Histoire]]> Science politique]]> Revue francophone illustrée, publiée sous la direction du journaliste Alphonse Monestier, La Politique de Pékin a bénéficié du soutien du Consulat français et de la Commission mixte des œuvres franco-chinoises. Tirée à environ mille exemplaires par semaine, elle a participé activement à la transition culturelle et politique de la Chine de la première moitié du XXe siècle.

]]>
Notice en cours. La collection ici publiée comporte d'importantes lacunes. Elles seront comblées autant que possible au cours de l'année 2024.

Avertissement : dans certains bulletins des années 1927 et 1934, des documents photographiques montrent, à des fins de dénonciation ou de justification, des scènes de répression, d'exécution et autres exactions dans leur plus extrême brutalité.

La politique de Pékin

Au cours du 19e siècle, la France avait acquis des concessions dans certaines villes côtières chinoises (Shanghai, Canton, Tianjin, Hankou, etc.) où s'y est développée toute une presse à l'adresse des Français expatriés. La Première Guerre Mondiale ayant réduit les ambitions colonialistes françaises, la France s'orienta alors vers des rapports qui privilégiaient la coopération et l'échange avec la Chine républicaine. C'est dans ce contexte que naît la vraie ambition de La Politique de Pékin créée en 1914 par l'ancien rédacteur du Journal de Pékin, Alphonse Monestier : informer le milieu francophone local de la réalité politique et sociale de la Chine.

Assez rapidement, la Politique de Pékin déborde du cadre politique pour aborder tous les aspects de la vie culturelle et intellectuelle chinoise de l'Entre-deux-guerres et, à partir de 1919, devient un témoin de la révolution de la littérature chinoise qui intéresse les ressortissants français, intellectuels et hauts fonctionnaires. Si les événements politiques et militaires sont très présents (rivalité des pouvoirs locaux, conflits territoriaux, présence de puissances étrangères), notamment la crise sino-japonaise omniprésente à partir de mai 1928, les actualités restent dominées par l'opposition ambivalente entre différents courants intellectuels, certains attachés à l'héritage culturel issu de cinq millénaires d'histoire, d'autres engagés dans une critique de ses archaïsmes et la quête incertaine d'une modernité chinoise. Cette déchirure est une des sources d'inspiration récurrentes dans la rubrique consacrée à la satire politique (moeurs, habillement, mode, coiffure,...).

Les 1 288 numéros* publiés de 1914 au début des années 1940 conservent les mêmes rubriques en commençant toujours par la situation politique de la Chine, rubrique très documentée (rapports, textes officiels, articles de presse) assortie de nombreux documents photographiques, justifiant largement le sous-titre de la publication "revue d'hebdomadaire illustrée". Pour l'essentiel, l'illustration présente des photographies et des portraits d'hommes politiques, de militaires, de personnes influentes, de diplomates, de célébrités du monde des arts (poètes, vedettes de la mode et du cinéma, ...). A côté des scènes familiales qui ne sont pas rares, on note l'importance accordée aux femmes et au rôle qu'elles jouent dans une société qui se détache du modèle hérité du passé. La Politique de Pékin offre une documentation essentielle pour comprendre l'histoire des relations franco-chinoises entre les deux guerres, toujours sous le signe d'une Chine avide de modernité, ce qui en fait une revue d'autant plus précieuse qu'elle est peu répandue dans les collections des bibliothèques françaises.

Alphonse Monestier

Alphonse Monestier, journaliste français, a marqué de son empreinte le paysage médiatique chinois du début du XXe siècle. Né en 1881 et décédé en 1955, Monestier a quitté Marseille en 1906 pour embrasser une carrière journalistique en Chine, une décision qui allait façonner le reste de sa vie professionnelle. D'abord rédacteur, puis rédacteur en chef de L’Écho de Chine à Shanghai, Monestier s'est rapidement distingué par son talent et son expertise.

En 1911, au cœur de l'effondrement de la dynastie mandchoue, il poursuit son aventure journalistique à Pékin. Il devient rédacteur en chef du Journal de Pékin avant de lancer, en 1914, sa propre publication : La Politique de Pékin. Cette revue, bénéficiant du soutien du Consulat français et de la Commission mixte des œuvres franco-chinoises, a rapidement acquis une renommée notable. Tirée à environ 1 000 exemplaires par semaine, elle captivait un lectorat varié, allant des ressortissants français aux intellectuels et hauts fonctionnaires chinois francophones.

Malgré une interruption de ses activités journalistiques lorsqu'il fut mobilisé pendant la Première Guerre mondiale, de novembre 1914 à juillet 1918, Monestier est resté profondément engagé dans le paysage médiatique chinois. En témoigne sa monumentale œuvre de treize volumes, "À travers la crise nationaliste chinoise", publiée entre 1928 et 1933, qui s'appuie largement sur les chroniques politiques parues dans La Politique de Pékin.

Sous la direction de Monestier, La Politique de Pékin ne s'est pas limitée à la couverture politique ; elle est devenue un acteur clé du renouveau de la littérature chinoise du début du XXe siècle et un vecteur important pour les premières traductions françaises de cette littérature. La revue a joué un rôle crucial en documentant et en participant activement à la transition culturelle et politique de la Chine.

Le travail de Monestier et la publication de La Politique de Pékin se situent dans un contexte plus large de vitalité de la presse francophone en Chine, qui, de la création de La Nouvelle de Shanghai en 1870 à la disparition du Journal de Shanghai en 1945, a vu l'émergence de près de 40 journaux et revues francophones. Cette période, correspondant à l'apogée de la presse francophone à l'étranger, a été marquée par une interaction culturelle intense et une curiosité mutuelle entre la Chine et le monde francophone, un héritage auquel Alphonse Monestier a grandement contribué.

En tant que revue des expatriés, La Politique de Pékin établit une jonction entre la France et la Chine. Si la revue ne se désintéresse pas de la Chine ancienne, sa plus grande signification consiste sans doute à sensibiliser les Français à l’évolution tous azimuts connue par la Chine avide de modernité, dont la littérature fut partie intégrante.
__________
* On remarquera qu'un renfort adhésif, autant intempestif que catastrophique, a causé des dommages irréversibles à cette collection exceptionnelle.

Références :

Guo, Yanna. “La Politique de Pékin (1914-1940) : une revue francophone comme espace de traduction de la littérature chinoise moderne.” Revue de littérature comparée 373, no. 1 (2020): 39–56.

Bouchez, Marie. “Les intellectuels français face aux soubresauts politiques de la République chinoise (1911-1949).” Doctoral dissertation, Université de Lorraine, 2021.

]]>
1921-1940]]> fre]]> chi]]> Chine. 19..]]>