réalisée qu’au moment de la
vérification ou dans les délais que nous avons établis
sous l’article 494. Personne ne pourrait plus contester,
si la créance et le privilège avaient été régulièrement ad
mis et que le procès-verbal de vérification eût été clôturé
sans réclamations.
960. — La partie qui succombera doit être condam
née aux dépens. Cette prescription formelle de l’article
533 du Code de commerce est sous-entendue dans l’ar
ticle 551. Elle résulte d’ailleurs suffisamment des prin
cipes généraux du droit.
SECTION IIIe
DES D R O IT S D E S C R É A N C IE R S H Y P O T H É C A IR E S E T P R I V I L É G I É S
SU R L E S IM M E U B L E S
A r t . 5 5 SL
lo rsq u e la d istrib u tio n du p rix des im m eubles
sera faite an térieu rem en t à celle du p rix des biens
meubles, ou sim ultaném ent, les créanciers p riv i
légiés ou hypothécaires , non rem p lis s u r le p rix
des im m eubles , c o n c o u rro n t, à proportion tic ce
m — 4
�50
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
q ui le u r restera dû, avec les créanciers ch irogra
ph aires , s u r les deniers appartenant à la m asse
ch irograph aire, pourvu toutefois que le u rs créan
ces aient été vérifiées et affirm ées suivant les fo r
m es ci-dessus établies.
A r t . 353.
Si une ou p lu sieu rs d istribu tio n s de deniers
m o biliers précèdent la distribu tio n du p rix des
im m eubles, les créanciers privilégiés et hypothé
caires vérifiés et affirm és concourront anx ré p a r
titions dans la proportion de le u rs créances tota
les, et sauf, le cas échéant, les distractions dont il
sera parlé ci-après.
SOMMAIRE
961.
962.
963.
964.
963.
966.
967.
En vertu de la règle générale que les biens du débiteur sont
affectés au paiement de ses dettes, les créanciers hypo
thécaires ou privilégiés ont, malgré l’affectation spéciale
à leur créance ( le droit de concourir dans la masse chi
rographaire. ■
La distribution du prix des immeubles est laissée â l’em
pire de la législation ordinaire. La loi des faillites ne rè
gle que le mode de participation des créanciers hypothé
caires à la répartition de l ’actif mobilier.
Si cette répartition a été précédée de l ’ordre, les droits des
créanciers à celle-ci se bornent à la partie de la créance
non payée par le prix des immeubles.
Mais dans ce cas les privilèges admis par l ’article 2101 ont
le droit de se faire colloquer dans l ’ordre.
Si la distribution des deux masses a lieu simultanément les
créanciers hypothécaires non utilement colloqués sur le
prix des immeubles sont admis dans la masse mobilière.
Mais les privilèges généraux ne sont admis dans la masse
immobilière que si l’actif mobilier est insuffisant.
Si la masse mobilière est distribuée avant le prix des im-
�ART.
B52, BB3.
51
meubles, tous les créanciers indistinctement sont admis
pour la totalité de leur créance.
968. Mais dans chacune de ces trois hypothèses les créanciers
hypothécaires ou privilégiés ne viennent à la distribu
tion mobilière que s’ils ont fait vérifier leurs créances.
969. Le défaut de vérification n’a cependant pour eux que les
conséquences réglées par l ’article 503.
961. — Les créanciers privilégiés sur les immeubles
et les créanciers hypothécaires ont un droit général sur
tous les biens du failli. Ils ont un droit spécial et exclu
sif sur les immeubles affectés à leurs privilèges et hy
pothèques.
Telle est la règle ordinaire, et cette règle n’est suscep
tible d’aucune exception. Malgré la différence des deux
masses et quoique les créanciers chirographaires n ’aient
aucuns droits de concours sur la masse hypothécaire les
créanciers auxquels celle-ci est affectée grèvent en mê
me temps le mobilier et participent aux répartitions que
celui-ci peut produire, en tant cependant qu’ils ne sont
pas payés dans l’ordre , et seulement au marc le franc
de leurs créances.
Cela tient à la qualité de ces créances. La faillite n’en
modifie aucunement la nature. Elles existent après dans
le même état qu’avant. Les hypothèques légalement ac
quises contre le failli produisent donc contre la masse
tous les effets dont elles sont susceptibles.
96 2. — La loi des faillites n ’a introduit aucune rè
gle spéciale en matière de distribution hypothécaire. Elle
laisse donc celle-ci sous l’empire des Codes civil et de
procédure. C’est dans leurs dispositions qu’il faut recher-
�52
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
cher le rang des divers privilèges et l’ordre dans lequel
ils s’exercent, les droits de chaque créancier par rapport
à l’inscription qui le prime , le règlement des diverses
contestations. Toutes ces matières restent à la juridiction
ordinaire malgré l’état de faillite du débiteur. L’excep
tion même, tirée contre un créancier de sa participation
au vote du concordat, doit être déférée au tribunal de
vant lequel l’ordre se poursuit, et qui seul a pouvoir de
l’en exclure. Il en est de même pour la nullité des hy
pothèques inscrites au mépris des dispositions des arti
cles 446, 447 et 448 de la loi.
La seule difficulté qui dût préoccuper le législateur
était le mode de participation des créanciers privilégiés
et hypothécaires à la distribution de la masse chirogra
phaire , et c’est précisément ce qu’il règle dans la pré
sente section.
Cette distribution a lieu pendant, avant ou après l’or
dre pour le prix des immeubles. Voici dans chacune de
ces hypothèses comment il est procédé.
963.
— 1° L’ordre est définitivement clôturé avant
la répartition de la masse mobilière.
Aucune difficulté ne peut s’élever dans ce cas. Les
créanciers sont colloqués : les privilégiés dans l’ordre
établi par l’article 2103 du Code civil, les hypothécaires
à la date de leurs inscriptions. Il arrive dès lors : ou
que la créance colloquée en rang utile est payée inté
gralement , le créancier est en conséquence tout à fait
désintéressé et il devient étranger à la faillite ; ou la cré
ance n’est soldée qu’en partie ; ou bien elle est en entier
exclue ; et dans l’une et l’autre hypothèse le créancier
�art.
552, 553.
passe en tout ou en partie dans la masse chirographaire
pour prendre part aux dividendes produits par l’actif
mobilier.
964.
— Mais nous avons vu que les privilèges géné
raux sur les meubles grèvent éventuellement les immeu
bles si le mobilier ne suffit pas pour les éteindre. Or,
dans l’hypothèse que nous examinons la question de
suffisance est encore indécise , puisqu’elle n’est jugée
qu’au moment où s’ouvre la répartition ; on doit donc
admettre dans l’ordre et au premier rang des privilèges
les créanciers pour une des causes indiquées dans l’arti
cle 2101, et tous ceux qui auraient un droit de même
nature. Cette admission ne saurait être refusée sans ex
poser les créanciers les plus favorisés par la loi à perdre
le recours que cette loi leur assure. En effet, si le mo
bilier était par son peu d’importance ou par tout autre
motif insuffisant pour les payer to u s, la clôture anté
rieure de l’ordre et la délivrance des bordereaux aux cré
anciers inscrits réalisées antérieurement auraient fait dis
paraître le prix des immeubles et établi contre eux une
forclusion invincible. Dans la prévision d’un pareil ré
sultat chacun d’eux peut se présenter à l’ordre et s’y
faire payer, lorsqu’il s’ouvre avant la répartition du mo
bilier.
965.
— 2° La distribution des deux masses a lieu
simultanément.
Il est, dans ce cas, facile de concilier tous les intérêts
en faisant concorder les deux distributions. Les résultats
de l’ordre sont connus et tous les créanciers non collo
qués ou seulement colloqués en partie viennent immé-
�!
54
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
diatement à la répartition du mobilier, au prorata de ce
qui leur est dû. Si, au contraire, la distribution immo
bilière quoique ouverte ne présente encore rien de cer
tain , soit parce que la collocation provisoire n’a point
été réglée, soit parce que cette collocation ayant été con
testée les contredits ne sont pas jugés, il est procédé com
me dans l’hypothèse suivante.
966. — Mais, dans ce cas il ne saurait s’élever au
cun doute sur les créanciers privilégiés sur la généralité
des meubles ; il ne saurait y avoir de distribution du
mobilier aux créanciers ordinaires qu’après qu’ils ont été
payés. La certitude de leur complet désintéressement est
donc acquise par l’ouverture de celle-ci ; la question de
suffisance est dès lors jugée, et ceux de ces privilégiés qui
auraient produit dans l’ordre devraient en être rejetés.
9 6 7 . — 38 Enfin, la distribution du mobilier a lieu
avant celle du prix des immeubles.
Tous les créanciers privilégiés sur les immeubles ou
hypothécaires concourent à cette distribution et reçoivent
le dividende réparti sur la totalité de leurs créances.
Mais, même dans ce cas, il ne s’opère aucune confusion
entre les deux masses ; les sommes, appartenant à cha
cune d’elles lui restent spécialement affectées, ainsi que
nous allons le voir sous les articles suivants.
9 6 8 . — Dans chacune de ces trois hypothèses les
créanciers sur les immeubles ne sont admis dans la masse
mobilière que s’ils ont fait vérifier et admettre leurs cré
ances. Nous découvrons ici un des motifs pour lesquels
la loi a rendu cette formalité commune à tous les créan-
�ART.
552, 553.
55
ciers, même aux privilégiés et aux hypothécaires. L’actif
mobilier n’appartient qu’aux créanciers légalement ad
mis. Eux seuls peuvent prendre part aux répartitions.
Les créanciers privilégiés ou hypothécaires étant dans le
cas de réclamer leur concours à ces répartitions doivent
subir la loi commune et faire, en conséquence, vérifier
et affirmer leurs créances.
969.
— Mais, pour eux comme pour les chirogra
phaires , il n’y a aucune forclusion encourue tant qu’il
reste quelque chose à distribuer. Ceux donc d’entre eux
qui n’auraient pas requis cette vérification dans les dé
lais légaux pourront la demander en tout état de cause,
conformément à ce qui est réglé par l’article 503. Les
frais de la vérification et de l’affirmation resteront à leur
charge.
A rt. 554.
Après la vente des im m eu bles et le réglem ent
définitif de l’o rd re entre les créanciers hypothé
caires et p r iv ilé g ié s , ceux d ’entre eux q u i vien
dront en o rd re utile s u r le p rix des im m eu bles
pour la totalité de le u r créance, ne toucheront le
montant de le u r collocation hypothécaire que sous
la déduction des som m es p a r eux perçues dans la
masse ch irograph aire.
Les som m es a in si déduites ne resteron t point
dans la m asse hypothécaire, m ais re to u rn e ro n t h
la masse c h iro g ra p h a ire , au profit de laquelle il
en sera fait distraction.
A rt. 555.
A l’égard des créanciers hypothécaires qui ne
seront colloqués que partiellement dans la distri-
�56
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
In itio n (lai j»e*î \ «ïes im in c n lilc s , il s e r a p rocéd é
com m e i l su it : le u r s d ro its s u r la m a sse c h ir o
g r a p h a ir e se ro n t d éfin itivem en t ré g lé s d ’a p r è s les
so m m es don t ils re s te ro n t c r é a n c ie r s , a p r è s le u r
c ollocation im m o b iliè r e , et le s d e n ie r s q n ’ils a u
r o n t touchés an d elà de cette p r o p o r t io n , d a n s la
d istributiosa a n t é r ie u r e , Hem* se ro n t re te n u s s u r
le m o n ta n t «le le u r c ollocation h y p o th é ca ire , et
re v e rsé s d a n s la m asse c h iro g ra p h a ire .
A rt . 5 5 6 .
£es c ré a n c ie rs q u i me v ie n n e n t p o in t eia o r d r e
u tile se ro n t c o n sid é ré s com m e c h ir o g ra p h a ire s et
sonnais com m e te ls a u x effets d u c o u c o rd a t et «le
toutes les o p é ra tio n s d e la m a sse c h iro g ra p h a ire .
SOMMAIRE
970.
971.
\
Objet de ces dispositions.
Le concours des créanciers privilégiés sur la généralité des
meubles dans la distribution immobilière opèreen faveur
des créanciers hypothécaires non payés par suite de ce
concours une véritable subrogation. Conséquences.
972. Lorsque la répartition mobilière a précédé l ’ordre immobi
lier la masse chirographaire est subrogée aux droits des
hypothécaires jusqu'à concurrence des sommes qu’elle
leur a payées.
973. Conséquences de cette subrogation si les hypothécaires sont
colloqués pour la totalité en rang utile.
974. Droits du créancier hypothécaire qui n’a été utilement col
loqué que pour une partie de sa créance. Dans quelles
proportions il sera autorisé à retenir le dividende qu’il a
reçu.
975. Enfin, si le créancier n’est pas colloqué en rang utile, il de
vient simple chirographaire pour tout ce qui lui est dû.
976. Le concordat intervenu devient obligatoire pour lui, comme
pour tous les autres créanciers.
�ART. 554, 555, 556.
57
976 bis. Le dividende payé après concordat aux créanciers hypo
thécaires et qui a diminué d’autant leur créance, profite
non au failli, mais aux créanciers derniers inscrits.
977. Indépendamment du droit de se faire payer par préférence
sur le prix des immeubles, le créancier hypothécaire a
la faculté de contraindre par corps le débiteur stelliouataire. Cette faculté est-elle enlevée par le concordat?
978. Solution que cette question avait reçue sous le Code ; arrêt
de la courdeBesançon qui avait admis l ’affirmative,cassé
par la cour de cassation.
979. Il est à remarquer que la cour de cassation ne se fonde en
aucune manière sur les termes de l’ancien article 545,
d’où la conséquence que les termes du nouveau sont
sans influence sur la question.
980. Il faut décider sous la loi'nouvelle que l’action en sfellionat
étant une émanation du droit hypothécaire , n’est point
enlevée par le concordat.
981. Examen des objections que cette solution peut faire naître.
982. Dans tous les cas cette action n ’est ouverte qu’après l’en
tière distribution du prix des immeubles.
970. — Les deux masses, venons-nous de dire, ne
se confondent jamais ; les deniers de l’une ne profitent
jamais à l’autre. Les deux premiers articles que nous
examinons développent les conséquences de ce principe,
en réglant le sort des sommes que le concours des cré
anciers, de l’une dans l’autre, a momentanément dis
traites de leur destination. Le dernier fixe la position
des créanciers hypothécaires ou privilégiés non payés,
dans leurs rapports avec la masse mobilière.
9 7 1 . — Les seuls créanciers privilégiés sur tous les
meubles peuvent concourir aux distributions immobi
lières. Cela se réalise dans la première des trois hypo-
�58
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
dents. Si, par suite de la collocation qu’ils ont obtenue,
ces créanciers ont été payés, ce paiement a été évidem
ment fait à la décharge de la masse mobilière. Ce n ’est,
en effet, qu’en cas d’insuffisance de celle-ci que le prix
des immeubles est grevé de ces privilèges. Il s’opère, dès
lors, en faveur des créanciers ayant droit sur celui-ci,
une subrogation légale contre cette masse, en vertu de
laquelle ceux d’entre eux non payés par l’effet de la col
location de ces privilèges, viennent exclusivement retirer
dans la répartition de l’actif mobilier tout ce que ceuxci ont pris dans la masse immobilière.
972.
— Dans le cas, au contraire, où la distribu
tion mobilière a précédé l’ordre, la masse chirographaire
est subrogée aux droits des hypothécaires jusqu’à con
currence des sommes que ceux-ci ont touchées sur le
prix des meubles. Cette subrogation s’exerce dans l’ordre
même, et elle a plus ou moins d’étendue, selon que le
créancier a été payé en tout ou en partie parle résultat
de sa collocation.
,
975.
— Le créancier utilement colloqué pour la to
talité de sa créance ne peut retirer cette totalité ; car il
est déjà payé en partie par le dividende qu’il a reçu. Il
ne peut donc toucher sur sa collocation que ce qui lui
reste dû. Par exemple : Paul est créancier hypothécaire
d’une somme de fr. I0,00Ô ; avant l’ordre, il a reçu
dans la distribution mobilière un dividende de vingtcinq pour cent, ou soit une somme de fr. 2,500. Dès
ce moment sa créance se trouve réduite à fr. 7,500.
. _ Mais cette créance demeure dans la masse hypothé-
�ART.
554, 555, 556.
59
caire pour sa valeur nominale. Elle est plus tard collo
quée en rang utile; mais il n’est plus dû que fr. 7,500;
Paul ne touchera donc réellement que cette somme qui
suffit pour son paiement intégral.
Qui profitera de l’excédant de la collocation ? Les
créanciers hypothécaires qui viennent après lui ? Non,
sans doute, ceux-ci n’ont un droit de préférence que sur
le prix réel de l’immeuble. Or, les fr. 2,500 précomptés
à Paul n’appartiennent pas à celui-ci ; ils ne pouvaient
donc leur être affectés. Admettre le contraire, serait con
sacrer un privilège exorbitant, et qui préjudicierait sin
gulièrement à la masse chirographaire. Certainement
celle-ci aurait, dans ce cas, le plus vif intérêt à atten
dre que les immeubles fussent vendus et leur prix dis
tribué avant de faire elle-même une distribution, puis
que dans le cas contraire une grande partie de son actif
viendrait s’absorber dans la masse hypothécaire au bé
néfice des créanciers derniers inscrits.
De plus, consacrer cet état des choses, c’était empirer
ingulièrement la position des créanciers ordinaires, et
les sacrifier aux hypothécaires qui n’ont pu et dû comp
ter que sur la valeur des immeubles, telle qu’elle résulerait de la vente de ceux-ci, et non pas augmentée
l’une partie notable du mobilier sur lequel ils n’ont ja
mais eu des droits de préférence.
La nécessité d’une prompte exécution s’unissait donc
à l’équité, à la justice, pour faire consacrer que ce qui
était sorti de la masse mobilière devait retourner à cette
masse ; de même que dans le cas précédent on restitue
1 la masse immobilière ce qui a été pris par les créan-
I
(
�60
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ciers privilégiés sur la généralité des meubles. En con
séquence , dans notre hypothèse , Paul prendra sur sa
collocation les fr. 7,500 qui lui sont encore d û s , les fr,
2,500 d’excédant seront payés aux syndics qui les réintégreront dans la masse chirographaire.
1
^
1
9 7 4 . — Si le créancier hypothécaire n’obtient de
collocation que pour une partie de sa créance, il a droit
de retenir le dividende qu’il a reçu, mais seulement jus- j
qu’à concurrence de celui qu’il aurait à recevoir sur la
partie de la dette non payée. Exemple : Paul, créancier (
de fr. 10,000 , a reçu avant l’ouverture de l’ordre un (
dividende de 25 % sur la totalité de sa créance. Plus .
tard , il est payé dans l’ordre de fr. 5,000. Quels au
raient été ses droits si cet ordre avait précédé la distri- (
bution mobilière ? De concourir à cette distribution pour
fr. 5,000 seulement, puisqu’il ne lui était plus dû que
cette somme. Le dividende de 25 % sur fr. 5,000 ne i
représente qu’une somme de fr. 1,250. En réalité, il en i
a touché fr. 2,500. C’est donc fr. 1,250 qu’il a reçu
en plus et qu’il doit restituer. Or, la loi veut que cette
(
restitution s’opère par voie de retranchement sur la col
location hypothécaire ; il en résulte que celle de Paul étant de fr. 5,000 , il-ne retirera que fr. 3,750 , les fr,
1,250 seront pris par les syndics comme dans le cas
précédent, et feront ainsi retour à la masse qui les a
déjà déboursés.
Il est évident que la position du créancier ne peut
changer, par cela seul que la distribution mobilière au
rait précédé celle du prix des immeubles. Dans ce cas
même le créancier n’est admis dans la première qu’é-
�ART.
554, 555, 5 5 6 .
61
ventuellement et sauf réglement selon les résultats de la
seconde. La question de priorité est donc indifférente ;
le créancier ne peut jamais recevoir plus que ce qui lui
est dû après l’exercice de son action hypothécaire. Or,
que revenait-il, dans notre exemple, à Paul après cet
exercice ? Fr. 5,000 de sa collocation et un dividende
de 25 % sur le restant de sa créance, ou soit fr. 1,250;
total fr. 6,250. Que reçoit-il par le retranchement de
fr. 1,250 sur sa collocation postérieure à la première
distribution ? Fr. 3,750 restant de celle-ci ; fr. 2,500
dividende au 25 % sur fr. 10,000 ; total fr. 6,250. Il
est dès lors rempli de tout ce qui lui revenait. Il ne se
rait donc pas fondé à se plaindre d’un résultat qui lui
Refuse seulement le dividende sur la partie de la dette
qui ne pouvait en produire, puisqu’elle était payée en
otalité.
Quant au retour des fr. 1,250 retranchés à la masse
chirographaire , il se justifie par les principe que nous
avons exposés tout-à-l’heure.
975. — Enfin, les créanciers privilégiés ou hypothé
caires qui ne viennent pas en rang utile ou qui ne sont
payés que partiellement deviennent simples chirographai
res pour la totalité de ce qui leur est dû dans le premier
cas, pour la partie de la dette non soldée dans le se
cond. Réduits à se pourvoir dans la masse mobilière, ils
n’ont d’autres droits à prétendre que ceux qui appartien
nent à tous les créanciers ordinaires. Par une déduction
logique ils en assument aussi toutes les obligations , et
entre autres celle de ne participer au partage de l’actif
qu’au prorata et au marc le franc des créances pour
lesquelles ils ont été admis après vérification.
�62
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
976.
— Il résulte encore de là que si un concordat
est interveu , ces créanciers en supporteront les effets et
subiront la remise qui a été stipulée. Cette remise sera
calculée sur les sommes dont ils seront restés créanciers;
elle sera totale ou partielle, selon qu’ils auront été par
tiellement colloqués ou qu’ils n’auront rien reçu dans
la distribution du prix des immeubles. A insi, le traité
auquel ils n’ont pu prendre part deviendra obligatoire
pour eux comme pour les créanciers qui l’ont voté.
97 6 bis. — La règle tracée par l’article 554 suppose
que la faillite a amené un contrat d’union, laissant sub
sister à côté l’une de l’autre la masse chirographaire et ?
la masse hypothécaire, avec leurs droits distincts et res
pectifs. La première payant avant l’ordre les créanciers
classés dans la seconde , se trouve légalement subrogée
à leurs droits jusqu’à concurrence de la somme payée,
et par conséquent autorisée à prendre çette somme dans
l’ordre, sur chaque collocation qui est accordée pour la
créance intégrale et sans déduction.
Le concordat faisant cesser l’état de faillite amène la
confusion des deux masses sur la tête du failli. Il n’y a
plus qu’un débiteur et des créanciers à satisfaire dans la
mesure de leurs droits. Le dividende convenu est dû à
tous et à chacun d’eux. Les hypothécaires doivent, en
outre , recevoir l’excédant dans la distribution du prix
des immeubles.
Par rapport au failli concordataire, le droit de ces
derniers est demeuré intact, alors même que par appli
cation des articles 446 et 447 la nullité de l’hypothèque
eût été prononcée en faveur de la masse.
�art .
554, 555, 556.
63
Alors aussi la distribution du prix des immeubles se
fait sur des bases différentes. Chaque créancier n’est plus
colloqué dans l’ordre que pour ce qui lui reste dû, dé
falcation faite des dividendes déjà reçus. D’où la consé
quence que des créances qui, en cas d’union, ne seraient
pas venues en rang utile , seront appelées à l’être au
moyen de ces défalcations.
Leurs bénéficiaires profiteront-ils de l’effet de cette
collocation? On a essayé de le contester en invoquant
l’article 554 ; mais son inapplicabilité après concordat a
été et devait être absolument consacrée.
En effet, comme nous venons de le dire, le concordat
a confondu les deux masses, remis le failli en possession
de ses biens. Il n’y a plus qu’un actif, qu’un passif,
qu’un seul et unique débiteur tenu de satisfaire ses cré
anciers dans la mesure de leurs droits.
Or, le droit des créanciers hypothécaires à concourir
aux distributions du dividende qui se réalisent avant
l’ordre est incontestable et ne saurait être méconnu.
Mais ils ne reçoivent qu’en à-compte de leur créance,
qui s’éteint d’autant.
Dans l’hypothèse d’un contrat d ’union la masse chi
rographaire ne doit rien aux créanciers hypothécaires
qui seront intégralement payés dans l’ordre. Pour ce
qu’elle donne à chacun d’eux avant celui-ci ce n’est qu’
une avance qu’elle fait de ses deniers qui doivent , dès
lors, lui être remboursés, le cas échéant.
Après le concordat, la distribution du dividende aux
créanciers hypothécaires n’est plus ni faite , ni reçue à
titre d’avance. Elle est un paiement définitif éteignant
�64
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
d’autant la créance et procédant du droit inhérent à
cette créance. En effet, l’actif tant mobilier qu’immobi
lier du débiteur est le gage commun de tous ses créan
ciers. L’affectation spéciale qui naît de l’hypothèque n’est
qu’une garantie de plus qui n ’a dans aucun temps et
dans aucun cas libéré l’actif mobilier de celle qui le
grève jusqu’à paiement définitif et intégral.
Donc, le failli concordataire qui distribue le dividende
promis aux créanciers hypothécaires n’a fait que remplir
une obligation. La réception de ce dividende a libéré
l’actif mobilier conformément à la loi du concordat.
Mais elle n'a pu ni modifier ni altérer le droit hypothé
caire qui s’exerce naturellement dans la distribution du
prix des immeubles.
On a été réduit pour justifier l’opinion contraire à sou
tenir que le failli, en payant la masse chirographaire,
avait été subrogé à ses droits, qu’il avait donc hérité de
celui que lui confère l’article 554.
Mais pour être subrogé aux droits d’un créancier il
faut avoir payé la dette d’un tiers et non la sienne pro
pre. Or, le failli distribuant le dividende convenu et dé
sintéressant la masse chirographaire a payé sa dette per
sonnelle qui s’est trouvée éteinte. Aucune subrogation n’a
pu, dès lors, s’opérer ni en fait ni en droit.
En définitive, comme le disait avec raison le tribunal
civil de Neufchâtel, que les dividendes recouvrés sur la
masse hypothécaire se répartissent ensuite entre la masse
chirographaire , cela se conçoit durant la faillite. Mais
que ces dividendes payés par le concordataire à' ses cré
anciers hypothécaires qui n’ont pas figuré au concordat
�7~
art .
554, 555, 556.
65
reviennent ensuite dans ses mains, c’est ce qui se con
çoit moins. Le concordataire ne peut se prévaloir de ce
qu’il a payé les dividendes à titre d’avance ; la masse
chirographaire aurait été seule tenue vis-à-vis de la
masse hypothécaire à des avances qu’elle aurait faites
avec son actif, sauf répétition ; le concordataire rentré
dans ses droits n’a pas pris dans une masse pour faire
bénéficier une autre masse ; il n’a rien mis d’une bourse
dans l’autre; il n ’a pas fait des avances ; il a payé ses
dettes.
Devant le tribunal on disait à l’appui de l’opinion
contraire : il est évident que sans les paiements préala
bles des dividendes les créanciers derniers colloqués ne
seraient pas venus en ordre utile. Dès lors , aux termes
de l’article 556 ils n’étaient plus, que des créanciers chi
rographaires soumis aux effets du concordat. Ils ont
donc en recevant leur dividende touché tout ce qu’ils
pouvaient et devaient recevoir.
Mais, répond le jugement, cet article n ’a pas la por
tée qu’on veut lui donner. Si les créanciers privilégiés ou
hypothécaires sont considérés comme chirographaires,
les effets du concordat ne leur sont applicables qu’en
tant que chirographaires ; du moment qu’ils demandent
à se prévaloir de leur hypothèque à laquelle ils n’ont
pas renoncé , le concordat ne peut, leur être opposable,
parce qu’il n’a pas détruit ni dénaturé leur hypothèque.
Le haut caractère rationnel et juridique de ce juge
ment ne pouvait être méconnu. Aussi, frappé d’appel,
était-il confirmé par la cour de Rouen , le 25 janvier
1855.
ni — 5
�66
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
« Attendu, dit l’arrêt, que les créanciers hypothécai
res peuvent prendre part aux dividendes que distribue
leur débiteur, parce qu’ils ont comme tous les créanciers
droit au gage commun ; que ces paiements partiels di
minuent d’autant leurs créances, de façon que les créan
ciers premiers en hypothèque et utilement colloqués lais
sent libre, au profit de ceux qui viennent après eux, une
somme égale à celle qu’ils ont reçue au moyen des di
videndes ; mais qu’il n’est pas possible , hors le cas de
faillite subsistante, d’appeler les créanciers chirographai
res et moins encore le débiteur commun à venir s’in
terposer entre ceux des créanciers hypothécaires que ces
dividendes ont servi à désintéresser, et les autres créan
ciers que l’ordre de leur hypothèque appelle immédiate
ment après ceux-ci ; que ce serait, en dehors de la fail
lite et dans une situation uniquement régie par la loi
civile, porter atteinte au privilège exclusif que l’hypo
thèque confère aux créanciers nantis de celte sûreté jus
qu’à leur parfait paiement ou jusqu’à épuisement de
l’immeuble.1 »
Nous ajoutons qu’on ne pourrait admettre le contraire
sans méconnaître la loi spéciale. Avec juste raison le
législateur commercial n’a pas voulu appauvrir la masse
chirographaire au profit des hypothécaires. Voilà pour
quoi chacun de ceux-ci doit lui restituer la somme qu’
elle lui a avancée, s’il la retire dans l’ordre. Mais, con
traindre dans les mêmes conditions les hypothécaires à
restituer au failli concordataire les dividendes qu’ils ont
reçu de lui , ce ne serait plus protéger la masse chiro-
�art .
554, 555, 556.
67
graphaire qui d’ailleurs a cessé d’exister; ce serait vou
loir enrichir le failli au détriment de ses légitimes cré
anciers. Un pareil résultat, on peut le dire hautement
et sans crainte, n’est jamais entré dans les prévisions et
moins encore dans les prescriptions du législateur.
Ainsi, après concordat, le paiement du dividende aux
créanciers hypothécaires éteint d’autant la dette.Chacun
d’eux ne peut et ne doit plus être colloqué dans l’ordre
pour la distribution du prix des immeubles que pour le
solde qui lui reste dû. Ce que ces paiements partiels ont
laissé libre sur ce prix est distribué aux hypothécaires
dans l’ordre de leurs inscriptions. Le failli ne peut ja
mais toucher que l’excédant qui resterait après paiement
intégral de tous les créanciers hypothécaires. L’art. 554
spécial au cas d’union ne peut recevoir aucune applica
tion lorsque la faillite a été terminée par un concordat.
977. — Mais indépendamment du droit de se faire
payer par préférence sur le prix des immeubles, la qua
lité d’hypothécaire confère d’autres facultés : celle no
tamment d’exercer la contrainte par corps, si cette pré
férence n’a été empêchée que par une fausse déclaration
du débiteur sur les hypothèques existant sur ses biens;
en d’autres termes, par un stellionat. Cette action tombet-elle sous l’effet du concordat? L’homologation de celuici en empêche-t elle l’exercice ?
978. — En principe, l’état de faillite est exclusif de
la contrainte par corps. Nous avons vu que le failli ne
peut être emprisonné que si le jugement déclaratif l’or
donne, et que quelles que soient les dispositions de ce-
�68
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
lui-ci il ne peut être reçu (l’écrou ou recommandation
pour aucune espèce de dettes \
Cet état de choses se maintient tant que dure la fail
lite. Le concordai faisant cesser celle-ci lève cette prohi
bition , mais par la remise consentie et par le paiement
du dividende stipulé le failli est complètement libéré ; il
semblerait donc que le créancier hypothécaire devenu
simple chirographaire par défaut de collocation sur le
prix des immeubles et n’ayant que le droit de retirer le
dividende, devrait être désinvesti de l’action en stellionat.
Telle avait été l’opinion de la cour de Besançon qui,
sous l’empire du Code de commerce, av ait, le 21 juillet
1836 , décidé que le failli stellionataire ne pouvait être
contraint par corps après le concordat. Mais cet arrêt
déféré à la cour de cassation, fut cassé par arrêt du 28
juillet 1840,2 lequel considère : « Qu’il résulte des ar
ticles 2059 du Code civil et 520 du Code de coûimerce
que le stellionat existe d’une manière absolue dans les
cas qu’ils déterminent, et que les hypothécaires inscrits
qui n’ont point de voix dans la délibération du concor
dat ne peuvent perdre leurs droits à se pourvoir contre
les stellionataires.
» De plus : que le concordat lui-même porte expres
sément réserve de tous les droits des créanciers hypothé
caires auxquels il ne peut en rien préjudicier. Qu’ainsi,
ils ne peuvent être privés du droit que leur donne l’ar
ticle 2059 du Code civil à raison du stellionat; que n’é
tant pas colloqué dans Tordre par suite de la collocai Article 435.
�!
ART.
554, 555, 556.
69
tion d’hypothèques dont il ne devait pas craindre le con
cours, il ne reste au demandeur en cassation que l’ac
tion dirigée contre le débiteur stellionataire qui n’a pu,
sans une fausse application des articles 542 et 543 du
Code de commerce et sans violer les articles ci-dessus
cités, être mis à l’abri de celte poursuite. »
979. — On voit que la cour de cassation ne se pré
occupe nullement de l’article 455 du Code de commerce
qui n’excluait l’exercice de la contrainte par corps en
matière de faillite , que pour celle résultant de juge
ments commerciaux. Cette considération pouvait fournir
un argument à l’appui de la solution admise. Elle a été
cependant sans influence sur l’opinion de la cour devant
laquelle on l’avait présentée. D’où la conséquence qu’on
ne saurait aujourd’hui exciper des termes du nouvel ar
ticle 455 que nous avons rappelés.
Il est évident, au reste, que l’application de cet article
se concentre dans les premiers moments de la faillite,
alors que la présence et le concours du failli peuvent être
tellement nécessaires à la liquidation, que dans un in
térêt général la loi a dû sauvegarder sa personne de
toute atteinte.
980. — Il faut donc, sous la loi nouvelle, chercher
ailleurs l’appréciation de la question que nous examinons
et dont la solution git dans les principes généraux qui
restent, sous celle-ci, ce qu’ils étaient sous le Code.
Les créanciers hypothécaires ont deux actions bien
distinctes : celle de se faire payer par préférence sur le
prix des immeubles ; celle de concourir à la répartition
du mobilier. Il est vrai que la première est épuisée par
�70
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
la clôture de l’ordre ; que le créancier non colloqué n’a
plus à exercer que la seconde. Il est encore vrai que,
quant à ses effets, celle-ci tombe nécessairement sous le
coup du concordat.
Mais, le droit hypothécaire renferme une action par
ticulière dont les évenlualilés de l’ordre peuvent rendre
l’exercice utile. Il convient de distinguer le cas où le dé
faut de collocation n’est dû qu’à l’insuffisance du prix
ou au rangement d’inscriptions antérieures dont l’exis
tence n’a jamais été dissimulée , de celui où le créancier
en acceptant l’hypothèque a reçu l’affirmation qu’il n’ex
istait aucune autre inscription , ou Seulement que telle
ou telle inscription. Dans le premier cas , le droit est
éteint ; dans le second, il survit en entier. Non pas sans
doute quant au prix qui est légalement distribué aux
créanciers antérieurs, mais seulement pour contraindre
le débiteur à réparer sa fraude en payant intégralement
ce qui aurait dû l’être si cette fraude n’avait pas été em
ployée.
L’action en stellionat n’est donc qu’une émanation
du droit hypothécaire. Le législateur substitue la con
trainte qui en est la conséquence au droit de préférence
que la mauvaise foi du débiteur a rendu stérile. Il se
réalise donc dans cette circonstance , qu’on nous per
mette cette expression, un véritable déplacement de l’hy
pothèque. L’effet de celle-ci ne pouvant plus affecter les
biens, affecte la personne. D’où il résulte que l’action
en stellionat est purement hypothécaire, et ce caractère
suffit pour la soustraire aux effets du concordat qui ne
peut régir quq les droits mobiliers.
�art .
854, 585, 856.
71
981.
— Vainement dirait-on que si après l’homo
logation du concordat les créanciers inscrits conservaient
une action personnelle contre leur débiteur pour cause
de stellionat, il en résulterait une véritable antinomie,
puisque d’une part on autoriserait un acte qui replace
le failli à la tête de ses affaires, et qu’on rendrait, de
l’autre, cet acte illusoire en permettant à un seul créan
cier de faire incarcérer le débiteur et de l’empêcher ainsi
de remplir les engagements contractés dans le concor
dat! Dès l’instant qu’il est reconnu que le droit qui dé
rive du stellionat est purement hypothécaire , aucune
considération ne pourrait prévaloir sur les principes qui
doivent le régir. Or , ces principes sont incontestables :
les droits hypothécaires ne sont jamais atteints par le
concordat.
D’ailleurs, celui-ci n’est et ne peut être voté que par
les créanciers ordinaires. La volonté de la majorité n’est
imposée à la minorité que parce que le sacrifice qui en
résulte pour celle-ci lui est commun. Mais cette condi
tion inévitablement attachée à ce pouvoir exorbitant qui
force un créancier à abandonner une partie de sa cré
ance ne se réaliserait pas dans l’espèce. Le créancier hy
pothécaire perdrait non-seulement une partie de sa dette
mobilière, mais encore un droit spécialement attaché à
sa qualité , et qu’une disposition expresse de la loi lui
confère. Il n’est donc pas juste de laisser les créanciers
chirographaires disposer des droits des hypothécaires,
pas plus qu’il ne le serait d’admettre ceux-ci qui doivent
être payés sur les immeubles, à voter au concordat et à
déterminer par leur adhésion la remise que les premiers
doivent seuls supporter.
�72
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Remarquons, en outre, que la fraude fait exception à
la règle ordinaire. Il serait même dangereux devoir dans
le concordat une dérogation à ce principe salutaire. Le
débiteur qui trouverait dans cet acte une immunité as
surée pourrait se livrer sans frein au stellionat, car ceux
qui en seraient les victimes ne pourraient jamais con
courir à faire rejeter le concordat au vote duquel ils ne
peuvent coopérer. Ainsi, il suffirait de la volonté des
créanciers chirographaires pour annihiler la peine sévère
que la loi a prononcée contre les stellionataires. Le con
cordat ferait ce que ni l’âge ni le sexe no peuvent faire.
Et, tandis que le stellionat suffit pour que son auteur
soit exclu en matière civile de la cession de biens , en
matière commerciale du bénéfice de la déclaration d’excusabilité, on refuserait, en cas de concordat, la possi
bilité d’obtenir réparation de cet acte que la loi a qua
lifié presque de délit ?
Nous ne craignons pas de le dire , un pareil résultat
serait désastreux pour les créanciers hypothécaires, dan
gereux pour la morale et contraire à la volonté expresse
du législateur.
Mais, dira-t-on, en permettant aux créanciers victi
mes d’un stellionat l’exercice de la contrainte malgré le
concordat, vous assimilez la position du failli à celle
qu’il aurait en cas d’union 1Non, sans doute; car dans
cette dernière hypothèse le failli stellionataire ne pour
rait être déclaré excusable. Il se trouverait, dès lors, en
butte non-seulement à la contrainte pour le stellionat,
mais encore à celle qui résulterait de ses engagements
commerciaux. Par le concordat il est à jamais délivré de
�celle-ci , et n’y gagnât-il que cela , que ce bénéfice a jouté à la remise sur les dettes mobilières qui lui est
accordée, constituerait un avantage assez précieux pour
qu’il soit avidement recherché.
Un dernier reproche peut être adressé à l’opinion que
nous croyons devoir être adoptée. Le créancier hypothé
caire non colloqué devient, dira-t-on, simple chirogra
phaire. Si vous lui permettez de toucher dans ce cas mê
me l’intégralité de sa créance, vous blessez l’égalité qui
doit exister entre tous les créanciers ? N’y aurait-il pas
de l’injustice â réduire les uns à une quote part de leur
créance et à accorder au premier la totalité ?
Ce reproche serait fondé si celui-ci n’avait pas dans
sa qualité même le droit d’exiger qu’il en soit ainsi. Or,
nous l’avons déjà établi, la contrainte par corps n’est,
en cas de stellionat, que l’équivalent de l’hypothèque.
Il n’y a donc nulle injustice à déduire de l’un tous les
effets que l’autre devait naturellement produire. Le cré
ancier qui n’a consenti à traiter qu’en recevant un nan
tissement hypothécaire, aurait été payé intégralement si
ce nantissement eût été sincère. Il doit l’être par l’exer
cice de la garantie que la loi lui fournissait de cette sincérité. Les créanciers qui ont été moins exigeants que
lui ne peuvent trouver étrange la faveur qui lui est faite
et qu’ils pouvaient se faire concéder.
Nous pensons donc que, sous la loi nouvelle, on doit
suivre la jurisprudence de la cour de cassation et décider
que l’action en stellionat, dérivant du droit hypothé
caire, ne peut être refusée après le concordat. L’opinion
contraire consacrée par la cour de Besançon , d’abord
I
�74
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
dans un arrêt du 23 août 1812, et en second lieu par
celui qui a encouru la censure de la cour de cassation,
est sans écho dans la jurisprudence. Déjà les cours de
Paris et de Bordeaux l’avaient condamnée , la première
par arrêt du 26 février 1833, et la seconde par arrêt du
9 décembre 1834.1
982.
— Le créancier hypothécaire peut donc, non
obstant le concordat, exercer l’action en stellipnal ; mais
cet exercice ne s’ouvre qu’après la clôture définitive de
l’ordre. Jusque-là , en effet, l’intérêt du créancier n’est
pas en souffrance , il n’a encore éprouvé aucun préju
dice. La déclaration faite par le débiteur peut ne pas être
vraie ; mais si le prix des immeubles est suffisant pour
payer toutes les inscriptions, il est certain que le créan
cier trompé n’aura aucun grief à articuler. La peine
portée par la loi n’est pas destinée à atteindre seulement
la fausse déclaration , mais principalement à réparer le
préjudice qui en résulte. Or , ce préjudice n ’existe que
si le créancier n’est pas payé, et ce défaut de paiement
n’est lui-même certain que lorsque les créanciers anté
rieurs qu’on avait déclarés ne pas exister étant payés, il
ne reste rien pour celui envers lequel le stellionat a été
commis. Ce n’est donc qu’à ce moment que celui-ci
pourra agir par voie de contrainte par corps.
1 D. P „ 33, 2, 426; 35, 2, 109.
�art .
557, 558, 559.
SECTION
SES
D R O IT S
DES
75
IV e
FEM M ES
A rt. 557.
En cas de faillite du m ari, la fem m e dont les ap
ports en im m eubles ne se trou veraien t pas m is en
communauté, re p re n d ra en n atu re lesdits im m eu
bles et ceux qui lu i seront survenu s p a r succession
ou par donation entre-vifs ou testam entaire.
A rt. 558.
La femme re p re n d ra pareillem ent les im m eu
bles acquis p a r elle et en son nom des deniers p ro
venant desdites successions et donations, p o u rv u
que la déclaration d ’em ploi soit expressém ent sti
pulée au contrat d ’acquisition, et que l’o rigin e des
deniers soit constatée p a r inventaire ou p a r tout
autre acte authentique.
A rt. 559.
Sous quelque régim e q u ’ait été fo rm é le contrat
d e m ariage , hors le cas prévu p a r l ’article précé
d e n t , la présom ption légale est que les b ien s ac
q u i s par la fem m e du fa illi ap partien n en t à son
m ari, ont été payés de ses deniers et doivent être
réunis à la niasse de son a c t if, sau f à la fem m e à
fournir la preuve du contraire.
SOMMAIRE
983. L’ordonDance de 1673 n ’avait apporté aucune modification
au droit commun en matière de dotalité, soit par respect
pour la dot, soit parce que l ’état du commerce était loin
de l’exiger.
984. Le législateur de 1807 fut contraint, quoique à regret, de
suivre une marche contraire,
�il* * *
76
985.
986.
987.
988.
989.
990.
991.
992.
993.
994.
995.
996.
997.
998.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
L’apprécialion qu’il fait lui-même de ses dispositions rend
facilement raison de leur nature.
Modifications introduites par le nouveau législateur. C’est
par l'expérience qu’il faudra juger de leur opportunité.
La diversité de ces législations a fait naître la question de
savoir quelles étaient les règles à appliquer aux faillites
ouvertes sous chacune d’elles.
Aucune difficulté ne pouvait s’élever pour celles déclarées
sous l’ordonnance.
Si la faillite avait été déclarée sous l'empire du Code et
que la femme fût mat iée sous l'ordonnance de 1673, son
sort était réglé par les dispositions de celle-ci.
Le bénéfice de la loi nouvelle n ’est acquis à la femme que
du jour de sa promulgation et à l ’encontre des créanciers
qui ont traité avec le mari depuis lors. A l ’égard des au
tres elle est régie par la loi du contrat de mariage.
Arrêt contraire de la cour de Grenoble.
Dissentiment et réfutation.
Les restrictions au droit commun que la loi a maintenues
ne se réalisent que dans le cas de faillite résultant de la
cessation de paiements ou d’un jugement déclaratif.
Arrêts qui avaient dénié cet effet à la cessation de paie
ments condamnés par la cour cassation.
Ces principes doivent être appliqués aujourd'hui. Il en ré
sulte que quelle que soit la position du mari la femme
a droit à être colloquée pour la totalité de ses reprises,
tant qu’il n ’a pas cessé ses paiements.
Cette cessation se réalisant l’effet de la loi spéciale est ac
quis à tous les créanciers , et pour ce qui concerne les
hypothécaires malgré le concordat.
Mais le mari et ses héritiers restent toujours tenus envers
la femme pour l’intégralité de ses droits et reprises.
La femme peut reprendre les immeubles qu’elle a apportés
en dot et ceux qui lui sont obvenus depuis par succes
sion et donation, savoir : ceux existant en nature , à la
condition qu’ils lui soient demeurés personnels.
�art .
557, 558, 559.
77
999.
1000.
Ceux acquis en remploi aux conditions suivantes :
1* Qu’ils aient été acquis par elle en son nom ou par le
mari, avec déclaration d ’emploi et accèptation de celuici par la femme.
1001. A quelle époque devrait s’être réalisée cette acceptation ?
1002. 2‘ Que l’acte conlienne la déclaration d’emploi.
1003. 3° Que l ’origine des deniers soit constatée par actes au
thentiques.
1004. L'absence de ces conditions ferait refuser l ’action en re
prise des immeubles, mais non l ’action en répétition des
sommes que la femme prouverait lui être obvenues.
1004bis. L’ensemble des conditions exigées pour que la pro
priété de la femme soit admise, est-il de rigueur ?
1005. Si l'origine des deniers n ’est pas justifiée , ils sont censés
avoir été fournis par le mari.
1006. Mais la preuve du contraire est recevable. De quels élé
ments elle doit résulter.
1007. Celle obligation de prouver est imposée à la femme,quel
que soit le régime sous lequel elle s ’est mariée.
983. — Le respect pour les dots a été poussé fort
loin dans notre ancienne législation. On a toujours con
sidéré leur conservation comme intéressant l’ordre publit. Il n’est donc pas étonnant que l’ordonnance de 1673
n’eût apporté aucune modification au droit commun,
même dans le cas de faillite.
Peut-êlre même serait-il juste d’ajouter que l’état du
commerce à cette époque n’en nécessitait aucune. Ce
n’est que plus tard qu’on chercha dans cette utile et ho
norable profession le moyen de s’enrichir, même au prix
de la ruine de ceux dont on avait su capter la confiance.
984. — Il est certain, en effet, que le législateur de
1807 ne pouvait plus reculer dans l’obligation d’appor-
�78
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1er un prompt et sévère remède aux excès scandaleux
que la discussion du Code de commerce déroula à ses
yeux. L’énormité de ces abus fît (aire les préjugés rela
tifs à l’importance de la dot que chacun avait acceptés
de la législation civile, dont on ne consentait la modifi
cation qu’à regret.
« Pourquoi faut-il, s’éciait l’orateur du Tribunat, après avoir rappelé les faveurs que cette législation avait
concédées aux femmes , que les désordres qui ont cor
rompu la simplicité primitive du commerce amènent,
aujourd’hui , la dure nécessité de retirer aux femmes
des commerçants une partie des avantages qui leur avaient été si libéralement accordés ? Pourquoi faut-il
que le luxe effréné de quelques-unes d’entre elles, leurs
dépenses sans mesure, leur facilité à se prêter à des man
œuvres spoliatrices forcent le législateur à se montrer
sévère quand il voudrait n ’être que généreux.1 »
985.
— Ces plaintes qui justifient le parti pris par
le législateur témoignent en même temps de l’excès du
m a l, et tout doute sur son étendue est impossible lors
qu’on voit le législateur apprécier ainsi ses prescriptions :
« Les dispositions du Code, disait M. Corvetto, sont une
sorte de transaction entre des principes différents : d’un
côté la femme est considérée comme complice , ou du
moins comme solidairement responsable de la faillite de
son mari , et sous ce rapport on lui impose des sacri
fices; de l’autre , on la regarde comme ne devant pas
1 T arrible , E xposé des vœ u x du Tribunat. — Locré , tome 7,
page 98.
�ART. 557, 558, 559.
79
partager la chance des événements, et ses droits sont
respectés.1 »
En ce plaçant à ce point de vue on se rend facilement
compte des dispositions du Code de commerce ; nous
aurons à les rappeler, lorsque les mettant en regard de
celles de la loi nouvelle, nous devrons constater les mo
difications qu’elles ont subies.
986. — En effet, le législateur de 1838 a pensé que
trenteans de pratique du système créé par leCodeavaient
assez déraciné les abus pour qu’il fût permis de se re
lâcher un peu de sa sévérité. Cette opinion était-elle
fondée? C’est ce que l’expérience nous apprendra. Quant
à nous, nous avons toujours cru et nous croyons encore
que si les droits de la femme , et par conséquent ceux
de la famille méritent d’être protégés , ceux des créan
ciers ne doivent pas être vus moins favorablement, et
que le plus puissant moyen, peut-être, de rendre les dé
sastres commerciaux plus rares, c’est de faire un devoir
à la femme et à la famille de la plus extrême prudence,
en laissant peser sur elles une grande partie de ce dé
sastre et en les intéressant ainsi à éviter tout ce qui pour
rait y conduire.
987. — Quoiqu’il en soit, la divergence de ces trois
législations et la transition de l’une à l’autre ont natu
rellement amené la question de savoir comment devaient
être régis les droits des femmes dans les faillites décla
rées sous chacune d’elles.
988. — Aucune difficulté ne pouvait s’élever avant
i Locré, tome 7, p. 105.
�80
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
le Code. L’ordonnance de 1673 laissant la femme sous
l’application du droit civil,c’était par les principes adop
tés par celui-ci que se trouvait fixé le sort des créances
que la femme pouvait avoir à répéter contre son mari
ou ses créanciers.
989.
— Si la faillite a été déclarée sous l’empire du
Code de commerce, les dispositions de ce Code ne peu
vent régir que les femmes qui se sont mariées depuis sa
promulgation. C’est ce qu’indiquent le droit et le texte
même du Code de commerce. En droit , la loi ne peut
rétroagir, et c’est ce que décide pour les faillites l’article
557 qui exclut de l’atteinte des dispositions restrictives
du Code les droits et actions des femmes acquis avant
leur application. L’article dit : droits acquis , et non :
droits ouverts ; d’où la conséquence que les avantages
assurés à la femme au moment de son m ariage, par la
législation alors en vigueur, ne peuvent sous aucun pré
texte lui être enlevés.
Ainsi, l’étendue de l’hypothèque légale, les gains de
survie, le privilège accordé pour le douaire , le droit de
reprendre le mobilier apporté , quoiqu’il n’en ait éié
dressé ni état ni inventaire, n’ont été nullement altérés
par l’apparition du Code de commerce, lorsque les époux
s’étaient mariés sous l’empire de l’ordonnance de 1673.
Le bénéfice des anciens principes ou le régime du Code
civil ont été irrévocablement acquis par la célébration
du mariage en l’état des uns ou de l’autre. La loi posté
rieure ne pouvait donc les enlever à la femme sans violer
à son encontre le principe de la non rétroactivité ï.
1 Voy. arrêts do Paris, 11 février 1813 ; Bourges, 19 juin 1824; cassa
tion , 4 9 avril 1834. — D, P ., 23, 2, 140; 23, 2, 44; 34, 4, 421.
�ART.
557,
558,
559.
8f
990.
— La loi nouvelle a amélioré le sort des fem
mes. Celles qui se sont mariées sous l’empire du Code
pourront-elles en invoquer le bénéfice, si la faillite a été
déclarée depuis sa promulgation ?
On peut dire pour l'affirmative que la femme du com
merçant est placée , comme toutes les autres , sous le
droit commun , tant que son mari est à la tête de ses
affaires. C’est par l’événement de la faillite qu’elle est
jetée dans une exception. Il est dès lors juste que l’éten
due de l’exception soit réglée par la législation en vi
gueur au moment où éclate la faillite.
Mais cette solution blesserait, au détriment des cré
anciers, le principe de la non rétroactivité que nous in
voquions tout-à-l’heure en faveur de la femme. On ne
pourrait, en effet, assurer une préférence quelconque à
la femme, sans annuler les droits que les créanciers ont
acquis sous l’empire de la loi précédente.
Il faut donc admettre que le bénéfice de la loi nou
velle n’est conféré à la femme que du jour de sa promul
gation, et à l’encontre seulement des créanciers qui n’ont
traité avec le mari que depuis cette époque. Quant à ceux
dont les titres remontent à une date antérieure, c’est par
le Code de commerce qu’ils doivent continuer à être ré
gis dans leurs rapports avec la femme de leur débiteur.
Cela est incontestable pour ceux qui auraient acquis,
avant la loi nouvelle , un privilège ou une hypothèque
sur les biens du failli ; qu’en est-il pour les créanciers
chirographaires ? Peuvent-ils, quant aux engagements
que le failli a contractés envers eux, soumettre la femme
in
6
�82
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
à la loi alors en vigueur, et sous laquelle le mariage s’est
réalisé ?
9 9 1 . — Cette question a été examinée ex professa
par M. Gueymard, avocat distingué du barreau de Gre
noble et professeur de Code de commerce à la faculté
de droit. Dans une dissertation remarquable cet habile
jurisconsulte s’est prononcé contre la femme et en faveur
des créanciers.
Mais la cour de Grenoble a été d’un avis contraire;
par ce motif entre autres que les chirographaires n’ayant
qu’une action personnelle, leurs droits sur les biens se
réduisent à un droit de confiance et d’espérance que la
loi peut leur ôter, et qui ne peut sortir à effet qu’autant
que la législation qui le leur avait conféré continue à
être obligatoire l.
9 9 2 . — Nous avions donné à la dissertation de M.
Gueymard une adhésion entière, et tout en rendant hom
mage aux lumières des magistrats qui ont concouru à
l’arrêt nous déclarons que leurs motifs ne nous ont pas
convaincus de l’erreur dans laquelle nous serions tombés.
Qu’importe d’abord que l’action des créanciers soil
personnelle contre le failli ? Dès l’instant que la loi en
a réglé les effets, il y a droit acquis à être régi par cette
loi. La conséquence la plus directe du principe de la non
rétroactivité des lois n’est-elle pas de laisser celle qui a
vu se former un engagement quelconque exclusivement
applicable à tous les effets que cet engagement est sus
ceptible de produire ?
i 17 m ars 1842 ; D. P „ 42, 2, 146.
�art.
557, 558, 559.
83
Le créancier chirographaire, dit-on, n’a qu’un simple
droit de confiance et d’espérance ! Mais ce droit est ap
puyé d’une loi prohibitive dont les effets sont acquis par
le fait seul de la faillite. Le créancier placé en regard de
la femme a donc dû compter que la condition se réali
sant, la loi s’exécuterait en sa faveur. N’eût-il existé que
cette expectative, que ses droits auraient été pour tou
jours à l’abri de la loi nouvelle.
« Les droits qui résultent des contrats, dit M. Merlin *,
n’importe qu’ils soient actuellement ouverts ou qu’ils ne
soient qu'éventuels et expectatifs, sont hors de l’atteinte
de la loi postérieure. Cette règle ne s’applique pas seu
lement aux conventions expresses, elle s’applique égale
ment aux conventions qui sont sous-entendues dans un
contrat par l’autorité de la loi sous laquelle il est passé.»
Or, n’était-il pas sous-entendu par le Code de com
merce qu’en cas de faillite le créancier, même chirogra
phaire, aurait la faculté de faire réduire les droits de la
femme aux proportions déterminées ? Et n ’est-ce pas
sous cette éventualité garantie par la loi que ce créan
cier a traité-.
Dira-t-on que la femme est étrangère à l’engagement?
Mais elle ne pouvait pas l’être à la loi qui a stipulé pour
elle. En se mariant sous son empire il est certain qu’elle
s’est volontairement soumise à ses dispositions. Elle ne
subit donc que la chance qu’elle a su devoir et qu’elle a
bien voulu courir.
Mais, dit-on , lorsque le Code civil, par les articles
21121 et 2135 a attribué une hypothèque légale aux mii
Réper t,,
6me édition, v» effet
ré tro a e tif,
sect. 3, § \ .
�84
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
neurs et aux femmes mariées qui, suivant la loi de leur
province, n’en avaient point encore, il a été admis par
tous les auteurs et consacré par la jurisprudence que ces
hypothèques nouvelles s’appliquaient aux créances pré
existantes , et que les créanciers antérieurs purement
chirographaires ne pouvaient invoquer la disposition fi
nale de l’article 2135, parce qu’ils n’avaient aucun droit
réel et acquis sur les biens frappés d’hypothèque , et
qu’en laissant à leur débiteur l’entière liberté d’en dis
poser , ils avaient aussi laissé au législateur le pouvoir
de les grever. Or, conlinue-t-on, dans l’application de
ces principes il ne saurait être fait aucune différence
entre les créanciers d’un commerçant failli et les créan
ciers chirographaires de celui qui n’est pas négociant,
parce que , malgré la faveur due au commerce , la loi
n’a pu ni dû distinguer entre eux sous ce rapport K
Le vice de ce raisonnement consiste à confondre les
effets que doit produire la disposition nouvelle , selon
que la précédente était plus ou moins explicite. Ainsi,
dans notre espèce, les législations qui avant le Code n ’ac
cordaient pas hypothèque légale à la femme , ne lui avaient nullement prohibé la faculté de prendre inscrip
tion pour la conservation de ses droits, et cette inscrip
tion prise grevait les immeubles du mari. Cette faculté
menaçait continuellement les tiers , et c’est elle que le
Code a réalisée. On sait qu’il est reconnu que la pro
mulgation du Code avait valu inscription pour la femme.
Or, à la date de cette promulgation l’inscription assurait
i A rrêt de Grenoble, plus haut cité,
�art .
557, 558, 559.
85
à la femme un droit de préférence à tous ceux qui n’ay
ant aucun droit hypothécaire ne pouvaient même requé
rir leur collocation.
Mais, lorsque le Code de commerce a été publié la
loi n’était pas muette. L’article 2121 du Code civil con
férait à la femme une hypothèque légale que l’article
551 est venu limiter et restreindre. Or, cette restriction,
qu’on veuille bien le remarquer, n ’a pas été introduite
au profit des créanciers hypothécaires seulement, mais
encore en faveur des chirographaires. Il suffit d’être
créancier pour en assurer l’exécution, et la femme peut
tellement peu s’y soustraire , que l’inscription qu’elle
prendrait soit en vertu de son contrat de mariage, soit
en vertu d’un jugement de séparation tomberait de plein
droit en cas de faillite subséquente.
La différence essentielle qui existe entre les créanciers
d’un non commerçant et ceux d’un com m erçant, c’est
que pour les premiers il n’y avait possibilité d’empêcher
la femme d’user de l’article 2121 qu’en prenant euxmêmes inscription au moment de leur contrat. Ils sont
donc en faute de ne pas l’avoir fa it, tandis que les se
conds n’ont nul besoin d’être inscrits pour jouir du bé
néfice de l’article 551. Ce droit n’est subordonné qu’à
l’événement de la faillite. Celle-ci se réalisant, ce droit
s’ouvre, mais il a été acquis par la seule force de la loi,
au moment même où ils ont contracté la qualité de
créanciers.
Quant à l’induction tirée de ce que les créanciers chi
rographaires ayant laissé au débiteur l’entière liberté de
ses biens le législateur a pu en disposer lui-même, elle
�86
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
se tourne contre l’opinion que nous combattons. On re
connaît, en effet, que pour que la loi puisse valablement
concéder un droit au préjudice des créa nciers , il faut
que le débiteur puisse lui-même faire cette concession.
Or, le mari a-t-il pu un seul instant relever sa femme
des incapacités dont la loi commerciale l’a éventuelle
ment frappée? Evidemment non. Dès lors , la conclu
sion logique n’est-elle pas que le législateur , s’il avait
tenté de le faire , aurait donné à sa disposition un ca
ractère rétroactif ?
En dernière analyse, entre les créanciers ordinaires et
la femme il ne s’est jamais agi que d ’une question de
préférence due à la qualité de la créance , plutôt qu’au
titre. Tous ceux qui ont traité avec un non commerçant
ont su que la femme, alors même qu’elle n’avait pas
une hypothèque légale, pouvait requérir à toutes les épo
ques mne inscription, et que celle-ci se réalisant soit par
le fait de la femme, soit par la seule force de la lo i, ils
ne pouvaient en empêcher les effets qu’en obtenant euxmêmes antérieurement un titre hypothécaire et en le
faisant inscrire. Ce n ’est qu’ainsi qu’ils pouvaient acqué
rir un droit de préférence contre la femme. Us ne peu
vent donc se plaindre d’une loi nouvelle qui ne fait que
ce que la femme elle-même pouvait faire.
Les créanciers d’un commerçant , au contraire , ne
disputent pas un droit de préférence. Us n’ont pas be
soin d’être hypothécaires pour réduire les droits de la
femme que la loi réduit de plein droit en cas de faillite.
Us ont dû, au moment du contrat, compter que la loi
serait exécutée, et que l’expectative qu’elle leur offrait ne
�art .
S57, 558, 559.
87
saurait leur être refusée. Serait-il équitable de leur en
arracher après coup le bénéfice ? Mais , si seule elle a
déterminé leurs engagements ? Si sans la certitude de sa
réalisation ils n ’eussent pas consenti à traiter avec leur
débiteur, faudra-t-il qu’ils n’aient trouvé dans la loi à
aquelle ils ont dû croire qu’un piège odieux qui a com
promis leur position et leur fortune ?
La réponse affirmative serait immorale. Nous n’hési
tons pas à persister dans la conclusion que nous avons
déjà adoptée, à savoir : que la loi sous l’empire de la
quelle le mariage et les engagements ont été contractés
doit, à l’exclusion de la loi nouvelle , régir les rapports
de la femme vis-à-vis des créanciers chirographaires.
993.
— Avant de rappeler les droits que la loi de
1838 confère aux femmes des faillis, nous devons con
stater que les restrictions qu’elle maintient aux principes
du droit commun ne peuvent recevoir d’application que
dans le cas où il y a faillite déclarée par jugem ent, ou
résultant de la cessation des paiements. Ainsi, sous le
Code, l’hypothèque de la femme produisait tous ses effets sur les biens acquis par le mari depuis le mariage,
tant que l’une des deux circonstances que nous venons
d’indiquer ne s’était pas réalisée h
I
994.
— Il avait été même décidé qu’il fallait que la
faillite eût été déclarée judiciairement, et que le droit de
la femme à se faire colloquer sur le prix des immeubles
de son mari n’était pas infirmé, par cela seul qu’il exis
terait une cessation absolue de paiements à l’époque où
l Cassation, 28 décembre 1840 ; — D.
P.,
41,
1,
57.
�88
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ces biens ont été vendus à la requête des créanciers
Mais cette jurisprudence a été formellement condam
née par la cour de cassation, une première fois par ar
rêt du 8 juin 1837, et une seconde fois par celui du 13
novembre 1838.2 II résulte de ces deux arrêts que la
cessation de paiements équivaut à la faillite déclarée, et
entraîne contre la femme l’application des dispositions
du Code de commerce.
Cette opinion de la cour régulatrice nous paraît con
forme aux véritables principes. C’est l’état de faillite qui
place la femme hors du droit commun. Or, cet état ne
résulte pas du jugement déclaratif; il est constitué par
la cessation de paiements s. En conséquence, dès que le
négociant est dans l’impossibilité de payer, il y a réelle
ment faillite. Le jugement qui la constate n’est plus qu’
une simple formalité qu’il convient peut-être à la fem
me elle-même d’éviter, et qui ne saurait jamais l’être si
le bénéfice de la loi restrictive était au prix de sa réali
sation.
995.
— Les principes sur ce point ne nous parais
sent nullement altérés par la loi nouvelle. Il y aurait
donc lieu, sous son empire, de se conformer à la juris
prudence de la cour de cassation.
Il résulte de ce que nous avons dit sur l’article 437,
que le commerçant poursuivi et exproprié pour une dette
civile ne serait pas en état de faillite s’il n ’avait pas d’ail
leurs cessé ses paiements commerciaux. On ne pourrait,
1 Toulouse, 26 août 1828; Bourges, 27 novembre 1830. — D. P ., 29>
2 175; 31, 2, 142.
3 n . P ., 37, 1, 4 2 3 ; 38, 1, 142.
3 Article 437.
�ART.
657, 558, 559.
89
en conséquence, dans cette hypothèse, empêcher la fem
me de se faire colloquer sur le prix des immeubles con
formément à la loi civile.
Il en serait de même pour celle dont le mari quoique
mort en état d’insolvabilité complète n’aurait cependant
jamais cessé de payer. Dans l’un et dans l’autre cas il
n’y a pas faillite, ni partant possibilité de soumettre la
femme au droit exceptionnel de la loi commerciale.
996. — Mais dès que la faillite se réalise , ce droit
régit les femmes d’une manière absolue et à l’égard de
tous les créanciers. On ne pourrait établir une différence
quelconque entre les chirographaires et les hypothécai
res. Ainsi, il a été décidé que quoique la faillite ait été
terminée par un concordat, la femme n ’en était pas
moins soumise envers ces derniers à toutes les restric
tions consacrées par la loi, et dont le bénéfice est irré
vocablement acquis par le fait seul de la faillite à tous
les créanciers K
997. — Nous disons à tous les créanciers , car ce
n’est, en effet, que pour eux que la loi a disposé ; par
rapport au mari ou à ses héritiers les droits de la femme
se conservent dans toute leur plénitude.
Les droits de la femme sont considérés par la loi, d’a
bord quant aux immeubles, quant aux meubles ensuite.
Les uns et les autres peuvent être repris en nature aux
conditions ci-après exposées.
998.
L’action en reprise des immeubles est ac
cordée à la femme non-seulement pour ceux qu’elle a
i Nimes, 4 mars 1828 ; D, P., 31, 2 , 142,
�90
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
apportés en se mariant, mais encore pour ceux qui lui
sont obvenus pendant le mariage, par succession ou do
nation entre vifs ou testamentaire.
La seule condition à remplir lorsque l’origine des
immeubles est constatée , c’est qu’ils soient restés pro
pres et personnels à la femme et qu’ils n’aient jamais
appartenus au mari même partiellement. En consé
quence, ceux qui seraient tombés dans la communauté
seraient dévolus aux créanciers, sauf les droits de la
femme à répéter la partie qui lui compèterait sur le prix.
De ce principe il suit que si, conformément à l’article
1505 du Code civil, la femme avait ameubli un de ses
immeubles, elle ne pourrait jouir du bénéfice de l’ar
ticle 1509 et reprendre cet immeuble. Dans l’un comme
dans l’autre cas le Code de commerce a abrogé les dis
positions contraires du Code civil, et soit qu’il y ait
communauté soit qu’il y ait ameublissement, les immeu
bles resteraient à la masse , alors même que dans son
contrat de mariage la femme se serait expressément ré
servée de reprendre ses apports en nature.
999,
— Ce serait une erreur de croire que la loi li
mite l’action en reprise de la femme au cas où les im
meubles qu’elle aurait apportés existeraient en nature
entre les mains du mari au moment de la faillite. Si ces
immeubles avaient été aliénés, ceux achetés en remploi
du prix seraient soumis à l’exercice de cette action,
pourvu toutefois que l’acquisition eût été faite dans la
forme et aux conditions prescrites pour les immeubles
achetés des deniers obvenus à la femme par succession
ou donation.
�ABT.
557, 558, 559.
91
Pour que la femme puisse reprendre ceux-ci, il faut :
1000. — 1° Qu’ils aient été acquis par elle et en
son nom. D’où la conséquence que si le mari avait con
tracté personnellement cette acquisition les immeubles
resteraient aux créanciers, sauf l’hypothèque légale de
la femme conformément à l’article 563.
Cependant, si l’acquisition faite par le mari contenait
la déclaration d’emploi et que la femme eût accepté cet
emploi en vertu de l’article 1435 du Code civil, la re
prise en nature devrait être accordée. L’article 558 n’est
pas exclusif pour la femme de la faculté d’acheter par
mandataire, et dans notre hypothèse le mari serait censé
avoir agi comme le mandataire légal de la femme.
1001. — Mais pour qu’elle sortît à effet, l’accepta
tion de l’emploi devrait avoir été faite dans un temps
non suspect et assez éloigné de la faillite pour qu’elle ne
pût être soupçonnée de fraude. Il peut être, en effet,
important pour la femme de retenir l’immeuble dont la
valeur peut avoir considérablement augmenté par des
améliorations successives ou même par le seul bénéfice
du temps. Il serait dès lors possible que longtemps après
l’achat, prévoyant une prochaine catastrophe, les époux
eussent concerté cette acceptation pour arracher aux cré
anciers le bénéfice de la plus value. Si donc la date de
l’acceptation pouvait faire supposer ce concert soit par
le laps de temps considérable qui la sépare de l’acte
d’acquisition, soit par son rapprochement de l’époque à
laquelle la faillite a éclatée, les créanciers pourront en
contester le mérite et la faire même annuler , en prou-
�92
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
vant que lorsqu’elle a été réalisé la femme avait connais
sance du mauvais état des affaires de son mari.
Inutile de dire que cet acte serait nul de plein droit
s’il avait été fait postérieurement au jour fixé par le ju
gement comme étant celui de l’ouverture de la faillite,
ou dans les dix jours qui l’auraient précédé.
1002. — 2° Que l’acte contienne la stipulation ex
presse de l’emploi. Cette obligation est imposée à la fem
me achetant pour elle et en son nom comme au mari
lui-même. L’absence de cette stipulation placerait l’ac
quisition sous le coup de la présomption légale enseignée
par l’article 559.
1 0 0 3 . — 3° Enfin , que l’origine des deniers soit
constatée par inventaire ou tout autre acte authentique.
Un inventaire sous seing privé , même ayant date cer
taine, ne suffirait donc pas.
1 0 0 1 . — En cas de violation de ces prescriptions,
ou si la femme n ’avait pour justifier l’origine des deniers
que des titres sous seing privé, l’action en reprise devrait
lui être refusée; mais il lui resterait celle en répétition
des sommes qu’elle justifierait lui être obvenues et pour
lesquelles elle aurait hypothèque légale , aux termes de
l’article 563 ci-après.
lO O !bis. — La réunion de ces conditions est-elle
tellement de rigueur que l’absence de l’une d’elles, de la
première notamment, doive faire nécessairement repous
ser la réclamation de la femme ?
Celte question s’est présentée dans l’espèce suivante :
Les époux Bonnet-Ballot étaient mariés sous constitution
�art .
557, 558, 559.
93
générale de dot, avec faculté au mari d’aliéner les biens
à charge de remploi. Usant de cette faculté , BonnetBallot en avait vendu jusqu’à concurrence de fr. 5,500.
Plus la rd , il achète en son nom un immeuble de fr.
4,000. Dans la quittance il déclare payer fr. 3,800 des
deniers provenant de l’aliénation des biens dotaux. Les
acquéreurs de ces biens comparaissent immédiatement à
l’acte , payent le vendeur aux droits et privilège duquel
ils se font subroger : la femme, de son côté, déclare ac
cepter le remploi.
Bonnet-Ballot est déclaré en faillite. Sa femme se pré
tendant propriétaire de l’immeuble payé des deniers do
taux demande que la possession lui en soit conservée à
l’exclusion de la masse. Résistance des syndics fondée
sur ce que l’immeuble ayant été acquis au nom du mari,
la femme ne se trouve pas dans les conditions de l’arti
cle 558, et ne peut dès lors en revendiquer le bénéfice.
Le tribunal civil de Sl-Marcellin devant lequel la dif
ficulté est agitée, consacre la prétention de la femme :
« Attendu qu’à la vérité l’article 558 exige que l’immeu
ble ait été acquis par la femme et en son nom ; que la
déclaration d’emploi soit expressément stipulée au con
trat d’acquisition, et que l’origine des deniers soit cons
tatée par actes authentiques ; mais qu’il ne dit pas que
ces conditions ne se réalisant pas toutes, les immeubles
deviendront la propriété du m a ri, quand bien même
'origine des deniers dotaux qui ont servi à les payer se
rait authentiquement constatée ; que le principe qui do
mine la législation des faillites, c’est que toute valeur qui
l’est pas authentiquement prouvée appartenir à la fem-
�94
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
me, est censée appartenir au mari comme acquise avec
l’argent des créanciers ; d’où la conséquence que toutes
les fois qu’il n’existe aucun doute sur l’origine des de
niers, et que cette origine résulte au profit de la femme
d’actes publics qui ne peuvent être querellés , il doit en
être autrement. »
Nous n’avons pas besoin d’insister sur le caractère de
ces considérations. Elles apprécient avec la plus grande
justesse l’esprit de la loi En veillant à ce que la femme
du failli ne puisse s’enrichir au détriment des créanciers,
le législateur n’a entendu ni pu entendre autoriser ceuxci à profiter des dépouilles de la femme. Entre eux et
elle il n’y a donc jamais d’autre difficulté sérieuse que
celle que peut offrir l’origine des deniers. La preuve
certaine et authentique qu’ils ont été fournis par la fem
me la rend propriétaire des objets au paiement desquels
ils ont servi, tout comme l’absence de cette preuve les
ferait attribuer à la masse.
C’e st, à ce qu’il paraît, ce que pensèrent les syndics
Bonnet-Ballot, car l’appel qu’ils émirent du jugement
ne se référait qu’à un autre chef de contestation , ainsi
qu’il conste de l’arrêt de la cour de Grenoble du 28 juin
1858.1
La doctrine du tribunal de S1-Marcellin est approuvée
par M. Dalloz. Seulement il observe que le remploi fait
au nom du mari peut ne pasêtresans inconvénient pour
les tiers, puisque si la connaissance de la quittance leur
était cachée , ils pourraient croire que l’immeuble par
■ D. P., 59, 2, 91.—Voy, infra n° 4033 bis.
�ART.
557, 558, 559.
95
eux acquis était personnel au mari, et se libérer du prix
en ses mains.
Mais l’acquéreur qui paierait sans exiger la preuve
que le précédent vendeur a été intégralement soldé, agirait fort imprudemment, et le préjudice qui résulterait
de sa faute ne serait imputable qu’à lui-même.
Dans tous les cas entre la femme et la faillite de son
mari ces inconvénients ne peuvent se présenter. Le cré
ancier hypothécaire lui-même ne pourrait se plaindre
d’avoir été trompé par l’apparence. Il devait avant de
traiter exiger la preuve qu’aucun restant prix ne grevait
par privilège l’immeuble offert en hypothèque et se faire
représenter la quittance. Les intérêts de la femme n’ont
pu souffrir de la négligence qu’il a mise à remplir ce
devoir et dont il doit seul supporter les conséquences.
1005.
— A défaut de toute justification sur l’ori
gine des deniers, ou si dans l’acte d’acquisition la fem
me n’a pas déclaré celle du prix, les immeubles acquis
par elle sont réputés appartenir au mari et avoir été
payés de ses deniers.
Cette présomption a existé de tout temps dans la lé
gislation ; elle était formellement consacrée par le droit
romain qui l’avait introduite dans l'intérêt même des
femmes : eviîandi autem turpis quæstus gratiâ circà
uxorem, hoc videtur Quintus Mucius probasse.
1006.
— Mais cette présomption cède devant la
preuve contraire. La femme qui revendiquera l’immeu
ble pourra donc faire cette preuve sans laquelle les cré
anciers seraient autorisés à le retenir.
Quels seront les éléments de cette preuve ? Il nous
�96
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
semble que la disposition de l’article 558 résoud cette
question. Si dans les cas qu’il énumère la preuve par
acte authentique est seule admissible , il y a un motif
plus grave pour l’exiger ainsi dans celui qui nous occu
pe. Décider le contraire serait annuler cette disposition.
Pourquoi la femme déclarerait-elle l’emploi, si dans ce
cas l’origine des deniers devait être prouvée d’une ma
nière authentique , tandis qu’en achetant purement et
simplement en son nom elle pourrait prouver cette ori
gine à l’aide de simples présomptions? Ce serait, de plus,
convaincre le législateur d’une inconséquence flagrante.
Il se serait, en effet, relâché de ses précautions au mo
ment précisément où la fraude devient plus probable,
parce qu’elle est plus facile ; ce qui est inadmissible.
En conséquence, la femme qui réclamera l’immeuble
comme acheté par elle devra prouver qu’à l’époque de
l’acquisition, si elle a été faite au comptant , et dans le
cas contraire, lors des paiements partiels , elle avait en
mains lui appartenant des sommes suffisantes. Cette pos
session devra résulter d’actes authentiques. Tout autre
mode de preuve serait irrecevable.
Mais à défaut de reprise de l’immeuble , la femme,
ainsi que nous le disions tout-à-l’heure, si elle est dans
les conditions exigées par l’article 563, pourra jouir de
l’hypothèque légale que cet article confère.
1 0 0 7 .—Cette obligation de prouver la propriété de
l’immeuble acquis pendant le mariage est imposée à la
femme , quel que soit le régime sous lequel elle aura
contracté mariage.
�97
AltT. S 6 0 .
A rt.
560.
La femme p o u rra re p re n d re en n a tn re les effets
mobiliers q u ’elle s’est constitués p a r con trat de
mariage , ou q ui lu i sont obvenus p a r succession,
donation entre-vifs ou testam entaires , et q ui ne
seront pas entrés en com m u n au té, toutes les fols
que l’identité en sera prouvée p a r inventaire ou
tout autre acte authentique.
A défaut p a r la fem m e de fa ire cette preuve, tous
les effets m o b iliers , tant à l’usage du m a ri qu’à
celui de la fem m e , sous quelque régim e q u ’ait été
contracté le m ariag e , seron t acquis aux créan
ciers , sauf au x syndics à lu i rem ettre, avec l ’a u
torisation du ju ge-com m issaire, les habits et linge
nécessaires à son usage.
SOMMAIRE
1008. Cet article modifie sous un double rapport l ’article 550 du
Code de commerce.
1009. La femme peut aujourd’hui reprendre ses meubles,quelle
qu’en soit l'origine.
1010. Mais é la charge par elle de prouver l ’identité. Natuie de
la preuve exigée.
1011. Quels sont les actes authentiques dont elle peut résulter?
1012. Si les meubles sont tombés en communauté , ils appar
tiennent aux créanciers qui peuvent, dans le cas con
traire, forcer la femme à les reprendre.
1013. Faute par la femme demanderesse d’établir l’identité des
meubles ils appartiennent exclusivement à lamasse.sauf
les habits et linge personnels à la femme.
1014. La restitution de ceux-ci doit être faite après inventaire
estimatif.
1015. Le trousseau peut toujours être repris en nature.
1016. Les meubles donnés par contrat de mariage qui peuvent
être repris sont ceux donnés par des tiers. La donation
m — 7
�/
98
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
faite par le mari constituerait un avantage matrimonial
qui tomberait sous la disposition de l ’article 564.
1*16 bi8. La femme dans la faillite n ’exerce ses reprises que
comme créancière.
1016ter. La prohibition de la preuve autorisée par les articles
1415 et 1504 du Code civil ne s’applique pas au cas
où la femme demande seulement son admission au
passif chirographaire.
1008. — Les trois articles qui précèdent ne sont
que la reproduction littérale des dispositions du Code
de commerce. Il n’en est pas de même pour celui-ci qui
modifie l’ancien article 554 sous un double rapport.
On s a it, en effet, que sous le Code de commerce les
meubles meublants, effets mobiliers, diamants, tableaux,
vaisselle d’or et d’arg en t, et autres objets à l’usage du
mari ou de la femme, étaient acquis aux créanciers, la
femme ne pouvant jamais reprendre que les bijoux, dia
mants et vaisselle qu’elle justifiait lui avoir été donnés
par contrat de mariage, ou lui être advenus par succes
sion seulement.
Ainsi, non-seulement l’action en reprise du mobilier
était limitée à des objets déterminés , mais encore on
l’excluait en entier lorsqu’il s’agissait de donations entre
vifs ou testamentaires. Sur la proposition de l’admettre
pour celles-ci, il fut répondu : que le mari pourrait être
lui-même l’auteur de ces donations dont un ami com
plaisant se rendrait l’éditeur, et qu’on parviendrait ainsi
à éluder la loi.
1 0 0 9 . — Cette crainte n’a pas été partagée par le
nouveau législateur qui accorde à la femme la faculté de
reprendre tous les effets mobiliers quelconques qu’elle
�ART.
B6Ô.
99
aura reçus par contrat de mariage , ou qui lui seront
obvenus par succession ou donation.
■
1010.
— La condition imposée à cette reprise c’est
que l’identité entre ceux donnés ou reçus et ceux récla
més soit prouvée. Cette preuve ne peut être faite que par
litres authentiques. Ainsi, la femme ne pourrait se pré
valoir de l’article 1415 du Code civil qui autorise la
preuve de la consistance du mobilier non inventorié,tant
par titres et papiers domestiques que par témoins, et au
besoin par commune renommée. Cette faculté peut être
exercée dans tous les cas contre le mari ou ses héritiers.
Mais, dans celui de la faillite elle serait non recevable
vis-à-vis des créanciers, à l’encontre desquels il n’y a
d’autre preuve admissible que celle résultant d’actes au
thentiques.
1 0 1 1 . — La disposition de l’article 554 du Code
de commerce nous indique comment il faut entendre la
preuve authentique exigée par l’article 560 de la loi nou
velle. Ainsi, s’il s’agit d’un mobilier échu par succession
l’identité devra être établie par l’inventaire et l’acte de
partage. Si le mobilier a été apporté en mariage , ou
donné soit au moment de la célébration, soit après, l’état
annexé soit au contrat de mariage soit à l’acte de dona
tion déterminera la certitude du droit de la femme et
l’identitée alléguée. Rien , nous le répétons , ne saurait
remplacer ces documents.
1
!
1012. — L’identité étant prouvée , la femme peut
retenir les meubles, à moins qu’ils ne soient tombés en
communauté. Dans ce cas, ils n ’appartiennent pas plus
�100
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
à la femme qu’au m a ri, et ils sont avant tout le gage
des créanciers. Dans le cas contraire , ceux-ci peuvent
contraindre la femme à les reprendre. Représentants du
mari, ils exercent en effet toutes les actions que celui-ci
aurait pu exercer.
1 015.
— Si la femme demanderesse en reprise ne
prouve pas sa propriété par le mode voulu , tous les
effets mobiliers trouvés en possession du failli, qu’ils soient
à son usage personnel ou à celui de sa femme, sont ac
quis aux créanciers, sauf les habits et linge nécessaires
à son usage que les syndics pourraient lui remettre avec
l’autorisation du juge-commissaire.
1 0 1 4 . — L’article 469 qui permet cette délivrance
semble décider que ces habits et linge ne doivent être ni
inventoriés ni prisés. Mais cela n’est vrai que par rap
port au failli et à ses efants qui n’ont à répéter aucune
créance contre la masse. Pour la femme qui a des re
prises à exercer , il est tout naturel que ce qui lui est
livré le soit à tant moins de ce qui lui est dû. Les syn
dics doivent donc inventorier tout ce qu’ils lui remettent,
à moins qu’il s’agisse de choses tellement peu importan
tes que leur valeur serait à peu près nulle.
1 0 1 5 . - Le trousseau peut toujours être revendiqué
en nature. Son existence et sa valeur sont établies par
le contrat de mariage ; il y a donc toujours dans ce cas
la preuve authentique. La remise doit être précédée d’un
inventaire estimatif qui en détermine la valeur actuelle.
La femme et les créanciers supportent la plus ou la moins
value qui résulte de cette estimation. La restitution libère
d’autant la masse.
�ART. 5 6 0 .
401
1016.
— Nous avons dit que tous les effets mobi
liers donnés lors du contrat pouvaient être repris par la
femme. Mais cette possibilité ne concerne nullement ceux
donnés par le m a ri, quelle qu’en soit la nature. Cette
donation constitue , en effet , un avantage matrimonial
qui tombe, en cas de faillite, sous le coup de la dispo
sition de l’article 564 suivant.
1016 bis — L’article 560 n’admet donc la femme à
l’action en reprise des effets mobiliers qu’à la double
condition : 1° que l’identité de ceux existant en nature
dans l’actif soit prouvée par inventaire ou tout autreacte
authentique ; 2S° qu’ils ne soient pas entrés dans la com
munauté.
De ce que en l’absence de ces conditions la femme
serait non recevable à exercer l’action en reprise , il ne
s’ensuit pas qu’elle n’ait aucun droit sur l’actif. La fem
me qui a fait un apport dans la communauté doit en
être indemnisée. Il ne saurait en être autrement par cela
seul que cet apport dissipé par le mari n’existerait plus
au moment de la faillite.
La preuve de l’apport ouvre donc, dans tous les cas,
le droit à l’indemnité. Mais l’article 560 tranche , dans
l’hypothèse de la faillite, une question qui a soulevé en
droit commun une vive controverse, à savoir, si dans la
poursuite de son droit la femme agit comme proprié
taire ou seulement comme créancière.
L’article 560 ne lui reconnaît évidemment que la qua
lité de créancière, en subordonnant aux conditions qu’il
énumère l’effet qui résulterait de celle de propriétaire,
c’est-à-dire la reprise des effets mobiliers. En consé-
�102
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
quence , toutes les fois qu’en dehors des conditions re
quises la femme n’aura à réclamer qu'une indemnité,
le montant de celle qui lui sera allouée ne constituera
en sa faveur qu’une créance simple chirographaire sou
mise au sort de toutes les autres. La jurisprudence est
unanime à ce sujetl.
l 0 1 6 ter. — Les articles 560 et 563 font exception
à la règle édictée par les articles \ 415 et 1504 du Code
civil. Ils interdisent, en effet, à la femme la faculté que
lui donnent ces dispositions de prouver , dans les cir
constances , tant par titres et papiers domestiques que
par témoins et même par commune renommée, la con
sistance du mobilier qui lui est échu pendant le mariage.
Le caractère dérogatoire et exceptionnel des articles
560 et 563 a pour effet immédiat et inévitable d’en res
treindre l’application aux cas particuliers et spéciaux
qu’ils prévoient et régissent. Ainsi, la femme intentant
l’action en reprise ou réclamant le privilège de son hy
pothèque légale n ’est ni recevable ni fondée à substituer
un mode de preuve quelconque à celui indiqué par ces
deux dispositions.
Mais la position est tout autre lorsque la femme su
bissant le sort commun demande son admission au passif
comme créancière chirographaire. Descendue au rang
de simple créancière , on ne saurait lui refuser le droit
de justifier sa créance ni exiger d’elle la preuve littérale
i Bordeaux, 5.9 a v ril. Rennes, 17 ju in 1833 ; Cassation, 24 janvier,
Paris, 8 avril, Colmar, 15 juillet 1854; Metz, 12 ju in 1855 ; Cassation,
19 août 1856; Grenoble, 2 ju in 1858 ; Cassation, 14 janvier et 1er décem
bre 1858, 15 mars 1859— D. P ., 34, 2, 3 et 4 ; 54, 1, 8 1 ; 55, 2, 24
et 283; 56, 2, 209; 57, 1, 33; 58, 1, 5; 59, 1, 11 et 1 0 5 e t 2, 191.
�1
ART.
560.
103
et authentique à laquelle les autres créanciers ne sont
pas tenus.
Sans doute, l’acte du mari à l’égard de la femme n’a
rien de commercial. D’où la conséquence que , pour la
recevabilité de la preuve testimoniale, il faudrait en re
venir au droit commun. Mais si l’article 1341 du Code
civil proscrit cette preuve, les articles 1405 et 1504 du
même Code l’admettent formellement en faveur de la
femme. En conséquence, celle qui se trouverait en po
sition d’invoquer ceux-ci et de s’en appliquer le béné
fice, ne pourrait être repoussée par application de l’ar
ticle 1341.
C’est ainsi que les cours de Douai et de Lyon l'ont
avec raison décidé par arrêts des 27 février 1841 et
29 avril 1850.1
A rt. 561.
1/.'ici ion en re p ris e résu ltan t (les dispositions
des articles 557 et 556 ne sera exercée p a r la fem
me, qu’à la charge des dettes et hypothèques dont
les biens sont légalem ent grevés , soit que la fem
me s’y soit obligée vo lo n tairem en t, soit q u ’elle y
ait été condamnée.
A rt. 562.
Si la femme a payé des dettes p o u r son m ari, la
présomption légale est qu’elle l ’a fait des deniers
de celui-ci, et elle ne p o u rra , en conséquence, exer
cer aucune action dans la fa illit e , sau f la preuve
contraire, comme il est d it à l ’article 559.
S O MMA I R E
1017. Reproche fait sous le Code à la première de ces dispositions.
1 D. P.. 41, 2, 280 ; 82, 2, 283.
'
. '{
,#
!
�404
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1018.
N’est plus possible sous la loi nouvelle. Quelles dettes
restent à la charge de la femme.
1019. Cette disposition est toute dans l’intérêt de la masse hy
pothécaire.
1020. Présomption de l’article 1431 du Code civil s’applique en
matière de faillites.
1021. Admet-elle la preuve du contraire.
1022. Si le titre déclarait les dettes personnelles à la femme,
celle-ci pourra-t-elle prouver que c’est le mari quia
touché lus fonds ?
1023. Cette preuve serait irrecevable.
1024. Elle serait de plus inconcluante.
1025. Exception pour le cas où les sommes empruntées par la
femme ont servi à payer les dettes du mari.
1026. Elément qui dans tous les cas constituerait la preuve.
1 0 1 7 . — Le principe que le premier de ces articles
consacre avait été posé d’une manière absolue par l’ar
ticle 548 du Code de commerce , ce qui avait soulevé
contre lui de graves reproches et notamment celui de
porter atteinte à l’inaliénabilité du fonds dotal.
Mais il est certain que les dettes dont les immeubles
repris par la femme restaient grevés étaient celles con
tractées par elle soit par convention, soit par jugement.
Dans un cas comme dans l’autre le Code de commerce
supposait que la femme avait capacité pour s’engager,
car la faillite n’a jamais eu pour résultat de rendre ali
énable la dot qui ne l’était pas avant ; d’où la consé
quence que les dettes souscrites par la femme , et qui
auraient eu cet objet, devenaient nécessairement nulles
et sans résultat possible tant contre la personne que
contre les biens.
1 0 1 8 . — Au reste, ce qui n’était qu’une induction
�art. 5 6 1 ,
562.
105
logique sous le Code de commerce, est aujourd’hui une
vérité légale. L’article 561 ne met à la charge de la
femme que les dettes dont les biens qu’elle veut repren
dre sont légalement grevés. Or, la femme qui n’a pas
le pouvoir d’aliéner, n’a pas celui d’emprunter. La jus
tice elle-même ne saurait, sans violer la lo i, permettre
ou autoriser l’un ou l’autre, si ce n’est dans les cas ex
primés par l’article 1554 du Code civil.
Ainsi, de deux choses l’une, ou la femme est mariée
sous le régime de dotalité, et elle ne peut emprunter; ou
elle est mariée sous tel autre régime qui lui donne la
capacité de le faire , et dans ce cas le fonds qui aurait
été constitué en dot étant inaliénable, à moins de stipu
lations contraires , les dettes ne grèveraient pas légalement cet immeuble et ne devraient pas rester à la charge
de la femme. Le principe de l’inaliénabilité du fonds do
tal ne court donc aucun péril de la disposition de la loi.
1019.
— La disposition de l’article 561 est tout
entière dans l’intérêt des créanciers hypothécaires. La
masse chirographaire n’en retire dans aucun cas le
moindre avantage. En effet, l’article 563 donne à la
femme une hypothèque légale pour le remboursement
des dettes que celle-ci paie pour son mari. En consé
quence, elle reprend par l’effet de cette hypothèque sur
les immeubles du mari, ou tout au moins par contribu
tion sur la masse mobilière , tout ce qu’elle est obligée
de payer sur ses immeubles.
Mais cette faculté ne se réalise que lorsque les dettes
dont les immeubles sont grevés ont été contractées par
le mari et par la femme comme caution ordinaire ou so-
�106
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
lidaire de celui-ci. Car, si elles étaient personnelles à la
femme et que leur profit lui en eût été purement et ex
clusivement acquis, aucun recours ne serait accordé con
tre la faillite.
1 0 2 0 . — On sait, en effet, que la femme qui s’o
blige solidairement avec son mari n ’est réputée s’être
obligée que comme caution C Cette présomption, en cas
de faillite, continue de protéger la femme. Le mari se
rait donc considéré comme débiteur principal de toutes
les dettes contractées solidairement et qui grèveraient les
immeubles soumis à l’action en reprise, à moins que le
contraire ne résulte de l’acte, soit par la cause assignée
à l’emprunt, soit que le mari ne fût intervenu que pour
assister et autoriser sa femme, soit enfin qu’il ne se fût
engagé que comme caution. Dans chacun de ces cas la
dette resterait personnelle à la femme.
1 021. — La présomption que la femme engagée so
lidairement peut invoquer admet-elle une preuve con
traire ? L’affirmative ne nous paraît pas douteuse. Les
créanciers peuvent toujours prouver que l’emprunt,quelle
qu’en ait été la forme, a été fait pour le compte et a ré
ellement tourné à l’avantage exclusif de la femme. Cette
preuve qui tend à faire disparaître du passif une dette
simulée et à déjouer un concert frauduleux entre les époux , n’est soumise à aucune règle spéciale. Elle peut
être fournie tant par titres que par les livres et papiers
du failli, et au besoin par la preuve testimoniale.
