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DU LOUAGE D'OUVRAGE ET DE SERVICES
EN DROIT ROMAIN
DES OBLIGATIONS ET DE LA RESPONSABlLITÉ
DES COMPAGNIES DE CHEMINS DE FER
DANS LES TRANSPORTS DE l\URCHANDISES
EN DROIT FRANÇAIS
THÈSE POUR LE DOCTORAT
P.\R
ALBERT AICARD
.\ \"OCAT A ) 1A ll$EILLE
•
MARSEILLE
TYP . ET LITH. BARLATIER- FEISSA T PÈRE ET F1LS
Rue
V e nture, 1 9
r883
�A
MON PÈRE
ALBERT AICARD
�DROIT ROMAil\
�DROIT ROMAIN
DU LOUAGE D'OUVRAGE ET DE SERVICES
INTRODUCTION
Le louage d'ouvrage est une institution du droit des gens. Il
répond ü une des conditions essentielles non seulement du développement, 111ais de l'existence rnème des sociétés. L'association
des fo rces et l'échange des services sont une loi supérieure, primordiale, nécessaire. Le traYail isolé ne peut être fécond, le concours
des aptitudes diverses, la division du travail perme ttent seules le
perfectionnement et la richesse. Aussi Yoyons-nous toutes les
législations admettre que le tra' ail de l'homme peut faire l'objet
d'un contrat.
A Rome, par s uite de l'instilution <le l'esclavage, le louage
rl'ouvrage et de services n'occupe dans la législation qu'une place
accessoire. Tant que le peuple roma in, poursuivant son but ùe
domination et de conquêtes, s'adonna exclusivement à la guerre et
à l'art militaire, le travail manuel, suivant les idées prônées par
les philosophes grecs, fut considéré comme indigne d' un homme
libre et abandonné aux esc laves. Dans un pareil état de l:hoses le
louage d'ouvrage ne devait pas rece\ oir un grand développement ,
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car il ne peut y avoir de con\'cntion en tre l'esclave, qui prnsque
seul travaille pour autrni , e t le maill'e qui l'e1r1ploie. Les idées
juridiques romaines vin rent e ncore t'estreindre la sphère d 'application de ce contral: les services qui sont tant soit t)ell du domaine
de l'esprit ne peu\•ent faire l'objet ti ' un louage. on leur app lique
les règles du mandat.
li n·y eùt vraiment place pou1· le contrat de louage qu 'après la
disparition de l'escJa,·age; et encore, par suite de l'organisation
des corporation -, aussi nombreuses da ns !"antiquité qu'au moyenàge , le travail ne fut j amais complè tement libre.
Dès le règne de ~ nnrn , des corporrilion OU\Tiè res recrutées
parmi les afTranchis ou les étrangers, s'é ta ien t constituées ayec des
chefs, des assemblées, des statuts .
ervius Tullius, com prenant la nécessité d 'a,·oir un peupl e de
trarnilleurs e t d'arti ans à cùté d'un peuple <l e g uerriers, admit
dans la premiè re classe de la s0ciélé romaine une centurie de
charpe ntiers, e t dans la seconde, deu x centuries de forgerons.
Supprimées par Tarqu i11 le uperbe, les corporations fure nt
rétablies par la loi des Douze tables; ma is la condition de leurs
membt·es était des plus misérables. Huinés par la conc urrence du
tra\'ail des escla,·es dont le nombl"e a ll a it toujours Cl'oissant, méprisés par une société qui refu ait de le ur faire µlace, les ouvriers
des corporations de,·aient fata lement for me r des centre d e
mécontents toujours disposés à pre ndre par t aux troubles et aux
déso1·dres.
Au moment de l'avéneme11t de l'empire, le nombre des corporations é tait considérable. A la fave ur des guerres ci\·i les, nn grand
nombre s 'étaie nt illégale ment constituées . Aug us te abolit toutes les
noU\·clles, laissant s ubsister seule ment les anciens collég-es, ant i<p1 it "·" co11stituta.
ous l'Empire , les corporn tio11s s ubi 1·en Lbien des \'ic issi Ludes.
Proscrites à différe ntes re pri-..es, leu1· s ituai iou fut préca ire jusque
vers le mi lie u du troisième siecle. Alors, sous l'inf1ucn ce des idées
chrétiennes, les a ffra nchisse men Ls se 1nulti plia ien l, les g ue rres et
l~s ,- i~toires n'a mena ient pins à Ho111e ces captifs cru'on vendai t il
v il prix. Lee: esclaves é ta ie nt deve nus 1·ares et c hers e l il falla it
recourir à l'industrie librr el pnr suite a u louage d 'ouvrnge.
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Alexandre Sévère organisa lec:: corpora tions e t les plara sous
l'empire d'une légis la tion e t <l'une juridiction spécia les.
Il y eut à cette é poque trois classes d 'ouvriers : ceux des manufac tures de n ::tat, dont le !)l us grand nombre étaient esclaves,
ceux qui concouraie nt à l'alimentation publique, e t enfin , ceux
appa rtenan t à toutes les corporations de métiers libres.
Les ouvriers de l'lttat fa briquaient des armes, des machines de
g uerre, des monnaies; cons truisai ent et réparaient les édifice.:;
publics; travaillaient aux mines, a u x carrières, aux salines. Les
affranch is et les hornmes libres qui , pour échapper à la 111isf-1·e,
s'astreignaie nt Yo lontairemen l à ce tte serYitude, partageaient le
sort des esclaYes et des conda mnés aux peinec; infamantes. Liés
pour toujours envers l'État , ils é taien t exempts <le la milice,
exclus <les honneurs publics, et cessaient d'être citoyens. On les
marquait au bras avec un fer rouge, on graYait sur leur main le
no1n de l'empereur ' ils se mariaient , leurfemme devenait escla,·e
comme eux. S ïls n 'a,·aient pas d' enfants, la communauté héritait
de leurs bi ens.
Les ouvri ers qui pourvoyaient à l'alimentation publique se subdi visaien t en qua tre cl asse~: les houd1ers, les boulangers, les
navic ulai1·es, chargés de l ra nsporter le blé des provinces maritimes ü Ostie, el les caudicaires qui amenaient le b lé ll'O tie à
Rome. Tous ces ouvriers é taient liés a leur profe ion d"une
ma ni ère ind is oluble. Le fils atné était forcé <le succéder à son père.
S'ils se m ariaient hors de leur caste, la fe mme suivait leur condition et les bier\,5 de ceux qui mouraient san enfants re,·enaient à
la communauté. En revanche, ils jouissa ient lie certains pri,·ilégr":
ils avaien t le monopole exclu if de leur indu ' trie ; ils é taient adminis trés par des magis trats nommés pa r eux, el i l ~ é taie nt Oll\'ent
récompe11sés par des distinctions ltonorifique::.;.
Quant a ux autres ouw iers, bi en qnc plus indëpendants \"i:;;-i:t-Yis
de !'Étal, ils ne laissaient pa que d'ètre sonmis à une réglementation . évère. - Pour aYoir k 1l rnil d'exercer un métier il fa ut
a ppar tenir i:I la corpora tion qui en a le privi lége, et partout la CMporalion abso1·be la personnalité de l'ou\ï' icr. 011 entre dans la
co l'poration a1wès un long a pp rentis age e t moyennant le paiement
ù'une certaine s1 llnme. Une fois entl'é, il n'est plu pennic: ù
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fouvrier de rompre l'enguge ment. S'il p1·end la fu ite , les magis!rnt le poursuh·ent et sai issentses biens au prnnt de la communauté.
L'indushie agricole n'était guère plus fa\'01·is<~e : le colon, lui
aussi, était dans un état inter médiaire enLre la liberté et l'esclavage. Rivé à la terre même qu'il cultive, il no peut en être détaché.
Est- elle aliénée? il est compris dans ]>aliénation. D>autre part, il
est dans une position réglée et garantie. Il paie au propriétaire
une redevance, ne doit pas de services personnels, peut faire des
économies et a la propl'iété de son pécule. Le colon a une personnalité prnpre, il peut s'obliger, contracter en son nom personnel et
pour son compte, il peut enfin se marier.
Cette esquisse historique nous montre que la liberté du travai l
fut inconnue à Rome, et les documents jur idiques ne fourn issent
aucune trace cl'ou\Tiers libres travaillant en dehors des corporations. On pent croire cependant que vers la fi n de l'Empire ce type
n'est pas resté complètement inconnu, car une nove lle du Code
théodosien parle de marchands grecs comme de concurrents
sérieux ponr les marchands de Rome.
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CHAPITRE PREMIER
llÈGLES GË.\ÉRALCS COlXCEllNANT LE LOL\GE D'OUVR.\GE Ol DE SEHVlCES
Le louage d'industrie e:;l un contrat par lequel une perso nne
s'engage envers une autre moyennant une somme d'argent convenue
à l'exécution d'un fait ; louage d'ouvrage (locatio conductio
ope1·i:s) quand il s'agit d'un tra\'ail à exécuter sur une chose dont on
reçoit la tradition, louage de servi ces(locatiocondt1ctiooperan1m)
quand il y a seulement promesse c\'nn acte à accompl ir ou de
se rviC'es à rendre pendanl un te1nps déterminé.
L'objet du contrat est le même dans les deux cas, c'est toujours
l'accomplissement cl'un certain trava il. Cl semble donc que dans
les deux cas, celui qui foumit sou travail est le locato1· ou bai lleur
et celui qu i paye le sa laire est le conductor ou preneur. :\lais par
une bizarrerie, qui est le résultat d'u ne subtilité d'analyse, dans
le louage d'ouvrage , celui qui exécute le traYail est appelé
rond 11cto1· ope1·is et celui qui le l'a il fa ire locator ope1·is. Dans le
louage de services, au contraire, celui qui les fournit se nomme
locator op era1'um et le maitre est le conduct01-.
Cette interversion de noms et de rôles vient de ce que le jurisconsultes romains, pre nant pour Lype le louage de choses, ont
voul u aulanl que possible rapp rocher et as<;i1niler le lo na~es de
cho5es el d'inclus lric pnur générali::.er l'nppl irn ti on des règles
nuxquelles est :;oumb Je premier de ce::. deux contra ts .
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1i)"
Dans le louage de choses, le propriétaire locafo,. qui donne sa
chose à bail , la livre au prellem co11d11cto1· qui en devient détentem . Dans la /ocat io opuùs, le mallre se dessaisit de la chose sur
laquell e le travail doit s'exécuter. Le faiL de celle t radition est
con ·idéré comme primordial et le maître est comparé au locato1·
1·ei. Le preneur, celui qui reç:oit la cl1 ose et donne son travail ,
prend le nom cle cond11c!or.
Si nous passons maintenant au louage de services; le maitre ne
se dessaisissant d'aucu n ol.Jjet, il est impossible de le comparer au
locato1· l'ei. Il devient alors le co11d11cto1· parce qu'à l'exemple du
co11ducto1· l'ei il reçoit quelque chose en échange de l'argent qu'il
donne.
En résumé, dil :\I. Accarias, le louage d'ounage est toujours
or"anisé sur le modèle du louage de choses, mais dans la locatio
"
opuis,
l'analogie dont on tient coinpte n'est qu'à la surface et n'a
que la Yaleur cl'un accident ; ta ndis que dans la locatio operal'um
elle est tirée du fond mérne des choses; elle ressort de ce fa it
que l'obligation de l'une des parties a pour objet invariable de
l'argent. Rationnellement il eùt fallu renverser la terminologie
qu 'une consid ération tout emp irique aYait illtroduite en matière de
Locatio operis.
1l résulte de la théori e romaine que le même fait peut donner
lieu tantôt à une locatio opel'is, tan tôt à une localio operor11111.
Ainsi, par exemple, un maitre donne un esclave en apprentissage
à un ouwier: il fa it avec lui une locatio 01ie1·is ( l \. Supposons, au
contraire. que c'est un père qui veut faire instruire son fils, le
louage quï l va conleacter est une locatio 011el'ai·111i1. Il est en eiîel
i111possible de dire qu'il fa it la trad ition de son fils.
La mème distinction se prése11le ü propos des tailleurs et des
autres ouvriers. 'ils trava illent chez Je ma itre à la journée ou ü la
Làche, il y a locatio opera1·un1 . li y aurait, a11 cont ra ire, locatio
011eris clans le cas, par exempl e, ou des vèternents seraient remis
chez un taill eur.
Ces principes connus, il convient de déterminer ces caractères
généraux du louage d'indus trie. Quatre êlén1ents sont essenliéls
pour la Yalidité du contrat: le consentement des parties conlracLantes, la ca pacité de c.:ontrac.:tcr, un objet qui forme la matière rie
l'engagement el une cause licite ùa ns l'obl igation, mais en outre
le louage ne peut exister que s'il con tien t la promesse d'un prix
par l'une des deux parties.
[. -
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<.;ONSENTEi\I B::\T.
Le louage ainsi que la' enle est un contrat consensuel , il se
forme par cela seu l qu'i l ~· a eu acco rd des pa rties contractantes
sur l'objet de l'obligation et sur le prix. li n'e t besoin ni d'écrit ni
de paroles solenn elles, ni de la remise d'une chose, ni de la présence des parties (1).
C'était là dn moins l'éta t du droit avant .J ustinien . Le louage dont
probableinent à l'origine la formation était entourée comme celle
de la vente de rites et de form ules destinés à assurer plus énergiquement l'exécution cl n contrat par une sorte de consécration
religieuse, avai t dù se dégager de lJonne heure de ces formalités
et les jurisconsultes, entre autres le jurisconsulle Paul ('.?), le
représentent comme ré ultant d1 1 seu l consentement.
.Justin ien inno,·e. et si pour les \'entes que les parties ne se proposen t pas de contracter par écrit, il maintient les principes du
droit classique, par une constitution édictée au Code( loi Hi, IV,XXI)
il décille que, si les parties sont d'accord . le louage sfl·a pa&.-t\
par écrit, le contrat ne sera valable qu'au tant que l'écrit aura ét_é
rédigé et aura reçu la signature des parties, et lllème i l'on éla1t
convenu t1ue r acle serait pas é cleYant un tabellion ; qu'aulant
que celle formal iié aura été accomp lie.
Le consenternent tHmnait l\trc tacite. Cel:t 1·ésu1Le d°Lm texte de
P aul, la loi 5 Dig. De pnl'scriplis Yerbis XIX. 5. « fJ 1111m do utfacia.~
~i talc sit factum yuod loeari ~olet, 1iecu11ia data /ocatio e1·it. "
( 1) ,Ju::.t., l 11slil . I ll. /)<> r't>11sr'11'11 o/./tr/.
(1, Di;.: loi la 1( ::1, loi: crmrl. X J>... ~.
('2) l'uul. lui l , (;allls lui·~. Lli:,:. Io«. r•o11d1u 11.
>..!::-....
~
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LI) -
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IJ. -
CAPAGITK DE CONTRACTER.
Pour la capacité des parties contrnctantes, le louage ne se distingue pas des autres contrats; les pl'incipes généraux du droit lui
sont applicable ·.
Le pere de famille a le droit de promettre les sel'vices de son
m ~ comme les siens propl'es el cle stipuler un sa laire.
Le fils de famille pouvant fait·c tous les actes qui rendent sa
condition meilleure, pourrn eugage r ses sernces pour acquérir
les salaires. Mais !"action en payement de son salaire ne lui appartient pas et ce qui lui est payé entre dans les biens du paLe1·
fa111ilias.
Le fils de famille louera valablement aussi les services d'autrui
commandera des ouvrages, et proniettra des prix, mais l'ouvrie:·
qui voudra, après avoir exécuté Je travail, poursu ivre le payement de son salairn, n'aura d'action que sut' le p6cule du ms
de famille par l'action de p ec11Lio. Quant à l'époque antérieul'e à
l'inst itution des pécules, aucune action n'était ouverte contre le
fil s de famille.
L~ pupil le d ~it se pourvoir de l'autorisation de son tuteur pour
avoir la capacité de s'obliger ; à défaut cl 'autorisation , les tiers
seuls seronl engagés envers eux .
Hl. -
1 E L.\ CAUSE E'r DU J>RIX.
D~ns les contrats synalla gmatiques l'obligation de l'une des
par l~es. est la cause de l'obli gation de l'autre; dans le louage, il
~st llldtspen~ab le ~ue .la promesse d'accomplir l'ouvrage ait pour
~ause. une rc_muneralton . Celte réniunéraLion, Lo merres ùoit
1
~1npltr certames condition s délenniuée:s par des règles invartablc::-;
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1° La merces doit consister e11 argent.
La question s'était posée dans le droit classique de savoir s'il y
avait louage clans le fait d'une personne remettant sa chose à une
autre pour en user et jouir el réciproquement rece,·ant d'elle une
chose dans les mêmes cond itions.Deux voisins, disentLes l nstituLes
on t convenu que pour exécuter leurs travaux, ils se prêteront
alternativement leur bœuf pendant dix jours. De quelle action est
tenu celui qui n'exécute pas son engagement ?
Gaîus ne décidait pas la question. Au Digeste on trom·e des
textes contraires. Africain, dans la loi 35 § l loc. cond., donne
l'action locati conducti; Ulpien, dans la loi 23 comm. div. X. 3.,
et dans la loi 17 § 3. Prœscriptis verbis , accorde l'action
pt·œsc1·iptis verbis.
Justinien, par application des principes du droit, trou\'e, comme
Ulpien, qu'il n'y a pas lieu à l'action locati conducti, le prix n'étant
pas payable en argent, ni à l'action de commodat, puisque ce contrat est gratuit et comme le contrat doit s'analyser en un contrat
innommé, il donne l'action p rœscriptis verbis (1).
2° Le taux du prix doit èlre déterminé d'avance.
Le contrat serait nul si l'on convenait d'un salaire à faire fixer
par un tiers en général ; mais on peut stipuler cependant que la
fixation du prix sera remise à l'arbitrage d'un tiers désigné
d'avance. Dans ce cas Gaïus (2) et Justinien dans ses I 11stitufr.1S
décident que le louage est valab le sous cette condition : si le tiers
fait l'estimation du pri x. ile tiers ne veut ou ne peut dt!terminer
La me1·ces le contrat est nul tout comme si les parties n'avaient
jamais été d'accord sur le prix.
Qu'arrirnrait-il si deux parties, après avoir com·enu d'un tra\'ail
à exécuter, ont décidé que le pt'ix sera il débattu ultérieurement.
Les I nstitute1S, qui posent la question, donn ent l'exemple suivant :
Quelqu'un remet des vêtements à un dégrai seur pour les nettoyer et les soigner ou à un tai lleur pour les raccommoder, et cela
moyennant un salai re qui devra être fixé une fois l'ou\Tage
terminé. Y a-t-il louage dans ce cas? Il est bien certa in qu'il faut
(1) lnst. llI, XXIV De loc. cond.
(2) Dig. loi '?5 locati co11el11cti. l . X I~. 2.
�-
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se placer dans l'hypothèse oil la conventio11 est devenue un contrat
par un commencement d'exécution, car .Jusque là elle n'est point
obligatoire pour les parties; c'est un point de doctrine incontesté.
Gaïus (1) présente la question comme indécise et ne la t ranche pas.
Justinien n'admet pas clans l'espèce en question, d'assimilation avec
le louage et il accorde l1action J)l'Ct'sc1·1'ptis verbis . La loi 22, au
Di9este, de pNescripiis verbis, parail aussi rlonner la mème
action, mais les qualre derniers mols (( id est prœscriptis
i•erbis » qui suiven t ceux-ci (( i11 /acf11m da11dw11 essej1tdici11m »
ont du être ajoutés, d'après l'opinion de ~I. Accarias, par Justinien,
qui voulait donner plu s d'autorité à sa rloctl'ine. Quant à Gaîus,
suirnnt sa doctrine ~mr les contrn ls i;rnommés, il de\'ait accorder
seulernent l'action in (aclu11i dans le cas qui nous occupe.
3• Le prix enfin doit èlre sérieux.
Le prix doit représenter l'équivalen l Olt la valeur vénale du
travail exécuté. Si le prix est fictif le louage est nul conm1e louage
el ne peut valoir que comme donation et par conséquent d'après les
règles qui sont applicables l\ la donation. Cependant, par dérogation aux principes, la nécessité pra tique o.vait fait allmetlre dans
certains cas la validité d'un louage fait nummo 1mo. Le mari qui ,
le diYorce sur,·enu, vet1t fa ire à sa femme la 1 estitulion de sa dot,
qui consiste, par exemp le, dans l'usufruil d'un fonds, pomra lui
constituer nwnmo uno le louage de l'usufrnit parce qu 'il esl de
principe que l'usufruit ne peut quiller le titulaire que pou r faire
retour à la nue propriété. Mais il n'ex iste pas d'exception de ce
genre en matière de louage d'in dustrie.
IV. -
OBJET DU UONTRA'J'.
L'objet du contrat de louage d'ouvrage ou de services doit être
une certaine somme de trava il ou d'activité. Mais toute espèce de
travail ne peut pas faire l'obj el du louage d'industrie, et il importe
(1) Institutes lII, § 143.
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de déterminer le caractère des fa its susceptibles d'entrer dans un
contrat de louage.
Il faut d'abord que le fait n'a it rien de contraire aux lois et aux
bonnes mœurs. Cette règle est corn rnune à tous les contrats et ne
peut présenter de difficulté qu'en ce qui concerne la détermination
des faits qui doivent être considérés comme contrait'es aux bonnes
mœurs, cal' c'est une question d'appl'éciation pure.
Il est indispensable que l'objet du contrat soit un fait s'appliquant
ü une chose matérielle. Cette règle l'ésulte d'un texte d'Ulpien ( 1)
q11i décide qu'il n'y a pas louage dans le fait de promettre de faire
un voyage dans l'intérêt d'autrui 111oyennant une certaine somme.
Du reste, peu impol'te qu 'il s'agisse de modifier ou de transfor111e1·, 011 simple111enL de s occuper d'un o~jet corpornl; il y a louage
dam; tous les cas. Le fait de s'obliger au transport ou a la garde
d'une chose est un louage d'indu trie aussi bien que la promesse
de réparer une chose détériorée ou de faconner la matière qui
aura éLé renüse.
Comme conséquence de la règle que nous Yenons d'énoncer, on
décidait qu 'un fa it jur idique ne peut pas faire l'objet d'un louage.
L'affranchissemen t d'un esclave est au nombre de ces faits: Quod
~i tale est factum quod locw·i 11on potest, sive ut se1'v1w1 manu.
mittas, di t le jurisconsulte Paul (2). On peut encore citer la poursu ile d'un débiteur en paiem ent de sa dette . .Vam si conve11erit ut
tu a meo debito1·e Cai·thagine e:rignm, ego à tuo Romœ, ....... .
111andatum quodam modo i11terreni::1se videt111·1 sine g110 e..cigi
pecu nia aliel/o nom i11e 11011 potest (3 ).
Enfin, le fait qui fait l'objet du louage do it èlre susceptible de
·'apprécier pécuniairement. Bien que ce lle condition et la précédente paraissent cl'nne connexité complète, il faut cependant les
distinguer. El les te"Xtes nou citent le cas de J'agrimensor qui
reçoit un salaire pom procéder il Ulle mensuration, et qui, cependant, n'est pas considéré comme faisant un louage de 'en·ice t4).
Cette anomalie résu!Le du caractère sacré dont était investi J'agri(l)
(2)
(3)
(-i)
Di g. 1. 5, p. 'i. De concl. ca11~. dat. ca11s. non. sec ÀII. 4.
Dig. 1. 5 § 2. De p1·œ1:1,·1·1pt1s vcl'/m. XlX . 5.
Dig . 1, 5. § '1. De p1•œ$rripti,, i·in·bis. XIX. 5.
Dig, 1. 1, pr. si lllt'llS. /ni~. 1110<1 • XL 6.
�20 mensor. Ses fonctions étaient plutôt un service rel ig ieux qu·un
service se prètant à une estimation vénale. Son mandat, même
payé, reste toujours gratuit, par ce qu'il est de la part du mandataire, une preuve d'amitié. Ulpien s'exprime ains i, à cet éga rd :
Non credide1·unt veteres, inter talem personani locationem conductionem esse, sed magis operam bene(icii loco praebe1'i, et 1:d
quod datur ei ad renwnerandum dari et inde lwnora1·iwn appeilari.
Les t•ègles qui déterminent te caractère des faits susceptibles
d'entrer dans un contrat de louage, nous explique nt pourquoi un
grand nombre de sen·ices, ceux des p rofessions que nous appelons aujourd'hui libérales, comme ceux des a,·ocats, des médecins,
des notaires, des professeurs, ne peuvent faire l'objet d'un louage.
Le travail, dans ces diverses professions, ne s 'applique pas à
une chose corporelle, et s'il peut y avoir r émunération de la peine,
par le paiemen t d'honoraires, il est certain que le sef\'ice rendu
n'est pas appréciable en argent.
Certains commentateurs ont voulu voir dans la considération
dont les professions libérales étaient ento urées, la dislinction qu i
est faite entre l'exercice de ces professions e t le louage. L'avocat,
le médecin, le notaire, n'onl pas pour objectif le paie1nent d' un e
rémunération; leur but est plus nobl e, plus élevé, et bien qu'ils
puissent être récompensés de leurs soins par des honoraires, leur
profession conser ve toujours un caractère libéral.
« C'est à tort, dil M. Accarias, et plusieurs raisons le prouvent.
Et d'abord, il est bien connu que pendan l longtemps les professeurs et les médecins sorti rent exclu si\'ement des classes inférieures; ce furent surtout des Grecs et des afüancb is; et que sous ·
l'Empire, le barreau lui-même se recruta dans la plèbe, au moins
autant que dans le patriciat. (Juvéna l VIII, v. 47 et s.). En second
lieu, il y a des services p rofessionnels d 'un ordre tout-à-fait ''ulga ire, tels que ceux des nourrices et des libraires qui ne sont pas
non plus susceptibles d'être loués ( 1), tandis qu'un peintre, fût-il un
artiste du plus haut mérite, loue très-régulièrement les siens (2). »
(1) Dig. loi 1, § Get H De cxtr. ro9n, L. 13.
(2) Dig. loi fi, ~ 2. De prœsc. vc1·b. XI X. 5.
-
2! -
(< Enfin, ce qui est encore plus décisif, les soins du médecin et
les leçons du professeur font sa n$ difficulté l'objet d'un louage lorsque c'est un esclave qui les rec:oi t (1); et pourtant le talent de ces
personnes, pour être ainsi employé, ne perd rien de sa noblesse.»
Quoi qu'il en soit, les honorai res ne dépendent pas de Ja bonne
volonté ou de la déli catesse du mandant, et ils peuvent être réclamés en jus tice. Il n'existe pas, il est vrai, d'action spécia le, mais
on s'adresse au magistrat extraordinaire.
Par exception, les philosophes et les professeurs de droit sont
privés de toute action en paiement d'honoraires, inhoneste pehmtw·; les premiers, dit Ulpien (2), non pas que l'objet de leur
science ne soit pas aussi respectable, mais parce qu'ils doivent
avant tout faire profession de mépriser toute espèce de rémunération de leur travail; les seconds, non pas que la science du droit
ne soit Tes sanctissima, mais parce qu'elle est d'un prix inestimable, et qu'elle ne doit être mêlée à rien qui puisse la rabaisser.
Cependant le texte apporte un tempérament : ils peuvent tout au
moins dignement recevoir .
{J) Dig. loi 7, § 8. ad le9 . aquil. IX. 2 et loi 13 § 3, Lor . cond. XlX. 2.
(2) Dig. loi 1, § 5. De e..ct r. ro9r1. L. 13.
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22 -
-
CHAPITRE IT
Ci\RACTilRF.S DISTl~CTIFS DU J.OUAGE D'OU\'RAGE ET OF. SERVICES.
I. - DIST!XCTIO"' E~TRE LE 1.0 UAGE D'OUVRAGE
ET DE SER,'ICES ET LF. ll!ANDAT.
Les caractères constitutifs du louage d'ouvrage et de services
élant connus, il importe de préciser en quoi il diffè1·e de certains
contrats qui peuYent a voir avec lui des poinls d'affini Lé et de rapprochement. Prenons d'abord le mandat oü l'une des parties, co mme
dans le louage, fait quelque chose pour l'autre et met aussi son
travail au service de celle-ci.
A ne consulter que la lettre cl es textes la distinction parait facile à
établir. Les jurisconsultes s'accordent à dire que le pri x, qui est
un des éléments constitutifs du louage, et qui, au contrnire, est
essentiellement absen t du ma ndat, forme ce caractère distinctif. Il
n'y a pas plus de mandat salarié que ùe louage gratuit. Paul
ainsi• : rnandatu1n m".si gratu itu m 11 11Llum est1 in tus'exprime
•
ven1e1de pecinita, res ad locationem conduclionem 1·espicit ( l ). Les
l nstùuts de Gaïus et de Justi nien reprod uisent la mème opinion (2)
23 -
Mais cette théorie est loin d'ètre absolument exacte et surtout
loin d'être complète. , i parfois le louage et le mandat peuvent
s'appliquer aux. même faits, le domaine de ces deux contrats n'est
pas identique. Le mandat à l'encontre du louage s'applique à des
actes juridiques et à des actes qui ne s'exercent pas sur des choses
corpornll es; el l'intervention d'un salaire dans le mandat d'accompli r un acte juridique transformerait l'opération en un simple
pacte susceptible de devenir obligation à titre de contrat innomé.
Nous avons vu d'autre part que, sous le nom d'honoraires, que
les textes distinguent soigneusement de la merces, on avait fini par
reconnaitre que les services du mandataire peuvent être récompensés par une rémunération. Si 1·emune1·andi oratia honor
intervenerit e1·1t mandati actio (Ulpien) (1). C'est aussi la doctrine
de Papinien (2).
Il faut donc, pour trouver ces éléments distinctifs, se préoccuper
non seulement de la question des salaires, mais encore rechercher
si ce fait à accomplir est susceptible de faire l'objet d'un louage,et
pour cela il suffira de se rappeler les principes que nous avons
exposés précédemment. L'examen du contrat à ce double point de
vue est indispensable.
II. -
DISTINCTION ENTRB LE LOUAGB D'OUVRAGB ET DE SBRîWES
ET LA VBNTE.
Si nous passons à la vente, nous trou\·onsque le louage d'ouvrage
el de services a de grnndes analogies avec elle. Le louage, rlisent
les I nstitutes de Justinien . se rapproche de la vente et se forme
d'après les mêmes règles, car de mème que la vente est contractée
une fo is le prix convenu, de mème le louage est réputé contracté
lorsque Je salaire est ftxé; mais ers deux contrats n'ont pas le
même objet; il s'agit dans l'un de la transmission de la possession
paisible d'une chose, dans l'autre d'un travail à effectuer.
( \) Oig. loi 6 pr. Ma1td. vel ron t. XVll. 1
('2) Dig. loi 7 M<rnd. 1'<'1 f'ont. \.VII 1
( 1) Dig. loi 1. Mand. vel f'Ont. XV JT. l.
<2) Ga1u~. lnsl. III. ~ H>2 - .f usl ini,.11. Ins l. Ill, lit. XX VI. !:( 1:1.
,.
'
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:24 -
-
Cependant la question s'était posée de savoit' si le contrat devait
être réputé vente ou louage dans l'hypothèse suivante : Titius
convient avec un orfèvre que ce dernier emploiera son or à lui faire
des anneaux d'un certain poids et d'une certaine forme, et recevra,
par exemple, dix écus d'or. Y-a-t-il \'ente, louage, ou tout à la fois
vente et louage? une conlrovcrse s'était 6levée parmi Les jurisconsultes. Cassius disait que Le contrat élait complexe et contenait
à la fois vente et louage. Pornpon ius trouvait qu'il fall ai t repousser
l'idée de louage par celte cons itlé ra Lion que le maitre n'avait rien
fourni â l'orfèvre. La pensée sous une forme pl us ex.acte e t plus
précise est qu'il n'y a pas louage d'ouvrnge quand le travail s'inco rpore et s'absorbe dans une chose qui forme l'objet principal du
contrat, et que le contrat ne pourrait ètl'e considéré comme un
louage que si le travail const ituait par lui même la fourniture
principale et distincte.
Et généralement on décidait que celle <.:onvention constituait
une vente pure et simple ; il est bien diffic ile , en effet, d'apercevoir
une dif.l'érence entre un tel marché et celui qui consis te à acheter
un bijou tout façonné . C'est là la solution que donnent également
les I nstitutes deGaïus et celles de Jus tinien (1).
La question ne se présente pas toujours dans des termes a ussi
simples, et il peut a rriver que la ma tière so it fo urnie partie par le
mattre, partie par l'ouvrier. Dans ce cas il faut distinguer : si la
pa rtie principale est fournie par l'ouvrier, il y a vente, s i c'est pa r
le maitre, il y a louage. C'est ce qui résulte d'un texte de P omponius (2) : non posse ullam locationem esse ubi corpus 1'psum non
detur ab eo cui id fieret; alitu atque si ai·eam darem ubi
insulam œdificares, quoniam lune a 111e subslantia pi·ofisciscitu 1••
Il est parfois difficile de distinguer le principal de l'accessoire.
Paul (3) nous cite un cas pour lequel il donne La solution de la
question : un propriétaire charge un entrepreneur de cons trui re
un édifice s ur s on terrain , l'entrepreneur fournissant les ma tériaux, le sol est la chose principale et le contrat est un louage.
( 1) Gaïus, lfl, §Hi. - Juslinie11, Ill . li t. XX I V. ~
{'2) Dig. loi 20. De COlltl'. empt. xvm. 1.
•
(8) Oig. loi 22, ~ 2. Lornt i r·o11d 111·t i. X I i\. 2.
25 -
Superficies solo cedit, tel est le principe, telle et la raison de
décider.
Il peut arriver aussi que la matière soit fongib le el que le maitre
en transfère la propriété à l'ouvrier. Dans ce cas, le droit de propriété du maitre se transforme en un droit de créance, et l'ouvrie1·
débiteur d'un genre trava ille s ut· sa p ropre chose. On a contesté
l'existence d'un véritable louage dans cette hyrothèse; on a voulu
y voir un louage mélangé de mutuum. Cette manière d'analyser
le contrat n'est pas exacte: voir les éléments d'un mutuum, c'est
chercher une analogie à laquelle les parties n'ont pas songé.
S'il y a louage dans ce cas, que devient le principe que nous avons
vu poser, qu'il ne peut y avoir louage quand la matière est fournie
par l'ouvrier? Un texte d'Alfenus( 1) parait au premier abord la contradiction de cette théorie : rerwn locatorw11 duo genere esse, ut
aut idem redder-etw', sicuti quum vestùnenta (ulloni curanda
loca1·entur,aut ejusdem9eneris1·edde1·etur, veluti quum aJ·gentum
pusulatum /ab1·0 daretur ut vasa fierent aut au1·um ut annuli;
ex supe1·iore causa rem domini mane1·e, ex posteriore in creditum
iri. La contradiction n'est qu'apparente: bien que la chose tongil>le soit entrée da ns les b iens de l'ouvrier , le maitre la lui ayant
conférée en toute propriété, cependant comme la matière n'en a
pas moins été fo urnie, en définitive, par le mai tre, il y a louage.
On décide, par suite de la même idée, qu'il y a louage, lorsque la
chose avait été préalablement déposée par le maitre chez l'ouvrier.
Ill. -
DISTINCTION ENTRE LE LOUAGE D'OUVRAGE ET DB SERVICES
ET LES CO~ TRA TS U\NOMÉS.
Le louage peut devenir une vente lorsque l'ouvrier a fourni la
matière, de même il se transforme en un t:ontrat innomé lorsque
le salaire, au lieu d'être une somme d'argent, consiste dans une
dation, ou dans l'accomplissement d'un fait.
'1.
(1) Dig. loi :ll, \i '2. Lorat1 ron<lurt i. :-..I)... '.!.
�-
26 - -
Nous avons vu, on etreL, que l'un des éléments essentiels du
louage est un prix consistant en une somme d'argent. Sans ce prix
il ne peut y avoir de con1ratrevêlu d'une action civile, il n'y a qu' un
contrat innomé. Il est intéressont d'étudier les actions qui sont
accordées par les jurisconsulles pom assurer l'exécution des obligations résultant de ces con trats innomés.
On disti ngue trois cas qui , d'après les jurisconsultes, doi vent
donner lieu à des solutions difffrentes : dans le premier, do id
fac ias, le maitre donne à l'ouvrier quelque chose en échange du
travail qu'il attend de lui ; Jam; Je second, facio ut des, c'est
l'ou vrier qui fait d'abo1'd le travail, en considération d'une chose
que lui a promis le mattre; enfin Je trnisième cas, faào ut faci·as,
est un s imple échange de seryioes.
Le contrat do ut /'acias ne peut être un louage, le prix ne consistant pas en argent, mais il a a\'ec lui la pins g1•ande analogie, en
ce sens, que la dation du maitre précède le travail de l'ouvrier,
dont elle est la cause déterminante. Aussi Paul (1) accorde-Hl,
par assimilation avec Io louage, une action civi le. Lorsque je vous
donne, pour que vo us fassiez quelque chose pom moi, dit-il, si le
fait fait ordinairement l'ol>jel d' un Louage, comme la peinture d'un
tableau, une fois l'a1'gen t payé, il y a louage. Si j e donne autre chose
que de l'argent, ce ne sera pas un louage, mais cette convention
donne naissance, soit à une action civile lenclant à faire accorder
une indemnité, soit à une action en répétition de ce qui a été
donné. Le maitre a donc le choix enlre !'action p1'œscriptis verbis
pour obtenir des dommages-intérê ts à raison de l'inexécution du
contrat, id quod interest, el l'aclion de répétition : condictio ab rem
datair1 causa non secutn.
Paul , après a\·oir donné cette solution , en donne une toute différente, lorsque c'est le Lra"ail de l'ounicr qui précède le paiement
d'une dation en nature. Ainsi , par exemple, Titus s'oblige et est
autorisé à cultiver et a ensemencer le fonds cl'autrui sous condi' au moment
lion de perce\·oir une partie des fruits; le propriétaire,
de la récolte, refuse de laisser emporte!' les frui ts promis. Paul et
(1) Dig. loi 5. § 2, De prre,qrr. verb. XIX. 5.
(2) Dig. loi 16, ~ 1.
De prrP~rr.
1•erl1. X IX. 5.
-
27 -
Pomponins avec lui (2), refusent dans cc cas, l'action prœsc1·ipti.~
verbis. L'ouvrier devra recourir à l'action de dol contre le martre
qui veut profiter du travail sans en payer la rémunération. Quod si
faciam td des, et postea quam /eci cessa.s dare, rwlla erit civilis
actio et ideo de doto dabitur (1).
D'où vient cette différence? On l'explique par la finesse de l'esprit
d'analyse des j urisconsultes romains. Dans la formation du louage,
l'élément essentiel est pour eux la volonté du maitre de se procurer un travail ou un service. Dès que le mattre a manifesté cette
volonté, dès que le salaire a été reçu, le contrat existe, et la preu\'e
du consentement de l'ouvrier se trouve dans le fait même de cette
réception. Quant au travail de l'ouvrier, ils n'en font pas grand cas.
S'il ne s'est produit que contre la promesse expresse, ou tacite d'une
rémunération de la part du maître, c'est en raison de la violation
de l'engagement de la part clu martre que l'action de dol sera
accordée.
Raisonnablement, cette distinction est difficile à admettre. Qu'il
s'agisse de (acio id des ou de do us (acias, 1e negoti111u est toujours
le même. Et nous Yoyons, en effet, qu'à un moment donné, une
réaction s'opéra contre la théorie ancienne. Ulpien (2) accorde
l'action prœsc'r iptù; verbis pour un service dans le cas de /acio ut
des, à moins qu'on n'im pute quelque dol an défendeur, auquel cas,
l'action de dol compète également.
La loi 22, au Digeste de prœsc1·ipt?'s verbis, nous montre que la
doctrine de Paul est abandonnée, et que l'ouvrier dans la comention facio ut des à l'action p1·œscriptis verbi.-,, pour assurer l'exécution du contrat. (Galus).
Enfin, si nous examinons le cas d'un échange d'ounages ou de
services, facio ut facias, nous ne trom·ons presque plus d'analogie a\·ec le louage, puisqu'il n'y a pas de merces. pas de salaires:
c'est un simple échange. Paul est d'iwis que le contrat se rapproche plutùt d'un mandat que d'un louage, si toutefois le fait t>sl
susceptible de faire l'objet d'un mandat. Deux personnes, par
exemple, ont com·enu ensemble que l'une exigerait ce qui est dù à
(l) Dig . loi 5, ~ :l. D e pi·œsrr. vt>r/1. XI:-.... 5.
(2) Dig. loi 15. De p1·11•.«·r. rt>rb. \l\. 5.
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28 -
-
l'autre par un débiteur de Carthage, et l'autre exigerait ce qui es t
dû à la première à Rom e. Dans ce cas, Paul , après avoir indiqué
qu'il peut y avoir lieu à l'action de manda t : JV!andafom quodam
modo interve11isse t'idetur, décide qu' il vaut mieux employer
l'acti onprœscriptis ve1·bis. T 1ttius erit et in i"nsulis fab1·icandis
(si pacti s11mus tu in meo ego in foo solo œdifica1·e) et in débitoribus e..rci9endis prœsc1·iptis ve1'bis rla1·i actionem ; quœ actio similis et·it mandati quem admodum in supe1·io1·ibus casibus locationi
et emptioni (1).
29 -
CHAPITRE III
DE LA LOCATIO CONDl!CTIO OPERIS.
(1) Dig. loi 5, § 4. De prœsc1" verb. XI X. 5.
l. -
OBLI GATIONS DU CONDUCTOR OPERIS.
Nous savons que le louage d'ind us trie se d ivise en locatio conductio operis et locatio cond uctio operal' um , nous avons déterminé les caractères de ces deux contra ts, nous allons étudier
maintenant les obliga tio ns l'écipl'oques prod uites entre le locator
et le conducto1' 07>e1·is par le contrat synallagmatique qui les lie.
La première obligation clu cond uctor operis est d'exécuter
l'ouvrage dans le délai convenu.
L' ouvrier pourrait· il deman der au juge un délai pour le cas où
le temps fix é par le contrat aurait été insuffisant ? Labéon se
prononce très nettement pour l' affirmative: in ope?·is locatione
e1·at dictum ante quam diem elfici deberet, deinde, si ita factum
no11 esset quant i locato1·is intel' /uisset, lantam pecuniam conductor promiserat . E a tenus eam obligationem confrahi puto
<J tta fenus vi1· bonus de spatio tempo1·1·s œstimasset: quia id
actum appm·et esse ut eo spah·o absolve1·etur ; si 11e quo fie1'i non
possit (1). Pomponius e t Venulerus sont du mème ayis. Cette
( i ) Dig . l. 58, § 1. Loc:. cond. X.I}... '.!.
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30 -
décision est une conséquence du caradèrè de lionne foi du contrat
de louage.
Cependant la pl'olongalion de délai que le rnagislrnt a le pouvoir
de prononcer ne doit pas être assimi lée à un délai de grôce, et il
semble que l'esprit de la décision que nous a\·ons rapportée, soit
que la prolougation ne doit èlre prononcée que tout autant qu'il y
a impossibilité matérielle d'exécution dans le temps convenu.
L'obligation du co nducto1· ope1·is n'est réputée accomplie que
par l'approbation du maître. Pal' l'app,.obatio le maître reçoit
l'ouwage et reconnait qu'il est conforme à ce qni a été convenu.
Il peut aniver que pour un motif quelconque le maitre refuse son
approbation. Dans ce cas la discus-;io11 sera soumise à l'arbitrnge
d'un bonus vir. Les parties peuvent tnème désigner l'arbitre qui
sera chargé d'apprécier l'ouvrage en cas ùe désaccord. i l'arbitre
désigné ne peut cionner son aYis, Paul nous dit qu'on pourra
choisir ui1 autre arbitre. En eITel. le co11ducto1 · ope,.i'.s ne samait
ètre à la discrétion soit de l'arbitre, soit du maitre: nam (ldes bo11a
exi9it ut arbit1·ù111i tale }Jl'Ct>S/etul' quale vfro bono convenit (1).
Remarquons en passant la difl'érence qui e~isle entre l'arbilrc
désigné pom· approuver l'ouvrage et celui désigné pour la fixation
du prix, le premier peul èlre remplacé, l'intervenlion personnelle
du second est indispensable à la vali dité du contrat.
Nous
venons de dire que l'approbation du mailre déchar~e
en
.
.
0
pnnc1pe l'ouYrier de ses obligations ; il faut faire pour \'application
de cette règle une distinclion entre le tra\ ail entrepris en hluc el
celui entrepris à la mesme. Si le conduclor s'est chargé d'un
lra,·ail en bloc, sa rcsponsabililè n'est éteinte que par ta réception
~e l'ouvrage tout entier. Si, au contraire , ce t1·a,·ail lui a été donné
11 tant le pied ou la mesure, sa responsabililé sera restreinte aux
parties non mesurées (2 ).
Q~e ~écider si le maitre a payé le travail jour par jour ; sera-t-il
cons1deré ~omme l'ayant définilivemenl reçu el approuvé ou
couserve-t-il un recours si l'e11:3emble est défectueux? Javolenus
donne la solution suivante : si l'ouvrage a été donné à faire s ous la
(J) Dig. loi '24. Locati ronducti. XI}... 2.
('2) Dig. loi 36. Locati COrtducti xn~ . 2
-
:31 -
condilion que L'ouvl'ier serait tenu de justifier de sa bonté; malgré
La convention de le payer jour par jour, l'ouvrier n'en est pas moins
obligé envers le rnartre s i l'ouvrage esl vicieux. Il importe peu, en
etîet, que le salaire se donne en un seul payement ou pour chaque
portion de l'ouvrage, si l'ouvrier s'est chargé de le faire en entier.
On aura donc contre lui l'action locati si l'oU\·rage est défectueux.
Mais il il en serait autrement si on a,·ail coiwenu que Les payements se feraient ainsi pour chaque portion de l'ouvrage et que le
travail serait exécuté selon les instructions du maitre, car l'ouvrier
n'est pas censé alors avoir contracté J 'obligation pour la bonté
de l'ouvrage entier ( 1).
Il n\ a d'exception à la règle que l'approbation décharge
l'ouvrier de toute obligation el de toute responsabilité, que puur
les entrepreneurs de travaux publics. La loi 8 au code, <le Openbu.~
p11blicis déclare l'entrepreneur de constructions responsable pendant 15 ans à partir de l'achè,·emcnt de l'ouHage des ,·ices de
constructions et des matériaux.
Il arrive quelquefois que le cond ucfor ope1·is fournit une pa rtie
des matériaux sur lesquels il doit exécuter son ouvrage. Dans ce
cas il est tenu de Lt·ansférer au maitre la vacua possessio de ces
matériaux. Cette obligation est identique à celle du vendeur. Le
conductor operis est donc lenn de la garnntie en cas d'éviction et
des Yices cachés, et ce ma llre a contre lui l'action locati pour le
contraindre à rexécutio11 du contrat (2l.
Quand la cllose qui form e la matière 1ln travail a été fournie
par le maitre, le cor1d uclo1• 01ie1·is doit apporle1· à sa consel'\'alion
tous les soins d'un bon père de famille. 11 e l tenu non seulement
de son dol ou de sa faute lourde, 1nai mème de sa faute legère
considérée in abstracttim, et il ne sullirail pas qu'il eut apporté
le même soin que pour ses propres alîaires pom être à l'abri de
tout reproche ; qu'il l'audrail qu'il eùl agi comme le père tle famille
le plus diligent. C11lpa a11te111 abest si 011111ia /acta ~u111 qll(e diligen tissiows qllisq1œ obNcroatio·vs fuiss e!. On Yoit que le locato1· c~t
pllls sé,·èrcmenl traité que le dépositaire par e'emplc. Cest que le
(1) Oig. lùi 51, § 1. Lorat1 C"0>1rl11rti, \.1).. . '2
('2) Dig. loi 22 § 2 Loi:atl 1·011clt1rr1 XI:\. ~
�-
32 -
louage est un contrat a titre onéreux ; le co11d11cto1· recevant un
salaire est tenu à plus de surveillance el à de plus grands soins.
Le conductor a la faculté, à moins qu'il n'en ail été autrement
convenu, de substituer un tiers !Jo ur l'exécution du travail. Si ciâ
tocaverim ( aciendum qtwd ego cond11xe1·am constabit habere me
ex locato actionem (1). Le conducto1· operi's devient ainsi le locato1·
du sous entrepreneur. Il répond du fait de ce dernier vis à vis du
maitre co mme de ses propres fautes, sauf bien entendu son
recours contre le sous en lrepreneur.
Le conductor devra au contraire exécuter lui même le trava il
s'il lui a été donné en considération ue ses ta lents personnels.
Il. - OBLIGATIONS
DU LOCATOR OPÉlUS.
Le Locator operis doit fournir la matière de l'ouvrage. Il doit la
livrer sans retard et dans les cond itions voulues pour que le travail
de l'ouvrier ne soit par empêché ou r etardé. Si le maitre manq uait
à une de ces obliga tions il sera it passibl e cle dommages intérêts.
Le locato1' est tenu de déclarer les vices cachés ùe la ma tière
qu'il fournit. Il en répond alors même qu'il les a ignorés sauf le
cas où l'ouvrier a raison de sa profession a pu les r econnal tre.
Ulpien (2) nous cite un cas ou s'exerce cette responsabilité: si on
donne à un ouvrier une pierre pi·écieuse pour l'cnchàsser ou la
graYer, et qu'elle se brise, si l'accident est arrivé par un vice
propre de la chose, l'ouvrier ne sera pas soumis à l'aclion /ocati.
Il Y sera soumis si la pierre a élé brisée par sui te de son iO'norancc.
~ans ~e cas oü le vice aurai t étè de na ture à causer un pt~judice à
1ouv~1er, le maltre devrai t l'en indemniser et lui payer le prix du
travail.
~orsque l'ouvrage est terminé, le maitre est obligé de Je recevoir et de donner son approbatio. Nous avons vu précédemment
( I) Dig loi 18. locati conducti. X lX. 2.
('2) Dig. loi 13, § 5. Loccrti coMu.cli. XI>• . '..'.
-
:~:~
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qu ell e esl l'i111 porta nce de l'(Jpproûatio ; JJuus a •:ons Yu qu'elle liLère
le conducto1· ope ris de ses obliga tio11s, et 111el à la charge du maitre
les risques de la chose. L'ouvrier ne peul dune rester a la merci
du maitre crui r efuse systématiquement de remplir son obligation,
et peul mème le mellre en demeure. A u point de vue des risques,
la tnise en demeurn équi va ut n la réception , et du jour où elle a eu
lieu , c'est sur le maitre que pèse la responsabil ité des cas fortu its,
Noc if111"1tlil localori .si 11e1· e111// islf'IPl' lt q1tomin11s opus ad;n·obet11r
rel ad111 etiat111· (F lo1·enti1111s) rt). On voit par là que deux choses
sont nécessaires: que le tr~wai l soi t birn conditionné et que le
r e fus de receYoir soit inj uste.
Il peul arriver que l'ounicr ait intérêt à contraindre le tocator
ü rece,·oir l'ou\Tage. Il aura recours a lors ü la décision d'un bonus
vil' qui jugera eJ' req110 el bo110 et dont la cl ècision tiendra lieu de
l'approba tion comme nous l'a' ons Yu précédemment.
L'obliga lio11 p1·incipale du locato1· est le pa iement de lu 111erce.<:,
le p t·i:x de l'ounage . Comme cette somme est dans la plupart des
cas é,·aluée d'm·a nce, elle présente un certain alea et peut ètre plus
ou moins ayantageuse pour r ounier . plus ou moins onéreuse pour
le malti'e. Le droit romain ne considère pas le prix fixé comme un
fo rfa it auquel les cl eux parties doi \•ent se remettre, et il est adm is
crue le juge peut èlre saisi d'une demande en modification du prix
et pour rectifier l'erreur si elle es t trop grossière. 1 11 conducto
/i111r/o si cond11ctol' suu opeNt atiq11id 11ecessario i·el 11tilite1·
rw.,.el'if cet œd1ficave1·it cet i111stiu1e1·1/ tp11w1 irl 11011 coueenis.~er
ad 1·ecipienda quœ i111pe11di,1 e.1· <'011d11cfo c11111 do111ù10 /1111d1
,. rpe1·iri 1Jotest (2 ).
