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FACULTÉ DE DROIT D'AI X
THESE
POUR
LE DOCTORAT
Prés ent.Je cl soutenuo
PAR
Joseph
REVER.OIN
AVOCAT
MARSEILLE
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�P HEM IÈRE PARTIE
DROIT ROMAIN
De la Cession d'Actions
�DROIT ROMAIN
DE LA C ESS ION D'ACTI O NS
CHAPITRE I•'
Des for mes de la cession .
Si l'on considère une cession de créance réalisée,
il sera facile d'en dégager deux éléments : la cause qui
a déterminé la transm ission du droit et le procédé au
mGyen duquel cette trans mission s'est opérée.
La cause est variable, comme les circonstances qui
peuvent motiver la transmission d'un bien quelconque.
Tantôt ce sera une vente, une donation, une cot1stitution
de dot ou to ut autre acte juridique qui suppose le concours de deux volontés, tantôt elle résidera dans la loi
elle- même, lorsqu'il s'agira d'une cession nécessaire.
Mais admettons la cause existante; quel en sera
l'effet? Sans doute le cessionnaire pourra recevoir le
paiement, si le débiteur consent à le lui faire, ou exiger
du créancier qu'il exe1·ce son action con tre le débiteur
e t lui en transfère le bénéfice: mais pourra-t-il intenter
directement des poursui tes contre le débi teur? Non '.
�-
iO -
De même que le seu l contrat de 'ente ne suffit pas pour
déplacer la propriété d'une chose corporelle et qu'il faut
encore la tradition, de même, pour que la cession atteigne son but , à la jitsta causa devra se joindre un
procédé particulier qui lui donnera son efficacité.
Ces procédés ont varié avec les diJTérents systèmes
de procédure successivement adoptés par le droit romain;
sous le Système des Actions de la loi on se servait de la
délégation, Je Système F ormula ire a mena la procuratio
in rem suam qui s'améliora de plusieurs modifications
importantes, et enfin les Actions utiles vinrent compléter
l'œuvre du législateur.
Le principe d'ou étaient partis les Roma ins était
l'incessibilité des créances. Envisageant l'obligation
comme un rapport juridique essentiellement attaché à
l'individualité de chacun des deux contractants, ils en
avaient conclu qu'il était impossible de changer un des
termes du rapport sans faire disparaitre l'o bligation
elle-même; et cette conception, un peu subtile au p remier abord, nous semble, en allant au fond des choses,
d'uue rigourettses exactitude. Toutefois , quand la vie
sociale à Ro me se fut activée à la suite des conquêtes du
dehors et du développement intérieur de la nation, on ne
tarda pas à reconnaitre quels inconvénients il y avait à
mettre hors du commerce une catégorie de biens que
les progrès de la ciYilisation rendaient Lous les jours plus
nombreux et plus considérables. Alors les jurisconsultes
inteninrent et, avec cette souplesse qni est le caractère
de la législation romaine, ils surent maintenir intact le
principe et par des détours ingénieux paralyser les
conséquences fâcheuses qu'il avait dans la pratique.
Gaius (Comment. II, § 38), parlant des règles.
c:ui vie:-; ~ous la procédure des Actions de la loi, après
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avoir é11u111éré les modes pa r lesquels se transmettent
les choses corpo relles, la tradition, l'injure cessio, la
mancip~tion, aj oute à propos des obligations: « Obliga-
tiones giwquo modo contractœ nihil eorum recir>iunt. » Puis il indique un moyen d'arriver pour les
créances a des résultats analogues à ceux de la tradition
de l'injure cessio et de la mancipation, el ce moyeu
n'est au tre que la délégation: << Secl opus est ut, ju-
bente me. tu ab eo stipulens; quce res efficit 'Ut a me
liberetur et incipiat tibi teneri,, quœ dicitur novatio
obligationis. »
La délégation aYait pour effet d'éteindre l'obligation
et d'en faire naitre une autre semblable à sa place. Par
là, le cessionnaire ou délégataire n'anit plus à craindre
de se voir opposer les exceptions personnelles au cédant,
rt il n'était pas exposé non plus à se trouver en conflit
avec un second délégataire , le cédant n'ayant pu déléguel'
11ne seconde fois l'obligation déjà éteinte.
Mais à cô.té de ces avantages la délégation présente
del\x graves inconvénients: l° Elle ne peut s'effectuer
qu'avec le consentement du débiteur : « Delegatio
debiti_, ni'si consentiente et stipitlanti promittente
de bitore, jure per fici non pot est » (L. 1. C. De novot.
et cleLeg. 8.42), et il faut s'attendre à rencontrer souYenl
une résistance de sa part ; 2° La créance primitive, en
disparaissant, en traine avec elle les sûretés, gages et
'\lypothèques qui lui étaient attachés, à moins de réserYes
expresses : « Novata cmteni debiti obligatio pignus
perimit; nisi conve11,it ut pi,rpws repetaf?.tr » (L. 2 ~
\ D. D e Pigner. act. 13. 7).
Auss i longtemps que le S.)'Stème des actions de la
loi fut appliq ué, Ja délégation demeura }e SC\11 moue,
\U.Odc très imparfait, rlc céde r les r réancPs. Ce ne fut
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que lor::;que les loi:; Julia cl Œl.Julia curen t amené le
yslème Formulaire, qu'un nouYeau procédé pu l è lrf'
employé. Il résidait dans le mandai, el, ::;i l'on ne l'avail
pas mis en œuvre auparavan t. c'est que le Système des
Actions de la loi n'admettai t pas la représentation en
justice, sauf dans quelques cas exceptionnels, savoir :
La procuratio i11 reo1 sua111 rernéùiail au:-. cleux
i ncon vén ien ts qne nous avons reconnus à la délégation :
elle s'accomplissait san~ qu' il y eut Lesoiu du consen tement <lu déb iteur, elle laissa it subsister les sûretés qui
garantissa ient la créance. (L. 3, C. De he1·ed. vel. act.
i-end. 4. 39).
Pro pop·u lo, pro libertate, pro tutela, pro captivis
et absentibus et pro peregrinis (Gaius, Comment. IV,
Cependant le syslèinr que nous venons d'exposer
était encore défectueux à bien des égards. La procuratio in 1·em suam ne constituait qu'un mandat; si
on arriYa it à la titis contestatio, les effets en étaient
définitivement réa lisés dans la personne du procitrator.
mais jusqu'à ce moment le sorl de la cession demeurait sournis au:-. vicissit11des qui sont le propre de tout
mandai. Le cédanl ui1 mandant pom·ait révoquer la
procuratio ,· elle pouvait s'éteindre par la mort du
mandant ou rlu mandataire. Au cas de rn ort du mandataire, ses hériti ers Llevaient sol liciter un nouveau mandat
du mandant ; au cas de morl de ce dernier, le mandataire devait s'adresser, dans le même but, à ses h éri tiers
et si la succession était si.ne herede, il ne pouvait
plus faire valoi r son droit (Gains, Comment. III,~ 160.L . 1. C. D e oblir;. et act. '1.10).
Ces dange r~ rrconnus, le droit prétorien et surtout
les constitutions irnprrinlcs Yinrenl donner le moyen dr
les chiler.
Il était adrnis que le mandat ne pouYait être ré,·oqué que re&us adhuc inte;;ri, . Ulpien e t Paul indiquenl
que, si un pacte est int erYenu entre le cessionnaire et le
débiteur, il devient opposa})lc au cédant qui pourra être
repoussé par une exception de dol ; les choses ne sont
plus entières après cc pacte (L . 10, § 2, 11 et 12 D.
De pactis, 2.14). Paul décla re que le serment déféré
p:.ir le procurato1· in 1·eJ11 ~ua111 liera le mandant· sur
~
82.)
Sous le Système Formulaire on put se faire représenter en justice. On en profita pour créer un mandat
ad litem spécial, par leque l l'acheteur de la créance
recevait pouvoir d'exercer l'action contre le débiteur el
en même temps était dispensé de rendre compte au
vendeur: de là, le uom de procuratio in rem, suam,
donné à un mandat Jans lequel le mandataire gardait
pour lui tout l'émolument de l'op ~ration.
Ainsi donc, ce qui était cédé, ce n'était pas l'obligation, mais l'action qui en découlait. On arrivai t à ce
résultat au moyen d'un léger changement introduit dans
la rédaction ordinaire de la formule délivrée par le
préteur; l'intentio, qui exprimai! le rapport d e droit
existant entre le créancier et le débileur, était toujours
conçue au nom du mandant ou cédant , mais la condemnatio était conçue au nom du mandataire, comme Gaius ·
l'ex pose et l'explique lui-tni!me par un e xemple: cc JYam
si, i·erbi gratia, L ucius Titius pro Publio i\llœvio
agat, ita formula concipitvr: Si paret nwneriiw1
Negidiuvi P itblio il!fœvio sesterti·um decem 1nillia
dare oportere, judex Nunierimn Negidiurn Lurio
Titio sestertium decem J/iillic1, condem11a , si 11011
paret absolve.» (Gaius, Comment. IF, ~ 86) La
ronséquence r lail rpt l' l'rff'fin jur/frfJ,{; apparll'11ait au
rrrnnr!alairc
}
�- Hde nouvelles poursuites tle sa part, le dé biteur qui a
juré ne rien de,·oir pourra se défendre par l'exceptio
jujurandi (L . 17, § 2. D. jurejur. 12. 2).
Des dispositions plus importantes résul tèrent des
cons tituLions impériales. Dans un rescrit de l'année 240,
l'empereur Gordien, r épondant à un cessionnaire de
de créances qu i se lrouYait dans l'embarras, dit: « Si
delegatio non est intuposita débitoris t ui, ac propterea actiones apitd te remanserunt, quamvis creditori tuo adversus eum. solutioais causa mandaveris
action.es, tamen, antequam, lis contestetur, vel aliquid ex debito accipiat, vel debitori tuo denuntiaverit, exigere a debitore tuo debitam, quantitatem non
vetaris et eo modo tui creditoris exactionem contra
eum inhibere >l. (L. 3. C. De nfJVat et deleg. 8. 42.)
D'après ce monument législatif, trois faits avaient
même Yaleur et rendaient également la procuratio in
rein suam irrévocable, c'étaient : la lit is contestatio ,
le paiement partiel et la denuntiatio.
Nous avons parlé de la titis contestatio; le paiement
partiel ne donne lieu à aucune difftcul té; il nous reste à
nous occuper de la de1tuntiatio.
Plusieurs questions se posent à propos de la denuntiatio. D'abord qu'est-ce que la denuntiatio? La plup~rt
des auteurs y ont vu un cas de la lit1s denuntiatio,
mode d'ajournement que Marc-Aurèle aYait substitué au
vadimonium et clans lequel était contenu ayec l'assignation à comparaitre l'exposé sommaire de la demande.
Tous ne suiHons pas celte opinion, quelle que soi t
l'autorilé des interprètes qui y ont adh éré . En effet,
pourquoi se serait-on p réoccupé de donner à la litis
denuntiatio cet effet d'enlever au céda nt tout droit sur
la créance, a lors que la litis rontestatio , qui de vait se
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produi re peu de temps après, remplissait déj a ce but·?
On objectera en vai n que tou tes les demandes ne s' introduis aient pas par la titis denuntiatio, que pour
cer taines on se servait du libellits conventionis. Le
nombre de ces de rnieres, à l'époque de Gordien, était
trop p eti t p our qu'il ait pu les prendre en considération ,
en édictant une m esure géné rale. Du reste quelle raison
aurait porté cet empereur à fa ire une dis tinction entre la
litis denuntiatio et le libellus, et à. reculer jusqu'à la
litis contestatio la protection qu'il voulait accorder au
cessionnaire, lorsque la d emande était fai te per l?'bellum?
Nous p ensons donc que la denuntiatio est l'acte quelconque, le plus souYent extra-judiciaire, s ignifié par Je
cessionnaire au débiteur pour lui faire connaitre la
transmission de la créance .
Une autre question , qui a été l'objet de trés longues
controverses, est celle de savoir : s i la connaissance que
le débiteur aurait eu de la cession, en de hors de tout
fai t personnel au cessionnaire , ne suffirait pas pou r
l'emp êcher de se libérer entre les mains du créancie r.
Accurse a soutenu l'afûrm ation,ad legern u lt imam D. de
transactionibus et la négative ad legem 4. C. quœ res
pignori. Doneau montre la même incertitude déclarant,
ad legem 3. C. de novationibus, que d'après lui, le
débiteut· a u fait, n' importe comment, de la cession, ne
peut plus payer valablement au créancier, et décidant,
ad legem, 4 C. q11œ res pign01·i, que la denuntiatio
est une formalité absolument nécessaire pour cons tituer
ce débiteur en état de mauvaise foi. La discussion n
porté principalem enl sur l' interpréta tion de la loi 17 de
transactionibus au Digeste, qui lraile de la Yenlc
d'une h é rédi té, et qui dit qu'au cas où un débiteur de
l'hér éd ité aura it trans igé iwec le vendeur postérieu-
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remenl i1 la yenle, il pourrail propter ignorantiam
suani opposer l'exception transacti negotii à l'acheteur. L es partisans ùe l 'afnrmaliYe en tirent que lorsque
le débiteur ne pourra arguer de son ignorance, il sera
toujours tenu envers l'ach eteur, et ils assimilent l'espèce
du tex.te à celle d' une cess ion de créance. Nous nous
rallierons, quant à nous, à la négative pour deux. raions: à cause des termes de la cons titution , vel debit01·i
cuo denuntiaverit~ qui suppos ent une intervention
ùirecte et personnelle du cessionnaire; ensuite par ce
que, si une connaissance acqui se m ême fortuitement
liait le débiteur, Gordien n'aurait pas parlé de la litis
contestatio et du paiem ent p a rtiel qni ne p euvent se
produi re sans que le débiteur a it eu celle connaissance.
Grâce à la clenuntiatio, le cessionnaire é tait désormais à l'abri des tentatives du cédant sur la créance:
le paiem ent que celui-ci avait obtenu soit efiectiYement
soit par compensation , ne l'empêch a it pas de poursui vre
le débiteur. Mais, m ê me il ce mom ent, le procurator
n 'était point, d 'une maniè re absolue, dominus litis, el
il avait encore il c rainùre que le 1uandat s'éteig nît,
avant la litis contestatio, par sa propre morl ou celle
clu mandan t.
L es actions utiles supprimère11l ce dernie r obs tacle.
Une nouYelle constitution de Gordi en, promulguée en
243, donne une action utile à l'ach e teur d 'une c réance
crue le décès du Yendeur, a,·ant la litis contestatio, met
da ns l'impossib ilité d'exercer ses droits (L. 1. C. De
oblig. et act. 4. .10). Pour ce qui est de la m ort du cessionna ire, J ustinien nous apprend, en accordant le m ê me
b énéfi ce a ux. h éritiers du do nataire, que depuis l ongtemps
les héritiers du cessionnaire à tilre oné re ux. conservaient
Je droit d'agir : « nam sicut venditionis titulo cessas
0-
tH.:liones ctim,i ct11te litis conte::;tatiu11e111 w t huede.~
fransmitti pen1iittitur, simili ?Jtodo l'i donatas ad
eos transf erri 'l;O[umus, licet nulla co1itestatio cel
(acta vel petita sit. » (L. 33, C. de Donat. 8.54.)
P ar ces progrès s uccessifs, on en était anivé à faire
de la procitratio in rem, suam une institution qui
rempli ssait parfaitement le lmt qu'elle se proposait.
Cependant un pas encore p ouvait élre franchi: de nos
explications a u clébut de ce chapitre, il ressort que le
procuratio n 'était pas autre ch ose qu'un procédé, pour
réaliser une cession dont la Justa causa élait dans
un acte juridique antérieur. P ourquoi ne pas sous-entendre la procuratio lü oü elle <le,·a it intervenir ? C'é tait
un moyen dé simpl iflca tion qu i ne lJlessait en rien le::i
princip es, p uisque le mandat pouva it être tacite (L. 70, 0:
De reg. juris.)
L es R.om ains acceplèrenL cette idée. La première
application qu i en fu t faite, date d' un rescrit d'Antonin
Je Pieux.., qu i accorde les ac tions util es à l'achete~r
d 'une h érédité (1 . 16. D. De pacti3. 2. 14), On étendit
ensui te ce b én éfice il celui qui avait reçu en paiement
une créance ( L. 5. C. Quando fisc. rel primt. ), au
mari lorsque la dot a été constituée en créances
(L. 2. C. De oblig. et act.), il l'ac he teur d,une rréa~ec
(L. 8. C. D e hered. vel act. vendit, 4. 39), au légataire
d'une créance (L. 18. C. D e legatis. 6. 37), et on ~eut
admettre que, dans le dernier état du droit, .les actions
utiles appar tenaient il quiconque a,·ai t une Jll te cause
pom réclamer une. cession cle créance ..
Faut-il conclu re e n disant que, a ce moment, la
i·ègle de l' incessibi lité des cn'nnces él~it effacée~ ?e
au teurs très sérieu x l'ont sou tenu , el Jl-.; se ba:sa1e11l
sur ce fa it que l'on \·oya it les cessionuaire::> ug-ir suu
-J
�-
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nontine. Il y a là une confusion. Le cessionnaire esl
représenl~ comme ag issant suo nomine quand il exerce
l'action utile, qui a été créée pour lui, et par opposition
au cas où il exerce l'action <lirecte qu'il emprunte du
cédant et met en œuvre alieno nomine. Ma is au fond
' été changé i:t l'ancienne théorie : le cédant
rien n'a
dem eure toujours créancier, un mandat intervient encore
entre lui el le cessionnaire; seulement le mandat es t
tacite et l'action utile est le rn o<le nouveau par lequel il
se
manifeste .
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On a discuté, à tort, la possi uil i lP de c~dc1 certai11c :-.
ac tions.
Des auteurs onl nié qu'une spr•s actionis, u11 ·
action future qui n'exis te que comme éventualité ptH
devenir l'objet d' un Lra ns pol'l. Ils a rgumentent de ce que
l'expectative d' un d rn il ne cons titue pas un élément de
notre patrimoine. Telle n'est pas noll'e opinion: une
espérance est un Yél'i table bien, conditionn el il est vrai,
mais auquel il faut reconnaitre une va leur quelconque.
Du reste des tex.les formels consacrent cette solution ,
la loi 2 a u Digeste, liv. XVIII, lit. 4, el ln loi 3 au Code
de donationibus, où il est <lit: «Spem futurœ actionis
plena i'ntercedente donatoris i:olu ntale posse trans( erri, non immerito placuit. »
CHAPITRE II
Des actions qui peuvent être cédées .
On peul appliquer aux créances le principe formulé
par Paul: «Omnium rerum quas quis habere, vel pos-
sidere, vel perseqtti potesi, venditio 1·ecte fit; quas
vero natura , vel gentium j us, vel mores civitatis
commercio exuerunt, eorum nulla venditio est. »
(L. 34, § 1, D. XVIII, 1). La cessibilité est la règle,
l' incessibilité l'exception. Dès lors peuvent être transmises sans difficulté les ac tions civiles prétoriennes ou
naturelles ( L. 40, D. XXXVI, 1 ), réelles ou personnelles
(L. 9, C., De her. vel. act. vend.), nées d' un contrat
ou d' un délit (L. 35, § 4, XVIII, 1), pures et s imples, à
terme ou conditionnelles (L. 17, D. X VIll , 4), liquides ou
indéterminées dans leur quolilé ( L. 11 , D . XVIII, 4 ).
Des doutes ont aussi é té élevés à propos des obliga tions alternatives; on a prétendu que le droit d'option
ne passait pas au cessionnaire. Le contraire résulte
directement de la loi 75 ~ 3 de legat is au Digeste:
«Si quis ita stipulatus stichurn an decem, ufrum
ego velirn, qiwd ei debebatul', tenebitul' heres ejus, ·
ut pl'œstet legatorio actionem, electionem habituro,
utrwn stichum an decem. persequi malit. » Et quant
au texte que l'on in voque cla ns l'opinion adverse
(L. 7G, De verb. oblig.), il ùécitle seulement que,
lorsque le droit d'option a ura é té s tipulé par un esclave
ou un fils de famill e, il ne passera pas au maitre ou au
père. En conclure qu e le cessionnaire en est également
privé, ce serait raiso nn er a pari dans ùeux hypothèses
complètement ditTérenlcs, et méconnaitre que la dispos ition concernant le fils et l'esclave, Lient à un moti f
tout particulier « ea quœ {acti su nt, non transeunt ml
dorninuni ." (L . 44, D. XXXV, l ).
Il faut <lécicler dans le lm~me sens <rue le minelll'
�-
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pourra n\dè t' le bénétlce ùe la restit11tio in ititegrum.
ain<>-i le veul la loi 24. p1·. D. de mi1wrilms. La ra ison
d' hésiter est ici que l'action a pris sa source non point
dans un contrat ou dans un ùélit ma is dans un p rivi lège
personnel au mineur, le beneficium œtatis. Toutefois
s i un mineur cède tous ses droits, on ne devra y
comprendre la 7'estitutio in integnmi que dans le cas
où elle a été exprassément s tipul ée, parce qu' il s'agit
alor~ de l'honneur de la personne qui essaye de faire
tomber ses propres actes.
De nombreuses créances sont incessibles .
Des interprètes ont essayé a utrefois de faire une
diYision bien tranchée des actions à ce r)oint de vue
'
'
à l'aide de cette maxime: « quœ non sunt transmissibilia ad heredes non sunt cessibilia. » Deux exemples
suffiront pour démontrer la fausseté de cette règle.
L' usufruit qui s'éteint avec le titulaire peut faire l'objet
d'une cession , tandi s que les créances litigieuses sont
frappées d'incessibilité, bien que tra ns mi ssibles aux
héritiers.
Il serait difficile d' indiquer toutes les actions
incessibles; nous nous ronlenterons de signaler les plus
importa11tes:
Les actions populaires oot pour hut la sauveaarde
de l' intérêt public, plutôt que la poursuite d 'un i~térêt
particulier; elles pem·ent être intentées par tout le
monde, même par celui qui n'a pas été directement
lésé par le délit commis. Aussi on comprend facilement
la règle: « is qui movet popularem actionem procuratorem dare 1wrt potest » ( L. 5, XLVll, 23).
)fous range1·011s dans la mêm e catéaorie l'action
<l' injure dont le résullal doit être avant t~ut de venrrer
0
notre honne ur et irui à ce litre n'entre pas véritable-
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ment llans not re palrin1oi11e ( L . 28 D, De 111; . et (a111.
lib.) Cicéron indique lui-10~mc cette idée 1lans son
discours pro Cœcina: << mjurianl?n actio11e11111onjus
posse ssionis assequi, sed valo1·em imrni1wtœ libertatis judicio pœnaquc mitigare.»
Cujas adopte cette opinion, pour des raisons identiques, à l'égard Lle ta quercla ino(ficiosi testamenti:
l'héritier qu i en fait usage est censé agir m oins sous
l'em pire de la cupid ité que pour se relever de la ho nte
que lui a imprimée, aux yeux de ses concitoyens, une
exhérédation injuste.
L'action en révocation de donation est incessible,
les Em pereurs Constantin et Constance disent parce
que: << Ita pusonalem ~se volmnus ut vind icationis
tantum habeat ef!ectum » (L. 7. C., D e révoc. donat .)
El Cujas traduit: « Vindictam set~ idtionem tantum
persequatur non pecioiiam. »
Quelques actions n e peuvent être transmises, comme
dé rivant d'une créance essentiellement personnelle ;
telles sont l'action du patrou contre l'affl'anchi ingrat,
les actions d'aliments léguées ou données ?ilortis causû,
les droits d'usage ou d'habitation .
Enfin, au nombre des créances incessibles, il faut
encore placer les d ro its litigieux. qui furent l'objet d'une
réglementation particulière.
La possibilité d e transférer ces créances arnit donné
naissance, dans le Bas-E mpire, il des abus srnndaleux
de la part de spécula tenrc:: avides. Ils achetaien t les
cl roils litigieux moyem1ant un prix minime rt s'efforr;aienl ensuite J 'en relirer le plus haul émolument poss ible, en accablan t les débit eurs de \ ex.a.lions. L'empC'rett 1" Anasta se, le p re mier, se pn:·occupa de porter
rnmecle it llllC pareille si tuation, cl. par la ConstitutiLlll
�-
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22 :rn Clillc Jla11cluti. comute sous le 110111 ùe loi P er
Dii:ersrcs, il ùéciùa que b cession a litre gratuit vau-
lui incomber de ce chef. Mais , à nolre avis, les lois Per
Diversas et Ab Anastasio, ont changé complètement
drnit d'une manière absolue, mais que faite à litre
onéreux elle ne Yaucl ra il que dans la limite des déboursés
du cessionnaire, c'es t-à-tlire dn prix et ùes inté rê ts.
La réforme d'Anas tase était dirigée toute entière
contre les s péculateurs . Auss i maintint-il les effets
ordinaires de la cession dans quatre cas où la cession ,
bien que faite à titre onéreux n'était pas motivée par un
calcul coupable : 1° Lor que la créance est donnée en
paiement; 2° Lorsque la cession a lieu entre co-hériti ers;
3° Lorsqu'elle résulte d'une transaction ; -1° Lorsque la
cession est faite aux légatai res et fidéi-co mmissaires en
délinance de leurs legs.
~fais la pratique trouva Lien tùt le moyen de tourner
la prohibition; on déclarait vendre la créance jusqu'à
concurrence du prix convenu, et pour le surplus en faire
donation. Justinien intervint , et par la constitution dite
A.b A nastasio (L. 23. C. Jvlandati), il frappa de nullité
les donations partielles qni ne servaient qu'à déguise r la
vente ùe la créance entière. Le c·édé put se libérer vis-à,·is du cessionnaire en lui offrant le montant de ce qu'il
avait lui-même payé, et la créance était s i Lien éteinte
que d'après hl . i\Iachelar<l, reproduisant l'opinion de
.ll. <le Wangerow, il ne subs is ta it même plus une
obligation naturelle (Oblir;. aatur. p. 517 et s .)
Une question importante reste à trancher : A qui
incombe-t-i l de prouver que le cessionnaire a payé tel
p1·ix? Est-ce au cessionna ire ou au débiteur pours uivi?
Les auteurs sont di visés. A s'eu tenir aux règles du
droit commun, le cession na ire n'a urait qu'une chose à
démontrer: sa qt1alité <le ccssio1t1taire , el s i le céùé
iu,·011ue une lil)ération partielle, l'orws proùa11di dcYl'ail
la position respective des parties. L'action du cessionnaire est limitée par les textes au prix. payé, usque
ad ipsarn tanturnmoclo solutarum pecuniarum
quantitatem et usurarum ejas; le prix. payé, telle est
la mesure de la prétention du cessionnaire, et comme
tout demandeur doit justifier sa prétention, la preuve
des so mmes versées entre les mains du cédant est
désormais à la charge du cessionnaire.
CHAPITRE III.
Des cas de cessions nécessaires
Si l'on passe en revue les différentes hypothèses
dans lesquelles les jurisconsultes romains ont imposé la
transmission des actions , on se convaincra facilement
qu'il est impossible de les rattacher à une règle générale et d'en faire nn corps de doctrine . Inventées ,
comme de véritables expédients, au fur et à mesure que
des b esoins nouveaux se manifestaient dans la société ,
les cessions nécessa ires tendent toutes à un but unique:
faire passer d'une personne à une autre l'exercice d'un
droit que l'équité réclame pour celle dernière, et qu'une
législation formaliste ne permet pas de lui donner
directement. Mais c'est là le seul point par lequel elles
�-2.l -
"e toud1c11t: leur:> l·ause:; ::.011l aL::.olurnent tl1sse mb lalJl e~,
et c'est ù peine si l'interprt•te. pour 111ellre un peu d'o rdre
da11s celte confusion. pent présenter ensemble certaine"
lléci -ions \·ois111es.
~ [
Le pnncipe: ?\ul ne peut s'enrichir aux dépen~
d'autrui, est <le tous les temps. \ "oici deu" cas où il a
trouvé son application en Jroit Romain.
A.- Primus, qui <le\'ail liner un objet a Secundus,
en a perdu la possession. mais sa responsabilité n'est
pas engagée. Pour se libérer, il doit céder au créancier
les actions qu'il peut a\·oir, ü l'effet de recouvrer soit la
chose, soit la valeur ùc cette chose, en vertu de la règle ·
,< Qui actionem Habet ad re11i 1-ecuperanclam, ipsmn
rem Habere i•idetur. » EL au cas où il ne s'exécuterait
pas de plein g ré, le législateur élaLlit lui- même le
transport des actions .
B .- Dans la mème hypothèse, Primus est responsa bl e de la perte de la possession. Il devra rendre le
créancier indemne de tout le préjudice qu'i l subi t; mais
c est lui alors qui succédera aux actions ùont le créancier
dispose et au moyen desquelles il obtiendra la valeur
entière ou partielle de l'ohjet perdu .
Au premier cas se rapportent les décisions suivantes:
l
Le Yendeur, à qui un cas forlu it a rendu la
prestation de la chose impossible, n'encourt aucune
responsabilité, car inf Pritu rei ce1·tœ debitor liberotur
tlnst. D" empt. et l'e11d .. ~ ~). ?ilais consenera-L-i l les
ar ti0115r111i111i co 111 pi" lcnt , I'al'( 1011 (u 1·t i ,1a 1·eiren d icat io
0
-
2;; -
l'action legis aquiliœ '! E\ i<lein111ent nou, il serd1t
injuste qu'il bénéftciùt du prix et pùl demander à un
lier:;, la représenlation ùc la chose (L. 31, D. XIX, 1. )
2° L'héritier apparent qui a vendu la chose hériditaire doit céder au vé ritable héritier les actions qu'il a
entre les mains, par exemple l'action venditi, efficace
s'il n'a pas reçu le prix (L. 20, S17. D. V. 3.)
3° Un animal a causé du dom mage â. une personne,
el avant la fin du procès qui en est résulté, a été lué
par un tiers. Le maitre pourra ofTrir, à son choix, la
réparation du dommage ou l'action legis aquiliœ c1u'il
::i. acquise contre celui qui a tué l'ani mal (L. 1, S16,
O. IX . 1).
4° Le dépositaire qui , sans imprudence de sa part
aura confié la chose à un tiers, ne répond pas du fait
de ce tiers et il sera pleinement déchargé en cédant
l'action qu'il a contre l'arrière dépositaire ( L. 16,
O. XVI. 3.).
D'autres décision::; rcntre11t dans le second ca::;:
1° On ne peut, en principe, reYendiquer que contre
celui qui possède. Par exception, la re\·endication est
admise contre le défendeur qui a cessé, par dol, de
posséder: alors le défendeur est corn.larnné à payer la
litis œstimatio et il n'a aucnn drnil anx actions qui
restent au pouvoi1 du reven<l iqu:rnt. (L. G9, D. YI, 1}
On peul supposer la re,·enclication intentée contre uu
défendeur qui a ces::;é de posséder de bo11ne foi, lorsque
la perte de la posscssio 11 c, t ~u r\'Cn u e nprès la liti.~
1;011tc::;lrdio: Je défendeur de' n1 ) 1lan::. ce lle hypolhèsr
�-
26 -
l'œstiowtio liti~ au revendiquant, 01ais il pourra
ex.io-er
de lui la cession de ses actions. (L. 63, D. VI, 1).
0
2• Le dépositaire, le corn modataire, le locataire,
le gagiste qui, pat· sa faute, s'est rendu incapable de
restituer au propriétaire l'objet qu'il tient de lui , ap rès
l'avoir indemnisé, pourra lui demander la cession des
actions qui sont à sa d isposition (L. 25, § 8, D. XIX, 2.
17,
S 5,
D. XIII, 6).
3° L'armateur, l'hôtelier sont responsables des objets
qui leur sont confiés ; s'il y a perle des objets, l'hôtelier ou l'armateur poursuivis par l'action in factum de
recepto, auront le droil de réclamer ses actions à celui
qu'ils désintéressent. ( L. 6, ~ 4, D. IV, 9)
§ Il
Les Romains avaient admis la règle qu' une personne libre ne peut en représenter une autre (Gai us,
Comment. II, 95).
Le mandat aYait les efTets de tout a utre contrat,
c'est-à- dire cru'il établissait des rapports obligatoires
entre les parties, le 10andataire et les tiers, mais il
était impuissant à faire entrer le mandant dans l'opération
juridique. Dès lors, l'objet du mandat une fois réalisé,
le mandataire devra transporter au mandant les conséquences favorables de sa gestion, et à l' inverse se faire
décharger par lui des conséquences défavorables.
On comprend sans effort toutes les complications
et Lous les inconvénients qui devaient résulter, dans
la pratique d'un pareil système. Qu'i l s'agisse d'une gestion entrainant une série <l'actes juridiques, telle qn'unc
-
27 -
tutelle, une curatelle, l'adm inistration ù'une ville, ou
bien même tl'un fait isolé, le mandata ire est devenu
pour le compte d'autrui propriétaire, créancier du
débiteur. Comment s'clîcctueront les transmissions de
droits réels? Nous n'avons rien il en dire, sinon qu'elles
auront lieu par les procédés ord inaires. Mais la s ituatio n
sera plus embarrassée en cc qui concerne les droits
personnels actifs ou passifs.
Créancier, le mandataire devra poursuivre le tiers
<lébiteur et mettre entre les mains du mandant l'émolument ainsi obtenu ; débiteur, il doit défendre à l'action
du tiers créancier, mais c'est du mandant qu'il est en
droit d'attendre le moyen d'y satisfaire; enfin le mandataire peut aYoir fait certaines avances que le mandant
doit lui rembomser. Celle multipl icité des recours est
un obstacle sérieux il la facilité des relations sociales;
si l'insolvabilité d'une des parties vient s'y ajouter, il
en naitra un vé ritable danger.
En présence <le la rigueur des principes anciens,
les jurisconsultes n'osèrent pas adopter la représentation
comme elle est entendue dans le droit moderne, et
proclamer que les effets du mandat se réaliseraient
activement et passivement dans la personne du mandant.
Mais par leurs procédés de fiction habituels, ils aboulirenl à suppri mer en grande partie les inconvénients
de la théo1·ie llue nous venons d'exposer.
Le point de départ de ces modifications est dans
les actions excrcitoires el institutoires. On aµpelail
exercitor celui à qui appaetient une exploitation quelconque agricole, commerciale Olt industrielle; le préposé que l'exercito1· se s ubstituait prenait en général
le nom d' institor, de magi.c;ter na-1.:is dans le cas
partic ulier oü il étail charg(! de conduire un naYirc
�-
(L. 1,
~8
~
-
s 15, De e.cerc. act. XI\', l . - L. 3,
De inst.
act . XIV, 3.) Aux termes de l'Edit prétorien, lorsque
...
le préposé s'dail engagé envers les tiers, ceux-ci avaient
un recours contre l'exercitor lui-même , et pouvaient
l'attaquer par l'action ùistitoria quand c' est un ins titor
qu i a contraclé, par l'action exercit01·ia quand c'est un
magister na'l;is (Gaius, Comment. IV, ~ 71).
Deux motifs aYaient induit le prêteur à faire celte
brèche aux principes: d'abord l'exercitor en instituant
un préposé le recomnrn.nùe à la confiance de tous; en
outre les tiers, tra itant avec un i1istitor ou un magister
1iai·is qu'ils ne connaissent pas ont suivi la foi du
maitre (L. 1,j)r. De exerc. act .)
Les raisons qui expliquaient celte innovation ,
pouvai ent être invoquées en faveur de tout mandat,
quel que soit le but que se propose le m andant. On ne
larda pas a s'en aperceYoir el à généra liser la règle .
Papinien permit anx tiers d'exercer une action
ad e.xemplum, ùistitorfrc actionis contre le mandant,
lorsqu'ils étaient deYenus créanciers du mandataire
(L. 31 pr. De neg. gest.) Mais il s'arrê ta it là et n'admettait point le mandant à exercer, sans une cession
expresse, l'action du 111andalaire contre les tiers.(L . 49 ,
§ 2. De acq. vel. omitt. poss .)
Ulpien compléta le p rogrès; considérant que Je
10audataire êlait Lenu de céder ses actions a u mandant,
il Youl ut simplifier leu rs rapports et Lint la cession pour
sous-entendue. Il donna a u mandant des actions utiles
contre les tiers ( L. 13, § 25. De act. empt. ). D~s cc
moment, il y eul réciprocité en lre les Liers e t Je m andant.
T outefois ces décis ions diverses ne firenl pas disparaitre, ains i que nous l'avons rléj à dil : le principe tle
la llül1 re présenlatio11 Ell e~ 11 0 fu rent rru ' un palliai if .
29 -
les Lie rs pouvaient ü leu r ch oix poursuine encore le
manda ta ire ou le mandant, et quant au mandant il
é ta it au fond un s impl e cessionna ire, dont les droits
s'appréciaient dans la pers onne du mandataire cédant.
(VoirChap. IV).
§ III .
La loi romaine voit aYec fayeur le paiement et e ll e
lui accorde l'eITet d'éteindre la dette de quelque personne
qu'il émane, du débiteur ou d'un tiers ( Ins t. lib. JI!,
tit. XIX). D'autre part, il é ta it équitable que les sûretés.
dont la créance éta it accompagnée el qui vont disparaitre
avec elle, fussent réservées au tiers soh·ens pour garantir
son recours contre le débiteur : « Quod tibi non nocet,
alteri prodest, facile concedendum. »
Ces deu x idées corn binées ont donné naissance a
une autre classe, la plus nombreuse, de cessions d'actions
nécessaires . L a p ersonne tJUi a payé pour autrui pourra,
dans bien des cas, exercer l'action du créancier pour
rentrer dans ses déboursés.
Nous ne disons pas: dans Lous les cas , et nous
faisons ai ns i une restriction , pa rce qu'en effet le paiement
par un tiers n'aura pas toujours pour réi:mltat ùe transporte1· à ce tiers les actions du créancier. il faudra: en
outre, que Je solvens ait tll1 inté rêt légitime a a~qu1tt~.r
la dette et ce t inté rèt devra consis ter en ce fait qu 11
é tait lu~-mème passibl e cle poursuites à raison de
l'obligation qu' il a éteinte .
En r ésumé, la cession d'actions est accordée â ceux
qui ont payé étant Lenus avec on p our d'autre~.
Commenl s 'opcrHil cetlC' cession? A l'a ide ù' uni>
�-
30 -
fiction ; on supposa que le créancier en touchant le
montant de sa créance avait Yend u ses droits plutôt qu'il
n'avait reçu un pa iement : 1( Non in solutum accepit
sed quodam modo nomen debitoris vendidit. » (L. 36.
De fidej. - L . 76. De sol ut. XL VI, 3 .)
La règle posée , voyons-en les principales applications :
1° Le
beneficium cedendarum actionum se
présente dans le cas du cautionnement.
Dans le dernier état du droit , le cautionnement
reYêtait une des trois formes sui\·antes: la fidejuss ion ,
le rnandatum pecuniœ credendœ ou le pacte de
constitut. Ces trois procédés, différents du r este à
beaucoup de points de vue , admettaient également le
recours de la caution qui aYa it payé a u moyen des actions
ayant appartenu au créancier . Des tex.tes formels é tablissent cetle doctrine en ce qui concerne le fidejussion
(L. 36. De fidej .) et le manclatum pecuniœ credendœ
(L. 13, Ibid.), et on peut la déduire des principes pour le
pacte de constitul.
La cession d'actions était donnée tant contre le
débiteur principal , que contre les autres débiteurs
accessoires qui aYaient garanti la p romesse aYec eux
(L. 39. De fidej.)
Toutefois, le bénéfi ce de divi s ion aYait é té accordé
par la jurisprudence aux mandataires, pa r le rescri t
d'Adricn aux fidejusscurs (l nst. l ib. III, t if. X.X) et il
ceux qui ont fait le pacte de constitut , par Jus tinien
(1. 3. C. De pec. const.), et le débiteur accessoire
poursuivi pom·ait désormai s exiger du créancier, la
cliYision de son action entre tous les co-débiteurs solvabl es au moment de la !itis cofltestatio . On peul se
-
31 -
demander, dès lors, de quelle utilité est la cession d' actions. Le bénéfice de cession d'actions sera encore utile 1
lors que celui qui a payé, a négligé d'invoquer le bénéfice
de divi s ion, dans le but d'attendre par exemple que son
cofidejusseur, actuellement insolvable , soit revenu à
meilleure fortune.
Le solvens ne peut, dans tous les cas, exercer son
recours qu'en déduisant la part qu'il doit s upporter.
Quelle responsabilité le créancier encourt-il lorsque
certaines actions ont pé ri entre ses mains par son fait ou
par sa faute? Les textes disting uent : vis-à- vis du fidejusseur, il lui livre les actions telles qu'il les a, et s'il a
laissé une hypothèque s'éteindre par la longi temporis
prœscriptio ou s'il a libé ré un cofidejusseur par un
pactum de non petendo, le solvens en subira les conséquences (L. 25. O. D e fidej.) ; au cas de mandaturn
pecuniœ credendœ, le mandataire a dù conserver ses
actions (L. 95, De sol. XL V. 1), et, malg ré le silence des
textes, on peut adopter la m ême solution pour le pacte
de cons titut.
2° Il y a lieu encore à cession d'actions lorsque l'un
de deux ou plus ieurs débiteurs solida ires a acquitté la
dette.
La solidarité est une moclslité de l'obligation ,
consistant dans la pluralité des créanciers ou des
débiteurs avec unité d'obj et dù, sous l'alternative à tous
ou par tous, m a is une seule fo is. De celte définition, il
résulte que la solidarité peut-être acliYe ou passive.
La solidarité passive comprend : la corréa lité pass ive et la s olidarité proprement dite ; dans la corréalité passive, on rencontre pluralité de sujets mais identité
d'obj et, de Lelle sorte l fU'un des débileur s correnux étant
�-
:i~
-
poursuiYi , l'uLligation <les autre <li pa1'ail; <la~s hi
solidarité. il y a autant de liens distincts que de débi teurs
et si le pai;ment par l'tm d'eux éteint la dette, c'est
uniquement parce que l'objet ùù est le même pou r Lous:
au cas, en effet, ou le débiteur attaqué le premier ne
paierait pas, le créancier pourrait poursuivre les autres
jusqu'à son entier désintéressemenL. On dit qu.e les
débiteurs carreaux sont libérés electione, les cléb1tt-urs
~olidaires
sol utione.
Dans quel cas le correus z;ro111 ittendi qui a désintéressé le créancier pourra-t-il invoquer le bénéfice de
cession d'actions? D'après un texte qui a pour objet de
rèofor
le calcul de la Quarte Falcidie (L. 62. pr. A'd leg.
0
Falc. XX.X-V. 2), il faut distinguer suiYant que les
correi étaient socii ou non socii : existait-il entre eux
une société, une communauté d'intérêts, le soh-ens peul
réclamer aux autres la part qu'il a payée pour eux so it
par l'action pro socio, soit par la cession d'actions; au
cas inverse l'action pro socio ne lui appartient plus.
Mais la cession d'actions lui resle-t-elle? Une grande
controYerse divise les auteurs sur ce point, et l'on cite
des textes pour l'affirmative. Nons adopterons cependant
la négative; car. pour aYoir droil à Io. cession, il faut
s'autoriser d'un droit antérieur contre celui qu'on se
propose de poursui ne, or, clans l'obligati on corréale, 11
n'y a qu'un débiteur définitif, el le ~oh·e ns, s'il n'était
pas d'ailleurs en société ayec son coprometlant, n'a étei nt
que sa propre delle. Pour les textes mb en a\'ant dans
la théorie adYerse (L. G5. D e evicf. XXI , 2. - L . 2. C.
D e duob. reis. VIII, 40), il s s'expliquent tout naturellement par cette raison r111'i ls St' placent uniquement
clans l'hypothèse d'uue société.
-
33 -
En matière de solidarité, une 11om·elle distinction
s'impose.
La poursuite provien t-elle du dol propre au solvens
ou com mun à tous les co-débiteurs, aucun recours n'est
accordé au débiteur qui paye (L. 1, § 14. De tut. et
rat.) La lo i s'intéresse peu à cenx qui sont de mauvaise
foi, et elle ne se préoccupe pas de saYoir si en refusant
la cession d'actions, elle n'en rich it pas aux. dépens du
solvens les autres co-débiteu rs. Mais lorsque la créance
n'est pas née d'un dol, le débiteur poursuivi peut faire
supporter une part de la dette aux autres débi teurs
solidaires, et pour cela il a à sa disposition la cession
d'actions (L. 1. § 310 à 14, Da tut. et rat. - L. 45 D e
adm. et per. XXVI, 7.)
Une différence importante est à noter entre la
corréalité et la solidarité : le débiteur corréal doit prendre les actions telles que les possède le créancier, tandis
que le débiteur solidaire peut exiger quelquefois qu'elles
lui soient a ttribuées dans leur pleine intégrité (L. 15. ~ 1.
D. XVI, 1. - L. 45, D. XXVI, 7).
3° Enfin, b. cession d'actions est accordée non plusj
comme dans les cas qui précèdent, à ceux qui sont tenus
en vertu d'une obligation, mais même à ceux qui sonl
tenus réellement, aux Liers détenteurs.
Les lois 19. D. XX. 4 et 3. C. VIII, 19, nous donnent
l'exemple suivant : Le mari a gardé entre les mains le
fonds affecté d'une hypothèque que sa femme, actuellement décédée, lui avait apporté en dot. Le créander
hypothécaire se présentant, il pourra le payer et l'obliger à lui céder ses actions.
Nous supposons le possesseur de bonne foi. Qu'en
serait- il pour le possesseur de mauvaise foi? Il
a
ll
�-
3~
-
contreYerse. mais nous pensons qu' il ne peul bénéficier
de la ce:,sion . Il serait trop s imple, en effet, si on
adm etta it l'opinion contraire, en s'emparant d'un bien
par ruse ou Yiolence, lle e metlrc a u lieu el place du
cr~ancier h?pothécaire (L . 19. Qui pot. XX, 4.)
CHAPITRE ff
Des effets de la Cession .
Tous étudierons les efTets de la cession de créance,
en les envisageant à trois points de vue différents :
1° Dans les rapports du cédant et du cédé;
2° Dans les rapports du cédant et du cessionnaire ;
3° Dans les rapports du cédé et du cessionnaire.
ENTRE LE ÜÉDAl\T ET LlI ÜÉDÉ .
Sous le Système des Actions de la loi, la délégation ,
qui était l'unique procédé de cession dont on disposât,
avait pour effet d'éteindre la créance du cédant en même
' profit du
temps qu'elle en créait une autre semblable au
cessionnaire ; la conséquence forcée était qu' il ne subsis tait entre le créancier et Je débiteur primitifs, le cédant et le cédé, aucun rappoi·t juridique.
-
35
~
Avec le Système Formulaire et la procuratio in
rem suam qu'elle amena, les résultats de la cession de
créance furent différents . Le procurator put exercer
l'action contre le débiteur ; mais en droit, le cédant demeurait le véritable créancier, le cédé était toujours son
débiteur et un paiement, soit réel soit par compensation,
vo lontaire ou. s ur poursuites 1 pouvait intervenir entre
eux (L. 3. O. Mandati. L. 55 D. de P rocurat.) Les
évènements , dont nous avons parlé plus haut, la litis
contestatio, la notification et le paiement partiel , empèchèrent seulement le débiteur d'opposer au cessionnaire sa libération ainsi obtenue.
Les actions utiles ne changè rent rien à cet état è.e
choses; elles avaient, en effet, elles-mêmes pour base,
une procuratio in rem suam sous-entendue au lieu
d'être exprimée .
ENTRE LE CÉDANT ET LE CESSIONNAIRE.
11 faut distinguer suivant la cause qui a présidé à la
transmission de la créance. Si la cession a été faite à
titre onéreux le cédant est tenu envers le cessionnaire
'
de ùeux obligations: 1 • le mettre en possession de la
créance ; 2° lui en garantir l'e:d stence.
Pour remplir la première obligation, le cédant devra
fournir a u cessionnaire tous les moyens qu'il possède
d'arriver au recouvrement de la créance ; lui rem ettre
les Litres cons tatant le droit , lui livrer les gages qu'il
détient lui donner les actions aecessoires qui assurent
'
la c r6ance, actions h ypothécaires ou actions personnelle:,
contre les fidéj usseurs : << venditor actionis quam ad-
t>ersas 'r eum
prinà~plem
habet, omnejusquod ex ea
�- :w
ca«sa rjl(S
1·0111pet ir ta 111
-
ad cers us 1j;su111
1'f'U111
quam adversus i1iiercessor'e::> lwjus clebiti cess<>re
debet » (L. 23 D. De her. vcl act. vend. 18).
Mais comment s 'opèrera, en pratique, celte cession
des actions accessoires? Lorsque la délégation était en
usage, une clause spéciale éta it nécessaire pour qu'elles
survécussent à la pre miè re obligation ; dans la procuratio in rem suam,, le mandataire recevail mandat d'exercer à la fois l'action principale et les actions accessoires ;
enfin , sous l'empire des actions utiles, le mandat s upposé
s'appliquait aussi aux actions accessoires.