1 0 2 2 . — Mais la femme pourrait-elle, dans un des
i Article 1431 du Code civil
�akt.
561, 562.
107
cas que nous venons d’exposer, prouver que malgré les
énonciations du titre c’est le mari qui a réellement tou
ché les sommes empruntées? La recevabilité de cette
preuve nous paraît inadmissible , non-seulement parce
que le titre fait foi contre elle, mais encore parce qu’elle
serait inconcluante, car en la supposant acquise la fem
me ne saurait en retirer aucun profit.
1025.
— Nous disons d’abord que le titre fait foi
contre la femme. Elle y a été partie, elle l’a approuvé,
et partant elle ne saurait en récuser l’autorité. Or, à l’e n
contre des tiers cet acte est acquis. Une contre-lettre écrite ne pourrait l’infirmer, à plus forte raison ne le se
rait-il pas par la déclaration de la femme, même corro
borée par l’aveu du mari. En matière de faillite la fraude
se présume facilement entre époux. Et ce qui viendrait
ici renforcer cette présomption , c’est l’invraisemblance
que la conduite des parties au moment de l’acte impri
merait aux prétentions ultérieures. On ne comprendrait
pas que voulant emprunter et empruntant en effet luimême, le mari eût pris le parti de faire figurer sa femme comme seule engagée. On devrait donc s’en tenir au
titre ; les déclarations contraires à sa teneur , indépen
damment de ce qu’elles sont proscrites par la loi, devant
être justement suspectées n’avoir d’autres causes que le
désir d’arracher quelque chose au naufrage.
1024. — De p lu s , la preuve serait inconcluante :
en effet, la remise au mari des sommes empruntées ne
changerait en rien la nature de l’acte. L’emprunt reste
rait personnel à la femme qui, de son côté, aurait prêté
à son mari : ce qui pourrait l’autoriser à exercer une
�108
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
répétition contre lui jusqu’à concurrence de la valeur de
ce prêt. Or, en matière de faillite, les reprises de la fem
me sont limitées contre la masse à celles formellement
autorisées par la loi, au nombre desquelles ne figurent
pas les avances faites pendant le mariage. Cette omission
de la loi est toute volontaire ; on ne pouvait , en effet,
autoriser un pareil droit sans donner accès à des frau
des nombreuses, que l’on a ainsi rendues impossibles.
Dès lors, il est certain que la femme n’aurait aucun in
térêt à la preuve qu’elle voudrait offrir, puisqu’en ad
mettant que les avances par elle prétendues en ressortis
sent clairement, elle ne pourrait en répéter le montant
contre la masse.
1 0 2 5 . — Il est cependant un cas dans lequel la
femme pourrait, quoiqu’à un autre titre, répéter les som
mes qu’elle aurait empruntées : ce serait celui où elle
les aurait consacrées à payer les dettes de son mari.
L’article 562 admet, pour le paiement de ces dettes par
la femme, la présomption qu’il a été fait des deniers du
mari. Mais celle-ci peut toujours prouver le contraire.
Or, cette preuve pourrait ressortir de ce que au moment
où ces dettes ont été payées , la femme sans nul besoin
personnel aurait contracté un emprunt dont la date co
ïnciderait avec celle du paiement. Dans ce cas, l’origine
des deniers étant justifiée par acte authentique, leur ap
plication aux dettes du mari dont l’existence serait prouvée avoir été sérieuse, et l’acquittement réel permettraient
à la femme d’user du bénéfice de l’article 563.
1 0 2 6 . — Dans tous les autres cas il en serait delà
preuve du paiement par la femme, comme de celle pour
�art.
561, 562.
109
les immeubles acquis par elle. Elle devrait être faite dans
les formes que nous avons vu régir celle-ci K.
A rt. 565.
Lorsque le m a ri sera com m erçant an m om ent
de la célébration du m ariag e , on lo rsq u e n ’ayant
pas alors d’an tre profession déterm inée il sera
devenu com m erçant dans l ’année , les im m eubles
qui lui ap p artien d raien t à l’époque de la célébra
tion du m a ria g e , on qui lu i seraien t advenus de
puis, soit p a r succession, soit p a r donation en trevifs ou testam entaire, seront seuls soum is à l'hy
pothèque de la fem m e :
1° P o u r les d en iers et effets m o b ilie rs qn’ellc
aura apportés en dot, ou q u i lu i seront advenus
depuis le m ariage, p a r succession ou donation e n
tre-vifs ou testam entaire, et dont elle p ro u v e ra la
délivrance ou le paiem ent p a r acte ayant acquis
date certaine ;
2° P o u r le rem p lo i de scs bien s aliénés pendant
le m ariage ;
$” P ou r l’indem nité des dettes p a r elle contrac
tées avec son m ari.
A rt. 564.
La femme dont ie m a ri était com m erçant à l’é
poque de la célébration du m ariag e , ou dont le
mari n’ayant pas alors d ’au tre profession d éter
minée sera devenu com m erçant dans l’année qui
suivra cette célébration, ne p o u rra exercer dans
la faillite aucune action à raison des avantages
portés au contrat de m ariag e , et dans ce cas les
créanciers ne po u rro n t, de le u r côté, se p rév a lo ir
d e s avantages faits p a r la fem m e au m a r i dans ce
nteme contrat.
i Voy. s u p r a article 859.
�110
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
SOMMAIRE
4027.
L’article 563 consacre de graves modifications aux arti
cles 551, 552 et 553 du Code de commerce. Rappel de
leur disposition.
1628. Le fils du commerçant est aujourd’hui assimilé aux autres
citoyens , et nul n ’est censé commerçant que si n’ayant
au moment du mariage aucun état, il s’est livré au com
merce dans l ’année de sa célébration.
4029. La présomption resterait donc inapplicable à celui qui à
cette époque exerçait une autre profession.
4030. A condition qu’il ne fît pas dès lors habituellement des
actes de commerce.
4 031 . L’article 563 n ’a aucun effet rétroactif. La femme qui s’est
mariée sous l ’empire du Code avec le fils d’un commer
çant reste soumise à la disposition de celui-ci.
1032. La loi nouvelle accorde hypothèque légale à la femme tant
sur les biens existant au moment du mariage que sur
ceuxobvenus pendant sa durée à titre gratuit seulement1 033. Dissentiment avec M. Dalloz sur les effets de la condam
nation obtenue par la femme séparée de biens avant les
dix jours qui ont précédé la faillite.
4033bis. La femme est admissible à prouver que l ’immeuble
authentiquement transmis au mari après le mariage a
été réellement acquis par lui avant.
4034. Le prix des réparations importantes faites aux immeubles
acquis pendant le mariage à titre gratuit n ’est pas affecté
à l ’hypothèque légale.
4035. La femme a hypothèque légale : 1° Pour les deniers et
effets mobiliers apportés en dot ou obvenus pendant le
mariage par succession ou donation.
1036. Mais elle est obligée d’en prouver la délivrance ou le paie
ment par actes ayant date certaine. Conséquences.
1037. Cette preuve résulterait de plein droit de la clausedu con
trat de mariage qui porterait quittance par le mari.
4038. 2° Pour les sommes dues pour remploi de ses biens alié-
i
�ART.
563, 564.
111
1043.
nés ; et 3“ pour l’indemnité pour dettes contractées avec
son mari.
L’article 563 régira à l ’avenir les femmes mariées sous
l ’empire du Code, sauf les droits acquis avant sa pro
mulgation.
Si le prix des immeubles est insuffisant pour éteindre les
droits de la femme, ce qui lui reste dû tombe dans la
masse chirographaire et concourt à la répartition de
l ’actif au marc le franc.
La faillite révoque de plein droit tous les avantages faits
par le mari dans le contrat de mariage.
L’effet de cette révocation est acquis en faveur des tiers
de quelque manière que se soit terminée la faillite.
La réhabilitation les ferait revivre à l’encontre de tous.
1044.
L a d is p o s itio n de l ’a r t ic le 5 6 4 s 'a p p liq u e p a r s u p é rio r ité
1039.
1040.
1041.
1042.
de raison anx avantages faits pendant le mariage.
1027.
— L’article 563 est, de toutes les dispositions
de la loi nouvelle , celle qui a le plus modifié le Code
de commerce. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler
ce qu’ordonnaient les art. 551, 552 et 553 de celui-ci.
L’article 551 n’accordait hypothèque légale à la fem
me, quant aux deniers et effets mobiliers, que pour ceux
qu’elle prouvait par actes authentiques avoir apportés
en dot. Elle ne pouvait être réclamée pour tous ceux qui
lui étaient échus pendant le mariage soit par succession
soit par donation.
Dans aucun cas, cette hypothèque ne pouvait grever
les immeubles acquis par le mari depuis le mariage, à
tilre onéreux ou gratuit. Son application était exclusive
ment restreinte à ceux possédés au moment du mariage.
L’article 552 rendait le précédent applicable à la femv me qui épousait le fils d’un commerçant n’ayant aucun
�112
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
état ou profession déterminée , et qui devenait ensuite
négociant, n’importe le laps de temps écoulé depuis le
mariage.
Enfin , l’article 553 assimilait au négociant celui qui
ayant une profession déterminée à l’époque de son ma
riage, embrassait le commerce dans l’année de sa célé
bration.
1 0 2 8 . — Le nouvel article 563 abroge d’abord for
mellement ces deux dernières disposititions. Le fils du
commerçant e s t, pour l’avenir , assimilé aux autres ci
toyens ; et nul n’est censé commerçant, que si n’ayant
au moment du mariage aucune autre profession déter
minée, il ne l’est réellement devenu dans l’année.
1 0 2 9 . — L’exercice de la part de l’époux d’une pro
fession autre que celle de commerçant lors de la célé
bration du mariage, exempterait donc la femme de l’ap
plication des dispositions spéciales de la loi sur les fail
lites, alors même qu’abandonnant cette profession l’époux
aurait réellement embrassé le commerce dans l’année.
Cette décision de la loi nouvelle nous parait plus équita
ble que celle consacrée par le Code de commerce. On
faisait subir, sous celui-ci, à la femme une chance à la
quelle elle avait voulu se soustraire , à laquelle même
elle ne se serait pas soumise si, d’avance, elle avait pu
prévoir que son mari deviendrait plus tard négociant.
1050.
— Mais la certitude d’un état déterminé rie
suffirait pas pour soustraire la femme aux effets de la
loi, si malgré cet état le mari se livrait, dès lors, habi
tuellement au commerce. Les créanciers peuvent toujours
�art.
863,
H3
864.
prouver cette habitude qui confère la qualité de com
merçant , et cette preuve une fois faite, la femme invo
querait en vain soit la présomption résultant d’une pro
fession quelconque, soit la bonne foi pour se prétendre
en droit de rester en dehors de l’application de P a rtie
563. Elle ne pourrait pas davantage, dans ce cas, invo
quer pour régler ses droits dans la faillite de son mari,
les dispositions du Code civil que la loi commerciale n’a
pas sanctionnées L
Peu importerait, dans ce cas, que le mari se fût ou
non exclusivement voué au commerce dans l’année du
mariage. Il suffirait de la preuve qu’il l’exerçait au mo
ment de la célébration, pour qu’il fût considéré comme
commerçant et que les effets que nous venons d’indiquer
se réalisassent contre la femme.
1 0 3 1 . — La disposition de l’article 563 , relative
ment aux personnes n’a aucun effet rétroactif. Les pres
criptions du Code continueraient à régir la femme qui
aurait épousé un fils de commerçant, ou tout autre ci
toyen ayant ou non une autre profession déterminée.
Mais cela ne serait absolument vrai que si l’époux avait embrassé le commerce avant la publication de la loi
nouvelle. Quelle que fût la date de son mariage, s’il n’é
tait devenu commercant qu'après cette publication, c’est
sous l’influence des nouveaux principes qu’il faudrait
envisager la position qu’on devrait faire à la femme.
1032. — L’hypothèque légale conférée par la loi
nouvelle frappe non-seulement les immeubles possédés
i Cassation, 6 juillet 4837; — D. P., 37,
394.
iu — 8
�114
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
par le mari au moment du mariage , mais encore ceux
qui lui sont obvenus depuis par succession ou donation
entre-vifs ou testamentaire. Ceux acquis à titre onéreux
en sont seuls affranchis. Ils sont censés avoir été payés
des deniers des créanciers. Ils restent, en conséquence,
affectés exclusivement à ceux-ci.
1 033.
— M. Dalloz pense même : « que si avant les
dix jours qui ont précédé l’ouverture de la faillite la fem
me avait demandé et obtenu sa séparation de biens, ou
si séparée par son contrat de mariage elle s’était fait re
connaître par jugement créancière de son mari, elle joui
rait pour ses reprises d’une hypothèque judiciaire qui
aurait tous les effets de ces sortes d’hypothèques , mais
seulement à partir de l’inscription qu’elle aurait prise,
et pourvu que cette inscription eût été faite en temps
utile.1 »
Nous ne pouvons partager cet avis que combattent
l’esprit et le texte de la loi. Les droits de la femme sont
fixés en cas de faillite d’une manière certaine , et nous
avons vu plus haut qu’elle ne peut invoquer pour leur
réglement les dispositions du Code civil qui n’ont pas été
sanctionnées par la loi commerciale2. Or, celle-ci pro
hibe formellement toute hypothèque sur les biens acquis
depuis le mariage à titre onéreux. Donc, que la femme
agisse en vertu de son contrat, ou en vertu d’un juge
ment qui prononçant la séparation a liquidé ses repri
ses , la nature de l’action n’est pas changée et le juge
ment ne saurait lui attribuer un droit que la loi lui refuse
1 D. A., t. 8, p. 217, n°8 .
3 V oyez arrêt de la cour de cassation Cité plus haut.
V
�ART.
563, 564.
415
formellement. S’il en était autrement la prohibition de la
loi serait vaine. Les époux trouveraient toujours moyen
de l’éluder. Au premier indice d’une déconfiture prochaine
une séparation concertée viendrait mettre la femme à
même de braver le péril dont la faillite le menace.
Ainsi, que la femme soit séparée de biens par son
contrat de mariage ou par jugement, qu’elle ait ou non
inscrit avant la faillite, celle-ci se réalisant, elle est for
cément ramenée à l’exécution littérale de l’article 563 ;
elle n’a et ne peut avoir hypothèque que dans les limites
qui y sont retracées et sur les immeubles qui y sont dé
crits.
1 0 5 3 bis. — L’article 563 n’accordant l’hypothèque
légale que sur les biens appartenant au mari au moment
du mariage , l’exclut virtuellement sur ceux acquis de
puis à titre onéreux. La réclamation de la femme à ce
sujet devrait être et serait infailliblement repoussée.
Mais la femme pourrait prétendre que l’acquisition en
apparence postérieure au mariage , lui a été en réalité
antérieure ; que la propriété d’abord transférée par acte
sous seing privé, l’a été plus tard par acte authentique
qui n’a constaté qu’un fait préalablement certain.
L’intérêt de la femme à établir cette prétention est évident, puisque en la supposant vraie elle jouira de l’hy
pothèque légale , et aura ainsi un privilège contre la
masse. La preuve qu’elle demanderait à en faire par té
moins et par présomption serait-elle recevable? Devraitelle être accueillie ?
Il nous paraît difficile de se prononcer pour la néga
tive. En droit commun la preuve testimoniale est admise,
�116
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
lorsque aux termes de l’article 1348 du Code civil celui
qui la propose n’a pu se procurer la preuve par écrit.
Or, telle a été évidemment la position de la femme, puis
qu’il s’agit d’un fait non-seulement personnel au mari,
mais encore antérieur au mariage.
Ainsi, d’une part impossibilité de se procurer la preuve
littérale, de l’autre, intérêt réel, majeur, et dès lors ac
tion ouverte pour le faire triompher. La preuve par té
moins trouve donc son fondement dans la loi elle-même.
Serait-elle repoussée par les principes spéciaux des
faillites? On pourrait le soutenir jusqu’à un certain
point, si les créanciers agissant comme tiers pouvaient
soulever contre l’action de la femme l’exception de l’ar
ticle 1167 du Code civil. Mais la masse, excepté dans les
hypothèses des articles 446 et suivants , n’est, à l’égard
des prétentions que la faillite fait naître sur l’actif, que
l’ayant cause du failli. Elle se trouve donc dans la posi
tion que celui-ci occuperait, et la demande de la femme
recevable contre le mari le serait également contre elle.
L’exception de fraude ne serait pas même proposable.
Car , en supposant qu’on pût la faire résulter du fait
d’avoir converti l’acte sous seing privé en acte public, la
fraude aurait existé non contre les créanciers, mais con
tre la femme seule à laquelle elle devait faire perdre le
bénéfice de son hypothèque légale.
Vainement les créanciers se retrancheraient-ils der
rière l’autorité de l’acte authentique. Cet acte ne crée
qu’une présomption qui, dans les circonstances que nous
venons d’indiquer, ne peut être un obstacle à ce que la
femme qui n’y a point concouru en établisse le vrai ca-
�art. 5 6 3 ,
564.
117
ractère. Son unique effet pour les créanciers est de se
prévaloir de la présomption, et de mettre à la charge de
la femme la preuve du contraire.
Mais, accepter l’acte comme l’expression d’une vérité
incontestable , l’imposer à la femme qui y est restée étrangère, lui prohiber de faire valoir ses droits même par
la preuve testimoniale, qui n’a pas d’ailleurs pour objet
de prouver outre et hors le contenu en l’acte qui se pro
pose seulement de fixer l’origine réelle du fait qu’il con
state, ce serait faussement appliquer l’article 1341, vio
ler l’article 1348 du Code civil, et méconnaître l’article
567 du Code de commerce lui-m êm el.
1 0 5 4 . — Le prix des réparations importantes, tel
les que constructions qui ont accru la valeur des im
meubles acquis à titre g ra tu it, est affranchi de l’hypo
thèque de la femme. Ces constructions faites pendant le
mariage sont présumées avoir été payées des deniers des
créanciers. En conséquence , ceux-ci sont recevables à
en faire fixer le chiffre sur lequel l’hypothèque de la fem
me ne pourrait être colloquée. Mais la simple allégation
de l’existence de ces constructions ne suffirait pas pour
rendre la demande en expertise recevable. On devrait
avant tout articuler des faits propres à en déterminer la
nature et l’importance2.
Contrairement à notre doctrine, un arrêt de la Cour
de Rouen du 29 décembre 1855, juge que les construc
tions faites par un commerçant, tombé plus tard en
faillite, sur un terrain nu qu’il possédait au moment
1 Grenoble, 28 juin 4858;—D .P., 59, 2, 194.
3 Cass., 24 janvier 1338 ; D. P ,, 38, 1, 51.
�418
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
du
les
cle
de
mariage, sont, comme le terrain lui-même dont el
constituent une amélioration dans le sens de l’arti
2133 du Code civil, soumises à l’hypothèque légale
la femme l.
Cet arrêt est difficile à justifier et se concilie fort peu
avec la disposition de notre article 363. La règle qu’il
consacre pourrait aboutir à anéantir cette disposition en
permettant de l’éluder. En effet, le mari commerçant
qui voudrait mettre sa femme à l’abri des conséquen
ces de la faillite, n’aurait qu’à élever sur l’immeuble
qu’il possédait au moment du mariage, des construc
tions qui en quintupleraient ou en décupleraient la va
leur. Comment admettre que la femme, qui ne saurait
faire porter son hypothèque légale sur un immeuble de
quelques cents francs, acquis depuis le mariage, put la
faire peser sur des constructions qui ont fait d’un ter
rain nu et presque sans valeur un immeuble important
valant 10, 20, 30,000 francs ?
L’article 563 ne permet pas qu’il puisse en être ainsi.
La Cour de Rouen l’a si bien compris qu’elle s’en est
référée à la règle du droit commun consacrée par l’ar
ticle 2133 du Code civil, sous le prétexte que l’article
563 du Code de commerce ne s’est pas suffisamment
expliqué sur le point de savoir s’il n’entendait parler
que de l’état actuel des immeubles possédés au jour du
du mariage, sans égard aux améliorations qu’ils pour
raient ultérieurement recevoir ; et qu’en l’état de ce si
lence c’est à l’article 2133 du Code civil qu’il faut de
mander la solution.
1 J. du P. 1857, 585,
�Que cet article puisse être invoqué par la femme du
commerçant failli, on ne saurait l’admettre qu’à une
double condition, à savoir qu’elle ait une hypothèque
acquise, qu’il s’agisse de simples améliorations.
Or on ne saurait qualifier ainsi des constructions
qui font d’un vacant une maison, un chateau, une fer
me, car le résultat de ces constructions devient l’objet
principal et ce que l’article 2133 prévoit uniquement,
ce sont les améliorations qui viennent successivement
se joindre à l’immeuble et en augmentent la valeur dans
une certaine proportion.
Sans doute on ne saurait opposer celte distinction aux
créanciers hypothécaires ordinaires. La raison en est
qu’en ce qui les concerne, le débiteur commerçant ou
non peut toujours, sauf les rectrictions édictées par l’ar
ticle 446 et la condition mise par l’article 448 du Code
de commerce, consentir des hypothèques nouvelles ou
accroître l’importance de celles déjà consenties. Or c’est
ce dernier résultat que réalisent les constructions nou
vellement élevées sur les immeubles affectés, et à ce ti
tre les créanciers chirographaires, ne pouvant contester
la capacité, pour l’un, de donner des suppléments, pour
l’autre, de les recevoir, ne peuvent légalement en con
tester les effets.
Mais dans l’hypothèse de l’article 563 cette double
capacité n’existe pas. Pendant toute la durée du ma
riage l’hypothèque légale de la femme du commerçant
ne peut varier et sortir des limites que lui assigne cet
article. Or les constructions qui donneraient une valeur
considérable à un terrain d’un prix plus ou moins in-
�120
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
signifiant, ne seraient qu’un moyen détourné d’éluder
cette prohibition, et l’on ne saurait les affecter à l’hypo
thèque légale sans reconnaître le droit de faire indirec
tement ce qu’il est prohibé de faire directement.
D’ailleurs ubi eadem ratio, ibi Adem jus, ce qui a
fait affranchir de l’hypothèque légale les immeubles ac
quis depuis le mariage, c’est qu’ils sont présumés payés
avec l’argent des créanciers. Or n’est-ce pas dans sa
caisse que le commerçant puisera pour faire face aux
constructions ? Où donc serait le motif d’accorder dans
ce cas l’hypothèque légale qu’on repousse dans le pre
mier ?
La cour de Rouen s’est donc trompée, elle a mécon
nu le caractère de l’article 563. Vraiment, prétend-elle
que cet article ne s’est pas suffisamment expliqué sur le
point de savoir si, en accordant l’hypothèque légale sur
les immeubles qui appartiendraient au mari au jour du
mariage, il n’entendait parler que de l’état dans lequel
ces immeubles se trouvaient alors sans égard aux amé
liorations qu’ils pourraient ultérieurement recevoir.
L’article 563 pose un principe et n ’avait pas à s’expli
quer sur ses conséquences. Ces conséquences s’impo
sent d’elles-mêmes et l’impossibilité de les éluder direc
tement détermine l’impuissance de la faire indirectement.
D’ailleurs, nous le répétons, on ne doit pas confon
dre les constructions qui changent la nature de l’im
meuble avec les dépenses qui constituent des améliora
tions dans la simple acception de ce mot ; et si l’article
2133 du Code civil ne saurait être invoqué pour ce qui
�concerne les premières, on peut et on doit l’appliquer
lorsqu’il s’agit des secondes.
Nous n’avons jamais dit autre chose et les termes que
nous avons employés : réparations importantes t e l l e s
que c o n s t r u c t io n s , fixent notre pensée que le répertoire
du Journal du P a la is1 méconnaît lorsqu’il prétend que
nous rangeons sur la même ligne les constructions, ad
ditions et améliorations. En nous bornant à nous occu
per des premières, nous n’avons ni appliqué ni voulu
appliquer aux secondes la règle que nous invoquions.
Nous reconnaissons qu’autant il serait injuste d’enrichir
la femme au détriment des créanciers, autant il serait
inique de priver celle-ci du gage restreint sur lequel elle
a dû compter, par la raison que des réparations urgen
tes ou nécessaires ont amélioré l’immeuble et ont fait
disparaître les dégradations et les vices qui n’auraient
pas permis d’en retirer le juste prix.
À cet égard nous croyons que la prétention de la fem
me devrait être accueillie, et nous admettons avec la
cour de Grenoble que l’hypothèque légale s’étend aux
améliorations faites aux immeubles depuis le mariage3.
La question soumisè depuis à la cour de Caen a été
résolue dans le même sens. Cet arrêt,..à notre avis, mé
rite d’être remarqué. Dans cette espèce, le prix de l’im
meuble ayant dépassé de 6,000 fr. le prix d’achat, un
créancier soutenait que cet excédant, dû à la recons
truction dont la maison avait été l’objet, constituait un
1 V° Faillite, n° 2224.
J. du P. 1859, 874, 28 juin 1858.
2
�122
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
véritable acquêt fait pendant le mariage et ne pouvait
dès lors être affecté à l’hypothèque légale.
Celte prétention repoussée en première instance le
fut également par arrêt du 3 juin 1863, qui se distingue par la rationalité et la légalité de. ses motifs.
« Considérant, dit la cour, que par l'article 563 du
» Code de commerce, le législateur, en maintenant, sans
» dérogation aucune au droit commun , l’hypothèque
» légale de la femme sur les immeubles possédés par
» son mari commerçant au moment du mariage, a, par
» cela même, conservé à ce droit hypothécaire toute
» l’étendue qu’il aurait sur les biens d’un non com» merçant ;
» Considérant qu’à partir de la célébration du ma» riage de la dame Bourdon, en 1839, les immeubles
» acquis en 1836 ont été incontestablement grevés de
» l’hypothèque légale de cette dame, qui, conformé» ment à l’article 2133 du Code civil, s’étend aux amé» liorations survenues à l’immeuble hypothéqué ; qu’il
» s’agit donc de rechercher si les travaux de Bourdon,
» exécutés pendant le mariage, n’ont produit que des
» améliorations, ou si,au contraire, comme le prétend
» Marion, ils auraient transformé cet immeuble en un
» véritable acquêt ;
» Considérant que sans avoir à examiner si la cons» truction d’un édifice important fait pendant le ma» riage sur un terrain sans valeur affecté à l’hypolhè» que légale, pourrait être éventuellement considérée
» comme un acquêt immobilier, il résulte de divers do» cuments de la cause, et notamment des actes de
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�» 1836, qu’à cette époque il existait, à la place de la
» maison vendue en 1864, une maison servant à usage
» de café et dont les aménagements étaient à peu près
» les mêmes que ceux de la maison actuelle ; que la
» réparation ou reconstruction opérée par Bourdon, en
» 1856, était un acte de bonne administration, com» mandé par l’état de vétusté de la maison ; qu’on doit
» donc considérer la plus-value donnée aux immeu» blés par les travaux, comme une amélioration dans
» le sens de l’article 2133 du Code civil, et non com» me un acquêt immobilier, surtout si l’on remarque
» que l’on a seulement donné aux reconstructions un
» développement à peu près égal à celui des anciens
| » bâtiments, et que l’excédant de prix obtenu à l’adju» dication ne représente en réalité, que, soit la diffé—
» rence qui existe nécessairement entre une vieille mai» son et une maison entièrement réparée ou rétablie,
» soit l’augmentation notoirement survenue depuis Iren» te ans dans la valeur des immeubles de la localité ;
» Considérant en outre que rien ne révèle que Bour~
» don, en construisant, ait pu avoir pour but de donI» ner, aux dépens du gage plus spécialement affecté à
I» ses créanciers commerciaux, une augmentation de
! » garantie pour les apports de sa femme, dont la res[» titution semblait suffisamment assurée par la valeur
I » des immeubles acquis en 1836 qui excédait le mon[ » tant des reprises K »
La cour de Caen a raison, la véritable question que
�124
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
présenteront les litiges sera de savoir si les travaux faits
depuis le mariage constituent une simple amélioration,
ou si, changeant la nature de l’immeuble, on doit les
considérer comme procurant un acquêt immobilier, el
de sa solution dépendra le sort des prétentions de la
femme;
Celle qüe l’arrêt adopte est essentiellement juridique
et son appréciation des faits d’une justesse, d’une ration'
n ali té incontestables.
Il est évident et certain qu’une maison réparée vau
dra toujours plus qu’une maison qui tomberait en rui•'V'
ne. Cette nécessité de réparations est déterminée parla
temps ou par des accidents. Interdira-t-on au com
merçant d’y procéder ? Le condamnera-t-on à laisse:
périr l’imipeuble par l’unique raison qu’il est affecté de
l’hypothèque légale de la femme ? '
Un système qui aboutirait à consacrer un pareil ré
sultat est insoutenable et inadmissible. C’est ce queli
cour de Caen a pensé, c’est ce que penseront, ce que
devront penser les cours et tribunaux qui auront à ré
soudre la question.
Après avoir ainsi cantonné l’hypothèque légale de 11
femme, l’article 563 détermine les reprises pour les
quelles cette hypothèque peut être réclamée. Ce sont :
1 0 35. —■> 1° Les deniers et effets mobiliers apportés
en dot, ou obvenus à la femme par succession ou do
nation, dont elle prouvera la délivrance ou le paiement
par acte ayant date certaine.
Nous avôns vu que l’article 551 du Code de com-
�art.
563,
564.
125
merce n’admettait, pour prouver la consistance de l’ap
port de la femme auquel se bornait l’hypothèque légale,
que les actes authentiques. La loi nouvelle assimile à cet
apport les deniers et effets mobiliers obvenus par suc
cession ou donation. Moins exigeante sur la preuve,
elle se contente pour le tout d’aetes ayant date certaine ;
elle est donc beaucoup plus favorable pour la femme
que ne l’était l’ancienne législation.
1036, — Mais tandis que le Code se taisait sur la
preuve de la délivrance ou du paiement, la loi nouvelle
exige cette preuve. Il est cependant à remarquer que
cette exigence n’est pas une innovation.
En effet, malgré le silence du Code, la jurisprudence
avait admis la nécessité de cette preuve, qu’elle ne faisait
résulter que d’actes authentiques. Ainsi, la cour de cas
sation décidait qu’il ne suffisait pas, pour que le vœu
de l’article 551 fût rempli, qu’il fût exprimé dans le
contrat de mariage que la femme s’est constitué une
certaine somme en d o t; qu’il fallait, de plus, que le
paiement de cette somme fût authentiquement établi ;
qu’il y avait donc lieu de casser l’arrêt qui, à défaut de
constatation par acte écrit, déclare que ce paiement ré
sulte de présomptions et des circonstances1.
La seule modification que cette jurisprudence aurait
subir est relative à la forme dans laquelle la preuve
devrait être faite. Au fond, la loi elle-même en prescrit
le caractère, en exigeant formellement la preuve du
i 21 février.1827 ; D. P ., 27, 1, 445. Vid. arrêt de Besancon du 21
juin 1828 ; D. P., 28, 2, 139.
�426
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
paiement. Dès lors, la femme qui se constituerait une
certaine somme à prendre dans une succession non en
core liquidée, ou à recevoir d’une personne désignée,
ne pourrait prétendre à une hypothèque légale, qu’en
justifiant par acte ayant date certaine que le mari l'a
réellement reçue.
1 0 5 7 . — Mais si le contrat de mariage portait quit
tance de la somme qne la femme s’est constituée, l’hy-pothèque serait acquise, alors même qu’aucune preuve
ne justifiât l’existence réelle de cette somme ; « de pa
reilles stipulations cachent souvent une dot simulée,
Néanmoins, tant que la simulation n’est pas prouvée,!
doit être ajouté foi au contrat, même en cas de faillite,
parce qu’il n’y a pas souvent possibilité de justifier au
trement de l’apport réel d’une somme depuis longtemps
en la possession de la future, ou provenant de son in
dustrie ou de ses économies
On comprend, au reste, que même en cas de faillite
l’équité veut que l’on ait égard aux stipulations que l’u
sage a fait introduire dans les contrats de mariage,
Ainsi il a été jugé, et on devrait encore juger, qu’il suf
fit qu’il soit déclaré dans ce contrat que l’acte de célé
bration vaudra quittance en faveur de la femme, de la
dot qu’elle se constitue ou qui lui a été constituée, pour
que ce dernier acte dût être réputé quittance authentique,
et que, par suite, la femme pût être colloquée sur les
biens de son mari tombé en faillite, à la date du ma
riage s.
i D. A., t. 8 ,p . 217, n» i.
3 Cass., 49 janvier 1736 ; D. P., 36, 1, 73.
�ART.
563, 564.
127
1038. — 2° Les sommes dues à la femme pour
remploi de ses biens aliénés pendant le mariage.
3° L’indemnité qu’elle peut exiger pour les dettes par
elles contractées avec son mari.
Ces deux dernières causes ne sont susceptibles d’au
cune difficulté sérieuse. L’acte d’aliénation des biens de
la femme, la représentation ou l’existence certaine et
actuelle des titres d? créance, garantis par la femme,
fixent le chiffre des prétentions de celle-ci, et l’étendue
de l’hypothèque légale qui lui est due.
Quant aux dettes payées par la femme avant la fail
lite, on suit les règles que nous avons exposées sous
l’article 562.
1039. — L’article 563 conférant une hypothèque
légale plus étendue que celle du Code de commerce, soit
quant à son principe, soit quant à son application, ré
gira à l’avenir même les femmes qui se sont mariées
sous le Code ; mais on doit concilier ce principe avec
celui de la non-rétroactivité des lois. En conséquence,
celles-ci ne jouiront de ce bénéfice de la loi nouvelle,
que sans pouvoir nuire aux droits des créanciers qui
ont traité avec le failli avant la promulgation de notre
article l.
Ainsi, dit M. Duvergier
l’hypothèque légale des
femmes mariées avant la présente loi, frappera à l’ave
nir ceux des biens de leurs maris qui n’y étaient pas
assujettis. Mais elle ne les frappera qu’à compter de la
promulgation de la présente loi, et seulement à l’égard
1 V. supra n° 990.
2 Loi de <1838, art. S69.
�128
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
des créanciers postérieurs à cette promulgation. Les cré
anciers antérieurs avaient un droit acquis sur les biens.
La survenance de la loi n’a pu le leur ôter, pour rendre
meilleure la condition de la femme.
1 0 4 0 . — Si les immeubles grevés de l’hypothèque
légale de la femme sont insuffisants pour le paiement
intégral de ce qui lui est dû, l’excédant tombe dans la
masse chirographaire à la distribution de laquelle la
femme est admise au marc le franc. C’est dans cette
éventualité qu’elle est obligée de faire vérifier et affirmer
sa créance, car, nous l’avons déjà dit, nul, quel que
soit son litre, ne peut prendre part dans les répartitions,
s’il n’a subi cette double formalité.
1041. — Les avantages consentis en mariage par
un commerçant, ou par celui qui n’ayant aucune pro
fession déterminée le sera devenu dans l’année, sont de
plein droit rétractés par la survenance de la faillite. La
femme ne peut, en conséquence, en retirer aucuns fruits.
Mais, par réciprocité, ceux par elle conférés sont égale
ment frappés de nullité à l’encontre de la masse.
Le motif de cette disposition nous est divulgué par la
discussion que l’article 549 du Code de commerce subit
dans le sein du conseil d’Etat. Des contrats de mariage
étaient frauduleusement combinés dans la prévision
d’une faillite, de telle sorte que la fortune arrachée aux
créanciers passait sur la tête de la femme. De là il ré
sultait que celle-ci envisageait sans effroi un pareil évé
nement auquel elle était souvent bien loin de s’opposer.
L’intérêt général faisait donc une loi de donner à celui
�a r t
.
863, 864.
429
de la femme une direction contraire, ce qui devait ren
dre les faillites plus rares l.
Le moyen le plus énergique parut devoir être la cer
titude, en cas de faillite, de la révocation de tous les
avantages portés au contrat de mariage. C’est ce que
consacra l’article 549.
La loi nouvelle en a maintenu la disposition, et l’on
ne peut qu’approuver ce qu’elle a fait. Car, indépen
damment de la raison morale qui décidait les législa
teurs de 1807, il en est une autre de justice qui tend au
même but. Que le mari soit libéral envers sa femme,
cela se comprend ; mais encore faut-il que sa libéralité
ne s’exerce pas aux dépens de ses créanciers. Nemo l i beralis, nisi liberatus. Cela doit surtout être vrai en
matière de faillite.
j
Ainsi, dans l’avenir comme dans le passé, la femme
d’un failli ne pourra se prévaloir des libéralités faites
par le mari. La loi reste immuable quant au principe
que la femme doit recevoir tout ce qu’elle a apporté,
mais que rien au-delà ne peut être soustrait aux créan
ciers pour l’avantager. En conséquence, quelle que soit
la nature de ces libéralités, elles sont révoquées par le
seul fait de la faillite. On ne saurait distinguer celles
qui ont un effet actuel, de celles dont les effets sont sus
pendus à la condition de survie. Les unes et les autres
sont également proscrites.
1042.
— L’effet de cette révocation est définitive
ment acquis contre la femme de quelque manière que
1 t.ooré, t. 7, p. 121.
ni —
9
�130
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
la faillite se soit terminée. Sur ce point, la jurisprudence
admise sous le Code devrait encore être suivie. Or, il a
été jugé par la cour de cassation que la cession volon
taire de biens, faite par un commerçant failli à ses cré
anciers qui l’ont acceptée, en le tenant quitte de leurs
créances, ne peut, quels que puissent être ses effets pour
l’avenir, rétroagir sur le passé, et rendre, par exemple,
à la femme du commerçant, le droit qu’elle a perdu par
le seul fait de la faillite de son mari, de réclamer les
avantages portés dans son contrat1.
1 0 4 3 . — Mais le contraire devrait être décidé en
cas de réhabilitation du débiteur failli. L’effet de celleci étant d’effacer la faillite, doit nécessairement rétroagir
sur le passé, et rendre à la femme la plénitude de ses
droits. Elle pourrait donc, après le jugement qui admet
la réhabilitation, réclamer les avantages qui lui auraient
été faits dans son contrat de mariage.
1 0 4 4 . — L’article 564 ne parle que des avantages
qui sont portés au contrat de mariage. Mais, sa disposi
tion s’appliquerait par supériorité de raisons aux libéra
lités consenties pendant le mariage. Il est évident, en ef
fet, que le résultat serait le même, et puisque, pour
l’éviter, le législateur n’a pas hésité à modifier le con
trat de mariage qu’il a lui-même déclaré immuable2,
on ne saurait lui prêter la pensée d’avoir voulu respec
ter des actes que les époux eux-mêmes peuvent toujours
révoquer.
1 13 novembre 1838 ; D. P., 38, 1, 400,
2 V. articles 1393 et suivants du Code civil
�ART.
665, 566.
131
CHAPITRE VIII
uc
la
r é p a r t it io n
LA
e ü iiie
L IQ U ID A T IO N
le s
DU
c k é a a c ie r s
, et
d e
M O B IL IE R
A r t . 565.
.
Le m ontant de l'actif m o b ilie r, distraction faite
des fra is et dépenses de l'ad m in istratio n de la
faillite, des secours q u i au raie n t été accordés au
failli om à sa fam ille, et des som m es payées aux
créanciers privilégiés, sera ré p a rti entre tous les
créanciers au m arc le fran c de leu rs créauecs vé
rifiées et affirm ées.
A r t . 566.
A cet e ffe t, les syndics r e m e ttro n t, tous les
mois, au juge-com m issaire, un état de situation
de la faillite, et des d en iers déposés à la caisse
des dépôts et consign ation s; le ju ge-co m m issaire
ordonnera, s’il y a lieu, une rép a rtitio n entre les
créanciers, en fixera la quotité, et v eillera à ce
que fous les c ré an c ier» en soient avertis.
SOMMAIRE
1045. La répartition de l ’actif peut être commencée avant sa
complète réalisation.
1046. Prélèvements à opérer avant distribution.
1047. Le restant est partagé au marc le franc entre tous les cré
anciers.
1048. Les répartitions doivent être ordonnancées par le jugecommissaire sur l ’état de situation que les syndics doi
vent lui donner tous les mois.
�432
1049.
1050.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
L’ordonnance du juge fixe le jour, le mode et la quotité
de la répartition.
L’article 566 ne prescrit aucune mesure pour la publicité
de la répartition.— Il convient cependant de l’annoncer
par affiches et par une insertion au journal.
1045. — Les syndics de l’union n’étant institués
que pour parvenir à distribuer l’actif entre tous les cré
anciers, doivent, avons-nous dit, s’occuper sans retard
de la liquidation. Celle-ci étant achevée, la répartition
doit être immédiatement opérée.
Toutefois, la réalisation totale de l’actif n’est pas une
condition forcée de la distribution, quels que soient les
termes de l’article 565, il est certain qu’avant cette en
tière réalisation, le juge-commissaire peut ordonner une
répartition, selon que les sommes existant dans la fail
lite sont suffisantes pour présenter un dividende raison
nable. Cette distribution partielle est laissée à la pru
dence du juge ; mais il ne doit jamais oublier que les
créanciers souffrent, et que le plus petit dividende peut
devenir, pour certains d’entre eux , une véritable et fort
utile ressource.
L’article 565 ne s’occupe que de l’actif mobilier. Les
immeubles peuvent ne pas être vendus encore. L’au
raient-ils été, la distribution de leur prix appartient à
une autre forme, puisque c’est par un ordre régulière
ment poursuivi qu’elle est faite.
1046. — Sur le produit de l’actif mobilier, sont de
droit prélevés les frais et dépenses de l’administration,
et les sommes payées aux créanciers privilégiés, tant
sur la généralité que sur quelques-uns des meubles.
�ART.
565, 566.
133
Nous avons vu, en effet, que. les créances de cette dou
ble catégorie devaient être intégralement soldées, et pou
vaient l’être avant et depuis l’union. Il n’y a donc pas
pour elles de faillite. Il en serait de même pour les som
mes données au failli à titre de secours pour lui et pour
sa famille, conformément à l’article 530.
1(M'7. — Le restant net appartient aux créanciers.
Il doit leur être distribué au marc le franc de leur cré
ance, sans distinction entre les chirographaires et les
hypothécaires ; sauf pour ces derniers l’application des
articles 554 et 555. La seule condition pour être admis
à cette répartition est pour tous les créanciers, qu’ils
aient fait vérifier et admettre leurs créances.
1048. — Les répartitions partielles, avons-nous dit,
sont laissées à la prudence du juge ; c’est pour que le
mandat qui lui est confié, quant à ce, puisse être rem
pli, que la loi exige que les syndics lui remettent tous
les mois un état de situation de la faillite et des deniers
déposés à la caisse des consignations. La consistance de
ceux-ci, rapprochée du total des créances admises, dé
termine la conduite du juge.
L’état de situation de la faillite doit indiquer les som
mes qui restent à payer et le chiffre de celles dues aux
créanciers privilégiés. Sans cette précaution, le juge pour
rait ordonnancer une répartition que les prélèvements à
opérer, sur l’actif qu’il y aurait affecté, ne permettraient
pas de faire.
1049. — L’ordonnance du juge fixe le jour auquel
la répartition doit s’ouvrir ; et la quotité du dividende.
�134
DES
F A IL L IT E S
ET
BANQUEROUTES
Ce magistrat doit veiller à ce que tous les créanciers
soient mis à même de se présenter.
1050^ — L’article 566 ne détermine, pour cet aver
tissement, aucun mode de publicité. On comprend que
celle-ci ne soit plus aussi rigoureusement nécessaire que
lorsqu’il s’agit pour les créanciers de faire reconnaître
leur qualité, ou de délibérer sur un objet important. Il
y a alors véritablement péril s’ils ne sont pas prévenus
à temps. Dans notre hypothèse, il n’en- existe pas d’au
tre qu’un retard plus ou moins long dans la réception
du dividende que chaque créancier est assuré de retirer,
à quelque époque qu’il se présente. On peut donc comp'ter sur la sollicitude que chacun d’eux mettra à s’assu
rer du moment où doit s’effectuer la distribution.
Cependant, il paraît raisonnable de dénoncer ce mo
ment à tous les intéressés par des affiches apposées au
chef-lieu du tribunal devant lequel se poursuit la fail
lite. C’est, en effet, là que chaque créancier est, sinon
domicilié, du moins représenté par un fondé de pou
voirs. On peut même, pour plus de précautions, faire
insérer le placard dans les journaux de la localité.
A rt.
567*
Il ne sera procédé à aucune rép artition entre
les créanciers dom iciliés en France, q u ’après la
mise en réserve de la part correspondante aux
créances pou r lesquelles les créanciers domici
liés hors du territo ire continental de la France
seront portés sn r le bilan .
Lorsque ces créances ne paraîtront pas portées
sur Iç bilan d’une manière exacte, le jugc-com-
�art .
567, 568.
135
missaire p o u rra décider que la réserve sera aug
mentée, sau f aux syndics à se p o u rv o ir contre
cette décision devant le trib u n a l de commerce.
A rt.
568.
Cette part sera m ise en réserve et dem eu rera à
la caisse des dépôts et consignations ju sq u ’à l’ex
piration du délai déterm iné par le d e rn ie r p a ra
graphe de l ’article 492 ; elle sera rép artie entre
les créanciers reconnus, si les créanciers dom ici
liés en pays étran gers n’ont pas fait vérifier le u rs
créances, conform ém ent anx dispositions de la
présente loi.
SOMMAIRE
1051.
1052.
1053.
1054.
1055.
1056.
Aucune répartition ne peut être ordonnancée qu’à charge
de réserver la part qui obviendrait aux créanciers domi
ciliés hors France.
Cette mise en réserve doit comprendre l’intégralité du di
vidende afférant à la créance, alors même qu’elle paraî
trait devoir être réduite
Mais les syndics pourraient se pourvoir si le dividende à
réserver avait été fixé à un chiffre supérieur.
Cette mise en réserve s’opère pat le dépôt du dividende à
la caisse des consignations, jusqu'à l ’échéance des délais
fixés par l ’article 73 du Code de procédure civile.
Si ces délais expirent sans que les créanciers aient pro
duit, il y a négligence. — On applique en conséquence
l’article 503.
Les créances contestées doivent être comprises dans les
répartitions et leur dividende réservé jusqu’au jugement
définitif.
1051.
— Nous avons déjà vu sous l’article 492 que
les créanciers domiciliés hors du territoire continental
�136
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
de la France, jouissent des délais déterminés par l’arti
cle 73 du Code de procédure civile, pour se présenter
aux syndics et faire vérifier leurs titres.
Cependant, on n’a pas cru devoir suspendre le règle
ment de la faillite en attendant l’expiration de ces dé
lais. L’intérêt des créanciers domiciliés en France et qui
formeront dans tous les cas la majorité, celui du failli,
le leur propre , exigeaient qu’on laissât ces créanciers
trop éloignés, momentanément de côté. Que serait de
venu l’actif du failli si, pendant un an, l’administration
eût été condamnée à ne rien faire ?
L’article 493 prescrit donc avec raison qu’il soit passé
outre à la liquidation, malgré l’absence des créanciers
domiciliés hors France ; qu’il soit, après la vérification,
délibéré sur le concordat. Jusque-là , en effet, il y a
entre tous les créanciers une telle communion d’intérêts,
qu’en se protégeant eux-mêmes, les créanciers présents
protègent forcément les droits des absents.
Mais on ne pouvait aller au-delà sans blesser ce que
commande la justice. Lorsqu’il s’agit de disposer du
gage commun, les créanciers qui n’ont pu encore se
présenter doivent être comptés pour quelque chose. Ils
ne pourraient être punis des peines prononcées contre
la négligence, que s’ils avaient été négligents. Or, ils ne
le sont pas, tant que leur absence n’est due qu’à leur
éloignement et non à la mauvaise volonté.
Ainsi, le juge-commissaire ne peut ordonnancer une
répartition qu’après que la part correspondante aux cré
ances pour lesquelles ils sont portés sur le bilan, aura
élé mise en réserve, bien entendu que ces expressions
�a r t
.
567,
868.
137
ne s’appliquent nullement au capital des créances, mais
qu’elles désignent seulement le dividende qui leur serait
dévolu, si elles avaient été vérifiées et affirmées.
1 0 5 2 . — Cette mise en réserve ne peut jamais être
moindre que le dividende, quand bien même les som
mes portées comme dues paraîtraient devoir être rédui
tes. Mais elle pourrait être plus forte s’il y avait lieu de
croire que les créances portées au bilan l’ont été d’une
manière inexacte La raison de cette différence est facile
à saisir ; qu’elles qu’aient été les sommes mises en ré
serve, le créancier ne touchera que celles qui lui seront
réellement dues, après vérification. L’excédant, s’il en
existe, sera réparti entre tous les créanciers, et par con
séquent la masse ne saurait, dans aucun cas, éprouver
un préjudice quelconque.
Il n’en serait pas ainsi du créancier éloigné, si la
mise en réserve était insuffisante. L’actif peut être inté
gralement réparti avant l’expiration du délai qui lui est
accordé. Quel moyen lui resterait-il alors pour échapper
au préjudice que cette insuffisance lui ferait éprouver ?
Le rendrait-on victime de son éloignement ? Ce serait
là une véritable injustice que la loi n’a pu ni voulu con
sacrer. En conséquence, dans le doute, le juge-commis
saire ne doit, pas hésiter à prendre la voie qui sauve
garde tous les intérêts, sans faire courir à aucun le
moindre risque.
1053. — La loi permet cependant aux syndics de
se pourvoir contre la décision qui ordonnerait la mise
en réserve d’un dividende supérieur, et de la déférer au
�138
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tribunal de commerce. Ce pourvoi se réalise par une
requête sur laquelle le tribunal statue après avoir ouï le
rapport du juge-commissaire.
10 5 4 . — La mise en réserve sera effectuée par le
dépôt des sommes déterminées à la caisse des dépôts et
consignations. Elles y demeureront jusqu’à l’expiration
des délais accordés par l’article 492. Ces délais peuvent
différer les uns des autres, selon le lieu habité par les
divers créanciers. L’échéance de chacun d’eux, sans que
celui qu’ils concernent ait fait vérifier sa créance, ren
dra les sommes qui lui avaient été réservées, disponi
bles en faveur de la masse.
1 0 5 5 . — Alors, en effet, il y a négligence et non
plus empêchement légitime ; d’où la conséquence qu’il
n’y a plus à distinguer entre les créanciers domiciliés
en France ou hors France; les uns et les autres tombent
sous l’application de l’article 503. La faute étant la
même, la peine doit être générale et identique.
1056. — Les créances contestées, et sur l’admission
desquelles il n’a pas été statué définitivement, doivent
être comprises dans le nombre de celles qui servent à
déterminer le chiffre de la distribution. Mais le dividen
de qui leur revient doit être mis en réserve tant que dure
le litige, pour être ensuite délivré au créancier ou dis
tribué à la masse, selon l’événement définitif. Il est évi
dent que le créancier qui s’est présenté à la vérifica
tion a obéi aux injonctions de la loi, et qu’il ne peut
souffrir de ce que sa créance a été contestée, jusqu’à ce
qu’il soit démontré que cette contestation était juste et
bien fondée.
�Aut. 869.
139
A r t . 569.
Nui paiem ent ne sera fait p a r les syndics que
sue la représentation du titre constitutif de la
créance.
Les syndics m entionneront s u r le titre la som
me payée p a r eux, ou ordonnancée conform ém ent
à l’article 48®.
Néanmoins, en cas d ’im possibilité de rep résen
ter le titre, le ju ge-com m issaire p o u rra a u to riser
le paiement s u r i c t u « I b i procès-verbal de vérifi
cation.
Hans tous les cas, le créan cier donnera la quit
tance en m arge de l ’état de répartition.
SOMMAIRE
<ft>.
1057.
1058.
1059.
1060.
1061.
1062.
1063.
Au jour fixé, chaque créancier peut se présenter aux
syndics et exiger le paiement du dividende ordonnancé.
Chacun d’eux doit produire le titre original, au dos du
quel on mentionne la somme payée.
L’article 561 du Code de commerce ne s’occupait pas du
cas où ce titre avait été égaré.
Mais la faculté de le remplacer était sous-entendue.
Elle est aujourd'hui expressément accordée par notre ar
ticle.
L’autorisation du juge-commissaire n ’est pas nécessaire à
chaque nouvelle répartition.
Motif de l’obligation imposée aux créanciers de donner
quittance en marge de l ’état de répartition.
1057. — Au jour indiqué par l’ordonnance du ju
ge-commissaire, chaque créancier a le droit de se pré
senter aux syndics, et d’exiger immédiatement le paie
ment du dividende mis en distribution.
1 058. — Ce paiement est la conséquence de la jus-
�440
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tification de la qualité de celui qui se prétend créancier.
Cette justification résulte nécessairement de la produc
tion du titre constitutif de la créance, au dos duquel
l’admission est constatée selon le vœu de l’article 497.
La représentation de ce titre est donc indispensable pour
que les syndics puissent payer.
En effet, nul paiement ne peut être fait sans que la
consistance en soit mentionnée sur le titre même. Les ar
ticles 543 et 555 nous ont fourni des exemples de l’utilité
de cette mention, qui, d’ailleurs, devient pour les syn
dics une preuve complète de libération.
1 0 5 9 . — L’article 561 du Code de commerce ne
s’occupait nullement du cas où le titre s’étant égaré ou
perdu, le créancier était dans l’impossibilité de le repré
senter. Ce même article exigeait cependant cette repré
sentation comme une condition, sans l’accomplissement
de laquelle le paiement ne pouvait avoir lieu. Cette pres
cription, à côté du silence gardé sur le cas de perte, avait
fait craindre que le créancier ne fût privé de tout divi
dende, ce qui paraissait injuste. « Le titre, disait-on,
peut, après avoir été dûment vérifié, se perdre, s’adirer,
être engagé dans une procédure. Faudra-t il que le cré
ancier soit victime d’une perte qui ne sera arrivée que
par force majeure, et que, faute de pouvoir représenter
le titre constitutif, il perde sa créance 1.
1 0 6 0 . — Mais telle n’était pas la pensée du législa
teur. La faculté de remplacer le titre par un duplicata,
s’il s’agissait de facture acceptée ou d’un arrêté de compi Observations des cours et tribunaux, Locré, t. 7, p. <75.
�ART.
569.
141
ie ; par l’accomplissement des formalités prescrites par
les articles 150, 151 et 180 du Code de commerce, s’il
s’agissait d’un billet ou d’un effet commercial ; enfin,
par un extrait du procès-verbal, si l’obligation était ci
vile, était sous-entendue dans la disposition de l’article
461 ».
1 0 6 1. — La loi nouvelle a réparé l’omission du
Code de commerce et régularisé le droit que celui-ci ne
conférait que tacitement. L’impossibilité de représenter
le titre sera, à l’avenir, levée par une ordonnance du
juge-commissaire qui pourra autoriser le paiement sur
le vu du procès-verbal de vérification.
1 0 6 2 . — Faudra-t-il que cette autorisation se re
nouvelle à chaque répartition ? Nous ne le pensons pas.
Le créancier dûment autorisé doit se faire délivrer un
extrait du procès-verbal, et c’est sur cette pièce que les
syndics mentionneront le paiement autorisé et tous ceux
qui seront ultérieurement réalisés.
1065.
— Le titre original est toujours remis au
créancier, et s’il est vrai qu’au moyen de la mention du
paiement, celui-ci ne puisse pas contester avoir reçu les
dividendes ordonnancés, il est vrai aussi qu’en cas de
perte ses héritiers ou lui-même pourraient dénier la ré
ception de ce dividende. La loi a donc dû adopter un
moyen qui mît les syndics à couvert de difficultés pa
reilles. Ce moyen, c’est l’état de répartition, en marge
duquel le créancier doit donner quittance des sommes
qu’il retire. Cet état, restant entre les mains des syndics,
1 Locré, ibid., p. 475.
�142
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
fournit, dans tous les cas, la preuve de la libération, et
suppléerait utilement l’absence du titre, soit que celuici fût réellement perdu, soit que le créancier ne voulût
pas le représenter, tout en soutenant n’avoir pas été
payé.
A rt. 570.
L’union p o u rra se fa ire au to riser p a r le trib u
nal de commerce, le fa illi dûm ent appelé, à trai
ter à forfait de tout ou partie des d ro its et ac
tions dont le recouvrem ent n’a u ra it pas été opé
ré, et à les alié n e r ; en ce cas, les syndics feront
tous les actes nécessaires.
Tout créancier p o u rra s’a d re ss e r an juge-com
m issaire pou r pro voq u er une délibération de l’u
nion à cet égard.
SOMMAIRE
1064.
1065.
4 066.
1067.
1068.
1969.
1070.
1871.
Cet article n ’est que la reproduction exacte de l'article 593
du Code de commerce. — Motifs qui avaient fait admet
tre celui-ci.
Ces motifs, vrais sous la loi nouvelle, comme ils l ’étaient
sous le Code, fixent l’étendue et la nature de notre ar* ticle.
L’aliénation d’une partie de l’actif à forfait et avec perte
ne peut être consentie que par les créanciers.
Les syndics n’ont d’autre initiative que celle de provo
quer la réunion.
A quelle majorité cette aliénation peut-elle être votée ?
L’homologation du tribunal est indispensable. — But de
cette exigence :
1° Celui d’empêcher tout abus de la part de la majorité.
2° Celui de donner au failli les moyens de défendre ses
intérêts.— Il doit donc y être appelé sous peine de nul
lité.
�ART.
570.
143
,1072. Le failli seul peut exciper de celte nullité.
1073. Mais le tribunal pourrait, soit ordonner sa mise en cause,
soit refuser en son absence l’homologation demandée.
1074. Le jugement est rendu sur le rapport du juge-commis
saire.
1073. Devant qui la vente ordonnée doit-elle être poursuivie Ÿ—
Ses formes.
1076. Faute par les syndics de proposer la vente, les créanciers
peuvent la provoquer et demander la convocation des
créanciers.
1064. — Cet article n’est que la reproduction lit
térale de l’article 563 du Code de commerce. La por
tée et l’esprit de celui-ci étaient ainsi fixés dans la dis
cussion au conseil d’Etat :
« Il existe souvent dans les faillites des créances d’un
recouvrement difficile, ou parce qu’elles sont litigieuses,
ou parce que le débiteur est peu solvable. Il faudrait
beaucoup de temps et de frais pour parvenir à un re
couvrement qui, même, est souvent incertain. Des pour
suites de cette nature conviennent mieux à un particu
lier qu’à une administration ; elle dépenserait toujours
plus qu’elle ne pourrait recouvrer. Le grand intérêt des
créanciers demande que l’administration termine ses
opérations le plus tôt possible, et qu’elle puisse aliéner
des droits dont la porsuite serait trop longue et trop
difficile b »
1065. — Ces motifs, vrais sous la loi nouvelle,
comme ils l’étaient sous le Code, fixent d’une manière
1Locré, M d., p. 177.
�144
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
invariable et certaine l’étendue du pouvoir créé par no
tre article. Us font en même temps justice d’une objec
tion sur laquelle on s’appuyait pour le contester, à sa
voir : que les créances dont l’aliénation serait projetée,
pourraient constituer la totalité de l’actif à recouvrer.
Or, il est évident que l’intention du législateur, telle
que nous venons de la rappeler, repousse cette interpré
tation, à moins cependant que toutes les créances ne
fussent dans la catégorie de celles dont il a voulu exclu
sivement se préoccuper, et, dans ce cas, les frais seraient
tellement considérables et les recouvrements si incer
tains, que la vente serait incontestablement fort avanta
geuse pour les créanciers.
1 0 6 6 . — L’aliénation d’une partie quelconque de
l’actif à forfait et avec perte est un acte qui dépasse les
pouvoirs que la loi confère aux syndics. Elle est d’une
haute importance pour les créanciers et pour le failli
lui-même. Elle ne peut donc être consentie que par les
premiers, après avoir mis celui-ci à même de défendre
ses intérêts.
1067. — De là les termes de l’article 570 : L’union
pourra. Toute initiative de cette mesure est donc enle
vée aux syndics qui ne peuvent, malgré qu’ils soient les
représentants légaux de l’union, que convoquer les cré
anciers pour leur soumettre la mesure projetée. L’auto
risation du tribunal ne saurait être demandée qu’après
la délibération qui autoriserait les syndics à poursuivre
la vente.
1 0 6 8 . — Des difficultés se sont élevées sur la ques-
�145
ART. 5 7 0 .
tion de savoir quelle est la majorité qui peut voter l’alié
nation à forfait. D’un côté, on a voulu assimiler la perte
qui doit en résulter à la remise consentie par le concor
dat. On a, dès lors, soutenu que la délibération qui au
torise la vente devait être prise à la même majorité que
celui-ci ; mais la cour de cassation a proscrit ce systè
me, notamment par son arrêt du 17 décembre 1833 '.
Cet arrêt se fonde sur ce que la majorité requise par
l’article 507 est une exception au droit commun, qui ne
peut exister que lorsque la loi l’a formellement exigée,
et qui doit être limitée aux cas expressément prévus. Or,
l’article 563, aujourd’hui 570, gardant à cet égard le
plus complet silence, il y a lieu de s’en référer aux rè
gles ordinaires pour les assemblées délibérantes.
D’ailleurs, ainsi que le fait remarquer M. Dalloz jeu
ne 2, s’il est vrai que l’union soit sans pouvoir pour trai
ter à forfait, qu’elle ne puisse imposer aucuns sacrifices
aux créanciers , aucune réduction de leurs créances, ce
principe n’est pas tellement absolu qu’il ne puisse rece
voir aucune exception. Des faillites, en effet, sont peu
susceptibles de cette inflexibilité de principes, et il est
impossible, toutes les fois qu’il s’agira de quelques cré
ances verreuses, de quelques recouvrements incertains,
que les syndics soient tenus de réunir la majorité des
créanciers en nombre et en sommes.
De plus, le concordat libère le failli des sommes aban
données ou remises. La vente à forfait et à perte ne pro
duit aucun effet de cette nature. Les créanciers ne tien1 D. P., 34, t , s s .
* D. P., 34,
55.
III — 10
�146
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
nent compte que de ce qu’ils ont réellement reçu. Il n’y
a donc aucune assimilation exacte entre ces deux actes ;
ils peuvent, dès lors, ne pas être soumis à la même rè
gle, quant à la majorité qui doit les consacrer.
Ainsi, l’aliénation à forfait est suffisamment autori
sée par la simple majorité, c’est-à-dire, par la moitié
plus un des créanciers votants.
1060. — Mais la délibération n’est exécutoire qu’après avoir été homologuée par le tribunal de commerce.
Cette homologation est exigée dans un double but.
1 070. — 1° Pour empêcher tout abus de la part
de la majorité. Il convient, en effet, toutes les fois qu’il
y a lieu d’imposer un sacrifice même momentané à des
gens qui s’y refusent, d’appeler la justice à sanctionner
l’ouvrage de la majorité, à examiner dans notre hypo
thèse la nature des créances, l’opportunité de leur alié
nation. Cette appréciation a un guide certain dans les
motifs qui ont fait admettre l’article 570 et que nous
rappelions en commençant l’examen de cet article. Cha
que membre de la minorité a le droit d’intervenir pour
empêcher cette homologation en exposant les raisons
qui doivent la faire rejeter.
1 0 7 1 . — 21° Pour donner au failli le moyen de dé
fendre ses intérêts et d’empêcher une aliénation intem
pestive, ou nuisible pour lui. Le failli est réellement le
plus intéressé à cette vente, puisque la perte qui en ré
sultera restera exclusivement à sa charge. Il n’était donc
pas possible de la laisser se réaliser en son absence.
Les syndics doivent, en conséquence, l’appeler dans
�ART.
570.
147
l’instance en homologation. La violation de cette obliga
tion frapperait l’opération d’une nullité certaine.
1072. — Mais qui pourra exciper de cette nullité?
En règle ordinaire, il n’y a que les nullités d’ordre pu
blic qui puissent être opposées par toutes les parties. Les
nullités relatives ne profitent qu’à ceux en faveur des
quels elles ont été créées.
Il est certain, dans l’espèce, que l’appel en cause du
failli est dans son intérêt exclusif. L’exception tirée de
l’omission de cette formalité doit, en conséquence, lui
demeurer personnelle. C’est ce que l’arrêt de la cour de
cassation, du 17 décembre 1833, a formellement con
sacré. Il serait étrange, en effet, que le failli reconnais
sant par son silence la régularité et l’avantage de l’alié
nation opérée par l’union, les membres de celle-ci eussent
le droit de se plaindre et pussent faire valoir des moyens
que le seul véritable intéressé refuse d’employer.
1 0 7 3 . — Mais le tribunal de commerce devant veil
ler à ce que les formes ordonnées par la loi soient rem
plies, pourrait, soit refuser l’homologation qui serait
demandée en l’absence du failli, soit ordonner qu’il sera
mis en cause. Ces mesures peuvent être prises d’office
ou sur la provocalion des créanciers opposants. Chacun
de ceux-ci pourrait même réaliser personnellement la
mise en cause du failli.
1074. — Le jugement est rendu sur le rapport du
juge-commissaire. Il peut être frappé d’appel par la
partie qui succombera. Cet appel est introduit en la for
me ordinaire. Il est dirigé contre les syndics, ou par
�148
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ceux-ci contre le créancier opposant, ou contre le failli,
selon que l’aliénation a été ou non autorisée.
1075. — Si la vente est ordonnée, elle est poursui
vie devant le tribunal civil, conformément au Code de
procédure civile. Elle a lieu à la criée et après dues pu
blications. Les syndics sont seuls chargés de cette pour
suite ; ils doivent, par conséquent, faire tous les actes
nécessaires.
1076. — L’aliénation à forfait ayant pour objet
d’amener le prompt réglement de l’union, chaque cré
ancier a un intérêt direct à ce qu’elle soit réalisée. Il
suit de là que, faute par les syndics de réunir l’union
et de lui proposer cette vente, les créanciers peuvent
prendre l’initiative et demander au juge-commissaire la
convocation générale, pour qu’il en soit délibéré.
CHAPITRE IX
UE
I A VESTE
UES
IM M E U B L E S
UU
F A IL L I
A r t . 571.
A p a rtir du jugem ent q u i d éclarera la faillite,
les créanciers ne po u rro n t po u rsu ivre l ’expro
priation des im m eubles s u r lesquels ils n ’au ront
pas d'hypothèques.
A r t . 572.
S’il n’y a pas de poursuite en exp ro priation des
Im m eubles commencée avant l’époque de l ’union,
�a r t
.
571, 572.
149
les syndics seuls seront adm is à po u rsu ivre la
vente ; ils seront tenus d ’y procéder dans la h u i
taine, sous l’au torisation du ju ge-com m issaire,
suivant les form es prescrites p o u r la vente des
biens des m ineurs.
SOMMAIRE
1077.
1078.
1079.
1080.
1081.
1082.
1083.
1084.
1085.
1086.
L ’article 571 a pour objet de concilier l ’intérêt des créan
ciers avec les droits résultant de l’hypothèque.
La faculté de poursuivre la vente des immeubles n ’appar
tient qu’à ceux à la garantie desquels ces immeubles
sont affectés.
C’est là un droit nouveau. — Sous l’empire du Code, tout
porteur de titres exécutoires, quoique sans hypothèque,
pouvait faire vendre les immeubles.
Aujourd’hui, au contraire, l’existence de l ’hypothèque est
la condition sans laquelle les porteurs de titres de cette
nature ne peuvent faire opérer la vente.
L ’expropriation commencée avant la loi nouvelle devrait
être continuée selon les dispositions du Code de com
merce.
Mais la loi nouvelle en réglerait seule l’exercice, si au mo
ment de sa promulgation il n ’existait encore que le com
mandement à trente jours.
Les créanciers hypothécaires dont le titre est échu peu
vent exproprier le failli après le jugement déclaratif et
jusqu’à l’union.
Mais lorsque celle-ci a été déclarée, le droit de vendre
n ’appartient qu’aux syndics. — Délai qui est fixé. —
Sa nature.
L’expropriation commencée avant la faillite ou après le
jugement déclaratif, doit être continuée contre les syn
dics.
Dans l’un comme dans l'autre cas, les syndics peuvent
consentir à la conversion en vente volontaire.
�150
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
<1087.
La conversion consentie par le débiteur avant la faillite
serait obligatoire pour la masse, à moins qu’elle n’eût
été encore que projetée.
1088. La vente après l’union est soumise à l'autorisation du ju
ge. Cette autorisation résulte de la signature de ce ma
gistral au bas de la requête des syndics.
1089. Sur le vu de celle-ci, le tribunal civil ordonne la vente.
1090. Le cahier des charges est rédigé par les syndics. — Mais,
ni eux ni les créanciers n’encourent jamais de respon
sabilité personnelle pour les clauses de l’adjudication.
1091. Les syndics qui ne poursuivraient pas la vente des immeu
bles peuvent y être contraints par le juge commissaire,
sur la plainte des créanciers.
1077. — La loi nouvelle a apporté quelques modi
fications au Code, en ce qui concerne la vente des im
meubles. Elle est, en outre, beaucoup plus explicite sur
les droits respectifs des créanciers et des syndics.
En thèse ordinaire, c’est à ces derniers que le légis
lateur a voulu confier le soin de vendre les immeubles.
Il doit en résulter une économie de temps et de frais
toute à l’avantage des créanciers, même hypothécaires,
qui ne seraient pas dès lors fondés à se plaindre de l’ex
ception que l’on impose au pouvoir absolu que leur
qualité leur confère, de requérir eux-mêmes cette vente
et de la poursuivre.
Mais il fallait concilier le respect dû aux titres et à la
qualité, avec l’intérêt général. De là la disposition de
l’article 571.
1 0 7 8 . — La faculté de faire vendre les immeubles
n’appartient qu’à ceux qui ont une hypothèque grevant
ces immeubles. En conséquence, à partir du jugement
�art.
571, 572.
151
déclaratif, les créanciers porteurs de titres authentiques,
exécutoires, mais sans hypothèques, ne sauraient pour
suivre leur expropriation.
1079. — Celte prohibition est une disposition nou
velle. En effet, sous le Code de commerce, tout créan
cier ayant un litre exécutoire et authentique, et dont la
créance était liquide et certaine, pouvait, alors même
qu’il n’avait aucune hypothèque, poursuivre l’expro
priation des biens du failli, depuis l’ouverture de la fail
lite, jusqu’à la nomination des syndics définitifs.
1 0 8 0 . — Ce pouvoir est retiré par la loi actuelle.
Ainsi, le créancier qui aurait négligé de faire inscrire
le titre qui lui confère cette qualité, ou le jugement qu’il
aurait obtenu contre son débiteur ; celui qui aurait tar
divement requis inscription, ou dont l’inscription serait
postérieure au jour fixé, comme celui de l’ouverture de
la faillite, n’aurait, malgré l’authenticité de son titre,
aucune action à exercer contre les biens.
1 0 8 1 . — Si l’expropriation avait été commencée
avant la loi nouvelle, pourrait-elle être continuée? L’af
firmative ne nous parait pas douteuse ; les termes de
l’article 571 ne peuvent être entendus que dans le sens
qu’aucune poursuite ne saurait être commencée. Quant
à celle qui l’aurait été, elle resterait sous l’empire du
droit commun.
Or, de deux choses l’une : ou la poursuite commen
cée avant la loi nouvelle aurait été intentée avant la dé
claration de faillite, ou après cette déclaration ; et, dans
l’un comme dans l’autre cas, l’article 571 resterait in
applicable.
�152
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Avant la déclaration de faillite, tout créancier peut,
d’après la loi ordinaire, saisir les immeubles de son dé
biteur, pourvu que la dette soit certaine, liquide, et
qu’elle résulte d’un titre authentique et exécutoire \
L’exercice de cette faculté, avant la réalisation de la
faillite, rend celle-ci sans influence sur le droit qui n’est
pas seulement acquis, mais ouvert, mais épuisé, et dès
lors irrévocable. Privée de toute rétroactivité, la loi nou
velle serait impuissante à s’opposer aux conséquences
d’une poursuite qui lui a réellement préexisté, et qui
continuerait à être régie par la loi qui l’a autorisée.
Si la poursuite commencée avant la loi nouvelle avait
été réalisée après la déclaration de faillite du débiteur,
la non application de cette loi serait enseignée par la
disposition de son préambule. Il serait certain, dans ce
cas, que la faillite aurait elle-même été déclarée sous le
Code, puisque la poursuite qui ne serait venue qu’oprès
serait cependant antérieure à la loi de 1838. Or, le pré
ambule de celle-ci déclare que les faillites déclarées sous
l’empire du Code continueront à être régies par les dis
positions de celui-ci ; d ’où la conséquence que l’article
571 resterait étranger à la poursuite en expropriation
qui aurait été dirigée en conformité de ce qui était pra
tiqué avant sa promulgation.
Î0 8 2 . — Ainsi, les créanciers porteurs de titres au
thentiques et exécutoires qui, quoique n ’ayant aucune
hypothèque, auraient fait saisir les immeubles de leur
débiteur, seraient admis à continuer l’expropriation
1 Art. 2213 du Coda civil.
�art.
871, 572.
153
commencée, malgré la survenance de la faillite et mal
gré la promulgation de la loi nouvelle. C’est ce que dé
cident formellement les cours de Paris et d’Aix, dans
leurs arrêts des 30 novembre 1839 et 10 janvier 1840 l.
Mais il faut, pour qu’il en soit ainsi, que les immeu
bles aient été réellement saisis ; car s i , au moment de
l’apparition de la loi, il n’existait qu’un commandement
à trente jours, la saisie ultérieure serait régie par la dis
position de l’article 571.
1085.
— Les créanciers hypothécaires peuvent, mê
me après la déclaration de la faillite, saisir les immeu
bles de leur débiteur, si l’échéance de la dette est arri
vée. Nous nous servons à dessein de ces termes, quoique
nous n’ayons pas oublié que l’un des effets du jugement
déclaratif est de rendre toutes les dettes exigibles. Mais
cette exigibilité légale n’a, en quelque sorte, pour objet
que d’assurer à tous les créanciers un concours égal à
la distribution de l’actif. Elle n’est surtout absolument
vraie que pour les créanciers chirographaires, qui ne
peuvent jamais agir contre la masse. Quant à ceux qui
ont des préférences à faire valoir contre celle-ci, ils doi
vent nécessairement en subordonner l’exercice au titre
qui leur confère cette préférence, au moins tout le temps
que le failli n ’est pas définitivement dépouillé de ses
biens, c’est-à-dire jusqu’au contrat d’union. Ce n’est
(ju’alors, en effet, qu’il est certain que le failli ne pour
ra réclamer le bénéfice du terme, ce qu’il pourrait cer
tainement faire si, par un concordat, il était remis à la
tête de ses affaires.
i D. P., 39, 2. 231 ; Tavernier et Castellan, t. 1, p. 6.
�154
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1 0 8 4 . — Mais, à cette époque, les créanciers hypo
thécaires ne pourraient plus exproprier le failli. A dater
de l’union, la loi délègue aux syndics le soin exclusif de
vendre les immeubles. Les créanciers hypothécaires sont
admis à voler sur la nomination des syndics qui devien
nent leurs mandataires, comme ceux des simples chiro
graphaires, et qui doivent, dès lors, faire procéder seuls
à la liquidation mobilière et immobilière.
Le législateur impose aux syndics l’obligation de ven
dre les immeubles dans les huit jours. Mais, évidem
ment ce délai n’est que comminatoire. Il témoigne seu
lement du désir de la loi de hâter autant que possible
la liquidation définitive, qui ne peut exister tant que la
position des créanciers hypothécaires n’est pas fixée d’u
ne manière irrévocable par la distribution du prix des
immeubles.
1 0 8 5 . — L’expropriation commencée par un cré
ancier hypothécaire, avant l’ouverture de la faillite, doit
être continuée contre les syndics à partir du jugement
déclaratif. C’est aussi contre eux que celle réalisée après
ce jugement doit être dirigée. Les syndics exercent les
actions actives et passives du failli pour tout ce qui a
rapport à ses biens. Ils sont donc les seuls adversaires
que les créanciers puissent rencontrer, tant en deman
dant qu’en défendant, sauf au failli la faculté d’interve
nir, s’il y a lieu l.
1 0 8 6 . — Dans l’un comme dans l’autre cas, les
syndics pourraient convenir avec le créancier poursuii Voy. supra article 443,
-
�ART.
571, 872.
155
vant de convertir l’expropriation en vente volontaire. Ce
serait là un acte d’administration utile à tous les créan
ciers, et qui n’excèderait nullement les pouvoirs des syn
dics. On suivrait pour l’exécution de cette convention
les dispositions de la loi du 2 juin 1841.
1087. — Si la conversion avait été arrêtée entre le
créancier et le débiteur; depuis tombé en faillite, celle
convention serait-elle exécutoire pour les syndics? Oui,
si la demande avait été formée par les parties, et admise
par le tribunal. *Le jugement rendu à cet effet est en
dernier ressort, et n’a pas même besoin d’être signifié.
Il est donc irrévocablement acquis en faveur et contre
toutes les parties, dès qu’il est rendu. L’événement ulté
rieur de la faillite, non-seulement ne lui enlèverait rien
de sa force, mais encore n ’empêcherait pas que la vente
se réalisât au jour indiqué L
Mais, si la conversion entre le créancier et le débiteur
n’était encore qu’en l’état de projet, au moment de l’ou
verture de la faillite, il serait loisible, soit aux syndics,
soit aux créanciers poursuivants, de rétracter la conven
tion. Elle ne pourrait, d’ailleurs, être ultérieurement
soumise à l’approbation du tribunal qu’au nom des syn
dics, le failli étant incapable de consentir même un sim
ple acte d’administration.
1088. — S’il n ’existe aucune poursuite contre les
immeubles au moment de l’union, c’est, nous venons
de le dire, aux syndics seuls qu’appartient le droit de les
vendre. L’article 571 qui exige que cette vente ait lieu
i Art. 746-747, loi du 2 juin 1841
�156
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
dans la huitaine, soumet cependant les syndics à requé
rir préalablement l’autorisation du juge-commissaire.
Nous ne comprenons pas la nécessité de cette autori
sation que le juge-commissaire ne saurait, d’ailleurs, re
fuser. Elle peut paraître d’autant plus inutile, que l’in
tervention forcée de la justice est un sûr garant contre
tout projet de fraude. Quoi qu’il en soit, elle n’est sou
mise à aucune forme spéciale.Elle peut résulter de la si
gnature du juge-commissaire au bas de la requête en
vente, comme du consentement formel donné sur celle
présentée dans le but spécial d’obtenir l’autorisation.
1 0 8 9 . — Sur le vu de la demande faite par les syn
dics, le tribunal civil ordonnera la vente dans les formes
réglées, pour celle des biens des mineurs, par les arti
cles 954 et suivants de la loi du 2 juin 1841, qui est
venue modifier le Code de procédure civile. Cette modi
fication avait été réclamée par le législateur de 1838, et
ce n’est que par la certitude que le gouvernement s’en
occupait sérieusement qu’il ne la consacra pas lui-mê
me dans le cours de son œuvre.
1 0 9 0 . — Les syndics rédigent le cahier des char
ges, mais ni eux-mêmes, ni les créanciers qu’ils repré
sentent ne sont jamais responsables sur leurs biens per
sonnels, des clauses de l’adjudication. Ils ne répondent
pas plus des conditions de la vente que n ’en répondrait
le créancier hypothécaire qui poursuit l’expropriation
de son débiteur1.
1 0 9 1 . — Si les syndics, contrairement à l’intention
1 Cour de cassation, 17 mars 1840 ; D . P ., 40, 1, 158.
�art .
571, 572.
157
de la loi, négligeaient de poursuivre la vente des im
meubles, les créanciers ont qualité pour leur faire en
joindre par le juge-commissaire d’y procéder imimédiatement. Ce magistrat peut même d’office réaliser cette
injonction.
«; -
A rt. 5 7 5 .
La surenchère, ap rès adju dication des im m eu
bles du fa illi s u r la po u rsu ite des syndics, n ’a u ra
lieu qu’aux conditions et dans les form es su i
vantes :
La surenchère devra être faite dans la q u in
zaine.
Elle ne p o u rra être au-dessous du dixièm e du
prix principal de l’adjudication. Elle sera faite au
greffe du trib u n a l civil, suivant les form es p res
crites par les articles 710 et 711 du Code de p ro
cédure civile ; toute personn e sera adm ise à su
renchérir.
Toute personne sera égalem ent adm ise à con
courir à l’adjudication p a r suite de surenchère.
Cette adjudication dem eu rera définitive et ne
pourra être suivie d ’aucune au tre surenchère.
'
SOMMAIRE
1092. Modifications que cet article introduit en matière de sur
enchère.
1093. Le délai a été porté à quinze jours, et la faculté de suren
chérir accordé à toutes personnes.
1094. Ce droit, qui a prévalu, avait été fortement controversé
sous le Code. — Arrêts contradictoires des cours de
Rouen et d’Aix.
1095. Les formes de la surenchère restent réglées par le Code de
procédure civile.
109d. Il ne peut jamais exister plusieurs surenchères successi-
�158
1097.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ves. Mais le pouvoir de la réaliser appartient même aux
syndics.
Ce droit avait été consacré sous l ’empire du Code par la
cour de cassation.
1092.
— Cet article modifie, sous un double rap
port, la disposition de l’article 565 du Code de com
merce : 1° quant au délai de la surenchère' ; 2° quant
aux personnes qui peuvent surenchérir.
1095.
— Le Code de commerce,n’accordait qu’un
délai de huit jours ; la loi nouvelle en accorde un de
quinze. Le Code de commerce disposait que les créan
ciers pouvaient seuls surenchérir. La loi nouvelle ac
corde ce pouvoir à toutes personnes sans distinction.
Ces deux modifications sont dues à une même pensée,
celle de favoriser les créanciers, en créant une plus
grande concurrence dont le résultat sera de porter le
prix des immeubles à leur juste valeur.
1 0 9 4 . — La seconde a, de plus, le mérite de ter
miner une controverse qui s’était élevée sur la question
de savoir si l’article 565 du Code de commerce déro
geait à l’article 710 du Code de procédure civile. L’af
firmative avait été admise par la cour de Rouen qui dé
cidait, en conséquence, que pour surenchérir, il fallait
être nécessairement créancier1. Mais, le contraire avait
été jugé par la cour d’Aix, le 10 juin 1813. Celle-ci
avait pensé que la surenchère du dixième que les seuls
créanciers pouvaient réaliser, n ’empêchait nullement
celle du quart que l’article 710 du Code de procédure
civile permettait à toute personne de faire.
1 19 novembre 1824.
�ART. 6 7 3 .
159
Ce système, qui avait prévalu en doctrine, a été ad
mis par la loi nouvelle. Le désir de multiplier les chan
ces d’un prix plus élevé a même fait disparaître toute
différence entre les créanciers et les non créanciers. Pour
les uns comme pour les autres, la surenchère d’un dixiè
me a été adoptée. II n’est pas même nécessaire que ce
dixième porte sur les frais faits pour parvenir à la vente.
L’article 573 le limite au prix principal de l’adjudicatiou.
1 0 9 5. — L^s formes de la surenchère n ’ont subi
aucunes modifications. On doit donc s’en référer au
Code de procédure, et, depuis leur promulgation, aux
articles 709 et 710 de la loi du 2 juin 1841.
1 0 9 6 . — Il ne saurait jamais exister plusieurs sur
enchères successives. L’adjudication sur la première est
définitive et pour jamais inattaquable ; mais, toute per
sonne a le droit d’y concourir. Il importe, disait le rap
porteur de la chambre des pairs, d’augmenter le nom
bre des concurrents, soit au moment de l’adjudication
de l’immeuble, soit après la vente et sur les surenchè
res. Il résulte de là que la loi n’admet aucune exception
et que les syndics eux-mêmes peuvent, non seulement
se rendre adjudicataires, mais encore surenchérir ou
acheter après surenchère.
1097. — Au reste, ce droit pour les syndics n’est pas
nouveau. Déjà, il leur avait été reconnu sous l’empire du
Code de commerce. On peut voir, notamment, à ce su
jet, un arrêt de la cour de cassation du 23 mars 1836 l.
1 D. P., 36, 4, 4330
�'S60
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
CHAPITRE X
DE
ïiA JaEVJRÎIÎBBUCATI'ftM
A
rt
.
574.
P o n rr o n t ê tre rcvendicinces, en cas de faillite,
les eesmSses en effets de cwBMBïserce ©sa a u tre s ti
tre s b s o i b en core payés, et «pas se troiavcroBat en na
tu re élans le p o rte fe u ille dm fa illi à l ’ép o q u e de sa
faillit®, lo rs q u e ces re m is e s a u r o n t été faites p a r
le p ro p rié ta ire , avec le sim p le m a n d a t d ’en faire
le- r e e o w re m c is t et d ’en g a r d e r Sa v a le u r à sa-d isp osition , oit lo i’sq u ’c ilcs au rostf été, de sa part,
spécialemcflit affectées à d es p a ie m e n ts «léterininés.
A
rt.
575.
P o u r r o n t ê tre é g a le m e n t re v e n d iq u é e s atissi
loiagtcmps q u ’elles e x is te ro n t en BiataBB'e, cbb tout
on en p a rtie , les m a rc h a n d is e s con sigécs a u failli
à titre de dépét, obb p o u r ê tre vciicI bics p o u r le
com pte d u p ro p rié ta ire .
P o u r r a m êm e être re v e n d iq u é le p r ix o u la p a r
tie dis p r ix desdites m a rc h a n d is e s q u i n ’a u r a été
n i payé, n i ré glé en v a le u r, n i com p en sé en comp
te c o u ra n t en tre le fa illi et l ’a c h c te n r.
A
rt.
576.
PoBBB'iMmt ctB*e- re v e n d iq u é e s le s m a rch a n d ises
expédiées au fa illi, taaat qu e la t r a d it io n n ’anra
p oin t été effectuée d a n s ses m a g a sin s, o u dans
ceux d u coBumissiOBianaire c h a rg é d e le s veaidrc
p o u r le com pte d u fa illi.
] V é a n i n o i B i s , l a re ven d ic atio n ne s e ra p a s v a l a b l e
si, a v a n t le u r a rriv é e , les m a rc h a n d is e s ont é t é
�art .
574, 575, 576.
161
vendues sans frau d e, s u r factures et connaisse
ments ou lettres de voiture signées p a r l ’expédi
teur.
Le revendiquant sera tenu de re m b o u rs e r à la
masse les à-com ptes p a r lu i reçus, ain si que tou
tes avances faites p o u r fret ou voiture, com m is
sion, assurances ou au tres fra is, et de payer les
sommes q ui seraien t ducs p o u r m êm e cause.
SOMMAIRE
<098. En quoi consiste le droit de revendiquer.
<099. Son admission en matière de faillite devait-elle être pro
clamée comme dans tout autre circonstance ? — Motif
des dispositions de nos trois articles.
1100. La revendication est considérée sous un triple rapport :
1101. I". Revendication de traites, remises commerciales ou
autres titres. — N’avait point été réglée par l’ordonnan
ce de 1673.
1102. Le Code de commerce combla cette lacune. — Esprit de
ses dispositions. — Difficultés qui naissaient du vague
qui régnait dans le texte.
1103. Aujourd’hui, la première condition pour qu’il y ait reven
dication, c’est que les valeurs existent en nature dans
le portefeuille du failli.
1104. Il suffit donc qu’elles aient été distraites de ce portefeuil
le, qu’elles soient ou non échues, pour qu’elles ne puis
sent plus être revendiquées.
1105. Mais si elles ne sont sorties des mains du failli que pour
être livrées à un mandataire chargé de les négocier, tant
qu’elles se trouvent au pouvoir de celui-ci, elles sont
censées exister dans le portefeuille du failli.
1106. La seule condition est que leur propriété soit demeurée
sur la tête du revendiquant. — A quels éléments est
attachée cette condition.
1107. C’est avec raison que la loi l ’a ainsi exigé. — Son but est
41 — in
�462
1108.
1109.
1110.
1111.
1112.
1113.
1114.
1115.
1116.
1117.
1118.
1119.
1120.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
seulement de restituer au propriétaire qui aurait confié
un dépôt ou un mandat.
Quelles preuves seront admises pour prouver l’un ou
l ’autre.
La preuve testimoniale serait-elle admissible dans le cas
d’une traite régulièrement endossée ?
La passation en compte courant des valeurs revendiquées
serait un obstacle invincible à l ’admission de la de
mande.
Les articles d'un compte courant ayant une destination
spéciale, toute demande en preuve d’une autre affecta
tion serait irrecevable.
Peu importerait que l'envoyeur fût déjà créancier. — La
loi nouvelle a formellement abrogé l’article 584 du Code
de commerce.
Si la revendication réunit les caractères que nous venons
d’indiquer, les valeurs qui en font l’objet sont remises
à leur propriétaire.
Les valeurs transmises au failli, qui ne lui sont arrivées
qu’après le jugement déclaratif, n ’ont pas besoin d’être
revendiquées. — Elles n’ont jamais cessé d’appartenir
réellement à l ’envoyeur.
Arrêt de la cour de Paris qui consacre ce principe même
à l ’encontre des tiers porteurs de bonne foi.
En serait-il de même pour celles arrivées avant le juge
ment déclaratif, mais après la cessation.
Les règles relatives aux titres commerciaux s’appliquent
à tous les autres titres.
Aucun délai n’a été fixé à l’exercice de la revendication.
Il pourrait être réalisé même après que les syndics au
raient encaissé les valeurs.
II“° Revendication des marchandises remises à titre de
dépôt ou consignées pour être vendues pour compte. —
Est la plus favorable. — Aussi a-t-on accordé un droit
de suite sur le prix encore dû.
La loi nouvelle a abrogé la distinction faite par l ’article
�1121
1122.
1123.
1124.
1125.
1126.
1127.
1128.
1129.
1130.
1131.
1132.
581 du Code de commerce, entre le prix des marchan
dises consignées et celui des marchandises déposées.
T Revendication des marchandises. — La première con
dition pour qu’elle soit recevable, c’est que les mar
chandises consignées ou déposées existent en nature en
tre les mains ou au pouvoir du failli.
Il suit de là que si le failli les avait déposées ou consignées
entre les mains d'un tiers chargé de les vendre pour
son compte, elles pourraient être revendiquées.
Mais si cette consignation avait été faite avec affectation à
la garantie d ’une dette du failli, le revendiquant ne pour
rait retirer la marchandise qu'en payant celte dette.
Si la marchandise avait été vendue, mais non encore livrée,
le consignataire ou les déposants pourraient-ils empê
cher la livraison ultérieuse? Non, pour le consignataire.
Oui, pour le déposant, à moins que l’acquéreur de bonne
foi en eût déjà payé le prix.
La seconde condition pour la recevabilité de la revendica
tion, est la preuve de la consignation ou du dépôt.
La troisième est l ’identité des marchandises existant avec
celles consignées ou déposées.
2* Revendication du prix. — Est une conséquence de la
destination spéciale que la marchandise avait reçue.
Elle n ’est recevable que si les marchandises vendues sont
les mêmes que celles consignées ou déposées.
Que si l’acquéreur n ’en a pas payé le prix.
Y a-t-il paiement dans la souscription ou la remise de ti
tres commerciaux.— Système du Code de commerce.—
Dérogation par la loi actuelle.
Quid, si les traites avaient été souscrites à l’ordre du com
mettant, et endossées par celui-ci en faveur du consi
gnataire ou dépositaire ?
Il n’y a que la compensation en compte courant qui em
pêche la revendication.
Le règlement en valeurs dont parle l ’article 575 est celui
intervenu entre le vendeur et l ’acheteur. — En consé-
: i 3i ;
ï;m
�464
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1146.
quence, le commettant qui aurait reçu du consignataire
des traites pour la valeur des objet consignés, pourraient
encore en revendiquer le prix.
Il en serait de même, si cette valeur avait été passée en
compte courant entre le commissionnaire et le commet
tant, à moins que le premier, créditeur à cette époque,
eût, au moyen de cette passation, balancé le compte.
III". Revendication des marchandises vendues et expé
diées au moment de la faillite. — Graves débats qu'elle
a suscités lors de la discussion du Code de commerce.
Consultées à l'occasion de la loi nouvelle, la plupart des
chambres de commerce demandaient la suppression de
cette revendication. — Opinion conforme du gouverne
ment.
Rejet de la suppression par la chambre des députés en
1835.— Motifs. — Décision analogue de la chambre
des pairs.
Critique de cette décision.
Quoi qu’il en soit, la revendication est une exception aux
principes ordinaires.— Conditions auxquelles elle pour
ra être à l ’avenir exercée.
1* Que la marchandise ait été vendue et livrée. — Ce
qu'il faut entendre par la livraison.
2" Que le prix n’ait pas été payé.
A quels caractères doit-on reconnaître si, dans les règle
ments faits en valeurs ou en compte courant, il y a ou
non paiement ?
Si le prix n ’a été payé qu’en partie, la revendication est
admissible et n’en porte pas moins sur la totalité de la
marchandise.
3° Que la marchandise ne soit point entrée dans les ma
gasins du failli. — Que doit-on entendre par magasins
du failli ?
Quid, pour les marchandises non susceptibles d’être em
1147.
Il suffit que les marchandises aient été un instant en pos-
1135.
1136.
1137.
1138.
1139.
1140.
1141.
1142.
1143.
1144.
1145.
magasinées ?
�session du failli, pour que la revendication en soit im
possible. — Exception unique.
1148. Les magasins des agents du failli sont censés ses propres
magasins. — Conséquences.
1149. Le revendiquant est obligé de prouver l ’identité delà
marchandise. — Abrogation de l’article 580 du Code de
commerce.
1149bis. La preuve est-elle admissible, si les choses revendi
quées ont été mélangées avec d’autres.
1149ter. Peut-on considérer comme magasin du failli le bateau
à bord duquel les marchandises ont été embarquées ?
1150. La revendication peut être exercée pour une partie, com
me pour le tout. — Mais elle ne saurait jamais être col
lective.
1151. On serait admis à revendiquer la marchandise arrivée dans
les magasins du failli, après le jugement déclaratif ; et
non celle arrivée pendant la cessation, mais avant le ju
gement.
1152. Arrêt contraire de la cour de Rennes. — A méconnu les
véritables principes.
1155. La revendication des marchandises en cours de voyage ne
produit effet que s’il n ’y a pas eu de revente.