Le Hla1trn peul récla mer tle<> domrnage..;-intérèt. in id '111od
i1ite1·est si un JH ix e\.ccssif a L'té si ipuk Cette décision est in 'pi rée
s urlout par la préoccupation qu'ont cuu ks juriscon<>11lte:-; romains
de proté!-{er les mai tres cunlre les incxaclilmles des dl' \ is des
en trep reneu rs. La 111è1 11c idée a fa it admettre en nialiere des traYa u:x el marchés, ttlll' déci'iinn singulièrcrnen l peu équitable et 1rue
l'on s'expliquerai t di flk ilcrncnl . si l'on ne ~~·l\ait combien à Home
( Il Di;:. loi :lü. l 011111 .. 111d 11.r \ ! \ ':'
('! i Dig l oi~,;, l.1w11f1•011tl111r \l\ ~
..,.,
�-
Je trarnil éta it peu crn1sidéré Un propri(·laire 1;\il cu11sLruire u1:c
maison par un entreprenem sur un tlevis et mo,) en nant un prix
convenu avec l'en trepreneur donl il pa~e la moitié. Au cours des
trarnux, le propriétail'e s'aperc,:o it que la dépense prévue est
dépassée. Il fait alors ùéfense à l'architecte de conLi uuer les Lruvaux, et celui-ci ne po11rra se faire payee par Je mallre que Jes
travaux nécessail'es qui Ollt déjü élé exoculès. Si la somme avancée
dépasse le montant de ces Lra,·aux, le prn priéLairc pourra récla mer
le s urplus. Si malgré la défense, l'architec; lc continue J'ouvrage,
le maitre aura con tre lui l'aclioll /orati pour te faire cundanmer il
rendre l'excédant ùu prix 1rui res tait e11lrt.i ses mains quanù l'a\ ertissement a élé donné. Quant aHx frais crue l'entrepreneur a pu
faire pour préparer l'exéculiun de l'ensemb le ùes travaux, lfLWlll
au bénéfice qu'il était en droit d'nllemlre, il 11'c11 est pas indc11tnisé (1). Le jurisconsulte en pareille circonsta nce part de cc poinl
de vue que l'entrepreneur a du scie111me11t dissimuler une parlic
des dépenses éventuelles de l'ouvrage.
Le parement du salaire était prnbablemcnl garanli par un
privilége, ce qui permet de le penser, c'est la lui 1 au D igeste de
quibus causis pignus vel hypotec. XX 2, qui accor de un p1'(Jnus
au prèleur de deniers qu i a fourni au ma i lre de quoi payer ::ies
ouvriers ou qui les paye sur son ordl'e.
Ill. -
DES MODES
., ..
:H -
D'EXTJ~CTION DE LA LOUA'fIO OPfüU t:l
ET DES U \ S l'ORTU lTS.
Comme tous les cuntrals, le louage d'ouvrage prend lin par Lous
les modes généraux d'ex.linclion : l'accc1>lalion la novation le
,
'
mutuel ùissentimenl, la confusion cl la perle ùe la l'hose c.luc.
Mais la locatio ope1·is s'éteint encore:
1° Par l'exécution d e l'ouvrage cl L'aJJpi·oûati(),
2• Par la mort du cond ucto 1· opei-i.~.
0 ) Dig. loi 60, § 4. Lo1·m 1 1·011tl ur·t 1. \1:-.. . 2
·).)
Il en serait di!Térc 1111ucnl si lu 11wll1·c n'avait pas eu en \' UC la
capacité personnellu de l 'uu vrier et si Lou le personne poU\·ait le
remplacer.
Quanc.l le louage s'1\leiut pat· la rnort du conductor, le mallre
doit payer à ses héritiers le prix. ùes ouvrages achevés sur les
bases fix ées par le contrat. E .r col/f/ucto artionem etiam ad heredem
fransire 1Ja lam est ( t J.
La mort du locato1· la isse subsis ter le contra t.
3• Par la perle de la matière lorscruïl y a cas fortuit.
Cc rnude d'exlinclion nous amèn e ü examiner à qui. dans le
louage , incombe la responsabilité des cas fortuits avant la réception
de l' Oll\ rage.
D'u11e parl. e 1 ce qui co tH'crne les matériaux fournis par 1ou\ rie r, les ri::iques sont it sa charge si l'uuYrage 1ù1 pas éte reçu . i
l'ouvn1ge a élé reru, la pe rle est pour le maitre qui n'en ùoit pal:>
rnoi 11s le prix convenu. Lrc 111uces esl dne également pour les
ott\Tages ou portions d'onvra gl' que le maitre était en demeure de
recerni r, ü moins qu'il ne p1·ou,·e que l'ouvrage était défectueux.
Si la 111atiè1·e a été fournie par le maitre, il faut distinguer si la
111atiere est une chose fongible ou un corps certain. Nons ayons
vu en e!Tet tl'a prt!s un Lex le d'Alfen11s (2) qu'il y a louage dans les
deux c;as bien que sui rn nl la n:-i tme cl e ln chose fournie il pui sse v
;woir lr:rns mission de propriété du 111a1lre ü l'ouHier. La distinction présente un e grande imp.11·tance a11 point de m e de ri ques.
Si la ma tière est un corps cerl·1i11, les risques ùu cas fortuit sont
pour le mnltre; par ln lratl ition qu'a fa it e le mai tre. l'ou\Tier n'e t
pns ùe\'e1n propriétaire, 1·es 11e1·1't do111i110. Cependant on peut
convenir que le ro11d11rto1· prend ü <:a ('l\nrge les ca~ fortuits: cette
co1wenlion n'a rien d'illicile (;l).
~ i la clwse est fongible, les i iS!fll l'S des rns fortuits sont à la
C'lla1·ge de l'ounie r ; !'ou' l'ier est 11c,·ent1 prop1iéla irc de la matière
il esL débiteur d'un genre, et le droit de créance du tna!lre su1·,it
ù la perle llc J'ohjcl
1
( 1) llig. lni 1!1, ~ ~. f ur.,ti r11111/11r·t. \ l \ ·'
c'!) ! Hg. loi :J I. L rwnt1 r·•i11rl11r·ti. \ l \ '
(:l\ Di "' loi 'lli. L or·crti r·1011rl 111·11 \ l \ ·~
�-
3l) -
Cependant un texte d'Alfenus (l), nous fournit l"exemp le
d'une espèce dans laquelle, bien que la chose soit fongible,
le conductor est libéré de ses obligations pa r le cas fo rtuit.
Plusieurs personnes onLchal'gé du blé sur un navire sans q ue le
blé de chacun soit séparé ou distingué . Le propl'iétai re du navi re
a pris l'obliga tion de transporler ce diargern ent e11 vrac ,
sui vanl l'expression moderne , et de le rlél h-rc1· aux cha rgeurs clans
des ports divers. Il est te11u de remettre à chacun une qnanlilé
équin\lente à celle qu'il a recue, car l' intention des parties n'est
pas que chaque expéditeur reçoiYe identilfllement le blé qu'il a
chargé. La marrhanrtise n'élan l point dèlenninée, le prin cipe en
pareille matière est qu'il ne saurait y m·oir libération par ca::;
fortuil. Cependant le jmisconsulte .\.lfenus, nous donne la ùédsio11
sui\·ante. Si le propriétaire du naYire a déli\'l'é à l'un des chargeurs
le blé luL reYenant en le prenant sui· le monceau cotnn11111 , el
qu'ensuite le bateau fasse naufrage, il n'est 1·esponsable que ùans
le cas où il y a de sa faulc. Les autres chargeurs 11 e sont pas
fondés à se plaindre de ce que le premier ail rei:u so n d1arge1neut,
parce que si les marchandises chargées sont toutes du 111 èllle
genre, la propriété en passe aussilüt au pa tron du navire, en ::;o rle
que le chargeur devient créancier et que s' il a l'avantage d'avoir
rei;u son blé, on ne peul pas dirn que le co11d11ctor soi t coupable
d'une faute.
.P?t.11· nous, il nous semble qu'il n'y a vraill\ent pas dans celle
dec1s1~n un.e contracliction avec Je principe que les risqttes sont
v.o~r 1ounter, quand l'objet du louage e::;l une chose fongible Car
s i 1on veut analyser exacte1nenl l'espècc que nous avons rapportée,
les cltargeurs restent propridaires par itHlÏ\ is du chargeme11l
total. Le patro.~ d'.1 na' ire 11 'esl pas, cotn1ne le <lit le juriscon::;ulle,
devenu prvpneta1re des 111·1rch:111dises crui lui son t re11ti::;e::; cl
déliite~r d'une chose in fp.;1te1·e. Cela est s i , rai <Jlte le..; des linalai;·c::;
pouna1ent se refuser a recevoir uu blé d'un antre na\'ire. Le
patro~1 est ~hargé seu lc1nenl d'o pérer le pëtt'la gc du geenicr tle blé
c~ont JI a pri s chat·gc, el hl déli ,·1·ancc des d iverse::; parties proport1unnellement au droil de chacu n.
(1) i>i ... lui .,J. Lu trfi
r·o11tl1u·r1. '.\J.:>.. L
-
37 -
Si le corps certain fourn i par le maitre vient à périr, l'onnier
ne peut rien réclamer pour son s:\laire, la perle ùe la chose
entral11anl fatalement la résolution du contrat dont elle renù
l'exécution impossible .
li y a cependant an Digeste un texte qui se111lJle contredire cette
solution et qui a donné lieu à de nombreuses controverses.
1'1/arcius dom znn /adendam a FLacco condu..cerat, dei1ide operi8
parte e/l'ecta te1Tre motu co11c11ssiu11 el'af œdificiurn; Jlassurius
Sabinus si vi natur·ali veluti te1·1·ce 1110!u hoc acciderit , Flacci e1Jse
pu icu/11111. (Javohnus) t l ).
Certains antems s'appuient sur ce texte pour penser que le ùroit
ro111ain, mème à la suite de la perte de la chose par cas fortuit,
obligeait le maitre à rétribner le traYail ùe l'ouvrier. Ils tradui ent
alors terne motu par trernble1nent de terre. Lorsque la maison
" ient i:t périr, disen t-ils, par l'elTel d'une force majeure com111e un
tremblement de terre, les risques son t à la charge du maître, qui,
par conséquent, deYra pa)·er le salaire. II est difficile d'admettre
ce lte inlerprétation , Si le jurisconsulte les aYait eus en Yue. il les
au1·ait désignés pa r ris l/(rt11rali8, rù; divi1w. ris ma911a comn .e
le;s autres textes du D i9e1>te clans lesr1uels il en Pst question , les
lois 2'•, § 3 et 4 de c!rl1J1110 i11(ecto XXX IX 2, loi 2 § l de periculo
et commodo 1·ei ce11ditrr• X\'Ill, 6, loi 78, § 3 de cont1·ahendn
e111ptio11e XVIII, 1, loi 2\ ~li loenti co11d11cti XIX. 2. Il est ùonc
certain quïl s'agit rl'nn affaissement lie terrnin, d'un vice ùu sol
clont le maitre est nécessairen1ent re ponsable. car le droit romain
ne distingue pas entre Je \'ice du sol et celui de la matière. Et ron
ne peut en tirer celle eo11sét1uence que l'ounier ne souffrira point
cle la fu1'Cc majeure el de' ra toujours être rétribué par le 111a1tre.
>:ons tronrn11s il l'appui de nntrc solution un texte tl'Ulpi en t 2)
qui Ill' lai"s' a11cu11 tlnnle sur l t>~ conséqnenn~s du cas fortuit pour
lt' crn1d11cto1': q1111111 fJ//Ïda111
11111/ 11rt
n<·cepeNd 1·epel c1·c1
11(we aJ11issn
re.~r1·i1 1t 11111 est
11011 in1111el'ito. p1·oc111·ato1·e111 Crr•sa1·is ci/1
1j1111111 1111111e1·e 1•elie11di /i111ct11 s
si mil 1(c1· oliserNc11rl 11111 Pst.
(l) Oig-. loi 5!1. Lw·at1 ,.,,,,
Dig. lui 1;, )( ti. /.o.,,, ;
c·n
i·ect111·a 11
eo
11011 .~it. f..) 11 nd
1111·/1 \I\ ~
, 1,,. 1 \1 \
q11a111 pru
nb _L 1to11 io
.-1 11911.~to,
1·ect111•a111 1·epet1. 1·e
i11
n111Hib11s ptr~o11is
�-
3H -
Nous avons diL q11c si l'obje t dn l o11a~e est nn corps cerlain ,
c·cs t le /ocrüo1· qui i;Ouffrir:1 dl's cas f·1rl11ils. Voici cependant cc
que 1lit le jurisconsul te Florentinus ( 1): ()pus quod ave1·sio11c
locaf•11n est donec a1,1ir·obe/lt1· co11rlw·to1·i:s 1ie1·icu lo est. Q uod ve1•0
ita co11d•1cfum sit, ut in pedes mc11sura.y1·e pwostcl 111 · eale1111~
co11ductor·is J)ericulo est quale•1111<; admens10n non sil : et i11
ufraq11e causa 11ocit111•11n1 locato1·i, si pe1· e1011 .<Jteterit quoMinus
opus approbetu1· vel ad111etiat111·. Si lalile11 vi majore opus p1·ius
interciderit '}Uam app,.obarelu1· loNdoris ]Jl'r·iculo est, 11ù:i de
aliud actum sit 11011 enim amplius, 1n·œ~dari locato1·i opo1·teat
quam quod sua eu l'a atque opel'(l co11sec11tus e.<Jset.
Comment concilie\' les différnntes dispositions de cette loi, dont
le pai·agraphe premi e1· porte qu e si la chose périt pal" cas fortuit
a\•ant Ji\'raison , elle pé1·it polll' le cowl11cto1· et dont r~wa nt
dernier alinéa, dér,ide que si la chose PL'ril par force rnajeurf'
avant sa réception par le lllaitre, la perte est il la c_harge du
locator·.
On a qLlelquefois inte1·p1·été celle loi de la manière sui\·ante: la
perte est pour le conductor cruancl la chose a péri autreme11L que
par cas fortui t ; dans ce cas, la présomption de faute est contre
l'ouvrier. Au contraire, si la perte est le résnllaL d'un cas fortuit,
d'une force majeure, la régie est cell e que nous m·ons énonct'.•e, la
chose périt pour le locato1· à moins qu'elle ue soi t fongible ou
fournie par l'ounier.
Monsieur Labbé, dans son tra ité des R isq11es dans les contrat~
s.1Jnalla9111atiques, inter rrète de la manière suivante ces deux
dispositions en apparence contradictoires. En principe, les riscrues
sont à la charge de l'ouvrier comrne com;éc1ue11ce de la présomp li1m
de malfaçon qui pèse sur lni. Dès que l'ouvrier a détrnit cellr
présomption, soil en prouvant la force majeut"e, soit en clémontrant
qu'il s'ag it d'un cas fortui t qni ne peul lui être i~1putablc, l'l que
l'ouvrage élail bien conditionné, il est déchargé clc tonte n·sponsabilité: locatoris pe1·iculo est.
CeLte théorie trouve un argumen t en sa faveur dans le tex te'
( 1) Oig. loi 36. Lo,.ati f'011d11r·fi. X.I X. 2.
-
39 -
suivant de Labéon qui parait faire les mêmes distinctions (1): ,'fi
ri vu 111 quem /aciendu Ill co11d11.re1·as et (ecera8, antequam e111n
11robare.<;, labes "Or1·11m1Jit, fl1w11 peri'culwn est. P aulu.'J : ù110
s i soli 111'tio id accidit {ocat01·ù e1·1't per·iculum, si operis vitio
acciclil , tu11m er·i·, detrimentum.
Il est à remarquer que si l'ouvrier succombe à la présomption
ùe faute qui pèse .mr lui , il perdrn non seulement son travail el
les matériaux qu'il peut avoir fournis, mais il sera encore passible
de dommages-intérèts à l'égard dn maitre.
(1 ) Dig. loi 62.
lof•ati f'Q!l flUf'/ t .
XI\.. 2.
�-
1~0
-
-
CHAPITRE IV
DE LA LOCi\TIO CO\DtrCTIO OPRn:\ n U.11.
1. - OBLIGA Til'J:\S Dl' LOCATOR OPRRARl'~I.
La local io concluctio ope1·a1·11 m élan L un conl rat synallagn1atique produiL des obligations 1·éci prnques pour c liacune cl es parties
contractantes,
L'obligation principale dn locrdo1· (Jpera1·11111 est de fournir ses
services pendant le temps convenu et sui ,·ant les condit ions fixée·
par le contrat. La durée du Le mps pour lequel l'ouni er engagea it
ses services pas plus que la liberté de détcl'miner la nature des
services ne paraissent avoir été limitées en d rn it rnmai11 . On 11·n
nul souci du principe de la liberté indh iduelle, et Paul nous dit
qu'un homme libre est maitre absolu de disposer cl c ses sel'vices:
H onio liber qui statum s11u111 in pote~tate ltabet et pejore111 eu111
et meLi01·e1n face1·e potes!, ntque i'deo ope1·as sun.~ rli111·11as 11oct11rnasque locari (1).
Cependan t Papinien n'admettait 1x1s la vaJicliLé d'un engagement.
contraire à la liberté. Pote.<;{ dici non eR.<;e locum ca11tio11i 1c1·
Id -
qua111 jus libertatis i11/r(rn,r;it111· (lJ, mais ce texte ne s'applique
qu'aux testaments et aux leg . Il Yise le cas oll un testateur
\'Oudrait imposer à son successeur ries conditions qui entravent
son indépenda11cc, coinme, par exemple, de ue pas se marier, de
ne pas quitter son tombeau, mais certaine.ment Papinien n'a\·ail
pas en vue le louage.
Il doit en être ainsi certainement pendant longtemps, l'homme
libre pou,·ant faire argent de sa liberté et devenir le nexus ou
l'adclictus d'un a utre.
Plus Lard, à l'époque rles j urisconsultes, il est probable qne la
liberté fuL un bien inalié11abte contre la âisposition duquel il ne
pournit yavoircle prescription, e t que l'engagetnen t pet·pëtuel pris
par un Locator devait faire assimiler le louage :linsi formé à un
contrat fait sous conditi on potestati,·e.
Il peut arriver qu'une personne, après avoir loué ses sen·ices à
un premier maitre, tentée par l'ofît'e d'un salaire plus élevé, s'engage vis-à-vis d'un second. On tlét:ide dans ce cas quel~ droit du
premier maitre est préférable à celui du second. I n operzs dtwb11s
si111ul locatis N)llvenit pi·iori conductori ante sat?'sfie1·i (2). Quant
au second conductor privt:: du bénéGcc de son contrat, il peut par
l'ac tio11 conducti obtenir des Jommages-intérèts.
Une seconde obliga tion du locato1· opera1'11m est celle d'exécuter
le travail confonné1nent aux conventions ex prtJsses ou tacites
interYenues entre lui et le cand11cto1'. Le louage étant un contt·at
de bonne foi le juge devra recherchet· cru'elle a été l'intention
commune des parties.
L'in exécution du contra t de louage de sen·ices se ré out toujour
en do 1n mages-inlét·,; ts. li est, en effet, de prinLipe en dr0it romain
qu'on ne peut contraindre par la force son débiteur à exécuter le
fait auquel il s'est ubl igé: 11emo 11otest cogi ad /accw11. Cepen~ant
certa ins commentateurs, s'appuyant sui· un texte ùu code, la 101 t:?,
§ D, liv. VIII. 10 de redificies p1·iNüis, pensen t que dans les ~e1·11ic1·s temps de l'e1npirc 0 11 pou\'ait contraind re par de perne
corpore lles les OU\Ticrs à exécuter lenr t·uizagements. Il est
1
(1) Panl. Se11tet1lio! lili. Il . tit. :\ \'111
( 1) Dig-. loi 71. !:i ~. l>t' 1•011,/. et dt•111. ::-...::-..:-.. V. l.
('2) llig-. loi '2ti. L1w11t 1 1·,,11rl111·11. \.l \.. '!
�probable que cette loi, édictée dans un inlét•è t de police municipale et de Yoirie, n'était ap plicab le qu·a1,1xouvrie1·s en bùtitne11t.
Pourlant les ouvriers ùe l'Etat et les ouniers e1nployés à l'alimentation publique étai en t soum is à des chàtiments corpords.
i le locato1· ope1'ai·11111 est tenu de faire son travai l ayec le soin
et l'e xactitude d'un bon père de famill e, il ne répond pas en général des résultats et de la bon lé de l'ounage. Toutefois il est
possible qu'un ouvrier payé à temps s'engage à fournir un ouvl'age
déterminé. Dans ce cas c'est l'inten tion des parties qui détermine
la responsabilité de l'ouvrier. Si l'on a eu en vue seulement
l'ouvrage consommé il y a Locatio co11d11ci io opel'is, si, au con tra ire,
c'est le tra,·ail lui même qui était le but du contrat , il y a Locatio
con.d uctfo ope1·a1·11 m.
Il. - OBLIGA TIONS Dl' CO:-<DUCTOR Ol'ERARUM.
Le co11riucto1· ope1·aru m a comme première obligation de payer
le prix convenu.
Lorsque, par su ite cl'nn cas fortui t ou de force majeure, il y aura
eu impossibilité d'exécuter le teavail convenu: quels seront les
droits de l'ouvrier. Pourra-L-il réclamer son salaire comme s'il
avait fourn i ses services? Nous avons vu la question se poser à
propos du louage d'ouvrage et nous avons su que dans ce cas
l'ouwier perd tout droit à une rémunération ; en est-i l de même
dans la locatio conductio operm·1u11. Paul (1) parait décider,
comme règle générale, que l'in exéc ution du contrat par suite de
force majeure laisse subsister pour le conducto1· l'obligation de
payer la totalité des salaires : qui ope1·as suas locavit totius temJJOris nierceden acâpe1·e debet si pe1· ewu non steterit quorninus
ope1·as prœstet.
Les commentateurs qui admettent cette interprétation soutiennent que les mots : se per ewn non steterit quom1·nus operas
p rcestet ont une portée générale et visent tout à la fois le cas où
(1) Oig. loi 38. p.1. Loraticonducti. XIX. 2.
·~3
--
les sc 1· vices ont été inlcrrnmpus par un fait pro,·e1rnnt du co11d11cto1· et lïnterl'llption provr nant <1·11 11 cas fo rtuit. Le jurisconsulte
Africa nus a e1 nployé les in~mes Lei·mes, disent-ils, dans une espèce
oü il s·agissail d'un fonds dont le louage avait été résolu par une
conflscation , fait éviden1111ent de fo rce maj eure ( l) si firnd11s q1u.:m
111ihi locave1·is publicrd us sit tene1·i te acf?"one e.c co11d11cto 1d
mihi (1·ui lieeat quamvis per· te non stet qw)lninus id prœstet .
On pomrait ajouter aussi que le paragraphe premier de la loi 3~,
qui dispose, comme conséquence du principe général, que les
avocats ne sont pas obligés de rendre les honoraires qu'ils ont
reçus quand il n'a pas tenu a eux de ne pas plaider, montre bien
qnc le paragraphe précédent vise le cas de force majeure
Cependant mèrne dans ce système la loi romaine apporte un
tempérament à la rigueur du principe. Ulp ien nous dit que,
conformément il un rescrit d'Antonin, on doit retrancher du salaire
dù au locato1· tout ce qu'il aura gagné avec un autre maitre pendant le temps con\'enu pour le premier contrat (2), et il nous
indique que Papini en professait la rnè1ne doctrine : diem /11t1 cto
Legato Ccesan·s sala1·i11111 Co111itib11t1 residui temporis prrcsta11dum modo si 11011 postea co111ites cum aliis eode11 i tempo1·e /uerimt.
Cette opinion a été contestée; l'interprétation qni est donnée <le
la loi 38 a été trouvée trop rigoureuse et contraire aux principes
du louage. Les anciens commentateurs et notamment Poët disti11guent trois so:·tes de forces majeure
cel le qui incombe au
conductor, celle qui incombe au locator, et celle qui ne pèse ni
sur l'un ni sur l'autre.
On devrait restrnindre, l'application du principe énoncé par Paul,
a u cas oü l'inexécution du contrat est le résultat d'un événement
fortuit ayant une cause contingente au maitre ; par exemple, un
homme ·dont la profession est d'écrire sou la dictée a loué ses
services à quelqu'un et le maitre qui les avait pris à loyer est
mott avant l'arrivée clu terme convenu. Dans ce cas el dan ce cas
seulement l'ouvri er a dro it à son salaire intégral. Et encore avons(1) Dig. loi 33. Locati ro11cl1trfi. , I X. 2.
('.l) Dig. loi l9, §!let 10. Lornti contlucti. X IX. 2.
�-
ous rn quïl faut déduire le sa laire gagné pendant le temps
convenu, chez un autre maitrn. Quant aux héritiers du conduclor"
défunt ils pourront ex iger la dette de se rvices que dernit le locator
à moins que l'ouvrier n'ait contracté a,·ec son maitre hituitu personro. E.r: conducto actionem ad heredem transfre palam est.
Si, au contra ire, la force majeure pèse snr l'ouvrier, par exemple, s'il meurt, avant l'expi rat ion dn temps fix é, ses héritiers n.e
pourrnnt réclamer le sa lairn complet Liu temps que ce contrat avait
pré\'U.
Enfin si l'évènement ne lient au fait ni de l'un ni de l'autre,
'
comme quand le mauvais temps s'oppose à l'accomplissement du
travail , l'ouvrier ne pouna exiger de sa laires qu·a11prnrata de la
durée ou de l'importance des se rvices qu'il aura rendus.
Toutefois, Paul parait décide1· q ne si la maladie a intenompu
quelque temps le trnvail de l'ouvrier, le maitre ne devra pas tenir
com pte de cette interruption dans le paiem ent (1) : .suvfre eni111
4:.i -
11
1wbis ;11/elliguntur etia111 eo.~ qu o.~ cu1·amus Cl[Jl'OS qui cupientes
servfre propte,. adve1·sa111 valetudinem i1111Jedi'zmtu1" Il ne s'agit
pas iri de lonage, le texte vise le cas où un maitre a d it: Je donne
la liberl è à mon esclave Slichius quand il sera resté pendan t un
an l'esclave de mon héritier. ' i pendant l'année l'esc lave est
malade, cette circonstance ne fai t point obs tacle à son aITranch issement. C'est clone à tol't qu'on \'Ouclrai t étendre l'application de
ce texte au locator operai·11n1. Aucune règle cte drnit n'oblige le
maitre à conipter des salaires à ses ou\'riers pom· le temps oü ils
ont été malades.
Le conductor op e1·m·1w1 a anss i comme ob ligati on, de veiller à
la sécurité de l'ouvrier. Il doit prendre toutes les mesures et Ioules
les précautions nécessaires pou r que l'on,•1·ier ne soit pas exposé à
des dangers, et répond à ce sujet, <le sa faute légère.
11) Dig. loi '1, ~ i'>. Oe <'-tatuli/Jel'i.<. XL . 7.
Ill. -
) LODES D'EX'J'INCTION DB L A LOCATIO CONDl:CTIO OPER_\RU~I.
La locatio conductio opera1·11m s'é leint par les mode'5 gé11éra ux
d'ex tinction des obligat ions que nous avons déjà cilés, mais encore :
t· Par l'expiration du terme co1wenu .
Lorsque la location rollditctio ope1·a1·um n'aura pas été conclue
pour un temps d0Lerrniné, mais à raison d'un prix anèlé d'ava1~ce
par jour ou par sem:.i ine, elle ùurera tant qu'aucune des parties
n·ama pas manifeslé l'in tention de faire cesser le conlrat. Ici le
mode d'extinction résnltera de la si1nple volonté de l'une lles
parties.
2· Par l'incapacité phyRique ou i11lellectuelle de l'oU\Tier.
Si lïmpossibi lilé d'exécution résu ltait de la faute de rune <les
parties, les obl igations nées du Jonage se résoudraient en domma ges in térêts que supportera il la partie responsable de lïnexécution.
3° Par la mort du Locato1· operai·11m.
Ce cas n'est au tre cl1ose qu'nn cas d'impossi bilité d'exécLJtion,
par force majeure. Cependant, s' il résulta it des ter mes du contrat,
que le fait pounait ètre exécuté par cliverses personnes,. et tiu.e
ce mode d'extinction dennit être ëcarlé, le louage subs1stera1t
malgré la mort du !oC'alor ope1·aru111.
4° Par la mort cln co11r111ctor opeNn·11m. lorsque l'engagement :\
été <.:ontraclé a\·ec lui i11tuit•1 J1e1·sonre.
�-
CHAPITH8 V
i\CTIOl\S .
4ï - -
Dans la procéd u re form ula ire, le mag istrat renvo ie les parties
devant unjude.c ou a rbill'e, en délenninan l la question àjuger.
Si la formul e es t conçue i,, jus, le juge n'a qu'un pouvoir d 'apprécia tion limité, e t qu'une ques tion de droit à r ésoudre d'après le
ri goris m e du droit civil el la lcllre du contrat. Il ne fa ud rait pas
cep endant a ller jusqu'à dire que le juge n·a pas à s 'occuper de la
bonne foi. Il pourra tenir compte de l'intention des parties, et s i ceLLe
intention n'es t pas nette, s'éclairer des usages de la localité. Mais
cette recherch e d e l'intention des parlies, ne pou rra ètre faite qu'en
examinant le fait s olennel qu i a donné lieu au con trat, e t les circonstances accessoir~s de la cau::;e ne peU\·ent modifie r la rig ueur
de la sentence.
Lors qu'au con traire, le magistl'llt ajoute ü lïntentio de la formule les wo ts e.1· hona (ide, le juge esL Ïtl\'esli d'un pournir
plus large, il dena décider d'après les régies du droit, mais il
peut avoir égard a des cons id ér a ti ons cl\~quité et se baser s ur ùe::;
circonstances accessoires pour ré primer le dol ou la rnau\'a ise fo i.
Toutes les acli ons rrui résullenl du contra t de louage de services
reçoive nt de droit l'adj onclÎOll des m ols e.1: bona fid e, OU d'autres
analogues.
Voici q uelles so nt les conséquences de ce car actère d'actions cle
b onnP. foi . L e juge p ourra se g uider d'ap rès l'usage ou la coutume,
p our détemüner les clroits respectifs des parties dans te cas oü
une convention ex presse ne serait pas intervenue entre elles:
Il nous resle a examiner les moyens que la loi met a u ser vice des
parties pour la mise en Yig ueur des droits qui découlen t <lu contrat de louage d'ouvrage e l de se rvices, et la sanction des obligations qui en résultent.
Ces moye ns so nt différents s u iva nt les é poques où nous nous
plaçons, ma is dans toutes les périodes de la procédure romain e,
nou Yo yons les obligations nées d u louage , appréciées e.v bo11a
(ide.
Sous le système des actions de la lo i, c'est selon l'éqnité e t la
bonne foi q ue dernient être a ppréciées lf's clauses du louage, cl
les parties a uront recours à l'aclion de la lo i 1i e1· judicis p o.<ttulalione111, po ur obtenir l'exécution du contrat. Le jude;r ou l'ai·bife1·
chargé de décider sur les prétentions des parlics, ne prendra pas
comme règ le les principes du dro it s tric t , il juge ra e:r requo et
Le juge, ayant p lein pournir d'apprécier s i un dol a été commis
par l'un e des parties, e t d'en tenir compte, il n'est pas néces-aire
que -l'exce p tion doli 111ali soit insér ée dans la form ul e judiciu111
bono.
bonœ fidei continet in se boni mali e:cceptionem .
Sous l'empi re du système formu laire, le louage donne lieu ü
deux ac lions, l'action locati et l'action conduct i, s ui va nt que c'est
l'un e ou l'autre des p a1·ties qui en poursuit l'exécution . Ces clenx
actions sont tou tes deu x des a ct ions de bonne foi , c'est-à-dire
qu'ell es la issent auj11de:r la la titude cles la tu er s uivan t des cons idérations d'équité. e t non s ui,•ant les principes r igonreux du droit
civ il ou le::; te rmes prëcb de la conYenlion.
11 n 'est pas nécessaire, pour fai re va.loir la compensation ,
d'opposer l'exception doli niah; le juge devra la prononcer d'o!lice
pout' les obliga tions réciproques provenant e.r eade111 cl1u1:1a: jud ici
compensatio11is 1·atio11e111 habe1·e ;01·11wlre ve1·bis p1·œc1)1it11r: :<ed
ea quo' su11t 11w1·is et co111:1uetudi11is in bonœ /idei judiciis debe11t
venire ( l ).
qu id i11 bonœ fideijudicio conce11ien<> viclet111·, id o/ficio ejus co11ti11eri c1·editur.
(1) Dig. loi 31, t(
·w. :-...::-..!. l. L>i: rt•cli/a. erlid.
�-
49
'i8 -
Du caractère de bon ne foi de l'aclion, ré:m lle l'insertion d'u11e
form ule i11 re/'f(T, el pat· s uite, le demandeur n'encomt p as la p lus
petit io i sa demande est exagérée.
L'obl igation pour le juge de te ni r comple ù11 dol e t d'avoir
éga rd a ux considérations d'équi lé, entraine comme con séquence
la val idité des pacles adjoints, c'est-à-d ire des comeutions accessoires du louage. Le pacte adjoint, qu'il ai t pour effet de rnoclifl r, r,
ù'augmente1· ou cle diminuer les obligalious des pa rties, est sanctionné par les actions mèrne du louage . Pc1cta co11ve11ta bonœ (i.dei
j11diciis immnt {l ), une restriction est cependant appor tée à ce
principe, et les parties ne doivent pas porter atteinte aux élémen ts
e sentiels du louage, 011 ne peul pas co1wen ir, par exemple, que le
maitre ne payera pas de sala ire. Les pa ctes doi,·en t ètre ajoutés a u
contrat au moment de sa forma tion, in continenti. Quant ü ceux
qui, faits après coup, e:c i nfen·allo, doivent interven ir avan t que
l'exécution du conlrnt n'ait commencé, 1·e non secuta, 11 faut distingue 1· entre les pactes qui mocli l1en t une partie essentielle du
contrat ,pacta cfrca -~·ubsta n tia, et ceu x qu l n'ont Lra i t qu'à une chose
accidentelle, pac/a ci1·ca ad111i11icula, telle serai t nne abrév iation
ou une prolongation de délai, convenue après coup . Les premie rs
sont cons idérés comme une véri table clause du contra t lui-même
ayanl la même effi ca cité, les aulres fournissent une exception au
débiteur.
En ce qui concerne les intérêts, ils cou rent à partir de la mise en
de111eure e t sont ajoutés au prinripal de la de lle : i11 bonœ fidei
contractib11s e.r nw1·a usw·œ debt>nl111· (2).
Le demandeul'. dans les actions de bonne foi, pourra, avec la
permission du juge, déférer le serment au défendeur : in bonœ
fidei judiciis in litem j11ral11J' (3). Le j11ra111enlw1 1 in litem ne
sera déféré qu'exceptionne\lement da ns les acti ons de droit s lri ct.
Enfin, c'est au 1nomenl de la re.s j11dicata que le juge do it se
placer pour évaluer le mon La nt de la condanmalion , tandis que
1lans les aclions de droit str ict, cette évaluation do it se reporter
)
a~ moment de la liti:s contestatio: reijuclicandœ tempus quarift 1·e.s
1:1tL obse1 ·vatv1· qua//lvi1S i11 ~fri"cli tit i.~ co11testatœ tempu1:1 specte-
tur (1).
Nous avons vu qu' il peut y avoir cloute s ur la qualité des conLractanLs, que s ui vant les c irconstances l'une des deux parties doil ètre
consiùérée ta ntôt co mm e locato1" ta ntôt comme coaductor'. Comme
du choix de l'ac tion ùépcn<l l'issue clu procès, au point de vue
ml}me du droit <.lu dema ndeur, l'appréciation de la qualité du
demandem a une grande importance. En cas de doute, Ulpien el
Papinie n conseillent au deman deur, s' il hésite entre les actions
locati et. cond11cti, et cra int que sun opinion ne soit pas partarrée
0
par 1e Juge, d'ag ir par l'actio n ci\·ilc in /act11111 ou p1·œ1:1criptis
ve1·bis, c'est-à-ùire par l'action qui $C borne à ex poser le fail ou
la convention (2) (3).
Sous Jus tinieu , la co911it io e.f't1·ao1·dinm·ia devi nt le système le
plus géné ralement e mployé . Dès lors, le magistrat, ayant tuul à la
fois le ju1S e t le judiciu111, il n'y cùt J>lus le mèrne intérêt à. disting uer les actions bo11re /ide1 e l les actions 1:1fricti j1ais.
(1) Dig. loi :J, ;:i '2. Co11111wdati v<'i conl 1·a. >. llI. li.
('2) Dig. loi l , § J. De p1'11•sc1·iptis cerbi.<. X.fa. S.
(3) Dig. loi 7,;:; 2. De pacf i<'. 11. 14.
(1) llig. loi î , ~ 5 el .'>L /Je pwtù<. I l. H .
{'2) Dig. loi :J2. §2. De ail11l'is. >-X I I. 1.
f:l) l>ig. loi 5. p. 2 et~ 4. De Ji11•1• .it11 ·1111d1,. ).Il. ·2.
4
�Dl:\OIT FRANÇAIS
�DROIT FRANÇAIS
DES OBLIGATIONS ET DE LA RESPONSABILITt
DES COMPAGNIES DE CHEMIN DE FER
EN MATIÈRE DE TRANSPORT DE MARCHANDISES
INTRODUCTION
l. - nm:; A '\'CTR'\'S :\IODES nE TRANSPORT
C'est un principe élémentaire cféconom ie p olitique que la Yalem
f' n éc liangr <l'tm objet esl rsscnlicllement relatirn, qu'l!llC :i.u~
mrnlc en raison clircrtc de la clcman<lc cl en ra ison inn~rsc de
l'ofTrc cl qu'elle dépend exactement de la quantité qui en exislesur
le marché.
Le p rodncte11rrpli, pour donner h sa march:mdisc son maximum
<k valrur, Ye ul la placer dans le lieu où clic sera le plu demanilt'c.
le consomma teur qui, pour oulcn ir :nrx plus bas prix possible lè.::
produits <111i lui sonl ni·ccssaires, 1lnit ~·adresser a u:-. stocks di..;p1)11ihlcs, Lo11s ont 11' plus grand i11lt1rd i\ ln rac ilil1; dl.'s Lr:i.11sporl .
J .c commerce, rel l'rl1:in~1' P•' rJH' LtH~I tk pro1htils cl'homnw :1
llnm nw. de na tion ;, 11:1lio11, a d1H\r pou r h:isr première. la l'i1·culaliun ; cl l'indus trie des transports 1'sl nnc de celles qui ren1knt
k s plus :.t1·nn1h-; SN\'ÎC'1's :'\ l l m111anil(·
�-MEl cependant, qucll r difîicttlll; ponr faire accep ter même par Ir
peuple , le pre mier inl1;rrsst', les progTè-> et le p erfectionncmcnt.
An 111oyen-ùge. des rnntcs d1lfo11cées e l p e u sù l'es sont les
seules Yoies de communirn linn , el le dos des bètes ch' so m me le
seul moyen de trnns port.
C'est se ulement dans le :\li!' s ièc le q u'on Yoil apparailrr le:;,
pre mières yoitures faisa nt de longs trajets. Cc son t les coehes des
inessage rs chargés <lu tl'am;port des h ardes et effe ts appar tenant
m1x escoliet·s d es ùive n;rs provinces ve nus il P aris pour étudier.
Par la suite, ces messager~ curent licen ce de LraYailler pour les
b ourgeois, e t Je privilége de l'uni\·crsilé fut con sacré pa1· des
o rùonnances royales. Le premier ti tre r ela tif à ces 111essageries
primiti,·es é m a né de Phi lippe le Be l, remonte à l'a nn ée t 2HO. En
1315 éta it ins tituée la con fré rie des messagers a\·ec approba tion
ro~·al e par Lo uis le IIutin.
Louis XI , voul an t r éunir e t con1enlrer d::ms sa main toutes les
forces dispersées de la royauté, c réa cl0!1niliYemenl les pos tes el
message1·ies par un éd it du I !) jui11 141H.
l\lais ces services (•la ient L'l'sen·Gs au ro i, il ses officiers, se<;
ambassadeurs ou ses délégués, on a ux p a rti cnliers qui ob te naient
la permission d'eu fait·c usage, cl le reste de la nation deYail toujourn aYoir recours aux YOi llll'es de l'uniYcrsité.
pressé par ùes besoins d'argent, refttsa de recon11a il1'C
Henri
~ l'nni\·e rsité le drnil ù1~ rness:i:.;erie, ;, 11wi11s c1u'elle nrprilel pa):'tt
licence, e l concéda ü nn de ses 111ig11011s le pri\'Hége du se\'\· ice des
Yoitures publiques entre Paris, Orléa ns , Tl'O yes, Runcn ri
Beauvais.
Sou<; l' inspiration de Sul ly, lh'11 ri 1\' institua un surintend:rnt
des carr osses publics pour o rgan iser des comlllunicalinns cnt1·e Il'"
différe ntes p ar ties de la Fr:uwe cl le P a rt e 111e nl s·ocrupa mè rn c de
fi xer le prix des plar,cs.
En 167G, Louis XTV o rclnnnn Ir racl1al de diYerses concessions
de m essageries faites j11squ'a lo1·s c l réunil il la fe rm e d es postes
le monopo le d es nicssagcriC's q u i clc\'ir11ucnt les messageries
roya les.
m.
U11 siècle ap1·i~s. sou~ l'i 11s pirali o11 clr Tn r~ot, 111 1 an1·I d11
conseil du î aoùl 1iî:l , r1'·1111iss:ii l rlll do11winr les c·1111ccssio11s p1·t'·-
céclemmen t faites, Mrlonnail le rachat ri e tous les baux, et créait
un service de voitures uniformes pom tout le royaume. Les messarreries r oyales sïnsla ll èrent me '\. - D.-des-Victoires. Les dili.
"'
ge11ces, les turgoti nes comme on les appelai t a lors, faisa ient un
service rég ulier l)arlant à jou rs el ü heures fixes et transportaient
\'nyage urs, üagages e t ma rchandises m oyennant des prix fixés par
arrê t du conseil dn r oi. li fut, e n C'onséquence interdit aux services
particul iers de m essageries de tra n-;porter sans une autor isation
du gouverne me nt les ,·oyageurs s ur toutes les rou tes oü fonctionnai t le serYice des rnessageries royales.
L es tnrgotines furent en gént'.·ral accueillies avec reconnaissance
par Je public : le seul reproche qui leur fut adressé fnt qu'elles
encourageaient l'athéïsrnc. En cfTel, dans les anciens cahiers des
charges etait insi:rile 1 obli gation. pour les YOi turiers, de donner
aux voyageurs la possibilité d'entendre la messe; et l'activité du
nou\'eau sen·ice n'a\'ait pas permis de maintenir celte clause.
i\ifalgré le progt·ès énonne réalisé par l'apparition de ces me sageries, certaines provinces n'en avaient pas apprécié l'importance c l l'ulililé, el l'on vo it dans bien des « cahiers » des états
généraux formu lé le vœu qu'on suppri111e le priùlége des messageries el qu'on Jiminue le no1nb r e des grandes roules. terres
enlevéesü l'agrirullnre.
i\Ialgré l'erreur econom ique ùe celle idée, il est certain que le
monopole de l\;tal. excellent au ùébut, <wait fini par soule\'er de
nombreuses réclamations
La loi des 2G- 29 aeoùl lï90. Yient abolir le d1·oit de permis et
rentlre aux partil'nlicrs le droit <l'entreprendre des tr::rnsport::; de
marchandises et <le ,.o,ageurs. La -;cule restriction apportée à la
liberté des transports élai t l'obli:.talion d'en faire la ùeclaralil)ll il
la municipalité dans les huil premiers jonrs de l'an et la défense
cl'a n11o nce1 les départs ü jonr et il henre fixes el d'établir lies
relais. Les a utl'es pri\'ilégcs de l'ëtnt étaient maintenus et il était
étab li une ferme générale des messageries pour l'exploitation dn
monopole.
La regic des incssagerics ftit snpp1·imée par la loi du 9 Vemlé
miaire, an VI, qui dé\'icla CJLÙl partir du l" niyù::;e sni\'ant, serait
seulewent p e1\·n, au prollt tlu Tn'sM public, un irnpùt du dixième
1\ n pri'\ des pla0t-'S d:rns ll•s lll!'"""~erir-.; partinilière~.
�-
En l'an XIII, d'après un décret <ln :IO fl oréal, toute no11vcll c
nntreprisc de messageries, cl ul se pourvoir au préa lab le de l'anlorisa tion dn gouYcrncrncn t
C'esl à cette époque que se fondèrent les message! ies qui, suivant la couleur de la politique, fu rent tour à tour roya les, nationales, impériales. E lles étab lirent un systèm e presque complet <IC'
commun ications entre Paris cl les diffél'cntes vill es de France cl
fon ctionnèrent aYCC un snr.cl\S CJt1r ln construr tiou des chemins rle
fer rlcvnit seule arrêter
II. - DH:'I <'llHMl:\S nr.: llHR
La France fül très-lent e i1 adopter ee 11011\·ca11 mode de locomotion: clic en était encore aux lùlonncmc11ts et anx hésilalions
r1uc cléjà l'Ang lelerrc et la Be lg ique rons lniisa ienl en hùte et parloul des voies ferrées.
Le p remier essai fü t l'ccuvrc de ln Colllpn g nic de Saint-Etienne à
Lyon, dirigée a lol's par M. Seguin , in ve nt eur de la chaudière tubulaire D'nbord desti n(· sculr mcnt nt1 transport ries c harbons et clrs
houilles, cc chem in de fer fut hicnlM transforn1é ponr srn·ir an
transport <les yoyageurs c l <les 111nrrhan<l isrs d ré nssit ad mirn-
h le mcnl
:\fais la nouvelle inveutioti, ind<· pc11da111tnc11 t cle la rés i~lan cc ri
de l'oppositinn <rn'ell e dcY:lil fa tale1nen l 1·e11contrcr parrni les
propriétaires rlc carreau x ou les enlrcp1·e nc11rs rie tran sporl , dans
lïndns lric ctcsqnels l'lh· apporlnil ltn lronblr profond, lrml\'nil
dans Ja chambre drs l'<'JWésc nt anl s d11 pnys ttn<' incompré hrnsihlc hosti lité.
Tn11di s qu'en Angletcri·c. il' ri 1er du 111i1iis ll: 1·c' ang lnis prcnail 1:1
parnle dans un lllCC' ling pou!' cl t" 111011lrr rq11 c· k pa)stlevail se 111\lPr
cl r ci rnslrni re des C"ltcmins ci l' ft•r r l t'·lah lir des ru mmunicnlions :1
ln vapcnr d 'un h onl à l'a11lrr du roya1 1111r, 11our conse r ver dans le
tn1HHl!' son rang et sa s upc'·l'inrilt'· , <' tt Franc<', ln Cha m!Jrc. npn"s
:ivoir nrror<ll' l'nnnrr pr1"r<' rl <'nl t' ;ino,ono f'ra11 rs ponr 1"t 11<1rs l'I
<'Xéculions de chemins dl' 1'1 •r , rl'l11 s;1il, Il' î 111;1i 1 ~:~~. de' volt•r
1
57 -
l 'établissemenl1'111médiat drs lignes de chemins de fer 'lue récla maient certains députés que l'on traitait clc témér aires
La même année, un homme <l'èlal fran çais déclarait que l es
r llemi ns de fer étaient bons à amuser les cl ésœuvrés rl\mc tapi t.ale
cl ajou tait : << il faut voir la 1·fo/i/é car, mèrne en ;o;upposan.t heancoup de succès aux che mi ns de fe r, le résultat ne serait pas cr
que l'on a\'ail espéré. ~i 011 venail rn 'assurer qu'en France on fera
cinq lieues de voie ferrée pa1· :innée, je 111e tiendrais pour fort
heureux. »
Le résultai de ve système rut rru\!11 l83ti, il \. a\'ait eu Fraucc
'142 kil. tle chemins <le fer en exploitntion , lanrli" que l'Angleterrr
en possédait 3,ü!i6.
Cependant l'indus lric )ll'ivéc de\'an<,:a le gouYernernent. Un
chemin de fer, autorisé pa r la loi <lu 9 jnin 1835, fut construit de
Paris à Saint-Germain et appril au:-.. Français que la tra\'Crsée
d'un tunnel n 'étai l pa<; nfress::i irement mortelle.
L'opinion pub li que finit par s'<~ rnou\'oir, les j ournaux, les industriels, les in génicut's eommencèr cnt à demander que la France se
mil enfin il cons truire, co rn me l'Angleterre, des \'Oies de con1111un1 cat.ion pour les tran s porlsil vape11r. « Al11rs, di t :\1. i\Jicl1el Chevalier, la honte d'dre ù la quPue de l'Europe, nous saisit à la gor~c>,
le pays s'impatienll' et fo1·ce le gnm·ernemenl il sortir de son
inac tion. 11 L e go uYernemenl pri t alors l ïn i t i atiq~ et lit cleposer Ir
13 févri er 1838, un projet de loi antnr isant la création de sPpt
lignes princi pales, relianl Paris ü la fnmlière belge. au lla\TC, a
:-.1antcs, à Bayo1J ne, ;1 T oulouse, il ~Iar eille par L\ on et il ::-itra.;;hourg pa r Nanc~, el de <leu:-.. lignes sccortllaire_, l'une de:\larseilll
ù Toulouse cl Horrlèaux, l'at1Lre de L~ 1111 ·1 He.;;.'\111,;on
L es cliscussions cnmrn encèrcnt 11011 plus s ur J'utitilt; dl's chemins rie fer, mais sur la 111alière et le de~1·é tl'intpn·e1lli1)n 1k
l'Etat dans le11r com;lrnction el km t"q1loita l io11 I.1's intl-1·1\ls
menacés ~'agi tèrent , la chan1l>1L' lt1l efTray('t' du p1oiel gra11d111st•
snr leqnel elle a\'ait vo lt~ el l'enscrnb lc 1k la loi fui l'L'ponss0 pat
19li ' ' oix con trr G\l ravi-il t8:l8.;
On dnt se borner il 1ks co 11ce:-;sio t1 s particuli\·rcs, des li~lh's, ou
pl ulùl des Ll\tes ùc lignes fttrent cont•étlét'~. mais l'n'l\\Tl' 1lcmcn1 a
incompll'le l'i incollérenlt•
�-
:i8 -
En 1812 le GonYcrnemenl s(' décirfa ;1 rcprenrlrl' l'appliralion
des i<ll'cs abandonnées depuis quatre :rns. Reslail à li111iler le l'CilC'
de l'Etat en présence ùes deux systèmes opposés, l'nn voulant
conlîer à l'industl'ie pt'iYéc la co11s truclion ùu réseau projeté ,
l'autre voulan l le l'éservc1· à !'Etal.
La loi du 11 juin 1812., qni est en quelque sorte le Code des rhe111ins de fer français, fùt une transaction entre les cr eux systèmes.
L'Etat d~vait se chnrger iles lrnvaux d'art el de tenasse111ent el
payer un tiers dn prix des terrains, les <!eux autres tiers restant à la charge des départem ents cl des eommunes.
L'exploitation des lignes devait èlre clonl1l··e it bail ü des co1npagnies obligées de fa ire ;1 leurs frai s la pose des rails, la fourniture
du matt~ riel et de pour\'oir à l'en lrelie11 et à la réparation du chemin et du matériel.
Un cahier des charges cle' ait régler les rapports de l'Etat aYec
les Compagnies concessionnaires, la clurt•e du bail, et le tarif des
droits h percernir. A l'expiration <lu Lern1c lix(·, l'Etat deYait re mbourser aux Compagnies la ' a leur de la Yoie cl du lllatériel à des
prix à établir par experts.
Le Gournrnement a cependant la fa culté de concéder la construction de c~rtaines lignes, en lotalilé ot1 <
· n pa rtie, à l'industrie
pri,·ée, en vertu des lois spécia les, e t les Compagnies ont fini par
se charger de tous les frais cl arq11isition, de terrains cl d'établi·sc111 ent de la Yuie fetT1;c. Dans qt1e lrp1es circo11slanccs, l'Etat s'est
ltlè1ne fait rembourser par les Conlpagnies concessionnaires, les
rlèpenses donl il :\\'ait fait J'a,·ance en vertu de la lei de 1 8~2.
C'rst seul ement pour quelques ligne-; secondaires que le Gon\'cr1H'ment s·engag<' it ro1wonrir il lïnslallalio11 de la ,·oie dans les
proportions fi xées par ce lle loi. La n"glc généra le aujomcl'hui est
que les Compagnies soient s ubstituées it l'Etat pom toutes les
dépenses.
De puis 1842, la conslrnclion des vo ies ferrées n pris des propcwtions que l'un n'aurait osé esp(·rrr, toutes les pré\·is ions ont t\t~
dépassées; la cous trn clion dc>s l ignc's cln grn nrl résea11 é ta it évaJwlc
PO 18:lR a 800 111i!liOllS. les dépCll SCS d'inslalla tiOll clos lignes
exploitées se sout élev(•es à plus clt' huit milliards.
Un a:.{iotage efTréné viul a l'origine clonncl' u11 pui ssa nt t•ssor i1
l'inrlusti·ip nom·Pll e
1
!')9 -
Les Compagnies qni se constituaient il un capital quelconqu<>.
émettaient des nclio ns dont la spéculation s'emparait pour lin•1·
profil des fluctuations do cours ffn'elle prornquait e lle-mc11w. On
jouait sur les promesses ü'actions: la Bourse était devenue la succm·sale de la rue Quinca1upoix. Tousceuxqui a,·aien t une influence
quelconque l'emplo)ait ü ob ten il' des concessions 11ou\·elles, et les
capi taux aflluaienl. Aussi co111menra-t-011 il construire les ,·oies
fenées avec antan! de lièvre qu'on avait mis de lenteur jadis ü
accepter.
Le résulta t de cette activité fut rie doter la France de nombreuses lignes et aujourd'hui elle possède plus de 28,000 kil. de voies
ferrées.