La garantie, qui est <lue par le cédant, porte, nous
l'arnns dit, s ur l'existence, mais non pas sur l 'efficacité
de la créance ; ce qu'il s'engage à procurer au cessionnaire c'est n omen i·erum et non nomen bonum. Si
pourtant l'action transmise etait paralysée par 11ne exception perpétuelle, il y aurait lieu à garantie (L. 4. De
her. vel act. vend.). Un cas se mbla ble serait celui où le
cédant, connaissant l'insolvabi lité du débiteur, l' aurait
cachée au cessionnaire.
Lorsque, en cédant la créance, on a cédé expressément certaines sùretés qui l'accompagne nt, on cloit aussi
garantie de ces sùretés. Mais l'obliga tion a ici la m êm e
étendue que pour l' hypothèse précédente, et se r estreint
à l'existence des accessoires com pris <lans la cession.
Voici une espèce particuliè re qui a fail doute. Une
hypothèque a été cédée en m<1 me temps que la créance,
et l'on découvre plus tard que cette hypothèque a é té
consentie par une personne qui n'était pas propriétaire
du bien grevé ; une é\·iction s'ensuit. Le cédant est-il
tenu à la garantie? La loi 30 Dig. De Pir;noribus et
hypotheci.s s'cx.pri10e ainsi : « P t>riculum pignorum
nominis ce1uliti ad emptorem pertinet si ta111en pro-
:li -
bel a r i.:as rr>s obi i[Jrtl as /1u:-;sr
Cujas, en s 'a ppu yan l sur
ce texte, refuse 1n cessionnaire lf> droit a la garantie.
Pour nous, nous nous rallierons à l'opinion de >L Labbé
(T raité de la Garantie n• 24) et nousùironsqu'il ne faut
pas accorder a u mot pl 1·iculuni u ue signifi cation aussi
générale. Il ne désigne pas le cas oil le gagr :.t\·oit été
donné par une per~onne cp1 i n'était pas proprietaire,
mais seule111enl le cas oit re gage \'alablemenl conseuli
est insuffisant. Car, en réalité, 11ue l'hypothèque n'ait
pas été COf\'>tituée ou qu'elle ail été const ituée par une
person ne impuissante à le faire, le résul tat est le même,
l'hypolhèquc n'existe pas. Or, le céùant, ayant transmis
une créance et une hypot hè 111e. est garant de l'ex.istence
<le l'une comme de l'autre.
La sanction de la garantie se trouvera dans les dommages-intérèts que le cessionna ire pourra se faire
allouer. Ils seront du montant <lu p rix. e l de tout le préjudi ce qu' il au ra éprom·é, a u ca~ où la créan~e elle- m:me
fe ra défaut; lorsqu'il s'agira de la non-existence dune
Rù reté, on cakulern la mesure dans laq uelle elle aurait
sauvegardé les intérêts du ccs~i onna ire, pou!' établir la
condam nation.
Si la cession est à titre gratuit , le donateur n'est
plus tenu que de l'obligation de mettre le J onataire en
tle garantie disparait. La garanPossession·' l'obli<Yalion
.
0
tie 11e subsiste que s i la cession a été faite en conslltulion de llol et alors elle s'étcnù non-seulement à l'existence J e J~ cnlancr, m a is 1'ncorc it la sol"abilité du
déb iteur.
Les parties ::;ont libre", du reste, de m o~ ili er k>rè<Ylcs que nous wno1ts d'indiquer, cl tic restre 1mlr~ nt
il'~lar•Yir l'obl in·at i()ll 1Jr garanlir . Elks pounonl décider
t[ll t' 1; céd:11tt ~ t1p11111 lr.1 ile l' in -.;nh ahtlité du d»hitenr :
1
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l'insolvabililé, au moment de la cession, qu' il faudra entendre dans cette hypo thèse, car l'insolYabil ité
postérieure ne peul être imputée qu'à la n égligence du
cessionnaire. Elles pourront également stipuler que le
cédant ne répondra pas même de la non-existence de la
créance ; mais , si la créance fait, en efîet, défaut, le cédant devra restituer le prix, le contrat étant consi,dé ré
com ine nul faute d'objet,
ENTRE LE CfoÉ Eî LE CESSIONNAIRE .
Deux principes pe uvent ê tre é noncés au début de
cette division, comme la dominan t tout entière.
A . -La véritable cession de créance, celle qui s'effectue à l'aid e de la procuratio in Fern suam, a lieu
'ians que le débiteur y prenne part. Dès lors, sa situation ne doit pas être aggravée par le changement de
rreancier, et le cessi onnaira ne pourra exercer à son
i>ncontre f)Ue les d roi ts du cédant.
B .-
Le cessionnaire est subs titué comp lètement
au créancier pri111ilif el de\'ra, en conséquence, être nanti
ile tous les droits qui lui compéta ient.
\'oyons maintenant quels sont les droits du cession11aire el ceux du cédé.
Le cessionnaire pourra-t-i l se pré\aloir \ 'i::>-à-vis du
rédé de lous les priYilèges du cédant ? Il faut d istinguer
tci entre les di verses sortes de priv1lèaes les ]JI ivilèO'es
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personnels, les privilèges réels el les pr ivilèges de proi;édure. Comme pri,·il èges personnels, on peut ci ter ceux
i.l.i.t pu.pille, de la fe mme ma riée el du îtsc. Au con traire,
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il y a privilegium causœ, dans le cas oil ce privilège a
été accordé à raison d'un prêt fa it en vue d' un édifice à
bâ tir ou pour subvenir il ùes frais funéraires . (luant a la
règle qui doit nous servir à tranch er la c1uestion, elle est
posée nettement par Paul, dans la loi 60 de Re9ulis juris:
« l 1i omnibw; causis, id observatur, ut ubi perso1iaJ
conditio locum facit beneficio, ibi deficienteeô, beneficium quoque deficiat. »Donc les privileges réels seulement passent au cessionnaire ; les privilèges personnels
et les privilèges de procédure lui Jemeurent étrangers.
A côté de cette distinction, Jans laquelle tout le
monde se renferme aujourd'hui, certains auteurs anciens
avaien t voulu en faire pré\'aloir une autre. Ils reconnaissaient le droit d'exercer les privilèges personnels à celui
qui agissait par l'action directe et le refusaient au cessionnaire qui n'avait à sa disposition que l'action utile.
C'était violer à la fois les principes el les textes eux- mêmes ; les principes, car, ainsi que nous l'avons déjà exp liqué, que l'action m ise en 111ou,·e1nenl soit directe ou
utile, elle a toujours pour point de départ un mandat
exprès dans le premier cas, tadte dans le second. Quant
aux textes, il me suffira d'en citer un qui répond directement à la théorie qne je ,-iens d'énoncer : n 1.Yec re/el't
clirecta quis an utili actwne a9at 1:el coni.:eniatur
quia in cxtJ'aonlilwriis judic.:ii!:ô, ubi co12cept io /"ormularum no11 obsel'i:atur, hœc sllbtilitas supen·acua
est, niaximè quum utraquc actio ejusdem potestans
esteumdeniq11ehabete//ectu111. » (L.4ï D Xe!J. Gest.f
A,·ant de <cuiller cette 1nalil're, cxa1ninous toutefoi .
un passage de Uodesl1n, d'oit semblerait résulter que le
cessionnai rc acqu it>r l les p ri' ill'gc~ attachés ~\la pcrsonuc
clu cédn nl. La 101 L:~ de r -'s1u·is, au Digeste, s'expri1ne
aima
« Ej11~ frm;1nn,\ q1tuil 1'P~s1f . ;1n~trz11nm fisr'11
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4-0 -
debir unt percepit, eu1n qui m a?ulatis a (lsco actionibus e:rperitur, usuras quœ in stipulatum deductœ
non. sunt petere posse. » Le fi sc a un privilège qui con-
J
s iste dans le droit d'exiger J es intérêts m ême e n l'absence
de toute stipulation ; c'est ce privilège qui serait conservé au cessionnaire. Il y a deux manières d 'expliquer
la réponse de hlodestin et de dé montœr qu'elle n'a rien
de contraire à la règle p récédemment posée, à savoir,
que les privilèges pe rsonne ls ne peuvent être invoqués
pa r le cessionnai re. Cujas sou tient qu'il fa uL ajou ter une
négation à la fi n de ce texte, e l celte décis ion n'a rien
d'arbitraire, puisque dans la pa rtie des Basiliques corresp onda nte, la négation exis te; on devra it donc lire :
a petere non posse. » D'autres in terprè tes, et ce s ont les
plus nombreu x, prennen t la cita tion telle qu'elle se trouve
dans le Digeste; mais ils en donnent une traduction
quelque peu dilTérente: « usu,.as quœ in stipulatu decluctœ rwnsunt, »s'appliquera it seulem en t a ux intérêts
échus qui n'aura ient pas é té comp r is dans la s tipulation ,
et qui constituent cependa nt un accessoire de la créance
orig inaire. Nous nous rattach ons à cette dern ière e xplica tion , d'autant plus ,·olon tiers q u'i l esL à p résumer
qu'en l'état de textes multiples é ta blissant le p rincipe,
~Iodesti n s'est occupé uniquemen t de lranch er la question suiYante: le cessionnai re p eut-i l récla mer les intérèls échus dont il n'a pas été parlé dans la cession '?
Demandons-nous maintenant s i le cessionnaire peut
<•pposer au débi teur les p rivilèges qui ont pns naissance
en sa pe esonne. Dans le s ens de l'a ffir ma tive, on pourrait
di re que le cessionna ire, à la suite de l'opération, se
tro uve vis-à- vis <lu céd(: dans la mê me position que Je
céda nt. Ma is il ne fa ut pas oublie r qu'il agit eu ve rtu
tl'un ma nda t, qu' il joue le rô le <le s im p le représcnta ut
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4t -
el tJUe le cédan t est de111euré, e11 droit, le vé ri taLle créancier . Par conséquent, le résultat de la cession est tout au
plus de p ermettre au cessionnaire d'exercer le droit tel
qu' il résidait dans la personne du créanc ier primitif. Du
res te, c'est un principe d'éci uité que la cession, à laquelle
le débiteur a é té étranger , ne doive point lu i p réjudicier.
On objecte un texte d'Ulpien, ainsi conçu : <1 Fiscus,
cum in privati jus succedit, privati jure pro antel'ior ibus suœ successionis temporibus 11titur; cœterum.
postquam successit, habebit pni:ileghw1 suum. >1
(L. 6. D. de Jur. fisc.) Aux termes de cette disposition, le
fisc, devenu cessionnaire d' une né::ince qui ne produit
p as d'inté rêts, pourrait, en Yertu du pri"ilège que nous
connaissons déjà, en exiger du déb iteur. En généralisant.
on arrive à poser une règle contraire à celle énoncée
plus h aut. Nous repoussons l'argument qu'on Yeut tirer
<le ce fragment d'Ulpien, e n re111art1uant que l' hypothèse
à laqu elle il s'app lique n'esl pa:s celle que nous envisag eons. Nous nous occu1)Qns clu cns de cession, e l il vise
le cas de succession. Or, la diffé rence entre les deux
situations est consiùéral.Jle : tantlis qu'en matit'.'re <le
cession le cessionnaire exerce le droit J'un autre, en
matière de succession uniYcrselle, la p ersonne succède
il la personne et le successeur entre ùans b place de son
auteu r avec tous les aYnnlages qui lui sont propres.
L es droits du cessionnaire étant ainsi déterminés.
examinons mainleuanl q11e lc; snllt ceu" Ju lkbiteur.
Quelles exceptions Je l'éllé pouna-t-il opposer au
cessionnaire'? .\ près ce qnc nous arnns J it. à plusieurs .
1·epr ises, de ln nnture ile la C1'ssion, il n'c t pa.;; donleux
1111ïl pu isse faire 1aloi1· les C'\1'1'pti011-. c.i. ipsâ 11omi111 •
�-Hcattsâ ou ex personâ cedentis, c'est-à-dire les exceptions qui tiennent au fo nd même du droit ou qui sonl
opposables au cédant. Parmi les premières, on peut citer
l'exception non nunieratœ pecuniœ, parmi les secondes,
celles qui résulteraient d 'un e co mpensation, d 'une transaction inter venue entre le cédant et le débiteur.
Une restriction cependaut est n écessaire. Le cessionnaire pourra se prévaloir des excep tions provenant du
fait du cédant, mais à la condition que· la cause en sera
antérieure à l'un <les trois évènements, la litis contestatio, le paiement partiel et la denu1Ltiatio, que nous
avo ns s ignalés comme enleYanl au cédant tout d ro it sur
la créance. Une opinion décide même, dans une question
controversée, que la simple connaissance de la cession
enlève au cédé le droit de traiter valab lement avec le
créancier. (Voir Ch. J•r).
Toutes les exceptions, dont l'origine est antérieure
a ux faits que nous venons d'énumérer, appartiennentelles au débiteur? Il y a des difficultés relative m ent à
ceriaines d'entre e lles.
On argumente d'un le~le de Gai us pour décide r que
l'exceptio pacti de 1wii petendo in pe»sonam n'est
pas opposable au cessionna ire. Gaius ùit: « Si filius
aut servus pactus sit ne 1jJse pete1·et, inittile est pactum. >> (Dig. II. 14. 28, ~ 2). L 'erreur résulte, ici
encore, de l'ass11nilation 1p1'on fait des <leu~ situations
absolument dissernblables; lorsque le père ou Je maitre
acquie rt par \'intermé<liaire clu fi ls ou de l'esrlave, le
phénomène juridique qui se produit n'est en aucune
manière un e cession. Dès lors, il est injuste de transporter dans le cas d' un e cession une sol uti on qui n'a
pas été donnée pour ell e.
Xons éca1·tons. égalem~nt la ra ison rrn'on \OlHlrail
Si ex altera
parte in rem, e..c alterâ in personain pactu.11i conceptum (uerd , veluti, ne ego petam, vel ne a te petatur,
heres meu.s ab omnibus vobis petitionem h'tuebit et ab
hœrecle tuo omnes peterf' pote,./mus. » (Dig. II. H. 57,
1) . Le jurisconsul te s upp ose un pacte par lequel il est
tirer <lu lexte sui,anl, ùe Florenlinus.
<i
s
exp ressément conrnn u que le créancier ne pourra luimème exer ce r des poursuites contre le déb iteur, mais que
son h éritie r recouvrera ce droit. En conclure que le cessionnaire aura la faculté de réclamer le paiement au
cédé, c'e t mettre s ur le même p ied le cessionnaire el
l'héritier, et nous a,·011s déjà fait JUStice de cette erreur.
On a encore contesté au cé<lé le droit d'opposer au
cess ionnai re l'exception de dol. Les auteurs qui Yeulent
imposer cette restriction a u débiteur se basent sur le§ 27
de la loi 4 de Doli niali et metus causâ exceptioae au
« De auctoris dolo
D ia-este
b
, dans le1rue l il est d it ·.
exceptio emptori non objicitur. » Comme <lans les cas
qui p récèden t, il y a confusion, et on applique un texte à
une h ypothèse pou'!' laquelle il n'est pas fait. La loi 4 Yise
les transports de droits r éels. D'après les principes du
<lroit romain, le dol n'est pas un oustacle à l'acquisition
tle la propriété, il n'engendre <pt'une obligatio11 personnelle pom l'ac11uéreur, et n'afTecte la chose en aucune
façon. Dès ]or~, quand 1111 est tle,·enu propriétaire par
do l, on est Yéritaùle proprie laire, on peut se comporter
comme tel, et en aliénant on transmet un ùroit qui n'ec;t
enlùcllé d'aucuu 'icc, l'ohligation résultant du dol ne
p asse p as sm la tète de l'acquéreur.- Mais il en est
autrernenl lorsque, au lieu d'1111 rapport réel, c'est un
rapport personnel qui est transporté: alors l ecessionnair~,
qu i est seuleme 11l le 11Hwtlntain' tlu rédanl, exerce le tlro1t
tel qu'il se colllpn rta it dans la pcrc;onne de ce dernier, et
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41 -
s'il a été Yicié par le dol à sa naissauce, la cession ne
saurait avoir pour résultat de le purger <le ce défaut. De
même que le débiteur a urait pu opposer le dol au
créancier qui l'a commis, il pourra l'opposer au cessionnaire.
Certaines e).ceptions sont <les exceptions de procédure. Le procès étant intenté cl suivi par le cessionnaire,
c'est par rapport à lui qu'il faudra les considérer; si telle
était applicable au céllant mais ne l'est plus au cessionnaire, le débiteur ne peul s'en préYaloir; au con tra ire, il
peut invoquer celles qui sont personnelles au cessionnaire.
Une difficulté se présente à propos de l'exception
quod (acere potest, autrement dit du Lénéfi ce de compétence. Ce bénéfi ce consiste dans le privilège accordé à
di\'erses personnes de n'être condamnées que jusqu'à
concurrence de leur avoir, et par conséquent d'échapper
à toute condamnation s i elles n'ont alJsolument rien.
Parmi les personnes qui en jouissent, on peut s ignaler le
patron poursuiyi par son atîranchi, l'ascendant pours uivi
par son descendant, le mari attaqué par sa femme.L'exception quod (acere potest a ceci de particuli er
qu'elle modifie non plus l'intentio mais la condamnatio
dans la formule,- or, comme celle-ci esl conçue au nom
du cessionnaire, des interprètes en ont conclu qu'elle ne
pourrait lui être opposée qu'autant qu'il se trouverait Juimêurn avec Je débiteur clans l'un des rapports que nous
avons indiqués. Ils voient dans le bénPfice de co111pétence
une veritaLle exception de procédure. Cette opinion est
complètement erronée; le bénéfice de compétence touche
au fond même du droit, puisqu ' il diminue le montant de
l~ cré~nce. De plus, rappelons enco re une fo is que le cessionnaire est le s impl e représenta11L du cédant. Enfln une
c·onsirléralion nou<; parait cli;cisi,·~. c'est r1n'i l suffir;it au
r 1·éa1H·ier de c~de r son Llruil, pu111· sf' ::.u11slraire al exr·t·Jil ion tJU i l 'afîer le.
Il est inutilecl'ajouter qu'aux PXl'eplionsqui lui seront
opposées, soit du chef d11 cédant, soit de son propre chef,
le cessionnaire pouna répondre par des répliques provc11anl du même chef. Si par exemple le cédé lui oujecle l tn
pacte de non petendo consen ti par le créancier, il pourra
invoque r la réplique si non postea convenit ut eam
pecunùrm petere liceret (Gaius, CommeM. IV, ~ 1).
�DEl À IÈ " l~ PARTTE
DROIT CIVIL FRANÇAIS
De la Subrogation Légale.
�DROIT CIVIL FRANCAIS
,)
DE LA SUBROGATION LÉGALE
CHAPITRE 1"
De la Subrogation en général.
Pris dans son acception générale, le mot sub1'ogation emporte l'idée d'une chose ou d'une personne
remplacée par une autre. La subrogation est. en eiJet,
de deux sortes: l'une réelle, l'autre personnelle.
Dans la subrogation réelle, par l'etTet des dispositions de la loi, une chose est réputée avoir la même
nature et les mêmes qualités juridiques qu'une autre
chose dont elle prend la place : « Svbrogatum capit
substantiam subrogati. » Ainsi , le droit de retour (C. C
art. 747) nous o!Tre un exemple de subrogation réelle :
l'ascendant succède au prix qui peut être dù de la chose
donnée par lui ; le prix. est considéré rom in e la représentation de la chose, il en T'C\'t't. en droit, toue; le$
caractères De mêm e, en 1n·1tière tle eornmnnauté. quand
�-
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un immeuble esl échangé contre un autre immeuLie,
celui qui est nouvellement acquis remplace, identiquement, aux. yeux de la loi, celui contre lequel il es t
échangé. Ce bénéfice est restreint a ux. cas spéciaux
étab lis par les textes (C. C. art. 132 ; 351, 352; 747 ;
766: 1065-1069; 1407; 1434, 1435 ; 155 3 et 1559.)
La subrogation personnelle, entendue d'une façon
très laro-e est la s ubstitution d'une personne à une autre,
t> '
dont les droits et actions sont transmis, par une cause
juridique quelconque, à la première qui p eut les exercer,
en totalité ou en partie, dans son ~ntérê t personnel.
E lle comprend alors, à la fois, le cas de l'héritier ou du
successeur universel qu i est investi de tous les droits du
défunt, et le cas du successeur particulier qui tient de
son auteur les droits relatifs à la chose; tel l'ach eteur,
le cessionnaire, ou le créancier qui exerce un droit de
son débiteur en Yertu de l'ar ticle l 166 .
Mais ce n'est pas un sujet aussi vas te que nous
nous som mes fixé. Nous ne nous occuper ons, dans cette
thèse, que de la subrogation personnelle, et , en particulier, de la sub rogation personnell e qui résulte du
paiement et à laquelle se réfèrent propremen t la dénomination technique et les dispositions législatives du
Code civil dans les articles 1249 à l 252.
Voyons tout d'abord en quoi con siste la subrogation.
Le paiement a p our eJTet d'éteindre l'obligation et,
en même temps que l'obligation, les cauti onnem ents,
p rivilèges et hypothèques qui en son t les accessoires.
Ainsi le veut l'application de la règle : « A ccessorium
sequitur prùicipale. »
Que la créance el les s1'1rctés qui lui servent ùe
-
:] I -
garantie disparaissent ùe celle manière, à la suite du
même fait j ur idique, lorsqne c'est le débiteur qui pay",
personne ne peu t y voir d'inconvénienl. L'extinction dt>
la créance, comm e sa création, s'est passée entre les
seuls créancier et débiteur et aucun Liers n'est touché
par elle. Lorsque, au contraire, le créancier reçoit son
paiement d'une personne qui n'est pas le débiteur ou a u
m oins le débiteur unique, il n'en est plus de même.
S i no us ne supposons pas que celui qui a payé voulait
faire une libéralité au débiteur, il o. certainement contre
celui- ci une action, l'action de mandat quand il a payé
par la volonté de ce débiteur, l'action de gestion d'affaire
s'il a payé spontanément, l'action de prêt s'il a fourni
des den iers destinés par le déb iteur a u paiement de sa
dette. Ces trois actions personnelles, denuées de toute
garantie accessoire, exposent le nouveau créancier à
toutes les chances de l'insolvabilité du débiteur. Le tiers
qui paye aurait donc grand inté rêt a se prévaloir, contre
le débiteur, de la créance pri mitive et des droits qui s'y
ajo utaient. Or 1 c'est précisément le but que réalise la
s ubrogation ; gràce à une fiction, elle a l'avantage de
met tre le nouveau c réancier dans la position qu'a,·ait
l'ancien, de ne pas le la isser réduit à la pure créance, qui
est née en sa personne du mandat, de la gestion d'affaire
ou du prêt, de lui attribuer en un mot les garanties dont
jouissait le créancier qu'il a payé.
S i tel est le caractère général de la subrogation, on
voit quels services elle peut rend re. Elle e t excellente,
en ce sens qu'elle profite aux uns sans nuire aux autres.
Le créancier r eço it ce qui lui est <lü , et par là n'est plus
soum is aux chances qu'il avait <le ,·oir son débiteur
dsvenir insolvab le. Le débiteur qui n'ava it pas d'autres
sùretés à donner q11e celles qu'il avait déj:'l engagées,
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S.2 -
pouvant les transmelt re, trouvera faci lement des bailleurs
de fond:; et souvent remplace ra ains i une dette onéreuse
par une dette moins lourde. Le tiers qu i prête ses deniers
au débiteur ou qui en fait l'avance dans son intérêt
n'aura pas à cra indre une pert e pou r prix. de son bon
office. Enfin, les au tres créanciers du dé biteur, ou ceux.
qui sont engagés avec lui ou pour lui dans la m ême
dette, ne seron t pas lésés, puisqu' ils demeurent après le
paiement qui a été fait avec subrogati on dans la situation
où ils étaient ayant ; la subrogation leur sera même
utile, si le subrogeant a consenti à donner quittance
totale de la dette, en recevant du subrngé une somme
moindre que celle dont il était créancier. (Voi7·plu,s loin.)
La subrogation est donc d'une utilité incontestable.
Mais est- elle également confo rme aux. principes ? La
réponse doit être négative. Ainsi que nous l'avons dit,
elle déroge, il l'aide d'une fi ction, à la règle que le
paiement éteint l'obligation, el par suite elle est en
opposition formell e avec le pur d1·oit civil. Aussi ne
faut-il point s'étonner que, dans l'Ancien Droit, les
jurisconsultes, jaloux. de sa,·egar<ler l'intégrité de la
science, aient fait une longue résistance avant d'admettre
comme un fait accompli cet empiètement de l'équité et
de l'utilité pratique sur la rigueur des principes, e l
qu'ensuite, lorsqu' il s'est agi de déterminer la nature
véritable de la subrogation, des diffi cultés sans nombre
soient nées, dans le réseau inextricab le desquell es les
auteurs ont peine à. se retrou\'er.
AujQurd' hui, la sub rogation es t inscrite dans le Code.
Mais quel est le caractère juridique qu' il faut lui r econnaitre ? C'est encore un suj et de controverse et de system es divers, dont nous al lons exposer , avec le plus de
concision qu'il nous sera possible, les deux. principaux ·
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;;3 -
Le premie r systèm e, qui a élé présenté d'abord
dans une consultation de M. Grappe, et qui a ( té ensuite
développé par Merlin da ns ses Questions de droit consi'
dère la nouvelle créance comme n'ayant pas changé
de
nature et l'ancienne comme r éellement é teinte par le
paiement. Ce que fait seulement la subrogation, c'est de
rattacher à cette créance nouvelle fondée sur le mandat ,
la gestion d'affaire ou le prêt, les sûretés accessoires qui
ga ra ntissaient la créance première, et de les mettre à
s on service pour en faciliter le recouvrement.
Dans le deuxième système, auquel nous nous
rallions, on admet au contraire que le subrogé succède à
la créance elle- même de celui qu' il a payé et que c'est
celte créance qu'i l exerce avec les privilèges, hypothèques
el cautionnements qui l'accompagnent.
Recherchons les différences qui seront, dans l'application, le r ésul ta t de l'adoption de l'une ou l'autre
doctrine. Dans celle que nous énonçons en dernier lieu,
la subroga tion ayant pour efîet <le conserver, malgré le
p aiement, la créance et ses garanties, le solvens peu t
invoquer tous les avantages qui sont susceptibles de
rendre cette créance plus efficace. Dans l'autre interprétation , il est impossible de maintenir en faveur du
sub rogé les avantages qui découlent de la nature de la
créance, puisque cette nature a changé, el il faudra
nécessairement tenir compte tle ce fait que le nouveau
créancier est un mandataire, un gérant d'affaire ou un
prèteur, au lieu <l'avoir la qualité qu' avait le subrogeant.
Et les conséquences de ce changement de qualités ne
seront pas peu considérables. Ainsi le créancier primitif
avait- il un titre exécutoire, le créancier qui vient à sa
plare ne r nnrra rn fairt' usngf', re q11'on appellp Pn
�-
:H -
pr0cédu re l'exécution parée ùépendant de l'acle el
J'acte étant particulier à la créance disparue. De même
pour la contrainte pa r corps, dans les cas où la loi du
22 juillet 1867 la laisse subs ister : le subrogeant qui
avait le droit de la mettre en œuvre à l'encontre du
débiteur, ne transmellra point ce droit au subrogé,
quelque intérêt que celui-~i y trouvât. La compétence
pourra auss i être modifiée, s i la créance payée était
co mmerciale ; le créancier qui intervient à ti tre de
mandataire, de gérant d'affaire ou de prê teur ne fait
qu'une affaire civile, il doi t recourir à la justice civile.
M. Colmet de Santerre va jusqu'à dire que strictement,
dans l'opinion de Grappe et Merlin, il faud rait r efuser au
aéancier récent les hypothèques légales de l'ancien ;
« Ces hypothèques, écrit-il , garantissent certaines
créances à raison de leur qualité et n'auraient plus
aucune raison d'être à propos d'une créance b asée s ui·
la gestion d'affaire ou le prêt. » (T raité des Oblig.)
Examinons maintenant qu els arguments nous présentent les partisans de chacun des deux systèmes.
La première interprétation i11Yoque la place occupée
dans le Code par la subrogation, qu i figure sous la
rubrique générale Extinction des obligations ; elle
im·oque en même temps le langage du législateur, qui
n'emploie jamais le mot subrn[jation isolé, m ais parle
touj ours du paiement avec subrogation. Il en
résulte, dit-on, d'une ma nière absolument cerlaine que,
lorsque a lieu un paiement avec s ul>rogation, l'opéra tion
essentielle est le paiement qui abou tit à son résuital
ordinaire : l'anéanlissemPnt tlr l'obligation, e l que la
i:.uhrog;:(tirm est sr1ilemrnt 1111 c mnd<tlil r de rc paieme nt
dont l'effet esl de réserver les garanties acces$oires
Mais pour la créa nce elle-même, elle est bien et dùment
éteinte et le Code n'a pu la ressusciter pour en faire
bénéficier le solvens.
En faveur de la deuxième opinion, on fai t remarquer
tout d'abord qu'elle est parfaitement conforme au but
que se propose la loi, ta ndis que l'opinion adverse va à
l'encontre même de ce but. Pourquoi, en elîet, le législateur a-t- il institué la s ubrogation ? La réponse a été
faite plus haut, c'est afi n de faciliter la libération. Or, le
véritable moyen de facil iter la libération, c'est de donner
à celui qui paye tous les d roils qui appartiennent a\f
créancier, et pour cela nous savons qu'il faut lui transporter la créance même.
Mais il ne suffit pas de démontrer la supériorité
d' une théorie, il faut encore l'établir en drôit. Nous y
arri vo ns. Les rédacteurs du Code ayant s uivi l'Ancien
Droit dans cette matière, c'est avant tout la tradition
qu'il faut consulter. Or, P othier définit la su brogation :
« Une fictio n de droit par laquelle le créancier est censé
céder ses droits et actions, privilèges et h~~othèques à
celui dont il rei:oitson dù. » (Jntr. à la Cout. d'Orléa ns.)
Il ne parle pas, il est Yrai, J e la cession de la créance,
mais la cause en est dans une conception un peu subtile
que Pothier tenait du Droit R omain. P our les Romains ~
la créance é tait un rapport personnel entre le débiteur et
le créancier, rapport qui cessait d'exister dès que l'un
des deux termes venait à disp araitre ; par suite, ils
considéra ient qu'une créance ne pouvai t pas être cédée.
mais ils corrigeaient celle règle embarrassante cn
per mettant cle fa ire la cession des actions qui en dérh·ent
Poth ier o·arcle la m~mc foron de ~·ex primer . mais ::-::;i
~
.
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pensée, <1ui ne saurait è tl'e dou te use, est que tous les
d roils qui naissent d'une créance passent du subrogeant
au subrogé par une cession fi ctive. Du reste, dans un
a utre passage , le g rand jurisconsulte s'exprime en
te rmes encore plus clairs : << La créance acquittée, ditil, est réputée, en faveur de celui qui est subrogé,
subsister a'"ec tous les d roits qui en dép endent. » (Traité
des Oblig. n• 522.) Le prem ier document légis ta tif porté
sur la matiè re est dans le même sens, c'est l 'Edit de
Henri I V, de 1609: 1< Voulons ... qu'ils soient et demeurent, de droit, aux. droits hypothèques, noms, créances,
raisons e t actions desdits an ciens créanciers sans a utre
cession et transport d'iceux. »
Le Code emploie le meme langage que l'Ancien Droit.
l i ne dit jamais que le subrogé acquie rt seulement les
accessoires de la créance ; il le montre toujours comme
i rwesti des droits du créanciel' primitif, et de ces d roits
le principal est é\·iJemment la créance elle- même.
L'art. 1250 n• 1 reproduit les termes de la définition d e
Pothier : « L e créancier r ecevant son paiement d'un e
tierce personne la subroge dans ses droits, actions,
privilèges ou hypothèrrues contre le débiteur. >> Les a r t.
12-Hl et 1250 n° 2 sont plus concis, mais, si l'on veut ,
par là même p lus énergiques ; ils disent que Je sub rngé
entre « dans les droits » du subrogeant, et puisqu'ils
ne font pas d'exception c'est qu'ils entenden t dans tous
les droits. On pourrait faire la mèwe remarque sur les
;ut. 874 et 2029, qui s'occupent aussi de la s ubrogation.
~otre système esl donc démontré ,· il n e nous r este
p ins qu'à refuter le raiso nnemen t sur lequel on base
l'opinion aùverse. Le paiement, dit-on, ayan t éteint la
rréance, le subrogé ne peut obtenir un droit qui n'a plus
rl'cxislencc lég:llc. Lr. rai'>onnrment C:il logique, mais
-
~7
-
la logique n'a que faire da ns la matière q ue nous
Lraitons. L e législa te ur c rée ici une fiction, il est libre
de la crée r a ussi large q u'ell e lui parait nécessaire et
telle qu'elle puisse ressusciter, a u profi t de celui qui
paye, à la fois les accessoires de la créance et la créance
elle-m ême. En outre, Merlin et Grappe ne peuvent
écha pper à cette conséquence de leur p rop re système :
le paie m ent éteint non- seule me nt la créance ma is aussi
le;; g a ra nties qui en son t les accessoi res. S i donc ils
répug nent à cette idée que la créance rev ive, ils ne
doivent pas admettre non plus que les p rivilèges ,
h ypo thèques el cautionne1oents échappent à l'effet du
paiement e t su bsistent.
En terminant cette discussion, nous emprunterons à
MM. Aub ry et Ra u lem définition de la subrogation, qui
résume admirablement l' idée que nous nous en fa isons
dans notre systè m e : « La sub rogation est une fiction
juridique, a dmise ou é tab lie par la loi, en verlu de
laquelle une obliga tion, éteinte au regard du créancier
orig inaire, par s ui te du paiement qu'il a reçu d'un tiers
ou du d ébite ur lui-même, mais avec des deniers qu'un
tie rs lui a fo urnis à cet effet, est regardée comme continua nt de subsister a u p rofit de ce Liers, qui est a utorisé
à fa ire valoir, dans la mesure de ce qu'il a déboursé, les
droits el actions de l'ancien créancier. 1> (Aub ry et Rau,
T . IV .)
Nous venons de décider, ayec Pothier et la généralité d es a uteurs modernes, que la subrogation est une
cession fi c tive des droils du créancier au tiers qui le
désinté resse. Toutefois, ap cès avoi r én oncé le principe.
il conYient d'en r c>strci ndre l'a pplication da ns de jus tes
)imites, et, en précisant, de dis tinguer la subrogation,
�-
!)8 -
e ession ficlive, du trans port de c réau re, cession véritabl e,
qui fait l'obj et des art. 1689 :i 1701 du Code Civil.
Tandis que le transport de créance est un acte
s imple, la subrogation est un acte complexe. L e premier
n' es t pas autre chose qu' une venle, moyennant un pri x.
déterminé, de la créance qu' une personne a sur une
autre, e t dans cette vente ]'acheteur spécule, c'es t- à-dire
ag it avec l'espoir de retirer de la créance qu' il acquiert
le plus grand p r ofit p ossible ; il ne tient donc aucun
compte de l' intérêt du débiteu r cédé. Dans la subrog ation,
au contraire, a vant la cession il y a le payement ; celui
qui vient se mettre entre le débiteur et le créancier
vis e principalement l'intérê t du débiteur qu'il veut'
placer dans une situation meilleure, et s i ensuite il se
munit lui-même des sûretés de la créance qu'il paye,
c'est non pour faire un gain, ma is pour éviter la perte
qui pourra it résulter de l'insolvabilité du débiteur.
De cette idée g énérale, découlent des d iliérences de
détail :
--
1° Pour le cr éancier, la s ubrog ation n'est qu'un
paiement pur et s imple ; quand il a reçu un paiement
pa rtiel il doit donc être dans la m êm e position que s 'il
anit reçu cette p ar tie de la créance sans subrogation.
Il y a entre cette hypothèse et celle où la créance a été
cédée pour pa rtie une diliérence complè te .
2° Le subrogé n 'est p as soumis aux formalités que
l'art. 1690 impose au cessionnaire, e t qui ont pour but
de faire connaitre aux tiers le transfert de droits qui
vient de s'opérer.
3• Aux. termes de l'art. 1G93 : << Celui qui Yend une
créance ou autre dr oit incorpor el doil en garantir l'exis-
-
59 -
te uce au le rnps <lu transport, quoi4u'il soi t fai t sans
garantie. ,, Celui qni reçoit un paiement ne doit, à
l'inverse aucune garantie, à raison de l'existence de sa
créance, et, s i cette créance n'e xistait pas en réalité, le
su brogé n'aurai t contre lui q u'une conclitio indeticti.
4° La cession d'une créan ce peut être consentie pour
une somm e inférieure au montan t nominal de la créance;
en fai t, il en sera même presque touj ours ainsi, la
réalis ation de la créance ayant nécessairemen t en soi
quelque ch ose d'aléatoire. Néan moins, le cessionnaire
pourra pou rsuiHe le débiteur pour le chiffre in tégral de
son obligation . Le s ubrogé, au contraire, si le créancier q u'il a payé a donné quitta nce entière moyennant
paiement de pa rtie seulement, ne sera en droit de réclam er au déb iteur que ses déboursés; cette règle n'est pas
écri te formellem ent clans la loi, mais elle r ésulte de
l'ensemble de ses d ispositions sur la matière: le tiers
qui a fait l'avance du pa iement a agi dans l'intérêt du
débiteur, il n'a pas fa it ouvertem ent comme le cessionnaire un acte de spéculation et il n'a pu espérer que
rentrer dans ses avances.
Telles sont les différences importantes qui séparent
la s ubroo-ation
de la cession de créance. Elles s'applio
queron t toutes les fois que des termes de l'acte il ressortira, d' un e manière inéluctable, que les parties ont eu
l'intention de se rapporter à l'un ou l'au tre de ces deux
faits juridiques. Il n'y aura pas p lace pour le doute
quand il s 'agir a d'un cas de subrogation légale ou d'~me
subrogation par le rlébileu r ; mais, par contre, s1. la
s ubrogati on émane dll cn\ancier, celui-ci , étant pr_opnétaire de la créance. a pu aussi bien faire 11ne cession de
�-
60 -
créance ttu' une suurogalion. ri faudra alors que les
lribunaux, sans s'arrêter aux termes mêmes dont les
parties se seront servies, recherchent quelle a été leur
véritable volonté. Et un motif puissant de décider sera
cel ui-ci : l'opération a-t-elle été faite en faveur du
créancier ? il est ;). présumer qu'il y a eu cession; en
faveur du débiteur? la subrogation est plus probable.
-
GI
subrogation esl une fiction et Loute fiction doit être
interprétée resll'ictivement; de plus, la sub roga tion
légale contient elle- même une exception aux principes,
en ce sens qu'elle suppose chez les parties une volonté
qui n'est pas exp rimée. Aussi ne doit-on invoquer la
subrogation légale que dans les hypothèses ou u n texte
form el y autorise, el dans ces hypothèses mêmes il faut
se garder de raisonner par analogie, de peur de sortir
des limites que la loi a tracées.
Les cas de subrogation légale sont, en premier
lieu, ceux que le Code indique dans l'article 1251
ainsi conçu :
« La subrogation a lieu de plein droit:
CHAPITRE II
Des cas de subrogation légale.
1° Au profit de celui qui, étant lui-même créancier}
paie un autre créancier qui lui est préférable à raison
de ses privilèges ou hypothèques;
Les règles qui ont été développées dans le chapitre
précédent sont générales el s'appliquent à la sub rogation, quelles que soient les circonstances qui l'ont fa it
naitre, qu'elle provienne de la convention des par ties ou
directement de la loi. La subrogation, en eITet, peut-être
conventionnelle ou légale. Dans le premier cas, elle est
consentie au tiers solvens soit par le créancier soit
mème par le débiteur; dans Je second le leo-islateur
'
0
'
se fondant sur des raisons de haute équité, la présume
stipulée par les parties et la leur accorde de plein
droit.
La subrogation légale est essentiellement de droit
étroit. Il y a rlr cela une double raison : d'abord la
2° Au profit de l'acquéreur d'un immeuble qui
emploie le pr ix de son acquisition au paiement des
créanciers auxquels cet héritage étail hypothéqué;
3° Au profit de celui qui, élant tenu avec d'autres
ou pour d'autres an paiement <le la dette, avait intérêl
<le l'acquitter;
~es
4° Au profit de l'hêritier bénéficiaire qui a payé de
deniers les deltes cle la s uccession. n
En second lieu , il y a des cas qui ont été créés par
Je Code de commerce ou de lois spéciales :
1° L'art. 159 du Code de commerce subroge au)\.
droits du porteur d'une lettre <le change celui qui la paie
par in tervention
�-
62 -
:!• Aux termes J e l'art. 5 J e la loi du 13 brumairtS
au VII, le consen·ateur des h ypothèques est subrogé
de droit aux actions que les créanciers, qu'il aurait été
obligé de payerJ avaient contre le débiteur originaire .
3• D'après les art. 29J 30 et 65 de la loi du 22 frimaire an VII, les officiers publics, tels que les notaires,
greffiers, huissiers, etc., sont s ubrogés légalement dans
les droits et pri vilèges du fisc et de la régie, pour
l'a,·ance des droits d'enregistrement qu'ils ont dû faire .
Nous nous bornerons à é tudier les cas de subrngalion légale de l'art. 1251 et s ur chacun d'eux nous
diYiserons nos explications en trois pa rties. Dans la
p remière partie il sera tra ité de l'origine et des moti fs
de la disposition de la loi ; dans la seco nde, nous nous
demanderons qui peut-être subrogé; la troisième sera
consacrée aux cond itions d'application de la subrogation·.
PREMIER
CA S.
Art. 1251.- La subrogation a lieu de p lein droit :
1° Au profit de celui qui, étant lui-même créancier,
paie un autre créancier qui lui est préférable à raison
de ses p rivilèges ou hypothèques.
H istorique et Jvlot i/s.
An premier abord, la raison d'être de cette subroga tion n'a pparait pas nette ment ; elle n'a pas lieu, e u
<'fTe~. en faveur d'un Mhiteur, mais d' un r réancier qu i
-
(j:J -
paye un autre cr~ancier . Or, quel intérêt ce créancier
a-t-il à payer? Arrivera- t-il par là à faire bénéficier
son a ncienne créance des s ûretés qui garantissaient La
créan ce qu'il éteint?
Noni en l'état de no tre système hypo thécaire, ce
résul tat es t impossible; chaque c réancier occupe, visà-vis du débiteur, une position, un rang qu'il ne peut
pas changer, par ce que, en re fa isant, il nuirait aux
droits de ses co- créanciers. Le paiement aura seulement
pour effet de mettre le creancier nouveau au lieu et place
de celui qu'il a désintéressé, et, dans la mesure des
so mmes par lui payées, de lui transférer les garanties
dont jouissait son prédécesseur. Mais alors n'eût- il pas
beaucoup mieux valui pour ce créa ncier, rester dans
l'inaction?
Venons à l'explication historique qui nous satisfera sur ce point. En Droit Romain, le premier créancier
h ypothécaire avait seul le droit de fa ire vendre les
choses sur lesquelles pesai t l'hy pothèque; il en résultait que ce créancier prior, devenu, comme les textes
le disent avec raisonJ potentior, tenai t les créanciers
postérieurs dans sa main , e t pouva it) en choisissant
pour agir, les circonstances les plus inopportunes, faire
produire a u gage commun une partie seulement de sa
valeur. P ou r remédier à cet inconyénient, les constitutions impériales créerenl le jus o/ferendœ pecuniœ,
é~esl-à-dire pel'mirent au créancier postérieur et en
vertu de ses offres, acceptées ou non, de prendre sa
place.
Notre ancienne jurisprudence et le droit moderne
ont fait dispa raitre le droil exorbitant du premier
J1ypothécaire, e t onl consacré, pour tout créancier, la
fa culté de faire ve ndre le IJien hypolhéqué . Le jus
�-
64- -
o//erendœ pecuniœ a perdu, pa r suite sa principale
utilité, ma is d'aulres motifs très j ustes l'ont fa iL
conserver dans l'Anc ien Droit e t dans le Code, sous la
forme de subrogation légale. Un créancier des premiers
en rang, certain qu'il est d'é tre payé, pourrait pours uivre la vente dans un mome nt ou l' immeuble n'est
pas susceptible d'atteindre son prix véritab le; les
créanciers inférieurs l'en e mpêch e ront en le dés intéressant. En oulre, si l'on d iminue le nombre des
créanciers, on diminue d'autan t les fra is nécessaires e l
les chances de contestation qui pourra ient les augmenter,
e t on donne a ux créanciers reslant l'espoir d 'être payés.
A qui la subrogat ion est-elle accordée?
Suivant le p rincipe énoncé plus haut, nous devons
ici interprê ter la loi resLrictivemenL et nous en tenir aux.
termes mêmes dont elle s'est ser vie.
L 'arl. 1251 établit la subrogation de p lein droit au
profit de celui qui est lui-même c réancier. Donc tou t
créancier p eut user de ce droit.
L 'examen de diverses ques tions se range sous cette
proposition:
1• Est-il nécessaire que le créanc ier qui a payé ait
un intérêt a écarter Je créancier qu' il désintéresse?
"llourlon (De la subrogat ion, p. 365 et svts. ) a soutenu
J"affirmative el prétendu que la loi, en supposant cet
intérêt, établit seulement une présomptionjuris tantum
qui pe ut-être détrniLe par la preuve contraire. L'opinion
adverse, qui se fonde sur les termes ab solus de l'ar ticle ,
est généralement admi se.
-
6:.i -
2° Faut- il que le créancier solvens ait le mèlne
débiteur que le créancie r payé? Renusson, ùans l'AnriP11
Droit, semblait l'accepter ainsi , rnais le Code exige
seulement que le gage soit commun au x Jeux créanciers.
3° L e cr éan cier chirographaire peul-il invoque r le
bénéfice de l'art. 1251 1°, ou cette disposition est-elle
réservée aux créanciers qui sont privilegiés ou hypothécaires comme ceux aux.quels ils vont se substituer?
Le Droit Romain sanctionnait celte dernière solution
et notre a ncienne j urisprudence suivit son exemple.
Potbier, pour soutenir cette doctrine, dit: <<la subrogation n'est accordée au créancier r1ue pour conserYer
et fortifier Je droit qu'il a sur les biens de son débiteur;
or il n'y a que le créancier hypothécaire qui ait un droit
dans les biens, le s imple chirographaire n 'ayant de droit
que contre la personne et n'en ayant aucun sur ses
biens. >i L a raison, malgré l'autorité de celui qui la
produit, est fa usse; il ne s'agit p oint en elîet d'un droit
réel proprement dit, mais du droit d'exproprier le débiteu r, et ce droit le simple chirograpa[re l'a certainement
comme le créancier hypothécaire. Quoi qu'il en soit, sauf
Grenie r, tous les auteurs reconnaissent aujourd'hui que
le créancier chirographaire peut acquérir la subrogation.
D'après l'art. 1251 1°, le créancier e"t subroge à
celui qui lui est préférable. Donc la subrogation a lieu
quand un créancier postcrieur paye un créancier antétieur. Mais supposons rrue l' hypotht'. ::ie i1wcrse se produise et qu' ùn créancier antérieur tlésintcrnsse un
créancier postérieur , sera-t-il subrogé? Renusson
présentai t l'afrlrmati ve com me certai ne dans l'Ancien
broit . «On ne peut p:is ùouler aussi. dit-il. que le
ï
�-
66 -
créancier antér ieur qui Youdrait payer le créancier postérieur ne fut pareill ement s ubrogé à ce créancier par
ce paiement . E n effet, il peut arriver qu'un créancier
antérieur, pour ménager Je bien du débiteur commun
et éviter les contes tations, voudca payer le créancier
pos térieur et, en ce cas, il es t raisonnable que le
créancier antérieur ait pareil avantag e qne le postérieur. »
(Renusson . Ch. IV, p. 93). Renusson est dans le u ai,
la décision qu'il propose serait raisonnable, et cependant
nous ne devons pas l'admettre dans notre droit moderne.
Les ex.pressions dont se sert le législateur sont formelles
en faveur de l'opinion contraire, et l'interprè te ne doit
point, dans une matière de droit s trict sur tout, substituer ses vues p articulières à la volonté de la loi.
Toutefois, on peut expliquer cette disposition: en D roit
Roma in, les textes ne visent en g énéral que le créancier
pos térieur usant du j us o(/erendœ pecuniœ à l'encontre
du créancier prior, et il devait en être ainsi dans une
législation où seul ce créancie r avait le d roit de faire
vendre le bien hypothéqué. Les rédacteurs du Code se
sont sans doute laissés influencer par la m ême idée
pratique, sans songer que notre cas de sub rogation légale
éta it loin de reproduire exactement le j us otferendi .
L'art. 1251, à ce m ot préférable, ajoute : à ra ison de
ses privilèges et hypothèques . Donc pour être s ubrog é,
le créancier doit désintérnsser u n créancier antéri eur
qui jouit d'un privilège ou d' une h ypothèque .