1154. Conditions exigées pour la validité de la revente.
1155. Obligations du revendiquant dont la demande est admise
relativement aux à-comptes par lui touchés et aux frais
auxquels la marchandise a donné lieu.
1098.
— La revendication est le droit de reprendre
entre les mains d’un tiers, certains objets mobiliers
qu’on prétend ne lui avoir jamais appartenu. Son exer
cice exige donc nécessairement : 1° que ces objets exis
tent en nature en la possession de celui-ci ; T que le
revendiquant justifie que, quoiqu’il s’en soit matérielle
ment dessaisi, il en est toujours resté propriétaire.
�166
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1 099, — En droit commun, cela suffit pour que la
demande en revendication soit accueillie. Devait-il en
être de même après faillite ? L’affirmative pouvait en
traîner de graves abus et ouvrir la porte à des fraudes
nombreuses. L’actif du failli pouvait disparaître sous
des réclamations concertées dans son intérêt, ou mé
nagées par lui en faveur de quelques créanciers qu’il
voudrait avantager. Dans cette prévision, le législateur
en admettant, malgré de nombreuses oppositions, le
principe de la revendication après faillite, a dû en cir
conscrire l’exercice de telle sorte que l’égalité entre tous
les créanciers en souffrît le moins possible.
Telle est la raison des dispositions de la loi sur la re
vendication en matière de faillites.
1 100. — Le droit de revendiquer est considéré sous
un triple rapport : 1° il s’applique à des titres ou effets
commerciaux ; 2° aux marchandises confiées à titre de
dépôt, ou consignées pour être vendues pour le compte
du propriétaire; 3° enfin, aux marchandises vendues
dans un temps voisin de la faillite. Chacune de ces ca
tégories a ses règles spéciales. Nous allons les examiner
dans l’ordre suivi par la loi elle-même.
liOÎ.
—
I".
REVENDICATION DES TRAITES OU REMI
SES COMMERCIALES ET AUTRES TITRES.
Il ne paraît pas que l’ancienne législation se soit ja
mais occupée de cette revendication. L’ordonnance de
1673 ne l’autorisait, en matière commerciale, que pour
les lettres de change irrégulièrement endosssées \ la
i Tit. 5, art. 25.
�ART.
574, 575, 576.
167
loi spéciale ne dérogeant en rien à cette faculté, dans le
cas de faillite, il est certain que les intéréssés conser
vaient le droit d’en user.
i 102. — Le Code de commerce combla la lacune
laissée par l’ordonnance. Il devenait d’autant plus ur
gent de le faire, que les développements que le com
merce avait pris, rendant les relations entre commer
çants beaucoup plus fréquentes, la difficulté devait plus
facilement se présenter. On comprend, en effet, qu’après
la faillite, chaque correspondant se hâte de réclamer les
effets nouvellement transmis pour sauver ainsi cette par
tie de son actif du naufrage, et pour éviter d’être com
promis d’autant.
L’absence de toutes règles ne pouvait se prolonger,
tant dans l’intérêt de la masse exposée à tout perdre,
que dans celui des propriétaires légitimes des titres im
prudemment confiés. Il fallait une prompte solution
pour déterminer les droits réciproques, et cette solution
fut donnée par les articles 383 et 584.
La pensée qui présida à leur adoption fut celle de
restituer au propriétaire les valeurs par lui remises à
titre de dépôt, ou de simple mandat, ou pour l’extinc
tion d’une dette spéciale. Malheureusement le législateur
ne fut pas heureux dans l’expression de cette pensée, et
le vague de sa disposition ne favorisa que trop des diffi
cultés sur lesquelles la justice a eu bien souvent à se
prononcer.
1103. — Ce vague n’existe plus dans la rédaction
nouvelle. La pensée du législateur, toujours telle que
�168
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
nous venons de l’exposer, s’y développe avec précision,
et les conditions imposées à la revendication s’y trouvent
retracées avec énergie.
Ainsi, il faut, aux termes de l’article 574, pour que
la demande en revendication soit recevable, que les
traites non payées existent dans le portefeuille du failli.
La loi n’a pas entendu accorder, même au véritable
propriétaire, un droit de suite. Si le failli en a disposé,
s’il en a confondu la valeur dans son actif, celui qui les
lui a confiées n’est plus qu’un créancier ordinaire.
1 104. —* Peu importe, dès lors, que ces traites fus
sent ou non échues. Le failli a pu les aliéner avant l’é
chéance par une négociation, ou négliger de les faire
encaisser, quoiqu’elles fussent échues. Le propriétaire
des traites jouit de cette dernière chance, tout comme il
serait obligé de subir les effets de la première. Il y a là
un événement aléatoire qui ne peut nuire ou profiter à
personne ; la demande en revendication étant, ou non,
recevable, selon que les traites existent ou n’existent pas
dans le portefeuille du failli.
1 4 0 5 . — Mais on aurait tort de donner une trop
grande importance à ces expressions de la loi, et de les
croire tellement sacramentelles, que la sortie du porte
feuille dût être considérée comme un obstacle invincible
à toute reventication. Cela n ’est vrai que si cette sortie
est l’effet d’une aliénation. Si les traites ne sont sorties
des mains du failli que pour passer dans celles d’un man
dataire qu’il s’est substitué pour en opérer le recouvre
ment, la revendication peut utilement être exercée. Ain-
�ART.
574, 575, 576.
169
si, les courtiers, agents de change et les autres manda
taires du failli, chargés de négocier ou d’encaisser pour
son compte les traites revendiquées, devraient les resti
tuer au revendiquant, si, au moment de la faillite, leur
mission n’avait encore reçu aucune exécution l.
1 1 0 6 . — Pour que la demande en revendication
soit fondée, il faut que la propriété des traites ou remi
ses soit demeurée sur la tête du revendiquant. On re
connaît cette propriété dans l’une des deux circonstan
ces suivantes :
Si les effets n’ont été envoyés au failli qu’avec le sim
ple mandat d’en opérer le recouvrement, et d'en garder
la valeur à la disposition de celui qui les transmet ;
Ou si cette valeur a été affectée par celui-ci à des
paiements déterminés.
1 1 0 7 . — Cette exigence de la loi est rationnelle.
Nous avons déjà dit que la pensée du législateur n’était
pas de favoriser quelques créanciers au détriment de la
masse ; que son seul but était un acte de justice que
commandait le respect dû à la propriété. Que ceux qui
ont suivi la confiance et la foi du failli soient envelop
pés dans son naufrage, et qu’ils y prennent une part
commune, c’est là une fatale mais équitable nécessité.
Mais celui qui n’a eu avec le failli que des relations dé
terminées, exclusives de toute idée de crédit personnel,
celui-là est un mandant qui ne peut subir que la chan
ce qui résulte du mandat lui-même. Qu’on l’assimile
donc à un créancier ordinaire, lorsque le failli, ayant
1 Cour de Cassation, 4 février 1812 ; D. A., t. 8, p. 281, n° 7, et 284.
�170
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
réalisé la valeur des traites, n’a pas rempli la seconde
partie de sa mission, soit parce que le temps lui a man
qué, soit parce qu’il s’est appliqué les fonds, en les dé
tournant de leur destination, cela est naturel ; c’est une
chance que le mandant a dû prévoir, et qu’il a volon
tairement courue. Il a, d’ailleurs, dans tous les cas, le
tort d’avoir mal placé sa confiance. Mais si, à l’époque
de la faillite, tout est encore en état, si le mandat n’a
encore reçu aucune exécution, la faillite en rend tout
accomplissement ultérieur impossible. Ce qui en faisait
l’objet doit, en conséquence, faire retour à celui qui l’a
vait constitué.
Or, transmettre à l’une des conditions qui précèdent,
c’est, évidemmment constituer un mandat. Dans aucune
d’elles, il n’y a ni transfert véritable de propriété, ni
confusion possible de la valeur des remises avec l’actif
du failli. La masse ne saurait donc retenir ce qui n’a
jamais appartenu, ni dû appartenir à celui dont l’actif
lui est dévolu.
1108.
— Mais si le principe consacré par l’article
574 est juste, la preuve des conditions qui y sont re
tracées est difficile. L’existence du double mandat que
chacune d’elles suppose peut devenir l’origine de sérieu
ses difficultés. Quelles seront, en effet, les justifications
qui devront en être exigées ?
En principe, cette existence doit être prouvée d’une
manière certaine et sans équivoque. L’abus est, ici, bien
près du droit. Les présomptions pourraient facilement
égarer la conscience du juge. Elles seraient donc inad
missibles, s’il n’existait déjà au moins un commence-
�ART.
874, 875, 576.
171
ment de preuve par écrit, rendant le fait allégué vrai
semblable.
Sur quoi, en effet, fonderait-on ces présomptions ?
Sur le peu de relations existant entre le revendiquant et
le failli ? sur l’absence de compte courant ? Mais tout
cela n’est pas exclusif d’un acte de confiance en faveur
de ce dernier. Or, il ne doit en exister aucun pour que
le bénéfice de l’article 574 puisse être acquis.
Exciperait-on d’un endossement irrégulier ? Mais, en
admettant la loi dans son acception la plus rigoureuse,
tout ce qui en résulterait, c’est qu’il n’a conféré que le
pouvoir de recouvrer la valeur de l’effet endossé en
blanc. Mais, avec ce mandat, il faut encore autre chose.
On doit prouver, en outre, qu’après ce recouvrement,
le failli devait garder les fonds à la disposition de l’en
dosseur, ou les consacrer à une destination spéciale. Or,
l’endossement irrégulier ne fait présumer ni l’un ni
l’autre, puisque le pouvoir dé recouvrer s’allie fort bien
avec l’obligation de rembourser les fonds au proprié
taire, par tout autre mode usité dans le commerce. Par
conséquent, cet endossement n’est pas, par lui-mêtüe,
de nature à prouver l’existence des conditions impérieu
ses de l’article 574.
On doit donc en rechercher la preuve ailleurs. Celle
qui résulterait de la correspondance pourrait être déci
sive. Il est certain, en effet, que si l’intention de celui
qui a transmis les effets y était clairement énoncée, la
revendication ne saurait rencontrer le moindre obstacle,
sauf les cas de fraude que les contestants seraient obli
gés de prouver.
!
�172
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1109.
— L’admissibilité de la preuve pourrait être
contestée dans le cas d’endossement régulier des traites
envoyées, et dans celui où elles ont été passées en compte
courant.
Pour pouvoir revendiquer, avons-nous dit, il faut
être propriétaire des choses qui font l’objet de la reven
dication. Or, l’endossement régulier désinvestit le por
teur, et transfère la propriété du titre sur la tête de celui
en faveur de qui il est consenti. Son existence serait donc
un obstacle invincible à toute revendication, puisque le
demandeur ne remplirait pas la plus essentielle de tou
tes les conditions, celle de la propriété de l’effet reven
diqué.
P ou rra-t-il, contrairement au titre , prouver que
cette propriété n’a pas été réellement transférée, ou que,
du moins, elle ne l’a été qu’avec une affectation spécia
le? Résoudre négativement cette question, serait, à no
tre avis, pousser trop loin la rigueur. Mais, tout en ad
mettant la preuve, nous pensons qu’on ne pourrait la
faire résulter que de faits parfaitement établis, et remon
tant à une époque antérieure à la faillite , ou de la cor
respondance. Celle par simples présomptions serait dan
gereuse ; on abuserait trop facilement de la faculté de
l’article 574, si les tribunaux n’étaient pas sévères sur
la nature des preuves, surtout en présence d’un titre
contraire très-explicite.
I l H). — Mais, toute preuve serait inutile, si les va
leurs, endossées régulièrement ou non, avaient été pas
sées en compte courant. Leur affectation est, dans ce
cas, certaine. Les articles d’un compte courant ont reçu,
�ART.
574, 575, 576.
173
de l’usage et de la loi une imputation forcée les uns sur
les autres. Le crédit se compense avec le débit, et il n’y
a de créance avérée en faveur de l’une des parties que
lorsque le compte étant balancé, l’autre devient débitrice
d’un solde quelconque.
1 1 H . — Vainement donc prétendrait-on prouver
la destination spéciale des valeurs passées dans ce comp
te. Elles ne peuvent en avoir d’autre que celle que nous
venons de rappeler. Il suffirait donc que celui qui les a
envoyées en eût débité le failli, pour que toute revendi
cation devînt impossible. Il y a eu dans ce fait un véri
table paiement, ou tout au moins une opération com
merciale qui a transféré la propriété de ces valeurs pour
lesquelles on aurait suivi la foi du failli, ce qui exclut
toute idée d’un simple mandat, d’un dépôt quelconque.
1 112. — Peu importerait que l’envoyeur fût déjà
créancier. La preuve que cette circonstance est considé
rée comme indifférente par la loi nouvelle, c’est l’abro
gation de l’article 384 du Code de commerce, qui per
mettait la revendication en faveur du correspondant qui
n’était que créditeur. Aujourd’hui donc, quelle que soit
la position de celui-ci, ses prétentions à la propriété
des traites seraient inadmissibles, si la transmission en
avait été opérée par compte courant.
Cette solution est tellement dans l’esprit de la loi,
que dans la session de 1835, un député ayant demandé
quel serait le sort des traites envoyées sous la clause de
retour sans frais, il fut répondu qu’elles restaient acqui
ses au failli. Le compte de l’envoyeur, disait-on, en
�174
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ayant été crédité, il est censé payé ; il ne pourrait donc
exercer aucune revendication '.
1115.
— Si la demande en revendication réunit les
caractères voulus par l’article 574, les traites qui en ont
fait l’objet sont restituées à leur propriétaire. Celui-ci
reste seul créancier des souscripteurs, mais les paiements
faits par ceux-ci en à compte de leur dette, les ont libé
rés d’autant. L’existence de ces à-comptes n’est pas un
motif pour que la revendication soit repoussée ; mais le
revendiquant serait, jusqu’à concurrence de leur va
leur, simple créancier du failli.
1 1 1 4 . — La revendication suppose nécessairement
que les traites ou remises qui en font l’objet, sont sorties
des mains du légitime propriétaire, pour passer dans
celles d’un mandataire en état d’accepter valablement le
mandat. Il résulte de là que si, au moment où les trai
tes arrivent à celui-ci, sa faillite était déjà déclarée, il
ne peut exister d’acceptation par l’incapacité qui résulte
pour le failli de cette déclaration. En cet état, ces traites
n’ont pas besoin d’être revendiquées ; elles restent, en
tre les mains des syndics, à la disposition de l’envoyeur
qui peut les reprendre, et qui n’en a jamais perdu mê
me la possession de fait. En effet, il n’y a plus, à cette
époque, d’actif personnel au failli dans lequel leur va
leur puisse venir se confondre.
1 1 1 5 . — Ce principe a été consacré par la cour de
Paris, même contre le tiers-porteur de bonne foi, lors
que le titre n’a été négocié que postérieurement au ju1 Cass., 14 mai 1862. J. du P., 1863, 185.
�AKT.
574, 575, 576.
175
gement déclaratifï. Cet arrêt est fondé sur des principes
incontestables. Il est certain que l’endosseur, qui a reçu
la traite du failli, n’a pu ni dû ignorer l’incapacité qui
l’avait frappé. Il ne pouvait donc recevoir de lui qu’un
droit vicié dans son essence, et qu’il a transmis tel à
tous les endosseurs ultérieurs. Le droit du propriétaire
préexistant à toutes ces transmissions, n’a donc pu pn
recevoir aucune atteinte, ni lui être enlevé par un fait
postérieur.
1116.
— En serait-il de même pour les traites ar
rivées avant le jugement déclaratif, mais après la cessa
tion absolue de paiements ? Cette question devrait être
appréciée selon que le failli a ou non, pendant la pério
de de temps qui s’est écoulée entre l’un et l’autre, con
tinué à administrer ses affaires.
Dans la première hypothèse, le failli avait capacité
pour aliéner, sauf les cas de fraude2. Il a, par consé
quent, pu recevoir les traites et les confondre dans son
actif. On ne pourrait donc les revendiquer aux condi
tions de la loi.
Mais si le failli a abandonné de lui-même l’adminis
tration de ses affaires, s’il a déserté ses comptoirs, les
traites arrivées après cette désertion ne lui ont jamais
été acquises et ne sont pas dans le cas d’être revendi
quées. Elles doivent être restituées sur simple réclama
tion.
C’est ce que le tribunal de commerce d’Aix a jugé
1 25 janvier 1832; D. P., 32, 2, 169.
2 V supra , art. 443.
�176
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
dans la faillite Loubon. M. Lantelme, négociant à Mar
seille, avait, entre autres, transmis en compte courant
des valeurs qui n’étaient arrivées dans les comptoirs du
sieur Loubon que le 9 septembre ; mais, dès le 8, ce
banquier avait pris la fuite et sa faillite n’avait été décla
rée que le 12 ; le tribunal ordonna la restitution des trai
tes, en se fondant précisément sur l’impossibilité dans la
quelle le failli avait été, après sa fuite, d’acquérir valable
ment. Ce jugement ne fut pas même attaqué par appel.
1 1 1 7 . — Jusqu’ici nous n’avons parlé que des titres
commerciaux ; mais nous devons faire remarquer que
la revendication peut avoir pour objet tous les autres
titres, quels qu’ils soient. Plus l’envoi de ces titres sera
éloigné des usages commerciaux, et plus il sera facile de
présumer le mandat et de le prouver.
1 1 1 8 . — La loi n’a fixé aucun délai à l’exercice de
la revendication. Le propriétaire peut donc la réaliser
à toutes les époques. Peu importerait que les syndics
eussent déjà recouvré la valeur des titres ; la certitude
de leur existence entre les mains du failli, au moment
de la faillite, suffit pour que la revendication soit rece
vable.Les syndics seraient donc obligés, si elle était fon
dée, à restituer la valeur, s’ils ne pouvaient représenter
les titres en nature.
1 1 1 9 . — IP"8.
REVENDICATION
DES
MARCHANDISES
REMISES A TITRE DE DÉPÔT , OU CONSIGNÉES POUR ÊTRE
VENDUES POUR LE COMPTE DE L’ENVOYEUR.
De toutes les revendications admises en matière de
faillites, celle-ci est la plus favorable. Evidemment le
�ART.
574, 575, 576.
477
titre auquel les marchandises ont été, dans celle catégo
rie, envoyées au failli, est exclusif de toute idée de pos
session légitime de la pari de celui-ci. Il n’a pu en de
venir propriétaire que par un coupable abus de con
fiance que rien ne peut excuser. Aussi, le législateur ne
s’est-il pas contenté d’autoriser la revendication ; il per
met, en outre, l’exercice d’un droit de suite sur le prix,
tant que le prix est entre les mains de l’acquéreur.
1120. — L’article 581 du Code de commerce dis
tinguait, par rapport à ce dernier droit, le prix des mar
chandises consignées de celui des marchandises dépo
sées. Ce dernier seul pouvait être revendiqué; mais cette
distinction, qu’aucune raison plausible ne justifiait, a été
abrogée par l’article 575 de la loi nouvelle. Désormais,
le prix des marchandises consignées ou déposées, pourra
être réclamé par le propriétaire, tant que l’acquéreur ne
l’aura pas encore payé. Examinons chacun de ses droits.
1 121. — 1° Revendication des marchandises. —
La première condition, pour qu’elle soit recevable, c’est
l’existence en nature des marchandises consignées ou
déposées entre les mains du failli, au moment où la fail
lite s’ouvre. Il faut appliquer ici ce que nous disions
tout-à-l’heure des effets commerciaux, qui peuvent se
trouver entre les mains des mandataires du failli. Les
marchandises seront censées exister en nature toutes les
fois que, sorties matériellement de la possession du failli,
leur propriété n’aura pas été réellement transférée.
1122. — Il suit de là que, si le failli les avait dé
posées entre les mains d’un tiers, ou consignées à un
ni — 42
�178
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
autre commissionnaire pour être vendues pour son
compte, rien ne s’opposerait à ce qu’elles fussent reven
diquées enlre les mains de ceux-ci ; en se les substituant
dans la mission qu’il avait reçue , le failli a conservé
sur sa tête la propriété de ces marchandises. Il en est
donc encore légalement nanti, et il est vrai de dire qu’el
les existent en nature dans son actif. Il en serait ainsi,
alors même que la commission de vendre aurait été don
née par le failli, non pas en sa qualité de mandataire,
mais comme propriétaire.
1 1 2 3 . — Si, cependant, les marchandises avaient
été déposées avec affectation à la garantie de la dette
propre du failli, le revendiquant ne saurait en obtenir
la restitution qu’en remboursant au second dépositaire,
auquel elles ont été engagées et qui les a reçues de bonne
foi, les sommes qu’il aurait avancées au failli ; sans ce
remboursement, ces marchandises seraient acquises au
dépositaire et ne pourraient, par conséquent, être resti
tuées.
Ainsi, tant que les marchandises n’ont pas été ven
dues, le droit de les reprendre existe, dans quelques
mains qu’elles se trouvent. Dès qu’il y a aliénation, ce
droit cesse d’une manière absolue, sauf l’action du dé
posant en dommages-intérêts contre le failli, pour la
violation du dépôt.
1 1 2 4 . — Si la marchandise vendue par le failli
n’avait pas encore été livrée au moment de la faillite,
les propriétaires pourraient-ils s’opposer à son enlève
ment postérieur?
�ART.
574, 575, 576.
179
La réponse doit être négative, lorsque la marchandi
se avait été consignée pour être vendue. La vente n’est,
dans ce cas, que l’exécution stricte du mandat confié au
failli ; elle devrait donc être maintenue. Le propriétaire
ne saurait en empêcher les effets, alors même qu’il pré
tendrait que ses ordres auraient été outrepassés.
1 125.
— Mais, il en est autrement pour la mar
chandise confiée à titre de dépôt. Pour celle-ci, nonseulement le failli n’avait aucune qualité pour l’aliéner,
mais encore il n’a pu consentir cette aliénation qu’en
violant ouvertement les obligations qui lui étaient im
posées. Il aurait donc vendu ce qui ne lui appartenait
pas, ce qu’il ne pouvait vendre. On devrait, en consé
quence, déclarer la vente nulle, et consacrer l’opposition
que le déposant ferait à la livraison ultérieure.
Cependant, si l’acquéreur de bonne foi avait payé le
prix de son acquisition, il y aurait injustice à le rendre
victime d’un fait qu’il a ignoré et auquel il est resté
complètement étranger. A son tour, il pourrait alléguer
qu’en fait de meubles, la possession vaut titre, et qu’il
n’était pas tenu de s’enquérir de l’origine de celle de
son vendeur. Entre lui et le déposant, il n’y a pas h hé
siter ; celui-ci a au moins le tort d’avoir mal placé sa
confiance. Le préjudice qui résulte de son erreur, per
sonne autre que lui ne peut le supporter. La vente de
vrait donc sortir à effet.
D’ailleurs, dans ce cas, quoique la marchandise fût
matériellement entre les mains du failli, il serait vrai
qu’il en aurait à tout jamais perdu la propriété légale.
Or, nous avons dit que c’était celle-ci surtout qu’il fal-
�180
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
lait considérer pour apprécier s’il y a lieu ou non à re
vendication.
1 1 2 6 . —■ La seconde condition pour l’admission de
celle-ci est la preuve du dépôt ou de la consignation al
léguée. Cette preuve sera, en général, plus facile que
celle exigée par l’article précédent. Elle est bornée à
l’existence d’un fait unique qui ne se réalisera presque
jamais, sans laisser des traces dans la correspondance,
dans les écritures des parties, et dont, au besoin, pour
raient déposer les personnes par l’intermédiaire des
quelles la convention est intervenue. Le seul danger à
redouter, est la facilité que l’on aurait de dénaturer les
accords d’abord arrêtés, de faire d’une vente un dépôt
et d’un dépôt une vente. C’est à la sagesse des tribunaux
auxquels la loi laisse l’appréciation de la preuve, à veil
ler à ce qu’on n’abuse pas de cette facilité.
1 1 2 7 . — Enfin, la troisième condition, sans laquelle
il ne saurait exister de revendication, c’est que les mar
chandises existant en nature, au moment de la faillite,
soient identiquement les mêmes que celles qui ont été
consignées ou déposées. Ainsi, si, après avoir vendu cel
les-ci, le failli les avait remplacées par d’autres de même
qualité et nature, la revendication ne serait plus admis
sible. La preuve de l’identité est toujours à la charge du
revendiquant ; mais si les défendeurs soutenaient que
l’hypothèse que nous venons de supposer s’était réalisée,
ce serait à eux à en administrer la preuve.
1 1 2 8 . — 2° Revendication du prix. — La desti
nation spéciale des marchandises consignées ou dépo-
�ART.
574, 575, 576.
181
sées, la violation par le failli de ses obligations les plus
sacrées, ont fait admettre qu’à défaut de revendication
en nature, les propriétaires pourraient demander que le
prix leur fût accordé à l’exclusion de tous les autres
créanciers.
1 1 2 9 . — L’exercice de ce droit suppose qu’il y a
identité entre les marchandises vendues et celles consi
gnées. Si cette identité était contestée, le revendiquant
serait soumis à la prouver avant toute adjudication du
prix par lui réclamé. Mais celle-ci serait une conséquence
forcée de celle—lû. La preuve acquise, la demande de
vrait être immédiatement accueillie.
1130. — La revendication du prix ne peut être exer
cée que si l’acquéreur ne s’en est pas encore désinvesti.
La loi applique au produit de la marchandise la même
présomption qu’à la marchandise. Celle-ci n’ayant ja
mais dû se confondre dans l’actif du failli, sa valeur en
restera à son tour distincte, tant que de fait la confu
sion ne sera pas opérée.
1 1 3 1 . — L’effet attaché au paiement donne donc
une importance réelle aux circonstances qui peuvent
constituer celui-ci Nous devons donc rechercher dans
quels cas et par quels faits on peut établir qu’il y a eu,
on non, paiement.
L’article 581 du Code de commerce avait plutôt sou
levé que tranché les difficultés qui pouvaient naître de
sa disposition. On sait qu’il autorisait la revendication
tant que le prix n’était ni payé, ni passé en compte cou
rant. On en avait conclu que l’absence de l’une de ces
�182
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
deux circonstances devait faire considérer le prix comme
encore dû.
Ainsi, on soutenait qu’il n’y avait pas paiement du
prix dans une souscription d’effets commerciaux, dans
la remise d’un mandat ou d’une délégation, dans le
règlement d’une facture en lettres de change. Ce sont là,
disait-on, des modes divers pour parvenir à la libéra
tion ; mais celle-ci n’existe réellement que lorsque les
effets, lettres de change ou mandats ont été payés ou
négociés par le failli. En conséquence, celles de ces va
leurs qui se trouveront en nature dans le portefeuille,
au moment de la faillite, pourront être revendiquées.
La loi nouvelle a fait disparaître toute controverse à
cet égard. Elle n’admet la revendication du prix que si
celui-ci n’a été ni payé, ni réglé en valeurs, ni com pensé en compte courant. Le règlement en valeurs est
donc assimilé au paiement lui-même, et exclut, par con
séquent, toute possibilité de revendiquer les billets re
mis au failli à ce titre.
i 132. — Toutefois, si celui-ci exécutant son man
dat à la lettre, avait exigé que ces bfllets fussent sous
crits au nom et à l’ordre de son commettant, celui-ci
pourra se faire restituer ceux qui resteraient entre les
mains du failli au moment de la faillite. L’esprit de la
loi commande cette solution, la revendication n’est pro
hibée, en cas de paiement, que parce que le prix des
marchandises s’est confondu ou a pu se confondre avec
l’actif du failli. Or, dans l’hypothèse où celui-ci, n’ayant
agi que comme commissionnaire, a accepté pour ce prix
des traites à l’ordre de son commettant, ces traites n’ont
�ART.
574, 575, 576.
183
jamais été sa propriété. Elles sont restées distinctes et
séparées de son actif. La masse n’aurait aucun droit
pour se les attribuer.
Si ces traites avaient été endossées par le commettant
à l’ordre du commissionnaire, on suivrait, pour leur
revendication, les règles tracées par l’article 574.
Mais si le prix a été payé, soit en numéraire, soit en
valeurs à l’ordre du commissionnaire, toute revendica
tion serait impossible, alors même que les espèces ou
les billets existeraient dans la caisse du failli, ou dans
celle d’un tiers, son mandataire. La loi nouvelle est pré
cise à cet égard : elle exclut toute interprétation con
traire, autant par son texte, que par son esprit. Il n’y
a que le prix encore dû par l’acquéreur qui puisse être
revendiqué en tout ou en partie. Quel que soit le mode
de libération, dès l’instant que ce prix est réglé entre
l’acheteur et le vendeur, il est censé avoir été compté.
Il appartient désormais à la masse, si les valeurs sont
restées en possession du failli ; aux tiers porteurs, si ces
valeurs ont été négociées.
1133. — On décidait, sous l’empire du Code, que
ces mots : passé en compte courant ne devaient pas
être entendus dans leur rigoureuse acception ; qu’en
conséquence, il ne suffisait pas que le prix eût été porté
sur un compte ouvert au moment de la vente et sur le
quel il n’existerait que ce seul article au crédit du ven
deur ; qu’il fallait un compte courant réel, composé d’un
crédit et d’un débit réciproque ; qu’ainsi, le droit de re
vendiquer n’était refusé que lorsque, par suite d’opéra
tions ordinaires, le prix de la marchandise vendue pour
�'184
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
le compte d’un tiers se trouve, au moment de la faillite,
compensé dans l’intérêt de l’acheteur, avec une somme
ou valeur que lui devait le commissionnaire.
Ces considérations reçoivent une plus grande force de
la loi nouvelle, qui exige, pour qu’on admette qu’il y
a eu paiement, que le prix ait été compensé en compte
courant. Il faudrait donc que le vendeur pour compte
fût débiteur au moment de la vente et qu’il eût cessé
de l’être au moyen de la passation à son crédit du prix
en provenant. Il y aurait eu, dans ce cas, véritable paie
ment, et quelles que fussent plus tard les opérations ré
alisées, quel qu’en fût le résultat, et alors même que
l’acheteur fût redevenu débiteur, la revendication ne se
rait plus possible ; il n’y aurait plus identité dans les
sommes réclamées, et cette condition est indispensable.
Mais, si l’acheteur était déjà débiteur au moment de
la vente, et qu’il n’ait pas cessé de l’être depuis, il n’a
pu exister de compensation ; aussi la revendication se
rait-elle admissible si, en cet état, la faillite du vendeur
venait à être déclarée.
{ 154. — Le règlement en valeurs, dont parle la loi
et qui rendrait la revendication non recevable, est celui
qui serait intervenu entre le vendeur et l’acheteur. En
conséquence, l’acceptation par le commettant des traites
souscrites par son commissionnaire, pour la valeur des
marchandises consignées, serait sans influence sur la
faculté qu’aurait le premier de revendiquer la chose ou
le prix (fui serait encore dû au commissionnaire.
« On ne pourrait, dit M. Pardessus h opposer au
�ART- 574-, 575,
576.
185
commettant qu’en recevant ces effets il a fait novation à
son titre. La novation ne se présume pas. Ces effets ne
sont que des titres conditionnels qui ne libéreront le
commissionnaire de l’obligation de rendre les sommes
dues par les acheteurs, qu’autant qu’ils seront acquittés.
En les rapportant à la masse, lorsque l’identité et la
parfaite application au prix des marchandises en est
avouée ou établie, par les moyens admis dans le com
merce, le commettant est recevable à se faire payer di
rectement par ces mêmes acquéreurs,alors même qu’ou
tre la remise de ces effets, le commissionnaire répon
drait du dû croire. »
1155. — Cette décision, qui nous paraît incontes
table en droit et en fait, recevrait une application directe
au cas où le commissionnaire étant en compte courant
avec le commettant, la valeur des marchandises aurait
été portée au crédit de celui-ci. Il n’y aurait pas plus
de novation dans ce cas que dans le précédent ; le droit
du commettant serait le même. La subrogation du prix
à la marchandise elle-même a lieu de plein droit tant
que l’acquéreur est nanti, et à moins que le commettant
n’eût été réellement désintéressé, on ne pourrait lui en
refuser les effets. Or, la passation en compte courant
autorisée par les usages ne saurait constituer le paie
ment qui ne résulte pas de l’acceptation des effets que le
commissionnaire aurait souscrits.
Mais si, à l’époque de la vente, le commettant était
débiteur du commissionnaire, d’une somme équivalente
à la valeur des marchandises consignées, et qu’au moyen
de celle-ci, son compte eût été balancé, il y aurait réel-
�186
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
lement paiement en ce qui le concerne. Les marchan
dises seraient devenues la propriété du failli, et l’on ne
pourrait revendiquer le prix qu’elles ont produit, alors
même que celui-ci n’aurait pas encore été payé par l’a
cheteur l. Si ce prix était cependant supérieur à la som
me consignée, l’excédant appartiendrait au commettant,
et serait dans le ces d’être revendiqué par lui.
Ainsi, la novation ne résulterait ni de la passation en
écritures, ni de l’acceptation de traites en anticipation,
ou en paiement de la valeur des marchandises, alors
même que le commissionnaire répondrait du dû croire.
Mais il y aurait réellement novation, et partant irrece
vabilité de toute revendication, si le commettant ayant
quittancé purement et simplement les comptes de vente,
a reçu des billets ou remises pour le solde de ce compte,
en abandonnant au commissionnaire les recouvrements
sur les acquéreurs.
1136. -
IIIme.
REVENDICATION DES
MARCHANDISES
VENDUES ET EXPÉDIÉES AU MOMENT DE LA FAILLITE.
L’admission de cette faculté a suscité de graves et sa
vants débats lors de la discussion du Code de commer
ce. L’ordonnance de 1673 avait laissé les choses sous
l’empire du droit commun. Or, il résulte du rapport
que M. Jaubert, sur l’ordre exprès de Napoléon, fit au
conseil d’Etat, que, d’après les auteurs et la jurisprui Aucune compensation ne saurait être opposée, lorsqu'il s’agit de
marchandises confiées à titre de dépôt En conséquence, le déposant serait
admis à en revendiquer le prix encore dû, alors même que le failli serait
son créancier à un autre litre.
V. l’article 4293 du Code civil, et la discussion à la chambré des dépu
tés, Moniteur, n° 56, année 1835.
�ART.
574, 575, 576.
187
dence, la revendication était admise pour les ventes avec
ou sans terme.
Cependant les usages commerciaux avaient introduit
quelques modifications. C’est ainsi notamment que la
chambre de commerce de Marseille ayant délibéré, le 11
août 1730, « que le droit de suite ou vendication n ’au
ra lieu que sur les marchandises qui seront trouvées en
nature entre les mains de l’acheteur ou de ses commis
sionnaires, sous la charge du paiement des avances fai
tes par ces derniers, » cette délibération fut rendue
obligatoire par un arrêt de règlement que le parlement
de Provence rendit le 26 du même mois.
Le Code de commerce voulant substituer l’unité aux
règles diverses pratiquées dans chaque localité, devait-il
admettre la revendication, et à quelles conditions? Tel
les étaient les questions qui soulevèrent une discussion
vive et solennelle.
Les sections réunies du tribunat concluaient au rejet.
Ce vœu, disait leur orateur, se fonde sur celui des cham
bres de commerce qui, en très-grande majorité, repous
sent la revendication des marchandises expédiées, et sur
le principe que la faillite étant un naufrage, le sort de
tous les intéressés devait être égal. Or, lorsqu’un contrat
légalement consommé a transmis la propriété de la mar
chandise à l’acquéreur, qu’elle a été aux risques de ce
lui-ci, et qu’il vient à faillir, la justice exige que tous
ceux qui lui ont fait confiance soient placés sur la mê
me ligne, et que tout ce qui existe, ou tout ce qui reste
de son actif, soit la propriété de la masse.
Ces raisons, appuyées par plusieurs membres émi-
�'188
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
nents du conseil d’Etat, ne prévalurent point. La crainte
d’une fraude dangereuse pour les vendeurs éloignés du
lieu où les approches de la faillite se font sentir ; celle
de nuire à la confiance en enlevant aux vendeurs le droit
de reprendre la marchandise qui voyagerait au moment
où la faillite est déclarée, firent admetre la revendication
aux conditions et dans les cas prescrits par les articles
576, 577, 578, 579 et 580 du Code de commerce.
J 1 5 7 . — Trente ans après leur promulgation, et
lorsqu’il s’est agi de modifier la loi des faillites, les
chambres de commerce ont de nouveau été consultées;
et, chose remarquable, la plupart d’entre elles ont été
d’un avis contraire à la revendication : « La revendi
cation des marchandises expédiées, disait celle de Lyon,
est une source de difficultés, de fraudes et d’injustice.
Les articles 576 et suivants du Code de commerce doi
vent être effacés de la loi. » Un témoignage analogue
se retrouvait à la tribune de la chambre des députés dans
la bouche d’un homme spécial, de l’honorable M. Gannéron. Il n’y a pas de chapitre, disait cet ancien prési
dent du tribunal de commerce de la Seine, qui donne
lieu à plus d’abus, à plus de procès que celui-là.
Telle était, au reste, l’opinion du gouvernement luimême. Le projet présenté aux chambres en 1835 con
tenait, sur la revendication des marchandises, les deux
dispositions suivantes : Les marchandises expédiées aux
frais et risques du failli seront considérées comme li
vrées ; les marchandises faisant route, mais dont la li
vraison aurait été subordonnée par la lettre de voiture
au paiement immédiat du prix, seront réputées non li-
�ART. 574, 575, 576.
189
vrées. Dans le premier cas, il ne pouvait y avoir reven
dication. Nous vous proposons, disait le ministre de la
justice, d’abolir ce principe d’inégalité que les auteurs
du Code n’avaient conservé qu’à regret.
H 3 8 . — La chambre des députés semblait être en
trée dans cette voie. L’adoption de l’article 550 qui sup
prime le privilège et la revendication autorisés par l’ar
ticle 2002 pour le vendeur non payé était un premier
pas. Cependant, pour celle-ci, le système du gouverne
ment ne fut pas admis. Voici comment la commission
en motivait le rejet :
« Rendre impossible la revendication, lorsque, ni le
failli, ni personne pour lui, n’ont encore pris posses
sion, ce serait pousser trop loin la rigueur. Si la m ar
chandise vendue et expédiée au failli est devenue légale
ment sa propriété, du moins n’a-t-elle pas encore été
mise à sa disposition. Elle n’a, aux yeux de personne,
augmenté le crédit et l’actif de celui qui en est devenu
propriétaire sans en être possesseur. Le vendeur mérite
une condition meilleure que la plupart des autres cré
anciers, car sa marchandise a été vendue, lorsque la
faillite déjà imminente l’exposait à une perte certaine.
Presque toujours, l’opération faite avec lui n’aura eu
d’autre but que de spéculer sur son éloignement ou son
ignorance, afin de masquer à ses dépens une partie du
déficit laissé par la faillite. »
La commission de la chambre des pairs, deux fois
saisie de la connaissance du projet, et la chambre elle même s’étant rangées à l’avis de celle des députés, mal
gré l’insistance du gouvernement, celui-ci ne crut pas
�190
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
devoir plus longtemps persister. Aussi, la discussion qui
avait été si vive en 1835, fut-elle complètement nulle
en 1838. Une seule voix, celle de M. Teste, continua à
protester contre la résolution définitivement admise, et
qui esi devenue l’article 576 de la loi.
1159. — Tel est, en extrême analyse, le résumé
historique de cette importante disposition législative qui
a, de tout temps, trouvé la plus vive opposition. Tout a
été dit sur son utilité et ses inconvénients. S’il nous était
permis d’exprimer la conviction que les discussions de
1807 et 1835 nous ont inspirée, nous n’hésiterions pas
à nous prononcer contre la solution que chacune d’elles
a reçue. Oui, la revendication blesse le principe de l’é
galité, car, en l’accordant au vendeur, que l’on protège
contre une fraude possible, on laisse livré à celle-ci le
capitaliste qui, à la même époque, a fait un prêt plus
ou moins considérable. D’ailleurs, contre la fraude pré
vue, la revendication est impuissante. Le failli qui vou
dra spéculer sur l’éloignement et l’ignorance du vendeur
se hâtera de revendre la marchandise, et son but sera
définitivement atteint.
La crainte que la suppression de la revendication ne
portât atteinte aux transactions commerciales n’était pas
moins mal fondée. Il est certain, ainsi qu’on l’a dit,
que le crédit commercial ne repose pas sur le droit de
suite. Le vendeur qui serait réduit à compter sur son
exercice, dans la prévision d’une faillite imminente, pré
férerait garder sa marchandise, ne fût-ce que pour évi
ter la chance de ne pouvoir le réaliser, si cette faillite
�ART.
574, 575, 676.
191
n’éclatait qu’après l’arrivée des marchandises entre les
mains de l’acheteur.
1140. — Quoiqu’il en soit, les motifs qui ont dé
terminé le législateur assignent à la revendication des
marchandises un caractère déterminé. Elle est une ex
ception aux principes ordinaires sur les effets de la
vente.Elle se restreint, dès lors,aux cas spécialement pré
vus et dans les conditions exigées par la loi. Il faut donc,
pour que le vendeur puisse revendiquer: 1° que la
marchandise ait été vendue et livrée ; 2° que le prix en
soit encore dû ; 3° enfin qu’elle ne soit jamais entrée
dans les magasins du failli.
1141. — 1» Vente et livraison. La vente est par
faite par le seul consentement. Ainsi, dès que le ven
deur et l’acheteur sont d’accord sur la chose et sur le
prix, la propriété de celle-ci est transférée sur la tête de
l’acheteur ; mais si la faillite éclate tant que le vendeur
est encore nanti des objets vendus, on ne saurait rai
sonnablement le soumettre à les revendiquer. On ne
demande pas, en effet, à se faire restituer ce dont on est
réellement en possession.
Le vendeur, dans cette hypothèse, ainsi que nous le
verrons sous l’article suivant, procède par voie de ré
tention, par la résiliation de la vente ; mais il a irrévo
cablement perdu cette faculté, dès qu’il s’est dessaisi de
la marchandise, et c’est alors seulement que la reven
dication devient recevable.
Il faut donc, pour que celle-ci puisse être exercée,
que la livraison de la marchandise ait été opérée ; que
�19â
DES FAILLITES RT BANQUEROUTES
cette livraison résulte, non pas de cette tradition feinte
que la perfection de la vente suppose, mais d’une tra
dition réelle et certaine, qui a fait sortir les marchandi
ses des magasins du vendeur pour la faire voyager aux
risques et péril de l’acheteur ; de telle sorte que la fail
lite venant à être déclarée, cette marchandise ne puisse
rentrer en la possession du vendeur que par la reven
dication qu’il est dès lors autorisé à réaliser.
1 1 4 2 . — 2° Prix non payé. Le but de la revendi
cation est de garantir le vendeur contre la perte assu
rée dont le menace l’existence de la faillite. Mais si,
avant de se dessaisir de ce qu’il a vendu, il en a reçu
le prix, il n’a certainement plus aucun intérêt à la des
tination que ces objets doivent recevoir. La masse au
rait même, et sans aucun doute, le droit de le forcer à
les lui livrer s’ils étaient encore en son pouvoir.
1 1 4 3 . — Aucune difficulté ne peut donc jamais sur
gir sur les effets du paiement ; mais, dans beaucoup de
cas, c’est sur l’existence même de ce paiement que le
litige s’engagera, lors surtout que le prix ayant été ré
glé en valeurs, il s’agira de décider si, par leur accep
tation, le vendeur a fait novation à sa créance et renoncé
à la revendication.
Il est impossible, en semblable matière, de poser des
règles certaines et invariables. Tout se réduira, en effet,
le plus souvent, à une appréciation des circonstances et
des faits dont on prétendra induire la novation, appré
ciation que doit toujours dominer le principe que nous
rappelions tout-à-l’heure : que la novation ne se pré
sume pas.
�ART.
574,
575,
576.
193
Sous ce dernier rapport, il est quelques faits qui peu
vent avoir, en droit, une plus ou moins grande valeur
pour déterminer quelle a été la volonté des parties.
Ainsi, l’on doit considérer les caractères de la vente ; si
elle a été faite au comptant, avec ou sans terme ; la na
ture des valeurs remises ; si ce sont les propres effets
du failli ou des valeurs faites. Dans ce dernier cas, quel
est le crédit commercial des signataires, et si, en les re
cevant, le vendeur les a ou non escomptées à l’acheteur;
enfin, s’il existe un compte courant dans lequel le prix
des marchandises a été passé au crédit du vendeur.
Que la vente ait été faite avec ou sans terme, si le prix
en a été soldé en effets souscrits par l’acheteur, il n’y a
pas novation. La remise de ces effets constitue un véri
table règlement de la dette par la reconnaissance directe
qu’en fait le débiteur et par la fixation de l’époque à
laquelle elle sera payée. En principe, disions-nous toutà-l’heure, un effet n ’est reçu, pour éteindre une dette ,
qu’à la condition d’encaissement à l’échéance. La dette,
qu’elle résulte d’une facture ou d’un billet, n’en est pas
moins la même. Elle n’a qu’une seule et même cause :
le transfert de la marchandise ; il est donc impossible
de voir dans le billet une dette nouvelle substituée à
l’ancienne. S’il y a substitution en la forme, il n ’en
existe aucune au fond ; il n’y a donc pas réellement de
novation.
Vainement dirait-on qu’en négociant le billet, le ven
deur a réellement touché le prix. La transmissibilité du
titre ne lui enlève rien de son caractère, ne lui fait rien
in — 13
�194
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
perdre de sa nature ; elle donne, à la vérité, le pouvoir
au vendeur de faire toucher, par un tiers, la somme qui
lui est due ; mais elle n’est réellement payée que lorsque
le souscripteur a soldé l’effet qu’il avait souscrit et qui
n’avait été reçu qu’à cette condition.
Peu importerait même que le vendeur ayant fourni
une lettre de change, une délégation ou un mandat,
ceux sur qui il aurait tiré eussent accepté. L’acceptation
ne donne qu’un obligé de plus. C’est un cautionnement
solidaire, sans influence sur l’obligation principale qui
continue d’exister. Le vendeur pourrait donc s’en réfé
rer à celle-ci, et, dans le cas de faillite du débiteur, re
vendiquer les marchandises.
Ainsi, de quelque manière que l’acheteur ait réglé son
achat, qu’il ait souscrit un simple billet, une lettre de
change, une délégation, un mandat, il n’y a pas nova
tion. C’est toujours le prix des marchandises qui est dû;
la revendication serait donc toujours admissible, à moins
que les parties eussent formellement stipulé leur inten
tion d’innover, ou que cette intention résultat expressé
ment de l’acte lui-même l.
Tel serait, par exemple, le cas où, dans la délégation
faite sur un tiers qui l’a acceptée, le créancier s’est in
terdit tout recours contre l’auteur de la délégation. Il y
aurait, non seulement alors novation, mais encore paie
ment certain, et partant impossibilité d’intenter plus tard
l’action en revendication.
Si l’acheteur a payé le prix en valeurs de portefeuille,
1 Pardessus, n° 1288 ; Boulay-Patty, t. 2, p. 349 ; D. A., t. 8, p. 258.
�ART. 5 7 4 ,
575,
576.
195
et que l’endossement ait été souscrit à forfait, U y aurait
aussi véritablement paiement, et conséquemment les
mêmes effets que dans le cas précédent.
Si l’endossement a été conçu dans la forme ordinaire,
la novation pourrait être admise, s’il s’agissait de va
leurs souscrites par des négociants jouissant d’un crédit
incontesté, alors surtout que la facture a été acquittée
purement et simplement, et que l’acheteur a supporté
l’escompte de la négociation *.
Cette dernière circonstance ne serait pas même né
cessaire, si la vente étant faite au comptant, le vendeur
avait bonifié à l’acheteur l’escompte admis pour ces sor
tes de vente. Dans un tel cas, l’acquit de la facture et
l’acceptation des remises constitueraient le paiement, et
feraient reconnaître la novation.
Mais si la vente était faite à terme, et que le vendeur
n’eût pas escompté les traites, la novation serait plus
difficile à admettre, surtout si les signataires de ces trai
tes, étant inconnus au vendeur, on ne pouvait attribuer
son acceptation à la confiance qu’ils devaient lui inspirer.
Dans tous les cas où la revendication est admissible,
peu importe que les billets ou remises donnés en paie
ment soient ou non échus. Le droit de l’intenter naît de
la faillite, et s’ouvre au moment où celle-ci éclate. La
seule obligation du revendiquant est de restituer à la
masse les valeurs qu’il aurait reçues.
S’il existe un compte courant entre l’acheteur et le
vendeur, et que le prix de la vente ait été inscrit au
1 Douai, S août 4 848 ; D. P , 21, 2, 28.
�196
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
crédit de celui-ci, la revendication pourra-t-elle encore
être exercée ? La position des parties étant la même que
celle du commettant et du commissionnaire, pour les
marchandises consignées, il faudra appliquer, au cas
présent, les observations que nous avons développées
pour ceux-cil.
1 1 4 4 . — Si le vendeur n’a été payé qu’en partie
du prix de la vente, la revendication pourra être exercée
pour la partie qui est encore due. Cette revendication
affectera la totalité de la marchandise, et l’on serait non
recevable à soutenir qu’elle ne doit être que partielle. Il
y a pour la revendication la même indivisibilité que
pour la résiliation ; mais, comme dans celle-ci, le ven
deur serait obligé, en reprenant sa marchandise, de
restituer toutes les sommes qui lui auraient été comptées.
1 1 4 5 . — 3° défaut d'entrée dam les magasins du
failli. On ne doit pas prendre trop à la lettre ces ter
mes de la loi. La revendication a été surtout admise,
parce que la marchandise n'a encore aux yeux de per
sonne augmenté le crédit et l'a c tif de celui gui est devenupropriétaire, sans en être possesseur. Cela ne se
rait plus vrai, si cette marchandise était arrivée en la
possession du failli. C’est, en conséqnence, cette pos
session qui seule décide s’il y a ou non possibilité de
revendiquer. Dans quelque lieu qu’elle se réalise, son
existence en exclut pour toujours l’exercice.
Ainsi, un magasin public, dans lequel des marchan
dises sont entrées comme propriété de l’acheteur, et pour
i V sup ra , art. 575, n° \ \ 35.
�art. 5 7 4 ,
575,
576.
497
y rester à sa disposition, doit être considéré comme ce
lui de l’acheteur lui-même, malgré qu’il soit situé dans
une autre ville que celle où réside celui-ci L
Il en serait de même d’un magasin loué ou prêté à
l’acheteur; de celui appartenant au vendeur et renfer
mant des marchandises, si, au moment de la vente, les
clés en ont été remises entre les mains de l’acheteur2.
Cette jurisprudence est parfaitement applicable sous
la loi nouvelle, comme elle l’était sons le Code de com
merce. Les principes qui lui servent de base ont même
reçu de la première une sanction plus énergique.
1146.
— Quant aux marchandise non susceptibles
d’être emmagasinées et à celles qui se vendent sur les
ports, quais, grèves ou rives, l’acheteur entre immédia
tement en possession, à moins qu’il ne soit stipulé qu’el
les doivent être transportées au lieu qui sera désigné
par lui. Mais si la charge de les faire enlever lui est
imposée, si elles demeurent à ses risques et périls sur
l’emplacement où elles ont été vendues, cet emplacement
est censé être son magasin.
En effet, il n’y a plus ultérieurement de tradition ré
elle. Celle-ci est complète par le seul fait de l’adjudica
tion ou de la vente, et partant il y a, de la part de l’a
cheteur, main mise effective. La marchandise est à sa
libre disposition.
Or, nous l’avons déjà dit, c’est à cette circonstance
qu’il faut s’arrêter. Quel que soit le lieu où elle se réa1 Cass., 31 janvier 1826 ; D. P „ 26, 1, 140.
3 Bourges, 25 février 1826 ; D. P ., 26, 2, 211.
�198
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
lise, magasins, ports, quais, grèves ou rives, ce lieu est
le magasin du. failli, dans le sens de la loi. Il ne peut
donc, dans tous ces cas, exister de revendication.
Cependant, si la vente sur ces emplacements avait été
faite au poids ou à la mesure, et qu’au moment-de la
faillite les marchandises n’eussent été ni pesées, ni me
surées, la revendication serait admissible. Le failli n’en
aurait pas eu, jusque là, la libre et entière disposition.
1147.
— Ajoutons que, par cela seul que les mar
chandises sont entrées dans les mains du failli, n’au
raient-elles resté que quelques instants en sa possession,
le droit de les revendiquer serait irrévocablement perdu.
Ce résultat se produirait, alors même que le failli ne
les aurait achetées que pour leur donner une destina
tion ultérieure. Ainsi, si après avoir été reçues, elles
avaient été réexpédiées à un tiers chargé de les diriger
vers cette destination, et dans les magasins duquel elles
se trouvent au moment de la faillite, elles ne pourraient
être revendiquées. La prisé de possession, que le failli a
réalisée, a anéanti le droit du vendeur, et ce droit éteint
n’a pu revivre, parce que le failli les aurait plus tard
distraites de ses magasins.
Ces principes ont été consacrés par un arrrêt de la
cour de cassation, qui décide que le vendeur qui a dé
claré à la douane que celui auquel il expédie les mar
chandises les destine à l’étranger, ne peut revendiquer
ces marchandises, si elles sont entrées dans les magasins
du failli. La destination de ces marchandises pour l’é
tranger, ne peut les faire considérer comme étant en
core en route K
I
i 13 octobre 1814 ; D. P., 1 4 , 1, 551.
�ART.
574,
575,
B76.
199
Il n’exisle qu’un seul cas dans lequel l’entrée en ma»
gasin ne crée aucun obstacle à la revendication : c’est
lorsque à la réception des marchandises, l’acheteur a
déclaré les laisser pour compte du vendeur. Après une
pareille déclaration, la réception de fait, qui suit, est
censée faite à titre de dépôt seulement ; il est, de plus,
certain que le failli n’en a jamais pris possession.
1148.
— Les magasins des agents du failli sont cen
sés les siens propres, pourvu que ces agents aient été
préposés par lui à la vente des objets qu’il leur confie.
Dès lors, les marchandises arrivées dans ces magasins
sont présumées arriver au lieu de leur destination, y
demeurent à la disposition du failli, et ne peuvent être
revendiquées. C’est dans ce sens que la loi dispose pour
les commissionnaires. Mais la condition du mandat de
vendre est indispensable. Si les marchandises n’étaient
dans les magasins du commissionnaire que transitoire
ment, elles seraient réellement en cours de voyage, et
susceptibles, dès lors, de revendication, tant qu’elles
n’auraient pas touché les magasins du failli. Peu impor
terait, dans ce cas, que le commissionnaire eût été choisi
par l’acheteur, ou simplement employé par le vendeur.
Le droit de revendiquer existe dès que le mandat for-^
mel de vendre n’est pas uni chez le tiers à la possession
des marchandises.
H 4 9 . -r- Le revendiquant serait-il obligé de prou
ver l’identité de la marchandise ? Le doute pourrait naî
tre de la suppression de l’article 580 du Code de com
merce. Mais ce qui a fait abroger celui-ci, c’est que la
�200
DE» FAILLITES ET BANQUEROUTES
limitation des signes de cette identité pouvait faire élever
des difficultés, et rendait le commissionnaire libre d’em
pêcher volontairement la revendication, en faisant dis
paraître ces signes. Il faut donc conclure de la suppres
sion, non pas que le revendiquant soit dispensé de jus
tifier de l’identité, mais qu’il a la faculté de l’établir au
moyen des caractères consacrés à cet effet dans le com
merce.
Ainsi, que les balles, caisses ou enveloppes aient été
ou non ouvertes, si d’ailleurs l’identité peut être autre
ment établie, la preuve en sera parfaitement recevable.
1 1 4 9 bis. — L’impossibilité de faire cette preuve jus
tifiée ou acquise au moment où l’action en revendica
tion était intentée, la ferait donc inévitablement repous
ser. Or, pourrait-on méconnaître ou contester cette im
possibilité, si, même avant son entrée dans les magasins
de l’acheteur, la marchandise revendiquée avait été mé
langée avec d’autres marchandises de même nature, ou
de nature différente.
C’est donc à tort que, dans un arrêt du 26 mars 1858,
la cour de Rennes a décidé que la revendication de
grains par le vendeur non payé devait être accueillie,
malgré leur mélange avec des grains de même nature
appartenant à l’acheteur L
Cet arrêt se fonde principalement sur ce que la pro
hibition de l’ancien article 580 n ’a pas été reproduite
par la loi de 1838. Mais nous venons de l’établir: cedéfaut de reproduction ne peut être considéré comme une
1 J. du P., 4858, 782.
�art.
574,
575,
576.
2o1
abrogation. Son objet unique a été, non d’exonérer le
revendiquant de l’obligation de prouver l’identité, mais
de laisser aux juges la plus complète, la plus absolue in
dépendance, dans la détermination des caractères cons
titutifs de cette identité.C’est dans ce sens que l’honorable
rapporteur de la loi, M. Renouard, dans la session de
1833, expliquait la pensée et la volonté du législateur.
Conçoit-on, d’ailleurs, la possibilité de revendiquer
une chose qu’on a vendue, sans la nécessité d’établir,
d’abord, que la chose revendiquée est, en quantité et
qualité, la chose même qui a été vendue. Or, le mélange
a changé ï’une, peut-être même dénaturé l’autre. Il a
donc enlevé à la revendication son principal élément,
son fondement le plus essentiel.
Au reste, la cour de Rennes n’a pas tardé à recon
naître son erreur, et à en revenir. Car le 30 août de la
même année 1858, elle repoussait la revendication dans
les mêmes circonstances auxquelles elle n’avait pas cru
devoir s’arrêter le 26 mars précédent.
L’arrêt du 30 août ayant fait l’objet d’un pourvoi, la
cour régulatrice ne crut pas devoir s’y arrêter, Son ar
rêt du 30 juin 1859 déclare que l’impossibilité de cons
tater l’identité des marchandises fait obstacle à leur re
vendication : et que cette impossibilité résulte de leur mé
lange avec d’autres marchandises de même nature, ou
de nature différente I.
1149 ter. — Dans chacune des espèces soumises à
la cour de Rennes s’offrait la question de savoir si le
1 J. du P., <860, 209.
�202
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
bateau à bord duquel les marchandises étaient embar
quées devait être assimilé au magasin de l’acheteur.Ré
solue négativement dans la première, la question l’était
affirmativement dans la seconde.
La raison juridique de cette différence git dans cette
circonstance que, dans la première espèce, le bateau
qui avait reçu les marchandises avait été prêté pour en
opérer le transport, tandis que, dans la seconde, les
marchandises avaient été déposée sur le bateau de l’a
cheteur. On comprend, dès lors, que la solution diver
geante des deux espèces était la conséquence forcée de
l’état des choses.
L’expédition des marchandises par eau exige l’em
ploi d’un bateau, comme leur transport par terre exige
celui d’une voiture. Celui-là donc qui frète le premier
ne fait autre chose que se procurer le moyen de faire
arriver la chose à sa destination. Il paie le fret, comme
il paierait le prix de la voiture, et les risques du voyage
sont à sa charge, comme ils le seraient si ce voyage s’ac
complissait par terre.
Sa position est donc identique à celle qu’il aurait s’il
avait traité avec un voiturier. Or, s’est-on jamais avisé
d’assimiler les véhicules de celui-ci au magasin de celui
qui a recours à son ministère ?
Quel motif sérieux pourrait-on alléguer pour l’admet
tre autrement dans l’hypothèse d’une expédition en mer
ou sur les fleuves et rivières? Il n’y a, en effet, entre le
bateau et la voiture d’autre différence que celle résultant
de l’élément qu’ils parcourent : l’un naviguant sur l’eau,
l’autre roulant sur terre.
�ART. 5 7 4 ,
575,
576.
203
Vainement prétendrait-on que la marchandise à bord
du bateau est à la disposition de l’acheteur, qui peut la
vendre sur connaissement ? Mais il peut la vendre aussi
sur lettre de voiture, et si cette circonstance devait être,
dans un cas, un obstacle à la revendication, on devrait
le décider également dans l’autre. Cependant une pré
tention pareille s’est-elle jamais produite, et ce n ’est
certes pas l’occasion qui lui a manqué.
En fait, l’acheteur a, de quelque manière que le vo
yage s’opère, la possession réelle de la chose. Mais il
n’en a pas la possession apparente tant que cette chose
se trouve aux mains du tiers chargé de la faire arriver à
sa destination. Or, c’est cette possession apparente qui
a pu solliciter le crédit, et déterminer la confiance que
la loi a entendu devoir seule créer un obstacle à la re
vendication.
Ainsi, dit la cour suprême, en l’absence d’une défi
nition légale, on doit entendre par magasin de l’ache
teur, le lieu choisi par lui pour se mettre en possession
à la fois apparente et réelle de la chose achetée, et elle
trouve que le dépôt des marchandises sur le navire ap
partenant à l’acheteur réunit cette double condition.
La propriété du bateau à bord duquel les marchan
dises ont été embarquées exerce donc une influence con
sidérable sur la solution de notre question, et avec juste
raison. Pendant la durée du voyage, la possession ré
elle de la marchandise confiée à un tiers est plutôt lé
gale qu’effective , et le voyage commencé, ce tiers la
transportera inévitablement à la destination pour la
quelle il l’a reçue.
�204
DES FAILLITES RT BANQl) ROUTES
L’orsqu’au contraire l’acheteur transporte lui-même
ce qu’il a acheté, rien ne l’engage, rien ne le lie, il peut
à son gré changer la destination, suivre l’itinéraire qui
lui conviendra, raccourcir ou prolonger le voyage, y
renoncer ou ne l’exécuter que pour une partie de la
marchandise. Celle-ci est en tout temps et en tous lieux
à sa libre et absolue disposition. Qu’aurait-il donc de
plus si cette marchandise s’était trouvée dans son ma
gasin proprement dit.
Aussi estimons-nous qu’il n ’y a aucune différence
possible, et que ce que les cours de Rennes et de cassa
tion ont décidé pour le propriétaire du bateau, devrait
être admis pour le voiturier. Ainsi, celui qui achetant
des marchandises les transporterait sur sa propre voi
ture, par lui ou par ses préposés, en aurait la posses
sion réelle et apparente. La marchandise chargée serait
considérée comme arrivée dans son magasin, et toute
revendication ultérieure serait non recevable de la part
du vendeur non payé.
1 1 50c — On n’admettait, sous le Code, la revendi
cation que lorsque la totalité de la marchandise existait
encore intacte. Mais, sous l’empire de la loi nouvelle,
cette condition n’est pas indispensable. L’intention du
législateur, clairement annoncée dans la discussion, a
été d’autoriser la revendication de la partie comme celle
du tout. Ainsi, si le revendiquant ne pouvait faire cons
tater l’identité que pour une partie de l’envoi, cette par
tie lui serait restituée.
Mais il ne peut, pas plus sous la loi nouvelle que sous
le Code de commerce, exister de revendication collective.
�ART. 5 7 4 - ,
575,
576.
205
Ainsi, si la marchandise avait été, d’ordre exprès de l’a
cheteur, mêlée dans les magasins du commissionnaire,
avec d’autres marchandises de même nature, les divers
propriétaires des marchandises mélangées ne pourraient,
en commun, revendiquer le résultat de ce ce mélange.
Quoiqu’il soit certain, dans ce cas, que la totalité de la
marchandise appartient réellement aux divers deman
deurs, il n’y a, par rapport à chacun d’eux, aucune
identité entre les objets vendus et ceux qu’ils réclament.
Il n’y a donc pas de revendication admissible 1. '
1151.
— Enfin, si la marchandise en cours de
voyage n’était arrivée dans les magasins du failli qu’a près la déclaration de faillite, la revendication n’en se
rait pas non recevable. A cette époque, en effet, le failli,
dépouillé de tous ses droits et actions, n’a pu s’en met
tre légalement en possession, ni la confondre aves son
actif. Elle doit donc être rendue au revendiquant.
En serait-il de même, si la marchandise était arrivée
dans l’intervalle de la cessation de paiements au juge
ment de déclaration ? Celle question pouvait paraître
douteuse sous le Code de commerce. L’article 442 faisait
remonter le désinvestissement du failli au jour fixé par
le jugement, comme étant celui de l’ouverture de la
faillite, il semble donc que, dans cet état, le failli étant
incapable d’une prise de possession, ces marchandises
étaient susceptibles de revendication.
Mais l’article 443 de la loi actuelle ne fait courir le
désinvestissement que du jour du jugement. D’où la
i Amiens, 20 novembre 1837 ; D. P ,, 40, 2, 20.
�206
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
conséquence que le commerçant, quoique ayant cessé
ses paiements, n’en a pas moins conservé l’administra
tion légale de ses biens. Il a pu valablement, pour les
tiers, vendre et contracter, sauf les cas de fraude ; il a
donc pu, de la même manière, recevoir ce qu’il avait
déjà acquis.
1152.
— Ces principes ont été méconnus par la cour
de Rennes qui a jugé, le 5 juillet 1838, que les syndics
ne peuvent retenir les marchandises arrivées dans cet
intervalle, si elles n’ont pas été déballées, et si le failli
lui-même a déclaré qu’il ne les aurait pas reçues, s’il
s’était trouvé chez l u i l.
Cette décision s’éloigne, non seulement du texte, mais
encore de l’esprit de notre article 576. La revendication
des marchandises entrées dans les magasins du failli n’a
été absolument proscrite, en tout état de cause, que pour
empêcher le failli d’avantager un de ses créanciers au
détriment des autres. A notre avis, il ne s’agit pas, il ne
peut s’agir de ce qu’a dit et fait le failli, mais unique
ment de son droit. S’il n ’avait pas celui de recevoir la
marchandise, celle-ci doit être rendue ; s’il a pu, au
contraire, la recevoir, qu’importe l’état dans lequel elle
sera trouvée au moment de la faillite I II suffit qu’elle
soit légalement arrivée dans ses magasins, pour que toute
revendication soit impossible.
Or, ce pouvoir, l’arrêt que nous examinons l’admet,
puisque, si le failli avait déballé la marchandise, la cour
reconnaît qu’elle ne pourrait plus être revendiquée. Mais,
�ART.
574, 575, 576.
207
on échappe aux conséquences que nous venons de signa
ler, par une distinction qui n’a aucun fondement légal,
et qui blesse le principe de l’égalité entre tous les cré
anciers que la loi a voulu surtout respecter.
En effet, dans le système que nous combattons, le
failli sera le seul arbitre de la revendication. Il aura seul
le pouvoir de l’autoriser ou de la proscrire. Deux envois
arrivés le même jour subiront un sort bien différent.
L’un d’eux sera perdu à tout jamais pour le vendeur,
parce qu’il a plu au failli de le déballer, tandis que
l’autre sera rendu, parce que le failli ayant intérêt à mé
nager l’expéditeur, l’aura respecté ou aura dit qu’il ne
l’aurait pas reçu s’il avait été chez lui. Peut-on imagi
ner un résultat plus manifestement contraire à l’inten
tion avérée du législateur ?
Ainsi, quel que soit l’état dans lequel se sont trouvées
les marchandises, il suffit qu’elles soient arrivées avant
le désinvestissement du failli pour qu’elles se soient va
lablement confondues dans son actif, et qu’elles soient
acquises à la masse ; d’où la conséquence que si, après
les avoir reçues dans ses magasins, le failli les avait ren
dues à l’expéditeur, les syndics seraient recevables à les
faire rapporter à la masse.
1153.
— La revendication des marchandises en
cours d ? voyage est subordonnée à la condition qu’il
n’existe point de revente de ces marchandises. La vente,
avons-nous, dit, est parfaite par le seul consentement.
Celui qui a acheté devient, dès le moment qu’il y a eu
accord sur la chose et sur le prix, propriétaire légitime
de ce qui lui a été vendu. Il peut donc en disposer à
�208
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
son gré, alors même qu’il n’est pas encore en posses
sion de fait. C’est ce qui se réalise souvent dans le com
merce.
1154.
— Cette vente serait valable, même en cas
de faillite, si elle avait été faite sans fraude et de bonne
foi ; les éléments qui constituent celles-ci sont retracés
par l’article 572.
C’est d’abord la facture ; sa possession justifie du droit
à la propriété.
C’est ensuite le connaissement ou la lettre de voiture
qui prouvent le droit à la prise de possession.
Il faut donc, pour que l’acheteur puisse revendre,
qu’il soit porteur de la facture et du connaissement, ou
de la facture et de la lettre de voiture. Sans cette pos
session simultanée, la revente est radicalement nulle, et
le premier vendeur pourrait, revendiquer ses marchan
dises, même dans les magasins du nouvel acheteur K
La loi nouvelle exige, de plus, que les lettres de voi
ture ou connaissements soient signés par l’expéditeur.
On l’a ainsi admis pour éviter que le vendeur originaire
ne fût victime d’une fraude qu’il lui était impossible
d’éviter. En effet, la facture précède ordinairement l’en
voi, et elle se trouve entre les mains de l’acheteur bien
avant l’arrivée des marchandises. Il est, de plus, facile
à celui-ci de se procurer, soit du capitaine, soit du com
missionnaire, une copie du connaissement ou de la let
tre de voiture, et de vendre ainsi, sans que l’expéditeur
ait en rien coopéré aux actes qui ont préparé et déter
miné cette revente.
i Pardessus, n° 1290
�ART.
574, 575, 576.
209
Il n’en sera plus ainsi à l’avenir. L’expéditeur qui
aura des doutes sur la solvabilité de l’ache'.eur, ou qui
ne voudra pas donner à celui-ci la faculté de revendre
pendant le voyage des marchandises n’aura qu’à ne pas
signer la lettre de voiture. L’absence de cette signature
est un obstacle invincible à toute aliénation , et partant
une sauve-garde assurée du droit de revendication.
Mais si le connaissement ou la lettre de voiture sont
signés par l’expéditeur, le tiers qui a acquis est présumé
de bonne foi. Les créanciers qui exciperaient de la fraude
seraient obligés de la prouver non-seulement contre le
failli, mais encore à l’encontre du tiers. Il suffit, en effet,
que celui-ci eût ignoré celle que le failli aurait réelle
ment commise, pour que la vente sortît à effet. Sa nul
lité ne serait prononcée que s’il y avait eu concert en Ire
le vendeur et l’acheteur.
1155.
— L’admission de la revendication oblige le
revendiquant à restituer les à-comptes par lui reçus ; à
payer, en outre, tous les frais occasionnés par le voyage h
et à rembourser les avances que le failli pourrait avoir
obtenues des commissionnaires. La masse ne retirant
aucun profit des marchandises doit rester complètement
étrangère à tout ce qui est dû à leur occasion. Le reven
diquant ne pourrait compenser les frais et avances avec
les à-comptes qu’il aurait reçus et qui doivent, dans
tous les cas, être rendus en entier.
1 Voy. in fra art. S77, n» 4160.
ni — 14
�âio
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
A rt. 577.
P ou rron t être retenues p a r le ven deur les m ar
chandises p a r lu i vendues qui ne seront pas déli
vrées an failli, ou q u i n ’a u ro n t pas encore été ex
pédiées soit à lu i, soit à u n tiers p o u r son compte.
SOMMAIRE
1156.
1157.
1158.
1159.
1160.
1161.
1162.
1163.
Le droit de retenir les marchandises vendues et non livrées
est écrit dans les articles 1612 et 1613 du Code civil.
Système qui avait été adopté sous l’empire du Code.
Est formellement consacré par la loi actuelle.
Le droit de rétention peut être exercé tant que lamarchandise n'est pas réellement sortie des mains du vendeur.
Faut-il , pour l ’autoriser , qu’il y ait faillite déclarée , ou
cessation de paiements ?
Solution suivant que la vente a été consentie avec ou sans
termes.
Le droit de rétention s’applique à la partie , comme à la
totalité des marchandises.
11 s’applique aux meubles incorporels.
1 1 5 6 . — Le droit de retenir les objets vendus et
non encore livrés est écrit dans les articles 1612 et 1613
du Code civil. La vente étant un contrat synallagmati
que ne peut produire tous ses effets que si chaque par
tie est en mesure de remplir les engagements qu’elle
s’est imposés. Or, le failli, soit qu’il ait ou non obtenu
terme pour le paiement, étant dans l’impossibilité de le
réaliser , l’obligation de livrer prise par le vendeur ne
saurait continuer de subsister.
1 1 5 7 . — Ce droit n’était pas explicitement consacré
par le Code de commerce, mais son application résultait
de l’esprit de la loi et de la nature des choses. Le ven-
�ART.
577.
211
deur ayant après livraison la faculté de revendiquer,
devait à plus forte raison avoir celle de retenir la mar
chandise , lorsque la faillite se réalisant pendant qu’il
en était encore nanti il y avait certitude que le prix de
la vente ne serait pas payé.
Aussi la rétention était-elle universellement admise,
alors même que l’époque de la livraison ayant été déter
minée par la convention le vendeur était en retard de
livrer. Ce retard qui l’exposait à des dommages-intérêts,
si l’acquéreur était demeuré solvable, ne pouvait en cas
de faillite le contraindre à exécuter une convention dé
sormais inexécutable.
1 1 5 8 . — La loi de 1838 a textuellement consacré
ce qui n’était qu’une induction logique sous le Code.
Elle a ainsi fait disparaître toute ombre de doute, toute
possibilité d’une interprétation contraire.
1 159. — Nous avons déjà dit que le mot livraison
ne doit pas être pris dans le sens qui s’y attache le plus
ordinairement. Ce mot, dans l’article 577 comme dans
le précédent, doit être entendu d’une tradition réelle qui
enlève au vendeur la détention des objets vendus pour
la transmettre à l’acheteur. En conséquence , tant que
celle-ci ne s’est pas effectuée, le droit de rétention sub
siste.
Ainsi, si la vente avait été faite au poids ou à la me
sure, avec dégustation , les marchandises pesées, mesu
rées ou dégustées qui seraient restées dans les magasins
du vendeur pourraient être retenues par lui.
1 1 6 0 . — Faut-il dans tous les c a s , pour que la
�212
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
rétention puisse s’exercer , qu’il y ait faillite déclarée ?
Suffirait-il que l’acheteur fût devenu insolvable ou eût
essuyé des protêts, pour que le vendeur pût se dispenser
de livrer réellement ?
1161.
— Cette question est facile à résoudre , si la
venteaété faite au comptant et sans terme. Dès l’instant
que le paiement du prix est la condition impérieuse de
la livraison, celle-ci ne peut être que la conséquence du
paiement lui-même. À défaut donc par l’acheteur de le
réaliser, le vendeur est par cela même dispensé de livrer.
Mais si la vente a été faite à terme la solution serait
plus délicate. Le vendeur a suivi la foi de l’acquéreur;
il n’a rien à lui demander avant que le terme ne soit
échu. Il semblerait donc que tant que l’impossibilité de
payer de la part de l’acheteur n’est pas judiciairement
démontrée, la livraison des marchandises vendues de
vrait être opérée.
Cependant la cessation de paiements constitue vérita
blement la faillite, et le commerçant qui laisse protester
ses engagements est réellement en état de cessation de
paiements, surtout si ces protêts ne sont dus qu’à une
insolvabilité certaine. N’y eût-il que doute sur sa solva
bilité, qu’il serait injuste de soumettre le vendeur à su
bir la chance de perdre ses marchandises.
L’article 1613 du Code civil autorire la rétention des
objets vendus , lorsque l’acquéreur est dans un état de
décadence qui peut sérieusement menacer la sûreté du
vendeur. Or , dans le commerce , la cessation de paie
ments ou même l’existence de quelques protêts sont une
�menace sérieuse et grave pour tous ceux qui ont traité
avec le commerçant qui les subit.
Nous croyons donc que si cette cessation était certai
ne le vendeur pourrait retenir sa marchandise ; qu’il le
peut encore, si des protêts non suivis de paiements vien
nent établir le mauvais état des affaires de l’acquéreur.
Dans ce dernier cas, cependant, si celui-ci offrait une
caution pour la garantie du paiement, le vendeur serait
obligé de livrer.
Mais il en serait autrement, si le vendeur connaissant
les protêts avait consenti à vendre. Il a u ra it, dans ce
cas, volontairement couru le risque dont il se préten
drait plus tard menacé. Et puisque la chance qui en ré
sulte 11e l’aurait point empêché de vendre, elle ne devrait
pas non plus le dispenser de livrer, ni l’autoriser à de
mander une garantie qu’il a pu et n’a pas voulu exiger.
1 1 6 2 . — Le droit de rétention s’applique à la to
talité comme à la partie des marchandises. Ainsi, le ven
deur qui aurait déjà commencé à livrer pourrait s’arrê
ter dès l’instant qu’il a connaissance de la déclaration
de faillite ou de la cessation de paiements.
1 1 6 3 . — Il s’applique encore aux meubles incor
porels. Ainsi , le vendeur d’un fonds de commerce qui
ne l’a pas encore réellement transmis ne pourrait être
contraint de le faire , si avant d’entrer en possession
l’acquéreur cessait ses paiements ou était déclaré en état
de faillite l.
1
Voy. svpra art. 550, n° 950
�214
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
A rt . 578.
D ans le cas prévu p a r les deux articles précé
dents, et sous l’au torisation du juge-com m issaire,
les syndics au ro n t la faculté d’exiger la livraison
des m archandises , en payant au ven deur le prix
convenu entre lu i et le failli.
SOMMAIRE
1164.
Les ventes consenties ou acceptées par le débiteur sont de
plein droit résiliées par la faillite en faveur de la masse.
1165. Celui qui aurait vendu au failli et qui voudrait exercer la
rétention devrait la faire ordonner par justice.
1166. Les syndics pourraient le contraindre à exécuter ses obli
gations en offrant de remplir les engagements du failli.
1167. Cette offre doit être autorisée par le juge-commissaire.
1168. Comment elle s’exécute pour les ventes au comptant ou
à terme.
1168 bis. Q uid pour les marchés à livrer ?
1 1 6 4 . — La faillite n’est une cause de résolution
des conventions souscrites par le failli qu’en faveur de
la masse, en ce sens que les créanciers n’ont pas besoin
de faire prononcer cette résolution par la justice. Il suffit
que leurs représentants légaux, les syndics aient renoncé
à les exécuter , pour que la partie qui a contracté avec
le failli ne puisse les contraindre. Elle n ’aurait , dans
ce c a s , qu’une action en dommages-intérêts contre le
failli, et d’autres droits à exercer pour la somme qui lui
serait allouée, que ceux d’un créancier ordinaire.
1 1 6 5 . — Mais la résolution en faveur de laquelle le
vendeur prétendrait retenir les marchandises vendues
n ’est jamais acquise de plein droit, elle doit être ordon
née par justice. C’est donc à celui qui prétend en re
cueillir le bénéfice à la poursuivre et à la faire prononcer.
�art.
578.
215
1 1 6 6 . — Par une juste application des motifs qui
ont fait admettre la revendication et la rétention , la loi
laisse aux syndics la faculté de les empêcher l’une et
l’autre , en offrant au vendeur de se substituer en leur
qualité aux obligations du failli. Cette offre désintéresse
le vendeur. Ce qui l’autorisait à revendiquer ou à rete
nir c’était la certitude que la marchandise vendue ne
serait pas payée. La loi n’a jamais prétendu le relever
des engagements qu’il a souscrits, parce qu’ils seraient
plus ou moins onéreux pour lui. Elle lui permet seule
ment de se soustraire à un péril évident. Dès l’instant
que ce péril n’existe plus, la justice exige que, s’en ré
férant aux principes du droit commun , la vente sorte
son plein et entier effet.
1167. — Mais cette faculté uniquement créée dans
l’intérêt des créanciers ne doit être exercée que lorsque
les circonstances sont telles qu’un bénéfice certain doit
en résulter. C’est surtout dans cetfe intention que la loi
nouvelle a soumis les syndics à requérir l’autorisation
du juge-commissaire.
1168. — Si la vente qu’il s’agit de maintenir avait
été faite au comptant le prix devrait en être immédia
tement payé. Si elle est à term e, les syndics pourraient
en revendiquer le bénéfice ; mais le vendeur serait en
droit d’exiger une caution, et à défaut, le paiement im
médiat.
1168 bis — L’article 578 prévoit le cas d’un marché
ferme échu au moment de la faillite, et dès lors suscep
tible d’exécution immédiate. Ce qui le prouve, c’est que
�216
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sa disposition se restreint aux cas prévus par les deux
articles précédents. Or, l’article 576 régit l’hypothèse de
l’achat d’une chose déjà sortie des mains du vendeur'
mais non encore arrivée dans les magasins de l’ache
teur. D’autre part, le droit de rétention consacré par
l’article 577 présuppose l’obligation de la livraison ac
tuelle qu’il a pour objet uniquede prévenir et d’empêcher.
On se rend d’ailleurs parfaitement raison de la faculté
laissée aux syndics dans l’un et l’autre cas. Il s’agit
d’une opération consommée , d’un droit acquis qu’il
s’agit de liquider et qui peut offrir le plus grand intérêt
pour la masse , par exemple , de réaliser un bénéfice
dont la certitude est démontrée. Or, la faillite ne saurait
être l’occasion, pour le vendeur, de profiter de ce béné
fice. Cela supposerait la résiliation du marché en sa fa
veur, et c’est précisément ce que l’article 578 a voulu
prohiber.
Ainsi, à la demande en revendication^ celle en exer
cice du droit de rétention les syndics pou rro n t, avec
l’autorisation du juge-commissaire, répondre qu’ils ac
ceptent le marché qu’ils exécuteront comme l’aurait fait
le failli lui-même.
Mais en se substituant aux obligations du failli les
syndics héritent de tous ses droits. Comme lui ils de
vraient immédiatement payer le prix , si la vente a été
faite au comptant ; ils jouiraient du bénéfice du terme,
si le traité en avait assigné un pour le paiement.
Il est vrai que l’article 444 fait résulter l’exigibilité
des dettes du jugement déclaratif. Mais cela ne peut
s’entendre que des dettes atteintes par la faillite et qui
�ART.
578.
217
ne peuvent Être payées qu’en monnaie de dividende. Or,
celle résultant de l’exercice de la faculté de l’article 578
est en dehors de cette catégorie. Elle est moins la dette
du failli, que celle de la masse qui doit l’acquitter inté
gralement.
On ne saurait donc la priver du bénéfice du terme,
ce qui emporterait pour elle la perte des intérêts dont
le vendeur profiterait contrairement à la convention.
Maison ne saurait lui refuser le droit d’assurer la fidèle
exécution de celle-ci, de se précautionner contre les
chances résultant de là faillite elle-même, d’exiger cau
tion pour la garantie du paiement à l’échéance. A dé
faut , les syndics ne pourraient le contraindre à livrer,
qu’en offant le paiement effectif et immédiat.
On peut prévoir qu’indépendamment des marchés
échéant ou échus au moment de la faillite, il pourra se
trouver d’autres traités avec terme pour la livraison, ou
dont la livraison aura été échelonnée de m anièi^à com
prendre une période de temps quelquefois fort longue.
Ainsi, dans une espèce dont nous parlerons bientôt, le
failli avait acheté des marchandises payables de mois en
mois, depuis décembre 1859 jusqu’à juin 1868.
Evidemment, la partie intéressée demandera et fera
prononcer par justice la résiliation de ces traités. Leur
maintien constituerait la continuation du commerce,
pourrait entraîner des engagements excédant l’actif : ce
qui ne peut être autorisé que par les créanciers et après
contrat d’union.
11 n’est pas probable que celui qui avait traité avec
le failli attendît jusque-là pour déterminer le sort de son
�218
DES
F A IL L IT E S
ET B A N Q U E R O U T E S
opération , avec d’autant plus de raison que rien n’est
moins certain qu’une délibération affirmative, et qu’en
cas de refus il faudrait bien recourir à la résiliation.
Or, en commerce on ne se résout pas à une perte de
temps qui peut entraîner de graves inconvénients. Il est
donc certain que la résiliation sera poursuivie au début
même de la faillite.
Quels seront les dommages-intérêts à allouer? De
vront-ils être calculés sur l’ensemble des livraisons 'à
effectuer? Le demandeur sera-t-il recevable et fondé à
se faire autoriser à vendre le traité à la Bourse, par
courtier désigné par le juge-commissaire, et réclamer à
titre de dommages-intérêts la différence que le prix de
celte vente offrira sur celui du traité avec le failli ?
Nous n’hésitons pas à répondre par la négative. Les
seuls dommages-intérêts auxquels la résiliation puisse
donner lieu sont ceux dus à l’occasion des livraisons échues, soit avant soit au moment de la faillite , ou qui
doivent écheoir dans un temps voisin.
L’allocation de dommages-intérêts n’est rationnelle
que si l’exécution à raison de laquelle elle est sollicitée
est un acte spontané et sans motifs légitimes. Or, l’état
de faillite est, pour le débiteur, l’excuse la plus péremp
toire ; pour la masse qui ne pouvait être condamnée à
continuer le commerce du failli, un motif légal de se re
fuser à le faire. Son refus n’est donc que l’exercice d’un
droit. Comment, dès lors , servirait-il de fondement à
une adjudication de dommages-intérêts.
Dira-t-on : la masse succède à toutes les obligations
du failli ; elle est passible de toutes les actions qui pou-
�ART.
578.
219
vaient être exercées contre celui-ci ; les droits de leurs
bénéficiaires sont donc, après la faillite, ce qu’ils étaient
avant ; il n’y a d’autre différence que relativement au
mode d’exécution ; le créancier qui devrait, avant la
faillite, être intégralement payé du montant de la con
damnation , le sera , a p rè s, en monnaie de dividende
seulement.
Erreur évidente à notre avis. Oui, la masse est tenue
des obligations du failli, mais pour le passé et non pour
l’avenir , pour les droits actuellement acquis , et non
pour ceux qui n’ont jamais existé , qui n’existeront
peut-être jamais.
Les dommages - intérêts ne sont et ne peuvent être
que la réparation du préjudice. Quel est celui que souffre
le vendeur ou l’acheteur à terme relativement aux livrai
sons futures ? Quel sera le cours à l’époque où elles de
vront s’effectuer ? Ne peut - il pas se faire qu’au lieu
d’une perte il y trouve un bénéfice ?
Aussi quelle différence entre l’action contre le com
merçant integri status et celle à exercer contre la fail
lite. Celle-ci amène nécessairement la résiliation du traité
dans son entier. La première ne saurait avoir cet effet.
Le vendeur, par exemple, devra à chaque terme être en
mesure de livrer la quantité convenue qu’il aura dû se
procurer, offrir la livraison et sommer l’acheteur de
l’accepter. Sur le refus de celui-ci qu’adviendra-t-il ?
La résiliation du marché , même pour ce qui concerne
les livraisons futures et avec dommages-intérêts pour le
tout ? Evidemment non ; son droit consistera unique
ment à se faire allouer la différence entre le cours du
�220
DES
F A IL L IT E S
ET
BAN Q UERO UTES
jour et le prix du marché sur la quantité livrable et non
reçue.
«
Le marché tiendra donc pour l’avenir , de manière
que le bénéfice de l’inexécution actuelle sera plus qu’ab
sorbé peut-être par la perte qui résultera de l’exécution
des livraisons suivantes.
C’est cette chance dont la faillite libérera le vendeur
en lui permettant de faire résilier le marché. Il était
juste de lui en concéder le d ro it, puisque, d’une part,
l’exécution avec la masse est à peu près impossible , et
que , de l’autre , il ne pouvait être indéfiniment tenu,
lorsque cette masse est libre de se dégager, en consen
tant à supporter des dommages-intérêts dont il recevrait
peut-être le dix, le quinze, le vingt pour cent.
Qu’il puisse se soustraire à cette lo i, c’est justice,
nous le répétons. Mais lui accorder, en outre, des dom
mages-intérêts , alors qu’il est dans l’impossibilité de
justifier d’un préjudice ; alors surtout que loin d’en su
bir un il réalisera peut-être un bénéfice , ce serait agir
contre tous les principes et l’enrichir au détriment de
la masse beaucoup plus malheureuse que lui.
Voudrait-on faire résulter l’existence actuelle du pré
judice, de ce que le vendeur aurait immédiatement après
le traité acheté à un prix inférieur les mêmes quantités
à livrer aux mêmes époques ; de ce qu’il s’était ainsi
ménagé un bénéfice que la résiliation de la vente lui
fait perdre.
Nous répondons que la simultanéité de la vente et de
l’achat rend le bénéfice plus ou moins probable , mais
ne le constitue pas encore. Car celui qui a consenti ce
�ART.
578.
dernier ne l’exécutera peut-être pas, sera dans l’impos
sibilité de le faire par faillite ou tout autre motif que les
chances du commerce peuvent fournir. Il faudrait donc
se pourvoir ailleurs, peut-être à grand frais ; où serait
donc le bénéfice.
D’ailleurs, si l’exécution de l’achat est assurée, celui
qui l’avait contracté revendra à d’autres, et peut-être à
un prix supérieur, ce qu’il avait vendu au failli. Nous
arrivons donc à la même conséquence, c’est-à-dire que
nous nous retrouvons en présence d’un prétendu préju
dice non seulement incertain, mais encore ne devant ja
mais se réaliser.
Ce préjudice résulterait-il du fait de la résiliation du
contrat ? Comment pourrait-on l’admettre, lorsqu’on se
reporte aux effets de cette résiliation. Quelle peine a en
couru celui qui l’a rendue nécessaire ? La réparation du
préjudice éprouvé par celui qui la subit ; et c’est ainsi
que tout se résume dans le paiement de la différence en
tre le cours du jour et le prix convenu. Or, comment
établir une différence pour les livraisons à faire dans
trois, dans six mois, dans un ou deux ans. Il est donc
impossible d’asseoir une base quelconque à une alloca
tion de dommages-intérêts.
Veut-on la preuve qu’à l’égard de la faillite, la loi
n’a pas entendu faire résulter la nécessité de cette allo
cation du fait de la résiliation ? Qu’on se reporte à l’ar
ticle 576. Celui qui revendique la marchandise en cours
de voyage, ne la recouvre qu’en force de la résiliation
de la vente, lui"accordera-t-on, en outre, des domma
ges-intérêts ? Pour lui, cependant, le préjudice sera réel
�222
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
et actuel, car le cours peut être en baisse, et, indépen
damment des effets de celle-ci, il devra payer les frais
du voyage.
Pourquoi donc lui est-il interdit de réclamer des
dommages-intérêts ? C’est que, dans ce cas, la résiliation
est dans son intérêt exclusif, qu’elle l’exonère d’une
perte plus considérable que celle qu’il subit.
Pourquoi en serait-il autrement du vendeur à livrer,
faisant résilier le traité pour l’avenir ? n’agit-il pas dans
le même intérêt ; n’obéit-il pas au même mobile ? Sans
doute il ne revendique pas la chose, mais il obtient l’af
franchissement du lien contractuel ; il se libère de l’o
bligation de se procurer à tout prix ce qu’il devait livrer,
et s’il le possède déjà, il acquiert le droit d’en disposer
à sa convenance, de le revendre à des tiers.
Que cette revente puisse offrir une perte, c’est là une
chance qui est le corollaire obligé de l’avantage que pro
cure la résiliation, et celui qui se fait attribuer celui-ci,
doit accepter celle-là. D’ailleurs, à côté de la chance de
perte, existe celle du gain. Ce caractère aléatoire excluant
à lui seul la certitude d’un préjudice, devient un obsta
cle légal à toute allocation de dommages-intérêts.
Ceux-ci doivent donc se borner, à l’égard de la fail
lite, aux livraisons échues ou à échoir dans un temps
tellement voisin de sa déclaration, que le vendeur soit
dans l’impossibilité de disposer utilement de la chose
qu’il s’était mis en mesure de livrer. C’est à la sagesse
des tribunaux à concilier, à cet égard, les intérêts des
parties contendantes.
Or, la vente du traité aux enchères, à la Bourse, ex-
�ART. 5 7 8 .
2§3
céderait ce cadre ; elle metlrait à la charge de la faillite
une différence portant sur toutes les livraisons futures,
et ferait indirectement ce que nous venons de voir ne
pouvoir être directement réalisé.
Notre doctrine et la solution qu’elle indique, viennent
d’être expressément consacrées par le tribunal de Mar
seille, dans l’espèce suivante :
Un sieur Lang, de Naples, vend à la raffinerie FrancoBelge, à Marseille, 803,000 kilog. sang cristallisé, li
vrable de mois en mois, depuis décembre 1859 jusqu’à
juin 1868.
Faillite de la société. Le sieur Lang demande, ou la
résiliation du traité avec dommages-intérêts qu’il fixe à
plus de 100,000 fr., ou la vente à la Bourse par un
courtier désigné par le juge-commissaire, avec adjudi
cation en sa faveur de la différence qui en résultera en
tre le prix de cette vente et celui intervenu au traité.