La fortune des Compagn ies de chemins de fer n'a pas été sans
t1·avcrser des moments diffici les, leur crédit, un moment ébranlé
en 1848, ne fut définiti ,·erncnt assis que dans les premières années
de l'ewpire.
Le Gouvernement songea a lors a réorganiser les Compagnies
en les fusionnant pour former de grands réseaux. La nou,·rlle organisation en rliminuant les l"ra.is d'e-.:ploitation et en donnan t aux
Compagnies nouvelles clc plus puissants moyens d'action, de\ ait
permettre ü !'Ela l cl'a bord d 'uni lier les tarifs mais aussi dïmposer
aux. Co1npagnies, comn1e cond ition Je son approbation. des traités
dr fusion et de cession: et de la snppt'ession cle toute concurrence.
la c.:onstrnction des prt iles lignes secondaires. Bien ùes localités
ont pu êll'C' ainsi dessen·ies par des \'Oie.:; ferrées clunt l'entrepI ÏSL'
nurai t été trop coùleuse el trop peu prudnctiYe pour être an eptée
par ti cs Compagnies isolées.
Le p rojet a ré11ssi el de ~rands ré<>eaux se sont fortnL~c;. ronstruil<>
cl l'Xploités p.i r de ~ r:rndes l'Olllpagnies tJni exécutent le programme d11 GoU\·erne rnc11l.
Ill. -
Dt
R \\.,'li \T D E~ CIIF.\11'\S DE FER.
En l877 , t:rnd is C(llt' proc;p(·rai1•11t IL'S grandes CL1mpa~nies . di'
Corn pagnit'S tir l'ln>t11i11s ti c ft'r S('l'll1l dai1·es, soit 1lïnt t.>n~ l ~t'.-11érnl,
�-
60 -
.:;o it d'intérêt loca l, St' trmwa icnt en détresse, les unes é la iPnl
tombées en fa illite, les aut res ne pou\'aient ach ever la cons tructi on
des lignes concédées d'a u tres enfin pa rve na ient à pe ine il con\' rir
les fra is cl'cxploita lion avec leurs re,·e11 us.
Le Gouvernement du t se préocc uper de p1·é,·enir une in terruption de ser,·ice. Une pre m ière cou\'e ntion passée a ,·ec la Compagnie rl 'Orleans pour les lignes ctu S11 d- Onest ne fut pas ra tifiée
pa 1· la Cha mbre. De n nu n' l l e~ 11égocia t ions n'ahonlirent pas cl la
l1)i du 18 ma i 18î8 opéra le rachat 11<' :>,li 1 ~'k il omè tres a pparl<• na nt
aux Co1npagn ies en détresse l'l l'l 1n rg-Pa Je m inis trr des Tr:na n~
pub lics d'en assure r l'cx ploita lio11 .
Au point de vue con11 nercia l, l' Etat esl soumis à la mème r esponsabil ité que les Compagnie.:; concessionna ires. L'E tat n'a 1>oint
ic i cette liberté absolue qu' il s'esl ar rogée rlans le service des
Postcset des Télégra phes l'art icle '!2 ue la loi du 13juillet 1845 a
<lis posé que l'Eta t, si 11' cli emi 11 de fo r est cxpl oilè à ses l'rn is et
pour :;on compte, est responsabh' eu,·crs les particul iers du dommage causé p a r les a<lmiu istra tcm s, d irectems ou employés il nn
filrc que lconque.; en oulre le décret rlu 2;, 111ai 18ï 8, qu i organisr
le fonct ionn ement du résea11 rncheLé, n ùécid é que l'ex ploitation
scr nil régie par l<' ca hi er di>s charges des che111ins de fe r d 'inl(•rêt
généra l concédé par la loi du t• décembre 18/.).
L'exp loitntion cles C' lt em ins de fe r tl l' l'E tat n'a été organisée qu'it
f ilrc p rov isoire, le Lex te 111è1 ne d e la loi ra presc rit. Ma is, s i il cettr
i'poque, l'Eta t, en \'uc· cl"aclll'vcr la 1·nns ln wtion dn septi ème g rand
réseau que des ci1·co11sla nces malheureuses avaien t rend u matf>ricllemen t nécessaire. a opé rP lt• rnr· li a t rlP certaines lig-11cs; depuis
l'Elnt a été soll icit[· de racltetPJ' les c1H1 t·essions des gra ndes C:01npngnies, une camp;1g11c a élc" cntam<'•c el rdLP q11estio11 cln racha t
drs chemins dr fer a vi\'cmrn t prC-nccnp1" l'op inion p nhliqur et
l<'s C:Jrninhrrs.
C'est une rrucsli on cl 1'S pl11:-; 1·0111plcws rl1 1nt l'or i ~ in e prc rn i1"r<' t'Sl
la <fneslion des ta rifs. AVl'r Il' ~ysl\• 1 nc· aclu l'l, lïnli'·r1;l p11hl ic, <' li
op111Nilion aV<'<' rr lni ti rs Co1np:ig11ics, PSI, d it-on, i1 la merl' i d<' 1·1·s
rl rrn ii•1·Ps. l .ï 11 tPn·r11 tiu11 dr l'Eta t po11 r lë•l:-i l1lissr 11w11 l drs 1:-iril'.s
rpti 111· srra plus 1·1J11ri(• ft des s1J<• it'• tt'·s pri ,·0cs, po111T'1 scnlP n1r llrr
lin a c·c co11flil rv~rcf ta J i l c. Et p:i r 1111L·sing11l i1"rr :1110111a lic, l<•s p;1r-
-
61 -
tisans de deux doctrines économ iques adverses se son t trouws
d'acord pour récla rne r le rachat .
Les uns poursui ,·aient le relèvement des ta rifs et ce sonl les plus
nombreux.
li est facile d 'ape rcevoi r da ns le rappull préseuté ü la Cham!Jrc,
et qui concluait a u rach at du réseau <l'Orléans. derr ière des accusations peu fondées, des as pirati ons dissi 11lUlées ,·ers des iclees
protectionn is tes.
D'autres considéraient celle opéra tion co1u me 1me mesure fa\·urable à l'intérèt publi c el ro r11111e llll Uloyen ùe libre échange.
La Yoic ferrée, disait-on, n'est qu' une rou te plus parfai te Le·
,·oies d f' co1111 11unicatio11s :;ont essenliell emenl d u domaine public
el c'est l)at' J'i111pôt, par une taxe s ur la 1· i1Tu lati11n rru'il fout puur\'Oir a ux dépen ses q11'elles néressitent.
L'exploita ti1111 des Yoies ferrées ne doit pas <légénerer en une
source de hénéfi ces. L"Etat doit du11c. par le rHGllal des cuuGe~
sions, se n1ettre 1•11 llle!>ure Jl' rt>~ til 11 e r am.. \'Oies ferrées leur
véritable c;aractèrc e l les tari fs doivent être rarnenés au pri:'.\. tic
reY ien t du sen·k e partiGtd ier q11c l'Etat rend a n public s ur ks
lignes: le l rausporl.
Que lqne -;étl uisa 11le q ue puisst:' parai tre au preu tier alJo t<l celle
<lern ière lhéurie, il est l'acik d t> dé11w11trl'I' q11e dans l"èta t actuel
des choses, le rncliat about irait it un rfsultat ùiarnè tralemeut
opposé à celui ljlli l'::>t pours uivi elle repu e. curnrne tou" les
autres arguments en l'avc11r du racha t. -..ur une 1·onnais<:anct::
inexai;te des co11Ye11l11>us q 111 lie11t l'E tat L'l les C11mpagn1es. lie la
législa lio11 des tarifs, el des pri11dpe:; (·c011ullliLillCS qui gouvernen t l'industrie des r bemi11s tk fe1 .
L'Etat n'est pas désar111c e11 malit!re ùe tarifs et les Colllpagnies
ne son t nullement maitresses de les etal>lir ü leur guise.
Elles <loivenl Lout d 'al>ord du1111er avis de leurs projets de tarifs
au 111inis tre lles Travaux publics, a ux préfets et aux inspecteurs
chargés du cunlrùle de l'e:-.ploilatiou.
Les taxes proj etées sunl cumlllmliquées par les Préfels au:'.\.
Chambres de commerce, cl port(·cs par ùes atlichcs i.t la counaissance du public.
Les taxes ùuivl'nt èlre homologul'es par ads du Comitè con:sul-
�-
62 -
ta til des chemin::; de fer, lequel csl néccssaircrnent consullé, et un
delai cl 'un mois doil s'écoul er en tre l'afllchagr et l'arplicalion .
Enlin le ministre a toujours le dl'oit de retirer l'horno loga lion s1
le tarif approuvé cond ui t à des conséquences facheuses où s'i l
'ient à reconnaître qu'une erreur a été co11Jm ise.
Les Compagnies par l'homologa tion L"elèvent clone du min istre
et le ministre des Chambres. On \ ' Oil donc, avec un Gouvernement
parlementaire 0(1 la voie cles interpellalions esl toujours ouverte,
quelles garanties offre au public la né1·essilé de l'homologalion.
Cependant il est certai11 que le ministre n'a aucun droil d'iniliatiYe formelle pom la ilxation des tarifs; il ne pourra il mème
pas imposer ùes modifications ü reux qui lui sonl présentés. Le
cahier des charges forme la loi du contrai ü laquelle l'Etat ne peut
se soustraire. Il a concede au"\ Corn pagu ies, en échange de certain::; trn,·aux qu'il leur a i1npos1;s, la fal'.ullé de perce\ oir d1•::;
taxes pour lesquelles il a Jb..é le 11rnxi111111n , elles ont donc, tant que
le maximlu11 !l'est pas atteint, la liberté de 111oclinet· les tarifs sous
l'ésc1·ve c!e l'approbétlion administrntive.
Celte liberté ainsi rcsll'eintc laissée ail\ Co1npagnies, n'est pas
rle nature à l'aire craindre tfu'clles ne sacrilient les in tére ls des
contribuables: ca1· si 1'011 se rend bien compte des principes éconornir1ues, on Yoil qu'il~ a la plus pa rt'aile har1nonie entre l'intérêt
<les Compagnies el celui du pub lic.
Elles son t tenues par la force <les clloses, par les obligations
qu'elles ont contractées de rénliser des recettes. e l dans cc hui
doiYenl s'ingénier à faciliter les tran sactions el ù multiplier le!'!
trnnsports. Les taxes doi\ ent de\eni r pat· la force même des choses,
par l'e uchamement logique des faits <les taxes non d'inlérêl pri\ é,
mais cl 'intél'ê l général.
Enfin et à cùlé de la question théorique il raut, 101·sq u'une
question pratique de celte importa11C'e se présente, tenir co111ptc
des faits accomplis. Il a J'all u pour construire les chemins de fe r
tl'irnrnenses capitaux dont le toncoms n 'a pu l'tre obtenu que par
la perspccti\ c de bénéfices, et sans les concessions particulières, il
est probnble que l'E tat eù t reculé devanl une entreprise aussi
1 ulussale el qut: les fi11auccs publiqul's aurtticnl pu ne pas rüsister
a i:cll< 1;pre11vv. Le:- 1 liclllin ~ tic fer so11t dnnc concé<lé::.;. Pout
reprendre les coneessiuns, J'Etal deHail. aux ternies ùu cahier <los
charges, payer non-seulement uuc a nnuité égale à celle dont les
Co111pagnies onl bénéfi1;ié clans la dernière am1ée de leur exploitation; mais, en outre, le prix de leur uiatériel roulant. Quanl aux
lignes concédées depuis moins <le quinze ans. elles devraient êlre
rachetées sur le pied du pri:-, de revient quand même elles ne donnernienl pas un produit rémunérateur.
Le premier effet du rachat s1•t·ait ùe g1·ever l'Etat de charge::,
nouvelles car l'annuité duc rar les rlteinins de fer rachetés serait
tout d'abord , et sans réduction, plus élevée que le produit net ùc
l'exp loitation .
Mais en outre, le rachat par J"Etat conduit inévitablement à
l'exploitalion par l'Etat , car 1 opération ne pourrait ètre rnbe a la
charge d'une Comragnie 11011\·elle q11'en l'exonérant d'une pat lie
des annuités il servir.
Or le but suprème du rachat, la raisou même du change1uc11t
èlant ù'abaisser le prix de transport et d'opérer un dégrè\'ement
au profit de l'industrie el de ' particuliers, et tout abaisselllent ùe
tarif, devant être considéré l'Onnuc un <légrè\'en1ent d'impôt, la
perle pour l'Etat serait encore plu:- élevée. Comment l'Etat pourrait-il aggr aYer les rhargcs du L'achat par une réduction quelconque des tarifs.
L'équilibre du budget est une nécessité fatale à laquelle on ne
peut se som~traire. Il faudrait l)ll releYer les tarifs oit njourner des
dégrèvements attendus, ou retr1111Yer dans d'autres i111pots Je ·
ressources qui sernient absorbéi:.., pa1 cette exploitation C'est
clone en Lléflni tire le contribuablt' qui fl'rait les frai::. d une op1;rnLion financièrement el éconornique1t1l'11t détestable.
L'opinion puhliq lll' s'est e1tnu.>, aprb a\•oir espéré un mt11nent
que du inouvemenl conlrt' les Co111pagnics sortiraient des reforu1es utiles, elle a compris lJlll' lïnll•n'l général etait gnn·ement
1ncnact'• el les réclau1ali1111s les plus t.'.· nergiques se st_111l élcYét•s
contre les conclusions ùe la commissio11 parlementaire des chemins de fer favorables au rachat.
Les Chambres de commerce ont protesté Lie toute::, parts. Bordeaux , ~anq, Ln HochcllL·, Ly1111 , Elbt·ur. Houbaix "t-Quen1in.
etc , ont adrc::.::,c Hll \Ii111sln· de.., TraYallx publics des Wl'll'\ tcu-
�-
64 -
ùant à ce que les proje ts ùe rachat de ch e111 ius de fer par l'Etat a
litre pa rtiel ou général fussent formelle ment repo ussés par le
Gouvemement.
Les Gunclusious ùe la Chaml.>re <le commerce de Lyon sont
l>arti(juJièrernent intéressa11les. « L n thèse du rachat ùes chemius
ùe fer est née tlïd ées lliéo ricrues; ell e est l'ex pression cl'uu système
et non la résultante 111è111 e d es faits: et derrière son a pplicaliun,
c;umpliquée ùe la reron le e11Liè1·e des n:·seaux el Lle lïn lcrventiuu
des Compagn ies fermiè res, peuvent se l:acher des préoccupations
tic s péculatiun, d'agiotage <1 lt 'il est i111 pos::;il de de ne pas soupc:onu er. ,,
« ;.Jotre co111 merce n~Jlll gne a couru celte U\ e11lure, défa ire cc
<{ui existe, 11•J ll pas élu 1w111 du lra\'a il t:b re, 111ai::; nu nolll de
l'Elal 4ui s'y sn bsliluerai t, cela se111blt: i1tcompréhcnsibl e da 11s
u11e socié té dém ocra tique co 111111c la notre "
cc On au rail comprisü la rig ueur, sans soul1ai tcr des cllange1neuls
daus l'organisation de nolre réseau ferré, que de::; aspi ra tio11s vers
u11 régi me se rapprol'l 1a11 l da 1'<.llltugc clc celui Lle l'Anglelerrc el des
Etats- Unis se l"ussen t l'ail jour, 111ais rève r de constituer u1 1 monopole comme il n'en exis te null e part, cx!' iter !'E t.a l il sortir de sa
fonc tion naturell e, qui est d1' gouve rner et. d'adm inistrer, pour se
faire cornuierr.a11t l;[ indus triel, l' ll vé rité, c'est le prngrèsü rehour::; :
cl cc n'est pas notre Cha 111!Jre qui voudra s'a::;socier ü ile telles
tendances. Les Lratlition::; cou 1111c les intérêts qu'elle représente le
lui défenùenl »
Toutes ces 111a11ifestalions de 1 ovi niou publique ont eu leur ré:;ultal. Les projets <le racha t se trouYe11t 1HoJJ1eutanén1enl abandonnés.
-
..
6,J
-
CHAPITRE PREMIER
DES TARIFS
L'entreprise de transport est l!ne opération commerciale consistant dans le fait habituel de traiter à forfa it aYec des particuliers
pour le transport des \'Oyageurs ou des marchandises.
Le-; co mpagnies de ch erni us de fer sont des eutreprises constituées sous la fo r me de socié tés commerciales anonymes pour
l'exploitation des concessions faites par l'Etat; elles sont soumises,
en leur qualité d'entrepreneurs de transport·, aux prescriptions ùu
Code t ivi l et du Code de commerce concernant le Yoiturier. Elle
sont liées em·ers l'Etat par un contrat de louage de ser\'ices.
L 'Etat leur a imposé l'obl igation d'établir de voies fenées. de
faire construire un matcirie l el d'organiser le mou,·e111ent ùes
chemins de fer, mais il leur a cuucéJé, par contre. le Llroit de perccYoir certaines taxes détenninéc"i pour le transport Je::; voya•reurs el lies marcliandises ::;nr les lignes ainsi exploitées
" i la concurrence e:-..istai t en ce tte matière. elle maintien d rail
.
le::; prix de transport dans des proportions toujours rai onnables :
111ais les coinpugnies son t 1n\cstie~ tl'nn monopole. Elles auraient
le pouvoi r, s' il leur éta it pcrnii::. de lher à leur gré les moJalités
d'un contrat de lrnuspnrl de ruiner certaines inJ ustries, d'rn favoriser cl'aulres, d'éGrnser les Go 1n paguie rirn les. el de déplaœr
ainsi arbitrairc11H'nl l'équil ibre co1111ncrcial.
C'est pour pré\ cnir ces abus crue l'Etat dans le cahit>r des
l'lw rgcs de chaque co11cL's::;it111, t'I que le législalem dans la loi
·,
�-
hli --
funùauicnlak du l ~> juil k t 18 i:>. 1.:0111plêléc pa r 1·ordo11n ance du
, i o•
G o11t 1·.-•uh11c11le
ln liberté cl'acLion des Cornpa0 1 ,
"t> "
1o- 110 \'Clll b l'U
gn ies dans l'exploilali on C:OllllllC l'Ciale des chemins ti c fer.
.
~ A cùté du monopole, comme correctif c l comme garantie,
existe l'interYcntion de l'aulorilé admi nistrati ve en i_na tièr~ de
lhalion des Laejf::; et. l'o!Jligalion pour les co1up<igmes, d une
part, ù'appliquer les taxes inùislin cle111enl el_ sans r~ve ~1 r , ~ L
d'autre part, ùe porter à la connaissance ùu public les Lanfs elabhs
et les projets ùe mollilications.
.
_ .
.
Homologation, égalilé, publicité, lels ~onl les l1·01s pnnc1pcs c1u1
regissent la matière des laril's.
1
1. - HOMOLOG..\TlON
Le compagnies ne peuvent pcrce\'Oir aucune taxe sans l'autorisation du Gouvernemen t.
Celle autorisation est un fail com ple xe co mprcnanl deux caléoories
de mesures émanant les unes du pouvoi1· législa tif ou
0
exécutif, les autres du ministre des trnvaux publ ics ou des pn~fets, et ayant pour but de donner à la co111pagnie, les unes: le <lroil
de percevoir les taxes, les autres l'exercice de ce droit.
Les compagnies sont investies de l'aptilucle légale à la perception par le cahier des charges annexé à la concession. Sous le régi me
de la l1>i du 3 mai 1841, les concessions de c.:helllins de fer faisaient
l'objet tl'une loi. Le sénatus-consulte dt1 23 décelllbl'C 1802, transférait l'empereur le pou,·oir de concéder ùes c.:11c111ins cle fer pnr
un déeret rendu en forme de règlc111ent cl 'adtni11 istration publitpte.
Depuis la loi du 27 juillet 1870, c'est au pouvoi1· législatif qu'appartie11nent les concessions des lignes aya nt plus de 20 kilornèlres.
Quant au:-.: chemins de for <.l'intérêt local, aux tertnes de la loi
du 12 juillet 1856, ils sont i.;oucéclés pa r un tlroil i·enLl u sous fol'llw
<le règlc111cnt d'adn1inistralion pnblique.
Une fo is le prix max i1nu111 fixé par le cal1ie1· des cliarges, que
les ~om 1)agnies veuille11L adoptur les ta xes du ta rif u11 des lar ifs
pins rérl uils, elles sont tenues de les somueltrc a l'homologation
-
67 -
du miilis lrc ries u·a,·aux publics ou du préfc.t, s uivant quïl
s·agil d'un chemin de fer d'intérèt général ou d'un chemin de fer
d'intérêt local.
Aucune taxe de quelque nature qu'elle soit, <liL l'article 44 de
l'ordonnance du 15 novembre HH6, ne pourra être perçue par ht
compagnie qu'en vertu Ll'unc homologation du ministre des Trnvaux publics.
La compagnie, pour' obten ir l'hornologalion, doit dresser un
tableau des prix qu'elle a l'inLention de percevoir et en transmettre en rnè1nc temps des expéditions au ministre des Tra,·aux
publics, aux préfets des dépa 1·tements tra,•ersés par les chemins
Lle fer et aux inspecteurs de !'Exp loitation communale des clteHtins de fer (at·t. 45, ol'donnancc du 15 novembre 1845).
Les préfets doivent à leur tour faire part <les propositions des
compagnies aux Chambres de commerce de leur département
(circulaires ministérielles des 15 février 1862, 23 aoùt 1875).
Les Chambres de comn 1erce sont tenues de transmellrc au
ministre Jeui;s obse rvations dans le délai d' nn mois à partir <le
l'affichage (circulaire minis lériell e cl u l J septembre 1875 ).
Les Cllambl'es Lle Commerce sont mè111e invitées, pour éviter tout
retard, à adresser d irectemcnt leurs observations au ministre
(circulaire ministérielle cl u 2 l ina i 1878).
Le délai d'un mois d'affichage passé, l'Atlministration s t.'.l.tue, et
le ministre, après avoi r reçu l'aYis des préfets et celui du contrôle,
rend son arrêté cl'ltomologation (circulaires ministérielles des
23 aoùt 1850 e t 3 1 octobre 18:>:> ).
On s'est demandé quelle élait ln por lée de l'homologation el
quelle élait l'étendue du droit du lllinistrc en c.:elte matière!
Cerlains a uteurs unl soutenu que li.; minis tre n'a qu'un droit,
c.:elui de vérifier s i les taxes proposées n'excèdent pas le maximum Hxé, el s i les condilions de cel'taines ta xes ne sont pas de
nature à favoriser cerlai us expéditeul'S au détriment des autres,
et que ces points vét·i11és, il doit l10mologuet purement et simplement. Celle opinion se fond e s ur le tex te même de 1'01·donnancc
de 184G .
L'article rn qui traite des cha11ge1nenls ü apporter ü Lles tarifs
déj à cxis lanls, ex igu l'apprubal1u11 du 1niu istre ; ùuns l'art . 'il, nu
�1
1
-
û8 -
contraire, à propos du premier étab lisse1 ue1)t des taxes il 11 'est
question que lie l'homologation.
Il est naturel de penser q ue la législation ayant employé deux
mo ts difîérents, dont l' un é,·eille l' idée de discussion et d'ap p réciation, l'a utre de s imple for malité de visa, a vou lu exprimer des
idées différentes .
On comprend, du reste, for t bien la raison d e d is ting uer. Pou rquoi , lorsque la compagnie propose pour la p rem ière fois des
taxes dans la limite fixée par le cahier des charges, donner au
ministre un pouvoir plus large que celui de ,·érification. Le cah ier
des charges, qui forme la loi clu contrat , donne aux compagnies la
liberté de se conforme r a u tarif maximum on de l'aba isser.
Lorsque, au contra ire , il s'agi c de modifier un tarif dùm ent
homologué qui est devenu la loi du public et conune une sorte de
droit acquis, il est nécessaire que le minis tre ait la faculté de
repousser la proposi tion ou de ne l'admettre qu'avec des modifications. Les partisans de ce systè 1ne reconnaissent pourtan t que le
m inistre aurait le droit de ne d onner qu' une hon10logation proYisoire essentiellement r évocab le (circulaire minis térie lle du 3 l octobre 1853J Paris, 26 n ovembre 1858).
D'autres au teurs estimen t, a u contraire, que les expr essio ns des
rle11x articles 4'l et 49 son t synonyui es. A quoi bo n, disent-ils,
faire précéder l'homologation de l'avis ùu P ré fe t e t des inspecteurs du controle et des obser va tions ù eR Chambres de co mmerce.
s i l'inte r vention du Ministre doi t se borner à une vérification et à
un s imple enregislrem ent.
L ' homologa tion m inis térielle doit être fonne lle, les compagnies
ne pourraient im·oquer' une ap p roba tion tacite. ( Cassation t!) juin
1850.)
Quant a ux m odifications de la:-..es, les cu111pag nies sont assuj etties aux m êm es formalités que pour la prelllière homologalio11,
mais
elles n'ont pas pour le:-; propositions de clla n(Yement
une
.
b
libe rté absolue. Une lrop g rande m obilité dans les pi·ix de Lranspo rt serait préjudiciab le a u comme 1·ce.
Les taxes abaissées d'après l'article 48 du cahier des c harges,
ne peuvent ê tre re levées <1u'a près un clélai de trois Illois au moins
pour les Yoyageurs el d'un a 11 fJOlll' les 111archnndises. Toute lati-
-
G9 -
tude est ainsi laissée aux compagnies pom· les abaissements de
tarifs, qn i sont un a \·antage pour le public, e t le délai qui le ur est
imposé, est une garant ie que les taxes ne seront pas réduites a la
légère et da ns u n b u t de concun ence seulemen t.
Il existe trois exceptions aux règles que nous venons d'exposer,
elles concernent les tarifs de transi t, d'exportation, et les t arifs
su r les céréales.
Les tarifs de transit appliqués aux marcha ndises qui tra,·ersent
la France sous plombs de douane d'une frontièr e à l'autre sont
établis pour permettre aux chemins de fer français, de ' lutter
contre les chemins de fer éteangers .
Or, les compagnies é tra ngères ont pour la p lupart, la faculté de
modifier leurs tarifs à votonlé ; les compagnies françaises ne peu\'ent soutenir la concurrence qu'avec la même fac ulté. Un décret
du 26 avril 1862 a décidé que pour le transport des marchandises
en transit, le Ministre peut, sur la demande des compagnies, les
autoriser à percevoir le prix et à appliquer les conditions qu'elles
jugeront les plus propres à coml.Jattre la concurrence qui leur est
faite par les lign es é trangères. Il n'y a plus ni délai, ni formalités.
ni homologatio n, mais le Ministre peut aussi à toute époque interdire l'application de ces tarifs .
Pour les tarifs d'exportation destinés à faciliter aux produits
français l'arrivée à la frontière, le même décret de 1862 a décidé
que toute proposition d'un sen1bla b le tarif doit être soumise au
Ministre . Si clans les cinq jou rs le Ministre n'a pas signifié son
opposition et s i le tarif prnposé cons titue un tarif nouveau ou un
abais ement de taxe, le tarif peut ê tre appliqué à titre provisoire.
Pour i'e lever un ta,rif d'exportation les formalités ordinai res
cloi,•ent ètre r e mplies.
La d urée d\m larif d'exporta tion ne peut être moindre de trois
mois.
Enfi n, les mauvaises 1·écolLes de l'année 1873 ont donné naissance au décre t du 14 septemb re 1873, qui pe rmet au Go uvernerne n t de demander a ux compagnies des réductions de larifs sans
que le sacrifice qu'ell es s'imposent so it trop onéreux. u Les compagnies Lie ch emins dP fer , dit l'a rticle !".qui abaisseront leur-.
�-
70 -
tarifs pour le transport des blés, farine de from ent et de seigle,
riz, sarrazins et seigles, avant le L.. octobl'C 1873, amont la faculté
de le releYer dans la lim ite du maximum autorisé par le cahie1· des
charges sans attendre l'expirnlion du délai légal d'une année.
Toutefois la d urée des t'.lrifs ainsi abaissés ne pourra ètre infér ieure ù trois tnois à dater du J•• octobre.
A cùté des prix de transport, les frais accessoires de p esage, li e
chargement et de déchargement sont également soumis à l'homologation ministérielle. L'article 51 du callier des charges et l'article
47 de l'ordonnance de 1846, décident que le Laux de ces fra is doit
être fixé annuellement par le Ministre des Travaux pub lics sur
les propositions qui doivent lui être faites par les compagnies.
Pour ces taxes, le pouvoir <lu ministre est plus étendu qu'à
l'égard des tarifs en général ; les propositons des compagnies ne
sont que des avis qu'il peut modifier. Tan t que de nouveaux. prix
n·ont pas été arrêtés, les anciens tarifs continuent à être percus.
Les opérations de rée:xpéclition, de factage, de camionnage du
domicile de l'expédi tcur à la gare de départ, ne sont j ama is obligatoires. Le factage et le camionnage à l'arriv6e ne le sonl qne
dans certains cas.
Cependant les taxes, même celles cles opérations facultatives.
sont soumises à l'homologation. Cetle obligation est inscrite dans
le paragraphe 3 de l'article 52 du cahier rles charges; elle résulte
aussi de la généralité des termes de l'article 14 de l'ordonnance du
15 novembre 1846.
L'omission des formalités qui sont essentielles à la valid ité dn
tarif, donne ouverture à deux acti ons contre la compagnie qui a
perçu une taxe irrégulièrr. La première est l'action correctionnelle,
1lonl la base se trouve dans l'article 21 clc la loi du 1:; juillet 181•:) :
Loule contra\'ention aux ordonnances royal es portant reglernen t
rl'administra tion publique sur l'exploitation de chemins de fel'
sera punie etc. Les tribunaux el la Cour de Cassation n'onl pas
hésité ~l appliquer cet article aux perceptions de tarifs non llornologués. (Cassation 28 j uin 1851 ( 1) cl 3 février 1855)(2).
(1) Sirry, 1852. 1.150.
(2) Hirey, 1855. 1 .231.
-
7f -
Tonte· partie lésée par ln perception d' une tax e illégale ou irrégulière, à en outre le droit, en vertu de l'article 1382 du Code civil ,
de poursuivre la réparation du préjurlice qn'elle a subi. Le fa il de
la compagnie constituan t une infract ion à la loi et par conséquent
une faute , elle sera ten ue d'indemniser les tiers du dommage
qu'ell e pourra leur causer sans qu' il y a it à recherc.h er s'il y a eu
de sa part inten tion malvei ll ante ou coupable. (Cassa tion 7 juillet
1852) (1).
Les tarifs une fois llon1ologués deviennent la loi des partirs
contractantes et le public n i les compagnies ne peuvent y déroger
par des conventions particulières . La jurisprudence est unanitne
pom refuser toute force ohl igatoire et toute sanction à l'ohl igation
prise par une compagn ie rl'èffcctuer des transports à des prix
moindres que ceux des tarifs. (Cassation 1!) janvier 1870) (2). De
mème , un expédi teur ne pourra invoquer des diminutions rlc taxes
arcorrlées à certains expéditeurs pour se soustraire à l'application
c;t ri clc d' nn tarif. (Cassation 2G jnillet 1871 (3). Tou te erreur coinrnise dans la perception de la taxe du tarif doit ètl'e réparée: les
compagnies ne pell\·ent, dans cc cas, refuser le remboursement
des excédants de taxe, ma is cli cs ont d'au tre part le droil indiscutable d'obl iger les destinataires à en payer le complément. (Cassation 13 fé\Tier 1867 (4).
Tel est le principe absolu qnand il s'agit d'une simple erreur de
r alcul, et qui a donné rnalière à de nombreuses discussions Jorsqnï l s'agit d'appliquer la fin de non recevoir de l'article '105 du
Cod e de commerce à une action en 1·éparation d'erreur commise
dans l'application des tarifs.
"Nous avons vu que l'homologation des tarif est un acte administratif. Il est intéressan t de rechercher, étant donné dans notre
législa tion, le principe de la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire, quell e sera la limite du pouvoir judiciaire en
matière de tarifs.
(1) 8ircy, 1852. 1.713.
(2) Si l'CY. !R70. J. 171.
(:!) Ualloz. 1871. 1. 231,.
(\) 8ircv. 1867. 1. 211.
�-
ï2 -
Tout d'abord, les t:011tcstations qnc fait naîlr-e entre compag nies e t particuliers l'applica tion ou l'interprétation du cahier des
charges sont du domaine des tribunaux ord inai res.
Le cahier des c harges csL l'annexe de la loi de concession, il
est lui-même une loi, il ne saurait ressortir de la juridiction administrative . 'agit-il , au contraire, d'un tarif, il peut y avoir soi l à
rechercher si le tarif esl régulier, soi t à appliquer seulement un
tarif r égulier.
Les tribunaux co mpêlents pour juge r de la régularité d'un tarif
sont les tribunau x ordinait·es. La régularité d'un tarif dépend de
sa conformité au cahie r des charges qu i est ûn acte légis latif. Les
tribunaux ont donc le clroiL et le de,·oir d'examiner s i les tarifs ont
é té faits, publiés e l homologués conformément aux dispositions du
cahier des charges. ( Cas ation 31 clécembrc 1866j ( 1) .
C'est donc de,·ant les trilJunaux ordinaires que cleYront ètre
J)Ortées aussi bien les actions en restitution de prix que les actions
en dom1J1ages inté rêts intentées par ceux q11·a urnit lésés l'application d'un tarif irrégulier.
Le tribuna l n'empiète pas sur le dornaine de l'auto1·ité admi nistl'ative, car un tarif irrégulier n 'a aucune forc e légale, il est comme
non e:dstant et ne peut par conséquenl constituer un acte administratif. (Cassation, 21 j anvier 185'7) (2).
S i le tarif est régulier, toutes les presc1·iptions de l'on.lonnance de
1846 et du cahier des charges ayanl été obsel'vées, les contestations relatives à l'application pure et s impl e du tarif seront de la
compétence des tribunaux ordinaires. L'autorité judiciaire nP
touche pas à un acte adm inis tratif, ell e n'inter\'Ïent pas pour en
apprécier le sens et la portée, elle en assure s implem ent rexécu tion.
S' il s'agit dïnterpréler un larif, s i le ùébat porte exclusiven1enl
sur le sens et la portée <le l'arrêté minis tériel , l'autol'ilé judiciaire
do it surseoir à statue1· jusqu'à cc que l'autorité administra tive
exclus ivement compétente ai l ùéc iùé de l'interprétation en prëcisant le sens d e l'arrêté d'homologation.
(1) üalloz. 1867. l.5G.
(2) JJalloz. 18;,7. 1. lü9
-
73 -
Il est entîn interdit aux. tribunaux. de critiquer les décisions <le
l'administratio n en malièrn de tarifs et d'en paralyser l'exécution .
Les tarifs approuvés et publiés dans la forme léga le devienneut
obligatoires pour et contre les compagnies au rnême titre crue les
cahiers des charges. (Cour de Paris. 29février 1860) (1).
li en résulte que les tribunaux ordinaires ne seraient pas compétents pour connattre d'une demande en dommages intérêts
intentée à une compag nie de chemins de fer par une entreprise de
transport qui se prétendrait lésée par la réducli on clùrnent
approuvée des tarifs de cette com pagnie. (Conseil d'Etat, 21 avril
1853.) (2)
Pen imporlerait même que le ministre eut réservé les clrnits des
tiers dans son arrêté d ·apprnba lion. Les droits des tiers sont
évidemment réservés de,·ant l'autorité compétente, qui est la juridiction admi nistra tive; et ce tiers que pourrait léser ou que
lèserait un tarif doiYent s'adresser au ministre.
Cependant le tribnnal des ~onüi ts, dam; une décision rendue le
3 jan vie r 1851 (affa ire de la Compagnie du chemin de fer cl'A111iens
à Boulogne contre l'ancienne Compagnie du Norù), s'est prononcé
dans l'h yp othèse qui nous occupe p our la compétence judiciaire.
li est bon d'ajouter en terminant qu'il sera souYent très-rlifficile
de distinguer s' il s'agit de l'interprétation ou de l'applicalion d'tm
tarif : aussi la question de compétence se décidera-t-elle niYant
les circon stances.
li. -
°liGALITÉ DRS TARIFS.
Le principe de l'égalité des tarifs est le second correctif au monopole des chemins de fer. 1< La perception des ta,es, dit l'art. 48
du cahier d es charges, doit se faire indistinc tement el sans aucune
faveur. » Ce principe se trouve cgalement il l'art. ~10 ùe l'ordon-
(l) Da llo7.. 1860. ~.71
(2) Si rev, 185 11 2. 66.
�-
74 -
nancc du 15 novembre 1846 aux tem1es duquel la compagnir est
tenue d'etTectnel' sans tonr de faveur et da ns l'orckc des inscriptions les transports des objets de toute nature qui lui sont confiés.
~ i l es compagnies arnient pu à leur gl'é créer des situations
pri\'ilégiées à certains expéditeurs, elles seraient devenues maitresses de la fortun e ou lle la ruine des commerçants : l'inlérèl
général commande que toute fiw eur soil rigoureusement prohibée.
Nous verrons cependant qu'il existe sous Io nom de tarifs
spéciaux, une catégorie de tarifs qui, pour le transport de certaines
marchandises, é tablissent des prix rédnits 0 11 des conditions dilTérentes. Ces ta rifs ne Yi olen l pas le principe de l'éga lité dans la
perception des taxes, car ils sont a pplicables à tous ceux qui se
trouvent dans les conditions qui pcnncttent de les revendiquer
Un des effets les plus importants de cc principe d'égalité a é té
la suppression des traités particuliers. Ces traités avaient pour
cITet de rédu ire les pri x de transport a11 profit des pal'liculiers qui
consentaient à les conclme, e t moyennant certaines cond itions
telles que d'employer par exemple exclush·em ent la voie ferrée
pour le transport cle tous leurs prorlu ils ou <le confler chaque
année il la con1pag11ie une qua ntité dé terminée de marchandises .
Les anciens cahiers d es charges antérieurs à 1857 contenaient
la rlisposition suivante : cla ns le cas oü la Compag nie 1nrail
accordé à un on plnsieur~ ex pédi teurs une réduction snr l'un cles
prix portés au tarif, ayant cle le mettre à exécution, elle dena en
donner connaissance à l'Aclrninistralion el celle-ci aura le clroit de
J éclarer la réduction une fois consentie obligatoire Yis - à - vis de
tous les expéd iteurs.
Tout expédite11r pouvail n"clarner l'application d'un traité pa rticuli er passé ayec un autre ex péd iteur cl ès l'ins ta nt qu'il offrai t
cl'en remplir les conditions.
C'était là un point de jurisprudence constante qu'nn arrêté
ministériel du premier j uille t J 8::i'2 étai! venu consacrer formellement.
Dans quelques ci rcons La uces, des expéditeurs réclam èrent l'application de trai tés pa rticuliers, en écartant quelq ues- unes des
clauses qu i y figuraient.
Les tribunaux résistèrent nvec raison, rnais le min istre, par une
sorte d'abus de pouvoir contre lequel ne s'éleYèrent pas les compagnies, décida qne le bénéfice ùcs traités parLiculiern appartiendra it à tous les ex péditeurs sans condi tions .
Cependant ces traités soulevèrent de très \·ives réclainalion~
bien q u' ils dussen t l;tre communiqués à toute personne qui en
faisait la demande, ils n 'étaient pas comme les tarifs spéciaux
rendus publics par des affiches et pou vaient rester inconnus des
expéditeurs qui auraient eu intérèt à en r éclamer l'application.
On leur reprochait donc de porter 11ne grave atteinte au principe cle l'égalité des tarifs et en pratique de prod uire toutes sortes
<'l'abus. En 1857 une comm ission fut nommée pour se lh·rer à une
e nquê te spéciale et conclut à leur a bolition.
L e Ministre des Travaux Publics ad ressa le 26 septembre 185î
une circulaire aux compagnies pour leur signifier qu'il ne serait
plus admis d e tra ités particu liers à dater du 1.. janvier 1858. C'est
à la suite de celle décision qn 'a été insérée rlans les cahiers des
charges posté rieurs au l " janvier 1858, à la suite de l'art. 48, la
clause suivante. <t Tout traité particulier qui aurait pour elfot
d'accorder à un ou plusieurs ex péd iteurs une réduction sur les
tarifs approuvés, demeu re formellement interdit ,,
Il se produ isit rn êmc un fait assez sing ulier à propos de celte
supp ression pour les traités en Yigueur. La circulaire ministérielle disait ceci: << Quant aux traités aujourd'hui en viguem sur
votre réseau, j'ai décidé que, quel que soit le terme de leur
6ch éance, ils cesseraient ég·alcmen t cle rcceYoir leur exécution il
parti r du i ·· janvier procha in, faute de quoije déclarerais les t'éductions de prix consenties par ces traités applicables à tous les
cx.péditeurs sa ns cornlilions, usant en cela clu droit que me conférc votre cah ier des charges et dont je me su is réserYé l'exercice
en vous accusant r éception des traité~ que je Yic ns de rappeler. "
L es compagnies, inrnquanl la circulaire, déclarèrent aux signala ires que les traités particu liers cesseraient dorénavant de recevoir
leur application, mais les bénl>ficiaires des tn'lités résistèrent et
soutinrent que la résiliation n'était pas ~nffisammcnt moti,·ce par
la circulaire minist6riclle. La question fut portée deYanl les tribunaux ; par un arrêt du 15 f6v1·icr 1859, la Cour de Cassation
décida que << si la décision ministérielle ùu '26 sept0mbre IH5ï
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7G -
rendait moins arnntage usc et pen t- ètre mè rne dommagea ble
pour la compagnie l'exécution cle la conventio n intervenue entre
elle e t l'expéd iteur, elle ne renda it cependant pas cette exécu tion
impossible et ne cons ti tuait pas dès lors le cas de force m aj eure
prévu par l'a rticle 1148 d u code civil. » Les com pagni es se trouvèrent donc placées dans cette alternative ou dcse refuser à r exécution des traités e t d'être conda mn ées vis-à-vis des signataires,
ou de les exécuter e t de subir alors ce préjudice d e voit· le hénéfice des traites par ticuliers profiter à tous les ex péditeurs sans
conditions.
Le mo tif sur lequel s'e t app uyée la Cour de Cassa tion est r igoureusement j urid ique, mais on ne peut s'empêch er de penser devant
une pareille décision au vieux d icton lat in : 1>1111111m111jus summa
ù~j111·ia.
Les traités particuliers étant abso lumen t interd its, quelle serait
lare ponsabilité d'une compagnie pour avoir consenti malg ré la
prohibition du Minis tre, ou, cc qui revien t a u 1nème, pour avoi r
acco rdé par Yoie de ciétaxe une réduction s11r les tarifs a ppro uvés?
La compagnie encou rrait-elle l'appl ica tion de l'a t'l. 2 l de la loi
du 25 juillet 1845 qui prescrit to ute contraventi on aux ordonnances
sur l'exploitation du chemin de fer ; encourrait- ell e m0me une
responsabi lité ?
La Cour de Cassation s'est prononcée pour la négative da ns
deux arrê ts des 21 avril1 868 et 17no\·ernbre 18G9 (1).
Voici les moti fs d u premier de ces a r rêts, qui se trouvent du
reste reproduits p resque tex tuellemen t dans le secon d:
« Le seul fait retenu par l'arn:·t attaqué comme base des dommages intérêts quïl p1·ononce est celu i de la détaxe accordée
clandestinement à la fin de chaque an née à X ... sm des perceptions qu i d 'a illeurs avaient été opé rées réguliè rem en t. Le fa it
a ins i spécifié, s'il constitue une fau te, ne tom be sous l'application
du texte d'aucune loi péna le ni de l'ar t. 2 1 de la loi du 15 juill et
1845 placé sous la r ubriq ue: des mesures relatives ü la slir et é de la
circula tion sur les cllern ins de fer , n i de l'art. 44 de l'ordonna nce
du 15 novemb re 1846 qui défend la pe rception d'a uc un e taxe qui
(1) üallo1.. 186ll. 1. 'i:lO. -
JHïl. 1. J 111.
ïl
• n'a urai t pas été a pprouvée par le Ministre, ni enfin l'a rt. 1'; 1 ~ 13
du code pé na l évidemme nt étra nger à la protection du comme rce
dans ses rapports avec les chemins lie fer ».
Mais la concession d 'un ava ntage quelconque à un ex péditeur
donne au x concur re nts de cet ex péd ite ur une action en dommages
inté rêts contre la cou1 pagnie : ces concurren ts ne pourron t pas
obteni r que la compagn ie soit tenue de ramener la taxe de leurs
di verses ex péd itions a u ta ux exceptionnelle ment a ppliqué (Cassation, 3 février 1860) ( l), mais il devront être inde mnisés du préjudice qui le u r a ura été causé par la faveur accordée à certains
ex pédite urs pr ivilégiés.
Ains i, par exemple, le commerçant dépossédé de ses rela tions
com mercia les par sui te d u fonctionnement d'un abaissement de
tarif p ourra se fa ire indemniser de ce chef pa r la compagnie qu i
l'a consenti (Cassation 15 OO\'entbre 187 1) (:?).
' i u ne compagn ie de chem in ùe fer consentait à un ind ustriel
un traité de fave ur non pas ü titre gra tuit, mais en éch ange d'un
service réel qu'elle reçoit, ce traité ne tomberait pas sous la prohib ition de la loi. Qua nd un ss>rvice rendu est r éel il engeüdrc
une delle sérieuse et certain e, et il importe peu que la compagnie
s'acquitte pa r un pa iement d irect ou par une réduction de tarifs.
Il n'y a poin t eu de fave u r 1li de situation privilégiée.
C'est pour assurer l'égalité de traitement à tous les expéditeurs
que l'art. 50 du cah ier des cha1·ges et les arrêtés ministériels des
1;; avr il 1866 e t l :J ma rs l8î7 ont déterminé d'une manière précise
les déla is pendant lesf( uels les trans ports doi\'en t être e!Tectuês.
llf. -
PL' BL!C:ITK DES T.\RH .
La publ icité des tarifs es t le complément néces aire du principe
de l'égalité. Elle est ind ispe11sal.Jle pour perlllettre au publ ic de se
rense iguer s ur les tarifs e u vigueur cl d'a pprécier sïl doit rêelle(1) Dalloz l86!l . 1. :~7 1.
('!) Da lloz 1 '7 t. l. :!9h
�-
78 -
mcnl les la\.es t{UÎ lui sont réda1uées. Elle esl une garanti•' c l une •
sauvegarde lorsque des projcls d'é lablissemen l ou de modificati on
de taxes sont soumis au l'Vlinis lrc. La nécessité de l'homologation
serait leLtrc mo1·te si les inté l'essés n'ét,1 ient pas mis à même
d'adresser au Ministrn leurs obsel'\·ations et leurs réclamations.
La publicité des tarifs en vigueur fai t l'obj et de l'article 48 de
l'ordonnance <lu l:> n0Ye111bre 1816 a insi conçu : Les tableaux des
Laxes el des fra is accessoires approuvés seront cons tamment afüchés dnus les lieux les plus appa rents des ga res et stations de
chemins de fer.
En prntique la cl ispos ili1>n de l'art. 't8 sernit irréalisab le , le
nombre des tarifa esl tellement considérable que l'affichage en
serait impossible On y s upplée de la rnanière suivante . les tarifs
sont consignés dans des registres déposés aux ùureaux des compagnies, et ces recueils sont à la dbposition de tou t expéditeur
qui en demande communication .
Quant à la publicité des propositions de tarifs, ell e est éd ictée
par l'art. -i9 ùe l'ordonnance du 15 novembre 1846 : le public sera
en même temps informé par des amches des changements soumis
à l'approbation du Ministre. A l'expir a Lion du mois, à partir de la
date de l'affiche, les diles taxes pounonl ètre perçues, s i daus cet
intervalle, le Ministre des Travaux publics les a bomoluguées. Si
des inodiûcations à quelques-uns des prix alllchés étaient prescrites par le Minis tre, les prix mo<liflés devront èlre affichés de
nouveau, el ne pourront être ll1is . en perception qu' un mois après
la date de ces affiches
Le second paragrapllc de l'at·l i 8 du cah ier des charges porte
eu outre : Loule modilication de tarifs proposée pal' la com pagnie
sera annoncée un tnois d'a\ ance par des a ffiches.
Bien t1ue ces dispositions ne \'isent que les proj eb de cha11gc111ents et ne parlent pas de taxes nouvell es qu'il s'agit de faire
homologuer pom la première fois, il faut décider que les taxes
uouvelles comme les taxes à modifier son t soumises à la for mali lé
de l'affichage, le p ublic ayant le 111ème intérêt à connaitre les unes
cl les autres.
~~ns la prnlique, il sernil difficile cl'aftichcr les propos itions de
lards a cause de letll étendue. Les affic hes rJLli sont ap posdcs
-
ï!J -
da ns les ga res w11tiunuc11l si 111plc1n e11L l'a\' Îs 11ue tell e 1nod ific:llio11
de ta rif a é l6 soumise au mini s tre e l que les tarifs proposés sont
inscrits sur des li vrets déposés dans les gares et stations ou le
public pe11t les cons ulter et J e~ étudier. La tégularité de cc procédé a été consacré par la ju rispl'llclence. (Cassation , 31 décembre
1866 ( 1), et Cour de Bordeaux, :22 janvier 1868 (2).
Mais il a élé décidé que tout autre mode de publ icité sans aucun
affichage et, par exemple, lïnsci·tion des tarifs dans un j ouma l de
la localité, ne saurait fonn er une publicité légale, comme n 'a ~ant
aucun caractère d'authenticité et ne pouvant constituer une publication régulière, et tenir lieu des afliches prescrites par l'ordo11nance de rn-iG (Cour ùc Colniar, adécemb re 186:2 (3)
D'autre part, les compagnies ne se bornent pas aux mesures de
publicité prescrites par la loi el qui peuvent ètre ins uffisantes dans
bien cles circons tances. Une c irculaire ministérielle du J 5 féwie1
186'2 a prescrit aux préfets, lorsque ùes prnpositions de tarifs leur
son t a dressées par des compagnies, de ·les communiquer aux
Chambres de commerce dans le cas oü ces propositions intéressent des indus triels ou n égocianls des loca li tés s ituées clans le
ressort des Chambres.
Les taxes nouvelles ne peuvent ètre pe rcues arnnt l'ex piraliun
clu délai d'un mois à pa:·Lir de la date de l'a tlicliage, peu irn porlc
rrue l'homologation min istérielle intervienne aqrnt l'expiratiun
de ce déla i.
Le point de départ du mois est la date de 1 affichage et non
point la date de l'at'liche comme le porlc le tex te cle l'a rt. Hl Le
dou te n'est pas pcr1His 1 le vœu de la loi est que le tarir snit porte il
la counaissancc du public. Ocux cirrulai res minis térielles des 31
octobre 1835 cl 17 ~n-ril l K18 unt précisé !"obligat ion impost·e :Hl"compag ni es; il ra ul !jtte J"al'ficltagl' pendall( tl ll Illois soit l'egufit'.•l'Clllent cons taté.
Toute motlincalion a pportée p:it· le i\1i11ist1·e aux propositions de
tarifs, dit l'art. 19, doit è lre allicllée tic 1wuveau et ne peul ètrc
tn ise en perccpliuu qu'un mois aprù8 la date ùe l'afnc!Jage Que
(1) Dalloz, l867. J.j[i
(21 oÎre\' l 8fi~. -2. Hit\.
(:l Da llu1.. 186J. ".'. 'IJ.
�-
80 -
faut-il ùécider lu1·st1ue le 111inis lrc homul ogue purcme11L el si~n
plement le projet présen té par les compagnies . .Celte homologation
doit-elle ètre portée à la connaissance du public d~ns les mêmes
formes. Les compag nies,sc fondant s nr le texte de l·ordonnance de
l ~46 avaient soutenu qu'elles n' étaient pas lenues de faire a fficher
cette homologation.
,
.
~
La Cour de Dijon s'esl pro noncée contr e cette pret~nt1 on (1.'
mars 1863) (1). Une pal'eille prétention au rait v our r esulta t, dit
rarrèt de faire que l'acte que le pnblic à le plus d 'inté rêt à connaitre 'd emeurerait ignoré des populations aba ndonnées à la seule
affirmation des agents el qu'ains i, par u:1e sorte de présomption
lécrale
d'approbation Lies nouveaux larifs, la demand e affichée
0
ùe viendrnit la loi commune, a lors mème q11e l'hom ologation
demandée ne serait pas intervenue dans le mois ainsi que le porte
l'ordonnance. D'ailleurs a ucun aclc n'est d is pensé de la promulgation ou d' une forme équi\·a lcnle cle publicité qu i le po rte a la
Gonnaissance du public..
r ous retrournns en 1nalière de publicité les exceptions que nous
avons rencontrées en matiè re (l'homologalion et qui concernent
les tarifs de travail d'exportation et les t arifü su r les céréales. Les
molifs que nous avons a lors donnés pour ju<> tifler la première
dérogation aux principes se représen tent ic i.