Le gage est un p rivilège ; :pa r conséquent , la
sub rogation a ura lieu quand un cr éancier pos térieur
paiera le créancier gagiste. Une difficulté toutefois se
présente. A.ux term es de l'art. 2076 du Code Civil: uLe
priv ilège ne subsis te sur le gage qu'autant que ce gage
-
67 -
a été mis et est resté eu la possession du cr6ancier ou
d' un tiers convenu entre les parties. u S i l'objet est
entre les m a ins d'un tiers convenu entre les parties ,
aucun obstacle ne s'opposera à la subrogation légale,
le tiers demeurera en possession après com me avant le
paiement. Mais si c'est le créancier gagiste qui détient
lui- ruême l'obj et, po urra- l- il en transférer la détention
au créancier qui le p aye sans le consentement du débiteur? Un doute sé rieux est né clans l'esprit des auteurs
s ur ce p oint, et nous croyons qu'en effet il faud ra
demander le consentement du débiteur rela tivement à ce
ch angement de possession et pa r suite recouri r à la
s ubrogation conventionnelle
Si le créancier antérieur n'a ni privilège, ni hypothèque, la subrogàtion ne pourra se pro<luire. E xaminons
pl usieurs hypothèses :
Le vendeur d' un imm euble, à défaut de paiem ent du
prix, forme contre l'acquéreur une demande en résolution de la vente ; un créa ncie r de l'acquéreur pourral-il , en lui oŒrant le prix , prétendre ètre s ubrogé? La
Cour de Cassation, <lans un remarquable a rrêt du 3 juillet
185-1, a solidem en t étab li la négative.
La cause de préférence est un ùroit <l'antich rèse ou
de ré tention ; il faut décider encore que le créancier
pos térieur ne p ourra obtenir la subrogation en payant le
créancier antérieur.
De mêm e e l a (ortwri, si l'avantage du créancier
anté rieur consistait dans le ùroit <le contrainte pa r corps.
Tous ces cas sont exclus par le texte de l'art. 1251 ·
de plus , ce se rait aller contre l'esprit de la loi que de
leur étendre la subrogation. (~uell e a été en eliet l'intention du législa te ur ? Donner aux créanciers postérieurs
la possibilité d'arrêter une action prétnaturée de la pa rt
�-
G -
-
des créanciers antérieurs qui , à raison de leur rang 1
sont assurés de ne pas souffrir d' une vente intempestive.
Or le titulaires des droits que nous venons de passer
'
en revue, sont aussi intéressés que les autres créànciers
à ce que les b iens de leur déb iteur atteignent leur p lus
haute Yaleur ; il n'est donc pas à craindre qu' ils poursuivent la ven te hors de propos.
Conditions de la Subrogation
Une seule condition de fond est exigée, c'est que le
créancier postérieur paye le créancier qui lui es t préférable .
Il doit payer avec des deniers
lui appartenant ;
mais peu importe l'origine de ces deniers, en ce sens
que l'on n'a pas à considérer s'ils sortent directement de
la caisse du créancier ou s'il les a empruntés: dans
cette dernière hypothèse, le créancier devient, par
l'emprunt, propriét.aire des somni es qu'il emprunte, et
ce fait suffit a u vœu de la loi .
Que le créancier doive payer de ses p rop res deniers,
cela était en quelque sorte d'évidence. Cependant, on a
élevé les singulières prétentions qui s uivent:
Un débiteur avait délégué des fe rmages à son
créancier. Au moment de l'éch éance, celui-ci se vit
produire par les fermiers les r1uitlances des con tributions foncières qu'ils avaient payées au nom du
propriétaire, et il dut en subir la réd uction. Il soutint
a lors qu'il était sub rogé au pr ivilège du Trésor public.
Les tribunaux le débou lèrent en disant avec raison que
les contributions foncières avaient é té payées des deniers
du débiteur et non des den iers d11 créancier .
a
69 -
Dans une autre espèce, deux créanciers d'un même
déLiteur , Pierre el Paul, avaient: Pierre, une hypothèque générale grevant au premier rang tous les immeubles
du débiteur; Pa ul , une h ypothèque spéciale sur l' immeuble A. Pierre se fit payer sur le prix de l'immeuble A,
en vertu de son hypothèque générale et absorba ainsi la
somme que ce bien avait produ ite. Paul prétendit qu'il
é tait s ubrogé à l'hypothèque que Pierre avait sur les
autres immeubles, mais il fut repoussé par cette même
raison que les deniers rés ultant de la vente de l'immeuble
A appartenaient au débiteur et non à lui, Paul, créancier .
En principe, le créancier postérieur qui veut payer
le créancier antérieur, n'a pas à s'assurer par arnnce le
consentement <le celui-ci; la loi ne fait nulle part du
consentement du créancier antérieur la condition de la
subrogation légale, On p ourra donc , en cas de refus,
employer la procédure des offres réelles, et la consignation des deniers Yaudra paiement. Seulement, il est alors
nécessaire que le pa iement so it total , c'est-a-dire de
tout ce qui e!>t dù au créancier préférab le, en cap ital ou
intérêts, à ra ison de son pri\·ilège ou de son hypothèque.
Si le créancier ne peut se YOir imposer uu paiement
partiel , lorsqu'il acceptera de bon gré d'être payé pour
partie, la subrogationdel'art.1 2;;11•s'opérera -t- elle?
Cette question a fai t naitre une controverse qui nous
parait sans intérêt.La subrogat ion , en eŒet, est légale . en
ce sens qu'elle peul se p roduire mème contre la vohinté
du créancier; or, nous venons d'établir qu'on ne saurait
oblio-er
le créancier antérieur à r ecevoir un paiement
t>
partiel; p ar suite, au cas où Je s ubrogé et le subrogeant
conviend ront <l'un paiement partie l, Cè n'est plus une
s ubrogation légale qu i se produira, mais une subrogation
ronvenlionnelle qui no rentre p ~:; dans le cadre de c ett~
thèse.
�-
70 -
Dans le même ordre ù'idées el comm e conséquence
de ce principe que le paiement doi t être to tal, il nous
reste à trancher le point suivant : lorsqu'un créancier a
contre son débiteur deu x cr~ances et q ue pour l'une il
est antérieur et pour l'autre postérieur à un autre créancier, ce dernier, s'il veut ètre s ubrogé dans la p remière
créance, doit- il aussi payer la seconde ? Prenons un
exemple: Un immeuble a été hypothéqué successivem ent
pat· son propriétaire pour 50. 000 fr. à Prim us, pour
30.000 fr. à Secundus et pour 20.000 fr. à P rimus
encore. Secundus veut se faire subroger à P rim us,
relath·ement à sa créance de 50. 000 fr. Prim us a u rat-il le droi t d'exiger que Secundus lui paie à la fo is sa
créance de 50. 000 fr. et celle de 20. 000 fr ? E n faveur
de la négative, on a fait valoir les précédents historiques:
un fragment <lu jurisconsulte Tryphoninus et l'opinion
de Renusson. On a invoqué aussi le texte de l'ar t. 1251
qui, dît-on, en imposant au créancier inférieur l'ob ligation de payer le créancier qui lui est préférable à ra ison
de ses privilèges et hypo thèques, limite pa r là m êm e,
cette obligation au paiement des créances pour lesquelles
le créancier antérieur lui est préférable. Cependan t la
majorité des auteurs et la jurisprudence ont touj ours
aùopté l'affirmative. Il y a, en effet, deux raisons dé terminantes qui doivent faire triompher la seconde doct ri ne.
En premier lieu , dans l'exemple que nous avons
donné, supposons que Secundns ail payé la créance de
50. 000 fr. et 1ru'il soit a insi s ubrogé à Primus pour
celte créance. Primus ùe préférable q u' il étai t, est devenu
primé; il pourra donc reprend re son a ncienne situation,
Pn payant la créance de 50. 000 fr. à Sec und us. Secun
dus ~l son tour ::;era li bre rlc payer de no uveau Primus,
et il s'ensuivra un circuit d'actions r!1Ü deviend ra un
-
71
véritable j eu . Il est évident l{Ue le législateur n'a pu
ad mettre cette situation .
En second lieu, il y a , en ma tière de subrogation,
un axiome fonda men tal : Nemo contra se subrogasse
censetur, la s ubrogation ne peu t pas nuire a u subrogé,
qui serait violé dans l'op inion adverse. Par sa créance
du prem ie r rang, P r imus ti ent le débiteur sous sa
dépendance, et il peut . assu rer le recouvrem ent de sa
c réance inférieure. S'il est obligé de recevoir le paiement
de la première créance seule, il perd ra cet avan tage et
ép rouver a un vérita ble domm age.
La règle que nous venons de poser ne fléchit que
dans une hypothèse, c'est lorsque le créancier postérieur
est en même temps tenu de payer la dette soit personnellemen t, comme caution a u débiteur solidaire, soit
h ypothécairement. Le créancier , en retou r de l'obligation
de payer la de tte a nté rieure à laquelle il est astreint,
doit avoir le d roit a bsolu de se libérer et Je pa iem ent
qu'il fait, confor mémen t à l'art. 1251 3°, doit être respecté d u créancier qui l'a reçu et considéré par lui
comm e défi nitif.
La loi n'exige aucune condition de forme pour la
s ub rogation. Dès lors, s i elle est contestée, le subrogé
pourra faire la preuve du paiemen t suivant le d roit
commun .
DEUXIÈME CAS
Art. 1251.-La subrogation a lieu de p lein droit
2° Au profit de l'acquéreur d'nn immeuble qut
emploie Je prix cle. son nccruisition an pniemenl de"
rréanciers 111\.rruelc; rot hët'itage était h,vpoth(•11ue
�-
72 -
H istorique et J.vloti/s
Cette subrogation, comme celle de l'art. 1251 1\
t ire son origine du Droit romain. Des lois 17 Qui potiores, Digeste: el 3 De his qui in pot. Code, il r ésulte que
l'acquéreur d'w1 immeubl e qui ve rsait entre les ma ins
des créanciers hypothécaires s~n prix d'achat, s uccédai t
à leurs hypothèques sur cet immeuble. Mais où l'on
rencontrait des diYergences, c'était sur le point de saYoir
s i cette succession s'opérait de plein droit ou si ell e
ùevait être l'objet d'une clause particulière réclamée
par l'acquéreur.
Dans notre Ancien Dro it, Je principe de cette subrogation fut admis sans difficulté. Toutefois, la même
controverse, que nous venons de s ignaler, se perpétua
entre les auteurs : tandis que Renusson soutenait que
l'acquéreur était s ubrogé par le fait seul du paiement,
Pothier exigeait, au contraire, de la par t de l'acquéreur,
un e réquis ition.
Ces discusions n'ont plus, aujourd'hui, aucune raison
d'ètre, le texte du Coùe établit fonnell emen t la subrogation de plein droit.
Recherchons le but que s'est proposé le législateu r
en instituant notre subrogation. Lorsqu'une personne
acquiert un immeuble grevé d' hypothèques, elle est tenu e
hypotbécairement des dettes, c'est-à-dire elle doit, s ur
la poursuite des créanciers liypotliécaires, payer, délaisser
l' immeuùle, ou en subir l'expropriation. Supposons que
cette personne distribue son prix aux créanciers hypothécaire~, elle éteintl ra ai11 &i les hypothèques cl afTran\)h i rn so11 i1nmf'11ùle des chargPs <J1 1'i l s upporte Un pa rc~!
73 -
résulta t est é\' iÙe1JJmenl cons itlé raL1e; mais, j usqu'u
présent, on ne voit pas l' int érêt que peul avoir l'acquéreur à être subrogé aux. droits des créanciers hypothécaires
<lu' il a payés: son im1neuhlc est libéré, à quoi lui servent
les hypothèques qu' il conserve? L'inté rêt de la subrogation
apparait lorsque le prix pour lequel l'acquéreur a obtenu
l'i mm euble est inférieu r au total des créances inscrites,
et que les créanciers des derniers rnngs n'ont pas été
désinté ressés par la <listl'ibution du prix.. Ces créanciers
ont toujours le droit cle poursuivre l'expropriation de
l' immeuble; mais alors l'actfUéreur trouvera, dans la
s ubrogation, le moyen de prévenir les poursuites, et à
défaut, <le réparer les conséquences désastreuses qu'elles
a uraient à son encontre. Ainsi l'im meuble a été acquis
au prix de 100. 000 fr. et l'acquéreur a versé cette
somm e entre les mains cles premiers inscrits dont il a
pris la place . 100. 000 fr . étaient- ils la juste Yaleur de
l' immeuble ? Les créanciers derniers inscrits n'agiront
pas en exp ropriation, suivan t toute probabilité, car s i
l'adjudication produisait 100. 000 fr. ils reviendraient
entièrement à l'acqué reur s ubrogé. L'acquéreur a-t-i l
ftCheté l'immeuble au-dessous de son prix véritable ?
Les créanciers, derniers inscrits, poursuivront l'expropriation, mais l'acquéreur ne perùra rien, puisque s ur
les 130.000 fr., par exemple, qu'aura atteints l'immeuble,
il prélèvera 100.000 fr. co m me subrogé aux droits des
créanciers qu'il a désintéressés. Da ns la première des
hypothèses que nous venons ùe faire, les poursuites
seront prévenues; dans la seconùe l'effet en sera réparé.
Cependant la subrogation n'est pas un remède
toujours efficace, et il so présentera des cas dans lesquels
\'acquéreur, quoique sub rogé, clevra subir l'éYiction rl
sera constitué en p erle. Ai mi l'immeuble a été vendn
�-71son jus te prix, 30.000 fr.; une cause accidentelle donne,
après coup, une valeur plus grande aux immeubles, les
derniers créanciers poursuivent l'expropriation et il se
trouve un enchérisseur qui ofTrc 35. 000 fr L'acquéreur
devra se laisser enlever l'immeuble ou se porter adjudicataire pour 35. 000 fr ., et, dans cette hypothèse, il
perdra 5. 000 fr. Et encore, en admettant que la valeur
de l'immeuble n'ait pas changé, les enchérisseurs, qui
savent que les frais considérables de l'expropriation
demeurent à la charge de l'adjudicataire, diminueront
leurs offres d'autant; par exemp le, s i l'immeuble a été
vendu 30 . 000 fr., ils offriront 25. OO fr.; au cas où l'immeuble leur resterait à ce prix, l'acquéreur subrogé pour
30. 000 fr. subirait encore une perte de 5. 000 fr. Aussi
le seul moyen, pour l'acquéreur, d'obtenir une sécurité
complète, c'est de remplir les formalités de la purge,
qui, éteignant le droit de suite que les tiers peuvent
avoir sur l'immeuble, le laissent dans ses mains absolument libre.
;i
Deux. objec tions peuvent ê tre élevées contre la
subrogation de l'art. 1251 2°. Comment concevoir que
l'acquéreur soit subrogé lorsqu'il ne fait que payer son
dù ? La subrogation suppose un recours et il n'y en a
aucun ici. Comment, d'autre part, l'acquéreur, par cette
subrogation peut-il obtenir une hypothèque sur son propre fonds? Ces objections seraient fondées, si l'acquéreur
restait propriétaire incommutable de l'immeuble; H
ne saurait alors être question <le s ubrogation, de recours,
ni d'hypothèque. Pour rendre son utilité à la subrogation,
il faut supposer que la purge n'a pas été faite, et q11e,
les créanciers non-payés ayant poursuivi l'expropl'iation
de l'immeuble, l'acquéreur en a été évincé. Alors, et en
premier lieu, cc n'est pas sa dette propre que l'acquéreur
a payée en s'acquittant de son prix entre les mams de:;
premiers créanciers inscrits, mais la delle d'un autre,
et il est juste qu'il ai t un recours sérieux ; en seconù
l ieu, les hypothèques que l'acquéreu r aura sur l'immeuble ne reposent plus sur son propre fonds. Aussi
long temps qu'il est demeuré propriétaire de l'immeuble,
ces droits réels se sont confondus dans sa propriété ;
mais auj ourd'hui qu' il est évincé, ils reprennent en
quelque sorte leur individualité et peuvent être exercés
séparément.
Faisons une dernière observation. La subrogation
que nous étudions n'est, comme nous le verrons bientôt,
qu'un cas particulier de la subrogation que la loi a
placée sous le n• 3 de l'art. 1251 . Pourquoi le Code, qui
devait, quelques lignes plus bas, établir le principe
crénéral , énonce-t-il séparément et tout d'abord une
t:>
application de ce principe? La meilleure explication a
donner de ce fait est historique. Dans l'Ancien Droit, le
principe général étai t discuté, tandis que la subrogation
spéciale de l'art. 1251 2° était universellement admise.
Les rédacteurs du Code ont en à se préoccuper des deux
cas, et ils les ont consacrés par deux paragraphes
distincts .
A qui la subrogation est-elle accordée?
L'art. 1 251 2° ùonnc la subrogation à l'acquéreur
d' un immeuble. Il en résulte que celui qui paie le~
créanciers inscrits doit ètre acquéreur de l'immeuble
hypoth équé ~u moment mèmc où il fai t son paieme.nt.
Et µar suite, la subrogation ne pou n ait avoir lieu s1 le
paiement était eITeclutl, soit aYaut l'acquisition par une
�-
•
76 -
personne qui a le projet d'ache ter l'immeuble el qui
réalise en effet son projet plus tard , soit après l'éviction
par celui qui a été dépossédé. Dans l'un et l'autre cas,
on sorti rait de l'hypothèse prévue par la loi ; il n' y a
pas encore ou il n'y a plus acquisition , et les sommes
distribuées aux créa nciers ne sauraient être appelées
véritablement un prix.
Celui qui a acquis un immeuble a non domino et a
employé son prix au paiement des créanciers hypoth écaires, s'il est évincé ùans la suite par le propriétaire,
peut-il se prévaloir de la subrogation ? La raison de
douter est dans la considération du but que le législateur
a voulu atteindre par notre deuxième cas de s ubrogation
légale. Il s'est proposé certainement de mettre l'acquéreur
à l'abri de l'action hypothécaire des créanciers inscrits
et non désintéressés, mais il est peu probable qu'il ait
prévu l'hypothèse d'une action en revendication du
véritab le propriétaire. Néammoins, comme nous n'avons
à considérer que le texte lui-même, et que le mot
acquéreur de l'art. 1251 2° comprend parfaitement
l'acquéreur a non domino, nous lui donnerons la subrogation, avec cette restriction seulement, qu'il devra être
de bonne foi, la loi ne pouvant accorder sa protection à
celui qui sciemment achète l'im meuble d'autrui.
Dans la mème solution, cl par le même motif, nous
ferons entrer le cas ou une action en résolution , en
nullité ou en rescision de la vente a dépouillé l'acquéreur .
L'art . 1251 2° accorde la subrogation de plein droit
à l'acquéreur d'un immeuble. La loi n'attribue pas la
subro00'ation à l'accrué reur d'un meuble · et en effet les
, '
'
meubles n'étant pas soumis au dro it de suite, la
propriété s'en trouve sufDsamment garantie entre les
mains de l'ach eteur, par la règle: En (ad de meubles,
'(lossession va~tt titres. (C C. Art 2279).
._ i1 -
Quels sont les in11neubles dont l'acquisition peut
donner lieu à la subrogation légale ? L'article vise
certainement l'acquisition de la pleine propriété, entière
ou indivise, la nue-propriété, l'usufruit, en un mot, le
droit de propri été ou ses démembrements. Mais qu'en
est-il du droit d'usage, ou d'habitation, ou des servitudes
réelles? Nous croyons que ces droits sont en dehors des
prévisions de la loi . Le législateur, en effet, a envisagé
le cas où deux sortes de personnes étaient en présence,
les unes, les créanciers inscrits, pouvant forcer l'autre,
l'acquéreur de l'immeuble hypothéqué, à délaisser ou a
payer, l'acquéreur pouvant faire aux créanciers des oflres
à fin de purge. Or, rien de semblable ici , les créanciers
hypothécaires ont le droit de poursui\Te la vente de
l'immeuble sans tenir compte du droit d'usaCTe
o 7 d'habitalion ou de servitude, et, d'un autre côté, l'acquéreur <le
l' un de ces droits n'a pas la faculté de purge!'.
L'art. 1251 2° institue la subrogation au profit de
l'acquéreur qui paie son p rix <l'acquisiti on . Ces mots
font naitre deux. questions : L'acquéreur est-il subrogé
lorqu'il paye plus que son prix, est-il subrogé lorsqu'il
paye moins?
Lorsqu'il paye moins, il 11 'y a pas <le doute, la
subrogation a lieu. Aucune disposition n'établit le
contraire, et du reste, dans plusieurs hypothèses, l'acquéreur se trouvera forcé <le payer une somme inférieure
au montant de son prix. Ainsi les créances inscrites
peuvent ètre moindres que le prix; et, en outre, s'il y a
plus çl'un créancier hypothécaire, l'acquéreur devra bien
les payer séparément, et on ne comprendrait pas qu'il
ne fut p oint sub rogé à la première créance, dans l'intervalle qu'il met à payer les antres .
�-
ï8 -
Quelquefois l'acquéreur paiera plus que son prix,
quand après s'ètre déjà acquitté entre les mains du
Yendeur, il paiera encore les créanciers inscrits, ou bien
quand, en distribuant son prix aux créanciers, il y ajoutera une somme pour les désintéresser en plus grand
nombre ou totalement. Sera-t-il subrogé en vertu de
l'art. 1251 2°? La jurisprudence et les auteurs répondent
affirmatiYement. A notre avis, ils commettent une erreur:
l'art. 1251 2° ne parle que du prix , et ce n'est plus
rester dans ses termes que d'étendre la subrogation à ce
qui est payé en sus du prix. Nous nous empressons
d'ajouter que cette contradiction, importante au point
de yue des principes, est sans intérêt au point de vue
pratique. L'acquéreur sera subrogé, en effet, pour ce
qu'il a donné en excédant de son prix , en vertu de
l'art, 1251 3°, et le résultat ne changera pas.
Nous raisonnerions de la même manière, s'il s'agissait d'un échangiste ou d'un donataire ·qui payeraient
les créances hypothécaires grevant l'immeuble par eux
acquis. Pour eux, il n'y a pas de prix, mais ils sont tiers
détenteurs tenus hypothécairement et ayant intérêt à
acquitter la dette : l'art. 1251 3° leur est applicable.
L'art. 1251 2° subroge l'acquéreur qui emploie le
prix de son acquisition au paiement des créanciers
auxquels l'héritage était hypothéqué. Il faut entendre
par là non-seulement les créances hypothécaires, mais
aussi les créances privilégiées, le privilège immobilier
n'étant au fond qu'une hypothèque privilégiée.
:\lais il ne faudrait pas aller plus loin, et par analogie
avec ce que nous avons décidé pour l'art. 1251 io, nous
devrons dire que la sul.irogalion ne serait pas possible
n l'arquéreur d'un bien donné 'Jl!Ï voudrait payer Je
-
79 -
donate ur, au cours d'une action en révocation pour
inexécution des charges que ce dernier a intentée contre
le donataire.
Conditions dit la Subt'ogation.
La condition de fond essentielle, pour que la subrogation se produise, est qu'un paiement ait eu lieu. Est
s ubrogé: «L'acquéreur qui a employé, dit l'art. 1251 2°,
le prix de son acquisition au paiement des créanciers
auxquels l'héritage était hypothéqué. »
Comment le paiement doit- il être fait? Spontanément de la part de l'acquéreur ou sur poursuites, il est
également valable, la loi ne distingue pas.
Faut-il que l'acquéreur verse lui-même les deniers
qui représentent le prix, entre les mains des créanciers
hypothécaires ou peut-il se servir de l'intermédiaire
d'un tiers ? Que l'acquéreur puisse charger un mandataire
quelconque d'effectuer le paiement en son lieu et place
la question n'a jamais fait doute pour personne. Mais on
a voulu élever des difficultés quand il s'est agi de savoir
si ce mandataire pouvait être le vendeur de l'immeuble
et, par conséquent, le débiteur des créances hypothécaires
qui vont étre acquittées .
Pour nous, nous proct' derons, comme nous l'avons
toujours fait au cours de cette étude, en nous conformant
strictement aux termes de la loi. Or, que demande la
loi? Que l'acquéreur paie son prix au créancier, c'est-àclire qu'il s'établisse entre eux la relation de personne
qui a payé à personues qui ont reçu. Dès lors , on est
amené à faire les deux llypolhèses suivantes:
Ou l'acquéreur a payé clirectPment son prix au
�- so vend eur, saus stipuler aucunement de quell e manière ce
prb. devrait ètre employé, et le vendeur, de son p ropre
mouvement, a distribué les sommes qu' il a reçues a ux
créanciers inscrits. Dans ce cas, la sub rogation n'a
pas lieu ; il s'est passé en efTet , deux opérations tout
à fait distinctes et séparées, le paiement par l'acheteur
au vendeur du prix de l'i mmeuble qu'il a acqu is d' un
coté, de l'autre, le paiement par le vendeur à ses créanciers hypothécaires de ce qu' il leur doit. Il serait
illogique de faire résulter de la seconde opération des
conséquences pour la première. L'acquéreur, en payant
le vendeur, a Youlu seulem ent éteindre sa dette personnelle ; le vendeur, en payant les créanc iers inscrits, n'a
voulu que se libérer lui-même .
Ou bien l'acqué reur a versé son prix entre les
mains du vendeur, mais en lui donnant le mandat de
payer à son tour ce prix aux créanciers inscrits, et le
vendeur a exécuté son mandat . Certains auteurs,
Gauthier entre autres, serefusentàconsidérer le paiement
intervenu dans ce cas, comme émané de l'acquéreur et
par s uite à en faire découler la subrogation à son profit,
K ous pensons autrement. Puisque nous avons reconnu
que l'acquéreur peul payer son prix aux créanciers par
un mandataire, et néanmoins être subrogé, la solution
doit rester la mème dans l'hypothèse que nous exami·
nons: le fait que le mandat a été rempli par le vendeur
et non par un tiers quelconque ne chang e rien au droit.
Il faut concéder toutefois qu'il sera très souvent
difficile de distinguer entre les deux cas ci-dessus, et,
si l'acquéreur est prudent, lorsqu'il remettra son prix au
vendeur, avec la mission de l'employer à désintéresser
les créanciers, il devra, en lcrmes cla irs et p récis 1
s'expliquer sur ce mandat , sous peine de voi r la subrogation lui éch appe r
- sl
On a soutenu qu'il n'y a pas s uLrogation qua11J
l'acquéreur paye les créanciers inscrits en Yertu d'un!!
délégation introduite par le vendeur dans Je contrat de
vente. Un arrêt de la Cour d'Am iens du 13 aoùt 182-l,
avait même consacré cette doctrine . Mourlon , qualifie
très durement cette décision, il y voit une « véritable
ha llucination de la jurisprudence», et tous les auteurs
ont, avec lui , adopté l'opinion contraire.Rien n'autorise.
en effet, une exception aux p rincipes, dans l'espèce que
nous venons d'indiquer. Renusson la prèyoyait expressément dans l'Ancien Droit, et accordait la subrogation;
le texte de l'art. 125 1 2° est général et la comprend
parfaitement ; enfin, l'argument sur lequel la Cour
d'Amiens parait se baser: que l'acqué reur, lorsqu'il y a
délégation, paie sa p rop re dette, ne saurait être un
obstacle. L'acquéreur , en payant son prix, acquitte
toujours sa propre dette v is-à-vis du vendeur, que la
délégation exis te ou non ; mais Yis-à-vis des créanciers
hypothécaires qu'il désint6resse, il agit en qualité de
ti ers-détenteur et ne paie jamais sa propre dette.
La loi n'impose, pour ledeux.iè me cas de subrogation,
aucune cond ition de forn1e. Si le paiem ent que l'acquéreur
prétend avoir fait aux créanciers inscrits est contesté,
ce sera à l'acquéreur a en dé montrer l'e~istence. Mais,
il n'aura à se conformer qu'aux. règles ordina ires de la
preuye
'fROISIÈ?.lE CAS
Art. 1251. La subroga tion a li eu de pleii1 dtoit:
3° Au profil de celui qui , rlant tenu a\'ec d'autres ou
pour d'autres au paiemeut de la dette, avai t inténH de
l'acquitter.
Il
�-
&~
-
Historique et Moti(s
Dans le principe, Je Droit Romain n'accordait à celui qui, étant tenu avec d'a utres ou pour d'autres, avait
acquitté la dette, qu' une action 1nandati au negotiorum
gestorum ; mais de bonne heure la ju risprudence créa
le bénéfice cedendarum actionum, par lequel le débiteur solidaire ou la caution pouvait, en payant le cr éan cier, exiger que ce dernier lui trans mit ses actions.
Totre Ancien Droit donnait, dans la mêm e hypothèse,
au débiteur tenu avec ~'autres ou pour d'autres, non
point la subrogation de plein droit, mais le droit de requérir la subrogation du cr éancier. Du reste, la réquisition faite, que le créancier lui accordàt ou non la subrogation, le débiteur pouvait s'en prévaloir. Dumoulin
voul ut aller plus loin et, dès la première leçon qu'il fit à
Dôle, il soutint que le codébiteur solidai re et la caution,
ainsi que tous ceux qui payaient ce qu'ils de\·aient avec
d'autres ou pour d'autres, é taient s ubrogés de p lein droit,
et en dehors de toute réquis ition. Il appuyait sa doctrine,
en équité s ur cetle raison que si les personnes indiquées
ci- dessus avaient le droit d'exiger la s ubrogation , la
présomption devait être qu'ils se l'étaient rés~rvée, p ersonne n'étant censé renoncer à ses droits, en droit sur
l'interprétation de divers fragment s empruntés aux jurisconsultes romains. On ne suiYit point l'opinion de Dumoulin, qui était mal fondée au poin t de vue des textes,
comme le démontra Pothier; mais le législateur moderne, en s'emparan t de celte opinion et en en faisant le
~ 3 de l'article 125 1, a sagemeut agi, car elle r épond à
une idée absolu ment juste.
-
83 -
Par là, nousarnus en quelque sorti: rxJiliqué le il1u•
tif s ur lequel repose notre subrogation. Le créancier, re\·1- ~
vant son paiement, n'a aucun intérêt a co11serYer <l• s
actions qui périraient entre ses mains; d'un autre côté 1
le débiteur pourrait se refuser à payer, si ces actions ne
lui étaient point trans mises. La loi intervient et s uppose
une convention de subrogation .
A qui la S ubro9ation est-elle accordée?
Les cas de s ubrogation, étudiés jusqu'ici, Yisaienl
une personne spécia le ment déterminée. No tre paragraphe a une portée plus g nérnle; i 1s'appliq ue à la catégotie fort nombreuse de ceux qui réalisent ces deux conditions: Etre tenu avec d'a utre::. ou pour d'autres, a voir
intérê t à acquitte r la dette.
Est-il nécessaire que ces deux conditions se trouvent
réunies chez la m ê me p ersonne, ou suffi t- il d'une seule
pour que la subrog ration ai l li eu '? Celu i qui satisfe ra à la
première satisfera é \·iue mrnent à la seconde. S'il es t tenu
ùe payer la dette , il a en même temps intérêt à la payer
immédiatement et sans attend re les poursuites, d'abord ,
parce que ces poursuites pourra ient être intentées à 1111
moment où il sera it embarrassé, tandis qu' il a actuellement des fond s dis ponibles, et ensuite pa rce que, dan
l'intervalle, le coobligé ou le débiteur principal, contre
lequel il doit exercer son recours , peut devenir insolvable. Mais la seconde condition n'implique pa ' de mèmt'
la première, et tel qui a int~ rè t:). aClfUi ller la dette peut
ne pas y être tenu; c'es t cc qui arrive, p:ir e xemple, pour
Pacquéreu r d'un droit d'usage ou d'habita tion. Laquestion doit donc ê tre posée. Quant à la r éponse, ell e ne
saurait être douteuse : le texte, par les termes dans
�-
8i -
les<1uels il est conçu, impose la réunion ùes deux conditions, brisanl en cela avec l'Ancien Droil où, d 'après
Pothier , il suffisait d'avoir intérêt à payer pour avoil' le
ùroit de demander la subrogation.
L'article 1251 3° s ubroge ceux qui payènt étant
tenus avec d'autres ou pout· cl'autres.
E tre tenu avec un autre, c'est être obligé de payer
la totalité d'une dette, qui nous intéresse en mème temps
qu'une autre personne, et de laquell e nous devons supporter une part déftnitivemenl el sans recours. Tel est le
cas de celui qui e mprunte solidail'ement une somme dont
il prend sa part.
Etre tenu pour un aulre, c'est ê tre dans la nécessité de payer une dette qui doit ôtre supportée par une
autre personne contre laquelle on a le droit de recourir
pour la totalité, après avoir payé pour elle. Ainsi la cauti on est tenue pour le débiteur.
On a remarqué, avec raison, que la per sonne tenue
a,·ec d'autres, comme le débiteur solidaire, est en même
temps tenue pour d'autres, dans la mesure de ce qui
dépasse sa part dans la delle ; réciproquement, la personne tenue pour d'autres, la caution, par exemple, est
aussi tenue avec d'autres, le débiteur principal. Il eut
donc été plus logique que le texte portât tenu avec et
pour d'autres. Mais cette difîérence de rédaction n'a
a ucune importance ; la pensée qui se dégage nettement
tous
des termes de la loi esl celle-ci : elle Yeut s ubroaer
ID
ceu x qui sont obligés de payer nne dette intéressant, soit
pour la totalité, soit pour partie 11ne autre personne,
contre laquelle il y a lieu de recourir.
Ainsi que nous le disions au début de celte divisio11
'
'
les personnes auxquelles s'applique notre s ubrog ation
-
85 -
sont très nombreuses, et nous ne saurions avoir la prftention de les passer toutes en revue. Nous examinerons
seulement les cas principaux, en disting uant les personnes qui sont tenues en vertu d'un lien personnel, et celles
qu i sont tenues en vertu d'un lien réel.
Parmi les personnes tenues personnellement au
payement, il faut placer, au premier rang, le codébiteur
d 'une obliga tion solidaire qui a payé la dette de tous.
La s ubrogation légale est accordée au débiteur solidaire qui a payé la dette, pour la totalité ou pour une
portion supérieure à celle qu'il doit suppot'ter définitivement. Les mèmes effets se produiseul qu'il ait payé
volontairement ou par conlrainte, que Ja solidarité fut
conventionnelle ou légale ; il en est de même si la solidarité est parfaite ou imparfaite, en admettant toutefois
que le Code ait vérilablement consacré ces deux sortes de
solidarité, ce qui fait l'objet de discussions.
Il en résulte que la subrogation aura lieu , dans
l'h ypothèse des articles 395-396, 1200, 1442, 1633, 1733,
1734 , 1887, 2002 du C. Civil, 22, 23, 118, 1-10, 187 du
C. de Com., 55 du C. Pén.
Comment le débiteur solidaire qui a payé exerce-t-il
son recours? Le solvens peut-il agir solidairement contre
ses codébiteurs, comme le créancier aurait eu le droit
de le fa ire? Celte question, très controversée dans l'Ancien Droit, étail g~néralement résolue dans le sens préconisé par Renusson et Polhier, à swoir que le solvens
devait fractionner son recours et n'agir conlre chacun
de ses co-débiteurs que pour la part jusqu'à concurrenre
de laquelle celui-ci était obligé de supporter définitiYement la dette. Seulement, les auteurs CfUe nous venons
de citer, invoquai ent une raison qui nous parait manquer
de f,)ndement Si, rl isaien t-il~,. le déhil eur q11i a pa~P
�-
-
86 -
pouvait poursui\'re un codéoi teur quelconqtte pour Je
tout, déd uction faite de sa part, il se produirait un ci rcuit
d'actions. Or, nous ne voyons pas de quelle manière un
circuit d'actions serait p ossible; d'abord , le débiteur
solidaire, qui a acquitté la totalité de la dette, a éteint
irrévocablement la part qu'il y avait ; ensuile, le débiteur, qui se serait fait rembourser tout ce qui excède sa
part, ne pourra it plus être inquiété, car nemo contra se
subrogasse censetur .
Aujourd'hui, le Code impose directem ent le fractionnement du recours . L'article 1213 6nonce le principe de
la division de l'obligation entre les codébiteurs solidaires :
conformémen t à ce principe, l'article 1214 déclare que
1< le codébiteur d'une dette solidaire, qui l'a payée en
entier, ne peut répéter contre les autres que les parts et
portion de chacu n d'eux.>> La subrogation n'a rien changé
a ces disposi ti ons.
Le codébiteur d'une obl igation indivisible mê me
'
.
la delle commune' est éo-asolutwne tantum, qui pave
lb
J
lement subrogé. En elîet, l'indivisibilité, modalité qui
profite au créancier, ne peut a\'oir pour résultat, entre
les dél>iteurs, de laisser la dette toute entière à la charge
Je celui qui l'a acquittée ; un_ recours aura donc lieu
suivant les règles étaLlies précédemmen t.
De même la s ubrogatiou a lieu au profit de la caution
qui paie la dette en totalité ou en partie . Celte décis ion
résulte non-seulement de la disposition généra le de
l'artirle 1251 3°; mais encorn <l'un texte spécial, l'article
202!) . Toutefois, l'article 2020, se bornant à parler de
ta s ubrogation de la caution contre le débiteur semble
lu i refuser par son s ilence un rccour~ contre l~s autres
"au lions. Pour a \·oi r Loule la pensée de la loi 1 il faul
ço01hi11er l'art icle 2029 av"c l'a rticle ~033 q 111 inrlicp 1-e
87 -
payé, peut poursuivre les
cofidejusseurs, et qu'elle ne peut les poursu iYre restricti vement que pour leu r p a rt et p ortion.
Seron t encore subrogés , après avoir effectué le
paiement, le manclator pecuniœ credendœ et le certificateur de caution, etc., etc .
Le législateur a fait lui-même des applications du
principe de l'article 1251 3•, dans des lois su r des matières spécia les.
Aux termes de l'article 5 de la loi du 11 Brumaire
an VII, « le conserYateur des hypothèques sera subrogé
d e droit aux actions que les créanciers, qu'il aurait été
obligé de p ayer, aYaient contre le débiteur originaire .»
On ne retrouve pas cette disposition dans le chapitre X
du Titre des Privilèges et Hypothèques, mais il faut la
considérer comme implicitivement conservée.
La loi du 22 Frima ire an YU (art. 33), impose aux
notaires l'obligations de payer les Llroits d'enregistrement
auxquels leurs actes sont soumis, «sauf leur recours
contre les parti es . ll Leur s ituation est bien celle que
prévoit notre article; tenus de payer, ils seront certai-
à la fois que la caution, qui
::i
n em ent subrogés.
Voici un certain nombre d'hypothè es dans lesquelles, au contraire , la personne qui aura dé::.intéressé le
créancier, ne pourra pas invoquer la subrogation : le
débiteur simplement conjoint qui aurait payé toute la
delte, ou au moins une part supérieure à celle dont il
es t tenu ; l' héritier qui aurait agi de rnème à l'égard
d'une dette cllirographaire de la succession , et cela soi t
avant, soit après le partage, contrairement à l'op inion de
Toul lier, qui admettait Io. s ubroga tion, s i le paiement
était intervenu pendant que l'inrlivis ion durait cncort" .
�'
Je so11s-entrepreneur
,
qui distribuerait leul'S salai res
nux ouniers qui ont été emp loyés, et voudrait e nsuite
exercer soit l'action d irec te que l'arti cle 1798 donne aux
ouvriers contre le patron, soi L le p r iYilège qui (eu r a ét6
conféré par la loi du 26 Pluviose an II. Dans tous ces
cas, et d 'autres que nous ne pouvons ex.am iner, la raison
<1ui empêche la subrogation, c'est que le salvens ne
rempli t pas simultanément les deux conditions s ignalées
plus haut; en effet, s' il peut avoir intérêt à payer, il n'y
est certainement pas tenu.
L'ordre que nous arnns aclopté, nous amène à traitel'
maintenant de ceux qui, tenus aYec d'autres ou pour
d'autres, sont tenus réellement.
Tout d'abord les tiers détenteurs d ' imm eubles
hypothéqués , c'est-à-dire ceux qui ont acquis des
immeubles hypotliéqués à des dettes dont ils ne sont
pas personnellement tenus, rentrent-ils sous l'application de l'article 1251 3°? Notre solution su r ce point est
déjà connue: en étudiant l'article 1251 2°, nous avons
indiqué que nous nous rallions à l'affirmative. El e n
effet, la généralité des term es employés par la loi es.t
absolument probante ; elle ne dis tingue pas la manière
tlont ceux qui payent sont tenus, c'est m ê1ne intentionnellement, croyons-nous, qu 'elle s'est servi du mot
tenu et n'a pas dit obligé. Du reste, les personnes qui
doivent payer, sans s'être pe rsonnellement obligées,
sont encore dans une si tuation plus favorable que les débiteurs personnels; payant ce CJU'elles ne sont pas obl igées
de payer, l'équité demande qu'ell es soient assurées de
leur remboursemen t.
Cependant, deux sortes d'obj ections peuvent 1' trc
fait i:>s qu'il e1't néccs~a irn dl' réfnter.
En p re n;i ier lien , on dira : la 111eil le111·0 preuY" cpt~
-
89 -
Je legislateur n'a point in stitué la sub rogation pour tow;
les tiers détenteurs qui payent la dette, c'est qu' il a pris
la peine d e l'accorder spécialem ent à un tiers détenteu r
particulier, dans l'a rticle 1251 2°. Si la règle est générale,
pourquoi cette disposition s péciale?
L'argument , qui est du reste un argumen t a
confrario et pa r conséquent d'ores et déjà suspect en
doctrine, n'est pas fondé. Nous savons (voir deuxième
cas), q uelles ra isons justifient l'énonciatio n distincte et
séparée de la s ubrogation légale de l'acquéreur d'un
immeuble qui paie son pri x aux créanciers inscrit.
Mais , en outre, l'article 2029 subro!relaeaution qui a payé
contre le débiteur principal. Faut-il en conclure qu'elle
n'est pas comprise dans l'article 1251 3°? L'a rticle 874
dit que « le légataire particulier, qui acquitte la dette
dont l'im meuble légué était grevé, demeure subrogé
aux. droits du créancie r, contre les héritiers et successeurs à titre ~niversel . » Le légata ire esL un acquéreur
à titre gratuit, à plus fo rte raison l'acquéreur à titre
onéreux doit-il obtenir la s ubrogation.
En second li eu , on raisonnera ainsi : La loi parle
de celui qui est tenu au paiement de la dette. Or, le tiers
détente ur n>es t pas dans ce cas ; il est seulement tenu
de délaisser l'immeuble, el l'exp ression de tiers, donl
se sert l'article, indique bien en effet qu'il est étranger
à la detle.
On répond que le tiers détenteur est véritablement
tenu au paiement de la dette en un certain sens. S'il
ne paye pas, il doit <lélaisser ou subir l'expropria.lion_Dans les deux cas, le prix <le son immeuble servlTn n
rlésinléressel' les créanciers hy po théca ires . et l'esprit
de la loi ne demt1nd e pag plu ~
~
�-
90 -
Le principe posé, Yoyons-e11 les applications
Pourront se prévaloir de la qualité de tiers détenteurs et par suite prétendre à la subrogation tous ceux.
qui auront valablement a cquis la chose . Il n'y aura pas
à dis ting uer si l'acquis ition a eu lieu à titre gratuit ou a
titre onéreux, ni entre les causes qui seront invoquées,
s'il s'agit d'une vente, d'un échange, d' une donation, etc.
Le droi t sur lequel aura porté l'acquis ition sera
indifféremment la pleine propriété, la nue-propriété ,
l'usufruit et l'emphytéose, au cas où l'on admet que.
l'empby théose form e un démembrem ent de la propriété.
Faut-il ég alement cons i<lé rer comme tie rs détenteur
l'acquéreur d' un droit d' usage, ou d' habitation, ou d'une
servitude, et lui per mett re d'obtenir la subrogation en
acquittant la dette? Contrairement à l'opinion de Mourlon , nous nous y opposons . Com ment, en effet, agiront
à son encontre les créanciers hypothécaires ? Ils p oursuivront la vente de l'immeuble, sans tenir aucun
compte de ces droits cons ti tués , c'est l' hypothèse,
après leurs hypothèques . Dès lors, il est évident que
l'acquéreur aurait intérêt à payer et à être subrogé ~
mais est-il aussi tenu, par une action réelle, comme un
tiers détenteu r? En d'autres termes doit-il sur la
'
'
sommation des créanciers inscrits, payer, délaisser ouse
laisser exprop rier ? Non, car les droits d'usaa e d' habi~
•
0
tation ou <le ser vitude ne cons tituent point de véritable6
gages hypoth écaires qui puissent être expropriés . La
conclusion
est donc que l'acquéreu r dont s'aait ne
•
0
remplit pas la plus essentielle des deux conditions sans
lesquelles l'article 1251 3° ne s'applique pas.
Les mê mes r ègles doivent Mre suivies vis-à-vis du
fermier, ou locataire. 011 de l'antichresiste qui payeraient
la dette .
-91-
Condit ion s de la S u brogation.
Une seule condi tion <le fond , qui est, comme dans
les cas précédents, le paiement de la delle.
Nous <levons s igna ler une difiérence de rédaction
dans le texte ; land is que clans les autres numéros, la
loi exige di rectement et expressém ent le paiem ent, ici
e lle ne fa it que le supposer . C'est là, d'ailleurs, un détail
sans importance .
Dans ce terme paiement , il faut comprendre nonseule men t le mode de libération<ru' il dés igne proprement,
mais encore tous ceux d'où résulte pour la personne,
qui l'a accompli ou au profit de laqueJle il s'est accompli,
L\n recours à exercer: ainsi la novation, la compensation,
la remise de dette relatiYe (in personam).
Aucune condition de forme n'est imposée pour notre
subrogation ; la preuve du pa iement est faite suiYant
les règ les du droit com mun.
Qu A TR1b rn C.\ S.
Arl. 1251 . -
La sub rogati on a lieu de plein droit:
4° Au profit de l'héritier bé néficiaire qu i a payé de
ses deniers les dettes de la succession.
Hist on~que
et J1loti(s
Cette subrogation a élé ins tituée par notre Ancien
Droit. Lebrun la lrouvai l, an regar<l ùe l'hériti er, <<très
juste el très nécessaire pour l'encourager à démêler, au
_pins vite. les afiaires ile la s11cces-;ion »
�-
93 -
92 -
Le Code Civil l'a maintenue pour le même m otif.
Si l'héritier paye de ses deniers les dettes de la succession, co mme, par l'effet du bénéfice d' inventaire, ces
dettes ne sont pas devenues les siennes, il a un recours
contre la succession ; et ce recours p ouvait être a ssu ré -,,
par la subrogation.
On pourrait obj ecter, il est vrai, qu' il ne suffit pas
qu'une personne ait intêret à payer, p our que la
:;ubrogation ait lieu, mais qu' il faut encore e t s urtout
qu'elle y soit tenue personnellement ou réellement ,
ai nsi que nous l'avons répété plusieurs fois à propos de
l'article 1251 3°, et cette condition manque totalement
en l'espèce. La réponse est que le législateu r s'est
laissé dominer par d'autres considératious : s i l'h éritier
bénéficiaire peut libérer la succession des dettes qui la
grèvent sans être exposé à une perte, il se r endra
maitre de la s ituation, attendra les occasions opportunes
de vendre et fera une liquidation qui sera à l'avantage
à la fo is des créanciers et de lui- même.
Conditio11s de la Subrogation.
La condition prindpale de
fond est encore le
paiem ent.
Ce pa iem ent doit être effectué avec des deniers
appar tenant à l'h éritier bénéficiaire, Il ne peut employer
des deniers provenant de la succession, qui appartiennent aux créanciers.
Dans le mot dettes de la succession , il faut
comprendre toutes les charges, c1est-à-dire outre les
dettes proprement dites , les legs et les droits de
mutation.
Il n'y a pas de cond ition de forme .
CHAPITRE Ill .
A qui la Subrogation est-elle acco1·dée ?
l>es effets de la Subrogation
La subrogation est accordée à l'héritie r bénéficia ire.
On s'est posé la question de savoir si le curateur
à une succession Yacante pourrait a ussi en profiter. La
question ne présente g uère d'intérêt qu'en théorie : les
fonctions de curateur à une succession vacante sont
salariées, et en pratique, le curateu r ne sera pas p ressé
d'en ven ir à une liquidation définitive. Quoiq u'il en so it,
nous pensons que les termes précis et restrictifs de la
lo i commandent la négative, la s ubroga tion étant de droit
é troit .
Article 1252 . La subrogation établie par les articles
précédents a lieu tant contre les cauti on~ que cont~e l:s
débiteurs; elle ne peut nuire au créancier lorsqu 11 na
été payé qu'en partie; en ce cas, il peut exercer se~
d roits, pour ce qui lui reste dù, par.préférence à celui
don t il n'a reçu qu'un paiement partiel.
�-
9i -
Le chapitre que nous allons trai ter s'applique,
éomme le premier chapitre de cette Thèse, aux deux
sortes de subrogations que nous connaissons, à la sub rog ation com·entionnelle et à la subrogation légale. Quelle
que soit la source d'où elle procède, la subrogation constitue toujou rs, en efiet, le m~me fait jur idique, un e ces~
sion fictive, et les conséquences de cette cession fi ctive
sont déterminées par la loi d'une manière unifo rm e et
sans distinction.
Notre matière se partagera en de ux grandes di visions; nous examinerons les effets de la sub rogation
d'abord relativement au subrogé el ensuite relativement
au créancier.