Cette double demande est repoussée par les motifs
suivants :
« Attendu, quant aux dommages-intérêts, que le sieur
Lang pouvait maintenir le traité; qu’il serait resté obligé
à livrer la marchandise que le syndic aurait voulu re
cevoir en en payant le prix, sauf les droits pour les li
vraisons échues, sans qu’il y eût réception ;
» Attendu que la faillite ne devance pas les termes
fixés aux livraisons ; qu’elle est, en effet, sans influence
sur les obligations contractées par le vendeur non failli;
que le prix, d’autre part, n’est dû par l’acheteur que
lorsque la marchandise a été livrée ou offerte ; que la
faillite ne rend pas non plus exigible le prix des livrai
sons à venir :
�324
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
» Attendu que le droit de demander caution pour ces
livraisons ou la résiliation, dans le cas de déconfiture ou
de faillite d’un acheteur, est une application de l’article
1613 du Code civil, née de l’intérêt du commerce, qui
s’oppose à ce qu’une partie reste liée par des engage
ments à long terme, lorsqu’elle ne peut plus compter
que l’autre partie exécutera ses propres obligations ;
» Attendu que le vendeur qui use de ce droit préfère
sa sécurité et la faculté de disposer de ses marchandises
aux chances que lui offrait encore le marché ; qu’il ac
quiert l’affranchissement de l’obligation de préparer ou
d’acheter des marchandises pour une partie, par qui il
y a lieu d’appréhender de n’être pas payé ; que c’est là
l’objet de la résiliation qu’il sollicite, et que c’est en cela
qu’elle consiste pour lui ; que ne voulant pas courir les
chances, il ne peut pas réclamer le bénéfice qu’elles au
raient éventuellement produit ; qu’il ne peut pas, d’ail
leurs se plaindre de l’inexécution d’accords non échus,
et à raison desquels il aurait d’abord à offrir de la mar
chandise ; que cette résiliation pour les livraisons à venir
est donc une exception pure et simple des liens d’un con
trat, et qui n’entraine pas de dommages-intérêts ;
» Que, de plus, ces dommages-intérêts pour des li
vraisons à venir ne sont pas justifiés, car il a été établi
que la faillite ne rendait pas exigible les livraisons fu
tures, et il est impossible de préciser si. dans l’avenir,
le marché se fût accompli à l’avantage ou au détriment
de l’acheteur ;
» Attendu, en conséquence, qu’il n’est dû à Lang des
dommages-intérêts que pour les livraisons échues ; qu’il
�m
ART. 5 7 8 .
faut seulement tenir compte de la nature de la mar
chandise vendue et de l’éloignement du vendeur, qui
ont pu l’obliger à faire d’avance des approvisionnements
dont il serait embarrassé ; que, par suite, il paraît rai
sonnable d’étendre les dommages-intérêts aux livraisons
de toute l’année courante ;
» Attendu que j ’offre du sieur Lang de faire régler
les dommages-intérêts par la vente aux enchères de son
traité, se trouve repoussée par les motifs qui précèdent,
puisque ce mode de règlement allouerait des dommagesintérêts pour les livraisons à venir, et à écheoir seule
ment dans quelques années ;
» Qu’en outre, ce serait fixer les chances de l'avenir
que devait courir le sieur: Lang, par un fait actuel et
que les parties n’ont pas dû prévoir. »
L’unique reproche qu’on pût adresser à ce jugement
serait d’avoir calculé les dommages-intérêts sur les li
vraisons à opérer pendant une année entière. Mais ce qui
explique cette solution, c’est la nature delà marchandise,
sa spécialité à l’industrie de la raffinerie du sucre.
Non seulement la classe des acheteurs se trouve ainsi
restreinte, mais il est encore évident que chaque raffineur se sera ménagé d’avance cet élément indispensable
à son industrie. Il faut donc laisser aux approvisionne
ments le temps de s’écouler, car la demande ne se pro
duira évidemment qu’alors,
D’ailleurs, l’étendue du préjudice qu’on doit consi
dérer comme acquis et certain; est laissée à l’apprécia
tion souveraine des tribunaux. La solution quelle qu’elle
m — 15
�2!Ü6
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
soit, loin de violer le principe, n’en est que l’application
appropriée aux circonstances de chaque espèce.
A rt.
579.
Les syndics p o u r r o n t , avec l’approbation du
ju ge-com m issaire, adm ettre les dem andes en re
vendication ; s’il y a contestation , le tribunal
prononcera ap rès a v o ir entendu le juge-com m is
saire.
SOMMAIRE
1169.
Les dépens de l ’instance en revendication ne sont jamais
compris dans les frais que l’article 576 met à la charge
du revendiquant.
1170. Motifs de la faculté accordée aux syndics d’admettre les
demandes en revendication.
1171. L’exercice de cette faculté doit être autorisé par le jugecommissaire.
1172. L’acquiescement régulier des syndics empêche-t-il les
créanciers de contester individuellement la demande?
1173. Arrêt de la cour d’Aix qui consacre la négative.
1174. Malgré que dans cette hypothèse le demandeur revendi
quât lui-même les objets réclamés par le défendeur, il
faudrait appliquer la décision aux créanciers.
1175. En effet, la revendication est un véritable privilège.— Les
créanciers sont donc, quant à elle, régis par l ’article 551.
1175 bis. La revendication admise par les syndics aux termes de
l’article 579 est définitivement acquise, alors même
que la faillite serait rétractée.
H 6 9. — Les contestations relatives aux revendica
tions doivent être jugées par le tribunal de commerce,
sur le rapport du juge-commissaire ; les dépens de l’ins
tance sont à la charge de la partie qui succombe. Ils
n’entrent dans aucun cas dans la catégorie des frais que
l’article 576 oblige le revendiquant à supporter.
�ART.
579.
227
H 70. — L’obligalion de payer les dépens pourrait
être fort onéreuse pour la masse, et c’est pour prévenir
cette éventualité que le Code de commerce, et après lui
la loi nouvelle, ont accordé aux syndics le pouvoir d’ad
mettre les revendications qui leur paraîtront fondées.
1 1 7 1 . — Cette admission a été de tout temps sub
ordonnée à l’approbation du juge-commissaire. C’est
par conséquent à ce magistrat que la loi laisse l’appré
ciation de la demande. Elle l’en constitue juge, puisque
sans son approbation, la demande doit être déférée au
tribunal.
1172. — L’acquiescement régulier des syndics rendil les créanciers non recevables à contester personnelle
ment la revendication ?
1175. — La cour d’Àix a décidé la négative par ar
rêt du 11 janvier 1831, rendu dans l’espèce que voici :
Le sieur Cohen avait revendiqué vingt balles de coton
par lui vendues à un sieur Reboul, négociant à Smyrne, dont la faillite avait été déclarée. Cette revendication,
admise par les syndics avec l’approbation du juge-com
missaire, fut contestée par les sieurs Reynier et Cie, cré
anciers du sieur Reboul.
On soutint alors les sieurs Reynier non recevables ;
mais cette fin de non recevoir fut écartée par les motifs
suivants :
« Attendu que si les syndics de la faillite sont auto
risés par l’article 585 du Code de commerce, à exami
ner les demandes en revendication et à les admettre, il
résulte des dispositions de ce même article et de celles
�228
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
des articles 495 et 533 du même Code, que les créan
ciers peuvent, collectivement ou isolément, réclamer
contre le consentement des syndics, et s’opposer à la re
vendication
»
1174. — Mais, dans l’espèce jugée par la cour d’Àix,
le créancier qui contestait la revendication, prétendait à
un privilège sur les vingt balles de coton qui en fai
saient l’objet. Il avait donc un intérêt distinct de celui
de la masse. Or, en semblable occurence, les syndics
ne peuvent simultanément représenter l’un et l’autre.
L’arrêt fait donc une très juste application des principes.
Aurait-il décidé de même, s’il se fût agi d’un simple
chirographaire ? On peut prévoir l’affirmative ; car, s’il
est vrai que ceux-ci soient légalement représentés par
les syndics, il ne l’est pas moins qu’ils peuvent, non
seulement attaquer les actes de ceux-ci, mais encore
contester ce qu’ils ne contestent pas eux-mêmes. C’est ce
qui se réalise notamment dans le cas de l’article 551
pour les privilèges.
1 175. — Or, la revendication n’est, au fond, qu’un
privilège. Si donc les créanciers peuvent, pour ceux-ci,
agir lorsque les syndics se taisent, ils doivent le pouvoir
également pour celle-là, avec d’autant plus de raison
que les dépens de la contestation, si elle est injuste ou
mal fondée, resteront à la charge de celui qui l’aura per
sonnellement soutenue, ce qui empêchera les créanciers
d’abuser de la faculté qu’on doit leur reconnaître.
fl 1 7 5 bis, — La revendication admise par les syn3 D. P., 31, 2, 117.
�ART.
579.
229
dics, conformément à l’article 579, est définitivement
acquise. Devrait-elle cependant sortir A effet, si le juge
ment déclaratif de la faillite étant rétracté, le failli re
mis à la tête de ses affaires la contestait ?
La cour d’Aix décidait l’affirmative par arrêt du 6
janvier 1844 1. Dans cette espèce, l’arrêt qui avait ré
tracté la faillite avait déclaré maintenir toutes les opé
rations actives et passives des syndics, et cette déclara
tion 'contradictoirement intervenue entre ceux-ci et le
failli les liait également.
Devrait-on le décider ainsi, si le jugement ou l’arrêt
de rétractation ne contenait pas cette réserve ?
L’affirmative ne nous paraît pas douteuse. Le juge
ment déclaratif doit être exécuté provisoirement et mal
gré toute opposition. Les syndics ont donc forcément
droit et qualité pour discuter, vérifier les prétentions
que l’état de faillite fait surgir, et lorsque, avec l’appro
bation du juge-commissaire, ils ont admis une revendi
cation, ils ont réellement agi dans les limites du mandat
qu’ils avaient reçu de la justice.
La rétractation de la faillite met fin à ce mandat,
mais ne saurait, en fait, faire qu’il n’ait pas légalement
existé ; on ne comprendrait donc pas qu’elle pût annu
ler de piano tout ce qui a été régulièrement et légale
ment accompli dans la période du jugement déclaratif à
son retrait. Sans doute, l’erreur du juge est regrettable.
Mais, en définitive, il fallait que les affaires de celui à
qui leur administration était mal à propos enlevée, ne
1 D. P., 44, 2, 124.
�230
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
restassent pas abandonnées. On pourra, sans doute, dé
nier aux syndics la qualité de mandataire. Mais, trèscertainement ils auront été les negotiorum gestores du
commerçant.
D’ailleurs, ce qui est vrai contre le failli, est vrai en
sa faveur. Supposez qu’au moment où il rentre dans
l’administration de ses biens, la baisse des marchandi
ses eût rendu, pour le vendeur l’exécution du marché
plus avantageuse que la revendication, pourra-t-il; re
nonçant au bénéfice de celle-ci, contraindre l’acheteur à
prendre livraison et à payer le prix couvenu ? Non évi
demment ; et alors comment, en lui refusant le droit de
contraindre, le soumettrait-on dans l’hypothèse con
traire, à être contraint ?
La légalité et le sort des actes ne peuvent dépendre
de l’issue favorable ou onéreuse qu’ils peuvent entraî
ner. Valables dans un cas, et pour les uns, ils le sont
dans tous , et pour tous, et la cour d’Aix avait raison
d’observer que la transaction entre le vendeur et les
syndics, sauvegardant les droits de l’acheteur, là où le
vendeur aurait eu intérêt à l’attaquer, devait également
sauvegarder le vendeur contre les prétentions de l’ache
teur.
Nous croyons donc que le retrait de la faillite ne sau
rait compromettre le sort des actes accomplis par les
syndics, pendant la durée de leur administration ; que,
notamment, la revendication qu’ils auraient admise, aux
conditions de l’article 579, serait définitive et irrévoca
blement acquise en faveur et contre l’ancien failli. Sans
doute il est prudent, pour le juge qui rétracte la faillite,
�ART.
m
579.
de s’expliquer à cet égard. Mais le défaut de réserve, à
ce sujet, ne saurait créer aucun obstacle à un effet pui
sant son efficacité, non dans cette réserve, mais dans la
loi elle-même.
CHAPITRE XI
DES V O IE S
DE
RENDES
RECOURS
EN
CONTRE
M A T IÈ R E
DE
EES
JUGEM ENTS
F A IL L IT E *
A rt. 580.
Le jugem ent dé cla ra tif de la faillite, et celui qui
fixera à une date an térieu re l’époque de la cessa
tion de paiem ents, seront susceptibles d ’opposi
tion, de la p a rt du fa illi, dans la huitaine, et de la
part de toute au tre p artie intéressée, pendant un
mois. Ces délais co u rro n t à p a rtir des jo u rs où
les form alités de l’affiche et de l’in sertion énon
cées dans l’article 44% au ro n t été accomplies.
A rt. 581.
Aucune dem ande des créanciers tendant à fa ire
fixer la date de la cessation des paiem ents à une
époque au tre que celle q ui ré su lte ra it du ju g e
ment d éclaratif de faillite, ou d ’un jugem ent pos
térieur, ne sera recevable après l’expiration des
délais p o u r la vérification et l’ailirm ation des cré
ances. Ces délais expirés, l’époque de la cessation
de paiem ents de m eu rera irrévocablem en t déter
minée à l ’é g ard des créanciers.
SOMMAIRE
1176.
La création de ce chapitre spécial qui n ’existait pas sous
le Code, a pour but de simplifier l ’étude de la loi.
�232
4177.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Malgré qu'elle n ordonne pas la mise en cause des créan
ciers, ni du failli, la loi considère le jugement déclaratif
comme rendu par défaut, et admet chacun d’eux à y
former opposition.
1178. Le failli peut cependant seul en profiter pour demander
la rétractation de la faillite. — S’il garde sur ce point
le silence, les créanciers et les associés commanditaires
ne sauraient la poursuivre.
1179. — Intérêt des créanciers et des tiers à former opposition à
la disposition du jugement qui fixe le jour de l’ouverture.
1180. Le délai de l’opposition est de huit jours pour le failli, et
d’un mois pour les créanciers, à partir de l ’affiche et de
l ’insertion dans le journal.
1181. L’opposition du failli serait-elle recevable, si le jugement
déclaratif n’avait été rendu que sur sa déclaration et le
dépôt du bilan effectués par lui?
1182. Oui, si l ’un et l’autre n ’étaient que le résultat d’une er
reur démontrée. — Exemples.
1183. Non, si cette opposition n'était que la conséquence d’une
transaction entre lui et ses créanciers.
1184. La déchéance de l ’opposition n’est encourue que par l’ex
piration du délai, et jamais par l ’exécution que l ’oppo
sant aurait faite du jugement.
1185. L’expiration du délai est une fin de non recevoir absolue,
même contre l’opposition incidente, ou la tierce-opposi
tion.
1186. Les d ^ i s de l’article 580 sont insusceplibles d ’être aug
mentés de ceux des distances.
1187. Le failli, les créanciers et les tiers qui n’ont pas formé op
position peuvent se pourvoir par appel. — Dans quel
délai.
1188. Indépendamment de l’opposition et de l'appel, les créan
ciers peuvent demander par action principale que le jour
de l’ouverture soit reporté à une date plus reculée.
1188 bis. Le jngemenl qui repousse l’action d’un créancier en dé
claration de faillite, crée-t-il la chose jugée contre
�ART.
580, 581.
233
celle en report de l’ouverture formée par ce créancier
après que la faillite a été déclarée.
1189. Mais cette action est irrévocablement perdue, si elle n ’est
réalisée avant l’expiration des délais de la vérification.—
Les créanciers étrangers ne pourront donc jamais l ’e
xercer.
1189. bis. A quel moment expire le délai du report si le créan
cier dernier vérifié a affirmé de suite.
1189ter. Les créanciers sont-ils recevables à le demander, si la
demande des syndics a été repoussée ?
1190. La clôture du procès-verbal n’établit une fin de non rece
voir que contre les créanciers. — Conséquences pour le
droit que les tiers ont de former opposition contre toute
fixation nouvelle.
1191. Devrait être assimilé aux tiers, le créancier qui, par l’effet
du nouveau jugement, serait exposé à voir annuler l'in
scription qu’il aurait prise contre le failli.
1191 bis. Le créancier hypothécaire s’opposant au jugement de
report après l’expiration du délai, peut-il le faire re
culer à une date plus éloignée ?
1176.
— Ce chapitre n ’existait pas dans l’ancienne
législation. Le Code de commerce n’avait réglé que les
oppositions dont les jugements déclaratifs ou ceux qui
déterminaient l’époque de la cessation de paiements
étaient susceptibles. Il s’en référait, pour tous les autres,
au droit commun en pareille matière.
La loi nouvelle, mue par le désir d’accélérer la mar
che de la faillite, a fait subir à ce droit d’importantes
modifications. Au lieu de les disséminer dans ses dispo
sitions, elle a cru devoir les réunir dans un chapitre
spécial. On ne peut qu’applaudir à cette résolution qui
offre un véritable avantage sons le rapport de la mé
thode, et qui simplifie l’élude de la loi.
�t
234
1
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1177. — Le jugement qui déclare la faillite est con
sidéré par la loi, malgré que les créanciers ni le failli
ne doivent pas y être appelés, comme un véritable juge
ment par défaut : contre les créanciers, s’il est intervenu
sur la déclaration de cessation de paiements faite par le
failli ; contre le failli, s’il a été provoqué par un ou plu
sieurs créanciers ; enfin, contre les créanciers et le faili,
s’il a été rendu d’office par le tribunal. La conséquence
de ce caractère est que les uns et les autres peuvent,
selon le cas, l’attaquer par opposition.
1 1 7 8 . — Les motifs de cette opposition peuvent ne
pas être les mêmes chez les créanciers et chez le failli.
Ce dernier peut avoir à se plaindre de la déclaration de
faillite en elle-même, et prétendre la faire rétracter.
Cette faculté n’appartient qu’à lui seul ; il est certain,
en effet, que s’il acquiesçait à cette déclaration, les cré
anciers ne pourraient, sous aucun prétexte, être reçu à
la quereller.
Il en serait de même des associés commanditaires pour
la faillite du gérant. Il est certain, en effet, que les com
manditaires sont légalement représentés par le gérant
qui, seul, peut agir au nom et pour le compte de ses
coassociés. Il est donc impossible, lorsque ce gérant se
déclare lui-même en faillite ; ou lorsqu’il acquiesce au
jugement qui l’a ainsi décidé, que les commanditaires
puissent, eux étrangers à l’administration, venir en leur
nom soutenir qu’il n’y a pas cessation de paiements L
1 Ainsi jugé par le tribunal de commerce d'A ix en octobre 4838, dans
l’affaire Loubon. Ce jugement ne fut pas frappé d’appel.
V. Arrêt de Paris, 26 novembre 4839 ; D. P ., 40, 2, 486.
�ART.
580, 581.
235
1 1 7 9 . — Mais, le jugement qui déclare la faillite
doit, en même temps, fixer l’époque à laquelle doit re
monter la cessation de paiements, Cette détermination
est importante pour le failli dont la bonne foi pourrait
être soupçonnée à l’occasion des opérations qu’il a réa
lisées ; pour les créanciers dont la part contributive sera
d’autant plus forte, que les rapports à la masse seront
plus considérables ; pour les tiers qui ont traité avec le
failli, et qui seront exposés à opérer ces rapports et à
voir annuler les actes qu’ils auraient faits avec le failli.
Cette disposition du jugement soulève donc un triple
intérêt : celui du failli, celui des créanciers, celui des
tiers. Chacun d’eux a dès lors une action pour se défen
dre contre ses conséquences.C’est cette action que la loi
autorise en leur accordant la faculté de se pourvoir par
opposition.
11 8 0 . — L’article 580 fixe le délai dans lequel cette
opposition doit être réalisée. Nous avons vu que le jugegement qui déclare la faillite et celui qui aurait posté
rieurement changé l’époque de son ouverture, doivent
être rendus publics par l’affiche et l’insertion dans les
journaux. Cette publicité équivaut à une signification,
et met en demeure d’agir ceux qui auraient à le faire,
c’est à partir du jour de l’affiche, constatée par un pro
cès-verbal régulier, que le Code faisait partir ce délai.
La loi nouvelle prend pour point de départ l’affiche et
l’insertion. Elle exige l’accomplissement simultané de
ces deux formalités. Comme sous le Code, la preuve de
l’affiche ne saurait résulter de certificats plus ou moins
�236
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
explicites ; rien ne saurait remplacer le procès-verbal de
l’apposition des placards.
C’est donc à partir de l’accomplissement de celle de
ces formalités qui a été remplie la dernière, qu’il faut
faire courir le délai de l’opposition. Ce délai est de huit
jours pour le failli. Le failli est suffisamment averti de
l’existence du jugement par l’exécution immédiate des
mesures qui en résultent contre sa personne et ses biens.
Il est, d’autre part, beaucoup mieux que personne au
courant de ses propres affaires, et dès lors parfaitement
à même de juger, du premier coup d’œil, si le jugement
déclaratif fait une appréciation exacte de sa solvabilité
et de l’époque où la cessation de paiements s’est mani
festée. Dans une telle occurence , si le failli garde le si
lence pendant plus de huit jours, c’est qu’il acquiesce
au jugement.
1181.
— L’opposition du failli serait-elle recevable
si le jugement déclaratif n’avait été que la conséquence
du dépôt de son bilan et de la déclaration de cessation
de paiements faite par lui ?
I f 8 2 . — L’affirmative nous paraîtrait sans incon
vénient, si la conduite du failli n’était que le résultat de
l’erreur ou d’une fausse appréciation de sa position. La
preuve de cette erreur devrait entraîner la rétractation
de la déclaration et partant du jugement, alors surtout
qu’aucun créancier ne la contesterait.
II est même des cas où l’errenr pourrait être démon
trée par la réalisation de faits postérieurs au jugement.
Ainsi, un commerçant s’est cru obligé défaillir , parce
�ART.
580, 581.
237
que tel navire qui devait lui apporter des sommes im
portantes est présumé s’être perdu. Quelques jours après
le jugement déclaratif, qu’il a provoqué lui-même, ce
navire arrive, et avec lui des ressources plus que suffi
santes pour payer tous ses créanciers. Un autre s’est cru
ruiné, et dans cette persuation, il a déclaré la cessation
de paiements et déposé son bilan au greffe. Un jugement
le déclare en faillite, et en même temps il apprend qu’il
vient de recueillir une succession opulente qui le met
bien au-dessus de ses affaires. Dans l’un et l’autre cas,
si les délais de l’opposition ne sont pas expirés, il y au
rait une rigueur par trop excessive à leur en refuser le
bénéfice, et à maintenir une faillite désormais sans objet.
Au fond, la preuve de l’existence de ressources nou
velles et imprévues, devrait entraîner la rétractation du
jugement.
1 1 8 3 . — Mais, si l’opposition du failli n’avait pour
base qu’un accord intervenu entre ses créanciers et lui,
cette opposition serait non recevable. La loi sur les fail
lites est d’ordre public; on ne saurait donc permettre
qu’il y fût dérogé par des conventions particulières 1;
de plus, l’article S07 prohibe tout accord de cette na
ture.
1 Ï8 4 . — Le délai pour les créanciers et les tiers
est d’un mois. Faute par eux de l’utiliser, ils sont dé
chus de la faculté que la loi leur accorde. Mais celte dé
chéance ne peut résulter que de l’expiration du délai.
Ainsi, peu importerait que le créancier opposant se fût
1 Rouen, 4 janvier 1839 ; D. P , 39, 2, 112.
�238
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
présenté aux syndics, qu’il eût coopéré aux diverses for
malités de la faillite ; il n’y a jamais dans ces faits exé
cution du jugement au chef qui détermine l’époque de
l’ouverture de la faillite. La seule fin de non-recevoir
capable de faire écarter l’opposition est, nous le répé
tons, de ne pas l’avoir formée dans le mois de l’inser
tion et de l’affiche.
1185.
— Cette fin de non-recevoir s’applique à
toute partie intéressée. La généralité de ces termes tran
che une question fort controversée sous l’empire du
Code, celle de savoir si le tiers, contre lequel on de
mandait la nullité d’une opération ou d’un acte, passé
après l’époque fixée par le jugement à la cessation de
paiements, pouvait former tierce-opposition à ce juge
ment? Quelle qu’ait pu être la solution qu’il fallait adop
ter sous le Code, il est certain que la négative est seule
aujourd’hui admissible. Les articles 474 et 475 du Code
de procédure civile, régissant les tierces-oppositions en
matière ordinaire, restent inapplicables aux matières
commerciales, surtout lorsque la loi spéciale a réglé l’ac
tion des tiers et le délai dans lequel elle doit être exercée.
De plus, la tierce opposition régie par les articles 474
et 475 du Code de procédure, suppose que le jugement
dont on excipe contre le tiers lui est resté inconnu. Son
droit à le faire rétracter ne naît que lorsqu’on le lui
oppose et qu’on veut en tirer avantage contre lui. Dans
la faillite, au contraire, le jugement déclaratif, celui qui
reporte le jour de la cessation, sont publiés, et partant
connus de tous. Le tiers dont ils compromettent les in
térêts ne peut ignorer les conséquences qu’ils doivent
�ART.
580, 581.
239
entraîner pour les actes dont la date serait postérieure
à celle de l’ouverture. Il ne doit pas balancer à l’atta
quer, puisque la loi lui reconnaît le droit de le faire. Que
s’il s’est abstenu, c’est avec connaissance de cause qu’il
a agi ; il n ’aura donc à se plaindre que de sa propre
négligence, si, plus tard voulant le réaliser, on le dé
clare non recevable.
1186
.
— Les délais fixés par l’article 580 sont de
rigueur. Ils ne sont susceptibles d’aucune augmentation
à raison des distances. Ils obligent, en conséquence, les
tiers, quels qu’ils soient, les créanciers présents ou ab
sents, les créanciers domiciliés hors France, comme ceux
qui habitent le territoire. Les premiers ne pourraient
donc, par le motif qu’ils n’ont pu connaître plus tôt
l’existence du jugement, le quereller après l’expiration
du mois. La nécessité de ne pas laisser éternellement
l’état de la faillite en suspens, les a fait exclure du droit
d’opposition, comme des délibérations sur le concordat.
Sur un point comme sur l’autre, l’identité d’intérêt des
créanciers présents donne l’assurance que rien ne sera
négligé.
1 1 8 7 . — Le failli et les autres parties intéressées
qui n’ont pas formé opposition, au jugement, seront-ils
recevables à se pourvoir par appel? Après quelques
hésitations, l’affirmative avait été adoptée, sous le Code,
par la jurisprudence. On avait bientôt senti que la fa
culté d’appel étant de droit commun, ne saurait être
prohibée que si la loi spéciale contenait une déroga
tion expresse. Or, il n’existait dans le Code aucune dis-
�240
DES FAILLITES F.T BANQUEROUTES
position dont on pût faire résulter une pareille déro
gation.
Depuis la loi nouvelle, ces considérations ont reçu une
plus forte autorité, et cette solution est devertue incon
testable. D’abord, parce que les chambres ont écarté une
disposition du projet du gouvernement qui privait du
droit d’appeler, des jugements par défaut, les parties qui
n’avaient pas formé opposition ; ensuite, parce que l’ar
ticle 583 énumérant les jugements contre lesquels il
n’existera aucun recours, ne comprend, dans aucune de
ses catégories, ceux qui déclarent la faillite, ou qui en
fixent ultérieurement l’ouverture.
Aussi a-t-il été décidé que, non seulement on peut
appeler des uns et des autres, mais encore que chaque
créancier lésé, par la fixation du jour de la cessation de
paiements, peut intervenir individuellement sur l’appel
émis par les syndics, le failli ou tout autre créancier K
Ainsi, le droit de se pourvoir par appel appartient à
tous ceux qui ont celui de former opposition. Aux ter
mes de l’article 582, cet appel devra être réalisé dans
la quinzaine de l’expiration du délai de l’opposition.
1188.
— Ces deux voies sont les seules ouvertes au
failli et aux tiers. Mais les créanciers en ont une troi
sième, celle de demander, par action principale, que la
date de l’ouverture soit reportée à une époque autre que
celle fixée par les jugements qui ont déjà statué.
Il est, en effet, de principe, que les jugements qui dé
cident de celte fixation restent essentiellement provisoii Paris, 13 février 1841 ; D. P., 41, 2, 138.
�art.
n\
580, 581.
res. La nécessité de les rétracter pouvant surgir des opé
rations de la liquidation , cette nécessité chaque créan
cier a le droit de s’en prévaloir. Il est donc recevable à
la justifier.
1 1 8 8 bis — Le créancier qui ayant poursuivi la
mise en faillite de son débiteur, a vu son action repous
sée, peut-il après la déclaration de faillite de ce débiteur
demander que l’ouverture en soit reportée à une époque
antérieure ou contemporaine du jugement qui a repoussé
sa première demande ? Ce jugement constitue-t-il la
chose jugée sur la solvabilité du débiteur, et a-t-il exclu
toute possibilité du report de la faillite à sa date ?
Ces questions ont été soumises à la cour de Montpel
lier, dans l’espèce suivante :
Le sieur Malan, négociant à Pau, est par un jugement
de défaut déclaré créancier de Bourdiol , négociant à
Béziers. Celui-ci ne le payant pas, Malan l’ajourne de
vant le tribunal de commerce de Béziers pour le faire
déclarer en état de faillite, malgré qu’il eût formé op
position au jugement de défaut.
Le 21 juin 1860, jugement qui repousse la demande:
« Attendu que le jugement de défaut dont se prévaut
Malan a été frappé, d’opposition , et qu’il ne constitue
pas un titre définitif ; qu’il importe peu que ce juge
ment ait été déclaré exécutoire nonobstant opposition ;
qu’il suffit au tribunal de constater que Bourdiol n’est
pas hors d’état de faire face à ses engagements, dès que
son refus de payer provisoirement entre les mains de
Malan vient plutôt de la résistance par lui opposée à la
prétention de son adversaire que de l’impossibilité de
n i — 16
�242
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
l’acquitter ; qu’il est constant, en effet, que dans ces
derniers temps Bourdiol a désintéressé tous ses créan
ciers, et que le sieur Malan est le seul avec qui il ait en
core des difficultés et révisions. »
Malan fait postérieurement débouter Bourdiol de son
opposition. Il acquiert ainsi définitivement la qualité de
créancier. Mais en décembre suivant, Bourdiol dépose
son bilan, et est en conséquence déclaré en faillite dont
l’ouverture est fixée au mois de juillet précédent.
Malan demande alors que cette ouverture soit reportée
au mois de juillet 1859 , ou tout au moins en avril
1860. Le jugement du 21 juin, lui répond-on, a déclaré
que Bourdiol n’avait pas cessé ses paiements à cette épo
que , et à plus forte raison avant. Il y a donc contre
vous chose jugée qui s’oppose au report que vous solli
citez.
Le tribunal de Béziers ayant accueilli l’exception, Ma
lan se pourvut par appel devant la cour de Montpellier.
Consulté dans son intérêt, nous avons été d’avis que
le jugement devait être réformé, parce qu’il avait donné
à celui du 21 juin un caractère et une autorité qu’il ne
comportait ni en droit ni en fait.
Le tribunal de commerce appelé à prononcer une
mise en faillite a moins à se préoccuper du fait dont on
induit son existence, que de ses caracières, que des cir
constances dans lesquelles il s’est produit,
Il lui serait impossible de nier et de méconnaître le
défaut de paiement. Il résultera, en effet, soit d’un pro
têt, soit de la certitude que le créancier poursuivant n’a
pas été payé.
�ART.
680, 581.
243
Mais si ce défaut de paiement s’étaye sur des motifs
plus ou moins plausibles, s’il est prétendu n’être que la
conséquence d’un droit, pourrait-on le considérer com
me constituant la faillite ?
C’est donc sur ce point que se portera l’attention du
juge. Placé en présence d’allégations contradictoires, il
n’a à consulter que les apparences, dont il ne pourra
contrôler l’exactitude. Si je n’ai pas payé, dira le débi
teur, c’est que je ne dois rien. Dans le cas contraire, je
me serais acquitté, comme je l’ai fait pour tous mes au
tres créanciers.
La preuve contraire pourra-telle être rapportée par le
poursuivant ? Elle résulterait des livres et écritures du
débiteur ; mais la faillite seule permettrait de les exami
ner, et l’on comprend que, dans ces circonstances, le ju
ge recule devant une mesure qui doit avoir des consé
quences si funestes pour celui qui en serait l’objet.
Qu’on puisse se prévaloir de ce refus tant qu’on se
trouvera dans les mêmes circonstances, on le comprend;
mais peut-il exister une modification plus grave, un
changement plus radical que la déclaration judiciaire de
la faillite du débiteur? Comment, dès lors, prétendre que
les droits qui en résultent pour chaque créancier aient
pu être perdus avant même qu'ils aient pu être exercés.
Or, le plus important, le plus précieux de ces droits
est celui de faire reporter la date de la faillite au mo
ment précis de son ouverture. Son exercice, en effet,
est seul dans le cas de faire respecter cette égalité si im
périeusement prescrite par la loi.
En effet, les livres et écritures du failli d’aujourd’hui
�244
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
prouveront que le refus de paiement du débiteur d’hier
tenait uniquement à une insolvabilité profonde et incu
rable; que les paiements prétendus faits aux autres cré
anciers, ne l’ont été qu’au détriment de l’actif et contre
les prohibitions de la loi ; peut-être même que l’exis
tence commerciale du débiteur n’a été prolongée que
pour soustraire à l’effet de ces prohibitions les nantis
sements et les hypothèques illégalement acceptés et con
sentis.
Et l’on voudrait que la justice se fût déclarée ellemême impuissante à réprimer ces fraudes, parce qu’en
traînée par d’audacieux mensonges, par de coupables
réticences, elle aurait refusé de déclarer plus tôt la fail
lite qu’elle a déclaré plus tard 1 Car, qu’on ne s’y trompe
pas, si la chose jugée est opposable au créancier dont
l’action a été repoussée, elle le sera à la masse ellemême. Tant que le débiteur est à la tête de ses affaires,
il représente légalement ses créanciers. Les jugements
obtenus par ou contre lui, leur profitent ou leur nuisent.
Objectera-t-on que la masse agissant en vertu de l’ar
ticle 1167 du Code civil, fera annuler tout ce qui aura
été fait en fraude de ses droits? Mais si cette faculté
appariient à la masse, elle appartient évidemment à
toutes et à chacune des individualités qui la composent.
Puis, si exerçant son droit, la masse a obtenu le rap
port des sommes illégalement et frauduleusement sorties
de l’actif, exclura-t-on de la distribution tel ou tel de
ses membres ; fera-t-on des catégories de créanciers, les
uns ayant droit à l’actif depuis cette époque, les autres
depuis telle autre seulement.
�art.
580, 581.
245
On ne peut donc pas confondre l’action en déclara
tion de faillite, de celle en report de son ouverture. Le
créancier ne cherche, dans la première, que l’occasion
et le moyen d’exercer le droit qu’il fait valoir par la se
conde. La chose jugée sur l’une, ne l’est pas sur l’autre.
Car, déclarer qu’un droit n’est pas ouvert, ce n’est pas
'3n dénier l’existence, ni en rendre l’exercice impossible,
lorsque sa mise en mouvement résultera de l’existence
de la faillite judiciairement constatée.
Il n’y a donc pas identité dans la chose demandée.
Nous pourrions ajouter qu’il n’y a pas les mêmes par
ties. L’action en déclaration de faillite est poursuivie
contre le débiteur personnellement, et c’est lui qui est le
principal intéressé. Celle en report est surtout dirigée
contre les créanciers dont les droits se trouveront infir
més. Raison de plus pour repousser l’exception de chose
jugée.
C’est, au reste, ce que la doctrine et la jurisprudence
ont implicitement consacré. Ainsi, il est unanimement
acquis que l’existence d’un protêt alors isolé, peut moti
ver le refus de la déclaration de faillite. Mais on s’accorde
non moins unanimement à reconnaître que, la faillite
postérieurement ouverte , le juge pourra en reporter la
date au jour de ce protêt dont il n’avait d’abord tenu
aucun compte. Pourquoi en serait-il autrement dans
toute autre hypothèse analogue ? Le maintien et le res
pect du principe d’égalité ne militent-ils pas avec une
force égale dans un cas comme dans l’autre.
La doctrine contraire donnant à un jugement l’effet
d’avoir prononcé souverainement sur un droit qui n ’é-
�546
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tait pas même né au moment où il a été rendu, est donc
condamnée non seulement par le texte et l’esprit de la
loi, mais encore par la raison et la logique.
La nécessité de la repousser devient bien plus évi
dente encore, lorsque, comme dans l’espèce soumise à
la cour de Montpellier, la demande en déclaration de
faillite n’a été rejetée que pour défaut de qualité chez
son auteur.
Au 21 juin, Malan se prétendait créancier. Mais le
titre dont il se prévalait était encore incertain en l’état
de l’opposition qu’y avait formée le débiteur. Qu’impor
tait que le jugement de défaut eût été déclaré exécutoire
nonobstant opposition. Cela pouvait-il donner la certi
tude qu’il serait maintenu, que l’opposition serait reje
tée ? et si elle venait à être accueillie, empêcher que Ma
lan n’eût jamais été créancier.
En cet état, le tribunal pouvait repousser sa demande
de mise en faillite. Il le devait même, car le défaut de
paiement dont il se plaignait ne pouvait constituer une
cessation, que si l’obligation était certaine et acquise.
Le jugement du 21 juin, en statuant en cet état des
choses, ne se liait ni sur l’existence de la cessation de
paiements, ni sur la qualité de créancier. Il les subor
donnait l’une et l’autre au sort de l’opposition réguliè
rement faite au jugement de défaut. En rejetant la fail
lite à cause de l’incertitude de la qualité et du droit de
celui qui en poursuivait la déclaration, il indiquait hau
tement que, sans celte incertitude, il eût disposé en sens
contraire.
Malan, devenu définitivement créancier et n’étant pas
�»
art.
580, 581.
247
payé, aurait pu de nouveau poursuivre la mise en fail
lite de son débiteur. Nul ne se serait imaginé de lui op
poser le jugement du 21 juin, comme fin de non rece
voir faisant obstacle à l’exercice de son droit à ce sujet.
Or, le droit de poursuivre la faillite a pour corollaire
obligé celui d’en faire reporter la date. Là est surtout
l’intérêt des créanciers, puisque ce n’est que là qu’ils
puiseront le moyen de faire rapporter à la masse tout ce
qui en a été illégalement ou frauduleusement distrait.
L’exception de chose jugée qu’on n’oserait opposer à
l’action en déclaration de faillite n’est donc pas oppo
sable à celle en report, à moins qu’en consacrant le prin
cipe on veuille en interdire les conséquences.
La justice éclairée de la cour de Montpellier ne s’est
pas laissée égarer. Par arrêt du 30 août 1861, le juge
ment a été infirmé et l’exception de chose jugée repous
sée. Nous transcrivons cet arrêt, d’abord et surtout pour
la valeur juridique de ses motifs, ensuite parce qu’au
moment où nous écrivons, il n’a pu encore trouver place
dans aucun de nos recueils :
« Sur l’exception de la chose jugée prise de ce que,
déboulé le 20 juin 1860, de sa demande en déclaration
de faillite, Malan ne serait pas recevable à demander le
report de la faillite postérieurement ouverte et déclarée;
» Attendu que par la faillite judiciairement déclarée,
s’établit pour les créanciers du failli par rapport à celuici, une situation toute nouvelle d’où dérivent, en même
temps que certaines obligations, des droits indépendants
de leur situation primitive ;
» Qu’à ce moment, les intérêts antérieurement indi-
�248
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
viduels et séparés deviennént collectifs et communs en
tout ce qui touche la détermination et la conservation
de leur gage, en sorte que les actes conservatoires éma
nés de l’un d’eux, ou ceux qui par son fait ont pour
résultat d’augmenter la masse active, profitent à tous les
autres ;
» Que parmi les droits issus de l’ouverture de la fail
lite se range celui de demander dans le délai légal, le
report à une date autre que celle résultant du jugement
déclaratif, droit consacré par l’article 581 du Code de
commerce , et à l’exercice duquel ne sauraient nuire les
décisions intervenues avant qu’il fût né ;
» Attendu que, sous ce premier point de vue, l’auto
rité de la chose jugée ne s’attache pas, en ce qui con
cerne Malan, au jugement du 21 juin 1860 qui le dé
boutait alors de sa demande en déclaration de faillite ;
que le jugement postérieur du 27 décembre, par lequel
la faillite a été déclarée, est acquis à tous les créanciers
dont il fait la loi de ce chef, et par suite à Malan luimême qui va s’en prévaloir et s’y soumettre pour l’af
firmation et le règlement de sa créance ;
» Qu’il faudrait pourtant dire, si la première de ces
deux décisions le liait par la force de la chose jugée, que
la faillite n’existerait pas à son égard, et que ses droits
individuels n’auraient pas été affectés par la seconde ;
» Attendu que le principe de l’égalité entre les cré
anciers serait encore blessé si l’un d’eux, à l’abri de
l’exception de chose jugée et usant du droit conféré par
l’article 581, obtenait le report à une date antérieure ;
qu’il faudrait alors faire à Malan une position à part, à
�ART.
580, 581.
249
cause du jugement de 1860, et former deux masses de
l’actif, l’une pour lui diminuée de tout ce dont aurait pu
l’accroître le résultat du report, l’autre pour les autres
créanciers venant seuls prendre part à la masse générale;
» Attendu qu’il est incontestable, au contraire, que
le jugement de report ainsi obtenu profiterait à Malan
comme aux autres, nonobstant le débouté de sa deman
de antérieure ; que dans ce cas, dès lors, le jugement
du-21 juillet 1860 aurait cessé d’agir et d’être opposa
ble à Malan sur le nouveau terrain où l’a placé la dé
claration de faillite ;
» Qu’il y a même raison de décider, pour le cas de
la cause, l’exception de chose jugée étant, quand elle est
fondée, absolue et indépendante du mode de l’action
qui la fait surgir ;
» Attendu que telles sont, au surplus, les conséquen
ces de la nature spéciale des décisions en matière de
faillite, que leur caractère essentiel, dont témoignent les
dispositions de l’article 581 précité, est de ne statuer
que provisoirement et en l’état des faits acquis quant à
la date de l’ouverture de la faillite, cette date devant être
déterminée par des circonstances qui n ’apparaissent com
plètes et appréciables dans leur ensemble que par l’in
vestigation ultérieure des écritures commerciales ;
» Attendu qu’un jugement qui repousse l’initiative
d’un créancier sur le fondement qu’il n ’y a pas lieu à
déclaration de faillite, bien qu’il n’intervienne pas dans
le cadre tracé par l’article 581 n’en est pas moins re
vêtu du même caractère et soumis à la même règle ; que
la jurisprudence a assimilé les deux cas, quant aux dé-
�550
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
lais d’appel fixés par l’article 582 du même Code, et
que l’assimilation est plus saisissante encore quant à la
nature de la décision ; que réduit à ces effets isolés et
aux preuves qu’il n’a pu puiser à leur meilleure sour
ce, le demandeur ne peut présenter à ses juges qu’un ta
bleau incomplet de la situation de son débiteur ; que
les juges à leur tour ne doivent accueillir qu’avec une
extrême réserve une demande qui tend à frapper d’un
discrédit subit le commerçant assigné ; mais qu’en ve
nant justifier ou du moins rendre plausibles les craintes
du créancier, la déclaration de faillite leur fournit, en
outre, les moyens d’apprécier les conséquences juridi
ques à déduire des faits de cessation de paiement précé
demment allégués par le demandeur ;
» Attendu que ces considérations, en droit, acquiè
rent une nouvelle valeur en présence des faits du pro
cès, que le principal motif du débouté de Malan, en juin
1860, était pris de ce qu’il ne justifiait pas même de sa
qualité de.créancier ; que son titre n’avait alors en effet
que le caractère d’une simple prétention appuyée sur
une demande judiciaire non encore définitivement vidée;
qu’un jugement définitif obtenu depuis lors et avant mê
me le jugement dont est appel, consacrant cette préten
tion et réagissant à la date de la demande, est venu ren
dre aussi opportune qu’elle est juridiquement admissi
ble la révision de la situation commerciale du débiteur;
» Attendu, sous un autre rapport et au point de vue
du droit commun, qu’ici ne se rencontre pas l’une des
conditions prescrites par l’article 1351 du Code civil, pour
constituer la chose jugée, l’identité de la chose demandée;
�ART.
580, 58t.
254
» Que la première demande procédait de l’article 437
du Code de commerce, et avait pour objet unique la dé
claration de la faillite ; que la seconde prenant sa source
dans l’article 581 du même Code, et se produisant quand
l’objet de la première avait été rempli par une autre
voie, ne s’applique qu’à la délermination de la date de
l’état de faillite, et a pour objet réel, sous forme d’une
demande de report, la composition et la consistance de
la masse active à distribuer entre tous les créanciers,
deux objets essentiellement distincts qui se lient sans
doute, dans l’ordre successif, comme préalable l’un à
l’autre, mais qui se séparent par le résultat qu’on s’y
promet, ou, selon le langage de la doctrine, par la cau
se prochaine de l’action ;
» Que s’ils semblent néanmoins se confondre, en ce
sens que pour l’un et pour l’autre la question se résume
dans la fixation de l’époque où les paiements ont cessé,
l’identité de la question soumise aux juges ne constitue
pas la chose jugée quand, comme dans l’espèce, l’intérêt
et les conséquences de sa solution sont divers et que la
décision à rendre n’est pas nécessairement impliquée
dans la décision précédemment rendue. »
1 1 8 9 . — Mais ce droit est irrévocablement perdu,
s’il n’a été réalisé avant l’expiration des délais pour la
vérification et affirmation. On ne doit pas entendre par
ces expressions que, par cela seul qu’un créancier a fait
vérifier et affirmer sa créance, il s’est rendu non rece
vable à demander le report de la date de la faillite. Il
n’y a de fin de non recevoir, que lorsque la vérification
des créances est clôturée. L’action dure donc jusqu’à
�252
DUS FAILLITES ET BANQUEROUTES
l’expiration du délai de huitaine, accordé au dernier
créancier vérifié pour faire l’affirmation L
Il suit de là que les créanciers étrangers qui ont un
délai spécial pour se présenter à la vérification, ne pour
ront, en réalité, jamais jouir du droit que la loi donne
aux créanciers. Mais, nous l’avons déjà dit, la force des
choses amenait à cette conséquence. Réciproquement,
les créanciers domiciliés en France ne pourraient pas
exciper des délais accordés aux étrangers, pour préten
dre que ceux de la vérification n’étant pas expirés, ils
peuvent demander une fixation nouvelle. L’intention de
la loi a été de rendre à tout jamais stable l’état de la
faillite au moment où l’on va délibérer sur le concordat.
Or, la non échéance des délais accordés aux créanciers
étrangers, n’empêchant pas qu’il soit passé outre à cette
délibération, n’influe en rien sur un droit que la loi
n ’admet qu’à la condition qu’il sera réalisé avant cette
même délibération.
La clôture du procès-verbal des vérifications des cré
anciers qui ont produit leurs titres rend donc non re
cevable toute demande en fixation nouvelle de l’époque
de la faillite. Le jour de l’ouverture est irrévocablement
déterminé par les jugements qui ont eu déjà à statuer,
et à défaut de jour indiqué, à partir de celui du juge
ment déclaratif3.
i l 8 9 bis. — Le report de la date de la faillite que
les créanciers peuvent solliciter, peut également être pro1 Limoges, 9 décembre 1840 ; D. P ., 41, 2 ,1 5 6 .
ï Voy. supra article 441.
�ART.
580, 581.
253
noncé d’office par le tribunal sur le rapport du jugecommissaire. Ce droit répond aux inconvénients que
l’article 581 serait dans le cas d’offrir, lorsque l’inaction
des parties intéressées serait le résultat de l'ignorance ou
d’un empêchement quelconque.
Mais le désir de ne pas laisser perpétuellement dans
l’incertitude la position des parties, commandait de
prendre contre ce droit les précautions imposées aux
créanciers. Son exercice est soumis aux mêmes condi
tions. L’expiration des délais de la vérification et de
l’affirmation lui crée un obstacle invincible. Cette expi
ration, nous venons de le dire, met un terme fatal à l’ac
tion des créanciers. Elle produit un effet analogue sur la
faculté du tribunal d’agir spontanément et d’office.
A quel moment se réalise l’expiration des délais ? Estce le jour où l’affirmation a été prêtée , ou bien seule
ment huit jours après le procès-verbal de vérification et
d’admission ?
Par exemple, si le créancier dernier vérifié affirme sa
créance au moment même de la vérification, la faculté
de requérir ou de prononcer le report, est-elle désor
mais éteinte ?
Le texte et l’esprit de la loi protestent contre l’affir
mative, et la repoussent énergiquement.
Le texte, car l’article 581 ne dit pas que l’action sera
irrecevable après la vérification et l’affirmation, ce qu'il
n’aurait pas manqué de faire, s’il avait entendu atta
cher la fin de non recevoir à l’accomplissement matériel
de celle-ci.
Donc, en ne la faisant résulter que de l’expiration des
�254.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
délais, le législateur a expressément réservé aux ayants
droit les huit jours qu’il a donné comme limite à l’affir
mation. Sans doute, le créancier admis peut devancer
ce délai et affirmer de suite après l’admission. Mais ce
fait purement personnel, étranger au^autres créanciers,
au tribunal, ne saurait leur arracher un droit garanti par
la loi, tant que ces huit jours ne sont pas expirés.
On peut d’autant moins le décider autrement, que ce
serait méconnaître l’esprit de la loi, et repousser le but
qu’elle s’est proposée. L’expérience du législateur lui
enseignait, ce qui d’ailleurs était une vérité pour tout
le monde, que la position réelle des choses ne sera net
tement appréciée que le jour où toutes les vérifications
étant accomplies, où toutes les prétentions s’étant pro
duites, on pourra connaître le nombre et l’importance
des créances, leur nature et leur origine.
On pouvait, on devait prévoir que de cet examen se
rait dans le cas de surgir la nécessité de modifier les ré
sultats déjà acquis, de reporter la faillite à sa date vraie,
de replacer certains créanciers dans la position qu’ils
avaient essayé de répudier ; en un mot, de faire régner
cette égalité vers laquelle le législateur a dirigé tous ses
efforts, qu’il appelle de tous ses vœux.
Ce point de vue admis, il fallait bien donner à ces
exigences le moyen de se produire, c’est-à-dire un temps
reconnu suffisant pour examiner et agir. C’est ce que
l’article 581 a entendu et voulu faire ; c’est ce qu’il a
fait. Certes, on ne saurait l’accuser de prodigalité, dans
la détermination du délai. Mais si une prompte expédi
tion, si désirable en matière de faillite, lui a fait limiter
�art.
580, 581.
255
ce délai à huit jours, tout au moins doit-on refuser de
croire et d’admettre qu’il ait abandonné la concession
de ce délai à la discrétion de la partie intéressée.
C’est ce qui arriverait infailliblement dans le système
que nous combattons. On comprend que plus un cré
ancier aurait à craindre les effets d’une contestation,
plus il mettrait ses soins à en prévenir l’événement, à
le rendre impossible. Il se présenterâil donc le dernier
à la vérification, et celle-ci obtenue sur les apparences
de sincérité qu’il aurait donnéès à sa créance, il prêterait
immédiatement son affirmation ; il assurerait ainsi le
triomphe de sa dissimulation et de sa ruse.
Il n’y a donc pas à hésiter sur le sens réel de l’arti
cle 581. Il accorde aux créanciers, pour former la de
mande en report, et par conséquent au tribunal pour le
prononcer d ’office, un délai composé de deux délais suc
cessifs : celui de la vérification, déterminé par les arti
cles 492 et 493, et celui de l’affirmation fixé par l’ar
ticle 497 à huitaine à partir de la vérification. Ce n ’est
donc qu’après l’expiration de cette huitaine, que l’action
est éteinte.
La cour d ’Agen l’ayant ainsi jugé le 6 août 1858,
son arrêt fut déféré à la cour suprême. On lui repro
chait d’avoir faussement appliqué l’article 441, et violé
l’article 581. On soutenait que, lorsque le procès-ver
bal porte clôture de la vérification et de l’affirmation de
toutes les créances, on ne saurait prétendre faire repor
ter l’ouverture de la faillite ; qu’il est par trop clair
qu’il n’y a plus de délai pour l’affirmation, quand déjà
elle a été régulièrement faite.
�256
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
La cour régulatrice n’hésita pas à repousser ce sys
tème. Elle déclara, en droit, que l’article 581 accorde
un délai de huit jours depuis la vérification ; qu’il im
porte peu que les créanciers n’aient pas usé, ou n ’aient
usé qu’incomplètement de la huitaine qui leur est ac
cordée pour affirmer leurs créances ; que si, par leur
fait, ils peuvent renoncer à ce délai ou l’abréger, cette
circonstance ne saurait influer sur la durée légale des
délais accordés pour le report de la faillite, ces délais
devant rester fixes et immuables dans l’intérêt de la
masse ; qu’auirement la déchéance du droit ouvert par
l’article 581, pourrait être encourue au moment même
où la nécessité de l’exercer serait révélée.
En conséquence et par arrêt du 8 mai 1860, elle re
jette le pourvoi1.
1 1 8 9 ter. — L’article 581 consacre expressément le
droit individuel des créanciers à poursuivre le report de
la faillite. L’exercice de ce droit par chacun d’eux est
insusceptible de doute. Le jugement rendu sur la de
mande de l’un ne créerait pas l’autorité de la chose ju
gée et ne pourrait être opposé à l’action d’un autre.
Qu’en serait-il de celui rendu entre les syndics et un
créancier demandant le maintien de la date de la fail
lite ? La décision accordant ce maintien s’opposerait-elle
à toute action ultérieure en report de la part des créan
ciers personnellement ?
Si la décision intervenue avec un créancier ne lie pas
l’autre, c’est que l’identité des parties ne se joint pas à
1 J. d u P ., 1860, 998 ; conf. Metz, 31 janvier 1860; ibitl., p. 892,
�ART.
580, 581.
257
l’iclenlilé de chose et de cause, et que c’est leur réunion
qui seule fonde l’autorité de la chose jugée. Il n ’en est
plus ainsi dans l’hypothèse d’une action intentée par les
syndics.
Ceux-ci, en effet, s’ils représentent le failli, repré
sentent également la masse , et c’est en cette dernière
qualité qu’ils agissent exclusivement dans les actions en
report de la faillite.
Nous retrouvons donc ici tous les caractères constitu
tifs de la chose jugée : la demande est la même; Elle
est fondée sur la même cause, elle s’agite entre les mê
mes parties. Peu importe , en effet, que le demandeur
actuel n’ait pas figuré en nom personnel dans la précé
dente instance ; il y a été représenté par son mandataire
légal. Le profit d’un jugement favorable aux syndics lui
eût appartenu incontestablement. Comment donc seraitil admis à récuser l’autorité de celui qui a été rendu en
sens contraire.
Il est vrai que les jugements statuant sur l’ouverture
de la faillite ont un caractère essentiellement provisoire,
et qu’on pourrait soutenir que le rejet du report est
plutôt un déboutement en l’é ta l, qu’une sentence défi
nitive. Mais ce principe est subordonné , quant à l’ap
plication, ù une distinction essentielle.
Ou le jugement de rejet a été rendu sur requête et
ncmine contradicente , ou contradictoirement avec le
créancier dont le report compromettait les droits.
Dans le premier c a s , la décision est plutôt un acte
d’administration qu’un véritable jugement ; il ne porte
réellement profit pour personne , puisqu’il n’y a pas
in — 17
�2158
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
même eu de défendeur. Comment donc celui qui sera
appelé dans la seconde instance établira-t-il l’identité
des parties. Excipera-t-il de la présence des syndics ?
Mais dès que son intérêt était opposé à celui de la masse,
il n’était plus représenté par eux. D’ailleurs, loin de
gagner, les syndics ont perdu leur procès. Il aurait
donc été condamné avec eux, s’ils avaient été ses repré
sentants, et il ne pourrait retirer aucun avantage de
cette condamnation.
Dans le second cas, au contraire, la sentence est un
véritable jugement, soit que le créancier intéressé ait
été directement cité en report, soit qu’ayant formé op
position au jugement qui l’a prononcé, il ait ajourné
les syndics pour voir statuer sur cette opposition.
Le créancier qui repousse le report n’a qu’un but,
celui d’assurer le sort de sa créance, de la préserver de
l’atteinte dont elle est menacée. Il y a donc au procès
deux intérêts distincts entre lesquels le juge est appelé
à prononcer. Si le report est admis, tous les créanciers
sont appelés à en recueillir le profit. Le créancier suc
combant ne serait ni recevable ni fondé à le contester à
l’un ou à plusieurs d’entre eux personnellement.
Pourquoi donc ceux-ci seraient-ils recevables et fon
dés à lui contester le profit du jugement favorable qu’il
a obtenu ? Est-ce qu’ils ne sont représentés par les syn
dics qu’à la condition qu’ils gagneront leur procès ?
Nous n’avons pas besoin de relever l’étrangeté de ces
prétentions condamnées par la raison avant même de
l ’être par le droit. Celui qui plaide avec les syndics,
plaide avec la masse, c’est-à-dire avec tous et chacun
�ART. 580, 581.
259
des membres qui la composent. La perte de son pro
cès l’oblige envers eux. Le gain doit lui profiter contre
eux. On ne saurait admettre qu’après les avoir fait con
damner en bloc, il soit obligé de le faire encore en dé
tail vis-à-vis de chacun d’eux.
Nous estimons donc que le rejet du report sollicité et
obtenu par un créancier contre les syndics, constitue la
chose jugée en faveur de ce créancier, et crée un obs
tacle invincible à toute action ultérieure des créanciers,
qui aurait pour objet de remettre en question les droits
consacrés par le jugement.
Notre opinion peut s’étayer d’un arrêt de la cour de
cassation du 11 novembre 1856.
Dans l’espèce, un jugement déclaratif de faillite en
avait fixé provisoirement l’ouverture au 11 septembre
1850. Sur la requête des syndics, cette ouverture avait
été reportée au 28 avril 1848.
Des créanciers dont les hypothèques se trouvaient at
teintes par ce report, forment opposition et émettent ap
pel du jugement qui les en déboute.
Pendant que l’instance est pendantè devant la cour,
un concordat homologué termine la faillite. Le failli, re
mis à la tête de ses affaires, poursuit en son nom sur
l’appel des créanciers, et demande la confirmation du
jugement. Les syndics, qui avaient été intimés, deman
dent qu’il leur soit concédé acte de ce que leurs fonc
tions étant expirées, ils déclarent ne point donner suite
à leur demande en report.
La cour de Poitiers, par arrêt du 19 novembre 1851,
sans s’arrêter aux conclusions du failli concordataire,
�Ü60
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
qu’elle déclare sans qualité et sans droit, concède, aux
syndics, acte de leur déclaration, et réforme le jugement
qui avait reporté la faillite.
L’inexécution du concordat en fait bientôt prononcer
la résolution, et reconstituer l’état de faillite. Les nou
veaux syndics reprennent l’instance en report. Mais les
bénéficiaires de l’arrêt de 1851 l’opposent comme cons
tituant la chose jugée, et créant une fin de non-recevoir
contre toute action nouvelle à ce sujet. Cette prétention
est accueillie par la cour de Poitiers, le 28 mars 1855.
Pourvoi de la part des syndics, et, le 11 novembre
1856, cassation de l’arrêt pour violation de l’article
1351 du Code civil. Cette cassation est fondée sur ce
que l’arrêt de 1851, dans ses motifs, établit que, de
puis l’homologation du concordat, les syndics étaient
sans qualité, et la masse sans intérêt, dans la question
de l’époque de la cessation de paiements ; et sur ce que
dans son dispositif il donne acte de la déclaration des
syndics, qu’ils n’entendaient donner aucune suite à leur
demande, et déclare le failli concordataire, sans qualité
et sans droit pour suivre sur cette demande ; que, par
conséquent, cet arrêt n ’avait été rendu, ni avec les syn
dics et contre la masse, ni sur la demande en report
que la cour n’avait pas cru pouvoir apprécier, et n’avait
pu dès lors constituer la chose jugée h
Evidemment, si, à défaut de concordat, les syndics
eussent continué à avoir qualité, si l’opportunité et la
convenance du report, examinées avec eux, eussent été
D. P., 67, 4, 163
�ART.
580, 581.
261
résolues contre eux, la masse aurait été liée, et l’exceplion de chose jugée aurait fait écarter toute demande
nouvelle dans son intérêt. C’est donc avec raison que
nous induisons de la jurisprudence de la cour de cassa
tion, un préjugé formel en faveur de notre opinion.
1190.
— Remarquons que cette fixation définitive
ne concerne que les créanciers. Eux seuls sont privés
par la clôture des vérifications de la faculté de faire
changer la date de la faillite. Mais si, sur la requête que
l’un d’eux aurait présentée en temps utile, cette date a
été reportée, les tiers conservent le droit de former op
position, conformément à l’article 580. En conséquence,
si le mois n’est pas écoulé, lors de la clôture du pro
cès-verbal de vérification, cette clôture ne crée contre
eux aucune fin de non-recevoir.
La décision contraire blesserait la raison et l’équité ,
par les conséquences auxquelles on arriverait, et dont la
première serait de retirer aux tiers la faculté qui leur est
donnée par l’article 580. En effet, les tiers ne sont obli
gés de former opposition que lorsque la fixation de l’é
poque de la faillite peut autoriser contre eux une pour
suite quelconque. Supposez, en effet, que Pierre, débi
teur d’une somme de 10,000 fr. à Jean, lui ait départi
en paiement, quoique la dette ne fût pas encore échue,
un de ses immeubles par acte du 1er mai 1840. En dé
cembre de la même année, faillite de Pierre. Le juge
ment déclaratif fixe l’époque de la cessation de paiements
au 1er septembre précédents; Jean n ’a rien à craindre
de cette fixation. La vente qui lui a été consentie, res
tant antérieure de quatre mois à la cessation de paiements
�262
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
est à l’abri de toute atteinte ; à quel titre, et dans quel
intérêt, irait-il former opposition à celte fixation ?
Mais, postérieurement, un jugement provoqué par
les syndics, ou par tout autre créancier , a reporté la
date de l’ouverture de la faillite au 1er avril 1840. La
vente faite à Jean, en paiement d’une dette non échue,
étant postérieure d’un mois, est forcément annulée, si ce
jugement n’est pas réformé.
L’intérêt de Jean à obtenir cette réformation est évi
dent ; il a un mois pour y former opposition, aux ter
mes de l’article 580.
Mais, par la seule force des circonstances, ou peutêtre par l’effet du calcul, ce jugement n’a été provoqué
et rendu que la veille de la clôture du procès-verbal ; de
telle sorte qu'avant qu’il soit publié régulièrement, Jean
aurait perdu le droit de l’attaquer, si l’article 581 lui
était applicable. Il serait donc dépouillé irrévocable
ment , avant même d’avoir connu la décision qui le
frappe.
Ce serait là une iniquité révoltante. Elle n’a donc pu
trouver place dans la pensée du législateur. Que celui-ci
ait voulu autant que possible que tout fût réglé sur celte
fixation, au moment où il s’agit de prendre une déter
mination définitive sur la faillite, nous le comprenons.
Mais, qu’il ait voulu atteindre ce but à tout prix, qu’il
ait sacrifié les intérêts des tiers et permis de les dépouil
ler, sans leur fournir même la possibilité de se défen
dre, cela est inadmissible. Hâtons-nous de dire que,
dans la discussion de la loi, nous trouvons la preuve ir
réfragable du contraire.
�art.
580, 581.
263
L’article 581 du projet disposait : Aucune demande
tendant à faire, etc.........Ces délais expirés, l’époque
de la cessation de paiements demeurera irrévocablement
fixé, sans préjudice du droit de former opposition
principale ou incidente de la part des tiers, contre
lesquels cette fixation serait ultérieurement invoquée.
La commission de la chambre des pairs fit suppri
mer cette réserve, sans faire connaître ses motifs. S’il
nous était permis de les rechercher, peut-être en trou
verions-nous de plausibles dans la contradiction que la
faculté laissée aux tiers de former opposition principale
ou incidente, toutes les fois qu’on leur opposerait le ju
gement, présentait avec l’article 580, qui limitait l’exer
cice de cette faculté à un mois de la publication.
Ce qui, au reste, prouve que cette suppression n ’est
pas la négation du droit des tiers, c’est le soin que
prend la commission de spécialiser, pour les créanciers,
la disposition de l’article 581, qu’elle rédige, en ajou
tant le mot créancier au commencement et à la fin :
« Aucune demande des créanciers.........demeurera ir
révocablement déterminé à l'égard des créanciers. »
Etait-il possible d’exprimer plus clairement l’intention
de ne rien préjuger relativement aux tiers, et la volonté
de les laisser sous l’empire de l’article 580 ?
Nous ne le pensons pas. Aussi n ’hésitons-nous pas
à admettre que les tiers ont toujours la faculté de for
mer opposition au jugement qui a changé à leur préju
dice l’époque de la cessation de paiements ; que la clô
ture des vérifications est sans influence sur cette faculté,
et que si elle rend les créanciers non recevables, soit à
�264
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
attaquer le jugement précédemment rendu , soit à en
provoquer un nouveau, il n’y a pour les tiers d’autre
fin de non-recevoir et de fixation définitive, que s’ils
n’ont pas réalisé leur opposition dans le mois de l’affi
che et de l’insertion.
1191.
— Nous n’hésiterions pas non plus à consi
dérer comme un tiers, par rapport à ce, le créancier
qui serait exposé, par le report de la date sollicité par
des ayants droit, à voir annuler une inscription d’hypo
thèque que le failli lui aurait consentie avant la faillite.
Il y aurait une égale injustice h admettre le contraire.
Car l’inconvénient que nous signalions tout-à-l’heure
pour les tiers pourrait se réaliser pour ce créancier, si
le jugement qui ordonne le report n’était rendu que la
veille de la clôture du procès-verbal1.
Ainsi, toutes les fois qu’il y a changement de déter
mination de l’époque à laquelle la faillite est censée ou
verte, la fixation nouvelle peut être attaquée par tous
ceux auxquels elle préjudicie, pendant un mois à partir
de l’insertion et de l’affiche. Si plus d’un mois s’est
écoulé et que les délais d’appel soient expirés, cette fixa
tion est irrévocablement acquise contre tous, si la clô
ture des vérifications a été prononcée.
1191 bis. — ■Mais les créanciers hypothécaires qui
ont le droit de former opposition au jugement de report
compromettant leur garantie, peuvent-ils, sur cette op
position et après la clôture du procès-verbal de vérifica
tion, demander non la rétractation pure et simple du
I Toulouse, 28 août 1858; J. du P ., 1860, 746.
�ART.
580, 581.
265
jugement, mais le report de la date de la faillite à une
époque antérieure à celle qu’il détermine ?
On pourrait dire, à l’appui de la négative, que le seul
grief que le jugement de report cause aux hypothécai
res, est d’entraîner la nullité de leur hypothèque ; qu’on
comprend, dès lors, qu’ils puissent et doivent être ad
mis à se protéger contre ce préjudice, et à faire consa
crer leur droit par la rétractation de ce jugement.
Que si reconnaissant eux-mêmes l’impossibilité d’ob
tenir cette rétractation, ils en subissent les conséquences,
ils acceptent ainsi la qualité de créanciers chirographai
res. Comment, dès lors, leur reconnaître un droit qu’on
refuserait à ceux-ci, et leur permettre de poursuivre in
directement par voie d’opposition ce qu’ils ne pourraient
demander par action principale ?
Mais, la perte d’un droit, une déchéance quelconque,
n’est légitime que si elle s’étaye sur la violation d’un
devoir, sur son omission ou sur la négligence mise à
son accomplissement. Or, aucun reprocha de cette na
ture ne saurait, dans notre hypothèse, être adressé aux
créanciers hypothécaires.
Tant que la date de la faillite n ’avait pas été reportée,
et laissait leur hypothèque debout et intacte, son effet
les plaçait naturellement en dehors de la loi d’égalité
entre créanciers. Ils n’avaient donc nul intérêt à veiller
à cette égalité, à s’en préoccuper. Devaient-ils, dans le
but d’atteindre d’autres droits, compromettre et anéan
tir leurs droits propres et personnels.
Ils n’ont donc été en demeure d’agir que le jour où
le report de la faillite est venu leur arracher ces droits.
�266
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Réduits à la qualité de créanciers chirographaires ; ils
ont eu intérêt, et par conséquent droit, à exiger que
cette loi d’égalité qu’on leur faisait subir atteignit éga
lement tous ceux à qui on devrait rationnellement l’ap
pliquer, et en augmentant aussi le chiffre des dividen
des futurs, faire non seulement leur bien propre, mais
encore celui de la masse.
Or, cet intérêt ne peut être condamné à rester forcé
ment stérile ; le droit qui en découle ne saurait être
perdu avant d’avoir dû et pu être exercé. Et puisqu’il
ne prend sa source que dans le jugement de report, qui
peut être rendu la veille même de l’expiration des délais
de la vérification et de l’affirmation, faut-il bien lui mé
nager les moyens de se produire.
D’ailleurs, dans notre hypothèse, le report, s’il n’at
teint pas la limite jusqu’à laquelle il doit être porté, nuit
aux créanciers hypothécaires sous un double rapport :
la perte de l’hypothèque d’abord ; le chiffre réduit du
dividende ensuite. Or , comment distinguer entre ces
préjudices? Si, pour le premier, les créanciers sont des
tiers pouvant former opposition au jugement de report
à toute époque, pourvu qu’ils la réalisent dans le mois
de sa publication , ils le sont évidemment à raison du
second. C’est ce qu’avec raison, la cour de Toulouse con
sacrait dans son arrêt du 28 août 1858.1
A rt . 5 8 2 .
L e d é la i d ’ap p el, p o u r to u t ju g e m e n t r e n d u en
m a tiè re d e fa illite , s e r a d e q u in z e j o u r s se u le
m e n t à c o m p te r de la sign ifica tio n .
�ART.
582.
267
Ce d é la i g é ra a u g m e n té à r a is o n d ’u n j o u r p a r
cinq m y r ia m e tre s p o u r le s p a r t ie s q u i s e ro n t d o
m ic ilié es à u n e d ista n c e e xcéd an t c in q m y r la m c tres d u lie u ou siège le t r ib u n a l.
SOMMAIRE
1192.
1193.
1194.
1195.
1196.
1197.
1198.
Tous les jugements susceptibles d'appel doivent être atta
qués dans la quinzaine de l ’expiration desdélaisde l ’op
position ou de la signification.
Que faut-il entendre par jugements rendus en matière de
faillite ? Arrêt de la cour de cassation qui le détermine.
Nécessité de combiner l ’article 582 avec l ’article 635.
Conséquences pour l ’appel de jugements rendus en ma
tière ordinaire.
Le délai de quinzaine ne court que du jour de la signifi
cation , lorsque par sa nature le jugement doit être si
gnifié. Exemple.
Les jugements qui prononcent sur la déclaration ou le
refus d’ouverture de la faillite sont-ils rendus en ma
tière de faillite?
Le délai de quinzaine donné par l ’article 582 doit être
augmenté d’un jour par cinq myriamètres pour la dis
tance du domicile de l’appelant au siège de la faillite.
Le délai de l’article 73 devrait être accordé au créancier
domicilié hors France pour toute condamnation pronon
cée contre lui.
119 2 .
— Nous venons de dire que le projet du Gou
vernement, adopté par la chambre des députés en 1836,
contenait une disposition qui privait de la faculté d ’é
mettre appel d’un jugement par défaut les parties qui
n’auraient pas formé opposition. Mais cette disposition
fut rejetée par la chambre des pairs , comme pouvant
être une source de surprises et d’abus. On pourrait, di-
�268
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sait le rapporteur M. Tripier, profiter de l’absence , de
la maladie, ou de tout autre empêchement momentané,
pour obtenir contre un créancier un jugement par dé
faut qui ne lui serait pas connu à temps pour y former
opposition, et il serait frappé d’une condamnation irré
vocable.
On s’en est donc référé aux règles ordinaires du Code
de procédure civile. La partie qui n’aura pas formé op
position pourra se pourvoir par appel.
Le délai pour former appel a été considérablement
réduit par l’article 582. Ce délai n’est plus que de quinze
jours pour tous les jugements rendus en matière de fail
lite.
1195.
— Ces termes pourraient faire naître des dif
ficultés sur la manière dont il faut les interpréter. Nous
devons donc transcrire un arrêt de la cour de cassation
qui nous paraît en renfermer une appréciation exacte :
« Attendu que l’article 582 du Code de commerce ne
s’applique qu’aux jugements rendus en matière de fail
lite ; qu’on ne peut réputer tels, que ceux qui ont pro
noncé sur les questions résultant de la faillite , sur les
actions nées de la faillite ou exercées à son occasion ;
notamment ceux qui déclarent la faillite et fixent son
ouverture ( art. 440, 441 ) ; qui statuent sur la validité
de paiements faits par le failli , et des hypothèques ou
privilèges inscrits sur lui depuis la cessation de ses paie
ments, ou dans les dix jours qui ont précédé cette ces
sation (art. 446, 447, 448, 449) ; sur l’admission au
passif des créances contestées (art. 498) ; sur l’homo
logation du concordat (art. 513, 515); sur le compte
�ART. 582.
269
des syndics (art. 519) ; sur les privilèges réclamés sur
le mobilier (art. 551) ; sur les droits de la femme du
failli (art. 557, 558) ; sur les revendications dans les
cas prévus par les articles 574, 575, 576, 579, et sur
les autres cas analogues.1 »
1 1 9 4 . —• L’article 582 doit être combiné avec l’ar
ticle 635 du Code de commerce, qui attribue aux tribu
naux de commerce la connaissance de tout ce qui con
cerne les faillites. De cette combinaison et de l’arrêt qui
précède résulte la conséquence que les délais de l’appel
réglés par le premier, ne sont applicables qu’aux juge
ments rendus par ces tribunaux. Les juges civils n’étant
investis qu’exceptionnellement et lorsque malgré l’arti
cle 635 la juridiction consulaire est matériellement in
compétente , leurs décisions ne peuvent être considérées
comme rendues en matière de faillite. Ils continuent
donc de prononcer en la forme ordinaire , tant pour ce
qui concerne le jugement que pour les suites de celuici. Les délais d’appel ne sont donc nullement modifiés
par rapport à ces décisions.
1 1 9 5 . — Le délai de quinzaine ne court qu’à dater
de la signification du jugem ent, à moins que par sa
nature ce jugement ne fût pas susceptible de significa
tion. Tel serait, par exemple, le jugement qui sur la re
quête d’un créancier aurait refusé de déclarer l’état de
faillite. Les quinze jours que ce créancier aurait pour
en émettre appel courraient évidemment, dans ce cas,
du jour de la prononciation.
14« avril 1840. — D.P., 40, 4, 492
�270
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1196.
— On a contesté la nature de ces jugements.
On a soutenu que, pour qu’il y ait décision en matière
de faillite, il fallait d’abord qu’il y eût faillite. Or, a -ton dit, si cette faillite n’a pas été déclarée , l’appel doit
rester régi par les principes ordinaires.
Mais déjà nous avons vu la cour de cassation , dans
l’arrêt qui précède, mettre les jugements rendus en vertu
des articles 440 et 441 au nombre de ceux rendus en
matière de faillite. Elle ne distingue pas entre ceux qui
prononcent la faillite et ceux qui refusent de la décla
rer, parce que, dans l’un et l’autre cas, c’est la qualité
de failli qui fait la matière du litige. C’est, au reste, ce
que la même cour a formellement déclaré de nouveau,
par arrêt du 16 août 1842 ï.
1 1 97. — Le délai de quinzaine ne pouvait pas être
uniforme pour tous les créanciers. Cette détermination
eût été, pour ceux qui habitent à de grandes distances
du lieu de la faillite, l’équivalent d’une prohibition.
L’article 582 a donc obéi à une nécessité de justice en
accordant le délai supplémentaire des distances. La
seule modification apportée au Code de procédure c’est
d’exiger que cette distance soit au moins de cinq myriamètres, au lieu de trois.
1 1 9 8 . — Mais cette disposition n ’a introduit aucun
changement à l’article 73 du Code de procédure, en ce
qui concerne les délais accordés aux personnes domici
liées hors du territoire continental de l’empire. Il n’était
pas possible, dans notre hypothèse, de ne pas avoir é1 D. P., 42. 4, 143,
�ART.
582.
gard à leur éloignement toutes les fois qu’il ne s’agit
plus d’un intérêt commun avec la masse présente, mais
d’une adjudication prononcée personnellement contre le
créancier absent. Celui-ci doit donc être à même de se
défendre, et on ne peut le forclore que lorsque, par l’ex
piration des délais légaux, il est présumé avoir renoncé
à le faire.
A rt . 5 8 3 .
Sfe s e ro n t su sc e p tib le s n i d ’o p p o sitio n , n i d ’a p
pel, n i d e r e c o u r s en c assa tio n :
1° L es ju g e m e n t s r e la t ifs à la n o m in a t io n ou
au re m p la c e m e n t d n ju g e -c o m m is s a ire , à la n o
m in atio n o u à la ré v o c a tio n d es sy n d ic s ;
î " L es ju g e m e n t s q u i sta tu e n t s u r le s d e m a n
des d e s a u f-c o n d u it et s u r c elles de s e c o u rs p o u r
le fa illi et s a fa m ille ;
3° L e s ju g e m e n t s q u i a u to r is e n t à v e n d re le s e f
fets ou m a rc h a n d is e s a p p a rte n a n t à la fa illit e ;
4° L es ju g e m e n t s q u i p ro n o n c e n t s u r s is a u con
cordat, ou a d m is s io n p ro v is io n n e lle d e c ré a n
ciers con testés ;
5° L es jn g e m e n ts p a r le s q u e ls le t r i b u n a l d e
com m erce statu e s u r le s r e c o u r s fo r m é s c o n tre
les o rd o n n a n c e s r e n d u e s p a r le ju g e -c o m m is s a i
re d a n s le s lim it e s d e ses a t t r ib u t io n s .
SOMMAIRE
1199.
Cet article introduit un droit nouveau et déroge au droit
commun en matière d ’appel.
1200. Au reste, les jugements qu’il affranchit de tout recours
étant plutôt des actes d ’administration que de véritables
jugements, cette dérogation est sans importance réelle.
1201. La disposition de cet article est essentiellement limitative.
�272
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1 1 9 9 . — Le Code de commerce ne contenait au
cune disposition de la nature de celle ci. Les degrés de
juridiction restaient sous son empire soumis aux règles
ordinaires en cette matière.
Le nouveau législateur, convaincu de l’avantage d’une
prompte liquidation, n’a pas hésité à déroger à celles-ci,
pour enlever à des créanciers de mauvaise humeur , à
des esprits litigieux les moyens d’entraver la marche
de la faillite.
1 2 0 0 . — Au reste , cette dérogation restreinte par
la discussion du projet présenté par le Gouvernement
est sans importance réelle. Les jugements compris dans
les cinq catégories de l’article 583 sont plutôt des déci
sions sur l’administration que sur le contentieux de la
faillite. Elles appartenaient donc souverainement au juge,
qui est le mieux à même d’apprécier les besoins de cette
administration, c’est-à-dire, au tribunal de commerce.
1 2 0 1 . — Tous les jugements qui ne sont pas nom
mément indiqués dans l’une des catégories de cet arti
cle peuvent être attaqués dans la forme ordinaire, sauf
la restriction dans les délais faite par l’article précédent.
La nature exceptionnelle de notre disposition lui assigne
un caractère essentiellement limitatif.
Dans la nomenclature des jugements que l’article 583
déclare non susceptibles d’appel, il n’est pas question
de celui qui, en déclarant la faillite, ordonne le dépôt
du failli dans la maison d’arrêt pour dettes, ou la garde
de sa personne par une officier de police, ou de justice,
ou par un gendarme. L’appel en sera-t-il dès lors re
cevable ?
�ART.
583.
273
Ces mesures rigoureuses ont été inspirées par la né
cessité de s’assurer de la présence du failli dont les ex
plications et les renseignements peuvent être indispen
sables à la liquidation de la faillite. Aussi le Code de
commerce de 1807 les prescrivait-il d’une manière ab
solue, ne laissant au tribunal d’autre alternative que
celle de se prononcer pour le dépôt ou pour la garde de
la personne.
Sous son empire, la prétention d’émettre appel de ce
chef du jugement déclaratif avait été écariée. Un arrêt
de la cour de Bordeaux du 8 décembre 1829 la con
damnait expressément et décidait que l’unique droit du
failli, en pareil cas, était de se pourvoir en obiention
d’un sauf-conduit.
Le législateur de 1838 a pensé que la règle si abso
lue du Code pouvait recevoir un tempérament, et le ré
sultat de cette pensée a été l’article 456. Mais la consé
cration de l’exception a-t elle rendu la décision qui a
refusé de l’appliquer appellable? C’est ce qu’on ne sau
rait admettre ;
Il est en effet impossible d’équivoquer sur le carac
tère de l’exception. Le législateur ne pouvait pas mé
connaître, n’a pas méconnu l’utilité du concours du
failli à l’administration des syndics et la nécessité de
l’assurer. Aussi n ’admet-il l’exception que lorsque le
failli, ayant lui-même déclaré sa faillite dans les trois
jours de la cessation de paiements et déposé son bilan,
il est à présulmer qu’il ne se dérobera pas à l’obligation
de donner des explications et de fournir les renseigne
ments qui pourront lui être demandés.
ni — 18
�274
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Mais cette présomption pouvait n ’être pas une vérité.
L’exécution des articles 438 et 439 pouvait n’être qu’un
moyen de conserver sa liberté et de pouvoir ainsi s’en
fuir avec plus de sécurité. Il fallait donc dans chaque
espèce scruter la conduite du failli, en apprécier le mo
bile. Or, à qui cette appréciation pouvait-elle apparte
nir si ce n’est au tribunal appelé à déclarer la faillite?
Aussi est-ce à lui que s’en remet la loi. « Lorsque
le failli se sera conformé aux articles 438 et 439 et ne
sera point, au moment de la déclaration, incarcéré pour
dettes ou pour autre cause, le tribunal pourra l’affran
chir du dépôt ou de la garde de sa personne. »
Pourra et non devra. L’article 455 pouvait-il mieux
établir qu’il s’en remettait à l’arbitrage souverain du
tribunal, seul à même de juger sainement de l’opportu
nité de laisser ou non le failli en liberté ; et si sa dé
cision sur ce point n’est que l’exercice du pouvoir dis
crétionnaire que la loi lui a conféré, comment compren
dre et admettre qu’on puisse appeler le degré supérieur
à réviser et à critiquer cet exercice ?
L’article 583 n’avait pas à s’expliquer à ce sujet. La
non recevabilité d’un recours quelconque était ici la
conséquence tellement forcée de la nature des choses,
qu’alors que, sous l’empire du Code ancien l’appel était
de droit commun en matière de faillite comme en ma
tière ordinaire, on le prohibait contre le chef du juge
ment déclaratif qui statuait sur la liberté du failli.
D’ailleurs comment concilier le droit d’appel avec la
faculté laissée au tribunal de rapporter, même d’office,
la décision qui aurait affranchi le failli du dépôt ou de
�ART.
583.
275
la garde de sa personne ? Que deviendrait l’arrêt infirmatif, quel effet pourrait-il produire si, le lendemain,
le tribunal pouvait l’infirmer à son tour en usant de la
faculté que lui donne l’article 456 ?
En réalité, en ce qui concerne la liberté du failli, le
tribunal ne fait qu’accorder ou refuser un sauf-conduit.
En effet, disait un arrêt de la cour d’Orléans du 7
décembre 1866 : « Si l’on considère les résultats de
» l’un et de l’autre, on reconnaît qu’ils sont identiques;
» ces concessions sont également révocables, accordées
» par les mêmes motifs, c’est-à-dire l’assurance que le
» failli sera toujours présent pour faciliter les opérations
» de la faillite et, par suite, l’inutilité de le priver de sa
» liberté. On ne comprendrait pas, dès lors, que le ju» gement qui affranchit ou non le failli de la délen» tion, fût, au point de vue du pouvoir du juge de
» première instance, dans une condition différente de
» celle du jugement qui accorde ou refuse un sauf-con» duit. »
En conséquence , la cour d’Orléans estime et juge :
a Que l’article 583, en refusant tout recours contre le
» jugement qui prononce sur la demande de sauf-con» duit, a évidemment compris, sous ces expressions,
» qu’il faut prendre dans leur sens le plus général toute
» disposition qui admet le failli au bénéfice de la liber » té provisoire ou qui la lui refuse. »
Cette doctrine interprête si juridiquement l’article 583
et en apprécie si rationnellement l’esprit qu'elle ne pou
vait manquer d ’obtenir la haute sanction de la cour
suprême. Aussi et par arrêt du 22 mai 1867, le pour
voi dirigé contre l’arrêt de Bordeaux était-il rejeté.
�276
DES
FAILLITES
ET BANQUEROUTES
On disait à l’appui du pourvoi : « La règle des deux
» degrés de juridiction est de droit commun. Tous les
» jugements sont susceptibles d’appel, sauf ceux spécia» lement exceptés par la loi. Or, l’article 383 qui énu» mère les décisions non susceptibles d’appel ou d’op» position, détermine les exceptions à la règle générale
» qui doivent être faites en matière de faillite, et il ne
» range parmi les cas d’exception que les jugements qui
» statuent sur les demandes de sauf conduit, aux ter» mes des articles 472 et 473. Cette disposition excep» tionnelle ne saurait donc être étendue à un cas tout
» différent, celui prévu par l’article 436. Au surplus le
» droit d’appel résulterait encore des lois spéciales en
» matière de contrainte par corps, notamment de l’ar» ticle 7 de la loi du 13 décembre 1848, d’après le» quel le débiteur incarcéré peut appeler, lors même
» qu’il aurait acquiescé au jugement et que les délais
» d’appel seraient expirés. »
La cour de cassation ne s’arrête ni à l’un ni à l’au
tre de ces moyens. Elle repousse le premier parce que
« les articles 455 et 456 du Code de commerce lais» sent au tribunal qui a déclaré la faillite, le soin de
» décider si le failli sera déposé dans la maison d’ar» rêt pour dettes, ou s’il restera en liberté ; que dans
» l’un comme dans l’autre cas sa décision n’est que pro» visoire ; qu’elle peut être rapportée, même d ’office,
» ou modifiée par un sauf-conduit ; qu’elle est de plus
» souveraine parce que, reposant sur la confiance plus
» ou moins fondée que le failli se présentera pour don» uer les explications nécessaires, elle dépend d’une ap*
�ABT.
583.
277
» prédation qui ne peut être faite que par le tribunal
» devant qui se poursuivent les opérations de la failli—
» te ; que c’est en effet ce qui résulte du texte et de l’es» prit de la loi ; que la disposition de l’article 583, qui
» interdit l’appel des jugements qui statuent sur les de» mandes de sauf-conduit, comprend nécessairement
» ceux qui admettent le failli au bénéfice de la liberté
» ou qui la lui refusent ; qu’il y a même raison de dé» cider puisqu’il s’agit, dans tous les cas, de mesures
» provisoires prises uniquement dans l’intérêt de la fail» lite .
»
Elle repousse le second parce que « le dépôt dans la
» maison d’arrêt ou la garde de la personne du failli
» par un officier de police, ou de justice, ou par un
» gendarme, ne peut être assimilé à la contrainte par
» corps ; que, .par suite, on ne peut appliquer l’article
» 7 de la loi du 13 décembre 1848, qui permet au con» damné d’appeler du chef de la contrainte par corps,
» même alors que le jugement est rendu en dernier
» ressort
»
En résumé, en matière de faillite, le droit commun
est le dépôt ou la garde de la personne du failli. Aussi
la loi qui a aboli la contrainte par corps n’a-t-elle mo
difié en rien le droit et le devoir du tribunal de commer
ce d’ordonner l’un ou l’autre.
Mais depuis la loi de 1838 cette, règle a été modifiée.
Les juges, dans les cas prévus par l’article 456, peu
vent ne pas recourir à cette mesure rigoureuse, s’ils pen1 J du P.. 1867, p. 491
�278
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
sent qu’elle n’est pas nécessaire et que le concours du
failli à la liquidation de la faillite est assuré.
Cette faculté est laissée à la libre et souveraine appré
ciation du tribunal. Le refus de l’exercer ne saurait donc
constituer un mal jugé susceptible d’être déféré au de
gré supérieur de juridiction.
Depuis la loi de 1838 comme avant, le failli ne peut
être relevé du jugement à ce sujet que par l’obtention
d’un sauf-conduit. Ici encore le tribunal de commerce
est souverain et le refus qu’ils en ferait serait définitif et
sans appel. Or les motifs qui légitimaient cette prescrip
tion de l’article 583 militaient par une parité de raison
incontestable pour refuser tout recours contre le chef du
jugement déclaratif ordonnant le dépôt ou la garde de
la personne du failli.
TITRE II
DES BANQUEROUTES
CHAPITRE Ier
DE LA MYYOla.HOlII,
SIMPLE
A rt . 5 8 4 .
L es cas de b a n q u e ro u t e s im p le s e ro n t p u n is des
p e in e s p o rté e s au Code p é n a l, et ju g é s p a r les tri
b u n a u x de p o lic e c o rre c tio n n e lle , s u r la p o u rsu i-
�ART.
584, 585, 586.
279
te des syndics, d e to u t c r é a n c ie r o u d u m in is t è re
public.
A rt . 5 8 5 .
S e ra d é c la r é b a n q u e r o u t ie r sim p le , to u t com
m erçan t fa illi q u i se tr o u v e r a d a n s u n d es cas
suivants :
1° Si scs d é p e n se s p e r s o n n e lle s ou le s d é p e n se s
de sa m a is o n so n t ju g é e s excessives ;
3° S’i l a con so m m é de fo rte s som m es, so it à des
o p ération s fictives de b o u r s e o u s u r m a rc h a n
dises ;
3° Si, d a n s l ’in te n tio n de r e t a r d e r sa fa illite , il
a fa it d es ach ats p o u r re v e n d re a u -d e s s o u s d u
cours ; si, d a n s l a m ê m e in te n tio n , il s’est liv ré à
des e m p ru n ts , c irc u la tio n d ’effets, o u a u tre s m o
yens r u in e u x d e se p r o c u r e r d es fo n d s ;
4° Si, a p r è s c essation de ses p a ie m e n ts, il a
payé u n c r é a n c ie r a u p r é ju d ic e d e la m asse.
A rt . 5 8 6 .
P o u r r a ê tre d é c la ré b a n q u e r o u t ie r sim p le , tout
com m erçant fa illi q u i se tro u v e ra d a n s u n d es cas
suivants :
1° S’il a c o n tra cté p o u r le com pte d ’a u t r u i, sa n s
recevoir d es v a le u r s en éch an ge d es e n g a g e m e n ts
jugés t r o p c o n s id é ra b le s , eu é g a rd à sa situ a tio n
lorsqu ’il le s a con tractés ;
2° S’il est d e n o u v e a u d é c la ré en fa illite sa n s
avoir s a tis fa it a u x o b lig a tio n s d ’u n p ré c é d e n t
concordat ;
3° Si, é tan t m a r ié so u s le ré g im e d o ta l, o u sé
paré de b ie n s , il ne s ’est p as c o n fo rm é a u x a r t i
cles 69 et 70 ;
4° Si, d a n s le s t r o is jo u r s de la c e ssa tio n d e ses
paiem ents, il n ’a p a s fa it a u g re ffe la d é c la ra tio n
exigée p a r le s a r t ic le s 438 et 439, ou s i cette d é -
�280
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
c la ra tio n n e con tien t p as le s n o m s de to u s les as
sociés s o lid a ir e s ;
5° S i, sa n s em p ê c h e m e n t lé g itim e , il n e s ’est
pas p ré se n té en p e rso n n e a u x syn d ics, d a n s les
cas et d a n s les d é la is fixés, o u si, a p r è s a v o ir oit"
tenu u n s a u f-c o n d u it, il ne s ’est p as re p ré s e n té à
ju stic e ;
6° S ’il n ’a p a s te n u de liv r e s et fa it exactem ent
in v e n ta ire ; si ses liv re s o u in v e n t a ir e s son t in
com plets ou ir r é g u liè r e m e n t te n u s, o u s’ils n ’of
fre n t p as sa v é r it a b le s itu a tio n active o u passive,
sa n s n é a n m o in s q u ’il y a it fr a u d e .
,
SOMMAIRE
1202.
1203.
1204.
1205.
1206.
1207.
1208.
1209.
1210.
1211.
1212.
1213.
1214.
1215.
Définition de la banqueroute en général.
Il faut : 1” que le débiteur soit commerçant.
La capacité légale ne pourrait être suppléée par l'exercice
de fait du commerce.
2“ Que le commerçant soit en faillite.
Faut-il que celle-ci ait été déclarée par jugem ent, pour
que la poursuite soit recevable ?
Motifs des peines prononcées contre les banqueroutes.
Législation ancienne
Distinction faite per le Code de commerce entre la ban
queroute simple et la banqueroute frauduleuse.
Conservée par la loi nouvelle. Modifications dans le clas
sement.
La banqueroute étant un délit déféré aux tribunaux cor
rectionnels , doit être poursuivi dans les formes établies
pour celte juridiction.
A qui appartient le droit de poursuivre?
Différence entre les faits qui peuvent le caractériser.
La matérialité de ceux prévus par l’article 585 entraînet-elle la nécessité d’une condamnation ?
Dépenses excessives. Appréciation. Intention de la loi.
Sommes consommées dans des jeux ou opérations de ha
sard. Nécessité d ’une répression sévère.
�ART. 584, 585, 586.
1216.
1217.
1218.
1219.
1220.
1221.
1222.
1223.
1224.
1225.
1226.
1227.
1228.
1229.
1230.
1231.
1232.
1233.
1234.
281
Achats pour revendre au-dessous du cours. Modifications
au Code de commerce.
A quelle condition la loi actuelle les considère comme
établissant le délit.
Résulte-t-il de l ’article que la revente au-dessous du
cours ne puisse être réprimée ?
Quelles sont les preuves qui peuvent établir l ’intention
de retarder la faillite?
La vente à perte sur le prix d’achat échappe à l’applica
tion de la loi.
Emprunts contractés pour retarder la faillite. Devaient
être punis.
Dangers de la mise en circulation d’effets commerciaux.
Modification au Code de commerce.
Paiement fait après cessation nuit aux créanciers nou
veaux et à la masse des anciens.
Il n’y aurait plus de délit si le créancier payé était privi
légié.
Faits que le Code de commerce avait déclarés pouvoir
constituer la banqueroute simple.
Maintenus dans cette catégorie par la loi actuelle. Faits
qu’elle a ajoutés.
Emprunts contractés pour le compte d’autrui, sans rece
voir des valeurs en échange des engagement'! jugés trop
considérables , eu égard ê la situation de celui qui les a
contractés.
Déclaration d’une nouvelle faillite avant le paiement des
obligations d’un précédent concordat.
Cette prévention résulterait de la résolution, mais non de
l ’annulation du concordat.
Omission du dépôt au greffe du contrat de mariage.
Les circonstances constitutives des faits prévus par l ’arti
cle 586 expliquent la différence qui existe entre eux et
ceux de l’article 585 par rapport à la peine.
Peine applicable à la banqueroute simple.
Le failli poursuivi pour plusieurs de ces faits a-t-il suffi-
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1235.
samment purgé l'accusation s'il a été acquitté sur l’un
d’eux ? Arrêt remarquable de la cour d’Aix.
Comment se prescrit le délit de banqueroute simple.