Les tarifs de transit et ü'exporlation ne so nt soumi s ü aucune
condition de délai quant à l'a rfichage. Le décret du ~6 a \Til 1862
autorise la mise en vigueur de ces Lar ifs imméclialemen t ap rès
<Ju' ils ont été portés à la conna issa uce ùu public. Ce tte mesure
était indispensable en prése nce de la <.:o ncune nc.:e d es Compagnies
étrangères; q ui sont libres <le mod ifie r leurs tarifs à leur g ré.
Pour les t arifs sur les céréa les, le dét: ret du 14 septembre 1873
a dispensé les compag nies de toute obligation d'affi chage. Les
compagnies, dit l'a rt. ~. ne seronl astrein tes à aucune formalitv
d'affichage préalable, pour l'applicalion des taxes réduites, niais
elles devront préve nir le public pai· cles afnclieshu il j om s d 'avance,
lorsqu'elles vo udront les rele1·c r a près le délai Jh.é à l'art. 1, trois
mois à partir du 1" octobre 187:!
(1) Oallo1.. 181i\. l ~!1ti.
-
8:1 -
IV. - DIVERSES ESPÈCES DE TARIFS.
Il ne peut pas ren trer clans le cadre de cette étude de donner,
avec leurs diJiérenles conrlitions d'application, l'énumération de
tous les tarifs en vigueur . Un pareil travail, lout d'utilité pratique,
ne saurait avoir d'in térê t doctrinal. Nous étudierons, plus tard. en
examinant la responsabilité des compagnies, certaines clauses des
tarifs spéciaux r estrictives de la responsabi lité des transporteurs,
qui ont donné lieu a d 'intéressantes discussions au point de yue
juridique.
ous nous bornerons ici à indiquer les principes qui ont
présidé à la création ùes tarifs, et à en définir les di!Térenles
catégor ies.
La législa tion fran çaise r econna it trois g randes classes de tarifs
au point de vue des conditions seulement : le tarif maximum,
les tarifs géné raux et les tarifs spéciaux.
Le tarif maximum est celui qui est établi par l'acte même de
"Oncession, il fig ure à l'a rt. 42 du cahier des charges. En principe,
aucune compagn ie n 'impose le tarif maximum, il n'est ordinairem ent appliqué qu'aux voyageurs et a ux marchandises sur les
petits parcours, mais il contient les principes qui régissent la
matière des tarifs. Ce tarif divise les marchandises en quatre
classes et établit en principe la taxe proportionnellement au
nombre de kilomè tres parcourus. li est évident que le cahier des
charges n'a pas pu énumérer tous les genres de marchandises qui
peuvent être transportées. Quand il s'agi ra de lb:er la taxe d'une
marchandise non dénommée, il faudra procéder par assiu1ilation .
Les obj ets non désignés au larif, seront rangés, dit l'art. 45 du
cahier des charges,pour les droits à perceYoir,dans les classes ayee
lesquelles ils a uro11 t le plus d'analogie sans q~e jamais, sauf
exception spécialem ent pré1'tle , aucune marchandise non dénommée puisse ètre soumise à une la-; e s upérieure a celle de la première classe des tarifs.
6
�-
82 -
C classement par assimilation ressort de la compétence <les
ordinaires et tombe sous le contrôle de la Cour suprême
(Cassation 18 juillet 1870) (1).
Le tarif général est celui qui, infé rieur ou mème ég.al au
tarif maximum, est applicable ü Lous les voyageurs ou expédll.eurs
sans autres conditions que celles du cahier des charges.
Le ta rif général constitue le droit commun, la règle génér~ le.
d'où il suit que lorsque un expédi teur n'a fa it aucu~e revendtcation particulière de tarif, c'est le tarif qui lui est apphqué.
Les tarifs spéciaux sont des tarifs à prix réduits concéd~s par
les Compagnies à la charge pour les expé~ileurs de. remphr .certaines conditions indiquées par ces tarifs ou d accorder a la
Compagnie soit des délais supplémentaires pour le transport, soit
une diminution de responsabilité.
trib~naux
n se forme donc en tre la compagnie el l'expéditeur une conven tion accessoire du contrat de transport, convention qui ex ige le
consentement formel des deux parties.
Ce principe est formulé sons forme d'avis dans tous les tarifs
spéciaux: les prix du présent tarif ne seront applicables qu'autant
que l'expéditeur en aura fait la demande expresse sur sa déclaration d·expédition. A défaut de cette demande préalable, l'expédition sera taxée de droit a ux prix e l condiLi ons du tarif général de
la Compagnie.
La jurisprudence n'a pas a dmis la validilé d'une convention par
laquelle un expéd iteur aurai t stipulé d'avance que toutes les
expéditions faites par lui voyageraient sous l'empire d'un tarif
spécial. La Cour de Cassation a maintenu la nécessité d'une
demande formelle sur la déclaration d'expédition. (Cassation, 15
mars 1869.) (2)
Cette convention , dit le dernier arrêt, serait en opposition directe
avec tous les principes qui régissent la matière, eLne tendrait à
rien rnoins qu'a annuler les garanties réciproques énoncées, sous
l'approbation de l'autorité publique, dans les tarifs spéciaux en vue
( 1) Dalloz 1870 l . 406 .
(2) Sirey, 1869 1. 158
-
83 -
d'assurer aux gares de départ et d'arr ivée le bon ordre et la régularité des expéditions.
L'application des tarifs spéciaux est d'aileurs soumise aux conditions d 'applications du tarif général rles compagnies en tout ce
qui n 'est pas contraire aux dispositions particulières qui y sont
énoncées.
Les tarifs spéciaux sont proportionnels ou diffé rentiels .
Le tarif est proportionnel quand, étant donné une marchandise
à transporter, la taxe à percevoir varie en raison de la distance
parcourue.
L es tarifs différentiels sont de trois classes : tarifs différentiels :
1' en raison du poids des marchandises, 2• en raison de la dis-
tance; 3° en raison du sens dans lequel le transport s'effectue.
Le tarif différentiel en raison du poids est un tarif dans lequel
la base diminue à mesure que le poids des marchandises remises
par un seul et même expéditeur a ugmente.
Le tal'if différentiel en raison de la distance est un tarif dans
lequel les bases kilométriques diminuent à mesure que la distance
à parcourir augmente.
La légalité des tarifs di1Iérentiels e11 raison de la distance a été
discutée. Ces tarifs violent, dit-on, le principe de l'égalité des
tarifs, ils permettent, e n ou tre, à certains industriels ou commerçants de faire, g râce à cette faveur, une concurrence ruineuse, sur
les marchés où ils enverront leurs marchandises, aux produits
même du pays, et ils arriveront à tarir bien des sources de production e t de richesse. i parfois, il est vrai que certains intérêts
particuliers souffriront de ces tarifs, en réal
,.. ité ils actiYent la vie
commerciale et la production, ils arri rent à équilibrer parloul le
prix des choses, résultat précieux quand il s'agit des objets indispensables à l'alimentation publique ou des matières de première
nécessilé, ils font pénétrer partout les ressources el le bien-ètre
en supprimant les dis tances et 8ont môme un obstacle ü ce que
certains industriels ne se rendent maitres absolus de prix et ne
créent un monopole à leur profit.
D'autre part, cette diminution de taxe est parfaitementjustifiée,
car le prix des tarifs comprend non seulement le remboUl'sement
�-
84 -
tles frais s péciaux au transport, mais encore l'amor~issement des
frais générau x qui grèvent dans de moindres proporhons les expéditions à grandes distance.
.
.
.
Enfm , ces tarifs sont toujours combinés de manière que JaIUa1s
le prix total du transport ne soit plus élevé pour les parcours peu
étendus que pour les trajets plus considérables.
Les tarifs différentiels en raison du sens dans lequel le trans port s'e!Iectue, sont ceux ùans lesquels le prix .de transpor t po ~r
aller d'un lieu dans un autre est diliérent de celm fixé pour reYe111r
du lieu d'arriYée au point de départ.
Les compagnies les établissent quand le mouvement comme rcial entre deux centres est moins importan t dans un sens que da ns
l'autre; elles font des concessions pour utiliser un matériel qui
reviendrait à vide .
Les seuls tarifs différentiels qui aient une dénomination propre
sont : les ta rifs communs, les tarifs internationaux, les tarifs d'exportation, les tarifs de transit et les tarifs de détournement.
Les tarifs communs sont les tarifs que créent cieux ou plus ieurs
Compagnies, combinant en un seul deux ou plusieurs tarifs spéciaux, deux ou plusieurs tarifs di1Térentiels.
Quand parmi les compagnies se tro uve une compagnie étrangère le tarif combiné est alors un tarif internationa l.
Les tarifs d'ex portation ont pour objet de facil iter a ux produits
fran çais l'arri \'ée à la frontière pour qu'ils puissent lutter avec
plus d'a\·antages contre ceux de fabri cation étrangère.
On a vivement critiqué les tar ifs de transit applicables au x
marchandises qui traversent la France sous plombs de douane
d' une frontière à. l'autre, auxquels on a r eproché de favoriser le
commerce étranger au détriment du com10er ce français ; ma is
ces tarifs, destinés en général à décider les produits étrangers
auxquels plusieurs Yoies sont ouvertes , à. choisir le tra nsit par le
France, loin de créer une concurrence qui ex isterait sans eu x
sont une source de profil, non seulement pour les compagnies
dont elles utilisent Je matériel en leur fournissant un aliment,
mais pour le commerce tout entier auquel elles apportent les
diverses opéra tions de transit et pour la marin e à laquelle elles
procurent un fret de sortie.
-
85 -
Enfin, et pour terminer cette rapide énuméra tion, les tarifs de
détournement établis pour le parcours entre deux villes non reliées par un chemin de fer di rect, sont des tarifs dont les prix
sont basés sur la dis tance à vol d'oiseau, et q ui font a ins i, bénéficier les points qu' ils rapprochent fi ctivement, d'une partie des
avantages que leur procurerait un chemin de fer direct.
�-
86 -
CHAPITRE II
PRINCIPRS GÉNÉRAUX. - FOIŒATION Dll CONTRAT llE TRANSPORT.
l. - CARACTÈRES DU CONTRAT DE TRANSPORT.
Le contrat de transport est une convention par laquelle une
personne s'engage à transporter pour un pt' ix déterminé des personnes, marchandises ou objets quelconques d'un li eu dans un
autre.
C'est un contrat synallagmatique parfait produisant des obl igations réciproques entre les contractants dès le moment même de
sa formation , à titre onéreux , et du droit des gens.
Le contrat de transport participe à. la fois du lou age de service et du dépôt et l'on s'est demandé s'il devait ètre rangé dans
la classe des contrats consensuels ou des contrats réels .
Pour certaines personnes, le contrat est purement consensuel el
formé par le seul fait que les volontés des parties sont d'accord.
En effet, soit qu'il s'applique aux personnes, soit qu'il s'applique
aux choses, le contra t est consensuel en ce sens qu'aucune forme
spéciale n'est requise, pour la manifesta lion de la volonté des
parties. L'art. 101 du Code de Commerce porte bien que la lettre
de voiture forme contrat entre l'expéd iteur et le voiturier, ou
entre l'expéditeur, le commissionnaire et le voiturier mais on n'a
.
'
Jamais mis en doute que le mot forme n'ai t le sens du mot
constate.
-
87 -
Pour d'autres auteurs l'immixtion du dépôt amène cette conséquence, que le contrat n'existe à proprement parler qu'autant que
la remise des objets à transporter a eu lieu. Jus que là il n'y a
qu'une simp le promesse de transport.
Si le voiturier, avant la réception des colis, refuse de se charger
des colis qu' il s'était engagé à transporter, il est responsable en ce
cas parce que toute obligation de faire se résout en dommages
intérêts en cas d'inex6cution de la part du débiteur, mais il n'est
pas responsable comme voiturier.
En réalité, le contrat de transport est d'une nature mixte. Il est
réel en ce sens qu'on ne peut pas le co ncevoir quand le voiturier
n'est pas en possession d'un objet ü transporter ; et l'art. 1782 ùu
code civil renYoie au litre de dépùt pour fa ire connaitre les oLligations qui pèsent sur le voiturier au sujel de la garde et de la conserva lion des obj ets qui lui sont confiés.
Le projet du code civil contenait [même un article portant que
le marché fait avec des voituriers par terre et par eaux est un contrat mix te qui participe de la na ture du contrat de louage et de
celui du dépôt.
D'un autre côté, il n'est ni littéral ni so lennel el se forme sans
qu' il soit besoin de recourir à un écrit ou à une forme spéciale.
Le contrat de transport est soumis aux conditions générales de
valitlité des contrats en ce qui a trait: soit à la nécessité du
consentement (art. 1109 et suivants du code civil), soit à la capacité
ues parties (art. 1123 et s uivants), soit à l'existence d'un objet qui
puisse faire la matière d'un contrat (art. L126 et s ui vants), soit
enfin à celle d'un e cause licite (art. 1131 et su iYants du code civil).
Lorsque la personne qui se charge dn transport doit l'effectuer
par elle-même ou par ses préposés, on la nomme ,·oiturier ou entrepreneur de transports; lorsqu'au contraire elle ne 'est engagée
qu'à faire opérer le trallsporl el qu'elle en charge un ou plusieur.
voituriers on la nomme commissionnaire de transport.
C'est e1~trc l'expéditeur et le voiturier ou entre l'expéditeur le
commissionnaire el le voiturier que le contrat se forme.
Si les obje ts à lcnr arriYée ne doivent pns dre remis à l'e-xpéditcu1· lui-1uênw une tierce personne peul se Lrouver intéressée:
'
.
c'est le des tinataire.
Le con tra t se forme toujours entre le vo1-
�-
turier et l'expéditeur; mais celui-ci stipule alors non-seulement
dans son intérèt, mais aussi dans l'intérèt du destinataire; et le
destinataire peut réclamer directement l'exécution du contrat au
Yoiturier et le poursuivre en dommages intérêts en cas d'inexécution.
Quatre conditions essentielles doivent dont se trouve1· réunies
pour que le contrat de transport puisse exister : Il faut :
Un
Un
Un
Un
-
88 -
objet à transporter ,
expéditeur,
voiturier,
prix pour le transport.
Il importe peu qu'il y ait un destinataire distinct de l'expédi teur;
l'existence du destinataire n'est pas de l'essence mème du contrat. Il est aussi indiliérent que l'expéditeur ait traité directement
avec le voiturier ou par l'entremise d'un commissionnaire.
En pratique, le commissionnaire est presque toujours en mème
temps voiturier, ou bien il réclame pour Je transport un prix supérieur à celui qu'il a payé lui-même.
En eliet, les expéditeurs, soit pour éviter que les commissionnaires et ~es voit.uri ers ne s'entendent à leur détrimen t, soit pour
ê tr~ fi xés i11:méd!ateme~t sur le prix total du transport, préfèrent
toujours traiter a forfait avec les commissionnaires au lien de
leur rembourser le prix. qu' ils auron t eux-mêmes payé pour le
transp?rt. aug~enté d'une commission. En droit, par conséquent, le
comm1ss10nna1re est un Yéritable entrepreneur de transport. Il en
e.st résulté que dans la langue du commerce ces deux dénomination~ sont p r~ses indiITérement l'une pour l'autre et sont rarement
app.hq~ées d une man i~re exacte. Ainsi on appelle dans le langage
ordinaire, les compagnies de chemins de fer des entrepreneurs de
transports et cependant les compagnies sont ou voituriers seulemen ~ q.uand .la marchandise ne doit pas sortir d'un réseau, ou
comm1ss10nnaires
. .
. . quand la marchandise doit emp 1oyer pour parvenir a d.est111at10~ I.e rés~au d'autres compagnies. Cependant la
compagnie comrrnss1onna1re ne perçoit par de commission .
Il. -
89 -
DE LA LETTRE DE VOITURE.
Nous savons que le contrat de transport se forme par le seul
consentement des parties, et sans qu' il y ai t besoin d\m acte
écrit passé entre Je voituriet' et l'expéditeur.
Comment pourra-t-on prouver dans ce cas l'existence et les conditions du contrat pour une valeur supérieure à 150 francs.
Tout d'abord si c'est le voiturier qui invoque le contrat, il le
prou ,·era par la détention même des objets qu'il aura transportés,
et s i le débat porte sur le prix du transport, il l'établira contre un
commerçant par tous les moyens cl e preuves énoncés à l'art. L09
du code de commerce ; contre un non commerçant, par les usages
du commerce p our les transports effectués dans des condi tions
semblables.
Quand c'est contre le voitmier que l'exécution du contrat est
poursuivie: s'il est commerçant, l'art. 109 apporte au demandeur la
ressource de tous ses moyens tic preuve. Lorsque le voiturier n'est
pas commen;ant, ce qui arrivera dans des cas excessivement
rares, l'expéditeur pourra encore prouver contre lui les conditions
du transport par la preuve testin1oniale.
Il résulte, en efTet, de l'art. l 782 que les voituri ers sont assimilés
aux auberg is tes pour les obligations qu'ils ont à remplir.
Il est certain que l'assimilation doit ètre faite également en ce
qui touche les tùo)·ens de preuve. La discussion qui eût lieu au
conseil d'Etat à propos de cet article ne laisse pas place au moindre doute.
La prem·e par té1noins pourra Llo nc être reçue mème pour une
valeur au dessus de 1;:,o francs. (Art. t3'18 et 1950 du code ciYil.)
Dans l'usage du commerce, on constate le contrat de transport
par un acte qu'on appelle lettre de voiture.
Avant l'établissement des chemins de fer, l'expédi teur, en même
temps quïl confiait au YoiLuriel' l'obj et à transporter, lui remettait
une leltre p our le destinataire llans laquelle se trouvaient inscrites
les conditions du transport.
�- 90 Elle était généralement conçue dans les termes suivants : à la
garde de Dieu et Je (X) voiturier, vons recevrez (telle march andise)
marquée comme en marge, laquelle devra vous être r endue
(à Lelle date) à peine de perte pour le voiturier de ( telle portion)
des frais de transport et vo us payerez la somme de ( tant de)
francs.
C'est cette lettre de voilure dont l'art. 102 du code de commerce
nous dit : elle doit t'tre datée, elle doit exprimer la nature e l le
poids des objets à transporter, le délai dans lequel le transport
doit être elTectué; elle indique le nom et le domicile du r,omm issionnaire par l'entremise d uquel le transport s'opère, s'il y en a
un. le nom de ~elui à qui la marclrnndise est adressée, le nom
et le domicile du voiturier; elle énonce le prix de la \'Oiture, l'indemnité due pour cause de retard, elle est signée par l'expéd ileur
ou le commissionnaire , elle présente en marge les marques et
numéros des objets à lransporter; la lettre de voitu re esl
copiée par le commissionnaire s ur un reg is tre co té e l paraphé
sans intervalle et sans s uite.
La lettre de voiture é tail réd igée en cieux exempla ires dont l'un
était remis au voiturier el l'au tre restait entre les mains de l'expéditeur pour la sa uYegarcle de ses droits.
Cette rédaction de la lettre de voiture à double o rigina l n'est
pas nécessaire pour qu'elle puisse èlre ad mise comme preuve du
con~ra t de transport: l'art. 1325 du code n'est pas applicable a ux
matières commerciales.
. L' ar t· .~ O·2 du Corte de commerce ne porte pas que les énonciations qu il énumére doi\·ent se trouver à peine de nnllilé dans la
lettre de voiture. La lettre de voilure n'étant qu'un moyen de
const~ter le contrat et n'étant pas ei:;sen tiellc à sa validité, il est
~ertam que le défaut de certaines mentions ne peut avo ir une
influence q uelconque, puisque le défaut de la lettre de ,·oi lure n'en
a pa~. Le moyen de preuve sera pent-ètre incotn plet mais les
,
,
.
.
parties auront la fac ull"'<.; d e 1ecour1r
à d autres moyens pour
•
établir leur convention.
.
. t10ns
.
· l es enon
Pourrait-on prouver con ·tre
de la lettre de voic1a
tctu·r~, par exemple, au moyen
de la p1·euve testimon ia le? Il faul
ec1der que non car l'a rt · 13t.11 , qui. porte qu 'i l n'es t r eçu a ucune
-
91 -
pre~ve par témoins contre et outre le contenu aux actes, s'applique
aussi bien en matière commercia le qu'en matière civile.
Il faut cependant faire exception pour le cas où la partie contre
laquelle serait invoquée la lettr e de voiture soutiendra it qu'il y a
dol ou fraud e.
Lorsque dan s un contrat de t rnnsport l'expéditeur ne fait pas
l'envo i àsa propre adresse, i.I est intéressan t de r echercher quel
est pour le des tina ta ir e le bénéfice de celte s tipulation. Doit-on
considérer le transporteur simplem ent comme le mandatair e de
l'expéditeur, obligé, par conséquen t, de s ui vre en toutes circons tances ses instructions ; et, par exemple, l'expéditeur aurai t-il le
droit de révoquer le mandat de transp ort, de changer le destinataire ou d'ordonner que les marchandises soient retenues jusqu'à
nouvel avis ou lui soient restituées. Celt1' indication d'un destinataire, dans une lettre de \'Oilure, a-t- elle, au contraire, tous les
eITets <le la stipulation pour autrui dont parle l'art. 11 21 du Code
civil, stipula tion i rrévocable si le tiers a déclaré \'Ouloil· en profiter.
On a so utenu que l'expéditem qui fait un envoi à un desti natair e
stipule pour ce lui-ci, et stipule très-valablement puisqu'il est
intéressé personnellement à ce que le transport s'accomplisse et
que telle est la condition de son contra t. Le deslinataire est sans
doute, dit-on, sans a ucun droil a u moment même du transport, el
la conven tion est sans effet \'is- à-,·is de lui ; elle ne l'oblige pas
en,·ers le voi turie r à recevoir la marchandise et à en payer le
prix. Mais dès qu'il déclare vouloir profiter du contrat il est
imm éd iatem ent obligé; on peut i1woquer contre lu i toutes les
clauses et toutes les conditions qu i y sont stipulées.
H.éciproquement, à partir de sa déclaration, le bénéfice du
con trat lui est assuré, il en acquiert immtidiatement toutes lP
actions; il sufül de la simple manifestation de sa \'olonti,\ pour
qu'il entre tou t-à-fa it clans le contra t de trausport et se substitue
quelquefois complètement à \'expédi teur. Le \'Oiturier doit donc,
dès le moment ùu contr at, se regarder comme obligé non-seulem ent envers l'ex p édileur mais e ncor e vis-à-vis du destinataire.
L'expéditeur n e peul pas cx.igel' de lui qu'il lui remette les marchandises, car la slipula lion p oetr q u'elles seront remises au
destinataire, et le voiturier ne doit pas ad me ttre facilement que
�-
l'expéditeur le délie de ses obligations, car il sait que le destinataire a pu, par une s imple manifestation de Yolonté, acquérir le
droil à la linaison des marchandises et que l'expéditeur n·a pas
le potffoir de préjudicier à cc clrnil acqui pnr le deslinntaire.
i donc rexpécliteur vien t lui demander de lui remettre les
marchandises, le voiturier dena exiger tle lui une preuve trèsformelle que le des ti nataire n'a pas encore manifesté l'intention
de profiter du contral de transport ou qu'il a r enoncé à se prévaloir de la stipulation faite pour lui.
Le résultat de cette théorie serait que l'expéd iteur, rnème encore
nanti de la lettre de voiture, qu'il offrirait de restituer au voitmier.
ne pourrait pas obliger le YOilmier à modifier ce contrat en
ofirant seulement de rendre le litre encore entre ses mains.
ous ne pensons pas qu'il y ait réellement dans le fait de l'indication d'un destinataire une stipulation pour autrui. Le trnnsporteur n'est qu'un simple ioandataire de l'expédi teur, le fait de
la destination ne peut impliqu er l'indication d'un droit de propriété
au profit du destinataire ; ce n'est que la détermination nécessaire
d'une condition du contrat de transport. Si l'expéditeur veut
changer le mandat du transporteur el s ubstituer un nouveau destinataire à l'ancien, le voiturier ne pourra se refuser à exécuter les
nouvelles instructions, avec celle restriction cependant que l'expéditeur soit encore nan ti de la lettre de voiture q ui lui aura été
délivrée lors de la prise en charge des colis. Cette lettre de voiture,
en effet, entre les mains du destinataire crée à s on profit un
titre contre le transporteur. Tant que ce titre n'est pas r estitué
le voiturier a le droit de considérer le premier mandat comme
irrévocable.
Ou si l'on veut considérer qu'il y a dans ce cas une s tipulation
pour autrui, il faudra admettre que le destinataire n'est autorisé
à s'en prévaloir, qu'à la condition d'avoir entreses mains la lettre
de YOiture.
Cette manière de voir a été consacrée par un arrêt de la Cour
de Cassation du 5 aoùt 1878 (1). li s'agissait da ns l'espèce d'un
récépissé ~·e~péditi?n délivré par la compagnie d'Orléans et que
la Cour assimile entièrement à une lettre de voiture.
(t ) Dalloz, 1878. 1.4M..
-
92 -
93 -
ALtendu,y est-il dit, en droit, que le récépissé d'expédition délivré par une compagnie de chemins de fer chargée de transporter
desmarcbandises,tient lieu de lettre de voiture et représente l'obligation de la compagnie vis-à-vis de l'expéditeur et vis-à- vis du
destinataire, q ui n'a point été partie au contrat. Que la désignation
du destinataire ne peu l impliquer par elle-même aux yeux du
transporteur un e ind ica tion de la propriété et n'est pour lui que
la détermination nécessaire d'une condition du contrat de transsport. Que si le destinataire est autorisé à se prévaloir de cette
désignalion pour se fa ire remettre les marchandises expédiées,
c'est à la condition d'être nanti du récépissé délivré par la compagnie ; qu'au contraire, tant que ce litre n 'est pas sorti des mains de
péditeur, le contrat inter\'enu entre lui et la compagnie peut-être
rompu avant toute exécution, par suite de l'accord en vertu duquel
les marchandises sont retirées par l'expéditeur et .le récépissé est
restitué à la compagnie. »
Il en résultera que si les créanciers du destinataire, exeri:ant, en
vertu de l'article 1166 du Code civil, tous les droits de leur débiteur,
et notamment ceux résultan t du contra t de transport, onl saisiarrêté en cours de t ransport les marchandises adressées à leur
débiteur, le transporteur n'aura pas besoin de demander que la
mainlevée de l'opposition soit rapportée pour faire suiYre à la
marchandise une destina tion différente si l'expédi teur restitue tous
les Litres délivrés par la compagnie qu'il a conservés entre les
mains. C'est ce qui a été décidé par un arrêt de la Cour de Paris
du 30 décembre 187 1 ( 1). « Attendu , que le transporteur, simple
mandataire de l'expéditeur, n'avaitpas à s'enquérir du propriétaire
<le la chose transportée e t devait, à moins de retrait de la marchandise par l'expéditeur qui la lui avait confiée, exécuter strictement le transport objet du mandat, que le fa it de la destination
ne peut impliquer par lui-même a ux yeux du transporteur une
indication q uelconque de la propriété, et n'est pour lui que la
détermination nécessaire d'une cond ition du contrat de transport;
que Loule autre solution jetterait un e p erturbation dans le com1nercc et l'industrie dans l'administ rntion des chemins de fer ,
'
et dans tous les intérêts liés à la ma tiùrc des transports. »
L<
(1) Dalioz, 1873. 2. 28.
�-
94 -
Une autre conséquence, c'esl que le commissionnaire qui a fait
<les avances sur une marchandise en coun; de voyage, n'est pas
réputé en possession et n'a, par conséquent, aucun privilége aux
termes de t'arl. 92 du Cod e de Commerce, tant qu'il n'es: pas
nanti de la lettre de voiture, lors m~me qu' il s'agirait d'une lettre
de voiture dans laquelle il a urait été nommément désigné comme
destinataire.
Disons en passant que lorsque l'expéd iteur d'une marchandise
veut suspendre la livraison au destinataire, il doit, s i le transport
s'effectue sur plusieurs 1·éseaux, s'adresser à la Compag nie ùe
départ, et non à la r.ompagnie <l'arrivée, t:ar il n 'existe aucun
lien de droit entre lui et cette dernière.
La compagnie qui a consenti le contrat doit ètre avisée du
changement apporlé aux conditions stipulées et c'est à elle à
transmettre ces instructions nouvelles aux Compagnies intermédiaires et à la compagnie ù'atTi,·ée.
On ne saurait, dit un jugement du Tl'ibunal de Commerce de l:.i
eine du 30 décembre l872 (1), imposer aux agents de la compagnie, dans les gares intermédiaires et les gares de destination,
de s'anèter sans autre avis à de s imples ins tructions particul ières
qui pourraient leur èlre adressées même par des expéditeurs ou
Lous autres intéressés. Ces agen ts ne connaissent et ne doi vent
en principe connaître que leur administration centrale, ou le
bureau expéditeur lui mèrne. auquel il appal'tient à l'expéclileur
de s'adresser pour faire transmettre les nouYelles instructions ou
tout au moins pour les faire confirmer.
Il nous reste maintenant à examiner si la lettre d e voilure
comme les eJiets de commerce, peulèlre mise en circulation c'est~
'
à-dire transmise par la voie cle l'endossement.
La lettre de voiture est à ordre ou à personne dénommée.
Dans le premier cas, tout le monde esLd'accord pour reconnaitre que l'endossement esl valable, mais cette solution n'a pas une
grande importance pratique, car il esl d' un usage constant cl
général dans le commerce de créer des lettres de voilures dans
lesquelles ne se rencontre pas la formule à ordre .
(1) Lamée-Fleury, 1873, p. Ci'I.
-
95 -
Dans ce cas les opinions sonl divisées en ce qui concerne la
transmission par l'endossemenL.
Pour soute!'lir la validité ùe ce trans fert on se fonde sur l'usaO'e
du commerce: les lettres de voiture, dit-on, ne sont presque jama~s
à ordre et cependa nt 011 les tra11smel par voie d'endossement sur le
duplicata expédié au destinataire. Le code est muet sur la manière
dont peuvent se transm ettre les lettres de voiture on doit donc
'
. '
pm squ on se trouve en matière commerciale, recourir aux usages
dans ce silence de la loi.
La question a surtout un grand intérèt lol'sque le tiers porteur
de la lettre de voiture ama fait des avances sur les marchandises
et voudra exercer sur elles son priYilége, en prétendant qu'il en a
été saisi aux termes de l'art. 92 d11 Code de commerce par la lettre
de voiture.
La Cour de Cassation a décidé, dans un arrêt du 12 jam·ier L847 (1),
que les lett!'es de voi ture ne peuvent être régulièrement négociées
par voie d'endossement que lorsqu'elles sont à ordre el que hors
ce cas la transmission qui en est faite ne constitue qu'un transport
ordinaire quine produit pas les eŒets attachés par la loi à l' endoss.ement. Cette solution est malheureusement la seule juridique;
1usage du commerce ne peul prévaloir contre les dispositions de
la loi. Il est de principe en droit commercial qu'on ne peut transmetlre par endossement que les Litres dans lesquels on a stipulé
•
ce mode particulier de trnnsmission.
à ordre: si par
voiture
de
lettres
des
faire
de
interdit
pas
Il n'est
conséquent l'expéditeur veut que sa lettre soit négociée par voie
d'endossement, il lui est permis de donner cette faculté au destinataire en créant la lettre de voilure à snn ordre. Quand, au contraire,
la lettre est à personne dénommée, l'expéditeur ou ses ayant,
droit sont fondés à refuser au porteur de la lettl'e de voiture, par
endossement mème régulier, ln qualité de tiers porteur. Le cessionnaire n'a pas plus de ùroils que n'en avait son cédant, le seul
moyen pour lui d 'ètre saisi serai t un transfert par acte signilie à
l'expéditeur.
)
(1) Journal du Palais, 18ff 1.13(1.
�-
96 -
Ill. - OKS RÉCÉPISSÉS.
En malière de transports par ch emin de fer, les expéclitems y euYent exiger des compagnies la rédaction d'une .le ttre de voitu '.·e,
celte facullé leur est expressément résen ·ée par l a rt. 4\l du cahier
<le charaes : toute expédition de marchandises sera conslatée,
si r ex péditeur le demande, par une leltre de Yoiture dont un _exemplaire restera aux mains de la compagnie et l'autre aux mams de
.
l'expéditeur.
La forme de ces lettres de voiture est conforme aux énonc1aions indiquées dans l'art L0'2 du Code de .commerce, sa~f sur un.
point, c'est que les compagnies se sont tOUJOurs refusées a énonce1
dans le lellre de Yoiture l'indemnité éventuell e à payer pour cause
de retard. Ce refus a soulevé de nombreuses discussions.
Les expéditeurs p1·ét endaient que les compagnies é taient.obligées par leurs cahiers des charges à rédiger une lettre de vo1 tur~,
Cette lettre de voiture ne pouvait être que celle prévue par la 101,
c'est-à-dire parl'art. 102 du Code de coru me rce, et devait renfermer
par conséquent toutes les énoncia tions prescrites par cet ar ticle .
Les compagnies soutenaient que l'énonciation de l'indem nité
pour cause de reLard n'est pas un e <les cond itio ns essentielles de
la lettre de voiture, qu'aucun règlement ne prescrit cette é nonciation et qu'à défaut de règlement les compagnies ne peuvent ê tre
liées que par leurs conventions librement débattues.
La Cour de Cassation , par trois arrèls du 27 j anvier 1862 (l ),
cassant trois décisions de cours,a définitivement déb ou lé les expéditeurs de leurs prétentions.
Aujourd'hui,dans la pratique constan te des chemin s de fer, on ne
rédige plus de lettres de voiture. Depuis 1862, c'est-à-dire depuis
que la Cour de Cassation a décidé que les compagnies avaient le
droit de ne pas accepter la clause devenue de s Lyle par laquelle on
stipulait en cas de retard l'abandon d'une partie des frais de trans(l) Dalloz 1862. 1. 67.
!)ï -
port, la principale util ité de la lellre rie voilure a disparu. On a
recours au second mode de cons tater le contrai prérn par l'ordonnance de L846 e t le cahier des charges : cc Dans le cas où l'expéditeur n e demander ait pas de lettre de YOiture, la compagoie sera
tenue de lui déli\·rer un récépissé qui énoncera la nature et le
poids du colis, le pl'ix tota l rl 11 Lra11sport et le délai clans lequel ce
transport devra être effeclué. »
Cette n écessité de la délivrance d" un récépisst'• à défaut de lettre
de voitu re a été consacrée pa r la loi du t3 mai 1863 portant fixation du b udge t de 1864 ,qui porte que le récépissé deYra être reYèlu
d'un ti mbre de 20 centim es (70 depuis la loi des 30 mars et 4 avril
1872), e t rédigé en deux exemplaires, ùont l'un pour l'expéditeur
et l'autre destiné à accompagne1· l'expéd iti on et à être remis au
destinataire.
La forme de ces r écépissés a été déterminée par une circulaire
ministérielle du 26 février 1861 .
Ils sont dé tachés d' un registre dont la souche tien t lieu du registre
que l'art. 1875, C. civ., exige du vo iturier .
L'expéditeur remet aux compagnies en même temps que sa marchandise une déclara tion d'expédition ou note de remise contenant
toutes les conditions de l'envoi qu'i l se propose de faire, et la
compagnie délivre u11 récépissé qui doit eu reproduire Lo~tes. l~s
mentions. Ce récépissé constitue un Yéritable ti tre pour 1exped1teur et le destinataire, et ses énoncia tions ont la même force probante que la lettre de voi ture dont il tient la place. La déli~ra1~ce
du récépissé ne crée un lien de droit e t ne constitue une obhgallor.
qu'envers l'expédi teur.La compagnie pourra dc1nc Yalablementsur
sa demande changer la destination des marcha ndises san que le
destina taire puisse se préYalo ir vis-à-Yis d'elle du récépissé oü il
étail dès igné. En effel, le récépissé n 'esl qu'un simple reçu <le . la
marchandise délivrée à l'expéditeur; et d'après l'art. 49 Liu caluer
!les charges, il n'é tait nullement q uestion du destinataire. Le nom
de celui-ci doit y être indiqué depuis la lo i du 13 mai 1863, arl. lO,
2' alinéa, mais le destinataire n'est nullement parlie au contrat et
l'iudication dont i 1 est l'obj et ne peul pas èlre considérée com1~e ~n_e
stipulation en sa tave ur. Quant au récépissé qui lui est destrne, il
acco mpagn e l'expédition, il ne lui est remis qu'au moment de l:i
7
�-
98 -
livraison des marchandises à l'arrivée et il ne pe ut cuns titue l'
d'avance un droit pour le destinataire à l'encontre de La compag nie.
.
Une question intéressante, an.a log ue à 1.:elle que no~s ~v,ons d1~
cutée à propos des lettres lie voLture,es t celle de s avoir s11 expéditeur peut en en\•oyant son récé pissé a u des ti 11ataire, co ns titue r à
celui-ci un droit à l'encontre ùe la compagn ie. Fa udra+il a dme ttre
que la remise du récépissé a nra les mêmes eITets que ceux que
nous avons reconnus à la re mise de la le ttre de voiture, c'est-à-d ire
de transme ttre la possession de la marchandise en cours de
voyage.
· · · · dél'1v1·é a· l' ex p e-·
·
La raison de doute r c ·est que, par le rncep1sse
diteul', la compagnie s'engage e nvers lui seul e t nullemen t envers
Je destinata ire, a uquel la loi destine un Litre s pécial, le récépissé
à remettre au destinata ire.
Le récépissé créé pour l'ex péd iteu r ne peu t conférer de drnits à
celui pour lequel la loi a fa it prépare r un a utre ti tre tout d iITérent.
On p eut ajouter que l'a na lyse de l'orig ine des récépissés condu it
au même résulta t. Et enfin les raisons de d roit qui pe r mette nt de
ùécider que la remise de la lellre de voiture a n destinata ire crée
à :;on profit un d r 0it irl'évoca lJle conlre le tra nsporteur ma nquenL
ici. L'art. 576, 2' alinéa, du Coùe de co mmerce , fai t cesser, le droiL
de revendication qua nd les ma rchandises expéd iées a u failli ont été
reve ndues sur factures el connaisse ments ou lettl'es de voilu re
s ignées pa r l'expéditeur . L'art. \12, 2· a li néa, du même Code, dispose que le créancier est réputé avoir les marcha ndises en sa p ossession, si avant qu'elles soient a lTivées il en est saisi par un connaissement ou par lettre de voi ture. Les textes qui permettent de
reconnait rn des ùro its au dastinata ire na nti de la lettre de vo iture
sont muets sur les récépissés, el cependa nt l'art. 92, introduit da ns
le Code de commerce par la loidu 23 mai 1866 , a rr ivait à une époque
où les i·écépissés e xistaient depui s longteinps, el quelques jour.
après la loi qui les soumetta it an droit de t imb re de 20 centimess
Ce silence est significatif.
'
Ces raisons peuvent être séri euses, ma is elles ne s ont pas décisives . Le silence des art. 92 et 576 d u Code de commerce, ne peut
fournir d'argument car ces arLicles contiennent des applications de
cette règle que lé code n'a pas jugé nécessaire d'exprimer formel,•
-
99 -
lement, q ue le destinatail'e u ne fo is e n possession du conna issement ou de la lettre de voiture où il est désigné a un droi t absolu et
irrévocable à l'encontre du voiturier.
L'existence de deu x doubles des 1·écé pissés ne peut p as non
plus être in voquée ca r p our le conna iss ement nous vo yons qu'il
<l oit y a\' Oir qua tre orig inaux : un pour le cha l'geur et un pour le
réceptionnaire et cela n'empêche pas que le chargeur ne pui::;se
envo ye r son con na issement à un ùestinata ire en mème te111ps q ue
l'exempla ire créé pour ce de rnie r , e t lui confére r, pa r cette rem ise,
la possession an ticipée des ma 1·cha nd ise- .
Mais,en outre, il y a des tex tes cle lois très formels qui ass imilent
complètement dans leurs e!Tets les récépissés aux le ttres de voiture
L'art. 49 du cahier des c ha rges donne le ch oix entre les deux
modes de cons ta ta tion du contrat de tra nsport. L'art. 10 de la loi
de !inances du 13 ma i J1:163 , en décidant que le récépissé doit è tre
fait à double e t do it ind ique r le nom du destinataire, a eu pour
but d'assurer plus de facilité a u commerce dans ses rappor ts avec
les co1npa gn ies et de donner aux récépissés les mêmes ava ntages
qu'à la lettre de voi ture. Ce but est clairement indiq ué dans le
rap port de la commission e t les Le rmes de la discussion au rnoment
du vote de li:\ loi ne la issen t aucun doute. 11 demeure donc bien
entendu, dit un d éputé, que le récépissé a ura identiquemenL les
mêmes eliets que la le ttce de voiture, sauf la fi xa tion du chiffre de
l'indemnité, il est bon que le public soit fixé sur les nouveaux
droits que lu i con fère le récépissé.
Enfin la loi du 30 mars et du -1avri l1 872 complète l'assimila tion
j uriù ique du récépissé à la lettre de voiture.Cette loi qui, par mesu r~
fisca le, soume t les récépis5é::; a u mê me Limbre de ï O centimes que
les le ttres de voilure, supprime la dernière ù ifîérence réser vée en
1863, c'est-à-dire la spécia lité des récépissés a ux transports pa r
cheü1in de fe r . L 'a rt. 1 porte à cet égard: Ces récépissés pour ront
serYi1· de le ttre de vo iture pourles tra nsports qui,indépenda mment
des voies fe r rées,emprnn teronl les ro ules, canaux et rivières.
Ces pri ncipes out é té consacrés par la j uris prudence, el ùe ux
arrMs de cassationdu 9décembrc J873 (l)et du 5aoù t 1878(2), on t
(1J Da lloz, H!7!L l .l10!l.
(2) Oalloi;, Hli8. 1. 16\.
�-
JOO -
formellement reconn u que la remise du récépissé a u des ti nata ire
lui confère un droit incommutable à r encontt·e de la compagnie .
ous a\'Ol1' vu en matière de lettres de voilui·e, les conséque nces
qu i ré ultent de cette app réciation lorsq ue des saisies-arrêts ont
été pratiquées par les créanciers du destinataire et les obllgaLions
qui pèsent en pareil cas sur les compagnies: nous n'y rev iendrons
donc pas.
Mais en matière de trans port pa r chem i11 de fer il existe certains
contrats particuliers qui, à propos des oppositions des créanciers
du destinataire,ont soulevé des diflîcultés, je veux parler des transports contre rnmboursement.
L'expédition contre remboursement est le contrat par lequel une
compagnie de che111in de îer s'oblige à transpor ter nne marchandise dans un lieu déterminé, mais à ne la 1ivrer au destina ta ire que
contre payement d'une certaine som1ne qu'elle recoune po ut· le
compte de l'expéditeur.
On a prétendu que le transpo1·t contre rem boursement présente
ceLLe particularité,quï l fait connaitre à la co111pagnie la natu re des
rapports qui existent en tre l'expédi teur et le desti natai re. La compagnie sait que la marchand ise a ppar tien t à l'e xpéditeur j usq u'au
moment où le destina ta ire a re mboursé. Par cela seul qu'un ex péditeur inscrit sm sa déclaration d'expédition une somm e à percevoir à tit re de remboursement , la corn pagnie est info rmée que
l'expéditeur reste propriétaire tant que le prop riétaire n'au ra pas
payé, la Compagnie serait donc responsable si, en présence d 'une
opposition formée par les créanciers du destinataire, elle méconnaissait le droit de propriété de l'expéd ileur et refusait de lui 1·estituer ses marchandisesjusq u'i1 la lllai11 levée de l'opposition.
Cette théorie est celle du tribuna l de commerce de la Seine. E lle
se trouve dans un jugement du 1:1 jatwiel' 1870 ( 1),oü il est dit : <<q ue
les marchandises expédiées contre rc111boursemen t n'avaient pas
ces~é d'èlee la propriété de l'expéditeu r tant que le destiunlai rc ne
s'en était pas livré contre remboursement, et que la Compagniej
sans s'arrêter à l'opposition pra tiquP,e entr e ses mains par les
créanciers du dest inataire sur toutes les marchandises pouvant
(1 ) Dalloz, 1870, 3.56.
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'101 -
arriver à son adresse, de~ i t resti tuer les colis à l'expéditeur e t à
défaut être conda mn ée à en payer la valeur .»
Cette manière de voir est inexacte, ell e repose s ur une fausse
apprécia tion clu transpo rt contre l'emboursement. La théorie du
tribunal de commel'ce ùe la Seine ne serait wa ie à la rigueur que
si le remboursemen t grévant l'ex pédition •se trouvait être le montant du prix de la 1na rc handise, mais il peut parfailemenl arri ver
que Je rem bou rsemen t n e soi t q u'une partie de ce prix ou mème ne
représente que ùes débours élevés.
Il est possib le a ussi que la ma rchandise soit livrable en gare de
départ et, clans ce cas, il est bien certain que la ma rchand ise est
devenu e la propriété de l'acheteul', qu'elle voJ·age à ses risques et
périls, et que, s i elle pé1·it en cours de transport, le vendeur conser vera néanmoins le dro it de lui réclamer le paiement du prix.
Enfin le destinataire peut a"oir déjà fait des arnnces et avoir
acquis des d roits sur la marchand ise dont le solde de prix doit être
acq uitté au moyen du remboursement.
La compagnie ne trouve donc pas da ns l'existence d\m remboursemen t lïncl ica tion que la tra nsmission de propriété est suspendue.
D'autre part, les créa nciers du destina taire peuvent avoir intérêt
en l'état, par exetn ple, d'une ha us e surven ue depuis l'expédition,
à usel' du droit q ue leur confère l'art. l l G6 du code ci,·il et demander, à retirer eu x-mêmes la marchandise en payant le remboursement.
Pour les compagn ies pa r conséquent étrangères au contrat inter venu entre l'ex péclitelll' e t le desti11ataire,la clause du remboursement est une conditi on suspensive de la li\'raison et non pa de
la trans mission même ùe propriété. Cette interprétation se trom·e
consacrée da ns deux jugements du tribunal de cmnmerce de :Vlarseil leùes 9 a\'ri l 1880 (affaire Paul A1niel et Compagnie con tre cheinin cle fer P. -L.-M. ) el 4 aoùt 1881 (a!Taire Arnaud contre chemin
de fer el Lombard). « Allentlu, est-il-d it dans la première de ces
décis ions, qu'Amiel et Compagnie ont expéd ié au s ieur LecomteChoubrac, à la da te du 17 novembre dern ier, la quantité de cent
balles de har icots contl'C remboursemen t lie la somme de 3. 075 fr.
que le 5 décembre un créancier du s ieur Leco1n te-Chonbrac a fai t
�-
102 -
saisir-arr~tcr à l'encontre de ce dernier cette marchandise ~n
mainsùe la Compagnie du Nord, que d'a ntre part, le s ieur Leco111teChoubrac a déclaré quïl lai sa iL pour compte. les cent balles de
harièots comme n'étant pas conformes aux accords; qu'a vis du
lai ·sé pour compte a été don né aux sieur Paul Amie 1et Corn pagnie,
el que reux-ci, à la date dtt 13 décem bre,on l donné ordre à la Compagni e, dans le cas oü le s ieu1· LeconHe Choubrac,persisterait cl a ns
sa prt>tention, de déposer les dites cen t balles dans les magasins
généraux; qu 'en fait la Compag11ie du Nord a efl'e<.:tué ce dépôt le
9 jai1\·ier 1880 dès que mainlevée de la sais ie pratiquée en ses
mains lui a été donnée, que Paul Am iel et Compagnie prétenden t
a,·oir été lésés par ce retard d:rns l'exécution de lenrs ord res et
demandent le rembour.:;ement des frais perçus pour magasinage et
des dommages-intérèts; quïls sontiennent qu'en l'étal de la clause
de remboursement, tant que celle condition n'éta it pas remplie pa r
l'acheteur, ils étaient rlemeurés prnpriétaires de la marchandise
expédiée par eux, el que par suite la CDmpagnie au l'ait dû obtempérer a leurs ordres; que la clause du remboursement ne peut
avoir qu'un effet à savoir de suspendre la livraison,soit l'exécution
matérielle de la vente, mais ne peut ètre considér ée comme une
clause suspensive d'une vente même, que l'acheteu r est réellement propriétaire de la marchandise, qu'elle voyage à ses risques
et périls, et que c'est pour lui qu'elle périt en cours de voyage et
non pour le vendeur qui se tronve dessaisi cle la propriété; que
Paul Amie! et Compagnie n'avaient donc aucu n droit à donner des
ord res et à disposer de cette marchandise tant que la vente tenait
en tre eux et Lecomte Choubrac; que celui-ci, bien qu'il eùt manifesté la volonté de laisser pour compte, Amie! et Comp<1gnie
n'avaient point à la date du 13 décembre 1879 accepté ce laissé pour
compte, et que d'ailleurs lasais ie-arrèt p1·éexislait, so it à la dëclaration de laissé pour compte, soit aux ordres cond itionnels d'Amiel
et Compagn ie, que la Compagnie du Nol'd, en mains de qui pesait
cette saisie- arrêt, ne pouvailètre tenue et n'avait pas qual ité pour
en.apprécier le mérite et pour se fai re juge d'une question de propriété entre Lecom te Choubl'ac ou soit pour lui le créancier saisissant et Paul Amie! et Compagnie, qu'elle le pouvait d'autan t moins
que nonobstant la clause de remboursement, elle était étrangère à
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!03 -
ta vente entre Amiel et C" et Lecomte-Choubrac ; qu'elle ignorait
donc quel avait pu ètre le pl'ix convenu en tre eux; qu'elle ne connaissait pas la va leur de la marchandise et que conséquemment
elle ne pou va il savoir s i en dehors de 3, 175 francs dont le remboursement était indiqué, Lecomte Choubrac avait ou non payé une
commission qnelconque sur celle marchandise à lui expédiée; que
la Compagnie des chemins de fer du Nord en faisant le dépôt à
elle présenté aussitôt le soulèvement de la saisie-arrêt obtenu
a agi sans perte de temps à elle imputable et n'a encouru aucune
responsabi li té, Le trib1111al déboute Paul Amiel et C·· de leur demande
et les condamne aux dépens. »
En somme , en supposant même que l'expédition contre remboursement soitfaite par un vendeuràson acheteur et quece remboursemen• soi t le prix même de la marchandise Yenclue, le contrat donne
seulement ma lldat à la compagnie d'encaisser de l'acheteur le prix
de la \'ente au tnornent de l'en lèvement des colis, qui pourra très
bien ne pas être celui de la liYrai son, et faute par le des tinataire
rl'exécuter son obligation, le contrat n'est pas résolu de plein droit.
La clause de r emboursement est une condition résolutoire mais
rlnns les termes de \!article 1184 du code civil, et la résolution doit
(ltre demandée en justice.
Les compagnies de chemins de fer , lorsqu'une expédition aura
été faite contre remboursement et que l'expéditeur ne pourra plus
représenter le récépissé qui lui aura été déli\Té et se fondera uniqueme nt sur le non paiement du remboursement pour demander
de les fa ire adres er à un second destina taire, auront donc tort de
se conformer à ces instructions et devront attendre que les tribunaux aient statué a\·ant de se dessaisir des marchandises.
�-
CHAPITRE III
EXÉCUTION OU CO~THAT DE TR.\XSPORT.
I. -
-
!Il i -
Dl' TR.~C\Sl'ORT ODLIGATOIRE.
Le monopole concédé aux Compagnies de chemins de fer
aurait pu produire dans la pl'at ique rles ab us si elles avaient jou i
da ns leurs rapports avec le public de la n1ê rne liberté d'action
qu'un voiturier ordinaire: une sitnation privilégiée demande une
législation exceptionnelle. Nous avons cléji1 vu naitre comme
conséqmmce de Ct> monopole la règle ùe l'homologation, de l'égalité et de la publicité des tarifa ; il fallait pour compléter ce système
de garanties que la législation sur les chem ins de fer a voulu
assurer au public, proclamer le transport obl igatoire.
Cette règle est inscrite dans l'article 50 de l'ordonnance de 1846
et dans l'article 4\l du cahier des charges. Les Compagnies n'ont
pas la faculté d'accepter t1U de refuser à leur gré les colis qui
leur sont oŒerts, leurs sen·ices appartiennen t sans distinction ni
préférnnce à tous les expéditeurs qui leur remettent des urnrchandises à transporter.
La Compagnie sera tenue, disent les deux articles que nous
a\'Ons
cités, d'effectuer cons tamment avec soin , exactitude el célé.
nté et sans tour de faveur, le transport des voyageHl's, bestiaux,
denrées, marchandises et objets quelconques qui lui seron•
confiés.
iO;j -
Cependant cette règle de transport ob li gatoire n'est pas sans
comporter quelques exceptions dont vo ici l'énumération limita tive.
Les compagnies peuvent refuser de se charger des objets
dont la dimension dépasse cell e de leur ma tériel, dont admin istrati vement du r este la longueur a été fixée à six mèt1es cinquante
et la largeur à trois mètres.
L'article 46 § 3 du cahier des charges leur pennet également de
refuser le transport des marchand ises formant une masse indivisible de 5,000 kilog. , en ajoutant que si une compagnie venait
à accepter le transport de masses de cette nature elle serait tenue
de le faire pendant une périoùe de trois mois. La Cour de Cassation (1), par un arrêt du 31 déceml>re 1873, a déterminé ce qu'il
fallait entendre par une masse indivisible : c'est non seulement
une chose indiYisible par sa natnre même, mais tout colis formé
de la réunion de plusieurs objets que le transporteur ne doit pas
diviser. En fait, les compagnies n'usent pas de celte faculté, elles
se chargent, aux termes de l'a1'licle l'2, des conditions d'application
des tarifs généraux de petite vites e, cl es masses indiYisibles lorsqu'elles ne pèsent pas plus de 10,000 kilos.