Quels sont les droits que la subroga ti on confère au
subrogé? E lle lui confère tous les droits qui appartenaient
au créancier désintéressé. Cette réponse est basée soit
sur une raison de texte, soi t sur une raison de p rincipes.
Les articles 1249, 1250, 1 251 et tous ceux qui s' oc~
cupent de la s ubrogation, sont conçus avec une généralité
sig nificative; en outre, p uisque nous avons admis que le
subrogé acquéra it la créance elle-même, il est manifeste
que, suivant l'expression de Troplong, il doit pouvoir
« tout ce que pouvait le créancier i>,
Il en résulte que le subrogé pourra, a notre avis,
exercer l'action en résolution du ven deur non payé.
Notre solution a été contestée, on a dit : la subrogation est une cession de créance fi ctive, et que comprend
une cession de créance? Article 1692 : « les accessoires
de la créance, tels que caution, p rivilège, hypothèque. »
Or, on ne saurait faire entrer l'action en résolution parmi
les accessoires de la créance. Nous ré pondons que ce raisonnemen t, peut-être juste au fond, ne tro uve pas ici sa
-
\);)
-
p lace; la loi dit que le tiers qui paye la dette obtienl
tous les droits d u créancier, et elle ne distingue pas
entre les droits p rincipaux et les droits accessoires.
Mais on doit se garder de confondre cette question
avec celle que nous nous sommes posée sous l'article
1 251 1° et qui consisle à se demander si un créancier peut
se faire subroger à l'action en résolution intentée par le
vendeur, en payant le prix. Nous avons adopté la négati ve, et il n'y a pas contradiction entre les deux solutions.
Actuellement nous recherchons quels sont les droits
a uxquels succède le subrogé, tandis que dans l'hypothèse
de l'article 1251 1°, nous voulions savoir qui a le droit
de se faire subroger et le créancier ne pouYant désintéresser, d'après ce texte, que ceux qui lui sont préférables
à ra ison de leurs privilèges ou hypothèques, nous ne
pouvions leur assimiler ceux qui agissent par l'action
résolutoire.
Donc tous les droits du créancier sont transmis au
' n'y a qu' une condilion, il faut que le subrogé
subrogé. Il
prenne les ch oses dans l'état oü ell es sont au moment de
la subrogation. Par suite, si le créancier a renoncé à certa ins drnits ou s'il les a laissé s'éteindre, le subrogé ne
saurait préten dre les faire revivre.
Toutefois, nous avons eiwisagé jusqu'ici seulement
les droits que le créancier a contre le débiteur. Nous
devons maintenant considérer les droits que le créancier
possédait contre les tiers, tenus de la dette envers l~i
d' une manière quelconque , soit personnellement. soit
réellement et nous demander si ces droits passent aussi
au s ubrogé.' En d'autres termes, celui qui paye le cré.ancier est- il encore sul> rogé cont re les cautions et les t1er~
déten teurs?
Pour les cautions u11 <.Ioule très sérieux existait dans
�-
96 -
l'Ancien Droit. Renusson s'était l'efusé ü aJme ttre cella
ubrogation, un arrêt de règlement du Parlement de
:"{ormandie, du 6 avril 1666, avait décidé en ce sens, et
c'était également l'opinlon que professait Dumoulin , en
l'appuyant de cette raison que très souvent le changement
de créancier aggra\·erait la s ituation de la caution, lorsque
Je second créancier serait plus exigeant que le premier.
Le Code a repoussé ces idées. Pour lui la caution en
donnant sa signature au contrat a eu en vue principalement le débiteur et non le créancier , et il a consacré
par une disposition formelle la subrogation contre les
cautions .
.Mais p récisément parce que le législateur, préoccupé
d'éviter désormais toute difficulté pour les cautions; n'a
visé qu'elles dans l'article 1252, certains n'ont pas voulu
adopter la même solution en ce qui concerne les tiers
détenteurs . Ils ont fait valoir deux raisons : 1• Dans
les textes, outre l'article 1252, les articles 874, 875, 2029,
2033 2178 il est touJ·ours et seulement question de ceux
'
'
qui sont tenus personnellement à la dette; 2° la subroga~
tion étant basée s ur le principe de la gestion d'afTaires, et
le tiers détenteur ne devant p oint la dette personnellement, si une personne paie e t é teint l'hypothèque elle ne
pourra soutenir qu'elle a fait l'affa ire du tiers détenteur1
puisqu'elle l'a libéré d'une dette dont il n'était pas tenu.
La réfutation de ce système est faci le: 1 •Si, en effet,
les a rticles précités ne parlent que de la subrogation
contre ceux. qui sont tenus petsonnelle ment, c'est que
leurs dispositions sont purement démonstrati ves et nullement limitatives. La meilleure preuve en est que, des
term es mêmes dans lesquels ils sont conçus,, il rés ulte
que le sol vens est subrogé au x hypothèques du subrogeant. Or, contre qui l' hypothèque produit-elle son efTel ? •
~7
Ell e ne le produit pas ronlre le ùébitelll' , en face ùuq uel
tous les créanciers ont des droits iclentit1ues, 111ais contre'
les tiers, soi t qu'il s'agisse du droit de préférence qu'établit le rang des créanciers entre eux, soit, surtout, qu il
s'agisse du droit de suite qui pennet au créancier de ressaisir son gage entre les mains ù\m tiers détenteur ; 2°
Eh admettant, dans le deuxièm e argument, que les prémisses du raisonnement qu'on nous oppose fussent
exactes, la concl usion n'en serait pas moins fausse. La
base de la subrogation, dit-on, est la gestion d'affaires,
et celui qui paie le créancier ne fait pas l'a!îaire du tiers
détenteur, puisque cc dernier e~t ainsi libéré d'une dette
dont il n'est pas tenu personnelleme11t. C'est une grave
erreur : le soh-ens fait parfaitement 1 affaire du tiers
détenteur, car il é teint le droit réel qui grève son immeuble, et personne n'osel'ail soutenir que le tiers détenteur ne trouve pas avantage ü cette extinct ion. Au
surplus, nous contestons la thforic ~ur laquelle on s'appuie. Dire que la subrogation repose sur une gestion
cl'afîaires c'est méconnaitce la nature même de la subrogation, et reproduire une doctrine dont nous arnns déjà
fait justice dans notre premier chapitre.
Tels sont, ù'une manièl'e générale. les effets tle la
sub rogation. Ces efTets deYons-nous les reconnaitre ü la
subrogation l éga l~? Au premier ahortl l'affirmative ne
semble pas douteuse. puisqul', en corn mençant l'explication de l'article 1252, non~ avons pris 1 ~ soin de llire
que cette disposition regissait aussi bien la subrogation
conventionnelle. Cependant,
que la sul.iroo-ation
Jéo-ale
0
0
des difficul tés ont été soulcYées sur ce point, que nous
devons examiner.
La plus i mportante <le ces difficultés a trait à l'article
1251 2°, el 011 prul 1.1 formuler ai11~ i La sul.il'ogation
�-
98 -
établie au profil de l'acquérem est-elle limitée aux hypothèques qui appartenaient aux créanciers payés, sur
l'immeuble par lui acquis, ou §'étend-elle également aux
hypothèques que les créanciers pourraient avoir sm·
d'autres immeubles ?
Sous notre ancienne jurisprudence la question étai t
controversée. Mais l'opinion qui réunissait le plus de
partisans était la première. Quel est, en eITet, le motif
principal qui aYait fait introduire la subrogation de l'acquéreur qui désintéresse les créanciers inscrits? La constitution de his qui in priorum creditorum locurn
succedunt (C. 3, C.) l' indiquait nettement« si potiores
creditores pecuniâ tud dimissi su nt . . . contra eos
qui inferiores illis fuerunt, ;"usta defensione te tueri
potes. » Aucun doute n'est donc possible, le législateur
a Youlu assurer à !"acquéreur sa propriété nouvelle, et,
au cas où il viendrait à être dépossédé par les poursui tes
des créanciers inférieurs, le fa ire rentrer daus son prix.
Et, pour atteindre ce but, il paraissait suffisant de lui
accorder les hypothèques qui, du chef des créanciers
payés, grernient l' immeuble acquis .
Aujourd'hui, il est certain que les raisons qui onL
guidé les rédacteurs du Code lorsqu' ils ont écrit l'article
1251 2° sont les mêmes que celles auxquelles la subrogation de l'acquéreur dut d'être instituée, a l'origine .
Néanmoins, la théorie de l'Ancien Droit, suivie d'abord
par deux. auteurs éminents, Toullier et Duranton a été
abandonnée de tous (M. Laurent y est revenu)' el on
décide que l'acquéreur succède à toutes les hypothèques
des créanciers désintéréssés même sur d'autres immeuble. On s'appuie sur deux arguments: en prem ier lieu,
la généralité du texte qui est absolue; en second lieu,
celle consid é1·alion que souven t les hypothèques sur
-
fi!) -
l' immeuble acqub seront insurfisa1tles pou1· gara1Jtir
l'acquéreur é\'incé : ainsi l'acquéreur a <lun11é son prix
100. 000 francs aux premiers inscrits, l'immeuble ec;t
vendu par les derniers inscrits et ne produit que 80. ouo
fr ., il y a, pour l'acquéreur, pet·Le de 20.000 fr.
La solution que nous \'enons d'adopter peut amener
deux s ituations dont il résultera de graYes inco1wénients :
a . - Les immeubles A et B Yalant chacun
100.000 fr. sont grevés au profit du Primus d'une hypothèque générale pour une créance de 100.000 fr. Le
propriétaire vend l'immeuble A 100.000 fr. et l'acquéreur
verse son prix entre les mains tle Primus. Puis, en ,·ertu
de ce paiement, l'acquéreur, qui a succédé à l'hypothèque
générale de Primus, renouvelle l'inscription non-seulement sm l'immeuble A mais aussi sur l'immeuble B.
Le vendeur demande la radia Lion de l'inscription
prise sur l'immeuble B. Il raisonne ainsi: il a sacrifié un
de ses immeubles aÎln de retrou ver ::;on crédit entier sur
l'autre; en outre l'inscription n'a plus aucune utilité pour
1'acquéreur puisque Primus était le seul créancier hypothécaire et qu'il a dis paru; enfin le propriétaire n'a
aucun moyen de décharger s•m immeuble de l'inscription, car il n'y a pas de dette qu'il puisse éteindre.
A cet état de choses précaire on peut apporter le
palliatif sui rnnt. Les tribunaux. sur la demande en
radiation, examineront s'il y a ou non quelque chance
pour qu'une éviction ultérieure se produise. ( rous sa,·ons
'lue la subrogation produit ses effets, que l'éviction
provienne soit d~ la po\ll'Sllilt' de" créanciers impa3 és,
soit de toute autre cause: reYendicatinn, résolutinu ou
nullité). Au premier cas, ils dcnont mainteuir l'ins~
cription; dans le second, en prononcer la radiation
�-
100 -
1.J.- En conser,·ant la mè me espèce, su1Jposo11~
qu'indépen<lamment <le l'hypothèque générale de ~rimus,
existe sur t'immeuble B une hypothèque spéciale au
profit de Secundus pour une créance de 100. 000 f_r .
L'acquéreur de l'immeuble A verse d'abord son p rix
entre les mains du propriétaire, puis il paie à P rim us
les 100. 000 fr . pour lesquels il est inscrit. Pourra-t-il
exercer l'action hypothécaire s ur l'immeuble B pour le
recounement des deniers qu'il a payés outre son prix?
En Yain a-t-on objecté que l'art icle 1251 2° don ne à
]'acquéreur un rôle défensif et non point ofTensif, que
des fraudes pourront se produire entre le vend eu r el
l'acquéreur, pour ani,·er à ruiner a insi l'h ypothèque
spéciale de 'ecundus; nous répondrons que l'acquéreur
est subrogé sinon par le n• 2, au moins toujours par le
n• 3 de l'article 1251 , et en second lieu que, s'il y a eu
fraude, la loi offre pour le prouver tous les moyen s
nécessaires.
Cependant la règle exposée ci-<lessus, à savoir que la
subrogation transme t au subrogé tous les droits d u
s ubroaean
t , comporte un certain nombre d 'exceptions
0
créées par la loi elle-même.
Le débiteur solidaire, qui a payé, ne peul recourir
contre ses codébiteurs que pour ln parl et portion de
chacun d·eux (article 1214).
Le fidéjusseur qui a désintér essé le créancier ne
peut agir contre les a utres cautions qne dans la mêm e
mesure (article 2033).
Nous avons déjà ,.u ces deux cas plus haut
(chap. II) . Il nous resle à parler d 'un troisième dont nous
ne nous sommes pas occupés. L'ar ticle 875 du Code Civi l
dispose ainsi: " Le co h(• ritic r ou !'; ncccssem à tilrC'
10 1
universel qui, par l'eITet de l' hypothèque, a payG audelà de la d ette commune n'a de recours contre les
au tres coh é ri tiers ou successeurs à litre universel, que
pour la part que ch acun d 'eux doit personne llement
en supporter , m ême dans le cas où le cohé ri tier
qu i a payé la dette se serait fait subroger am.. droits
des créanciers .11 Ains i ùonc, lorsque le défuut avait
affecté plusieurs immeubles à la garantie de sa delle
et que le partage fait passer chacun de ces immeubles
dans les mains d'héritiers clifférenls, s i le créancier,
usant de la faculté que 1ui donne son hypothèque ,
poursuit le recouvrem ent de ses dmils sur un seul
immeuble , le cohéritier dans le lot duquel il est
tombé sera bien sub rogé après aYoir payé, mais il
pourra seulement attaquer les autres pour la part que
l'action personnelle les obl igerait à acquitter.
Si, considérant ces clis posi tions particulières, on
s'efforce d'en déduire un p rincipe général, il semble que
la pensée à laquelle a ol>t'i le législateur est la sui\-ante :
R ecours pour le tout au solvcns qui était tenu pour
d'autres recours di visé au so!Yens qui était tenu a\·ec
d'autres.'
Faut- il maintenant adopter absolument ce principe
e t en faire l'application dans des si tuations semblables à
celles que nous connaissons mais sur lesquelles la loi
reste m uetle? C'es t cc que nous allons voir en examinan t
ces tro is questions :
1• Rapports de la caution e l du tiers détenteur;
2° Rapports de la cau tion personnelle et de la caut10n
rrclle ;
:l• Ha pport::. d r::, tie1·~ <ktrnlrnrs cntrr
PU\
�-
lüt -
J.- R appol'ts de la caution et du tiers détenteur.
Supposons qu' une personne débitrice de 100. 000 fr .
ait donné à son créancier deux garanties, l'une personnelle : le cautionnement de Primus, l'autre réeelle :
une hypothèque sur un immeub~e qui a été ensuite
aliéné et se trom·e actuellement dans les mains de
""ecundus. Si, le débiteur étant <lu reste insolvable, le
créancier poursuit soit Primus soit Secundus et obtient
son paiement, celui qui aura acquitté la J ette, caution
ou tiers détenteur , sera-t-il s ubrogé et pourra- t-il
recourir pour le tout contre l'autre?
L'article 1251 3° donne la subrogation aussi bien a
la caution qu'au tiers détenteur. Mais, en .définitive, qui
en aura le bénéfice? Le plus prom pl à payer? EYidemment non, on ne peut admettre corn me doctrine juridique
que la loi ait fait, <l'un avantage qu'elle accorde, le pr ix.
de la course. Il faut, par suite, se rauger à l'une des deux
::.-olutions s uivantes: ou bien on repartira entre la caution
et le tiers détenteur le poids de la <lette, ou bien on
allribuera exclusivement le bénéfice de la subrogat ion
a l'un des deux. L' étude <les le..ües Ya nous mon trer que
c'est ce dernier parti qu'i l faut prendre, parce que ,
aux yeux du légis lateur, la position <les deux solvens
n'est pas égale, l' un est plus fayoraùle que l'a utre.
Reste à éta blir quel est celui qui est l'objet de la
fa Yeur de la loi.
Cette question a so ulevé, dans notre Ancien Droit,
\'o mme de nos jours, de graves controverses.
Les auteurs qui veulent que le Liers détenteur so it
subrog~ cont re la raution el 1ru'à l' in verse celle-ci ne
le ,soit pas coiilrc le tiers détenteur, inrnrruenl de$
-
i03 -
arguments <le plusieurs sortes. D'abo rd, la tradition .
La Novelle IV de Justinien, chap. II, décide fo rmellement que le créancier devra discuter les cautions avant
de s'attaquer au tiers détenteur. Adoptant celte manière
de voir, Pothier dit que le tiers détenteur peut renvoyer
ce créancier à discuter les biens des débiteurs et des
cautions, lors que, sans l'avoir fait, il exerce l'action
hypothécaire (Intr. à la Caut. d'Orléans t itre XX
'
'
n• 27).
Deux textes du Code Ci vil consa crent la théorie du
Droit Romain et de l'Ancien Droi t, ce sont les articles
2023 et 2170. La caution j ouit du bénéfice de discussion
e l elle ne peut être contrainte de payer que lorsque les
biens du débiteur p ri ncipal on t été épuisés. Mais quels
sont les biens du débiteur qui doiYent ètee discutés?
C'est à I~ caution de les indiquer . Or, l'article 2023
déclare que : << Elle ne doit indiquer ni. . . . ni ceux
hypothéqués à la dette qui ne sont plus en la possession
du débiteur.» La conclusion naturelle est que la loi
p réfère le tiers détenteur à la caution. Aux termes de
l'article 2170, le tiers détenteur a lui aussi un bénéfice de
discussion, « il peut s'opposer à la vente de l'immeuble
h ypo théqué s'il est demeuré d'autres immeubles hypothéqués à la même dette dans lu pos~ession Ju principal
ou des principaux obligés, el en requérir la discussion
préalable.>> Quels sont ces principaux obligés? D'après
Troplong, cette expression ne peut s'appliquer qu'aux
cautions, ce qui tranche la difficulté en faveur du tiers
détenteur.
Enfin, tandis que la caution s'est engagée directement envers le créancier et c l devenu un débiteur
p ersonnel , le tiers déten lem est resté entièrement
é tranger h la detto rt n'a pris d'engagement en,·ers
�-
10~ -
-
perso11ne. L'~quité s'accorde dune avec la loi pour lui
donner une situation meilleure que celle de la cau tion .
Cependant, malgré la force apparente des raisons
que nous venons de développer, ce n'est pas ce système,
aujourd'hui à peu prts abandonné de tous, que nous
adop tons, m ais l'opinion qui considè re la caution co mme
plu~ faYor:iLJe.
Reprenons chacun des arguments <le l'opinion ad' erse, il nous sera facile ll'en montrer l'inan ité.
Les termes Je la NoYelle
ne l~issent place ù
aucun doute, il est \Tai; uiais ce monument légis latif
11'est cité dans aucune de nos Anciennes Coutumes et
rien ne proU\·e que les jurisconsultes <le l'Ancien Droit
~n aient consacré les décisions. Quant au texte tiré <le
Pothier, il ne saurait avoir plus <l'importance, le même
auteur ayant, dans un passage de son Traité sur le:;
obliyatio1ts, professé que la caution Jevait être préférée
au tiers détenteur.
nT
L'article 2023 n'a pas la portée qu'on lui donne dans
le système précédent, il règle seulement les rapports du
i.:réancier et de la caution et ne touche en 1·ien aux rapJJOrts de la caution et du tiers détenteur. S'il interdit à la
raution <le désigner au créancier com111e hien ù clisculer
les i1J1meubles sortis tles mains du Llébiteur, c'est unique111ent pour ne pas en lra' er l'action cln créancier par
1ulJligation <le faire uue discussion d ifflcile. Le reste de
l'al'lide fait Lieu ressortir l'esprit de la loi : «Elle (la
caution) ne <luit in<liquer 11i des biens clu Llébiteur principal situés hors de l'arrondissement cle la cour royale du
\ieu où le paiement doit être fai t, ni des biens liligieux. ... »
La signification des mots p1·iticipaux obl igés, de l'a rt1cle :2170, n'a j amai"Lt'' cl n'est pas rclleque lui clonne
Tropluug Il rc::;c:.orl 1k trrntes k5 <lis11<J'S ilio11s <l u titr<'
10:.> -
ùu cauliouueme nl que la cau tion es t un ::.ini ple dé bi leur
a ccessoire et ce serait refaire la loi que vo uloir la faire
Jésig ner par les termes relevés dans l'article en question. Dès lors, l'arg ument ne porte plus .
Et ici nous ne nous con tenterons pas d'écarter les
tex tes qui nous son t opposés par le système adverse, no us
en produirons un qui doit faire disparaitre toute espéce de
doute. C'est l'article 2037, ainsi con('u : « La caution est
déchargée, lorsque la s ubrogation aux droits, h y pothèques et privilèges du créancier, ne p eut plus, par le fa it
de ce créancier, s'opére r en faveur de la caution. » La
loi réserve exp ressément ü la c:aulion les avantages de la
s ubrogation, lorsque la delle est garantie par une hypothèque ; la caution, a près aYo ir payé, pourra agir, à l'encontre de l' immeuble hy p oth ~·qué com me le créancier
lui-mème, et c'est la cond ition du maintien de l'obligation ùe la caution. Mais quels sont les droits qui compètent a u créancier du chef de l' hypothèque? Un droit de
préférence, s i le débiteur possède toujours l'im meuble ;
un droit de s uite, s i l'immeubleest p assé en mains ti erces.
Ces deux droits, la cau tion pourra donc les exercer ;
ioa is dire que la caution a le pouvoi r <l'exercer son recours contre le tiers d étenteur, c'est Jire que ce dernier
doit supporter le fardeau de la dette, et d'une manière
p lus particulière, lui donn er l'infériorité dans le conflit
<1ue nous examinons entre lui et la caution.
En dern i~r li eu, pour aide r à résouùre la question au
p oint de vue d e l'équité, nous citerons ces mots de
MM . Aubry et Rau : « La question pom·ait être douteuse,
sous notre 'ancienne législation, qni admettait les h ypotltè<{ttes occultes; mais e lle ne nous parait plus susceptible
de cl1fflcultés dans lf' système actuel de législation, fon<lé
~ur le principe de la p~tblici lL' des Ji ypothèqne::.. Le tiers
�-
106 -
acquéreur d' un immeuble hypothéqué qui paie le prix
de son acquisition , sans recourir aux forma lités de la
purge, commet une impruden ce dont il doit supporter
les conséquences, sans pouvoir s'en redimer au détriment de la caution. D'ailleurs, celle-ci, n'ayant aucun
moyen de s'opposer à l'aliénation des immeubles h ypothéqués, il ne serait pas juste que sa position pùt être
détériorée par le fait de cette aliénation. " (Tome IV,
§ 321, note 84) .
Il . -
Rappons de la caution personnelle et de
la caution réelle.
L'hypothèse est celle-ci: une personne qui est débitrice de 100.000 fr., donne à son créancier en garantie, d'un côté, le cautionnement de Primus, et d'un autre,
une hypothèque que Secundus consent à constituer sur
son propre immeuble. Primus ou Secundus a payé, il
s'agit d'établir quels efTets la subrogation va produire
entre eux.
Troplong assimilait celui qui a constitué l' hypothèque à un tiers détenteur ordinaire, et, prenant le
même parti que dans la question ci-dessus, il décidait
que ce tiers détenteur pouvait exercer son recours contre
la caution, sans être soumis de la part de celle-ci à un
recours semblable. Les arguments produits en faveur de
cette thèse, nous les avons réfutés, nous n'avons donc
pas à y revenir.
La généralité des auteurs, au contraire, est d'avis
qu' il faut considérer le tiers qui a donné une hypothèque
s ur son immeuble, comme une véri table cau tion, dont
l'engagement est réel, au lieu d'être personnel. :En con-
-
107 -
séquence, ils mettent la caution personnelle et la caution
ré elle (c'est le nom que la pratique a consacré) sur le
même pied et leur font l'application de l'article 2033
du Code Civi l, aux termes duquel la caution qui a payé n'a
recours contre les au tres que pour leur part et portion.
Toutefois , une res triction doit être faite ici, en
ce qui concerne les efTels de l'article 2033. Lorsque
la question de la subrogation s'agite entre cautions
personnelles , chacune d'elles s'étant engagée pour
le tout, si le débiteur est insolvable, elles supporteront
la dette pour une part viril e, et c'est dans cette mesure
que les recours subrogatoires devront s'exercer. Mais
supposons que la Yaleur de l'immeuble hypothéqué, dans
notre espèce, so it inférieure à la dette, qu' il va ille, par
exemple, 50.000 fr., la dette étant de 100.000 fr. ; l'engagement de la caution réelle est évidemment in férieur
de moitié à celui de la caution personnelle qui est général, et l'équité commande que la même proportion soit
conservée dans la responsabi lité qui incombe aux deux
débiteurs accessoires. Primus devra supporter deux. parts
dans la dette pour une qui restera à la charge de
Secundus .
Un auteur, M. Ponsot, n'accepte pas ces idées : il
pré tend que la dette doit toujours être répartie par portions viri les entre la caution réelle et la caution personnelle, quelle que soit la valeur de l'immeuble hypothéqué.
(Du cautionnement, n°' 285.)
III . - Rapports des tie1·s détenteurs entre eux.
Un débiteur avait hypothéqué plusie urs de ses irntnPubles à la garantie cl e la même dette; il les aliène
ensuite à diYers acqucreurs. L' un de ces derniers, pour-
�-
40
-
su1v1 hypolhécairemenl, pa) e la J elle. Quelle sera sa
si tuation Yis- à-Yis des autres tiers déten~eurs?
Une première opinion cons is te à l ui r efuser toute
espèce de recours. Mais il y aurait là une violation flagrante de l'article 1251 3° .
On pourrait encore décider que le solve ns aurait le
drnit de réclamer la totalité de ce qu'il a payé à un
second tiers détenteur, que celui-ci jouirait de la même
faculté à l'encontre d' un troisième , et ainsi de suite
jusqu'au dernier qui supporterait en entier l' insolvabilité du débiteur pr incipal. Ce système, émis dans l'Ancien Droit, n'a jamais été adopté .
M. Demolombe, considérant que l'article 1251 3°,
subroge le tiers détenteur qui a acquitté la dette et
qu'aucun texte ne limile l'etret de cette subrogation, accorde un recours in solidurn. Seulement, com me d'auli-e part, les Liers détenteurs sont tous in pari causd, le
subroo-é
doit aD"ir
en déduisant la valeur de l 'immeuble
t:>
0
qu'il détient, comparé aux autres immeubles ; sa part
est confuse en lui, ainsi que disaient les anciens auteurs.
Cette solution n 'est pourtant pas celle qui a
aujourd'hui le plus de crédit, soit en jurisprudence,
soit mème en doctrine . On se rallache plus volontiers
a la théorie de Pothier qui ne donnait au solvens qu' un
recours divisé contre chacun des tiers détenteurs. C'est
en eITet à celte idée que l'on aHive, s i l'on raisonne par
analogie des articles 1214, 2033 et surtout 875, ou
l' héritier n'est lui-m ême qu' un tiers détenteur .
Maintenant, dans ce dernier système, comment se
<li\'isera le recours el sera ftxée Ja portion de la dette
qui doit être supportée par chacun ? Au prorata de ce
que rhacun possède d' hér itages hypo th équés à ce tte
<lct!e. disait Polhicr. Il faurlra établir la valeur de
-
~O!J
-
l' immeuLJc entre les mains de chaque Li ers détenteur,
el repartir proportionnellem ent la somme à payer ;
car l'intérêt q ue chacun avait à voir éteindre la dette est
précisément propo rtionné à la valeur de son immeuble.
Celte rema rque justifie la réserve faite par M. Valette. L'éminent professeur veut que, lorsqu' un immeuble
aura une valeur supérieure à la dette, on le con3idère,
dans la répartition, comme ayant seul ement la valeur de
la dette. En d'autres termes, si l'immeubl e vaut 200.000
fr., la dette étant de 100.000 et que deux autres Liers
détenteurs, par exemple, aient chacun un immeuble de
100.000 fr., la répartition se fera entre eux par égales
parts. Rien n'est plus équitable.
Il nous reste, pour épuiser les matières de notre
Chapitre III, à étudier les efîets de la subi:ogation a
l' égard du créancier.
Ces effets sont réglés par la deux iè me partie de
l'article 1252: « E lle (la subrogation) ne peut nuire au
cr éancier lorsqu'il n'a été payé qu'en partie ; en ce cas,
il peut exercer ses droits, pour ce qui lui reste dù, pa r
préférence à celui dont il n'a ~-eçu qu'un pai_eme~t .!)artiel. » Le législateur reproduit, en français , 1 ax'.ome
ancien N emo censetur subrogasse contra se, et il en
fai t ensuite une application en ce qui concerne le paiement
partiel. P rimus est créancier pou1· 50. 0~0 fr . de P aul qu'.
lu i a donné une hypothèque en garantie; Secundus lui
paie 25.000 fr. avec subrogation, et plus tarti l'immeuble
hypothéqué, étant vendu aux enchères, ne produit que
25.000 fr ., Pr imus est colloqué pour le tout.
Cette disposition a été l' objet, en législation , des
rep roch es les plus vifs. M. La.rom?ière nota~ment, la
tra ite d'injuste et d'irrt-(léclue. a1outant rru elle a son
�-
110 -
point Je départ dans celle idée éminemment fausse que
vis- à-vis du subrogeant, le subrogé n'es t qu'un negotiorum ge.<;tor, n'ayant de recours qu'à ce titre. (Tom .
m, art. 1252, n° 25.)
Quant à nous, nous repoussons ces critiques aYec
autant d'énerg ie qu'elles sont faites. En vain, dira-t-on
que le créancier, accep tant un paiement partiel, lègue
sa créance et transfüre des droits identiques à ceux qu'il
conserve. Il n'en est rien. Le créancier ne cède aucun
droit; si la loi établit par la subroga tion une cession
ficth·e en fayeur de celui qui a payé, cette cession
n'existe pas au regard du créancier. Pour lui, la partie
de la dette qui a été acquittée, par l'eITet ordinaire du
paiement, est définili,·ement éteinte, el elle ne saurait
constituer, entre les mains du subrogé, un titre qui
tiendrait le sien en échec.
Le droit de préférence du créancier après paiement
partiel peut-il être transmis ? La question a donn é
naissance à plusieurs systèmes . On dis tingue général e~
ment entre les di,·ers modes de transmission. Malgré
Popinion de Toullier, il est admis aujourd' hui que. si la
portion impayée de la créance a été cédée, le cessionnaire
jouira du droit de préférence comme le créancier luimême. Mais, lorsque, au contraire, c'est un nouveau
paiement avec subrogation qui est ihtervenu , la controverse conserYe toute son importance. Les uns Yeulent que
la préférence passe au subrogé; puisque une cession réelle
peut donner ce droit au cessionnaire, ils se demandent
pourquoi la subrngation, qui est une cession fi ctive, n'aurait pas le même résultat, étant donné surtout que da ns
retle hypothèse l'intérèl du créancie r n'est nullement
en jeu. Les autres 1nelten t le p rem ier solvens pa rtiel et
le second exactemelll sur le m ê me pied et ils se fondent
- 11: lant s ur l'opinion de Pothie r qui , en parlant <les subrogés
s uccessifs, dit formellement: toutes ces différ entes
personnes doivent venir entre elles p ar concurrence; tant
sur ce raisonrtem ent : le droit de pré férence existant au
pront du créancier payé pour partie, était un droit
accidentel, résultant de ce qu'une porti on seulement de
la dette avait été acquittée j la dette ayant été soldée en
entier, ce dro it disparait et les deux solvens se tro uven t
ensem ble dans la position du créancier, avant qu'aucun
paiement eut été fa it.
Tout le mond e est d'accord, du reste, pour reconnaitre que l'article 1252 ne s'applique plus quand la
créance était chirographaire . Alors le tiers qui a payé
n 'agit plus contre le débiteu r commun comme subrogé,
mais comme mandataire ou gérant d'aITaires; il exerce,
par conséquent, une créance propre et qui n'est pas
soumise à un degré de relativité vis-à-vis du créancier
désintéressé. Remarquons, d'un autre côté, que le paiement partiel ne nuit p as au créancier, car, en l'absence
de ce paiement partiel, ce cr éancier viendrait à la contribution, non pas seulement pour une fraction quelconque ,
ma is pour la totalité de sa créance.
�-
11 :J -
POSITIO NS
DROIT ROMAIN
1° Le cessionnaire qui, d'a p rès la loi P ei· D iversas ,
1·ecourl contre le d ébileur dans la limite de ses déboursés,
doi t prouver qu'i l a payé au cédant les so mmes qu ' il
récla me au cédé;
2° Le cessionnaire peut se prévaloir des privilegia
causœ qui appartenaient an cédant, mais non des
privilegia personce ;
3° L e cédé peut opposer au cersionna ire l'exception
tirée du pactum de non pl"tfndo et l'exception doli
mali;
4° L e bénéfice de comp étence e -t opposable au
1·essiou na ire co mme an cédant lui-même .
�-
Il ~
-
-
11:; -
DR OIT MARITIME
DROIT CIVIL
l° La subrogation est , vis-à-Yis des tie rs, une
cession fictiYe de la créance qui transporte au subrogé
la créance elle- mème, muni e de tous ses accessoires,
dans la mesure de se~ déboursés;
1° Da11s le cas de cuns lructio11 à forfait les ouvriers
el fouruisseurs onl le priYilègc de l'arl. 1()1' 8" d11 Code
de Co mmerce;
2° Le ttaYi re
en co urs de construction à forfait
nppartient a u constructeur.
2" Le créancier chirographaire peut invoquer la
subrogation de l'art. 1251 1° à l'encontre ùes créanciers
pridlégiés ou hypothécaires;
3° L 'acquéreur qui paye son prix aux créanciers
inscrits est subrogé aux hypothèques qu 'ils avaient
mème s ur d'autres immeubles du débiteur;
DROIT PÉNAL
1° L e verdict négatif du jury laisse s ubs ister h•
-t• La caution est sub rogée contre le tiel's clé lentenr
fait matériel comme hase possi ble d'nne action civile
r11 dommages-inté rêts;
2° L'étranger, conda m11é dans son pays pour un
cri Ill e qu'il a comm is en France, p eut èlre une seconde
fois pours ui \·i , s'il est repris sur le territoire français
HISTOIRE DU DROIT
1° Les All ri mans PL IPs Hac liin il.iourgs ne formaient
pa<; une classe de citoyens ind1'·prnd anls et li és se11lP-
1nenl entre eux rl
a l'Et::i t :
2° L 'origine de la rn111n11rnault'•
1u pu nous, Pro[em ur , Pré~1rlrnl dr Thèsr,
G. BRY.
Vu: le D oyen,
<>C
t1·ou\·e dans les
Ar.Frrnn
sociétés sen·iles .
Vu et pcrnus d imprnnor
Le Rrrfrl/I'
BEL!"\
JOURDA~ .
�
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Title
A name given to the resource
De la cession d'actions en droit romain : De la subrogation légale en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit privé
Droit romain
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Reverdin, Joseph
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-138
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Journal de Marseille (Marseille)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1884
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/241150930
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-138_Reverdin_Cession_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
115 p.
In-8 ̊
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/422
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1884
Dans la première partie de cette thèse consacrée au droit romain, l’auteur explique le régime juridique applicable à la cession d’actions. Il précise le principe de départ de la logique juridique romaine en la matière : l’incessibilité des créances. Cependant, l’essor de l’empire et du commerce a vu l’adaptation de la législation romaine et la progressive transposition des cessions communément applicables en matière de choses corporelles aux actions, qui sont des titres.
Dans la seconde partie de la thèse, l’auteur aborde une notion qui n’est pas sans lien avec la cession d’actions. Il s’agit de la subrogation qui consiste à remplacer une chose ou une personne par une autre. A titre d’exemple, l’auteur cite le droit de retour d’un bien acheté. Il rapporte ainsi les différents types de subrogation, notamment celles qui sont légales : prévues par le code civil et leurs effets.
Résumé Liantsoa Noronavalona
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
De la cession de créances et de la subrogation, remplacement d'une personne par une autre, qu'elle soit conventionnelle ou légale
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
De la subrogation légale en droit français (Publié avec)
Biens (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Cession de biens -- Rome -- Thèses et écrits académiques
Entreprises -- Dessaisissement -- Rome -- Thèses et écrits académiques
Obligations (droit) -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Subrogation -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/447/RES-AIX-T-141_Cabassol_Usucapion.pdf
1eaa736d3ca9c8cb6ed58a0eebbc1d46
PDF Text
Text
FACULTÉ DE DROIT D'A I X
DR O IT ROMA I N
De !'Usucapion.
DROIT C IV IL FRANÇAI S
Origine, sen s et applications de la Règle « En fait de
m eubles possession vaut titre "
( Art. 227~-2280)
THÈSE
POUR
LE DOCTORAT
PRQSBNTtE ET SOUTENUE
PAR
JO SEPH
CABASSOL
Avocal à la Cour d'Appel
-.
AIX
ACHILLE l\fAKAIRE,
DIPill~ŒU R-LIBRAIRE
2 , rue Th1or , !
1885
li li
llll llll l li Ill Ill/ 11 11111
094 085610 2
�A MON ONCLE
M.
CARLES
Doyen honoraire de la Faculté de Droit d'Aix,
Chevalier do la Légion d'Bonncur
�INTRODUCTION
'
...'
La possession étant la base soi t de l'usuca pion ou prescription acquisitive, soit et spécialement de l'art. 2279 que
nous avons à commenter, il faut commencer par la définir:
La possession est la puissance que nous avons sui· une
chose, le pouvoir d'en user et jouir, de la retenir à l'exclusion de toute autre personne, d'opérer enfin sur elle à
plaisir et volonté. L'étymologie du mot indique déjà cela,
possidere est l'augmen tatif ùe passe, c'est la puissance à l'état
complet el continu.
Quand celle puissance est jointe au droit, elle constitue
la propriété qui est en effet le droit de faire tout cc que
nou s venons de dire dan les limites permises par la loi :
Jus ULendi, frn endi et abutendi qua tenus juris ratio patilur.
La propriété es t donc le droit et la possession le fait. Elles
sont jointes ordinairement et doivent l'être, sans quoi la
propriété séparée de la pos.ession ne figurerait que comme
une abstraction jurid ique et serait privée de tous les avantages qu' elle doit procurer à l'homme.
La possession au contraire. si ell e e l seul e à son tour
ou du moins co mm ence par être seule, peut produire Jes
effets importants par elle-même el ce la dans plusieurs ca. :
C'es t ce qni arri,·e d'abord quand elle porte sur de bien,
qui n'appartienn ent il pcr' onn e, res u11l/i11s. Elle allire alors
la propriété à ollc immédiatement ; le possesseur de\'ient
�Il
propriétaire aux yeux mêmes do la loi dès l' instant qu'il
s'est emparé de la chose. C'est co qu'on appelle Je dro it du
premier occupant, prima occupatio, et c'est par là, a dit
Pascal, que la propriété a comm encé sur la terre.
En second lieu, la possession peut ex ister senle parce
que le propriétaire aura été dépouillé. Ell e est alors sur
une tête, la propriété sur une autre, et cela peut arriver
assez fréquemment. En cet état, la possession produit deux
efiets, l' un provisoire l'autre défi nitif.
Provisoirement, le possesseur est présumé propriétaire
jusqu'à preuve contraire. Si une demande judiciaire est
intentée contre lui, il a le rôle le plus facile à. remplir, celui
de défendeur ; c'est au demandeur à faire la preuve de sa
propriété, sinon il succombera. Si, au con tra ire, le possesseur, au lieu d'être attaqué en justice est troublé en fai t ou
dépossédé par violence, il a alors une action qu i lui est
propre pour faire cesser le trouble ou pour se fai re rendre
la chose enlevée. Cette actio n appelée en droit français
complainte ou réintégrande est donnée contre l'auteur du
trouble ou de l'enlèvement, qu el qu'il soit, fut-vc même le
vrai propriétaire de la chose qui a eu le tort d'employer de
pareils moyens. Ceci form e la classe des actions di tes
possessoires, qui ressemblen t plus on moi ns à cc que les
Romains nommaient Intcrclicta 710 sessoria et qui ne s'exercent il est vrai chez nous que pour les immeubles.
Notre thèse doit rester étrangère à ces premières manifestations et conséquences de la possession. Elle s' occupc
seulement du résullat que nous avons appelé définitif et qui
provient d'une possession ordinairement prolongée.
Ill
Après qu'elle a duré en effet plus ou moins longtemps,
le moment vient où pou r que les droits de chacun ne soient
pas indéfin iment suspendus, la loi anéantit la propriété de
l'ancien maître et la fait passer au possesseur. Le fait devient
alors le droit et la possession est transformée. Ce mode
d'acquérir par une possessio n plu s ou moins longue, appelée
prescription, présente des hyp othèses nombreuses et diverses :
Si elle a duré trente ans, ell e s'appliqu e à tous les biens
meubles ou immeubles, en droit français du moins, quoique
le possesseur ait su qu' il détenait le bien d'autrui , quoiqu'il
ait été de mauvaise fo i selon l'expression usi tée. De hautes
raisons d' utilité publique ont fait admettre ce résultat qui
semblerait à première vu e froisser l'équité naturelle.
Si, au contraire, le possesseur est de bonne foi, dix ou
vingt ans suffisent pour lui assurer la prop riété en droit
romain et en droit français à l'égard des immeubles. Mais
s' il s'agit de meubles, une différence profonde sépare les
deux législations : le droit romain exigea d'abord un an
puis trois sous Justinien ; le droi t français , par une
décision hardie et accep tée lentement dans la pratique judiciaire, a affranchi la prescri ption des meubles de Lou te
durée. Il suffi t que l'acheteur ait reçu la chose de bonne foi
pour que cette possession in tantanée l'ait rendu aussitôt
propriétaire, comme s'il s'agissai t d' une chose n'appartenan t
à personne. C'est le sens de la maxime: En ;ait de meubles
vosscssion vaut titre.
Nous ne fa isons qu' in diquer ici Je terrain sur lequel portera notre travail. Le développement deHa tout expliquer,
�IV
entr'autres commen t cette règle, qui à première vue étonne,
a été inspirée par de puissants motifs et est au ssi sage
qu'utile en la restreignant dans le cercle des choses pour
lesquelles elle a été faite.
Encore un mot: la possession à fin de prescrire doit être
une possession vraie et complète, c'est-à-dire réun ir le fait
et l' intention ; le fait, d'avoir une chose sous sa puissance,
l'intention d'en être le maître , de l'avoir r.n un mot
comme propriétaire. C'est ce que les Romains appelaient
posidere corpore et animo,
Dans beaucoup <le circo nstance, de la vie civile, on
pourra détenir la chose d'atJtrui en sachant qu 'elle est à
autrui et vou lant qu'elle lui res te , par exemple , dans le
prêt à commodat, le louage, le gage, ele. Il n'y a pas ici
une naie possession mais un e simple détention , nuda detenlio, ou comme disaient encore les jurisconsultes romains,
cc n'est pas la possidere S<'d tanlmn esse in possessioue. Nous
<liso ns nous ordinairement c'es t une p o~sess i o n ou détention à titre précaire, l'appelant ainsi parce que souvent on
a reçu la chose par complaisance du maitre, sur la demanüe
ou prière qu'on lui en a fa ite, precario nomine.
Le détenteur précaire a si peu la possession juridique
que c'est le prop riétai re qui co ntinue à posséder par ses
mains, Io considérant avec raison comme so n rep résentant.
Le détenteur n'a d'autres droits qu e ceux qui résullent pour
lui du contrat intervenu : prêt, louage, gage, etc., cc dont
nous n'avons pas h nous occ uper.
DROIT
ROMAIN
�DROIT ROMAIN
DE
L'USUCAPION
, Oig l.il"l'tl XLI . Tilre Ill
l
~-
•
L' usucapion est un IDl'ycn .d'acquérir la propriété par
une possession prolongée et revêtue de certaines condiLions.
C'est ainsi que la défi nit Modestin : Usucapio est adjectio
dominii per contirwationem po scssio1tis tcmporis lege definiti.
Cicéron, pour exprimer la même idée se sert du mot usus:iuctorilas 1 , V sus desigoan t la possession et auctaritas le
caractère dont la loi la recouvre en la tr:insforman t en pro• Top . 4 ; pro cœcina,
m.
�-2priété. En d'autres termes, l' usage de la chose pendant une
certaine durée, assure par elle-même au possesseur un e
propriété légitime.
C'est là une institution tle Droit Civi l qui au premier abord
paraît contraire au droit des gens entendu clans le sens romain et d'après lequ el la propriété ne doit pouvoir s'acquérir
· que par la tradition émanée du propriétaire, de celu i qui seul
a la liberté d'en disposer. Elle sembl e aussi en co ntradi ction
avec l'équité qui défend que l' un s'enrich isse du bien de
l'autre à son insu et malgré lui. Pourtant on la tro uve établie dès les temps les plus reculés dans la législation des
peuples. C'est que le bien public exigeait que la propriété
ne restât pas trop longtemps incertaine : Ne scilicet fere semper incerta dominia essent, et qu'on fixâ t un terme après
lequel les possesseurs ne pourraien t plus être inqu i1Hés en
déclarant désormais de nul eITe t les droits restés jusqu'alors
sans exercice. Sans cela, il serai t arrivé souvent qu'u n
acquéreur de bonne foi aurait été évincé après un e longue
et paisible possession et que celui -là même qu i avai t acquis
du véritable prop ri étaire, perdant accidentell ement son titre,
se serait vu lui aussi dépouillé. D'ailleurs, une pareill e institution est d'autant moins inj uste que la loi laisse aux propriétaires tout le temps suffisant pour la recherche et la
revendication de leurs droits et qu'en somme l' usucapion
ne frappe que des négligents: Vix est ut non videatur alienare
qui patit.ur usucapi (L. 28. Dig. lit. XVI, Liv. L, de verb.
sign.) Aussi fut-elle appelée Patrotia generis Jiumani; tous
les jurisconsultes vantèrent son étab lissemen t et les empereurs l'entourèrent d' une protection très efficace.
-
3 -
L'usucapion a traversé à Rome trois périodes successives:
le droit classique , la législation prétorienne et celle de
Jnstinien :
La loi des XII tables est le premier mon ument législatif
qui la mentionn e. Aux termes de cette loi , l' usucapion
accomplie avait les mêmes elTets que la mancipatio c'est-àdire elle transférai t le plenum jus quiritium. Or, le territoire
rnmain étai t à celle époque renfermé dans des limites
étroites et même un petf plus tard c'est au fond italique
seu l que l' usucapion eut lieu de s'appliquer. Mais quand
Rome eû t po rté au lo in la gloire de ses armes, il semble
qu'elle aurait dù donner à ses possessions nouvelles la même pro tection et les mêmes droits qu'à son sol primitif.
L'e$prit romain s'y refusa soit par une sorte de fierté nationale soi t parce que les biens de la conquête étant censés
apparten ir au peu ple ou à l'empereur, ils ne pouvaient faire
l'ol.Jjel que d'une simple concession ; ou disait que le possesseur les avai t in bonis el il payait pour cela un tribut annuel.
Au surp lus, le délai de l' usucapion étant fort court, il él:lil
difficile de l'appliquer à des biens situés à des distances
très éloignés de lacapitale.
On comprit cependant qu'il importait à la tranqnililé
publique que celui qu i pendant un certain temps avait
possédé un fonds provin cial fut couvert d'une protection
d'autant plus rationelle que son droit ne dilTerait cruère
de la propriété véritable, que par le nom qu'il lui ;:.donnait ; dans ce but, le préteur créa en sa faveur le droit ,
après un délai de 10 ou 20 ans, de se main tenir dans sa
possession par la prescriptio lo11gi temporis. Cette expression
�-4nouvelle venait de ce que au moment où le préteur allait
délivrer la formule au demandeur, si l'adversaire voulait se
défendre par la possession longi temporis, il obtenait du
magistrat que mention fut faite de ce moyen en tête de la
formule. De la vint le mot de prœ-scriptum, écrit en tête
ou avant.
Laprescriptio longi temporis eût néanmoins sur l'usucapion
ce désavantage qu'elle n'était , à l'origine, qu'un moyen de
défense, une exception pour repousser l'action du ti ers
qui se serait affirmé concessionnaire et non pas un mod e
d'acquérir transformant en propriété civile le simple fait
de la possession. Il en résultait dans la rigueur du droi t,
que si Je possesseur perdait la chose, il ne poUYait plus la
revendiquer. La pratique chercha de plus en plus à assimiler cette institution nouvelle à l' usucapion ancienne,
d'autant plus qu'elle ne reposait pas sur une loi positive,
et le préteur finit par admettre la poss ibilité d'une revendication utile 1 • Mais la prescripli o avait, d'un au tre côté,
un résultat que l' usucapio ne pouvait produire : c'est que
lorsqu'elle était acquise, l' immeuble restait au possesseur ,
li bre de toutes les charges an téri eures. Aussi finit-on par
admettre qu e les immeubles italiques eux-mêm es pourraient bénéficier de la prescription (LL. 5 et 9 Dig. til. 3,
liv. /~4, de divers temp. prroscript.) - Quand aux meu-
t Cette modification fut failo sans doute bien avant Justm1011 ,
car cel empereu1· dit lui- mème en la mentionnant : Hoc wim et
veteres leges sanciebanL (L. 8, pr. in line. C. do prrescr. xxx vol
xi. annorum).