1 2 0 2 . — La banqueroute est l’état de tout commer
çant failli contre lequel s’élèvent des faits d’inconduite,
d’imprudence ou de fraude. Il faut donc, pour qu’elle
puisse tomber sous le coup de la loi pénale, la réunion
chez l’individu à qui on l’impute, des deux circonstan-*ces suivantes :
1205.
— 1° Qu'il soit négociant. = Ainsi, le non
commerçant tombé dans une déconfiture complète ne
saurait être poursuivi comme banqueroutier, alors mê
me que les causes de sa ruine seraient de la même na
ture que celles auxquelles la loi attache , pour le com
merçant, le caractère de la banqueroute.
En conséquence, le fait d’avoir détourné son actif,
qui entraine pour celui-ci une peine afflictive et infa
mante , ne serait, pour l’autre , qu’une fraude qui ne
donnerait naissance qu’à une action civile en restitu
tion. L’exagération du passif, même démontrée, ferait,
sans doute , dans les mêmes circonstances , annuler les
actes simulés, mais sans que le débiteur ni ses complices
eussent à redouter la moindre peine corporelle.
Cette différence dans les résultats, que justifie la con
fiance aveugle qui dans l’intérêt du commerce , doit
s’attacher à la personne du commerçant, donne aux cir
constances qui peuvent en déterminer la qualité, la plus
grave, la plus haute importance. Déjà nous avons rap
pelé la disposition de l’article 1er du Code de commerce,
�ART. 684, 585, 586.
283
et l’interprétation qu’en a faite la jurisprudence 1. En
présence des conséquences que cette détermination peut
avoir, on comprend mieux l’intérêt qui s’y rattache.
1 204. — Au reste, l’exercice de fait ne suffirait pas
pour constituer le commerçant, si celui qui s’est habi
tuellement livré à des actes de commerce était, en droit,
incapable de revêtir cette qualité. Ainsi, le mineur qui
veut devenir commerçant doit, aux termes de l’article 2
du Code de commerce , en rapporter l’autorisation soit
de son père, soit de sa mère, soit du conseil de famille;
il doit ensuite la faire enregistrer et afficher au greffe
du tribunal de commerce. Celui qui n’aurait pas rem
pli ces formalités ne serait pas considéré comme né
gociant. Il n’est pas même réputé majeur pour les en
gagements qu’il aurait contractés dans l’exercice du
commerce ; il ne pourrait d o n c, la déconfiture arri
vant , être déclaré légalement en état de faillite , e t ,
à plus forte raison , poursuivi comme banqueroutier2.
Mais, si la cessation de paiements ne s’était réalisée
qu’après sa majorité, les engagements contractés depuis
seraient valables, la qualité de négociant légitimement
acquise, l’application de la loi spéciale serait, dès lors,
irrécusable.
1 2 05. — 2° Que le commerçant soit en fa illite .—
Il est certain, en effet, que tant qu’un individu est à la
tête de ses affaires, qu’il fait honneur à ses engage
ments, personne n’a à s’enquérir de ce qui se passe chez
i Voy. s u p r a article 437, n°s 28, 29, 30.
^ Cassation, 2 décembre 1826 ; — D. P., 27, 1, 77.
�284
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
l u i , ni à lui demande/ compte de la manière dont il
administre sa fortune. Chacun est cependant libre d’en
juger selon les apparences, et de lui continuer ou de lui
retirer sa confiance.
Mais lorsque, abusant de celle qu’on lui a témoignée,
le débiteur s’est mis dans l’impossibilité de satisfaire à
ses créanciers, alors commence pour eux le droit de de
mander , et pour lui l’obligation de rendre compte des
circonstances qui ont amené sa ruine. Alors aussi naît
pour la justice le devoir d’obtenir une juste réparation
des fautes, des imprudences ou des fraudes dont il serait
convaincu.
1206.
— Cette action en réparation peut-elle être
exercée dès que la cessation de paiements s’est réalisée,
ou bien n’est-elle recevable qu’après que le jugement
déclaratif est venu judiciairement la constater?
Cette question sur laquelle on a longtemps discuté
nous paraît tranchée par le rapprochement de quelques
textes : d’abord , les articles 385 et 591, qui déclarent
banqueroutier simple ou frauduleux le négociant failli.
Or , à quelle époque peut-on être failli ? L’article 437
répond : lorsqu'on a cessé ses paiements. Le jugement
qui constate la faillite ne la crée donc pas , et cela est
tellement vrai que celle-ci doit exister avant le juge
ment. C’est, en effet, ce qui résulte de l’article 440 : la
faillite est déclarée, etc.
Le jugement déclaratif ne fait donc que constater un
état nécessairement préexistant dont il est la consé
quence et jamais le principe.
A ces inductions claires et précises nous pourrions a-
�“
art.
584, 585, 586.
285
jouter celles qui résultent du langage de la loi. Ainsi,
ne qualifie t-elle pas elle-même le débiteur de failli,
lorsqu’àvant tout jugement elle lui fait un devoir de
faire sa déclaration et de déposer son bilan au greffe du
tribunal de commerce 1 ? L’état de cessation est donc
bien réellement l’état de faillite; d’où il résulte que l’exis
tence du jugement déclaratif reste sans influence sur la
recevabilité de la poursuite en banqueroute.
On doit d’autant moins hésiter à le déclarer ainsi, que
la cessation de paiements suffit pour faire appliquer à
la femme le droit spécial que la faillite détermine2.
Pourquoi n’en serait-il pas ainsi, lorsqu’il s’agit de de
mander satisfaction d’une atteinte portée à l’ordre social?
C’est, au reste, dans ce sens que de graves juriscon
sultes, que la cour de cassation elle-même, ont depuis
longtemps tranché la question. Il résulte de leur doc
trine : qu’il y a réellement faillite dès qu’il y a cessa
tion de paiements ; qu’on peut donc être poursuivi com
me banqueroutier si, au moment de cette cessation, se
révèlent les faits constitutifs de la banqueroute ; que peu
importe que lajfaillite ait été ou non déclarée : que cette
déclaration n’est exigée que pour le règlement des in
térêts privés, qui ne peuvent exercer aucune influence
sur l’action publique ; que la réalisation de celle-ci con
fère, à la juridiction investie, le droit de déclarer qu’il
y a faillite3.
C’est par une juste et légitime déduction de ces m êi Articles 438, 439.
s Voy. supra article 557, n° 99C.
3 Carnot, sous l’article 402 du Code pénal : Cass.,
D. P.. 38, -1, 25.
H août 4837 •
�$86
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
mes principes que la cour d’Aix a, selon nous, très lé
galement jugé, le 9 août 1837, qu’alors même que le
jugement déclaratif a été plus tard rétracté, il y a lieu
de poursuivre en banqueroute1.
1207. — On doit applaudir à ces décisions, comme
à tout ce qui tend à réprimer les fraudes que le secret
de la faillite ne cache souvent que trop profondément.
La banqueroute est un fléau d’autant plus redoutable
que sa découverte est plus difficile par les précautions
dont il lui est permis de s’envelopper. Ses atteintes sont
cependant mortelles pour le commerce lui-même, et
c’est cette conviction qui avait déterminé les anciens lé
gislateurs, même celui de 1673, à décréter contre elle
la peine capitale.
1208. — L’état des mœurs ne permettait plus au
législateur de 1807 de maintenir une peine si sévère.
D’ailleurs, la déconfiture du négociant pouvait être,
dans ses causes, pure de toute fraude, sans qu’il fallut
pour cela l’absoudre complètement. Une imprudence
insigne, une légèreté impardonnable, la violation des
règles imposées par la loi à l’exercice de la profession de
commerçant, devaient amener une satisfaction propor
tionnée à leur gravité, au nom de l’autorité publique mé
connue, et en faveur de ceux qui en étaient devenus les
victimes.
De là, la distinction entre la banqueroute simple et la
banqueroute frauduleuse. La première fut un délit res
sortissant de la juridiction correctionnelle et passible
1 D. P ., 38, 2, 37
�ART.
584, 585, 586.
287
d’une peine simplement afflictive. La seconde fut consi
dérée comme un crime dont la conviction entraînait une
peine afflictive et infamante.
1209. — Cette distinction a été maintenue par le
nouveau législateur. Mais, l’expérience dès longtemps
acquise lui a fait éviter, dans la classification des faits,
l’écueil dans lequel était tombé son prédécesseur, et que
nous avons déjà signalé. La sévérité de cette classifica
tion avait déterminé sous le Code, une affligeante im
punité. Les quelques années d’épreuves que la loi nou velle a subies témoignent que cet abus, s’il n’est com
plètement éteint pour l’avenir, a du moins considérable
ment perdu de son intensité et de sa force.
1210. — La banqueroute simple continue donc d’ê
tre un délit dont la connaissance appartient exclusive
ment aux tribunaux correctionnels.
Suivant le principe que nous rappelions sous l’article
581, le juge investi de la connaissance d’un fait doit y
statuer dans les formes établies devant la juridiction
qu’il exerce. Ces formes régissent non seulement le ju
gement, mais encore tous les actes qui le précèdent et le
suivent. En conséquence, la procédure en matière de
banqueroute simple est celle commune à tous les délits.
Il en résulte que le prévenu doit être cité par ajourne
ment devant le tribunal, soit directement, soit après ren
voi prononcé par la chambre du conseil ; que le délai
entre la citation et la comparution doit être au moins de
trois jours ; que le prévenu ne peut se faire représen
ter par un avoué ; que l’appel du jugement doit être in-
4
�288
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
terjeté dans les dix jours, sauf le droit régi rvé au mi
nistère public par l’article 205 du Code d’instruction cri
minelle L
1211.
— La poursuite de la banqueroute simple
appartient :
1° Au procureur de la République. Nous avons déjà
dit que l’action publique est indépendante de celle des
parties intéressées ; qu’elle ne trouve aucun obstacle dans
le concordat même homologué qu’elle peut être exercée
en l’absence d’un jugement déclaratif ; qu’enün on ne
pourrait l’écarter, alors même qu’ayant été rendu, ce
jugement aurait été depuis rétracté. Le procureur de la
République est donc arbitre souverain de l’opportunité
de la poursuite. C’est pour lui faciliter cette appréciation
que les articles 459, 461, 482, 483 et 602 ont été ins
crits dans la loi.
2° 4ux syndics comme représentant les créanciers, et
à chacun de ceux-ci individuellement.
La loi ouvre à tous d’abord la voie de la plainte, en
suite celle de l’action directe, par la prise de la qualité
de partie civile, soit au principal, soit en intervenant
dans la poursuite exercée par le ministère public. Le
législateur a voulu favoriser tout ce qui peut amener la
répression du délit. Il a, dès lors, compris tout le se
cours que celte répression trouverait dans le concours
des parties intéressées. C’est pour le favoriser, qu’il a
adopté les dispositions des articles 588 et 590.
Le tribunal correctionnel, régulièrement investi, exai Art. 183. 184.185 et 203 du Code'd’instruction criminelle.
�art.
584, 585, 586.
889
mine la plainte et prononce conformément aux prescrip
tions suivantes :
1212.
—- Il existe entre les faits qui peuvent être
relevés contre le failli, une différence essentielle qu’il
convient d’abord d’examiner. Les uns constituent la
banqueroute simple ; les autres -peuvent la constituer.
De là, les termes des articles 585 et 586 : sera con
damné, etc., dans le premier ; pourra être condamné,
etc., dans le second.
1215. — Les expressions de l’article 585 signifientelles que l’existence matérielle des faits étant établie, les
juges soient dans la nécessité d’appliquer la peine édic
tée par la loi répressive ?
Des difficultés peuvent surgir lorsqu’on s’en réfère
aux principes constitutifs de la législation criminelle. En
thèse ordinaire, un acte quelconque ne prend le carac
tère de délit, que lorsque l’intention de son auteur a été
reconnue coupable, et vient ainsi réunir la criminalité
du fait à sa matérialité. Cette règle de justice exacte est
chaque jour appliquée par les tribunaux.
Mais cette règle n ’est pas tellement absolue, que le
législateur n’ait pu lui imposer des exceptions. L’article
319 du Code pénal nous fournit un exemple de cellesci, en plaçant sur la même ligne que le délit, l’impru
dence, la maladresse,l’inattention, la négligence ou l’in
observation des règlements. Il est, en effet, certain que,
dans chacun de ces cas, l’intention de l’auteur reste sans
influence sur le fait qui lui est reproché.
A plus forte raison peut-on admettre la possibilité
in — 49
�290
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
d’une exception, lorsque les faits déclarés punissables
par une loi spéciale sont de telle nature, que leur exis
tence est par elle seule démonstrative d’un tort grave,
d’une intention évidemment repréhensible ! Or, c’est
précisément ce qui se réalise dans les hypothèses pré
vues par l’article 585.
Quelles excuses peut, en effet, invoquer celui qui s’est
livré à des dépenses excessives, qu’il payait au moyen
du crédit qui lui était accordé? celui qui a consommé à
des jeux de hasard ou dans des opérations fictives, des
sommes considérables? celui qui, pour retarder une fail
lite désormais inévitable, a acheté pour revendre au-des
sous du cours, ou s’est livré à des emprunts onéreux et
à des opérations ruineuses ? celui enfin q u i, disposant
de ce qui ne lui appartenait plus, a payé quelques-uns
de ses créanciers après la cessation de ses paiements?
Aucun commerçant ne peut prétendre avoir ignoré
qu’en agissant ainsi, il violait ouvertement une loi pro
hibitive expresse. Celui donc qui, malgré cette convic
tion, se livre à l’un de ces actes, se rend coupable de
fait et d’intention. « L’imputabilité, dit un de nos pre
miers publicistes, consiste à savoir que l’acte que l’on
va commettre est défendu par la loi, et à le vouloir ce
pendant commettre ‘. Or, dès qu’il y a imputabilité, il y
a faute sciemment commise, et partant nécessité d’une
répression.
Trouvera-t-on cette conséquence trop sévère, dirat-on que l’intention qui a guidé le prévenu pouvait être
1 Rossi, Droit pénal, t. 2, liv. 2, ch W, pag. H 4 .
�art.
584, 585, 586.
291
légitime au moment de l’acte qu’on lui reproche ? Quel
que invraisemblable que soit cette supposition, lorsqu’il
s’agit de la violation d’une loi positive, nous pourrions
l’admettre. Mais, l’intention nuisible écartée, resterait
l’imprudence qu’il a été loisible au législateur d’attein
dre et de punir.
Ainsi, délits ou contraventions, les faits prévus par
l’article 585 n’en sont pas moins punissables. Leur ma
térialité entraîne la nécessité d’une condamnation. La
comparaison de cet article avec l’article 586 nous amè
ne forcément à ce résultat. Il est évident que si le légis
lateur n’avait voulu, dans le premier, que ce qu’il exi
geait dans le second, il n’eût pas fait deux dispositions ;
il ne se serait surtout pas servi, dans chacune d’elles,
de locutions aussi essentiellement différentes.
C’est à une conséquence identique que nous arrive
rons , si nous demandons aux discussions législatives
l’esprit de ces mêmes dispositions. Or, un simple rap
prochement qui a été parfaitement apprécié par les
chambres, et la détermination qu’elles ont consacrée,
fixent, à notre avis, l’intention du législateur d’une ma
nière irréfragable.
Les articles 586 et 587 du Code de commerce avaient
été, dans le projet primitif, conçus dans les mêmes ter
mes que nos articles 585 et 586. Le premier disposait:
sera déclaré banqueroutier simple, etc.........Personne
ne se trompa sur la signification qu’il fallait lui don
ner. Si on l’admettait, disaient les adversaires du pro
jet, les tribunaux se croiraient obligés de condamner
lorsque le fait matériel serait constant.
�292
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
La majorité du conseil d’Etat, tout en voulant rendre
la poursuite obligatoire, pensa qu’on devait laisser la
condamnation aux principes ordinaires. Elle adopta, en
conséquence, un amendement qui exprimait cette dou
ble pensée et qui devint l’article 586 du Code de com
merce : sera poursuivi comme banqueroutier simple et
pourra être déclaré tel, etc.........Dans les cas, au con
traire, de l’article 587, la poursuite elle même fut dé
clarée facultative.
Cet antécédent serait, certes, de nature, à fixer le sens
des dispositions de la loi nouvelle. Puisque celles-ci ont
consacré les termes du projet de 1807, elles ne peuvent
être entendues et comprises que comme l’avait été ce
projet lui-même.
Ce qui, au reste, doit enlever à cet égard jusqu’au
doute, c’est la discussion que nos articles soulevèrent en
1836, à la chambre des pairs. La commission ne vou
lait donner à la loi nouvelle que la même portée, que
celle des articles 586 et 587 du Code de commerce. Elle
proposait donc d’adopter purement et simplement leur
rédaction. « Les dispositions du projet, disait M. Tri—
» pier, son rapporieur, sont plus sévères. En mainte» nant cette distinction, il paraît ordonner, dans les cas
» de l’article 585, non plus seulement la poursuite,
» mais la condamnation. La rédaction de cet article est
» intempestive ; elle pourrait gêner la conscience des
» juges, qui se croiraient dans la nécessité de condam» ner toutes les fois que l’un des faits y énumérés se» rait prouvé, quelle que fût l’excuse proposée par le
» failli. Votre commission préfère la rédaction du Code,
» et propose de !a conserver dans la loi nouvelle. »
�ART,
584, 585, 586.
293
Ainsi, à deux reprises, dans deux occasions solennel
les, le sens des expressions employées par le législateur
a été nettement déterminé. Le rejet de la proposition de
la commission de la chambre des pairs indique, d’autre
part, que c’est avec une entière connaissance que l’on a
agi, que personne n’a reculé devant les conséquences
que ce rejet devait nécessairement entraîner.
Il est donc prouvé que l’existence matérielle des faits
prévus par l’article 585 suffit pour qu’il y ait condam
nation. C’est donc sur cette existence que doit se borner
l’appréciation du juge. On ne saurait, dès lors, tracer
des règles certaines à cet examen ; mais il nous semble
qu’il y a, pour chacun de ces faits en particulier, quelques
considérations qu’il ne sera pas inutile de rappeler :
1 2 1 4 . — 1° Dépenses excessives. Le Code de com
merce, en ordonnant de poursuivre rigoureusement ce
fait, avait eu pour but de mettre un terme à un abus
dont la répression était vivement réclamée par les tri
bunaux et chambres de commerce. Le failli, embarrassé
pour justifier son déficit, rejetait sur sa dépense des
sommes énormes qu’il n’avait pas réellement dépensées,
et qu’il prélevait de son actif pour se l’appliquer. « Tel
homme, disait un tribunal du ressort de la cour, qui,
avant d’entreprendre le commerce, ne jouissait pas d’un
revenu de 1,000 fr., ou n’en avait même point du tout,
ne rougit pas d’affecter 15,000, 20,000 fr. par art à la
dépense de sa maison ’. »
L’allégation d’une dépense exagérée pourrait donc
1 Observ. du tribunal de commerce de Brignolles ; Locré, t. 7, p. 416.
�294
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
masquer une véritable dissimulation de l’actif, et cons
tituer un fait de banqueroute frauduleuse. La justice
doit donc, tout d’abord, rechercher si elle est vraisem
blable. Cette question résolue affirmativement, les juges
se demanderont si elle était nécessaire ; les éléments de
cette appréciation résulteront de la position sociale du
failli, de ses habitudes, de son éducation, de l’état de sa
fortune avant qu’il entreprit le commerce. Ils seront
ainsi amenés à résoudre, sous chacun de ces rapports,
s’il y a eu, ou non, excès,
La loi n’a pas voulu prohiber, même à celui qui n’a
apporté dans le commerce que des moyens bornés et
même qu’un revenu nul, le droit de profiter, lui et sa
famille, du bien-être que ses travaux lui ont progressi
vement acquis. Ce qu’elle veuf, c’est que le commerçant
n ’abuse pas des chances heureuses qu’il aura rencon
trées, et que, sourd h la voix de la prudence, il dédai
gne de se prémunir contre les revers du lendemain.
Ce qu’elle veut surtout, c’est la répression de cet éta
lage de luxe entretenu avec l’argent des dupes nombreu
ses que l’on a faites, et qui n’est qu’une enseigne pour
attirer de nouvelles victimes ; c’est la punition sévère de
ces industriels, qui éblouissent de leur folle dépense les
malheureux dont ils captent ainsi la confiance, qu’ils
savent très-bien eux-mêmes ne pas mériter.
128 5. — 2° Sommes consommées dans des jeux de
hasard, ou à des opérations de bourse. Si le joueur,
dans quelque état qu’on le suppose, doit être flétri par
la réprobation publique, que ne mérite pas l’homme
qui, dépositaire de la fortune d’autrui, n’hésite pas à la
�ART.
295
584, 585, 586.
sacrifier à la passion honteuse qui couve dans son sein?
Contre une telle immoralité, l’indignation ne suffît pas.
Il faut à la société une réparation éclatante pour la bonne
foi trompée, la confiance trahie, tous les devoirs foulés
aux pieds.
Il appartenait surtout à la loi nouvelle de flétrir éner
giquement ces jeux de bourse, scandales infâmes qui font
chaque jour de nouvelles victimes, et qui survivent avec
tant de force à la réprobation éclatante que la magis
trature leur a si souvent imprimée.
On pourrait même regretter que la loi ne punisse que
lorsque l’on a consommé de fortes sommes dans des
opérations de cette nature. Si le Code l’avait ainsi exigé,
c’est qu’à l’époque où il était édicté, cette funeste pas
sion n ’était pas poussée au point où nous la voyons au
jourd’hui. On était encore loin des développements ef
frayants qu’elle a atteints, et que des faillites récentes
nous ont divulguées l.
Nous ne craignons pas de le dire, les tribunaux doi
vent se montrer sévères dans l'appréciaiion de ce chef.
Il importe que le commerce soit rappelé dans ses voies
normales. Assez d’écueils signalent déjà sa route, pour
qu’on tolère qu’il aille s’en créer d’autres dans des pas
sions qui ne peuvent engendrer que le désordre et la
ruine. Que la magistrature veille donc à ce danger avec
la vigilance et la consciencieuse fermeté qui la caracté*
i Nous avons eu personnellement à nous occuper, dans un court in
tervalle, de deux faillites. Dans l'une, un banquier avait joué et perdu
ii la loterie, dans l’espace de quatre ans, 760,000 fr.; dans l’autre, un
négociant était resté débiteur, envers une seule maison, de 800,000 fr.,
pour différences sur les huiles et savons !
�296
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
risent. De tous les services signalés qu’elle rend à la so
ciété, la répression de cet abus rie sera pas le moindre.
1 2 16.
— 3° Achats pour revendre au-dessous du
cours, emprunts, circulation d'effets ou autres moyens
ruineux. Quelques modifications ont été faites sur ce
chef à la précédente législation.
Le Code de commerce, en effet, ne punissait les em
prunts considérables et la vente au-dessous du cours,
que lorsqu’ils s’étalent réalisés à une époque où l’actif
du failli était au-dessous du passif de cinquante pour
cent. Mais cette limitation n’avait d’autre résultat que
d’affaiblir l’action de la justice, de la laisser même dé
sarmée en présence du délit qui existait en réalité, bien
que contredit par les apparences. On sait, en effet, que,
dans l’actif des commerçants, il entre toujours une cer
taine somme de créances irrecouvrables. Son adjonction
pouvait donc, dans cette circonstance, ne porter qu’à un
chiffre moindre que celui exigé par la loi, le déficit qui
pouvait, au fond, être plus considérable.
D’ailleurs, la disposition pénale du Code de commer
ce était fondée sur la présomption que, parvenu à celte
position, les emprunts et les ventes au-dessous du cours
ne pouvaient avoir pour objet que de retarder la dé
claration de faillite. Or, cette supposition pouvait ne pas
être fondée, même avec un déficit de cinquante pour
cent, tandis qu’elle pouvait être vraie, lorsqu’il était bien
moindre.
1217.
— La loi actuelle est donc beaucoup plus ra
tionnelle, lorsque laissant à l’écart la position du débi-
�art .
584, 585, 586.
297
teur, elle confie aux tribunaux l'appréciation souveraine
de sa conduite. Les faits qui lui sont reprochés ont-ils
été dictés par l’intention de retarder la faillite ? Il y a
culpabilité quel que soit le déficit. Il est évident, en effet,
que puisque c'est le seul but que la loi voulait attein^dre, son existence devait, indépendamment des circons
tances qui Pont vue s’accomplir, tomber sous le coup de
cette disposition.
Ainsi, l’achat pour revendre au-dessous du cours
n’est plus, par lui-même, le délit de banqueroute sim
ple. Il ne prend cette qualité, que s’il a été accompli
dans l’intention de reculer la faillite, que la position du
débiteur rendait dès lors inévitable.
1218.
— Le Code de commerce punissait la revente
<) perte, ou au-dessous du cours, isolément de tout achat.
L’article 585 exige l’achat et la revente. S’ensuit-il que
si, sans acheter, le débiteur a vendu les marchandises
qu’il possédait au-dessous du cours, il soit à l’abri de
toute peine ?
Il faudrait répondre affirmativement, si l’article 585
ne renfermait que les expressions qu’on lit en tête du
numéro trois. Il faudrait plus encore : on ne pourrait
trouver le délit que lorsque les marchandises revendues
au-dessous du cours seraient identiquement les mêmes
que celles achetées. Or, une pareille solution eût enlevé
toute autorité à la disposition de la loi, que l’on aurait
bien facilement éludée.
Mais le législateur n’a pas voulu un pareil résultat, et
c’est dans les termes généraux dont il s’est servi, que
l’on trouve le remède que sa disposition première exi-
�298
DES FAILLÎTES ET BANQUEROUTES
geait. On remarquera, en effet, qu’il punit non-seule
ment l’achat pour revendre, les emprunts ou circulation
d’effets, mais encore tout moyen ruineux de se procu
rer des fonds. Or, la revente au-dessous du cours, iso
lée de tous achats, rentrerait incontestablement dans la
catégorie de ces moyens, et tomberait, par conséquent,
sous le poids de la disposition qui les prohibe.
Ainsi, la revente au-dessous du cours est punissable
dans quelques circonstances qu’elle se réalise, pourvu
toutefois qu’elle ait eu lieu dans l’intention de retarder
la faillite.
1219.
— A quelles conditions reconnaîtra-t-on qu’il
en a été ainsi ? C’est à la conscience des tribunaux que
la solution de cette question est souverainement aban
donnée. Mais il est évident que, dans les éléments de la
conviction qu’ils auront à se former, la position réelle
du débiteur, avant et après la revente, devra se recom
mander particulièrement à leur attention. Ainsi, un com
merçant est dans l’impuissance de subvenir à une éché
ance ; pour s’en procurer les moyens, il réalise à tout
prix sa marchandise ; les échéances se succèdent, et il
n’y satisfait que par la même opération ; il y a là insol
vabilité certaine, profonde, et, par conséquent, délit,
pour avoir sciemment retardé une faillite inévitable.
Au contraire, un négociant a entrepris une opération
qui doit lui être profitable. Un besoin urgent et imprévu
le force à vendre des marchandises au-dessous du cours
parce qu’il sera dans l’impossibilité de se procurer au
trement les fonds qui lui sont indispensables ; ou bien
un embarras momentané, à la suite d’une crise com-
�art.
884, 885, 586.
399
merciale, lui impose ce sacrifice. Mais, bientôt, tout re
prend son cours ordinaire, et pendant un temps plus ou
moins long, il continue honorablement sa profession il
n’y aurait certainement aucune justice à le déclarer ban
queroutier simple.
En résumé, la pensée de la loi résulte clairement de
ses dispositions. Le commerçant qui acquiert la convic
tion que sa position est désespérée, doit s’arrêter, et pro
voquer lui-même sa faillite. Il ne lui est plus permis de
braver les chances de sa profession, lorsqu’il ne pour
rait le faire, sans creuser plus profondément le gouffre
du déficit, et sans dissiper un actif que la loyauté et la
délicatesse lui font un devoir d’abandonner à ses créan
ciers. Tout ce qu’il fait dans le but de se soustraire h
cette obligation, constitue pour les derniers un véritable
préjudice, et le rend lui-même coupable aux yeux de la
justice, comme aux yeux de la raison.
1220.
— De ce que la loi n’atteint que la revente
au-dessous du cours, il suit que la perte sur le prix d’a
chat ne saurait constituer le délit de banqueroute sim
ple, si, d’ailleurs, la vente avait été faite au cours du
moment. La nécessité de subir cette perte peut résulter,
pour le commerçant, ou de ce qu’il a mal acheté, ou
d’une baisse éprouvée par la marchandise, ou d’une dé
térioration subie par un trop long séjour dans les ma
gasins. On comprend même, dans ce dernier cas, qu’une
vente au-dessous du cours ne serait pas de nature à con
stituer un délit.
1 2 2 î. — Les emprunts contractés pour retarder la
�300
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
faillite causent un véritable et grave dommage aux prê
teurs qui ne seront jamais remboursés intégralement.
C’est, disait M. Raynouard x, un moyen de favoriser, au
mépris de l’égalité, ceux des anciens créanciers que l’on
désintéresse, et d’aggraver les pertes de ceux dont on
dilapide le gage. Sous ce double rapport, il y a justice
à infliger une peine au débiteur qui y a recouru.
La raison indique assez ce qui constitue un emprunt
ruineux. Ainsi, celui qui supporterait un intérêt exor
bitant, qui, pour se procurer une somme quelconque,
serait obligé de livrer un gage d’une valeur supérieure,
serait nécessairement atteint par la disposition de l’arti
cle 585.
1 2 2 2 . — La mise en circulation d’effets, avec la
certitude qu’on ne pourra ni les payer, ni en faire les
fonds à l’échéance, a été justement réprouvée par le lé
gislateur. Ce moyen factice est trop malheureusement
prodigué, malgré les conséquences fâcheuses qu’il en
traîne. En effet, la nécessité d’un protêt à l’échéance et
d'un compte de retour, détermine des frais considéra
bles qui empirent singulièrement la position du débiteur.
1 225.
— Le Code de commerce ne considérait la
mise en circulation comme coupable, que lorsqu’elle at
teignait une somme triple de l’actif. Cette limitation dans
le chiffre a été abrogée par la loi nouvelle. Comme pour
les ventes au-dessous du cours, comme pour les em
prunts, qu’ils soient ou non considérables, les tribunaux
1 V. son rapport A la chambre des députés, session de 1835.
�ABT. 584, 585, 586.
301
n’ont qu’à apprécier les motifs de la création d’effets.
Le débiteur a -t-il voulu retarder sa faillite ? La décision
affirmative le place nécessairement sous le coup des ar
ticles 585 de la loi et 402 du Code pénal
1224. — 4° Paiement d'un créancier après la ces
sation de paiements. Cet acte constitutif de la banque
route simple a été ajouté par la loi nouvelle à ceux qui
précèdent, et que le Code avait également prévus. Il n’est
que la consécration des principes que nous avons rele
vés, à savoir : qu’il y a faillite dès que la cessation de
paiements se réalise ; qu’à partir de ce moment, tous les
créanciers ont un droit égal à l’actif ; qu’il n’est plus
permis au failli de disposer de celui-ci au détriment de
la masse.
Or, les paiements opérés au mépris de ces prescrip
tions causent à celle-ci un préjudice notable. Le créan
cier, qui se trouve par là désintéressé, serait venu sim
plement à contribution et n’aurait touché qu’un divi
dende comme tous les autres. Dès lors, ce qui, dans la
somme payée, excède ce dividende, est réellement sous
trait à la masse entre laquelle il eût été réparti. C’est
cette soustraction que notre article a voulu réprimer.
1225. — Il suit de cette intention de la loi que, si
le paiement opéré n’avait pas ce caractère, l’application
de l’article 585 serait impossible. Ainsi, si le créancier
désintéressé était privilégié, le failli n’encourrait aucun
reproche. Il n’aurait fait que ce que la masse aurait été
obligée de faire plus lard. Il n’aurait non plus occasion
né le moindre préjudice à personne.
�302
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1 2 26.
— Tels sont les faits dont l’existence maté
rielle constitue le délit de banqueroute simple. L’article
586 énumère ceux dont la criminalité se règle par l’in
tention qui y a présidé.
Le Code de commerce plaçait dans la catégorie des
faillis qui pouvaient être déclarés banqueroutiers sim
ples :
1° Celui qui n’avait pas fait au greffe la déclaration
prescrite par l’article 440 :
2° Celui qui, s’étant absenté, ne s’était pas présenté
en personne, aux agents et aux syndics, dans les délais
fixés et sans empêchement légitime ;
3° Celui qui présentait des livres irrégulièrement te
nus, sans néanmoins que les irrégularités constituassent
la fraude, ou qui ne les présentait pas ;
4° Celui qui, ayant une société, ne s’était pas con
formé à l’article 440.
On comprend que la doctrine et la jurisprudence ne
pouvaient modifier en rien les termes de la loi dans une
matière où l’intention pouvait seule établir ou faire dis
paraître le délit. Cependant, nous devons constater que
l'une et l’autre avaient reconnu que l’obligation de te
nir des livres et de les représenter, ne pouvait être im
posée aux petits marchands, le plus souvent incapables
de le faire, et notamment aux colporteurs. Toutefois,
c’était là une règle d’appréciation qui rentrait dans l’exa
men de la question intentionnelle, et que les circonstan
ces pouvaient modifier.
1227.
— La loi nouvelle a accepté les catégories
tracées dans le Code, en y ajoutant quelques faits dont
�ART.
584, 585, 586.
303
le classement était réclamé par l’expérience, ou com
mandé par les dispositions nouvelles.
Ainsi, pourra être déclaré banqueroutier simple, celui
qui, indépendamment des faits prévus par le Code de
commerce, aura commis l’un des suivants :
1228.
— 1° Contracté pour le compte d’autrui, sans
recevoir des valeurs en échange, des engagements jugés
trop considérables, eu égard à sa situation lorsqu’il les
a contractés.
C’est là une précaution que le législateur a cru de
voir prendre contre ces avances exagérées, qui placent
celui qui les fournit à la discrétion de celui qui les re
çoit, de telle sorte que la faillite de celui-ci entraîne né
cessairement celle de l’autre.
Cet abus avait même paru si grave, que le projet de
la loi considérait son existence comme devant nécessai
rement constituer la banqueroute simple. Mais , sur
l’observation que celui qui aurait accordé une confiance
trop étendue , pouvait n’avoir commis aucune impru dence, la chambre des pairs le fit passer dans les caté
gories de l’article 586, et le fit descendre ainsi au rang
des faits dans lesquels le délit est facultatif.
Î2 2 9 . — 2° S’il est déclaré de nouveau en faillite,
avant d’avoir satisfait aux obligations d’un précédent
concordat.
Celte disposition, disait le garde des sceaux ’, est des
tinée à punir les scandaleuses violations par lesquelles
on se joue très fréquemment de ces sortes de traités.
i Exposé des motifs à la chambre des pairs, séance du 36 janv. '1836.
�304
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1230. — Il résulte de ces termes, que la faillite
produite par la résolution du concordat, pour inexécu
tion, exposerait le débiteur à être poursuivi et condam
né comme banqueroutier simple. Celle inexécution étant
précisément ce que la loi a voulu empêcher, peu im
porte qu’elle soit le résultat ou la cause d’une déclara
tion nouvelle de faillite. Il suffit qu’elle se réalise, pour
que son auteur soit appelé à rendre compte de sa con
duite.
Mais la nouvelle faillite, par suite de l’annulation du
concordat, ne donnerait pas lieu à l’application de no
tre disposition. D’abord, parce que, dans ce cas, il n’y
a pas inexécution volontaire de la part du failli ; en
suite, parce que ce n’est pas par un fait qui lui soit nou
vellement imputable, que l’anéantissement du traité s’o
père. Le vice dont le concordat était entaché se rapporte
essentiellement à la faillite qu’il avait clôturée. C’est
donc sous le rapport du caractère de celle-ci que le
failli pourrait avoir à répondre de l’annulation, et nous
avons vu qu’elle pourrait motiver une banquerouie frau
duleuse h ou résulter de la condamnation précédem
ment prononcée.
1 2 3 1 . — Si, étant marié sous le régime dotal, ou
séparé de biens, il ne s’est pas conformé aux articles 69
et 70 du Code de commerce.
Cette disposition n’était qu’une conséquence forcée
du remplacement de l’ancien article 69 adopté par le
nouveau législateur. Nous avons déjà, en parlant de ce
1 Voy. supra article 520.
�ART.
584, 585, 586.
305
remplacement, fait ressortir tout ce qu’il avait de ra
tionnel et de juste L Nous n’y reviendrons plus.
Tels sont les faits que la loi nouvelle a ajoutés à la
série de ceux prévus par le Code de commerce. L’unique
modification que ces derniers aient subie, c’est l’appli
cation spéciale à l’inventaire, de l’obligation de présen
ter des livres exacts et réguliers ; mais ce n’est pas là
une innovation. Il est, en effet, d’autant plus certain
que le Code comprenait l’inventaire dans les livres qu’il
exigeait, qu’indépendamment de son importance, c’est
par ses résultats que se réglait l’application des troisiè
me et quatrième dispositions de l’article 586.
4 2 3 2 . — Après avoir vu les faits divers de ban
queroute simple, on comprend facilement la distinction
que Ton a de tout temps admise entre eux, soit quant
à la poursuite, soit quant à la condamnation. Ceux pré
vus aujourd’hui par l’article 586, diffèrent essentielle
ment de ceux punis par l’article 585. Il n’en est pas un
qui fasse nécessairement présumer la fraude ou l’impru
dence ; ils peuvent n’être que la conséquence d’un ou
bli, de l’ignorance, de la légèreté, d’une impossibilité
même d’agir autrement ; tandis que les derniers consti
tuent au moins une imprudence coupable.
Au reste, nous ne saurions utilement entrer ici dans
de plus longs développements. L’obligation de décider la
question intentionnelle, laisse les magistrats arbitres
souverains de l’opportunité d’une condamnation. Pour
une telle appréciation, la doctrine est superflue, puis' V préambule de la loi, n» ‘i .
ni — 20
�306
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
que les faits étant certains, c’est la pensée de leur au
teur qui seule pourra être atteinte et punie.
1 2 3 3 . — A quelque catégorie qu’il appartienne, le
failli déclaré coupable de banqueroute simple sera puni
des peines portées par l’article 402 du Code pénal, que
les tribunaux pourront modifier par l’article 463. C’est
donc, en thèse ordinaire, un emprisonnement d’un mois
à deux ans qu’il aura à subir.
La distance qui sépare le minimum du maximum
laisse une vaste échelle au pouvoir des tribunaux. Elle
permet d’avoir tous les égards que méritent les circons
tances relevées par la défense, même dans les hypothè
ses où la condamnation est forcée par la matérialité des
faits ; et lorsqu’on réfléchit qu’au moyen de l’article
463, cette échelle reçoit des proportions plus considéra
bles, on est rassuré sur la sévérité de la loi, dont l’ap
plication confiée à nos magistrats saura, sans dangers,
concilier la nécessité de la répression, avec la justice
qu’exige la position particulière du condamné.
1 2 5 4 . — La banqueroute simple existe, alors mê
me que le failli serait convaincu d’un seul des faits énu
mérés par nos deux articles. Si la prévention en cotait
plusieurs, et que sur l’un d’eux le failli eût été acquitté,
l'accusation serait-elle purgée pour tous, ou bien de
vrait-il être prononcé sur les autres par jugement séparé?
La cour d’Aix ayant eu à décider cette question, l’a
résolue dans le premier sens par arrêt du 9 août 1837.
Cet arrêt nous paraît si fortement motivé en droit, qu’on
ne saurait, après l’avoir lu, adopter une opinion con
traire. Voici l’espèce sur laquelle il a été rendu :
�ART- 584, 585, 586.
307
Brunet ayant été déclaré en état de faillite, une or
donnance de la chambre du conseil, confirmée par la
chambre d’accusation, le renvoya : 1° devant la cour
d’assises pour fait de banqueroute frauduleuse ; 2° de
vant le tribunal correctionnel, sous prévention de ban
queroute simple, pour avoir omis de faire la déclaration
exigée par l’article 440, et pour ne pas s’être présenté
à l’agent dans les délais.
Devant les assises, une question subsidiaire de ban
queroute simple, pour tenue irrégulière de livres, est
posée au jury. Sur la réponse négative de celui-ci, tant
sur le fait principal que sur le fait subsidiaire, Brunet
est acquitté.
En cet état, le ministère public assigne Brunet pardevant le tribunal correctionnel, pour répondre sur les
faits admis par l’ordonnance et l’arrêt de renvoi. Bru
net soutient que l’accusation a été purgée par l’arrêt de
la cour d’assises. Mais le tribunal de Marseille écarte
cette fin de non-recevoir, et, au fond, condamne pour
banqueroute simple.
Appel de Brunet et arrêt réformatif :
« Attendu que, d’après l’article 360 du Code d’ins
truction criminelle, toute personne acquittée légalement
ne pourra être reprise ou accusée à raison du même
fait ;
» Attendu que, quoique le délit de banqueroute sim
ple puisse résulter des circonstances diverses et même
non connexes par leur nature , ces circonstances, soit
qu’on les prenne isolément, soit qu’on les prenne cu
mulativement, ne constituent jamais qu'un fait dans le
�308
des
Fa il l it e s e t b a n q u e r o u t e s
sens de l’article 360 du Code d’instruction criminelle,
lequel fait n’est jamais que celui de banqueroute simple;
» Attendu que si Brunet eût été condamné comme
banqueroutier simple par la cour d’assises, il aurait
purgé complètement la prévention de banqueroute sim
ple, à raison même des circonstances renvoyées devant
le tribunal correctionnel, par l’ordonnance de la cham
bre du conseil ; qu’il faut donc admettre qu’il a purgé
ces circonstances par un acquittement; car, par cela
même qu’il a été acquitté, il a couru la chance d’être
condamné. »
1235.
— Le délit de banqueroute simple est sus
ceptible d’être éteint par la prescription. Le délai de
celle-ci est celui fixé pour tous les délits par l’article 683
du Code d’instruction criminelle, c’est-à-dire trois ans
à partir de la faillite, et si depuis il s’est réalisé des pour
suites non suivies de jugement, à partir du dernier acte
d’instruction ou de poursuite.
A rt . 5 8 7 .
L es f r a is d e p o u r s u it e en b a n q u e ro u t e sim ple
In ten tée p a r le m in is t è r e p u b lic n e p o u r ro n t, en
a u cu n cas, ê tre m is à la c h a rg e d e la m asse.
En cas d e c o n c o rd a t, le r e c o u r s d u t r é s o r pu
b lic c o n tre le fa illi, p o u r ces f r a is , ne p o u r r a être
exercé q u ’a p r è s l ’e x p ira tio n d es te rm e s accordés
p a r ce tra ité .
A rt . 5 8 8 .
L es fr a is de p o u r s u it e in te n té e p a r le s syndics,
a u n om d es c ré a n c ie rs , s e r o n t su p p o rté s, s’il y a
�ART.
587, 588, 589, 590.
309
acq u ittem en t, p a r la m asse, et s ’il y a c o n d a m n a
tion, p a r le t r é s o r p u blic , s a u f so n r e c o u r s co n tre
le fa illi, c o n fo rm é m e n t à l’a r t ic le p récéd en t.
A rt . 5 8 9 .
Les syn d ics ne p o u r r o n t in te n te r d e p o u r s u it e
en b a n q u e ro u te sim ple, n i se p o r t e r p a r tie civile
au nom d e la m a sse , q n ’a p rè s y a v o ir été a u t o r i
sés p a r u n e d é lib é ra tio n p ris e à la m a jo rité In d i
viduelle d es c ré a n c ie rs p ré se n ts.
A rt . 5 9 0 .
Les fr a is d e p o u r s u it e in ten tée p a r u n c ré a n
cier s e ro n t su p p o rté s, s ’i l y a c o n d a m n a tio n , p a r
le t r é s o r p u b lic ; s ’il y a acq uittem en t, p a r le c ré
ancier p o u rsu iv a n t.
SOMMAIRE
1236.
1237.
1838.
1239.
1240.
1241.
1242.
1243.
Innovation que ces articles créent en matière de poursui
tes en banqueroute simple.
Inconvénients qui résultaient du système admis par le
Gode.
Comment le nouveau législateur a réglé les droits des
créanciers dans toutes les hypothèses.
1” La poursuite est faite par le ministère public. —• Les
frais ne retombent, dans aucun cas, à la charge de la
masse.
Le recours du trésor public ne peut même, s’il y a eu
concordat, être exercé qu’après l’expiration des termes
accordés par les créanciers.
2' La poursuite est faite par les syndics. — La masse ne
supporte les frais que s’il y a acquittement.
Mais les syndics ne peuvent agir qu’après en avoir reçu
l’autorisation des créanciers. — Motifs.
Conséquences du défaut d’autorisation.
�310
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1244.
Si la poursuite dirigée par les syndics a amené la con
damnation, les sommes consignées pour frais aux ter
mes du décret de 1811, doivent être restituées.
1245. 3® La poursuite est faite par un créancier. — Sa position
est identique â celle des syndics.
1246. L’Etat jouit, en cas de condamnation, du recours contre
le failli, malgré que l ’article 590 ne s’en explique pas.
1247. Le failli acquitté, sur la poursuite des syndics, a le droit
de se faire tenir compte des sommes prélevées sur son
actif pour faire face aux frais.
12 3 6 . — Ces dispositions établissent un droit nou
veau en matière de poursuites en banqueroute. On sait
que sous l’empire du Code de commerce les frais du
procès fait au failli, par le ministère public, étaient sup
portés par l’Etat, s’il y avait acquittement ; par le failli,
si une condamnation l’avait atteint. Or, comme tous les
biens du failli appartenaient à ses créanciers, c’étaient,
en définitive, ceux-ci qui souffraient de la condamna
tion qui leur imposait ainsi une perte nouvelle.
1 237. — Il n’est pas difficile d’apprécier combien
une telle disposition servait les intérêts du failli, et con
tribuait à son impunité. Dans plusieurs circonstances,
la crainte de voir la justice prendre le peu qui restait
dans l’actif, était de nature à empêcher les créanciers et
les syndics de s’expliquer avec franchise sur les torts du
failli, et à frapper ainsi d’impuissance les efforts du mi
nistère public.
Le Code de commerce avait donc mal à propos faus
sé la position des créanciers, en plaçant leur intérêt
dans l’acquittement des faillis. I/expérience de trente
�ART.
587, 588, 589, 590.
311
années, les plaintes unanimes qui de tout côté s’élevaient
sur l’impunité dont ces derniers jouissaient, signalent
d’une manière évidente les conséquences funestes qui en
étaient découlées.
1238. — Le nouveau législateur ne pouvait donc
pas hésiter à modifier cet état des choses, à remédier à
cet abus d’une manière efficace. Tel a été l’objet des dis
positions que nous examinons. Elles doivent avoir pour
résultat, non seulement d’assurer à l’action du ministère
public le concours loyal des créanciers et des syndics,
mais encore de les appeler individuellement dans l’arène
judiciaire, soit comme auxiliaires du procureur de la
République, soit comme parties principales.
1239. — 1° Le failli est poursuivi directement par
le procureur de la République.
Quelle que soit l’issue de la poursuite, la masse ne
sera jamais grevée des frais auxquels elle aura donné
lieu. Ces frais seront donc supportés par l’Etat, s’il y a
acquittement ; par le failli personnellement, s’il y a con
damnation.
Mais, dans cette hypothèse même, la loi distingue la
masse, du failli. L’Etat ne pourra recourir que contre
la personne de celui-ci, et contre les biens qu’il acquer
ra par la suite, soit que la faillite ait été terminée par
concordat ou par union.
1240. — La loi fait plus encore. Le concordat im
pose au failli des obligations sacrées envers ses créan
ciers. L’action du trésor pourrait être un obstacle à leur
accomplissement, en troublant les prévisions sur les-
�312
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
quelles elles sont fondées. En conséquence, le recours
du trésor a été suspendu jusqu’après les délais accordés
par le traité, et partant jusqu’à une époque où les cré
anciers auront pu être complètement désintéressés.
Cette disposition qui n ’existait pas dans le projet, fui
proposée en 1835 par la commission de la chambre des
députés, et adoptée par le gouvernement. « Ce sont là,
disait le rappporteur 1, des sacrifices que l’on peut de
mander au trésor public, parce que ce sont les intérêts
généraux du commerce et de la justice sociale qui les
réclament. Votre commission a pensé qu’il devait être
fait réserve expresse du recours personnel contre le
failli, pour les cas où, après l’obtention et l’exécution
du concordat, il reviendrait à meilleure fortune. »
Il est donc bien certain, aujourd’hui, que les créan
ciers n’auront jamais à supporter directement ni indi
rectement les frais de la poursuite intentée par le mi
nistère public. Ceux d’entre eux dont on invoquerait le
témoignage n’auront, conséquemment , aucun motif
plausible pour ne pas dire la vérité toute entière sur les
faits qui seront venus à leur connaissance, et dont l’ex
istence avérée serait de nature à amener une condam
nation.
1241.
— 2° Les syndics agissent principalement,
ou se sont constitués partie civile.
La loi nouvelle applique, dans cette hypothèse, à la
juridiction correctionnelle, la règle que l’article 368 du
Code d’instruction criminelle avait adoptée pour le grand
i Séance du 26 janvier -1835.
�ART.
587, 588, 589, 590.
313
criminel. En cas de condamnation, la partie civile ne
sera jamais passible des dépens. Par conséquent, soit
que les syndics aient eux-mêmes intenté la poursuite,
soit qu’intervenant dans celle dirigée par le procureur
de la République, ils aient pris la qualité de partie ci
vile, les frais ne seront à la charge de la masse que si
le failli est acquitté.
Le législateur ne pouvait aller au-delà sans s’exposer
à favoriser, dans bien des circonstances, des sentiments
auxquels il ne pouvait s’associer. Il n’est pas rare, dans
les premiers moments d’une faillite, d’entendre les cré
anciers la qualifier de banqueroute simple ou fraudu
leuse. La certitude d’être, dans tous les cas, exempts de
frais, aurait pu les porter à céder plus facilement à leur
irritation, à se livrer à des poursuites qui n’auraient
aucun fondement réel.
La certitude contraire leur impose l’obligation d’exa
miner, avec calme et sang-froid, les circonstances qu’ils
ont à relever contre le failli ; toute poursuite irréfléchie
devant tourner à leur préjudice, augmenter la perte
qu’ils éprouvent, en grevant l’actif des frais qu’elle oc
casionnerait.
1242.
— C’e s t, au reste, parce que le législateur
s’est méfié des conseils puisés dans l’indignation et le
ressentiment, qu’il a soumis la conduite des syndics à
l’approbation préalable des créanciers. Une masse n’est
pas aussi susceptible que quelques individus, de se lais
ser emporter aux premiers mouvements. Dans cette cir
constance, d’ailleurs, la délibération dirigée par le ju
ge-commissaire trouvera, dans le concours de ce raagis-
�314
DES FAILLÎTES ET BANQUEROUTES
trat un élément d’appréciation impartial dont l’autorité
sera difficilement méconnue.
La disposition de l’article 387 se justifie, en outre,
par un autre motif. L’intervention des syndics est de
nature à entraîner des engagements qui dépassent les
limites de leur mandat. L’obligation de supporter les
frais, en cas d’acquittement, peut être onéreuse pour la
masse qu’elle grève. Les syndics n’ayant pas, en géné
ral,-la mission de l’engager, il convient délaisser à ses
membres à décider de la conduite qu’ils devaient tenir.
Ainsi, les syndics ne pourront ni poursuivre, ni se
constituer partie civile, sans en avoir reçu l’autorisation
des créanciers régulièrement assemblés.
1243.
— Quelle serait la conséquence de la viola
tion d# l’article 589? Il faut résoudre celte question
sous un double point de vue :
Ou le failli traduit en police correctionnelle excipera
de l’absence d’autorisation, et son exception devra être
accueillie par le tribunal. Les syndics n’ont réellement
action que dans les cas et aux conditions prévues par
la loi. Or, dans l’hypothèse, l’article 589 leur imposant
celle d’obtenir l’autorisation des créanciers, tout ce qu’ils
ont fait, sans cette autorisation, est irrégulier. Ils de
vraient donc être déclarés non recevables, et condam
nés personnellement aux dépens.
Ou le failli n’a pas relevé cette fin de non recevoir, et
l’issue de la poursuite règle la position des syndics. Si le
failli a été condamné, la masse n’a pointé se plaindre;
elle n’éprouve aucun préjudice. S'il a été acquitté, les
frais étant à la charge des créanciers, ceux-ci ont le droit
�ART.
587, 588, 589, 590.
315
de les faire supporter par les syndics qui ont agi sans les
consulter.
1 2 4 4 . — Si la poursuite dirigée par les syndics, en
suite d’une autorisation régulière, s’est terminée par
une condamnation, les dépens restent à la charge de
l’Etat, sauf son recours contre le failli, conformément à
ce que nous venons de dire. Il résulte de là que si, aux
termes du décret de 1811, la consignation préalable des
frais avait été faite, les sommes consignées seraient rem
boursées aux syndics.
1 245. — 3° la poursuite est dirigée par un créan
cier individuellement, soit qu’il agisse directement, soit
qu’il se constitue partie civile.
Il en est pour les créanciers, comme pour les syndics :
les frais ne sont à leur charge que lorsque le failli aura
été acquité; dans le cas contraire, ils sont supportés par
l’Etat. Conséquemment, celui qui aurait poursuivi, ob
tiendrait, après la condamnation, la restitution des som
mes qu’il aurait été dans le cas de consignerl.
1246. — Il est à remarquer que l’article 590 ne
réserve pas expressément, comme le fait le précédent, le
recours du trésor public contre le failli. Mais cette omis
sion ne nous parait pas devoir être considérée comme
l’exclusion, dans ce cas spécial, de l’action du trésor ;
le failli, s’il succombe, est condamné, dans, toutes les
hypothèses, aux frais envers l’Etat. Le jugement ou l’ar
rêt est donc, pour le trésor, un titre suffisant pour con' V., pour ce qui concerne les dommages-intérêts réclamés par les
syndics ou par un créancier, infrà art. 601.
�316
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
traindre au paiement ; mais il ne peut réaliser un re
cours quelconque, que conformément à l’article 587.
1247.
— Dans les trois hypothèses que nous ve
nons d’examiner, il en est deux dans lesquelles le failli,
légalement acquitté, ne peut voir les frais mis à sa char
ge. Ainsi, si la poursuite est intentée par le ministère
public, c’est l’Etat qui les paie sans répétition , si l’un
des créanciers s’est constitué partie civile, et a poursuivi
comme tel, les frais le concernent personnellement.
Mais , il n’en est pas de même dans la troisième. Si
les syndics ont succombé, c’est la masse qui paye, c’està-dire, que l’on prend sur l’actif de la faillite de quoi
faire face aux frais. En réalité, donc, c’est le failli qui,
quoique acquitté, supporterait les dépens de l’instance,
si les créanciers n’étaient pas obligés de lui en tenir
compte.
Or, un pareil résultat blessserait ouvertement tous les
principes et violerait la loi. Il n’a pu, dès lors, être con
sacré par le législateur. Nous croyons donc que le failli
serait libéré, envers ses créanciers, de tout ce qui aurait
été par eux consacré à solder les frais de poursuite. Les
créanciers devraient proportionnellement l’ajouter au
dividende qu’ils ont réellement touché, et en tenir compte
au failli, lorsqu’il demanderait sa réhabilitation.
�art.
591, 592.
317
CHAPITRE II
DE i.%
banqueroute: fra u d u leu se
A rt . 5 9 1 .
S e ra d é c la ré b a n q u e ro u t ie r fra u d u le u x , et p u n i
des p ein e s p o rtée s a u Code p én al, to u t c o m m e r
çant fa illi q u i a u r a s o u s tra it ses liv re s, d é to u rn é
ou d is s im u lé u n e p a r t ie d e son actif, on q u i, so it
dan s ses é c ritu re s , so it p a r d es actes p u b lic s ou
des e n g a g e m e n ts so u s s ig n a t u re p rivée, so it p a r
son b ila n , se s e r a fra u d u le u s e m e n t re c o n n u d é
b it e u r d es so m m es q u ’il ne d ev a it pas.
A rt . 5 9 2 .
L es f r a is d e p o u r s u it e eu b a n q u e ro u t e f r a u d u
leuse n e p o u r ro n t, en a u cu n cas, ê tre m is à la
charge d e la m asse.
Si u n o u p lu s ie u r s c ré a n c ie rs se so n t r e n d u s
p artie s civiles en le u r n om p e rs o n n e l, le s fr a is ,
en cas d ’a c q u itte m e n t, d e m e u re ro n t à le u r
charge.
SOMMAIRE
1248.
Dispositions du Code de commerce relativement à la ban
queroute frauduleuse.
1249. La loi actuelle a abrogé la distinction admise par les arti
cles 593 et 594, comme ne répondant à aucun besoin.
1250. Elle a abrogé la classification qu’ils renfermaient à cause
des inconvénients qu’elle pouvait entraîner.
1251. Exemple de ces inconvénients dans une hypothèse qui
s’est présentée à la cour d’assises de Rouen.
1252. Elle a rattaché les faits constitutifs de banqueroute à ces
deux idées principales. — Détournement, ou dissimu
lation de l’actif. — Exagération du passif.
i
�318
1253.
1254.
1255.
1256.
1257.
1258.
1259.
1260.
1261.
1262.
1263.
1264.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
L’enlèvement des livres a été maintenu au nombre des
présomptions de banqueroute frauduleuse.
Motifs qui en ont fait retrancher la violation du mandat
ou du dépôt.
La connaissance de la banqueroute est déférée à la cour
d’assises. — Conséquences pour la question intention
nelle.
Conséquences de la différence que l ’article 591 fait entre
les faits qu’il a admis.
L’existence du jugement déclaratif ne dispense pas de
soumettre au jury la question de savoir si l ’accusé est
commerçaut failli. — Arrêts de la cour de cassation.
Mais celle de savoir si les faits déclarés constants, consti
tuent la banqueroute frauduleuse, appartient exclusive
ment à la cour.
Ce crime peut résulter des faits postérieurs au jugement
déclaratif.
Les actes dont parlent les articles 446 et 447 peuvent-ils
le constituer?
Les termes de l’article 592, relatifs aux frais de poursui
te, régissent la masse, même lorsqu’elle s’est constituée
partie civile.
Motifs de la différence admise pour les créanciers indivi
duellement.
Si dans l’origine le failli a été condamné aune peine afflic
tive et infamante, il est représenté dans la faillite par le
tuteur qui doit lui être donné.
L’action en banqueroute n'est éteinte que par la prescrip
tion ordinaire.
1 248. — Le Code de commerce avait établi, pour
la banqueroute frauduleuse, une distinction analogue à
celle qu’il avait admise pour la banqueroute simple.
Sera déclaré banqueroutier frauduleux, disait Parti-
�art.
591, 592.
319
cle 593, tout commerçant failli qui se trouvera dans un
ou plusieurs dès cas suivants, savoir :
1° S’il a supposé des dépenses ou des pertes, ou ne
justifie pas de l’emploi de toutes ses recettes ;
2° S’il a détourné aucune somme d’argent, aucune
dette active, aucunes marchandises, denrées ou effets
mobiliers ;
3° S’il a fait des ventes, négociations ou donations
déguisées ;
4° S’il a supposé des dettes passives et collusoires en
tre lui et des créanciers fictifs, en faisant des écritures
simulées, ou en se constituant débiteur, sans cause ni
valeur, par des actes publics ou des engagements sous
signature privée ;
5° Si, ayant été chargé d’un mandat spécial, ou con
stitué dépositaire d’argent, d’effets de commerce, de den
rées ou marchandises, il a, au préjudice du mandat ou
du dépôt, appliqué à son profit les fonds ou la valeur
des objets sur lesquels p o rtait, soit le mandat, soit le
dépôt ;
6° S’il a acheté des immeubles ou des effets mobiliers
à la faveur d’un prête-nom ;
7° S’il a caché ses livres ;
L’article 594 ajoutait : pourra être poursuivi comme
banqueroutier frauduleux, et déclaré tel :
Le failli qui n’a pas tenu des livres, ou dont les livres
ne présenteront.pas sa véritable situation active et pas
sive ;
Celui qui, avant obtenu un sauf-conduit, ne se sera
pas représenté à justice.
�3â0
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1 249. — La loi actuelle n’a maintenu, ni cette dis
tinction, ni cette classification. La première ne répon
dait à aucun besoin réel ; la gravité de la peine, audelà de toute proportion avec la nature des faits, dans
les hypothèses de l’article 594, loin d’en empêcher la
réalisation, ne pouvait qu’en assurer l’impunité. On
pourrait difficilement citer un exemple dans lequel cette
disposition ait été appliquée. En transportant donc ces
deux faits dans la catégorie de ceux qui peuvent être
punis comme constituant la banqueroute simple, le nou
veau législateur a pris, pour en prévenir, le retour, des
mesures plus efficaces que ne l’aura jamais été le Code
de commerce.
1250* — Quant à la classification adoptée par le
Code, elle avait l’inconvénient, en trop précisant les faits,
de laisser encore une trop large part à l’impunité. Il
suffisait, en effet, que le fait poursuivi ne rentrât expres
sément dans aucune des catégories, pour que, quelque
condamnable qu’il fût, il échappât à toute peine. Un ar
rêt de la cour d’assises de Rouen nous fournit une preu
ve de la réalité du reproche que nous articulons.
1 2 5 1 . — Un failli poursuivi pour banqueroute frau
duleuse fut déclaré, par le jury, coupable : d'avoir sup
posé des dettes passives et collusoires entre lui et des
créanciers fictifs, en se constituant débiteur sans cause
ni valeur, par le bilan qu’il avait présenté.
L’arrêt qui intervint renvoya l’accusé absous ; et sur
le pourvoi du procureur général, cet arrêt fut confirmé
par la cour de cassation, attendu que le fait déclaré con-
�art.
m
591, 592.
stant par le jury ne rentrait pas directement dans l’hy
pothèse du § 4 de l’article 593 du Code de commerce,
et qu’il n’était prévu par aucune loi pénale
! 2 5 2 . — La loi actuelle a rattaché tous les faits con
stituant la banqueroute frauduleuse à deux points prin
cipaux : le détournement ou la dissimulation de l’actif,
l’exagération frauduleuse du passif. Quels que soient les
moyens à l’aide desquels le failli a atteint l’un de ces
résultats, sa culpabilité déclarée par le jury entraînerait
l’application de la loi pénale.
Il est facile, au reste, de se convaincre que les termes
généraux de l’article 593 résument toutes les hypothè
ses prévues par le Code de commerce. Les faits cotés
sous les n°3 1, 2, 3 et 6 de l’article 593 n ’étaient pu
nis que parce qu’ils renfermaient un détournement ou
une dissimulation de l’actif.Len°4, qui prévoyait l’exa
gération du passif, a été maintenu. Seulement, il a ac
quis plus de développement dans la loi nouvelle, puis
qu’il suffit que le failli se soit constitué débiteur dans son
bilan, pour que la banqueroute frauduleuse puisse être
reconnue.
1255.
— Le n° 7 a été maintenu dans l’article 591.
Ainsi, l’enlèvement des livres, leur recélé par le failli, le
constituent en banqueroute frauduleuse. Dans ce fait,
la loi de 1838 a été conséquente avec les principes gé
néraux qu’elle traçait. La soustraction des livres ne peut
avoir qu’un but, celui de rendre impossible la consta1 Cour de cassation, 3 juillet 1823 ; D. A., t. 8, p 310.
ni — 21
�322
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tation des fraudes commises par le failli. Or, à quoi
pourrait-on rattacher ces fraudes, si ce n’est au détour
nement, à la dissimulation de l’actif, ou à l’exagération
du passif?
Celui qui livre à ses créanciers les résultats de son
administration, et qui leur enlève d’avance tout moyen
de les contrôler, prouve, par cette action, combien les
investigations des créanciers seraient redoutables. Lareconnaissance qu’il fait ainsi de l’intérêt qu’il a à se sous
traire à toute recherche, n’est pas seulement un indice
de mensonge ; elle est l’aveu le plus explicite de la faus
seté des indications qu’il lui a plu de donner. Elle ne
pouvait donc être trop sévèrement appréciée.
Vainement tenterait-on de se soustraire à l’applica
tion de l’article 591, par la production de livres fabri
qués après coup, dans le but de les faire concorder avec
les énonciations du bilan. La preuve de leur fabrication
les ferait rejeter. Ceux que la loi exige, sont les livres
que le commerçant a dû tenir à l’origine de son com
merce, sur lesquels, avant toute prévision de faillite, il
a inscrit ses opérations journalières. En conséquence, la
conviction que les écritures produites n’ont été faites
qu’à l’occasion de la faillite, laisserait le débiteur sous
le coup de la disposition de l’article 591. Il serait con
sidéré comme ayant soustrait ses livres ; et la présomp
tion que le législateur tire de ce fait, s’aggraverait de la
fraude tentée pour les remplacer.
1 2 5 4 . — Dans l’établissement des faits constitutifs
de la banqueroute frauduleuse, la loi actuelle n’a con
sidéré comme tels, que ceux qui sont dirigés contre l’in
�art.
591, 592.
323
térêt de la masse en général. Cette idée l’a amenée à ne
plus reproduire celui prévu par le n" 8 de l’article 893
du Code de commerce. Mais il ne faudrait pas conclure
de cette suppression qu’elle ait entendu autoriser, ni to
lérer les actes si sévèrement punis par la législation
précédente. L’abus d’un mandat, la violation d’un dé
pôt, constituent des délits réprimés par la loi pénale.
Mais comme leur existence préjudicie surtout au man
dant, au déposant, c’est à eux qu’est laissé le soin d ’en
poursuivre et d’en obtenir la réparation.
1 2 8 5 . — La connaissance de la banqueroute frau
duleuse est déférée aux cours d’assises. C’est donc en la
forme ordonnée par le Code d’instruction criminelle,
que le jury sera interrogé sur les faits imputés à l’accusé.Or, l’article 337 exige que les questions soient ainsi
posées : « L’accusé est-il coupable, etc. » L’apprécia
tion de cette culpabilité entraîne nécessairement la solu
tion de la question intentionnelle, sans laquelle il ne
saurait exister ni crime, ni délit. En conséquence, quel
que similitude qu’il y ait entre les termes de l’article
591 et ceux employés par l’article 588, on ne saurait
appliquer pour le premier la solution que nous avons
admise pour le second. Le jury n’est jamais obligé de
répondre affirmativement, par cela seul qu’il adopterait
comme certaine la matérialité des faits.
Cette différence n ’a, au reste, rien qui doive surpren
dre. Dans l’article 585, la loi, avons-nous dit, a voulu
punir même l’imprudence. Or, cette imprudence peut
bien caractériser un délit. L’article 319 nous en a fourni
un exemple légal ; mais elle ne pourrait jamais consli-
�324
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tuer un crime ; il y aurait une sévérité plus qu’outrée à
la punir d’une peine afflictive et infamante.
1 2 5 6 . —- Nous devons cependant faire remarquer
la différence des termes de notre article 591, relative
ment aux faits constitutifs de la banqueroute frauduleu
se. Le législateur semble, pour les uns, présumer la
fraude. Ainsi, il n’exige que le fait lui-même, pour la
soustraction des livres, le détournement de l’actif et sa
dissimulation ; tandis qu’il veut que la reconnaissance
d’une dette qui n’existait pas, ait été frauduleuse. Nous
devons en conclure que, dans les premiers cas, c’est à
l’accusé à prouver sa bonne foi ; que, dans le dernier,
c’est au ministère public à prouver la fraude. Mais, dans
chacun d’eux, le jury est arbitre souverain de l’inten
tion, ou soit de la culpabilité.
1 2 5 7 . — Nous avons déjà dit que l’ouverture delà
faillite judiciairement prononcée, n’était pas un préala
ble indispensable pour la poursuite en banqueroute.
Mais l’existence du jugement déclaratif ne dispense pas
de la nécessité d’interroger le jury sur la qualité de
commerçant failli. Cette qualité est constitutive du crime
à tel point que, si elle n’a pas été répondue affirmati
vement, l’arrêt qui, sur la déclaration du jury que l’ac
cusé est coupable d’un des faits indiqués par la loi, ap
pliquerait la peine de la banqueroute frauduleuse, de
vrait être cassé1.
La cour de cassation n’admet même aucun équipollent pour établir la qualité de commerçant failli. Ainsi,
i Cassation, 28 décembre 1837 ; — D. P ,, 38, 4, 20.
�art.
591, 592.
325
elle a jugé, le 30 octobre 1839 , que cette qualité ne
saurait résulter de ce que le jury aurait reconnu l’accusé
coupable de n’avoir pas fait, au greffe du tribunal, la
déclaration de cessation de paiements dans le délai fixé;
qu’en conséquence, la peine de la banqueroute fraudu
leuse n’est pas applicable au détournement ou à la dis
simulation d’une partie de l’actif de l’accusé au préju
dice des créanciers, s’il n’a pas été posé au jury la ques
tion de savoir si l’accusé était négociant faillil.
1 2 5 8 . — Mais, le jury n’est jamais appelé à quali
fier les faits sur lesquels il prononce. Sa mission se bor
ne à déclarer si les faits mentionnés dans les questions
sont le résultat d’une intention frauduleuse ; en d’au
tres termes, si l’accusé est coupable de les avoir commis.
L’appréciation des faits reconnus constants, la question
de savoir s’ils constituent ou non la banqueroute frau
duleuse, appartiennent exclusivement à la cour.
1 2 5 9 . — Le failli peut se constituer en état de ban
queroute frauduleuse, même après le jugement qui a
déclaré la faillite. Il est évident, en effet, que le détour
nement ou la dissimulation de l’actif, que la création
d’une dette simulée, ne perdraient rien du caractère que
la loi leur a assigné par l’époque qui les verrait s’ac
complir. Le préjudice que l’on a voulu prévenir, la vio
lation de la loi qui les prohibe, n ’en existeraient pas
moins, qu’ils soient exécutés avant ou après la consta
tation de la faillite.
1 D. P., 40,
375.
�326
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1 2 6 0 . — On s’est demandé si les actes dont s’oc
cupent les articles 446 et 447 pourraient constituer le
crime de banqueroute frauduleuse? La question ne sau
rait s’élever pour certains d’entre eux qui peuvent être
considérés comme des actes nuis, mais qui ne pourraient
jamais rentrer dans les termes de l’article 591. Ainsi,
les paiements mal à propos réalisés , les hypothèques
consenties, les gages ou nantissements conférés, peuvent
être considérés comme blâmables, parce qu’ils tendent
à garantir certains créanciers du sort commun. Ils sont,
au reste, par leur nullité même, peu susceptibles de
causer un préjudice à la masse. Quant aux actes trans
latifs de propriété, on comprend que, sous l’apparence
que les parties leur ont donnée, ils peuvent cacher un
détournement réel, une véritable dissimulation de l’actif,
et que la preuve de cette intention les rendrait passibles
de la disposition de l’article 591.
Quant aux paiements faits après la cessation, nous
avons déjà vu qu’ils constituaient la banqueroute simple
prévue et punie par l’article 585.
• v
1261. — La masse représentée par les syndics a le
droit de se constituer partie civile, sur la poursuite en
banqueroute frauduleuse, qui ne peut être suivie que
par le ministère public. Celte faculté n’est pas même
contestable, et n ’a jamais été contestée.
Faut-il appliquer à cette hypothèse la disposition de
l’article 592, relativement aux frais, et décider que la
masse n’aura pas à les supporter, même en cas d’ac
quittement?
�art.
591, 592.
327
L’affirmative nous paraît résulter du texte et de l’es
prit de la loi.
Le texte, en effet, est général et formel : « Les frais
de poursuite ne pourront, en aucun cas, être mis à la
charge de la masse. » Le législateur ne fait donc au
cune exception. Or, il n’a ni ignoré, ni méconnu le
droit que la masse avait de se constituer partie civile ; il
n’est donc pas douteux que son expression embrasse
dans son étendue cette prévision elle-même.
La certitude, sur ce point, nous est d’ailleurs donnée
par la seconde disposition de l’article 592, qui met à la
charge des créanciers intervenants, le paiement des
frais, si le failli est acquitté. Les termes de celle-ci ne
peuvent implicitement s’appliquer à la masse, puisque,
prévoyant le cas où plusieurs créanciers se constitue
raient partie civile, elle exige que cette constitution ait
été faite en leur nom personnel. Or, la masse est diri
gée par les syndics qui agissent en cette qualité au nom
de tous, et jamais pour tels ou tels personnellement.Dès
lors, la masse reste formellement en dehors de ce qui
est ordonné pour les créancière en particulier.
Nous pouvons, en outre, tirer de l’article 589 un ar
gument en faveur de notre opinion. La loi n’a proscrit
nulle part l’intervention des syndics dans la poursuite
en banqueroute frauduleuse. Si, cependant, cette inter
vention devait entraîner les mêmes résultats que celle
réalisée dans la banqueroute simple, pourquoi la loi,
qui a réglé celle-ci, n’aurait-elle pas pris pour l’autre
une disposition analogue? pourquoi n ’aurait-elle pas
imposé la nécessité d’une autorisation ?
�328
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Evidemment, cela ne peut tenir qu’à la certitude que
les frais ne sont jamais à la charge de la masse. Il faut
donc, sous ce point de vue, conclure que la disposition
de l’article 592 reçoit son application, au cas où les syn
dics se sont constitués parties civiles.
Au reste, c’est là une faveur que la loi confère à la
masse, dans l’intention de l’appeler dans l’instance. Le
concours des syndics est de nature à donner à la pour
suite du ministère public un effet moral qui n’est pas à
dédaiguer dans l’intérêt public. En effet, le préjudice
souffert sera plus facilement apprécié, lorsqu’il sera ex
posé par ceux qui en sont les victimes, et la réparation
qu’on hésiterait à accorder à la société; sera plus faci
lement donnée aux créanciers eux-mêmes qui ne la sol
liciteront jamais que dans des cas graves et pour des
torts certains.
1 2 62.
— Il est vrai qu’on pourrait invoquer cette
considération, lorsque les créanciers agissent en leur
nom, et cependant la loi a mis à leur charge les frais de
la poursuite, lorsqu’il y a acquittement. N’est-ce pas là,
dirait-on, une véritable inconséquence?
Sans doute, le législateur qui encourage l'intervention
des syndics, éloigne celle que les créanciers pourraient
individuellement exercer. II devait le faire, sous peine
d’ouvrir le sanctuaire de la justice à toutes les passions.
Un créancier froissé par la faillite n’hésiterait pas, pour
obéir à un ressentiment qui a son origine dans une
juste cause, à se mêler à la poursuite, si, même dans
le cas d’acquittement, il ne devait supporter aucuns
frais. La certitude du ççmtraire le rendra plus circons-
�art.
591, 592.
m
pect dans sa décision, et le protégera contre sa propre
précipitation. Il est plus facile à des individus isolés,
qu’aux représentants d’une masse, institués par la jus
tice, de céder à un entrainement irréfléchi ; et si l’on
devait faciliter un appel éclairé à la justice du pays, on
devait empêcher, autant que possible, ce qui ne serait
qu’une persécution.
D’ailleurs, l’effet d’une intervention individuelle, lors
que la masse s’abstient, ne peut être que fort équivoque.
Or, la mesure sanctionnée par la loi est peut-être le
moyen unique de donner à cet acte une autorité qu’il
n’aurait jamais trouvée dans l’assurance d’être, dans
tous les cas, exempt des fraisl.
1 2 6 3 . — Si la poursuite dirigée dans l’origine de la
faillite, s’est terminée par une condamnation afflictive et
infamante, le failli est, dans toutes les opérations subsé
quentes, légalement représenté par un tuteur qui lui sera
donné conformément à l’article 29 du Code pénal.
1 2 6 4 . — L’action en banqueroute frauduleuse n’est
éteinte que par la prescription réglée par l’article 637
du Code d’instruction criminelle. Cette prescription com
mence à courir du jour de l’ouverture de la faillite, pour
les actes antérieurs ; du jour de leur consommation, si
les actes sont postérieurs à cette ouverture ; enfin, dans
l’un et l’autre cas, s’il y a eu poursuite non suivie de ju
gement, du dernier acte d’instruction ou de poursuite.
1 V., pour les dommages-intérêts en faveur des créanciers ou çles syn
dics, infra art. 601.
�330
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
CHAPITRE III
DES CB IME SI ET DELITS COMMIS DAtS LES FAILLITE»
PAR D’AUTRES
QUE PAR
LES FAILLIS
A rt . 5 9 3 .
S e ro n t c o n d a m n é s a u x p ein e s d e la b a n q u e r o u
te fr a u d u le u s e :
1° L es in d iv id u s c o n v ain c u s d ’a v o ir, d a n s i’in té ré t d n fa ili, s o u s t ra it, re ce lé ou d is s im u lé tout
ou p a r tie de ses b ie n s , m e u b le s ou im m e u b le s ; le
to u t sa n s p ré ju d ic e d es a u tre s cas p r é v u » p a r
l ’a rtic le 60 d u Code p é n a l ;
2° L es in d iv id u s c o n v ain c u s d ’a v o ir fr a u d u le u
se m e n t p ré se n té d a n s la fa illite et a ffirm é , so it en
le u r n om , so it p a r in te rp o s itio n d e p e rso n n e , des
créa n ce s su p p o sé es ;
3° L es in d iv id u s q u i, fa is a n t le c o m m e rc e sous
le n om d ’a u t r u i o u so u s u n n o m su pp o sé, se se
r o n t r e n d u s c o u p a b le s «le fa its p ré v u s e n l ’a rtic le
591.
A rt . 5 9 4 .
L e c o n jo in t, le s d esc e n d a n ts ou le s ascen d an ts
du fa illi, ou ses a llié s a u x m ê m e s d e g ré s, q u i a u
r a ie n t d é to u rn é , d iv e r t i ou rc c é lé d es effets a p
p a rte n a n t à la fa illite , sa n s a v o ir a g i d e com p li
cité avec le fa illi, s e r o n t p u n ie s d es p ein e s d u vol.
A rt . 5 9 5 .
D a n s le s cas p ré v u s p a r les a r t ic le s p ré cé d en t»,
la c o u r ou le t r ib u n a l s a is is s t a t u e r o n t , lo r s m ê
m e q u ’il a u r a it a c q u itte m e n t ;
y
�art.
893, 894, 595.
331
f ° D ’office s u r la ré in té g ra tio n à la m a sse d es
c ré a n c ie rs d e to n s b ie n s , d ro its o n a c tio n s f r a u
d u leu sem en t s o u s tra its ;
S° S u r le s d o m m a g e s-in té rê ts q u i s e ra ie n t d e
m and és, et q u e le ju g e m e n t o u l’a r r ê t a r b it r e r a .
SOMMAIRE
1265.
1266.
1267.
1268.
1269.
1270.
1271.
1272.
1273.
1274.
1275.
1276.
1277.
1278 .
Ce chapitre est, sous quelques rapports, de création nou
velle.
Système du Code sur la complicité de la banqueroute
frauduleuse.
Objet et caractères des dispositions actuelles.
Importance de la modification qu’elles consacrent, pour
le cas de recélé.
Application de la disposition relative au détournement et
au recélé de l’actif, à la soustraction des livres.
Les faits qui caractérisent la complicité peuvent, de plus,
s’ils se sont réalisés sans le concours du failli, constituer
un crime spécial puni par la loi.
Différence de la peine, selon que l’acte aura été accompli
dans l ’intérêt du failli, ou dans celui de son auteur.
La loi ne fait aucune acception des personnes pour la com
plicité de banqueroute frauduleuse.
Exception en faveur du conjoint, des ascendants ou des
cendants du failli, pour le crime spécial de détourne
ment.
Quelle est la peine qui peut leur être appliquée 2
La peine de la banqueroute frauduleuse est encourue :
T Par ceux qui ont frauduleusement présenté et affirmé
des créances supposées.
Cet acte est puni, indépendamment de toute complicité
du failli, et sans acception du conjoint ou autres parents.
Qu’il ait été réalisé au nom du créancier, ou par interpo
sition de personne.
2* Par les individus qui, faisant le commerce sous un nom
�332
1279.
1280.
1281.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
supposé ou sous le nom d'autrui, se seront rendus cou
pables des faits prévus par l'article 591.
Sous le Code, lecomplico du banqueroutier ne pouvait être
passible de restitution et de dommages-intérêts, que s’il
était condamné.
Dérogation formelle consacrée par la loi actuelle.
Comment est-il prononcé sur l ’une et sur les autres ?
1 2 6 5 . — Ce chapitre, sauf quelques dispositions
empruntées au Code de commerce, et gravement modi
fiées, est de création nouvelle. Il aggrandit le cercle de
la répression. permet d’atteindre des actes coupables qui
échappaient, sous le Code, à la vindicte publique, et
consacre ainsi des vœux dès longtemps exprimés.
1 2 6 6 . — Beaucoup trop sévère quelquefois pour le
failli, la législation précédente ne l’était pas assez pour
une multitude d’abus qui se commettent à côté de lui.
C’est ainsi que les tiers qui détournaient l’actif dans
l’intérêt du failli, que la femme elle-même, n ’étaient
punis que s’ils s’étaient rendus complices de la banque
route frauduleuse. Or, par une dérogation aux princi
pes ordinaires, cette complicité n’existait que lorsque les
faits commis avaient été concertés avec le failli K
Si la preuve de ce concert n ’existait pas (et elle était,
en général, difficile à fournir) les accusés étaient ab
sous. Ainsi, le préjudice causé aux créanciers était bien
souvent irréparable. La violation des lois de la probité
restait impunie, et la justice ne pouvait atteindre des
actes qu’il eût été cependant de son devoir de punir, dé
sarmée qu’elle était par l’insuffisance de la loi.
1 V. art, 555, 556 et 597 du Code de commerce.
�ART.
693, 594, 595.
333
1 2 6 7 . — Faire disparaître un pareil état de choses,
réprimer les actes coupables partout où ils se rencon
treraient, telle était la mission dont le nouveau législa
teur avait à se préoccuper. Les dispositions du chapitre
m nous enseignent de quelle manière il l’a accomplie.
L’article 593 rend d’abord à la complicité du crime
de banqueroute les caractères qui la constituent dans
tous les autres crimes ordinaires. Ainsi, sera puni des
peines qu’elle entraîne quiconque aura, par un des
moyens énoncés en l’article 60 du Code pénal, favorisé
le crime, aidé ou assisté l’auteur dans les faits qui l’ont
préparé, facilité ou consommé, ou qui aura fourni des
instructions ou des moyens pour le commettre.
Or, le détournement d’une partie de l’actif, sa dissi
mulation rentrent directement dans les faits constitutifs
de la complicité. Celui qui aura assisté le failli dans la
consommation de ces actes, se sera formellement asso
cié au crime, et encourra justement la peine qui y est
attachée.
1 2 6 8 . — Mais, c’est surtout pour le recélé que la
modification faite au Code de commerce est importante.
Chacun des faits qui établissent la complicité suppose
jusqu’à un certain point un concert entre l’auteur et le
complice. Il n’en est pas ainsi du recelé. Le détenteur
des objets peut n’avoir jamais connu le failli, d’autres
que celui-ci pouvant l’avoir constitué dépositaire. Or,
cette seule circonstance le mettait, sous l’empire du Co
de, à l’abri de toute peine. Il n’en est plus de même
aujourd’hui. Quelle que soit la main qui aura livré les
objets, celui qui en accepté la garde encourra les peines
�334
BES FAILLITES ET BANQUEROUTES
de la complicité, s’il a connu leur origine, s’il a su
qu’ils ont été détournés de l’actif ; en d’autres termes,
s’il les a sciemment recélés.
1 2 6 9 . — Ce que nous disons du détournement et
de la dissimulation de l’actif s’applique à la soustrac
tion des livres. Ce fait constituant la banqueroute frau
duleuse, quiconque s’y sera associé par aide ou assis
tance, quiconque l’aura facilité ou provoqué , enfin ,
quiconque aura recélé les écritures enlevées, sera con
sidéré comme complice, et puni de la même peine que
l’auteur principal.
1 2 7 0 . — Mais, la loi nouvelle fait plus que punir
la complicité sous toutes ses phases. Celle-ci suppose
nécessairement un fait principal. Or, le détournement à
la charge d’un tiers peut être matériellement prouvé ;
mais il peut avoir été commis sans que le failli l’ail
connu, ni autorisé. Son innocence certaine, dans cette
hypothèse, entraînerait, par voie de conséquence, l’ac
quittement de l’auteur du détournement. Telle était, du
moins, la déduction impérieuse que consacrait le Code
de commerce.
Aujourd’hui, au contraire, l’acte dont le tiers a été
convaincu ne restera impuni dans aucune circonstance.
1 2 7 1 . — Ou cet acte aura été fait dans l’intérêt du
failli, et dans ce cas, son auteur sera condamné aux
peines de la banqueroute frauduleuse.
Le texte ne laisse aucun doute sur ce point. L’article
593 punit la complicité de banqueroute frauduleuse, et
le détournement exécuté dans l’intérêt du failli. Il con-
�ART.
593, 594, 595.
335
sidère celui-ci indépendamment des faits qui doivent
constituer la complicité, et non pas seulement comme
un de ses caractères. On ne comprendrait pas, dans le
cas contraire, que l’on n’eût pas adopté la rédaction de
l’article 597 du Code de commerce, et qu’au lieu de
dire : que le détournement sera puni des peines de la
banqueroute frauduleuse, l’article 593 ne se fût pas
servi de cette locution : seront déclarés complices des
banqueroutiers frauduleux ceux qui, etc.........
D’ailleurs, l’esprit de la loi, tel qu’il se révèle dans
la discussion, ne laisse aucune incertitude. Le but du
législateur a été d’atteindre, indépendamment d’un fait
préalable de banqueroute et de toute participation cri
minelle du failli, divers actes émanés directement des
tiers, et accomplis dans la faillite et à son occasion.
C’est, au reste, ce qui ressort de la rubrique même du
chapitre : des crimes et délits commis dans les faillites
par d'autres que par le fa illi.
Ou le détournement n ’aura pas pour objet l’intérêt
du failli ; et dans ce cas il constitue un vol atteint et
puni par les dispositions du Code pénal.
Ainsi, dès que dans une faillite il se sera réalisé un
détournement ou un recélé d’une partie quelconque de
l’actif, la position de son auteur est parfaitement tracée.
Si le failli est poursuivi comme auteur, le jury aura à
apprécier si le tiers a été son complice. Si la question
de complicité est résolue négativement, l’acte du tiers
peut constituer un crime principal, selon qu’il a été exé
cuté dans l’intérêt du failli. On doit donc interroger le
jury, tant sur l’existence matérielle du fait, que sur la
�336
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
circonstance aggravante. La réponse étant affirmative
sur les deux questions, la peine des travaux forcés est
encourue. Si, affirmative sur la première, elle est néga
tive sur la seconde, il n’existe plus qu’un crime ou un
délit ordinaire, selon les circonstances qui ont présidé
à la consommation du fait.
1272 . — La loi n’excepte personne de la peine en
courue par le complice de la banqueroute frauduleuse.
Ainsi, le conjoint, les ascendants ou les descendants du
failli convaincus d’être ses complices, doivent être con
damnés à la même peine que lui. Ce qui n’empêche
pas la cour d’assises de graduer la peine d’une manière
différente et d’être plus sévère pour les complices, si
leurs torts paraissent plus graves que ceux du faillil.
1273 . — Il n’en est pas de même du crime de dé
tournement ou de recélé. Le conjoint, les ascendants ou
descendants qui l’auraient commis, n’encourraient ja
mais que la peine du vol. L’identité d’intérêts qui existe
entre eux ne permet pas de distinguer si leur conduite
a eu pour objet celui exclusif du failli. Il est certain, en
effet, que tout ce que la famille tentera pour celui-ci
tournera à son propre avantage, et dès lors, il serait
impossible d’établir contre elle la circonstance aggra
vante qui donne au délit le caractère de crime.
La loi punit donc le détournement commis par les
ascendants, par le conjoint ou par les enfants. Elle dé1 Lorsque le jury a reconnu des circonstances atténuantes en faveur
des deux accusés, la cour peut descendre la peine d’un seul degré à l’é
gard du complice, tandis qu’elle la descend de deux en faveur du banqneroutier. Cass., 26 mai 1838 ; D P ., 39, 1 ,8 0 .
�ART.
593, 591, 595.
337
clare, par là, inapplicable à la faillile la disposition de
l'article 380 du Code pénal. La raison, au reste, en est
fort simple. La soustraction de l’actif, en cas de faillite,
n’est pas un vol commis contre le fils, le père ou l’é
poux, mais bien un enlèvement frauduleux contre les
créanciers ; il y a dès lors justice à le réprimer envers
et contre tous.
( 2 7 4 . — Il résulte de plus des termes de l’article
594, que cette soustraction peut faire encourir des pei
nes plus graves que celle d’un emprisonnement. Ainsi,
si le conjoint, les ascendants ou les descendants l’ont
commise avec quelques-unes des circonstances indiquées
par l’article 381 du Code pénal, ils seront passibles des
peines portées par les articles 384 et 386 du même
Code. On ne peut qu’expliquer de cette manière l'ex
pression du législateur: seront punis des peines du vol.
Il est évident, en effet, que si l’on avait eu en vue
qu’une simple peine correctionnelle, on n’aurait pas
manqué de s’en référer purement à la disposition de
l’article 401.
1 275.
— La peine des travaux forcés à temps sera
également encourue :
1° Par ceux qui ont frauduleusement présenté et af
firmé des créances supposées.
Nous avons vu que la supposition de dettes constitue
pour le failli la banqueroute frauduleuse. C’est là, l’exa
gération du passif que la loi a voulu atteindre de quel
que manière qu’elle fut réalisée ou tentée.
Mais, l’accomplissement de cet acte suppose nécessaim — 22
�338
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
rement un complice. C’est, en effet, comme tel, que
sous toutes les législations on a considéré le porteur du
titre frauduleusement supposé l. L’existence de cette com
plicité suppose, à son tour, un concert entre le failli et
le créancier prétendu. Sous ce rapport, cet acte était at
teint par le Code de commerce.
1276.
— Mais, ce que la loi actuelle fait de plus
que celui-ci, c’est de punir cet acte alors même qu’il
aurait été commis sans la participation du failli.
Sans doute, cette hypothèse ne s’offrira que rarement.
Elle peut cependant se réaliser : des titres annulés peu
vent être restés entre les mains du porteur ; d’autres,
créés pour une éventualité qui ne s’est pas accomplie,
peuvent ne pas avoir été retirés ; des blancs-seings con
fiés peuvent avoir été oubliés par mégarde chez celui
qui les avait reçus avec une désignation spéciale dont
le besoin ne s’est pas fait sentir. Dans tous ces cas et
autres analogues, celui qui, connaissant la vérité,a pré
senté ces litres à la vérification, les a affirmés sincères
et véritables, doit être puni des peines de la banqueroute
frauduleuse. Peu importe qu’il l’ait fait dans l’intérêt
du failli, ou dans le sien propre ; la loi ne distingue
plus. Il suffit qu’à l’improbilé que cette conduite révèle,
le créancier ait ajouté le parjure pour que la pénalité
soit encourue.
La loi ne fait plus pour ce crime l’exception consa
crée par l’article 594, relativement au détournement en
faveur du conjoint, des ascendants ou des descendants.
V. notamment l’édit de \ 606, art, 3.
�Quelle que soit la qualité do la personne, la culpabilité
est la même et la peine égale.
Ainsi, que le failli soit ou non poursuivi comme ban
queroutier, le créancier supposé pourra toujours l’être.
Puni comme complice, dans le premier cas, il le sera
dans le second, comme auteur d’un fait dont la culpa
bilité est indépendante de la conduite et des actes du
failli. Cette solution doit d’autant plus être approuvée,
qu’indépendamment du préjudice matériel qui résulte
de la participation des créanciers supposés à l’actif, leur
introduction fausse la majorité, et peut déterminer l’a
doption d’un concordat désastreux pour les vrais créan
ciers.
1277 , — La loi punit l’affirmation faite par le cré
ancier, tant en son nom que par interposition de per
sonnes. L’affirmation faite par mandataire rentre dans
la première catégorie. Qui mandat, ipse f'ecisse videtur.
Il y a interposition de personnes, lorsque le créan
cier supposé a transmis sa créance à un tiers, pour ne
pas se présenter lui-même à la faillite. Or, si la loi avait
laissé cette porte de sortie à la fraude qu’elle punit, sa
volonté serait constamment et très facilement éludée.
C’est donc avec raison que la loi a prohibé cette voie in
directe de se soustraire à son autorité, en imputant à
crime, au créancier supposé, l’affirmation faite par le
tiers porteur de bonne foi.
1278 . — 2° Par les individus qui, faisant le com
merce sous un nom supposé, ou sous le nom d’autrui,
se seront rendus coupables de faits prévus par l'article
591.
�340
des faillites J et banqueroutes
Notre époque a été fertile en scandales commerciaux.
Celui que cette disposition tend à réprimer n ’a été ni
le moins révoltant, ni le moins répété.
Un capitaliste veut se mettre à couvert de chances in
déterminées d’un commerce publiquement exercé ; il a
recours à un individu qui, moyennant salaire, prête
complaisamment son nom, et devient l’éditeur respon
sable des conséquences fâcheuses que cet exercice peut
entraîner.
La déconfiture devient-elle imminente, l’homme de
paille disparaît, et avec lui tout l’actif remis au véritable
commerçant. Celui-ci, protégé par le secret de sa cou
pable spéculation, peut ainsi, tout en s’affranchissant
d’une déclaration de faillite déshonorante, jouir en paix
des sommes qu’il a extorquées à la confiance publique.
La loi de 1838 ne s’est pas contentée de flétrir ces
manœuvres coupables ; elle a pris avec juste raison des
moyens pour en empêcher le retour. Leur auteur ne
doit plus compter sur l’impunité absolue. Il ne pourra,
dès que les indices signaleront sa qualité, se soustraire
à une poursuite criminelle, et, en cas de conviction, à
la condamnation afflictive et infamante qui l’attend.
1279.
— En principe général, les cours d’assises
peuvent, même après l’acquittement, ordonner la resti
tution des effets à leur légitime propriétaire, et accorder
à la partie civile les dommages-intérêts qu’elle récla
me K Mais l’article 598 du Code de commerce avait
dérogé à ce principe, à l’égard des complices du bani Art. 366 du Coda d’instruction criminelle.
�art.