Lorsque les marchandises ü transporter sont de n ulle ,·aleur 011
sujettes à une détérioration rapide, elles peuYent obliger l'expéditeur à en faire l'expédition e11 port payé et les refuser si celuici veut user du droit, accordé en princi pe, de laisser les frais de
transports à la charge dn destinataire.
La quatrième exception a pour objet les mal'Chantlises passibles
<le droits de douane ou soumise aux con l ributions in<lirectes; pour
le cas où l'expéclitem ne remettrait pas les pièces régulières el
nécessaires à une libre circulation. Les Compagnies ne peuYenl
pas être contraintes de s'exposer à une cuntraYention.
Anx termes de l'article 8 des tarifs g~néraux de la grande
vitesse, lts compagnies ne so nt pas tenues d'accepter non emballées les marchandises que le commerce est dans l'usage
d'emballer. Il en est de même des marchandises dont remballage
est défectueux ou qui présentent ùcs traces ma11ifestes de délè(1) Dalloz. 187!1. 1. '2'1'2.
�-
rioration. Cependant. quand !"expéditeur consent à remettre aux
Compagnies un bi llet de ga rantie, les compagnies effectuent en
général le transport. L'e1Tet de la garan tie est de faire dis paraitre
la présomption légale que les transporteurs ont reçu les colis en
bon état et qu'ils sont responsables des détériorations ou avaries
qui sont constatées à l'arrivée. Si des avaries se produisent en
cours de route, ce sera au destinataire qui réclame à p rouver une
faute à la charge des compagnies pour faire retenir l eur responsabilité.
Une exception qui a donné lieu à certaines controverses est
relative aux expéditions grevées de remboursement. Les compagnies ne sont pas tenues de prendre l'engagement de ne livrer
les colis que contre paiement d'une som1oe déterminée, qui représen te le plus souvent le prix même de la marchandise, et de
faire parvenir ensuite cette somme à l'expéditeur. Ce second
mandat•sort des limites des obl igati ons que la qualité de transporteur leur impose. (Tribunal de Commerce de Marseille, 12
aoùl 1863) ( 1). On a critiqué celte décision ; les usages commerciaux et les principes en matière de transports par chemin de
fer interdisent, dit-on , aux compagnies de se charger du remboursement pour certaines expéditions et de la refuser pour
d'autres. Elles porternient atteinte, en agissant a utrement, au
principe de l'égalité rrui doit protéger tous les expédi teurs.
Cette solution est cependant la seule juridique, la seule conform e aux dispositions du cahier <les r ha rges. En pratique, il est
rare que les compagnies usent de la faculté de refuser les transports qui résulte indiscutablement pour elles de la législa tion à
laquelle elles sont soumises; elles y trouvent leur avantage en
percevant la taxe pour le retour de l'argent, bien qu'en fa it
l'argent ne voyage pas, et en bénéficiant des intérêts du remboursement entre l'encaissement et le paiement à l'expéditeur.
li ne faut pas confondre le remboursement avec les débours qui
représentent tantôt les menues dépenses occasionnées par toute
expédi tion par voie ferrée comme l'emballage ou Je camionnage
au départ, tantôt le prix d'un transport antérieur.
(!) Dalloz, 1864. 3. 23.
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106 -
107 -
Les compagnies sont obligées d'accepter les colis grevés de
débours et son t tenues, ~près encaissement à destination, d'en
couvrir l'expéditeur sans avoir droit à aucun e taxe de transport.
Les compagnies dans l' usage en font l'avance, bien que cette
avance ne soit obl igatoire que de compagnie à compagnie à la
transmission èl 'un réseau su r l'autre.
Cepenclant lorsque les compagnies ont accepté sans réserves
des marchandises qu' une cla use spéciale de lelll· cahier des charges leur permettait de refuser, elles sont tenues d'en efiectuer le
transport dans les délais ordinaires et elles ne sauraient pour
s'exonérer de la responsabilité du retard cons taté, im·oquer la
nature exceptionnelle des objets transportés.
En principe, l'encombrement des gares et l'insuffisance du
matériel n'autorisent pas les compagnies à refuser le transport
d'une marchandise qui leur est présentée. Elles doivent toujours
être en mesure de satisfaire aux demandes du commerce et
prendre le urs d ispos i tians pour que l'accroissement du ma lé riel et
l'agrandissemen l des gares correspondent à l'accroissement des
besoins. (Cour de Paris , Hl novembre l853) ( l ). Cependant si l'impossibilité du trans port clans ce cas résultait de circonstances imprévues, d 'inonda tion, de transpo rt cle troupes ou de matériel de guene,
d'une invasion de l'ennemi, en un mot, d'un fait d'une force majeure, les compagnies ne sauraient être déclarées responsables
de l' inexécution de leurs obligations. (Cassation, 5 mars et 24
décembre 1873.) (2)
Certains trans ports exigent un matériel particulier ; celui des
chernux, par exemple, pou r lesquels sont dis posés des wagons
écurie!'. II est certain qu'on ne pourrait obliger les compagnies à
avoir dans tontes leurs gares, mêmes les moins import.antes, un
matériel s pécial d'u n emploi forcément restreint; et les expéditeurs devront toujours accorder aux compagnies le temp~ nécessaire pour faire arriver les wagons spéciaux.
La dernière question qui se présente en matière de transport
obligatoire est celle du transport des marchandises à destination
(1) Dalloz, 1855. 2.310.
(2) Dalloz, 1873. 1. 230 . -
1875, l.36.
�-
JU8 -
d'un lieu qui ne se Lrou\le pas sur le réseau cle la compagnie à qui
elles sont présentées.
L'article 5'l du cahier des charges porte que le factage et le
camionnage n'est point obligatoire pour les gares qui dessel'\·ent
un centre de population situé à plus de cinq kilomètres de la gare
du cbemin de fer. Donc pas de difficulté, quancl il s'agit d'un
point qui n'est desser"i par aucune gare ; la compagnie est un
voiturier non un comm issionnaire , elle ne peut êlre responsable
des transports qu'elle effectue ou qu'elle fai t etîectuel' par des
Yoituriers, qu'à la condition d'avoir choisi elle-même ses préposés.
i la compagnie n'a pas de conespondant à l'endroit indiqué, ello
pourra refuser de se charger du transport au-delà de la voie
ferrée.
Mais que décider, si le !ieu de destination, quoique en dehors
du réseau de la compagnie de départ, se trouve desservi par
une autre compagnie? Si l'on consultait les principes du droit
commun , on de\lrait décider qu' une compagnie est absol um ent
libre d'accepter ou de refuser les obligations de commis ·ionnairechargeur et, par conséquent, la responsabilité des fautes que les
compagnies suivantes pourron t commettre. D'autre pal't, s i lel;
expéditeurs aYaient à s'assurer à l'extrémité de chacun des réseau x
à traverser, avant d'arriver à destina tion, d'un commission naire
de transit chargé de la réexpéclilion, il en r ésulterait des frais et
<les lenteurs très préjudiciables.
Pour résoudre la question dans le sens fa\'orable au co111mercr,
on invoque d'abord le cahier des charges. L'article 61 impose aux
compagnies l'obligation de s'arranger en tre elles de manière que
le transport ne soit jamais interrompu aux points de jondion de
diverses lignes. L'a rticle 9 de l'arrêté ministériel <.ln 12 juin 18Uli,
qui détermine les délais de transmission d'un réseau sm un autre,
ne parait pas supposer que cetle tra ns mission soit f.tGullali,·e.
E t enfin la circulaire minis térielle du 28 mai 1867, est encore plus
explicite : " L'Adminislration a eu à s'occuper dans ces derniers
temps, dit le ministre, de la question de sa\'o ir s i deux i Li 111"raires
étan t donnés, soit sur un seul et m èlllc réseau, soit s ur des réseaux
différents, l'expérliteur avai t le droit de choisir l'un 011 l'a ull'e de
ces itinéraires. - Cette question a été soumise a u comité cons ultatif des chemins de fer, et le comilé a été d'avis que les expédi-
-
109 -
teursont un ùroil absolu de choisir l'itinéraire qui devra être suivi
par leurs marchandises, à la colld ition de payer le tarif qui s'applique à cet itinéraire. Je n'ai pu moi-même, après examen,
qu'adopter cet avis et je J'ai e11 conséquence apprnu"é par un e
décision de ce j our. »C'est dans ce sens que s'est prononcée la
Cour de Cassation dans un arrr1;t du '2'1 février 1875 (1 ), où nous
lisons l'attendu suivant : (< Consicléranl que, comme le dit l'arrêt
attaqué, l'obliga tion pour la compagnie demanderesse de recevoir
sur la ligne de Belfort-Bourg el d'expédier les marchandises
adressées à Lyon -Crnix-Rousse par le chemin de fer des Dombes,
si elle ne résulte pas des art. 4() et 50. résulte de l'art. 61 du cahier
des charges; qu'en elTet, il est dit an paragraphe 5 de cet art. 61
que les compagnies ùont les lignes se joignent, sont tenues de
s·anangel' entre ell es de manière que le service des transports ne
soitjamais interrompu au point de jonction, et qu'évidemmen l
l'interruption aurnit lieu, s i au poinl de jonction devait se trouver
un destinataire charg~ de rece\'oir la marchandise et de réexpédier imméd iatement. 11
On pourrait cependant fa ire à cette théorie une objection: l'article 52 d u cahier des cha rges: nous l'a\'ons vu, lorsqu'une compagnie doit se s ubstituer une compagnie sui vante pour l'exécution
du cont rnt de tl'ansport, l'autorise à exiger d'elle, au moment de
la transmission, l'avance des fra is et déboursés dont se trouve
grevée la marcha ndi'le. Comment concilier le droit donné aux
con1pagnies de refuser un crédit à une compagnie cessionnaire
aYec l'obligation pour elles d'encourir toutes les conséquences qui
ponnaient résu lter des fautes des s ui,·autes en cas d'avarie, ùe
retard on de perle des ro lis. Au si a-t-on admis, et c'est ce qui
parait résulter de l'arrêt de cassation dont nous Yenons de parler,
qu'une compagnie obligée d'accepter cles colis à destination d'une
gare si tuée hors de son réseau, peut exiger qu'on la décharge de
l'obligation de garantir l'exL'culio11 du transport par les colllpagnies qu'elle doit forcémen t se s ubsti tuer. et est exonérée de toute
responsabilité quand cli c a dans les délais réglementaires transmis
le colis en hon état.
(1) Dallo;:,1876. l. 'W .
�-
Il. -
liO -
ODLIGATIONS DES EXPBDITBURS.
La première obligation des expéditeurs est d e fa~re apporter
leurs marchandises à la gare de départ. Les compag mes ne sont
tenues pa r aucune cla use de leur cahier des charges, ni par aucun
règlement de foire prend re les colis a u domicile des ex pédi teurs ,
elles ne sont tenues de recevoit· que ceux qu'0n \'ient leur re me llre.
La Cour Je Cassation,appelée à juger la question, s'est p rononcée
dans ce sens dans un a rr~t du 15 juillet l874 (l ).
Cependa nt il est fait exception pour les p rop riétai res de mines
ou d'usi nes par l'art. 62 du cahie1· des charges: la compagnie sera
tenue d'envoyer des wago ns sur tous les embra nch e me nts a utorisés destin és à fa ire communiquer des embrancheme nts de mines
ou d'usines avec la ligne pr incipale du che min de fer . La Compagnie amènera ses wagons a l'entrée des embra nch emen ts. L es
expéditeurs ou destina taires fero nt conduire les wagons dans leurs
établissements pour les cha rger ou décha rge r, e t les ramèneront
au point de jonction avec la ligne principale, le tout à leurs fra is .
Les wagons ne pourron t d'ai lleurs ê tre e mployés q u'au transport
d'objets et marcha ndises destinés à la principa le ligne de chemin
de fer.
L'article 62 du cahier des cha rges réglemente la construc tion,
l'entretien et l'ex ploitation des embra nchements particuliers et ses
disposiliuns fo r ment le Code comple t des rapports entre.tes compagnies et les propriétaires de mi nes ou d' usines qui ont obtenu
de se relier à la voie ferrée par un e mbranchement, toutes les dilficultés y sont prévues el r églées.
Les compagnies ont assez générale ment établi dans l'intérieur
des villes, des locaux particuliers pour la réception des ma rchandises : elles se cha rgent même pa rfo is, moyenna nt sala ire, du camionnage des colis du do micile des expéditeurs à la gare de départ.
Elles év itent ainsi a u co mmerce le déplacement qu'entra rne le
(l ) llall o~,
1875. 1. 171.
-Ht.trans port da ns les ga res s ituées le plus souvent à l'extrémité des
villes. Nous verro ns , e n traita nt des tra ns por ts en dehors des voies
ferrées, les -d ilfic ultés qu 'a soulevées !'établissement de ces services de fac tage e t de camionnage.
L'expéditeur doit a1,;compagne r la remise de sa ma rcha ndise
d'une déclaration d'expédition. Cette obliga tion ne résulte d'aucune disposition expresse de l'ordonnance de 1846 ou du cahier
des charges, ma is implicitement de l'a rticle 50 de l'ordonnance e t
de l'a r t. 49 du cahie1· des ch arges qui veulent que le récépissé
énonce la na ture des colis, et fo rme llement de l'article 49 des conditions d'application des tarifs géné ra ux. Aux termes de cette
dernière disposition , la déclaration ne peul pas être purement verbale, elle doit ê tre datée et signée <le l'expéditeur. Les compagnies
mettent à la disposition du public des exemplai res de déclaration
dont le modèle varie suivant qu'i l s'agit de transport, de grande
ou de petite vitesse.
La décla ra tion contient :
1° Le nom et l'adresse de l'expéditeur et du destinataire.
La co mpagnie ne pour ra it être responsa ble du retard ou des
frais qu i résul teraient de l'inexactitude ou clu défaut de l'adresse
du ùestina tai re. D'autre part, e lle ùoit en cou rs de transport aviser
l'expéditeur ùe toutes les difficultés qui surgissent et le consulter
sur les mesures à prendre.
2' Le nomb re, le poids et la na tu1·e des objets à expédier, leurs
numé ros, ma rques et ad resses.
Les expéditeurs feron t b ien d'i ndiquer si les colis renfermen t
des obj ets de natu re différente, et lorsque ces objets seront .:: lassés
dans des séries différen tes des tarifs, ùe faire connaitre exactement
dans quelle pt·oportion, car à défaut, en \'ertu de !"article 6 des
tai·ifs généraux, l'expéditi0n serait taxée an prix de la série la plus
élevée.
3• Les mots à domieile ou en gare suivant que la marcha11ù ise
doit ou non être camionnée au ùomicile du destinatai re. En !"absence de toute men tio n, la marchandise est adressee en gare pour
un tra nsport à peti te vitesse; en grande vitesse, a u cont\'aire, l'expédition esL1,;onsidéréc comme livrable ü domicile dans les gares
oü il existe un sen •ice de factaqc. (Conditions d'application des
tarifs gé nëra ux grande vitesse art. '19.)
�-- 11:2 1· La mention en po rt dù ou en port payé.
L' indication en toutes le ttres tic la somme à faire s ui vre en
débours ou en remboursement.
5• Com me nous r avo ns Yu, la date et la s igna ture de l"expéd ileur.
La da te est indispensable polll' le ealcul des délais ; en gra nde
vitesse, il est mème nécessaire d 'indiquer l'heure de la remise.
G· L'indica tion du tarif que l'ex péditeur entend revendiquer. A
défauLùe m.ention, c'est le tarif gêné.rai, le tarif de droit commun
qui doit ê tre a ppliqué. Il n'y a pas de form ule obligatoire pour
revend iquer les tarif' péciaux qui ne sont applicables q ue sut· la
demaude expresse de l'expéditeur. Bien qu 'ils soient désig11és par
des numéro d'o rdre et rie · le tt res, en pra tique cependant, les
expéditeurs se con tentent de stipuler sui· la lettre ùe voiture:
tarif spécial, sans garanLie, sans responsab ili té, tarif réduit. ta rif
le plus réduit. La j urisprudence a admis que ces mentions qu i
désignent les tarifs par une de leurs cond itions particulières sont
suffisantes.(Cassation 3 t mars 1874) ( l).
' il s'agit de colis soumis a ux. contributions indirectes ou à la
douane, l'expéditeur doit indiquer les nu111éros des acquits ou
congés qui les acco mpagnent, et fo urn ir à la compagn ie toutes les
pièces et renseignements util es pour que le transport et la traosrnission des marchandises ne subissent au1.:1111 retarrl.Si un chefde gare
était l'objet d"un procès-verbal el d'une poursuite correctionnelle
à raison de l'irrégularité des picces tle régie on de doua11e, !"expé diteur pomrait, en cas Je responsabilit1\ personnelle. L'lrc at:lionné
en Jonn nages-intérèls. Ail point de YU(' tles obligations des co111pagnies on distingue les forma lités ùe régie et celles de douane;
elles sont tenues d'accomplir sans n;tribulion les pretnières qui
rentren t tians l'obli~ation du tran~por t ; pour les formalités de
doua ne, au contraire, la rétribution est fixée par nn tarif spécial.
Enfit1 dans le ras oü une 1narchancli se peut parveni1· à destination par deux itiu éra ires différents, l'cxpérlilcu r a Je droit de déJ
signer celu i des de u:x qu'il entend faire sui\Te il sa mard1anJisc.
Quant aux. compagnies , lorsqu'ell es aurout à décide r elles-1nGn1cs
dans le silence des expéditeurs, elles dc\To11t rechen;lwr leurs
( 1) lhilloz. l8'ill. l.'254.
-
i1 3 -
intentions e t sans qu'on puisse cependant poser aucune r.i!gle
absolue, cboisir plutùt la vo ie la plus courte pour les marchandises
en grande vitesse e t la plus économique pour celles qui voyagent
en petite vitesse, assurant ainsi dans un cas la rapidité, et dans
l'autre le bas p rix. du t ra nsport.
C'est avec toutes les indications contenues dans la déclaralion
d'expédition que les Compagnies rédigent le récépissé qu'elles
remettent à l'ex péditeur et celui qui, voyageant avec la marchandise, esl créé pour le des tinataire.
Parmi les men tions que doit contenir la déclaration d'expédition,
celle de la nature et du poids des objets à transporter a la plus
grande impor tance, car c'est celle qui détermine le prix du contrat
de transport.
Les compagnies, aux termes de la ci rculaire ministérielle du Ji
sep tembre 186 1 (articles 50 des transpor ts à grande Yilesse et 42
des lransports à petite Yitesse), ont le dro it d'oU\Tir les colis, généralement emballés dans des caisses ou sous toile et d'en Yérifier
le contenu pour applique1· la tax.e. La rapidi té des opérations de
transport et la difficulté de refaire l'emballage dans de bonnes conditions, fon t qu'en pratique les compagnies n'usent pas de ce droi t
et s'en remettent à la déclaration de l'expéditeur. Aussi, arrive-t-il
quelquefois que des expéditems, abusa nt de ce mode d'opérer,
trompent les compagnies sur la nature ou la valeur de leurs marchandises. Tantôt on dissimule la Yaleur de la marchandise pour
la faire bénéficier d'un tarif réduit ou d'une série inférieure, tantôt
on fait passer comme marchandises ordina ires des finances, des
Yaleurs, des matières précieuses que l'on soustrait ainsi au paiement de la surtaxe, ou l'on n e déclare qu'une partie de la somme
ou de la valeur. La fausse clèclaration est facile dans ce cas, car un
arrêté ministél'iel du 3 avril 1862, prescrit que les finances notamment ne seront acceptées par les compagnies qu'enfermées dans
des sacs, sacoches ou groups, hottes, caisses ou barils bien ficelés
et cachetés et la taxe est calculée ad valorem.
La compagnie, après avoir fait constater la fraude, aura droit
non seulement ü la cliffét'ence de prix de transport dont on voulait
la fruslt'er, mais, en outre, par applicn tion de l'article 1382 du Code
llÎ\ il, à des dommages-iulérèts. Pour le::: fixer, les trl'bunaux recber-
�-
114 -
par le même expéd
ie1ieron l les ex[)éùl.t'tons t':iiLes précédemment
.
,
rnnt
pn
se
))l'Odu1re
les
mêmes
fausses
déteur d ans lesque lies au
. .
clarations; il recourront à tous les éléments d'appréciation .même
est
en de 110rs de la cause et Je T ribunal de commerce ùe la Seme
.
.
allé jusqu'à ordonner qu'une maison de b_an~ue commw11quera1t
ses livres à un arbitre pour évaluer Je préjudice caus~ par toutes
les fausses déclarations antérieurement faites. 19 fév: 1er· 1.873. (1).
Comme complément de dommages-intérêts, certains tribunaux
ont ordonné l'insertion dans les journaux et l'affichage dan~ les
aares dt!s j uaements rendus en matières de fausses déclarations.
Cour d'A~x notamment. dans un anèt du 24 mars 1860, confil'manl un jugement du Tribunal de commerce de M~rseille (2),
décidait que s'il était douteux que la disposition de l'article 1036 du
code de procédure civile, permettant aux. tribunaux d'ordonner
dans certains cas l'affichage de leurs jugements, fùt applicable en
l'espèce, les t1·ibunaux avaient àu moins raison de voir dans la
publication demandée une rnesurn utile aux intérêts de la compagn ie lésée et un mode de réparation approprié à la nature du
préjudicesoufîert.
La Cour est revenue sur sa jurisprudence et, par arrêt du 29
novembre 1869 (3), a décidé que les lrib nnaux ne pouvaient ordonner cette publication, à moins que les contraventions n'eussent été
entourées de publicité; et c'est là, croyons nous, la solution conforme aux principes. Quand une Compagnie réclame des dommagesintérèts poul' une fausse déclaration. il est impossible de considérer
la publicité du jugement de condamna lion comme une réparation
du préjudice causé : le préjudice est pécuniaire, la réparation doit
l'ètre a ussi. Il est ce l'tain que celte publicité sera de nature à retenir
et à effrayer certains expéditeurs peu scrupuleux qui auraient pu
être ten tés de commettre de pareilles dissimulations et à empêcher
l'habitude de la fraude de se répandre, mais le caractère de peine
exemplaire n'appartient qu'à celles prononcées par la loi pénale el
un jugement rendu en matière Ci\•ile ne doit pas aYoir pour objet
de faire l'éducalion du public.
La
(1) Lamée Fleury, 1873, p. 70.
(2) Dalloz, 1860. 2.132.
(3) Dalloz, 1870. 2. 133.
-
115 --
En dehors de cetle répa1·a lion civile, c'est une question trèscontroversée en doctrine et en jurisprudence, que celle de savoir
si la fausse déclaration peut donner lieu à une réparalion
pénale ?
Certains auteurs ont soulenu que la fausse déclaration constituait le dél it d'escroquerie tombant sous l'application de l'article 405 du Code pénal. Ils ont considéré qne le fait de dissimuler
la nature de la marchandise pour la faire bénéficier d'un tarif
inférieu1· à celui réellement applicable, constituait des manœuvres
fraudul~uses pour se faire remettre le montant de la différence
entre les deux, et le Tribunal de la eine, le 13 aoùt 1862 (1 ) adoptait celte théorie.
Cependant, il est difficile de trouver dans la fausse déclaration,
les caractères du délit d'escroquerie dont l'article 405 du Code
pénal nous donne la définition suivante : un ensemble de manœuvres frauduleuses deslinées à persuader l'existence de fausses
entreprises, d'un pouyoir ou d'un crédit imaginaire, ou à faire
naître l'espérance ou la crainte d 'un succès, d'un accident ou
tout autre événement chimérique pour arriver à se faire remettre
ou délivrer des fonds, etc. Quelque coupable que soit la fausse
déclaration, il est impossible d'y Yoir les manœuvres frauduleuses
destinées à faire croire à un crédit imaginaire ou à m{ é\·énement
chimérique. D'autre part, les manœuvres frauduleuses ne sont
constituées que par d es actes de nature il mettre la prudence en
défaut; or la compagnie n'a qu'à procëder à une simple Yérification, qu'elle a le droit de faire, pour se prémunir contre les
fausses déclarations. Aussi Je Tribunal de la Seine est- il reYenu
sur sa première jurisprudence dans un jugement du 1-f juillet
1863, confirmé pal' arrèt <le la Cour ùe Paris, du 12 décembre
1863 (2).
C'est dans ce sens que la jurisprudence est définiliYement
fixée. Cependant s i la fausse déclaralion se produisait dans des
circonstances où les manœmTes frauùuleuses seraient bien
caractérisées, elle pourra il constiluel' une escroquerie.
(1) Lamée F leury, Code 011r101l:, p, 21·~.
(2) Sirey, 186'1. 2.71.
�-
C'est ainsi que la Cout· de Cas ation l'a jugé pom un expéditeur qui avait indiqué d'une manière inexacte s ur la lettre cle
Yoiture le poids des colis reconnu au pesage, par suite d'une
entente a\•ec Les employés (Cassa tion, 28 mars 1867) ( l), ou qui,
crràce au même concerL frauduleux, aYait fait voyager gratui te~1ent comme bagages de voyageurs transportés en franchise
jusqu'à concurrence de 30 kilos , des marchandises que le destinataire retirait an moyen du bulletin de bagages envoyé par la poste.
(Paris, 24 février 1873) (2).
Mais s i la fausse déclaration ne tombe pas s ous la qualification
légale d'escroquerie, elle ne reste pas sans sanction pénale et elle
constitue tout au moins une contraYention à l'article 21 dela loi du
15 juillet 1845, qui punit toute contravention aux ordonnances portant règlement d'administra tion publique s ur l'exploitation du
chemin de fer. L'article 50 de l'ordonnance de 18!16 disposant que
les compagnies délivreront aux expéditeurs un récépissé désignant
la nature de la marchand ise, suppose nécessairement une déclaration d'expédition et en fait, par suite, une obligation pour l'expéditeur. Celui qui fait une fausse déclaration viole donc les règlements et doit être passible des peines portées en l'article 21
ci-dessus, comme le dispose au s urplus surabondamment l'article
79 de cette même ordonnance de 1846. Telle est la théorie de la
Cour de Cassation, que nous trouvons dans un arrêt du 23 j uillet
186-'.i (3), et la jurisprudence s'est généralement prononcée dans le
même sens .
La qualité de l'expéd iteur peut avoir dans certaines circonstances une influence sur les conditions du contrat de transport par
chemin de fer. D'après les articles 1, 5 et 37 des tarifs généraux,
les taxes de petite vitesse sont calculées par fractio n indivisible
de 10 kilos et sur un mininum de 50 kilos. Si l'expédition se
compose de plusieurs colis, on ne Lient compte que du poids total
à moins qu'il ne s'agisse de marchandises distinctes et taxées à
des séries diITérentes. On comprend tout le parti que peuven t
( 1) Dalloz, 1867. UJO.
(2) Dalloz, 187~. 5.79.
(3) Dalluz, ltl!H. UOO.
-
i16 -
U7 -
tirer les commissionnaires de transport du groupage de colis destinés à u ne localité. Les commissionnaires les adresseront en bloc
;\un correspondant chal'gé d'en faire la distrib ution aux destinataires et ils réaliseront ainsi une économie qui pourra, dans
certains cas, leur permettre de n'exiger des destinataires qu'une
taxe iuférieure à celle qu'aurait perçue la compagnie.
Les compagnies ne pouvaient évidemment pas favoriser ces
industries, qui vi,rent d'une partie de leurs bénéfices, et en matière
de groupage il faut d istinguer si l'expédition est faite par un
expéditeur véritable à son destinataire, ou de commissionnaire à
commissionnaire. C'est dans le premier cas seulement que le
groupage fictif en vue du poids to ta l est admis et que la taxe
est calculée sur l'ensemble, aux termes de l'article 47 § 5 du cahier
des charges. Dans l'expédition fai te par un commissionnaire, le
groupage doit être réel, fa it sous une mème enveloppe, caisse, sac
ou filet, sinon chaque colis sera taxé séparément; el il a même été
jugé par le TL'ibunal de Commerce de la Seine, le 7 j uillet 1858 ( l )
que le gro upage ne pouvait pas ètre fa it au moyen d'une simple
corde,les col is courant le risque de se détacher facilement en route.
III. -
ODLIGATJONS DES COllPAGNIES.
Nous avons déjà vu que les compagnies de chemins de fer sont
tenues en principe de se charger du transport de tous les colis qui
leur sont présentés et soit dû dél iner aux expéditeurs un récépissé,
soit de rédiger une lettre de voiture.
Les compagnies,en leur qualité de voituriers et de commissionnaires de transport, sont soumises aux dispositions des articles
1785 dur.ode civil, et 96 du Code de commerce concernant l'obligation de tenit' des livres. L'article 50 'de l'ordonnance du 13
novem bre 1846, a spécialement imposé am co mpagnies la double
obliga tion de tenir un livre journa l des enregistrements et
(1) °l'<'ul<'l el C::u nherlin , n· '25'Hl.
�-H8 d'inscrire sur ce registre to utes les marchandises qui devront
être transportées.
Cet enregistrement a non-seulement pour but,comme en matière
de transports ordinai1·es, de permettre aux expéditeurs et aux
destinataires, en cas de perte, d'avarie ou de retard, de constater la
remise des colis, mais encore d'assurer que les expéditions auron t
lieu sans tour de faveur et dans l'ordre des remises ; aussi l'ordonnance de '1846 et le cah ier des charges (article 49) exigent-ils
que l'enregistrement des colis ait lieu au fur et à mesure de leur
arriYée en gare et immédiatement après leur réception . Les
registres doivent êt re constamment à la disposition du personnel
du contrôle.
Le défaut d'enregistrement ne peut avoir aucune influence sur
le contrat de transport, mais il expose les compagn ies, outre
les conséquences de leur responsabil ité civile, à l'application de
l'article 21 de la loi de 1845, sur les contraventions en matière de
chemins de fer .
Les compagnies ont aussi l'obligation d'enregistrer les colis à
rarri vée. Cette formalité est prescri te par l'article 49 du cah ier des
charges ainsi conçu : « les colis, bestiaux et objets quelconques
seront inscrits à la gare d'où ils partent et à la gare où ils arrivent au fur et à mesure de leur récep tion. >) La pratique démontre
l'utilité de l'enregistrement à l'arrivée, car il permet de surveiller
les arrivages, de con trôler les délais et d'empêcher les to urs de
faveur dans la liYTaison.
Les compagnies sont autorisées à percevoir un droit de dix
centimes pour chaque enregistremant au départ: ~elui de l'arrivée
n'entraine aucune espèce de taxe.
'
La présomption qui pèse sur les transporteurs qu'ils ont reçn
des colis en bon état et conformes à la déclaration d·expédition,
autorise les compagnies à vérifier le conditionnement des objets
qui leur sont remis, à reconnaitre leur nature et leur valeur .
Elles ont donc le droit de faire procéder soit au départ, soit à
l' arrivée, en présence de l'expéditeur ou du destinataire, ou à
leur défaut du commissionnaire de surveillance, à l'ouverture des
colis qu'elles transportent.
Les colis une fois vérifiés et em egistrés, les compagn ies, a ux
H9 termes des articles 50 de l'ordonnance de 1846 et 49 du cahier dt!s
charges, doivent efrecluee les transpoets sans tour de faveur et les
marchandises ayant une même destination doivent être expédiées
suivant l'ordre de leurs inscr iptions. Cependant cette règle comporte quelques exceptions. Un arrêté du 25 septembre 1871 donne
un rang de priori té aux tra nsports de poudre faits par le ministère
de la guerre. Un autre an-êté du 29 décembre 187 1, rendu à titre
provisoire, dispose que,en cas d'insuffisance du matériel la priori té
d'expédition dans chaque gare, pourra être donnée par les compagnies,aux marchandises ci-après désignées : les houilles, cokes,
minerais, blés, seigles et fari nes, pommes de terre, sels et les
marchandises remises aux compagnies pour être livrées aux
embranchements particuliers et magasins publics reliés par voie
ferrée.
Les délais dans lesquels doivent être effectués l'expédition, le
transport et la livraison des marchandises ont été déterminés
d'une manière précise par l'arrêté ministériel du 12 juin 1866 pour
la grande et petite vitesse.
En grande vitesse, a ux termes de l'article 2, les animaux, denrées, marchandises et objets quelconques sont expédiés par le premier train de voyageurs comprenant des voitures de toutes classes
et correspondant avec leur destination pourvu qu'ils aient été présentés à l'enregis trement trois heures avant l'heure réglementaire
du départ du train, faute de quoi, ils seront remis au départ suivant. Les Compagnies peU\·ent être autorisées, sur leur demande, à
admettre les petits colis dans les trains express ou poste, sauf à
appliquer le même traitement à tous les expéditeurs placés dans
les mêmes conditions.
Le délai de transmission (article 3) pour les animaux, denrées,
marchandises et objets quelconques passant d'un réseau sur un
autre sans solution de continuité, est de trois heures à compter de
l'arrivée du train qui les aura apportés au point de jonction; et
l'expédition ,à partir de ce point,doit avoir lieu par le premier train
de voyageurs comprenan t des voitures de toutes classes dont le
départ suivra l'expiration de ce délai.
Le délai de transmission en tre les réseaux qui aboutissant dans
une même localité, n'auraient pas de gare commune, est porté à
�-
120 -
huit heures, non compris le temps pendant lequel les ga res son
fermées.
Ce déla i a été réduit à six heures par un arrèt é mi nistériel du
3 novembre 1879.Si les compagnies propriétaires des deux réseaux
qui se rejoignent au poinl de transmission, avaient fait entre elles
des conventions pour fa ire passer les marchandises sans transbordement et éviter ainsi un encombrement, les destinataires n'auraient pas le droit de se prévaloir de cette s ituation pour demander
la suppression des délais de trans mission. Les termes de l'arrêté
ministériel sont absolus et ne font a ncune distinction entre la
transmission réelle et la transmission fic live. C'est la jurisprudence
de laCour de Cassation, arrêt du29 anil 1873. ( 1).
Le délai du transport est fixé par la marche mè me des trains et
par le sei·\·ice de correspondance organisé entre les divers réseaux
que traversent les colis.
Les expéditions sont mises à la disposition des destinataires deux
heures après l'arrivée du train utile. Celles arrivant de nui t n e le
sont que deux heures après l'ouverture de la gare.
Les gares sont ouvertes pour la réception et la livraison des marchandises à grande vitesse de s ix hemes du matin à huit heures du
soir, du 1" octobre au 31 mars. .
Une exception est faite en faveur du lait, des fruits, de la vola ille ,
de la marée et autres denrées destinées à l'a pprovisionnement des
marchés de Paris.Ces colis sont mis à disposition des destinataires,
de nuit comme de jour, dans les deux heures de l'arrivée du train
utile.
Une discussion s'est éle\·ée s ur le point de savoir si le délai de
deux heures com·t à partir de l'arrivée réelle ou de l'arrivée réglementaire du train. La question ne nous parait pas pouvoir faire
doute, ni présenter un grand intérêt, car il est certain que les
compagnies sont responsables des conséquences qui peuvent résulter de l'arrivée d'un train après l'heure r églementait'e. Aussi est-ce
avec raison que le tribunal de commerce de la Seine, pat' un jugement en date du 25 novembre 1858, confirmé par un a rrêt de la
( l) Lainée Fleury . 1813, p, 122.
-
121 -
Cour de Paris du 23 mars 1860 ( 1), a décidé que la livraison d 'une
marchand ise expédiée en grande vitesse deva it avo ir lieu dans les
deux heures de l'arrivée réglementaire du train et que, passé ce
délai, les compagnies étaient passibles de dommages-intérêts pour
retard.
Les expédi tions, dit l'article 4, doivent être mises à la dispos ition des des tinataires. On a vou lu soutenir que ces mols, mises à
disposition, voulaient dire, remises à domicile. La Cour de Cassation a repoussé forme llement cette interprétation par des arrêts
des 28 février, 16 mars et 30 novembre 1869. (2). Ces mots in diquent simplement que la compagnie doit être en mesure de faire
la livraison en gare.
L'arrêté de 1866 ne s'est occupé que des colis livrables en gare;
quanl aux colis liYrables à domicile, le déla i n'est pas déterminé;
on décide généralement que les compagnies doivent effectuer le
transport des colis dans un délai moral suffisant, qui commence à
courir à l'expiration des deux heures écoulées depuis l'arrivée du
train . (Cassation 22 aoùt 18i0) (3).
Les compagnies concessionnaires ayant la faculté d'user ou de ne
pas user des délais •IUi leur sont accordés par les tarifs, la jurisprudence a quelquefo is admis, mais à tort, qu'elles peuvent prendre
envers un expéd iteu r l'engagement de ne pas user des délais
réglementaires pout' \' U que l'ex pédition ait lieu par un train ordinaire, sans dimi nu tion de prix ni lom de faveur; mais l'abréviation
des délais, qui est permise dans ces circonstances, suppose le consentement forrnel de la compagn ie. Cependant à défaut d'un enga_
gement forme l les Tribunaux de commerce admettent souvent
l'existence d'un contrat tacite résultant, soit de ce que la compagnie, n'use pas d'ordinaire des délais r églementaires em·ers tous
les expéditeurs, soit de ce qu'elle n'en a pas usé dans les transports
précédents envers l'expéditeur qui réclame. Cette décision e t toutes
les décisions ana logues sont constamment cassées par la Cour de
Cassation (Hl janvier 1858, 8 avril el 31 juillet l86î). (4).
( l) Ga;;ctlc des T1 ·ib1rnau.c, du 2ü tn:lrs 1860.
(2) Dnllo:i:, 1869. l. 235 c l '!'12, - 18i0, l .~'l.
(3) S irey, J8î1. t.:>9.
(4l Dall oz. t 58. l. u'? . - t Rü;. 1. ; t '.! ..1 3 u .
�-
122 -
Les Tribunaux de commerce s'étaient basés sur ce que les rompagnies ayant l'habitude vis-à-vis des expéditeurs de ne pas user
des délais réglementaires, avaient fait novation à leurs statuts et
contracté vis-à- vis des commerçants un engagement particulier el
sans réserves auquel elles ne pouvaienL manquer.La Cour suprême
a décidé que l'usage m ême constant ne créait pas une obligation et
ne faisait pas présumer une renonciation aux délais impartis par les
tarifs; et par applica tion du principe de l'égalité des tarifs, elle n 'a
pas admis, et avec raison,qu'un expéditeur eùt le droit de se prévaloir de concessions de délais qui lui amaienl été faites ou promises par des préposés de la compagnie (Cassation 12 juin 1872) (1).
Une pareille convention est illicite comme cons tituant un traité
particulier et doit être con sidé rée, corn me non écrite; les corn pagn ies
ont le droit absolu d'user des délais réglemen taires.
Dans le même ordre d'idées, il a été jugé que le fait d'exp édier
par un train non obligatoire, n'entrainait et ne pouvait entraîner
de la part d'une compagnie de chemin de fer aucune dérogation
au droit qui lui appartient de se prévaloir des délais fixés par les
arrêtés ministériels; qu'en conséquence la compagnie qui a chargé
des marchandises expédiées en grande vitesse sm un train partan t moins de trois heures après leur remise à la gare de départ,
n'encourt aucune responsabilité pour n'avoir pas livré les dites
marchandises à destination, dans les deux heures de l'arrivée de
ée train, et qu'il suffit que la livraison ait eu lieu dans le même
délai calculé à partir de l'arrivée du train suivant (Cassation, 31
décembre 1879 (2).
En petite vitesse (arrêté ministériel du 12 juin 1866, article 6),
les animaux, denrées, marchandises et obj ets quelconques sont
expédiés dans le jour qui suivra celui de la remise.
Toujours comme conséquence du principe de l'égalité qui régit
les transports par chemin de fer, il faut décider que la convention
par laquelle une compagnie s'est engagée envers un expéditeur
à opérerle transport de ses marchandises aussitôt qu'elles seraient
remises en gare, même sans tom de faveur, est illicite et non
obligatoire. (Cassation, 5 mai et 16 juin 1869) (3).
( 1) Dalloz, 18ï2. 1. 231.
('2) Dalloz, 1880. I. 6~.
(3) Dalloz, 1869. I. 2i 4 el 30'1.
-
123 -
Les gares sont ouvertes à la réception des marchandises de six
heures du mali n à dix heures clu soir du 1•• avril au 1" octobre et
de sept heures du matin à c inq h eures du soir du l " octobre' au
1" avril, elles sont fermées les diinancbes et jours fériés après
midi.
La durée du trajet (article 7) pour les t ransports à petite vitesse
sera calculée à raison de 24 heures par fraction de 125 kilomètres;
ne sont pas comptés les excédants de distance jusques et y compris 25 kilomètres. Sur certaines lignes ou sections de réseaux
désignées par l'article 8 de l'arrèté ministériel, dans les deux sens,
dit cet article, tant pour les parcours partiels que pour le parcours total, la durée du trajet sera réduite à 24 heures par fraction
indivisible de 200 kilomètres pour les animaux ainsi que pour
les marchandises taxées aux prix de la première et de la deuxième
série des tarifs généraux de chaque compagnie, et en général pour
toutes les marchandises, denrées et objets quelconques qui, rangés
dans les séries inférieures seraient taxés au prix de la deuxième
série sur la demande des expéditeurs.
Pour les animaux et marchandises qui emprunteraient successivement des lignes sur lesquelles ils auraient droit à l'accélération
de vitesse et d'autres sur lesquelles ils n'y auraient pas droit, le
délai to tal du transport serait calculé en additionnant les délais
partiels afférents à chacune des lignes de régime difîérent sans
que toutefois le délai total pût dépasser le délai fixé par l'article 7
de l'arrêté.
Un arrêté ministériel du 15 mars 1877 a étendu l'application de
cette accélération de vitesse à un grand nombre de réseaux.
Enfin, certains tarifs spéciaux stipulent en échange d'une
réduction sur le prix de h·ansport une augmentation de délai.
Il faudra donc pour les marchandises voyageant sous l'empire de
ces tarifs ajouter au délai calculé comme il est prescrit par l'at'rêté
ministériel de 1860, Je délai supplémentaire concédé à la compagnie. C'est la mise en pratique des dispositions de l'article 12 de
l'arrêté ministériel du 12 juin 1866 aiosi conçu:« La fixati on des
d6lais ci- dessus dé termin és pour les transports à petite 'itesse
effectués aux prix e t conditions des tarifs généraux, ne fai t point
obstacle à la fixation des délais plus longs dans les tarifs spéciaux
�-
121- -
ou communs oil ils onL été ou seraien t ul térieurement introduits
ayec l'approbation de l'acltninistration s upéri eure, com me compensalion d"nne réduction de prix. »
•
L'application de ces tarifs spéciaux a soulevé certaines questions
intéressantes dans le cas oü les rn a rcliaudises doi\·e1lt emprunter
les réseaux de compagnies différentes.
JI est de principe d"abo rd qu·uu exp éd item qui revend ique les
condilions d"tm tra nsport à prix réduit. pour des colis desti nés à
voyager sur des réseaux différents est censé avoi r accepté les conditions des tarifs spéciaux des com pagnies qui seront substituées à
celle qui a pris charge des colis, et par suite l'augrnenta li on de
délai impartie par ces tarifs. filais dans ce cas, la marchandise
avant
yovaaé
successi,·ement sur deux r éseaux aux conditions de
•
J 0
deux tarifs spéciaux qui accordent chacun un supplément de
délai de cinq jours, dena-t-on additionner les deux délais s upplémentaires, ou bien les compagnies ne j ouiront-elles à elles deux
que d'un seul délai supplémentaire de cinq jours. La Cour de Cassation a décidé avec raison, clans un a tTètdu 21 décembre 1868(1),
que les délais établis par l'arrèté minis tériel de 1866, pour le tra nsport .à petite vitesse des objets qui y sont dés ignés, sont propres à
chacune des com pag nies de cll emins de fer qui coopèren t au transport sui· des r éseaux différen ts, qu'il en es t de même de l'au gmentation facultalive de délai que les compagnies sont autor isées à
se réserver dans leurs tarifs s péciaux; et que, dans le cas de transmission d'une ligne à l'autre, les deux augmentations n e doivent
pas se confondre en une seul e pour toute la distance à parco urir.
Chaque délai supplémentaire représente l'équivalent d'une con cession fa ite par chacune des compagnies, il ser ait arbitraire
d"attribuer le supplémen t de délai à une compagnie plutùt qu'à un e
autre; la compagnie substituée peut en user directement a lors
même que la compagnie expéditl'ic:e en amait déjà usé s ur son
propre réseau.
Si deux compagnies, au contraire, s'étaient r éser \'ées une augmentation de déla i dans un tarif eomrn un , comme il n'y a urai t
dans l'espèce qu'un seul tarif s tipulant un déla i s upplémentaire,
( 1) Sire'' . lttfi!l. l. 11 1-i
les desti11alaires ne dC\'J'aient supporter qu'une fois l"a ugrnentation , même pour les tran s ports tnt\'ersant les deux résc·aux. Les
tarifs communs, en efiet, ét::iblis::;cnl une sorte de fus ion entre deux
chernins de fer, sauf la répétition du prix du transport des marchandises . Chacune des corn pagnies, d"après ces tarifs, use cl u
chem in de l'autre comme s i ce ch emin faisait partie de celui qui
lui appart ient, et le LrnnsporL doit ê tre considéré à cet égard
comme fait sur un seul r ésea u.
Si nous supposons maintena nt que l'ex pédition soit faite dans
des condi ti ons telles que la marchandise doi,·e d'abord tra,·erse r
un premier r éseau so us l'empire d'un tarif spécial comportant un
délai suppl ém en ta ire, et voyage ensuite pour arriYer à destination
sur un réseau aux cond itions d\m tarif général, et que la première
des deux compagnies n'ait usé qu 'en partie du délai supplémentaire, le destinataire aura-t-il le droit de refuser à la seconde le
bénéfice d'ajouter le complément à ses délais ordinaires ?
On peut sou tenir dans le sens de l'affirmatiYe que la facu lté des
délais supplémentaires n'a été accordée à la première des compagnies que com me l'équivalent d'une dimin ut ion dans le prix de
transport, et que la seconde ne peut avoir a ucun droit, lors mème
que le supplément n'a été épuisé qu'en partie.
Il es t plus juridique de décider que l'expéditeur ne peut scinder
ainsi l'exécution du transport. Il n'y a qu'u n seul et même contrat
pour la tota lité du par cours. Et le délai d'exécution, le seul règle~
men taire, dont l'expéditeur doit s ubir l'application sans avoir à
rechercbel' q uelle est celle des compagn ies qui en bénéficie, c'est
le délai total calcul é en ajoutant aux délais ordinaires des deux
compagnies le supplément prérn par le tarif spécial de la première. Telle est la doctrine consacrée par un arrèt de la Com•
de cassation du 24 juin 18ï:! ( 1).
Dans le cas oü les animaux, denrées, marchandises et objets
quelconques passent d' un réseau s ur un autre sans solution de
continuité, le déla i cl'expéditiun n'es t compté qu'à la gare originaire et une seule fois (an élé d u 12 juin 1866, article 9), mais il
(1) IJallot.. lSi·~. I. -:>·! 'i.
�-
-
J26 -
~st accordé un jour de délai pou1· la transmission d' un réseau il
l'autre.
A Paris, pour la transmission d'une gare à l'autre par le ch emin de fer de ceintu re, le délai est <le deux j ours, m ais il comprend la durée du traj et sur ce chemin. Enfl n, le délai de transmission entre les réseaux qui aboutissant da ns une même localilé
n'ont pas de gare commune est por té à l1'ois j ours. L 'arrêté m inistériel du 3 novembre 1879 a fi:{é à deux jours le délai de transmission entre les réseaux abou tissant à une mème localité da ns
deux gares dis tinctes en communication par rails.
Lorsque les compagnies sont chargées de remplir les formalités de douane, tous les délais, aux termes de l'ar ticle 14 de
l'anêté de 1866, sont augmentés de ,lou l le temps nécessaire pour
remplir ces formalités.
~ous a\·ons YU que les événements de force majeure pouvaient
autoriser les compagnies il refuser de se charger du transport des
marchandises; mais il peut arriver que les formalités d'expédition
se trouvan t remplies, et la compagnie ayan t pt' is charge des colis,
il survienne un événement de force majeure, une inondation, la
rupture d'un pont, une invasion enneniie, qui re tarde l'expédilion
ou qui arrête la marchandise en cours de rou te. Quelles seront
en pareille circonstance les obligations de la compagnie?
Pollr déterminer le parti à prendre, et sans qu'on puisse à cet
égar~ poset' une règle absolue, la compagnie devra s' inspirer tout
il la fois des nécessités de la sitnatioo et de l'intérêt de l'expéditeur
dont elle est le gérant obligé. En principe elle est obligée de consulter son mandant sur la direction à donner aux marchandises
dont un fait de force majeure empêche d 'opérer le transpo rt à
destination . Avant d'employer une voie différente de celle qui
avait été primitivement convenue avec l'expéditeur, la compagnie
doit l'avertir et lui demander des instructions, ou s'adresser au
deslinataire. Si de son autorité pri\'ée, la compagnie dirige les
colis par une voie au tre que la voie convenue, elle le fait à ses
frais et risques. La voie nouvelle peul êlre plus longue, le coût
du transport plus élevé, la compagnie ne peut exiger de supplément de prix, elle ne sauraiL prétendre avoi l' pris les mesures que
les intéressés auraient prises eux-mêmes; elle n'est pas libre
127 -
<l'appo rte~ à l'un des élémenLs du contr·at une modification qui
ne pouvait résulter que du concours de la volonté des deux
partis.
Si, au contraire, il Y a eu impossib ilité absolue de p révenir l'expéditeur, s i les exigen ces du service, si les événements, si l'imminence du péril ne permettent pas de demander ou d'attendre des
instr~ctions, la compagn~~ doit prendre toutes les mes ures qui lui
paraissent conformes à l m tér êt de la ma rchandise. Il serait souvent imprudent de perdre un temps précieux au point où les communications sont interce ptées; il pourrait en résulter un encombrement et des désordres q ui désorganiseraient le service. Il n'y a
donc que deux partis à prendr e : faire revenir la marchandise à la
gare de départ ou la diriger sur la destination par les voies restées
praticables. En règle générale, une compagnie devra de préférence faire suivre a ux marchandises la voie détournée, quoique
plus longue, par laquelle elles pourront parvenir à destination·
.
'
c est ce qui parait le p lus conforme a ux inten tions de l'expéditeur.
Mais, quelle que soit la mes ure prise par la compagnie, que la
marchandise soit arrètée d'une manière absolue, qu'elle pa rvienne
par un dé tour au destina taire, qu'elle revienne à l'expéditeur,
celui-ci devra toujours payer les prix correspondants aux parcours
réellement effectués.
C'est ains i q n'il a été jugé à propos des événements de 18ï0,
qu'une compagnie qui, par suite de la guerre, n'avait pu faire parvenir les marchandises au lieu de destination, pouvait exiger le
prix du transport jusqu'au lieu où les marchandises avaient pu
ètre conduites (Cour de Lyon, 11 janvier 1872) (1), et qu'une compagnie qui avait. dù ramener les colis au point de départ, aYait
droit au prix des deux. voyages entre le point de départ et le point
extrême du transport (Cour de Montpellier, 30 juin 1871) (2). Il est
certain, dans ce dernier cas, que le trans porteur n'aurait droit à
percevoir la taxe que d' un seul parcours, s'il n'avait fait revenir
la marchandise qu'en vue de la préservation de son matt!riel
qu'il désirait sous traire au danger d'une destruction de la part de
l'ennemi.
.
(1) Dalloz, 1875. J.1 5.
(2) Dalloz, 187 t. 2.154.
�-
128 -
Les perceptions des compagnies pour les parco~rs supplémentaires qu'elles ont dù faire sui\Te aux m~rchand1ses_ ont s.oule~é
des difficultés quanù les expéditeurs avaient rnvend1qué l application d'un tarif différen tiel ; d'un <le ces tarifs, par exemple,appelés
tarifs à talions dénommées, qui établissent un prix ferme pour le
transport entre deux villes désignées, et entre toutes les stations
intennédiaires et les points extrèmes, en faisant payer, dans ce
dernier cas la taxe pour la distance entière. On s'est demandé si
les expédit~urs deYaient payer le prix du tarif diO:'érentiel ~ug
menté du tarif général pour l'allongement du parcours, ou St les
marchandises devaient être taxées comme ayant voyagé a ux conditions du tarif général'! La question pour nous ne parait pas faire
doute. Les tarifs différentiels établissent un itinéraire déterminé
et précis, lorsque la marchandise n'a pu, par suite de force majeure,
voyager dans les condHions du tarif, c'est le tarif général qui doit
être appliqué à tout parcours e!Yectif. Deux arrêts de la Cour de
Cassation du 5 mai 18ï4 sont venus consacrer cette opinion. (1).