-
5 -
bles, ils étaient susceptibles d'usucapion, aussi bien en
province qu'en Italie, par la raison qu'ils n'ont pas de situation et suivent la personne.
Justinien confondit l'usucapio et la prescriptio l-Ongi
temporis en une seule et même institution. Il supprima
toute différence entre les fonds italiques et provinciaux,
accorda aux uns et aux autres le même droit et établit un
délai uniforme de trois ans pour les meubles, dix et vingt
ans pour les immeubles.
L' usucapion avait pour but de remplir t1ne double
fonction :
1° Transformer en domaine quiritaire la simple propriété bonitaJre d'une res mancipi qui n'a été mise au pouvoir de l'acquéreur que par la tradition. Les Romains distinguaient en effet deux sortes de biens, les choses man cipi
et les choses nec mancipi : Afancipi sunt prœdia in l talico
solo tam rustica quam urbana ; item servi et quadrupedes
quœ dorso collove dornantur. Ces biens étaient ainsi appelés
quod quasi mann caperentur, et parce qu'ils ne passaient
en la puissance de l'acquéreur qu'au moyen de l'aliénation
qui s'en faisait par l'antique solennité per œs Pt libram appelée mancipatio. La simple tradilion n'en transmettait
donc pas le plenum jus Quiritium, mai seulement nne
propriété imparfaite qui ne donnait pas les zctions directes
et légales du droit civil. C'est dans cette dernière hypothèse
que la loi venait au secours du possesseur en lui permettant d'acquérir le dominium plenum par l' usucapion.
2° L'u ucapion change aussi en propriété q.uiritaire la
simple possession juridique, lorsqu'une chose mancipi ou
�-6non a été livrée ex justd causâ par un tiers qui n'en était
pas le propriétaire. S1 le possesseur l'a reçue de bonne
fo i et continue à la posséder il en dev iendra propriétaire
d'après le droit civil.
Cette seconde application de l' usucap ion subsista seule
lorsque Justinien fusionna la propriété quiritaire avec la
propriélé bonitaire, et que la ùi stinclion entre les fonds
italiques et provinciaux disparut.
.Mais pour pouvoir in\'oquer cc mode particulier d'acquisition et s'en prévaloir, il était nécessaire cle réunir
certaines conditions relatives soi t à la pc1sonn c qui usucapc, soit à la chose qui est usucapée, soit au mode
d'usucapion.
CHAPITRE l..
Personnes
caa•ablcs cl'u s 11capc1•.
L'usucapion appartenait an droit civil. Il en résultait
nécessairement qu'elle ne pouvait avoir lieu qu'entre
citoyens romains ; elle fut plus lard permi e aux latins,
mais l'étranger ne pût jamais s'en fai re un titre : Adversus
hostem œterna auctoritas esto disait la loi des Douze Tables :
hustis était synonyme de peregrim1s. Pour lui , la po;session
si longue fut-elle ne lui donnait pas le dominium ex jure
Quiritium et le propriétaire avait toujours le dro it de rovenùiquer à so n encontre. Pour qu'il en fut autrement,
-7 il aurait fallu que le peregrin obtint le bénéfice spécial du
commercium. C'était là évidemment une lacune qui se
comprenait à. l'origine de Rome où les sujets pérégrins
étaient fort peu nombreux, mais que le préteur combla
plus tard en leur applicant la prescriptio longi temporis,
c'est-à-dire en maintenant dans leur possession les pérégrins eux-mêmes au moyen d'une exœptio opposable à
toute revend ication.
Les esclaves ne ponvaient pas davantage usucaper pour
eux; ils acquéraient seulement pour leur maître , car
ils ne constituaient pas une personne civile : servus personnam non habet. Le fils de famille leur était sur ce point
assimilé et ne formait pas non plus une personnalité distincte de celle du paterramilias. Il se distinguait toutefois
de l' esclave dans l'an1:ien droit, en ce qoe il pouvait usucaper son pécule castrense et quasi castrense, et sous Justin ien, par un pouvoir encore plus étendu , il put usucaper
tout ce qui ne lui provenait pas des deniers de son père.
Un pupille peut us11caper lorsqu'il a commencé sa possession avec l'autorisation de son tuteur , ou s'il a pu avoir
lui-même l'intention réfléchie de posséder. De là il semble
découler que celui qui est infans ne pourra jamais acquérir
par usucapion, car s'il peut en quelque sorte appréhender
matériellement la chose, il ne pourra pas avoir de volonté,
et comme il est de règle que l'autorisation du tuteur complète mais ne remplace pa l'incapacité du pupille, l'usucap ion deviendra impossible. Les jurisconsultes abandonnèrent dans ce cas spécial la logique rigoureu e de· prin~ipcs et aùmirenL que le tuteur non-seulemen t compléte-
�-8rait mais remplacerait la volonté de l'infans . J11dici111n infantis supplettir auctoritate Llltoris.
Enfin, le furieux peut continu er la possession qu'il a
commencée avant sa folie, mais il faut évidemment pour
cela qu'il possède à. un titre qui donne lieu à l'usucapion 1• An contraire, celui qui devient prisonnier des ennemis ne peut pas non seulement commencer une possession mais encore continuer cell e qui déjà était en train de
s'accomplir, parce que en devenant prisonnier de l' enn emi
il a perdu le droit de cité. Bien plus, si un jour il recouvre
sa liberté, il n'aura pas le droit d'inYoq uer le temps d' usucapion couru antérieurement à sa ca ptivité, en se fondant
sur le jus post liminii, parce que c'es t là une ficlion qui
ne s'applique point aux choses de fait et que la po~sessi o o
est considérée comme telle 2 • Mais ses héritiers du moin s
ne pourront-ils pas s'en prévaloir dans le cas où il est
mort chez l'ennemi? Paul soutient l'affirmative (Dig.
L. 1 ~ de Usucap.) et en donne celle raison tout à. fait conforme aux principes : Que le prisonnier étant mort chez
l'ennemi , il est, d'a près la loi Cornelia, censé mort du
jour de sa captivité n'ayant pas cessé de son vivant de posséder utilement.
Il est des cas où le citoyen romain acqui ert par au trui :
Adquiritur autem nobis ctia111 per eas person11as q11as in potestate, manu, mancipiove habemus. » par ses fil s, ses esclaves~ l'esclave d'autrui, par l' homme li ure qu 'il possède de
' L. 4, § 3. Dig. hoc tilulo.
L. rn, Dig. c~ quibus causis, tit VI, liv. IV.
i
-9bonne foi. En principe, la possession peut s'acquérir corpore alieno, c'est-à-dire par l'appréhension physique d'autrui. Mais il faut que le maitre ait un annimus personnel,
une volonté consciente. Par exception, les personnes placées sous sa puissance, si elles se trouvent à la tête d'un
pécule, lui acquièrent la possession même à son insu lorsqu'elles appréhendent une chose ex peculiarii causâ. Par
conséquent, le captif pourra obtenir le bénéfice de l'usucapion, si l'acquisition provient des deniers de ce pécule
et s'il meurt chez l'ennemi, en raison encore de la fi ction
ùe la loi Cornelia, r,omme il est supposé mort du jour où
il a été fait prisonnier, c'est son fils qui bénéficiera de
l' usucapion depuis son origine. Le fariosus pourra de la
même façon acquérir par son esclave. - Le jurisconsulte
Pedius sou tenait au contrai re que celui qui ne peut pas
prescrire par lui-même ne peut pas non plus prescrire par
son esclave 1 •
Une constitution de Sévère et Antonin alla jusqu'à autoriser l' usncapion par procureur, à condition qu'au moment où elle commence, celui pour le cc1mpte de qui elle
a lieu sache bien que la chose a été mis~ dans les main s
de ce procureur. Cela tient à ce que l'u -ucapion nécessite
la bonne foi dès le premier in tant de possession et que le
mandant ne pent avoi r cette bonne foi qu'autant qu'il
connaît le fait de la possession.
Enfin, suivant le droit commun, une succession vacante
1
L. 8,
s 1, Di g. hoc iitulo.
�-
10 -
ne peul pas acquérir par usucapion, et si l'esclave héréditaire commençait à posséder une chose avant l'additioc1
d'hérédité, l'usucapion ne pourrait couri r que du jour de
cette addition 1• Quand à celle que le défnnt lui-même
aurait commencée, elle s'accomplira avant l'addition,
si le délai voulu par la loi est à ce moment entièrement
achevé. C'est là une conséquence da principe admis en
Droit Romain que Je défunt vit encore par sa succession :
De{uncti hereditas personum sustinet.
Remarquons ici d'une façon générale que si la chose
usucapée était antérieurement grevée de droits réels, l'usu~pien s ne l'acquiert pas libre de toute charge mais au
con traire cum sua causa, c'est-à-dire grevée des droits antérieurs, parce que l'usucapion n'est pas un mode originaire
d'acquisition . Celui qui a usucapé n'a fait qa'afTermir une
possession vici euse et il ne peut pas être mieux traité qu e
s' il avai t reçu la chose, selon les règles du droit civil , des
mains du véritable propriétaire lui-même 2 • A l'époque
de Justinien il n'en est plus ainsi et avant lui déjà la prescriptio prétorienne anéantissait d' une façon définitive toutes les charges antérieures (L. 5, § 1, et L. 12 Dig. tit. 5,
liv. 44, de divers. temp. presc.).
Un cas particulier sembl e pourtant exister même sous
l'ancien droit dans lequel l'usucapiens acquerra l'immeuble lib re de servitude : c'est lorsque celle servitude est un
usufruit. En eflet la perte de l'usufruit par le non usage
1
L. 4,5, § 4, J)ig. de Usurp.
• Machelar<l. Explical. des teAtOs sn1· los h) potli.
- 11 se renferme toujours dans un délai de deux ans, biennio,
or c'est là précisément le délai même de l'usucapion. Est-ce
à dire qu'on ne peut concilier les actes de possession émanés
de J' usucapiens avec le mainti en de l'usufruit au profit
d'un Liers ? L'objection n' est pas irréfutable. Il est certain
que si l'usufruit existait déjà quand l'usucapion a commencé et n'a pas éLé mis depuis en exercice, si son existence ne s'est manifestée d'aucune façon, ce résultat est
inévitable. Mais il peut se faire aussi que l'usufruit ait été
cons titué par le propriétaire alors que le possesseur était
déjà. en voie d'usucaper et cela soit par legs soit par in jure
cessio, ou bien encore il est possible qu'il fut suspendu
par une condition, qu'il eut été constitué ex die. Dans tous
ces cas, l'inertie fo rcée de l'usufruitier ne saurait amener
la perte de son droit et n'empêche cependant pas la possess ion ad usucapionem. Dans ce cas particulier. l'usu capiens, bien qu'il possède sans connaître l'usufru it, n'acquerra pas l'immeuble libre de tou te charge.
CHAPITRE IL
Cho ses qui p e uvent èta•e osocapées.
En règle générale, toute choses qui son t dan le commerce so nt res habiles c'est-a-dire pcuvenL être acquises
par usucapion. Par exception, il en est qui n'en sont pas
�- i2 susceptibles : les unes d'une façon perpétuelle et absolu e,
certaines autres à. raison seulement de la personne qui les
possède; plusieurs enfin parce qu'elles sont entachées
de vices.
1. Sont insusceptibles d'usucapion d'une façon absolue
el perpétuelle les choses hors du commerce :
l'homme libre. La liberté était considérée comme uu
bien inaliénable, et les Romains qui faisaient de leurs
captifs des esclaves n'en proclamaient pas moins que l'esclavage est une violation de la nature.
Les clwses sacr~es, saintes ou religieuses. On appeléiit
choses sacrées, celles o: qure Diis superis consecratro sunt.~
Ce caractère leur était imprimé par une dedicatio solennelle émanée des pontifes. Depuis le triomphe du christianisme on donna ce nom aux objets que l'autorité ecclésiastique avait désignés pour servir au culte divin . L'aliénation en fut cependant quelqu efois permise par exception, notamment pour racheter les captifs. - Les choses
saintes étaient les portes et murs d'enceinte d'une ville,
et cela provenait des cérémonies qui se célébraient toujours au moment de sa fondation. Justini en, en établissant une division nouvelle entre res in patrimonio et ex tra
patrimonium, mit les res sanctro au nombre ùe ces dernières. - Les choses religieuses étai ent dans l'ancien
droit, celles o: Quro diis manibus relictro sunt ». Les dieux
mânes étaient les âmes des morts et c'était la portion de
-
t5 -
terrain ou reposaient leurs restes qui devenait religieux
et insusceptible d'usucapion. Les Romains ne distingaient
pas sur ce point entre les citoyens et leurs esclaves, et la
sépulture d'un ennemi seule restait profane. Dans le droit
de Justinien, cette définition subsista tout entière, car le
christianisme, en detrônant les divinités païennes conserva Je culte des tombeaux.
L'usucapion est inapplicable en troisième lieu, au choses
qui appartiennent au peuple ou à. des corporations, aux res
communes ou publicœ. Res communes sont celles qui
échappent à. toute appropriation privée et dont l'usage est
à tous, comme la mer et ses rivages. Res publicœ sont celles
qui ont l'État pour maître, en tant que celui-ci les affectera
à l'usage public, comme les rues et places d'une ville.
Les choses incorporelles sont aussi insusceptibles d' usucapion parce que la possession est la base même de ce mode
d'acquérir et que les choses incorporelles sont des abstractions qui ne peuvent être possédées. On admit pourtant à
l'origine l'usucapion des servitudes; mais en l'an 720 de
Rome une loi Scribonia la prohiba en tant que mode
d'acquisition et la laisse subsister comme mode de libération 1 • Plus tard, le préteur revenant à l'idée primitive,
donna dans certaines hypothèses des actions utiles, des
interdits à ceux qui depuis longtemps jouissaient des servitudes particulières et les empereurs confirmèrent, dan s
leurs constitutions, cette décision nouvelle. C'est ainsi que
les servitudes urbaines, c'est-à-dire celles dont la conception
• L. 4 § 29, hoc titulo.
�-
i4 -
se lie dans l'esprit à une idée de cons lruction ayan t un
caractère continu, pouvaient en général être acquises par un
long usage; mais, il n'en était plus de même des serviludes
rurales, si ce n'est par exception et dans l'intérêt de l'agriculture pour les droits de passage et de prise d'eau (LL. t>.
§ 5. Dig. XLIIl, 19 et L. 10 pr. VIII, 5.)
Justinien, allant plus loin que le préteur, elîaca toutes
ces distinctions et accorda le bénéfice de la prescription
prétorienne à. toute servi tude quelle qu' elle fut et même à
un droit d'usufruit qui jusque là n'était pas susceptible
d'acquisition par l'usage 1•
Échappent aussi à l'usucapion proprement dite, les fonds
provinciaux et pour combler cette lacune le préteur créa,
ainsi que nous l'avons dit déjà, la possessio longi temporis,
II. Il est en second lieu, des choses qui échap pent à l' usu·
capion à cause de la personnali té de ceux qui les possèdent
et tant qu'elles sont en leur pouvoir.
La loi des Xll tables rangeait dans cette e<.tégorie les
choses mancipi appartenant à une femme en tutelle. Elles
n'étaient susceptibles d'usucapion que lorsque elles avaien t
été livrées par la femme ayant obtenu à cet effet l'auctoritas
de son tuteur {Gaïus. § 47). Si quelqu'un en effet achetait
de cette femme une chose mancipi en sachant que le tuteur
n'a pas donné son consentement à la vente, il aurait reçu
d' un tradens qui n'av.ait pas la capacité d'aliéner et ne
" L. 12, Cod. VII 33.
- 15 pourrait en conséquence invoquer aucune juste cause de sa
possession l'aliénation ayant été nulle, l'usucapion ne peul
pas devenir valable. Toutefois si l'accipiens ayant conservé
la possession de la chose et a perçu les fruits, ce dernier fait
s'accomplira de par la volonté de la femme puisque les
fruits ne sont pas choses mancipi et qu'elle aurait pu les
aliéner sans recourir à l'autorisation de personne, l'accipiens
pourra donc les gagner et les faire siens. C'est l'opinion
que Cassius et Proculus ont soutenu. Julien ajoutait à. ce
sujet que si l'acheteur avait payé son prix il pouvait usucaper mais qu e la femme avait toujours le moyen de l'en
empêcher en lui offrant la restitution de ce qu'il avait
débo ursé. (Frag. Vatic. § 1, Ex empto et vendito).
La tutelle des femmes pubères qui à. l'origine était
vraiment sérieuse en cc que le tuteur gérait et autorisait
tout à la foi s, perdit de son importance sous Gaïus; à cette
époque le tuteur ne gérait plus et si son autorisation était
encore nécessa ire dans certaines opérations comme l'aliénation d'une res man cipi, le préteur pouvait toujours le
co ntraindre à la donner. Seule la tutell e des patrons et des
ascendants resta toujours indépendan te.
Les fonds dotaux sont , de par la loi Julia de fund o do·
tali , inaliénables par le mari qui n'a pas le consentement de
sa femme, et sous Justinien même avec ce consentemen t.
Ils sont par là. même imprescriptibles, car l'usucapion n'est
qu'une aliénation indirecte (L· 28. D. tit XVI. Liv. L. de
verbor. signif.) Si donc, le mari ne revendique pa contre
un tiers même de bonne foi qui a acquis à non domino
l'immeuble qui lui avait été remis à. lui à titre de dot il ne
�-16mettra pas pour cela ce tiers dans la possibilité d'usucaper.
Cependant, si la prescription avait commencé avant le mariage elle continuerait même après et la dépossession seule
pourrait l'interrompre. La dot reste inaliénable soit directement soit indirectement même après la dissolution du
mariage tant qu'elle n'a pas été restituée, que la femme
n'est. pas redevenue maitresse de ses droits. Par fonds
dotal, on entend les fonds urbains comme les fonds ruraux;
mais on se demandait à l'époque de Gaïus, si \'inaliénabilité
s'étendait aux fonds provinciaux aussi bien qu'aux fonds
italiques. Justinien trancha la question affirmativement.
Il est toutefois des cas où par exception la possession du
fonds dotal et par suite l' usucapion est permise. C'est, par
exemple, sous la législation prétorienne, lorsque le mari
ayant refusé de fournir la cautio damni infecti au propriétaire voisin du fonds dotal, celui-ci se fait envoyer en
possession à l'effet d'acquérir la propriété bonitaire et plus
tard à l'aide de l'usucapion le dominium plenum . Sous
Justini en, où cette distinction avait été effacée, pareil cas
ne pouvait plus se présenter.
Quand aux biens des mineurs, ils pouvaient à l'origine
être prescrits, mais Dioclétien et Maximien firent à leur
profit l'application de la restitutio in integrum 1, c'est-à-dire
de cette voie de droit qui se fondant sur l'équité, rétablissait dans l'état de choses primitif Je mineur qui , selon la
rigueur des principes généraux, avait souITert un dommage .
Justinien décida qu'à l'avenir fa. prescription ne courrait
-
plus contre eux. au moins pour l'usucapion ordinaire et
dans le cas où l'ancien droit décidait qu'ils pourraient être
restitués : 1'/ elius est intacra eorum jura servai'i quam post
causam vulneratam remedium quœrere (L. 5. Cod. II, 41) 1
Pour les biens des pupilles, on peut affirmer que depuis
le règne d'Honorius et Théodose, ils échappaient à toute
espèce de prescriptions soit perpétuelles ou temporaires
soit à la prescriptio longi temporis. Cela résulte de la loi 5,
Livre XVIl, 59, au code de prescrip. XXX vel, XL ann. :
Non sexus fragilitate...• sed pupillari tantum œtate. .Mais il
faut se demander s' il en était ainsi dans l'ancien droit? La
loi 7 § 5, XLI, 4 pro Emptore, dispose que les choses
volées et vendues par un tuteur au préjudice de son pupille
pourront être usucapées lorsqu' un e fois elles seront revenues aux mains de cc dernier: Si tulor rem pupilli subri1i•writ el vendiderit usucapio non ro1ttingit priusquam res ùi
pupilli protestat~m reddeat. . ... Il semble rësulter de re texte
que l'obstacle à l' usucapion provient non point de ce que
les biens d'un pupille sont en principe soustraits à ce mode
d'acq uisition, mais de cc qu'il y a chose furtive. D'un autre
côté il résul te très catégoriquement d'un fragment de Paul
que la chose du pupille n'est pas susceptible d'usucapion.
On lit en effet dans la loi 1O pr. Dig. ti tre VI. livre YIII ,
quemad. serr. am. : ({Si communem fundmn ego et puplllus
haberemus, licet uterque 11on uteretur, tamm propter pupillwn
et ego viam retiaeo J>. Si le droit du pupille ne peut pas se
1
• L. I Cod. JI, 36.
~~
. 4 1.t.
p
~
•
-
·
V. auss.i. L. 3 Code Quib. non ob31c. long. temp. liv. VII, 1i-
1ro 35.
...
-
- -
·
-
.
..
-
• •
f7 -
�-
18 -
perdre non ittendo il faut en conclure naturellemen t que
l'usucapion ne s'appliquera jamais aux biens de ce pupille.
Comment donc concilier ces deux tex tes contradictoires?
Il suffit de se rappeler le principe d'après lequel une chose
qui n'est aliénable qu'avec l'emploi de certain es formalités
est imprescriptible. Or, il étai t une catégorie de biens du
pupille, les prœdia rustica ou suburbana qui ne pouvaient
être aliénés qu'en vertu d'un décret du ma~i s trat. Ce son t
ceux-là que l'u!'ucapion ne pouvait pas atteindre; mais en
reYan che tous les au tres en étaien t susceptibles, sauf le
bénéfice pou r l'impubère de la restitutio in integrum.
La législation de Ju stinien ne nous indique pas si les
biens de ceux qui sont soumis à un e curatelle, les prodigues
et les individus en état d'imbécillité ou de démence peuvent
ou non être usucapés. Mais depu is l'ora tio divi Severi il
était admis qu e les immeubles de toute personn e en curatelle ne pouvaient être aliéné$ sans un décret do préteur ;
dès lors, il semble qu e leur inaliénabilité devait les soustraire aussi à l' usucapion, en vertu de ce principe qu e nous
rappelions tantô t au sujet des pupilles (L. 1, § 2, Dig. de
rcb. titre IX, li vre 27, Eor. qui subtntelâ) .
Quan t aux enfants qu i sont encorr. so ns la puissance
paternelle, s'ils possèdent des biens adven tices c'est-à-dire
des Li ens qu'ils ont recueillis dans la succession de leur
mère, aucune nsucapion ne pourra les atteindre tant qu e
dore la puissa nce patern elle. Et encore au moment où
celle-ci sera dissoute ce n' est pas la prescripti on ordinaire
qu i pourra cou rir contre enx mais seul ement la prescription de trente an s. Si donc quelqu'un ac.quiert du père de
-
19 -
famille les biens adventices des enfants sans puissance :
Nullam poterit prœscriptiouem opponere filiis quandocumque
rem suam vindicantibus. (C. L. 1, livre G, titre GO, de bonis
maternis et novelle 22, chap. XXIV).
Les clloses litigieuses ne peuvent pas être aliénées tant
que le procès est encore pendant (L. 2, titre 57, livre 8,
1. 4, C. de Litig). Elles ne peuvent donc pas dans le même
délai être usucapées.
Les biens du fisc ne sont pas davantage susceptibles
J'usucapion. Il faut remarquer toutefois à ce sujet que Papinien et après lui l\Iodestin enseignèrent que les biens
vacants d'nne succession en déshérence n'appartiendraient
do plein droit au fisc que lorsque ses agents les auraient
dénoncés. Jusque là l'usucapion pouvait s'accomplir au
profit de l'acheteur. Le fi cavait d'aill eurs un délai de quatre ans pour réclamer les biens sans maître.
Enfin on n'u sucape pas une universitas rerum en ce sens
qu e lorsqu'il s'agi t d'un ensemble de choses si les diliérents
objets qui forment cet ensemble ont chacun une existence
séparée , les conditions requises pour l'usucapion doivent
être accompl ies à l'égard de chacun d'eux. Par contre, si
l'acqui 'ilion po rte sur un ensemble de choses indissolublement unies Corpus connexmn comme dit Pomponius, c'e t
le tout qui est appréhendé et c'est à ce point de vue que doit
être envisagée l'usucapion. Cependant si, avant que celle-ci
soit acco mplie, l'un des objets qui font partie de ce tout
venait à en être détaché, celui qui le posséderait commencerait à son égard une possession nou\'elle (L. 23, § 2. D.
Hoc titulo) .
�-
20 -
Il est en dernier lieu une catégorie de choses qu i ne
peuvent pas être usucapées parcequ' elles sont entachées de
certains vi ces: le vol et la violence (Gaïus, § 45, li).
La loi des Douze Tables est le premier acte législatif qui
considère Je vol comme un empêchement à l' usucapion
« Res furtiva vitiosa est ». Cetle prohibition ne s'applique
pas évidemment au voleur lui-même qui manque déjà des
premières conditions nécessaires pour usuca per, la bonne
fo i et la juste cause ; mais ell e concerne les acquéreurs de
bonne foi à qui la chose aurait été transmise par le voleur
lui-même ou ul térieurement par un tiers.
La Lex Attin ia reprodu isit cette défense (a n 557 de R.)
Quod subreplum erit ejus rei œtem a aworilas esta 1 •
Elle décida de plus que l' usucapion deviendra it possiulc
dès que la chose s~rait revenue dans la puissance du maî tn:,
à co ndition que celui-ci la recouvrerait de faço n ~L ce que
elle ne puisse lui être ôtée et avec la pensée qu'il rentre
ùans un droit qui a toujou rs été le sien. Le vi ce de vol ne
serait do nc pas purgé si la chose re ntrait dans les mains du
propriétaire à titre précaire.
La loi ALLioia ne réglai t que l'hypo thèse du vol, elle ne
s'appli quai t do nc qu'aux meubles, mais les lois Julia et
Plautia (an 665 de R.,l , prévoyant le cas spécial de violence,
prohibèren t l'usucapion des immeubles ainsi envahis. EnJî n
'
une loi Julia de vi sous Auguste, renouvela cette dernière
disposi Li on.
1
Aull. Gell., noct. att. VII, 7.
-
2t -
Si la chose volée n'est pas susceptible d'usucapion, il
semble qu' il n'y aura jamais de meubles usocapés, parce
que le meuble livré a non domi no sera touj ours alTecté du
vice de vol, étant ùon né su rtout qu'en Droit Romain ce mot
avait un sens beaucoup moins restreint qoe dans le droit
moderne. Les institutes le définissaient : Contrectatio rei
{rauduwsa , vel ipsius rei . t•r.l etia,m usus ejus possl'ssionis ve.
Ain si le dé posi taire qni se serait servi de la chos.e à lui
co nfiée, aurait commis un fo rtum us us et si un débiteur,
après avoir rem is à son créancier un objet en gage, le lui
avait repris, il se serait rendu coupable d'on fortum possessionis. L'esclave fugi ti( lui-même étai t mis au nombre des
choses volées parce qu'i l était censé se voler à son maître :
Sui f urtmn facere intl'lligitur.
Si l'usucapio n des meubles est plus rare, 11 e~ t nai, que
celle des immeubles, elle n'est pas cependan t impossible e l
Ga'ius qui a prévu l'objection a su en même temps la ré oudre. En eliet. un élémen t essentiel du furtu m , c'est 1'a11imus fitrandi c'est-à-tlire l'intention frauduleuse. Or, il peut
se présenter de ca' où cette inten tion n'existe pas et où par
conséquen t il n'y a p:is cle furtum. Ainsi: un héntier lroine
dan la succession de ~on auteur un objet que, de bonne
foi. il croyait a\'oir t'té la propriété de ce dernier; dans
celle croyance, il le nmd à un acheteur qui est, lui an si,
de bonne foi, il n'a éntlemment pas commis de fllrtum,
donc l'acq uéreur nouveau ponrt".\ usncaper. Il en sera cle
mènie si un tiel's PO fa"cur duqu el nn premier te tunen l
avait été fait, ignore q11'unt1 seconde (fo~po ilion C$l venn r.
révoquer ses Llrnits el livl'0 un objet d0 l'héré11il6 a un
�-
~2
-
acquéreur de bonne foi. D'ailleurs nous avons vu que dans
le droit classique l'usucapion était applicable lorsqu'i l s'agissait d'un meuble mancipi sim plement livré par Je propriétaire. C'était là surtout la très fréquente et grande application de l'ancienne usucapio civilis.
Nous disions tanlôt que l'usucapion redevient possible
dès que la chose a fai~ retour dans les mains du propriétaire. Si celui-ci était un furiosus ou un impubère, il suffirait, pou r que pareil e[et se produisit que la chose rev int
au tuteur ou au curateur : cr Qui tutelam gerit transigere
cmn {ure potest et si in potestatem suam redegerit rem furtivam
desinit {urtiva esse quia tutor dornini habetur, sed et circa curatorem furiosi eadem diœnda sunt. (L. 08 § 1,. p. de fu rt.)
Supposons maintenant qu'au lieu d'un furtum ipsius
rei, il s'agisse seulement d'un fu rtum U$ US vel possessionis; dans les mains de qui la chose devra-t-elle revenir
pour que l' usucapion soit de nouveau possible? La loi 4
§ 6 Dig. à notre titre répond : dans cell es du propriétaire
lui-même: In domini potestatem debeat reverti; c'est-à-dire,
si une chose remise en gage à un créancier ou prêtée à
un commodataire vien t b1 lui être volée, elle ne sera pas
purgée du vice de vol par sa rentrée aux mai ns ùu gaCTiste
ou du dépositaire et devra pour cela revenir en la ;uissance du propriétaire. Ce sentiment n' était pas celui de
t~us les juri~consu l tes et plusieurs textes soutiennent l'opinion con traire, entre autres une loi 1,.g à notre titre empruntée à Paul, lequ el supposant qu' un débi teur a ' so ustr~i_t à son cré~ncier la chose qu' il lui a donnée en gage,
dec1de que le vice de vol ne disparait que par le retour
J
-
23 -
de la chose aux mains du créancier. (V. aussi L. 6 Cod.
de usuc. pro emptore, XLI , 4).
Au surplus, le fait par le pro priétaire de reprendre sa
chose n'était pas le seul moyen de purger le vice attaché
au vol, et il en aurait été tout aussi bien par la remise de
l'objet chez une personne désignée par le dominus, ou par
la vente faite au voleur en connaissance de cause. On admettait même qu e lorsque ayant pu revendiquer la chose,
le propriétaire ne l'avait pas fai t, il était censé avoir fai t
abandon de son droi t et celle chose cessait d'être furtive,
un simp le fai t de négLigence ne pouvan t lui laisser éler11ellement ce caractère (L. ~ 1 ~ Dig. L. L. tit. XVI de verb.
syn.).
La loi 4 § 8 hoc titulo suppose qu'un esclave, après
avoir volé un objet à son maître le remet en sa place et
ùécide que cet objet pourra être usucapé si le maitre qui
ignore la resti tution, a également ignoré le vol. Au cas
contraire, il faudra it pour qu e la chose cessât d'être fu rtive, qu'il connut aussi la resti tu tion. Enû n au§ 7 de la
même loi, Labéon enseigne que si une chose faisant parti e
du pécule d'un esclave a été volée à l'insu du maitre et recouvrée ensuite par l'e clave, elle est censée par ce fait
revenue dans les mai ns du maitre et a cessé d' être fu rtive.
i\fai ici encore si le maitre a connu la sou traction, il faut
qu' il sache que l' objet reYient dans le pécule de l'esclave,
et qu'en ou tre il consen te à l'y la1$ser.
Puisqnc tout vol comp orte l'iùéc d'un e sou traction,
ll" un dérlaccmcnt. il :;nit que le' immeubles ne pcuYcnt
pas faire l'objet u'u n vol, mais le proprietaire peut en être
�-
24 -
dépossédé par violence : « Abolita est enim quorundam veterittn sententia cxistimantiurn etiam {undi loci ve {ttrturn
fi,eri. J> (L. 58 hoc tit.). C'est donc seulement quand ils
ont été appréhendés violemment res vi possessœ qu e les
immeubles ne peuvent pas être usucapés. Remar1p10ns
à. ce sujet que pour qu'un fonds soit vi possessus, il
faut non-seulement que le possesseur soit ex pulsé, mais
encore que la possession soit prise par celui-là même qo i
a exercé la violence (Lois 4 § 22, et 53 § 2, hoc tit.)
Le vice de violence est d'ailleurs suscep tible d'être pu rgé de la même façon qu e lorsqu'il s'agit d'un meuble volé,
c'est-à-dire par le retonr de l'immeuble au propriétaire
Qnstit. L. li, lit. 6, § 8). Toutefois, si ce dernier se faisant lui-même justice, reprenait violemment son bien,
il élait exposé à. se voir de nouveau contraint à le restituer
par l'interdit unde vi et dans ce cas le vice originaire n'avait pas été purgé par ce retour imparfait de la chose entre
ses mains (L. 4 § 26, hoc titulo).
Puisque les immeubles ne peuvent pas faire l'objet
ù'un vol, si quelqu'un s'est emparé d'un fond s sans violence et le vend à. un tiers de bonn e foi, ce fonds n'étant
pas furtif pourra donc être nsucapé. Ju stinien modifia cet
état de choses et par la novelle CIXX chap. 7 décida que
le possesseur de bonne foi lu i-même, s'il avait acq ui s d'un
tiers de mauvaise foi et à l'insu du propriétaire, ne serait
plus in caus.:î. usucapicndi et n'aurait d'au tre rrssonrc~
que la prescription trentenaire. C'était bouleverser les
théo ries jusqu'alors admises et supprimer 1t peu près
l' usucapion ordinaire qui ne pouva it plus s'appliquer que
-
25 -
daus le cas où il s'agissait d'un sous-acquéreur de bonne
foi ayant recu d'un premier acquéreur qui était lni-même
de bonne foi.
En l'an 695 de Rome, Jules César avait prohibé par une
loi Julia repetendarum toute donation en faveur des gou''erneurs de province. Il avai l voulu en cela réprimer les
nombreux abus de fon ctionnaires qui profilaient de leur
situation pour s'enrichir aux dépens de leurs administrés
el pour mieux assurer l'exécution de cette défense, il
décida qu e l'usucapion elle-même ne pourrait pas faire
acquérir la propriété des choses obtenues au mépris de
cette règle. Toutefois, par application du principe que nous
avons posé tantôt, l'usucap ion redevenait possible par le
retour de la chose dans les mai11s du donateur.
CHAPITRE ll1
Des conc1Uloo8 requises pont• l'mn1caplon
En définis·ant l'usueapion nous avons dit que la base
première de cc mode d'acqui.ition étai t la pos ~ession. Or,
celle possession doit réunir plusieurs qualités . Elle do~l
avoir une durée déterminée et non interrompue, avoir
cemmencé de bonne foi et élre fondée sur un juste titre.
Il est~\ peine besoin de faire remarquer qu e la possc·sion dont il s'agit ici est la pos cssion juridique, c'est-à-
�-
'l6 -
dire exercée à titre de prnpriëtaire. Ceux qui ne font que
détenir pour autnn no peuvent pas usucaper pour euxmêmes mais seulement pour celui qu'ils représentent et
dont ils reconnaissent les droils.
§ i ••. -
Durée de la possession.
Dans l'anci en ùroit et d'après la loi des Douze Tables,
le délai de l' usucapion était fi xé à deux ans pou r ce qu'on
appelait le fundus, et pour les cœlerro res à un an. A s'en
tenir à la rigueur des mots, les maisons auraient dû être
comprises dans la catégorie des cœterro res, mais dans la
pratique on les assimila au fundus.
Le délai ainsi requis quoiqu e paraissant fort court, ëlai t
pourtant suffisant à un e époqu e comme celle dont nous
parlons où la société étai t encore fort reslreinte et les relations faciles. Mais plus tard le préleur statuant pour lés
fonds provinciaux et ne faisant plus de distinction entre
les meubles et les immeubles, fixa uniformément la durée
de la prescriptio longi temporis à dix ans entre présents et
vi ngts ans entre absents. Enfi n Justinien don t tous les
sujets étaient désormais citoyens et personnellement capabl~s ~· usucaper, fusionna l'usucapion ancienn e cl la prescr1pt10 prétorienne. Il établit une durée nouvelle de trois
ans pour les meubles, et pour les immeubl es conserva le
délai prétorien, c'est-a-d ire di x ans entre présents et vingt
ans entre absents.
- 27 On dit que la prescription court entre présents, lorsque le possesseur et le propriétaire babiten~ la même province, entre absents dans le cas contraire ; on ne se
préoccupait donc pas comme aujourd'hui de la situ~tion
ùe l'immeuble. Il peut se faire que pendant les délais de
l'usucapion, les parties aient été tantôt présentes et tantôt
absentes : on fait alors un calcul mixte en donnant aux
années de présence la valeur de deux années d'absence.
D'un autre côté, on ne considère pas dans la prescription les moments et les heures : de momento ad tnomentum.
Cc mode de calcul eut donné lieu à_ toutes sortes d'entraves, vu les difficultés qu' il y aurait eu de connaître bien
exactement l'instant même où la possession a commencé.
Les Romains comptaient de die ad diem en faisant abstraction du jour dans lequel ava it eu lieu la prise de possession. Quant au dernier jour, il suffisait au contraire
qu 'il fùt commencé ponr qu' il fut mis en compte : in usucapionibus non a momento ad momentum sed totwm po tremum diem computamus . (L. 6 et 7 Dig. de usurp et us. L. rn, de divers. temp .). D'autres textes paraissant au
premier abord en contradicti on avec celui-ci, exigent que
le dernier jour soit achevé : « ln omnibus temporalibus actionibus nisi novissimus totus dies compleatttr non fi.nire
obligationem (L. 6 D. de oblig. el act.). Mais il est à remarquer que rette dernière décision ne ~'applique que dans
Je cas de prescri pti ons non favorables, c'est-à-dire dans la
prescription des actions temporaires et la raison en est
qu' elle n'a été établi e que pour pun ir un créancier trop
�-
28 -
négligent, non pour favoriser un débiLeur qui reste de
mauvaise foi.
D'ailleurs, pour que l'asucapi ùn s'accomplisse il n'est
pas nécessaire qne la même personne ait possédé pendant
toute la durée du temps requi s. Il est permis à celui qui
possède de joindre à sa possession celle de son auteur ;
c'est ce qu'on appelle : L'accessio temporum ou possessionis.
Cette réunion s'opère toutefois de façons diliérentes ,
suivant qu'il s'agit de successeurs universels ou seul ement
à titre particulier. On dit dans le premier cas qu'il y a
continuation de possession et jonction seulement dans le
second.
L'héritier universel en effet continue la personne du défont , et il s'identifie avec lui de tel le fa çon qu'il a les mêmes droits et les mêmes obligations. li en résulte que si,
à l'origine, la possession du défunt était de bonne foi
'
l'héritier même de mauvaise foi la continuera avec le même
caractère qu'elle a eu du chef de son auteur, parce que la
mauvaise foi qui survient .'.lu cours de la possession n' empêche pas l'usucapion de s'accomplir. Il est vrai, qu 'à
l'inverse, l'bérilier de bonne foi ne pou rra jamais usucaper lorsque son auteur aura commencé par être de mauvaise fo i, ou s'il a possédé à titre de précaire. Si le vice au
lieu de provenir du chef du prem ier possesseu r résidait
dans la nature de la chose elle-même, l'héritier· pourrait
commencer nnc posse. sion 11Lile du jour seul ement oü cc
v! ce aurait. disparu. 11 n'c t pas nécessaire enfi n que l'héri tier connaisse exactement en \'Crtu de quelle cause son
auteur avait pris possession : ci Si de{unctus emil, /uns au-
-
~9
-
tem putal eum ex donationi.s causa possedisse : usu eum capturum Julianus afl. (L. 31 § 6 Dig. hoc titulo).
Les successeurs à titre particulier peuvent aussi unir à
leur possession celle de leur auteur, mais ils se distinguent
des successeurs universels en ce que ils peuvent toujours
commencer de leur chef une possession parliculière et
usucaper alors même que leur prédécesseur ne l'aurait
pas pu à raison d'un vice personnel. li y a donc dans ce
second cas deux possessions bien distinctes que le possesseur peut ou non joindre ensemble suivant qu'elles son t
ou ne sont pas utiles pour l' usucapion. Il doit d'ailleurs
dans tous les cas être lui-même de bonne foi, parce qu'il
ne représente pas comme l'hèritier universel celui dont il
tient la chose.
L'accessio possessionis avait été d'abord admise dans deux
institutions prétoriennes : l'interdictum utrubi et la prescriptio longi temporis. Ce n'est que plus tard qu'elle fut appliquée à l'usucapion. Un re~crit de Sévère et d'Antonin
disposa qu'entre le vendeur et l'acheteur il pouvait y avoir
jonction de possession, et le droit qui n' était ainsi accorùé
à l'origine qu'aux successeurs particuliers à titre onéreux,
fut étendu par Justini en aux successeurs à titre gratuit.
Dans tous les cas, pour que la possession puisse conduire
à l'usucapion il faut qu'elle ait été continue c'est-à-dire
qu'elle n'ait pas été interrompue un seul instant.
L'interruption est appelée dans les textes d Usurpat\o •
et elle rend inutile tout le temps qui a pré~édé.
On distingue l'interruption naturelle et l'interruption
civile. La première existe lorsque la possession :i cessé pen-
�-
50 -
dant un certain temps par la faute du possesseur ou de
tout autre façon, par Io fait du propriétaire ou de quelque
autre personne que ce soit. La seule condition est donc que
la possession de celui qui est en voie d'usucaper cesse.
Pourtant, on ne pourrait pas dire qu'il y a interruption
naturelle si l'esclave du possesseur cachai t ou distrayait la
chose que son maître usucape, car dans ce cas, celui-ci
continuerait à posséder par l'intermédiaire de son esclave ;
de même, une succession peut rester jacente pendant un
certain temps sans que la possession soit interrompue :
Quia possessio defuncti, quasi juncta descendit ad heredem
(L. 50. D. Ex quib. causis).
Enfin, si le possesseur livre la chose à titre de nantissement ou de dépôt à une person ne autre que le véritable
propriétaire, il n'en continuera pas moin s à la posséder par
l'intermédiaire de cette personne qui détient pour lui et ne
peut pas posséder pour elle-même. Mais si le propriétaire
donnait à bail l'hérita ge qu'il est en voie d'usucaper aceluilà même qui en est le propriétaire, l'usucapion serai t interrompue parce que nul ne peut être fermier de sa propre
chose et le propriétaire ne peut pas la tenir de ce lui qui n'en
est que le possesseur (L. 21. Dig. Hoc titulo).
La possession serait encore interrompue si le possesseur
tombait au pouvoir de l'ennemi et même si plus tard il
revenait à Rome il ne pourrait pas se prévaloir du temps
antérieurement écoulé. 11 est vrai qu e par la fiction du Jus
poslliminii il n'a pas perdu la cité romaine, mais nous
avons VL1 que ce droit ne s'appliquait pas aux choses de (ail
comme est la possession ([ Causa facti non continetur postli-
..- 51 -
minio l>. U recouvrera donc tous les droits qui étaient les
siens le jour où il est tombé aux mains des ennemis mais
l'usucapion ne lui aura point acquis un droit nouveau.
L'interruption naturelle existait seule dans le droit classique. A cette époque, la revendication formée par le propropriétaire contre l'usucapiens, en d'autres termes, la
citation en justice, et même la litis contestatio, c'est-à-dire
la délivrance de la formule par le magistrat qui engage ainsi
définitivement l'instance, n'interrompait pas l'usucapion
parce que rien n'avait établi le bien fo nd é de la demande.
Il fallait donc attendre la sentence de condamnation et jusqu e là le défenùeur pouvait usucaper etiam pende111e lite.
Avec la prescriptio longi temporis prétorienne qui était un
moyen a opposer à. l' ac tion, la demande intentée interrompait au contraire la possession utile dès qu'il y avait litis
contestatio, et sous Justinien qui fondit en une seule institution \'usucapion et la prescriptio longi temporis, cette pres·
crip tion se trouva interrompue non plus seulement à partir
de la litis contestatio qui a été supprimée dans la procédure
nouvelle mais dès les premières poursuites. Si le propriétaire
ou le créancier hypothécaire ne peuvent pas agir contre le
possesseur parce qu'il e t absen t, infans, ou dément sans
tuteur ni curateur, ils pourront sauvegarder leurs droit ~ et
interrompre civilement la prescription en présentant une
requête au présiùent, à l' évêque ou au defensor civitatis et
à leur défaut, en affichant ce libelle, signé d'un tabellion
ou de trois témoins, au domicile du possesseur.
Il résulte de ce qui précède que si par quelque évènement
le pos esseur perùait la possession avant que l'usuc.'lpion ou
�-
52 -
la prescription fu ssent accomplies, la perte était pour lui
irréparable. Le préteur Publicius corrigea cet état de choses
en créant une action qu'on appela publicienne et à l'aide de
laquelle Je possesseur pouvait réclamer la chose comme si
déjà il l'eùt acquise par usucapion. En principe cette action
n'appartient qu 'à ceux qu i se trouvant in causâ usttca7Jiendi
ont perdu la possession avant l'achèvement du délai légal.
lis doivent donc tout d'abord établir ce fait et c'es t ensui te
au défendeur à prouver qu e quelque chose s'oppose à l'usuca.pion, par exemple la mauvaise foi ou le vice de la chose.
La publicienne pouvait d'ailleurs profiter au propriétaire
Ex jure quiritium lui-même car elle n'exige pas la preuve de
Il propriété mais seulement cell e de la possession et on
comprend que souvent il devait être difficile au dominos de
justifi er du droit de ses auteurs. Enfin celle action peut
s' intenler contre toute personn e et même contre Je vrai
propriétaire qui toujours anra la ressource de faire ajouter
à la formule une exception justi dominü avec laq uelle il
triomphera dn demandeur si celui-ci, à son tour, n'en détruit l'effet par une réplique.
Enfi n, on ne possèderait pas davantage utilement si le
titre de possess ion se tro uvait suspendu par une condition.
L'acheteur mis en possession d' une chose qui a été venùue
sous co ndition ne pourra donc commencar à usucaper que
lorsque la condition se sera accomplie. Si, en fait, ell e
l'était déjà. au moment de la tradition et que l'acheteur ne
le sut point, l' usucapion courrait alors à son insu car, ainsi
qu e le dit Sabinus, la réalité des faits l'emporte sur l' opinion des parties.
..
-
§ 2. -
55 -
Juste titre.
L'existence d' un juste titre est la seconde condilion
reqo ise pour pouvoir usncaper, condition tellement rigoureuse qu'elle ne se présume poin t et que le possesseur doit
la prouver.
Posséder ex justa caus~. ex justo titulo, c'est posséder
en vertu d'un acte susceptible de transférer la propriété.
Lorsque cet acte émane du maître lui même, il transfere le
domaine et rend la prescription inutile et s'il provient ùe
quelqu' un qu i, n'ayant pas la propriété, ne peut pas la
transférer, il met l'acquéreur ùe bonne foi à même de
prescri re à raison de la tradition qui lui a été faite. En
d'autres termes, le titulus nécessaire pour l'usucapion est la
cause par laquelle on peut cro ire être légalement autorisé à
se mettre en possession avec animus domini.
Il importe peu d'ailleurs, que le titre soit lucratif ou à •
titre onéreux, il suffit qu'il soit de nature à transférer la ·
propriété: on ne pourrait donc pa prescrire en vertu d'un
contrat de bail, de dépôt ou de gage parce que ces divers
titres excluent par eux-mêmes l'animus domini.
Il y a autant de justes titres d'u uca.pion qu'il y a d'actes
juridiques à la suite desquels la prise de po session peut
faire acquérir la propriété de la chose appréhendée.
Les Pandectes citent en première ligne la po session Pro
emptore, c'est-à-dire la possession en vertu d'un contrat de
3
�-
54 -
vente. Si l'acheteur a reçu d'un tiers qui n'6tait pas propriétaire ou incapable d'aliéner il aura besoi n, pour acquérir la propriété, du secours de l' usucap ion et c'est lorsque
elle sera accomplie qu'on dira qu'il a usucapé pro emptore.
Au reste, on peut comprendre aussi sous cette expression,
la datio in solutum car dare in solutum est vendere, et
même y comprendre le paiement de la chose réclamée en
justice (li lis restimatio) lorsque le défendeur, condamné à
restiluer la chose, s'est trouvé au cas d'en payer la valeur.
En thèse générale l'usucapio pro emplore exige que l'acheteur ait payé le prix d'achat car sans cela, il ne peut se
croire propriétaire.
Celui qui a reçu en vertu d' un contrat de donation, une
chose qui n'appartenait pas au donataire, usucape pro donato
mais il faut pour cela qu'il puisse recevoir à. titre de donation l'objet qu'il veut usucaper. Ainsi ce genre d' usucapion
ne peut pas avoir lieu entre époux. Toutefois, remarqu ons
que les donations entre époux n' étaient prohibées qu'autant
qu'elles enrichissaient le donataire aux dépens du donateur,
si donc ce dernier donnait à son conjoint une chose qui
ne lui appartenait pas, il !ni rournissait une justa causa
usucapionis.