593, 5 9 4 , 595.
341
queroutier frauduleux. Les restitutions et les domma
ges-intérêts ne pouvaient être ordonnés que par le juge
ment ou arrêt de condamnation.
D’autre part, il n’est pas moins certain que les tribu
naux correctionnels ne sont compétents pour statuer sur
les dommages-intérêts, que si le prévenu est condam
né, qu’il soit poursuivi comme auteur ou complice ; l’ar
ticle 366 du Code d’instruction criminelle s’appliquant
exclusivement à la juridiction des cours d’assises.
Cet état des choses présentait des inconvénients réels
qui empêchaient souvent les créanciers de s’adresser à
la justice ; leurs droits à obtenir soit des restitutions,
soit des dommages-intérêts, quelque sacrés qu’ils fus
sent, étant nécessairement subordonnés à une condam
nation.
1280 . — La législation de 1838 a donc été ame
née par son inflexible volonté d’atteindre toutes lqs frau
des, en en rendant la répression plus facile, à modifier
celle qui l’avait précédée. Ce sont ces modifications que
consacre l’article 595.
En premier lieu, les cours d’assises sont rétablies
dans la plénitude des pouvoirs qui leur sont conférés
par le Code d’instruction criminelle. Quel que soit le
résultat de la poursuite , les restitutions pourront être
ordonnées, et des dommages-intérêts accordés tant con
tre l’accusé principal que contre les complices.
En second lieu, cette faculté a été étendue aux tribu
naux correctionnels, auxquels il est ordonné de statuer
sur les unes et les autres, même en cas d’acquittement.
1281 . — Ainsi, quelle que soit la juridiction inves-
�*
342
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tie, aucune fin de non recevoir ne saurait naître du ré
sultat de la poursuite, contre la réclamation de la partie
civile. Les restitutions n’exigent même pas son con
cours. La cour ou le tribunal doit y statuer d’office.
Cette initiative ne pouvait pas s’appliquer aux dom
mages-intérêts. Leur allocation ne concerne que l’inté
rêt privé ; elle ne peut donc être réalisée, que lorsque le
représentant de cet intérêt étant en cause, ep a formu
lé la demande.
L’article 598 du Code de commerce déterminait le
taux des dommages-intérêts qui devaient être alloués.
C’était une somme égale à celle dont le condamné avait
tenté de frauder la masse La loi actuelle laisse aux ma
gistrats le droit de les arbitrer, et d’en fixer l’importance
au chiffre que leur conscience leur dictera.
A rt . 5 9 6 .
T o u t syndic q u i se s e r a r e n d u c o u p a b le d e m al
ve rsa tio n d a n s sa gestion , s e r a p u n i c o rre c tio n n ellem e n t des p ein e s p o rté e s en l ’a rtic le 406 du
Code pén al.
A rt . 5 9 7 .
Le c ré a n c ie r q u i a u r a stip u lé , so it avec le failli,
soit avec to u te s a u t r e s p e rso n n e s , d es avantages
p a r tic u lie r s à r a is o n d e so n vote d a n s le s d élib é
ra tio n s d e la fa illit e , ou q u i a u r a it fa it u n traité
p a r tic u lie r , d u q u e l r é s u lt e r a it en sa fa v e u r un
avan tage à la c h a rg e d e l ’a c tif d u f a illi, s e ra puni
c o rre c tio n n e lle m e n t d ’u n e m p ris o n n e m e n t qui
n e p o u r r a excéd er u n e a n n ée , et d ’u n e am ende
q u i n e p o u r r a ê tre a u - d e s s u s d é d e u x m ille
fran c s,
�ART.
596, 597, 598, 599.
,
343
l ’e m p ris o n n e m e n t p o u r r a ê tre p o rté à d eu x
ans, si le c r é a n c ie r est syndic de la faillite.
A rt . 5 9 8 .
Les c on ven tio n s se ro n t, en o u tre , d é c la ré e s m il
les à l’é g a r d de toutes p e rso n n e s, et m ê m e à l ’é
gard d u fa ili.
Le c ré a n c ie r s e r a ten u de r a p p o r t e r à q u i de
droit les so m m es o u v a le u rs q u ’il a u r a re ç u e s en
vertu d e s con ven tio n s a n n u lée s.
A rt . 5 9 9 .
D a n s le cas o ù l ’a n n u la t io n d es con ven tio n s se
rait p o u r s u iv ie p a r la voie civile, l ’action s e ra
portée d eva n t le s t r ib u n a u x de com m erce.
SOMMAI RE
1282. Objet de ces dispositions.
1283. Peine encourue par les syndics qui ont malversé dans leur
administration.
1284. Gravité des abus qui résultaient des traités particuliers à
l'aide desquels certains créanciers se faisaient concéder
des avantages personnels.
1285. Conditions auxquelles la loi actuelle en ordonne la répres
sion. — Nature de celle qui exige que l ’avantage reste
à la charge de l’actif.
1286. Dans quelle hypothèse le traité sera-t-il censé avoir eu
pour objet le vote au concordat.
1287. Jugement du tribunal de commerce de Paris. — Confirmé
par la cour,
1288. Peine encourue par le créancier qui a traité. — Régie
quant au minimum par le droit commun, ne peut être
modifiée par l ’article 463 du Code pénal,
1289. Peut être portée au double, lorsque le coupable était
syndic.
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
L’absence d’un jugement déclaratif ne crée aucune fin ds
non-recevoir.
Motifs pour lesquels ceux qui ont traité avec le failli ne
sont pas considéiés comme complices. — Nullité de la
convention.
Celte nullité est absolue. — Elle peut être opposée par
toutes les parties intéressées. — La restitution des
sommes payées doit être ordonnée en faveur de q u i de
d ro it.
i l N
Sk
|§ # ||
®i l I
É la
Tribunaux compétents pour statuer sur l’action en nullité.
L’action civile peut être exercée avant ou après l’action
correctionnelle. — Influence de celle-ci sur la première
et réciproquement.
L’exception de nullité opposée incidemment devant un
tribunal civil doit faire renvoyer la cause devant le tri
bunal de commerce.
Les créanciers poursuivants peuvent-ils obtenir des dom
mages-intérêts ?
Le délit existe et la peine est encourue alors même que
le concordat a été rejeté.
1297 bis Applicabilité de l ’article 597 au mandataire qui a
traité.
Faut-il appliquer à la durée de l’action en nullité la dis
position de l’article 1301 du Code civil, ou celle de l’ar
ticle 638 du Code d'instruction criminelle ?
1 2 9 8 b is.
Point de départ de la prescription.
4 2 8 2 . — Après avoir traité des crimes qui peuvent
être commis dans les faillites, la loi s’occupe de faits
moins graves qu’elle punit de peines correctionnelles. Ces
faits peuvent être imputés, soit aux syndics, soit à des
créanciers. Quels seront, pour les uns et pour les au
tres, les effets et les conséquences du délit dont ils se
ront convaincus ? C’est ce que règlent les dispositions
de nos articles.
�1285.
— Nous avons déjà dit que les syndics sont
responsables de leurs actes ; qu’ils doivent indemniser
les créanciers du préjudice qu’ils peuvent causer à la
masse ; qu’enfin, les malversations dont ils se seraient
rendus coupables doivent immédiatement faire pronon
cer leur destitution l.
Mais, cette mesure propre à garantir de toute nou
velle atteinte les intérêts privés, ne pouvait suffire à la
réparation que l’ordre public était en droit d’exiger,
pour la violation des devoirs que la loi avait imposés
aux syndics. Ces devoirs sont d’autant plus rigoureux,
qu’ils résultent de la mission qui leur est confiée par la
justice. Sous ce rapport, l’abus qu’ils en font acquiert
un nouveau degré de gravité.
En conséquence, le syndic qui, sans égard pour la
haute confiance dont il a été investi, a abusé de ses
fonctions, devra être condamné aux peines portées par
l’article 406 du Code pénal, c’est-à-dire à un empri
sonnement de deux mois au moins et de deux ans au
plus, et à une amende qui ne pourra excéder le quart
des restitutions et des dommages-intérêts qui seront
dus à la masse, ni être moindre de 25 francs.
La loi laisse à l’appréciation des magistrats les faits
qui peuvent constituer le délit matériel et les circonstan
ces susceptibles d’établir la culpabilité du prévenu. Il
était, en effet, impossible d’adopter dans cette matière
une classification quelconque. La conscience du juge
est, et 'devait être, l’arbitre souverain de l’une et de
l’autre.
i Voy. supra art. 467:
�346
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
1 284. — Un des abus les plus graves, celui qui
depuis longiemps avait excité les plus vives, les plus
unanimes réclamations, était l’existence de ces traités
particuliers à l’aide desquels certains créanciers ven
daient leur adhésion au concordai proposé parle failli.
11 en résultait cette conséquence, que cet acte n’avait
aucune sincérité, et que tandis que les uns, d’une en
tière bonne foi, supportaient réellement la remise sti
pulée dans le concordai, les autres, qui l’avaient impo
sée, s’en affranchissaient au moyen des sacrifices parti
culiers qu’ils avaient arrachés au failli. Ainsi se trou
vait violée cette égalité absolue que la loi exige entre tous
les intéressés à une même faillite.
Un autre inconvénient de ces traités aux prix des
quels on vendait le concordat, était de grever l’actif de
charges indépendantes de celles que le traité lui impo
sait. De telle sorte que l’acquittement des premières
amenait quelquefois l’impossibilité de satisfaire aux se
condes. Et de là, la nécessité d’une inexécution onéreu
se pour le failli, et très préjudiciable pour la masse en
tière. Mais , l’absence d’une loi répressive laissait ce
monstrueux abus se perpétuer au grand détriment des
créanciers de bonne foi.
Cette loi prohibitive existe enfin, dont les dispositions
se placent sous l’égide d’une double sanction pénale : la
nullité absolue de tous les traités, une peine pécuniaire
et corporelle pour le créancier qui en a accepté le bé
néfice. Il n’est pas, dans la loi nouvelle, de prescrip
tion qui réponde à un besoin plus vivement senti, à un
intérêt plus légitime. C’est aux tribunaux à la féconder
�art.
596, 597, 598, 599.
347
par une sévère application, ei à s’associer ainsi à la ré
pression d’un abus, qu’ils ont si souvent eux-même si
gnalé à l’attention du législateur.
1 2 8 5 . — L’article 597 exige que l’avantage résul
tant pour le créancier d’un traité particulier, soit à la
charge de l’actif. Ces termes sembleraient indiquer que,
si une tierce personne s’était engagée à payer de ses
deniers, il n’y aurait pas délit punissable. Mais, il con
vient de remarquer que le législateur a considéré com
me à la charge de l’actif, tout ce qui impose un paie
ment quelconque au failli, en dehors des prévisions du
concordat. Or, de quelque manière qu’un tiers soit in
tervenu, on ne peut admettre le paiement qu’il opére
rait, que comme une avance dont il se fera rembourser
par le failli. Dans bien des cas, même, son concours ne
sera qu’une précaution de plus pour assurer par son
interposition un paiement réellement fait par le failli.
Dans un cas comme dans l’autre, il y a réellement
délit, et l’on doit d’autant mieux le décider ainsi, que
si le concours d’un tiers suffisait pour rendre le traité
inattaquable, l’article 597 resterait bientôt impuissant
par la facilité qu’on aurait à en éluder la disposition.
Ainsi, quelle que soit l’époque à laquelle le créan
cier stipulera ou recevra un avantage particulier, il suf
fit que cet avantage soit à la charge de l’actif, pour que
la pénalité de l’article 597 soit encourue.
1 2 8 6 . — Cette pénalité s’applique, en outre, à celui
qui aura stipulé des avantages particuliers à raison de
son vote dans les délibérations de la faillite. Ces der-
�348
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DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
nières expressions doivent s’entendre surtout de celle sur
le concordat ; car, à vrai dire, toute autre délibération
est insusceptible de causer à la masse le préjudice qui
peut résulter pour elle, de celle-ci.
Remarquons que, dans cette disposition, la loi range
sur la même classe les stipulations faites avec le failli,
et celles consenties avec toutes autres personnes. Il suf
fit donc, quelles que soient les parties, que l’objet des
promesses faites et acceptées soit le vote à donner par
le créancier, pour que le délit prévu existe.
Ce qu’il importera donc de rechercher, c’est cet objet
lui-même. A quelles conditions devra-t-on le recon
naître?
Les termes généraux de la loi laissent la plus large
porte à l’appréciation des magistrats, la volonté du lé
gislateur ayant été de ne poser aucune limite détermi
née à leur droit d’examen.
Ainsi, et pour considérer le délit sous le rapport du
concordat, soit que le créancier l’ait voté après avoir
stipulé des avantages particuliers ;
Soit qu’ayant refusé de voter, il ait plus tard menacé
de s’opposer à l’homologation, et que sous cette menace
il les ait obtenus ;
Soit qu’ayant déjà formé opposition, il s’en soit dé
sisté au moyen du traité ;
Soit, enfin, que ce traité ne soit que le prix de l’abs
tention au vote du concordat ;
Les magistrats pourront tenir le délit pour certain et
appliquer à celui qui l’a accepté les peines édictées par
la loi,
�ART.
596, 697, 598, 599.
349
Il importe, en effet, de ne laisser aucune issue à la
fraude. S’il suffisait de mettre au traité une date anté
rieure ou postérieure au concordat ; de rester, dans le
premier cas, dans la plus complète inaction ; de trou
ver, dans le second, une fin de non recevoir contre la
poursuite dans la date même ; les efforts de la loi vien
draient nécessairement se briser devant les précautions
que la fraude ne manquera jamais de prendre.
En conséquence, quelles que soient les manœuvres
tentées pour déguiser l’existence du traité, son objet et
son but, dès qu’un créancier aura reçu un dividende
supérieur à celui départi à tous les autres, les tribunaux
auront à éxaminer si cet avantage n’est pas la suite d’un
accord pris avec le failli. Peu importe la main qui aura
réalisé cet avantage, l’époque à laquelle il a été conve
nu, si, d’ailleurs, la conduite du créancier dans la fail
lite, témoigne de l’influence à laquelle il a obéi.
1287.
— Le tribunal de commerce de Paris a ren
du, sur ce point, un jugement remarquable, qui fait
une juste application des termes et de l’esprit de la loi.
Nous devons le faire connaitre.
Le sieur Boullay, facteur à la halle aux blés, a été
déclaré en faillite le 6 juin 1839. Le sieur C** s’est fait
admettre au passif pour la somme de fr. 10,188.
Boullay obtint de ses créanciers un concordat, le 14
décembre 1839.
Le 21 du même mois, C** a formé opposition à l’ho
mologation de ce concordat. Il a, de plus, dans le mois
de février 1840, déposé une plainte en banqueroute
frauduleuse.
�350
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Le concordat a été homologué le 13 octobre 1840 ;
mais pendant que cette instance et l’inslruction sur la
banqueroute se poursuivaient, C** a obtenu, par con
ventions verbales du 26 juin 1840, entre lui, le failli,
sa femme et un frère de celui-ci, un règlement de sa
créance, qui lui accorde un avantage de soixante-huit
pour cent de plus qu’aux autres créanciers concorda
taires.
Le sieur C** a demandé l’exécution de ces conven
tions. Il en soutenait la validité en se fondant : 1° sur
ce que, n ’ayant pas pris part aux délibérations du con
cordat, il n’en a pas fait la condition de son vote ; 2°
sur ce que les avantages par lui obtenus, lui 'étant ga
rantis par des tiers, ils ne sont pas à la charge de l’ac
tif de la faillite.
Mais, par son jugement du 9 février 1842, le tribu
nal de commerce de la Seine :
» Vu les articles 597 et 598 ;
» Attendu qu’il ressort des opinions émises dans les
rapports présentés aux chambres et dans les discussions
qui eurent lieu devant elles, que le but de la loi était
de faire cesser ces traités scandaleux déjà réprimés par
la jurisprudence, et au moyen desquels certains créan
ciers savaient se soustraire au sort commun de la masse,
et que les termes généraux de l’article 597 démontrent
que ces traités doivent être réprouvés, soit qu’ils aient
été la condition d’un vole favorable au concordat, soit
qu’ils aient été le prix d’un désistement sur l’opposition
formée à l’homologation ; qu’autrement le succès de ces
�combinaisons dépendrait du moment choisi pour les
mettre à exécution ;
» Attendu que le concordat ne devient obligatoire
que lorsqu’il a reçu la sanction du tribunal ; que, jus
que-là, s’il établit en faveur du failli une preuve de la
bienveillance de ses créanciers, il n’est pas un contrat
définitif, et qu’il est au moins singulier que C** vienne
se prévaloir de ce qu’il a été étranger au concordat,
quand, par l’opposition qu’il a formée, il en suspend
l’exécution dans le moment le plus favorable, pour
exercer sur le failli une contrainte qui doit tourner à son
profit ;
» Attendu, en effet, que le concordat est, pour le fail
li, l’issue la plus favorable que puisse avoir la faillite ;
que redevenu, sous certaines conditions, libre de sa
personne et de son industrie et maître de ses biens, ce
résultat est d’une grande importance pour son avenir,
et qu’il est facile de comprendre qu’au moment où il
aura été assez heureux pour l’obtenir de la majorité de
ses créanciers, un créancier de mauvaise foi aura quel
ques chances de se faire donner des avantages particu
liers, alors que le failli sera impatient de franchir ce
dernier obstacle, et croira n’avoir plus d’autres sacrifices
à faire ;
» Attendu qu’il est à remarquer qu’après avoir dé
buté par des actes hostiles contre le failli, C** s’en est
tout-à-coup désisté, et cela, aussitôt après les conven
tions verbales du 26 juin ; que ces faits indiquent assez
que ces hostilités n ’étaient qu’un moyen pour obtenir
plus que le concordat ne lui accordait ; mais que s’il
�352
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
lui était loisible de se désister de ses poursuites extraor
dinaires, il ne devait pas oublier que Boullay était tou
jours en faillite ; qu’il est le principal obligé dans les
billets qu’il se faisait souscrire, et que tous les engage
ments qu’il prenait ou que prenaient des tiers avec lui,
sauf à les attaquer plus tard , étaient d’avance frappés
de nullité, tant à l’égard du failli que de toutes autres
personnes, par la loi qui met un frein à l’avidité des
créanciers, aussi bien qu’aux faiblesses coupables du
débiteur en faillite.
» Par ces motifs, le tribunal annule les conventions
et ordonne qu’expédition de son jugement sera trans
mise à M. le procureur impérial. »
Appel ayant été relevé de cette décision, la cour l’a
purement et simplement confirmée, par arrêt du 10
août 1842 l.
1288.
— La peine édictée par l’article 597 consiste
en un emprisonnement qui ne pourra pas excéder un
an, et une amende qui ne pourra être au-dessus de fr.
2,00d. La loi ne fixant aucun minimum, c’est à celui
déterminé par l’article 40 du Code pénal, que l’on de
vra s’arrêter. Ainsi, l’emprisonnement ne pourra être
moindre de six jours, et l’amende de 16 francs.
L’article 463 du Code pénal n’étant applicable aux
délits créés par une loi spéciale, que si cette loi l’a ex
pressément déclaré, il suit du silence gardé par l’article
597, que sa disposition ne saurait être modifiée confor
mément aux prescriptions du premier, et qu’ainsi les
1 Gazelle des Tribunaux, des 17 février et 11 août 1842.
�art.
596, 597, 598, 599.
383
tribunaux ne pourraient, dans aucun cas, descendre
jusqu’aux peines de simple police, ni appliquer isolé
ment l’amende ou l’emprisonnement.
1 289. — La loi permet de doubler la durée de l’em
prisonnement, lorsque le coupable est en même temps
syndic de la faillite. L’acte est alors d’autant plus cou
pable, que l’influence de la qualité de son auteur lui
donnait une plus grande facilité pour l’arracher au
failli. D’ailleurs, le syndic qui n’use de sa position que
pour sacrifier à son propre intérêt celui de la masse
qu’il est institué pour protéger et défendre, doit être
justement traité avec plus de sévérité que ne le serait
un simple créancier.
1290. — Il en est des crimes et délits prévus dans
le chapitre in, comme de la banqueroute simple ou frau
duleuse, en ce sens que l’absence de jugement déclaratif
ne peut rendre la poursuite non recevable. Ils sont pu
nissables dès qu’ils ont été commis après la cessation de
paiements du commerçant. Ainsi, pour ce qui concerne
ceux punis par l’article 597, si, après cette cessation, le
commerçant a traité avec ses créanciers, soit pour em
pêcher la déclaration de faillite, soit pour obtenir le re
trait du jugement déjà rendu, celui qui aura stipulé ou
reçu des avantages particuliers ne pourra se soustraire
au châtiment qu’il a encouru l.
1291. — Nous avons déjà indiqué les motifs pour
lesquels le législateur a exonéré le failli ou les tiers de
1 Cassation, 23 avril 1841 ; — D. P ., 41, 1, 415.
m — 23
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
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la peine encourue par le créancier, à l’acte duquel ils
ont nécessairement participé l. D’ailleurs, celte exemp
tion était un moyen indispensable pour que la volonté
de la loi soriit à effet. Il est évident que l’existence des
traités particuliers sera le plus souvent divulguée par la
résistance que le failli ou les tiers qui les auront sous
crits apporteront à leur exécution. Les considérer com
me complices du créancier, les punir de la même pei
ne, c’était d’avance interdire cette résistance, et assurer
ainsi au créancier les fruits de sa fraude.
Or, il fallait, dans l’intérêt même de notre disposi
tion, non seulement ne pas proscrire l’exception des dé
biteurs, mais encore la favoriser. Aussi, le législateur a
fait même plus que de les dégager de toute crainte d’une
condamnation : il a ordonné de prononcer la nullité du
traité en leur faveur.
1292.
— Cette nullité est absolue; elle peut être
poursuivie par tous ceux qui y ont intérêt, c’est-à-dire
par les tiers qui y ont concouru, par les créanciers du
failli, par le failli lui-même.
Les tiers profitent de cette nullité, puisqu’ils se feront
ainsi relever des obligations qu’ils ont souscrites. Il ré
sulte même de l’article 598, qui ordonne le rapport à
qui de droit des sommes déjà touchées, qu’ils devraient
obtenir la restitution de tout ce qu’ils auraient payé en
exécution de la convention.
Aucune fin de non recevoir ne pourrait donc être tirée
de l’exécution totale ou partielle que le traité aurait
�ART.
596, 597, 598, 599.
355
reçu. La consommation d’un délit ne pouvant créer au
cuns droits, la demande en nullité serait, dans tous les
cas, admissible.
Ainsi, si au lieu d’une obligation à terme, le créan
cier avait exigé le paiement immédiat d’une somme
d’argent, celui qui l’aurait réalisé pourrait, au moyen
de la nullité du traité, en obtenir le remboursement ; à
plus forte raison, serait-il admis à poursuivre cette nul
lité tant que l’exécution n’aurait été que partielle.
Une identité parfaite d’intérêts légitimerait l’action
exercée par le failli. Comme aux tiers, il lui importe de
faire prononcer la nullité du traité qui le met à couvert
pour l’avenir, et qui l’indemnise du passé.
Enfin, les créanciers sont recevables à faire prononcer
cette nullité. Chacun d’eux a, en effet, intérêt à ce que
l’actif du failli ne soit grevé que des obligations résul
tant du concordat, afin qu’il reste particulièrement et
exclusivement affecté à leur acquittement.
Cependant, leur action n’aurait jamais pour résultat
de faire prononcer une restitution quelconque en leur
faveur. Le rapport ne pouvant être fait qu’à celui qui a
payé, il en résulte que la masse toute entière profilera
de la nullité poursuivie par l’un de ses membres, si le
failli a lui-même réalisé les avantages stipulés. Dans le
cas contraire, la restitution s’opérera entre les mains du
tiers qui aura avancé les fonds.
1293.
— L’action en nullité, lorsqu’elle est princi
palement exercée par voie civile, doit être portée devant
le tribunal de commerce. La connaissance en appartient
aux tribunaux correctionnels, lorsque, sur la poursuite
�386
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
d’office du ministère public, l’une des parties intéres
sées s’est constituée partie civile.
Il en est, en effet, du délit prévu par l’article 597,
comme de tous les autres délits. Le procureur de la Ré
publique qui en a découvert l’existence peut en traduire
les auteurs devant les tribunaux, et requérir leur con
damnation. Ce droit est indépendant de celui que nous
venons de reconnaître aux tiers, au failli et à ses créan
ciers.
Dans ce cas seulement, il appartient à une autre juri
diction qu’à celle du tribunal de commerce, de pronon
cer la nullité, en tant que l’une des parties intéressées
est intervenue pour la demander. Mais, celte demande
ne peut être accueillie, que s’il y a eu condamnation.
L’exception créée par l’article 595 est spéciale aux ma
tières régies par sa disposition. Il faut donc, pour le
délit puni par l’article 597, en revenir aux principes
ordinaires. Dès lors, s’il y a acquittement, on doit reje
ter la demande en nullité, et condamner la partie civile
aux dépens.
1294.
— L’action principale ouverte aux ayantsdroit peut être exercée avant ou après la poursuite du
ministère public, et quelle qu’en ail été l’issue. L’influen
ce de la décision du tribunal correctionnel sur le civil se
réglera par les principes ordinaires en pareille matière.
Mais, le tribunal saisi de celte action doit, en cas
d’admission de la demande, ordonner qu’une expédi
tion de son jugement sera transmise au procureur de la
République, pour être par ce magistrat procédé ainsi
qu’il appartient. Cependant, l’indépendance du tribunal
�correctionnel n’est nullement liée par la solution du pro
cès civil. L’affaire est de nouveau examinée ; les preuves
recueillies. Il est, en effet, de principe que celles four
nies, que l’aveu même du prévenu, dans une procédure
à fins civiles, ne peuvent lui être opposés dans l’instance
criminelle l.
1295.
— Mais, la disposition de l’article 599, re
lativement à la compétence du tribunal de commerce,
ne reconnaît aucune autre exception que celle ci-dessus
en faveur du tribunal correctionnel. Ainsi, si le créan
cier ayant investi les juges ordinaires de la demande en
exécution du titre auquel les parties auraient donné un
caractère civil, le défendeur excipait incidemment de la
nullité, la cause ne pourrait être retenue ; elle devrait
être renvoyée devant la juridiction consulaire.
Il est vrai que, dans celte hypothèse, la nullité ne
serait proposée que par voie d’exception ; et qu’en thèse
ordinaire, le juge du principal est compétent pour sta
tuer sur l’accessoire. Mais il y a dans l’espèce un motif
irrécusable : c’est que l’exception est attributive de juri
diction, et qu’en vertu de l’article 599, la connaissance
en appartient exclusivement au tribunal de commerce.
De plus, cette exception imprime à la demande prin
cipale un tel caractère, que les tribunaux ordinaires de
viennent matériellement incompétents pour l’apprécier.
En effet, demander la nullité de la convention pour vio
lation de l’article 507, c’est indiquer que l’engagement
i D. A., t. 8, p. 614 ; Merlin, répertoire Chose jugée, § 15 ; T oullier, t. 8, n° 30.
�358
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
a son origine dans une faillite. Or, le nouvel article 635
défère expressément à la juridiction consulaire, toutes
les actions nées de la faillite ou exercées à son occasion.
Il y aurait donc encore, sous ce rapport, nécessité pour
le tribunal civil de se désinvestir.
1296.
Les créanciers qui poursuivraient l’action
qui leur est réservée, pourraient-ils obtenir des dom
mages-intérêts à leur profit personnel ? Le projet de loi
présenté en 1835, contenait une disposition qui sou
mettait le créancier auteur du traité, au paiement de ces
dommages-intérêts. Mais il fut reconnu que cette dispo
sition pouvait amener de nombreuses interventions par
l’appât qu’elle offrirait aux créanciers. On convint donc
de la retrancher. Mais, ce qu’il importe de retenir, c’est
que l’on a voulu laisser intact, sans en faire une néces
sité, le principe consacré par l’article 1382 du Code ci
vil. Aussi, le retranchement ne fut-il convenu, que sauf
aux magistrats à accorder tels dommages-intérêts qu’ils
jugeraient convenables ; et cela est d’autant plus juste
que le créancier poursuivant agit réellement dans l’in
térêt du failli ou des tiers qui se sont obligés pour lui ;
et qu’indépendamment du tort grave que l’admission
frauduleuse du concordat a pu lui occasionner, le gain
même du procès le laisserait dans l’obligation de sup
porter les frais non sujets à répétition.
1 297. — Nous avons jusqu’à présent raisonné dans
l’hypothèse de l’admission du concordat à la suite de
traités particuliers. Qu’arriverait-il si, malgré leur exis
tence, la majorité s’était prononcée contre ? La pénalité
�ART.
896, 597, 698, 599.
339
des articles 597 et 598 n’en serait pas moins acquise,
En effet, la loi ne l’a point fait dépendre de l’adoption
des propositions à la masse par le failli. Il suffît qu’un
traité particulier ait existé, qu’il ait eu pour objet le
vote du créancier, ou que la charge en demeure à l’ac
tif; enfin, que le créancier l’ait exécuté en ce qui le
concerne, pour que le délit soit considéré comme cer
tain. D’ailleurs, sa validité dans l’hypothèse de l’union
ferait à son auteur une position plus avantageuse que
celle des autres créanciers, en lui assurant une somme
quelconque au-delà du dividende produit par les répar
titions. Or, comme c’est principalement cette inégalité
que la loi a entendu empêcher, on ne pourrait, sans
méconnaître sa volonté, l’autoriser dans aucun cas.
1 2 9 7 bis. — Il est dans toutes les faillites un nom
bre de créanciers plus ou moins considérable, qui, éloi
gnés du siège de la faillite, ont recours à des mandatai
res chargés de les représenter dans toutes les opérations.
k qui incomberait, au point de vue de l’article 597, la
responsabilité pénale du traité particulier par lequel le
mandataire aurait été payé de son vote au concordat ?
La question ne pourrait soulever un doute s i, abu
sant de sa qualité, le mandataire s’était personnelle
ment appliqué le profit du traité , il devrait être et se
rait seul puni parce qu’il serait le seul coupable. Dans
le cas contraire, si le mandataire, ayant suivi les or
dres et les instructions du mandant, c’est celui-ci qui
a recueilli le bénéfice de la stipulation illicite. Sera-t-il
recevable et fondé à décliner la peine édictée par l’arti
cle 597,
�360
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Le principe quis mandat ipse fecisse videtnr, ferait
résoudre cette question par l’affirmative. Mais pour que
ce principe puisse être invoqué et appliqué, il faut qu’il
s’agisse d’un mandat n’ayant rien de contraire aux lois,
à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Le mandat de
commettre un délit ne saurait excuser celui qui l’a com
mis. On ne peut ignorer qu’on ne peut faire pour au
trui ce que la loi vous interdit de faire pour vous-mê
me. Comprendrait-on qu’un voleur se vit accorder l’im
punité par la raison qu’il aurait volé sur l’ordre et pour
compte d’un tiers ? Or, ce qui est vrai pour le vol, est
vrai pour tout autre délit. Celui à qui on propose le
mandat de le commettre doit le refuser et s’abstenir.
S’il l’accepte et s’il l’exécute, il est punissable comme
auteur principal. Le mandant pourra bien, dans les
conditions de l’article 60 du Code pénal, être considéré
et puni comme complice, mais cette complicité ne sau
rait avoir pour effet d’effacer et de faire disparaître la
culpabilité du mandataire.
C’est surtout au point de vue de l’article 597 du Code
de commerce qu’on doit tenir à ne pas s’écarter de cette
règle, puisque la présence et le concours de mandatai
res sont inévitables dans les faillites, il importe que ces
mandataires sachent qu’en contrevenant à l’article 597,
ils se rendent personnellement passibles de la peine
qui y est édictée. Cette conviction est dans le cas, si
non de prévenir le mal que cet article a voulu faire dis
paraître, du moins de l’atténuer singulièrement. En ef
fet, celui qui se prêterait volontiers à négocier un traité
particulier en faveur de son mandant s’il pouvait corn-
�art.
596, 597, 598, 599.
361
pler sur l'impunité, y regardera à deux fuis et refusera
probablement de le faire de crainte de la peine qui pour
rait l’atteindre personnellement.
La cour de Paris l’avait ainsi compris. Mlle jugeait en
conséquence le 27 décembre 1872, que l’article 397 ne
s’applique point exclusivement aux créanciers mêmes ;
qu’il s’applique à toute personne ayant droit et qualité
pour être admise à voler dans les délibérations relati
ves à la faillite, spécialement au mandaire d’un créan
cier ; que peu importe que le bénéfice de la stipulation
illicite ne soit pas resté dans les mains de ce manda
taire, mais ait été ultérieurement remis par lui au cré
ancier.
Vainement cet arrêt fut-il déféré à la cour de cassa
tion comme violant et appliquant faussement l’article
597. Un arrêt du 2 avril 1863 rejette le pourvoi par
les motifs suivants :
« Attendu que si l’article 597 dispose que le créan» cier qui aura stipulé, soit avec le failli, soit avec tou» tes autres personnes, des avantages particuliers il rai» son de son vote dans les délibérations de la faillite,
» sera puni correctionnellement. Cette disposition, qui
» a pour but de garantir la loyauté des opérations de
» la faillite et de maintenir l’égalité entre les créanciers,
» doit s’entendre de toute personne ayant droit et qua» lilé pour être admise à voter dans les délibérations
» relatives à la faillite; que si la disposition dont s’a » git désigne spécialement les créanciers, c’est parce
» que, le plus ordinairement, c’est le créancier qui se
» présente en personne dans les assemblées nécessitées
�362
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
» par les opérations de la faillite ; mais que si la stipu» lation délictueuse émane du mandataire par lequel le
» créancier est autorisé par l’article 505 du Code de
» commerce, à se faire représenter, la responsabilité
» pénale par une conséquence nécessaire de l’esprit de
» la loi et de l’objet qu’elle s’est proposé, doit atteindre
» le mandataire lorsqu’il est constaté qu’il a fraudu» leusement agi ; qu'il importe peu, dans ce cas, que
» le bénéfice de la stipulation illicite ne soit pas resté
» dans les mains du mandataire, mais qu’il ait été ul» térieurement remis par lui au créancier, le délit' se
» trouvant pleinement consommé par le fait seul de la
» stipulation d’un avantage particulier destiné à rému» nérer le vole donné dans la délibération, et par le
» préjudice qui a été, pour la masse des créanciers de
» la faillite , la conséquence de cette stipulation exé» cutée ’. »
1298.
— Quelle est la durée de l’action en nullité?
L’article 4304 du Code civil fixe à dix ans la prescrip
tion des actions en nullité ou rescision, lorsqu’une loi
spéciale ne l’a pas limitée à une durée moindre. Or,
dans notre hypothèse, cette loi spéciale existe, c’est la
disposition de l’article 638 du Code d ’instruction cri
minelle. Il est certain, en effet, que la provocation ou
l’acceptation d’un traité particulier est un délit ; or, il
n ’y a aucune différence entre les actions qui en nais
sent. Celle réservée au ministère public serait évidem
ment prescrite par trois ans, et comme l’action civile est
1 J du P., 1863, p. 1021.
�ART.
S96, 697, 598, 599.
363
placée sur la même ligne qu’elle, la même prescription
doit l’atteindre.
C’est donc l’article 638 qui régit les droits des parties
lésées, et par conséquent, le silence qu’elles auraient
gardé pendant plus de trois ans, rendrait toutes récla
mations ultérieures irrecevables.
Mais, l’on doit distinguer dans l’application le cas où
le traiié ayant été exécuté, on voudrait obtenir la resti
tution des sommes payées, d’avec celui où aucune exé
cution ne lui ayant été donnée, le créancier voudrait en
obtenir judiciairement le profit. Dans le premier , la
nullité serait couverte par le laps de trois ans écoulés
sans réclamations. Dans le second, il répugnerait qu’un
acte qualifié délit par la loi et puni comme tel, pût de
venir l’origine d’un droit de nature à être sanctionné
par la justice. Rien ne serait plus facile aux créanciers
que d’attendre, sans mot dire, l’expiration des trois ans,
et de venir ensuite forcer la justice à sanctionner un
acte réprouvé par la loi. On doit donc décider qu’à
quelque époque que se réalise la poursuite en exécution
du traité, la nullité pourra en être demandée par voie
d’exception, en vertu de la maxime quœ temporalia
sunl ad agendum, sunt perpétua ad excipiendum.
Notre doctrine sur l'application de l’article 638 du
Code d’instruction criminelle à l’action tant civile que
publique, puisant son fondement dans une contraven
tion à l’article 597 du Code de commerce, était consa
crée par la cour de Grenoble. Elle jugeait; le 17 mai
1853, que l’action en restitution de sommes payées en
�364
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
exécution d'un traité particulier avec un failli était étein
te par la prescription de trois ans.
Mais cet arrêt, déféré à la cour de cassation, était
cassé le 28 août 1855. Ce qui doit être remarqué et ce
qui ressort des motifs de ce dernier arrêt, c’est que la
cour suprême tourne la difficulté au lieu delà trancher,
Elle admet, en effet, que l’action en restitution dans
l’espèce avait son fondement, non dans le traité parti
culier arrêté au mépris de l’article 597, mais dans la
réception par le créancier d’une somme qui ne lui était
pas due.
« Attendu, dit en effet l’arrêt, qu’il résulte des qua» lités de l’arrêt attaqué, que la demande du syndic
» de la seconde faillite de Clercy, se résumait dans la
» réclamation d’une somme de 7,000 fr. fondée sur ce
» que les défendeurs l’auraient touchée des deniers de
» Clercy, alors concordataire, au préjudice des autres
» créanciers de ce dernier, ainsi qu’il résultait des li» vres de la correspondance du failli, bien que celui-ci,
» d’après le concordat obteuu par lui, ne fût plus débi» teur desdits défendeurs ;
» Attendu que cette demande, autorisée par les actes
» précités, avait le caractère d’une action civile et était
» par conséquent soumise seulement aux prescriptions
» établies par le Code civil ; que si, par suite de cir—
» constances relevées au procès, il a été articulé qu’un
» concert frauduleux, dont les défendeurs eux-mêmes
» ont cru pouvoir exciper, aurait eu lieu de leur part
» pour s’assurer l’indu paiement dont est question, et
» si ce concert frauduleux pouvait constituer le délit
�ART.
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
596, 597, 598, 599.
365
prévu par l’article 597 du Code de commerce, il ne
résulterait pas de là que l’action du syndic introduite
par la voie civile fût basée sur ce fait et dépendit de
sa constatation ; que cette action avait pour fondement suffisant et uniquement civil, abstraction faite
des articulations ci-dessus, l’indu paiement établi par
les livres et la correspondance du failli, selon le demandeur, ainsi que l’obligation que la lpi impose à
tout créancier d’un failli de ne rien recevoir au détriment des autres créanciers en dehors du concordat
auquel il a souscrit L »
L’appréciation de l’arrêt de Grenoble, au point de vue
du fait, est-elle légitimée par les qualités de l’arrêt?
Nous l’ignorons. Ce qui est certain, c’est qu’en en in
duisant que la demande n’était pas fondée sur un acte
tombant sous l’application de l’article 597, la cour ré
gulatrice se place en contradiction avec la cour de Gre
noble. Celle-ci, en effet, déclare dans ses motifs que :
sous q u e lq u e p o i n t d e v u e q u 'o n e n v is a g e la d e m a n d e ,
il est im p o s s ib le de n e p a s r e c o n n a îtr e q u 'e lle repose
u n iq u e m e n t s u r u n
f a i t p r é v u p a r l 'a r t i c l e
597 d u
Code de c o m m e r c e .
Cette appréciation de faits n’était-elle pas souveraine,
et la cour de cassation pouvait elle la contrôler et la ré
pudier ?
Vainement, à notre avis, fait-elle appel aux livres et
à la correspondance. Ce qui en résultait, c’est qu’une
somme de 7,000 fr. avait été payée, ce qui était recon1 J. du P.^4886, 474.
�366
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
nu par les créanciers qui avaient reçu le paiement.
Mais à quel titre ce paiement avait eu lieu, quel était le
caractère et l’origine de la dette ? Evidemment le traité
particulier intervenu lors de la première faillite, et les
livres et la correspondance ne pouvaient lui en assigner
une autre, car il n’en existait aucune autre.
L’arrêt de la cour de cassation est d’autant plus at
taquable, qu’en fait la demande en rapport n’émanait
pas du syndic de la faillite dans le cours de laquelle le
traité particulier était intervenu. Cette faillite s’était ter
minée par un concordat qui n’avait jamais été annulé
ou résilié. Le failli concordataire remis à la tête de ses
affaires avait commercialement vécu cinq ans encore,
après lesquels il avait été de nouveau et une seconde
fois en faillite.
Quel était le droit du nouveau syndic ? Celui de faire
rapporter à la masse tous les paiements faits en temps
suspect. Inattaquable à ce point de vue, celui des 7,000
fr. querellé pouvait-il l’être sous le rapport de l’indu ?
On est surpris que la cour de cassation se soit pronon
cée pour l'affirmative.
Sans doute, par l’homologation du concordat, le failli
ne devait plus que le dividende convenu, il était libéré
de la partie de la dette qui lui était remise, mais libéré
civilement et non naturellement, et la cour de cassation
a cent fois jugé que le paiement d’une obligation natu
relle ne constituait pas le paiement de l’indu. L’excé
dant du dividende est si bien dû que la loi fait de son
paiemenl, en capital et intérêts, la condition de la ré
habilitation. Donc, à quelque époque que ce paiement
�se réalise, il est un acheminement à la réhabilitation, et
à ce titre ne saurait être ni attaqué, ni annulé, à moins
qu’il ne tombât sous le coup des articles 446 et sui
vants du Code de commerce. Or, dans l’espèce, s’agis
sant non de la reconstitution de l’ancienne, mais d’une
nouvelle faillite, et le syndic n’étayant pas sa demande
en rapport sur ces dispositions, cette demande, en la
supposant recevable, ne pouvait avoir et n ’avait d’autre
fondement que l’illégitimité du titre qui en permettait
l’annulation aux termes de l’article 597. Mais l’action
rencontrait un obstacle invincible dans la prescription
de trois ans.
Au reste et quoi qu’il en soit, loin de condamner no
tre doctrine à ce sujet, la cour de cassation la confirme
implicitement. Elle ne casse l’arrêt de Grenoble que par
ce qu’elle admet que l’action du syndic constituait la ré
pétition de l’indu. Elle eût donc décidé tout autrement
et appliqué l’article 638 du Code d’instruction crimi
nelle, si elle avait considéré celte action comme puisant
son fondement dans l’article 597 du Code de commerce.
1 2 9 8 bis — Quel est le point de départ de la pres
cription de trois ans en matière du délit prévu par cet
article ? L’arrêt de la cour de Grenoble le place au jour
du traité, et nous croyons que c’est une erreur. En ef
fet, pour que l’action soit prescriptible, il faut de toute
nécessité qu’elle soit née et puisse être exercée. Or, elle
ne remplit ces conditions que du jour de la consom
mation du délit.
Celui prévu et puni par l’article 597 du Code de com
merce, est constitué non par le fait du traité particu-
�368
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
lier, mais uniquement par le vote dans la délibération.
Si le créancier s’abstenait de voler, on pourrait bien
annuler le traité particulier,- mais il serait impossible de
poursuivre correctionnellement et d’appliquer une peine
quelconque.
La cour d’Alger en avait donc très judicieusement
conclu que le délai de trois ans ne commençait à cou
rir que du jour du vote, en échange ou pour prix du
quel le traité particulier est intervenu. Le délit prévu
par l’article 597, disait l’arrêt, a pour élément une con
vention illicite, mais ne s’accomplit que par le vote que
le créancier stipulant s’est obligé à donner.
On se pourvut en cassation, mais vainement. Un ar
rêt, du 9 août 1862, rejette le pourvoi. Voici les rai
sons décisives qui motivent ce rejet :
« Attendu que l’article 597 du Code de commerce a
pour but d’appliquer, en matière de faillite, le principe
d’égalité qui est le droit commun entre tous les créan
ciers d’un même débiteur ; qu’à cet eifet il prohibe,
d’une part, toute stipulation ayant pour objet d’assurer
à un créancier un avantage particulier à raison de son
vote dans les délibérations de la faillite, de l’autre, tout
traité particulier par lequel le failli concède à un créan
cier un avantage à la charge de l’actif de la faillite ;
que dans l’un comme dans l’autre cas, c’est l’intérêt des
créanciers que la loi a voulu sauvegarder ;
» Que des termes du § premier de cet article, il ré
sulte que l’avantage particulier concédé au créancier ne
saurait être isolé du vote à raison duquel il a été stipulé;
que le vote est la condition de l’avantage, comme l’a-
�art.
596, 597, 598, 599.
369
vantage est le prix du vole ; que l’un et l’autre sont les
éléments du même délit ; que, d’ailleurs, si la disposi
tion de l'article 597, dans son § premier, a en vue
d’empêcher que l’actif de la faillite soit détourné au
profit de créanciers qui échangent la liberté de leurs vo
tes contre des avantages particuliers, il veut aussi pro
téger la masse contre les abus et les dommages résultant
de délibérations où la loi est faite par des votes vendus
à l’avance ; que celte disposition comprend, en effet,
toute stipulation d’avantages, non seulement avec le
failli, mais avec toutes personnes et sur des valeurs qui
n’appartiennent pas à la faillite, et que, dans ce cas, le
seul préjudice qui puisse en résulter pour les créanciers
consiste dans la majorité mensongère qu’ont apportée
dans les délibérations des voles frauduleusement ob
tenus ;
» Attendu, dès lors, qu’en déclarant que le délit dont
le demandeur est prévenu se serait accompli par le vote
qu’il a donné le 2 novembre 1859, dans la délibération
relative au concordat. La cour d ’Alger, loin de violer
l’article 597 du Code commerce, lui a donné sa véritaet légale interprétation K »
AnT. 6 0 0 .
T on s a r r ê t s et ju g e m e n ts d e c o n d a m n a tio n pen
dus, ta n t en v e rtu du p ré se n t c h a p itre qu e d es
deux c h a p itre s p ré cé d en ts, s e ro n t affichés et p u
bliés su iv a n t le s fo rm e s é ta b lie s p a r l’a rtic le 42
du Code d e com m erce, a u x f r a is d es con dam n és.
1J. du P., 1863, 186.
m — 24
�Motifs qui ordonnaient la publication desjugements ren
dus en matière de banqueroute.
Cette publicité s'applique aux crimes et délits punis par
les articles 593 et suivants. — Ses formes.
Les frais en restent à la charge de la partie condamnée.
1299 . — Les jugements et arrêts de condamnation
8
......
1 s if
il
rendus en matière de banqueroute sont destinés nonseulement à punir les crimes et délits qui les ont moti
vés, mais encore à en prévenir le retour. Sous ce dernier
rapport, une publicité éclatante était un élément efficace
qu’il convenait de ne pas négliger. Le commerce vit de
considération et de crédit. Une condamnation pour cri
me ou délit est de nature à porter à l’une et à l’autre
la plus funeste atteinte. La certitude qu’elle ne pourra,
dans aucun cas, rester secrète, empêchera bon nombre de
commerçants d’en braver l’éventualité.
1300 . — Cette publicité s’applique, aujourd’hui,
tant aux jugements sur banqueroute simple ou fraudu
leuse, qu’à ceux rendus sur les crimes et délits prévus
par les articles 593 et suivants. Elle doit être réalisée
dans les formes prescrites par l’article 42 du Code de
commerce.
En conséquence, l’extrait du jugement doit être tran
scrit sur les registres du greffe du tribunal de commer
ce, et affiché pendant trois mois dans la salle d’audien
ce. Il doit, de plus, être inséré dans le journal qui, aux
termes de la loi du 31 mars 1833, a été désigné par le
tribunal pour recevoir les annonces commerciales.
�ART. 60!, 602, 603.
371
1301 . — Toutes ces formalités sont remplies aux
frais du condamné contre lequel on doit les répéter.
CHAPITRE IY
DG L'ADMINISTRATION DGS BIGNS GN CAS DG
BANQIIGROIITG
A rt . 6 0 i .
D an s to u s le s cas de p o u r s u it e et de c o n d a m n a
tion p o u r b a n q u e ro u te sim p le ou fra u d u le u s e ,
les a ctio n s c iviles a u tre s que celles d o n t i l est
p arlé d a n s l’a rtic le 595 re s te ro n t s é p a r é e s , et
toutes le s d isp o sitio n s re la tiv e s a u x b ie n s, p re s
crites p o u r la fa illite , se ro n t exécutées sa n s q u ’el
les p u isse n t être a ttrib u é e s n i évoquées a u x t r i
b u n a u x d e police c o rre c tio n n e lle , n i au x c o u rs
d’assises.
A rt. 6 0 2 .
S e ro n t cep en d an t tenu s, le s syn d ics de la fa illi
te, de re m e ttre a u m in is tè re p u b lic le s pièces, ti
tres, p a p ie rs et re n s e ig n e m e n ts q u i le u r se ro n t
dem andés.
A rt . 6 0 3 .
Les pièces, tit re s et p a p ie rs d é liv ré s p a r les
syndics se ro n t, p en d a n t le c o u rs d e l ’in stru c tio n ,
tenus en état de c o m m u n ic atio n p a r la voie d u
greffe ; cette c o m m u n ic a tio n a u r a lie u s u r la r é
qu isitio n des syndics, q u i p o u r r o n t y p r e n d r e des
e x tra its p riv é s, o u en r e q u é r ir d ’a u th en tiq u e s,
qui le u r se ro n t expéd iés p a r le g reffier.
�372
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Les pièces, titre s et p a p ie rs d on t le d ép d t ju d i
c ia ire n ’a u r a it p a s été o rd o n n é se ro n t, a p r è s l’a r
r ê t ou le ju g e m e n t, r e m is a u x syndics, q u i en
d o n n e ro n t d éch arge.
SOMMAIRE
1302.
1303.
Objet et motifs de l'article 601.
La disposition des biens excédant la compétence des tri
bunaux criminels, ils ne peuvent accorder des domma
ges-intérêts aux parties civiles.
1304. Les tribunaux de commerce le peuvent-ils ?
1305. Exception en ce qui concerne les complices et les au
teurs des crimes et délits prévus par le chapitre précé
dent.
«
1306. De l ’attribution spéciale faite par l ’article 601, résulte le
droit, pour les syndics, de rester nantis des écritures.
1307. Ils doivent remettre au ministère public les titres, papiers
et documents nécessaires pour la poursuite. — Com
ment il est procédé à leur communication et à leur res
titution.
1302 .
— Nous avons vu dans les chapitres précé
dents que, dès qu’une faillite éclate, la loi a régi nonseulement l’administration des biens, mais encore leur
disposition ; qu’elle a placé l’une et l’autre sous la ju
ridiction des tribunaux de commerce. Convenait-il d’au
toriser une exception, lorsque les tribunaux criminels
étant saisis, ils croiraient utile d’évoquer et d’ordonner
le développement de la faillite sous leurs yeux ?
Les auteurs du projel du Code de commerce avaient
consacré l’affirmative et reconnu la compétence de la
juridiction criminelle ; cette opinion était fondée sur ce
que le développement de la faillite pouvant amener des
�preuves de culpabilité, il convenait de mettre les juges ,
saisis de la poursuite, à même de les recueillir.
Mais, ce système trouva de nombreux contradicteurs
dans les cours et tribunaux auxquels il fut soumis. On
faisait observer que le moindre de ses inconvénients
était son incompatibilité avec les principes de l’attribu
tion criminelle, qui se restreint dans tous les cas à la ré
pression du fait qualifié crime ou délit. C’était donc la
faire sortir de ses limites, que de lui déférer ce qui a
trait aux intérêts civils des créanciers. Il convenait, dès
lors, de laisser ces objets à la règle générale.
C’est ce que fit, en effet, l’article 600 du Code de com
merce, dont la disposition est reproduite par notre arti
cle 601.
Nous devons examiner celui-ci sous le rapport de
l’administration des biens, sous celui des diverses for
malités ordonnées par la loi.
1303.
— La disposition des biens est nécessaire
ment comprise dans leur administration. Elle est, par
conséquent, exclusivement et dans tous les cas déférée
aux tribunaux de commerce.
Il suit de là, que les syndics qui se sont constitués
parties civiles dans l’intérêt de la masse, que les créan
ciers qui ont individuellement pris cette qualité sur les
poursuites en banqueroute, ne peuvent obtenir, des tri
bunaux criminels, une allocation quelconque de dom
mages-intérêts . Ces allocations intéressent essentiellement
les biens, et sont de nature à grever l’actif. Or, puisque
la disposition et l’administration de celui-ci n’appar-
�374
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tiennent qu’à la juridiction consulaire, tout autre qu’elle
ne saurait y statuer.
1304.
—■ Mais, ces dommages intérêts peuvent-ils
être accordés par le tribunal de commerce ? Nous ne le
pensons pas, et cette opinion nous paraît commandée
par des considérations puissantes.
La banqueroute n’est préjudiciable aux créanciers,
que parce qu’elle leur enlève la possibilité d’être payés
de ce qui leur est dû. Il est certain que, si ce paiement
intégral se réalisait, ils seraient sans intérêt et sans droit
pour exiger davantage.
Or, dès qu’il y a faillite, il y à obligation pour le failli
de faire ce paiement. La totalité de ses biens présents
est affectée à cette obligation ; elle est déférée à la masse.
Les biens à venir restent grevés pour tout ce qui n'a pas
été payé sur les premiers. La masse n’a donc pas besoin
d’obtenir une faculté dont elle est déjà investie. Les dom
mages-intérêts qu’elle rapporterait ne lui feraient pas
retirer un centime de plus, et ne pourraient lui confé
rer plus de droits qu’elle n’en possède.
Si elle a concordé, il y a bien plus de raison pour le
décider ainsi. Alors, en effet, le paiement du dividende
libère complètement le failli : le restant de la dette, quel
qu’il soit, est éteint. Il y a, en outre, un motif aussi
décisif à invoquer. La loi n’a pas fait de la découverte
de la banqueroute simple après le concordat, une cause
de nullité ou de résolution. On arriverait cependant,
par une allocation de dommages-intérêts, à cette solu
tion. Il est certain, en effet, que la charge qui en ré
sulterait, placerait le failli dans la nécessité de recourir
�/
art.
601, 602, 603.
375
à une nouvelle faillite, en augmentant outre mesure les
engagements qu’il avait contractés.
Les mêmes considérations repousseraient la demande
des créanciers individuellement. De plus, et par rapport
à eux, il y a une raison plus péremptoire encore.
L’égalité la plus absolue doit régner entre tous les in
téressés à une même faillite. Les droits de chacun d’eux
à l’actif commun se déterminent par le chiffre de la cré
ance, tel qu’il existe au moment de l’ouverture. Or, ce
chiffre ne saurait être modifié par le caractère de la fail
lite ; ce qui, d’ailleurs, serait accordé de plus à l’un,
serait nécessairement enlevé aux autres. C’est donc la
masse plutôt que le failli lui-même qui supporterait les
dommages-intérêts alloués.
Mais, dira-t-on, chaque créancier pourra se consti
tuer partie civile et réclamer des dommages-intérêts pour
ce qui le concerne. C’est, en effet, ce qui ne manquera
pas d’arriver. Nous en avons eu la preuve dans la dé
confiture d’Arnaud de Fabre, dans laquelle un créan
cier étant intervenu en cour d’assises, fut bientôt imité
par tous les autres. Or, c’est précisément ce que la loi
a voulu éviter dans l’intérêt même des créanciers. Sup
posez, en effet, que chacun d’eux s’étant constitué par
tie civile, ait obtenu les mêmes dommages-intérêts. Leur
position, par rapport à l’actif, sera, après, exactement
la même qu’elle était avant, sauf la charge des frais
nombreux que cette multitude d’interventions aura oc
casionnés au détriment de chacun d’eux.
Ainsi, l’action civile prenant sa source dans la fail
lite, ne peut changer la position des créanciers considé-
�376
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
rés en masse ou isolément. Elle est, dans le premier
cas, inutile par sa généralité même ; dans le second, in
capable de conférer à celui qui l’exerce, de plus grands
droits que ceux des autres créanciers. C’est, au reste,
ce que vient de décider la cour régulatrice, en cassant
un arrêt de la cour de Bordeaux, qui avait consacré le
contraire l.
1 303. — Mais, ce qui est vrai pour le failli, ne
saurait l’être pour ses complices* En conséquence, ces
derniers peuvent et doivent être condamnés à des dom
mages-intérêts en faveur soit de la masse, soit des cré
anciers qui se sont constitués partie civile. La participa
tion qu’ils ont prise dans le crime ou le délit, leur rend
commun et imputable le préjudice qui en est résulté
pour les créanciers, et comme ceux-ci n ’ont aucune af
fectation sur leurs biens, ils ne peuvent obtenir la répa
ration qui leur est due, qu’en sollicitant de la justice
une allocation suffisante.
C’est là, d’ailleurs, pour les complices, une aggrava
tion de la peine qu’ils ont encourue. La loi a d’autant
moins voulu les en exempter, qu’elle peut être un motif
efficace pour les empêcher de commettre le crime ou le
délit qui doit la faire prononcer. Aussi, voyons-nous
l’article 593 permettre les dommages-intérêts, même en
cas d’acquittement, et l’article 601 excepter de ses dis
positions les hypothèses régies par le premier.
Ce que nous disons des complices, s’applique aux au
teurs des actes punis par les articles 593 et suivants.
1 7 novembre 1840; D P., 41, 1, 136.
�Nous avons dit, sous l’article 398, que la masse ou les
créanciers individuellement peuvent obtenir des dom
mages-intérêts.
1 3 0 6 . — De l’attribution spéciale faite par noire
article en faveur des tribunaux de commerce, de tout
ce qui concerne les faillites, il résulte que les livres et
écritures doivent rester en la possession des syndics pour
faciliter le développement des opérations.
Il en est de même des titres et autres papiers. Cepen
dant on devait, pour ceux-ci, prévoir le cas où les né
cessités de l’information criminelle exigeraient, soit leur
communication, soit leur dépôt au greffe du tribunal
saisi de l’instruction.
1 3 0 7 . — L’article 60Ü fa it, en conséquence , un
devoir aux syndics de les remettre au ministère public,
sur sa réquisition, de la même manière qu’ils sont obli
gés de lui donner tous les renseignements qui leur se
ront demandés.
Ces pièces, titres ou papiers devront, ou être retenus
pendant tout le cours de l’instruction, ou être simple
ment consultés et rendus, ou demeurer joints à la pro
cédure.
Aucune difficulté ne peut s’offrir dans la seconde hy
pothèse, le dessaisissement momentané des papiers n’é
tant, dans aucun cas, susceptible de devenir un obsta
cle à une prompte liquidation.
Dans la première, la fin de la poursuite criminelle
amène nécessairement la restitution de tous les titres
déposés par les syndics. Le greffier est tenu de les leur
remettre sur simple décharge,
�378
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Mais, dans l’intervalle, ces titres peuvent devenir né
cessaires ; et c’est dans cette prévision que la loi en or
donne la libre communication par la voie du greffe ;
qu’elle permet aux syndics d’en- prendre des extraits
privés, ou de s’en faire délivrer des expéditions authen
tiques par le greffier.
Dans la troisième, les pièces demeurent à jamais ac
quises à la procédure criminelle, en vertu du dépôt ju
diciaire qui en a été ordonné, sauf le droit des syndics
d’en faire ordonner la restitution par l’autorité com
pétente, lorsque cette procédure est définitivement ter
minée.
Dans tous les cas, l’intention de la loi a été de con
cilier les exigences de l’information, avec les besoins de
la liquidation de la faillite. Elle permet donc tout ce qui
serait fait dans ce double b u tl.
TITRE III
DE LA RÉHABILITATION
A rt . 6 0 4 .
Le fa illi q u i a u r a in té g ra le m e n t acq u itté , en
p rin c ip a l, in té rê ts et fr a is , to u tes le s som m es
p a r lu i d ues, p o u r r a o b t e n ir sa ré h a b ilita tio n .
1 Voy.
su p ra
article 482.
�I l n e p o u r r a l ’o b te n ir, s’il est l ’asso cié d ’n ne
m a iso n de co m m e rce to m bée en fa illite , q u ’a p rè s
a v o ir ju stifié q u e to u tes le s dettes d e la société
ont été in té g ra le m e n t acq uittées en p rin c ip a l, in
té rê ts et f r a is , lo r s m ê m e q u ’u n c o n c o rd a t p a r t i
c u lie r l u i a u r a it été consenti.
A rt . 6 0 5 .
T ou te d e m a n d e en ré h a b ilit a t io n s e r a a d re s sé e
à la c o u r d ’ap p e l d a n s le r e s s o r t d e la q u e lle le
fa illi s e r a d o m ic ilié . Le d e m a n d e u r d e v ra jo in d r e
à sa re q u ê te , le s q u itta n c e s et a u tre s p ièces ju s t i
ficatives.
A rt . 6 0 6 .
Le p r o c u r e u r g é n é r a l p rè s la c o u r d ’app el, s u r
la c o m m u n ic a tio n q u i lu i a u r a été faite de la r e
quête, en a d r e s s e r a d es e x p é d itio n s certifiées d e
lu i, a u p r o c u r e u r d e la R é p u b liq u e et a u p r é s i
d en t d u t r i b u n a l d e c o m m e rce d u d o m ic ile d u d e
m a n d e u r, et s i c e lu i-c i a ch an gé d e d o m ic ile de
p u is la fa illite , a u p r o c u r e u r d e la R é p u b liq u e et
au p ré s id e n t d u t r i b u n a l d e c o m m e rce de l ’a r r o n
d isse m e n t o ù e lle a eu lie u , en le s c h a rg e a n t de
r e c u e illir to u s le s re n s e ig n e m e n ts q u ’ils p o u r r o n t
se p r o c u r e r s u r la v é rité d e s fa its exposés.
A rt . 6 0 7 .
4 cet effet, à la d ilig en ce , ta n t d u p r o c u r e u r de
la R é p u b liq u e qu e d u p ré s id e n t d u t r i b u n a l de
com m erce, copie d e la d ite re q u ê te r e s t e r a affi
chée p e n d a n t u n d é la i de d e u x m o is, ta n t d a n s le s
sa lles d’a u d ie n c e d e chaqu e t r i b u n a l q u ’à la B o u r
se et à la m a is o n com m u n e, et s e r a in s é ré e p a r
e x tra it d a n s les p a p ie r s p u b lic s.
SOMMAIRE
43 0 8 .
Motifs
qui ont fait
ad m ettre
la réhabilitation.
�380
1309.
1310.
1311.
1312.
1313.
1314.
1315.
1316.
1317.
1318.
1319.
1320.
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Incapacités qui naissent de la faillite. — Elles ne peu
vent être levées que par la réhabilitation.
Condition pour l ’obtenir. — Paiement intégral en capital,
intérêts et frais.
Comment se calculent les intérêts ?
Le failli doit réaliser le paiement intégral, à quelque titre
qu’il soit obligé.
L’associé en nom collectif doit solder toutes les dettes so
ciales. — Débats que cette disposition a soulevés dans
les chambres.
L'associé qui voudrait se faire réhabiliter après le premier,
devrait désintéresser celui-ci dans les proportions des
articles 1213 et 1214 du Code civil.
La voie de la réhabilitation est la seule ouverte après que
le jugement déclaratif a acquis l'autorité de la chose
jugée.
Distinction faite par un arrêt de la cour de Bordeaux. —
Est inadmissible.
Débats que le Code de commerce subit au conseil d ’Etat,
quant à la juridiction qui devait connaître de la réhabi
litation, et à la procédure à suivre.
La loi actuelle a conservé celle qui fut consacrée. — Le
failli qui veut se faire réhabiliter doit en former la de
mande, et joindre à sa requête les quittances et autres
pièces à l’appui.
Devoir du procureur général et des procureurs de la Ré
publique et présidents des tribunaux de commerce du
domicile du failli.
Objet de la publicité que la loi prescrit de donner à la de
mande.
1308.
— Nous avons déjà vu que le failli qui a ob
tenu un concordat est définitivement libéré envers ses
créanciers, par le paiement du dividende convenu.
Quelles que soient donc les ressources qu’il acquerra
�art.
604, 605, 606, 607.
381
par la suite, elles lui profiteront exclusivement, sans
qu’il puisse être recherché à raison de ses anciennes
créances.
L’union, au contraire, laisse subsister le lien de droit
en faveur des créanciers qui peuvent toujours contrain
dre le failli sur ses biens à venir. Mais, pour peu que
ce dernier, améliore sa position, il lui devient facile de
se débarrasser de ce souci, à l’aide de quelques sacri
fices pécuniaires, que les créanciers qui ont craint de
tout perdre sont heureux d’accepter.
Il peut donc arriver, dans l’une et l’autre hypothèse,
que le failli soit dans une position meilleure que celle
de quelques-unes de ses victimes. C’est là, sans doute,
un résultat révoltant, mais indispensable, contre lequel
le législateur ne pouvait agir que moralement, en inté
ressant l’honneur et l’amour-propre des faillis ; en leur
faisant par là un devoir de se purger de la flétrissure
que la faillite leur a imprimée.
1309.
— Or, le failli, même concordataire, reste
soumis jusqu’après sa réhabilitation aux incapacités ré
sultant du jugement déclaratif. Ces incapacités ne con
sistent à rien moins qu’à la perte delà qualité de citoyen.
Ainsi, le failli ne peut voter dans les assemblées élec
torales, ni être membre des chambres législatives.
Il ne peut faire partie des conseils de département,
d’arrondissement, ni être élu conseiller municipal.
Il ne peut être nommé à aucunes fonctions publi
ques.
Ces incapacités sont consacrées par la loi du 22 dé
cembre 1789, sur les assemblées primaires et adminis-
�382
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tratives, et par la constitution du 14 septembre 1791.
Elles ont été maintenues par la loi du 21 vendémiaire
an III, et plus tard par la constitution de l’an VIII.
Indépendamment de l’exclusion générale du bénéfice
des lois qui exigent, pour y être admis, la qualité de
citoyen, d’autres lois spéciales l’ont nommément excep
té de leurs dispositions.
Ainsi, il ne peut faire partie du jury, être témoin
instrumentaire dans les actes, malgré qu’il ait été dé
claré capable d’être témoin testamentaire. Il ne peut
être nommé agent de change ou courtier de commerce,
concourir à la désignation des prud’hommes, ni être élu
en cette qualité1.
De plus, le décret du 16 janvier 1808, sur la banque
de France, la prive de la faculté de faire escompter ses
valeurs, et le Code de commerce lui interdit l’entrée de
la Bourses.
Aux termes de l’article 13 du décret du 8 juin 1808,
et de l’article 82 du Code de commerce, le failli ne
peut être ni entrepreneur de théâtres, ni agent de chan
ge ou courtier.
Peut-il être tuteur, curateur, membre d’un conseil
de famille? M. Boulay-Paty se prononce pour la néga
tive, mais sans donner les motifs qui devraient le faire
décider ainsi3.
M. Pienouard n’admet l’incapacité que pendant la pé
riode du dessaisissement, parce qu’il serait étrange
1 Réglements des 11 juin 1809 et 20 février 1810, art. 83 du Code de
commerce.
2
V. infrà n° 1331.
3 Tome 1. n° 69.
�art.
604, 605, 606, 607.
383
qu’on confiât l’administration des biens d’autrui à ce
lui qui a perdu le droit d’administrer ses propres biens.
Le concordat restituant ce droit au failli, enlève donc à
l’incapacité sa raison d’être, et doit par conséquent la
faire disparaître l.
Ce que M. Renouard n’admet qu’après concordat,
nous l’admettons dans toutes les périodes de la faillite.
Nous ne nous dissimulons pas tout ce qu’aurait d’étran
ge l’anomalie signalée par cet honorable jurisconsulte,
mais cette étrangeté nous rassure contre son éventuali
té. Nous ne saurions supposer un conseil de famille as
sez insensé pour revêtir de la qualité de tuteur ou de
curateur un homme encore sous les liens de la faillite,
et privé de l’administration de ses biens.
Supposez le contraire, où serait en droit le moyen d’y
remédier? Les incapacités sont de droit étroit et ne peu
vent être admises que si elles résultent expressément de
la loi. Or, il n’existe ni dans le Code de commerce, ni
ailleurs aucune disposition excluant le failli du droit de
faire partie du conseil de famille et d’être nommé tu
teur ou curateur.
Il y a mieux. Cette exclusion, aux termes des articles
9 et 42 du Code pénal, constitue une peine que les tri
bunaux correctionnels sont appelés à prononcer, mais
qu’ils ne peuvent prononcer suivant l’article 43 du mê
me Code, que lorsqu’elle aura été autorisée ou ordon
née par une disposition particulière de la loi.
Or, le failli qui n’est ni banqueroutier frauduleux, ni
1 Tome 2, p. B10.
�384
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
banqueroutier simple n’est et ne saurait être déféré aux
tribunaux de répression, parce que, dans ce cas, la fail
lite n’est qu’un malheur et n’incrimine en rien l’honnê
teté et la probité. Où. serait donc le fondement juridi
que d’une peine quelconque ?
Nous ne saurions donc admettre ni l’opinion abso
lue de M. Boulay-Paty, ni la distinction de M. Renouard. Ce qui nous parait vrai en droit, c’est, ainsi
que le jugeait la cour de Bruxelles le 14 août 1833,
que l’état de faillite ne saurait être une cause de desti
tution et d’exclusion de la tutelle, qu’en conséquence le
failli conserve, malgré sa faillite, le droit d’être tuteur
ou membre d’un conseil de famille.
Il ne peut, enfin, rien transmettre à ses enfants, sans
leur rendre commune sa propre incapacité. L’article 5
de la constitution de l’an VII, à laquelle les lois posté
rieures n ’ont nullement dérogé quant à ce, prive , en
effet, de l’exercice des droits de citoyen, son héritier
immédiat qui détient, à titre gratuit, sa succession totale
ou partielle.
Le poids de ces incapacités peut paraître léger tant
que, sous les liens de la faillite, le débiteur est dans une
position malheureuse. Mais il s’aggrave avec le temps,
et finit même par devenir intolérable pour celui qui,
ayant reconquis une fortune, se voit ignominieusement
distingué de ses autres concitoyens, ei repoussé de l’exer
cice des droits dont ils jouissent. C’est sous l’égide des
sentiments que cette position doit inspirer, que la loi a
placé l'obligation d’indemniser les créanciers de la perte
qu’ils ont éprouvée.
�art.
604, 605. 606, 607.
385
Le législateur encourage et a dû encourager la réha
bilitation ; car, si elle replace le failli dans la position
honorable qu’il avait perdue, elle n’est pas moins avan
tageuse pour les créanciers dont elle amène le paiement
intégral. A quelle condition permet-il d’en recueillir le
bénéfice ? dans quelles formes doit-elle être poursuivie
et prononcée ? C’est ce que déterminent les articles que
nous avons à examiner.
1310.
— Nul ne peut être réhabilité, s’il n’a inté
gralement désintéressé ses créanciers de tout ce qu’il
leur est resté devoir, soit après concordat, soit après la
liquidation de l’union. La réhabilitation est destinée à
effacer toutes les traces de la faillite. Il faut donc que
les tiers qui en ont souffert voient ce résultat s’accom
plir en ce qui les concerne.
Or, il n’est pas atteint, tant qu’il leur reste dû quel
que chose, et c’est pourquoi la loi exige qu’ils soient
remboursés en principal, intérêts et Irais.
J 3 1 1 . — Les intérêts dus sont ceux qui ont couru
depuis l’échéance réelle du titre, jusqu’au moment du
paiement. Peu importe qu’il n’en fût dû aucuns en ma
tière ordinaire ; la mise en demeure qui d o it, aux ter
mes de la loi, les acquérir au créancier, étant suffisam
ment réalisé par l’état de faillite. On pourrait d’autant
moins se prévaloir de l’absence d’un acte extrajudiciai
re, ou d’une demande en justice, que l’ouverture de la
faillite les rendrait l’une et l’autre frustratoires et inutiles.
1 3 1 2 . — A quelque titre que le failli soit débiteur,
il ne peut obtenir sa réhabilitation qu’après avoir intém — 25
�386
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
gralement payé le créancier. Ainsi, endosseur d’une let
tre de change, simple caution d’une dette quelconque,
il devrait désintéresser le porteur ou le créancier, sauf
son recours contre les endosseurs précédents, ou con
tre les débiteurs principaux.
1315.
— L’associé en nom collectif, qui veut se faire
réhabiliter, est obligé d’acquitter toutes les dettes de la
société, alors même qu’ayant obtenu un concordat par
ticulier, il aurait été déchargé de la solidarité par les
créanciers.
Cette seconde disposition de l’article 604 n’a été adop
tée qu’après une vive discussion. La commission de la
chambre des pairs en demandait même le rejet. « La
solidarité, disait son rapporteur, M. Tripier, n’est pas
d’ordre public. Les créanciers, en faveur desquels elle
est créée, peuvent y renoncer. Sans doute, cette renon
ciation ne résultera pas suffisamment du consentement
donné au concordat particulier ; ce n’est là qu’une re
mise partielle. Mais, s’il appert du traité que cette re
mise a été totale, complète ; si les créanciers ont con
senti à ce que cet associé ne soit considéré comme dé
biteur que de la portion des dettes égale ou correspon
dante à sa part d’intérêt dans la société ; à ce que ce
paiement le libère intégralement, et efface à son égard
toutes les traces de la société, la loi ne doit pas interdire
la réhabilitation, lorsque le paiement a été réellement
effectué. »
Cette proposition fut repoussée par le motif que tout
ce qui se réalise au moment du concordat étant l’œuvre
de la nécessité, plutôt que de la volonté spontanée et
�art .
604, 605, 606, 607.
387
libre des créanciers, ce n’est que le lien de droit civil
qui se trouve affecté. La dette originaire continue à sub
sister dans toute son étendue, à titre d’obligation natu
relle. Or, ajoutait M. Quenault, dans son rapport à la
chambre des députésl, la dette sociale est la dette per
sonnelle de chaque associé ; c’est le paiement intégral
de celte dette qui lui est imposé par l’honneur, par la
conscience, s’il acquiert les moyens de l’acquitter. Lui
accorder, sans qu’il ait payé cette dette toute entière, le
bénéfice de la réhabilitation, c’est se départir des con
ditions qui font le mérite et l’honneur de cette institu
tion. Les créanciers de la société pourraient dire : cet
homme a été réhabilité, et cependant, il m’a fait perdre
la moitié, les trois quarts de ma créance. Il y aurait
ainsi deux sortes de réhabilitation, dont l’une laisserait
subsister dans l’opinion une partie de la tâche originelle
que la réhabilitation doit complètement effacer. »
Nous avons dû rapporter ces débats pour bien déter
miner le caractère de l’obligation imposée par l’article
604 à l’associé en nom collectif. Elle est absolue, et
n’admet aucun tempérament. Elle doit recevoir sa pleine
et entière exécution, alors même que, dans le concor
dat particulier, les créanciers en auraient expressément
consenti la décharge.
1 3 1 4 . — Si, après la réhabilitation de l’un des as
sociés, un second voulait l’acquérir, il ne pourrait l’ob
tenir qu’en justifiant qu’il a désintéressé le premier dans
les proportions établies par les articles 1213 et 1214
du Code civil.
1 Séance du 17 mars 1838.
�388
DUS FAILLITES ET BANQUEROUTES
1315. — La nécessité de poursuivre la réhabilitation
est une conséquence forcée de l’état de faillite. C’est la
seule voie à employer, dès que le jugement déclaratif a
acquis l’autorité de la chose jugée. Ainsi, le failli qui,
après les délais de l’opposition et de l’appel, serait par
venu à désintéresser tous ses créanciers, ne pourrait
plus obtenir que ce jugement fût rétracté ; il serait obli
gé de se faire réhabiliter l.
1 3 1 6 . — Un arrêt de la cour de Bordeaux, du 9
juillet 183H2, tout en reconnaissant le principe, ne le
déclare applicable que lorsque la faillite a élè justement
déclarée, et non lorsqu’il est reconnu que la situation
du débiteur ne le constituait pas positivement en état
de faillite.
Mais ces conditions ne sont que le renversement du
principe lui-même. En effet, la question de savoir si le
débiteur était ou non en faillite, appartient au tribunal
de commerce saisi de la demande en déclaration. S’il a
mal apprécié, et que son jugement contienne une er
reur, il est loisible à celui qui en souffre de l’atlaquer.
La loi lui ouvre d’abord l’opposition, ensuite la voie de
l’appel. S’il n’use ni de l’une, ni de l’autre, il reconnaît
qu’il a étê justement rendu.
Autoriser, en cet état, un nouveau recours contre le
jugement ; permettre, soit au tribunal qui l’a rendu,
soit au juge supérieur, de se livrer à une nouvelle ap
préciation, c’est ouvertement méconnaître et l’autorité
1 Cass., 28 novembre 1827 ; D. P., 28, 1, 25.
9 D, P., 33, 2, 87.
�ART.
604, 605, 606, 607.
389
de la chose jugée, et les dispositions de la loi qui règlent
la manière dont les jugements peuvent être attaqués ;
c’est, en un mot, créer un mode de se pourvoir, qui
n’est ni l’opposition, ni l’appel, ni le pourvoi en cassa
tion, ni la requête civile, et dont il n’existe aucune tra
ce dans notre législation.
Il est donc certain que cet arrêt eût encouru la cen
sure de la cour de cassation, s’il eût été déféré à son
appréciation. On peut à cet égard, se former d’autant
moins de doute, que déjà la cour régulatrice s’est for
mellement expliquée dans son arrêt du 29 novembre.
Ainsi, à partir de l’époque où le jugement déclaratif
a acquis l’autorité de la chose jugée, il y a, pour le
failli qui a tout payé, nécessité de se pourvoir en réha
bilitation. Mais il pourrait le faire, avant même que les
opérations prescrites par la loi eussent été accomplies.
Il ne s’agit pas ici d’un de ces traités particuliers que
l’article 507 a voulu régir. On ne saurait donc en in
voquer la disposition.
1317.
•— Avant d’arrêter les formes de la réhabili
tation, le législateur dut déterminer l’autorité appelée à
en connaître. De longs et vifs débats éclatèrent à cet
égard dans le sein du conseil d’Etat.
Les uns proposaient d’en laisser le soin au prince.
Dans une monarchie, disaient-ils, toutes grâces doivent
émaner du souverain. Mais on répliquait, que la réha
bilitation n’était pas une grâce, que son principe ne
pouvait même être contesté ; qu’il ne s’agissait que d’une
seule chose, à savoir : si le failli avait ou non payé, et
�390
DBS FAILLITES ET BANQUEROUTES
que la solution de cette question devait être abandonnée
au pouvoir judiciaire
Celte opinion ayant prévalu, on proposa de déléguer
la matière aux tribunaux de commerce. Mais, celle pro
position fut écartée par le motif que la réhabilitation,
touchant à l’état des personnes, excédait la compétence
consulaire. On convint, en conséquence, de la déférer
aux cours d’appel.
La juridiction ainsi réglée, restait à établir le mode
dans lequel il serait procédé. Comment s’assurerait-on
que les paiements ont été sérieux ? fallait-il appeler
dans l’instance les créanciers ? Après diverses proposi
tions, dont quelques-unes tendaient à soumettre les cré
anciers à affirmer sous serment qu’ils avaient été réel
lement payés, on s’arrêta à la procédure consacrée par
les articles 604 et suivants du Code de commerce.
1318. — C’est celte procédure que la loi actuelle a
également adoptée en reproduisant les anciennes dispo
sitions.
En conséquence, le failli qui veut se faire réhabiliter
doit en adresser la demande à la cour d’appel dans le
ressort de laquelle il a son domicile. Ces expressions de
la loi doivent s’entendre du domicile actuel et non de
celui que le débiteur avait au moment de la faillite. La
requête, accompagnée des quittances et autres pièces jus
tificatives, est communiquée au procureur général.
1 3 19. — Sur cette communication, ce magistrat en
adresse une copie au procureur de la République et au
�président du tribunal de commerce : 1° du domicile ac
tuel du demandeur ; 2° de celui dans l’arrondissement
duquel la faillite a été déclarée. Il commet ces magis
trats à l’effet de s’assurer de l’exactitude des énoncia
tions de cette requête.
Dès la réception de cette communication, une copie
de cette requête est, à la diligence des procureurs de la
République et présidents des tribunaux de commerce,
affichée, tant dans les salles d’audience des tribunaux
civils et de commerce, qu’à la maison commune du
double domicile que nous venons d’indiquer. Elle est,
de plus, insérée par extrait dans les journaux de la lo
calité.
1 520. — Le but de cette publicité est d’appeler tous
les renseignements de nature à éclairer la religion de la
cour, sur la sincérité des paiements allégués par le dé
biteur. La loi ne se contente pas de la production des
quittances ; elles peuvent n’élre que le fruit d’une tran
saction, et déguiser une perte réelle. Or, elle ne permet
pas que la condition qu’elle a imposée à la réhabilita
tion puisse être éludée, et qu’on puisse jouir des avan
tages qu’elle produit, sans avoir réellement fait disparaî
tre tous les obstacles. Nous allons la voir exprimer plus
énegiquement encore cette volonté dans l’article suivant.
A rt. 6 0 8 .
T o u t c ré a n c ie r q u i n ’a u r a p a s été payé in t é g r a
lem e n t d e s a créan ce, en p rin c ip a l, in té rê ts et
fra is , et to u t a u tre p a r tie in t é r e s s é e , p o u r r a ,
p en d a n t la d u ré e d e l'affiche, f o r m e r o p p ositio n
à la ré h a b ilit a t io n p a r s im p le acte a u g reffe, a p -
�392
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
puyc des pièces ju stifica tiv e s. L e c ré a n c ie r oppo
sa n t ne p o u r r a ja m a is ê tre p a r tie d a n s la procé
d u re de ré h a b ilita tio n .
A rt . 6 0 9 .
 p res l’e x p ira tio n de d eu x m o is, le p ro c u re u r
de la R é p u b liq u e et le p ré s id e n t d u t r i b u n a l de
com m erce tra n sm e ttro n t, chacun sé p a ré m e n t, au
p r o c u r e u r g é n é r a l p rè s la c o u r d ’app el, le s re n
se ig n e m e n ts q u ’ils a u r o n t r e c u e illis et les oppo
sitio n s q u i a u r o n t p u ê tre fo rm é es. I ls y jo in
d r o n t le u r avis s u r la d e m a n d e.
A rt . 6 1 0 .
L e p r o c u r e u r g é n é r a l p r è s la c o u r d ’ap p e l fera
r e n d r e a r r ê t p o rt a n t a d m issio n o u r e je t de la de
m a n d e en ré h a b ilita tio n . Si 5a d e m a n d e est re je
tée, e lle ne p o u r r a , ê tre re p r o d u it e q u ’a p r è s une
a n n ée d ’in te rv a lle .
A rt . 6 1 1 .
L ’a r r ê t p o rta n t ré h a b ilit a t io n s e r a tra n sm is
a u x p r o c u r e u r s de la R é p u b liq u e et a u x p ré s i
d en ts d es t r ib u n a u x a u x q u e ls la d e m a n d e a u ra
été a d re ssé e . Ces t r i b u n a u x en fe ro n t fa ir e la lec
tu r e p u b liq u e et la tra n s c r ip t io n s u r le u r s re g is
tres.
SOMMAIRE
1321 . Tous les intéressés peuvent former opposition pendant les
1322.
deux mois de l'affiche. — Même les créanciers qui au
raient concédé une quittance définitive.
Après l’expiration des deux mois, le procureur de la Ré
publique et le présideut du tribunal de commerce, qui
ont été consultés, transmettent au procureur général
les renseignements qu’ils ont recueillis, les oppositions
qui ont été formées et leur avis personnel.
�ART. 6 0 8 ,
1323.
1324.
1325.
1326.
609,
610,
611.
39S
Le procureur général requiert arrêt ou communique les
pièces au failli. — Celui-ci peut demander qu’il soit
sursis jusqu’après nouvelles explications ou le jugement
sur les oppositions.
Si le débiteur a réellement payé toutes ses dettes, la cour
ne saurait refuser la réhabilitation. — Dissentiment avec
MM. Boulay-Paty et Dalloz.
L ’arrêt qui admet la réhabilitation doit être transcrit sur
les registres des tribunaux civils et de commerce du
domicile tant ancien qu’actuel.
En cas de rejet, la demande ne peut être renouvelée qu’après un an d’intervalle. — Dans l ’un comme dans l'au
tre cas, l ’arrêt est prononcé en audience publique.
1 321.
— La demande en réhabilitation doit rester
affichée dans les lieux indiqués par les articles précé
dents, pendant l’espace de deux mois, dans l’intervalle
desquels les procureurs de la République et prési
dents des tribunaux de commerce reçoivent les déclara
tions des parties intéressées, et recueilleront les rensei
gnements qu’ils jugeront utiles.
Tous les ayants droit peuvent s’opposer à la réhabi
litation. Au nombre de ceux-ci, figurent essentiellement
les créanciers qui n’auraient pas été payés de tout ce
qui leur est dû.
Remarquons que la loi n’en excepte aucun. Il fau
drait donc décider que, ceux-là même qui auraient dé
livré des quittances définitives, seraient recevables à
former opposition, si ces quittances leur avaient été im
posées pour prix d’un paiement partiel, plus ou moins
important. La réhabilitation est essentiellement d’ordre
public ; elle rte saurait donc devenir l’objet d’une tran-
�394
OES FAILLITES ET BANQUEROUTES
saction licite, soit tacite, soit expresse. Ainsi, le créancier
qui se serait formellement interdit l’opposition, ne se
rait nullement lié par son engagement.
Il convient d’autant plus de le déciter ainsi, que la
certitude de l’inefficacité de tout traité éloignera, chez le
failli, la pensée de le proposer, et de tenter ainsi une
fraude qui peut avoir pour effet unique de lui enlever
les sommes payées, qui demeurent, dans tous les cas,
acquises au créancier.
L’opposilion est réalisée par un simple acte au greffe,
appuyé des pièces justificatives. On doit entendre par là
les titres de créances, le bordereau des sommes dues,
l’état des sommes payées, en un mot tout ce qui peut
prouver que l’opposant n’est pas entièrement soldé.
Indépendamment des créanciers, la loi ouvre la voie
d’opposition à tous les intéressés. Ainsi, si le demandeur
était dans une des catégories de l’article 612, tous les
créanciers spéciaux pourraient empêcher la réhabilitation.
1 3 2 2 . — Après l’expiration du délai de deux mois,
le procureur de la République et le président du tribubunal de commerce, qui ont reçu communication de la
demande, transmettent au procureur général les rensei
gnements qu’ils ont recueillis et les oppositions qui ont
pu être formées ; ils y joignent leur avis personnel.
1 3 2 3 . — A la réception de ces documents, le pro
cureur général requiert la cour de statuer, si rien ne
s’oppose à l’admission. Dans le cas contraire, l’équité
exige que communication soit donnée au demandeur,
�ABT.
608, 609, 610, 611.
395
des renseignements défavorables et des oppositions qui
ont été réalisées.
Dans le premier cas, le failli peut donner toutes les
explications qu’il croit utiles, sauf vérification ultérieu
re. Dans le second, il peut demander un sursis à la
prononciation de l’arrêt, jusqu’après le jugement de
l’opposition.
En effet, la cour ne peut elle-même la vider. La loi
a prohibé de mettre le créancier opposant en cause. Il
y aurait donc lieu d’attendre, avant de prononcer sur
la réhabiliiation, la décision des tribunaux ordinaires,
sur le mérite des prétentions du créancier.
152-4. — Si le débiteur a réellement soldé tous les
créanciers, en capital, intérêts et frais, la cour peut-elle
refuser la réhabilitation ?
L'affirmative était enseignée, sous l’empire du Code,
par MM. Boulay-Paty 1 et Dalloz 2. La réhabilitation,
dit ce dernier, est une affaire de conscience pour le juge.
Elle peut être refusée même au simple failli. A quoi
bon, en effet, les renseignements que l’article 609 pres
crit de prendre sur la conduite du failli, s’il devait suf
fire à celui ci de justifier de l’acquittement de ses dettes.
Nous pourrions nous contenter de faire remarquer
que l’article 609 actuel ne reproduit plus les termes qui
paraissaient décisifs pour M. Dalloz, et que partant,
depuis sa promulgation, il faudrait arriver à une solu
tion contraire. Mais nous croyons devoir ajouter que
1 N» 655.
3 Tome 8, page 288. n° 8.
�396
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
celle enseignée par ce célèbre jurisconsulte s’écartait de
l’esprit dans lequel la loi avait été faite.
Cet esprit nous est démontré par les débats que le
projet du Code de commerce subit au conseil d’Etat.
Merlin, combattant la proposition de faire prononcer la
réhabilitation par lettres du prince, disait : « L’acte
des constitutions du 28 frimaire an VIII attache la sus
pension des droits politiques à l’état de faillite. Ainsi,
lorsque cet état cesse à raison du paiement des créan
ciers, la réhabilitation s’opère de plein droit, par la
seule force de la loi, et sans qu’il soit besoin qu’aucune
autorité l’accorde. Il ne s’agit donc que de faire vérifier
les faits, d’examiner si l’état de faillite subsiste encore
ou s’il a cessé. Ce n’est donc point une grâce à accorder,
c’est tout simplement un acte de justice à exercer, c’est
tout simplement un jugement à rendre. »
Si cette opinion pouvait ne pas paraître décisive con
tre la doctrine de M. Dalloz, on ne saurait adresser le
même reproche à celle du prince achichancelier.
« L’observation faite par M. Merlin, disait celui-ci,
est un trait de lumière qui doit fixer toutes les opinions.
L’acte des constitutions de l’an VIII, en effet, réhabilite
de plein droit celui qui, par le paiement de ses créan
ciers, cesse d’être en état de faillite. Il ne dépend plus
d’aucune autorité de lui accorder ou de lui refuser sa
réhabilitation, et il ne reste qu’à s’en rapporter aux piè
ces qui attestent sa libération.
» Que si l’on entreprend d’éclairer en outre la mo-
�ART.
608, 609, 610, 611.
397
ralité, on fera souvent des injustices. Rien n’est plus
trompeur que l’opinion
»
Il résulte bien de ces termes que, sous l’empire du
Code de commerce, la réhabilitation ne pouvait pas être
refusée, dès que le demandeur en avait fidèlement exé
cuté les conditions. Conséquemment’ l’opinion de MM.
Dalloz et Boulay-Paty était inadmissible.
Cela est plus évident encore depuis la loi nouvelle.
Celle-ci a voulu encourager les demandes en réhabili
tation. Or, on ne pourrait consacrer une mesure qui
s’écartât davantage de cette intention, que celle indi
quée par ces deux honorables jurisconsultes. En effet,
laisser le failli dans l’incertitude, s’il obtiendra ou non
sa réhabilitation, même après avoir intégralement soldé
ses dettes, serait, dans un grand nombre de cas, l’em
pêcher de réaliser ce paiement, parla crainte de rester
ultérieurement soumis aux incapacités qui pesaient sur
lui antérieurement. On détruirait ainsi toute l’économie
de la loi, au grand détriment des créanciers eux-mêmes.
De plus, on attacherait à la moralité des citoyens, des
effets qui ne peuvent être produits que par une con
damnation pour crime ou délit.
Qu’une faillite laisse le débiteur insolvable privé de
ses droits de citoyen, on le comprend; c’est là une com
pensation de l’avantage qu’elle lui procure, en l’exoné
rant du paiement de ses dettes. Mais la faillite consiste
à devoir et à ne pas pouvoir payer. Celui qui a soldé
toutes ses dettes , ne doit plus rien ; il n’est donc plus
l Procès-verbaux du conseil d’Etat, 41ra* séance, n°* 19 et 20. Locré,
tom, 19.
�398
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
en état de faillite. II reprend, dès lors, sa qualité de ci
toyen, qu’il ne peut perdre que comme tous les autres.
13 2 5 . — L’arrêt qui intervient, s’il admet la réha
bilitation, doit être transcrit sur les registres du greffe
des tribunaux civils et de commerce du domicile actuel
du failli, et de celui qu’il avait au moment de la failli
te. Il doit donc être transmis aux procureurs de la Ré
publique et aux présidents de ces tribunaux, pour qu’ils
aient à faire exécuter cette transcription.
1 3 2 6 . — Les arrêts qui rejettent la réhabilitation,
ne prononcent jamais qu’un déboutemenl en l’état. En
conséquence, la demande peut être renouvelée ; seule
ment, d’après notre article 610, un intervalle d’une an
née doit s’écouler entre l’arrêt de rejet et la demande
nouvelle.
Dans l’un comme dans l’autre cas, l’arrêt est pro
noncé en audience publique.
A rt. 612.
Ne s e ro n t p o in t a d m is » la r é h a b ilit a t io n , les
b a n q u e r o u t ie r s fr a u d u le u x , le s p e rs o n n e s con
d a m n é e s p o u r t o I, e s c ro q u e rie on a b u s d e con
fiance, le s s t e llio n a ta lre s , n i les tu te u rs , a d m i
n is t r a t e u r s ou a u t r e s c o m p ta b le s q u i n 'a u ro n t
p as r e n d u et so ld é le u r s com ptes.
Pourra être admis à la réhabilitation, le ban
queroutier simple qui aura subi la peine à la
quelle il aura été condamné.
SOMMAIRE
<327.
Motifs pour lesquels on a consacré des exceptions à la fa
culté de se faire réhabiliter.
�art.
612.
399
1388.
Identité des causes de ces exceptions avec celles de l’arti
cle 540.<329. Différence entre les tuteurs, administrateurs et compta
bles, et les personnes dénommées dans les autres caté
gories.
1330. Le banqueroutier simple qui a subi sa peine p o u r r a ê t r e
réhabilité. — Conséquences de cette faculté.
1330 b . Inconvénients de la prohibition pour les créanciers. —
Examen critique de la loi du 6 juillet 1852.
1 3 2 7 . — L’objet de la réhabilitation étant surtout
l’intérêt des créanciers, on a dû d’abord se demander
s’il convenait de consacrer des exceptions à la faculté de
l’obtenir. L’affirmative a été adoptée, les droits des cré
anciers étant prolégés par les dispositions de l’article
540, qui refuse aux personnes exclues de la réhabilita
tion la faveur de l’excusabilité, et les laisse pour tou
jours sous le poids de la contrainte par corps. Or, cette
voie d’exécution sera assez efficace pour déterminer un
paiement intégral de la part du débiteur revenu à meil
leure fortune.