Enfin les compagnies, sous l'empire d'une nécessité absolue,
pourraient même provoquer la Yen te de la marchandise, sur ordonnance du Président du Tribunal de commerce ou du juge de paix.
Un anèt de la Cour de Montpellier du 30 juin 18î l (2), qui r econnait à la compagnie la liberté absolue dans le choix de ses moyens,
décide qu'il n'est pas nécessaire, pour la validilé de ces ventes, que
l'expéditeur ait été mis en demeure ou a it reçu notification de
l'ordonnance. Cependant c'est là une mesure exorbitante à laquelle
on ne peut recourir que dans des cas tout à fait exceptionnels.
Les marchandises une fois parvenues à destination, les compagnies doivent en opérer la livraison.
Lorsque les colis sont livrables à domicile, l'anété rninislél'iel
n'a pas déterminé le délai de livraison; ils sont transportés par les
soins de la compagnie ou de ses intermédiaires dans les
délais déterminés par les tarifs de factage ou de camionnage; et
la présentation des colis à domicile peut ayoil· lieu mème un
dimanche.
('!) Dalloz. 1876. 1.249.
f'!) Laniee Fleury, 1871. p. !<:1!>1
-
129 -
. Quanù les c~ lis .s~nt livra?les en gare, les expéditions, dit l'article 10 de 1 arrete de 1866, son t mises a la disposition des destinataires dans le jour qui s uit celui de leur arrivée effective
en gare.
Si nous supposons que les marchandises se trouvent efîectivement en gare d 'arrivée avant l'expiration des délais réalementaires
les destinataires auront-ils le droit d'exiger la re~ise de leur~
colis le jour suiyant, et pourront-ils soutenir que les compagnies
sont en faute et commettent un retard en n'en opérant la livraison
qu'à l'expira ~ion_ des délais réglementaires. A ne consulter que les
termes de 1 art1cle 10, ce droit serait indiscutable. Cependant
l'article 11 du même arrêté porte que le délai total résultant des
articles 6, 7, 8, 9 et 10 sera sen! obligatoire. Il y a donc contradiction entre ces deux articles, et il faut décider que les mots arrivée
effective, sont synonymes d'anivée réglementaire . n n'y~ pas, en
eITet, de motif pour déroger à la règle générale et absolue de
l'article 11 ; les destinataires n'ont pas à s'immiscer dans le
service intérieur des compagnies et à rechercher de quelle manière
elles usent des délais qui leur ~ont accordés pour les diJiérentes
opérations. Il est certain que pas un seul train de marchandises ne
marche à la vi tesse réglementaire de 123 ou 200 kilomètres par
jour. Les divers arrètés ministériels ont fix:é les délais de manière
à permettre aux compagnies de faire face à toutes les opérations
de leur tranc, et s'il peut leur convenir d' utiliser les hangars ou
les voies disponibles d'une gare d'anivée pour y faire séjourner
les marchandises ou les wagons, les destinataires ne peuvent les
obliger à prncéder ayant. l'expiration des délais, soit au déchargement des wagons, soit à la confeclion des écritures nécessaires à la
linaison.
Les compagnies, par l'obligation de mettre ces marchandises à la
disposition des destinataires, ne sont pas tenues de les li rre1· à une
heure de la journée telle qu'il soit encore possible au destinatairn
de les enlever avant la fermelure de la gare; un pareil système,
pour des expéditions importantes, aniverait à priver les compagiües d'une partie notable à u délai qui lclll' est accordé.
Deux jugements du Tribunal de commerce de l\IIarseille, du
19 février 1879 (Tardif el C" conlrc chemin de fer Paris-L~ron
n
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130 -
Méditerranée), et du 20 décembre 1880 (Espinasscl contre chemin
de fer Paris-Lyon-).féditerranée),ont décidé qne les obligations des
compagnies ne devaient pas aller au delà: et qu'un destinataire
n'avait aucune faute à leur repi·ocher quand il avait pu le jour de
la mise à disposition retirer la lettre de voiture des mai ns de l'employé chargé de la leur rem.ettre et être ainsi en mesure de procéder à l'enlèvement de ses marchandises, lors même que
l'heure avancée de la journée ne lui aurait pas permis de l'eŒectuer.
Les compagnies de chemins de fer, en se chargeant d'un transport, prennent l"obliga tion de veiller à la garde et à la conservation
ùes choses qui leur sont confiées, depuis le moment de la remise
faite jusqu'à la livraison au destinataire; elles perçoivent pour ces
frais de garde, de transport et de manutention, les frais de transport proprement dits préYus par les tarifs. Inrlépenclamment de ces
droits, il est perçu à titre de droits accessoires d'autres droits, dits
de magasinage, pour la rémunération des soins donnés aux marchandises qui ne sont pas enle,·ées dès leur arrivée. L'article lG des
conditions d'application des tarifs générnux règ le de la manière
suivante la perception de ces droits: (( 1l est perçu pour le magasinage des marchandises adressées en gare et qui n e sont pas
immédiatement enlevées pour quelque cause que ce soit, dans les
quarante-hnit heures de la mise à la poste de la lettre d'avis adressée par la compagnie au destinataire, les droits suivants .... » Les
termes absolus dans lesquels est conçue cette disposition, la forme
de sa rédaction, déterminent exactement le caractère des droits de
magasinage; le droit perçu est la rétribution du service rendu par
la compagnie, rétribution qui ne figure pas dans le tarif des frais
de transport. Et cette rétribution est due quelle que soit la cause
qui empêche le destinataire de prendre linaison, fût-ce même
un cas de force majeure; car il ne s'agit pas ici d'une pénalité
édictée con tre la nég ligence ou la faute pour le retard qu'il met à
se présenter. C'est une convention forrnelle, écrite dans les règlements pour rémunérer un serv ie~, c'est la loi des parties.
Par application de ce principe, il a été décidé que les clroils de
magasinage sont dus aux compagnies de chemins de fer lorsque
les marchandises n'ont pas été enlevées dans le délai fix(pae les
)
1
i3! -
règlements à partir de la mise à la poste de la lettre d'avis,
lors même que cette lettre d"avis aurait été mise à la poste
a un moment de la journée où il ne devait plus y avoir de
distribution (Cassation, 29 décembre 1874) (1), lors mème que Je
destinataire n'aurait pu empêcher le magasinage et invoquerait un
cas de force majeure (Cassation 13 mai 1874 (2), et enfin quand les
compagnies n'ayant pu, par suite de la guerre, faire parvenir
lés march andises expédiées au lieu de destination, l'expéditeur a
été averti de leur dépôt dans les gares sur lesquelles elles ont été
dirigées ( Lyon 11 janvier 1872) (3).
Cependant dans un arrêt visant une espèce semblable. la Cour
suprême a décidé que les droits de magasinage ne seraient pas
dus pour les marchandises arrêtées en cours de voyage dans une
gare intermédiaire par un cas de force majeure; l'article 16 des
conditions d'application des tarifs généraux disposant que les
droits de magasinage ne sont dus que si la marchandise transportée est parvenue à la gare oü elle doit è tre remise au destinataire (Cassation, 3 juillet 1878) (4).
Nous venons de voir l'utilité d'une lettre d'avis pour les compagnies. Le destinataire mis en demeure conformément à l'article
1146 du Code civil bien qu'il soit réputé connaître les délais de
transport et par suite, le jour oü il devrait se présenter en gare,
est tenu de payer le magasinage passé le délai de quarante- huit
heures après la mise à la poste de l'aYis. Dans la pratique les
compagnies avisent toujours; et le défaut d' une lettre d'avis est
dans la plupart des cas le résultat d'une omission.
L'envoi d'une lettre d'avis au destinataire lorsque les colis sont
livrables en gare, peut-il être à l'inverse considéré comme une
obligation pour les compagnies? On a, dans le sens de l'affirmative,
inyoqué l'application des règ les du droit commun. Les compagnies,
en avisant les destinataires, ne font, a-t-on dit, que remplir un
devoir inhéren t à la nature du contrat de transport et se conformer
(J) Dalloz, 1875. t. 383.
(2) Dalloz, 1875, l. ~66.
(3) Dalloz, 1875, I. 15.
(\) Lamée Fleury, 1878, p. 181.
�-
132 -
à un usage constant. C'est une obligation imposée en pareille ci rconstance à tout Yoilurier, et imposée aux compagnies par les
règlements spéciaux qui les régissent el qui ont prévu 1'e1woi de
cette lettre en lui conférant mème une portée toute par ticuli ère.
~lettre à disposition n'est autre chose que meure le destinataire à
mème de savoir que sa marchandise est en gare d'arrivée et qu'il
peut la retirer. Et l'on a été jusqu'à prélendre même par celte interprétation inexacte des termes de l'al'ticle 10 de l'arrêté ministériel dn 12 juin 18()6, que l'envo i de la lettre d'avis deva it
suivre immédiatement l'arrivée effective des marchandises en
gare.
Certains Tri bunaux de commerce, et même un arrèt de Cassation
du 13 mai 186 1 ( L), ont décidé que les compagnies de chemins de
fer sont tenues d'aviser les destinataires de l'arrivée de leurs
marchandises livrables en gare, et que le défaut d'avis, non seulement les prive du droit de réclamer aucun magasinage, mais
même les rend passibles de dommages-intérêts.
Ces décisions reposent sur une appréciation inexacte des cond itions dans lesquelles s'exerce l'exploitation commerciale des chemins de fer. Il n'entre pas d'abord dans la nature du contrat de
transpor t, que le destinatai re soit av isé de l'arrivée de ses marcllandises : c'est plutùl à l'expéditeur qu'au voit urier d'aviser le
destinataire. Ensuite, en parei lle matière, tout esl de droit strict.
Les devoirs des compagnies comme les droits des destinataires ne
peuvent résulter que des dispositions des lois et règlements qui
les régissent, et un usage constant ne saurait lier une compagnie
de chemins de fer. Du reste, à proprement parler, cet usage constant n·est que l'exercice constant du droit conféré aux compagnies
de faire courir le magasinage contre les destinataires
L"argument tiré des termes de l'article 10 de l'arrêté ministériel
n'est que spécieux : cet article résiste à l'interprétation qu'on lui a
donnée . Il signifie seulemen t, comme nous l'avons vu, que la compagnie doit être prête à livrer les marchand ises au destina taire s'il
se présente. Les co1npagnies, s'il en était autrement, ne parviendraient que difficilement à rempli 1· leurs obligations. Dans la plu(!) !';irey, 1861.1. 975.
-
133 -
part des cas, la lettre d'avis mise à la poste dès l'arri \·ée des marchandises ne parviendrait pas au destinataire le lendemain . Et
comment pour les expéditions de grande vi tesse où l'article 4 de
l'arrêté ministériel impose la mise à disposition dans les deux
heures de l'arri vée réglementaire du train, les compagnies pourraient-elles êlre tenues d'aviser le destinataire dans ces deux
heures? Aussi la jurisprudence de la Cout· de Cassation s'est-elle
modiflée, et décide+elle d'une manière constante que r envoi de
la lettre d'avis n'est point obligatoire (Cassa tion 2 décembre 1873
'
26 juin 1879, H janvier L880 et 23 février 1881) {J ).
On s'est demandé si les compagnies avaient le droit d'envoyer
une lettre d'avis et de faire courir les droits de magasinage avant
l'expiration des délais réglementaires, dés l'arrivée des marchandises en gare? Les termes de l'article 1G des conditions d'application des tarifs généraux ne nous paraissent pas permettre de
doutet' qu'il faille répondre affirmati\'ement à cette question.
Le destinataire ne peut prétendre que, n'ayant pu compter sur
sa marchandise avant l'expiration des délais, il n'est pas en mesure
de la recevoir ou qu'elle ne lui est pas encore nécessaire. Il
faut reconn aîtrn que les délais étant fixés dans l'intérêt des compagnies, elles peuvent y r enoncer et ne font qu'user d'un droit
indiscutable écrit dans les articles 1187 et 1258 4' du Code civil.
Il est très importan t enfi n d'éviler l'encombrement des aares · les
'
b
convenances des deslinataires doiven t s'incliner devant cet intérêt
d'ordre public. Les pri ncipes généraux du droit, en dehors de
l'arrêté ministériel, conduisent donc à la même solution. Un
jugement du Tribunal de commerce de Clermont-l'Hérault du
12 décembre1876 (2) l'a jugé implicitemen t dans ses motifs.
Le destinataire avisé de l'anivée de ses marchandises en gare
ne peut se refuser au paiement de l'affrancbissement de la lettre
d'avis. On ne peut souten ir que la perception du prix du timbreposte n'est autor isée par aucun tari f homologué et que les compagnies ne doivent percevoir aucune taxe sa ns autorisation. L'encaissement du prix de l'affranchissement n'est pas une perception,
(1) Dall oz. 18711. L 63: 187!'1. I . 371: JStsO. I. l{;O r l 1881. !. 178.
(2) Lamér F leury, 18îi, p. 3i.
�-
i34 -
la compagnie rentre dans les débours qu'elle a faits pour le compte
du destinataire. (Cassation 13 mai 1861.) (1).
n n'y a pas lieu de distinguer pour le timbre de la lettre d'avis
si elle a été lancée avant l'expiration des délais réglementaires.
Dans ce cas-là, a-t-on dit, l'équité veut que l'affranchissement de la
lettre d'avis reste à la charge de la compagnie, s i l'enlèvement des
colis a lieu dans le délai de quarante-h uit heures accordé pour y
procéder, car, dans ce cas, l'avis intervient exclusivement dans
l'intérêt de la compagnie. Cette tbéorie est contraire à l'immutabilité du règlement, qui s'applique non-seulement aux conditions
générales du transport, mais même aux frais accessoires. Etant
admis que les corn pagnies ont le droit de lancer une lettre d'avis
et detaire courir le magasinage même avan t l'expiration <les délais
réglementaires de transport, le timbre d"affranchissement est
dans tous les cas à la charge du destinataire.
Pour se soustraire au paiement de cet afirancbissement qui peut,
pour les commissionnaires de transit recevant chaque année un
nombre considérable d'expéd itions, s'élever à des sommes relativement importantes, certai ns destinataires ont voulu exiger que
les compagn ies s'abstinssent de leur adresser des lettres d'avis,
tout en déclarant qu'ils consentaient à payer le magasinage à partir
du lendemain de l'arri\·ée des marchandises, ou qu'ils autorisaient
les compagnies à camionner d'office leurs marchand ises à domicile
à partir de la même époque. Cette prétention a été repoussée par
arrêt de la Cour de Cassation du 31 mai 'l870 (2). En fait, on ne
saurait exiger qu'un chef de gare put, à l'arrivée de chaque colis,
à moins d'un sen·ice spécial organisé dans ce but, vérifier si le
desti nataire s'était ou non opposé à l'envoi de l'avis. En droit, le
destinataire ne peut obliger une compagnie à modifier le mode
d'avertissement fLxé par l'autorité publique qui constitue une condition d'application des tarifs qui forment la loi non-seulement des
compagnies mais des expéditeurs et des destinataires. En pratique,
cependant, il est d'un usage à peu près constant, au moins dans
certaines grandes gares, que les compagnies acceptent ces dis(\) Dalloz, 1861. 1. 325.
(2) Dalloz, 1870. l .362.
-
i35 -
penses d'avis con tre l'engagement pris par les destinataires de
payer Je magasi nage en acceptant comme date de la lettre d'avis
l'arrivée effective des marchandises en gare. Une telle convention
n'a, croyons-nous, rien d'illicite, car elle ne donne pas aux droits
de magasinage un point de départ autre que celui des arrêtés
ministériels; les compagnies étant, à partir de ce moment, libres
de mettre à la pos te la lettre d'avis.
Dans le cas d'une expédition composée de plusieurs colis, il peut
arriver qu'une p ar tie d'entr'eux parvienne avant l'autre à destination. Si les délais n'étaient pas expirés et que la compagnie, sans
atlendre l'arriYée complète de l'expédition, mit le destinataire, par
lettre, en demeure de re tirer les colis déjà parvenus, elle ne serait
fondée ni à se faire rembourser le port d'alTranchissement ni à
percevoir un magasinage. Le tarif, en parlant de l'avis d'arrivée,
a voulu entendre l'arrivée de la chose mème qui avait fait l'objet
du contrat de transport, et par suite de la totalité des colis composant l'expédition (Tribunal de Commerce de la Seine, 15 novemhre
1878). Il faudrait décider de même en supposant que les délais
réglementaires fussent épuisés; une compagnie délivrant des colis
dont elle a pris charge ne peut obliger le destinataire à accepter
qu'elle se libère partiellement.
Lorsque les compagnies opèrent la livraison des marchandises
en gare, il est certain que les destinataires ne viennent pas en personne, dans la plupart des cas, recevoir et retirer les marchandises
à leur adresse; elles ont donc à opérer la remise entre les mains
de leurs mandataires et à s'assurer qu'ils sont autorisés il prendre
les colis et à en donner décharge.
L'intérêt des compagnies exige que le mandat donné par le destinataire à son fondé de pouvoirs soit prouvé de manière à mettre
leur responsabilité à comert. L'article Hl85 du Code civil n'a pas
déterminé les formes dans lesqueUes le mandat peut être donné, et il
est difficile de fixer une règle pratique. Le mandat peut être donné
par acte authentique, sous signature privée et même par lettre. A
l'égard du mandat confié dans cette dernière forme, la loi n'exige,
par aucune de ses ùispositions, que la signature du mandant soit
légalisée . Donc, à moins de circonstances particulières autorisant
les compagnies à éprouver des doutes sérieux sur les s ignatures
�-
136 -
qui leur son't produites, elles ne sauraient exiger que la signature
du des tinataire soit légalisée . (Cassation, 8janvier1863) (1).
La lettre d'aYis offre, d'après la jurisprudence, un moyen d'établir Je mandat du camionneur qui se présente a u nom du destinataire. Les lettres d'avis portent à leur sui te la formule suivante:
a: Bon à livrer au porteur de la p résente ; signé: le destinatair e. ii
Il a été décidé avec raison que les compagnies livrent valablement
au portenr de la lettre d'avis revNue de la s ignature du destinat aire ;
le timbre de la Pos te dont les lettres retournent revêtues ne pouvan t
laisser aucun doute qu'elles ne soient parvenues à leur adresse.
S'il y a eu détournement de la lettre, si la signature est fausse, les
compagnies ne peuvent s'imputer aucune faute ou négligence; elles
sont définitivement libérées et ne peuvent plus être recherchées.
Le destinataire doit se reprocher d'ayoir commis l'imprudence
de laisser soustraire les lettres que le service si exact et si scrupuleux de la Poste a apportées à son domicile (Tribunal de Commerce
de :Marseille, 5 mai 1879. Girodroux contre P.-L.-M.; - 3 mars
1880, Molinari contre P. - L.-M. ). Il en serait autrement si la lettre
d'avis ne portait pas la signature du destinataire, on si Je nom du
destinataire étant conforme, l'adresse inexacte avait causé une
confusion.
Le portem du récépissé déliv ré à l'expéditeur par la gare de
départ ne saurait avoir le droit d'exiger la remise de la marchandise, lorsqu'il n'a pas été clans la déclaration d'expédition indiqué
comme destinataire. Nous avons vu qu'il n'en est pas pour les
transports par chemins de fer comme pour les expéditions maritimes, où les marchandises sont livrées contre la remise du connaissement ; l'envoi à personne dénommée et connue d'avance a
seul été prévu par les règlements. Dans l'usage du commerce
cependant, la remise du récépissé est considérée comme transférant un droit à la délivrance des marchandises. Le destina taire qui a
reçu le récépissé à remettre à l'expéditeur acquiert vis-à-vis de ce
dernier et par conséquent d'une manière a bsolue la possession de
la marchandise. Mais les Liers à qui ce destina taire, à son to ur ,
vendra les marchandises en cours de r oute en leur délivrant ce
( 1) Lamée Fleur)', Cotie annoté p. 351.
-
137 -
récépissé, ne pourront prend1·e li \Taison des marchandises qu'en
étant munis d 'un pouvoir du des tinataire. Les tiers ne pourront
être garantis contre la révocation de ce mandat, s'ils ne veulent
faire confiance à la bonne foi du destinataire, toujours libre de
prendre livraison dc:s marchandises à l'anivée, qu'en faisant signL
fier aux compagnies, conformément à l'article 1690 du Code civil,
la cession qui leur a été consentie des marchandises en cours de
voyage.
Au moment de la livraison, les compagnies sont obligées à la
délinance d'un récépissé au destinataire. L'article 10 de la loi ùu
13 mai 1863 est fo rmel : «un double du récapissé accompagnera
l'expédition et sera remis au destinataire. >i Ce récépissé permet
au destinataire de se rendre compte que toutes les conditions du
contrat de transport on t été remplies et en même temps d'avoir une
preuve écrite du contrat.
Lorsque la marchandise a été expédiée en port dù et que le destinataire doit acquitter les frais de transport, le récépissé porte la
quittance de ces fra is et il est, par conséquent, soumis au timbre de
dix centimes créé par l'a rticle 18 de la loi du 23 août 1871. Le destinataire a-t-il le droit, pour s·exonérer du paiement de cet impôt,
de se refuser à retirer le récépissé des mains de la compagn ie?
D'une part, la déli vrance du récépissé est oblig·atoire pour les
compagnies. Une circulaire ministérielle du 14 juin 1865 rappelle
au contrôle des compagnies que le récépissé doi t ètre délivré
d'office, alors même que le public, ignorant le plus souYent ses
droits, ne le demande pas, et prescrit que toute négligence des
compagnies à cet égard soit cons ta tée par procès-Yerbal et déférée
aux tribunaux.
La Cour de Rennes, dans un at'rèl du '27 janvie r 18ï3 (1), se fondant sur ce que la remise au des tinataire du récépissé \'Oyageant
avec la marchandise est irnpérati,•c1nen t et obligatoirement pres crite aux compagnies de ch emins de fer par l"al'ticle 10 de la loi du
13 mai 1863, en déùuit J'oblig-a tion pour le destina taire de se nantir
dn récépissé e t décide que tou t au moins le paiement du timbre de
qui tlance est obi iga toirc pour Jui. Les préposés de l'enregistrement
( l) Sirey, l~ll:l. 1. 2;iï.
�-
138 -
sont au torisés. aux termes de ce même art~c l e 10, à prendre ?ommunication du registre à souche des récépissés, la compa~rne est
donc fondée à exiger du destinataire le paiement des droits donl
elle est responsable vis-à- vis du fisc, car il ne pe~t in terv.eni ~· en
matière de transport par chemins de fer de convention particulière
pour que Je paiement s'eITectue sans qu'il soit donn~ quittance ..
Un jugement du Tribunal de Commerce de la Serne .du 27 Janvier 1873 (1) a fait application du principe qu'u n débiteur ~ toujours la faculté de ne pas retirer des mains de son c.réanc1er l.a
preuve de sa libération et que rien ne donne à ce dermer le droit
de te contraindre à la recevoir. Le débiteur est libre de payer à
ses risques et périls les sommes qu'il doit sans en demande~. quittance. Or, comme la loi du 23 aoüt 1871 ne porte p as que l 1mpùt
du timbre de quittance est exigible toutes les fois qu'il y a libération
1nais seulement quand il y a un titre qu i emporte libération, le
Tribunal a décidé que le destinataire pouvait se refuser au paiement des dix centimes du timbre de quittance apposés sur les récépissés qu'il ne réclamait pas .
Une circulaire ministérielle du J6 mai J87'1 est venue mettre fi n
à ces divergeuces de la jurisprudence, en distinguant soignellsement le double effet que peut a\' Oir la délivrance du récépissé au
destinataire. La loi du 10 mai 1863 antérieure à la loi de finances
de 1871 a prescrit celte remise pour fournir au réceptionna ire une
preuve écrite du contrat de transport. C'est seulement en vertu de
la décharge inscrite sur le récépissé par les employés de chemin
de fer que celle pièce vaudra quittance. Et la circu laire autorise
les compagnies à délivrer aux destinataires des récépissés non
revêtus de timbres de quittances a la condition que ces récépissés
ne porteront pas les mots potir acquit el la s ignature des chefs de
gare ou de tous autres préposés. Les compagnies satisferont ainsi
aux prescriptions de la loi de 1863 sur la remise obligatoire des
récépissés et désormais les destinataires seront libres de n e pas
retirer de preuve de leur libéralion et d'éviter le paiement du
timbre.
En cas de refus de la part du destinataire d~ prendre livraison
(1) Lamée Fleury, 1873, p . 111.
-
i39 -
ou lorsqu'avisé, il ne se sera pas présenté pour prendre livraison,
ou enfin quand devant receYoir des colis livrables à domicile, il
n'aura pas été rencontré, examinons les divers partis que peuvent
prendre les compagnies.
Aux termes de l'a rticle 106 du Code de commerce, en cas de
refus ou contesta tion pour la r éception des obj ets transport és, leur
état est vérifié et consta té par des experts nommés par le Président
du Tribunal de Commerce, ou à son défaut par le Juge de paix ;
le dépôt ou séquestre et ensuite le transport dans un dépôt public
peut en être ordonné. La vente peut en être ordonnée en faveur
du voiturier j usqu'à concur rence du prix de la lellre de voiture.
Pour assurer la régularité du service des transports par chemin
de fer et aussi pour prévenir l'encombrement des gares qui pourraient dans certaines circonstances entraver l'exploitation et causer
des lenteurs préjudiciables aux compagnies et au public, les arrêtés ministériels ont <ijouLé aux dispositions de l'article 106 et
donné aux compagnies le moyen de procéder avec toute la rapidité
désirable.
L'arrêté ministériel du 12 janvier 1872 autorise les compagnies
à fa ire camionner d'office soit au domicile du destinataire, soit
dans un magasin public toutes les march andises qui, adressées en
gare sur un point quelconque de leurs réseaux, ne seraient pas enlevées dans la journée du lendemain de la mise à la poste de la
lettre d'avis écrite par la compagnie au destinataire, les frais
de ce camionnage étant r,a lculés d'après ces tarifs homologués.
Les frais d'entrepôt peuvent être plus ou moins éleYés que les
droits de magasinage. Ces droits étan t la rémunération du service
rendu p ar la compagnie, on a soutenu que les compagnies, lorsqu'elles ne conservent pas les marchandises dans leurs gares,
rentrent dans le droit commun el ne doivent percevoir que les frais
d'entrepôt sur le pied des tarifs des magasins oü les marchandises
ont été camionnées. C'est là, a-t-on dit, une solution conforme à
l'équité el à l'esprit du tarif sur le magasinage. C'est l'application
de la lettre du tarif qui, après avoir visé les marchandises adressées en gare qui n'ont pas été enlevées dans les 48 heures de .la
mise à la poste de la lettre d'avis, dispose ensuite que les droits
sont applicables aux expéditions adressées à domicile quand le
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i r~o
destinataire est absent ou inconnu ou refuse d~ prendre, livraison,
. à la
et que, dans ce ca , les frais de rclom des colis à la gaie sont
char O'e de 1a marClla nd ise ' ce qui indique que la perception des.
· e qu'à la souffrance en gare. Enfin, le, tarif
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dispose que les chiens do nt il n 'est pas pr is hvrmson ~l arnv e,
seront mis en founière, les gares n'ayant p~s de. chenils, et que
les frais de fourrière seront acqui ttés sur jus t1flcat1on des clé~enses
(Tribunal de commerce de Rouen, 24 octobr e 1873.) (1). (Tribunal
de commerce de Lyon, 8 aoùl 18ïG} (2).
Cette théorie repose sur une appréciat ion inexacte ?e la p.ortée
de l'arrêté du 12 janvier sur le cam i01111age d'office, édicté umquement dans un but d'intérêt général, pour prévenir l'encombrement
des ()'ares. Le destinataire sera tenn dans le cas d'un camionnage
d'otflce de supporter les fra is d'une opération imprévue en dehors
du magasinage, mais le lieu de séjour est s i1 11ple~11ent déplacé, et
la compagnie reste responsable de tous les n sques ~ue peut
courir la marchandise dans le magasin qu'elle s'est substitué pour
leur garde et leur conservation, sauf son recours contr e qui de d roi.t.
II est donc juste qu'elle perço ive le prix du tarif, puisque ses obligations, sa responsabilité restent les mêmes. La disposition relati\·e aux frais de fourrière des chiens qui ne sont pas r eçus à
l'arrivée, frais qu'il n'était pas possible d'évaluer, puisqu'ils comprennent la nourrilurn de ces animaux, \'ise un cas particulier et
exceptionnel en matière de tarifs. C'est dans ce sens que s'est pr~
noncée la Cour de Cassation, Chambre des requêtes, dans un arret
du 27 mars 1878 (3). Un arrêt de la Cour de Pau du 14 juin 1870 (-i),
dans le cas d'une consignation plus coùteuse qu'un magasinage,
a\'ait décidé que ces frais seraient laissés à la charge ùe la compagnie, qui n'éta it autorisée qu'à pcrceYOir le prix du tarif.
La compagnie pourrait cependant se li bérer par la mise à
l'entrep6l d'office ell observant les forma lités de l'article 106 du
(!)
('l)
(3)
(4)
Lamée F leury, 18ïG, p. 13'1.
Lamée F leury, 18i8, p. 92.
Larn~e F leury, 18i8, p. 95.
La1nl>e Flru1·\·, l8i 1, p. 190.
- 141 -
-
Code de Commerce. Elle n'aurait qu'à fa ire constater par expel'ls
régufü:rewen t nornmés et à en fai l'c ordonner ensuite le dépôt
dans un magasin public spécialement désigné par le Président du
Tribunal de commerce ou le Juge de paix. L'entrepositail'e deviendrait alors un véritable séquestre judiciaire possédant pour le
compte de l'expéditeur ou du destinataire. La compagnie cesserait
alors d'ètrc responsable de la marchandise, mais, par contre, elle
ne pourrait exiger le magasinage que j usqu'au dépôt. Les intéressés n'auraient à supporter, à partir de ce moment, que les frais
portés sur le tari f du magasin gcnéral qu'ils pourraient poursuivre
directement.
Les compagn ies, nous l'avons vu, peuvent garder les marchandises en gare en percevant un magasiuage; ces droits commencent à courir 48 heures après la mise à la poste de la lettre d'a, is
au destinataire, pour les marchandises livrables en gare. Les
droits sont également applicables, aux termes de l'article 16 des
cond itions d'application cles tarifs généraux, aux marchandises
adressées à do micile et dont le destinataire esL absent ou
inconnu, ou refuse de prendre livraison, à l a condition qn'avis de
ces circonstances soit immédiatement adressé par La compagnie à
l'expéditem ou au céda nt.
Les frais de magasinage sonl de cinq centimes par jour pour les
trois premiers jours et de dix centimes pour les jours suiYants par
fraction indivisible de 100 kilos; et ce taux est invariable pour
une durée illimitée· les termes du tarif sont ab'Solus. En l'état de
'
celte disposition se présente la question de savoir si les compagnies
pourraient laisser séjourner indéfiniment ces marchandises en gare, alors que les droits de magasinage prennent des prnportions
relafü·emen t énor mes et arriYent rapidement pour les marchandises pauvres à dépasser leur valeur.
Les Tribunaux de commerce, pour échapper aux conséquences
onérenses du tarif de magasinage, 011t essayé d'apporter des distinctions clans l'application qui lloil en être faite. Les uns (Tribnnal de com merce de Nevers, 5 jand er 1874) (1) ont clédllé
que, dans le cas d'une contestation entre un expédi teur et un des(l) Lul!léc Fleu1·y, 1876. p, H17.
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-1H -
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tinataire prétendant n'a\'oîr pas fait .de co1~1mande, la ~~mpag.n~e
de,·enait le negotorium gestor de 1expéditeur et de' ait ~ho1~1r
entre les mesures mises à sa disposition, par l'arrêté du Janvier
1872 et par rarticle 106 du Code de commerce, . ce~l ~ qm, ~auve
gardant ses propres intérêts, était le moins pr~Jud1ciable a ceux
du propriétaire de la marchandise; qu'il y ~va.il faute ~e sa ~art,
dans l'espèce, à n'avoir pas fait la constatation et le d~pôt p1 évu
par l'artil:le 106 du Code de commerce, et que le magasinage pouvait être réduit au temps qui lui aurait été nécessaire pour l'acornplissement de ces formalités.
Le~ autres (Tribunal de Commerce de Narbonne, 15 mars 1875,
cassé par arrêt de la Cour de Cassation, du 29 mai 1.877) .(1) ont
jugé qu'en cas de litige entre expéditeur et destmatatre,. les
compagnies de chemms de fer doivent consigner les marchandtses
chez w1 tiers consignataire qui leur paye les frais de transport et
les frais de magasinage dus jusqu'au jour de la consignation ; et
dans le cas où elles ()'ardent volontairement les marchandises en
gare, ils ont considéré les compagnies comme des séquestres
soumis à la taxe des Tribunaux et non à celle de l'application des
tarifs de magasinage.
Ces appréciations des Tribunanx sont contraires au cahier
des charges des compagnies, et aux tarifs dùment homologués qui
sont obligatoires pour et contre elles. Aucune disposition légale
n'oblige les compagnies à déposer chez un tiers au lieu de les garder
dans les aares les marchandises refusées par les destinataires;
t:>
'
les termes de l'arrêté ministériel du 12 janvier 18ï2, ne comportant ni distinction, ni tempérament.
Enfin, on a voulu, en vertu des dispositions du décret du 13 aoùt
1810, déclaré applicable aux compagnies ùe chemins de fer par un
arrêté ministériel du 20 avril 1863, restreinùre dans tous les cas la
durée d'application du tarif de magasinage à une période de six
mois. Aux termes de l'article l " du décret, les ballots, caisses,
malles, paquets et tous autres objets qui auraient été confiés pour
être transportés dans l'intérieur de la France à des entrepreneurs
soit de roulage, soit de messagerie par terre ou par mer, lorsqu'ils
1?
(1) Lamée Fleury, 1877, p. 139.
n'auront pas été réclamés dans le délai de six mois à compter du
jour de l'arrivée au lieu de destination, seront remis à l'administration du Domaine, à la diligence duquel ils devront être vendus.
Un anêt de la Cour de Paris, du 5 mai 1865 (l), a décidé qu'une
compagnie de chemin de fer désintéressée dans le litige soulevé
par la qualité défectueuse de la marchandise, devait, à partir de
l'expiration de six mois, se pourvoir judiciairement ou administrativement pour la faire enlever et qu'ell e ne pouvait prétendre à
un droit de magasinage au-delà de celte échéance. La Cour considère les marchandises dont la livraison n'a pas été opérée dans le
délai de six mois, comme des marchandises abandonnées aux
termes du décret de 1810; la compagnie les détient alors pour le
compte de l'Etat à qui appartiennent les choses sans maitre et ne
peut réclamer de magasinage.
Cette théorie ainsi énoncée nous parait trop absolue. Le décret
de 1810 n'est applicable que lorsqu'il est permis de supposer que
l'o~jet est abandonné; quand il n'est pas réclamé, tels sont les
termes de l'article l". Or, qu'il y ait procès entre l'expéditeur et le
destinataire, que la compagnie soit étrangère aux débats soulevés
ou qu'elle soit directement mise en cause et poursuivie en paiement
de la valeur d'une marchandise dont on lui demande le laissé pour
compte, si par suite des lenteurs de la procédure ou pour taule
autre cause le magasinage a duré plus de six mois, il sera dû en
entier.
Toutefois la Cour de Cassation, dans un arrêt du 3 avril 1878 (2),
ne parait pas avoir fait ces distinctions. Voici les motifs de l'arrèt:
" Al tendu qu'il résulte des termes du décret de 1810 qu'on ne saurait en restreindre l'application aux colis égarés dont l'expéditeur
ne serait pas connu: qu'il comprend tous les colis confiés à un
voiturier pour être transportès en France et qui n·ont pas été réclamés dans le délai de six mois pom quelque cause que ce soit; que
si, dans un cas de refus ou ùc contestation pour la réception des
marchandises transportées, l'article l OG du Code de commerce
autorise le voiturier à en faire vérifier l'étal et à en provoquer la
(1) Lamêe li'lcury, 1876, p. 176.
(2) Lamée Eleul'y, H>78, il· 184.
�-
J4.4 -
.
t ·e el la Yente jusqu'à concurrence dn prix de la
nuse sou sé~ue .1 . ·est pas obliaé d'user de la faculté qui lui est
Yoiture le vo1tur1e1 n
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b. t
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lo ·squ'il conserve en sa possess10n es o Je s
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d dé et du
' . 1·1 d 01·t se conformer aux prescripltons u
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transportes,
13 aoùt 1810. ))
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Mais l'arrêt él2it r endu dans une espèc~ ou . la ~o~upa~me
charrrée de remettre la marchand ise au destmataire, ~mit va~ne.
.
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la sou rr·
i anc e des colis et demandé
.
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. et de la remettre à l' Ad m1mstra t10n es
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Domaines.
. bl à d · ·1e
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Nous avons vu q tle Po ur les marchandises hvra . es< om1c1
. l' ,
les compacrnies
faisaient courir les frais de magasm~ge pa1 a\ is
0
sont-elles
de la soutîrance envoyée a• l • expe·d·t
1 eut.. Les compaames
b
,
tenues dans ce cas d'a\'iser l'expéditeur de la sou[rance, et dune
manière aénérale ont-elles l'obligation de l'informer de. la nonlinaison; ·ous nous trouvons ici en présence d'une q~estio~ ~na
loaue à celle que nous avons discutée à propos de 1 envoi d une
le~re d'avis au destinataire; mais nous ne rencontreron~ p lus
J'araument tiré de l'article 10 de l'arrêté du 12 juin 1866, qm parle
de mise a disposition des rnarcbandises et que l'on a voulu considérer à tort comme comportant implicitement la nécess1·t·e d' un
ta
avis.
.
,
éd· t .
Pour décider que les compagnies doi\·ent aviser l exp 1 e~i ,
. ·
l es compa t>0 nies
on a soutenu que, par le fait de la non-11vra1son,
deviennent le negotiorum oesto1· de l'expéditeur, et que, sauf les
cas d'uraence
dans lesquels il fa ut a\'ant tout vendre la marchan0
dise pou r en éviter la perle, la première mesure à prend_re dans
l'intérêt de l'expéditeur est de le prévenir pour le mettre a même
de faire cesser la souffrance.
Les compagnies, ajoute-t-on, reconna issent elles-m ên:es .que
cette obligation est une conséquence na turelle des ob l!galions
résultant du contra t de transport puisqu'il est d'un usage cons tant
qu'elles avisent l'expéditeur.
. . .
Les motifs qui nous ont coucluits à écarter l obl1gat10n de
l'envoi d' une lellre d'av is au destinatai re doiyent ici nous amener
-
145 -
à la même soluti on pour l'avis del~ souITrance. Si, dans l'usage,
les compagnies font connaitre à l'expéditeur que le des tinataire des
marchandises adressées à domicile n'en a pas pris livraison, c'est
que celte formali té leur est imposée par les règlements pour la
perception du magasinage. Si elles signalent de même que les
marchandises livrables en gare n'ont pas été retirées, c'est pour
avoir contre l'expéditeur une ac tion en paiement des droits de
magasinage qu'elles ne pourraien t, sans cela, réclamer qu'au destinataire et qu'il vau t mieux avoir, indépendamment du privilége
sur la marchandise, deux débiteurs qu' un seul. Mais cet usage ne
peut être transformé en une obligation s tricte.
D'autre pa rt, les compagnies, par sui te du refus du destinataire,
ne deviennent pas le negotio1·um oestor de l'expéditeur , car
la gestion d'affaires comme tous les quasi-contrats, est essentiellement volontaire. Les compagnies liées par un contrat de louage
de services, contrat dont les conditions sont impérieusement prérues et arrêtées par les lois et règlements qui rég issent la ma tière
des chemins de fer, sont tenues seulement de transporter les marchandises du lieu de d estination au lieu d'arrivée; elles sont dépositaires par la nature même du contrat; si la livraison n'a pas lieu ,
elles restent dépositai res par la force même des choses, avec la
faculté de s e faire r émunérer du nouveau service qu'elles rendent
en gardant la marchandise. Il n'est pas permis de créer aux compagnies des obligations qui ne se trouvent pas dans leur cahier des
charges. Aucun tex te ne prescrit au voiturier ou au commissionnaire de transport de rendre compte à l'expéditeur de la souffrance
ùes obj ets transportés. C'est ü l'expéditeur, s'i l est soucieux de ses
intérèts, à prévenir son destina taire de r envoi quïl lui fait et à
s'assurer qu'il en a pris livraison.
On a prétendu qu'en cas ùe non-livraison au destinataire, les
Compagnies devaient réex1)éd ier la marchandise à l'expéditeur.
Cette théorie a été repoussée par un arrè t de Cassation du 21 mars
1848. « Le commissionnaire ou voitul"ier doit, dit la Cour, lorsque
le destinataire n'a pas é té trou\·é, garder par devers lui l'objet qu'il
avaiL été chargé <le tran sporter, ou le déposer dans le lieu indiqué
Par la Justice; il a le cho ix libre en tre ces cieux rnesures, les seules
qui soient altem a tive ment imposées; le mandat commercial ne
10
�-
-
446 -
prescrit point le devoir de renvoyer cel objet à l'expéditeur, une
semblable obligation ne résulte d'aucun texte de loi et même est
formellement con traire à la disposition cle l'article l" du décret du
13 août 1810 rendu pour l'exécution ùes articles 106 et suivants du
Code de commerce, disposition qui est évidemment exclusive de
l'obligation de réexpédier à l'expéditeur puisqu'elle ordonne que,
après six mois, les objets non réclamés seront vendus aux enchères
publiques. »
Le dernier parti qui s'oŒre aux compagnies lorsque les expéditions n'ont pas été reçues à l'arrivée est la vente de la marchandise
conformément à l'article 106 du Code de commerce. Une requète
est présentée au Président d u Tribunal de Commerce ou au Juge
de paix qui ordonne la vente des objets transportés par ordonnance mise au bas de cette requête. II n'est besoin ni de mise en
demeure, ni de signification. Le Juge, en ordonnant la vente, doit
prescrire que le produit en restera déposé, soit entre les mains de
l'officier ministériel qui aura p rocédé à la vente, soit dans un dépôt
public pour être ensuite remis à qui par justice il sera ordonné.
Lorsque les colis refusés contiennent du lait, du beur re, des fruits
et d'autres marchandises sujettes à une détérioration rapide, il faut
même décider que l'ordonnance n'est pas nécessaire. Les compagnies, en les faisant vendre sans délai après le refus du destinataire ou faute de retirement et quarante-lrnit heures après l'envoi
d'une leth·e d'avis, agissent au mieux des intérêts des propriétaires;
on ne saurait leur faire de reproche.
Les compagnies sont libres également d'agir conformément au
droit commun et d'assigner expéditeur et destinataire en enlèvement de la marchandise et en paiement des frais de transport et de
magasinage.
. La dernière questio:i qui se présente,à propos de l'exécution par
les compagnies du contrat de transport, est l'ela ti ve aux droits
d'octroi. Quand les marchandises sonl livrables à domicile, la
compagnie qui effectue le factage ou le camionnage doit acquitter
les droits d'octroi et peut on réclamer le remboursement soil au
destinataire, soit, en cas de refus <le sa parl, il l'expéditeur, car les
conditions stipulées par lui impliquent nécessairement le
manùal de payer le~ dro its d'octroi pour que le transport jus-
147 -
qu'à domicile puisse avoir lieu (Cour de Cassation 19 décembre
'
1866) ( 1).
Si~ au con~raire, les colis sont livrables en gare et que, par suite
des mstruct~o.ns du destinataire, la compagnie se charge du camionnage à domicile, elle est bien autorisée à faire l'avance des droits
d'octroi, r_nais ~ans ce cas l'expéditeur ne saurait être poursuivi. La
com~agn~~ fait al~r~ confiance au destinataire et ne serait pas
fondee, s il devenait msolvable, à répéter le montant des droits
contre l'expéd iteur, car elle aurait dépassé les termes du contrat
primitif el ne saurait rendre celui-ci responsable d'une convention à laquelle il est demeuré étranger.
IV. -
OBLIGATIONS DBS DJJSTINATAlRBS.
La première obligation qui incombe au destinataire est de
retirer les marchandises quand elles sont livrables en gare· il
s'expose,. comme nous l'avons vu, en tardant à se présenter ap~ès
la .récep~10n de la lettre d'avis, soit à payer les frais de magasinage,
soit à von· la compagnie faire camionner d'office les marchandises
à son domicile, conformément à l'arrêté min is tériel du 12 janvier
1872.
. Lorsque les colis sont livrables à domicile, le destinataire peut11 prescrire à la compagnie de s'abstenir du transport j usqu'à son
d?micile et d'attendre, malgré les stipulations de l'expéditeur, qu'il
a1ll.e lui-même en prendre livraison en gare, ou qu'il les fasse
retirer par son camionneur; a-t-il le droit de modifier dinsi les
conditions du contrat de transport ? Une controverse s'est élevée à
cet égard.
On a prétendu que le destinataire qui n'a pas été partie au contrat de transport, doil, lorsqu'il veut profiter de la stipulation de
l'expéditeu r en sa faveur, l'accepte1' dans les termes mêmes oü
elle a été faite et par conséquent se soumettre à toutes les condi(J ) Dalloz, 1867. I. 13.
�-
i48 -
tians dont elle a été accompagnée. Il ne peut déclarer vouloir en
bénéficier pour une partie et la rejeter pour une autre. Du reste,
a- t-on dit encore, l'expéditeur qui envoie la marchandise représente suffisamment le destinataire, quant au x conventions relatives
au mode et aux prix de transport, il est présumé avoir exécuté les
ordres reçus; le destinata ire esldonc lenu de les exécuter . Et même
en admettant que l'expéditeur ne puisse ètre considéré comme le
mandataire du destinataire, il n'en est pas moins évident que le
contrat qui se forme au moment du départ, donne non seulement
à la compagnie le droit d'en exiger l'exécution mais même lui en
impose le devoir, ou tout au moins lui assure le prix convenu
pour le transport. Il est vrai qu'aux termes de l'article 52 du cahier
des charges, l'expéditeur et le destinataire conservent le droit de
faire opérer à leurs frais jusqu'à domicile, le camionnage des
marchandises arriYées en gare, mais il ne leur est pas interdit de
déroger à cette faculté par des conventions particulières et de stipuler que le camionnage sera eITectué par les soins de la compagnie. Lorsque le transport d'une marchandise livrable à domicile
aura lieu en pqrt payé et que les frais de camionnage auront été
perçus au départ en même temps que ceux de transport, le destinataire n'aura pas le droit de se substituer à la compagnie pour
le camionnage et d'exiger qu'elle lui rembourse le montant des
frais de cette opération. Tel a été le système adopté d'abord par la
Cour de Cassation da11s un arrêt de la Chambre des requêtes du
13 juille t 1859. (!).
Il n'était cependant pas possible de concilier l'article 5'2 du
cahier des charges, qui proclame d'une manière formelle le principe que les expéditeurs et les destinataires resteront libres de faire
eux-mêmes et à leurs frais le factage et le camionnage des marchandises, et qui crée ainsi un droit distincl et absolu au proftl
ùes destinataires, avec cette théorie ; elle a été abandonnée. La
Cour de Cassa tion est revenue sur sa première jurisprudence, et
par deux arrêts de la Charnbre civile, du 17 juillet 18G I (2), elle a
consacré le droit du destinataire de prendre livraison en gare des
marchandises qui lui sont adressées à domicile.
(1) Dalloz, 185\J. l. 394.
(2) Dalloz. 18Gl. l. 317.
-149La C~ur parait pourtant fa ire une restriction; elle admet dans
t'des
les motifs
. arrêts que si l'expéditeur a été autorisé par le d est
.
nataire, ou s1 1e lr~ns.port est à sa charge, ou sïl est par quelque
autr~ cause en droit d en régler les conditions, il peut traiter du
cam10nn~ge avec la compagnie du chemin de fer, mais que la
coropagme, pour se prévaloir d'une manière absolue de cett
e
1
.
convent10n contr~ e destinataire, doit, à défaut de son approbation
expresse ou tacite, prouver que l'expéditeur avait le droit de
l'engager. Hors ces cas exceptionn els, en l'absence de toute
con~entio.n particulière ou de toute reconnaissance de la par l du
destinataire procédant d'un fai t d'exécution ou de toute autre
cause, il n'y a pas lieu de régler la question par les dispositions
de l'article 101 du Code de commerce. La mention de la livraison
à. domicile faite s.nr 1.es feuil.les d'expédition par la. compagnie
1
d accord avec 1 expéditeur, n est alors qu'une simple indication
de la volonté présumée du destinataire, indication qui autorise
la ~ompagnie à présenter la marchandise à domicile, mais qui
devient sans effet par la manifestation de la volonté contraire
lorsque le destinataire a fait connaitre en temps opportun so~
intention de recevoir ou de faire recevoir la marchandise à la
gare ; l'article 52 du cahier des charges recouvre alors toute son
autorité.
Il nous semble qu'il faut aller plus loin que la Cour de Cassation
et admettre d'une manière absolue le droit du destinataire. Les
termes de l'article 52 du cahier des charges résistent à tou te espèce
de dislinction.
Lors mème que l'expéditeur aurait reçu mandat du destinataire
à l'efîet de règler les conditions du transport, il ne saurait faire
perdre le bénéfice de cette disposition réglementaire: obligatoire
dans tous les cas pour les compagnies. Il serait, en outre, bien dan
gereux de donner au transporteur le droit de s' immiscer da ns les
rapports entre expéditeurs et destinataires; il n'a pas à savoir
pour comple de qui voyage la march3ndise.
Mais s i en pratique, les restrictions formulées par la Cour de
Cassation devraient abou tir à des conséquences inadmissibles, en
droil, elles ne sauraient se jus tiOer.
L'expéditeur conser\'e loujours la faculté de révoquer le mandat
�- .uso donné aux compagnies, à cette condition, que nous avons démontrée précédemment, d'être encore nanti de tous les titres délivrés
par la compagnie ; il demeure libre, pour une marchandise
expédiée en port payé jusqu'à domicile, de demander à faire le
camionnage à l'arrivée. Lorsque le destinataire devient partie au
contrat de transport, il peut, comme l'expédi teur dont il acquiert
tous les droits, en exiger l'exécution partielle ou totale, et arrêter
les marchandises en cours de route, sans avoir à supporter autre
chose que les frais du transpor t effectué. S'il importe à l'expéditeur que sa marchandise arrive jusqu'à la destination qu' il a
indiquée, il doit subir les conséquences du choix qu'il a fait de
ce destinataire ; la compagnie est tenue de recevoir les instmclions de ce dernier, elle est libérée en s'y conformant.
Ces principes·nous conduisent à la solution d'une question qui
se présente quand le destinataire demande à recevoir en gare des
marchandises dont l'expéditeur a payé le transport j usqu'à domicile; à qui la compagnie doit-elle tenir compte du coùt de ce camionnage qu'elle ne fait pas? li paraitrait équitable que ce fut à
l'expéditeur qui a fait les déboursés. Celui-ci est peut-être propriétaire de la marchandise qu'il a expédiée à un commissionnaire
vendeur; les tarifs de camionnage n'ont donc plus lieu de servir
au règlement de ses comptes s i la livraison a eu lieu en gare, et il
a intérêtà connaltre ce qui se passe à l'arrivée. C'est à lui du reste
qui a payé,qu'appartient l'action en r estitution de l'indu. Quoi qu' il
en soit, le destinataire ayant toutes les actions nées du contrat de
transport, les compagnies ne peuvent lui refuser le remboursement du camionnage qu'elles n'efTectuent pas.
Lorsque le destinataire prend livra ison des colis, il doit émarger
les registres de la compagnie; ces registres portent le nom de
r egistres d'arrivage quand les marchandises sont prises à la gare,
registres de factage ou de cam ionnage quand elles sont remises à
domicile.
La compagnie, par cet émargement, acquiert le moyen d'établir
~u'elle est dé~har~ée des colis et qu'elle a accompli ses obligat'.ons ; ~e destmataire ne peut lui refuser ce titre qui constate sa
hb~ratwn . E.n principe, de même que tou t créuncier qui retire une
qulltance doit en s upporter les frais, les ~ompagnies devraient
-
HH -
garder à leur charge le timbre de 10 centimes imposé par les articles Hl et 20 de . la loi du 23 août 187 l . Il en a été ainsi J·usqu'a u x
lois. des 28 février 1872 et 30 n:ars 1872. Elles ont décidé que le
droit d e déchar~e de 10 c:nllmes créé par la loi de 187 1 pour
const~ter la remise des obj ets serait réuni à la taxe due pour les
récé~1ssé~ et leltres de voiture et le font ainsi supporter par les
destma ta1res.
Enfin le. dest.in~taire doit, avant do prendre livraison, que la
marchandise soit livrable en gare ou à domicile, payer le montant
des frais de transport ou autres dont elle est grevée . Ces frais
comprennent le prix du transport sur le chemin de fer les frais
accessoires d'enregis trement, de manutention, de pesacr~ et s'il
·
d e factage, de camionnage ou de" réexpédi'
Y
a r1eu, de magasrnage,
tion, les droits d'octroi. s'il en a été avancé, les droits de Limbre
du récépissé ou de la lettre de voiture et les sommes qui ont suivi
en débours . ou en remboursement. L'expéditeur peut au départ
payer le prix du transport à l'avance ou le mettre à la charge du
destinataire, mais il en reste toujours personnellement débiteur
dans le cas où le destinataire serait insolvable ou refuserait d~
payer ; les compagnies ont con tre chacun d'eux une action solida ire.