Si un mari reçoit en dot des choses qui n'étaient pas la
propriété du constituant, il les usucape pro dote. Mais il va
sans dire qu'il ne le pourrait plus si le mariage était annulé,
car il n'y a dot que s'il y a mari age 1 •
' L. 1, § 3. XLI, 9.
-
5!:S -
Le légataire, en vertu d'un testament, d' une chose qui
n'était pas la propriété du dérunt, l'usucape pro legato. Peu
importe d'ailleurs que la chose ait été remise au léoataire
l!l
par celui qui était chargé d'acquitter le legs ou que luimème se soit mis en possession pourvu qu'il ne l'ait pas
fait d'une façon illicite.
Nous avons vu que l'héritier étant mis au lieu el place
du défunt continue la possession telle que celui-ci l'avait
commencée ; si donc elle étai t vicieuse à l' origine, l'héritier
ne pourra lui même jamais usucaper ; et de même si le
défunt possédait déjà ad 11sucapionem, l'héritier pourra
bien accomplir l'usucapion et acquérir la propriété, mais
ce ne sera point pro herede . En elîet, ne faisant que continuer la possession de son auteur, so n acqu isition doit se
faire au même titre: pro emplore, pro soluto ou tout autre.
Nous aurons un peu plus loin l'occasion de dire dans quel
cas particuli er l'héritier pourr:i. usucaper pro herede.
Une personne usucape pro dereliclo lorsque elle s'est mise
en possession d'une chose abandonnée par un tiers qui
était en train de la posséder mais qui n'en était pas le vériLable maître. Cet abandon volontaire ne procure pas immédiatement la propriété :i celui qui trouve la chose, au premier occupant, car n'ayant pas été délaissée par le dominos
lui-même celui-ci n'a pas cessé d'en garder la propriété et
elle n'est pas devenue res nullws, mais il con tilue tout au
moins un juste titre qui donnera prise à l' usucapion.
On possède Pro suo, quand on possède animo domini
c'est-a-dire en vertu d'un litre translatif de propriété (L. 1.
XLI. 10). C' est là. en quelque sorte une expression géné-
�-
56 -
rale qui vise tout aussi bien les titres précédents et tous
ceux ayant une dénon.ciation parti culière que ceux qui n'ont
pas une signification déterminée mais c'est à ces deroiel's
plus spécialement qu'elle s'applique. Ainsi, si une femme
esclave est volée à son maître et vendue ensuite à un tiers
celui-ci ne l' usucapera pas parcequ'elle est res furtiva,
mais si elle met au monde un enfant , cet enfant n'ayant été
ni volé ni acheté, le maître actuel de la mère l' usucapera
Pro Suo. (L. 48, § !5. O. de furtis) . Celui qui achète un
fonds de quelqu' un qu i n'est pas propriétaire possède le
fonds pro emplore, mais quanù aux fruits qu' il perçoit il
usucape pro suo car on ne peut pas dire qu'il les a achetés
(L. 2. XLI. 10).
Lorsqu'un débiteur dans le but de se libérer, livre à so n
créancier une chose qui ne lui appar tient pas , celui- ci possède et usucupera Pro Soluto, le paiement étant un juste
titre.
Celui fa aussi a une juste cause d' usucapi on qui possède
en vertu de l'autorité du magistrat « Juste poss idet qui
auctore prœtore possidet » .(L. Il. rle arlq. vel. amitt. pos.)
Oe même co esl-il pour· celu i qui a été mis en possession
par suite d'un jugement défini tif, en exécution d'une
transaction ou par tou te autre cause analogue.
Enfin, c'était à Rome une question controversée de
savo ir i Li croyance à un Litre qu i n'ex iste pas, si le titre
putati f en un mol peut don ner naissance à l' usucapi on.
Justinien dans ses Institu tes a tranché la co ntroverse: Erro1·
57 falsœ causœ usur:apione1n non parit. Œ: Il. de usucap.) 1•
Donc en principe, cette croyance ne peut suppléer à une
juste cause, mais le Digeste a conservé plusieurs fragments
qni semblent apporter 3. cette règle des excep tions. Ainsi, les
Jurisconsultes avaient admi s que toutes les fo is que l'erreur
serait excusable et qu'aucun e faute ne pourrait être reprochée acelui qui l'a commise, le juste titre serait supposé.
Si par exemple, j'ai chargé un esclave bien famé de m'acheter un objet déterminé, s' il revien t en me l'apportant et
disant qu'o n le 11,; i a livré et qu'rl l'a payé, mon erreur sera
plausible (probabil is) et je pourrai usucaper 2 • C[ Quia i1l
alieni facti ignorantia, tolerabilis error est. , ce sera d'ail leurs au possesseur à prouver, devant la revendication du
propriétaire, qu'il a été malgrë lui amené à croire à l'exislence d' une justa causa.
Bien en tendu, ce que nous "enon de ùire se rapporte
seulemen t à. l'erreur de fa it ; quan t à l'erreur de droit, nul
ne peut s'en prévaloir: J11ris error uulli prodest (L. 2. §. 1 :).
-
XLI .
t~.)
§ 3. -
La bonne foi.
La bonne foi est la tro1 1eme condition e~ ·entwlle de
l'usucapion. Elle co n,· i. Le da us l'i~ooranct} ùu droit d'autrui
' L. 2, pro lcg<110. - L. 1 pro donalù - contra.
XLl , L
L. 5, § t, XLI. 1O.
2 L. .t, X.Ll, \., -
L. 1 § U ,
�- 58 sur ce que l'on possède. C'est-à-dire que le possesseur doit
avoir eu, au moment où il a pris possession, la conviction
intime que la chose appartenait réellemen l à celui qui la
lui a livrée et qu e dès lors il en a acquis lui même la propriété pleine et entière; s'il doute de son droit, il ne pourra
pas usucaper. Ici encore, il fau t d in~ quE' l'erreur de fait
n'empêche pas l'usucapion d'avoir lieu à moins qu'el le ne
provienne d'une négligence coupable, tandis qu e l'erreu r
de droit y apporte un obstacle absolu cl o 'est jamais excusable. Ainsi, celui qui achète d' un pup ille qu'il croit pubère
aura une bonne foi suffisante pour prescrire; si, au contraire, il croyait l' impu bère c:ipahle en droi t d'agir seul et
sans son tuteur, il ne pourrait pas usucaper.
On a longuement discuté la qu estion de savoir si !ajusta
causa n' éU1it qu'un élément do la bonne foi. Cc sont pou rtant choses parfaitement distinctes et il su ffit de se reporter
aux défin itions ùonn éos par les tex tos pour s'en convaincre.
Le juste titre, c'est l' existence d' un fait générateu r de
droit, d'un fait qu i impli que chez le précédent propriétaire
la volonté de transférer la propriété; la bonne foi, c'est la
croyance que celui dont on a reçu la chose était véritablement , propriétaire : « Jure civili constiwwm fuerat ut qui
bona ~de ab eo qui dominus non erat cum crediderit ewn dominum esse, rem emerit vel ex du11atio11e aliave qua vis jusra causa
acceperi< (princip . de usucap. Institutes).
L'intérêt de la distin ction est que la jusla causa ne so
présume pas et que c'est à l'us ucar1ens d'en rapporter la
preuve tandis que la bonne foi est toujours présumée et la
preuve du contraire appartient au revendiquant. li n'en est
-
59 -
pas moins vrai que le juste titre et la possession sont intimement liés, le titre étant l'acte extérieur qui motive la
bonne foi.
Il est indispensable, pour que l'usucapion s'accomplisse,
que cette bonne foi existe au moment même où la possession
a commencé, c'est-à-dire au moment de la tradition. Peu
importe, en règle générale, qu'elle n'existe pas au moment
du cont rat ayant motivé la tradition. Si donc, j'ai stipulé
sciemment la chose d'autrui, il suffit qu'au jour de la tradi tion je crois le promettant devenu propriétaire.
Par exception, la bonne foi est nécessaire aux deux
époques en matière de vente. La Loi 2 pro emptore l'exige
expressément : i sciens stipuler r~m alienam , 11sucapiam, si,
cum tradilur mihi existimen illius esse ; at ia emptione et i/Jud
tempus inspicitur quo contrahitu1·.
Il serait difficile de donner un motif rationnel de cotte
disposition positive. C'est une anomalie qui ne peut s'expliqu er qu'à cause de la rédaction même de la loi des Douze
Tables .. . Si quis ùona /ide emerit. .. d'où on a conclu qu'il
fallait être de bonne foi au moment de l'achat. Les expro sions employées par la loi des Douze Tables ne se referaient
pourLant qu'au ca de la mancipation . Si le mancipant était
propriétaire c'est au moment du contrat que se tran férait
la propriété, c'est à. ce moment que l' acquéreur deYait être
de bonne foi; pour respecter le texte de la loi, les Jurisconsu ltes ont étendu cette appl ication à la vente. (Demangeat :
1. page 549).
Lorsqu' on objet est possédé par un fils de famill e ou un
esclave, la bonne foi doit exister tant du côté du paterfa-
�-
40 -
milias que de celui du fils ou de l'esclave. Le pater ne
pourrait donc pas malgré sa bonne foi , u ucaper la
chose que son fils ou son esclave a achetée en sachant bien
qu'elle n' était pas la propnNé uu vendeur, et réciproquement, l'usucapion n'aura pas lien si le fils achetan t de
bonne foi, le pater savait, que le vendeur n'était pas propriétaire.
Enfi n, lorsqu'une personne acquiert la possession par
l'intermédiaire d'un représentant, homme libre, c'est elle
qui doit avoir la bonne foi parce que c'est ell e qui usucape.
Par ceb même, l' usucapion ne commencera à courir quP,
du jour où le mandant au ra eu connaissance de la prise de
possession, mais il faut pour cela que Je mandataire ne se
soit pas fait remettre la chose en so n nom personnel car il
usucaperait dans ce cas pour son propre romp te et le mandant ne pourrait à son tour co mmcn c~ r l' usucapion qu'a u
moment où la possession lui aurait été remise par le
mandataire.
D'ailleurs, si la bonne fo i doit exister au moment où la
possession comm ence, il n'est pas nécessaire qu'elle se
continue pendant Lout le temps requ is pLiur l'usucapion .
« Alala (ides supervenieus non impedit usucapionem . ~ Cela
s'expl ique parce que, en retour de la translation de propriété qu' il a cru lui être faite. le possesseur a donn é le
plus souvent quelque chose on pris un engagement. Ce
motif avait amené quelques jnrisco nsnltes à exclnre de
l'application de cette règle l'usucapion pro donMo, q11 i
ne fait qu'enrichir le possesseur et ne le dépou il k de
-
41 -
rien 1 • Dans tous les cas, la mauvaise foi rend l'acquisition des frnils désormais impossible, et à l'inverse celle
acquisition pourrait très bien avoir lieu et l'usucapion de
la chose principale ne pas naitre si le possesseur étant de
bonne foi , la chose était furtive.
Il faut donc en principe qne la bonne fo i concorde avec
l'initi-um possessionis. Mais il existait plusieurs cas où. l'usucapion était possible, bieu qne le possesseur n' ent pas été à.
l'origine de bonne foi, et ne l' eu t même jamais été. C'était
ce que !°on appelait l'usumpio lucratii;a et l'usureceplio.
L'ancienne jurisprudence romai ne avait admis que lorsqu' un tiers s'est emparé des biens d' une successio n dont
l'héritier n'a pas pris encore possession el à laquelle le
ti ers sait bien n'avoir aucun droit, s'il possède ces biens
pendant un an il pourra en acquérir la propriété, quoique
n'ayan t ni juste titre, ni bonne fo i. et soit qu' il s'agisse
de meubles ou d'immeubles (Gaïus, II, ~ 2- !S7) . C'est la
première phase de l'usucapio pro herede.
Cette insti tution fo rt curieuse avait pour but d'assurer
un double intérêt : encourager l'héritier à appréhender
le plus tôt possible la succession ùe façon à ce que les
sacra privuta du défunt, c'est- à-dire le r,ulte domestique,
ne soit pas interrompu, et ensuite permettre aux créanciers hérédi taires, qtli il défant d'héritiers ne savaient
comment obtenir ce qui leur était dù , de faire valoir leurs
droits contre quelqu' un . Toutefois ceux. qui antérieurement à l'ouverture do la succession auraient eu déjà la
1
L. II § 3, tle pub. m rem acl.
�-
42 -
détention à titre précaire des objels héréditaires, n'auraient pas pu malgré leur intention en devenir propriétaire,
parce qu'ils ne pouvaient se changer à. eux-mêmes la cause
de leur possession.
Dans l'histoire ùe cett e usucap io particulière, il convient
de distinguer trois périod es :
A l'origine, elle fait acquérir l' hérédité elle-même, de
telle façon que le tiers qui a possédé pendant un an acquiert même les choses dont il n'a pas eu la possession,
pourvu que personne autre ne les ait usucapées 1 ; il acquiert même les créances du de cuj us, bien qu'elles ne
soient pas susceptibles <l'une véritable possession, et il est
en échange obl igé aux dettes. La loi des Douze Tables en
effet, n'avait exigé deux ans de possession que pour les
fon ds de terre considérés isolémen t ; pour tontes les autres
choses une année suffisait; or l'hérédité, chose incorporell e
rentrait forcément dans cette deroièrn catégorie. Il n'en
est pas moins vrai qu'il y avait là quelque chose de contraire au principe d'après lequ el les cl1oses incorporelles
sont insusceptibles d'usucapion. (L, 45, 1 Dig. de acqu.
rer. dom.),
L'usucapio lucrativa ou improba, comme l'appelle trèsjustement Gaïus, u'eut plus sa raison d'être le jour ou
les sacra privata perdiren t de leur importance, et oli le
préteur autori5a les créanciers d' un débiteur défunt, dont
personne ne réclamait la succession, à vendre son patri1
l'if. Accarias, I, n• 24.S.
-
45 -
moine (Gaïus Ill, § 18) . Elle ne fit néanmoins que se modifier. Cc ne fut plus en général le titre d'héritier luimême qui pût s'usucaper, mais seulement la propriété
des choses corporelles héréditaires que l'usucapiens avait
possédées. li resta ceci de particulier que l'usucapion
n'exigeait ni juste titre, ni bonne foi et s'accomplissait par
le laps d' un an, même al'égard des immeubles (Gaïus, Il,
55). Certaines conditions demeuraient aussi nécessaires :
Et d'abord il doit s'agir de choses héréditaires, c'est-à-dire
1
des biens d'un homme dont la mort est certaine . li faut
en second lieu, que celui qui s'est emparé de lares bereditaria n'ait pas commis de furtum, en d'autres termes,
qu'il ne l'ait pas soustraite à quelqu'un qui déjà l'avait
détenue depuis le décès du de cujus. Il faut enfin qu'il ait
la factio testamenti, et cette règle toute naturelle à. l'époque
où l'usucapion devait faire de lui un héritier avait été
conservée sans doute par la routine dans cette seconde
période (Dig. L. 4, XLI, 5).
Dans sa troisième phase, l'usucapion pro herede n'enrichit plus le possesseur d'une façon définitive. En e[et,
un sénatu -consulte d' Adri en décida que les héritiers
légitimes ou prétoriens pourraient toujours revendiquer
par pétition d'hérédité les chose, acquise de cette facon
avec ou sans bonne foi (Gaïus, Il, 57). Cependant une
distinction était faite à ce dernier pornt de vue : Le pos e·seur de bonne foi ne restituait que cc dont il ·'était en-
1
L. 1, Dig. XLI, 5
�-
44 -
ricl1i, et celui de mauvaise foi devait même ce dont il aurait dû s'enrichir.
Enfin , Marc-Aurèle abrogea deûaitivement l'i1suca1>io
lucrativa pro herede en créant cc qu'o n appela le judicium
criminis e.xpilarœ lwreditati.s, c'est-à-dire en autorisant une
poursuite criminelle contre quico nque s' emparait sans
droit el en connaissance de cause d'une chose héréditaire
qui n'a pas été encore appréhendée par l'héritier. (LL. 1
el 2, XLVII , 19).
C'est le moment de se demander dans quel cas il pouvaiL y avoir enco re lieu depuis celle époque et sous Justinien a l' usucapion pro herede '? Cc sera seul ement lorsque
l'héritier ayant trouvé dans la maison du défunt un objet,
il le possèdera avec la croyance qu' il fait partie de la succession, alors qu'en réalité il en est autrement. Dans cc
cas on ne peut pas di re qu e l' llériticr continue la possession de son auteu r, puisqu e celui-ci ne possédait pas, il
pourra donc usucaper la chose à titre d' hériti er (L. 5, XLI,
5) . Juli en prévoyant une seconde hypothèse, enseigne que
celui qui se met en possession d' une succession à laquelle
il se croit appelé, usucapc au ssi pro herede. (L. 53, § 1 hoc
tilulo).
L'ancien droit nous présente une autre sorte d' usucapio n excepti onnelle, cell e-là aussi rationnelle et aussi murale que la précéùcnte l'était peu. On l'appelait us11receptio
parce qu'elle con ·istc dan la reprise de la propriété d'une
chose par celui qu i déj:t en a élé le maitre. Gaïus en signale
trois applicati ons: - Dans certaines circontaoces, celui fJUI
vo ulait remettre sa chose moLllièrc ou immobilière à titre
-
45 -
de dépôt ou de gage chez son ami ou son créancier lui
en transférait le dominium, en l'accompagnant d'un contrat de fidu cie. Par ce contrat, le dépositaire ou le créancier ga~istc s'engageait à retransférer la propriété au déposant dès qu'il viendrait réclamer sa chose ou payer sa
dette. Mais ce dernier n'ava}t alors pour usucaper qu'à
rentrer en possession et de s'y maintenir pendant une
année, sans avoir besoin de l'acquérir de nouveau par
mancipation ou rétrocession. Si dans le cas de gage,
l'usureceptio a lieu sans que le débiteur ait payé, l'uso receptio est dite encore lucrativa, p~rce qu'elle enrichit ce
dernier au détriment du créancier qu'elle prive d'one sûreté qui lui était encore nécessaire . Le débiteur qui recouvre sa chose ne peut toutefois l' usucaper qu'autant
qu e le créancier ne la lui a pas remise pour la détenir à
titre de location ou de précaire.
Ces deux premiers cas de l' usureceptio disparurent le
jour où l'aliénation à titre de dépôt ou de gage ne fut plus
accompagnée d' un con trat de fiducie.
La troisième application de l' Gsureceptio était appelée
gx prœdiatura. Pour qu'elle puisse se pro duire, il faut
supposer que Je fisc fait vendre une chose qu i lui a été affectée à titre de gage. On appell e prrediator celui qui se
rend acheteur; or, s' il néglige de se mettre en possession
de l' objet acheté et si le débiteur le retient. il pourra l'usucaper par un an de possession si c'est un meuble, et par
deux ans si c'est un immeuble : on pouvait supposer que
le débiteur après la vente avai t payé sa delle ou désintéressé le prœdiator (L. 9 D. de rcsciod. vend.).
�-
46 -
On ne sait pas au jusle a quelle époque disparut celle
usurecep tio.
Dans le droit de Justinien, il existe encore une hypothèse où l'on peut acquérir par usucapion sans bonne foi :
c'est au cas d'abandon noxal, lorsque le propriétaire d'un
esclave qui a commis un dêlit l'abandonne à celui qui a
souffert le préjudice pour ne pas être obligé de payer
lui-même. S'il le lui abandonnait spontanément, de gré à.
gré et par contrat pour ainsi dire, il ferait une datio in
solutum, mais nous supposons ici que le maître refuse
de se présenter devant le préteur, et que sur l'ordre de
ce dernier l'esclave est emmené par la victime du délit.
Par cela seul, le tiers ne reçoit pas la propriété de l'esclave, mais il peut l' usucaper a: Quamvis sciens al:ienmn
possideat., Et c'est justice, car, si le maître de l'e$clave
se refuse à réparer le dommage, il faut bien que celui qui
l'a subi en trouve d'autre part la réparation. (L 26 § G, D.
de noxal. act.. - L. 1, § 2, O. si ex causa nox. agat).
No us devons ajouter en finissant, que d'après un é constitution de Marc-Aurelle (L. 5 Cod, si adv. fi sc.), si qu elqu'un achetait du fi sc une chose appartenant à au trui , il
avait le droit, après cinq ans écoulés depuis la vente, de
repousser par voie d'exception le propriétaire revendiquant. Cette décision ne pouvait guère avoir d'utilité pour
Je possesseur que dans le cas où il n'aurait pas pu usucaper déjà par un délai plus court ; par exemple quand il
n'y avait pas bonne foi, lorsqu'il s'agissait de choses fur-
-
47 -
tives ou d'immeubles occupés par violence. Aussi l'empereur Zénon crut-il devoir garantir complètement ceux
qui recevaient quelque chose du fisc, en décidant (L. 2,
Cod. de quad. prescrip.), qu'ils en auraient, dès l'instant
de la tradition, la pleine propriété; un recours de quatre
années était laissé à ceux qui croyaient avoir des droits
sur la chose pour se retourn er contre le fisc. - Justinien
étendit l'effet de cette constitution aux aliénations consenties par la maiso n de l'empereur on de l'impératrice. (Inst.
L. II, 14).
APPENDICE
On serait étonné si avant de termmer cette étude sur
l'usucapion, nous ne disions un mot de la prescription de
trente ans que les interprètes ont appelé extraordinaria ou
longissimi temporis, et qui joue un si grand rôle dans la
législation moderne.
La prescription de trente ans avait lieu toutes les fois
que l'usucapion ordinaire ne pouvait pas être invoquée
�- 48 parce qu'ell e ne réunissait pas les conditions légales.
D'après Cujas, elle doit son origine au grand Théodose, mais
nous ne connaissons pas la constitution qui l'établit ; il
ne nous reste que celle de Théodose le Jeune et Honorius.
(Cod. C. 5, VII, 59). On sait qu'elle eut pour but de réduire à trente ans toutes les actions qui jusqu e-là étaient
perpétuelles et qui ont continué ~i être ainsi appelées
depuis.
li suit de là que cette prescriptio n'étant destinée ~t
l'origine qu'à produire un e!Tet extinctif, ne procurait au
possesseur qu' un simple moyen de défense opposable au
propriétaire exerçant contre lu i l'action en revenditation.
Si par conséquent, il venait à perdre lui-même la possession, il n'avait pas d'action pour reprendre la chose entre
les mains du tiers, et le propriétaire dont le droit n'avait
été que momentanément paralysé, pouvait exercer util ement la revendication contre ce nouveau possesse ur.
La prescription de trente ans n'avait donc à cette époque qu'un eITet puremeut extinctif. Mais par une consti tution 8 au Code de prescript. XXX vel XL annorum ,
Justinien établi t à. ce suj et une distinction entre le possesseur de bonne et celui de mauvaise foi. Ce dernier n'avait
bien connu à l'origine qu'un moyen de défense, mais le
premier aa contraire obtenait une véritable prescription
acquisitive qui l'au torisait à. recouvrer par action réelle la
chose dont il venait à perdre la possession. Dans tous les
cas, elle courrait con tre toutes personnes e~cepté les pupill es et s'appliquait à toutes choses si cc n'es t les biens
-
/f9 -
hors ùu commerce, les biens dotaux d'une femme mariée
et ceux des impulJères (L. SO Cod. de Jure dot. et J .., i),
VII, 59).
La pre3cription ùe quarante ans a été insti tuée par
l' empereur Anastase an profit ùes fundi patrimoniales ùe
l'empereur. (L. 14 Cod. de funù. patr.). Justinien J'é.tenclit aux biens ùcs élal>lissemcns pieux et con•rréaation~cli_gicuses (Novcll c 1;) l, chap. G). Spécialemen~ p~ur le:
cgltses, le délai avait été jusque là de cent ans 1 .
~I
établit en second lieu dans l'intérêt des plaideurs,
qui sou,·ent se trouvaien t déchus de leurs droi ts, :i raison
des délais forts courts de k procédure, qu'une action
déùnite en justice ne serait périmée qu'après un délai de
quarante ans à partir du dernier acte judiciaire. (L. 9, CoJ.
\li, 39).
Enfin une dernière prescri ption de quarante ans est
celle qu e le déb itenr peut opposer i1 l'action hypothécaire
clu créanci er. Elle fut creée par l'empereur Justin et on
l'explique en disant que la creance et l'action personnelle
_( L.. 23, Co1L <lo Sact'l)S Eccles). SmJas raconte 11uc ccllt:
consutu11on fut obtenue <lo Justinien par un certain Priscu,;, a<lnunislrateur <le l'Eglise <l'Emèse. Celle-ci a\aÏI éte institue' héritièrtl
depuis plus de trente ans par un palricieu uommé lfamianus. Pour
éviter qu'on ne. lui opposai la prc~1·riplion, Priscus acheta <le l'empereur la constitution <[ui fhait le 1hibi ù cent :ins.
1
�-
50 -
une fois éteinte par la prescription de trente ans, il n'en
restait pas moins à. la charge du débiteur une obligation
naturelle qui suffisait a conserver l'hypothèque pendant
dix ans encore (L. 7, Cod. VII, ;>9).
DROIT
FRANÇAIS
�DROIT
DE
~ RANÇAIS
LA
1
'
REGLE
EN FAIT DE MEUBLES POSSESSION VAUT TITRE
( Art. 2279-2280 C. C.)
Notre étude sur le droit Romain s'est terminée par la
prescription de trente ou quarante ans que nous avons dit
être appelée avec raison longissima ; Le droit français va
nous offrir, par un contraste remarquable, la propriété
acquise en certains ca par une posse. sion instantanée, tmo
momento ; c'est cc qu'indique l'article 2279. Mai pour
savoir ce que renferme dans ses termes cette maxime i
�-
~4
-
-
concise, il faut rechercher : 1° Son origme ; 2° le sens
qu'elle comporte ; 5° ses divers cas d'application.
CHAPITRE t··
Origine de la R ègle
La règle tt En fait do meubles, possession vaut ti tre,
ëtait incon nue à Rome. Nous avons vu que le Droit Romain
ex igeait pour l'acquisition des meubles livrës à non domino
une possession de bonne foi prolongée pendant un an
dans la lëgislation primi tive et trois ans sous Justinien.
Toutefois le vo l, était un obstacle absolu à l' usucapion et
Justinien fut le premier aadmettre que l'action du propriétaire injustement dépouillé pou rrait être repoussëe après
une prnscription de trente ans.
Le Droit Germani que se préoccupa lui aussi de cette
question. et aùmit que le propriétaire dépouillé malgré lui
peut toujours revendiquer le meuble sorti de sa saisine.
1\Jais quant à celui dont il s' est volontairemeut déssaisi il n'a
contre celui-là. même à qu i il l'a co nfié qu'une action personnelle et ne peut jamais le réclamer à l'encon tre du tiers
qui l'aurait acquis de ce premier détenteur. VoiH1 donc
mise en vigueur pour la première fo is cette règle que le
lëgislateur fran Çdis consacra vin gt siècles plus tard et qu i
pendan t un certain temps disparut sous l' influ ence domi-
~)?) -
nante du Droit Romain. - Pareille solution se conçoit
facilement à une époque comme celle dont nous parlons.
La terre seule avait alors une importance véritable et les
meubles n'étaient guère qu'une valeur accessoire à laquelle
les Germains attachaient peu de prix. « Quand la personnalité humaine, dit M. Renaud , se fut dégagée davantage
et constituée en dehors de la propriété, les meubles furent
traités comme un accessoire de la personne, le dessaisi ne
pouvait les suivre. 1 ]) c'est ce qui résulte d' une façon indire~te du titre XXXIX de la loi salique (V• siècle) qui en
indiquant les choses volées comme po uvant seules être
revendiquées suppose par la même en règle générale la non
revendication des meubles. C'est ce qui est écrit aussi dans
la loi ripuaire titre XXXIIl (VI• siècle), dans celle des
Wisigoths Liv. VII titre II ; Et aux Capitulaires de Charlemagne L. V -CXC ll.
L'acheteur de bonne foi doit par exception seulement
restituer au propriétaire dépouillé par un vol, l'objet qu' il
a acquis. Il faut remarquer ici que les Germains faisaient
une distinction entre le vol proprement dit : raub et la
rétention frauduleuse. Le vol était pu ni d' une peine corporelle qui n'était rien moins que la peine capitale et la rétention frauduleuse n'entrainait qu' une amende; d'autre part,
les choses proprement volées étaient seules susceptibles de
revendication. Peu à peu cependant cette exception s'étendit
à des choses qui quoiques sorties de la saisine du proprié-
1
H.onaud Lrauuil par Chauffour, He' ue de Législat. 1843.
�-
5G -
taire sans sa volonlé, n'avaient pas été volées, comme les
objets emportés par l' inondation ou pris par erreur. On
arrive ainsi à admettre la possibilité de la revendication
pour les choses perdues parce qu'on assimilait ~l un voleur
celui qui , après avoir trouvé une chose, ne faisait pas les
diligences nécessaires pou r en connaîlro le propriétaire et la
lui restituer: Si quis cuballum, hominem , vel quarnlibet rem
in vià propiseril, aut e11111 sernws f11erit, per tres marcas e1tm
osteudat et sic pustea [Jer n:gis stapl111n ducat; sin aute111 aliter
egeril fur judicandus est.
Les mêmes principes et leurs exceptions ont élé reproduits plus tard par les Etablissemenlil de St-Louis, L. li, Ch.
17 : Se aucune per:;owie suit aucune chose gui li a esté emùlée,
et il la requiert comme emblée, il doit mellre quatre démers seur
la chose, et dire en tète ma 11 iére à la justice: sire, cette chose m'a
esttJ embltJe et sui prest de je/lrer sur sains que je 11e fis oncqucs
chose de quoi je en deusse perdre la sesine .
Les Assises de Jérusalem nous fou rni ssent des textos tou t
aussi précis (Cap. 13 l et le (;rand Couswmier qui fut rédigé
à la fin du XIV siècle, sous le règne de Charles VI, co ntient
los mêmes errements, Li1•. Ill, Ch. Liil).
Notre vieux Jroit coutumier se préoccupa aussi do celle
lJUestion fort importante, mais sur cc point comme s1Jr tan t
d'autres, les couturn('s u'a<.loptèrent pas un principe uni forme . Celles des pay" du mir\i de la France, qu'on appela
plus tard pays de droit écra, Loo t imprérnées encore de la
législation que les Romains ava ient apportée <.lans les G:rnlcs,
admettaient l'usucapion des meubles, t,rnclis que ks pays
de coutume rnirnient la tradition gt•rmaniquo. Pourtant, it
-
57 -
partir Llu xn· siècle, l' étnde des lois romaines joui t en
France d' un tel engouement et d'une telle influence qu'un
moment vint où le principe germanique avait à. peu près
disparu. C'est l'époque oü Loysel écrivait : Pour simples
meubles on ne peut intenter complainte ; mais en iceux échet
aveti et contre aveu , c'est-à-dire qu' ils peuvent être reven·
diqués, et oü Domat ajoutait plus explicitement encore : Si
apr~s la mort du d1>positaire, son héritier ignoraat le dépôt,
vencl la chose déposée, le propriétaire consen:e toujours son
droit de vendiqucr la chose entre les mains de celui qui en serait
saisi. Ce ne sera donc que par l'usucapion que le possesscnr pourra échapper à la revendication du propriétaire.
Mais pendan t combien de temps la reYendication restera·
t-elle possihle? La diYersitè des usages élait sur cc point
infinie. La coutume de Bretagne (art. 28!•) disait : Le
meubles se prescrivent par cinq ans, sauf s'il y a obligation, lettre ou promesse par écrit; celle de Valenciennes
lixait une durée de dix ans; dans le Berri et la coutume
d'Oudenarde on s'était rallié à la prescription trentenaire ;
c'était aussi l'opinion consacrée par les parlements de
Bordeaux et de Tou Io use et professée par certains jor isconsultes qui soutenaient que pour les meubles et les
immeubles il n'y arnit qn'une seule prescription, celle de
30 ans. Enfin, cette opinion fut admi~e par le parlement <le
Paris le 11 juillet 1i;)8.
Jla1s le principe dominanl fut Cl·lui de la prescriplion
triennale accompagnée de juste titre et bonne foi. Il en était
ainsi clans les coutumes d' .\mi~n::;, de Clermont, du ~bine,
de Bourgogne, etc. Dan3 nos pays de Provence. cc fut la
�-
58 -
règle admise ainsi que cela résulte des lettres patentes de
François I••, 19 mai 15 17, confirmant un établissement
des États de Provence: L'exception de prescription, dans
l'avenir, aura lieu selon la forme et disposition du droit écrit
selon lequel ledit pays est régi et gouverné.
Enfi n de nombreux au teurs enseignèrent cette solution :
Dunod, dans le traité de la prescription où il a recueilli
principalement la jurisprudence du comté de Bourgogne,
s'exprime de la faç.on sui vante : l es mettbles se prescrivent par
trois ans avec titre et bonne foi selon ce qui est communément
recti dar1s le royaume . Pocquet de Limonières, sur la coutume d'Angers, disait aussi : De droit commun les meubles se
prescrivent par une possession publique el paisible de trois ans .
Il ne fau t pas oublier pourtan t qu'il était encore quelques
coutumes et quelques jurisconsul tes restés fidèles au vieux
principe germanique. Voët, le jurisconsulle Hollandais, en
es t la preuve lorsqu'il dit: Sed cum nunc usu frequ<mtata sit
parœmia secundurn quam m.obilia non habent sequelam. Un
peu plus tard , Bourjon était plus exp licite encore dans son
traité sur le droit commun de la France : Exiger la prescription, dit- il , pour l'acquisilion d'111i meuble possedé par autrui,
c'est aller contre la trariquillité et le bieu du commerce. Et plus
loin : la prescription n'est d' auwnc considération , elle ne pelll
être d'aucun usaye quant aux nwubles puisque par rupport à
de tels biens, la simple possessio11 produit tout l'eflet d'un titre
parfait. Telle était aussi suiranl lu i, la jurisprudence constante du Châtelet de Paris, et il combat l'o pinion de qu elques-uns de ses con temporains qu i avaien t adopté le système opposé : Duples:;is r•stime r1n'avec bo111te foi, il faut trois
- 59 aus pour prescrire la propriété d'un meuble et trente ans lorsqu'il n'y a pas bonne foi. Brodeau est de même sentiment. J'ai
toujours vtt celle opinion rejetée au Chatelet où l'on tient pour
maxime qi'' en matière de meubles la possession vaut titre de
propriété. On a opposé quelqu efois à. cette affirmation le
passage suivant du traité de la prescrip tion de Denizard,
qui avait été procureur au Châtelet même : I\'ous tenons au,
Châtelet pour maxime certaiue, dit-il, que celui qui est en
possession de meubles, bijoux et argent comptant, en est répute
]Jropriétaire s'il n'y ci titre c<mtraire. Admettre ainsi que le
tiers acquéreur possesseur d'un meuble eo est seulement
réputé propriétaire c'est loin d'admettre qu'il l'ait acquis
par prescription. D'ailleu rs, avec ce sy tème quelle dilîéreoce y aurait-il entre les meubles et les immeubles puisque
pour les immeubles il est certain aussi que celui qui possède depuis un :10 ûSl présumé propriétaire jusqu'à preuve
contraire '? Cela seul suffirait pour nous faire préférer
l'assertion de Bourjon à celle de Denizard si ce dernier ne
no us rournissait en outre lui-même la preuve du peu de
confiance que méritent quelquefois ses afiirmations; ainsi il
ajoute : La coutume de Paris n'a pas réglé et je n'en connais
pas, qui {i:re le temps pendant lequel il faut posséder des meubles
pour en acquérir la propriété. Nous Yenons de voir au contraire qu e de très nombreuses coutumes enseignaient la
prescription triennale ou trenten:i.ire.
Le sentiment de Bourjon se confirme el se complète enfin
par la lecture de Pothier sur la coutume d'Orl~ans : le
fJOssesscw· d'un 111euble e.~t parmi uow; pn•;:;11111é proprit'ta1re
sans qu'il soit besoù1 de recuurù· a 1<1 pre11criptio11, a moillli que
�-
60 -
celui qui le réclame '/le justifie qn'il en a perdit la possession
par quelque accident comme par vol (Titre XIV, n° 4). En résumé, dans ce dernier système, dès que l'acquéreur de
bonne foi est possesseur d' un meuble qui n'a pas été volé
ou pris par violence le propriétaire ne peut plus exercer
à. son encontre de revendication. Deux motifs expliquent la
règle: c'est d'abord qu'il serait ordinairement très difficile
de contrôler les titres de propriété de celui dont on est
l'ayant cause; c'est sans doute aussi no souvenir du vieil
adage : Vilis rnobilium possessio.
Disons en finissant, qu'à côté de cette divergence d'opinions relativement au délai de la prescription il était un
point sur lequel les coutumes ét:iient généralement d'accord pour déroger à la tradition du Droit Romain : c'était
pour refuser e::. matière de meubles toute action pos5esso ire ; c'est-à-dire : au cas ou l'on pouvait revendiquer un
meuble on ne pouvait pas intenter une action distincte de
la propriété.
Seule la coutume de Normandie admit (art. 55) que Je
propriétaire dépouillé pouvait réclamer verbalement et en
public ; c'est ce qu'on appelait : La clameur de haro.
Tels étaient les précédents juridiques à l'heure ou la
France s'apprêtait à renouveler la face de ses institutions.
Le législateur moderne ap pelé ase prononcer sur les idées
qui nous occupent n'hesita point à consacrer la maxim e de
Bourjon et copia la phrase même qui résumait 5a doctrin e:
([ E1i fait de meubles possession vaut titre » .
Pour rendre complet cet exposé, en quelque so rte prél iminaire do notre questi on il faut ajou ter que la plupart des
- 61 Etats européens qui ont été appelés, dans ce dernier siècle,
a modifier leur législation et codifier leurs lois ont adopté
sur ce point un système opposé à. celui de la législation française dont ils ont pourtant adopté un grand nombre de dispositions. Dans la Saxe, par exemple, on exige que la possession se soit continuée pendant un an, six semaines et trois
jours (de St Joseph). En Bavière, on suit la prescription
triennale du Droit Romain. En Autriche, oo exige un délai
ùe six ans, si le possesseur a reçu le meubl e d'un inconnu
ou d'un homme de mauvaise foi. En Portugal, il faut trente
ans. Seuls, les codes Sarde et des deux Siciles ont aùopté
sans modification la règle qu'en fait de meubles possession
vaut titre.
CHAPITRE Il.
Sens de la Règle
Il est difficile d'élablir aYec certitude qu'elle a été la
pensée du législateur en éùictant l'article ~2ï9_ ùont
l'importance apparait de plus en plus à mesure qu'on l'étudie. Aussi, cet article a-t-il subi des interp rétations nombreuses et aujourd'hui encore la contrn,erse n'est pas
éteinte. Cela vient évidemment do ce que les rédacteurs du
Code n'ont fait que reproduire purement et simplement
dans sa formule trop concise et par là même obscure un
adage déjà. ancien, laissant ainsi un champ libre à toutes les
appréciations :
�-
62 -
Toullier, l'un <les premiers commentateurs du code civil,
a soutenu 1 que notre article signifie seulement que le possesseur d'un meuble, quoique le détenant sans titre, peut
le prescrire par trois ans. En d'autres termes, il écarte en
matière mobilière la nécessité du titre que la loi exige
pour la prescription des immeubles; il suffit, d'après lui ,
que le possesseur ai t la bonne foi et qu' il jouisse pendant
trois années ; de sorte que si un mari, par exemple,
vend à un acqu éreur de bonne foi les diamants que sa
femme s'est constitués en dot, celle-ci aura , à la dissolution
du mariage trois ans pour les revend iquer 1 • - C'est la
reproduction litLérale de la vieille doctrine des pays de
droit écrit et Toullier se fonde sur ce que notre arlide ne
dit pas que le possesseur d'un meuble en devien t immédiatement propriétaire mais que sa possession équivaut à
un titre. Pour se convaincre de la fausseté de cette explication que Troplong a longuement réfutée, Il suffit de
comparer les deux alinéas qui composen t l'arti cle 2279 ;
on voit que ce n'est que par exception, dans le cas de
choses volées ou perdues, quo la loi accorde expressémen t
au propriétaire un délai de trois ans pour les revend iquer.
T. u, 11·· 1o~à 1 19.
Dalloz, t. 36, n• '.26;j. - Pot hier ava il émis celle <loctri ne
dan~ UT~ tr:aité. des donntions entre mari et femme, Joctrino qui
consistai t a dire lJlle nonobstanl le~ rè·glc~ de !'Ordonnance de
~tou li n~ (1566), le possesseur ~·un meublu de bonne foi, n'a p;1s
a. fournir la preuve de son t1Lre pour in voquer la presc1·iption
L;1enna le.
1
~
-
65 -
Si d'ailleurs, le seul e!Tet de la possession du meuble
élait de faire présumer 1jusqu'à preuve contraire le possesseur propriétaire, il n'eut pas été nécessaire de faire
un article spécial à. ce sujet puisque déjà. l'article 151?> avait
établi que la présomption est toujours en faveur de celui
qui a l'exercice du droit.
Duranton enseigne une opinion tout à. fait opposée et
donne à l'art. 2279 un sens véritablement exorbitant.
D'après lui, dès que le meuble est sorti des main:; du véritable propriétaire et pourvu qu'il n'ait été ni volé ni perdu
il n'est plus susceptible d'être réclamé ; le nouveau possesseur est armé envers et contre tous, d'une présomption
insurmontable jnris et de jure, de légitime propriété. C'est
là assurément méconnaître l'esprit de la loi et en forcer la
lettre. La jurisprudence a, pourtant, adopté quelquefois
cette interprétation que, pour notre part, nous ne pouvon
pas accepter parce qu'alors il faudrait aller jusqu'à. dire
que le possesseur de mauvaise foi et le détenteur précaire
pourront se retrancher derrière cette barrière infranchi ' sable et que le propriétaire dont ils ont à. l'origine reconnu
les droits ne pourra pas prouver contre eux la nature de
leur pos ession ; dans ses derniers arrèts la jurisprudence
semble vouloir abandonner ce système et proclame que
l'art. 2279 n'établit en faveur du possesseur qu'une simple
présomption qui peut être ùétruite soit par la preuve testi_
moniale soit par lles présomptions con traires qui réunissent un caractère de précision et de gravité •usceptible <le
les faire prévaloir.
~Iarcadé a. proposé à son tour une nouvelle explication.
�-
GI~
-
Il soutient que l'article 2279 ne fait que consacrer une
prescription d'une nature particulière, une prescription
instaotannée, et se fond e pour cell sur ce que notre article
est placé au titre même des prescripti ons acquisitiYes . Ce
~ystème est adopté encore par d'autres jurisconsultes entre
autres par M. Demol ombe 1 ; mais l'opinion ùn plus grand
nombre est encore qu'il n'est pas beso in pour expliquer
notre règle de recourir ~1 la prescription. Si la possession
vaut titre, disent ils, elle est plus qu'un e prescription ;
d'un autre côté, pour qu'il y est prescription, il faut
comme base première un laps de temps déterminé (art.
2219 c'est même fa son caractère essentiel, or, la possession des meubles en est précisément dispensée. Enfi n, il
faut se souvenir que la disposition du Code est empruntée
à l'ancien Droit et nous a'Toos vu déja que Pothier traitant
de la fin de non recevoir qui resulte de la possession d' un
meuble ne lui donne pas pour base la prescription. Ainsi
raisonnent ces auteurs ; on ''erra qu'après avoir étudié les
diverses applications de l'art. 2279, il est possible ùe
concilier ces deux opinions diverses ; si d'ailleurs, elles
diITèrent dans la manière de caractériser notre règle, elles
sont d'accord sur les résullats qu'ell e produit.
Mais quelle est la raison d'être Je celte règle et n' est-il
pas de l'essence même de la propriété que Je propriétaire
puisse, dans tous les cas, maintenir son droit à l' égard ùc
qui que ce soit? Il est bi0n sur qu' en édictant l'article
1
De la proprirtr N <le l'usufruit, T. I p. 532.
-
6?S -
2279, le législateur était dominé par le souvenir du droit
ancien dont Bourjon et Pothier avaient conservé la tradition dans leurs ouvrages, et Bigot-Préameneu, dans l'exposé des motifs, n'a pu s'empêcher de dire : Qu'on maintenait la règle : En fait de meubles, possession vaut titre.
- Mais cette règle se justifie encore par des raisons de la
plus haute gravité. Que serait-il advenu en effet, si le propriétaire d'un meuble qui en a perdu la possession pouvait
dans tous les cas le r~vendiquer? Les acquéreurs eussent
été exposés à. des recours sans fin et le commerce eut élé
par fa-même entravé. En effet, quan1l il s'agit d'immeubles, il est facile de constater l'origine de la propriété
parce qu'ils ne se transmettent jamais sans qu'un acte
vienne constater cette mutation, mais les meubles passent
de main en main avec uo e célérité extrême et on n'a pas
d'autre titre à. leur égard , d'autre moyen de contrôle que
la possession elle-même. Il est donc impossible de suivre
un meuble dans la circulation rapide dont il peut être
l'objet et si des lors le vrai propriétaire pouvait le revendiquer, l'acheteur qui a été dans une erreur invincible
et que ri en ne pouvait éclairer sur l'origine du bien qu'il
a acquis serait victime de sa bonne foi. C'est à. cette injustice que pare l' article 2279, sans porter atteinte aux intérêts du propriétaire qui est en faute d'avoir suivi trop légèrement la foi de celui qui l'a trompé et de lui avoir
confié imprudemment son meuble à titre de mandat, de
dépôt ou de gage.
Nous devons terminer ces considérations par un rapprochement. Aux termes de l'article 2119, les meubles
5
�-
66 -
ne peuvent pas donner naissance à un droit de suite au
profit des créanciers hypothécaires. Dès lors, il fallait
pour être logique écarter aussi l'action en revendication,
qui n'est de la part da propriétaire qu'une manifestation
de ce droit de suite, et ne laisser à ce dernier d'autre recours qu'une action personnelle contre son mandataire.
§ 2.
Le tiers détenteur qui n'a pas directement contracté
avec le propriétaire, peut donc opposer à la revendication
de ce dernier les termes de l'article 2279 . .Mais ce droit
existe-t-il dans tous les cas, n'est-il pas soumis à certaines
conditions, et les juges peuvent-ils d'office l'appliquer?
Deux conditions sont indispensables pour pouvoir invoquer le bénéfice de notre règle. En premier lieu , c'es t
d'être de bonne foi. La loi peut en efîet excuser l'erreur
'
mais non pas protéger la fraud e. On a essayé 1 pourtant
de contester cette vérité en disant: L'art. 2279 n'exige
pa) la bonne foi d'une façon textuelle, et quand la loi pose
une condition elle s'en expl iqu e toujours expressément.
Ainsi en est-il dans les articles ?S49 et 226?>. Le sil ence du
texte ici est donc très significatif.
Pour répondre à cntte première objection, il suffit de
remonter aux origines de la loi. Il est écrit eu effet dans
1
Aubry et Rau, t. 2, § ~ 83, n• 26 .
-
67 -
Bourjon que la possession produil. tout l'effet d'un titre parfait dans le cas de bonne foi. Or, nous savons que c'est là
l'opinion que le Code a voulu consacrer. D'un autre côté
l'article 1141 qui n'est vraiment qu' une application particulière de notre article, prévoyant le cas d'une aliénation
de chose mobilière consentie par la même personne à deux.
acheteurs dilTérents, déclare que si le dernier a été mis en
possession il sera préféré et restera propriétaire pourvu
q1t'il soit de bonne foi. Enfin, le souvenir des motifs qui ont
servi de base à notre maxime démontrerait encore au
besoin la nécessité de cette première condit:on. Ces motifs,
avons-nous <lit, sont la rapide et facile transmission des
meubles en même Lemps que l' ignorance dans laquelle
\'acquéreur est supposé être de leur origine. Mais si on
ad met que cet acq uéreur esl de mauvaise foi, on admet
par là même qu'il ne peul plus se faire une arme de son
ignorance.
On a fait une seco nde objection en disant que le législateur a laissé subsister pour le transfert de la propriété
des meubles la nécessité de la tradition , que dès lors peu
importe la bonne foi, car si le vendeur reste propriétaire
jusqu'au moment de la livraison de l'objet, il ~ -pu v~a
blement le vendre à un second acheteur sans qu 11 puisse
être question de bonne ou de mauvaise foi. Ce systè~e , e
base sur les anciens principes du Droit Romain qui ont
élé entièrement modifiés par les articles 7t t et t 138 dn
Code civil, aux termes desquels la propriété se transfère
désormais par le simple consentement. Il n'est pas pos-
�-
68 -
sible que le législateur, dans l'article 1141 ait voulu contredire ce qu'il avait édiclé 'dans l'article 1158.
D'ailleurs pour établir une distinction entre les meubles
et les immeubles, il faudrait un texte formel. Or, nonseulement il n'en existe pas en l'espèce, mais encore l'article
1141 exige d'une façon très explici te la bon ne foi. Rappelons d'ailleurs en un seul mot que celle-ci se présume
toujours (art. 1116 et 2268).
Heste à se demander à quel moment la ponne foi doit
exister chez l'acquéreur? Suffit-elle au moment du contrat
ou est-elle nécessaire encore au moment de la tradition?