1 3 2 8 . — Les motifs qui ont fait exclure de la ré
habilitation les personnes dénommées dans l’article ac
tuel, sont les mêmes que ceux qui ont motivé la dispo
sition de l’article 540. Nous devons donc, pour nous
épargner une répétition inutile, renvoyer aux observa
tions que nous avons faites sous celui-ci.
1 3 29. — On remarquera, cependant, que les comp
tables en général, et les tuteurs qui ne sont pas nom
més dans l’article 540, le sont dans l’article 612; ce
qui semblerait indiquer que, pouvant être excusés, ils
�400
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ne peuvent être réhabilités. Mais nous avons déjà dit
que la contrainte par corps, dont l’excusabililé affran
chit le débiteur, n’est pas celle qui résulterait d’une qua
lité et d’une loi spéciale L En second lieu, la prohibi
tion de l’article 612 n’est que temporaire pour les tu
teurs et les comptables; elle ne les frappe que tant qu’ils
n ’auront pas rendu et soldé leur compte, tandis qu’elle
est éternelle pour les autres catégories.
13 5 0 . — Le banqueroutier simple peut être réha
bilité. Ici se réalise le pouvoir discrétionnaire que nous
contestions to u t-à-l’heure à la c o u r2. Les causes de la
condamnation peuvent être, en effet, de telle nature,
que la justice se croie dans la nécessité de lui refuser le
bénéfice qu’il solliciterait.
Dans tous les cas, le banqueroutier simple ne peut
obtenir sa réhabilitation, qu’après avoir subi sa peine.
Celte condition est de rigueur. En conséquence, celui
qui, s’étant soustrait à la justice, n’a reparu qu’après
l’avoir prescrite, ne pourrait être réhabilité.
1330 bis — La prohibition de l’article 612 est un
hommage à la morale. Celui qui a commis un crime ou
un délit de la nature de ceux que l’article énumère, a
indignement forfait à la loyauté, à l’honneur ; il est in
digne de figurer dans une corporation pour laquelle
l’une et l’autre sont des obligations traditionnelles.
Mais, cette prohibition est-elle sans inconvénients
pour la masse des créanciers ? Oui, incontestablement,
I V supra, n°> 830, 836.
Voy. supra n° 1324.
2
�dans le cas où la faillite a donné lieu à un contrat
d’union. Le failli placé dans une des hypothèses prévues
par l’article 340, ne pouvant être déclaré excusable, est
pour toujours laissé aux poursuites individuelles des cré
anciers, tant sur sa personne que sur ses biens. Il
pourra, dès lors, s’il revient à meilleure fortune, être
contraint au paiement intégral de ses dettes.
Mais, le failli stellionataire ou condamné pour ban
queroute simple, vol, escroquerie ou abus de confiance,
peut concorder. Il est, dans ce cas, civilement libéré de
la partie de la dette qui lui a été remise. Il ne doit plus
que le dividende stipulé, et celui-ci payé, il est à l’abri
de toute recherche. Les créanciers n ’ont d’autre chance
de rentrer intégralement dans leurs fonds, que celle du
besoin d’une réhabilitation. Proscrire celle-ci, c’est donc
éventuellement les punir autant et plus encore que le
failli lui-même ; car, évidemment, l’impossibilité d ’être
réhabilité sera un obstacle invincible au paiement, dès
lors, sans résultat avantageux.
Nous comprenons que des motifs de l’ordre le plus
relevé aient fait négliger et méconnaître cet intérêt. On
a pu et dû reculer devant l’idée du rachat de la honte
d’une condamnation flétrissante, parle sacrifice de quel
que argent. La dignité des commerçants eux-mêmes ne
permettait pas de tolérer que l’individu sortant de la
prison ou du bagne, vint audacieusement se pavaner
dans leurs rangs, et souillât de son contact leur hono
rabilité.
Donc, tant que dure l’effet de la condamnation coriii
— 26
�402
DES f a il l it e s e t b a n q u e r o u t e s
rectionnelle ou criminelle, la prohibition est légitime et
morale. Mais la loi qui a puni n’est pas inexorable. Un
repentir sincère, une conduite honorable effacent à ses
yeux la tâche du passé ; elle ne demande pas mieux que
d’avoir à réhabiliter le coupable, et à lui rendre ainsi la
qualité et les droits de citoyen.
Il semble, dès lors, que la loi commerciale ne pou
vait pas se montrer plus exigeante et plus sévère, et
continuer de repousser de son giron celui que la société
a rappelé dans son sein.
C’est pourtant ce que la loi du 6 juillet 1852 a cru
devoir faire. L’article 634 du Code d’instruction crimi
nelle, modifié par elle, dispose : Les interdictions pro
noncées par l’article 612 du Code de commerce sont
maintenues, nonobstant la réhabilitation obtenue en
vertu des dispositions qui précèdent.
Nous considérons cette disposition comme entachée
d’une sévérité d’autant plus regrettable, qu’elle ne sau
rait se justifier d’une manière plausible ; qu’elle mé
connaît le caractère de la réhabilitation civile ; qu’elle
n’est un danger que pour les créanciers.
En principe, la réhabilitation civile a pour effet de
faire cesser, pour l’avenir, dans la personne du con
damné, toutes les incapacités résultant de la condamna
tion. La loi de 1852 conserve et sanctionne elle-même
cet effet.
On objecte que la réhabilitation n’efface pas le crime
ou le délit ; qu’ainsi la cour de cassation jugeait, le 8
février 1823, que le réhabilité qui commet un nouveau
crime ou délit est passible des peines de la récidive.
�ART.
612.
403
Si la loi est explicite et claire, disent à ce sujet MM.
Chauveau et Faustin Hélie, elle n ’est pas à l’abri de
toute critique. La réhabilitation a placé le condamné au
rang des citoyens. Elle a voilé son crime; c’est un hom
me nouveau. Pourquoi le crime resterait-il indélébile,
pour la récidive seulement1.
Peut-être faut-il répondre, avec le Répertoire du
journal du palais, parce que le condamné qui déchire
lui-même le voile qui avait couvert son crime, ne mé
rite aucune indulgence ; sa rechute prouve que son cœur
est resté souillé de la même impureté. La réhabilitation
ne l’a placé au rang des citoyens, qu'à la condition ta
cite qu’il ne tomberait plus dans le crime. Il rompt le
contrat, la société reprend tous ses droitss.
Quoi qu’il en soit, si la réhabilitation n’efface pas le
crime ou le délit, on ne saurait lui contester, tant que
son bénéficiaire persiste dans la voie qui la lui a méri
tée, l’effet de l’affranchir de toutes les incapacités résul
tant de la condamnation. Or, la prohibition de l’article
612 n’est qu’une incapacité, puisant son fondement dans
la condamnation. En la faisant survivre à la réhabilita
tion, on a donc dérogé à la règle formellement écrite
dans l’article 633 du Code d’instruction criminelle.
Cette dérogation était-elle commandée par l’intérêt ou
les convenances du commerce? On a dit, avec juste rai
son qu’il repoussait de son sein l’homme condamné pour
crime ou délit contre la probité. De quel droit, en effet,
cet homme justement flétri, encore sous le poids de cette
1 Théorie du Code pén al, t.
3 V° Réhabilitation, n° 74.
p. 415
�404
DES
f a il l ît e s
et
banqueroutes
flétrissure, souillerait-il de sa présence les réunions
d’hommes honorables et honorés.
Mais, si par une conduite loyale et probe le condam
né a expié et racheté sa faute, si sa persistance dans
cette voie vient chaque jour témoigner de la profondeur
et de la sincérité de son repentir, si, enfin, il a mérité
par sa réhabilitation d’être rétabli dans l’exercice de ses
droits de citoyen , pourquoi le commerce l’excluerait—
il
encore, si, payant intégralement ses anciens créanciers,
il expie et répare le préjudice qui était résulté de sa
faillite.
Supposez qu’un commerçant, n’ayant jamais failli,
soit condamné pour un des faits prévus par l’article
612, puis réhabilité ; ou bien qu’un condamné n ’entre
prenne le commerce qu’après et depuis sa réhabilitation,
est-ce qu’on songerait, est-ce qu’on pourrait songer à
lui contester ou à lui refuser les prérogatives attachées à
la qualité de commerçant.
La seule différence qui existe entre eux et le commer
çant qui est en même temps failli et condamné, est
l’existence de la faillite: Mais cette différence s’évanouit
dès que toutes les anciennes dettes ont été payées, en
capital et intérêts. Il n’y a donc plus de motifs pour ne
pas traiter l’un comme on le ferait pour les autres.
La répugnance du commerce est légitime et honora
ble, tant que le condamné est sous le poids de la flétris
sure qu’il a encourue. Si cette flétrissure a été légale
ment purgée, si une conduite honorable a mérité qu’un
voile couvrit la faute, et la fit oublier, cette répugnance
n ’est plus qu’un puritanisme exagéré que rien ne devait
faire tolérer ou encourager.
�Or, quelle preuve plus énergique de sa persistance
dans la voie qui lui a valu la réhabilitation civile, que
celle que donne le condamné poursuivant sa réhabilita
tion commerciale. Le concordat l’a complètement libéré.
Sa personne et ses biens sont désormais à l’abri de toute
recherche de la part des anciens créanciers, qu’il peut
même écraser de son luxe après les avoir ruinés peut-être.
Remplir volontairement des engagements qu’on est
dispensé de tenir, payer en capital et intérêts une dette
qui a cessé d’exister légalement, n’est-ce pas couronner
dignement l’œuvre qui a motivé la réhabilitation civile,
par un acte de nature à appeler l’estime et la considé
ration.
Le législateur ne pouvait donc que le favoriser et l’en
courager. Or, la loi de 1852 le condamne et l’empêche,
et c’est là le second reproche que nous lui adressons.
Pourquoi, en effet, le failli condamné, qui a mérité
et obtenu sa réhabilitation civile, désintéresserait-il ses
anciens créanciers ? Quel bénéfice en retirera-t-il si,
après comme avant, il doit rester sous le coup des in
capacités nées de la faillite. N’est-ce pas dans le but uni
que de les effacer, qu’il sera porté à le faire ? En lui
prohibant d’atteindre à ce résultat, on lui fait en quel
que sorte un devoir de s’abstenir de cet acte de répara
tion, de morale et de justice.
En réalité donc, on punit les créanciers qu’on prive
ainsi de la seule chance qui leur reste de récupérer ce
qu’ils ont perdu. Sans doute, il dépendait d’eux qu’il en
fût autrement : ils n’avaient qu’à refuser de concorder.
Mais le concordat n’est pas exclusivement une faveur
�406
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
faite au failli. Dans bien de cas les créanciers y seront
intéressés plus que lui ; car la liquidation de l’actif, par
ses lenteurs, ses difficultés, par les obtacles qu’elle ren
contrera et les frais qu’elle entraine, est de nature à ag
graver la perte qu’ils ont à subir. On comprend dès lors
que, placés entre un double danger, ils se prononcent
pour le moindre.
On ne peut leur en faire un reproche, et moins en
core les en punir. Leur conduite leur a en quelque
sorte été dictée par la loi elle-même, qui ne prohibe le
concordat que dans le cas de banqueroute frauduleuse.
Elle le permet donc avec le banqueroutier simple, avec
le condamné pour vol, escroquerie, abus de confiance ;
avec les stellionataires. les tuteurs, administrateurs et
autres comptables qui n’ont pas rendu leur compte. Et
comment expliquer cette tolérance, autrement que par
la conviction que le concordat est réellement, dans bien
des cas, un véritable besoin pour les créanciers.
Puisque, à l’égard de la réhabilitation, on mettait sur
la même ligne le banqueroutier frauduleux et les per
sonnes désignées par l’article 612, il ne fallait pas se
contenter de borner l’assimilation au refus de la décla ration d’excusabilité ; on devait l’étendre jusqu’à la pro
hibition du concordat. Permettre celui-ci et proscrire la
réhabilitation c’est, nous le répétons, punir non le failli
mais les créanciers.Il fallait tout au moins admettre, pour la réhabilita
tion civile des condamnés pour v o l, escroquerie ou
abus de confiance, la condition imposée au banquerou
tier frauduleux, c’est-à-dire le paiement préalable de
�ses dettes. C’est ce qui était demandé dans la discussion
de la loi.
Mais, cette proposition fut repoussée. « L’obligation
imposée au banqueroutier frauduleux, disait le rappor
teur, est fondée sur l’article 623 du Code d’instruction
criminelle, exigeant que le demandeur en réhabilitation
justifie du paiement des dommages-intérêts auxquels il
a été condamné, c’est-à-dire, la réparation du préjudice
que son délit ou son crime a occasionné.
« Or, l’action en réparation du dommage causé par
la banqueroute frauduleuse, n’est pas ouverte à l’initia
tive individuelle, parce qu’il est contraire aux principes
que l’un des créanciers ait plus de droits que les autres.
Autoriser l’un des créanciers à se constituer partie ci
vile et à demander des dommages-intérêts, ce serait lui
conférer un privilège, et cela ne doit pas être. La répa
ration du dommage causé par la banqueroute fraudu
leuse, ne peut donc être poursuivi utilement par les cré
anciers. D’un autre côté , le dommage est certain ,
sans qu’il soit besoin de condamnation, puisqu’il résulte
du passif même.
» Mais, s’il s’agit d’un vol, d’un abus de confiance,
d’une escroquerie, la situation est différente. Le fait
coupable a été commis, dans ce cas, non plus contre la
masse des créanciers, mais contre un individu. Celui-ci
doit avoir le droit de poursuivre et d’obtenir des dom
mages-intérêts. Il n’y a point parité entre la situation
du mandataire infidèle, du voleur, de l’escroc, et celle
du banqueroutier frauduleux. Voilà pourquoi la com
mission veut que le banqueroutier frauduleux acquitte
�408
DKS FAILLITES ET BANQUEROUTES
préalablement le montant de tout ce qu’il doit, et pour
quoi elle ne l’exige pas du failli coupable d’un délit de
droit commun l. »
Cela peut, jusqu’à un certain point, justifier la diffé
rence admise quant à la réhabilitation civile, mais ne
saurait légitimer la prohibition de la réhabilitation com
merciale, pour le failli condamné pour un délit de droit
commun. Les créanciers du banqueroutier frauduleux
trouvent une garantie dans l’obligation de les désinté
resser intégralement, qui lui est imposée s’il veut purger
l’infamie de sa condamnation.
Le dommage souffert par la masse du failli condam
né pour délit commun, est-il moins certain, moins évi
dent que celui qu’éprouvent les créanciers du banque
routier frauduleux? La réparation obtenue par la victime
du vol, de l’abus de confiance ou de l’escroquerie, le
fera-t-elle disparaître ? Cet effet peut-il se produire au
trement que par la réhabilitation commerciale? Pour
quoi donc leur refuser la garantie qu’on accordait à
ceux-ci ? Loin donc de proscrire cette réhabilitation, on
devait, dans leur intérêt, non seulement la tolérer, mais
encore l’encourager.
Le législateur de 1 852 s’est trompé sur la véritable
portée de l'article 612 du Code de commerce. La prohi
bition qu’il consacre est fondée sur la condamnation
encourue, et suppose que ses effets sont encore debout.
On n’a pas voulu que celui qui a perdu la qualité de
citoyen pût revendiquer et exercer les droits attachés à
celle de commerçant.
1 Rapport de M. Langlois.
�Mais, conclure de là, qu’on doit les refuser à celui
qui vient de reconquérir ceux d’homme et de citoyen,
c’est consacrer la plus étrange des anomalies. Dans la
discussion de la loi, on proposa de refuser au condam
né réhabilité l’exercice des droits politiques. Cette pro
position fut repoussée sur cette observation de la com
mission : Lorsqu’un homme offre à la société assez de
garantie pour qu’elle lui restitue les droits civils, on ne
comprendrait pas qu’elle le proclamât indigne de recou
vrer les droits politiques.
Comprend-on mieux que celui qui est apte à être
juré, électeur, éligible, soit déclaré à tout jamais indigne
d’être notable commercant, ou membre du tribunal de
commerce, d’être admis à la Bourse. Qu’il en soit ainsi,
tant qu’il n’a pas intégralement payé ses créanciers, c’est
moral et juste. Mais s’il réalise ce paiement, il se crée
un litre réel à la considération et à l’estime publique.
Maintenir en cet état l’incapacité, c’est agir avec une
sévérité que rien ne justifie ; c’est lui interdire la répa
ration du préjudice qu’il a causé ; c’est de plus lui refu
ser même le bénéfice de la réhabilitation civile, à quoi
sert, en effet, de le déclarer apte à être juré, électeur,
éligible, si sa qualité de failli non réhabilité est un obs
tacle invincible à ce qu’il en exerce le droit.
La prohibition de la réhabilitation commerciale rend
donc la réhabilitation civile incomplète, et en annule les
principaux effets. Elle peut donc créer un obstacle à la
poursuite de celle-ci,
La loi de 1852 rompt donc avec tous les précédents
législatifs. La réhabilitation, par sa nature, par les con-
�410
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
ditions qui en sont le prix, ne pouvait qu’être vue d’un
œil favorable. La faciliter, l’encourager était un besoin
et un devoir ; et si la loi de 1852 méconnaît l’un et
l'autre, ne faudrait-il pas y revenir ?
Caveant consules.
A rt . 6 1 3 .
N u l c o m m e rça n t f a illi n e p o u r r a se p r é s e n te r à
la B o u r s e , à m o in s q u ’i l n ’a it o b te n u sa r é h a b ili
ta tio n .
SOMMAIRE
1331.
Celte peine empruntée aux anciens édits est plutôt com
minatoire qu’effective. — Difficulté pour la faire exé
cuter.
1 5 5 1 . — Cette disposition des anciens édits a été
conservée par le Code de commerce et par la loi actuel
le. Celui qui n’a pas payé ses dettes n’est pas digne d’ê
tre admis dans un lieu consacré au commerce dont il a
violé les principales prescriptions.
Cette peine est cependant plutôt comminatoire que
réelle. Ajoutons qu’en fait, il est difficile de la faire exé
cuter. Cela pouvait être pratiquable sous l’ancienne lé
gislation, lorsque le failli était revêtu d’un signe qui le
faisait reconnaître. Cette obligation ayant disparu, com
ment deviner si celui qui se présente est ou non failli?
Nous avons déjà indiqué et énuméré les incapacités
qui frappent le failli jusqu’à sa réhabilitation, au nom
bre desquelles se trouve comprise l’interdiction de se
présenter à la Bourse, édictée par l’article 613. Nous
avons rappelé que le but qu’ejles se proposaient était de
�pousser à la réhabilitation pouvant seule mettre un ter
me à la position humiliante que ces incapacités entraî
nent avec elles \
Mais leur efficacité est plus que contestable. D’une
p a rt, le défaut de sanction , de l’autre, la difficulté de
distinguer dans la foule le commerçant qui a failli de
celui qui n’a jamais cessé de faire honneur à ses affai
res, nuisent à leur effet et en rendent l’observation fort
problématique. N’a-t-on pas vu à la faveur de ce doute
des faillis revendiquer et obtenir l’exercice de leurs droits
civils et politiques ?
Cette considération a amené le législateur italien dans
le nouveau Code de commerce qu’il vient de promul
guer, non seulement à s’approprier les incapacités édic
tées par les lois françaises, mais encore à y ajouter celle
de conserver ou de reprendre la qualité de commerçant,
et à prescrire que le nom du failli, et, s’il s’agit d’une
société en état de faillite, que le nom de tous les asso
ciés solidaires soient et demeurent inscrits pendant toute
la durée de leur vie, dans un tableau placé dans la salle
du tribunal qui a déclaré la faillite et dans la salle de la
Bourse de commerce.
L’interdiction de conserver ou de reprendre la qua
lité de commerçant remonte fort loin. Straccha ensei
gne que, de son temps, le failli ne pouvait plus exercer
la marchandise. C’est, paraît-il, ce qui se pratiquait
en France. Les arrêts du conseil des 30 août 1735 et
11 février 1738, mentionnent cette pratique et la com1 V. supra n° 1309.
�412
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
munauté des marchands de drap de Carcassonne avait
interdit au failli le droit de faire fabriquer des draps
directement ou indirectement.
Cette proclamation n’avait pu survivre à la proclama
tion du principe de liberté absolue du commerce, mais
elle aurait pu trouver place dans les dispositions de la
loi sur les faillites. Les savants et judicieux auteurs de
notre Code de commerce s’abstinrent de la renouveler
et avec juste raison ; il faut, en effet, être conséquents.
La loi appelle de tous ses vœux la réhabilitation et n’a
rien omis de ce qui était de nature à l’encourager. Etaitil dès lors rationnel de s’opposer à ce que 'le failli puisât dans l’exercice du commerce les ressources qui de
vaient et pouvaient lui permettre d’y atteindre ?
La disposition du nouveau Code de commerce italien
n’est donc pas heureuse. Elle n’aura qu’une utilité très
problématique. En effet, elle ne consacre l’interdiction
que : salva l ’eccezione stabilita dell' articolo 631 per
il faillito che ha ottenuto un concordato. Ainsi réduite
au failli en état d’union, cette interdiction se réduit à
placer ce failli dans la condition qu’il n’est que trop
porté à se faire à lui-même. Il ne manquera pas d’ar
river en Italie ce que nous ne voyons que trop souvent
se réaliser en Erance. Dans le but de soustraire à l’ac
tion personnelle que la dissolution de l’union rendra à
ses créanciers, les ressources de son nouveau commerce
et les bénéfices qui peuvent en résulter, le failli ne man
quera pas de changer son enseigne et de placer sous le
nom de sa femme, de son fils, ou de tout autre les affai
res qu’il entreprend. Le tort de la prohibition d’agir en
�ART.
613.
413
son nom, est, de le contraindre à user de ce moyen
alors même qu’il n’aurait pas eu l’intention d ’y re
courir.
Une prescription qui peut être beaucoup plus effi
cace est celle qui a pour objet l’inscription du nom du
failli sur un tableau placé dans la salle du tribunal et
dans celle de la Bourse. C’est là en quelque sorte un
double pilori auquel le failli se trouve attaché pendant
toute sa vie, et l’on peut espérer et croire qu’il n’oublie
ra rien pour se racheter de cette humiliation.
On pourrait, en se plaçant au point de vue du failli,
trouver par trop rigoureuse une disposition qui attache
une aussi fâcheuse publicité au commerçant réellement
malheureux et qui n’est que victime des chances aléa
toires de sa profession. Mais la loi ne devait-elle pas se
préoccuper de l’intérêt des créanciers et si la faveur due
au commerce l’empêchait de leur accorder la faculté de
poursuivre et de contraindre le remboursement de la
perte que leur fait subir le concordat, ou l’union ne de
vait-elle pas sanctionner tous les moyens moraux pou
vant faire arriver à ce résultat? Or, par sa nature, et à
ce titre l’inscription au tableau peut et doit paraître un
de ces moyens le plus énergique.
Puis, à côté des créanciers se place le public dont
l’ancien failli viendra solliciter la confiance. Ne faut-il
pas que ce public puisse se renseigner exactement sur sa
position et mesurer le crédit qu’il doit accorder sur ses
antécédents et sur sa moralité.
D’ailleurs, l’obtention d’un concordat, ou la déclara
tion d’excusabilité exclut le soupçon de fraude et fait
�414
f t f iif
&
m
! !
; |
s ;l
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
supposer le malheur. Or, le Code de commerce italien
veut que sur le tableau et à côté du nom du failli, on
inscrive, soit le concordat, soit la déclaration d’excusabilité, enlevant ainsi à l’inscription du nom ce qu’elle
pourrait avoir de trop déshonorant.
On a donc concilié dans la mesure du possible ce
qu’on doit au malheur et ce qu’exige l’intérêt des créan
ciers. Nous regrettons donc de ne pas trouver dans no
tre loi une disposition qui, même mitigée par la men
tion du concordat ou de la déclaration d’excusabilité,
n’en constitue pas moins un lourd et désagréable far
deau et une excitation d’autant plus vive vers la réhabi
litation.
A rt . 6 1 4 .
Le failli pourra être réhabilité après sa mort.
;.Vv |
SOMMAIRE
1332.
Nature de cette disposition. — Elle n ’introduit pas un
droit nouveau.
1 3 3 2 . — Cet article a été ajouté au Code de com
merce. Mais la faculté qu’il consacre n ’est pas nouvelle.
Sous toutes les législations, les sacrifices faits par les en
fants, pour racheter la mémoire de leur père, n’ont pu
être que favorablement accueillis. L’introduction du
principe dans la loi est un hommage à la morale, une
recommandation à la piété filiale, un noble encourage
ment à un pieux devoir.
F IN
�APPENDICE
��APPENDICE.
417
L’exercice par le ministère public de la faculté que
lui confère l’article 460 de faire exécuter le jugement
déclaratif de la faillite, au chef qui ordonne le dépôt de
la personne du failli dans la maison d’arrêt pour det
tes, a soulevé une grave difficulté. L’alimentation du
failli est-elle à la charge de l’Etat ou de la masse ? Doitil y être pourvu par une consignation préalable au taux
exigé pour les prisonniers pour dettes ? L’absence ou
l’insuffisance de cette consignation doit-elle motiver l’é
largissement du failli ?
Un arrêt récent de la cour d’Aix résout ces questions
contre le failli. Il décide, en conséquence, que le failli
incarcéré au requis du ministère public, doit être nourri
par l’Etat de la même manière que les prisonniers ordi
naires ; qu’en conséquence, l’insuffisance de la consi
gnation faite par les syndics ne saurait motiver la ces
sation de l’emprisonnement. Cet arrêt est-il juridique?
c’est ce que nous allons examiner.
Mais, avant d’entrer dans cet examen et de nous oc
cuper de l’espèce particulière jugée par la cour d’Aix,
�418
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
qu’il nous soit perm isse rechercher, en pur droit et
abstractivement de tous faits, quelle doit être la solution
de nos questions. Les principes rappelés, leur applica
tion décidera du caractère de l’arrêt.
Le failli provisoirement incarcéré doit être nourri :
c’est ce que personne ne contestera. Il ne peut l’être
que par la niasse, si, en fait, son emprisonnement n’a
d’autre fondement réel que l’utilité de celle-ci.
Or, comment douter de ce caractère, lorsqu’on voit
cet emprisonnement décrété par le tribunal de commer
ce ? Est-ce que la juridiction consulaire a à s’immiscer
dans la poursuite ou la répression des crimes ou délits?
Donc, la mesure qu’elle consacre n’est ni un emprison
nement préventif, ni moins encore un emprisonnement
répressif. À l’ouverture de la faillite, on ignore s’il y
aura lieu d’appliquer une peine quelconque.
Donc, la détention du failli ne constitue qu’une con
trainte purement civile. La preuve, c’est qu’elle se réa
lise dans la maison d’arrêt pour dettes. La loi n’a pas
entendu confondre le failli avec les prévenus ou les con
damnés ; et, s’il n’est ni l’un ni l’autre, de toute cer
titude il ne sera qu’un prisonnier pour dettes.
Le dépôt de la personne du failli est, dans l’origine,
si peu une mesure de vindicte publique, que le failli a
le moyen de le prévenir et de l’empêcher, en se conforI
�<s
419
APPIÎNDICE
manl aux arlicles 438 et 439 ; que le tribunal de com
merce pourra à toute époque y mettre un terme, en dé
livrant un sauf-conduit avec ou sans caution. - .
Sans doute, ce dépôt provisoire servira l’intérêt pu
blic, en assurant la répression des crimes ou délits dont
la preuve surgirait de la liquidation de la faillite et du
dépouillement des écritures. Nous dirons donc de lui ce
que nos anciens jurisconsultes disaient de certaines
nullités légales : Primario spécial utililalem p riva tam, secundario publicam. Mais l’accessoire ne saurait
effacer le principal ; d’autant qu’il est encore fort éven
tuel, et qu’il ne sortira peut-être jamais à effet, si aucun
reproche n ’est à adresser au failli.
Hésiterait-on, si l’exécution de l’ordre du tribunal avait
été poursuivie par les syndics, sans intervention du mi
nistère public ? Comment en serait-il autrement, parce que
usant du droit que lui donne l’article 460, le procureur
de la République aura lui-même requis cette exécution ?
D’abord, l’article 460 n’autorise pas l’action cumula
tive du ministère public et des syndics. Il se borne à
exiger l’une ou l’autre. Les dispositions du jugem ent...
seront exécutées à la diligence
blic,
s o it
s o it
du ministère pu
des syndics de la faillite.
Si nous demandons ensuite à la discussion législative
le fondement et le caractère de l’intervention du minis-
�420
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tère public, le rapporteur, l’honorable M. Renouard,
nous répond : qu'elle est destinée à empêcher que, par
négligence, condescendance ou faiblesse des syndics,
l’ordre du tribunal demeure inexécuté.
Voilà donc le rôle réservé au ministère public : sup
pléer à la négligence ou à la connivence des syndics.
Dès lors, la mesure exécutée par lui ne perd rien de
son caractère, et ne saurait atteindre à la hauteur d’un
emprisonnement préventif.
N’est-ce pas, d’ailleurs, parce qu’il s’agissait d’une
mesure d’intérêt privé, que l’article 460 a appelé nom
mément le ministère public à en poursuivre l’exécution?
Pouvait-il exister le moindre doute, entrer dans la pen
sée de personne de lui contester son droit, s’il s’était agi
de la poursuite ou de la répression de crimes ou délits ?
Donc, bien loin de méconnaître le caractère privé de la
mesure, l’article 460 le détermine en appelant exception
nellement le ministère public à en poursuivre l’exécution.
Mais, pourra-t-on objecter, pourquoi, dans ce cas, cet
appel à la diligence des syndics ? Est-ce que leur mis
sion ne leur impose pas le devoir et ne leur donne pas
le droit de prendre toutes les mesures qu’exige l’intérêt
de la masse? À quoi bon, dès lors, une autorisation spé
ciale pour le dépôt de la personne du failli ?
La réponse serait facile. Le silence gardé à ce sujet
�APPENDICE
421
par le Code de 1807 avait créé la contradiction et le doute
sur le droit des syndics. A partir du jugement déclara
tif, disait-on, il ne peut être reçu aucun écrou ou re
commandation contre le failli, pour aucune espèce de
dettes. Or, comment les syndics pourraient-ils exercer,
au nom de la masse, un droit formellement refusé à
chaque créancier individuellement ? Nous avons déjà dit
que ce système était consacré par la cour de Toulouse,
le 15 juin 1836 x.
Le législateur de 1838, voulant le contraire, devait s’en
expliquer. De là, la disposition de l’article 460, destinée
à prévenir désormais toute controverse et tout doute.
En réalité, donc, le dépôt de la personne du failli, au
moment du jugement déclaratif, ayant pour but, si non
unique au moins principal, l’intérêt de la masse, c’est
à elle qu’incombe l’obligation de pourvoir à l’alimenta
tion du failli, la circonstance que l’ordre du tribunal a
été exécuté à la diligence du ministère public, ne saurait
modifier cette obligation, puisque le procureur de la
République n’a agi qu’au lieu et place des syndics ; n ’a
fait que ce que ceux-ci devaient faire.
Celte conséquence est, non seulement commandée
par la logique, mais encore formellement consacrée par
la loi. Ainsi, l’article 474 exige que le failli, même en
\
1 Voy. supra n° 203.
�422
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
état de liberté, reçoive, sur l’actif de la faillite, des se
cours alimentaires. Or, comprendrait-on que le législa
teur eût entendu exonérer la masse de cette obligation,
au moment précisément où son observation est plus ur
gente, le failli étant dans l’impossibilité d’utiliser son
travail et son industrie.
D’ailleurs, pouvait-il s’en expliquer plus catégorique
ment qu’il ne le fait dans l’article 461 ? Le trésor pu
blic fera l’avance des frais d’incarcération, mais en cas
d’insuffisance des deniers de la faillite, sur ordonnance
du juge-commissaire, et sauf remboursement par pri
vilège sur les premières rentrées.
On a voulu équivoquer sur les termes frais d'incar
cération. Ils peuvent fort bien, a-t-on dit, s’interpréter
des frais d’écrou L Mais, et nous nous en sommes as
suré, l’écrou ne donne aucun droit, n’occasionne aucun
frais. Donc, ceux d’incarcération ne peuvent s’entendre
que de la charge de nourrir celui qui la subit.
Si le trésor public n’est autorisé à les avancer qu’en
cas d’insuffisance, il est évident qu’il ne doit pas le fai
re, qu’il ne le fera pas dans le cas contraire.
Et cela sans distinction aucune du cas où le dépôt
est effectué à la diligence des syndics, de celui où il l’a
1 Consultation pour le syndic de la Franco-Belge.
�APPENDICE
423
été au requis du ministère public. L'article 461, qui
suit immédiatement l’article 460, ne distingue pas en
effet, et les régit par conséquent l’un et l’autre.
La charge de nourrir le failli n’incombe à l’Etat, que
si des indices de culpabilité motivent, contre le failli,
une poursuite correctionnelle ou criminelle. Mais alors
ce n’est plus en vertu du jugement déclaratif qu’il est
détenu. Placé sous mandat d’arrêt ou de dépôt, il ne
sera plus dans le quartier de la dette ; il ne pourra plus
réclamer et obtenir de sauf-conduit. Simple prévenu,
confondu avec tous les autres, il n’aura droit qu’à la
ration journalière distribuée à ceux-ci.
Mais, si l’information fait évanouir les soupçons ; ou
si, condamné, le failli a subi sa peine, le maintien de
sa détention n’est plus que dans l’intérêt des créanciers,
auxquels revient la charge de pourvoir à ses aliments.
» Tant que la justice criminelle n ’a pas prononcé, dit
M. Dalloz qui, comme on le verra, ne confond pas le
dépôt de la personne avec la contrainte par corps ordi
naire, le failli est en état de prévention, et doit, par
suite, être nourri aux frais de l’Etat ; mais lorsque l’ins
truction criminelle est terminée, qu’une ordonnance de
non lieu a été rendue en faveur du failli, sa détention
ne se Continuant plus que dans l’intérêt des créanciers,
�424
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
c’est à ceux-ci, ce semble, qu’incombe l’obligation de
pourvoir aux aliments \. »
C’est, en effet, ce que la loi entend et consacre ; nous
venons de l’établir. Or, ce qui est vrai après ordonnan
ce de non lieu, ne saurait pas ne pas l’être, soit après
l’expiration de la peine, soit surtout lorsque, à défaut
d’indices de culpabilité, il n’a pas même été requis de
poursuites.
La conclusion à tirer de ces prémisses est la nécessité
d’une consignation préalable ; car ce n’est qu’ainsi que
les créanciers pourront satisfaire à leur obligation.
Fallut-il admettre que l’Etat doit faire l’avance des
aliments, qu’on arriverait à une conclusion identique.
Que donnerait l’Etat, s’il était autorisé à réaliser cette
avance en nature ? Uniquement la ration des prisonniers
ordinaires, soit 52 centimes par jour. Ce régime juste
pour les malfaiteurs poursuivis ou condamnés, le failli
le subira s’il est poursuivi pour crime ou délit. Mais le
lui imposer, lorsqu’on n’a à lui reprocher que des mal
heurs et des pertes, ce serait violer à son égard les lois
de l’humanité. Est-ce pour en arriver là que le législa
teur a refusé de le confondre avec les autres prison
niers, en prescrivant le dépôt de sa personne dans la
maison d’arrêt pour dettes ?
1 Nouveau Répertoire, v° contrainte par corps, n° 938.
�APPENDICE
425
Cela seul repousse la prétention que nous combattons.
Quoique confondue dans le même local que la maison
d’arrêt ou de justice, celle pour dettes n’en constitue
pas moins un quartier à part, qui offre cette particula
rité, que ceux qui y sont détenus doivent se nourrir
eux-mêmes, et ne participent en rien aux distributions
qui se font dans les deux premières.
Contesterait-on cette proposition dans le cas où la
prison pour dettes serait dans un autre local que la pri
son ordinaire. Y a-t-il une distribution quelconque à
Clichy, par exemple ? Que donnerait-on donc au failli
qui y serait amené ;
Or, ce qui se réalise à Paris, a également lieu dans
toutes les autres villes. Le gardien-chef des prisons ne
peut donner que ce qu’il reçoit, et il ne reçoit jamais
rien pour le quartier de la dette. Son budget, annuelle
ment arrêté par le conseil général du département, ne
permet d’autres dépenses que celles consacrées aux mai
sons d’arrêt ou de justice.
Donc, lié par la spécialité de son budget, le gardienchef refusera toute distribution au failli qui sera obligé
cependant de réclamer ses aliments. Voici donc à quoi
il sera réduit.
Il devra faire appeler un avoué, et faire rédiger une
requête en abréviation de délais ; cette requête appoin-
�426
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tée devra être signifiée avec ajournement aux syndics,
au procureur de la République, au préfet ; le jugement
qui condamnera la partie qui doit pourvoir aux ali
ments, devra, à son tour, être signifié et exécuté ; et
pendant la durée de ces formalités, le failli aura eu le
temps de mourir de faim.
✓
Un pareil système ne pouvait entrer, nous ne dirons
pas dans les prévisions de la loi, mais dans la pensée de
personne ; et lorsque l’administration s’est chargée des
aliments du failli, elle y a pourvu par une consignation.
Voici, en effet, ce qui se passe à Clichy : lorsqu’un
failli y est amené à la requête du procureur de la Répu
blique, le directeur lui remet une somme de 45 fr. pour
un mois d’aliments, et cette remise se renouvelle de mois
en mois pendant toute la durée de la détention. Le di
recteur transmet ensuite l’état de ses débours au parquet
qui l’en fait rembourser soit par la faillite, soit par l’Etat
en cas d’insuffisance des deniers de celle-ci.
Ainsi, la prétention de soumettre le failli à une dis
tribution jour par jour et en nature, est repoussée par
la raison et la justice, condamnée par son impraticabi
lité. La consignation préalable au taux légal est, dans
tous les cas, indispensable.
Quelle doit être la conséquence du défaut ou de l’in
suffisance? La réponse se trouve explicitement dans l’ar-
�APPENDICE
427
ticle 800 du Code de procédure civile et dans la loi de
4861.
On conteste l’applicabilité de ces dispositions au failli,
en distinguant entre le dépôt de la personne ordonné
par le tribunal de commerce, et la contrainte par corps
ordinaire. « On ne peut les assimiler, dit notamment
M. Troplong ; le dépôt de la personne est une mesure
provisoire de sûreté établie, tant dans l’intérêt de la vin
dicte publique que dans l’intérêt des créanciers, afin que
le failli n’échappe pas aux poursuites de la justice ; qu’on
puisse surveiller sa personne et ses actions, et qu’il ne
fasse pas disparaître par sa fuite les preuves de fraude,
de délits, d’obligations, de rapports utiles à saisir l. »
M. Dalloz, qui repousse également l’assimilation, ar
rive à cette conséquence qu’on ne doit pas rechercher,
dans la loi relative à la contrainte par corps, les règles
applicables à l’emprisonnement provisoire des faillis,
mais plutôt interroger le Code d’instruction criminelle,
alors que la loi spéciale des faillites ne s’est pas suffi
samment expliquée. Ce qui, pour M. Dalloz, justifie
cette conséquence, c’est le soupçon de fraude qui plane
autour de toute faillite ; c’est la possibilité de rencontrer
un délinquant dans tout le failli2.
i De la contrainte par corps, n° 56.
5 Nouveau Répertoire, v° faillite, n° 371.
�428
DBS FAILLITES ET BANQUEROUTES
Cette présomption de fraude nous la comprenons au
regard des créanciers. Nous nous rappelons cette maxi
me de l’école italienne : Decoctus semper dolosus prœsumitur injudicio civili, donec contrarium probctur.
Mais appliquer cette présomption au délit ou au crime,
nous parait une énormité inacceptable.
Nous avons beau interroger le Code d’instruction cri
minelle, nous n’y rencontrons nulle part ce mépris de
la liberté individuelle, que supposerait la faculté d’em
prisonner un homme, non sur des indices de culpabili
té actuellement acquis, mais dans l’espérance qu’ils
pourront un jour se produire.
Comme tous les citoyens, le failli, au point de vue de
la loi criminelle, est présumé innocent. Le dépôt provi
soire de sa personne dans la maison d’arrêt pour dettes
ne peut donc reposer sur le fondement que lui assigne
M. Dalloz.
Que ce dépôt ne soit pas la contrainte par corps ordi
naire, nous l’admettons. Mais, évidemment, il n’est pas
non plus un emprisonnement préventif ; moins encore
un emprisonnement répressif. On ne peut donc le con
sidérer que comme une contrainte sui generis, ayant ses
exigences propres et particulières.
Ces exigences, quant au mode de son exécution, à sa
durée, à une limite d’âge, sont incompatibles avec ce
�APPENDICE
429
qui est prescrit pour la conirainte par corps ordinaire.
D’où la conséquence que les règles imposées, quant à
ce, à celle-ci, seront inapplicables à celui-là.
Mais, ce qui est essentiellement commun à l’un et à
l’autre, c’est la nécessité de pourvoir aux aliments de
celui qui les subit. Il ne peut pas être que le législateur
ait été, à cet égard, moins exigeant pour le failli que
pour le débiteur insolvable. Ce qui est vrai pour celuici, ne saurait pas ne pas l’être pour le premier. Ce qui
entraînerait la mise en liberté pour l’un, doit nécessai
rement la motiver pour l’autre.
Vainement objecterait-on que celte mise en liberté
pourrait contrarier l’action publique. Ce résultat est im
possible, puisque le ministère public l’empêchera forcé
ment en requérant une information, si des indices de
culpabilité en indiquent la nécessité. Que s’il ne croit
pas devoir le faire ; que si, l’ayant fait, il est intervenu
une ordonnance de non lieu, ou une condamnation exé
cutée et subie, la vindicte publique désormais désinté
ressée n’a plus rien à exiger ; il n’y a donc plus à s’en
préoccuper.
La détention du failli ne se continue plus que dans
l’intérêt exclusif des créanciers. Il n ’est donc plus qu’un
débiteur insolvable dont les aliments doivent être consi
gnés aux termes et dans les conditions de la loi.
�430
DBS FAILLITES ET BANQUEROUTES
L’opinion que nous repoussons s’étaye de deux arrêts
rendus, l’un, par la cour de Bourges, le 31 août 1816;
l’autre, cité par M. Troplong, par la cour de Nancy, le
30 août 1833. A notre avis, ces deux monuments de
jurisprudence ne sont qu’une application exagérée d’une
distinction légitime et juste dans une certaine limite ;
inacceptable, lorsqu’à son aide on va jusqu’à refuser au
failli le droit à la consignation préalable de ses aliments,
et le contraindre à les recevoir jour par jour.
Ce que nous remarquons dans l’arrêt de Nancy, c’est
la contradiction à laquelle il aboutit. Ce qu’il décide,
en effet, c’est que la consignation, d’abord insuffisante,
peut être complétée même après l’introduction de l’ins
tance en élargissement. Il suffit, dit-il, que le failli
n'ait pas manqué un seul jo u r des aliments nécessaires
à sa subsistance. Donc, si la consignation n’avait pas
été complétée, la demande eût été accueillie. N’esl-ce
pas là, explicitement, consacrer la nécessité de la consi*
gnation, et l’applicabilité de l’article 800 du Code de
procédure civile.
Pouvait-on, dès lors, sans inconséquence proclamer
le principe, et repousser les conditions auxquelles la loi
l’a subordonné. Ôr, la consignation ne doit pas seule
ment atteindre le chiffre déterminé ; elle doit encore être
déposée à l’avance, et la faculté de la compléter est ir-
�■'.
_
■
_
:,
APPENDICE
431
révocablement perdue, dès que le détenu a saisi la jus
tice.
On devait l’exiger ainsi, car celui qui est privé de sa
liberté, en l’absence de poursuites criminelles, doit avoir
la certitude que son alimentation est. assurée pour cha
que période mensuelle. Or , l’insuffisance de la consi
gnation est l’inobservation flagrante de cette condition.
Comme l’observait notre savant et si judicieux confrère
Moulte, tout ce qu'on retranche du chiffre réglemen
taire est une privation de nourriture pour le nombre
de jours proportionné à la somme qui manque à la
consignation l.
La matière ne comporte ni tempérament, ni juste mi
lieu. Si la consignation est nécessaire, elle n’est régu
lière et valable que si elle est réalisée conformément aux
prescriptions de la loi. Reconnaître cette nécessité, c’est
arriver à la conséquence que la cour d’Alger consacrait,
lorsque, dans son arrêt du 17 mars 1856, elle jugeait :
que le failli, placé sous les liens du jugement déclaratif,
n ’en pouvait être délivré avant la déclaration d’excusabilité, qu'autant qu'il n'aurait pas été consigné, dans les
termes de la loi, somme suffisante pour aliments
Nous arrivons à l’arrêt de la cour d’Aix, et d’avance
1 Adhésion à la consultation pour le gérant de la Franco-Belge.
1 D. P„ 56, 2, 156.
�432
DES FAILLITES KT BANQUEROUTES
nous avons démontré le peu de fondement juridique du
refus qu’il fait de prononcer l’élargissement du failli,
lorsque l’insuffisance de la consignation était reconnue
et acquise. Ce caractère ressortira bien mieux encore
des faits particuliers de l’espèce.
En décembre 1859, la suspension de paiements de la
Franco-Belge suscite la plus vive émotion sur la place
de Marseille. A la suite d’un mandat d’arret, le gérant
est incarcéré. Il est, après une longue et minutieuse in
formation, traduit devant le tribunal correctionnel, sous
prévention de banqueroute simple et d’infraction à la
loi de 1856.
Acquitté sur le premier délit, il est, par jugement du
28 juin 1860, condamné sur le second à un emprison
nement d’un an et à une amende de 50 francs.
Le lendemain 29 juin, jugement qui déclare la faillite
de la Franco-Belge, et ordonne que la personne du gé
rant continue à être déposée dans la maison d’arrêt
pour dettes.
Cet ordre ne pouvait recevoir son exécution qu’après
l’expiration de la peine correctionnelle. Mais, bien avant
cette expiration et le 24 septembre 1860, le syndic re
commandait le failli en vertu du jugement déclaratif, et
consignait la somme de 30 francs pour un mois d’ali
ment.
�APPENDICE
433
La détention du gérant était la conséquence de cette
recommandation. Le jugement avait donc été exécuté à
la diligence du syndic. Cependant le procureur de la Ré
publique crut devoir, le 10 septembre 1861, requérir
le gardien-chef de la maison d’arrêt, de maintenir le
gérant en état d’arrestation comme failli, en vertu du
jugement ordonnant le dépôt de sa personne dans la
maison d’arrêt pour dettes.
Le $6 du même mois de septembre, le syndic qui,
jusque-là, avait consigné les aliments, au taux de la loi
du % mai 1861, ne consigne que 30 francs au lieu de
40 francs. Le failli se pourvoit en conséquence pour faire
prononcer son élargissement, vu l’insuffisance de la con
signation.
1er octobre 1861, jugement du tribunal civil de Mar
seille qui repousse la demande, attendu que le failli ne
peut invoquer les principes édictés pour la contrainte
par corps ; que pour remplir l’obligation qui lui est im
posée par l’article 460 du Code de commerce, le minis
tère public a fait écrouer à sa requête le failli ; qu’il
suit de là qu’agissant dans l’intérêt général, le trésor
public doit pourvoir à la nourriture du détenu, sans
qu’il y ait lieu à la consignation d’aliments ; qu’ainsi,
alors même que le syndic n’en aurait fait aucune, l’écrou
étant fait à la requête du ministère public ne pourrait
ni — 28
�434
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
être levé par ce motif, le failli devant être alimenté aux
frais de l’administration comme tout autre détenu.
Appel, et le 29 janvier 1862 arrêt confirmatif. La
cour d’Aix adopte les motifs du jugement qu’elle déve
loppe en ces termes :
« Attendu, en fait, que le failli déposé en sa qualité
dans la prison pour dettes de Marseille, demande son
élargissement par le motif que, le 26 septembre 1861,
le syndic n ’a consigné que 30 fr. pour aliments, au lieu
de 40 fr. exigés par la loi du 2 mai 1861 ;
» Attendu que, par acte du 10 septembre 1861,
<
c’est-à-dire seize jours seulement avant cette consigna
tion prétendue insuffisante, le procureur impérial de
Marseille a requis le maintien de l’appelant en état d’ar
restation comme failli ; et qu’ainsi celui-ci, en ce mo
ment, tient prison à la requête du ministère public ;
>> Attendu que les opérations de la faillite ne sont
pas encore closes ;
» En droit, attendu que le dépôt de la personne du
failli dans la prison pour dettes ne suffit pas pour l’as
similer au détenu pour dettes, ces deux situations étant
différentes, et leurs différences étant précisées par les di
verses dispositions légales qui les régissent ;
» Qu’en l’état de ces différences établies par la lettre
et l’esprit de notre législation, le failli n’est pas prison-
�APPENDICE
435
nier en vertu des lois sur la contrainte par corps ; d’où
il suit que la loi du 3 mai 4861 et l’article 803 du Co
de de procédure civile, dont l’appelant réclame le béné
fice et qui ne sont relatifs qu’à la contrainte par corps,
sont inapplicables au failli ;
» Que la question des aliments ne saurait être déci
dée par une raison d’analogie fondée sur ce que les ali
ments sont également nécessaires au failli et au détenu
pour dettes, puisque, dans un cas, la cause de l’incar
cération étant purement privée, le créancier demeure
exclusivement chargé de nourrir son débiteur, tandis
que, dans l’autre cas, l’incarcération étant faite dans un
intérêt public, l’administration est chargée de pourvoir
à la nourriture du failli qui est le prisonnier du minis
tère public ;
» Que la nourriture du failli étant assurée par le Tré
sor, sauf remboursement par la faillite, le maintien ou
la levée de l’écrou requis par le procureur impérial de
meure étranger au fait ou au défaut d’une consignation
alimentaire ;
» Attendu que, dans l’espèce, il est constant que
l’appelant est expressément écroué en force de la réqui
sition du procureur impérial de Marseille, du 40 sep
tembre 1861 ;
» Attendu que dans la présente instance liée seule-
�438
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
rait à l’acte des syndics, peui-on l’en distinguer quant
à l’obligation de fournir les aliments ?
Elle incombe à l’Etat, dites-vous? Mais l’Etat répon
dra qu’il n’est pas même autorisé à y pourvoir. L’article
461, en prescrivant l’avance dans le cas d’insuffisance
seulement, l’exclut dans tous les autres, et l’on sait
avec quel soin méticuleux l’Etat restreint ses dépenses
dans les limites légales.
D’ailleurs, au â6 septembre 1861, date de la demande
en élargissement, la faillite comptait une durée de quinze
mois. Or, on ne peut équivoquer sur la portée de l’ar
ticle 461 ; il ne dispose que pour les premiers moments
de la faillite. Il ne pouvait pas être que l’insuffisance de
ses ressources devînt un obstacle invincible à l’exécution
d’une mesure pouvant subsidiairement intéresser la vin
dicte publique. Mais si cette insuffisance persiste, elle
motivera la clôture des opérations de la faillite, et le fail
li, rendu aux exécutions individuelles des créanciers, sera
de plein droit dégagé des liens du jugement déclaratif.
Nous avons ajouté que l’Etat, consentant à faire l’a
vance, se substitue ainsi à la faillite et en accepte toutes
les obligations, notamment celle d’une consignation ;
qu’une distribution en nature serait inique pour le failli;
qu’elle est d’ailleurs impraticable, puisque le gardienchef ne recevant rien pour cette destination, ne donnera
�APPENDICE
439
rien à, moins d’y être contraint par justice ; et nous
avons dit quelle serait la position du failli, s’il était
obligé de poursuivre cette contrainte.
La preuve que l’Etat doit consigner, c’est qu’il con
signe : témoin la pratique suivie à Clichy. Il était dès
lors impossible de laisser son obligation sans sanction.
La seule qui pût et dût s’offrir à l’esprit, était l’élargis
sement en cas d’inobservation.
Contre qui doit être intentée la demande, dans l’hy
pothèse d’un écrou fait à la réquisition du ministère
public ? L’arrêt semble supposer que le failli doit action
ner le procureur impérial, tout en proclamant que nul
ne peut lui demander compte de son acte.
Nous n’admettons ni l’un ni l’autre, précisément à
cause de l’antinomie qui existerait entre l’obligation
d’actionner un magistrat, et l’impossibilité de discuter le
mérite de ses actes.
Mais, cette impossibilité n’existe que lorsque le mi
nistère public a agi en sa qualité et pour accomplir la
haute mission qui lui est confiée.
Le procureur de la République, exerçant la faculté
que lui donne l’article 460, ne fait que ce que les syn
dics devraient faire ; que protéger les intérêts de la mas
se. Il n’engage donc que celle-ci, qui seule répond des
difficultés auxquelles cet acte donnera lieu.
�, 440
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Est-ce que l’écrou requis dans celte hypothèse ne per
dra pas toute autorité par la délivrance du sauf-conduit,
par la clôture des opérations de la faillite, par la décla
ration d’excusabilité ? Est-ce que pour le sauf-conduit,
le failli sera obligé de citer le ministère public à la barre
du tribunal de commerce ?
Personne, certes, n’oserait le soutenir. Pourquoi, dès
lors, en serait-il autrement pour l’instance en élargis
sement pour défaut ou insuffisance de la consignation ?
La diligence du procureur de la République qui ne le
constitue pas partie nécessaire dans un cas, ne saurait
produire cet effet dans l’autre, avec d’autant plus de
raison que l’appréciation de ce dernier est dans les at
tributions exclusives des tribunaux ordinaires; qu’en
conséquence, elle aura nécessairement lieu en présence
et avec le concours du ministère public.
Tout dépend donc de la qualité en laquelle le procu
reur de la République a agi. A cet égard, il sera diffi
cile d’équivoquer. L'exercice de l’action publique se dé
cèle par un mandat d’arrêt ; par une information cri
minelle , par le dépôt du failli dans la prison ordinaire.
Donc, lorsque rien de pareil n’existera, c’est la faculté
de l’article 460 qui aura été exercée, et l’intérêt privé
qu’elle tend à protéger, en spécialisera les effets entre
les représentants légaux de cet intérêt et le failli.
�APPENDICE
441
Dans l’espèce de l’arrêt, outre les termes formels de
la réquisition, s’offrait cette autre circonstance, qu’au
moment où elle était réalisée, le failli condamné avait
subi sa peine. L’action publique était donc éteinte, et la
détention du failli ne pouvait se continuer que dans
l’intérêt exclusif de la masse.
Dès lors aussi, c’est avec elle seule que pouvait et de
vait s’agiter la question de son maintien ou de sa ces
sation. La mise en cause du ministère public ne serait
pas seulement une espèce de prise à partie en dehors
des cas prévus ; elle constituerait, en outre, une atteinte
à la dignité du magistrat.
Nous croyons donc que la cour s’est méprise sur les
conséquences de l’insuffisance de la consignation sur le
sens et la portée réelle de l’article 460. Nous n’hésite
rions pas à en appeler de nouveau à sa sagacité et à ses
hautes lumières.
Elle a de nouveau donné une éclatante preuve de
l’une et des autres, dans l’interprétation qu’elle vient de
faire de l’article 527. C’est avec bonheur que nous
trouvons dans son arrêt la consécration de notre opinion
sur les conséquences du jugement de clôture, à l’endroit
de la capacité du faillil.
Cet arrêt a été rendu dans les circonstances suivantes :
i V. suprà nüs 701 et suiv.
�DES FAILLITES
ET BANQUEROUTES
Le 24 juin 1845, un jugement du tribunal civil de Va
lence accueillait les prétentions de la dame Gueffier con
tre deux créanciers de son mari. Appel de ceux-ci, et, le
18 août 1846, arrêt confirmatif de la cour de Grenoble.
30 avril 1849, cassation de l’arrêt pour un vice de
forme, et renvoi devant la cour d’Aix.
L’affaire soumise à celle-ci reste longtemps impoursuivie, et, le 25 avril 1861, arrêt qui déclare l’instance
d’appel périmée.
Dans l’intervalle, l’un des appelants avait été déclaré
en état de faillite, dont les opérations avaient été clôtu
rées par insuffisance de l’actif, le 20 avril 1859.
En cet état, l’ancien syndic reprend l’instance devant
la cour d’Àix. Comme on lui opposait l’arrêt de péremp
tion, il déclare y former tierce-opposition. Il a été mal
obvenu, disait-il, car l’état de la faillite se continuant après
la clôture, toute action intéressant le failli ne pouvait
être régulièrement poursuivie qu’avec et contre le syndic.
On répond que le jugement de clôture, en rendant le
failli aux exécutions individuelles des créanciers, lui a
restitué le droit de se défendre, la capacité de le faire ;
que la masse s’étant trouvée dissoute, n’avait plus de
mandataire, car on ne représente pas ce qui n’existe
plus.
C’est ce que la cour consacre, en effet, par arrêt du
�APPENDICE
443
26 mars 1862, rendu en audience solennelle, chambres
réunies, et dont voici les motifs ;
« Attendu, en fait, que par jugement du 20 avril
1859, les opérations de la faillite ont été closes ; que ce
jugement n’a pas été rapporté ; que le failli au lieu d’en
demander le rapport en a émis appel ;
» Qu’en l’état de ce jugement de clôture frappé d’ap
pel par le failli, mais non rapporté, la péremption de
l’instance d’appel du jugement de Valence a été décla
rée par arrêt du 25 août 1861 ;
» Que cette instance de péremption ne présente au
cun indice de concert frauduleux entre le failli et la da
me Gueffier ;
» Attendu que Villard agissant comme syndic se
porte aujourd’hui tiers-opposant envers l'arrêt de pé
remption ;
» En droit, attendu que le jugement de clôture des
opérations de la faillite par insuffisance d’actif ne clôt
pas la faillite, puisqu’il est rapportable à toute époque;
mais qu’il établit une situation nouvelle pour les créan
ciers, pour le failli, et conséquemment pour le syndic ;
» Que l’article 527 du Code de commerce, en régle
mentant cette nouvelle situation, dit que le jugement de
clôture
fera
rentrer chaque créancier dans
l ’ex ercice
de ses actions individuelles, tant contre les biens que
contre la personne du failli ;
�444
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
» Que le futur fera indique le passage d’un régime
à un autre régime ; et les mots : rentre dans l'exercice
de ses droits, et non pas seulement rentre dans ses
droits, indiquent le retour actif au principe de la 'per
sonnalité des actions, soit à la pleine et libre capacité
du créancier agissant par et pour lui-même ; que ces
mots : tant contre les biens que contre la personne du
fa illi, expriment la rentrée du failli dans la plénitude
de sa capacité civile pour défendre sa personne et ses
biens rendus à la poursuite de chaque créancier ;
» Que de ce texte découlent trois conséquences né
cessaires, à savoir : la capacité civile rendue au failli ;
la validité, sauf le cas de fraude, des actes faits par le
failli, et des jugements obtenus contre lui ; la suppres
sion du syndicat en tant qu'exercice de l’action collec
tive de la masse des créanciers ;
» Capacité civile du fa illi ! L’article 527 rend au
failli sa capacité civile, parce que, en rétablissant le
créancier dans l’exercice de ses actions contre le failli, il
rend le failli capable de se défendre, le droit de défense
étant nécessairement corrélatif et égal au droit d’attaque;
surtout quand les biens et la perssonne sont attaqués ;
» Validité, sauf le cas de fraude, des actes faits par
le fa illi, et des jugements obtenus contre lui ! Parce
que la rentrée de chaque créancier dans l’exercice de
�APPENDICE
445
ses droits contre le failli, et la rentrée correspondante
du failli dans ses droits contre chaque créancier impli
quent la validité des actes et jugements pour lesquels
la loi rend la capacité ; qui dit validité de poursuites et
de défense, dit validité de jugements ;
» Extinction du syndicat en tant qu'exercice de l’ac
tion collective de la masse des créanciers / Parce que
l’action collective de la masse exercée par le syndic, ne
peut coexister avec l’exercice de l’action individuelle
rendu à chaque créancier; avant la clôture, le dessaisis
sement du failli motive la suspension de l’action indivi
duelle des créanciers, et la remise de cet exercice dans
la main du syndic; au lieu que, après et pendant la
clôture, le ressaisissement du failli réindividualise l’exer
cice des actions de chaque créancier ; de sorte que les
créanciers individuels reparaissant, la masse disparait,
et que par suite il n’y a plus d’action collective à exer
cer par le syndic.
» Et dans l’espèce,
» Attendu que Villard, syndic, ne peut se rendre
tiers-opposant que, ou au nom du failli, ou au nom de
la masse :
» Au nom du failli ! Il ne le peut pas, le failli ayant
été personnellemeut et valablement partie dans l’arrêt
�446
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
attaqué par la tierce-opposition (art. 474 du Code de
procédure civile) ;
» Au nom de la masse ! Il ne peut pas, la masse,
sous l’empire du jugement de clôture, n ’existant plus
en tant qu’être moral ayant une action collective à
exercer ; ............. »
FIN DU TROISIÈME VOLUME
�TABLE DES CHAPITRES
LIVRE III. Des faillites et banqueroutes.
T itre I 'r. De la faillite. — Chapitre 7. Des différentes es
pèces de créanciers, et de leurs droits en
cas de faillite......................................
1
S ection 2. Des créanciers nantis de gages, et des
créanciers privilégiés sur les biens
meubles........................................... .
1
S ection 3. Des droits des créanciers hypothécai
res et privilégiés sur les immeubles..
49
Section 4. Des droits des femmes......................
73
Chapitre 8. De la répartition entre les créanciers
de la liquidation du mobilier............ 121
Chapitre 9. De la vente des immeubles du failli. . .
148
Chapitre 10. De la revendication............................
160
Chapitre 1 1 . Des voies de recours contre les juge
ments rendus en matière de faillite.. 231
Des banqueroutes. — Chapitre 1 . De la
banqueroute simple...........................
Chapitre 2. De la banqueroute frauduleuse.........
Chapitre 3. Des crimes et délits commis dans les
faillites par d’autres que par le failli.
Chapitre 4. De l’administration des biens en cas
de banqueroute................................
T itre II.
T it r e
III.
De la réhabilitation ....................................
Appendice ....................................................
FIN DE LA TABLE DU TROISIÈME VOLUME.
278
317
330
371
378
415
��TABLE ALPHABÉTIQUE
D ES M A TIÈRES
CONTENUES DANS LES TROIS VOLUMES
i
i
.
■
■
Abandon de biens . — Doutes que l’article 541 avait fait naître sur la
validité du concordat par abandon de biens; jurisprudence, 849 ( * )
et suivants. — Loi de 1856 ; ses effets, 859 ( 5 ) . — Formes du
concordat par abandon de biens ; son caractère, 849 ( 5) et suiv. —
Dans quels cas est-il annulable ou résoluble, 849 (10). — Ses effets
quant à la compétence, 849 (H).
Achat . — L’achat régulier sous compensation avec ce qui est dû à l'a
cheteur ne tombe pas sous l’empire de l’article 446, 116 (2 ).
Actes, — A titre gratuit, voyez Libéralités. — A titre onéreux, vo
yez Paiements.
Action — Les syndics ont une action directe contre les commanditaires
pour les contraindre au paiement de leur mise, 372.
L ’action en nullité des actes frauduleux, comme celles en rapport
à la masse, peuvent être exercées par les créanciers individuelle
m ent ; dans quels cas et à quelles conditions, 362.
L ’action en nullité du concordat n ’est plus recevable après l’ho
mologation, si ce n ’est pour cause de dol et de fraude, 608. — Con
ditions pour que le dol autorise l’action, 609, 610. — Aucune fin
de non recevoir ne saurait résulter de l’absence de poursuite crim i
nelle, ou de l ’exécution du concordat, 6 1 1 .— Form e de la deman
de, poursuite, intervention des créanciers, 612- — Moyen de cons
tater la pertinence des faits, 613 — Durée de l ’action, 616.
�450
DES
F A IL L IT E S
ET
BAN QUEROUTES
Le failli qui, par l’effet de la faillite, perd l’exercice de ses ac
tions, recouvre cet exercice par l’homologation définitive du con
cordat, 630.
Administration. — Caractère de celle qui est confiée aux syndics, 150,
357. — Ses conséquences par rapport aux actions actives et passi
ves, 358. — P ar rapport au devoir de faire rentrer à la masse tout
ce qui en a été illégalement ou irrégulièrem ent distrait, 360. Le
failli est rem is par l’homologation à la tête de ses affaires ; il en re
prend donc l’administration, 616. — Toutefois cette adm inistration
peut être restreinte par le concordat lui-même, et ces restrictions
sont obligatoires pour les tiers. 617. — Leur effet cesse de plein
droit par le paiement intégral du dividende prom is, 618.
Admission au passif. — La créance dont l ’admission ne réunit pas l ’unanim ité des syndics est par cela seul contestée, 462. — Dans quelle
forme doit-on constater l’admission au passif, 464. — L’admission
ne produit d’effet efficace que si elle est suivie de l’affirmation, 465
— L’admission suivie de l’affirmation fixe irrévocablement le sort
de la créance contre les créanciers qui n’ont pas contesté, 4 6 9 .—
Q u id par rapport au failli, 470. — Le créancier hypothécaire ou
privilégié, dont l’hypothèque ou le privilège est seul contesté, doit
être admis à assister aux délibérations comme créancier ordinaire,
487. — Comment se règle l ’admission des créanciers après l’annu
lation ou la résolution du concordat, 685 et suivants.
Admission provisionnelle. — Le tribunal de commerce a la faculté
d’ordonner que le créancier dont le titre est contesté sera admis
provisoirement pour une somme déterminée, 481. — Exception à
cette faculté, 482.
Affirmation des créances. — Forme de l’affirmation -, délai dans le
quel elle doit être réalisée, 465. — Débats dont elle a été l’objet à
la chambre des députés, 466. — Le délai de huitaine est facultatif
et comminatoire ; conséquences d’un retard prolongé. 468.
Il en
est rédigé procès-verbal, 467.
Agence. — Avantages de sa suppression, 211 et suivants. — Les fonc
tions confiées aux agents le sont aujourd’hui aux syndics provisoi
res. 214.
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
451
Antichrèse. — Les principes sur la constitution de l’hypothèque s’ap
pliquent à celle de l’antichrèse, 132.
Ap pe l . — Le droit d’ém ettre appel des jugements rendus contre le failli,
avant le jugement déclaratif, appartient aux syndics, 365. — Les
créanciers hypothécaires peuvent émettre appel des jugemente re
latifs aux immeubles qui leur sont affectés, alors même qu’ils n ’au
raient été ni présents, ni appelés lors du jugement, 757. — Le failli
et les créanciers qui n’auraient pas fait opposition au jugement qui
déclare la faillite et qui en fixe l’époque, pourraient en émettre ap
pel, 1187. — Le délai de l’appel pour tous les jugements en matière
de faillite n’est plus que de quinzaine de la signification ou de l’ex
piration du délai de l’opposition, 1192. — Que faut-il entendre par
jugement en m atière de faillite, 1193, 1194, 1196. — Le délai de
quinzaine doit être augmenté de celui des distances, 1197, 1198.
Associés. — Peuvent-ils provoquer la faillite de la société, 44 et suiv.
Les associés commanditaires ne sont soumis, comme les associés
anonymes, à aucune mesure dans leurs personnes et leurs biens,
195, 197.
Quid en cas d’immixtion, 196, voyez Faillite, Compensation,
Action.
La solidarité, qui fait le principe des sociétés en nom collectif,
rend, en cas de faillite, le sort de tous les associés commun et iden
tique, 743. — Exception consacrée par la loi actuelle, 745, —
L’un des associés peut obtenir un concordat particulier. 746. — Ef
fets de ce concordat vis-à-vis des autres associés, 747, 749. — La
libération de l’associé concordataire n’a qu’un effet actuel ; ses obli
gations pour la réhabilitation, 748. — C’est sur ses fonds person
nels qu’il doit payer le dividende promis ; le fonds social appar
tient exclusivement à la société, 751. — Le concordat ne le dispen
serait même pas de l ’obligation de verser dans la société la mise
qu’il n’aurait pas encore payée, 752
Audergistes. — Les aubergistes ont droit de rétention sur les effets des
voyageurs, jusqu’à paiement de ce qui leur est dû, 919.
Ayants cause. — Dans quels cas les créanciers sont les ayants cause
du failli, 87 (2 ).
\
�452
DES
F A IL L IT E S
ET
BANQUEROUTES
Banqueroute frauduleuse. — L’existence de la banqueroute fraudu
leuse, judiciairement constatée, ne permet pas au failli de concor
der, 549. — S’il y a seulement instruction, les créanciers peuvent
surseoir à statuer sur le concordat, 550. — Majorité requise pour
l’obtention de ce sursis, 554, 552. — Doit-on renvoyer à huitaine
si le sursis n ’a obtenu qu'une des deux majorités, 555. — C’est
le principe de la condamnation et non la peine appliquée qui décide
de la possibilité du concordat, 556. — La plainte en banqueroute
frauduleuse déposée par un créancier n ’empêche pas qu’il soit déli
béré sur le concordat, 557 — Dérogation que la loi a cansacrée
aux dispositions du Code de commerce, 4248 et suivants. — Quels
sont les faits maintenus comme constituant la banqueroute fraudu
leuse, 4 252 et suivants — La connaissance de la banqueroute est
déférée à la cour d’assises ; conséquence pour la question intention
nelle, 4256. — Le ju ry doit ê tre interrogé sur la qualité de com
merçant failli, malgré qu’un jugement déclaratif de la faillite existe,
4257. — Mais la question de savoir si les faits déclarés constants
constituent la banqueroute appartient exclusivement à la cour,
4258. — Ce crime peut résulter des faits postérieurs au jugement
déclaratif, 4 259. — Résulte-t-il des actes dont parlent les articles
446, 447, 4260. — Les termes de l’article 592, relatifs aux frais de
poursuite, régissent la masse, alors même qu’elle s’est constituée
partie civile ; motifs de la différence admise entre elle et les créan
ciers individuellement, 4264, 4262. — Le failli condamné à une
peine afflictive et infamante, est représenté dans la faillite par son
tuteur, 4 263 — par quel laps de temps se prescrit le crime de ban
queroute frauduleuse, 4264.
Banqueroute simple. — N’est pas un obstacle au concordat, 658, —
Les créanciers pouvant concorder, peuvent à plus forte raison sur
seoir à passer outre jusqu’après la fin des poursuites en banqueroute
simple, 560. — L’homologation du concordat rend toute poursuite
en banqueroute simple, par les créanciers, non recevable, 644. —
Mais ils peuvent dénoncer, s’ils n ’ont découvert le délit qu’après
l’homologation, ib id .
�'V
DES
F A IL L IT E S
ET
BANQUEROUTES
453
Définition de la banqueroute, 202. — Caractères constitutifs,
1203 et suivants. — Le mineur peut-il être condamné aux peines
de la banqueroute simple ou,frauduleuse, 1204. — Faut-il, pour
la recevabilité de la poursuite, que la faillite ait été judiciairem ent
constatée, 1206. — Principes régissant la poursuite, 1210. — A
qui appartient le droit de la réaliser, 1211. — Différence dans les
faits qui la constituent ; la matérialité de ceux prévus par l’article
585 suffit-elle pour qu’il y ait condamnation ; nature de ces faits,
1212 et suivants. — Faits pouvant constituer la banqueroute,
1226 et suivants. — Peine applicable A la banqueroute simple,
1233. — Le failli acquité sur un fait, peut-il être de nouveau
poursuivi pour banqueroute simple, 1234. — Comment se pour
suit le délit de banqueroute, 1235___ P ar qui sont supportés les
frais de la poursuite intentée par le procureur de la République,
1236 et suivants. — Ceux de la poursuite par les syndics, 1241
et suivants. — De celle faite par un créancier, 1245 et suivants.
— Le failli acquitté sur la poursuite des syndics a le droit de
se faire tenir compte des frais auxquels cette poursuite a donné
lieu, 1247.
B ateau . — Doit-on considérer comme le magasin de l’acheteur, le ba
teau à bord duquel la marchandise a été embarquée, 1149 ( 3 ),
Bilan . — Doit être déposé dans les trois jours de la cessation des paie
m ents, 38 — Enonciations qu’il doit renfermer, 39. — Doit être
signé par le failli, 40 — Peut être rectifié après la faillite, 41. —
Peine encourue pour violation de la disposition prescrivant le dépôt,
42 — Modification à, l’ancienne loi touchant la dresse du bilan ;
ancien et nouveau système, 322 et suivants. — Doit-on appeler le
failli, 326. — Le bilan rédigé par les syndics ne crée aucun droit
définitif pour ou contre les créanciers, 327.
Billet . — Le paiement d’un billet à tan t de jours de vue, avant l ’expi
ration des jours stipulés, constitue le paiement de la dette non
échue, 112 ( 3 ).
Bon. — Le paiement par un bon sur son banquier est v a la b le ,
113 ( 2 ).
�454
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Caution. — L’annulation du concordat pour dol ou pour cause de con
damnation pour banqueroute frauduleuse libère les cautions, 632.
— li e n est autrement de la résolution pour inexécution, 639 et
suivants. — Nécessité de les appeler dans cette dernière instance :
motifs de cet appel, 643, 64S. _ Etendue de leurs obligations, 646.
— L’offre qu’elles feraient de payer l'intégralité du dividende ne
rend pas irrecevable ou mal fondée la demande en résolution, 664.
— Effet du concordat après résolution du premier, relativement aux
cautions, 647.
Voyez Solidarité, Subrogation, Remise de la dette.
Cessation des paiements. — Ses caractères sous le Code ancien ; ses
caractères actuels, 14 et suivants. — Ne résulte pas de quelques
protêts suivis de la reprise des paiements, 18. — D oit se réaliser à
l’égard d’engagements commerciaux, 19. — Doit être déclarée au
greffe, 30 ( 2 ). — Mais la déclaration du failli ne lie ni les créan
ciers, ni la justice, 34. — Que doit-on entendre par le principal
établissement, 37. — Indique le moment de l’ouverture de la fail
lite ; importance de la faculté de la faire rem onter, 59. — Droit
ancien et nouveau, 60 et suivants. — Eléments qui servent à la dé
terminer dans cette période, 62. — Elle peut être fixée à la date du
premier protêt, à celle de la constitution d’hypothèque, à celle de
la circulaire demandant un attermoiement, 63 et suivants. — Ca
ractères qu’elle doit avoir pour servir de point de départ à là fail
lite, 66. — L’époque précise doit être déterminée par le jugement
déclaratif ou par un jugement subséquent, 67. — A défaut elle reste
fixée au jour du premier, 69. — Comment et sur la poursuite de
qui peut-on faire remonter la cessation des paiements, 68, 1188.
— Exception pour le cas de faillite après décès, 70. — La déclara
tion de cessation des paiements peut être rétractée tan t que le juge
ment déclaratif n’a pas été rendu, 57.
Cession. — Conditions pour sa validité, 113 ( 3 ) . La signification faite
le jour du jugement déclaratif n ’est pas valable, 1 1 3 ( 4 ) . — L a re
nonciation des syndics à se prévaloir du défaut ou de la tardiveté de
la signification ne lie pas les créanciers, 1 1 3 (5 ).
�DES
F A IL L IT E S
ET
BANQUEBOUTES
455
Cession des biens . — L’abolition de la cession prononcée par l’article
541 n ’est pas applicable aux négociations dont la faillite est régie
par la loi ancienne, 12. — Effets de l’abolition de la cession des
biens, 703 — Définition, caractère et effets de la cession des
biens, 843 — Son abolition était une conséquence de l ’article 539
de la loi, 844. — Cette abolition n ’est pas restreinte au cas de fail
lite ; elle régit tous les débiteurs commerciaux, 845. — Causes qui
l ’ont fait adopter, 846, 847, 848. — L a prohibition résultant de
l’article 541 ne s'applique qu’à la cession judiciaire, 849.
Chose jugée . — Le jugement qui repousse l’action d’un créancier en
déclaration de faillite, crée-t-il la chose jugée contre celle en report
de l’ouverture formée par ce créancier après que la faillite a été dé
clarée, 1188 (* ).
Clôture de la faillite . — Fâcheuses conséquences du silence gardé
par le Code sur la clôture, en cas d’insuffisance de l’actif, 695 et
suivants. — Système de la loi nouvelle, 698. — Si l’actif est insuf
fisant la faillite est clôturée : forme dans laquelle le jugement est
rendu, 700. — Effet qu’il produit par rapport au failli, 701. —
Nature de l’incapacité résultant du jugement de clôture par insuffi
sance de l’actif, 701 ( i ).
Voyez P a r ta g e
Peut être rendu à toutes les époques, 704. — Même à l’égard des
faillites déclarées avant la nouvelle loi, 705. — L’exécution du ju
gement de clôture est suspendue pendant un mois ; par quel motif,
706. — Le jugement de clôture peut toujours être rétracté, 708. —
Conditions de cette rétractation, 709. — Doit être demandée par
action principale et non par opposition ou appel au jugement qui l’a
prononcée 711. — Le jugem ent qui rejette cette demande est sus
ceptible d’appel, 712, 713. — Qui peut l’intenter, 714 — Effets de
la rétractation, 715.
Commanditaires. — Voyez Associés, Action directe, Compensation,
Faillite.
Commerçant. — Peut seul être déclaré en faillite, 28. — Quand est-on
réputé tel, 29, 30. — Doit solder ses engagements à leur échéance,
13. — Doit faire au greffe la déclaration de la cessation de ses
paiements dans les'trois jours de sa réalisation, 30 ( * ), 31.
Voyez Faillite, Cessation des paiements.
�456
DES
F A IL L IT E S
ET
BANQUEROUTES
Commis et employés. — P ar qui et comment peuvent-ils être entendus
sur les causes de la faillite, 328 et suivants. — Sous le Code de
commerce, les commis avaient été assimilés aux gens de service, en
regard du privilège pour les gages ; la loi nouvelle détruit cette assi
milation, 938. — Il n’y a que les eommis à appointements fixes qui
puissent réclamer privilège pour les six derniers mois de leurs a p
pointements, 936.
Commissionnaire. — Le commissionnaire qui a acheté ou vendu de la
marchandise pour le compte d’autrui, a le droit de retenir la mar
chandise ou le prix jusqu’à paiement intégral de ses avances, 920.
— Il en est de même de celui qui a fait des avances sur m archan
dises consignées, sur connaissements ou lettres de voiture, 906.
Compensation. — A quelles conditions la dette du créancier peut-elle se
compenser avec sa créance, 90, 370, 371. — La vérification de la
créance rend toute compensation ultérieure non recevable, 91. —
L ’associé en commandite peut-il compenser sa créance sur la société
avec ce qu’il doit encore de sa mise de fonds, 92.
Compétence. — A l’avenir c’est le tribunal de commerce qui doit con
naître des oppositions au concordât, 3. _ Observations sur cette
nouvelle disposition, 4, 8. — Quel est le tribunal compétent pour
connaître des actions intentées par ou contre la faillite, 154 et suiv.
— Quel est le tribunal compétent pour connaître des contestations
que la vérification des créances fait naître, 477.
Complicité. — Quels étaient, sous l’empire du Code de commerce, les
caractères de complicité de banqueroute frauduleuse, 1265, 1266.
— Quels sont ceux admis par la loi nouvelle, 1267. — Modifica
tion im portante pour le recèlement, 1268. — Mais la loi fait plus
que d’atteindre la complicité, elle punit la soustraction, le réeélé et
la dissimulation de l’actif commis sans la participation du failli,
1270, 1271. — La loi ne fait aucune exception pour la peine ap
plicable à la complicité de banqueroute frauduleuse, 1272 — Il
n’en est pas de même pour le détournement, le réeélé de l’actif sans
la participation du failli, 1273. — Quelle est la peine applicable,
dans ce cas, au conjoint, aux descendants ou ascendants du failli,
1274. — Le complice de banqueroute pourra, même en cas d’ac
quittem ent, être condamné aux dommages-intérêts demandés, 1279
et suivants.
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
457
Compte. — L’homologation du concordat m ettant fin à la gestion des
syndics, oblige ceux-ci à rendre compte, 620. — A qui et comment
ce compte est-il rendu, 621, 622. — Comment se jugent les diffi
cultés que l’appurement du compte fait naître, 624 et suivants'. —
Le failli qui conteste peut-il exiger la remise des livres et papiers,
626. — L’obligation de rendre compte au failli peut être modifiée
par le concordat; conséquences, 627. — Le compte doit compren
dre les honoraires alloués aux syndics, sauf règlement par le tr i
bunal de commerce, 629. — L e paiement du reliquat du compte
peut être poursuivi solidairement et par voie de contrainte par
corps contre tous les syndics, 628. — En cas d’union, si les syn
dics sont maintenus, ils ne rendent compte qu’à la fin de leur ges tion nouvelle, 726. — A qui les syndics remplacés rendent-ils leur
compte, par qui peut-il être débattu, 727 et suivants. — Le failli
doit être appelé à la reddition, 730. — Le failli absent quoique dû
ment appelé ou qui, présent, n ’a pas contesté, est lié par l’approeation donnée au compte par les syndics nouveaux, 731. — Mais cette
approbation ne lie que sauf erreur, omission, dol ou fraude, 732.
— Le compte de leur gestion est présenté par les syndics de l'u
nion dans la dernière assemblée des créanciers, le failli présent ou
dûment appelé, 799 et suivants. — Mode de procédure sur les con- .
testations que le compte p e u t soulever, 805 et suivants. — Qui peut
contester, 808 et suivants. — S’il ne s’élève aucune contestation,
les syndics sont déchargés de leur gestion, 811. — Droits des cré
anciers contre les syndics pour le paiement de ce dont ils pour
raient rester débiteurs, 812. — D roit des syndics contre les créan
ciers pour ce qui pourrait leur être dû, 815.
Compte coübant. ■
— Doit-on considérer comme paiement anticipé l’en
voi de marchandises en compte courant, 112. — Les valeurs trans
mises au failli en compte courant peuvent-elles, en cas de non
paiement, être renvoyées par les syndics, 421. — Q u id si ces va
leurs portaient la mention retour sans frais, 412.
Compromis . — Les syndics ont-ils le droit de compromettre, 395.
Concordat. — Importance du concordat, différence de ses effets et de
ceux du contrat d’union, 506 _ Avantages pour les créanciers,
conséquence quant à la remise de la dette, 507. — Précaution que
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
la loi a dû prendre pour en assurer la sincérité, 808. — A cet effet
tous les créanciers doivent être convoqués, par les soins du jugecommissaire, dans les trois jours de l’expiration du délai de la vé
rification, 509. — Mode de cette convocation, fixation du jour de
la réunion, 511. — Composition de l ’assemblée, 512. — Obligation
pour les syndics d’y appeler le failli, intérêts de celui-ci à y assis
ter, 513. — Chaque créancier a le droit de s’y faire représenter, le
failli ne le peut que pour empêchement valable, 514. _ La délibé
ration est précédée de la lecture du rapport des syndics, le failli est
ensuite entendu, 515. — Pourquoi la loi exige-t-elle u n rapport
écrit et en ordonne-t-elle le dépôt au greffe, 516. — L’absence de
cette formalité annulerait-elle le concordat, 517. — Le failli absent
ou non représenté, celui qui ne ferait que des propositions orales ne
pourrait obtenir u n concordat, 519, 520. — Utilité des propositions
écrites, 521. — Pouvoirs dont le mandataire du failli doit être re
vêtu, 522. — Aucun concordat ne peut intervenir qu’après l’accom
plissement de toutes les formalités prescrites pour les faillites, 523,
524. — Différence entre le concordat et les traités que le failli peut
souscrire avec ses créanciers, 525, 526. — M ajorité requise pour le
concordat, 527. — Comment se calcule la majorité en nombre, 530
et suivants. — Chaque créancier ne peut compter que pour une
voix, quel que soit le nombre de ses créances, 533. — Décision
contraire de la cour de Bordeaux, infirmée par la cour de cassation,
534 — Le mandataire compte pour autant de voix qu’il a de procu
rations, 535. — Comment se calcule la majorité en sommes, 536
et suivants. — Les créanciers hypothécaires ou privilégiés qui vo
tent sur le concordat sont présumés par cela seul avoir renonc é à
leur privilège ou hypothèque, 540. — De là nécessité d'inscrire au
procès-verbal le nom des votants, 541. — La déchéance résultant
du vote est acquise même en faveur des créanciers postérieurs au
concordat, 542. — La nullité ou la résolution du concordat resti
tue tous ses effets à l’hypothèque ou privilège, 544. — La loi ne
qualifie de concordat que le traité délibéré en assemblée des créan
ciers et signé séance tenante ;. cette signature est prescrite à peine
de nullité, 546. — Si dans la première réunion le concordat n ’est
voté que par une des deux majorités, il y a lieu de renvoyer à hui
taine, 547. — Caractère de ce renvoi, 548.
�DISS FAILLITES ET BANQUEROUTES
459
Pour le sursis au v o te , voyez Banqueroute frauduleuse et
simple.
Le concordat qui a réuni la double majorité ne devient obliga
toire que par l’homologation qui en est faite en justice, 562. —
Cette homologation est poursuivie par la partie la p lus diligente,
sur simple requête, sans ajournement et sans plaidoiries, 578. —
Le jugement ne peut être rendu qu’après la huitaine laissée pour les
oppositions, 563. — Il est précédé du rapport du juge-commis
saire, 579. — Motifs pour lesquels le tribunal ne peut accorder
l’homologation, 580 et suivants. Cas dans lesquels le relus est
facultatif, 583, 584. — Le jugement qui statue sur l'homologation
est-il susceptible de recours, 585. Est-ce par opposition ou par
appel qu’on doit se pourvoir, 586. — L’annulation du jugement
homologatif rem et les parties au même état qu’avant ; dans quel cas,
588. — L'homologation définitive rend le concordat obligatoire
pour tous les créanciers, 589 et suivants. — Ses effets quant à la
reconnaissance postérieure de la dette et à l’engagement de la payer
intégralement, 590 ( 2 ). — Le concoidat voté par les créanciers so
ciaux lie-t-il les créanciers personnels des associés, 591 ( 9 ). — Le
failli a-t-il la faculté, après l’homologation, de contester les créan
ces, 593 et suivants. — Dans quelles proportions les créanciers h y
pothécaires ou privilégiés participent-ils à, la remise convenue, 596.
— Le failli ne peut opposer au créancier réclamant le dividende
porté au concordat, le défaut de vérification et d’affirmation de sa
créance, 597. — Effets de l’homologation par rapport au failli, 616
et suivants.
Voyez Banqueroute fra u du leu se et sim ple. O pposition, N u llité.
Consignation. — Toutes les sommes retirées par les syndics, à l’excep
tion de celles arbitrées par le juge-commissaire pour les dépenses
et frais, doivent être déposées à la caisse des dépôts. 401 et suiv
— Peine encourue pour violation de cette prescription, 404. —
Comment ces sommes sont-elles retirées, 406. — Quels sent les
créanciers qui peuvent former opposition à ce retirem ent, 408.
Contbainte par cobps. — Le failli dont la faillite a été déclarée sous
l’empire de la loi ancienne, mais qui depuis la nouvelle loi a été
déclaré excusable, est-il soumis à la contrainte par corps, 10 —
Réfutation d’une opinion de M. Badin sur la contrainte par corps,
�460
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
11. — Les syndics sont contraignables par corps au paiement du
reliquat du compte dont ils seraient débiteurs, 628, 812 et suiv.
Contrat de mariage. — Modification à l’article 69 du Code de 1807,
touchant les conséquences du défaut de dépôt au greffe du contrat
de mariage des commercants, 1, 2.
Coorligés. — Voyez S o lid a rité , Su b ro g a tio n , Remise de la dette.
Créanciers. — T ant que dure la faillite, les créanciers ne peuvent pour
suivre isolément le recouvremeut de leurs créances, 85.
Doivent faire vérifier leurs créances, voyez Vérification.
Les créanciers hypothécaires et privilégiés doivent être mis en
demeure de faire cette vérification, 426. — Le créancier hypothé
caire ou privilégié, dont l’hypothèque ou le privilège est seul con
testé, sera admis dans les délibérations de la faillite, 487. — Na
ture de ce droit ; autorise-t-il le créancier à voter sur le concordat,
488 et suivants. — Les créanciers qui n ’ont pas comparu ni affir
mé leurs créances ne doivent pas être compris dans les répartitions
de l’actif, 496. — Exception pour ce qui concerne les créanciers
contestés et ceux dont le domicile est hors de France, 497. — Leur
forclusion n ’est relative qu’aux répartitions ordonnancées ou con
sommées, 498. — Peuvent former opposition, sa forme et ses ef
fets, 499 et suivants, — Les frais autres que les dépens des contes
tations rettent à la charge de l’opposant. 504. — L’opposition
étant nécessairement postérieure à la clôture du procès-verbal de
vérification, le créancier qui la réalise ne peut être admis à contes
ter les créances vérifiées, 505. __Droits des créanciers nouveaux
dans le cas du rétablissement de la faillite, par suite d’annulation
ou de résolution du concordat, 670. — Les créanciers hypothécai
res, même après' l’union, ne sont pas légalement représentés par
les syndics dans les instances relatives aux immeubles qui leur sont
affectés, 754, 755. — Us doivent donc y être appelés; dans le cas
contraire, ils peuvent former tierce-opposition au jugement, 7 6 6 .—
Us peuvent également en émettre directement appel, 758. — Les
créanciers privilégiés sur les meubles peuvent être payés avant tou
te répartition, 951.
Créanciers hypothécaires. — Les derniers inscrits profitent, à, l’exclu
sion du failli, de la réduction opérée par le paiement des dividendes
après concordat, 976 ( 2 ).
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
461
Créanciers personnels. — Voyez Concordai, SociétéCrédit ouvert — Voyez Hypothèque.
Défense . — Les frais de défense sont privilégiés ; dans quel ordre
s’exerce ce privilège, 943.
Déla i . — A l’expiration des délais accordés aux créanciers domiciliés
en France, pour la vérification des créances, il sera passé outre à
la formation du concordat et à toutes les opérations de la faillite,
492 et suivants.
Désinvestissement. — Ancienne doctrine à ce sujet, 72 et suivants. c_
Ne date plus du jo u r du jugement déclaratif, 78. — Caractère de
cette nouvelle disposition, 79. — Différence entre l’article 443 ac
tuel et l’ancien article 442, 80. — Etendue et conséquence du dé
sinvestissement, 81 et suivants.
D ettes . — Quelles sont les dettes que les syndics peuvent payer avant
les répartitions générales, 782.
Diminution de garanties. — Le créancier hypothécaire qui aurait re
noncé à sa qualité en votant le concordat, perdrait son recours
contre les coobligés et cautions, 890.
D omicile. — C’est au domicile du failli que la faillite doit être déclarée
et poursuivie, 52 — Quid si depuis la cessation des paiements le
failli avait changé de domicile, ibid.
Dommages-intérêts . — Le créancier qui poursuivrait à to rt la faillite
de son débiteur s’exposerait à être condamné envers lui à des dom
mages-intérêts, 55. — Le créancier qui s’est constitué partie civile
sur la poursuite en banqueroute simple ou frauduleuse, pourrait-il
obtenir des dommages-intérêts contre le failli, 1303 et suivants. —
Pourrait-il en obtenir contre les complices, 1305.
�462
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
E largissement. — Le failli inearcêré en vertu du jugement déclaratif,
et élargi pour défaut de consignation d’aliments, ne peut plus être
incarcéré ni recommandé en vertu dudit jugement, 204 ( 3 ).
Emprisonnement. — Voyez S a u f-con du it.
Endossement irrégulier. — Le porteur d’un effet irrégulièrement en
dossé pourra-t-il prouver contre la masse qu’il en a réellement fait
les fonds au failli, 360. — A quelle époque il n’est plus permis au
porteur de rem plir les blancs de l’endossement, 361.
Enfants. — Peuvent être entendus sur les causes et le caractère de la
faillite. 326, 327.
Voyez Banqueroute fra u du leu se, C om plicité, Peine.
Enregistrement. — Les titres déposés pour la vérification ne sont pas
soumis à un enregistrement préalable, 427. — Les récépissés du
greffier et des syndics sont dispensés du tim bre et de l’enregistre
ment, 428.
Excusabilité. — Après la reddition des comptes du syndïc de l’union,
les créanciers doivent donner leur avis sur l’excusabilité du failli,
818 — Comment cet avis est constaté, 819. — La déclaration que
le failli est excusable le libère de la contrainte par corps de tous
les engagements antérieurs à la faillite, 828 — Celle qui n ’est pas
excusable le laisse soumis à cette contrainte envers chaque créan
cier individuellement, pour le solde de sa créance, 829. — La con
trainte par corps dont le failli se trouve libéré par l’excusabilité,
est celle résultant des engagements ordinaires, et non celle à la
quelle il serait soumis par des lois spéciales, 830. — Les créanciers
pourront-ils exécuter le failli sans justifier qu’il a acquis de nou
veaux biens, 831. — Faillis qui ne peuvent pas être déclarés excu
sables, 832 et suivants. — Caractère de l ’article 540, 837. — L’a
vis des créanciers sur l’excusabilité n ’est pas obligatoire pour le
tribunal, 838. — Mais le jugement est susceptible d’appel, 838,
839. — Quelle est la durée du délai d’appel ; de quel moment com
mence-t-il de courir, 840, 841. — Procédure, 842.
\
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
463
E xécutions mobilières. — Ne peuvent plus être dirigées contre le failli
déclaré, 85. _ Celles commencées par un créancier avant la faillite
peuvent-elles être continuées par le saisissant, 86.
E xécution provisoire. — Les jugements et arrêts déclaratifs de faillite
doivent être exécutés provisoirement, 56. — Il en est de même de
ceux qui rétablissent l ’état de la faillite par suite d ’annulation ou
de résolution du concordat, 658.
E xigibilité . — La déclaration de faillite rend exigibles toutes les dettes
du failli, 88. — Même celles qui dépendent d’une condition, ou qui
sont purem ent civiles, 93. — Nature de cette exigibilité par rap
port à la masse, 89. — N’a pas lieu contre les co-débiteurs ou la
caution, 94. — Exception en ce qui concerne les titres commer
ciaux, 95.
E xploitation. — L’exploitation du commerce du failli ne peut être con
tinuée que sur l’autorisation du juge-commissaire, 2 6 9 .__D roit
des créanciers et du failli de s’y opposer, 270 — Comment cette
opposition est jugée, 2 7 t. — Etendue de la faculté de continuer
l ’exploitation, 272. — Différence entre l’article 470 et l’article 532,
273. — Après l’union, les créanciers peuvent autoriser la continua
tion du commerce du failli, 760, 764. — La délibération doit pré
ciser l’étendue et la durée du mandat, 762. — Fixer la somme que
les syndics garderont en mains pour faire face aux dépenses et aux
frais, 764. — Elle doit être prise en présence du juge-commissaire
et signée par ceux qui l’ont votée, 765 __ Quelle est la majorité re
quise pour la rendre obligatoire, et quels sont les éléments de cette
majorité, 763, 766. — Peut être attaquée par opposition ; à qui ap
partient ce droit ; dans quel délai doit-il être exercé ; quelle est la
juridiction qui doit être investie, 7 67,768___L ’opposition en sus
pend l’exécution, 769. — Effets de la gestion des syndics envers les
créanciers et le failli en cas de bénéfices, 770. — En cas de perte,
771. — Dans quelles proportions les créanciers concourrent-ils au
paiement des obligations excédant l’actif, 772 et suivants. — Quand
cet excédant est-il à leur charge, 774.
Expropriation. — L ’expropriation des immeubles du failli, commencée
avant la publication de la loi nouvelle, serait régie par le Code de
commerce, 1081. — Il en serait autrem ent si, au moment de la
�464
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
promulgation de la loi, il n’existait encore qu’un commandement à
trente jours, 1082. — Les créanciers hypothécaires peuvent expro
prier le failli après le jugement déclaratif et jusqu’à l’union, 1083.
— Mais l’expropriation commencée avant la faillite ne pourrait
être continuée, après, que contre les syndics, 1085. — Dans tous
les cas les syndics ont qualité pour en consentir la conversion en
vente volontaire, 1086. — La conversion consentie par le failli
avant la faillite serait obligatoire pour les syndics, 1087.
F ailli. — Dans quels cas peut-il ester personnellement en justice
84 ( 2 )
Obligations qui lui sont imposées, voyez B ila n , Cessation des
paiem ents.
Mesures à prendre contre sa personne et ses biens, 1 6 7 .__Na
ture des mesures à prendre contre sa personne, 174. — Exception
à celles-ci, 178 et suivants. — A dater du jugement déclaratif, au
cune contrainte individuelle ne peut être exercée contre le failli,
175. — Même pour dettes civiles ou administratives, 176. — Effets
de cette disposition par rapport aux créanciers, 177. — L’incarcé
ration du failli peut être poursuivie par le procureur de la Républi
que et par les syndics, 202 et suivants. — A droit d’assister à l’ou
verture de la correspondance, 286. — D ’obtenir la restitution des
lettres étrangères au commerce, 288 — Peut réclamer un secours
au début de la faillite ; pour quelles causes, 307, 308. — Comment
il est procédé à la détermination du chiffie, 309 et suivants. — Peut
appeler de la décision du juge-commissaire, 311 et suivants. — F or
mes de l’appel,' 314. — Intérêt qu’il a à assister à la clôture
des livres par les syndics, 318. _ Ne peut s’y faire représenter
que pour cause jugée valable par le juge-commissaire, 319. —
La crainte d'être arrêté ne constitue pas une cause valable, 321.
— Peut être employé à assister les syndics dans la liquidation,
397. — P o u rrait-il refuser le concours que les syndics demande
raient, 400.
�465
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
F aillite . — Quelle est la loi applicable à la faillite réalisée sous la loi
ancienne et déclarée depuis la nouvelle, 6. — Résulte de la cessa
tion des paiements, de la retraite du négociant, de la clôture de ses
magasins, <4 et suivants. — Peut être poursuivie et déclarée après
la m ort du commerçant ; à quelles conditions et dans quel délai, 22
et suivants. — Comment et par qui la faillite est-elle déclarée, 43.
— Quels sont les créanciers qui peuvent la provoquer, 48 et suiv.
— Procédure qu’ils doivent suivre, 53. — Le jugement qui re
fuse de l ’admettre peut être frappé d’appel ; procédure devant la
cour, 54. — Peut-elle être déclarée lorsqu’il n ’y a qu’un seul cré
ancier, 58. — La faillite d’une société en nom collectif entraîne
celle de tous les associés individuellement et personnellement, 194
— Quid du commanditaire, 195 et suivants. — Est définitivement
close par l’acquisition de l ’autorité de la chose jugée au jugement
d’homologation du concordat, 619. — La faillite est de plein droit
reconstitue par la condamnation pour banqueroute frauduleuse, et
par le jugement qui annule ou résilie le concordat, 655 et suivants.
— Caractères des mesures à prendre par les nouveaux syndics,
660 et suivants. — La faillite sur faillite amenant la résolution du
concordat ne libère pas les cautions, 690. — P ar qui et à quelles
conditions la nouvelle faillite peut-elle être poursuivie, 691. — Ses
effets quant aux actes du failli dans un temps voisin de la faillite,
692.
F emme. — Reprend son trousseau après inventaire descriptif et estima
tif, 259.
Peut être éntendue par le juge-commissaire sur les causes de la
faillite, 325 et suivants. — Modifications successives dans le règle
ment de ses droits en cas de faillite, 983 et suivants. — Quelle est
la législation applicable aux faillites ouvertes sous l’empire de l’une
d’elles, 987 et suivants. — Les restrictions aux droits de la femme
sont encourues par la faillite résultant de la cessation des paiements
ou d’un jugement qui la déclare, 993 et suivants. — L a cessation
se réalisant, le bénéfice de ces restrictions est acquis aux créanciers
hypothécaires nonobstant tout concordat, 996. — Mais le m ari et
les héritiers restent toujours tenus pour l'intégralité des reprises de
la femme, 997 — Faculté de la femme de reprendre les immeubles
apportés en dot, et ceux qui lui sont obvenus depuis, s’ils exisiii
— 30
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tent en nature et s’ils lui sont demeurés personnels, 998. — A
quelles conditions peut-elle reprendre ceux acquis en remploi, 999
et suivants. — Si l’origine des deniers ayant servi à l’acquisition
d’immeubles personnels à la femme n ’est pas justifiée, le mari est
censé les avoir fournis, 1005. — Mais la femme a la faculté et le
devoir de prouver le contraire; éléments de cette preuve, 1006,
1007. — La femme ne reprend les meubles apportés en mariage ou
acquis depuis, qu’à la charge de prouver l’identité, 1009 et suivants.
— Eléments de cette preuve, 1011. — Faute de la preuve, les meu
bles appartiennent à la masse, sauf ceux personnels à la femme,
1013. — Les meubles que la femme peut reprendre sont ceux qui
lui ont été constitués par des tiers ; ceux qui lui auraient été don
nés par son mari constitueraient un avantage matrim onial atteint
par la faillite, 1016. — Les meubles tombés en communauté appar
tiennent aux créanciers, 1012. — L ’action en reprise des immeu
bles ne peut être exercée qu’à la charge du paiement des dettes.
1017, 1018 — La présomption de l'article 1431 s’applique en ma
tière de faillites ; admet-elle la preuve contraire, 1020, 1021 —
La femme serait-elle recevable à prouver que les dettes, que le titre
déclare lui être personnelles, doivent être supportées par le m ari
qui en aurait touché les fonds, 1022. — Pourrait-elle prouver
qu’elles ont servi à éteindre les dettes du mari, 1025 et suivants. —
La femme mariée avec un commerçant ou dont le mari s’est livré au
commerce dans l’année du mariage, n ’a hypothèque légale que sur
les biens existants au moment du mariage, et sur ceux obvenus de
puis au m ari soit par succession, soit par donation, 1027 et sui
vants — La femme qui s’est mariée sous l’empire du Code avec le
fils d’un commerçant, n ’est pas régie par la loi nouvelle, 1031 —
La femme aurait-elle hypothèque sur les biens acquis pendant le
mariage, en vertu de l’inscription prise à la suite de la séparation
des biens qui aurait liquidé ses droits, 1033 — Peut-elle prouver
que l’immeuble dont l’acte d’acquisition est postérieur au mariage,
a été réellement acquis avant, 1033 ( 2 ).
Voyez Preuve, Reprise.
Pour quels objets accorde-t-on l’hypothèque légale à la femme,
1035 et suivants. — L’article 563 réserve les droits acquis sous la
législation précédente, 1039. — Si le prix des immeubles est in-
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
467
suffisant pour éteindre les droits de la femme, le solde de sa créance
devient purement chirographaire, 1040. — Les avantages m atrim o
niaux faits à ou par la femme, sont révoqués par la faillite, 1041.
— Effets de cette révocation par rapport aux tiers, 1042. — La ré
habilitation les fait revivre, 1043.
Voyez Banqueroute frauduleuse, Complicité, Peine
F baude. — Présomption qui s’attache aux actes faits aux approches de
la faillite ou depuis la cessation, 99 et suivants. — Quant aux ac
tes faits par le failli depuis l’homologation du concordat jusqu’à
l’annulation ou résolution, ils ne sont déclarés nuis que s’ils ont
été faits en fraude des créanciers, 680, 681. — La fraude doit être
prouvée, nature de la preuve exigée, 682. 683.
m sr
G ages — Faut-il appliquer aux gages commerciaux les prescriptions
de l’article 274 du Code civil, 899 et suivants. — L’enregistrement
de l’acte sous seing privé pourrait être suppléé par d’autres actes lui
donnant date certaine, 904. — Les règles sur la constitution du
gage ne reçoivent exception que lorsque son existence résulte d’une
disposition de la loi ou de la nature de l’opération ; exemple de
l’un et de l’autre, 905 et suivants.
Dans ces deux hypothèses,
le gage serait valable alors même qu’il eût été constitué dans les dix
jours de la faillite, 908. — La notification exigée par l’article 2075
pour les meubles incorporels, n ’est exigée que pour les titres non
transmissibles par endossement, 909. — Mais l ’endossement n ’éta
blirait la sincérité du gage que s’il avait acquis date certaine, 910.
— A plus forte raison la remise d’un billet au porteur ne suffirait
pas pour prouver le gage, 9 1 1 .__Obligation du créancier pour la
conversion du gage, 713.
Voyez Privilège.
Gens de service. — Ont privilège pour l’année échue et la courante,
934. — Quels sont ceux qui peuvent réclamer ce privilège, 937.
Gérant. — Doit, en faisant la déclaration de cessation de paiements,
indiquer le nom et le domicile des associés en nom collectif, 36 et
suivants.
�468
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Gbeffibr dd tribunal de commerce. _Doit immédiatement donner
avis au juge de paix de la situation des magasins, du jugement dé
claratif de la faillite, 185, 186. — Il adressera dans les vingt-qua
tre heures, au procureur de la République, un extrait du même ju
gement; Mentions que cet extrait doit renfermer, 198 et suivants.
— Reçoit les titres à vérifier et en délivre récépissé ; sa responsa
bilité à cet égard, 422, 423.
Héritiers . — Sont-ils recevables à provoquer la faillite de leur auteur
m ort in te g ri status, 25. — Quelle que soit l ’époque de la faillite,
ils ont le droit d’assister, soit en personne, soit par mandataire, à
toutes les opérations, 331, 334. — Mais leur concours ne modifie
en rien les conditions de la liquidation, 332.
Homologation. — De transaction, voyez T ra n sa ctio n . — De concordat,
voyez Concordat.
Hypothèque. — Celle conférée dans les dix jours de la cessation ou de
puis, pour dettes anciennes, est n u lle, 121. — Exception pour les
prêts nouveaux ; comment elle doit être appliquée, 122, 1 2 3 .—
Le banquier qui, en vertu d’un crédit ouvert garanti par une hypo
thèque, aurait payé dans les dix jours de la cessation ou après cette
cessation, pourrait-il revendiquer pour ce paiement le bénéfice de
l’hypothèque, 124. — Discussion de la question de la validité de
l’hypothèque pour l ’ouverture d’un crédit, 125 et suivants. — Le
jugement d’homologation confère une hypothèque aux créanciers
pour le montant du dividende stipulé, 598. — Les syndics doivent
la faire inscrire tant sur les biens du débiteur que sur ceux des
cautions, 600 — Forme de l’inscription, 601 et suivants. — Les
créanciers inconnus participent-ils à l’hypothèque, au cautionne
m ent donné dans le concordat, 604, 605. — L’hypothèque résul
tant du jugement d’homologation existe de plein droit sur les biens
du failli et des cautions, à moins de stipulations contraires, 607. —
L ’hypothèque conférée par l’article 517 ne donne pas au créancier le
droit d’en retirer le produit et de concourir aux répartitions de l’ac-
�469
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
tif, soit de nouvelle faillite, soit de celle qui résulte de l’annula
tion ou de la résolution du concordat, 693. — Comment doit-on
procéder, i b id .
Immeubles. — L e u r a d m i n i s t r a t i o n a p p a r t i e n t a u x s y n d i c s d u j o u r d e
l a d é c l a r a t i o n d e f a illite , 3 6 6 . —
A
q u e lle , é p o q u e p e u v e n t - i l s ê tr e
v e n d u s , 3 6 7 . — P e u v e n t- ils ê t r e a f fe rm é s , i b i d . — Q u i p e u t p o u r
s u iv r e l a v e n te , 4 0 7 7 e t s u i v a n ts . —
A
p a r t i r d e l ’u n i o n , n u l a u t r e
q u e le s s y n d i c s n e p e u t p o u r s u i v r e l a v e n te , 4 0 8 4 . — P r o c é d u r e
o b lig a to ir e , 4 0 8 8 e t s u i v a n t s . — L e s s y n d ic s q u i n e p o u r s u i v r a i e n t
p a s c e tte v e n te p e u v e n t y ê t r e c o n t r a i n t s p a r le ju g e - c o m m is s a ir e ,
s u r l a p l a i n t e d e s c r é a n c ie r s , 4 0 9 4 .
Imputation. — C o m m e n t, a p r è s l a r é s o l u t i o n d u c o n c o r d a t e t p a r r a p
p o r t a u x c a u t i o n s , s e f a it l ’i m p u t a t i o n d e s s o m m e s q u e le s c r é a n
c ie r s to u c h e n t d a n s l a r é p a r t i t i o n d e l’a c t i f d u f a i l li , 6 4 6 .
I ncapacité — I n c a p a c ité s q u i g r è v e n t le f a illi m ê m e c o n c o r d a t a i r e ,
4 3 0 9 . - - I l l u i e s t p r o h i b é d e s e p r é s e n t e r à la B o u r s e , 4 3 3 4 .
V o y e z R é h a b ilit a tio n .
Incabcébation. — V o y e z E la r g is s e m e n t.
I nscription d’hypothèque. — Q u e lle e s t c e lle q u i p e u t ê t r e v a la b le
m e n t r e q u i s e d a n s le s d i x j o u r s d e l a c e s s a tio n , 4 2 7 . — D a n s to u s
le s c a s , le t i t r e d o i t a v o ir é té c o n s e n ti a n té r ie u r e m e n t à l a c e s s a tio n
e t a u x d i x j o u r s q u i l ’o n t p ré c é d é e , 4 2 9 . — L 'i n s c r i p t i o n
du
p ri
v ilè g e m ê m e lé g a l, m a is q u i d o i t ê t r e i n s c r i t , e s t s o u m is e a u x m ê
m e s c o n d itio n s q u e l ’h y p o t h è q u e , 4 2 7 . — L e s i n s c r i p t i o n s
a n c ie n
n e s p e u v e n t t o u j o u r s ê t r e r e n o u v e lé e s , 4 3 4 , — L e s i n s c r i p t i o n s p r i
s e s p a r le s s y n d ic s p r b f ite n t a u f a i l li c o n c o r d a ta ir e , 44 3 . —
L ’i n s
c r i p t io n d u ju g e m e n t d é c l a r a t i f c o n f è r e - t- e lle h y p o t h è q u e s u r le s
b i e n s d u f a illi, 4 4 6 .
Insolvabilité. — N e c o n s titu e p a s l a f a i l li t e s ’i l n ’y a c e s s a t i o n d e s
p a ie m e n ts , 2 0 .
�470
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Instances. — L e s i n s ta n c e s lié e s c o n tr e l e f a illi, o u p a r l u i , n e p e u
v e n t ê tr e s u iv ie s a p r è s
la
f a ilite
que
p a r o u c o n t r e le s s y n d ic s ,
365.
Intérêts. — L a f a i l li t e a r r ê te l e c o u r s d e s i n t é r ê t s v i s - à - v i s la m a s s e .
9 8 . — E x c e p tio n p o u r le s c r é a n c ie r s h y p o t h é c a i r e s , 9 8 ( s ).
Intervention. _
D a n s q u e ls c a s c e lle d u f a i l li , d a n s le s in s t a n c e s p o u r
s u iv ie s p a r le s s y n d ic s , e s t - e l l e re c e v a b le , 8 4 . —
C e lle d e s c r é a n
c ie r s d a n s le s i n s ta n c e s e n g a g é e s p a r o u c o n tr e le s s y n d i c s n ’e s t p a s
re c e v a b le , 3 6 3 .
Inventaire. — N é c e s s ité d ’u n i n v e n t a i r e a u m o m e n t d e l a le v é e d e s
s c e llé s , 3 3 8 . — D o i t - il ê t r e f a it d a n s
3 3 9 . — F o r m e s d e s a r é d a c tio n ,
c o m p r e n d r e , 3 4 2 e t s u i v a n ts . —
le p r o c è s - v e r b a l d e le v é e ,
340,
3 4 1 . — O b je ts q u ’i l d o it
Q u id s i a v a n t l a f a illite le s h é r i
t i e r s a v a ie n t p r o c é d é à sa r é d a c tio n , 3 4 6 . — P a r q u i
et com m ent
d o it ê t r e r é d ig é l ’in v e n t a i r e d a n s le c a s d e f a i l li t e a p r è s d é c è s , 3 4 7 .
— Q u e lle s s o n t le s p e r s o n n e s
q u i d o i v e n t ê t r e p r é s e n te s à l’in v e n
ta ir e , 3 3 7 .
J uge-commissaire. — A v a n ta g é s d e s o n i n s t i t u t i o n , s o n o r ig in e e t s e s
cau ses, 1 4 6 , 1 4 7 . — L a
lo i d e 1 8 3 8 l’a r e n f o r c é e e n r e n d a n t l ’a c
tio n d u ju g e p l u s im m é d ia te e t p l u s d ir e c te , 1 4 9 . —
m is s io n q u i l u i e s t c o n fié e ,
N a tu r e d e la
1 5 0 . — S o n p r e m i e r d e v o i r e s t d ’a c c é
lé r e r le s o p é r a t i o n s d e l a f a i l li t e , 1 5 2 . —
D o i t f a ir e le r a p p o r t a u
t r i b u n a l d e t o u t e s le s d if f ic u lté s q u i s o n t à ju g e r , 1 5 3 . — C a ra c tè r e
d e s d é c is io n s q u ’i l r e n d , 1 5 9 e t s u i v a n t s . — E lle s s o n t e n d e r n i e r
r e s s o r t t o u t e s le s f o is q u e l a
lo i n ’a u t o r i s e p a s f o r m e lle m e n t le r e
c o u r s , 1 6 2 . — M o d e d e c e r e c o u r s , 1 6 3 . — P e u t ê t r e r e m p la c é p a r
le t r ib u n a l à t o u t e s le s é p o q u e s ; p o u r q u e l l e s c a u s e s .
v a n ts . — F o r m e s d e ce r e m p la c e m e n t, 1 6 6
_
1 6 4 e t su i
D o i t c o n v o q u e r le s
c r é a n c ie r s p r é s u m é s d è s le ju g e m e u t d é c l a r a t i f ; d é la i, f o r m e e t o b
j e t d e l a c o n v o c a tio n , 2 1 6 e t s u i v a n ts . — D o i t s t a t u e r s u r le s r é
c l a m a tio n s c o n tr e le s o p é r a tio n s d e s s y n d ic s , 2 4 2 . —
Il p e u t r e n
v o y e r a u t r i b u n a l , 2 4 3 . — S a d é c is io n p e u t ê t r e d é fé ré e p a r a p p e l
�471
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
a u t r ib u n a l d e c o m m e rc e , 2 4 4 . — S iê g e - t- il d a n s le t r i b u n a l a p p e lé
à ju g e r s e s d é c is io n s , 2 4 S . — D é c id e e n d e r n i e r r e s s o r t d e l ’i n u t i l it é
, d e l ’a p p o s itio n d e s s c e llé s d a n s
le c a s1 p r é v u
par
l ’a r t i c l e
485
171 e t s u i v a n ts . — P e u t d ’office, o u s u r la
d e m a n d e d u f a illi o u ,
d e s c r é a n c ie r s , p r o v o q u e r l a r é v o c a tio n d ’u n
o u de p lu s ie u rs s y n
d ic s , 2 4 7 e t s u i v a n ts . — R è g le s a n s r e c o u r s l a q u o t i t é d ’e ffe ts à d é
l i v r e r a u f a illi,
257,
2 6 0 . — S ta tu e à c h a r g e d ’a p p e l s u r le s o p p o
s i t i o n s à l a c o n t in u a tio n d u c o m m e rc e , 2 7 1 . —
S u r le
c h iffre d u
s e c o u rs à a l l o u e r a u f a illi, 3 0 8 . — E s t a u t o r i s é à e n te n d r e l a fe m
m e , le s e n f a n ts d u f a illi, s e s c o m m is e t e m p lo y é s , s u r le s c a u s e s de
l a f a illite , 3 2 8 e t s u iv a n ts . — P ro p o s e la d é liv r a n c e d ’u n s a u f-c o n
d u i t , 2 9 0 . — T r a n s m e t a u p r o c u r e u r d e l a R é p u b liq u e le r a p p o r t
d e s s y n d ic s a v e c se s o b s e r v a tio n s , 3 5 3 . — R è g le le s c o n d itio n s
du
c o n c o u r s d u f a illi à la liq u i d a t i o n , 3 9 8 . — A r b i t r e le s s o m m e s q u i
d o iv e n t ê t r e d is p e n s é e s d e la c o n s ig n a tio n , e t o r d o n n e le r e t r a i t d e
c e lle s q u i o n t é té d é p o s é e s , 4 0 5 , 4 0 6 . —
F a it co n v o q u er p a r
le
g r e ffie r le s c r é a n c ie r s e t p r é s id e à l a v é r if ic a tio n d e s c r é a n c e s , v o y e z
c e s m o ts .
P r é c id e é g a le m e n t l ’a s s e m b lé e q u i d o i t v o te r le c o n c o r d a t, 5 4 2 .
— E n c a s d e p o u r s u ite e n b a n q u e r o u t e f r a u d u le u s e , in te r r o g e le s
c r é a n c ie r s s u r l ’u t i l i t é d ’u n s u r s is , 5 5 3 . — V e ille à l ’e x é c u tio n d e s
p r e s c r ip tio n s d e s a r t i c l e s 5 1 0 e t 5 1 1 ,
561.
J uge de paix . — S e u l c o m p é te n t p o u r a p p o s e r le s s c e llé s , 1 8 3 . — I l
d o it y p r o c é d e r d è s l ’a v is q u i l u i e s t t r a n s m i s p a r le g re ffie r, 4 8 5 ,
— D a n s q u e l c a s p e u t - i l le s a p p o s e r a v a n t la d é c la r a tio n d e la f a i l
lite , 4 8 7 e t s u i v a n ts . — L ’a p p o s itio n p r é a la b le p e u t ê t r e r e q u i s e
p a r u n c r é a n c ie r , 4 8 0 . — L e r e f u s d u ju g e e s t - i l à l’a b r i d e t o u t
r e c o u r s 1 9 0 . — D a n s l e c a s d ’a p p o s itio n , i l d o i t e n d o n n e r im m é
d ia t e m e n t a v is a u p r é s i d e n t d u t r i b u n a l d e c o m m e r c e d u d o m ic ile ,
4 9 1 . __ N e p e u t r i e n e x t r a i r e o u d is p e n s e r d e s s c e llé s , 4 9 2
—
S e s o b lig a tio n s s i, s o it a v a n t, s o it a p r è s le j u g e m e n t d é c la r a tif , i l
a c q u i e r t d a n s le c o u r ç d e s e s o p é r a tio n s l a p r e u v e q u ’i l e x i s te a i l
l e u r s d e s m a r c h a n d is e s , 4 9 3 . — D o it s e r e t i r e r a p r è s p r o c è s v e r
b a l d e s o n a b s te n tio n , d a n s le c a s d ’e x e m p tio n d e s c e llé s a u to r is é
p a r le j u g e - c o m m is s a ir e , 4 7 3 . — M a is i l d o it d a n s to u s le s c a s a r
r ê t e r le s liv r e s ; n a t u r e d e c e tte o p é r a tio n , 2 7 7 . — D o it, a v a n t d e
l i v r e r le s e ffe ts à c o u r te s é c h é a n c e s o u s u s c e p tib le s d ’a c c e p ta tio n , e n
�472
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
r é d ig e r u n é t a t d e s c rip tif , 2 8 1 , _
D o it p r o c é d e r à la le v é e d e s s c e l
lé s s u r la p r e m iè r e r é q u i s i t i o n d e s s y n d ic s , 3 3 5 .
J ugement. — P u b l i c i t é q u e d o it re c e v o ir le j u g e m e n t d é c la r a tif e t c e lu i
q u i m o d ifie la d a te d e la c e s s a tio n d e s p a ie m e n ts , 7 1 .
E ffe ts d e l ’u n e t d e l ’a u tr e , v o y e z D é sin v e stis se m e n t , H y p o th è
qu e, L ib é r a lité , P a ie m e n t
L e ju g e m e n t d é c l a r a t i f r e m o n te à l a p re m iè re , h e u r e d u j o u r o ù il
a é té r e n d u ; c o n s é q u e n c e s p o u r le s a c te s f a its à c e tte d a te , 1 1 3 ( 1 ).
— E ffe ts , p a r r a p p o r t a u x c r é a n c ie r s , d e s j u g e m e n t s r e n d u s p o u r o u
c o n tr e le s s y n d ic s , 3 6 4 .
L égislation. — Q u e lle e s t c e lle q u ’i l f a u t a p p l i q u e r a u x f a i l li t e s n é e s
a v a n t la lo i n o u v e lle , m a is d é c la r é e s d e p u is s a p r o m u lg a tio n , 6 .
L ibéralités . — L e s l i b é r a l it é s f a ite s a p r è s l a c e s s a tio n d e s p a i e m e n t s ’
o u d a n s le s d ix j o u r s q u i l ’o n t p r é c é d é e , s o n t n u l l e s d e p le in d r o it,
1 0 6 . — Q u id d e
f a ite a v a n t n ’a é té
l a c o n s t it u t i o n
d o ta le , 1 0 7 . — S i l a
d o n a tio n
a c c e p té e o u t r a n s c r i t e q u e p e n d a n t l ’u n e d e c e s
époques, 108, 109.
L iquidation. — L a li q u i d a t i o n d é f in itiv e d e l a f a i l li t e a p p a r t i e n t a u x
s y n d ic s d e l ’u n io n , 7 5 3 . — I ls d o iv e n t d o n c l i q u i d e r le s d e tte s a c
tiv e s e t p a s s iv e s , 7 8 1 . — A p rè s l a liq u i d a t i o n d e l ’u n i o n , le ju g e c o m m is s a ir e c o n v o q u e le s c r é a n c ie r s , 7 9 8 , 7 9 9 . __ L e s f r a i s d e l i
q u i d a t i o n s o n t p r iv ilé g ié s ; q u e l e s t l e r a n g d e c e p r iv ilè g e , 9 4 4 .
L ivres. — L e u r p o s s e s s io n é t a n t in d is p e n s a b le a u x s y n d ic s , i l s d o iv e n t
l e u r ê t r e im m é d ia te m e n t r e m is , 2 7 5 . — A c e t e ffe t, il s d o iv e n t ê tr e
d is p e n s é s d e s s c e llé s o u e x t r a i t s d e c e u x q u i a u r a i e n t é té a p p o s é s
a v a n t j u g e m e n t, 2 7 6 . — D a n s t o u s le s c a s , i l s d o i v e n t ê t r e a r r ê té s
p a r le ju g e d e p a i x , 2 7 7 e t s u iv a n ts
— D o iv e n t e n s u i te ê t r e c lo s
a r r ê té s p a r le s s y n d ic s e n p r é s e n c e d u f a i l l i , 3 2 5 e t
s u i v a n ts . —
D o iv e n t ê t r e c o m m u n iq u é s a u m i n i s t è r e p u b lic à t o u t e r é q u i s i t i o n ,
3 5 6 . — C e u x r e m is p a r le s s y n d ic s , p o u r l a p o u r s u i t e e n b a n q u e
r o u t e , d o iv e n t ê t r e te n u s à l e u r é g a r d
e n é t a t d e c o m m u n ic a tio n
p a r l a v o ie d u g re ffe e t r e s t i t u é s a p r è s la p o u r s u i t e , 1 3 3 7 .
�473
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Locateur. — L e d r o i t q u ’a le p r o p r i é t a i r e d e s l i e u x lo u é s d ’e x é c u te r
le s m e u b le s d u lo c a ta ir e e s t s u s p e n d u p e n d a n t t r e n t e j o u r s p a r l a
d é c la r a tio n d e f a illite , 141 e t s u i v a n ts . — C e tte s u s p e n s io n c e s s e s i
le p r o p r i é t a i r e d e m a n d e s a m is e e n p o s s e s s io n im m é d ia te , 1 4 3 . —
E lle n e se r é a lis e d a n s to u s le s c a s q u 'e n t a n t q u e le s m e u b le s s o n t
e n c o r e r e p o s é s d a n s l a m a is o n , 1 4 4 .
Magasins. — Q u e f a u t- il e n te n d r e p a r m a g a s in s d u f a illi, 1 1 4 8 e t s u iv .
Masse chirographaire. — L e s c r é a n c ie r s h y p o th é c a ir e s o n t - il s le d r o i t
d e c o n c o u r ir a u x d i s t r i b u t i o n s d e l a m a s s e c h ir o g r a p h a ir e , 9 6 1 . —
P r o p o r t i o n s d a n s le s q u e lle s il s c o n c o u r e n t, s u iv a n t q u e c e tte d is
t r ib u t i o n a l i e u a v a n t , a p r è s o u c o n jo in te m e n t a v e c c e lle d e la m a s s e
h y p o th é c a ir e , 9 6 3 , 9 6 5 , 9 6 7 . — D a n s c h a c u n e d e c e s h y p o th è s e s ,
l ’a d m is s io n n e p e u t ê t r e r é c la m é e q u e s i le s c r é a n c ie r s h y p o t h é c a i
r e s o u p r iv ilé g ié s o n t f a i t v é r i f i e r l e u r s c r é a n c e s , 9 6 8 . —
q u e n c e s d u d é f a u t d e v é r if ic a tio n , 9 6 9 . —
La
C onsé
m a sse e s t su b ro g é e
a u x d r o i ts d e s h y p o t h é c a i r e s p o u r t o u t ce q u ’e lle a p a y é , l o r s q u e
l a d i s t r i b u t i o n a p r é c é d é l ’o r d r e , 9 7 2 . — C o n s é q u e n c e s , 9 7 3 .
Masse hypothécaire. — S a d i s t r i b u t i o n e s t r é g ie p a r le s p r i n c ip e s d e
l a lé g is la tio n o r d i n a i r e , 9 6 2 . — S i l ’o r d r e a p r é c é d é l a d i s t r i b u t i o n
d e l a m a s s e m o b iliè r e ,
le s c r é a n c ie r s p r iv ilé g ié s s u r la g é n é r a lité
d e s m e u b le s o n t le d r o i t d ’y p r o d u i r e e t d e s ’y f a ir e c o llo q u e r , 9 6 4 .
—
Q u id s i l a d i s t r i b u t i o n e t l ’o r d r e se p o u r s u i v e n t s im u lta n é m e n t,
9 6 5 . — L e p a ie m e n t d a n s l ’o r d r e d e s p r iv ilè g e s g é n é r a u x s u r le s
m e u b le s s u b r o g e le s c r é a n c ie r s q u i e n o n t s o u f f e rt a u x d r o i ts d e c e s
p r iv ilè g e s c o n t r e l a m a s s e c h i r o g r a p h a ir e , 9 7 1 . — C o m m e n t le c r é
a n c i e r h y p o th é c a ir e , c o llo q u é p o u r u n e p a r t i e d e s a
c r é a n c e s e u le
m e n t, i m p u t e - t - i l le d iv id e n d e q u ’il a t o u c h é d a n s la m a s s e c h i r o
g r a p h a i r e , 9 6 4 . — L e c r é a n c ie r n o n u t i l e m e n t c o llo q u é p a s s e p u
r e m e n t e t s im p le m e n t d a n s l a
m a s s e c h i r o g r a p h a ir e e t
t o u te s le s c h a r g e s d e c e tte q u a l i t é , 9 7 5 , 9 7 6 ,
s u p p o r té
�474
des
f a il l it e s
et
banqueroutes
Mesures conservatoires. — A c o m p te r d e l e u r e n t r é e e n fo n c tio n s , le s
s y n d ic s d o iv e n t p r e n d r e to u te s le s m e s u r e s e t f a ir e to u s a c te s p o u r
l a c o n s e r v a tio n d e s b ie n s e t d r o i ts d u
fa illi, 4 0 9 . — O b je t e t n a "
t u r e d e c e s m e s u r e s , 4 1 0 e t s u iv a n ts . — L o r s q u e le f a illi, a p r è s
l ’h o m o lo g a tio n d u c o n c o r d a t, s e r a p r é v e n u d e b a n q u e r o u te , le t r i
b u n a l d e c o m m e r c e d o it p r e n d r e t o u te s le s m e s u re s c o n s e r v a to ir e s
q u ’il a p p a r t i e n d r a , 6 4 8 . — L ’i n i t i a t i v e d e c e s m e s u r e s a p p a r t i e n t
a u t r i b u n a l , s a u f le d r o i t d e s c r é a n c ie r s à
le s p r o v o q u e r , 6 5 2 . —
E n q u o i c e s m e s u r e s p e u v e n t e t d o iv e n t c o n s is te r , 6 5 3 . — L e u r
d u r é e e s t n é c e s s a ir e m e n t s u b o r d o n n é e a u x r é s u l t a t s d e l a p o u r s u ite ,
654.
Meubles. — L e s s y n d ic s e n s o n t c h a r g é s p a r l a d é c la r a tio n q u ’il s e n
f o n t a u p ie d d e l ’in v e n ta ir e ,
368. —
A p rè s
l ’u n io n ,
l ’i n té g r a lité
d e s m e u b le s d u f a illi d o it ê t r e v e n d u e , s a n s q u ’il s o i t n é c e s s a ir e d e
l ’a u t o r i s a t i o n d u ju g e - c o m m is s a ir e n i d e l a p r é s e n c e d u f a illi, 7 7 6 ,
7 7 7 . — Q u e d o it c o m p r e n d r e
l a v e n te , s i l ’e x p l o i t a t i o n
du com
m e r c e a é té a u to r is é e , 7 7 8 . — Q u e ls s o n t le s m e u b le s d o n t le fa illi
p e u t r é c la m e r l a d é liv r a n c e , s i e lle n e l u i a p a s d é jà é té f a ite , 7 7 9 ,
780,
Nantissement. — L e s p r i n c ip e s s u r l a c o n s t it u t i o n d u d r o i t d ’h y p o t h è
q u e r é g is s e n t le n a n t i s s e m e n t , 1 3 2 .
Nullité . — L a n u l l i t é d u c o n c o r d a t, p o u r u n e c a u s e a u t r e q u e la b a n
q u e r o u t e , n e c o n s titu e p a s le s c r é a n c ie r s e n é t a t d ’u n io n , 5 7 6 . —
C e tte n u l l i t é p e u t ê t r e d e m a n d é e a p r è s l ’h o m o lo g a tio n ; p o u r q u e l
le s c a u s e s , 6 0 8 e t s u i v a n ts , — E ffe ts d e l’a n n u l a t i o n d u c o n c o r d a t
p o u r c a u s e d e b a n q u e r o u t e o u d e d o l, 6 3 1 . — C e tte a n n u l a t i o n l i
b è r e le s c a u tio n s , 6 3 2 . — D a n s le c a s d e p o u r s u i t e s e n a n n u l a t i o n ,
o u lo r s q u e le f a illi e s t a p r è s l ’h o m o lo g a tio n p r é v e n u
de b an q u e
r o u t e f r a u d u le u s e , le t r i b u n a l d e c o m m e r c e d o i t o r d o n n e r d e s m e
s u r e s c o n s e r v a to ir e s d a n s l’i n t é r ê t d e s c r é a n c ie r s e t s u r la p r é v is io n
d e la n u l l i t é d u c o n c o r d a t, 6 4 8 . — L a n u l l i t é d u c o n c o r d a t a n é a n
t i t , à l ’é g a r d d u f a illi, la r e m is e c o n s e n tie e n s a f a v e u r , 6 8 4 . — L e
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
475
failli seul peut faire valoir la nullité de la transaction à laquelle,
ou lors de l’homologation de laquelle il n’a pas été appelé, 786. —
Cette nullité est couverte si, présent à l’homologation, le failli n’a
point excipé de ce qu’il n’aurait été ni présent ni appelé à la tran
saction, 787. Voyez H y p o th è q u e , L ib é r a lité s , P a ie m e n t.
Obligation. — C o m m e n t s e r è g le n t le s o b lig a tio n s d e f a ir e , c o n tr a c té e s
p a r le f a illi a v a n t s a f a i l li t e , 3 8 6 .
Opposition. __ L e c r é a n c ie r q u i n ’a f a it n i v é r if ie r n i a f fir m e r s a c r é a n c e
p e u t f o r m e r o p p o s itio n a u x r é p a r ti t i o n s , 496. — F o r m e s e t effe ts
d e c e tte o p p o s itio n , 499 e t s u i v a n ts . — N ’e s t r e q u i s e q u e d a n s le
c a s d e c o n t r a t d ’u n i o n , S 0 5 .
Opposition au concordat. — L ’o p p o s itio n a u c o n c o r d a t p e u t ê tr e f o r
m é e p a r t o u s le s c r é a n c ie r s a y a n t e u d r o i t d ’y c o n c o u r i r , o u d o n t
le s d r o i ts a u r o n t é té r e c o n n u s d e p u is , 5 6 4 e t s u i v a n ts . — I l e n e s t
d e m ê m e d e s c r é a n c i e r s p r o v i s o i r e m e n t a d m is , 5 6 7 . — C e d r o i t
a p p a r t i e n t - i l a u x c r é a n c i e r s h y p o t h é c a i r e s o u p r iv ilé g ié s , 5 6 8 . —
F o r m e s d e l ’o p p o s itio n , 5 6 9 . — P e r s o n n e s q u i s o n t p a r t i e s n é c e s
s a ir e s s u r l a p o u r s u i t e , 5 7 0 ,
n e lle
à l ’o p p o s a n t
571. —
C e tte p o u r s u i t e e s t p e r s o n
; n u l a u t r e c r é a n c ie r n e p e u t , a p r è s l a h u i t a i n e ,
i n t e r v e n i r , s ’il n 'a f a i t lu i- m ê m e o p p o s itio n , 5 7 2 . — L ’h o m o lo g a
t i o n d u c o n c o r d â t e s t l a c o n s é q u e n c e n a t u r e l l e d u r e j e t d e s o p p o s i
t i o n s ; m a is s i l ’o p p o s itio n e s t a d m is e , le c o n c o r d a t e s t n u l v i s - à - v is
d e to u s le s c r é a n c ie r s , 5 7 5 . — I l e s t s t a tu é s u r t o u t e s le s o p p o s i
t i o n s , p a r u n s e u l e t m ê m e ju g e m e n t, 5 6 3 . — L e ju g e m e n t q u i s t a
t u e s u r l ’o p p o s i t i o n e s t a p p e la b le , 5 7 7 . — S i le s c a u s e s d e l ’o p p o
s i t i o n e x c è d e n t la c o m p é te n c e c o n s u la ir e , i l e s t s u r s i s à s t a t u e r s u r
l ’h o m o lo g a tio n j u s q u ’a p r è s l a d é c is io n d t f ^ r i h u n a l c o m p é te n t, 5 7 3 .
— L e j u g e m e n t p r o n o n ç a n t le s u r s is d o i t d é t e r m i n e r le d é la i d a n s
l e q u e l l ’o p p o s a n t s e r a te n u d ’i n v e s ti r l ’a u t o r i té c o m p é te n te , 5 7 4 .
L e j u g e m e n t d é c l a r a t i f d e l a f a illite p e u t ê t r e f r a p p é d ’o p p o s itio n
p a r le f a i l li , q u i p e u t s e u l d e m a n d e r l a r é t r a c t a t i o n d e l a f a illite ,
1 1 7 6 e t s u i v a n ts . — L ’o p p o s itio n d u f a i l li s e r a i t - e l l e r e c e v a b le s i
�476
DES
F A I L L IT E S
ET
BANQUEROUTES
le ju g e m e n t n ’a v a i t é té r e n d u q u ’a p r è s s a d é c la r a tio n d e c e s s a tio n
e t le d é p ô t d e s o n b i l a n , 1181 e t s u iv a n '.s . — L e f a illi e t le s c r é a n
c ie r s p e u v e n t f o r m e r o p p o s itio n à l a d i s p o s itio n d u ju g e m e n t q u i
fix e l 'é p o q u e d e l a f a illite , e t c o n t r e le j u g e m e n t q u i r e p o r t e c e tte
é p o q u e , 1 1 7 9 . — d é la i d e l ’o p p o s itio n , 1 1 8 0 . — C e d é la i n e p e u t
ê t r e a u g m e n té d e c e lu i
d e s d is ta n c e s , 1 1 8 6 . —
L a déchéance de
l ’o p p o s itio n n ’e s t e n c o u r u e q u e p a r l ’e x p i r a t i o n d u d é la i ; m a is c e tte
e x p i r a t i o n e s t u n e fin d e n o n r e c e v o ir a b s o lu e m ê m e c o n tr e l ’o p p o
s i t i o n in c id e n te , 1 1 8 4 , 1 1 8 5
Opposition
a
la réhabilitation . — V o y e z R é h a b ilita tio n .
Ouvriers — L e s o u v r i e r s t r a v a i l l a n t à l a jo u r n é e n e s o n t p a s c o m p r is
a u n o m b r e d e s g e n s d e s e rv ic e ; il s n ’a v a i e n t d o n c a u c u n p r iv ilè g e
s o u s l ’a n c ie n n e l o i, 9 3 7 . — L a l o i n o u v e lle y
a s a g e m e n t r e m é d ié
e n l e u r a c c o r d a n t u n p r iv ilè g e p o u r le m o is d e l e u r s g a g e s, 9 3 8 . —
A q u e lle s c o n d itio n s p o u r r a - t - o n le r é c la m e r , e t d a n s q u e l o r d r e
s ’e x e r c e r a - t - i l , 9 3 9 .
P aiement . — L e p a ie m e n t f a it a p r è s l a c e s s a tio n , o u d a n s le s d i x j o u r s
q u i l ’o n t p r é c é d é e , e s t r a d ic a le m e n t n u l s i l a d e tte n ’é t a i t p a s é c h u e .
1 1 1 . — D o it- o n
c o n s id é r e r c o m m e p a i e m e n t a n tic ip é l ’e n v o i d e
m a r c h a n d is e s o u d ’u n e s o m m e d ’a r g e n t e n c o m p te c o u r a n t , 1 1 2 . —
L e p a ie m e n t p o u r d e tte s é c h u e s n e p e u t ê t r e f a it q u ’e n e s p è c e s o u
e ffe ts d e c o m m e r c e , 1 1 3 . —
L ’in c a p a c ité
d e p a y e r a u tre m e n t e s t
a b s o lu e p o u r l e f a illi, 1 1 4 . — L ’e n v o i d e s m a r c h a n d is e s e n p a ie
m ent du
s o ld e d u c o m p te c o u r a n t c o n s t it u e u n p a ie m e n t n u l , 1 1 7 .
— L e s p a ie m e n ts f a its e n a r g e n t o u e ffe ts d e c o m m e r c e , p o u r d e t
te s é c h u e s e t le s a c te s à t i t r e o n é r e u x , p e u v e n t ê t r e a n n u l é s ; d a n s
.
q u e lle s c ir c o n s ta n c e s , 1 18. — V é r i t a b l e p o r té e d e l a f a c u lté la is s é e
à c e t é g a r d , 1 1 9 . — L e p a ie m e n t r e ç u a v e c c o n n a is s a n c e d e l a c e s
s a tio n d e p a ie m e n t p a r u n
a v a n c e s , e s t v a la b le ,
p a ie m e n ts p o u r
d e tte s
c o m m e r c ia u x , 1 2 0 .
c r é a n c i e r q u i a c o n t i n u é d e f a ir e d e s
119 ( s ) . — L a n u l l i t é c o n c e r n e le s a c te s e t
c iv ile s c o m m e p o u r le s a c te s e t c r é a n c e s
�477
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Q u e l s e r a , p a r r a p p o r t à la m a s s e , l'e f f e t d ’u n p a ie m e n t o b te n u
p a r u n c r é a n c ie r a p r è s l a c l ô t u r e d e l a f a i l li t e , p o u r in s u f f is a n c e d e
l ’a c tif , 7 0 2 . —
C o m m e n t s ’o p è r e , a v a n t le s r é p a r t i t i o n s , le p a ie
m e n t d e s c r é a n c ie r s p r iv ilé g ié s s u r
le s m e u b le s , 9 8 1 . —
A q u e lle
é p o q u e e t d e q u e lle m a n iè r e il y e s t p r o c é d é , 9 5 2 , 9 5 3 . — L e s c r é
a n c ie r s n e p e u v e n t- ils e x i g e r c e p a i e m e n t ,
r e m is e d e t r a i t e s o u
9 5 4 e t s u i v a n ts , i— L a
v a le u r s c o m m e r c ia le s c o n s t it u e - t - e l l e le p a ie
m e n t, 4 234 e t s u i v a n ts , 4 2 4 2 e t s u i v a n ts .
P artage. — L e p a r ta g e i n t e r v e n u a v e c le c o m m u n is te q u i a c e s s é se s
p a i e m e n t s , , e s t - i l v a la b le , 4 2 0 ( 4 ) . _
Q u id d e c e l u i f a i t a p r è s j u
g e m e n t d e c l ô t u r e p o u r in s u f f is a n c e d e l ’a c tif . 7 0 2 ( s ).
P assif . — A d m is s io n a u p a s s if , v o y e z c e s m o ts : D is tin c tio n d u p a s s i f
d a n s les so ciétés en n o m c o lle c t if o u en c o m m a n d ite, 4 7 4 .
P eines . — L e s p e in e s d e l a b a n q u e r o u t e f r a u d u le u s e s o n t e n c o u r u e s :
4 6 P a r le s in d i v i d u s c o n v a in c u s d ’a v o ir s o u s t r a i t ,
re c é lé o u d is s i
m u lé t o u t o u p a r t i e d e s b ie n s d u f a illi, 4 2 7 0 . — E x c e p tio n p o u r le
c o n jo in t,
le s d e s c e n d a n ts o u a s c e n d a n ts d u f a illi, 4 2 7 3 , 4 2 7 4 . —
2 ° P a r c e u x q u i o n t f r a u d u l e u s e m e n t p r é s e n té e t a ffirm é d e s c r é a n
c e s s u p p o s é e s , s o i t e n l e u r n o m , s o i t p a r p e r s o n n e s in te r p o s é e s ,
4 2 7 5 e t s u iv a n ts
so u s u n
— 3 ° P a r le s i n d i v i d u s q u i , f a i s a n t le c o m m e rc e
n o m s u p p o s é o u s o u s le n o m d ’a u t r u i , s e s e r o n t r e n d u s
c o u p a b le s d e s f a i t s p r é v u s p a r l ’a r t i c l e 5 9 4 ,
4 2 7 8 . — C es p e rs o n
n e s p o u r s u i v i e s p o u r r o n t m ê m e , e n c a s d ’a c q u i t t e m e n t , ê t r e c o n
d a m n é e s à d e s d o m m a g e s - in té r ê ts , 4 2 7 9 e t s u i v a n ts .
Q u e lle e s t l a p e in e e n c o u r u e p a r le s s y n d i c s q u i s e s o n t r e n d u s
c o u p a b le s d e m a l v e r s a t i o n d a n s la g e s tio n , 4 2 8 2 . — Q u e lle e s t c e lle
q u ’o n d o i t a p p l i q u e r a u c r é a n c ie r o u i a e x ig é e t o b t e n u u n
p a r t i c u l i e r p r o h i b é p a r l ’a r t i c l e 5 9 7 ,
tr a ité
4 2 8 8 . — Q u id s i c e c r é a n
c ie r e s t u n s y n d ic , 4 2 9 0 .
P ossesseur . — L e p o s s e s s e u r o u le d é t e n t e u r d ’u n e c h o s e a le d r o i t d e
l a r e t e n i r e t d e se f a ir e p a y e r p a r p r iv ilè g e le s t r a i s f a i t s p o u r s a
c o n s e r v a tio n , 94 9 .
P rescription. — P a r q u e l la p s d e te m p s s ’é t e i n t l ’a c t i o n e n n u l l i t é d u
c o n c o r d a t p o u r d o l d é c o u v e r t p o s t é r i e u r e m e n t à l ’h o m o lo g a tio n ,
6 4 5 . — C e lle e n r é s o l u t i o n p o u r in e x é c u t i o n , 6 3 6 .
Voyez
B anqueroute, C om plicité, N u llité, R ésolution, T ra ité .
�478
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
P reuve. — La femme qui demande son admission au passif comme sim
ple créancière, peut établir sa créance par toutes sortes de preuves
et même par témoins et par présomptions, 4016 ( 3 ).
Privilège. — S a c o n s t it u t i o n a u x a p p r o c h e s d e l a f a illite e s t r é g ie p a r
le s p r in c ip e s d e l ’h y p o th è q u e , 4 3 2 . — L e s p r iv ilè g e s s u r le s m e u
b le s s o n t g é n é r a u x o u p a r t i c u l ie r s , 8 9 4 . —
A u p re m ie r ra n g de
c e u x - c i se p la c e le p r iv ilè g e d u lo c a te u r s u r le s m e u b le s g a r n i s s a n t
le s lie u x lo u é s , 8 9 2 . — E te n d u e d e c e p r iv ilè g e , s e lo n q u e l e b a i l
e s t o u n o n a u t h e n t i q u e , q u ’i l a o u n o n d a te c e r ta in e , 8 9 3 . — P o u r
q u ’e lle s c r é a n c e s s’e x e r c e c e p r iv ilè g e , 8 9 4
— In d ép en d am m en t du
p r iv ilè g e , le lo c a te u r a u n d r o i t d e s u i t e s u r le s m e u b le s , 8 9 5 . —
Q u e ls s o n t le s m e u b le s a f f r a n c h is o u s o u m is
à l ’u n e t à l ’a u tr e ,
8 9 6 , 8 9 7 . — A u d e u x iè m e r a n g , le p r iv ilè g e s u r le gage v a la b le
m e n t c o n s titu é , 8 9 8 . — L e p r iv ilè g e n e s o r t à e ffe t q u e s i le c r é a n
c ie r e s t e n p o s s e s s io n d e s e ffe ts e n g a g é s , 9 4 2 . — E ffe t d u p r iv ilè g e ,
9 1 4 e t s u i v a n ts . — O n n e d o i t p a s c o n f o n d re le p r iv ilè g e a v e c led ro it de ré te n tio n ;
à q u i a p p a r t i e n t c e lu i- c i, 9 1 9 e t s u i v a n ts . —
P r iv ilè g e d u c o m m is s io n n a ir e q u i a v e n d u o u a c h e té d e s m a r c h a n
d is e s p o u r c o m p te d ’a u t r u i , s u r c e s m a r c h a n d is e s o u l e u r p r i x , 924 .
— P r iv ilè g e d u c r é a n c ie r d o n t l a s a i s i e - a r r ê t a é té v a lid é e a v a n t l a
f a illite ,
922. — O r d r e d a n s l e q u e l s ’e x e r c e n t le s p r iv ilè g e s g é n é r a u x
s u r le s m e u b le s ,
9 2 8 e t s u i v a n ts . — Q u e lle e s t l a m a la d ie p o u r
le s f r a is d e la q u e lle o n a c c o r d e r a u n p r iv ilè g e d a n s l a f a illite , 931
.
e t s u iv a n ts . — E n q u o i le s p r iv ilè g e s g é n é r a u x d if f è r e n t d e s p r iv i
lè g e s p a r t i c u l ie r s , 9 4 1 . •— P r iv ilè g e s s p é c ia u x e n m a t i è r e d e f a i l li
te s , 9 4 3 . — L a f a c u lté d e c o n te s te r le p r iv ilè g e a p p a r t i e n t à t o u t i n
té r e s s é , m a is e lle d o it ê t r e e x e r c é e l o r s d e l a v é r if ic a tio n d e s c r é
a n c e s , 9 5 8 e t s u iv a n ts .
P rocureur de la République. — Ses devoirs à la réception du juge
ment déclaratif, 204. — Peut poursuivre la révocation des syndics,
faute par eux d’avoir omis sans motifs légitimes l’envoi de leur rap
port, 354 — Droit du procureur de la République d’assister non
seulement à l’inventaire, mais encore à toutes les opérations de la
faillite. 355. — De prendre en tout temps communication des li
vres, actes et papiers, 356.
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
479
Rapport a la masse, — L ’a c tio n e n r a p p o r t p o u r le p a ie m e n t d e s l e t
t r e s d e c h a n g e o u b i l l e t s à o r d r e f a it a p r è s l ’é p o q u e d e la c e s s a tio n
d e s p a ie m e n ts , n e p e u t ê t r e in te n té e c o n tr e le s t i e r s p o r t e u r s d e
b o n n e fo i, 4 3 3 . — M o tifs d e c e tte d is p o s itio n ,
p a ie m e n t a c c e p té a v a n t l ’é c h é a n c e o u
434,
435. —
Le
U
a u t r e m e n t q u ’e n e s p è c e s o u
e ffe ts d e c o m m e r c e , o b lig e r a it l e t i e r s p o r t e u r à r a p p o r t e r c e q u ’il
a u r a it re ç u , 436, 4 3 7 . — A u c u n r a p p o rt n e s a u ra it ê tre dem an d é
c o n tr e q u i q u e ce s o it, s i le p a ie m e n t a v a it é té f a it à l ’é c h é a n c e e t
a v a n t la c e s s a tio n , 4 3 8 . — A q u e l l e
é p o q u e d e v r a - t- o n p r o u v e r la
m a u v a is e fo i d u p r e m ie r p o r t e u r p o u r l ’o b lig e r a u r a p p o r t , 4 3 9 —
Q u id s i l ’i n t e r v e n t io n d u t i e r s p o r t e u r e s t le r é s u l t a t d ’u n e f r a u d e
c o n c e r té e a v e c le p r e m ie r p o r t e u r , 4 4 0 .
V o y e z V entes a u c o m p ta n t.
R appot sur les caractères de la faillite — D o it ê t r e a d r e s s é a u
j u g e - c o m m is s a ir e p a r le s s y n d ic s d a n s l a q u in z a in e d e l e u r e n tr é e
e n f o n c tio n s , 3 4 9 e t s u i v a n ts . — L e j u g e - c o m m is s a ir e e t le p r o c u
reu r
d e la R é p u b liq u e d o iv e n t p r é v e n i r t o u t r e t a r d ; p e in e q u e
p o u r r a i e n t e n c o u r i r le s s y n d i c s , 352!, 3 5 4 . — C e r a p p o r t e s t t r a n s
m is a u p r o c u r e u r d e la R é p u b liq u e p a r le ju g e - c o m m is s a ir e ,
qui
l ’a c c o m p a g n e d e s e s o b s e r v a tio n s , 3 5 3 .
R ecommandation. — V o y e z E la r g is s e m e n t.
R ecours, — L e s d é c is io n s d u j u g e - c o m m is s a ir e s o n t s a n s r e c o u r s d a n s
to u s le s c a s o ù l a lo i n e l’a p a s a u to r is é f o r m e lle m e n t, v o y e z J u g e -
c o m m issa ire.
L e s ju g e m e n ts q u i s t a t u e n t s u r l a m is e e n l i b e r té d u f a illi ; s u r
la d e m a n d e e n s e c o u r s p o u r le f a illi e t s a f a m ille ; s u r l a v e n te d e s
e ffe ts e t m a r c h a n d is e s , s u r le
s u r s is
a u c o n c o r d a t o u s u r l ’a d m i s
s io n p r o v is io n n e lle d e s c r é a n c ie r s c o n te s té s ; s u r l ’a p p e l d e s o r d o n
n a n c e s d u ju g e - c o m m is s a ir e , n e s o n t s u s c e p tib le s d ’a u c u n r e c o u r s ,
4 4 9 9 e t s u iv a n ts .
R ecouvrement — F o r m e a c tu e lle d u r e c o u v r e m e n t d e s d e t t e s a c tiv e s
p a r le s s y n d ic s , 2 8 3 , 3 6 9 .
�480
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Réhabilitation. — F a i t s e u le d is p a r a îtr e le s in c a p a c ité s r é s u l t a n t d e la
f a illite , 1 3 0 9 . — C o n d itio n p o u r l ’o b t e n i r , p a ie m e n t in té g r a l e n c a
p ita l e t i n t é r ê t s ; c o m m e n t se c a l c u le n t c e s i n t é r ê t s ,
1310, 1311.
— L e p a ie m e n t in té g r a l e s t e x ig é à q u e lq u e t i t r e q u e le f a i l li f û t
o b lig é , 1 3 1 2 , — L ’a s s o c ié e n n o m c o lle c tif d o i t p a y e r to u te s le s d e t
te s s o c ia le s ,
1 3 1 3 . — L e s a u t r e s a s s o c ié s q u i v o u d r a ie n t a p r è s l u i se
f a ire r é h a b i l i te r d e v r a ie n t l ’i n d e m n is e r d a n s le s p r o p o r t i o n s d e s a r
tic le s
1213 e t 1214 d u C o d e c iv il, 1314. — L a v o ie d e l a r é h a b i l i
t a tio n e s t l a s e u le o u v e r te a u f a illi, a p r è s q u e le ju g e m e n t d é c la r a tif
a a c q u is l ’a u t o r i té d e l a c h o s e ju g é e , 1 3 1 5 , 1 3 1 6 . — Q u e lle e s t la
j u r i d i c t i o n q u i d o i t s t a tu e r ,
1 3 1 7 .— F o r m e d e l a d e m a n d e ; d e
v o ir s d e s p r o c u r e u r s g é n é r a u x , p r o c u r e u r s d e l a R é p u b liq u e e t p r é
s id e n ts d e s t r i b u n a u x d e c o m m e r c e d u d o m ic ile d u f a illi, 1318,
1319. — O b je t d e la p u b lic ité q u e l a d e m a n d e d o i t r e c e v o ir , 1320.
— T o u s le s in té r e s s é s p e u v e n t f o r m e r o p p o s itio n d a n s le s d e u x
m o is d e l ’a ffic h e , m ê m e le s c r é a n c ie r s q u i a u r a i e n t c o n c é d é u n e
q u i tta n c e d é f in itiv e , 1 3 2 1 . — P r o c é d u r e s u iv ie . 1 3 2 2 , 1 3 2 3 . — S i
le d é b ite u r a r é e lle m e n t t o u t p a y é , s a r é h a b i l i t a t i o n d o i t ê tr e a c
c o rd é e , 1 3 2 4 . — L ’a r r ê t q u i l ’a d m e t d o i t ê t r e t r a n s c r i t s u r le s r e
g is tr e s d e s t r i b u n a u x
c iv ils e t d e c o m m e r c e d e l ’a n c ie n e t d u n o u
v e a u d o m ic ile d u d é b i t e u r , 1 3 2 6 . —
E n cas d e re je t, la d em an d e
n e p e u t ê t r e r e n o u v e lé e q u ’a p r è s u n a n
m is s io n o u d e r e j e t , l ’a r r ê t
d ’in t e r v a l le ; e n c a s d ’a d
e s t p r o n o n c é e n a u d ie n c e p u b liq u e ,
1 3 2 6 . — P e r s o n n e s q u i n e p e u v e n t ê t r e r é h a b i l i té e s ,
1 3 2 7 e t s u iv .
L o i d u 6 j u i l l e t 1 8 5 2 ; s o n c a r a c t è r e , 1 3 3 0 ( * ). — L e f a illi p o u r
r a ê tr e r é h a b i l i té a p r è s s a m o r t, 1 3 3 2 .
Remise de la dette . — L e s a c rific e im p o s é p a r l e c o n c o r d a t n e c o n s
ti t u e j a m a is l a r e m is e c o n v e n tio n n e lle d e l a d e tte , 8 8 4 e t s u iv a n ts .
— E n c o n s é q u e n c e , le s c r é a n c ie r s , q u ’i l s a i e n t o u n o n s ig n é l e c o n
c o r d a t, c o n s e r v e n t l e u r a c tio n p o u r l ’in t é g r a l it é d e l a d e tte c o n tr e
le s c o o b lig é s e t c a u tio n s d u f a illi, 8 8 9 .
Rentes sue l’Etat . — P e u v e n t ê t r e t r a n s f é r é e s p a r l e s s y n d ic s , m a l
g ré l ’o p p o s itio n d u f a illi ,7 7 6
2 ).
Répartition. — L a r é p a r ti t i o n d e l ’a c tif p e u t ê t r e c o m m e n c é e a v a n t so n
e n tiè r e r é a lis a tio n , 1 0 4 5 . —
o rd o n n é e ,
1048 e t
D a n s q u e lle f o rm e e t p a r q u i e s t- e lle
s u iv a n ts . — P u b l i c i t é q u e l’o r d o n n a n c e d u ju g e
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
481
doit recevoir, 1050. — Prélèvement à opérer d’abord, 1046. — Au- •
cune répartition ne saurait être ordonnée qu’à charge de réserver la
part afférant aux créanciers domiciliés hors France, 1051. — Sur
quoi doit porter cette mise en réserve ; comment elle s’opère ; sa
durée, 1054 et suivants. — Les créances'contestées doivent être
comprises dans les répartitions et le dividende réservé jusqu’à juge
ment définitif, 1056 — Dans quelle forme s'opère la répartition aux
créanciers, 1057 et suivants.
Report. _ La date de l’époque de la cessation peut toujours être recu
lée ou avancée, soit d’office par le tribunal, soit sur la requête des
parties intéressées, voyez C essa tio n des p a ie m e n ts, F a illite .
Le report peut en outre être demandé par les créanciers, et or
donné sur la demande principale de ceux-ci, 1188. — Délai de ri
gueur pour l'exercice de cette action, 1189. — A quel moment ex
pire la faculté de le demander, 1189 ( 2 ). — Peut-il l’être par un
créancier après le rejet de la demande qui en avait été faite par les
syndics, 1189 A 3 ). — Peut-il l'être par le créancier hypothécaire
venant après l’expiration du délai, par opposition au jugement qui
l’a prononcé 1191 ( 2 ).
La clôture du procès-verbal n’établit une fin de non recevoir que
contre les créanciers ; conséquence pour le droit d’opposition que
les tiers ont contre toute fixation nouvelle, 1190. — Devrait être
assimilé aux tiers le créancier qui, par l’effet du nouveau jugement,
serait exposé à perdre l’hypothèque qu’il a inscrite contre le failli,
1191,
R eprises . — Conditions pour que la femme soit admise à les exercer
en nature ; leur caractère ; conséquences, 1004 ( 2 }, 1016 ( 2 ).
Résolution. — L’inexécution du concordat en entraîne la résolution,
633 — Principe et conséquences de l’action en résolution ; en quoi
elle diffère de celle en nullité, 634. — Chaque créancier peut indi
viduellement l’exercer, 635. — Ne se prescrit que par trente ans de
l’exigibilité de la créance, 636. — Effets de la résolution par rap
port au failli, 637. — Par rapport aux autres créanciers, 638 —
Ne libère pas les cautions, 639. — Examen de cette disposition,
643 et suivants. — L’intérêt des cautions les rend parties néces-
iii
— 31
�4ba
•
DBS FAILLITES ET BANQUEROUTES
saires dans l’instance, 643. — Après la résolution il peut être con
senti un nouveau concordat, 644. — La résolution du concordat
révoque, à l’égard du failli, la remise qui lui avait été accordée,
684.
Rétention. — Le droit de rétention, écrit dan» les articles 1612 e t
1613 du Code civil, a été formellement consacré par la loi pour les
marchandises vendues et non eneore livrées, 1156 et suivants. —
Quand peut-il être exercé, 1159. — Faut-il qu’il y ait faillite dé
clarée ou cessation des paiements, 1160. — Le droit de rétention
s’applique â la partie comme à la totalité de la marchandise, 1162.
Aux meubles incorporels, 1 163._La rétention n'a jamais lieu
de plein droit, elle doit être ordonnée par la justice, 1165.
— Q u id si les syndics offrent d’exécuter les engagements du failli,
1166 et suivants.
Revendication. — Én quoi elle consiste ; difficultés que son admission
à
" |l
?ï
a fait naître, 1098 et suivants. — Revendication des traites, remi
ses commerciales ou autres ; est recevable, à quelles conditions,
1101 et suivants. — La passation eh compte courant des valeurs
revendiquées serait un obstacle invincible à la consécration de la
demande, 1110 et suivants. — Les valeurs qui ne sont arrivées au
failli qu’après le jugement déclaratif n’ont pas besoin d’être reven
diquées, elles n’ont jamais appartenu an failli, 1114 et suivants. —
Q u id de celles arrivées avant le jugement, mais après la cessation,
1116. — Les règles relatives aux titres commerciaux s’appliquent
à tous les autres, 1117. — La loi ne trace aucun délai pour la re
vendication, elle serait donc recevable après que les syndics au
raient encaissé le montant du titre, 1118. — La revendication des
marchandises consignées ou déposées est la plus favorable, 1119.
— Il n'y a plus de différence entre le prix des marchandises consi
gnées et celui des marchandises déposées, 1120. — Conditions de
cette revendication, 1121 et suivants. — Conditions auxquelles on
peut revendiquer le prix, 1128 et suivants — Graves débats qu’a
fait naître la faculté de revendiquer les marchandises vendues et
expédiées aux approches de la faillite, 1136 et suivants. — A quel
les conditions a-t-elle été admise par la loi nouvelle, 1140 et sui
vants. — Est-elle admissible si la chose achetée a été mélangée avec
d’autres, 1149 ( 3 ).
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
483
On peut revendiquer une partie seulement, 1 150.— La reven
dication de la marchandise arrivée dans les magasins du failli,
après le jugement déclaratif, est recevable, il n’en est pas de même
de celle arrivée après la cessation, mais avant le jugement, 1151.
— La vente régulière de la marchandise en cours de voyage est un
obstacle à la revendication, 1153, 1154, — Obligations du reven
diquant pour les avances et les frais auxquels la marchandise a
donné lieu, 1155, 1169. — La revendication peut être admise par
les syndics, arec l’approbation du juge-commissaire, 4170 et sui
vants. _ L’acquiescement des syndics empêcherait-il les créanciers
de la contester, 1172 et suivants. — Celle admise par les syndics
en vertu de l’article 578 est acquise, même en cas de retrait de la
faillite, 1175 ( 2 ).
Saisïe- arp.ê t . — La connaissance de la cessation de paiements doit en
traîner la nullité de la saisie et tout ce qui l’a suivie, 120 ( 2 ). —
Effets du jugement qui valide la saisie-arrêt, 923, 924. — Quand
peut-on dire qu’il a acquis l’autorité de la chose jugée, 925. — La
présomption attachée au silence du condamné ne commence qu’à
partir de la signification, 926 _Tant que cette signification n’a
pas été faite, ou que les délais de l’appel ne sont pas expirés, les
syndics peuvent attaquer le jugement, 927.
Sauf- conduit. — La délivrance d’un sauf-conduit peut être proposée
par le juge-commissaire, 290. Même en faveur du failli non arrê
té, 291. — A défaut par le juge d’user de son initiative, le failli
peut réclamer lui-même un sauf-conduit, 298. — Obligations que
sa délivrance impose au failli, 299. — Le sauf-conduit n’est jamais
que provisoire, 293. — Peut être'soumis à un cautionnement, 294.
— Fait cesser l’emprisonnement du failli, même celui réalisé avant
la faillite par un créancier, 295. _ Le créancier incarcérateur, et
les syndics dans les autres cas, ne peuvent que contester son op
portunité ; ils ne seraient »pas recevables à former tierce-opposi
�484
DES FAILLITES
BANQUEROUTES
tion au jugement qui l’a accordé, 296, 297. — Causes qui le font
révoquer ; forme et effets de cette révocation, 299 et suivants. —
A quelle époque finit l’emprisonnement, si le sauf-conduit est
refusé, 304. — Le sauf-conduit peut être demandé à toutes les
époques, 308. — N’a aucune influence sur l’emprisonnement à la
poursuite du ministère public pouf crime ou délit de banqueroute,
306.
Scellés. — Importance d’une prompte apposition des scellés sur l’actif
du failli, 168. — L ’obligation de l’ordonner est absolue, 1 6 9 .—
Exceptions que comporta cette disposition du jugement, 170 et
suivants. — Doivent être apposés sur tout l’actif, ainsi que sur les
livres, papiers et documents du failli, 186 et suivants. — Quels
sont les objets qui peuvent en être exceptés sur la demande des
syndics, 256 et suivants. — Tous les objets susceptibles d’être dis
pensés des scellés peuvent en être extraits en cas d’apposition avant
le jugement, 262- — Comment s’en opère la délivrance aux syn
dics, 263 et suivants. — De quel moment part le délai accordé par
l’article 479 pour la levée des scellés, 336. En présence de qui estil procédé à cette levée, 337. — La levée des scellés n’opère pas dé
livrance en faveur des syndics, 338.
Secours. — Le failli a le droit de demander un secours alimentaire pour
lui et sa famille dès le début de la faillite, 307, 308 — La détermi
nation de ce secours appartient au juge-commissaire qui décide, soit
sur la proposition des syndics, soit sur la demande du failli, 309,
310. — L’avis des syndics ne lie nullement le juge-commissaire,
311. — Mais sa décision peut être attaquée par appel ; forme de
l’appel, 312 et suivants — Après l’union, le secours ne peut être
accordé que si les créanciers en reconnaissent l’opportunité, 734 et
suivants.— Le vote a lieu à la majorité des membres présents à
l’assemblée, 739. — C’est le principe qui est seul soumis aux cré
anciers : la détermination du chiffre appartient au juge-commissaire,
740. — Le failli n’a aucun recours contre la délibération des créan
ciers ni contre l’ordonnance du juge-commissaire, 741. — Mais
celle-ci peut être attaquée par les syndics ; nature et forme du re
cours qui leur est ouvert, 742.
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
485
Séparation des patrimoines. — La déclaration de faillite après décès
produit les effets de la séparation des patrimoines, 348.
Société. — La société en nom collectif peut-elle être déclarée en failli;
te, si l’un des associés est mort depuis plus d’un an, 26 ( 9 ). — La
faillite de la société entraîne celle de tous les associés solidaires ;
conséquences pour les créanciers personnels de ceux-ci, 35 ( 9 ).
Voyez C o n c o r d a t.
Solidarité. — Les syndics, tant provisoires que définitifs, sont solidai
res pour ce qu’ils resteraient devoir pour reliquat de compte, 628.
— Il en est de même des syndics de l’union, 812. — Peuvent-ils
poursuivre solidairement les créanciers en paiement de ce qui leur
resterait dû après balance du compte, 815 et suivants. — Effet or
dinaire de la solidarité ; exception en matière de faillite, 850 et
suivants. — Droit du créancier qui a plusieurs débiteurs de pro
duire dans la faillite de chacun d’eux pour l’intégralité de la dette
et sans imputation des dividendes perçus ; motifs de cette déroga
tion au droit commun, 85ü, 853. — L’exercice de ce droit est en
tièrement laissé à l'arbitrage des créanciers, 354. — Si parmi les
coobligés ou cautions il en est qui ne soient pas en faillite, le cré
ancier peut ou se faire payer par eux, ou produire dans la faillte
des autres, ses droits dans l’un et l’autre cas ; 855, 856 — Qu’en
tend la loi par ces mots : parfait paiement ; comprennent-ils le paie
ment du capital, des intérêts et frais, 857. — La faculté laissée au
créancier n’est qu’une conséquence de la solidarité : quid si cette
solidarité n’existait pas, 858. — L’admission du créancier à la fail
lite de la cauthn solidaire, même avant l’échéance de la dette, ne
saurait être refusée, 858. — Peut-il prendre part aux distributions
ordonnancées avant l’échéance de sa créance, 859. — La faculté ac
cordée par l’article 542 ne peut aller jusqu’à autoriser le créancier à
recevoir plus qu’il ne lui est dû ; à qui appartiendrait l’excédant, et
comment serait-il réparti, 859 et suivants — Quel est, du tireur
pour compte ou de l’accepteur, celui qui est garant de l’autre, 873
et suivants. — Le paiement fait par le débiteur solidaire avant la
faillite libère les autres codébiteurs ou cautions ; influence de ce
paiement sur l’admission des créanciers aux faillites nées ultérieu
r e m e n t-, 875 et suivants.
�486
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Stellionat. — Indépendamment de son droit hypothécaire, le créancier
a la contrainte par corps contre le débiteur stellionataire, 977. —
Cette action est-elle éteinte par le concordat, 078 et suivants, i—
Dans tous les cas, elle n’est ouverte qu’après l’entière distribution
du prix des immeubles, 982.
Subrogation. — La masse de la caution qui aurait payé tout ou partie
de la créance serait subrogée aux droits du créancier contre le dé
biteur principal et les autres coobligés ; effets de cette subrogation,
860. _ La subrogation ne sort pas à effets si, tous les débiteurs
étant en faillite, le créancier principal a produit dans chaque fail
lite, 361. — Le débiteur resté solvable ne peut non plus exercer
aucun recours contre la faillite de,ses débiteurs, si le créancier a
déjà retiré le dividende afférant à sa créance; 862 . — L’action récursoire résultant de la subrogation n’est prohibée que contre la
faillite et non contre le failli; conséquences, 863 et su iv an ts.—
Le paiement partiel fait avant la faillite permet au coobligé de se
présenter à la faillite de ses co-débiteurs et d’y prendre le divi
dende en proportion de ce que chacun doit pour sa part, 878 et
suivants.
Surenchère. — Le droit de surenchérir est ouvert à tout le monde, dans
la quinzaine de l'adjudication, 1092 et suivants, s - Les formes en
sont réglées par le Code de procédure civile, 1095. — Les syndics
sont-ils recevables à la réaliser, 1096.
Sursis. — Le sursis à la convocation pour la délibération sur le con
cordat peut être ordonné par le •tribunal de commerce sur les con
testations nées de la vérification des créances, 478 et suivants. —
Le créancier intéressé peut contraindre les syndics de mettre le tri
bunal à même de statuer, 485.
Dans quel cas peut-on surseoir à voter sur le concordat, voyez
B a n q u e r o u te f r a u d u le u s e , B a n q u e r o u t e s i m p l e .
Sur l’homologation du concordat, voyez
C o n c o r d a t.
Suspension des paiements. — N’est plus reconnue par le. législateur,
27.
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
Syndics — L ’administration des syndics provisoires est indépendante
du juge-commissaire, 180 — Remplissent les fonctions autrefois
confiées aux agents, 154.— Doivent en conséquence provoquer
l’apposition des scellés, 254. — Recouvrent-les billets à courte
échéance qui sont extraits ou dispensés des scellés, 282. — Reti
rent les sommes dues au failli, sans l’autorisation du juge-commis
saire, 283. — Obligation de verser les fonds à la caisse des dépôts
et consignations, 284. _ Ouvrent les lettres adressées au failli
qu’ils appellent à assister à cette ouverture ; mode qu’ils doivent
suivre, 285, 287. — Doivent clore les livres en présence du failli,
315. — Doivent sommer le failli de se présenter dans les quarantehuit heures, 316. — Cas dans lequel ils sont dispensés de cette
sommation, 3i7. — Donnent leur avis sur le secours à accorder
au failli, 309 — Peuvent appeler de la décision dn juge-commis
saire, 311 et suivants. — Ont qualité pour poursuivre l’incarcéra
tion du failli, 202 — Dressent immédiatement le bilan si le failli
n’en a rédigé aucun, 322 et suivants. — Requièrent la levée des
scellés dans les trois jours de.leur entrée en fonctions, et procèdent
à l’inventaire, 335 et suivants. — Administrent les immeubles du
failli, 366. — Vendent les objets sujets à. dépérissement ou dispen
dieux à conserver, avec l’autorisation du juge-commissaire, 265.
— Sont nommés directement par le tribunal, 215. — Qualités
requises pour pouvoir être syndic, 221 et suivants. — Indemnité
qui leur est accordée, 227 et suivants. — Les syndics maintenus
ou remplacés sont définitifs, 222 ( 2 ). — Le tribunal peut mainte
nir les syndics, quoique les créanciers aient donné un avis con
traire, 220. — Peuvent être remplacés à toute époque ; forme de ce
remplacement, 231 et suivants. — Peuvent être révoqués ; pour
quelles causes, 246, 247, — Qui peut demander la révocation ;
comment est-il procédé sur la demande, 250 et suivants. — Com
ment est-il pourvu au remplacement des syndics révoqués, 253 et
suivants. — Les syndics définitifs procèdent à la liquidation de la
faillite jusqu’au concordat ou à l’union, 222. — Sont solidairement
responsables de leur gestion, 235. — Exception à ce principe dans
le cas d’une gestion spéciale formellement autorisée, 238 — Seuls
responsables de leur gestion, ils ne peuvent être contraints à y em
ployer le failli, 399. — Doivent prendre toutes les mesures néces-
�488
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
saires à la conservation des biens et droits du failli, 409. — Ils
doivent faire toutes exécutions contre les débiteurs du failli, ins
crire et renouveler les inscriptions à prendre ou prises par lui, 413
et suivants. — Doivent être unanimes dans les actes de leur admi
nistration ; comment se règle leur dissidence, 463. — Leurs fonc
tions cessent après l'homologation du concordat, 620. — Ils doivent
en conséquence remettre au failli l’universalité de ses biens, livres
et papiers, après avoir rendu compte de leur gestion. 621. — A qui
et comment ce compte est-il rendu, 621, 622. — Les syndics de
l’union continuent de garder l’a'etif de la faillite, de représenter le
failli et la masse chirographaire, 753, 758. — Le remplacement des
syndics de l'union s’opère dans les formes prescrites pour celui des
syndics provisoires ou définitifs, 797.
T ierce- opposition — Les jugements rendus contre la personne du failli
après le jugement déclaratif, peuvent être frappés de tierce-opposi
tion par les syndics, 365 — Les créanciers hypothécaires peuvent
frapper de tierce opposition les jugements relatifs aux immeubles
qui leur sont affectés, et lors desquels ils n’ont été ni présents ni
appelés ; il§ ne sont pas, quant à ce, légalement représentés par les
syndics, 755, 756.
T iers-porteur. — Voyez R a p p o r t à l a m a ss e .
T ireur. — Quel est, du tireur pour compte cm de l’accepteur, celui qui
est le garant de l’autre, 873 et suivants.
T raité, — Après le jugement déclaratif peut-il intervenir un traité au
tre que le concordat, 526 ( 3 ). — Les traités particuliers, inter
venus entre un failli et ses créanciers, sont-ils valables, 545. —
Les traités particuliers, desquels il résulterait pour les créanciers
un avantage à la charge de l’actif, ou qui auraient pour objet le
vote dans les délibérations de la faillite, sont sévèrement proscrits
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
489
par la loi ; origine de cette disposition, 4284 et suivants. — Dans
quelle hypothèse le traité sera-t-il censé avoir eu pour objet le vote
du créancier, 1285 et suivants — L'absence d’un jugement décla
ratif ne crée aucune fin de non recevoir contre la poursuite, 1290.
— Conséquences du traité; peine contre les créanciers, 1288. —
Nullité de la convention opposable par toutes personnes, même par
le failli ; restitution à qui de droit des sommes reçues, 1292. —
Tribunaux compétents pour statuer sur la nullité, 4293 — L’ac
tion civile peut être exercée avant ou après l’action correctionnelle;
influence de celle-ci sur la première, et réciproquement, 4294. —
Si la nullité est opposée incidemment devant un tribunal civil, ce
lui-ci doit en renvoyer la connaissance au tribunal de commerce,
4295. — Le créancier poursuivant peut-il obtenir des dommagesintérêts, 4296.— Le délit existe et la peine est encourue alors
même que le concordat a été rejeté, 1297. — Q u id du mandataire’
du créancier, 1297 b i s . _Est-ce par la prescription de l’article
1304 du Code civil, ou par celle de l’article 638 du Code d’instiuction criminelle, que s’éteint l’action, 1298. — Point de départ de
la prescription, 4298 b is.
T ransaction. — Les syndics sont autorisés à transiger dès l’ouverture
de la faillite ; 381 et suivants. — Conditions qui leur sont à cet
égard imposées, 387 et suivants. — Devant quel tribunal doiventils poursuivre l’homologation, 392. — Le failli doit être présent ou
appelé ; effets de son opposition, 393. — Peut-on appeler du juge
ment, 394. — Après l’union les syndics peuvent transiger tant sur
les droits immobiliers que sur les droits mobiliers, nonobstant le
refus du failli, 783, 784. — Mais celui-ci n’en doit pas moins être
appelé à la transaction et à l’homologation, si elle est nécessaire,
785 — La violation de cette obligation entraîne nullité, 786. —
Il ne saurait intervenir de transaction entre les syndics et le failli
condamné pour banqueroute frauduleuse, 788.
T résor public. — Fait l’avance des premiers frais de la faillite, 206 et
suivants. — Mode de remboursement, 208, 210.
T ribunal civil. — Est seul compétent pour homologuer la transaction
sur des droits immobiliers, 392. — Dans quels cas pourra-t-on ap
peler du jugement, 384. — Le tribunal saisi de contestations nées
dans la vérification des créances, peut ordonner avant le jugement
�490
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
a u fo n d l ’a d m is s io n p r o v is o ir e d u c r é a n c ie r , j u s q u ’à c o n c u r r e n
ce
d ’u n e
som m e
d é te r m in é e , 4 8 3 ,
484. — L e
t r ib u n a l
c o rre c
tio n n e l o u c r im in e l, s a is i d ’u n e p o u r s u i t e e n b a n q u e r o u te s im p le o u
f ra u d u le u s e , n e p e u t s t a tu e r s u r la d is p o s itio n d e s b ie n s ; il n e p e u t
d o n c a c c o r d e r d e s d o m m a g e s - in té r ê ts
à p re n d re
s u r l ’a c tif, 1 3 0 2 ,
1 303.
T ribunal de commerce, — Prononce la faillite d’office, ou sur la décla
ration du failli, ou sur la demande d’un créancier, 43. — Fixe l’é
poque de la cessation des paiements, 59. — Nomme un juge-com
missaire, 146 — Ordonne l’apposition des scellés, 169. — Ordonne
l’incarcération du failli ou la garde de sa personne par un officier de
police ou de justice, 174. — Statue en appel sur les ordonnances
rendues par le juge-commissaire, 161. —
—Nomme un ou plusieurs
syndics, 215. — Statue sur leur maintien ou leur remplacement,
220. — Adjoint ou remplace un ou plusieurs syndics, 233. — Ré
voque ceux précédemment nommés, 246. — Fixe l’indemnité qui
leur est accordée, 226. — Statue sur l’homologation des transac
tions sur droits mobiliers, 392. — Sur les contestations des créan
ces qui lui sont renvoyées par le juge-commissaire, 461. — Le tri
bunal saisi par le renvoi doit prononcer dans le plus bref délai ; il
peut ordonner qu’il sera fait enquête par le juge-commissaire, 474.—
Le tribunal saisi peut ordonner qu’il sera sursis jusqu’après le juge
ment à la délibération du concordat, 478 et suivants.— Cas dans le
quel le sursis est forcé, 479. — Si le sursis est rejeté, le tribunal
doit prononcer que le créancier sera provisoirement admis pour
une somme déterminée, 481. — Exceptions à cette règle, 482. —
» De quelle manière est-il statué sur l’admission provisoire et le sur
sis, lorsque la contestation est déférée au tribunal civil, 483. — Dans
tous les cas, l’admission provisoire n ’est que facultative pour les
tribunaux, 484.
S ta tu e s u r l ’h o m o lo g a tio n d u c o n c o r d a t, v o y e z C o n cord ai.
O r d o n n e d e s m e s u re s c o n s e r v a to ir e s d a n s l e c a s d e p o u r s u i t e s e n
v
b a n q u e r o u te f ra u d u le u s e ,
649. — D o it n o m m e r u n n o u v e a u ju g e -
c o m m is s a ire e t d e n o u v e a u x s y n d ic s s u r l e v u d e l ’a r r ê t d e c o n
d a m n a tio n p o u r b a n q u e r o u te f r a u d u le u s e , o u p a r le ju g e m e n t q u i
a d m e t l ’a n n u la tio n o u l a r é s o lu tio n d u c o n c o r d a t, 4 5 5 e t s u iv a n ts .
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
491
-W J
U n io n . — L’union n’est plus aujourd’hui un contrat ; elle existe de
plein droit par le refus du concordat ou son annulation, 716 et
suivants. — Le juge-commissaire en proclame l’existence 718. —
Cette déclaration doit être constatée au procès-verbal, 719. — Dé
rogation au Code de commerce relativement au syndicat, 720 et
suivants. — Les créanciers sont seulement interrogés sur le main
tien ou le remplacement des syndics, 723. — Les créanciers hy
pothécaires ou privilégiés sont, quant à ce, assimilés aux créanciers
chirographaires, 725. — Le tribunal prononce sur le vu du procèsverbal contenant les dire et observations des créanciers, 724. —
L’union étant une communauté accidentelle d’intérêts, la mission
des syndics est de la faire cesser le plus tôt possible, 759. — L’u
nion laissant subsister la faillite, la mission du juge-commissaire
continue jusqu’à la liquidation définitive. 775. — Les créanciers
en état d’union doivent être convoqués au moins une fois dans la
première année ; pourquoi le soin de cette convocation a-t-il été
laissé au juge-commissaire, 790 et suivants. — Objet de cette réu
nion, 794. — L’utilité d’une convocation pour les années subsé
quentes est laissée à l’appréciation du juge-commissaire, 795. —
L ’union est dissoute par la liquidation de la faillite, 798, 820 et
suivants.
*W
V e n d e u r . — Le vendeur d’effets mobiliers non payés avait, sous le
Code, un privilège et le droit de revendication, 945. — La loi ac
tuelle lui refuse l ’un et l’autre, 946. — Effet de cette dérogation
pour les ventes faites sous l’empire de l’ancienne loi, 947 et suiv.
�492
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
— La disposition de l’article 550 s’applique au vendeur de meubles
incorporels, 950.
Vente . — Distinction entre les effets mobiliers et les marchandises.
377. — Le juge-commissaire peut autoriser la vente des uns et des
autres, 374, 375. — Sa décision est en dernier ressort, 376. —
Avantages et inconvénients de la vente aux enchères, 378. — C’est
au juge qu’il appartient de déterminer le mode de vente et de dési
gner les officiers publics par l’entremise desquels elle se fera, 379 et
suivants.
Après l ’union, les syndics doivent vendre les meubles et les im
meubles du failli, voyez M e u b le s , Im m eu b les.
L’union peut être autorisée à vendre à forfait les droits et actions
du failli dont le recouvrement n ’aurait pas été opéré , 1064. —
Etendue de cette faculté, 1065. — Doit être votée par les créan
ciers ; à quelle majorité ; doit être homologuée par le tribunal,
1066 et suivants. — Le failli doit être appelé à l’homologation,
sous peine de nullité dont il peut seul exciper, 1071 et suivants. —
Comment le jugement est-il rendu et exécuté, 1044, 1075. —
Faute par les syndics de provoquer la vente, cette vente pourrait \
être demandée par les créanciers, 1 0 7 6 .— Les ventes consenties
par le failli, avant sa faillite, sont de plein droit résolues en faveur
de la masse, sauf les dommages-intérêts de l’acquéreur, 1164. —
Les ventes faites au failli doivent sortir à effets, si les syndics of
frent d’exécuter les engagements pris envers les vendeurs, 1 1 6 6 .—
Cette offre doit être autorisée par le juge-commissaire ; comment
est-elle exécutée, 1167,1168.
au com ptant . & Le prix des ventes au comptant après la ces
sation de paiements n’est pas sujet à rapport, 1 2 0 ( 2 ).
V en t e s
des créances . — But et objet de cette formalité, 417___
Modification que la loi nouvelle lu i a fait subir, 419. — Obligation
des créanciers de faire le dépôt de leurs titres entre les mains du
greffier on des syndics ; caractère de ce dépôt, 420 et suivants. —
Ce dépôt est forcé après le jugement qui maintient ou remplace
les syndics provisoires ; conséquences, 424. — Substitution d’un
délai franc-de vingt jours à celui uniforme de qnarante jours ac>
V érification
�DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
493
cordé par le Code, 426. — Délai pour les créanciers résidant hors
France, 429. — L a vérification doit s’ouvrir trois jours après l’ex
piration des délais accordés aux créanciers domiciliés en France ;
de quel moment ces trois jours commencent à courir, 430, 431. —
Nécessité d’une nouvelle convocation ; à quelle époque et par quels
moyens doit-elle être faite, 432, 433. — Innovation sur le mode de
la vérification ; conséquence quant au droit des créanciers d’y as
sister, et quant au moment où elle doit commencer, 434 et suiv.
— Quid pour les créanciers hors France, 437. — L e créancier
qui a perdu son titre peut le suppléer et assister à la vérification,
439. — Le failli a également le droit d’y assister, 440. — L’as
semblée est présidée par le juge-commissaire, 438. — C’est lui qui
doit d’abord vérifier la créance des syndics, 441. — Les autres
créances sont vérifiées contradictoirement entre le porteur et les
syndics, 442. — Elles peuvent être contestées par les autres créan
ciers, même après leur admission, 443. — Les syndics ne sont pas
obligés de poursuivre sur les contestations soulevées par les cré
anciers, s’ils ne les croient fondées, 444. — Le failli peut con
tester les créances, mais il ne peut exercer ce droit que par le m i
nistère des syndics, 445. — Ou par l’entremise d’un créancier,
446. — A défaut des uns et des autres, le failli fait insérer ses
protestations qu’il peut réaliser lors de la distribution de l’actif,
447. — L a clôture du procès-verbal rend non recevables toutes
contestations ultérieures, 448. — Mentions que doit contenir le
procès-verbal, 449 et suivants. — Les créanciers présents au m o
ment de la vérification, et qui n’ont pas contesté, ne peuvent le
faire plus tard, 456. — Toutes les créances, excepté celles résul
tant d’un jugement passé en force de chose jugée, sont susceptibles
d’être contestées, 4 5 7 .— Faculté qu’a le juge-commissaire d’or
donner la communication de tous documents et même l’apport des
livres ; comment il est procédé à cet apport, 458, 459. — L a dé
cision du juge peut être provoquée ou rendue d’office ; différence
dans les effets, 460. — Si les énonciations des livres sont insuffi
santes ou contradictoires, le juge renvoie au tribunal ; droit de ce
lui-ci de déférer le serment, 461. — Distinction dans le caractère
de la créance ; mention si elle n ’est qu’éventuelle, 472. — En ma-
�:
'
„
*
•
'
494
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
;■•»
tière de vérification, le juge-commissaire est sans attribution pour
connaître des contestations ; il doit done renvoyer devant le trib u
nal de commerce, 473. — Doit, en cas d’enquête, recueillir par
écrit les dépositions, 475. — Le juge-commissaire peut ordonner le
dépôt au greffe du titre contesté, 476.
V o it u r ie r s . — Les voituriers ont droit de retenir la chose voiturée, jus
qu’à paiement des frais de voiture et dépenses accessoires, 919.
FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE
DES TROIS VOLUMES
Vio! /,<//>>
V
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A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
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Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
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Title
A name given to the resource
Traité des faillites et banqueroutes ou Commentaire de la loi du 28 mai 1838, 5e édition revue et mise au courant de la doctrine et de la jurisprudence
Subject
The topic of the resource
Droit commercial
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bédarride, Jassuda (1804-1882)
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-20983/1-3
Publisher
An entity responsible for making the resource available
L. Larose (Paris)
A. Makaire (Aix)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1874
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/234482702
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-20983_Bedarride_Traite-faillites_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
3 vol.
XXIII-535, 494, 494 p.
21 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/332
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Commentaire de la loi du 28 mai 1838
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
Présentation et analyse de la loi sur les faillites, sur le fonctionnement des syndics, sur les différentes espèces de créanciers et sur les banqueroutes.
Abstract
A summary of the resource.
Jassuda Bédarride, jurisconsulte provençal et avocat au barreau de la Cour d’Aix-en-Provence, a consacré un commentaire en trois tomes sur la loi du 28 mai 1838 portant sur les faillites et les banqueroutes. Celle-ci a instauré des assouplissements dans la législation.
Initialement, les ordonnances de Colbert de 1673 faisaient de la faillite un moyen de répression du débiteur défaillant. Le Code de commerce de 1807 a entériné cette vision des faillites qui ne favorise pas le règlement des créanciers. Grâce à la loi de 1838, cette conception va reculer. Toujours dans ce mouvement, une loi du 22 juillet 1867 va supprimer la contrainte par corps contre le débiteur défaillant. L'auteur part des textes originaux du Code de commerce qu’il actualisent au fur et à mesure qu’il les commente.
- Le premier tome traite de l’application dans le temps de la loi, de la déclaration de faillite et ses effets ainsi que des fonctions des syndics.
- Le second tome achève de traiter les fonctions des syndics pour aborder le concordat puis les différentes espèces de créanciers et leurs droits.
- Le dernier tome finit le chapitre sur les créanciers et commente les dispositions sur la répartition des biens entre les créanciers ainsi que les banqueroutes et la réhabilitation.
Résumé Morgane Dutertre
Banqueroute -- Législation -- France