Le paiement des frais de transport éteint les droits nés du
contrat de transport au profit des compagnies, de même que la
livraison des marchandises au destinataire met fin à leurs obligations. Mais il peut arriver, étant donné la multiplicité, la mobilité
etla complication des tarifs, qu'une erreur , a it été commise dans
la fixation ou dans la perception du prix du transport. Du caractère obligatoire des tarifs, qui est, comme nous l'avons vu en
traitant des principe:::; généraux qui les régissent, la conséquence
nécessaire de l'homologation, il résulte que toute erreur d'applica tion, soit au préjudice des compagnies, soit au préjudice des expéditeurs ou destinataires, rloit être réparée. Que l'erreur provienne
d'une faute de calcul ou de la perception du prix d'un tarif inapplicable à la marchandise, il y a ouverture au profit des deux parties de l'action en répétition de l'ind ex.
Cependant tout en r econnaissan t aux compagnies le droit de
réclamer des suppléments de taxe, quelques tribunaux ont essayé
�-
i 52 -
de paralyser leur droit en les condamnant, par. application de l'article 138'2 du Code civil à des dommages-intérêts. Quand une
compagnie de chemin de fer, disent l e~ ju g~ments, a ~ndiqué. à ut~
commerçant w1 prix pour le transport mférieur à celui du tanf qui
devait être appliqué à la marchandise, celui-ci a pu croire que ce prix
était réellement celui qu'il aurait à payer et a dû nécessairement
eu tenir compte pour opérel' ses achats ou Yen tes. La compagnie
en l'induisant en errem lui a causé un préjudice, et en répara tion
doit être tenue de lui payer à titre de tlommages-intérèts, le supplément de taxe qu'elle est en droit de lui réclamer. La Cour do
cassation n'a pas admis cette doctrine. Nul n'est censé ignorer
la loi et les tarifs sont la loi du public. Ils sont soumis à une
publicité permanente dans les gares qui permet au .public, de les
connaitre aussi bien que les employés tles compagmes. L erreur,
si elle a été commise, est commune aux expéd iteurs et aux agents
et ne peut entrainer aucune responsabilité (Cour de Cassation,
15 juin 1875.) (1 ).
La question ne fait pas doute non plus pour l'action en détaxe
intentée contre Les compagnies, quanti l'erreur a été r econnue
avant que le destinataire ait pris livraison. Quand, au contraire, il
y a eu tout a la fois réception des objets transportés et paiement
du prix de la voiture, L'article 105 du Code cle commerce déclare
éteinte toute action contre le voiturier. Nous fixerons nu chapitre
sur les prescriptions et ûnsde non recevoir, la parlée de cet article,
quand il est oppos0 à une demande en rectification de taxe. Si la
marchandise avait voyagé en port payé, l'action en détaxe appartiendrait à la fois à l'expéditeur et au tlestinatail'e et pourrait être
exercée par l'un ou par l'autre indifféremment.
Y. -
PRI\ ILHCiB Dl!S C:Oi\ll'AG NIES
La loi s'est préoccupée clc protéger l'industrie des transpor ts si
nécessaire au commerce cl si indispem;ahlc à la richesse p11bl iq11e,
et pour assu rer au voiturier le paiement du prix du transport et
(1) Ualloz lb7G T 314
-
H>3 -
lui garantir la rémunération de ses services et de sa responsabilité, l'article 2102 du Code civil lui reconnait un privilége sur les
objets qu'il a transportés. « les créances privilégiées sur certains
meubles sont : 6' les frais de voiture et les dépenses accessoires
sur la chose voiturée. » Pour exercer son privilége, le voiturier
a un droit de rétention sur les objets transportés. C'est ce qui
résulte de l'article 106 du Code de Commerce: « La vente des objets
transportés peut ètre ordonnée en fa\'(~ur des voituriers jusqu'à
concurrence des prix de la voiture . »
De ce qu'il existe un cirait de rétention, faut-il conclure que le
privilége n'existe que lorsque le voiturier est encore en possession
des objets Yoiturés ·~ Cette question a été Yivement discutée en
doctrine, elle se réduit à examiner si le privilége est fondé sur
une idée de plus-value ou de constitution tacite du gage
Pour décider que le privilége subsiste après la linaison et peut
encore être exercé, lorsque les circonstances permettent df'
retrouver la marchandise, on soutient qu'un priYilége est accordé
au voiturier comme reprc'.!sentation cle la plus-Yalue quïl a donnée
aux marchandises en Les amenant dans un lieu où elles se Yendront
plus cher que dans le pays de production ou cl'entrepùt. Il en est
tellement ainsi, qu':rnx termes des articles 306 et 307 du Code de
commerce, le capi taine conscn·e pendant quinze jour::; son priYilége sur les marchandises qu'i l a lh rées, si elles n'ont pas passe
en mains tierces. Il est certni11 que si le pri\'ilége du trnnsporteur
avait sa source dans un nantissement présumé, l'ordonnance cle
marine dont le Code de co1nmercc n·est que la reproduction. 1i'eùt
pas fait survi\Te le pri\'ilégc a la possession des marchandises
Telle est l'op inion de Troplong, Pnuiléye1> et hy11othèfJucs, T. I.
n· 207 et de Pardessus, D1·ott commercial, T IV, n• 1207. u Le
voiturier, dit ce dernier auteur, ne perd pas son priYilége par le
seul fait qu ïl se serait dessaisi, s'il :l a~i pour la conservation dl•
son droi t tians le bref délai que l'usage seul peut déterminer,
selon la nature <les chose-; transportées. On ne peul , en cfîel,
exige r qu'il réclame a lïnstaut son paiement et le frapper de
déchéance pour œ tte omission: les con\'enances lui commandent
quelques égards, les circonstances c:-.igent quelques délais, et la
nécessité des Yfrif1catio11s ne permet pas 11u'on Le pa1i; ;l l'ins-
�-
-
(54 -
ffit seulement de faire observer que s i déjà une partie de
tant · 11 su
· d déb't
la chose frappée de ce gage était sortie des mams u
1 eur, .ce
ui en resterait répondrail de la totalité de la dette. » Potl'uer
~dmettait aussi que le priviloge clu ,·oiturier existe enc~re après la
th-raison, tout en le faisant primer dans ce cas par celm du. maitre
ct'hùtel: « Les voituriers qui ont voituré des marc~1and1ses ont
pour ce qui leur est dù un privilége sur ces marchandises p~ndant
le temps que dure leur travail, mais Jorsqne les marchandises ne
s en leur possession ou qu'elles se trouvent être dans la
w nt Plu
'd
maison de leur débiteur, leur privilége ne va qu'après celui u
maitre d'hôtel. l) P rocédur·e ci 1nïe Partie IV. Cha p Il. Article 7,
§ 2.
.
.
.
Cette solution, selon nous, ne doit pas être admise. Il n est pas
exact de dire que la marchandise acquiert dans tous l ~ cas une
plus-value par suite du transport, le contraire peut ~rnver : ~t en
admettant cette plus-value, ou trouve-t-on dans la 101 le pnv1lége
établi pour les frais d'amélioration d'une chose mobilière? Les
frais faits pour la conservation sont seuls privilégiés. Le privilége résulte donc d'une constitution de gage et ne dure qu'autant
que le voiturier demeure en possession des objets. La disposition
de l'article 307 est une faveur toute spéciale au capitaine de
navire, c'est une exception à la règle générale de l'article 2076 du
Code civil, destinée à assurer en matière de transports par mer le
prompt déchargement des navires . Le capitaine ne peut faute de
paiement de son fret reteni r la marchandise. JI fallait à côté de
cette dépossession lui assurer l'exercice de son pri vilége pendant
ce délai modéré, que la loi du reste limite à la quinzaine après la
délivrance. Aucune limitation de ce genre n'exis te pour le privilége du voiturier, il faudrait donc ou le restreindre arbitrairement,
ou décider qu' il durerait trente ans, ce qui sera it une anomalie. Le
voiturier jouit d'un droit de rétention sur les colis qu'il a transportés. Sïl les remet au deslinatai re, il fait confiance personnelle
à ce dernier , il r enonce à la garantie que la loi lui donne et se
trouve dans la situation d'un créancior ordinaire. Telle est la
décision d'une juris prudence constante.
Le voiturier n'a de privilége s ur la chose qu'il transporte que
pour le prix du transport même de cette chose; il ne pourrait donc
USts -
exiger d'être payé s ur les derniers objets voiturés du prix de
transports antérieurs qui lui seraient dus pour des marchandises
précédemment livrées au mrme destinataire.
Mais il peut arriver qu'un voiturier s'engage à faire tous les
transports d'un expéditeur pendant une certaine période. Faut-il
considérer tous ces transports successifs comme l'exécution d' un
seul et même contra t et non comme des opérations distinctes, et
décider qu'à un moment don né le voiturier pourra exercer son privilége pour toute l'opération sans faire de distinction entre les
frais concernant les marchandises déjà livrées et celles dont le
voiturier est encore nanti ? La Cour de Cassation s'est nettement
prononcée pour la négative dans un arrêt du 3 février 1849 (1) qui
inaugure une jurisprudence nouvelle mais conforme aux principes . En matière de priviléges, la volonté des parties est impuissante a créer ou à éteindre des priviléges; ils sont de droit étroit
et la loi seule peut les établir. Peu importe dès lors que dans
l'intention des parties les transports ne soient que le fractionnement
d'une opération unique; le privilége ne s'étend pas à tous les frais
du transport. La natut'C du pri\•ilége du voiturier répugne à ce
caractère de générali té, il résulte d' un fait prévu par la loi, le fait
du transport est clone seul à considérer .
(t) Dalloz, 1849. l. 156.
�-
Hl6 -
CHAPITRE IV
TfiA~SPORTS EN mmoRS DE LI\ VOIE FERRÉE.
-
Toutefois les expéditeurs el destinataires resteront liures ù~
faire eux-mêmes et :1 leurs frais le factage et le camionnage des
marchandises. n
Le factage est le transport <les marchandises expédiées en
grande vitesse cntrn une gal'e et uu lieu ùe deslination situé ùans 1~
rayon da l'oclroi d'une ville, ou ùans une ville de plus de 5000 habitants dis tan le de la ga l'C de moins de 5 kilomètres. Ce transport
prend le nom de cam ionnage quand il s'agit de marchandil;es
expédiées en petite vitesse.
Le transport en dehors des limites fixées par l'article 52 prend
le nom de réexpédition.
1. -
Les obligations des compagnies de chemins de fer s'étendent
dans certains cas au transport des marchandises en dehors de la
voie ferrée. Les gares sont situées en gén6ral à une certaine distance des domiciles des exp6dilours ou des destinataires, l'autoril6 publique s'est occupée de régler les rapports des compagnies
et du public en ce qui concerne les transports accessoires du
voyage, au delà des points oü la voie ferrée commence et finit.
Le factage et Je camionnage font l'objet de l'article 52 du cahier
des charges ainsi conçu :
u La compagnie sera tenue de faire, soit par elle-même, soit
par un intermédiaire dont elle répondra, le factage et le camionna"'e
au domicile des destinataires de toutes les marchandises qui
0
lui sont confiées.
Lefactage et le camionnagcnescronl point obligatoiresen dehors
du rayon de l'octroi , non plus que pour les gares qui desserviraient
une population agglomérée de 5000 habitants, soit un centre de
population de 5000 habitants situé à plus de cinq l<ilomètrcs de ln
gare du chemin de fer.
Les tarifs à percevoir seront fi xés par !'Administration sur la
proposition de la compagnie. Ils seront applicables à tout le monde
sans distinction .
H>7 -
DU F \ C'l'AGE ET DU CA:UIONXAGE.
L'enlèvement des colis au domicile des expéditeurs est entièrement facultatif pour les compagnies. Le cahier des charges est
absolument muet sur cc point; les expéditeurs sont donc tenus en
principe de faire porter leurs marchandises à la gare de départ .
La question ne pouvait faire doute el la jurisprudence s'est nettement prononcée clans ce sens (Cassation, 15 juillet 18ï4) (1).
Cependant partout oü est organisé un service de factage ou ùe
carnionnage, les mat'Chandises, sur la demande de! 'expéditeur, sont
prises à dom icile. Les tarifs ùe camionnage fixent les delais supplémentaires à accorder aux compagnies pour ie camionnage des
marchandises à prendre à domicile Les compagnies établissent
aussi quelquefois dans l'intérieur cles yiJles des bureaux particuliers pour la rt:!ceplion et l'expédition des marchandises Ces
bureaux sont des succursales des gares, ils opèrent comme
elles, et les délais réglementaires pour les diverses opfrations
préliminaires du transpMt. sont ceux de la gare mème.
Il n'est pas possible d'accorder au:-. compagnies un dt:!lai üe
camionnage pour les mal'chandises déposées dans lcul' bureau de
(1) Lamée l~leurv. 1871. p 'tl5
�-
t58 -
ville, qui ne peuvent à aucun point de vue être assimilés aux
domiciles des expéditeurs. Les délais sont prévus pour un cas
déterminé; en pareille matière tout esl de droit étroit, et il
ne peuvent ètre étendus par analogie. (Cassation, 24 mai
1869) (1).
On a contesté aux compagnies de chemins de fer le dro it d'organiser pour l'enlèvement des marchandises au domicile des
expéditeurs des services de factage et de camionnage et d'établir
dans l'intérieur des villes, des bureaux d'expédition. Mais rien ne
saurait justifier cette prétention. Le monopole des compagnies
pour l'exploitation de la YOie de fer ne fait pas obstacle à ce
qu'elles se livrent à tout autre trafic en dehors de cette voie. La
liberté du commerce est d'ordre public et aucune disposition de
la loi n'interdit aux compagnies de j ouir du droit commun. Aussi
la jurisprudence s'est- elle prononcée pour la légalité de la
création de ces services et de ces bureaux de ville. (C. Amiens, 21
janvier 1853). (2)
Le factage et le camionnage au déparl constituant des entreprises
libres, il semblerait que les compagnies sont libres de se passer
de l'homologation ministérielle et de discuter les prix avec les
expéditeurs. Cependant, et avec raison, la Cour de Cassation
(arrêt du 20 mai 1865) (3), a consacré le droit de l'administration
à fixer les tarifs des frais de faclage el de camionnage, que ces
opérations soient facultatiYes ou obligatoires.
L'obligation pour les compagnies de faire approuver ces tarifs
resso1·t non seulement des termes généraux et formels de l'article
44, du règlement de 1846 : u aucune taxe de quelque nature
qu'elle soit ne pourra être perçue par la compagnie qu'en vertu
d'une homologation du ministre des travaux publics » ; mais
aussi de l'article 52 § 2 du cahier des charges. La nécessité de
l'homologation ministérielle r ésulte de la nature même de l'exploitation confiée aux compagnies, car les compagnies avec lu
faculté de hausser ou de baisser à leur gré les tarifs des services
facultatifs, pourraient, par un abaissement de tarifs, ruiner la
concurrence et revenil' ensuite à des tarifs élevés au préjudice des
intérêts du commerce.
Quant au factage et au camionnage de la gare d'arrivée au
domicile du destinataire, il résulte de l'article 52 du cahier des
charges, qu' ils sont, dans certaines limites et pour certaines localités, obligaloires pour les compagnies.
D'autre part le mème article porte que les expéditeurs et les
destinataires peuvent faire eux-mêmes le factage et le camionnage
de leurs marchandises et qu'ils ne sont pas obligés de les laisser
faire par les compagnies de chemins de fer.
Comment concilier ces deux principes en l'absence de toute
menlion de livraison en gare ou à domicile sur la tléclaratiou
d'expédition ? Quelle est de ces deux dispositions absolues celle
qu'il faut considérer comme établissant une règle générale. Les
compagnies doivent-elles transporter ces marchandises à domicile, à moins que l'expéditeur n'ait expressément stipulé la
li vraison en gare, ou au contraire les garder en gare dans le
silence du contrat à cel égard '? La Cour de Cassation, dans u11
arrêt du 27 juillet t852 (1), avait admis que la li\Traison en gare
est la règle el la livraison à domicile l'exception; la li\Taison
devait donc avoir li eu en gare toutes les fois que l'expéditeur
n'avait pas demandé qu'elle fùt faite à domicile.
Aujourd'llui celte question ne peut plus être discutée en présence des ùisposiLions des tarifs généraux qui décident que la
déclaration d'expé<lition ùoil toujours porter la mention liHable
a domicile ou en gare et qu'en l'ahsence ùe cette mention, la marchandise sera portée ü Jolllicile si elle a été expédiée en grande
vitesse et sera gardée en gare si elle a été expédiée en petite
vitesse.
La combinaison ùe 0es deux dispositions ùe l'article 5~ du
callier <les charges a ùonnè lieu à tles ùifficultds quan<l la uiarchandise ayant été expédiée à domicile, le destinataire signille a
la compagnie qu'il veul retirer ses marchandises à la gare. ous
(1) Dalloz, 1869. 1. 275.
(2) Dalloz, 1854. 2. 2'21.
(3) Lamée-Fleury, Codi; annot e p. 341.
i59 -
(1) IJnlloz, Jlij':!, l '!26.
�- rno ne reviendrons pas sut· cette question crue nous ayons tra itée à
propos des obl igations des des tinataires.
Quand les compagnies de chemins de fer ont orgnnisé un service
de camionnage soit pour exécuter les prescriptions du cabiel' des
charges, soit pour étendre ou développer leurs opérations de transport, il est naturel qu'elles cherchent à prendre des mesures pour
favoriser leur exploitation pe1·sounelle au préjudice des en treprises Lie mème naturn qui leur font concurrence. En général, les camionneurs des compagnies sont a utol'isés à entrer
dans les garns, soit avant, soit après les heures réglementaires de
formeture : il en résulte que les marchandises confiées à ces
camionneurs sont expéd iées plus rapidement, et arrivent plus lùt
en ville et sur les marchés que celles apportées par les camionneurs étrangers. Il peut en résul Ler pour ceux-ci une source de
préjudice et les Tribunaux ont eu à maintes reprises l'occasion de
se prononcer sur des demandes en dommages-intérêts dirigées
contre des compagnies de chemins de fer à raison de faveurs consenties à leurs camionneurs particuliers.
Certains Tribunaux de commerce, el en particulier le Tribunal
de commerce de la Seine, décident <l'une manière absolue que les
compagnies ne pem' ent déroger aux principes d'égalité qu'ell es
sont tenues d'appliquer et qu'elles sont passibles de dommagesintérèts toutes les fois qu'elles n'adme ltenL pas les camionncul's
étrangers clans les gares, aux mêmes heures que leurs propres
camionneurs (Tribunal de commerce ùe la Seine, 1 juin 1870.) (1).
La jurisprudence des cours d'appel et de la Cour de Cassation,
Lrès juridique et très juste, fait une distinction en tre le factage au
départ et à l'arrivée, dis tinction basée sur le caractère facu ltatif ou
obligatoire de ces deux services.
Quand les compagnies fon t camionner moyennant les taxes d'un
tarifsomnis à l'homologation ministérielle, soit par les agents, soit
par des intermédiaires dont elles sont garantes, les marchandises
de la gare d'arrivée au domicile des destinataires elles exécu' charges, et
lent les prescriptions impératives, de leur cahier des
ne peuvent être assimil ées aux camionneurs ordina ires auxquels
(1) Dalloz
-
i61 -
11' incombe~1t pas les cllarges d'un service public. Les compagnies
sont so ~m1ses à la dou~le obligation de satisfaire aux exigences
~u servie~ quels que s.01t le nombre et l'importance des expéditions, ~t cl autr~ part cl obser ver les clauses du tarif, quelque onéreuses quelles puissent Ctre dans certaines circonstances. Elles remplissent donc leurs obligations de compagnies de chemins de fer
el elles doivent pouvo ir se prévaloir des priviléges de leur monopole puisqu'elles en subissent les conditions. Elles sont donc libres
d'ouvrir à toute heure leurs gares à leur camionneurs alors
~u'el_' es ap~liqu~nt aux entreprises libres les prescriptions de
1arrelé m1mslénel sur les heures de fermeture et d'ouverture des
gares.
On peut aussi invoquer cet argument que les délais de camionnage s'ajoutent aux délais de transport, et que le délai total est
seul ob ligato iee. La cou1pagnie en retard pour le transport sur la
voie ferrée doit avoir la faculté d'effectuer rapidement son camionnage pour effectuer la livraison tians les délais réglementaires.
Lorsque les compagnies, au contraire, camionnent les marchandises ùu domicile <le l'cxpéù iteur à la gar e de départ, elles agissent
en qualité d'entreprises particulières, puisque ce service est eu
dehors des obligations qui leur sont imposées par le cahier des
charges. Ellesnesauraienl donc consentir des faveurs qui auraient
pour résul tat d'anëantir la libre concurrence du camionnage. Les
compagnies en aùu1ettant les camionneurs dans les gares avant les
heures réglementaires se lrou\'eraient accorder un tour de faveur
aux marchandises apportées par eux, puisque les expéditions sont
faites Jans les Jeux j ours qui suivent la remise en (Tare et d'après
t>
l'
ordre des numéros d'enregistrement, et violeraient ainsi le principe de l'égalité des tarifs. (Cour de Montpellier, 11 a\•ril 1862, et
Cassation 30 mars 18.ô3.) ( 1).
(1) Oalloz ltl63. I. 171>.
llrn. 'l. 7:J
JI
�-
II. -
-
162 -
RKEXPÉDITIO~.
La réexpédition, nous l"avons Jit, est le transport des marchandises en dehors des limites du factage et du camionnage, elle
n'est jamais obligatoire pour les compagnies de chemins de
fer.
Cependant les compagnies organisent d'ordinaire un service de
correspondance ou de réexpédition pour l'enlèvement des marchandises au domicile de l'expéditeur, et pour la remise des marchandises au domicile du destinataire. Elles eŒectuent ces opérations elles-mêmes en passant des traités avec des entrepreneurs.
Dès que le service est organisé, le transport au domicile du destinataire des colis livrables à domicile de\"ient obligatoil'e pour la
compagnie.
Ici se présente la question que nous a\'ons déjà discutée à propos du factage et du camionnage. Une compagnie qui a passé un
trailé, dûment homologué, avec un entrepreneur, ou qui fait ellemême le service de la réexpédition reçoit des marchandises adressées au domicile du deslinataire; celui-ci aura-t-il le droit de les
retirer à la gare et de signiûer à la compagnie qu'elle ait à s'abstenir du transport en dehors de son réseau.
Nous ne rencontrons pas ici de texte; l'article 52 du cahier des
charges qui nous avait permis de trancher la difficulté est spécial
au factage et au camionnage, aussi certains auteurs n'hésitent-ils
pas à refuser au destinataire le droit de retirer ses marchandises
en gare, par application des règles du droit comu1un. Le destinataire est lié par la co1wention passée enlre l'expéditeur et la compagnie et ne peut la modifier ou en supprimer une clause. (Duverdy,
Traitédel'application des tarifs n· 279) .
La Cour de Cassa lion s'est prononcée pour l'opinion contraire en
étendant à la rtexpédition l'article 52 ùu cahier des cbarges.
L'article dit en termes fonncls que les desLinataires resteront
libres de faire eux-mê1nes Je l'aclagc cl le camio1rnagc de leurs
marchandises: cette disposiLion, d'après la Cour supreme, est
f63 -
générale et ex.clusive de toute distinction soit quant à la nature du
service qui serait chargé du transport, soit quant à Ja distance à
parcourir. Elle doit être entendue en ce sens avec d'autant plus
de raison que l'on ne saurait admettre que les destinataires ayant
droit de retirer leurs marchandises de la gare, quand le camionnage est obligatoire pour la compagnie, perdissent ce droit quand
le camionnage de la compagnie est purement facultatif. (Cassation.
26 mars 1866). (1).
Les trailés que les compagnies peuvent faire avec des entrepreneurs pour la réexpédition des marcllandises sont soumis à l'homologation ministérielle et régis par les dispositions de l'article 53
du cahier des charges. A moins d'une autorisation spéciale de
l'administration, il est interdit aux compagnies de faire directement ou indirectement a\'eC des entreprises de transport de
voyageurs ou de marchandises par tene el par eau, sous quelque
dénomination ou forme que cc puisse être, des arrangements qui
ne seraient pas consentis en faveur de toutes les entreprises desservant les mêmes voies de communication.
Les compagnies en principe doivent assurer les mêmes avantages et le mème trnitement à Lous les entrepreneurs desservant la
même route. Par conséquent, s'il n'existe pas de traité particulier,
les compagnies ne peuvent, à moins que la route ne soit desservie
par une seule entreprise de transport, remettre les marchandises
livrables à domicile à un entreprenem· plutùt qu'à w1 autre. Si
l'expéditeur n'a pas inJiqué lui-même l'entrepreneur, les compagnies doivent envoyer une lellre d'avis au destinataire pour le
mettrn en demeure de ùésigner l'entrepreneur qu'il \•eut cllarger
de la réexpédition.
Si elles veulent, au contraire, accorder ü un seul le bénétice d'un
traité de réexpédition, elles doi\•ent ol>teuir l'homologation ministérielle. Celte approbation ùoit être préalable et formelle, il ne
suffirait pas d'un simple communiqué et le caractère délictueux de
l'exécution anlicipéc ne serait pas effacé par une autorisation Jannée après coup. Dès que le traill: a été passé el revêtu de l'approbation administrative, l'enlrcprcncur signataire a seul droit au
(1) Dalloz, 1866. I. U9.
�-
16i - ·
bénéfice de ce traité el les compagnies sonl tenues de ne reme tlre
qu'àeux les colis qui son l expédiés livrables à domici le. Mais il est
interdit aux compagnies de consentir à leurs entrepreneu rs polll'
lesmarcbandises qu'ils transportent, des réductions de larif sui·
le parcours de la voie ferrée. Elles violeraient le principe de
l'égalité des taxes et les entreprises de transport riva les seraient
fondées à se plaindre mème d'un trait6 de réexpédition revêtu
de l'homologation ministérielle.
Quand la compagnie admet tous les entrepreneurs de transport
au bénéfice du traité passé avec l'un d'eux, elle n'est pas oLligéc
de faire approuver ce traité par le Ministre , elle peut se contenter
Je le communiquer . Certaines décisions de jurisprudence, qui nous
paraissent excessh'es et contraires aux textes qui régissent les
transports par chemin de fer, ont décidé que dans ce cas les compagnies devraient non-seulement accorder l'admission anx entrepreneurs, mais même leur faire connaitre les conditions des traités
pour l es mettre en mesure d'en bénéficier. On a redouté que la loi
ne pùt être facilement éludée et on a voulu protéger l'industrie
contre des arrangements qu'elle pouvait ignorer.
Qu'est-ce que les entreprises de lransporls par terre et par
eau? Certains commissionnaires de transport avaient revendiqué
le bénéfice des dispositions de l'article 53 du Cahier des Charges.
Leur prétention a été condamnée, le texte et l'esprit dn Cah ier des
Charges répugnent à cette exlension. Les entreprises ùe transport
proprement dites, qu'elles fonctionnent sur les routes de terre, les
neuves ou les canaux, ont seules le droit d'e:...cipcr de ces dispositions (Cour de Paris, 20 décembre l868) (1).
L'interprétation des ternies de !'articles 53, «mêmes Yoies de
communicalion, » a donné lieu à des con testations nombreuses. Il
faut décider, avec la Cour de Cassation (28 juin 1851) (2), que les
r:tlOlsn'tèmes voies de communication doivents'entendre des mêmes
aboutissants du chemin de fer. Les entreprises desservant la
même roule seront donc celles faisant le sen·ice entre une même
Jocalilé voisine et la i.nème station de cl1cmin de for . Peu impor(1) Dalloz, 1871. J. J 111
(2) Dalloz. 1851. 1. 329
-
i65 -
tarait que l'une des deux enlreprises fût en même temps entrepreneur de transports à partir d'une localité plus éloignée située
sur la voie ferrée. n faudrait faire abstraction de celte partie du
transport effectuée par les 10oyens de la compagnie bien que
l'entrepreneur en demeure personnellement responsable, c'est le
trajet sur la voie de ter re qu'il faut seul considérer (Orléans, 22
décembre 185 1) (l ).
La question s'était présentée sous l'empire de la loi du 15 juillet
1845. L'article 14, dont l'article 53 du Cahier des charges n'es t que
la reproduction, portait les mots: «mêmes routes, » qui se trouvent
remplacés dans l'article 53 par les mots « mêmes voies de communication » mais celle substitution n'a été qu'une correction
grammaLicale, car les mots routes faisant partie du texte qui Yise
les entrepreneurs de transport par terre et par eau ayaient légalement Je même sens que l'expression du Cahier des charges.
ï deux entreprises de transport ont pour point de départ une
même station, mais que l'une s'arrête clans une ville Yoisine,
tandis que l'autre poursuit ses transports au- delà, il faut décider
qu'elles ne desservent pas la même route au sens de la loi (Tribunal de la Seine, 16 févl'ier J853). (2) Il n ·~· a pas non plus identi té de routes si deux en trepreneurs partant d'une mème localité
arrivent à deux stations différentes de la même ligne de chemin
de fer (Cour de Rouen, 3 mars 1853) (3).
L'application des principes de l'article 53 dans une espèce où il
s'agissait de réexpédition par \'Oie de mer et du privilége réclamé
par des étrangers, a soulevé des discussions très intéressantes.
Voici les faits : La compagnie du Midi, prenant charge à Cette des
marchandises pro\ enant de la Méditerranée et à destination tle
l'Angleterre, an1it pas~é ayec un sieur Lindrny un traité pour la
réexpédi tion de marchnnclises de Bordeaux à Londres et réciproquement. Un sieur Hohinson , nrmatcnr anglais et son représentant à Bordeaux, un sieur Albrccht: de nntionalité saxonne, tous
deux entrepreneurs de Londres à Bordeaux, sans domicile auto(1) Dal! oz, 1854. 5 . 51(1
(2) l e nroit HIS:l. '\• ~~
(:1) Le D,.ott 18:>3. '\ tiO
�-
risé en France, n'ayant pas élé admis par la compagnie du Midi
aux bénéfices du traité accordé à leur concurrent, intentèrent à la
compagnie du Midi une aclion en clommages-inlérêts en invoquant
l'article 53 du Gabier des charges.
li s'agissait de décider si la disposition de l'article 53 découle du
droit des gens et si des étrangers peuvent s'en prévaloir et ensuite,
si cette prescription n'a pas le caractère d'une loi de polic;e obligeant et protégeant indistinctement tous ceux qui habitent le territoire. Un arrêt de la Cour de Bordeaux du 28 juillet 18G3, réformant un jugement du Tribunal de commerce de cette ville du 1!l
février 1863, avait admis que l'article 53 procédait uniquement de
la loi civile ayant pour but la protection de l'industrie nationale, et
que les entreprises étrangères devaient être exclues des avantages qu'une compagnie française n'avait cru devoir accorder qu'à
l'une d'elles. La Cour reconnaissait bien que cette disposition
ayant une sanction pénale, conlenait une prescription de police,
mais une prescription de police ayant pour objet un droit qui
dérive du droit civil. L'action civile qui nait de son infraction devait
donc être subordonnée aux conditions exigées par la loi à l'égard
des étrangers. Cette théorie n'était pas nouvelle. Les articles 5 et 6
de la loi du 23 juin 1857 ont dù consacrer formellement le droit
pour les étrangers de poursuivre les fabricants français qui usurperaient leurs inarques de fabrique ou leurs noms sur des produits industriels et avant celte loi on leur refusait le droit d'agir.
La Cour Suprême (3 juillet 1865) (1) a cassé l'arrêt de la Cour
de Bordeaux. Elle décide que les entrepreneurs de nationalité
étrangère sont en droit, comme les Français, d'invoquer le bénéfice et la protection par l'article 53 du Cahier des charges. Cette
disposition n'est que la conséquence du principe qui, relativement au privilége accordé aux chemins de fer, interdit toutes
mesures spéciales de nature à porter préjudice au commerce en
supprimant la concurrence et en opérant par là-même la hausse
ou la baisse des marchandises.
Cette disposition n'ayant en vue que l'intél'êt publiccommerc ial,
est, par suite des princ.ipes clu clroil des gens qui établissent la
lillerté du commerce, applicable aux étrangers.
(IJ Dalloz, 1865. /. 3'17
-
{66 -
167 -
L'affaire revint rl cvan l la Cour de Cassation aprl'>s poun·oi
contre l'arrè t du la Cour de renvoi. La compagni e rlu l\Jidi soutenait alors que les disposiLions de l'article 53 ne pouvaient être étendues aux entreprises de transport par mer, car la mer n est pas
une voie de communication, ni à la ~oncurrence qui se pratique
au moyen de navires étrangers, el qui se réalise en pays étranger.
L'arrêt du 27 no,·embre 1867 (1) a tranché toutes ces questions
contre la compagnie. En parlant de transport par eau, dit-elle, le
Cahier des charges entend donner à ces mots le sens le !plus
large et le plus étendu et désigne même les transports par mer.
L'atteinte à la concurrence qni s'exerce même à l'étranger
réagit sur le marché français et du reste la contravention a été
commise sur le territoire français.
Enfin, il n'y a pas à tenir compte de la nationalité des navires,
le Cahier des charges, pas plus 'Jlle l'article 14 de la loi du 15
juillet 1845, ne s'étant préoccupé de cette question, implicitement
résolue, si l'on admet que ce sont des règles du droit des gens, qui
sont ici applica]Jles.
La sanction du principe de l'égalité des services de correspondance ou de réexpédition se trouve dans cette loi de 1845, art. 14,
c't~st la pénalité de l'art. 419 rlu Code pénal. Les traités illégalernent conclus avec des entrepreneurs de transport sont assimilés à
des manœuvres frauduleuses pour opérer la hausse ou la baisse
des denrées ou marchandises au-dessus ou au-dessous des prix
qu'aurait délcrminés la concunencc naturelle et libre du
commerce.
(1) Dalloz. 1869. l. 5'25
�-
i68 -
CHAPITRE Y
DE LA RESPONSABILITÉ DES COUPJ\ONJES.
l. -
DB LA RllSPONS.\DILITft BN GÉNÉRAL .
· Les compagnies doivent veiller à la conser vation des marchandises qu'elles sont chargées de transporter et les livrer en bon
état.
Cette obligation commune aux compagnies de chemins de fer et
ü tous les entrepreneurs de transport est inscrite dans les articles
1782 et 1784 du Code civi l dont l'article 108 du Code de commerce
reproduit les dispositions: « le voiturier est garant de la perte des
objets à transporter hors les cas ùe force majeure, il est garant des
avaries autres que celles qui vien nent du Yice propre de la chose
ou de la force majeure. » Les compagnies sont tenues également de
livrer les marchandises dans les délais impartis par les règlements.
La responsabilité ri es compagnies est engagée dans trois cas .
En cas de retard dans la remise au destina taire
En cas d'avarie.
En cas de perte des objets transportés.
Toujours bien entendu sauf les cas fortuits ou de vice propre, ou
de force majeure, légalemen t constatés.
Tout événement qu'on ne peut ni prévoir, ni cmpècher, est un
cas fortuit ou d·~ force majeu11e.
-
{69 -
Le cas fortuit procède du hasard, la force majeure implique le
fait de l'homme, mais cette difîérence est sans importance au point
de vne juridique et ces deux expressions sont prises indiITéremment l'une pour l'autre Il faut cependant noter que la distinction
pourrait présenter un certain intérêt en ce qui touche la responsabilité du négociant dont les marchandises ont péri.S'il s'agit d'u11
vice propre de la marchandise, le propriétaire répondra des dommages que ce transporteur peut avoir éprouvés par suite de cette
perte, par exemple, en cas de combustion spontanée de coton gras
inexactement déclarés, il pourra être tenu de rembourser Je montant de la valeur du wagon incendié (Cassation, 12 juin 1882j (1).
L'invasion du territoire ou le pillage par l'ennemi, le \'Ol à main
armée ou avec violence, lïnsumsance <le matériel résultant de
réquisitions militaires sont des cas de force majeure. L'inondation
des gares et de la Yoie ferrée, les déraillements causés par la
tempête, l'incendie, la gelée sonl des cas fortuits.
Les compagnies pem·ent étre tenues même du cas fortuit ou de
la force majeure quanù l'accident a été précédé d'une faute qui
leur était imputable. Les voituriers ou commissionnaires, d it un
arrètde la Cour de Metz, dn lOjanvier 1815, sont dans la rnème
classe et catégorie que les dépositaires forcés ou salariés IJUi ne
peuvent exciper du cas fortuit ou de la force majeure qn·autan l
qu'ils justifient qu'il n') a eu ni i111prndence ni négligence ou
inertie de leur part. Les cornpaguies seraient encore respon"ablcs
si après l'événement les secours n·a,•aient été ni assez prompts ni
assez bien organisés.
Lïncendie ne constitue une force 111ajeure que sïl a étè occasionné par un événement purement fortuit, indépendant de toute
faute, de toute imprudence, de toute négligence et qui ne pou\'ait
être ni prévu, ni empêché, c'est à la compagnie quïncombe la
charge de prouver à quelle cause est dû l'incendie, ou tout nu
moins d'établir qu'il est impossible que l'incenùic ait eu pour cause
une faute, une in.1prudence ou une nég ligence ùe sa part 1Cassalion 3juin 1871) (~)
(1) Lamf>e Ii'lcury, ltiSJ, l' 1.\0.
(2) Oalloz. l876. J 37 1
�-
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i70 -
La gelée n'est pas à proprement parler un cas fortuit ou de force
majeure. On peut par <les soins el des précaulions empêcher la
congélation des liquides, mais les soins auxquels peut être tenu
un voiturier, doivent pouvoir se concilier avec l'exercice de son
industrie. Les compagnies pounont être tenues à l'époque des
froids de transporter les marchandises dans des wagons fermés
cl couYer ts, Jeurs obligations ne peuvent aller au delà. L'e1péditeur de son côté doit, dans la saison des froids, prévoir l'abaissement de la température et s'il expédie des marchandises les
protéger par un emballage spécial.
Le vice propre de la chose dégage la responsabilité des compagnies. Il en est de même du défaut, de l'insuffisance ou du mauvais
conditionnement des emball ages.
Le mode spécial de transport choisi par l'expéd ileur, le fait
mëme du transport accompli dans les conditions ordinaires pourront être, pour certaines marchandises, une cause inévitable de
déperdition ou de délérioralion dont ne répond pas le transporleur. Les Tribunaux ont en cette matière un pouvoir souverain
d'appréciation.
En principe,l'insuflisance du matériel ne constitue pas un cas de
force majeure exonérant les compagnies de toute responsabilité en
cas de retard , elles doivent avoir un matériel suffisant pour l'exploitation et répondent de l'encombrement qui pourrait r ésulter d'une
insuffisance de matériel. Cependant si l'événement qui a causé
cette insuffisance était tellement imprévu et accidentel qu'il était
impossible raisonnablement d'y pourvoir a l'avance, ou si la compagnie prouvait qu'elle avait fait toutes diligences pour se mettre
en mesure de faire face aux nécessités des circonstances, elle ne
rlevrail pas être déclarée responsable.
Lorsqu'une compagnie exci pe du vice propre ou de la force
majeure, c'est à elle à en faire la preuve, car l'article 103 du Code
de commerce présume la faute du transporteur. Quant à la preuve
elle pourra être faite par tous les moyens possibles; aucun texte
de loi n'a prescrit de mod e spécial el exclusif ou de délai; il suffit
que le vo iturier fasse la preuve de son exception au moment où il
comparait en justice sur l'action dirigée contre lui.
C'est d'après les principes généraux du doit que se fera l'éva-
i7i -
Juation du dommage causé par perle, avarie ou retard ; l'indemnité représentera donc le préjudice souliert et Le bénéfice manqué.
Il y a retard dans le transport d'une marchandise toutes les fois
que les délais impartis aux compagnies par les arrêtés ministériels sont dépassés. Il n'est pas besoin d'une mise en demeure 1 du
moins pour Les colis livrables à domicile.
Quant aux colis livrables en gare, si l'on admet, aYec la Cour de
Cassation, que les compagnies ne sont pas tenues d'envoyer de
lettres d'avis et doivent seulement les tenir à la disposition des
destinataires, ceux-ci, pour avoir droit à des dommages-intérêts,
devront établir qu'ils se son t présentés en gare pour retirer leurs
marchandises et qu'elles n'ont pu leur être délivrées
Le seul fail du retard ne donne pas droit à des dommages-intérêts indépendamment de tout préjudice causé : il est, en effet, de
principe que toute indernnité suppose un dommage.
Certains tribunaux ont cependant condamné les compagnies
même en l'absence de toute justillcation de dommage; leurs décisions sont constam111ent cassées par la Cour suprême, qui fait
observer, avec raison, que ni les lois générales relaliYes au contrat
de transport, ni les dispositions particulières des lois relath·es
aux chemins de fer, ne portent que le simple retard dans le transport devra entratner, indépendammen t de tqut préjudice souffert,
soit la réduction du prix <l e transport, soit des dommages-intérêts
contre les compagnies (Cassation 8 aoùt 186î). (1)
Quand il s'agit de décider s i la preuve du préjudice est suffisamment rapportée el ùe fixer le quanfom des dommages-intérêts, les tribunaux ont un pouvoir souverain d'appréciation.
Le laissé pour compte peut-il être prononce en cas de retard?
C'est là une mesure exorbitante,el, du reste, en principe, toute obligation de faire se résout en dommages-intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur. Il y aurait un inconvénient considcrable à obliger les compagnies de se charger de marchandises ùe
toutes sortes qui encombreraient leurs gares et dont elles ne parviendraient i1 se défaire qu"à vil prix. Aussi les décisions Je justice qui ordonnent le laissé pour compte se basent-elles sur ce
(!) Dalloz. 1868. 1. ~u
�-
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i72 -
que, par suite du re tard généralement excessif el des circonstances
particulièr es où ce retard s'était p roduit, la ma rchand ise n'avait
plus aucune valeur pou r le destina taire, ou ne pouvait plus être
utilisée par lui.
En cas de perte, la compagn ie reconnue responsable devra
payer la -raleur de la marchandise perdue et le montan t du gain
qu'elle aurait pu rapporter a ux expéd iteu rs ou destinataires. Mais
cette r ègle de l'article 1140 du code civil se trouYe précisée et
res treinte par les articles 1150 et 1151, aux termes desquels le débiteur n'est tenu que des dommages-intérê ts préY us au moment
du contrat lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est
pas exécutée, et même en cas de dol ne peut-il être tenu au delà
de ce qui est la suite directe et imU1édiatc de l'inexécution de la
c01wention.
i l'expéditeur a dissimu lé la nature véritable de son envoi il
ne lui sera dù que la valeur déclarée. La 1compagnie n'a connu
l'étendue de ses risques et de sa respo nsabilité que par la déclaration ; préYenue elle aura it pu prendre des précautions parlicu·lières pour la garde ou la consen·alion des obj ets trausportés.
De même, si la valeur de la marchandise a été indiquée au
départ, la com pagnie sera responsab le de la valeur déclarée à
moins toutefois qu'elle pu isse prouYer que la déclaration de
l'expéditeur était mensongère et que le colis n'a pas la valeur qui
lui a été attribuée par l'expéditeur .
Il y a avarie toutes les fo is que les marchandises ont éprouvé
un ùommage et r.e sont pas livrées au destinataire dans l'état ou
elles ont été remises. Les compagnies, comme nous l'avons vu,
sont présumées les avoir reçues en bon état; cette présomption est
la conséquence du droit qu'elles on t de procéder à la vérification
el il la reconnaissance des colis dont clics prennent charg·e. Elles
pourraient cependant établir que ces détériorations dont se plaint
le destina taire existaient lors de la remise cl s'exonérer de toute
rcsponsabil ilé.
Les destinataires ont aussi le droit cle vérifier les colis à l'arrivée avant d'en prendre li \Taison . Si les compagnies s'opposaien t
à la vérification, elles perdraient le bénéfice de l'article 105 du
code de commerce c1ui déclare éLeinLe toute action contre Je voi·
turier, après la réception cl le paiement de la lettre cle voiture
173 -
présu1nan t que la rnarchanùise est ani\'ée en bon élat lorsqu'aucune réclama tion ne s'est produite antérieurement (Cassation 5 fevrier 1856 (1 ).
La ' 'érificalion préa lable et amiable <1ue peut.faire le destinataire
ne doit pas ètre confondue aYec la vérification par experts de l'article 106 du Code de commerce el les compagnies ne sauraient
s'opposer à celle vérification sous prétexte que la loi décide qu·ên
cas de r efus ou de contestation pour la réception des objets transportés, leur état est Yérifié par experts.
La vérification amiable a pour Lut de reconnaitre s'il y a lieu
d'expertiser. L'interdire au destinataire serait lui imposer pour la
plupart des trans 1JOrts les frais ù'une procédure applicalJle seulement aux cas de contestation. La Cour de Cassation a consacré par
une j urispruùence constante ce droit du de::;tinalaire (Arrê~ <le la
chambre civile ùu lGjanYier 186 1, et du l4 aoùt 1861) (2'
Et il n'y a pas à distinguer entre la Yérification extérieure el la
vérification intérieure llescolis, car l'article 105 s'applique, ù'apn:s
unej urisprudence conslante, aussi bien aux avaries intérieures
qu'aux avaries extérieures.
Les avaries on manquants, une fo is constatés l'évaluation du
dommage esL fai te dans le rapport d'experts qui est soumis au
Tribunal comme élément ù'aPIÙ'éciation.
En principe, l'avarie n'autorise pas le laissé pour co111pte. Les
Tribunaux sont souYerains pour ùéciùe1 en fait si la marchandise
doil être re~ue moyennant indemnité, ou si elle est deY1muc tout à
fait impropre à l'usage auquel elle était primith·ement ùesti11ee.
Il. -
DES CL .\l'SES RP.STRIC'TIYE~ DE L \ RBSPO~SADILITB .
Il n'est pas permis en principe à une compagnie ùe chemin dtl
fer tle stipuler ù 'unc lll::ulièrc absolue qu'elle sera exonérée ùe
tou te responsabilité ft raison Lies transports LJu'elk efTecluc, une
pareille clause Sûrail contraire à l'ordre public.
(Il 'ircy, 185(). l ()1(7
(~) ::lirtJv, l!!lil. l i.> l et lMi2. l. '15
�-
tH-
CependanL si la décharge de garantie csl exigée s ur le vu d'un
emballage ou d·un conditionnement paraissant défectueux ou
insuffisant, les Tribunaux ne doivent pas en cas d'avaries, condamner le transporteur à moins que le destinataire ne puisse
pl'ouver que les avaries ne peuvent être attribuées aux causes
cons tatées au départ.
'Un g1·and nomb re de tarifs spécia ux en échaoge d'une diminution sur les prix de trans port ou de facilités faites aux expéditeurs
e t destinataires pour opérer eu>..-mêmes le chargement ou le
déchargement des wagons con tiennent des cla uses de non garantie,
généralement ainsi conçues : la compagnie ne répond pas des
déchets et avaries de rou te. Des discussions se sont élevées sur le
sens et la portée de cette clause.
Décider que les compagnies sont à l'abri de toute responsabilité
mème lorsque les a,·aries proviennent de leur faute, de leur négligence ou de leur défaut de précaution serait donner à cette clause
une portée contraire au principe inscrit dans l'article 1328 du Code
ci,·il que chacun est responsable de son fait ou de sa faute.
D'autre part, en restreindre les eŒets aux avaries et déchets de
route causés par le mauvais état préexistant des colis, l'absence ou
l'insufilsance d'emballage ou par le mode de transport choisi par
l'expéditeur, si, par exemple, le transpor t a lieu par wagon découvert ou en vrac, serait rendre celte stipulation tout-à-fail inutile.
En eaet, les compagnies, aux termes du droit cowmun, ne pourraient
pas en pareilles circonstances être déclarées responsables, l'avarie
provenant <l'un vice propre.
Entre ces deux systèmes également inadmissibles ayant pour
efîet de rendre cette clause soit illicite, soit inutile, la Cour de
Cassation s'est prononcée pour une interprétation qui donne à la
stipulation <le non garantie une véritable valeur et assure aux
compagnies un avantage en retour de ceux qu'elles concèdent au
commerce.
Les avaries sont présumées provenir soit du mode de transport
employé,soit d'une cause qui aurait pu motiver de la part de l'expéditeur la signature d'un billet de garantie, billet que la clause <lu
tarif dispense La compagnie de se faire délivrer. L'expéditeur devra
donc faire la preuve <le la faute imputée au transporteur et celui-cl
-
f75 -
sera présumé irresponsable tant que sa faute n'aura pas été
prouvée.
Telle est la jurisprudence constante de la Cour de Cassation.
(Arrêts du 10 décem bre 1878, 5 janvier 1881, 23 août 1881, 8 et 28
février 1882 (1).
Il est possible qu'à l'origine les compagnies et le ministre, en
insérant dans les tarifs réduits la clause d'irresponsabilité, n'aient
pas songé à régler une question de preuve. Aujourd'hui que la
solulion de la Cour suprême est ven ue préciser la portée de cette
clause, il est certain qne les parties seront fixées sur les con~é
quences du contrat qui intervient en tre elles,l'expéditeur en revendiquant un tarif spécia l saura qu'il admet en principe que <les
avaries peuvent se produire et qu'il en exonère la compagnie, à
moins de faire la preu'e <l'une faule à la charge de la compagnie
Il existe encore dans les tarifs spéciaux des clauses dïrrespuusabilité encore plus absolues. Le tarif dit des emballages ,·ides en
retour, lequel admet pour tous les transports le retour gratuit à
l'expéditeur des sacs, cadres, emballages vides dans un certain
délai, stipule qne la compagnie ne répond pas de la perle ou de
l'avarie de ces objets.
La Cour de Cassation a encore admis ici que le tarü aYait pour
eITet d'opérer un déplacemcnl de preuYes et c'est, en effet, la seule
interprétation juriùique qni puisse en ètre donnée. Cet argumenl: que l'expéditeur n'a aucun moyen possible de surveiller se:;
marchandises el de les suine en g-are et en cours de route, ne
saurait prévaloir contre la reconnaissance formelle émanée de lui
que le transport gratuit allait se faire dans de telles conditions et
pour <le telles marcltanclises que le fait seul du transport peut
amener soit l'avarie, soit la perte <les colis. Il serait en outre
souverainement initfuc de placer les compagnies dans les mème~
conditions de responsauilitc que l'expéditeur paie ou ne paie pa::.
de prix de transport.
Certains tribuuaux se son t refusés à aùlllettre la Yalidite Je
cette clause. La gratuité n'esl qu apparente ont dit les uus; l'e'.'>.pétlileur paie le retour <les cmllallages ,·ides en payant les frais ùc
(l) Dalloz, l879. 1 ~a, l~l , I. b:>. li>llZ , 1. lll6, ~l l Il~. I. ~15
�f7G transport ùe l'expéùilion . La réponse esl fa cile, el il suffit de
rappeler que le tarif <lu retour gratnil des cmlwllages csl une
faveur 110 u,·clle faite par les compagnies à Lous les expéditeurs
poslérieuremenL à l'homologa tion des tarifs ordinaires et sans 11ue
les prix anciens, qui s'app liquaient aux trans porls sans retour
d'emballage, ait été modifiés.
D'autres \'Oient dans ce fait seul de Ja perle l'existence d'une
faute à la charge cles compagnies ùispensa nt les expéditeurs de
toute preuve.
Leurs décisions ont été constamment cassées par la Cour de
Cassation, qui décide que les compagnies ne peuvent encourir de
responsabilité qu'il raison d'une faute précisée et déterminée dans
le jugement de condamnation.
Nous avons vu, en parlant de la lellre de voilure, que les expéditeurs avaient longtemps eu la prétention d'obliger les compagnies à insérer dans les lettrns de Yoilure ou récépissés l'inclem11ilé à payer en cas de retard, el que la Cour de Cassation avait
résolu souverainernenl la question clans un sens con traire aux
prétentions des expédi leurs.
l\1ais certains tarifs spéciaux applicables au transport de denrées
destinées aux balles et de bestiaux destinés aux marchés, s tipulent l'indemnité en cas de 1·e tarcl sous forme de retenue fixée ou
graduée sur le prix du transport.
En cas de retard, dit le tarif spécia l pour le transport de la
ùière en fùts, la compagnie n'est responsable du préjudice
éprouvé par les expéditeurs ou <leslinataires que jusqu'à concurrence de deux cinquièmes du prix de transport et les retenues sont
calculées de la manière ci-après : il esl fait nne réduction d'un
dixième pour un retard de plus d'un j our, de deux dixièmes pour
un retard de plus de deux jours, de trois dixièmes pour un retard
de plus de trois jours, de quatre dixiè1nes pour un relarcl de plus
de quatre jours , néanmoins les droits des expéditeurssonl réservés,
et ils peuœnt exercer lout recours contre la compagnie dans le
cas où le retard dans l'arrivée dépasserait cinq jours. D'autres fois
les tarifs pro1nettent une quo li lé de la lettre de voiture, un dixièu1c,
uu tiers en cas de retard .
-
i77 -
Enfin, pour le cas ùl! perle,les compagnies, dans des tarifs à prix
ré<luits, limitent leur responsabilité à une somme délerminée.C'esl
là une clause pénale dans le sens de l'article 1132 du Code civil
licite, par conséquen t, et les tribunaux ne pouvant allouer à l'expé-'
diteur des dommages-inlérèls ni moindres ni plus élevés.
ll est, en eŒet, toujours possible par la revendication du tarif
générnl de soumettre les compagnies à la responsabilité du droit
commun.
�-
t78 -
CllAPlTHE VI
DES ACTIONS li~ llESPONSABILITÉ.
I. -
EXERCICE DE L'.\CTION.
L'expéditeur aussi bien que le destinataire peul actionner le
voiturier en dommages-intérêts à raison de l'inexécution du contrat; ils ont tous ùeux un droit propre et distinct, mais dès que l'un
a arri l'autre est non recevable à poursuivre.
b'
d .
Lorsque la marchandise voyage aux risques c l périls du estlnataire (art. LOO Code de comu1ercc) 1 il semble que l'expéditeur
n'ayant aucun inlérèt à l'arrivée de la marchandise, l'action doit
lui être refusée.
Son droit est cependant incontestable.
La compagnie est étrangère aux conventions passées entre l'expéd iteur et le destinataire, elle n'est liée que par le contra t de
transport ; on ne peut donc soutenir que l'expéditeur, qui est une
des parties contractantes, n'a pas le droit de réclamer l'exécution
de l'engagement.
L'expéditeur est recevable à actionner le voiturier en vertu même
du contrat de transport; Je destinata ire en vertu des dispositions de
l'arlicle 1121 du Code civil qui lui asl:> ure le bénéfice des stipulations
de ce contrat.
Lorsque l'expéditeur, au lieu de traiter directement avec la Cou1pagnie, a eu recoun; à un commissionnaire qui s'e1'L chargé de
-
i79 -
conclure le contrat, ses drnits ne sont pas modifiés par cette inter,·enlion d'un interm édiaire.
Il peut sembler qu'il y a dans ce cas deux contrats dislincts, l'un
entre l'expéditeur el le commissionnaire, l'autre entre Je commissionnaire et le voiturier, el que l'expéditeur ne peut agir contre Ja
compagnie qu'en vertu des dispositions de l'article t l GG du Code
civil, qui permetten t au créancier d'exercer toutes les actions de
son débiteur.
Mais il fau t aller plus loin et accorder à l'expéditeur une action
directe contre la compagn ie. C'est li.t d'abord l'application de l'article l99l du Code civil: le mandant a une action directe contre le mandataire substitué. Et l'article 101 du Code de commerce:, qui n'est
qu'une conséquence de ce même principe, porte que la lettre de
voiture forme un con trat entre l'expéditeur, le commissionnaire et le
voiturier. Il n'y a donc, à proprement parler, qu'un seul et même
contrat faisant naitre entre l'expéditeur et la compagnie de transport des obligations el des actions directes.
Il arri\'e qu elquefois que le destinataire indiqué sur la lettre de
voilure n'est qu'un simple intermédiaire, un mandataire indiqué à
l'efiet de retirer la marchandise et de la faire parvenir au destinataire défi nitif.
Ce sera ta ntôt un simple commissionnaire de transports chargé
de faire la li\Ta ison à domicile des marchandises qu'il retirera
en gare, tantot un commissionnaire de transit qu i en fera la
réexpédition. i rien dans la déclaration d'expédition ou dans la
lettre de voiture n'indique cet te situation particulière à la compagnie, il est certain qu'elle n'a aucun droit de s'immiscer dans les
rapports particuliers ùes parties.
Mais que décider quan<l, après aYoir indiqué le nom du destinnlaire, l'expéd iteur ajou te cette mention: «pour réexpédier ou pour
faire pan·enir à X, destinataire dêllnitif, demeurant il. . . n
Faut-il acco rder l'excrt:ice des actions à intenter contre la compagnie à raison de l'ine:-;.écution du contrat au propriétaire réel,
connu ùu transporteur, ou nu commissionnaire intermédiaire. Le
premier n'est-il pas seul à souffl'ir du retard, tle l'aYarie; n'est-i l
pas seul à avoil' à l'accomplissernenl des olJliga tions du lran:sporleur cet intérèt qui est la mesure ùcs actions dans notre droit?
�-
-
HW-
Peut-on <lire, du r~sle, que ce n'est pas en sa faveu r et u nil1ucment en sa fa\'eur que sont !'ailes les stipulations du contrat.
Le commissionnaire de transit n'inte1·Yienl que pour assurer
l'achèœment d'un transport interrompu t\ la fin de la \'Oie fe rrée
par la situalion particulière des compagnies que 1'on ne peul obliger
à sortir de leur réseau. Ce sera même sou ,·en t un simple tra ns porteur, une compagnie de lJateanx à Yapeur, un voiturier qui sera
destinataire à l'égard de la Compagnie avec mission de réexpédier .
Le contrat doit donc èlre considéré comme fait au bénéfice du
ùestinataire définitif.
Le commissionnaire intermédiai l'e n'est chargé que d'un mandat
limité, reslreinl ; il n'est pas possible de dire que le mandat d'agir
en justice est implicitement contenu dans ce mandat de réexpédition· et l'on connait la maxime de notre ùroit: nul ne plaide, en
' par procureur.
France,
Enfin, en pratique. lui permettre d'aclionner la Compagnie, de
<lemander, par exemple, des dommages-intérêts en cas de retard,
serait lui donner le moye n de se faire a llouer des indemnités dont
il ue tiendra pas compte au destinataire définitif dans bien des cas.
Cette théorie, qui nous parait la seule juridique et èquilable, a.
élé consacrée par deux jngemen ls clu Tribun al de commerce de
Marseille, rw1 du 8 février 18:>5 (1) el l'autre du 18 mai l873 (2).
Depuis 187G la jurisprudence s'esl modifiée et a consacré définiti\·ement les droits du commissiunnaire de transit.
L'expéditeur, dit- on, stipule certainement polll' lui en ce qui
touche la livraison de la marchan<lise, le <leslinalaire réel n'aurait
pas le droit d'exiger que la compagnie lui reulit directement les
marchandises dont il est propriétaire, l'interméd iaire, en vertu du
contrat, a le droit exclusif de les retirer. A l'égard du chemin de
fer, le contrat de transport prend fm au lieu où est opérée la remise
des marchandises, et celui qui a ùes actions en délivrance de la
marchandise et en exécution du contrat de transport doit avoi r
aussi toutes celles en dommages-in térêts pour inexécution. 11
n'agira pas en jus tice comme u1andalaire du destinatail'e réel,
( 1) Journal de j u l'ii;pn1clerice 'orn me1·ciale et maritime, 1855, 1. 60
{2) Journal de ju1·i~1nudence commer•ciale et maritime. t8n 1.'!12
j
i81 -
il agira en son propre nom comme destinataire \·is-à-•is de la
c?m~agnie qui n'avait pas à s'inquiéter de la réexpédition et qui
n ama pas à se demander davantage à qui resteront les dornma()'esintérèLs s'il en est accordé (Tribunal de commerce de Marselllc
18 mai 1871 (1) el 9 juin 1880) (2).
'
Lorsque plusieurs compagnies ont concouru à l'exécution d'un
n:ê~1e c01~trat de transport, l'action en responsabilité peut être
d11:1gé~ so.1t cont~e la compagnie de départ, soit contre la compagn_1e d arrivée, ~o!l c~nt re les compagnies intermédiaires. La prém1ère compagme qui s est chargée de faire transporter à destination des marchandises moyennant un prix déterminé et applicable
à la totalité du transport est le mandataire direct de l'expéditeur
les compagnies su iYantes sont ü l'égard de ce dernier dans l~
situation de mandataires substitués. Or le mandant peut exercer
directement contre les 1nanclalaires substitués une action identique à celle qui lui est conférée contre le mandataire primordial.
L·exercice de son action se légitime par l'exécution même de
l'oLligation contractée.
On s'est demandé si l'action s'exercerait dans les mêmes conditions qu'elle fu t dirigée contre la compagnie cle départ ou contre
l'une des compagnies s11ivan les.
Une première opinion soutien t qne l'action peut être dirinée
ind istinctemenL contre L'une quelconque des compagnies, ~ns
qu'il soit besoin de prouYer autre chose que leur participation au
transport, mème contre cell es aYec qui l'expéditeur n'a pas traité.
La première compagnie est, dit-on, aux termes de l'article 99 du
Code de commerce, garante en principe des fait <les compagniec;
auxquelles elle transmet la marchandise, chaque compagnie cédante
jouant à l'éganl lies autres le l'llle tle commissionnaire. L'article 101
du Code de commerce pone crue le contrat de transport se forme
entre l'expétlileur, le commissionnaire cl le Yoiturier, et pa1 consér1uent ici entre l\•xpéllileur cl toute compagnie prenant part
au transport.
D'aulre part l'artick !il du cahier des chnrgcs oblige les com-
1
(1) Jow·nal rie J1111~prwl<"11r<' ro111111,•1·cia/L' l'l mcffitiiue 1 iü, l 1 9
.!1>111·11111 t/(' ju1 °l.</ll ucfr111·(' 1'11 1/1111('1• "'"'cl lll«l'll/111(. 1 xo. 1 ~:~~-
nl
�-
i82 -
pagnies ~ effectuer les transports sans rompre charge au point de
jonction des réseaux; il n'y a donc par cc fait qu'un seul et même
contrat du point de départ au point d 'arrivée. A la transmission, la
compagnie qui se charge du transport se substitue purement et
simplement à la compagnie expéditrice et en accepte toutes les
obligations.
Toutes les compagnies sont donc tenues solidairemen t de l'exécution du ~ontrat et l'expéditeur n'aura pas à se préoccuper de
savoir sur qui pèse la responsabilité du fait dont il se plaint, et
pour exercer son action contre une compagnie substit uée, à établir
que c'est cette dernière qui est en faute. La confirmation de celle
théorie est fournie par l'article 10 de l'arrêté ministériel du 16
juin 1866 aux termes duquel, bien que ces délais soient déterminés
séparément pour chaque résea u, le délai total est seul obligato ire;
de telle sorte qu'une compagnie qui aurait un retard à se reprocher pourrait bénéficier du l'avance prise par une autre. Il en serait
autrement s i les droits de l'expéditeur deYaient se régler contre
chacune des compagnies par le ur participation particulière et
isolée à l'exécution du contrat.
Pour nous, nous pensons qu'il faut distinguer au point de vue de
l'action en responsabilité entre le voiturier originaire ou commis sionna ire et les autres voituriers ou comm issionnaires intermédiaires. L'article 61 du Cahier des charges a tout a u plus pour but
de rendre obligatoire pour les compagnies leur concoms aux transports qui arrivent sur leurs 1·éseaux, mais ne modifient en rien les
obligations qui pèsent sur elles aux lermes du droit commun.
Quant à la disposition de l'arlicle 10 de l'arrêté de 1866, édictée en
principe pour interdire au public le droit de s'immiscer dans les
opérations du service intérieur des compagnies, elle pourra bien
avoir pour efîet d'exonérer dans certains cas parliculiers une compagnie des conséquences d'uu retard; wais on peut dire que dans
le cas où une compagnie l>énéficie de l'avance prise par une autre,
il n'y a pas en réalité ouverture à une ac tion en dommages-intérêts au profit de l'expéditeur, dont les droits doivent touj ours être
limités en définitive par le contrat originaire qui fixe un délai total
de transport. Il ne peut rien réclamer si ce délai n'a pas été
dépassé.
-
)
183 -
Le voi turier originaire ou commissionnaire-chargeur est présumé avoir reçu les colis en bon étal; sï l y a relard , avarie ou
perle, il est responsable à moins qu' il ne prouve que ce dommage
arrivé à la marchandise ou le relard ne proviennent du vice propre
de la cl1ose ou d'un événement de force majeure. Les commissionnaires ou voilut·iers intermédiaires, a u contraire, ainsi que le dernie r transporteur ne répondent que des fautes quïls ont commises,
et l'expéditeur ou le destinataire qui actionne une compagnie intermédiaire doit prouver que le retard, la perte ou les avaries sont
imputables à cette compagnie.
Il n'y a pas à distinguer, comme l'a dit la Cour de Cassation dans
un arrêt du HJ aoùl 18G8 ( 1), enlre le cas où le commissionnaire
intermédia ire est recherché par le commissionnaire-chargeur ou
par un autre comm issionnaire intermédiaire el le cas où il est
actionné en responsabilité par le destinataire ou l 'expéditeur de la
marchandise; le motif qui l'affranchit de la responsabilité générale de l'article 98 du Code de commerce s applique aussi bien au
second cas qu'au premier et la solution doit être la mêrne dans les
deux cas. On obj ecterait vainement que les commissionnaires
intermédiaires sont les représentan ts du commissionnaire originaire, qu'ils sont substitués à ses obligations et à ses droits et que
par suite ils doivent être tenus comme lui de la garantie déterminée par l'article 98 du Code de commerce, toutes les fois que
cette garantie est réclamée par le destinataire étranger aux transbordements que la marchandise peut subir ayant de lui être
remise. On n'est en principe responsable que de sa fante; pour le
devenir de celle d'autrui, il faut que cela résulte de la convention
ou de la loi; or, ici, la convention et la loi sont muettes.
Il y a pourtan t une exception; en cas d'ayaries apparentes aux
objets transportés el à moins d'iwoir fait des résen·es au moment
de la trans111ission, la compagnie intermédiaire ayan t dù apercevoir les avaries au moment <le sa prise en charge, est tenue <le
prouver que ces avaries proviennent du fait d'autrui, sinon il est
à présumer qu'elles sont s mvenucs pendant le cours du transport
qu'elle a effectué.
(1) Dalloz, 1868 l.437.
�-
i8/~
-
Quant aux avaries intérieures, la présomption de faute n 'existe
plus . La compagnie expéditrice, qui seule a la possibilité de vérifier le contenu des colis, est seule réputée les avoir reçus en bon
é tat, les compa gnies cédantes sont dans une situation Loute différente: à la transmission e ntre deux réseaux, il n'est pas d 'usage
de procéder à une vérification intérieure.
n y a donc tout inlérèt pour l'expéditeur ou le des tinalait'e à
attaquer la compagnie de départ,qu'ils peuvent obliger à rappo rter
la preuYe de son irresponsabililé, ou à rechercher celle des compagnies suivan tes qui est responsable. En s'adressant à la compagnie d'arrivée, ils sont tenus d'établir qu el est l'auteur clu fait
dommageable et celle preuve sera la plupart du Lemps très difficile pour ne pas dire impossible.
Co1T1me il est plus commode pour le clcslinata irc d'actionner la
compagnie d·arrivée que la compagnie de départ, on a essayé de
tourne1· la difficulté e t de lui donner contre l'une et l'autre des
deux compagnies une action identique. La Cour de Cassation a
décidé (6 mai L8î2) ( 1) et 6 janvier 18î4 (2) que, quand la compagnie d'arrivée réclame la totali té du transport, c'est-à-dire le prix
du transpor t depuis le lieu d'expédition jusqu'a u lieu de destin::ition, elle se met à la place de toutes les compagnies qui ont pris
part au transport, elle est leur rcp1·ésenlan t, leur gérant d'affaires
et fait sienne leur propre affaire et par conséquent leur propre
faute. Et si nous supposons une expêdition de marchandises en
port dû où Je prix de transport csl payé à destination, le clestinataire qui l'a acquillé pouna ind iITéremment actionner à son choix
la compagnie de déparl el la compagnie d'arrivée. Cc système
n'est qu'une subtilité juridique, car celle dernière compagnie ne
j oue le rùle que d' un s imple agent de recou \'remenl.
(1) Dalloz. 1872 t !Gi.
('2) Dalloz, 1875. 5.81.
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f85 -
fI. - DE LA COMPÉTENCE
De\·anl quels tribunau x les actions en responsabilité doivent-elles
être portées?
Les ?ompagnies de chemins de fer constituent des entreprises
essen tielle ment commerciales, mais les expéditeurs el les destinataires ne_sont pas to~1jours commerçants, el le contrat de transport
ne constitue pas toujours, pour eux, un acte de commerce. Si cc
contrat est d'une nature commerciale cles deux côtés, c'est Ja juricliclion consulaire qui sera seule compétente; mais, si Je demandeur n'est pas commerrant, il a le droit d'assigner la Compagnie
soit devant la juridiction commerciale, soit deYant la juridictio~
ci\'ile. S'il se décide pour la demière, le J uge de paix sera compétent sans appel j usqu'ù la valeur de J OO francs, et à charge d'appel
jusqu'à 200 francs.
Si la juriùiction co11rn1erciale est sa isie, la compétence se règlera
d'après l'a rticle 't20 du Code de procédure ch·ile ainsi conçu: o. Le
demandem pourra assigner ü son choix: 1· de\'ant le Tribunal du
domicile du défendeur ; 2• de Yan l celui dans l'arrondissement
duquel la promesse a été failC et la m:m;handise Ji\'fée; :l• rlCYanl
celui dans l'arrondissement duquel le paiement dernit ètreetiectué.
Le domic ile d'une compagnie de chemin de fer est-il seulement
au lieu où se trou,·e fixé pa r les Statuts le ~iégesocial ùe la 'oeiett'•'1
On a soutenu que Je domicile d'une compagnie est sntlisamment
déterminé par !"art. 102 du Code ch·iJ et qu'elle ne doit ayoir qu'un
seul domicile au lieu de son principal établissement.
La Cour de cassation s'est quelquefois prononcée dans ce sens,
notamment dans les arrêt~ des ~ mars 1815, 2G mai l1.:5ï el 5 a' rit
1859 (l). 11 C'est, cl i t l'anèt clu 'i mars 1S45 , deyant les juges du 1icu
désigné par les Statuts, lieu clu domicile cle la Compagnie, quelle
doil èlre assignée, et c'est il lorl que !"on soutiendrait qu'une compagnie doit avoir a ut an t tic domiciles commerciaux que d'établis(1) !:>ircy. 1:>'1j. l , "!7;J, l 1'!°1t\, 1 ~ti3, lt-159 l ,ti/J.
�-
i86 -
seroent ; une société est un être moral dont la condition, sous le
rapport du domicile, est déterminée par Les articles 102 et suivants
tlu Colle ci,il.
Il faut admettre que le domicile des compagnies est partout où
elles ont un principal établissement et a ppliquer les règles de compétence de l'arlicle 59 du Code de prncédure civile.
En matière de société, 1e défendeur sera assigné devant le Tribunal
du lieu où elle est établie. Et une même société peul avoir plusieurs
maisons situées en divers lieux , et, par conséquent, plusieurs domiciles. L'article 42 du Code de commerce a prévu cetle pluralité
d'établissements principaux lorsqu'il a prescrit la publication des
actes de société dans chacun des arrondissemen ts oü la société
possèderait des succursales (Cassation, 4 mars 1857) (1).
Les anciens cahie rs des charges ava ient désigné les villes dans
lesquelles les compagnies faisaient élection cle dom icile et nommaient un préposé judiciaire. Depuis 1859 la claùse a disparu dans
le modèle du cahier des charges.
Il est admis qu'une compagnie a son domicile partout où ell e
possède une gare assez importante pour qu'on puisse la considérer
comme établissement principal.
On s'est demand é s i le second paragraphe de l'article 420, visant
le Tribuna l du lieu oü la promesse a été faite et la marchandise
livrée était applicable à l'indus trie des chemins de fer. La jurisprudence, après quelques hésitations, s'est prononcée pour l'affirmatiYe. Il ne saurait être douteux que le mol marchandise, qui
s'applique à tout ce qui peul faire l'objet d'un trafic ou d'un négoce,
comprenne le transport, qui est une b1 anche considér able du commerce.
Le lieu où la promesse est faite est celui où le transport se conclut.
Le tribunal du lieu d'expéd ition remplit donc une des deux conditions de compétence.
Mais, que faut- il entendre par le lieu oü la marchandise est
livrée?
La compagnie ne prome t pas seulemenL de se charger <lu Lransport des colis; elle promet de l'effecluer, e l la livraison de l'objel
(3) Sirey, 1858. 1.264.
-
i87 -
de son obligation a li eu, non pas par la prise et charge des colis
mais par le ur mise à disposition du destinataire en gare d'arri"ée:
La compagnie 1 obligée envers l'expéditeur et le destinataire
n'c~t libé~ée à leur ~gard que par sa complète exécution. L'appli~
cation stncte des prmcipes devrait donc amener à décider que le
Trib unal du lieu de départ n'est pas compétent pour statuer sur
une demande de l'expéditeur contre La compagnie.
Pour éviter cette conséquence, la j urisprudence décide que le
lieu où la marchandise est livrée est le lieu ou Je voiturier reçoit
les colis de l'expédition et les met en wagon. Dans une obligation
de donne r, a -t-on dit, ce qui fait l'objet de l'obligation, c'est la
chose qui doit être donnée, tandis que dans une obligation de faire
l'objet, c'est l'exécution du fait promis. Le voiturier exécute ce qu;
forme la na ture de son engagement lorsqu'il reçoit de l'expéditeur les choses qu'il doit transporter et les charge. On donne ainsi
la connaissance de toutes les actions entre l'expéditeur et la compagnie au tribunal du lieu de départ.
Quant au lieu de paiement dans Je contrat de transport, c'est le
lieu de départ quand la ma rcltandise voyage en port payé et le
lieu d'arri,·ée quand elle voyage en port dù. Le mot paiement dans
l'arLicle 420 n'a pas le sens géné ral qu'on lui donne ordinairement
dans le langage juridique, il ne vise pas à l'extinction de l'obliga tion par l'exécution, mais s implement la prestation du prix.
Dans le cas où la marchandise voyageant en port dû viendrait a
ètre refusée par le destinataire, Je tribunal du lieu d'arriYée ne
cesserait pas pour cela d'être compétent, car l'article 420 ne parle
pas du lieu oü le pri x de transport a été payé mais du lieu ou il devai t être payé par le contrat.
Les règles de compétence que nous Yenons d'énoncer sont applicables aux actions des compagnies contre les expéditeurs et les
destinataires en enlè' emenl de la marchandise et en paiement du
prix de la leltrc de voiture
�-
i SS -
Ul. _ DE L'BXTINCTfON DE L'ACTION BN RESPONSABILITÉ .
Toute action contre Je voiturier est éteinte aux tcrme_s de l'article 105 du Code de commerce par la réception des obJels Lranspot'tés el le paiement du prix de ~a vo~l ure, el aux termes de
l'arlicle 108 par la prescri ption de six mois.
Exatninons successivement ces deux modes d'extinction :
1 De la fi11 de 11011-1·ecevoir de l'nrticlc 105.
La fin de non-receYoir de l'article 105 repose sui' celte présomption: que le destinataire qui paie le prix dn transport et accepte les
colis sans protestation ni réserves reconnail implici lemenl que les
co lis qu'il a la faculté de vérifier sont en bon ét3L, et renonce à
Loute réclamation contre le voiturier i1 raison de l'exécution du
transport.
La réunion des deux condi tions de la réception de la marchandise el du pa iement du prix est indispensable pour l'appl icalion
de l'article 105.
Lorsque l'expédition a été fai le en 11orl payé et que le paie_m~n l
a eu lieu avant le transport, la fin de non-rece,·oir, dit la JUl' LSprudence, ne peul plus ètrc opposée au deslinalaire après. la récep·
lion, parce que le paiement opéré a près le transport 1mphquc seul
de celui-ci une renonciation tacile au droit qui lui aurait appartenu de réclamer une ind emnité aux compagnies. (Cassation, 4
décembre 18ï 1 ( l).
On fait remarquer que dan~ ce ras Je paiement fait par l'expéditeur, pas plus que le paiement fail par un Liers a la compagnie
a l'insu du destinataire ne saurail nuire ü celui-ci. Cependant
cette théorie bien qu'adinise par une jurisprudence unanime, esl
critiquable . En elTet, le destinataire auquel la marchandise est
(l) l)alloz
nm. 5.8!1.
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189 -
uJTerte n'ignore pas qu'elle a voyagé e11 port payé et s'il re<'o1t
sans prute!:> lation , il sait parfaitement que la récepliou a lieu a'ec
acquit du port.
Peu importe, e11 effet, l'ordre dans lequel les deux faits <le li\ raison el de paiement se présentent, comme cela a été jugé par la
Cour de Cassa Lion ( 13 jam ier 1875) ( 1) qui exige cependant que
ces faits concourent. La réceplion de\'l'ait, en cas d'expédition en
port payé, faüe encourir au destinataire la fin lie non-recevoir,
d'autant plus que la compagnie n'aurn aucun moyen de se déch~u·
ger de la responsabi lité d'une 111archandise dont elle se dessaisit
et qu'elle ue peul plus surveiller.
li est indispensable rrue le destinataire ait eu la faculté de ,.érilier
a\•ant la réception cl le paiement l'état tan t extérieur quïntérieur
du colis. L'inspection extérieure sera facile, quant à la vérification
intérieure, il pourra etre sou' era inement décidé par les juge:;
qu'en fait ell e a été rendue impossible soit par le refus des agents
de la compagnie cl'y laisser procéder. soit par la difüculté de
déballer dans un espace trop restreint il raison de rencombre111ent
de la gare (Cassalion, 25 aoùl 1873 el 4 fénier 1874) (2).
Dès que les tribuuaux reconnaltrunt que la vérification a étë
possible, ils devront admettre la fin de non-rece\'Oir, mème pour
avaries intérieures eL cachées.
Il faut pour que l'article 1Oj soit applicable, que la réception et
le paiement nient été effectués pal' le destinataire lui-rnème uu
par son mandatafre.
Les commissionnaires qui ont mandat de prendre lin-aison eu
gare sont implicitement charges de les Yérifier. La réception par
leur intermédiaire est ùunG parfaite. ?\lais il faut que la réception
so it réelle, soit elîecti\ c, pour décharger la co111pagnie ; le bon ùe
li\l'aisun sur lé 'u duquel le tle!:>tinalaire est rnis en posse&;ion de
ses colis ne su!fit pas. il foul l'enlèvement qui sera conslatë par
l'acrruit 1lonné au bas du bon ü ùéli\'rer
Par réception il faut e11 te111lre la réception des colis mêmes
qui ont été expédi1"s. Si le destinataire U\'ait recu par ~mite ll\me
(1) Dalll>Z, lôi5. l.;li!l.
(2) Lamé Flcun·, 1~7J p. ~'15 l'i !Ji i. p. ~~l.
�-
erreur un colis autre que celui qni lui était adressé, la réception
aux termes de l'article 105 n'aura il pas eu lieu puisqu'il serait lenu
de restituer le colis livré à tort.
L'article 105 cesse d'être applicable en cas de fraude ou de vol,
que la fraude ait eu pour rés ultat le dé tournemen l d'une partie
des objets transportés ou la dissimulation d' une avarie ou d'une
soustraction; (ra1'-S omnfo cor·ru mpil.
On a essayé de soutenir que dans ce cas les compagnies n'encouraient aucune res ponsabilité e t qu'il fallait agir contre l'auteur
du Yol et de la fraude . Ce système est inadmissible , les compagnies sont civilement responsables des faits de leurs employés
dans l'exercice des fonctions auxquelles ils sont préposés et du
reste à proprement parler ce n'est pas l'action en responsabilité née
du contrat de transport qui sera intentée contre la compagnie,
mais l'action en responsabilité de l'article 1384 du code c ivil.
L'article 105 n'es t pas app licable entre compagni es. Il n'y a
réception des objets transportés, comme l'a jugé la Cour de Cassation (21noYembre 18'i l) (1) et paiement du prix de transport que
lorsque le voyage est terminé. Mais, d'autre part, il ne peu t être
question que du voyage en vue duque l le contrat de transport a é té
formé.
Il importe peu, une foi s la livraison efiectuée au destinataire
indiqué par la lettre de Yoiture, que le colis ne soit pas enlevé et
soit réexpédié sue une nou,·elle destination ( Cassation 24 novembre 18ï4) (2).
La fin de non-recevoir s'a pplique non seulement aux actions
dirigées contre la compagnie par le destinataire mais encore à
celles intentées par l'e:'l. péditeur, les termes généraux de l'article
ne comportent aucune dis linction.
Cependant si lors ùe la réception des colis le destinalaire avait
ignoré les conventions intel'\'enues entre l'expéditeur el le voiturier el qu'il résultat ries faits de la cause que celte ignorance provenait du fait du voiturier lui-même, la réception e t le paiemen t
(1) Dalloz, 18îl. J.295.
(2) lJalloz, 18i6. 1,388.
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i90 --
191. -
ne sauraient être opposés aux actions de l'expéditeur (Cassation
22 mai 1865)( l).
d e commerce est
de l'article 105 du "ode
La fin de. non-recevoir
,
.
une exceptwn p ere111ptoire du fond qui peut êt re proposé en tout
· d 'y
en appel · Il est permi·s au x compagnies
état de cause même
.
d
faculté
la
touJ·ours
ayant
débiteur
le
renoncer,
e renoncer a· une
. .
.
·
pas
veut
ne
il
dont
et
favorable
est
lui
qui
exception
u s er a· moms
. .
,
quelle ne soit d ordre public.
La
. renonciation ne peul intervenir que quand la fin d e non-recev~i~· est encourue ; il est, en efiet, de principe (3rtic1e 2220 du Code
civil) que_ la r~nonciation à une prescriplion non acquise est nulle
et le destmat~ire ne serait pas protégé par l'engagement pris par
une compagnie de ne p oint opposer l'article 105 si cet enaaae1nent n'es t pas postérieur à la réception de la marchandise ~t au
paiement du prix du transport.
Cette re nonciation peut ê tre expresse ou tacite. Elle sera expresse_ lors~ue la compagn ie aura accepté les r ésen·es faites par
le destmata1re au momen t de la réception ùe la marchandise.
La compagnie ne saurai t ètre contra inte à accepter des réserves
et lorsque le dcs linataire, ne voulanl accepter la liYraison que
sous '.'ésen ·es, n'offre pas une \ériftca tion immédiate, la compagnie
a droll de refuser la li\Taison (Cassation 30 janvier 187'2) (2).
La renonciation tacite résultera d' un fail qui suppose l'abandon
de l'exception.
Le destinataire, par exemple, après réception des colis et paiement du port, s'aperçoit d'une avarie aùres:::.e une réelamatiou
~la compagnie, e t celle-ci fait procéder par un de ses employés
a la vérification des a\·aries el reconmut par son intermédiaire le
bien fondé <le la réclamation. Ma is il ne faudrait pas \'Oir une
renonciation tacite <lans le fait seul ù'eny0yer un emplo~ é an
ùonticile du destinatai re pom constater les avaries ùout il se
pl~inl; Les compagnies ne sachant pas si celu i-ci nïnYoque pas uu
f~tl de fraude ou ne se pré,·aul pas <l'un empêchement ùe ' 'érillGaLion du fait de ses p réposés lors ùe la réception.
0
( 1) ïrcy, ll'.165. l.'i.Sl.
<2) üallo:.:, um. 1.:m.
�-
192 -
L'arlicle l Oj Jëclarc l:tcinlc loulc acliou contre le 'oituricr,
c'csL-à-tlirc Loute action naissant ùc difficultés relati\·cs a l'exécut ion du contrat Lie transport, mais n'empêche pas le rcdresscrnenl des encurs matérielles qui ont Llù se produire lors du
paienient.
Il y a lieu à répélilion de l'i ndu lorsqu'aucune discussion ne
s'élève sur l'exéculion du contrat réalisé.
Donc, pas de difficulté, 11uand les parties reconnaissent quel est
le tarif d'après lequel la taxe do il ètre calculée, ou quand il
n'existe qu'un seul tarif app licable à la marchandise. En pareille
circonstance les erreurs qui ont élé commises dans la liquidation
des taxes ne peuvent èlre que des erreurs de calcul et doivent
toujours être réparées.
l\fais que décider lorsque 1 action se présentant sous la forme
<l'une action en détaxe, la clifl1culté porte non pas sur l'application, sur lïnterprétalion du tarif, mais sm la détennination du
tarif qui était applicable à l'expédition. Dans la plupart ùes cas,
en erret, il existe pour un même trans port deux ou p lusieurs
tarifs ègalement applicables avec des conditions de délai el de
responsabilité el des prix ùifiérents, ou mème il existe deux
trajets diliérenls par lesquels la marchan dise peul êlre dirigée.
Dans ce cas, en adrnellan t qu'une erreur ait été commise par
la compagnie, il n'y a 11as violation des tarifs réglementaires.
L'expéditeur ayant à faire un choix entre plusieurs tarifs, le
prix se trouve déterminé non point par un texte ayant force
obliga toire, mais par les termes mèmes de la convention formée
au départ. Cette convention peul è lre obscure, la déclaration de
l'expéditeur peul n e pas e-xprimer nellement une volonté dont la
compagnie aura à rechercher l'interprétation. Si la taxe appliquée soulève une difficnllé, le délai portera s ur l'appréciation
même des clauses tlu contrat. L 'eneur, en admettant qu'une
erreur ai t été commise dans l'application cl es tarifs, ne constituera
qu'une infraction aux conùiliuns <lu transport, car dans le sens
le plus juridique du mol, prendre pour base un tarif au lieu d'un
autre, n'es t pas cornmellre une erreur de calcul.
Le destinataire qui auru, ::.ami protctitatiun ni rése rves, reçu les
-
H13-
colis transportés et payé le prix d'un tarif applicable, sera donc
non recevable, en Yertu des dispositions de l'article 105 · d
_
eruan
d er d,e' Labl'ir que c .est par eneur qu'i l a acquitté ,laa somme
réclamée. L e destinataire
·
.
. a le pouvoir, en efiet , de ra t'fi
i er 1e ch oix
que la com~)agn 1 e .a fait. entre les tarifs par interpréta lion de la
volonté
. de l expéditeur
.
' d est mème libre , d'acco r d avec 1a compagnie, de modifier les stipulations de l'ex1Jéditeur et de
l'
J' .
reven 1
qu~r app 1c~Lton <l 'un tarif qui doit lui assurer la responsabilité
pie me. e t entièr~ du transporteur ou le transport, soit par une voie
P.lus d_irecle, soit da.ns des délais plus brefs. Lors donc que le dest11~atall'e paye l.e pnx ù~ transport , il est à présumer qu'il a pa~·é
a' e~ un~ parfaite_ conna1ss_ance soit des stipulations de l'expéùit~m, soit des dn·ers tanfs applicables, et qu' il a renoncé à
l'eclamer contre ce mode d'exécution ùu contrat s uivi par la
compagnie.
a·-
Notre opinion est conforme non-seulement au texte mais
même ~ l'esprit de l'article 105 du Code de commerce, ~ar s'il
est vrai que cet artic le n'a pu viser les actions en détaxe,
nées .avec les transports par voie ferrée, il n'en est pas moins
certa1~1 que le l ~gislateur a voulu assurer le règlement rapide
des différents qm peuvent surg ir à l'occasion des opérations de
transport.
Telle estla doctrine que la Cour de Cassation a formulée dans ses
arrêts des 25 avril 1877 (l), 2 juillet 18î9 ('2), '25 mars 1880 et
16 novembre 188 l (3 ).
·
On a essayé de souLenir que cc systeme donne à l'articlë
105 une portée qu'il n'a pas, que la fin de non-rece,·oir ne doit
ètre appliquée qu'en cas ùe perle tl'aYarie on de retard des marchandises conformément à la pensée du législateur.
tes tr~Yaux préparatoires, dit-on, sont muet sur la question,
et ~es raisons qui ont fait édicter l'article 105 à une époque ou le
paiement de la le ttre ùc voiture n'avait lieu que Yingt-quatre
heures après la livraison, sont de nature à indiquer que l'article
(l) Lamé F lomi·. 1877. p. 1~.
(2) Da lloz, 1879. 1 :n'.!.
(3) Dalloz, J&îU. I. ~12 cl J~8~. 1 ~U7
13
�-
LU4 -
est reste certainement e tl'::mgcr aux L!Ucslions que peut soulever le
prix de la ,·oiture.
.
.
.
La nn de non-recevoir frappe bien. aioute-t-on,toutes les act10ns
·
de transport, mais l'action
qui on t leur fondem ent clans le contrnt
..
..
· b'
en détaxe est une action e11 répét1l1on de l indu qui 1en que
découlant directement du contrat de tra nsport, a son. fond~m.en~
en réalité dans un quasi contrat que la 10 1 su ppose s ètre iounc
entre les parties au moment du pa iement, et aux ter mes duquel le
voiturier s'est engagé !:l rcslilucr ce qu'il aurait indûment pcrç~.
Il est ùonc toujoms permis de revenir mèiue avec une compagnie
sur le règlement de ce qui n'étai t pas dù.
.
Ces raisons ne sauraien t prévaloir, car dans l'bypothèse de fait
où nous nous plaçons cl oü il n'est question que d'une simple
infraction au contrat de transport, l'article 105 crée celle présomptionju ris et deJureque le tleslinalaire. a r:noncé a, é~ever
aucune réclamation contre Je transporteur a raison de 1exécution du contrnt et par conséquent des conditions soit de Lemps,
soit de pl'ix dans lcsquclles le lra11sporLa été effectué.
. .
Quelle différence, du reste, y a-t-il quant à la nature de 1action
entre la réclamatio11 d'un destinataire se plaignant que la marchandise est en retard parce qu'un tarif spécial a été appliqu~ ,
alors qu'il soutient que l'envoi était l'ait aux. co nditi~ns du lartf
général , et l'action en détaxe fondée ::;ur ce que le prix de transport a été perçu par application du tarif généra l alor.s .qL'.e
le cleslinalaire prétend que c·esl le tarif spécial qui eta1l
npplicable.
. .
Cependant la Cour tle Cassation pa rait ùans un arret recenl du
'lî novembre 1882 (1 ). revenir sm sa jurisprudence constante et
décider que la règle édictée par l'a rticle 105 <lu Coùe de. co1~11nerce
ne s'étend point au cas d'erreur rom mise dans \'application des
tarifs de che1nins de fer; cl que ces tal'ifs ayant force de loi pour
les cornpagnies comme pour le p111Jlic, tout~ fausse application
qui eu est faite au détrimen t de l'une de::; pa1·ties constitue non pas
l'inexécution d'une c01l\'entio11, ::;usceplible d'ètre couver te par la
réception des 111archandises et le paiement ùu prix du transport,
( 1J Laillé Fleury, 1802 p. 269.
-
t 9o -
1~1ais un ~aiement sans cauf;e légale donnant ouverture a répétition. Mais la Cour dans les motifs de l'arrêt admet qu'il est constant que le tarif à prix réduit était applicable d'office el que c'est
d'après ce tarif que le port <levait être compté. Elle ne relève de
ce chef aucun~ cont~stalion cle la part de la compagnie. JI n'y a"ait
donc pas de d1scuss1on sur le principe rnéme de la perception , pas
<le désaccord sur les bases du contrat. C'était une simple el'reur
tle calcul, et l'action eu détaxe ne pouvait ètre repoussée an moyen
de l'ar ticle 105 du Code de commerce.
Lorsque l'action en détaxe est fondée sur ce qu' un itinéraire
moins coùteux aurait pu ê tre suivi, la Cour suprême ùêcide que la
fausse direction donnée ü l'expédition constitue une faute dans
l'inexécution du contrat de transport couverte par Ja livraison el le
paiement sans protestation ni résel'\·es (Cassation, 27> an il l 87î ( l)
19juillet 1881 (2).
'
Aux termes de l'article 108 clu Code de commerce, toutes actions
en responsabilité contre les commissionnaires et \'Oituriers à raison
rl.e la p~rte ou de l'avarie ùcs marchandises sont prescrites après
six mois pour les expéditions faites dans l'intérieur tle la France
et après un an pour celle::; faites ü l'étranger.
Ce délai pai't, pum les cas de perte, ùu jour oü Je transport des
~narchandises aurait dû être effectué, et pour les cas tl'aYarie, ùu
Jour où la remise aura été faitt' sans préjudice des cas de fraude
ou d'infidélité.
La loi Jl'a pas YOUlu laisser les \'Oilut·iers exposés pendant trente
ans aux réclamations que peut faire 11ailre l'exécution du tran port,
el dans le but <l'atténuer les conséquences ùe la responsabilité qui
~èse_sur eux, a fix.et· un délai spécial ùe très-courte duree par rextinct1on des actions.
. Le mot marchanù ises, se trouvant plusieurs fois répété dans l'article 108, 011 s'est demandé s'il est opposable seulement aux com(J) Lamé F lc u l'y, 18ï7, p. J3G.
('l) Dalloz, J8lH. 1.179.
�-
196 -
iner~ants ou à toute personne commen;anle ou non. hlar_clrni:d iscs.'
dit-on, ne peut s'entendre que <le cho~es aùressé~s d~ negociants ~
négociants, et non expédiées par de sunples part1cuhers. Cette raison n'est pas décisive.
La prescription de l'article 108 est commandée p~ r l'_intérèt du
commerce des transports, et les termes du Code md1quent qne
cette disposition a une portée absolument générale. Aussi faut- il
admettre, malgré la Cour de cassa tion (arrêt du 4 juillet 181G) (1),
que le commissionnaire de transporls el le :·oilurier. ~ourr?nt ~e
prernloir de cette prescription quelle que soit la quahte de 1 expediteur.
Le texte de l'article 108 ne Yise que les actions à raison <le la
perte ou de l'avarie, celles à ra ison du retard ~on t pa~sées ~ous
silence. Bien 'Tnïl soit impossible de décounir la ra1son dune
pareille distinction, et que les traYaux préparatoires du Code semblent indiquer que c'est par suite d'un oubli que le législateur a
omis de parler du retard, cependant comme les prescriptions et les
déchéances sont de droit étroit, il est impossible de les étendre
par voie d'analogie. Les aclions à intenter contre les compagnies
a raison du r etard ne sont soumises qu'à la prescription tren tenaire.
Le point de départ de la prescription ne saurait soulever de
difficultés· la loi l'a suffisamment défini pour qu'il soit très aisé
'
. ferree,
'
de le déterminer en mati~re de transports par vo1e
On calculera pour le cas de perte les délais réglementaires
du transport d'après les arrêtés ministériels, le délai de six
mois ou d'un an courra à partir ùu jour ou la marcllandise
aurait dù arriver à destination.
Lorsque par efiet de circonstances de force majeure les com~
pagnies son t afîrant:bies des <lélais de transports réglementaires,
il appartient aux juges de paix de fi xer le délai moral pendant
lequel le transport aurait dù l~ tre eITectué et à l'expiration du~
quel commence la prescription.
.
Quand plusieurs compagnies ont successivement coopéré a
un transport, la questio11 s'est élevée de savoir si l'article 108
(1) Sirey, 1817. 1.300.
-
i97 -
est opposable entre ces compagnies, et si le point de départ
de la prescription des actions récursoires que les compagnies
peuvent exercer entre elles est le même que celui de la prescription de l'action principale de l'expéditeur ou du destinataire.
On comprend tout l'intérêt de la question lorcrue l'action n'esl
engagée contre une des compagnies que dans les dern iers jours
du délai de la prescription. Cette compagnie peut se trouver
forclose dans son recours en garantie par la force même des
choses si l'on admet que la même prescription est opposable aux
deux actions principales el récursoires.
Cependant la Cour de Cassation s'est prononcée dans le sens
de la forclus ion en s'en tenant à la lettre de l'article 10'
qui frappe toutes actions indistinctement contre le commis
sionnaire et le voiturier (Cassa tion 11 noYembre 1872) (1). 0 1
jus tifie cette doctrine en disa nt que l'action en garantie de
transporteurs est de la même nature que l'action de l'expé
diteur ou du destinalaire, qu'elle a pour base les mêmes faits
qu'elle doi t donc être soumise aux mêmes règles et, par conséquent, à la même prescription.
Pour évitet· les conséquences d'une pareille solution, la Cour de
Cassation, dans un anêl de 1829, avait admis que l'interruption dl
la prescription vis-à-vis clu premier Yoitmier a\·ait le même effet
à l'égard de tous les autres voituriers qui av:iient participé à l'exécution du contrat. J\llais celle théol'ie suppose qu'il y a solidaritc
entre les voilmiers s uccessif·, et rien dans la loi n'autorise à la
présumer.
Le système actuel de la Cour Suprême a le tort de confondre les
actions que l'expéditeur peut intenter contre les diverses compagnies qui ont concouru au transport et qui sont soumises à des
regles communes avec le recours en garantie des compagnies les
unes contre les autres. Dans leur rapport entre elles au point <le
vue de la responsabilité, les compagnies doivent être considcrées
comme des cautions. 01', pour qu'i l puisse être prescrit, il faut que
le drnit de recours ex is le, et il ne prend na issance que le j our oü
la demande principale est fo rmée par l'expéditeur ou le destina(1) D a lloz.
tsn. 1 .li:l3.
�-
198 -
taire, il dépend de l'exercice de cette action, il est conditionnel. li
faut donc, par application des principes de l'article 2257 du Code
civil, aux termes duquel la prescription ne court à l'égard d'un
droit conditionnel que du jour où la condition a rrive, décide r que
la prescription de six mois ou d'un an ne commence à courir
contre l'action en garantie q ue du jour oü a été intentée l'action
principale.
Comme toutes les prescriplions, celle de L'article 108 du Code
de Commerce peut être interrompue par lout acte de nature à
faire disparaître la présomption que le destinataire, e n laissant
passer le délai de six mois sans agir, a renoncé à toute réclamation. Tels seraient un acte de mise en demeure, une correspondance échangée avec la compagnie.
POSITIONS
DROIT ROMAIN.
1. - Pour qu'il y ait locatio ope1•is, il faut que la matière sur
laquelle doit s'exercer le tta\·ail de l'ouvrier, ou tout au moins la
partie principa le de la matière, soit fournie par l'ouvrier.
II. - L 'exclusion du louage lorsqu'il s'agit de services professionnels comme ceux du médecin, de l'avocat, ne tient pas au
caractère libéral de ces professions.
III. - La respousabilité du conductor operis en ce qui touche
les cas fort uits est fondée sur une présomption de mal façon.
IV. S i l'ouvrage vient à périr pa r cas fortuits avant d'avoir
été reçu et a pprouvé, le locator operis perd la matière qn'il a fournie, mais n'a pas de salaires à payer à l'ouvrier.
V. - Si le louage de services a été interrompu par un cas de
force majeure étrangère au maitre ou par la maladie de l'ouvrier,
celui-ci n'a droit à ses salaires que proportionnellement au temps
pendant lequel il a travaillé.
DROIT CIVTL .
1. - Les compagnies de chemins de fer, ont un droit réel sur le
chemin dont elles sont concessionnaires.
II. - Le seul fait du dépôt d'une marchandise dans une gare
ne suffi t pas pour rendre la compagnie responsable, s i ce fait ne se
complique pas de celui rte la remise à un agent de cette compagnie .
�-
200 -
- 201 -
m. -
La présomption de faute de l'arlicle 178'l est conforme a u
droit corn mun et elle s'applique a~1x transports de Yoyageurs comme
aux transports des marchandises.
IV. - Le voilurier ne peut exercer son pri\'ilége qu' autant qu'il
est nanti des objets qu'il a transportés.
DROIT A DllllNISTRATIF.
V. - Le droit au transport e n franchise de 30 kilos de bagages
n'est pas cessible.
I. - L'interdiction faite a ux concessionnaires d'une mine de continuer leur exploita tion dans un périmètre voisin d'un tunnel de
chemin de fer cons titue un simple dommage que le conseil de préfecture es t compétent pour apprécier .
Dno1r Co.mrnnc1AL.
JI. - Le Ministre sa is i d'une proposition d'homologation de
tarif, peut l'approuver ou la rejeter, il ne peut pas la modifier.
1. - Les compagnies ne sont pas tenues d'aviser les expéditeurs
de la souffrance des colis refusés par les destinataires.
Vu par r1ous, 71ro{esse10-, p1·éside11l de la Thèse,
II. - Le seul fait du retard ind épendam ment de tout préjudice
ne peut justifier une demande en indemnité.
m. - L'article 105 du C. de corn . ne déroge pas à la règle posée
par l'article 1235 C. civ.
IV. - En cas de faillite d'une compagnie, les portems d'obligations ne peuvent pas produire pom• la valeur nominale de leur
titre.
PnoCÉDURE CmLE.
1. - Les compagnies de chemins de fer peuvent être assignées
partout où existe une ga re principale.
IL - Le voyageur peut, dans les cas préYus par la loi de 1838,
poursuivr e le voiturier soit en jus tice de paix, soit devant le Tribunal de commerce.
D ROIT
Cnorn.ŒL.
I. - Les r ègles de la complicité ne sont pas a pplicables a ux contraventions qui tombenl sous le coup de l'article 21 de la loi du
15 juillet 1845.
Il. - L'intérieur d'un wagon est un lieu public, même pendant
que le train do nt il lait partie est en marche.
A. L.\URlN.
vu :
Le Doye11, A. JOllRDA N.
\'U ET P ER~IS D'I:l.IPRnrnn:
Le Recteu r, BELrN.
�TABLE DES MATIÈRES
DROIT ROMAIN
Page•
INTRODUCTION. . . . • . . . . . . . . • • . . • . . . . , • .
Cm~PITRE I
.
!)
0
Règles générales concernant le louage d'ouvrage
ou de services. . . . . . . . .
I. - Consentement . . . . .
II. - Capacité de contracter .
III. - De la cause et du prix .
IV. - Objet du contrat. . . .
CHA.PITRE II. - Caractèrns distinctifs du louage d'ouvrage et de
services. . . . . . . . . . . . . . . . .
I. - Distinction entre le louage d'ouvrage et
de services et le mandat . . . . . . .
II. - Distinction entre le louage d'ouvrage et
de services et la vente. . . . . . . • .
III. - Distinction eotre le louage d'ouvrage et
de sei·vices et les contrats in només .
CI-IAPITRE III. - De la locatio cooductio opéris . . . . . .
I. - Obligations du conductor operis . . .
II. - Obligations du locator operis . . . . .
III. - Des modes d'extinction de la locatio
operis et des cas for tuits . . .
CHAPITRE IV. - De la locatio conductio operarum . . . .
I. - Obligations du locator operarum
II. - Obligations du conductor operarum.
III. - Modes d 'extinction de la localio conductio operar um.
CHAPITRE V. - Actions . . . . . . . . . .
'
-
13
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16
16
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22
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40
40
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45
46
DROIT FRANÇAIS
I NTRODUCTION. .
Des anciens modes de transport.
Des cllemins de fer . . . . . .
III. - Du rachat des chemins de fer. .
1. Il. -
53
53
56
59
�CDAPITRE I·· -
CHt\PITRE II. -
204 -
•
Des tari[s. . . . . . . . .
I. - Homologation . .
II. - Egalité des tarifs.
III. - Publicité des tarifs.
JY. - Diverses espèces de tarifs.
Principes généraux. - For mation du con tra t de
transport. . . . . . . . . . . . . . . .
I. - Caractères du contrat de transport
II. - De la lettre de voiture . .
III. - Des récépissés . . . . . .
CHAPITRE III. - Exécution du contrat de transport.
I. - Du transport obligatoire .
II. - Obligations des expédi teurs.
III. - Obligations des compagnies.
IV. - Obligations des destinataires .
Y. - Privilège des compagnies . . .
CHAPITRE I V. - Transports en dehors de !a voie ferrée.
I. - Du factage et du camionnage .
IL - Réexpédition . . . . . . . . .
CHAPITRE V. -
De la responsabilité des compagnies . .
I. - De la responsab il ité en généra l .
II. - Des c lauses restrictives de la responsabilité. . . . . . .
Pasc•
65
66
73
77
81
86
86
89
96
·J0/1
10!1
110
1 lï
147
15'2
156
157
i.62
168
·168
173
•J78
CHAPITRE VI. - Des actions en responsabilité
I. - Exercice de l'action
II. - De la compétence. .
III. - De l'exti nction de l'action en responsabilité . . . . . . . . . . . . . . . .
1' De la fin de non-recevoir de l'art. 105
2' De la prescription .
·195
POSITTO~S . . . . . . . .
199
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185
188
i 88
..
�
Dublin Core
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Monographie imprimée
Description
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Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Du louage d’ouvrage et de services en droit romain. Des obligations et de la responsabilité des compagnies de chemins de fer dans les transports de marchandises en droit français
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Aicard, Albert
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-125
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Barlatier (Marseille)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1883
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
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Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-125_Aicard_Louage_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
204 p.
in-8
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/370
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Du louage d'ouvrages et de services : Droit romain ; Des obligations et de la responsabilité des compagnies de chemins de fer en matière de marchandises : Droit français
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse : Droit : Aix : 1883
Etude de la locatio operis faciendi et de la locatio operarum en droit romain, ainsi que du droit ferroviaire du XIXe siècle concernant le transport des marchandises et la responsabilité.
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Subject
The topic of the resource
Droit romain
Droit commercial
Description
An account of the resource
Deux textes distincts traitant, d'une part, du contrat de travail présupposant la liberté du travail et, d'autre part, de la responsabilité du transport ferroviaire des marchandises, essentiel à l'essor du commerce
Compagnies de chemin de fer -- Thèses et écrits académiques
Contrat de travail -- Thèses et écrits académiques
Responsabilité civile -- France -- Thèses et écrits académiques