1\1. Larombière (sur l'article 1 J41 n.. 6 et 16) soutient
la première opinion en se fondant sur l'article 2269, aux
termes duquel la bonne foi suffit au moment de l'acquisition. Nous n'adoptons pas ce système. D'abord parce
que c'est à la possession qu e les articles 2279 et 1141 attachent l'effe t qu'ils consacrent, que dès lors c'est au moment où elle commence qu'il faut se placer pour examiner
si les co nditions légales existent ou non; que d'ailleurs
l'article 2269 placé au litre de la prescription par dix et
vingt ans ne régit que J'hypothè e où il s'agit d' immeubles.
La bonne foi est donc nécessaire, mais elle n'est pas
suffisante ; il faut enco re un jusle titre. Le mot titre n'est
pas p~is· ici dans le sens d'écrit, instrumentum probationis,
Il désigne Lout fait juridique qui considéré en lui-même
était susceptible uetransférer la propriété et qui n'a manqué de produire cet e[~t que parceque celui de qui Ja
t.:hose est venue n'était pas le véritable propriétaire. Il ne
- @faut donc pas que le possesseur soit obligé personnellement
à la restitution. Cette formule repousse d'une !açon générale tous ceux dont le titre est la négation même de l'animus domini. Nous ne faisons pas de ceci une troisième
condition comme l'enseigne l'auteur que nous avons tous
eu en tre les mains, Mourlon. Toutes les fois en effet que
l'acquéreur sera obligé de restituer la c~ose pour une caus.e
quelconque, il sera dans la position d un détenteur pre.
. .
caire.
Le successeur universel d'un détenteur precaire qui
dont était tenu son auteur , ne peut pas
ianore l'ob\iaation
0
I!>
davantage opposer au propriétaire revend'1quant l'. e~c~p tion de l'article 2279' parce que Je débiteur origma1~e
dont il représente la personne n'aurait pas pu. s'en pre~·
valoir' et qu'il ne fait que conli nuer sa possession avec le;:.
mêmes vices dont elle a été entachée dès le début. I~ en
serait encore ainsi it fortiori si \'obligati;m de restituer
résultait d'un délit ou d'un quasi-délit.
Enfin il va sans dire que celui à qui nous donnons
l'hospita{ité ne pourrait s'autoriser de l'article 2279 . pour
prétendre siens les meubles mis à son usage. C'est la une
détention précaire par excellence et nous n'en _parlons. que
pour examiner si la même solution doit s'appliquer n gou_reusement an domestique habi tant la mai on de_ son mat·
tre. Peut-il ré ulter des circonstances, qu' il ait da~~ la
maison la posse ion exclu ive de certains elîet mob1_l1er:
lui permettant d'invoquer le bénéfice de notre article.
C'est dans ce sens qne la Cour de cassation (1 ~ . févrie1:
t 839) ' a rejeté la prétention de certains bént1ers qui
�-
70 -
rnulaient exiger du domestique de leur auteur la preuve
que des sommes trouvées dans un meuble aJTe~té à son
usage personnel étaient bien sa propriété. Par contre si
le~ o~jets dont il est tromé détenteur avaient été la pro~néte du maitre d'uno façon cerlaiue, ce serait au domestique qui prétend que ces objets mobiliers lui on t été rem1.s à titre de don manuel, à prouver la mutation de propriété.
' Il f~ut donc que le possesseur ait reçu la chose en vertu
~un ~1~re qu.i l'eut ~ ussitôt rendu maître absolu , si celui
a\'a1t été le légitime propriétaire. 01· , s··1
ue• qui il la tient
1
.
na pas acqms par l'un des modes légaux. c'est-a-dire de
ve~.te ~u de donation, etc ... il ne pourra pas se croire propnelall'ea· et. posséder de Lonne roi. C'est dire que la secon d
.e con it1on se rattache intimément à la première : c Ln
titre et la bonne foi sont deux correlatif:s , dit Dunod E t
. s -ce
'
,·
• d·
a ire qu ils. se. confonden t ? non ' et il ..,ux1"ste me·me en tre
eux cette .d1fierencc '.'CmarquaLlt~ que la bonne foi se présume lOUJOurs,tand1s que le juste litre doit être. prouvé.
. N.e ~e~ble-t-il pas cependant étrange qu e la loi e:xiae
.. . ~
a1ns1 l existence réelle d'un juste litre aloi s
prec1sement
qu' Il d"
e e it que la possession Yaut titre et le rempla c?
Il '.~ut se garder ici d·une confusion de mols. Le L'tre cte;
dans les term es de l'article• 2"'79
qu ,.li est, entendu
" , ce' 1u.1
.
<~u J1• s agit de remplacer et dont la possession devient
1 éqm:alent, c'est le titre efficace qui confère efiectivement
. titre indispensable
le droit de propriét'>e, tan d'is que le ;usie
pour que ce dernier etTet se produise • c'est celrn. qui. est
-
71 -
émané d'un autre que du vrai propriétaire et qui n'a donné lieu qu'à. une acquisition de fait.
Pour compléter nolr~ pensée, nous dirons : un titre impuissant suffit pour l'application de l'article 2279, mais
il en faut un. Nous n'admettons donc pas que la croyance
à l' existence d'un titre, quand il n'y en a point, opinio
justi tituli puisse sulfire. Rappelons l'exemple vulgairement
cité : un mandataire que j'ai chargé de m'acheter tel meuble m'écrit qu'il l'a acheté en e!Iet, quoique cela ne soit
pas; puis il parvient, n'importe comment, mais sans qu'il
y ait vol, à se mettre en possession de ce meuble en mon
nom ou à m'y mettre personnellement à l'insu du maiLre.
Serai-je devenu propriétaire en vertu de ma possession
instantanée et de ma bonne foi?
Nous ne le pensons pas. Il est vrai que le possesseur
dans cette hypothèse, a été de bonne foi, et nous avons vu
que plusieurs jurisconsultes romains avaient admis en pareil cas l'usucapion. Mais en Droit Romain, le propriétaire
dépossédé avait un an, et même trois sous Justinien, pour
réclamer; chez nous, il n'aurait pas même un iour , pas
une heure. Ce serait le rendre victime de la fraude d'un
mandataire dont le mandant n'a pas été complice sans
doute dès l'origine, mais il a commis au moins la faute
d'avoir placé sa confiance dans un homme qui en a abusé.
li ne faut pas qu'il lui soit permis de profiter après coup
de cette fraude.
Plusieurs arrêts, il est vrai, sont contraires à cette doctrine. lis ont admis qu'il suflisait dans tous les cas au possesseur de se croire propriétaire, pourvu qu'il fut de
�-
72 -
bonne foi. Exiger davantage, c'est, dit-on, ajouter à. l'article. Mais ii cette jurisprudence nous opposons l'autorilé
des auteurs qui ont le mieux traité la question, et cette
phrase surtou t de Bigot-Préameneu qui nous semble devoir être décisive ayant été prononcée lors de l'adoption
de l'article 2279 : c Nul ne peut croire de bonne foi qu'il
possède comme prop11étaire s'il n'a pas un juste titre qui soit
de sa nature translatif de propriété et qui soit d'ailleurs
valable. »
La possession dont s'agit doil être au surplus une possession réelle et effective, c'est-à-dire certaine, non équi''oque, révélée aux tiers par un fait matériel. L'article
t 141 le démontre suffisamment : de deux acquéreurs
successifs, le premier a bien reçu la propriété, mais le second est préféré parce qu'il a été mis en possession, pourvu
qu'il ait été de bonne foi.
Ainsi, si l'on suppose qu' un acheteur est convenu avec
son vendeur que celui-ci gardera quelque tamps encore
la chose vendue à titre de dépôt ou de prèl, sa possession
ne sera pas assez extérieure et sensible à l'égard des tiers
pour qu'il puisse s'en prévaloir. Quel sera donc le critérium de cet acte palpable pour ainsi dire, qui constituera
la possession réelle? C'est là une question de fait sur
laquelle les juges auront à exercer, eu égard aux circonstances, leur droit <l'apprécialion. Prenons qu elqu es exemples : nou s con sidéreron~ comme pri e de possession
su.ffisante la re~ise manuell e â quelque litre que ce oit,
~ eme de donation, car il n'est pas contesté que la donation manuell e qu'on appelait dans l'ancien droit de moiu
-
'15 -
chaude est dispensée des formalités de l'article 93t. Le
fait de la part de l'acquéreur qui ne peut appréhender
lui-même, de préposer quelqu'un à. la garde de l'objet
mobilier, ou l'ordre par lui donné de l'apporter dans
ses magasins si cet ordre a reçu un commencement d'exécution, révèlent aussi suffisamment le fait de la transmission. En Droit Romain déja les jurisconsultes Javolenus
et Celsus avaient soutenu cette opinion (L. ~H D. de acq.
vel amit. possess. - L. 18, § ~ eodem).
Au contraire, la remise des titres seuls ne suffira pas
à notre avis pour transmettre la possess ion réelle qu'exige
l'article i1 4i, parceque ce n' est qu'une tradition symbolique qui ne met dans les mains de l'acquéreur qu'une
représentation de la chose elle-même et qui à l'égard de
tiers n'est pas suffisamment notoire et caractérisée.
Quant à la remise des clefs qui servent à. ouvrir le meuble dont s'agit, certains auteurs ont prélendu devoir
1
l'assimiler ala remise des titres. M. de Folleville soutient
que la remise des clefs ne constitue pas une prise de possession assez évidente et réelle pour être opposable aux
tiers. Et la preuve, c'est qu'en Droit Romain cette remise
devait nécessairement avoir lieu in re prœsenli, apuà lwrrea,
~t que l'article 1606 du Code civil n'exige rien de pareil,
de façon que les clefs pourraient être remises dans un lieu
très éloigné de celui où se tronve la chose el au même instant celle-ci être livrée à un tiers acquéreur de bonne foi.
C'est là. en effet uno hypothèse qui pourra bien se prêsen' Revue pratique rie droit,
t.
'26, p. 5 l'l.
�- 74 ter dans la pratique, mais elle ne permet pas de généraliser et de poser une règle. Nous pensons en conséquence,
avec la plupart des auteurs 1 , que la délivrance des clefs
n'est pas seulement un symbole mais est tout aussi réelle
que la délivrance manuelle, puisqu'elle donne à l'acquéreur Je moyen bien évident d'appréhender la chose et de
s'en servir quand bon lui semblera. D'ailleurs, ainsi que
nous l'avons dit déjà, les tribunaux restent souverains
appréciateurs de Il question de fait.
L'objet du contrat peut consister en plusieurs choses
spécialement déterminées. En pareil cas, si ces objets sont
bien distincts les uns des autres, il est certain que la
prise de possession réelle de l'un ne présuppose pas celle
de l'autre, mais il peut se faire aussi qu'ils soient tous
confondus ayant éte vendus in globo. M. Demolombe 2 et
après lui M. Larombière 3 prévoient à ce sujet l'hypothèse
où une coupe de bois ayant été vendue à non domino,
\'acquéreur a déjà abattu une partie des arbres et mis la
forêt en exploitation , lorsque le vrai propriétaire se
présente. Les arbres déjà coupés sont meubles, cela est
certain, et comme tels tombent sous l'application de l'article 2279. Mais l'acquéreur peut-il soutenir qu'en ayant
fait abattre une certame partie de la forêt, il a par là même
pris possession de cell e qui reste debout? Le savant professeur estime que ce commencement d'exécution constitue
1
Dalloz, Rép. n• 36, 269.
' T. 24, n• 483 .
3
Oblig. T. 1, arl. H t 1, n• 1'.2.
-
75 -
une main mise suffisante et que la coupe doit être considérée comme un tout indivisible. li nous semble difficile
d'adopter ce sentiment, car si la coupe peut en effet être
considérée comme un tout indivisible vis-à-vis du vendeur
et de l'acquéreur , il ne peut plus en être ainsi vis-à-vis du
propriétaire. De même si les arbres non coupés sont censés meubles, ce n' est qu e par une fiction valable entre les
co ntractants, mais vi s-à-vis du propriétaire ils restent,
selon la règle générale, partie intégrante de son immeuble.
La délivrance entre vendeur el acheteur pent résulter quelqu efoi s du simple consentement des pélrties contractantes,
lorsque le transport ne peut pas s'en foire à l'in5lant même,
par exemple si la chose étant éloignée, le vendeur se contente de donn er l'ordre de la livrer ; ou bien encore lorsque
l'acheteur convient avec le vendeur que celui-ci gardera la
chose à titre de dépositaire ou de locataire; ou enfin si l'on
suppose qu e l'acquéreur détenait déjà la chose a un autre
titre que celui de propriétaire, par exemple d'emprunteur.
Dans ces diverses hypothèses en aura-t-il une possession
suffisante pour appliquer l'article 2279?
Dans la première, on ne pent pas dire que l'acheteur est
définitivement saisi envers les tiers, parce que s'il peut
repousser le vendeur en lui exhibant l'ordre de délivrance
par lui donné, à l' égard de ceux-ci sa possession n'est pas
co mplète : et la preuve c'est qu' on second acheteur ~eut
encore être mis en possession de la chose. Les articles
:>76, -77, -7 8 du Code de Commerce vienn ent à l'appui de
cette solution en décidant ùans une es pèce particulière que
pour qu' il y est marchandise livrée, il ne suffit pas que la.
�-
76 -
facture ait êté reçue par l'acheteur il faut encore que la
chose soit sortie des magasins du vendeur.
Dans le second cas, si le non dominus qui vend le
meuble le conserve à litre de louage par exemple ou de
dépôt, il n'y aura pas davantage tradition suffisante à
l'égard des Liers parce que cette façon clandestine de transporter la propriété à autrui ne serait dans la plupart é!es
cas qu'une fraude que la loi ne doit pas protéger ; c'était
dans l'ancien Droit déjà l'opinion de Bourjon : « La vente
des meubles faite sans déplacement est nulie à l'égard des créaitciers du vendeur. De là ii suit que les créanciers de celui qui a
fait une telle vente peuvent nonobstant icelle, les faire saisir et
vendre sur leur débiteur qui en est resté en possesion. ~ (T. 1
p . 146 n• 11).
Dans la troisième hypothèse au contraire, si on suppose
que l'acquéreur était déjà en possession à titre de locataire,
de fermier ..... etc. de la chose qui lui a été vendue,
il nous semble qu'il y a possession suffisamment réelle pour
pomoir repousser la revendication du véritable propriétaire, parce que s'il n'y a pas eu tradition il y a du moins
possession réelle telle que l'exige l'article 1t41.
La règle générale est donc qu'en notre matière la délivrance ne peut pas résulter du seul consentement des
parties comme aux termes de l'article 1606 relalivemen t
à la vente. Cette différence s'explique aisément : J'arliclc
f 606 ne règlemente que les elfot' de la transmi ssion entre
parties contractantes: landi que l'article 2279 a pour but
de sauvegarder l'intérêt des tiers vis-à-vis desquels le contrat intervenu est res inter alios acta.
-
1i -
Enfin, à cette possession réelle il faut que l'acheteur
joigne l'intention bien arrêtée d'avoir telle chose spécialement déterminée, c'est-à-dire, il ne doit pas y avoir
erreur sur l'identité de l'objet : Le meuble qui a été livré
doit bien être celui que l'acquéreur a l'intention de posséder. Celui qui après avoir acheté un meuble en recevrait
un autre quoique semblable n'aurait pas l'intention requise
et ne pourrait pas se prévaloir de la présomption qu'en fait
de meubles possession vaut titre.
Aux termes de l'article ~223, les juges ne peuvent pas
suppléer d'office le moyen résultant de la prescription :
c'est à celui au profit duquel cette prescription s'est
accomplie à en•réclamer l'application. Or, peut on adopter
la mème solution en ce qui concerne l'articlP, 2279 ? Nous
le croyons, parce que si une considération d'intérêt public
a fait édicter la règle qu'il consacre, il n'en est pas moins
vrai que la protection dont le possesseur est par elle couvert, peut ne consacrer parfois qu'une injustice et préjudicier à un propriétaire dont les droits son t certains. Si
ùonc la conscience et de justes scrupules ne permettent
pas à l'acheteur de garder pour lui les profits résultant de
cette sorte de spoliation, de quel droit viendrait-on le
forcer à se servir de moyens qu'il réprouve? La loi a créé
pour lui un droit et non pas une obligation.
Toutefois remarquons que c'est un de ces droits qui ne
sont pas attachés exclusivement à. la personne et que les
créanciers de l'acheteur pourraient, suivant l'opinion universellement admise, s'en prévaloir s'il négligeait lui-même
de le faire. Par r~ciprocité, il est éviden t que les créanciers
�-
78 -
resteraient toujours soumis aux exceptions qui étaient
opposables au débiteur.
Mais ce dernier ne pourrait-il pas, en prenant J'initiali\•e
â'une renonciation an bénéfice de notre article, empêcher
ses créanciers d' exercer les droits que leur confère l'article
i t.66 ? li semble au premier abord que si le débiteur
reconnait que sa posse~sion est illégitime et qu'il ne doit pas
se prévaloir d'une présomption injuste , ses créanciers ne
pourront pas le forl!er à agir d'autre façon. Cependant
n'est-il pas certain qu'il serait trop facile à un débiteur d'être
scrupuleux et honnête lorsqu'il le serait aux dépens de ses
créanciers et n'est-il pas plus logique d'admetlre en inYoquant par analogie l'article 222~ que les créanciers qui ont
intérêt à re que la prescription soit acquise veuvent l'opposer
encore que le débiteur y renonce ?
Mais qu'auront-ils à faire pour annuler la renonciati.rn
tacite de leur débiteur? Devront-ils, suivant l'article 1167,
prouver qu'elle a été frauduleuse? Cette preuve serait la
plupart dn temps impossible parce que le débiteur dira
toujours qu'il n'a agi que dans un but louable, pour obéir
à sa conscience. lis n'auront clone, croyons-nous, qu'à
démontrer le préjudice. L'article 2~25 que nous rappelions
tout à l'heure n'exige pas d'autre condition et les divers
textes dans lesquels il est question aussi de renonciation ne
se préoccupent pas davantage de l'intention fraudul euse :
articles 622, 788, i 053. C'est dire que nous sommes ici
en présence d'une exception aux conditions que l'article
1167 exige en général de$ créanciers qnand ils veulent
-19 faire annuler, en vertu de cet article, les actes faits par leur
débiteur.
Que décider d'autre part, si après avoir vendu un objet
mobilier et ne l'ayant pas encore livré à l'acheteur les
créanciers du vendeur viennent pratiquer sur ce me~ble
une saisie-exécution ? L'acheteur pourra-t-il, par une
demande en distraction telle qu'elle est prévue en l'article
608 du code de procédure, se le faire attribuer sans avoir
à craindre le concours des créanciers saissisants? On l'a
contesté en disant: le débiteur a bien vendu le meuble mais
il esl demeuré en possession ; or en fait de meubles possession vaut titre, donc le vendeur est demeuré propriétaire,
par suite la saisie est valable. C'était fa, dans l'ancien droit
l'argumentation de Bourjon. Mais il ne faut pas oublier
qu'à cette époqus la propriété n'était transférée que par la
tradition tandis qu'aujourd'hui elle l'est par le seul effet du
contrat et l'article 2279 n'a certainement pas voulu porter
atteinte à ce principe. Si donc, l'acheteur est devenu immédiatement propriétaire, il peut demander la distraction du
meuble qui a été à tort englobé dans la saisie. Cette solution
est d'autant plas équ itable que les créanciers avaient la
possibilité d'exiger un nantissement et celle de pratiquer
plus tôt leur saisie ; s'ils ne l'ont pas fait, ils ont commis
une négligence dont ils doivent supporter les suites. Mais il
faut pour cela que l'acheteur fasse sans délai sa demande en
distraction car s'il laissait les créanciers procéder à la vente
et à l'adjudication il serait déchu de son droit par application de l'article t Ui dont nous avons déjà parlé.
Pour en finir sur ce point, il faut remarquer que lare-
�-
30 -
vendication du propriét.aire peut être repoussée en vertu
de l'article 2279 non pas seulement par celui qui possède
en vertu d'un contrat onéreux mais aussi par un donataire
et un légataire. Dire en effet que le propriétaire certat de
damno vitand-0 tandis que le donataire certat de lucro captan<ÙJ, formule qui a sa raiso n d'être dans l'action paulienne de l'article 1167 , est ici un motif d'équité qui ne
saurait prévaloir devant la généralité du texte.
Il nous reste à indiquer quels sont les meubles dont
entend parler l'article ~279.
§ 5.
Sans doute , nous ne pouvons pas conserver ici a ce mol
le sens restreint qui lui a été donné dans l'article t>55 ; ce
serait soustraire à l'application de notre règle une infinité
de choses pour lesqu elles elle a été faite, mais n'admet-elle
pas cependant certaines restrictions ?
Il suffit pour répondre à cette qu estion de rappeler les
motifs pour lesquels l'article.2279 a été édicté. C'est, avons
nous dit, d'abord parce que la plupart du temps il est
impossible à l'acquéreur de connai tre avec certitude les
droits de celui qui lui a vendu la chose, ces droits n'étant
pas constatés par écrit, de telle sorte qu'il est obligé de
s'en rapporter à sa déclaration. En second lieu, les meubles
passant rapidement de main en main ce serait donner
-
81 -
naiss1nce il toutes sortes de procès dont les frais dépasseraient souvent la valeur de l'objet en litige que d'en autoriser la revendication. S'il en est ainsi, nous pouvons dire
d'une façon générale que les meubles dont la transmission
ne serait pas purement manuelle seront soustraits à l'application de la règle :
1°Y sont soustraits conséquemmen t les navires qui d'après
leur nature sont meubles 1 et dont pourtant la propriété ne
peut reposer que su r un titre. Cela résulte de leur importance d'abord et ensuite des termes formels de l'article 195
du code de commerce, comme aussi de l'article 226 d'après
lequel l'acte de propriété doit être mis au nombre des
pièces de bord que le navire emporte avec lui dans ses
voyages.
M. Laurio, dans le premier volume de son commentaire
sur le Droit Maritime'.!, cite deux arrêts qui rendus contrairement à cette solution ont été réformés par la Cour suprême. D'ailleurs, ainsi que le dit Je savant professeur, la
question n'est plus aujourd'hui susceptible de controverse
en l'état de la loi sur l'hypothèque maritime, (to décembre
1874). On peut dire que d'après cette loi les narires sont
immeubles a plusieurs points de vue et dès lors ne tombent
pas sous l'application de notre article.
Cet article s'appliquera au contraire, selon nous du
moins, à certains autres meubles quoiqu'ils aient élé immobilisés aussi ; ce sont ceux que la. volonté du propriétaire a
attachés à. un immeuble à perpétuelle demeure et qu'on
1
t
Art. 53 1 Co<l. civ. ; ·190 Cod. comm.
Page 218 ot suiv,
6
�- 82 appelle immeubles par destination, tels sont les instrumen ts
aratoires, les semences, etc. Le tiers qui deviendra acquéreur
de ces divers objets pourra certainement repousser en vertu
de notre article 2~79 toute sorte de revendication. Et en
ellet ces choses ne sont immeubles que dans les rapports du
propriétaire avec son fermier ou son acheteur, mais elles
cessent de l'être dès qu'on les détache du fond s et l'acquéreur est en droit de croire qu'elles appartiennent à. celui
qui les lui vend ainsi séparées.
Si maintenant nous supposons que le meuble n'est pas
réclamé d'une manière principale mai~ seulement à ti tre
d'accessoire d'un immeuble revendiqué, il est régi par le
pl'incipe: Accessorium sequitur principale, et ne peut plus
tomber sous l'application de notre article. Cependant l'article ?549 dispose que le possesseur de bonne foi conserve
même à l'encontre du propriétaire revendiquant les fruits
détachés de l'immeuble. Le Droit Civil ne distingue même
pas sur ce point, comme faisait le Droi t Romain, entre fruils
consommés et fruits encore existants. Pour expliquer cette
anomalie apparen te, M. Bravard 1 a simplement invoqué
t'article 2.279 et Marcadé a reprod uit ce système que nous
ne croyons pas fondé, parce que pour être logique il faudrait
aller jusqu'à dire que les produits, qu i ne sont pas fruits,
seront eux aussi attribués au possesseur de bonne foi qui
les a déjà touchés, et on se trouverait alors en contradiction
avec la distinction que consacre l'article ?>98. Au surplus
1
Etude du Droit Romain, p. 302.
- 85 l'ancien droit avait adopté déjà. la théorie de l'article 549
alors que la règle c En fait de meubles possession vaut
titre" n'était pas admise partout. La vraie raison réside
dans le fait même de la production des fruits par le possesseur. Ils sont le résultat dt3 son travail, ils ont augmenté la
richesse publique et le législateur a pensé avec juste raison
qu'il fallait attacher à cela un avantage spécial, d'autant plus
équitable que dans la plupart des cas les fruits perçus auront
été consommés lautius vivendo, et qu'une demande en restitution pourrait causer au possesseur un très grave embarras.
2° li est admis aussi d'une façon à peu près générale que
les meubles incorporels tels que les rentes et les créances
ne tombent pas sous l'application de l'article 2279. Déjà.,
dans l'ancien droit, Bourj on, que le législateur a copié sur
cette matière,. avait dit : Par rapport aux droits inccrporel.s
la simple pussession du titre ne suffit pas. C'est qu'en e[et dans
ce cas les moti fs qui ont fait édicter l'article précité ne se
conçoivent plus. D'une part, la circulation des meubles
incorporels n'est pas aussi rapide ni aussi répétée que celle
des autres; et en outre, il est toujours facile de constater si celui duquel on tient la créance en est le véritable
propriétaire. L'acquéreur n'a qu'à exiger que son vendeur
lui remette le titre et à voir s'il est conçu en son nom. S'il
en est autrement, c'est que ce dernier n'est pas propriétaire
ou peut-être qu'il possède la créance à titre de cessionnaire,
de légataire ou d'héritier. Mais dans ce dernier cas encore
on n'a qu'à se faire exhiber l'acte de cession, ou le testament,
ou la preuve que le vendeur a succédé ab intestat au ~éfunt.
�-
84 -
Si la contestation s'èlèvo entre deux cessionnaires de
la même crèance, il ne peut plus être question de l'arlicle
2279, car le législateur a pris soin d'établir par des règles
toutes spéciales la transmission des créances à l' égard des
tiers. (articles t 690 et suiv.).
Il existe une e:œeption au principe que la simple possession de bonne foi des meubles incorporels ne vaut pas
titre, c'est lorsqu' il s'agit de titres au porteur ou d'eITets
à ordre transmis par endossement en blanc. Nous lisons
dans l'exposé des motifs de la loi du 23 mai 1865 sur le
gage commercial : o:. La propriété des titres au porteur est
transmissible sans endossement, sans nolifu;ation au débiteur
s'il s'agit d' obligalions et par la seule tradition, absolument
comme la propriété d'un lingot. d'un bijou, d'un meuble. »
Cependant une action au porteur n'est pas un bien corporel et le petit morceau de papier qui représente pou r
celui qui le détient une somme plus ou moins considërable, n'est que le signe, l'expression matérielle de cette
action. Il en est de même pour les billets de banque. li
semble donc que l'un et l'autre ne devraient pas bénéfier
de notre règle. Ils tombent cependant sous son appli cation
précisément parce que, à l'imitation des meubles corporels, ils se transmettent de mains en mains avec une ext1ême facilité, sans qu'o n ait besoin de dresser acte de leur
transmission. C'est même là l'unique avantage pour lequel
ils ont été institués. Par contre les valeurs nominatives
échappent au principe, parce qu'elles sont la propriété
d'une personne déterminée et ne peuvent passer dans le
85 -
domaine d'une aulre qu'après l'accomplissement de certaines formalités.
5° Il faut excepter de l'article 2279, les universalités
de meubles de qu elqu e nature qu'elles soient, car ainsi
que le dit M. Delvincourt, il s'agit moins dans ce cas des
choses qui composent la succession que du droit même
de succession, c'est - à - dire en somme , d' une chose
incorporelle. Au surplus, il ex iste toujours, à l' égard des
univer alités, des titres qui perm ettent de constater avec
certitude leur origine. Les_tiers._seront dès lors dûment
avertis. Celui, par exemple, qui achètera une succession
mob ilière ne manquera jamais, s'il est prudent, de se
fai re rep résenter l'acte testamentaire ou les titres de famille
qui établissent les droits de l'héritier.
Déjà clans l'ancien droi t, les universalités ou quotesparts d'universalités tan t mobilières qu'immobilières n'étaient soumises qu'à la prescription trentenaire et BigotPréameneu disait, encore à. ce sujet, au Corps législatif:
S'il s'agit d'une w1iversalit~ de meubles telle qu'elle échoit à iui
héritier , le titre iiniversel se conserve par les actions qui lui
sont propres . »
Enfin , il est en dernier lieu, des choses qui sont tout
à la fo is corporelles et in corporelles, et on s'est demandé
s'il fallait les comprendre dans les termes de l' article
2279?
La question 'est po -ée relati•emen t aux lettres mis' i-
ves , aux manu crits, ala propriété artistique, industrielle
et littéraire. Sur tous ces poi nts une distinction doit êlre
faite.
�I
-
86 -
Ordinairement une lettre missive porte une suscription
qui permet de connaître celui à qui elle est adressée. C'est
donc celui-là qui doit tout d'abord en être présumé le
propriétaire, et le tiers qui la détiendrait dans ces conditions, au lieu et préjudice dn destinataire véritable, manquerait de la bonne foi nécessaire pour pouvoir se mettre
à l'abri de la maxime : En fait de meubles ... etc... Si au
contraire, nous supposons que cette lettre est tombée dans
le commerce, qu'elle est deven ue objet précieux et par
conséquent un meuble ordinaire, si c'est par exemple un
fragment de la correspondance d'un personnage célèbre,
un. autographe en un mot qui déjà. a passé dans la propriété de diliérents amateurs, il est évident que l'acquéreur de bonne foi pourra repousser la revendication
du véritable propriétaire.
La solution est à peu près la même relativement à la
propriété littéraire, in dustrielle ou artistique.
~'écrivain, l'artiste, l'omi rier créateur ne pourront jamais se voir dépouillé même par un possesseur de bonne
foi de ce qui est le fruit de leur pensée, l'invention de leur
génie . .Po~r eux, la valeur ùe I' œuvre ne réside pas dans
la réalisat10n matérielle qu'elle a reçue. Mais lorsque le manuscrit, le tableau ou la statue sont tombés da ns le commerc~, si celui qui le revendiqu e est un tiers qui les a
achetes de ses propres deniers, l'arti cle 2279 produit ses
efTe~s et la bonne foi est suffisante pour en faire acquérir
au tiers-possesseur la propriété.
, Il importe de remarquer que le simple fait de posséder
n emporte pas présomption du droit de publication ou
87 -
de reproduction. Ce droit n'appartient qu'à l'auteur luimême ou à ses héritiers, et ne peut être transmis que par
une convention particulière 1• Nous sommes donc tout à. fait
en dehors de l'article 2279.
4° Ajoutons en terminant que par un tout autre motif que
ceux jusqu'à présent développés notre article ne sera pas
applicable non plus aux objets qui, quoique transmissibles
facilement de main en main, sont insusceptibles de propriété
privée : ce sont ceux qui font partie du domaine public et
sont par cela même inaliénables et imprescriptibles . En
conséquence, celui qui de bonne foi aurait acquis une chose
de cette nature faisant partie par exemple d'une bibliothèque
nationale ou d'un musée ne pourrait pas, en invoquant
l'article 2279, repousser la revendication de l'État. L'espèce
s'estprésentéedevant la Cour de Cassation . D. P, 52. 2. 96.
§ 4.
Le législateur moderne a apporté deux exceptions à la
règle que les meubles ne peuvent être revendiqués : c'est
lorsqu'il s'agi t de choses volées ou perdues. Le deuxième
alinéa de l'article 2279 est en effet ainsi conçu : ~ Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé nne chose
peut la revendiquer pendant trois ans à. compter du jour
de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel
Seine, 20 juin
1 Cnssat. 1O ùéc. 1850. Deville. ·1850 1 2, 265. 1883. Gaz. Palais, 1883, 2 163. - Lois du 19 juillet n93 - 5
juillet 1844. (brovets ù'invontion). - H juitlet 1866 (droits d'autour).
�-
88 -
il la trouve. .. » C'était, nous l'avons vu, le système du
très ancien droit coutumier, tandis que Bourjou n'aùm cttait qu'une seule exception, le vol. Quand à Pothier, il
considérait ce correcti f à la règle générale comme absolument arbitraire. (Prescription , n° 240).
Les deux exceptions aujourd'hui consacrées recoivent
application au cas où la chose se trouve entre les. mains
d' un tiers de bonne fo i qui l'a acqu ise du voleur ou de
l'inventeur même. Quand à ceux-ci, ils ne peuve nt prescrire que par trente ans, parce qu'ils n' ont ni juste tilre,
ni la croyance de bonne fo i à lem droit de propriété. lis
sont obligés de restituer à raison soit du vol, sait de
l'invention et l'action qui naît d'une obligation dore tren te
ans. - Mais ne semble-t-il pas y avoir en cela quelque
chose d'anormal ?
En effet, lorsqu'un délit est commis, il est de principe
que l'action civile ne peut pl us être intentée dès que
l'action publique est éteinte. Or, celle-ci est soumise à une
prescription de dix aùs, trois ans ou un an, suivant qu'il
s'agit d'un crime, d'un délit ou d'une contravention. Si
donc le voleur ne peu t jamais plus être poursuivi publiquement après dix années, comm ent pourrait-il l' être
civilement ? Cette objection n'est pas fondée, car il ne
faut pas confond re l'ac tion en revend ication avec l'action
civile en réparation du dommage causé. La première a sa
so urce dans le droit même de propriété, la seconde ne
naît qu'à raison du délit et à condition de prouver le vo l
qui l'a fait naître ; elle a pour bu t la condam nation ~l tics
dommages intérêts dont la restitution de l'objet n'est que
-
89 -
)a première application. Elles sont donc tout-à-fait indépendantes l'une de l'autre, et si après dix ans le voleur ne
peut plus être poursuivi comme voleur , rien ne peut empêcher le propriétaire do le poursuivre pendant trente années par actioo réelle et comme détenteur du meuble reYcndiqué . La raison d'être de cette dilîérence se conçoit
aisément. Lorsque le demandeur intente l'action civile
ex delicto, il tend à. fa ire établir \'existence d'un fait crim1nel et il ne pourra le plus souvent y arriver qu'en faisant
appel à d P,S témoignages. Or, après une cerlaioe durée,
les souvenirs s'effacent, \es témoins disparaissent et il de·
vient plus difficile ùc connaître la vérité. L'ordre public
exigeait donc que le législateut évitât de raviver la pensée
d'un crime impossible à démontrer. Quand le demandeur
exerce au contraire \a revendication, il n'a ças besoin de
faire all usion ~t la faute commise, il lui suffit de prouver
que Je po.sesseur illégitime savait que Je meuble était la
propriété du revendiquant.
Le véritable propnétaire poDrra revendiquer pendant
trois ans \a chose qui lui a été volée ou qu'il a perdue et
qui est aujourd'hui dans les mains d'un possesseur de
bonne foi . Cela se conçoit puisque ayant été nctime ù'un
vol ou ù'un cas fortuit, il a ~ubi one force majeure. l\ n'en
est pas moin~ vrai qu' 11 fal\:.lit nn tex te formel pour .ét:iblir que dans ce cas spécial, le possesgeur de bonne foi ne
· · 1e de l'arllcle 9-.~0 79.
· \e genera
pourrait pas imoquer la reg
et prolonger ainsi la protc1,;tion acconlûc à la pro1~11~tl'.
Le Code a toutdo1:, re::.treint consitlérab\cment le delai de
b. revendication dt! meuble H 1lé, qui était berucoup plus
�-
90 -
long dans notre ancien droit ; c'est Je souvenir de
la prescription ordinaire sous Justinien qui a fait choisir
celui de trois ans. Après cet espace de temps, le propriétaire est dune déchu du privilège que lui accorde l'article
2279-2°, et tombant dans le dro it commun il ne peut
plus agir contre le possesseur que s'il prouve que ce dernier, étant de mauvaise foi, ne peut prescrire que par trente
ans.
Ajoutons que le laps de trois ans dont s'agit n'est pas
un délai de prescription acquisitive puisque la loi n'exige
pas la continuité de possession chez le tiers acquéreur, et
n'envisage qu e la durée'de la dépossession du propriétaire;
c'est un délai de déchéance.
Nous devons rappeler ici que le Droit Français s'est
écarté en deux points du Droit Germanique : en comprenant dans le cas de vol les soustractions commises par des
domestiques, et d'autre part en retirant de cette catégori e,
celles dont se sont rendus coupables des époux, descendants ou ascendants (art. 580-586 C. P.).
A quel genre de meubles s'applique l'exception de l'article 2279?
elle-même s'ils
A tous ceux qui tomberaient sous la rèole
0
n'étaient volés ou perd us. Les titres au porteur qui auront l'un de ces deux caractères pourront donc être revendiqués pendant trois ans. La loi du 5 juillet 1872 dispose à ce sujet que le propriétaire dépoui llé de son titre
peut en réclamer un nouveau à la compagnie q1.1i a émis
le premier. La Cour de Rouen a jugé (14 janvi er 1820) en
vertu du même principe que lorsque une lettre de change
-
9t -
portant un endossement en blanc a été volée, celui à qui
le voleur l'a transmise peut être tenu pendant trois ans,
envers le propriétaire, à sa restitution : c'est dire que l'ex·
ception de vol s'applique aux effets de commerce comme
aux meubles corporels.
S'applique-t-elle aussi aux billets de banque? non, ils
sont assimilés en tous points à la monnaie d'or et d'argent
et si le voleur peut et doit être poursuivi, ceux qui les ont
reçus de bonne foi ne peuvent pas êlre contraints à les restituer, il leur aurait été trop difficile, impossible même
le plus soment, de s'assurer si celui de qui ils les tiennent
avait le droit d'en disposer.
Que faut-il dire des coupons d'action ou d'obligation
détachés de leur titre ? La jurisprudence, après les avoir
d'abord assimilés aux billets de banque dont elle déclarait
la transmission inattaquable, a fini avec raison par adopter
la solution inverse, c'est-à-dire qu'elle considère les coupons volés ou perdus comme sujets à revendicati~n , même
entre les mains d'un acquéreur de bonne foi pendant
trois ans. En e!Tet, si la négociation et la circulation des
coupons peut s'accomplir comme celle des billets de
banque avec une extrême facilité , il existe entre les deux
des di!Térences caractéristiques : les billets de banqne,
narticulier
at cun siane
•
.
.
r
~
monnaie conventionne11 e , n on1 1
qui établisse leur individualité , ils sont en outre remboursables à. toute époque; au contraire, les coupons
portent un numéro d'ordre qui permet de les rapprocher
de leur souche pou r les contrôler, et ils ne sont le plus
souvent détach6s du titre qu'au moment de l'échéance.
�-
9~
-
-
Cela suffit pour nous permettre de dire que les coupons
comme les actions elles-mêmes doivent entrer dans l'exception de l'article 2279 relative aux choses volées, d'autant
plus qu'il n'existe aucun texte autorisant à croire que la
loi n'a pas voulu les classer dans la catcgorie des meubles ordinaires.
Que faut-il entendre en notr~ matière, par choses volées ou perdues?
li sera souvent bien difficile <l'établir si une chose trouvée a été perdue ou seulement abandonnée volontairement
par son propriétaire. La distinction a cependant une
grande importance, puisque clans le premier cas seulement l'exception de l'article 2279 'applique, tandis que
dans le second la cbose étant devenue res nullius appartient légitimement au premier occupant. C'est là. évidemment un point ùe fait que les juges auront à apprécier en
se fondant sur des présomptions diverses. Ainsi, si l'objeL trouvé n'est que d'une très petite Yaleur, il est probable que le propriétaire s'en es t sciemment dessaisi,
tandis qu'on croira plus aisémen t qu'il l'a perdu si la valeur
est considérable.
On donne le nom générique d'épa\'es à toute chose dont
le propriétaire est inconnu. Dans l'ancienn e jurisprudence,
les épaves non réclamées étaient attribuées au seigneur
haut-justicier; aujourd'hui il n'y a pas de rènle uniforme
a t:e sujet, mais il existe quelques dispositions particuliè:es, .des. règlemen ts qui fixent dans certaines hypothèses
a qui doit appartenir l'objet perdu.
L'article 717 du Coùe civil dispose que Jes effets jetés
•
•
è')
95 -
à la mer ou rejetés par (:lie sont soumis à des lois spé-
ciales. Cet article fait allusion al'ordonnance de la ·Marine
ùe 1681, titre 8 et!>, L. IV, - a l'arrêté du 18 thermidor an X, - et au décret du 12 dér,embre 1806. Ceux
qui trouvent dans la mer ou sur ses rivages des objets qui
proviennent d'un naufrage, doiv~nt en avertir l'autorité
maritime qui les fait déposer en un lieu sûr, et après l'an
et jour, si personne ne les a réclamés, ils sont attribués
pour les 2/5 à l'Etat et pour l'autre tiers à l'inventeur.
L'ordonnance des eauK et forêts de l 669 et une loi du
15 avril 1829 disposent que les épaves trouvées dans les
neuves deviennent la propriété Je l'Etat, qui peut les
vendre après un mois, lai.sant au propriétaire un mois
encore pour en réclamer la raleur.
Un décret du 13 août 1810 attribue aussi à l'Etat les
objets perdus dans les bureaux <le messageries ou chez les
entrepreneurs de voitures publiques et la vente peut en
être faite six mois après la perte.
Un autre décret du 18 juin 181 t (art. 39) décideque les
bestiaux trouvés errants et sans maître seront mis en fourrière et vendus huit jours plus tard au bénéfice du trésor
public.
Enfin une loi du 31 janvier t 853 reconnait appartenir
à. l'Etat les sommes confiées à la poste, si elles ne sont
réclamées dan s les huit années du dépôt.
En dehors <le ces cas spécialement prévus par la loi•
la propriété définitive d'un objet perdu doit être attribuée
al'inventeur . .Mais au bout de combien de temps ? Quelques auteurs, s'en tenant rigoureu ement à la lettre
�-
94 -
de l'article 2279 ont dit : au bout de trois ans. Nous ne
le croyons pas, car ce texte ne reçoit d'application que
lorsque le possesst>ur est de bonne foi, et celui qui a
trouvé un objet sait au contraire à. n'en pas douter qu'il
appartient à autrui. Bien plus il doit faire des recherches
à ce sujet, aller faire sa déclaration au commissaire de police ou au greffe ùu tribunal, de peur que sa conduite
ne puisse être considérée comme une dissimulation frauduleuse, assimilable au vol. Il faut donc appliquer le droit
commun de l'artiele 2262, et dire que l'inventeur ne sera
propriétaire incommutable qu'au bout de trente ans.
L'article 579 du Code Pénal définit le vol : une soustraction frauduleuse de la chose d'autrui. Le Droit Romain
moins restrictif considérait comme tel tout maniement
fraud uleux du bien d'autrui, de telle sorte que le dépositaire ou le créancier gagiste qm non-seulement vendait,
mais même se servait de la chose dont il n'était que nanti
se rendait coupab le aux yeux de la loi . Le Droit cou tumier
n'admit pas une pareille extension et Bourjon disait :
« L'effet mobilier furtif peut être rev.mdiqué même des mains
de l'acquéreur de bonne foi pourvu que I.e furte soit constaté. ])
Il ne fau t donc pas, comme certains auteurs et plusieurs
Cours d'appel l'ont fait 1 , assimiler au vol l'escroquerie et
l'ab~s de co~fi.ance, délits auxquels la loi donne une qualificat10n spéciale et qu'elle punit de peines particulières.
Toullier 0-IV, n• ~ 18) - Troplong (II. 1069). - Lyon, 28
i
nov. 56 (D. P. 57, 2, 136). - Bordeaux 3 1·anv 1;9 (D p 1· 9 "~
'
)
~ 64),
V
'
'
\)
)
95 -
Ce qm constitue le vol, c'est l'enlèvement, l'appréhension
de la chose à l'insu et contre le gré de celui qui la possède.
Ce qui au contraire constitue l'abus de confiance, c'est le
détournement d'un objet par celui-là même qui déjà. le détient au su et au gré du possesseur. De même en est-il
pour l'escroquerie : ce n'est pas le coupable qui vient
lui-même s'emparer par ruse ou violence de l' objet
dont il convoite la possession, c'est le propriétaire luimême qui trompé dans sa confiance au moyen d'intrigues
et de circonstances frauduleusement amenées, prend l'initiative de remettre l' eliet mobilier aux mains de l'escroc.
Or, ce fait de la part du propriétaire de se dessaisir volontairement lui ôte le droit d'invoquer le bénéfice de l'article
2279, et de revendiquer sa chose aux mains de celui qui
depuis lors l'a acquise de bonne foi. Bien plus, il a été
jugé que si ap rès avoir été victime d'un abus de confiance
le propriétaire opérait entre les mains du tiers détenteur
de bonne foi une saisie revendication et lui causait ainsi nn
préj udice, il lui en devrait réparation (Paris, 1anYier 1.851.
Sirey, 52, 2, 58. -- Tnb . de la Seine, 12 janvier 1882,
Gaz. du Palais, 82, 2, 77). Et en e[et, si une fraude a
été commise, il n'en est pas moins vrai qu'il y a eu dessaisissement volontaire et nous ne sommes plus dès lors
dans l'exception : Exceplio11.es sunt striclissimœ interpre-
talionis .
Il n'est pas besoin de se préoccuper des conséquences
pénales qne doit entrainer le vol pour donner au propriétaire l'exercice de son action en revendication. Ainsi, si ~i
raison de son âge l'auteur de la soustraction n'est pas
�-
96 -
punissable, l' arLicle .2270 n'en reçoi t pas moins son application, puisqu'il n'y co a pas moins eu enlèvement de
la chose contre le gré du propriétaire, et que c'est là ce
qui constitue le fai t sinon la culpabilité du vol, donnant h
l' objet dont il s'agit la qualité de chose volée et au torisant
la revendication.
Reste à. se demander si la revend ication serai t encor
possible dans le cas où s'agissant de choses fongibles,
l'acheteur les aurait consommées. - La restitution de la
chose el\e-mème n'est é\ idemment plus possible puisqu'elle n'existe plus, mais du moins le propriétaire ne
pourra-t-il pas ùemander des dommages-intérêts?
Distinguons : si l'ache•eur a été de mauvaise foi en
consommant, il est certain qu'on peut dire qu' il y a délit
ou quasi-délit donnant lieu à l'application des articles
1582, 1385, mais s'il a été de bon ne foi, on ne peut plus
l'accuser de faute et il ne peut être tenu que dans la mesure de son enrichissement, q11ate11i1s locupletior (accus est.
De mème si la chose a péri fû t-ce par la négligence de
l'acqnéreur, il est à. l'abri de toute poursuite: Nulli querelœ
subjectus esse potest qui rem quasi suam negla.rit. ,,
L'exception de l'article 2279 reçoit elle-même une restriction dans les termes de l'article 2280 :
Lorsque le possesseur a acheté la chose perdue ou yolée
dans une foire ou un marché, dans une vente publique, ou
d'un marchand Yenùant des choses pareilles, si le propriétaire veut se la faire restituer, il doit d'abord oITri r au
possesseur le prix que celui-ci a déboursé. La raison d'être
ùe cette décision se conço it facilement . En effet, si dans les
-
97 -
cas ordinaires, l'acheteur qui est obligé de restituer la chose
volée ou perùu e, et qui veut exerser son recours comme de
droit Cù nlre Je vendeur, trouve celui-ci insolvable, il doit
s'imputer à lui-même de ne s'être pas mieux enquis
de la moralité de cc dernier. Mais, dans les cas spéciaux
de l'article 2280, l'erreur du possesseur est aussi légitime
que sa bonne foi est évid ente, et il serait iuj uste de le dépouiller de la chose en lui faisant perdre en outre le prix
qu' il en a payé . D'ailleurs l'intérêt public lui-même exige
qu' il en soit autrement , car si l'on ne donne point de sécurité à de pareils acheteurs, le commerce devient impossible, - Ce n'est là bien enten du qu' une exception et
comme telle elle doit être restreinte dans ses limites ricrou1!>
reuses.
Le pro priétaire qui rembourse au possesseur évincé le
prix qn'il a ùéboursé n'est pas obligé de lui tenir compte
des intérêts de ce prix parce que la jouissance qu'il a eue
ùe la chose lui en a tenu lieu. O'un au tre côté si le possesseu r avai t fa,it pou r la conservation de cette chose des
dépenses nécessaires ou tout au moins utiles, le propriétaire
en serait débiteur pour le tout dans le premier cas, et
jusqu'à concurrence de l'augmentation de Yaleur dans le
seconù , par application de celle règle d'équité que nul ne
doit s'enrichir aux dépens ù'autrui . Bien plus, le pc1sse seur aurait le droit de retenir la chose tant qu'il ne ,erait
pas désintéressé. Quanù aux dépenses voluptuaires qu'il
aurait faites pour sa satisfaction personnelle, elles restent
entièrement à sa charge 1•
1 Il faut ajouter qno Io propriétaire doit en outre du prix. le·
frais et lo)aux co1\ts du contrat. 1< M. do Lamoignon, dit Troplong,
lo décidaiL ainsi et celle opinion est trop équitable pour être rejetêo. »
7
�-
-
98 -
Après avoir ainsi remboursé au possesseur ce qu' il lui
doit, le propriétaire conserve un recou rs contre celui par
le fait duquel il a élé injustement dépouillé, c'est-à-dire
contre le voleur ou l' inventeur de mauvaise foi . Ces
derniers ne doivent pas en effet s'enrichir aux dépens
d'autrui et comme ils sont personnellement tenus à 18. restitution de la cbose, ils doiven t ~l défaut , des dommagesinLérêLs.
Remarquons en dernier lieu que si l'acquisition de la
chose par le possesseur au lieu de provenir d'on acte à titre
onéreux, comme une vente ou un échange, résultait d'un
acte à titre gratuit , d'une donation ou d' un legs, il ne
pourrait pas être question de remboursement puisqu' il n'y
aurait pas eu de prix payé. Le tiers acquéreur aurait seulemen t le pouvoir d'user du dro it de rétention concédé par
l'article 2280 si à l'occasion de la chose 11 avait fait des
impenses nécessaires ou utiles .
Aux termes de l'article 2280 pour que le possesseur
puisse exiger le remb oursement du prix qu'i l a payé , il
faut que la chose ait été achetée par lui dans une foire, un
marché, une vente publique 0 1.1 d'un marchand vendant
des choses pareilles. Cette condition indispensable a donné
naissance à quelques difficultés.
Oo s'est demandé d'abord si les Monts de piété et en
général les maisons de prêt sur gage autorisées qu i reço ivent en dépôt des objets volés ou perdu s doivent êLre régis
par l'article 2280. En principe, il faut répondre affirmativement, à raison de lois et règlements par ticuliers sur la
99 -
matière , mais à. la condition que les formalités prévues et
imposées par lesdits règlements auront été suivies. Si, par
e:<emple, le dépôLa été fait par \jne personne qui n'était ni
connue ni domiciliée dans la localité, sur laqaelle le directeur de l'établissement devait avoir de justes soupcons, si
de toutes autres circonstances il ressort que la provenance
des objets déposés devait nécessairement lui paraître douteuse, il est sur que le propriétaire pourrait être autorisé à
reprendre son bien sans être pour cela obligé à rembourser
les avances faites au déposant 2 • 11 y a fa une question d'appréciati on qu'il appartiendra aux juges de trancher. C'est
là une décision fort sage qui sauvegarde tout à la fois et
l'intérêt des Monts-de-piété qui, obligés à. une extrème
discrétion ne peuvent pas évidement s' enquérir avec une
complète certitude de tous ceux qui viennent faire des
dépôts, et l' intérêt du propriétaire qui peut établir qu'on
n'a pris à. ce sujet ni ménagement ni précaution d'aucune
sorte.
On s'est posé aussi la question de savoir si celui qui
achète dans le comptoir d'un changeur un effet au porteur
volé peut, en vertu de l'article 2280, exiger aussi du propriétaire légitime le remboursement du pris. quïl a payé.
Nous le pensons ainsi, parce que les changeurs sont dans
l'usage d'acheter et vendre des valeurs, leur comptoir est
1
' Règ\oment du 8 thermidor an XUI, - Lettre du ministre de
la justice, 26 septombro 1836. - Circulaire ministériello du 30
mai 1861.
2
Cassation, 28 nov. 183':2.
�-
100 -
un endroit pnblic on chacun peut Yenir traiter ; ils
doivent en conséquence être placés dans la catégorie de
ceux que l'arücle appelle des marchands vendant des choses pareilles.
Toutefois, ces derniers mots doivent être pris dans un
sens essentiellement restreint et il ne faudrait pas aller jusqu'à penser avec Troploog que pour que l'article devienne
applicable, il suffit que l'acquéreur ait eu quelque sujet de
croire que son vendeur était véritablement marchand de
profession : Cette simple croyance ne suffira it pas. En conséq uence, si un tiers achète ùu premier venu se donnant
une qualité qu'il n'a p:is, une action, une obligation, une
valeur au porteur qu elconque qui a été volée ou perdue, il
subira la revendication du propriétaire san pt>uvoir deman·
der le remboursement dn prix par lui payé.
li en serai t tout autrement s' il avait acheté en Bourse.
Les Bourses sont en e!Tet considérées comme des marchés
publics qui rendent au commerce d' immenses avantages et
comme tels sont compris clans les term es de l'article 2280.
Cependant , dans un but de protection pour les propriétaires facilement dépouillés, une loi du 15 jnin 1872 autori:;e ces derniers, moyennant cert ai nes co nditions énumérées
dans son article 2, a former opposition au près du syndicat
des agents de change do Paris, par ooti fü;ation d'h uissier ;
h requérir ensuite pour préYeni r la négociation ou la transmi ssion des titres dont il a été dëpossédé, Ja publication des
numéros de ses titres (art. 11). Cette publication empêche
toute négociation postérieure an jour où le Lulletin a pu
parvenir dans Je lieu oil elle a él6 faite et conserve au
-
j
101 -
propriétaire le droit de réclamer sans être tenu de remhourser à. l'acheteur son prix d'achat.
Quand il s'agit de titres nominatifs, les formalités sont
plus simples et cela se conçoit car il est très difficile à celui
qui les délient de les négocier: le propriétaire n'a qu'à
signaler le fait de la perte ou du vol à la Compagnie qui a
émis le titre, an moyen d'un acte extraj udiciaire, et il s'en
fait délivrer un duplicata.
Dans tous les cas, le propriétaire dépouillé n'aura-t-il pas
contre l'agent de change ou le changeur qui a servi d'intermédiaire une action naissan t de la responsaLilité professionnelle de ces derniers? La qu estion a été prévue par la
doctnne et s' est présen téc en jurisprudence. On a plusieurs
fois décid é que les agents de change devaient garantir
l'iù cntité de ceux qui viennent les prier de Yendre des
valeurs pour leur compte. En d'autres term es, on a étendu
~\ leurs opérati ons, les dispos1t1ons de la loi du 21 mai
1791 et dn décret dn 19 brn m:iire An YI qui imposent aux
marchands d'or et d'argent l'obli gation de n'acheter qne de
personnes à eln connues. Pour cela on s'est basé sur un
arrêté du 2î prairial An X qui ùéclare les agent de change
rt->spon'abl es de la dernière signature apposée snr l' effet
qu'ils négocient. Une pareille argumentation Ct'ntenait une
erreur que la. Cour ile Cas-ation a relevée par un arrêt dn
'2 1 no,'embre 18 1-'5 tl:in, leqnel elle démontre que cette
disposition légi:;bti rn llû s'applique qu'aux. titres nomina·
ti fs puisq ue les lilr<'!\ :tn portcnr ne supportent aucune
signature . Les agenls de c11ange n•ont donc q··'1·:," certilîer la
sin cérité ùu titre, à justifier de l'ordre de vente par eu'\
�-
- 102 reçu et exécuté et de l'inscri ption de ces opérations sur
leurs registres commerciaux. Ils ne so nt en un mo t responsables que dans la mesure du droit commun , c'est-à-dire
dans le ClS de faute ét suivant les articles 1582 et 1585 .
C'est an tribunal qu'est laissée l'appréciation de savoir s' il
y a eu on non faute commi e.
Enfin, nous devons indi quer que sous notre législation
ainsi qu'en Droit Romaiu, le vice de perte ou de vol est
susceptible d'être purgé par le retour de l'effet mobilier
dans les mains du véritable propriétaire, et à condition qu e
celui-ci aura conscience qu'il reprend un droit dont il avait
été injustement dépouillé. Si donc il achetai t la chose icruoo
rant qu'elle était à. lui, et si plus tard elle passait sans son
fait à un second acquéreur même de bonne fo i, le retour
opéré un instan t dans ses mai ns ne ferai t pas disparaître le
vice de la chose autrefois volée, cl n'enlèverait pas à ce propriétaire le droit de revendiquer utilement, po urvu qu'il
fut encore dans les délais.
CHAPITRE
Nouveau x
ca~
Ill
d'applicac.iou de la règle
« Eu iaU de meubles po ssession vaut titr e
))
.
Nous avons vu déjà au cours do cette élude di verses
applications de l'article 2270 , en cc qui concerne la propriété pleine et entière des choses mobilières. Qu'en serait-
105 -
il d'un simple démembrement: droit d'usufruit ou droit
de gage?
Si quelqu'un reçoit à non domino un meuble pour en
avoir l'usufruit pourra-l-1\ opposer à. la revendication du
propriétaire l'article 2279 el soutenir qn'il a le droit d'en
conserver la jouissance? L'affirmative na saurait faire doute.
Il existe en l' espèce un argnmenl à fortiori de ce que nous
avons dit relativement à la propriété; à la charge toujours
de remplir les mêmes conditions.
Quand au droit de gage il peut être conventionnel ou
tacite et il bénéficie, dans les deux cas, de la règle : Eri fait
de meubles possession vaut titre. C'est surtol1t au point de vue
du gage tacite que nous avons à. examiner la question, le
législateur ayant établi dans cette partie des rêgles que
nous aurons à appliquer au gage conventionnel. On voit que
nous visons l'article 2102 du cod~ civil où, sous le nom
de certains privilèges sur les meubles, nous allons rencontrer de véritables gages tacites. Mais avant de montrer ce
que ceux-ci ont de corrélatif à. notre matière, rappelons en
peu de mots ce que l'article 2102 contient à. leur égard, en
commençant par le privilège du locateur d'immeubles qui y
est le plus développé.
On sait que le Droit Romain accordait au locateur une
hypo thèque snr le" eJTets mobiliers de son locataire. Mais il
fesait une di tiocti on en décidant que le propriétaire d'un
fonds urbain avait de plein droit l'action servienne, soit hypothécaire, sur les meubles apportés dans son bâtiment et
ce en vertu d'une con,·enlion tacite toujourssous entendue;
tandis que le maitre d'un rond rural n'avait ce même droit
�-
104 -
qu'en vertu d'une convention expresse : Eo jure utimur ut
quœ in prœdia ·urbana inducta, illata s11nt, pignori esse credantur, quasi id tacite convenerit ; i11 rusticis prodüs contra observatur. L. / V. Dig. pr . in quib. caus. pign.
Cette distinction était, diso ns-le, peu rationnell e et notre
législation ne l'a jamais admise. L'article 21 02, rep rod msant en cela le droit ancien, déclare que l·~ propriétaire
locateur acquiert un privil ège sur les meubles qui garn issent sa maison ou sa ferme.
Les mots qui garnissent, sont plus précis que ne l'avait
été l'article 171 de la Coutume de Paris, lequel semb lait
comprendre dans le privilège tous les meubles apportés
dans la maison, ou comme s'exprime cet article : Toi;s les
meubles t:tant dans ladüe maison. Ceux-là seuls au contraire
la garnissent qui y on t été apportés à perpétuelle demeure,
ceux sans lesquels les füvers appartements de la maison ne
paraîlraient pas complets: tels sont les meubles meublants,
les marchandises d'un magasin , les livres que con tient un
cabinet d'études, etc. , etc. Sont exclnes au contraire du
privilège les choses qui ne sont déposées que momentanément, comme l'argent qui est fait pour être dépensé el les
valeurs dont Potbier a très bi en dit : ([ Quro in solo jure
consistunt et nullo circumscribuntur loco » (Louage. n°148) .
.Maintenant, et c'est ici que nous rentrons sur le terrai n
de notre article 2279, si le locataire ap portait dans \a
maison ou dans la ferme des meubles qui ne lui appartien nent pas, ceux-ci tomberaient-il s sous le privi lège?
Oui sans doute, la loi ne <li~ Lin gue ras eL ne doi t pas di stinguer. De même que celui qui achète un meuLte n'appar-
-
105 -
tenant pas ason vendeur en acquiert la propriété par la
possession, de même et a fortiori le locateur acquiert sur
les meubles apportés par le locataire qui n'en est pas le
maître, le droit de gage légal, simple démembrement de la
propriété. La possession qu'ils reçoivent a non domino les
investit tous deux et par elle seule du droit qu'ils ont entendu acquérir; pour eux la possession vaut titre.
li est vrai que le maitre des objets apportés pourra de
cette façon devenir victime de la confiance qu'il avait mise
dans le Jccataire, mais il doit s'imputer à lui-même de
l'avoir si mal placée. Bien plus digne de faveur est le propriétaire locateur, qui ayant reçu des meubles dans sa maison
a du croire qu'ils appartenaient à celui qui \es y a mis. 11
ne doit pas être victime ù'une erreur de sa part ioc',·i table.
D'a illeurs, le maître des meubles peut toujours sauvegarder
ses intérêts en fesanl signifier au locateur, lors de l'apport,
que lesdits meubles n'app.ir tiennenl pas au locataire. C'est
dans ce sen timent que l'article 181 5 dispose que lorsque le
cheptel est confi é au fermier par un tiers, celui-ci doit en
faire la notification au pt'Opriétaire ùe la ferme, sans quoi
ce dernier pourra sai ir et faire vendre les téles de bétail
pour se payer de ce que lui doit son fermier.
Pour que le locateur pui se exercer son pri\'i\ège, il fau t
qu' il ait été <le bonne foi, c'e t-à-dire qu'il ait pu croire que
les meubles apportés dans la maison par le lo~ataire étaient
bien sa propriété. Mais ici comme en règle générale, la
mauvaise foi ne se pré urne pas et ce serait au propriét.:iire
des meubles à. la prou,·cr. Il est toutefois certaines choses
que le localeur n'a pas pu un ~eul inctant consitlérer
�-
-
106 -
comme appartenant à son preneur, sur lesquelles par conséquent il n'a pas du compter; par exemple si celui-ci est
horloger ou relieur, les montres et les livres qui ont été mi s
chez lui en reparation.
Il ne rentre pas dans le cadre de cette étude de nous
étendre sur le point de savoir quelles sont les créances du
locateur ainsi garanties par l'article 2102. Disons en un
senl mot que ce sont les loyers et fermages et tout ce qui
touche à l'exé.cution du bail.
L'exception de l'article 2279 trouve elle aussi , dans
l'espèce, son application. Il est incontestable que si les
meubles qui sont déposés chez le l ocata~re étaient des objets
vol és ou perdus, le locateur ne pourrait pas exercer sur eux
son privilège et le prnpriétaire pou rrait les revendiquer
pendant trois ans.
Il ressort des explications qui précèdent que pour que le
privilège puisse être exercé il fant qu'il y ait possession.
En conséquence si les meubl es sont déplacés avec le
consentement du bailleur , celui-ci perd son privilège; par
contra, s'ils l'ont été malgré lui, il conserve son privilège
et pourra les saisir en quelques mains qu'il les retrouve,
en exerçant la revendication, dans les 1 ~ j o urs s' il s'agit
d'une maison, dans les /i-0 jours s'il s'agit d'une ferme. Cette
différence dans les déle.is provient de ce que le locateur sera
pl us facilemen t et plus tût averti dans le premier cas qu e
dans le second, du détournement commis.
Cependant si quelques meubles ayant été déplacés par le
locataire, il en restait encore une quantité suffisante pour
garantir le paiement des loyers, le bailleur ne pourrait pas,
107 -
croyons-nous, empêcher d'une façon arbitraire el absolue
le déplacement partiel, il pourra avoir recours à la saisiecraaerie saufau locataire à la faire invalider en justice. C'est
l!>
ce qui résulte implicitement des termes de l'article 17~2
d'après lequel le locataire ne peut être expulsé que s'il ne
garnit pas la maison de meubles suffisants.
Revendiquer signifie ici reprendre non la propriété mais
la possession. Et le privilège donne naissance à. un droit de
suit6 qui en est Je complément et la sanction .
Le fait de la part du locataire de déplacer le meuble sans
le consentement du locateur constitue en quelque sorte un
vol du droit de gage. Or, l'article 2279 déclare précisement,
dans sa dernière partie, que la revendication est possible
toutes les fois qu' il y a vol de la chose. De même donc que le
propriétaire volé peut reprendre son meuble là où il le
trouve, de même Je locateur peut reprendre son ga.ge ent~e
les mains du tiers qui l'aurait acheté quoique de bonne foi,
avec celte différence pourtant qu'au lieu de 5 ans le locateur n'a que 1t> ou t~O jours pour exercer l'action en reven·
dication. Après ce délai, cette action ne serait plus recevable à moins que le tiers acquéreur n'eut été de mauvaise
foi , auquel cas il ne peut être à l'abri de poursuites qu'a<!)
.
près 50 ans.
Il ne résulte pas de ces observations, remarquons-le bien,
que ce gage so it un e hypothèque sur meubles comme e?
Droit Romain ; dans cette législation, en elîet, le droit
suivait la chose alors même qu'elle était aliénée avec le
consentement du propriétaire locateur, chez nous au contraire, en pareil cas, le gage serait éteint.
�-
-
108 -
Le co nsentement nécessaire pour que Je locateur no
puisse plus exercer son droit de sui te n'a pas toujours
besoin d'être exprès. Il suffira par exemple qu' il ne s'oppose pas à ce que son locataire continue la vente habituelle
des marchandises qui sont déposées dans ses magasins.
Celles-ci, en effet, étant destinées à être vendues, le locateur est censé avoir co nsenti dûs le p1·incipe à ce qu'elles
puissent être enlevées sans autorisation spéciale, il y serai t
même obligé, car ça été fa une clause tacite du bail. Le locatenr ne pourrait arrêter les opérations de son locataire marchand. que_ s'il n'était pas payé de ses loyers, auquel cas il
devrait agir par une saisie gagerie, sauf à la faire valider
ensu ite par 1 ~ !ribonal et à procéder à Ja vente publique
des effets sa1s1s selon l'arlicle 821~ du code de procédure.
Enfin, si les meubles enlevés par Io locataire de la maison
ou de la ferme du locateur et sans le consentement de ce
dern ier avaient été vendus à un tiers de bonne foi par un
marchand vendan t des choses parei lles, on par tonte antre
personne dans une vente publique ou un marché, l'article
2280 recevrait aussi son application et le locateur ne
pourrai t utilemen t revendiquer qu'en remboursant au
possesseur le prix qu e celui·ci avait débo1trsé.
Tout ce que nous avons dit du propriélaire localcur doiL
par
el a plus forte raison <lu créancier Drrao-iste
être dit aussi
~
.
contrat, puisque le premier n'a qu'un droit de gage tacite
et le second on droit formol. Si donc, son débiteur lui
remet en nantissement une chose qui n'est pas sienne, il
él.Cquerra aussitôt sur ce meuble un droit de 0(Jagc en vertu
Jo l'article 2279 ; c'est l'opinion coscignûo par tous los
l
,
109 -
au teurs 1• De même, il pourra revendiquer dan les mains
de qui que ce soit la chose à loi engagée, s'il l'a perdue ou
si elle lui a été volée. Toutefois, le ùélai dans lequel il
pourra exercer son él.Ction ne sera plus le même que pour
le propriétaire locateur , car la loi n'a pas établi à. son égard
de disposition spéciale. Il faudra suivre dès lors la règle
habituelle de l'article 2279 qui donne trois ans pour revendiquer le meuble vo lé ou perdu 2 • Tout en ad mettant cette
solution imposée par le texte, noas ne pournns pas nous
empêcher de remarquer qu'en pareille hypothèse le délai
de trois ans est quelque peu exagéré, car il n'est véritablement pas possible que le créancier gagiste ait !aissé s'écouler un temps si long sans s'apercevoir qu'on lui a volé la
chose dont il était nanti. S'il a gardé le silence jusqu'alors,
le tribunal pourrait selon les circonstances voir dans cette
inaction un abandon tacite du gage et l'on sait qu'il est souverain appréciateur ùes faits.
Ici encore, il va sans dire que si le possesseur actuel avait
acquis do bonne foi la chose dans une des circonstances
prévues par l'article 2280, Io c1'éancier gagiste devrait lui
rembourser son prix.
Les mêmes explications s'imposent relativement au privilège qui est donné a l'~ubergiste : (art. 2102 - 5°) pour le
paiement de ses fournitures sur les effets que les roya.geurs
apportent dans son auberge, alors même qu'ils appartiennent à autrui et poorrn qu'il ait été de bonne foi. C'est
Duran100. t. 48, n• 533.
t Delvincourt, 1. 3, p. 668. - Bugn0t sur Pot hier, t. :>.
~ Valette.
�-
110 -
encor là l'application de l'article 22i9 . Il n'y a rien d'ailleurs que de très équitable, car l'aubergiste ne peut guère
apprécier la solvabilité des personnes reçues chez lui que
par les effets qu'elles apportent. Ne pas considérer ces
objets comme une garantie des paiements qui lui sont dus
serait le rendre bieo souvent victime de sa confiance.
Ce privilège, comme celui du locateur, est fondé sur
une idée tacite de gage et partant est subordonné à la
conservation de la possession. Il s'en suit que si le voyageur a fait dans un voyage précédent des dépenses qui
n'ont pas encore été soldées, l'aubergiste ne pourra pas
à leur occasion exercer son droit sur les meubles actuellement apportés chez lui, parce qu'en ayant perdu la possession en temps opportun, il est censé avoir renon cé
à son privilége. li peut toutefois revendiquer lui aussi les
objets qui ont été enlevés de son auberge d'une façon
abusive et à son insu.
On s'est demandé relativement au privilège que l'article
2102 6° accorde au voituri er sur la chose transportée à.
l'occasion des frais de voiture et dépenses accessoires, s'il
repose lui aussi sur une idée de gage ou sur celle de plus
value ? La question est importante, car dans le premier
cas seulement, le voiturier perdra son droit dès qu'il se
sera dessaisi et le tiers acquéreur de bonne foi pourra lui
opposer la règle : « En fait de meubles, possession vaut titre. D En revanche, il acquéra sur les objets voiturés un
droit de gage, même fussent-ils à. autrui, et au besoin un
droit de revendication. C'est la pt·0mière opinion que
nous croyons devoir admettre avec le plus grand nombre
- Ht d'auteurs, par la raison que le privilège ne s'éteint pas
si l'on transporte l'objet d'un lieu, où il est coté à. un
prix très élévé, clans un autre où il aurait uoe moindre
valeur.
Le 4° de l'article 2102 en doonant au vendeur des meubles un privilège sur la chose vendue et non payée, nous
présente encore de nombreuses applications de l'article
2279 et même une extension nouvelle qu'on n'aperçoit pas
tout d'abord. Il faut pour ce motif analyser à fond cette
partie.
L'article di t : Le prix d'effets mobiliets sera payé de pré{érence s'ils sont encore 1m la possession de l'acheteur. D
A première vue, cela n'offre auclllle difficulté et semble
signifier que le privilège existe tant que le meuble n'a pas
été revendu, que l'acheteur en a gardé la propriété, et
qu'il s'e.!Tace au contraire par la reYente, en vertu de ce
principe que si les charges nées du chef des précédens
propriétaires passen t sur les nouveaux, lorsqu' il s'agit
d'immeubles, il n'en est pas de même pour les meubles.
C'est ce qu'on exprime par cet ancien adage : «Les meubles
n'ont pas de suite par hypoth~fJ.tte . D
Faut-il prendre le mot de vossesswn employé par l'article
dans le sens de propriété? Et comme d'après une grande
de notre droit nouveau la propriété se transmet par
rè<Yle
0
le seul consentement, faut-il dire que même au cas où le
premier acheteur aurait gardé b possession du meuble,
ayant été autorisu ~t ne le livrer au second qu'à un terme
convenu , le privilège du vtmùeur primitif est éteint?
Cc serait fa changer pleinement le mot de l'article et
C(
�-
112 -
c'est néanmoins l'opinion adoptée par quelques auteurs,
notamment par f\larcadé qui raisonne de la manière suivante :
Il faut, dit-il, saisir la pensée du législateur même sous
Je terme impropre dont il s'est servi. Le mot de possession
es t un souvenir de l'ancien droit suivant lequel la propriété n'était transférée qu e par la tradition. Tant qu e
celle-ci n'avait pas été faite Io vendeur restait propriétaire,
et il était alors exact de dire que tant qu'il conservait la
possession et la propriété réunies, le privilège du premier
vendeur devait continuer à grever le meuble. :Mais aujourd'hui que la propriété se transmet solo consensu, avant tou te
remise de possession, il faut dire que le privilège du premi er Yendeur s'est éteint en même temps ; le fait qui a
Llépbcé la propriété a dû l'anéantir, sinon vous livrez les
meubles au droit de suite.
Cette opini on de Marcadé a été rejetée par la plupart
des auteurs : Troplong, Zachari::c, Valette, Paul Pont, etc.
etc...
Nous sommes de leur avis.
li ne faut pas changer facilement un mot employé par la
loi ; on ne peut se le permettre guo lorsqu'il est impossible de lui donner un sens rationnel. Or, le mot de possession écrit dans l'article 2'102 a sa raison d'être et c'est
ici que nous allons rencontrer une appl ication nouvelle de
l'article 227!>.
Tant que le premi er acheteur garde entre ses mains le
meuble non payé, so n vendeur es t autori sé à croire qn'il
en est demeuré propriétaire et it agir en conséquence;
-
113 -
sinon, il serait trop aisé de le dépouiller de son droit. Il
faut un fait public, patent, pour l'avertir que ce droit va
s'éteindre; or, ce fait public est, pour les meubles, la
possession. Inutile quand il s'agit d'en transférer la propriété cotre les parties contractantes, c'est elle qui désigne
aux tiers le propriétaire, et la publicité qu'elle produit est
surtout nécessaire quand il faut savoir si des droits antérieurement acquis sur ces meubles sont conservés ou perdus.
Pour mieux expliquer notre pensée faisons un rapprochement : nous prendrons comme exemple la vente faite
par un autre que le propriétaire de la chose, la vente à
non domino. Si le tiers chez qui j'avais déposé un meuble
ou à qui je l'avais prêté, trahissant ma confiance le vend à
mon insu, l'acheteur, quoiqu' il soit parfaitement de bonne
foi, nou s le supposons, n'aura pas acquis le meuble par Je
seul eiTet de ce contrat; il devra attendre qu e remise lui
en soit faite et pourra alors invoquer la règle possession vaut
titre. Cette possession me dépouillera en même temps,
faisant en un instant ce qui exigeait autrefois un an ou
même trois ans. Mais il faut qu' elle existe, que le fait public qui la constitue ait eu lieu en réalité; la volonté intime
des parties n'aurait pas suffi. Si elle suffit quand le droit
sur lequel on traite apparLieut à celui des contractants qui
veut le céder, elle ne peut et ne doit pas suffîre quand
c'est le droit d'un autre qui est en jeu. C'est déjà beaucoup que la mise en possession, cette exécution publique
du contrat, éteigne le droit d'autrui par elle seule et on un
instant, n'allons pas jusqu'à l'éteindre par anticipation.
8
�-
114 -
De même donc que la vente faite par le non domirms
laisse la propriété à l'ancien et vrai maître tant que l'acquéreur de bonne foi n'a pas reçu la possession, de même
le vendeur d'un meuble non payé garde son privilège tant
que son acheteur bien qu'ayant revendu n'a pas fait livraison, en un mot tant qu'il est resté en possession. Cela explique et justifie pleinement le mot employé par l'article
21 02, il faut prendre ce mot à la lettre.
Il est facile de voir maintenant en quoi cette théorie de
r article 2102 touche à l'article 2279. L'un et l'autre ont
eu le même objectif: la possession. L'article 2279 s'était
occupé surtout de procurer à l'acquéreur de bonne foi un
droit nouveau par la possession, il lui assure la propriété.
L'article 2102 pourvoit à. ce que les droits antérieurement
acquis sur !~meuble soient conservés, tant que la pos session en est restée à. l'ancien maitre, et bien qu'il en ait
perdu la propriété.
Ce dernier article donn e donc une extension nouvell e
au premier, ainsi que nous l'avions annoncé.
La théorie que nous venons de développer facilitera
l 'ex pli~tion de ce qui nous reste à dire sur l'article 2102.
Les mots : « tant que le premier acheteur sera resté en
possession )>, auront le même sens qu e ci-dessus, lorsqu'il s'agira du second droit accordé au vendeur, savoir la
revendication dans la huitaine de la livraison.
La revendication ... de quoi? Une grande controverse a
eu lieu à. ce sujet. Revendiquer indique ordinairement la
réclamation que le propriétaire fait de sa chose entre les
mains d'u n tiers. Est-ce dans co sens que le mot est pris
-
H?S -
ici ; le vendeur a-t-il le droit de réclamer dans la huitaine la
propriété du meuble non payé? - Il l'avait en Droit Romain, mais il ne l'a plus aujourd'hui. La revendication que
l'article 2102 autorise n'est que la reprise de ce qu'on a
appelé le droit de rétention.
Dans le Droit Romain, quand la vente était faite sans
terme, la tradition ne transférait pas la propriété tout de
suite, si le prix n'était payé en mème temps. Le vendeur était censé avoir fai t de ce paiement une sorte de
condition qui suspendait le transfert. Tant que la condition
n'avait pas été accomplie, le vendeur demeurait propriétaire de la chose comme si la vente n'avait pas eu lieu : res
erat inempta. Il suit de là. qu'il pouvait la reprendre entre
les mains de l'acheteur comme il l'eut fait à l'encontre de
tout tiers qui aurait détenu la chose sans droit. C'était une
véritable revendication : le mot gardai t son sens propre.
No tre droit ancien ne l'avait pas entendu ainsi. L'article
176 de la coûtume de P:i.ris disait : Qui vend aucune chose
mobilière sans jour ni terme. espérant etre payé promptement,
il peut sa chose poursuivre en quelque lieu qu'elle soit transportae, vour ètre payé du pria; qii'il l'a vendue; et Dumoulin dans
ses notes ad consuetudines Gallicas expliquait mieux encore
la disposition, en disant : « pour recouvrer la chose et en
demeurer saisi jusqu'à ce qit' il ~oit payé. > En d'autres termes,
la reprise était faite à. titre de gage ; l ~ vendeur n'entendait
pas recouvrer la propriété comme s'il n'y avait pas eu vente,
il voulait au contraire maintenir le contrat et rentrait seulement en possession de l'objet vendu pour assurer le paiement du prix.
�,..
-
116 -
Le Code Civil a adopté cette manière de voir. L'article
1612 permet d'abord au vendeur de ne pas délivrer la
chose s'il n'est pas payé du prix; et si lrop confiant il l'a
livrée et que l'acheteur trompe son espérance, l'article 2102
l'autorise à reprendre la possession qu'il aurait pu garder,
mais ce n'est jamais qu'à. titre de gage ; il ne s'agit pas
d'anéantir la vente faite.
Voilà le sens du ~ot revendication dans notre article. Il
faut convenir qu'il était amphybologique et semblait indiquer la reprise de la propriété. Aussi beauco~p d'auteurs
s'y étaient trompés ; Duranton, Troplong avaient vu dans
l'article 2102 un retour au Droit Romain. On sait qu e l'explication que nous venons de reproduire a été donnée pour
la première fois par M. le Professeur Vuatrin et elle a fermé,
croyons-nous, la porte à. l:l. controverse.
La reprise de son gage n'est permise au vendeur qu'a
trois conditions, c'est d'abord, qu'elle ait lieu dans un
temps fort court: huit jours depuis la livraison, c'est-a-dire
depu is qu'il s'est dessaisi et non depuis la vente. Cette
reprise ùe la possession qui anéantit retroaclivement la délivrance consentie, doit avoir lieu au pins-tôt, dans l'intérêt
des contractants et dans un intérêt général. - Une seconde
condition est que la chose vendue n'ai t pas souliert de
changements tels qu'on ne puisse plus en reconnaître
l' identité; et une dernière, c'est qu'elle soit encore en la
possession du premier acheteur.
Nous n'avons pas à. nous expliquer sur la seconde de ces
conditions et nous avons développé la troisième dans les
pages précédentes, lorsqu'il s'agissait du privilège propre·
-
H7 -
ment dit du vendeur. Ajoutons seulement que tou te cette
économie de l'article 2102 ne s'applique qu'au cas où le
vendeur n'a pas accordé terme a l'acheteur. La distinction
étail déjà. faite dans le Droit Romain, de même en est-il
chez nous. Quand le vendeur s'est obligé à livrer et livre en
e[ et la chose en co nsentant a n' être payé que pins tard, il
abandonne son droit de rétention de l'article 1612 et perù
par celà.même le droit de le reprendre d'après l'article 2102.
Il perd en d'autres termes son droit de revendication dans
la huitain e, mt is il ne perd pas son privilège.
Ceci nou s ramène 11 l'article 2279 veri lable objet de cc
travail ; d'ailleurs, si nous avons donné sur l'article 2102
une explication forcéme nt un peu longue, c'est que tout ce
qu e nous en avons dit était indispensable pour ce qui suit :
Le privilège ùu vendeur se présente donc sous deux formes : ou il e t accompagné de la rétention matérielle du
meuble, soi t que le vent.leur ai l refusé de le livrer en vertu
de l'articl e 161 2, soit qu'il l'ai t repris en vertu de l'article
2 102 ; ou bien il s'est dessaisi du meuble et l'a livré à.
l'acheteur ayant confiance en lui. Au premier cas, c.'est un
gage parfait, qu'est-ce en effet que le gage si ce n'est la
réun ion de ces <leux éléments : détention matérielle d'un
meuble par le créancier, droit pour lui d'être payé de préférence sur le prix ? au second cas, la détention manquant,
ce n'est plus le gage véritable mais un privilège sui generis
créé par la loi.
Les conséquences seront di fférentes au point de Yuc de
l'article 2279, selon que le privilège du vendeu\' se présentera sous l' une ou l'autre de ces deux formes.
�-
118 -
i 0 Si le vendeur est privé malgré lui du meuble qu'il
retenait, soit qu'on le lui vole ou qu'il l'ait perdu casu fortuito, l'acquisition de bonne foi par un tiers aura-t-elle
éteint le privilège du vendeur au moment de la mise en
possession en vertu de l'article 2279? Non ... Il faudra
pour cela attendre trois ans, car le droit qui résullait pour
le premier vendeur de sa possession, droit dont il a été dépouillé involontairement est comme une chose volée ou
perdue qui ne permet l'application que du second paragraphe dudit article. Le premier vendeur est alors dans la
même situation que le gagiste conventionn el.
2° Si le premier vendeur a. livré la chose vendue à l'acheteur et si celui-ci la revend à un tiers de bonne foi, qu'en
est-il du privilège? - Il faut dédoubler la question : ou le
second acheteur a payé son prix ou il le doit encor lui aussi.
S'il a payé le prix en recevant la chose, le privilège du vendeur primitif es t à. coup sùr éteint. En efiet, le second
acheteur a cru le meuble fran c de toute charge, il a été de
bonne foi, sa possession doit effacer Je droit de privilège
qui grevait le meuble comme elle aurait eiTacé la propriété
même s' il y avait eu vente a non domino : possession vau t
titre. - Si au contraire, le prix de la seco nde vente n'a pas
plus été payé que celu i de la première, s'il y a eu même
plusieurs ventes successives sans qu'aucun prix ait jamais
été payé, on a soutenu 1 que le privilège du premier ve~de ur
élait toujours conservé et pourrait être exercé sur le prix
1
Paul Ponl
-
11 9 -
distribué tôt ou tard ùe la dernière vente, pour nombreuses
qu'elles aient été.
Nous ne croyons pas devoir adopter celle opinion quoiqu'elle s'appuie sur un e haute autorité. Dés que le second
acheteur (et ce que nous disons de lui doit s'appliquer à
tous les autres) a reçu le meuble, ignorant qu'il fut grevé
d'un privilège ou de toote autre charge, il l'a reçu franc et
libre ; tout droit qui grevait à. un degré quelconque le
meuble s'eiTace par su ite de sa bonne foi : possession lui
vaut titre.
Cette solution s'appuie encor sur cette autre règle : les
meubles n'ont pas de suite par hypothèque. Ce qui ne veut
pas dire qu'ils ne sont jamais soumis à. aucun droit de suite,
nous avons vu en eITet qu'ils le sont au cas de gage conventionnel, du gage légal du propriétaire locateur et de quelques
aotres ; mais cet axiome signifie que lorsqu'on acquiert un
meuble ne connaissant point les charges qui pèsent sur lui,
elles s'eITacent au profit de l'acquéreur, à la différence des
immeubles qui frappés d'une hypothèque continuent à. en
être grevés, quoique l'acheteur en ait complètement ignoré
l'existence.
Nous avons raisonné jusqu'ici en s1Jpposant que les
acquisitions successives du meuble avaient eu lieu de bonne
foi . S'il en était autrement, si le second acheteur en le prenant pour exemple, avait su que le prix n'était pas payé, le
pri' ilège du vendeur ne serait pas éteint, pas plus que dans
une vente a non domino, le vrai propriétaire n'aurait perèu
ses droits. L'article 2279 ne protège que la bonne foi .
Ceci fait naître uno ùernière question qui se rattache aux
�-
-
120 -
articles 2102 et 2279: Pour que le second acheteur soit de
mauvaise foi suffit-il qu'il ait su que le prix reste dû ?
On aurait pu en douter à première vue et dire: sa mauvaise foi n'existera que si le débiteur est insolvable, sinon
ceux qui ont traité avec lui ont pu croire qu'il payerait. Il
devrait en être, cc semble, comme dans l'action paulienne
(art. 1167) où la doctrine juridique exigeant pour qu' il y
ait fraude le doubl e élément du préjudice et de la connaissance qu'on en a, décide qu' il n' y a préjudice pour le
créancier que si l'acte attaqué a produit ou augmenté
l'insolrnbilitè dn débiteur.
Cette assimilation ne serait pas exacte, le texte et la raison
la repoussent. En elîet, l'article 2102, mettant le privilège
du vendeur en concurrence avec celui du locateur d' immeubles, donne la priorité à ce dernier dans le cas seulement
où il a ignoré que le meuble apporté dans sa maison ou sa
ferme n'avait pas été payé; ce qui implique que s'il l'a sn
il est déchu de sa priorité. Cette disposition doit s'appli qncr
évidemment à. tous les cas ana!ogues. Or l'article a parfaitement raison. Si, dan<; le cas de l'actio~ paulienn e, il faut
que le débiteur soit insolvable pour que le tiers soit déclaré
de mauvaise foi, c'est que les créanciers n'ayant pas de
droit sur tel bien plutôt que sur d'autres, il leur est indifférent que certains soient sortis de son patrimoine pourvu
qu'il en reste assez pour les payer. Dans notre matière au
contraire, le privilége constitu ant nne garantie spéciale sur
tel bien déterm iné, si cc droit ''icnt à être perdu il y a par
cela seul préjudice causé au créancier. Il sui t de là que si le
tiers acquéreur du meuble a agi connaissant cc préjudice, i1
12i -
y a dès lors contre lui le double élément qui constitue la
fraude: Eventus damni, consilium fraudis. li est dès lors,
de mauvaise foi.
On voit par tout ce qui précède combien l'article 2 t 02
est lié à l'article 2279 auquel nous avions joint déjà. l'article
1141. Ces trois textes se complètent l'un par l'autre et c'est
sur eux qu'est assise toute notre théorie. On voi l en même
temps combien l' article 2279 , si court dans sa première
formule, est puissant et fécond en applications dans notre
droit. Il y a J'autres applications encor que nous pou rrion~
rencontrer dans tout le parcours du Code Civil , mais on
trouvera, nous l'espérons, que nous en avons assez ana-
..
•
lysées.
Nous ponvons maintenant mieux caractériser la formule
de l'article 2279, et concilier par là peut ètre les opinions
diverses des jurisconsultes, dont les uns n'y ont vu qu'une
très ancienne disposition exhumée du droit germanique, les
autres qu' un changement apporté aux règles de la prescription. .. . Après avoir montré d' une part que l'article 2279
fait acquérir un e propriété nouvelle par une possession instantanée, modifiant profondément en cela sans doute la
prescription des meubles;
Et, d'autre part , comment en se complèlant par l'article
2102, il conserve des droits anciens sur un meuble dont
la propriété a passé à un antre, le premier maître n'en
ayant plus qu e la possession ;
Ayant mis ainsi on reli crles deux grand cITets de celle
�- t 22 théorie dont l' un s'applique à l'avenir, l'autre au passé,
nous dirons :
C'est là. une vieille règle que la loi moderne a conservée
par des motifs nouveaux ou mieux compris, et à laquelle
elle a fait produire des résultats complexes, les uns anciens, les autres nouveaux aussi ; le tout en vertu de la
possession ; et cela, so it pour faciliter la circulation des
meubles et le mouvement commercial, soit pour sauvegarder
des droits acquis.
En voyant comment la possession opère ici d' une manière exceptionnelle et remarquable, on reconnait la justesse de cette ancienne maxime de Loysel dans ses institutes
coutumières :
La possession est de grande dignité au Palais.
POSITIONS
,
Droit Romain
I. Le mineu r de 2?S ans qui a obtenu la restitutio in integrum contre une obligation par lui contractée, reste tenu
d' une obligation naturelle.
II. La dot mobilière est, à. toutes les époques du Droit
Romain, aliénable dans les mains du mari.
Ill. Dans le cas de traditio incertœ personnre, le droit du
derelinquens subsiste jusqu'à. l'oc:cupation de la chose par
un tiers.
IV. Un fideicommis peut être reçu et restitué per pro-
curatoreni.
V. La datio in solutum produit, comme le paiement,
l'extinction de la dette ipso jure .
oroU Civil .
1. Le propriétaire ne peut pas conserver' sans
ind~moilé,
les constructions faites par l'usufruitier sur le terram soumis à. l' usufruit.
�-
124- -
Il. Le mari ne peut pas avoir recours à la force publique
pour amener sa femme à réintégrer le domicile conjugal.
III. Les formalités et conditions prescrites par les articles
769 et suivants aux enfants naturels, au conjoint ou à
l'État, qui demandent à ·être envoyés en possession d'une
succession, ne sont imposées ni aux père et mère, ni aux
frères et sœurs qui demandent à être envoyés en possession
de la succession de leur enfant ou frère naturel décédé.
-
125 -
Droit maritime .
..
1. Dans le cas d'incendie sur un navire, on présume
qu e le sinistre a en lieu par fortune de ~er: et c'est à. l'~s
sureur à. établir on qu'il y a eu faute (s 11 n a pas garanti la
baraterie du patron) ou qu'il y a vice propre.
li. La signature de l'assuré n' est pas in?i~p.ensa~le,
lorsqu e la police est souscrite par l'intermed1a1re d un
IV. Les juges ont un pouvoir souverain pour apprécier si
les fai ts reconnus constants par un jugement de séparation
de corps, présentent une gravité suffisante pour justifier une
demande de conversion dudit jugement en jugement de
divorce. (Loi du 29 juillet 188/i).
courtier.
Le Professeur, Présidem de la Thèse,
G. BRY .
Droit Pénal.
L B DoYBN :
ALFRED JOURDA ,
Chevalier cle la Légion d' Honneur·
l. Dans le cas de complicité par recel, la prescription
commence à courir du jour ou l'action est exercée con tre
l'auteur du vol, et non pas seulement du jour où le recéleur
s'est dessaisi de l'objet.
II. La prescription en matière criminelle peut être
1nvoquée en tout état de cause, même après la déclaration
du jury, et les juges doivent la prononcer d'office si le prévenu ne l'o ppose pas.
vu et permb d' imprimer ·
Pour le Recteur,
L' Inspecteur d' Académie délégué,
G R A ' ET.
Chevalier de la Légion d'ho 1me11r.
m. Les experts nommés par un tribunal
ne peuven t être
considérés comme citoyens investi d'un service publ ic :
en conséquence le délit de diffamation qui les atteint en
leur qualité, est de la compétence des tribunaux correctionnels. (Loi dn 29 juillet 1881).
Vu,
i
�THÈSE POUR LE DOCTORAT
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
De l'usucapion en droit romain ; Origine, sens et application de la règle "En fait de meubles, possession vaut titre", Art. 2279-2280, en droit civil français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit civil
Droit romain
Description
An account of the resource
Etude de l’usucapion, fait d’acquérir juridiquement un droit réel que l’on exerce sans en posséder le titre, après l’écoulement d’un délai de prescription pendant lequel toute personne peut le contester ou le revendiquer
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cabassol, Joseph (Avocat)
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-141
Publisher
An entity responsible for making the resource available
A. Makaire (Aix)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1885
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/241566290
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-141_Cabassol_Usucapion_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
IV-125 p.
23 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/447
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Origine, sens et application de la règle "En fait de meubles, possession vaut titre" (Art. 2279-2280). - droit civil français (Publié avec)
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1885
Cette thèse porte sur la notion d’usucapion, ou prescription acquisitive, qui consiste dans le fait d’acquérir la propriété d’un bien par celui qui le possède, après l’écoulement d’un délai de prescription pendant lequel le propriétaire non possédant peut le revendiquer. La seconde thèse porte également sur la possession, et plus particulièrement les articles 2279 et 2280 du Code civil, disposant qu’« en fait de meubles possession vaut titre ».
Résumé Luc Bouchinet
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Biens (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Biens (droit) -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Prescription (droit) -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/461/RES-AIX-T-151_Lanery_Histoire-propritete.pdf
0e65eec24a40de9c67bbe58e38986fbf
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
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Title
A name given to the resource
Histoire de la propriété prétorienne à Rome en droit romain ; Histoire du droit du franc-alleu en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lanéry d'Arc, Pierre (1861-1920)
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-151
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Illy-Brun, Imprimeurs (Aix)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1888
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/241860202
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-151_Lanery_Histoire-propritete_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
2 parties en 1 vol.
103-460 p.
23 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/461
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Histoire du droit du franc-alleu (Publié avec)
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1887-1888
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Subject
The topic of the resource
Droit civil
Droit romain
Description
An account of the resource
Dans le domaine du droit civil, des romains à la fin du 19e siècle, histoire et étude de l'aleu appliqué aux terres franches, libres et possédées en toute propriété
Biens (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Droit féodal -- France -- Thèses et écrits académiques
Franc-alleu -- France -- Thèses et écrits académiques
Propriété -- Rome -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/513/RES-AIX-T-170_Henrion_action-publicienne_.pdf
8cca07bf7ecfdf682e6b40b337fab76a
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
De l'action publicienne en droit romain ; Des retraits en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Henrion, Jean-Joseph-Auguste-Fernand le baron. Auteur
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-170
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Barlatier et Barthelet (Marseille)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1893
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/245405410
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-170_Henrion_action-publicienne_vignette .jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
138 p.
In-8
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/513
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Des retraits en droit français en droit français (Publié avec)
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Marseille : 1892-1893
L’action publicienne est une action du magistrat romain, le préteur, qui consiste à supposer que le délai d’une prescription acquisitive a été accompli. La prescription acquisitive est l’acquisition juridique d’un droit réel sur une possession, à l’issue d’un délai durant lequel la chose possédée n’a eu aucune revendication ou contestation. Selon M. Bouchaud, en Droit Civil romain, l’importance de la propriété est telle que « tout propriétaire d’une chose, a le droit de la revendiquer contre tout détenteur actuel de cette chose : l’action qu’il peut alors intenter se nomme action réelle ». L’action publicienne n’est autre que cette action réelle mais introduite par le préteur, en faveur de tout possesseur de bonne foi, dont le délai de prescription acquisitive n’est pas écoulé. La création de l’action publicienne est attribuée à un magistrat romain du nom de Publicius qui exerça sa préture au temps de Cicéron. Cette action a été développée dans le but de garantir et d’élargir le droit de propriété que l’ancienne législation romaine ne protégeait pas.
La première partie de cette thèse se propose d’étudier les origines, la portée et les effets cette procédure de droit romain, tandis que la seconde partie s’intéresse aux retraits en Droit civil français de l’Ancien Régime.
D’après le dictionnaire de Gérard Cornu, le retrait est un « acte par lequel une personne, le retrayant, se substitue, dans le cas où la loi l’y autorise, à l’acquéreur d’un bien, le retrayé, à charge d’indemniser celui-ci de ses frais et débours ». La thèse ici présentée étudie avec une perspective historique deux types de retraits : le retrait litigieux, qui consiste pour le retrayant à racheter des droits litigieux auprès du cessionnaire, et le retrait successoral. Ce dernier consistait pour les cohéritiers à écarter un tiers, auquel un cohéritier a cédé son droit de succession, en lui versant une indemnisation. Le dictionnaire de Cornu rappelle que cette institution a été remplacée par « un droit de préemption au profit de tout indivisaire ».
Sources :
* Audibert, A. (1890). HISTOIRE DE LA PROPRIÉTÉ PRÉTORIENNE ET DE L'ACTION PUBLICIENNE. Nouvelle Revue Historique De Droit Français Et étranger, 14, 269-946. Retrieved from www.jstor.org/stable/43842953
* BOUCHAUD, M. Histoire de l'Académie royale des inscriptions et belles lettres, Volume 41, L'Imprimerie royale, 1780
* CORNU, G. Vocabulaire juridique, PUF, 2013
Liantsoa Noronavalona
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Subject
The topic of the resource
Droit des successions
Description
An account of the resource
Etude du retrait litigieux, rachat des droits litigieux auprès du cessionnaire, et étude du retrait successoral par lequel les cohéritiers écartent un tiers, auquel un cohéritier a cédé son droit de succession
Biens (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Contrats -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Droit romain -- Thèses et écrits académiques
Offres publiques de retrait -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Retrait (droit administratif) -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques