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Text
1r_;
UNIVERSITÉ DE FRANCE. - FACULTÉ DE DROIT D'AIX
DE L'ERREUR
EN MATI ÈRE CIVILE
D' APRÈS LA LÉGISLATION ROMAINE
ET
LE DROIT FRANÇAIS
THÈSE POUR LE DOCTORAT
PAR
P IE RRE
DE
CASA BIANCA
Avocal à la Cour d'appel de Bastia
..
1\1.C A.
~
S
E::: I L L
E:::
TYPOGRAPHIE ET LlTHOGRAPHIE ANTOINE ZARATIN
20,
Rue des Feuillants,
1 883
20
�A MON PÈRE. A MA MÈRE.
A mes Sœurs.
A TOUS CEUX QUE J'AIME.
�INTRODUCTION
' ~··- . -
La volonté de l'homme, être raisonnable et libre, n'existe pas
touj ours dans toute sa puissance et dans sa. plénitude. Lorsque
l'intelligence qui est son guide, cesse de l'éclairer , elle s'engage sous
l'empire d" une ignorance absolue ou d'une fausse nonnaissance.
Si une force destructive de sa liberté vient à peser sur elle, ou si des
manœuvres frauduleuses la déterminent à contracter, elle est comme
obscurcie et corrompue. C'est l'erreur, le plus fréquent et le plus
dangereux des vices gui atteignent l'expression de la volonté, c'està-dire le consentement, qui est l'objet de cette étude.
Vouloir faire un traité complet sur l'erreur, serait une entreprise
au dessus de nos forces. Elle nous ferait désobéir au sage précepte
d'Horace.
Sumite materiam vestris, qui scribitis, œquam
V iribus ... ..
et dépasser les limites que nous nous sommes imposées.
Notre ambition est plus modeste. Après avoir indiqué brièvement, 0uelles sont les causes et la nature de l' erreur, nous nous
bornerons à examiner quelle influence elle exerce sur les actes
juridiques les plus importants, et à déterminer les règles auxquelles
elle a été soumise par la législation Romaine, notre ancien droit
français et le code civil.
�-8Qu\:st-ce que l'erreur ? L'erreur est une conception de l'esprit
contraire à la vérité. La Yèrité est la réalité devenue évidente ; s i
nous jugeons ayant <l'a \•oit· perc: u cette éYi<lence, nous nous
trompons.
On \'Oit donc quelle profonde diffél'ence sépare l'ig norance de
l'ct·rcur. La première nr. sait pas, la seconde croit savoir. L' ignorance est une imperfection de l' esprit ; ell e n'est que la privation de
la \'èrité: l'erreur qui en est ln contre-partie, est un obstacle à la
recherche de la Yèrité, car elle croit être la vérité même. En un mot,
« l'erreur est la fausse notion que nous arnns d'une chose, l'ignorance e~t l'absence de toute notion (1). » Error consi.stil in positiva
frisa j11dicio intellect us; ignorantia in privatione scientiéB 1 disent
les canonistes.
~Ialgré
cette différence, les auteurs se servent plus volontiers du
mot ll'l'wr qui semble ne pas comprendre l'ignorance proprement
dite. A cela il n'y a pas grand inconvénient ; car en droit, on ne
distingue pas si le contractant a ignoré on s'il a cru savoir.
Quelles sont les causes de l' errt:ur? La cause principale del' erreur,
est ln précipitation de notre es prit qui nous em pêche de retarder
notre jugement,jusqu'à ce que nous soyons éclairés par notre intelligence ;(2) précipitation, que produisent l' imperfection du langage,
l'emploi irrégulier de notre raison, de notre imag ination ou de notre
mémoire, et le mauvais usage de nos passions (3 ~ . Indiquer le r emède
de ce mal, que tout en nous, passions, sentiments et faiblesse des
facdtés conspire à faire naitre, chercher ses causes premières et
clas~er ses différente::. formes, tel est le domaine de la philosophie.
Au point de vue juridique, il suffit d'examiner si l'ag ent a contracté
-9en connaissance de cause ; inutile de rechercher l'origine de son
eneur. On la constate et la loi en détermine les effets, selon l'influence qu'elle exerce s ur la volonté du contractant et l'importance de
l'objet sur lequel elle porte.
Car, s'il est vrai de dire en théorie, que l'erreur vicie le consent<:lment, en se sens qu'elle fait mou voit' la volonté, gl'â.ce à une fausse
notion, il faut ajouter qu'elle ne le détruit pas. On a cons,:,nti en se
tro1npant, mais on a consenti ; seulement dans cel'tains cas, elle est
tellement dominante qu'elle donne à la volonté une direction tout
a utre que celle qu'elle voulait s uivre, et par suite de cette fausse
impulsion, elle dénature l'acte qu'eût accompli une intelligence
éclairée. Dans ce cas, la loi , tient l' en eur pour efficace et lui fait
produire la nullité de contrat. C'est dire qu'elle n'admet pas
toute sorte d'erreur ; sinon , les contrats e ussent été sujets à mille
ca uses futiles d'annulation ou de modifications, et la stabilité des
com·entions eùt été an éantie.
L'erreur considérée par rapport à son objet , peut porter sm· un
point de droit ou s ur un fait ( l) « Ignorantia jtwis, disait Pothier,
est ignora1·e quœ legibus aut moribus constituta su nt : ig norantia facti
est ir;norare quidpiam contiyisse, aut quomodo cuntigerit. ,, Cette
distinction a une très-g rande portée pratique. Au point de vue
rationnel cependant, que l'erreur soit de droit ou de fait, elle doit
produire les mêmes effets si elle vicie le consentement. Mais au
point de vue du droit positif, alors que l'erreur de fait peut être
oppofiée dans tous les cas, poUl'vu qu' elle remplisse les conditions
exigées par le lég islateur, l'erreur da droit ne peut pas toujours
être invoquée.
(1) De Savigny T. Ill. app. VIII.
C2J Erre~, disait Boss~et, c'es t croire ce qui n'estpas : ignorer, c'est simplement
ne le savoir pas (Connaissance de Dieu el de soi méme. l ch. XIV). E n ce sens
Descartes a dit: L'erreur n'est pas une pure négation c'est,.à-dire le simp!e
défaut ou manquement de quelque perfection (Méd1tat IV).
(3) Le trop de promptitude à l'erreur nous expose (Molière).
(1) •L'erreur de droit tombe sur une r ègle de droit, c'est-à-dire sur le droit
objectif. L'erreur de fait tombe sur des faits jur idiques, c'est-à-dire, sur les
conditions exigées en !ait pour l'application d'u ne règle de droit» (de Savigny.
T.lII app. VIII.)
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Quand l'intérêt social est en jeu, il importe qu'on ne puisse, pour
échapper aux dispojtions J'une loi régulièrement promulguée,
DE L'ERREUR ENMATIERE CIVILE
exciper de son ignorance ou de son erreur .
.Mais, si la loi n'a eu pour but que de régler des intérêts privés ,
on doit pouvoir invoquer l'erreur, à \' effet de profiter des droits
qu'eUe accorde ou protégc. Donc l'adage: nul s'est censé ignorer la
loi, n'est applicable, que dans les cas où \'intfrêt s•1périeur commande
que personne ne puisse se soustraire aux obligation~ que la loi
impose, quelques raisons que l'on ait de s'être trompé ou de les
ignorer. Dans cette catégorie, rentrent les lois de police, les lois
pénales et touLescelles qui ont un caractère d'ordre public et d'inté·
rêt général. Sous le bénéfice de cette réserve, il sera vrai de dire,
u. que r erreur qui tombe sur un point de droit, dont l'ignorance a seule
déterminé le consentement des pal'ties, annule la convention tout
aussi bien que l'erreur de fait»( l) En résumé« l'ignorance des sujets
ne doit entraver ni l'action obligatoire, ni l'action protectrice de la
DROIT ROMAIN
oi. » (2).
CHAPITRE PREMIER
Excusabilité.
Des personnes privilégiées au point de vue de l'erreur.
De l'erreur de droit et de l'erreur de fait. -
La distinction de l'erreur en erreur de droit et erreur de fait , était
trop naturelle pour ne pas s'imposer à \'attention des jurisconsultes
Romains. Elle forme l'objet d' un tiLre tout entier au Digeste De
Ignorantia juris et facti (li.vre 22, titre 6) et au Code (livre 1 titre 18.)
«In omni parte,dit la loi 2. (22. 6. D.) error in jure non eodem
« loco, quo facti ignorantia haberi debebit: cum ju.s finitum et.pos-
sit esse, et debeat ; facti inte1'Pretatio plerumque etiam prudentissi<< .mas falla, .>i Il y aura erreur de droit, toutes les fois que l'erreur
'.«
(1) Rolland de Villarg-ues.
(2) Bressoles. Revue critiq. de legisl. el de Juris. T. X Vlll, 1843.
.portera sur une règle du droit établi, règle certaine et non contes-
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1'2 -
tée. Cela résulte du texte préccdeot de Neratius et d"autres textes
enco1·e, où r on ne cite comme exemples d·erreurs de droit, que des
erreurs po1·tant sur des points indiscuta bles. (L. 2 § 15. 41. 4. D .)
Il y aura au contraire erreur de fait , lo rsque l'erreur tombera sur les
faits auxquels se rapporte une règle <le droit , en d' autres termes,
lor squ'on se trompe sur les choses, les per sonnes, les faits et même
le droit considéré au point de vue su bjectif. Donc, erreur de droit ou
erreur de fait, selon qu'elle a pour objet le droit obj ectif considéré
d'une fac:on abstraite, ou le droit. subjectif, c'est-à -dire quand on
l'envisage par rapport à tel ou tel fait déterminé.
Yoici deux exemples que nous empruntons aux textes et qui sont
une application de ces principes.
- Titius est informé de la mort de l' un de ses cognats, dont il
est le parent assez rapproche, pour avoil' droit à la bonorum posussio de sa succession. Mais il ignore so n droit ou il croit que tel
parent passe ayant lui : erreur de droit. Il sa it qu'il peut demander
la bonoru~ possessio, au cas où ce parent viendrait à mourir, mais
il ignore sa mort et par s uite il n'exerce pas son droit ; erreur de
fait. (Voir aussi la L. 1 § 2 et 4. 22. 6. D. )-Autreespèce.Titius croit
que la bonorum possessio du défu nt a été défé rée à un a.utre parent ;
mais il ne sait pas que ce parent a laissé écouler le délai utile pendant
lequel il devait la réclamer ; erreur de fait. Il connaît au contraire
la négligence de ce parent, mais il ignore que l'ordre s uccessoral
l'appelle à son défaut ; erreur de droit (L. 1 § 3. 22. 6. D. ) Mais
que faut-il décider, s'îl ne sait pas qu'il est parent au deg ré voulu
pour succéder? Dans ce cas, dit Paul , qui no us a fourni ces exem~
pies, il faut distingner : l'intéressé sait qu' il est libre et quels sont
ses parents, mais il ignore son droit à la succession du défunt· dans
)
ce cas, il y a erreur de droit : mais s'il n'a ja mais connu ses parents, si quoique libre il est in servitute, il y a bien plus erreur de
fait qu'crreur de droit. (eod. loco). Et la solut ion differt selon les
cas. S'il Y a e1reur de drojt, le délai pour faire valoir ses droits
court contre celui qui l' a commise: ce<W ei tempus quia. in..jure
errat; s'il y a erreur de fait, le délai ne COL\rt point contre celui qui
en est victime.
D'où vient que l'effet de l'erreur de droit et l'effet de l'erreur de
fait sont diamétra lement opposés : qu e l'on puisse invoquer l'u ne
et non l'autre? Cela vient, comme nous l'avons déjà dit, de ce qu'il
est nécessaire que chacun respecte la loi: constitutiones princitpum
nec ignorare quem quam, nec. dissimulare permittimus (C. i2 . Code
1. 18); tandis qu'on ne peut exiger, que l'agent connaisse tous les
faits qu i sont de nature à modifier sa volonté .
Tels sont le principe et la raison d'être de cette distinction. Quel
en est l'intérêt ? Papinien le détermine ainsi : juris ignomntia non
prodest acquirere volentibus; stmm vero petentibus non nocet. (L. 7,
22, 6, D. ) Donc, on ne peut s'appuye1· sur une erreur de droit pour
r éaliser un gain : pour éviter une perte, on peut invoquer indistinctement l'erreur de droit ou l'erreur de fait (L . 26 § 1. 23. 4. D.)
<( In eo diffenmt, dit P othier, ignorantia juri.s et ignorantia {acti
qtiod quwm quis certat de acqitirenclo, si quidem per ignorantiam
(( j uris hoc contigit, ma ei nocere debet ignorantia. Si autem pe?·
<( ignorantiam {acti, nocere ei non llebeat : hinc, illa regula quœ a
« doctoribus traditur: In lucris nocet erro1· jitris, non {acti . In eo
« autem conveniunt quod, quidquid aliquis sive per ignorantiam jttris,
« sive per ignorantiam {acti gesserit, non ei obsit quominus rem suam
« 1 e-poscere aut continere possit. Hinc allera regula: error quilibet non
« nocet in damnis. » (Poth. P and. § 2, 22, 6.). Mais il ajoute sous
forme <le restriction : << Observandum tamen est, adversus remjudica<< tam nonprodesse ignorantiam.l> "Error {acti, di~ en effet, la L . 7,
« code 1, 18, necdum finito negotio nemirii nocet : nam causa decisa
« velamento tali non instauratw·. l>
<(
L'er reur de fait, peut donc en principe, être opposée dans to us les
cas. Cependact on restreignit la pot'tée de cette r ègle a l'err eur qui
ne serait pas grossière. Est le pl us souvent inexcusable et gros-
�-15 -
-Hsière l'erreur de celui qui se trompe sur ce qu'il est, sur ce qu'il a
fuit, sur ce que tout le monde sait (L. 11 § 3, 14, 3 D.) ou terreur de
celui qui eût pu l'éviter en y apportant quelque soin ( 1). Celui qui
l'a commise est roupable de négligence et ne mérite aucun égard
Nec supina ignorantia, dit Ulpien , ferenda est factum ignoraritis;
ut 1uc scriipulosa inquisitio exigen.da: scientia enim, hoc moclo
œstimanda est, ut neque ni!gligentia crassa, a1tt nimia se.curitas salis
expedita sit, nequè delatori.a curiositas exigatur. (L . 6, 22, 6, D .)
On ne saurait au contraire tenir pour coupable de négligence celùi
qui fait erreur en un point, sur lequel chacun se trompe :
Si quis patrem familias esse credidil, non uana simplicitate deceptus,
nec juris ignorantia, sed quia publice pater familias pleris que videba·
lur , sic agebal, sic contrahebal, sic muneribus fungebatur; cessabit
senatus-consullum (L. 3. pr. 14. 6, D. Adde. U. 1, Code li, 23; .
En principe, l'erreur de droit n'est jamais excusable<< enim vero
cc cumjus finitttm sit, debet unus quisque aitt ille scire, aut de eo con« sulere peritos : adeo que ejus ignorantia culpabilis est et merito
u nocet. " (P oth. § J, 22, 6. Adde L. 29§ 1, 17, 1.D.) Mais cette règle
n'a-t-elle pas, elle aussi, subi quelques atténuations? Dans certains
cas, sera-t-il équitable de faire supporter a u contractant les conséquences d'une erreur de droit, dans laquelle il est tombé, sans
aucune négligence de sa part et alors qu'il peut établir combien,
par des circonstances indépendantes de sa volonté, il lui a été facile
de la commettre? !\on. Aussi fut-il admis sans discussion, que
certaines personnes privilégiées pourraient toujours invoquer l'erreur de droit et qu'en général on pourrait se prévaloir d'une erreur
de droit excusable, comme, par exemple, quand on erre sur un
point de droit non constan t : Scientiam eam observandam, Pompo-
nius ait, non quœ cadit in jurisprudentes, sed quam quis aut per se,
aiit per alios adseqtti potiût, scilicet consulendo prudentiores, ut
<liligentiorem patrem familias consulere digniim sit. (L. ~ § 5, 38,
15, D. Ad. L. 10, 37, 1. D. )
Mais il y a ura toujours cette différence entre les deux espèces
d' erreur, à savoir, que l'on pourra toujours invoquer l'erreur de
'fait, sauf à celui qui la combat à démontrer qu' elle est inexcusable ;
en somme, l'erreur de fait est présumée excusable : tandis que
l'erreur de droit est, présumée inexcusable et c'est à celui qui
l'invoque à établir qu'il n'a commis a ucune négligence et qu'il a
tout fait pour l'éviter ( 1) : En voici la preuve : Si temere separatio-
defiincti, impetrare ven!am possunt, JUSTISSIMA
scilicetignoranti<e causa allegala (L 1 § 17 in fine. 42 . 7. D.
11em petierint creditores
La distiction entre l'erreur de droit et l'erreur de fait au point de
vue de leurs effets est encore faite par P a ul dans le texte suivant :
Jiiris quidem ignorantiam cui qite nocere, facti vero ignorantiam non
nocere (L. 9. 22. 6. D .) Y a-t-il contradiction entre ce texte et celui
de Papinien que nous avons cité plus hau t ? Nous réservons cette
question: pour l'instant, retenons que ces deux textes reconnaissent
bien la distiction à. faire entre l'erreur de droit et l'erreur de fait.
La loi 5 de Neratius et la loi 3 de Pornponius s'accordent pour )a
bien préciser.
Malgré tous ces textes , 111. de Savigny, après avoir accepté cette
distinction au point de vue théorique, soutient que ce n'es t pas à elle
qu' il fau t rapporter les diverses solutions que nous avons indiquées.
D' après lui, il est très-difficile dans nombre de cas, de distinguel'
l'erreur de droit de l'erreur de fait. La cornuinaison:erronée des faits
( ! ). Fac~~ ~gnorantia tla denium cuique nocet, St nori ei summa ne9li~entta
ob;ic1atur: quid enim, si omnes in civitate scian t, quod ille solus
t9no:e1 '. E_t :ect~ Labeo definit, sci~ntiam neque cu1·iosissimi, neque
negl~gent.'ISstmt hominu accipiendami : verum eju1, qui eam r em diligenter inquirendo notam habere posrit (L. 9 ~ 2, 22, 6, D.)
( 1) Do:: Savigny T. III app. VIH n• 3 in fine. Voir L. 4 et 5. 18. 1. D et L. 50
19. 2. D. Il y a négligence dans les cas suivants. L. Il ~ 3 14. 3. D et L. 14
~ 10. 21. 1. D.
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16 -
auxquels s' applique une règle de droit, est-elle une erreur de droit
de
ou une erreur d e fai.t y Est-ce uoe erreur de droit ou une erre ur
.
fait de rapporter faussement une espèce à une r~gle. (D~ Savigny,
'b
328 et 336). Pour savoir si l'e rreur de droit ou s1 l erreu r de
1 • p.
bl
fait peut être invoquée, il suffit de rechercher si elle est excu s~ ~·
T out., dit-il, doit se ramener à l'idée de culpa et .comme ,preuves il
·
1.es lois
· 6 etO•. oo
c1te
Â,.,, 6• D • que nous avonsreprodu 1tes et d autres encore : « oi~i jus Io errore ducttts, negaverit se heredem venia dignus est»
(D.11 S l o. 11 . 1. D.) Jgnorantiaeniptori p1·odest quœ non in s~pinum,
hominem cadit (L. 15 S 1. 18. 1. D .) Mais ces textes étabhssen.t_ la
distinction entre l'erreur de droit et l'erreur de fait. L'excusab1hté
n'est qu'un corollaire de !:ette distinction, admis à la faveur de
l'équité pour adoucir la rig ueu r de la r ègle. Assurément dans
quelques cas, l'application de cette distinction ne laissera pas d'être
délicate, mais pourrait-01~ la r ejeter en présence des textes formels
qui la consacrent? C'est elle qui est la source de toutes les décisions
et vouloir leur donner une autre origine, c'est donner au principe de
l'excusabilité une portée que n e lui ont pas a ttribuée les jurisconsultes romains.
Parmi les textes que nous avons indiqués, il en est, qui nonseulement distinguent soig neusement l'erreur de drnit et l'err eur
de fait, mais encore qui déterminent dans quel cas spécial, 1' eneur de
droit peut être invoquée. Cela ne démontre-t-il pas·surabondaroment,
que c'est à cette distinction qu' il faut l'emonter, pour tranc her les
difficultés qui peuvent se présenter, puisque le ju risconsulte après
avoir posé le principe, l'étudie dans ses conséquences, sans qu'il
fasse jamais mention de l' e:xcusabilité ?
Aussi, a-t- on .-oulu limiter la portée de ces textes : « Ce principe,
« dit M. de Sa,·igny, ne saurait être appliqué sûrem ent, v u so n
défaut de précision; en effet, la question de savoir, si le préjudice
u causé par l'erreur est la privation d' un bénéfice ou une perte réelle ,
cc
cc
dépend souvent du poin t de vue so us leq uel nous envisageons
-17o. l'act e juridique. Or, comme le principe ne dé te rmine nulle men
ce point de vue, le r ésulta t définitif reste incertain. » Mais comme
cc
ce repro~he général ne suffit pas pour affaiblir la précision des termes qui établissent le princi pe, on oppose un !>econd argument.
D'a près l~ savant j uriscons ulte allemand, ces textes ne sont a ussi
géné raux q ue parce que les commentateurs les ont faits ainsi. Au
lie u de ne s'a ppli quer qu'à un cas s pécia l ou à une classe de personnes déterminées, comme l' en ten dait Papinien , ils s'appliquent à toutes les hypothèses, par suite d'une généralisation maladroite: et
p o ur preuve, on peut citel' la loi 3 du Code Théodosien IJI. 5. qu i
vise le cas d' unP. donation faite pal' un ma ri à sa femme: " On voit,
11 dit l\I . de Savigny, d'après les fragments supprimés, que lucrum
11
•<
u
désigne ici spécia le ment la. dona tion et non pas la moitié des actes
juridiques en général ; qu'i l est qu estion de ce rtaines class~s privilégiécs et qu' en matière de dona tions , on accorde aux mine urs
un e laveur r efu sée n ux fem mes. La su ppression de la partie concc crête, a donné à la loi du Code le même caractère d'abstraction
cc
qu'aux tex tes de Papinien ; or com me nous avons so us les yeux
la suppression opérée !"ar le Code, la supposition que le texte de
cc Digeste a une même orig ine , trouve da ns cette ana logie un foncc
cc
ce
dement historique (1).
>>
Cc n 'est en so mme qu' une conj ecture
basée su r un e analogie et cet argument démontrerait tot:t au plus
que les compilnteurs du Diges te e t d u Code ne se sont pas fait faute
d 'altérer les tex tes qu'ils inséraient dans l' un o u l'autre r ecu eil,
qu' ils on t défig u1·é la loi 11 du Code. l\Iais cela ne démon tre pas que
les textes de Pn pinien aient eux au~si subi une mutilation , et il faudrait en trouver la preu ve dans le texte lui-même (2).
( l) De Savigny, tome 11!, p. 350 et suiv.
('l) D'après M. Pochannet, Je texte fournit la preuve de celte altérati1 n. Les
cxpressiuns ne m aritus quidem révèlent chez le juriscons ulte une idfo ù'opposition. (De l'erreur de droit, Revue critique 1856, tome VIII).
2
�-18.
D
et Voët la règle de Papinien a une
Selon Cujas, onoeau
,
. .
.
•« aé éraie . mais pour la combiner avec le prmc1pe qui ernpor...,e o n
,
d d .
. . d 1.. dl'l par suite d'une erreur e ro1t, ces
pèche la répét1uon e m
.
.
.
.
t
que
lerreur
de
droit
pourra
etre
mvoquée
coromen tateurs d1sen
.
qui
est sur le point de perdre, de subir un dommage,
par ce1ui
,.
S' · · l
mais non par celui qui r éclame une chose qu il a perdue. ag1t.-1
.d'un damnum amitlend.'.e rei, on peut opposer l'erreur de dro1.t ;
s'agit-il d'un damrwm amiss.:e rei, on ne peut pas. s'en prév~lo1.r.
• Erranti in jura subvenitur ne suum amillal, non et1am ne amiseril;
,
u damnum facial , non etiam ne {ecerit: damna {acta qui infecta
1
« {accre studet. /ucrum captal, 1ion damnum {uturum amolitur » (2).
Cujas, qui s'appuie sur le texte de Papinien : juris crror nec
fo:minis in compendiis prodesl (L. 8. 22. 6 D. ) , soutient, ~~e par
comp endium, il faut entendre tout bénéfice, et d'après IUl il y a
bènéfice, soit que l'on recouvre un bien quel' on a eu précédemment,
soit que l'on recouvre un bien ~ue l'on n'a jamais possédé, et dan.s
ce cas, on ne peut invoquer lerreur de droit. Tandis qu'il y aurait
perte, quand on est sur le point de perdre un bien actuellement
compris dans son patrimoine. Distinction à la fois subtile et arbitraire : car on ne peut assimiler le compendium , c'est-à-dire le
bénéfice avec le damnum rei amissœ. Le texte de Papinien ne fait
aucune assimilation et ne pouvait en faire, car les deux choses diffèrent essentiellement, et, comme dit Donneau, qui cependant accepte la théorie de Cujas : Si qui.d de suo amisil damntt.m . ..• est
enim damnum patrimonii deminutio. (1) Donc , chaque fois qu'il y a
diminution du patrimoine, il y a perte ou dommage et possibilité
d'invoquer l'erreur de droit: s'il y a augmentation, il y a bénéfice et
impossibilité de s'en prévaloir.
Faute de pouvoir relever une contradiction entre les lois 7 et 8
de Papinien, on oppose à cette dernière un texte de Paul qui est
(2) Cujas. opp. IV Col. 505 et 507.
(\) Comm. de jur. civili 1. 21 et 23
-
19 -
ainsi con\u : Regula est, juris quidem ignorantiam cuique nocere, fac,_
ti vero ignorantiam non nocet·e. (L. 9. 22. 6. D. ). Paul fait suivre. ce
principe de nombreux exemples, où la distinction entre le gain à
réaliser et la perte à éviter, n'est pas reproduite et l'on fait le raisonnement suivant : Cette distinction n'a pas été adoptée par les
jurisconsultes romains. Papinien a bien essayé de la faire accepter:,
mais il n'a pu y réussir et Paul, gui lui est postérieur, établit le principe en termes ex plicites, sans dire mot de cette distinction capitale.
Ne pourrait-on pas cependant concilier ces deux textes en disant :
Oui, l'erreur de droit ne peut être invoquée en principe, à moins
cependant qu'il ne s'agisse d'éviter une perte et qu'elle ne soit pas
inexcusable; mais, s'il faut retenir avec M. de Savigny, que ces deux
textes sont contradictoil'es, la question se pose de savoir, quelle est
celle de ces deux opinions qui est la plus conforme aux principes du
droit et à l'équité. Il nous semble que c'est celle de Papinien.
On a prétendu aussi, que Papinien a sim plement voulu dire que
l'on pourra s'a ppuyer sur une erreu r de droit, pour revendiq uer une
• chose quand celui qui s'en trouve possesseur, n'a pas rempli les conditions de l'usucapion. Mais cette vêrité n'avait pas besoin d'être
énoncée, et en outre, cette intcrpt·étation réduit à une hypothèse
spéciale des termes très-généraux (1).
On ajoute encore, qu' il y a contl'adiction à soutenir que r erre ur
de droit en principe n'est pas excusable et qu'on peut toujours l'invoquer pour éviter une perte . Mais, com me nous l'avons dèjà dit,
on ne peut inYoquer l'erreur de droit qu'à la double condition que
l'on 'Veu11le éviter une perte et qu'elle soit excusable. La difficulté
(1) Oemangeat II, p. 311. On appuie génér;ilement ce syslème sur le~ 296 des
Fragmenla Vaticana. Pucbta dit que la première partie du texte s'applique 11u
possesseur qui invoque J't>rreur de droit com me base de l'u~ucapion. Le second
membre de phrase ($11ttm vero .. . ) se rapporte au propriétaire revendinuant ln
c hose qu' il a' cessé de p:isséder par su ite d'une erreur de droit. Puch ta I , p. /i'23.
Pochanne t, Revue critique 1856, tome VIU.
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20 -
d'apprécintion et d'application des princip~s po~r savoir d~s quel
cas il y a bénéfice ou perte, ne doit, pas faire rejeter .la théorie.
Pour nous résumer, nous dirons que, d'a près nous, il faut repousser
les opinions qui refusent au texte de Papinien, la portée générale qui
s'impose en présence de la clarté et de la généralité ~e ses termes ..
D'ailleurs, ce principe n'est que \'application du droit naturel, qu1
commande de protéger celui qui veut éviter une perte, plutôt que
celui qui veut réaliser un gain. << L'erreur de droit, disait le chance« lier d'Aguesseau, ne peut être d'aucune utilité à celui qui cou' tracte, parce quïl n'est pas juste que sa faute lui serve et qu'il
u pro(ite d'une faute dont il est coupable. » Mais, s'il n'est pas équitable que l'on s'appuie sur l'ignorance de la loi pour acquérir, il est
jusle qu'on puisse l'invoquer, quand elle est la cause :i'un préjudice.
.Même dans ce dernier cas, il faut qu'elle soit excusable. ( 1)
Donc la distinction entre l'erreur de droit et\' erreur de fait, et à
propos de la première, la faculté de l'invoquer s'il y a dommage,
atténuée et corrigée par le princi pe de l'excusabilité, telle est selon
nous la théorie qui rapproche le plus des textes et de 1' esprit de .
Droit Romain .
Mais, ni la théorie de M. de Savigny, qui fait de l'excusabilité le
principe dominant de_la matière. ni notre théorie qui, tout en maintenant la distinction entre l'erreur de droit et l'erreur de fait, en
fait découler les solutions que les jurisconsultes donuent dans les
diverses espèces où il y a erreur, et y ajoute l'excusabilité, pour en
modifier les conséquences parfois trop rigoureuses, aucune de ces
théories, disons-nous, n'est acceptée par plusieurs interprêtes.
L'excusabilité, quelle que soit la portée qu'on lui attribue est,
pour ces commentateurs, contraire aux principes fondamentaux de
cette étude. L'erreur, avons nous dit, vicie le consentement. ChaCl) Mülbenbruch ~ 96 o. 6. D'Aguesseau, Dissertation sur l'erreur de droit,
édit. Pardessus, tome IX, p. 629 et suiv.
- 21que fois que l'agent agit sous son empire, il s'agit de savoir si
l' erreur a exercé quelque influence sur sa détermination: si· l'agent
n'eut pas contracté d'une autre façon, ou bien si cette erreur n'était
pas de nature à modifiet· son consentement. Selon ·1ue l'on se trouve
dans un cas ou dans l'a utre, la loi maintient ou annule le contrai!.
Toute théorie qui admettrait des atténuations à ce principe serait
peu logique ei dangereuse, parce qu'elle deviendrait facilement
arbitraire.
D'après nous, ces deux théories ne sont nullement contradictoires.
Si l'erreur détruit absolument le consentement (no us savons ce
qu'il faut entendre par là) l'acte est nul; si elle ne tombe que sur des
éléments essentiels du contrat, elle ne pourra être invoquée que si
elle est ex~usab le. Décider autrement serait peu équitable, car
enfin il y a des erreurs tellement grossières que l'on n'en peut tenir
compte, à moins de méconnaitre les droits de la raison et de la
justice, et d'autres qu'il serait trop rigoureux de fai re supporter à
celui qui les a commises, en maintenant les engagements qu'elle lui
a fait prendre. Car l'équité est souveraine ici, c'est elle qui a introduit l'excusabilité en matière d' erreut'. Et la législation romaine,
sévère et formaliste dans le principe, devenant sous l'action du
t emps et du progrès des idées, plus humaine et plus juste, elle qui
définissaitla justice ars boni et œqui, fit de l'excusabilité le corrollaire indispensable de l'erreur.
On regarde cette théorie comme dangereuse et arbitraire, parce
qu'elle substitue l'appréciation du juge aux déductions rigoureuses
des principes. Assurément la mission du juge sera délicate: de son
examen dépendra pour le contractant, la faculté ou l'impossibilité
d'invoquer l'erreur. Mais où n'existe pas ce pouvoir d'appréciation
du juge et quel est le principe dont l'application ne lui est poin~
soumise ? Ce qui rend dangereuse cette ruission confiée au magistrat, c'est l'absence de toute régie. Or ici, le Droit Romain est loin
d'être incomplet, quelques rprincipes sont établis et le juge en
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22 -
sui,·ant leur lettre ou en s'inspirant Je leur esprit, ne sera pas
abandonné à sa propre initiative.
Et enfin, nous répondrons à ceux qui soutiennent que la théorie
de la di.tinction des deux espèces d'erreurs n·est qu'un cercle
, icieux, parce qu'elle donne pour solution la généralisation du fait
posé en question et que la theorie de l' exc'4sabilitc est le renversement de tous les principes (1) que nous n·a,•ons pas à juger, mais
seulement à constater que la législation romaine les a admises
to.·Hes deux: elle leur a donné une très-grande importance et à juste
titre. elon nous. Les te~tes qui affirment ces principes sont on ne
peut plus nombreux et précis. La distinction est établie en termes
irréfutables et l'excusabilité ne peut être contestée, car le Digeste et
le Code accompagnent sans cesse le mot error des adjectifs probab1lis , tolerabilis, jus/us, dissolu/us, crassus, supinus, qui démontrent
bien que l'erreur est plus ou moin~ e~cusab le. (L. 42, 50, 17. L. ll § JO, 11 , 1. -L. 5 § 1, 42, 10. - L. 29, pr. 17, 1. L . 6, 22, 6. D.) (2)
Des personnes privilégiées au point de vue
de l'erreur.
Les règles que nous venons de développer, ne sont pas aus;;i
entières qu'on pourrait le croire. Il serait en effet, inexact de dire
qu'elles sont applicables à toute espèce de personnes. Tandis qu'en
général, il faut que la personne qui invoque l'erreur de droit
démontre qu'elle est excusable, cette erreur est toujours excusable,
lorsqu'elle est cotnmise par certaines personnes déterminées, qui
• ( 1) Oudot, Conscieoce et Scieoce du Devoir, U, p. 225.
(2) Adde, L. 25 prin. 4, 4. O.
-
23
puisent dans leur propre condition une excuse permanente. Pour
elles donc, pas de distinction à faire entre l'erreur de droit et I' erreur de fait, ni l'une ni l' autre, non nucent; alors roème qu'on
prouverait de quelle négligence elles sont cou pables. Comme on le
verra par la s uite, ce privilège était plus ou moins éten du selon la
classe de personnes auxquelles il 6tait accordé. Ces personnts se
ramènent à quatr0 groupes distincts : les mineurs, les femmes, les
militaires et les rustici.
SEC:TIC>N"
1
Des Mineurs .
Paul, dans la loi 9, 22, 6, D., s'ex prime ainsi : « Afinoi·ibus
viginli quinque annis j us ignorare permissum est. » Leur àge est
donc leur meilleure excuse. 11Jllinoribus in his, qua: vel prœter mise-
runl, vet ignoraverunt, innu.me,.is auctoritaiib·us, constat esse consuttum. '' (C. 8, code 2, 22) et dans tous les cas, ils pourront s'en prévaloir.
Ainsi, chaque fois qu'un mineur 6prouve un préjudice, souffre d'un
dommage quelconque, par suite d'une erreur de droit ou d'une erreur
de fait, il pourra demander l' in integ1urn restitutio ( l). La règle est
générale et sans exception ainsi que cela résulte du texte suivant.
« Minor ibus in integrum restitutio, in qtâbus se captos probare pos-
sunt et si doltts adversarii non probetur, competit .ii (C. 5 Code 2. 22 .)
Et cela est vrai ,encore que, sans qu'il y ait préjudice, il se trouve frustré dans les espérances que le contrat lui permettait de concevoir :
(l) Adde L. 9 prio. io fin e 22. 6 et L. 11
~
7. 4. 4. D.
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~4 -
· ltttro nwwri
·
'bus succurraiur. (L
• H odie certo }ure utimur ui et m
î . § 6 4. 4. D.) Yoici un exemple que fournit un autr~ texte
<i. Qu<?situm est e::c eo quod in lucro quoque minoribus mbveni.en~tim
-
25 -
quand il dit : « .Minar XXV annorum, si aliq~o~ flagitium a~m~serit
quod ad publicam coercitionem speclet, ob hoc in i11tegrum restitui non
potes1. (Paulisententi.r l , 9§1 ). (1).
dicitur, sires e}us ven~rit , et existat, qui plus liceatur, an in int~
grum propter lucrum restitue11dus sil ? et cottidiè prœtorer e~s restiiuunt ut rnrsum admiuatur licilatio (L. 7 § 8. 4. 4. D.) (1) Bien que
le gain soit manqué par suite d'une erreur de droit . q.ui ~ui ~ fait
commettre une omission, il doit être restitué : Minar v 1ginttquinque
an11fa, omissam allegationem, per i11 integrum restitutionis auxilium
repetere potes!. (L. 36. 4. 4. D.)
Autres exemples : Il a répudié une hérédité avantageuse (L. 1 § 9 ·
-'t. 4. D.) il a négligé d'adire hereditatem sibi delatam (C l Code 2.
40.); de produire en justice, des pièces à l'appui de sa demande
(L. l § 5. 2. 13 D. ); d'intenter en cas <l'urgence, la querela ino/ficiosi teslamenli (C. l Code 2. 22.); de demander la bonorum possessio
dans le délai de la loi (C. 2. Code 2. 22); il a laissé défaillir la condition sous laquelle il a été institué héritier , etc ... dans tous ces cas
il pourra bénéficier de l'in i ntegrum restitutio, en invoquant son
erreur.
.
Cependant, si le mineur subit un dommage par son propre dol, il
ne jouit d'aucune fa venr (2), (L. 9 S 2. 4. 4. D.). Pourrait-il quant
aux délits qu'il a commis , invoquer son ignorance du droit? Oui, si
ces délits, sont des délits de droit civil. (L. 9 S 5. 4. 4. D.) . Non,
si ce sont des délits plus graves, de ces délits puni'> par toutes les
législations et qui relèvent bien plus du droit des gens que du droit
ch•il : c'est à ces derniers que Paul fait allusion dans ses sentences
( 1) Adde L. 35. 4. 4. O.
fl.J Non omnia quœ min ores annis vig1 nti quinque gerunt, irrita su nt, sed ea
tantum quœcausa cogn1ta, ejus modi deprebensa sunt, ut si ab aliis c1rcum venti
vel sua !ragilitate decepti, aut quod babuerunt amiserunt. aut quod acquirere
emolumentum potuerunt, omiserunt, aut se oneri quod non suscipere licuit, obligaverunt (L. 44. 4. 4. O.).
Des Femmes.
Les femmes aussi, sont favo rablement traitées au point de vue de
l'erreur. Ont-elles les mêmes privilèges que les mineurs ? Comme
eux pourront-elles touj ours invoquer l'erreur de droit? Deux opinions donnent une solution.différente à cette question.
D'après la premiè1·e, les femmes jusqu'en 414 ont été assimilées
aux mineurs. En effet, dit-on, la loi 3 du Code Théodosien ne fait
aucune distinction entre ces deux classes de personnes : Et mulieribus et minoribus in his quœ vel prœtermiserint.. . , etc. Cette loi promulguée en 414 est reproduite par le Code de Justinien. Mais les
commissaires de l'empereur y effacèrent les mots et mulieribus, afin
de mettre ce texte en ra pport avec la Constitution de l'empereur
Léon qui est insérée au Code (C. 13. Code 1. 18) et qui est ainsi
conçue: <<Ne passim liceat mulieribus, omnes suos contractus retractare, in Ms quœ prœtermiserin t, vel ignoraverint, statuimus : si per
ignorantiam juris damnum aliquod, circa jus vel substantiam suam
vatiantur, in his tantum ca.sibus ill quibus prœteritarum legum auclot•itas eis su/fragatur, subveniri. » Aussi, dit-on, ce [n'est qu'à partir
de cette constitution de L éon, que la condition des femmes, jus<Jue
là identique à celle des mineurs au point de vue spécial qui nous
occupe, vint à en différer sensiblemi-nt.
(1 ) Adde L. 37 ! 1. 4. 4. D.).
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26 -
D'apres uno seconde opinion qui nous semble préférable, .mè~e
arnnt la constitution de L éon (469), les femmes ne fu rent Jama is
aussi {a,·orisées que les mineurs, pa1· rappor t à l'erreur de droit.
D·après nous, tout ce qu'on peut condure du texte de la C. 3 du
Coùe de Théodose, c'est que les femmes, comme les mineurs
u'arnient pas à subir la rigueur des r ègles sur l' erreur de droi t,
mais on ne peut en déduire, qu'elles leur fussent entièremen t assimilées. Plu ~1eurs textes corroborent cette manière de voi r . f,a loi '.J.
~2.6 D, est bien explicite : « l'ideamus igitur in qitibus speciebus locum
habere possit : ante prœmisso quod minoribus viginti quinque annis
jus i911orare p~ rmissum est : quocl et {miinis rn QurnusoA:.r CAUSIS
propter sexus infirmilalem dicitw·: et ideo sicubi non est delicturn
sedjuris igt10rantia non lœduntur. Pour combattre ce texte on prétend que les mots in quibus dam causis ont été ajoutés par les com-
pilateurs du Digeste, afin d'éviter toute contradiction avec la constitution de Léon; mais on ne justifie nullement cette allégation. D 'ailleurs, d'autres textes non moins p récis, démontrent q ue cette assimilation que l'on voudraitétablir, n'a jamais existé et que jaruaisil n'y
eut sur ce point de modification à la condition des femmes. Ains i,
par exemple, la constitution 3, Code 1. 18 et 6, Cod e 6. 19, dont
l·une était ainsi conçue : Juris ignorantiam nec mulieribus ptodesse,
in eciicltû perpetui cursu, de agnoscenda bonotumpossessione, mani(estum est : » (An 286), refusent aux femmes q ui ont négligé de demandu la possession de biens dans le délai fixé par la loi, le droit
d'inrnquer l'erreur de droit, cause de cette négligence. T andis q ue la
const. 2. Code 2. 40 s'exprime ainsi au suj et des mineurs : Ad bono-
rum possessionem in paternis rebus omissam, m i11ores in integrum restitutionis beneficio jampridem admitti placuit (An lû4) et comme on
le Yoit d'après les dates, ces de ux constit utions q ui établissent une
différence bien ma rq uée ent re les de ux classes de person nes, ont to Gt es deux été promulg uées plus de cent ans avant la cons titution d e
Léon, qui d'après n os ad ver sair es aurait effacé l'assimilation. Et en
-
27 -
matière de donation e t de prescription les femmes n'étaient n ullement traitées comme les mincul's (C. 11 .Code I. 18. et C. 3. Code 7.
39). ( 1). Cc qu i r ésulte e nco re explicitement de la loi 8. 22. ô. Juris
autem error nec (omiinis in compendiis prodest, tandis q ue l' erre ur
de droit profitait a u x mi neurs même dans le cas, où elle leur faisait
manq uer un gain (2) . De rnème la loi 8 § 2. i. 8. D. : <•Si servus in-
venialur, Q'Ui ante7uam judicium accipiatur, (ulejussit judicatum
solvi succurrendum est actori iit in inlegrum caveatur . .Jtinori quo'
que vigniti quinrzue annis succurrendwn est FORTASSE et mulieri,
proplet imperitiam. » Il semble y avoir doute pou r accorde r· dans
ce cas-la même faveur à la fewme qu'au mineur.
Tenons donc pou r certain, que cc n'est que dans certains cas
déterminés, spécia lement par la loi , in quibusdam caiLSis, q ue les
femmes pourront invoque r l'erreur de droit. Quels sont ces cas?
nous allons nous borner à citer les pr:ncipaux.
Le ptincipium de la loi 15, 48, 10, D . q:ii reprod uit les termes de
la loi Cornelia de (alsis, déclare nu l le legs fait à celui qui a écrit le
testament, sous la dictée de testateur, bie~ que le legs ne s'adresse
q u'à l'escla ve o u au fils d e celui qui a écl'it dictante leslalore. Il est
fait exception à cette règle en faveur de la mère, qui a fait écril'e
pa r son esclave le testament de son fils, tes tament qui contient un
legs dont elle bénéficiera; et e n faveu r de la fille qui a écrit sous la
dictée de sa mère, un testament q ui contient u ne disposition
q u'elle est appelée à. recueillir (L. 15, pr. § 4 et 5. 48. 10 D, Autre cas : Quamvis mulier pro •Lio solvete possil, si prœcedenle
obligatione, quam Senatusconsult!im de i11tercessionnibus e(fu;acem
esse non sinit, solutionem (ecerit, ejus senatusconsulti bene(icio
( 1) Et recte circa feminas alldit Paulus in quibus dam cau~is: Non eniru
sicut minores ita fcminre all v<!rs us er rorcm jurrs semper restituuntur, Pothi.
Pend . 22. 6. ~ 4.
(2) Cependant ce principe n'était pas appliqué dans toute sa rig ueur, comme
nous le verrc1ns plus Ivin .
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m•initam se ignorans, locum habet repctitio. Donc elle a payé quand
elle pouvait s'en dispenser en s·appuyant sur le sénatus consulte
Yelleien, elle peut r~péter. (C. 9. Code 4, 29).-Autre espèce: Une
femme a négligé de produire en justice des pièces à l'appui de sa.
prétention ; elle peut invoquer l'erreur de droit (L. 1 §5, 2, 13· D. )
- Quand une ''euve en état de grossesse, ne remplit pas les forma~
lités imposées par la loi (De Inspiciendo ventre custodiendoque parlu
L. 2. § 1 D), on ne peut lui reprocber cette négligence produite par
une erreur de droit (1).
En matière de délits, et spécialement par rapport à l'inceste, la
femme n'est pas assimilée à l'homme. Il faut en e!Tet distinguer :
L'inceste est-il du droit des gens, c'est-à-dire commis entre parents
en ligne directe : la femme encourt toutes les peines dont il est
puni : Est·il de droit civil, on ne l'atteint pas ; tandis que l'homme
sera frappé quel que soit l'inceste dont il s'est rendu coupable, sauf
des différences dans la pénalité (L. 38 §2, 48, 5. D.)
SECTION'
III
Des Militaires.
la bonorum possessio (C. 1 Code 2. 5 1) : s'ils ont omis de produire des
pièces en justice, pas de déchéance (C. f. Code 1. 18). Depuis
Gordien, on leur donna la faculté de se faire restituer contre l'acceptation d'une hérédité, dont ils ont pu ignorer les dettes sans nég ligence. (Inst. 2. 19. § 6.) Ils sont dispensés de la plupart des
règles de fond et de forme des testaments. Comme les femmes ils
échappent à la sanction de la loi Cornelia (C. 5 Code 9. 2:n. Comme
elles encore, ils n'ont pas à répondre des délits de droit civil : Pourrait-on objecter que la loi 11 § 1 48. 5. D. punit l'inceste de droit
civil commis par un militaire, tandis que la loi 38 § 4 de même titre,
dit formellement « mulieres in) ure ern..,ntes, incesti crirnine non teneri? Nullement, car pour Je militaire le texte vise le cas où il savait
qu'il lui était défendu de prendre sa nièce pour concubine, (le texte
en effet ne parle pas d'erreur) et cependant il a voulu passer outre
et violer la loi, tandis que pour la femme la loi 38 fait mention de
l'erreur, et c'est cette erreur qui lui assure l'impunité. On ne recherche pas le militaire pour délit de contrebande (C. 3 Code 4. 61 ).
Mais les militaires, à la différence des mineurs, ne pourront invoquer !•erreur de droit, que dans les cas déterminés par la loi.
Comme le dit M. de Savigny: «Bien que •les empereurs aient souvent déclaré excusable l'igr.orance de droit chez les soldats, cette
ignorance n'a jamais été pour eux le motif d'une restitution générale, mais seulement de plusieurs pri\ iléges importants. » (l)
1
Pas plus que les mineurs, ils ne sont tenus de connaitre le droit
t Miles ... per constilutiones principales jtts i9norare potest. « L. 9 § 1.
2:l. 6. D.' ) .De ~à, les nombreuses faveurs dont ils furent l'objet
pr~pter nimiam imperitiam, comme dit Justinien, et en voici la
raison·· Arma etenim
·
·
·
magisqunm
Jura
scirc milites sacrati'ssimmus
legislator existimavit : Ainsi ils ne sont pas assujett;s a ux délais do
(1) Autres exemples L. 8
~ 2 2, 8 D. et L. 2 ~ 7, 49, 14 O.
29 -
(l) De &vigoy Tome Ill p. 408.
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31 -
« hommes très g rossiers, peuvent bien ne pas même soupçonner,
« qu'il y a des formes à observer, ou des conseils à demander. Au
contraire toute femme qui n'appartient pas aux dernières classes
(( de la société, quelle que soit son ig norance du droit, comprendra
<c suffisam1F1ent l'importance d'un décès pour demander conseil. (1 ) l)
Explication ingénieuse, mais ne ju stifiant nullement la différ ence
q ui existait enrre les femmes et les autres classes pri vilégiées, a u
point de vue du délai de la bonorum possessio.
c1
SEC:: 'I'J: _C> N"
J:"'V"
Des Rustici.
On entend par 1·usticus, tode personne ignorante, hors d'état de
connaitre la loi . Il est équitable que le législateur se montre , en
raison du défaut d'instruction et d'éducation , plus indulgent pour
le~
fautes qui en sont la suite. ( 1)
Si les rustici n"ont pas r épondu à lï njus vocatio, ils peuvent invoquer leur ignorance du droit (L. 2 § 1. · 2. 5. D) ; (2) il en est de
même, s'ils ont négligé de prod:iire leurs pièces en justice, en temps
uti le (L. 1§15. 2. 13. D.); on ne peut les poursui vr e po ur cert ains
délits de droit civil ; pour a voir, pal' e~emple contrevenu au sénatus-consulte Silanien (L. 3 § 22. 29. 5. D), pour a voir endommagé
les édits des magistrats (L. 7. ~ 4. 2. 1. D). L'erreur de droit ne
leur nuit pas quand ils ont laissé écoule!' le délai de la bonorum
possessio, (C. 8 Code 6. 9.) D'où vient que les mineurs, les soldats et
les rustici peuYent raire considérer comme non a venue l ex piration
du délai de la bonorum possessio, tand is que les fe mmes ne le peuYent point? Yoici !" explication de M. de avig ny: ((Cette fayeur,
" dit-il, n'est pas du tout l'e!Tet du hasard . La parenté et l'or<lr e des
11 successions existent pour tous, quelle que soit l édu cation, et
« ont de ! 'importance ;>our toutes les classes de la société. Mais des
.Cl ) La loi fran ç~i se elle-même tient compte dans nn certa in cas de ce dMaut
d'instruction. V.fart. 13'16.
(2) La r;usticita! n'ét.:iit pas un motif suffi sant pour écba pper à fa peine qn i
[{:cf:2\.~ dfranch1, qui adressait une vocatio in ju~ à son palron. (C. 2
CHAPITRE II
De l'erreur dans les contrats
Comme nous l'avons montl'é, l' erre ur peut por ter s ur un point de
d roit ou sur un fait ; en nous plaçant toujours a u même point de
vue, il im porte d'étudier avec soin q uelle est son influence selon
l'objet sur lequel elle tombe. Est-il nai de dire qu'elle a toujours
pour e lîet de détruire la volonté? Nous a ,·ons déjà résolu cette
question négatiycment. Telle n'est pas cependant la conclusion que
l'on pourrait tirer de di,·ers tl!:--tes: ci Cum non consentianl qui
errent; quid enim tam conlrahum consensui est, quam crror, qui
imperitiam ddegit (L. 15, 2, J. D.) Nul/a t'Olt111laserra111is est lL. :>O.
39, 3, D.) Non uidenlttr qui errant, consent ire tL. 116 '.?, 50. 1i
D .) (2) . Ces textes pèchent par exagération et ne sauraient être'
(1 ) De 8avigny, Tom. 3. App. VIU. p. ·HS.
(2) Autres textes: L. 2 , 5, 1, D . - C. 8 e t 9. Code 1. 18.
�- 32
~
~cceptés cocpme des.principes g~éraux, ~n voiçi la preuve d'après
M. de Savigny: « ,L_a proposition, dit-il, que l'erreur exclut la
« volonté, si elle était yraie, ,aurait la plus haute importance et
« nous y trouverions un principe positif et péremptoire sur l'effi" cacité de l'erreur; mais il est ,jndubitable que cette proposition
, doit être déclarée fausse ; nous en avons ,une preuve décisive
~ dac.s la théorie de doliu, si sQigneusement élaboré0 en droit
« romain. Si l'erreur en soi, suffisait pour exclure absolument
u 1' existence de la volonté et par conséquent ses effets, tout contrat
(( déterminé par l'erreur se trouverait nul et il serait indifférent
« que l'erreur fut ou non le résultat de la fraude. Néanmoins le
u Droit Romain regarde l'existence de la fraude comme une ciru constance importante et décisive. ( 1) :11 Si on prenait ces textes
à la lettre, on serait obligé d'annuler tous les contrats entachés
d'erreur , et on se trouverait en contradiction avec un grand
nombre de décisions, qui considèrent l'erreur comme nulle et
non avenue. L'erreur, comme cela a déjà été dit, ne détruit pas
la volonté, elle peut faire ' 'icier ou dévier le consentement : il s'agit
de déterminer dans quel cas elle a ret effet. Cela dépend de l'importance de l'élément sur lequel elle tombe. Cet élément est-il
essentiel, l'erreur annihile le consent~ment : par suite, pas de convention et le contrat sera annulé. Dans ce cas l'erreur sera appelée
error esserilialis. C'est peut-être à cette hypothèse que s'appliquent
les textes que nous avons cités tout à l'heure. L'é lément n'est-il
qJ'accidentel, le contrat demeure intact: parce que le consentement quoique vicié ne l'est point sur un élément dont l'existence
soit liée à sa propre validité. C'est l' e1-ro1· concomittans.
Nous supposons qu'aucun des éléments essentiels de la conven. tion ne fait défaut: sinon le contrat ne peut viVt'e et il est inutile
(2) De Savigny, lome Ill, p. 338.
- 33 de se demander s'il y a erreur ou non. Tous les éléments exi!'tent,
seulement le consentement des deux parties qui se rencontre sur
un point donné, est atteint pat· l'erreur.
Nous allons étudier quelle est la portée de l'erreur, suivant
<Ju'etle porte sur la nature du contrat, sur son obj et, sur la personne,
sm· la cause et les motifs de la convention.
De l'Erreur sur la nature du Contrat.
L'une des parties pense faire tel contrat, tandis que l'autre croit
en faire un autre. Il n'y a pas de contrnt, pa rce qu'il n'y a pas consensus fo idem placitwm , ba se nécessaire de toute convention : u fo
omm'bus negotiis contrahenc/is, si ve bona {ide si nt, si ue non si nt, si
erro1· aliquis interuenit, ut alitid scntiat, puta qui emil, aut qui
conducit, aliud qui cum his contral!it, riil!il t•alet quod acti sil.
(L. 57. 44. 7. D.).
Cela ressort .encore mieux d'un texte d' U lpien : « Si ego pecuniam
tibi quasi donalurus, lu quasi mutuam accipias, Julianus saibit
donationem non esse. Sedan mulua ~il t•idcncium ~Et pulo nec m11tuam esse, magisq11e 1111mmos accipientis 11011 fieri, cum alia opi11io11e
acceperit. .... Si ego quasi depo1wls libi declcro, ltt quasi nwtuam
accipias, necdcpositum, nec mutuum est. L. 18 pr. et 1' 1. 12. l D).
Ces deux te;, tes montrent clairement que le concours des volontés sur la nature du contrat est essentiel, puisque, bien gue le contrat que croyait faire l'un des contractants soit plus onéreux que
3
�- 34 conclure. (J.e donne 100 à. Titius;
ce 1m· que l' au t re s'imaeinait
..,
. qui
s'imagine les recevoir à titres de prêt), il n'y a ni dona tion, Ill prêt,
parce que les volontés ne se sont point rencontrée~.
.
Mais supposons que le contrat intervenu , s01t un de ceux gui
emportent translation de propriété, quoi qu'il y ait désaccord sur la
nature du contrat, la tradition ne sera-t-elle pas va la ble? Deux jurisconsultes donnent à cette question une solution diamétra lement
opposée : Gum in corpus quidem quod traditur consentiamus, in
causis vero dissentiamus, non animadverto cur ineffica.r; sil traditio :
veluti siego CJ·,:clam, me e.r; tesl11mento tibi obligatum esse, ut {und um
tradam, tu e.ristimes ex stipulatu, tibi eum deberi. Nam et si pecuniam nume1·atam tibi tradam donandi gmtia, tu eam quasi creditam accipias, co:-1STAT PROPRŒTATEll ad te trnnsire, nec impe dimenlo
esse quod circa causam dandi alqtte accipiendi dissenserimus (L. 36
41. 1. D. ). D'après Julien donc, l' auteur de ce texte, le contrat est
nul, mais la tradition est valable ; U lpicn dit au contraire, dans le
texte rapporté plus haut : magisque nummos accipientis non fieri,
cum alia opiriione acceperit (L. 18 pr. et § 1. 12. l ). On a essayé
de concilier ces deux textes, qui sont cependant contradictoires et
l'on a soutenu que les moLs accipientis non fieri signifiaient que les
deniers n'étaient pas ac'!uis à titre de mutuwm, comme le croyait
l'accipiens; qu'Ulpien n'étudiait pas le point de savoir s' il lui
sont acquis à un autre litre. car il s' occupe de la nullité de l' obligation et non du transport de propriété, question toute diffé.-ente ( l ).
On a dit encore que ces expressions indiquaient que la tradition
avait bien et dûment transféré la propriété des deniers à l'accipiens,
mais que celui-ci n'en restait pas propriétaire ; « ce qui parait d'autant plus probable, dit un auteur, qu'Ulpien n'accorde pas à celui
gui a donné, la revendication, mais une condictio, action qui ne compete poinl au propriéLaire. » (2).
-
D'après nous, il est impossible de concilier ces deux textes; ils
témoignent d'une profonde divergence de vues entre leurs auteurs.
Leur solution était différente et les termes dont ils se servent, (Ulpien tout a u moins), montrent qu'!ls n'exposaient qu'une opinion
personnelle, sur une question qui se prêtait à la controverse.
Il nous reste à choisir entre ces deux opinions. Celle de Julien
nous parait devoir être ado ptée, comme la plus conforme aux principes. En effet, la validité du contrat et la validité de la tradition sont
deux choses distinctes, indépendantes l'une de l'autre. Qu'il n'y ait
pas de contrat dans l'espèce que nous étudions, cela ne fait de
doute pour personne ; mais pourqnoi n'y aurait-il pas tradition valable? La}usla causa lradilionis, c'est-à-dire l'intention d'une part
d'aliéner et de l'<Jutre d'acquérir, n'exi$te-t-elle pas ici? Les deux
volontés, dis~identes sur le fait juridique qui a donné lieu à la tradition, se sont rencontrées sur la jusla causa traditi.onis; et cela
suffit pour que la tradition soit valable et transfère la propriété. La
tradition a cet effet, quoiqu'elle soit faite en vertu d'un acte radicalement nul (L. 6. 12. 5. D.) Mais cela n'est exact, que si les deux
parties avaient réellement, l'une, l'intention d'aliéner, et l'autre
l'intention d'acquérir : sinon la tradition serait sine causa et par
conséquent nulle:« C'est cet animus possessionem et dominium
transferendi et acquirendi, qui est l'élément essentiel de cette translation; elle s'opère si l'erreur des parties laisse subsister cet animtts,
clic ne s'opère pas si l'erreur exclut cet animus. 1i (l) Une autre
preuve, que la tradition transfère réellement la propriété, se trouve
dans ce fait que ce n'est pns par la rei t•endicatio, que le tradens
réclamera la chose qu'il a linée à l'accipiens; la loi reconnait l'efficacité do la tradition puisqu'elle donne au tradens une condictio :
C'est donc que le trndrns a perdu la propriété. (L. 18 pr. 12. 1. D.)
Mais si la tradition a transféré la propriété, le tradens a le droit de
(1) Molitor, des Obligations en Droit Romain. p. 135.
Cl) Hayn.z-Eiements de Droit Romain ~ 92, noLe 14. Id. PoLhier '11. 1. n· 58,
35 -
(1) Pellat. Textes choisis p. 125.
�-
36 -
-
réclamer sa chose par l'une ou l'autre de ces actions, selon que i'on
.accepte l'opinion d' Ulpien ou celle de J ulicn. - « Julien et U lpien a rrivent en somme au même i·ésultat pra tique, car l'un dans le cas o ù
J' objet li vré existe encore, donne au t1·adens une rei vindicatio, et
l'a utre une condictio. Si !"objet a été consommé et si la valeur est
clemeu1·ée dans son patrimoine, tous deux lui donnent une conclic tio.» ( J)
SECTIC>N"
II
De l'Erreur sur l'obj et du Contrat.
Nous supposons que l'o bjet du contrat est dans le commerce, si
non il est comme inexistant au point de vue des contrats et il est inu tile de s' occupel' de 1' erreur qu i a ura it pu por tel' sur cet objet.
(L. 137 § 6. 45. 1. D.). (2). Il ne s'agit plus que <le rechercher que l
sera contre le tradens le recou1·s de celui qu i a contracté dans l' ignorance de ce vice (::.!). Il a ura contre lui, soit l'action ex stipiûatu, si
l'on ajoute au contrat une stipulation de somme d'argent payable
pa1· le vendeur en ras d'éviction ; soit l'action exempta en cas de
(1) Pelfat, Textes choisis. p. 11 5.
(~) .~mnium rerum, quas quis ha-Oe1·e, vel possidere, vel persequi potest
vend,ho r:ecte fit; quai vero natura, vel 9entium jus, vel mores cit:itaris
commtl'c10 exuerunt, ea1·um mllla vendi!io est. (L. 3'1 ~ 1. 18. !. O.). Ad de.
L. 30 ~ 1. 11. l. O. et le~ 4 li. 20. Jost.
(3) La _vente bieo que nulle, peut donner lieu à une action de dommagesint.érôt.s; mais si la chose perdait dans la suite, le vice qui l'atiectait au moment du
c mtrat, la_ vente reste toujours nulle ; nec ad rem pertinet quod jus mutari
;~~~{.'et id quod nunc impo8si/Jile est, poitea possi/Jile fleri. (L. 137 ~ 6. 4.5
37 -
vente, que le vendeur soit <le bonne ou de mauyaise foi . Il sera toujo urs ou bien coupable de dol, s'il cc nnaissa it cc vice et s'il n'en a
pas informé l'acheteur, ou birn coupable de négligence, s'il n'a point
ronn u la nature <le la chose <] u'il li vrait (1). Cette solution exacte
po ur la vente ne le sera it pas pour la stipulalion, contrat de droit
strict (2). Celle-ci ne peui pas donner lieu à une action en dommages- inté rêts, car ce n'est q ue dans les contrats de bonne foi, qu'on
t 'engage à ne commettre aucun dol et q ue l'on répond de ses fautes.
En ontre, celui q ui a stipulé une chose hors <l u commerce ne peut
r éclamer cette chose qu i ne pourrait lui ôtre livrée, et il ne saurait
en demander une autre, car ce serait sortir des termes du contra~.
1
ous supposons aussi que la chose existe au moment de la. formation <lu contrat. Si elle n"exi te pas quoiqu'elle soit possible, ou
si clic n'existe pl...s, le contrat est nul faute d'objet, : et l'erreur n'a
ici au cune inAuence : cc qu i annule le contrat, c'est l'absence du
consentement (:l). Mais ici encore, le contrat quoique nul donne lieu
à une action en dom mages-intérèts contre le tradens (4). Faut- il,
( 1) Les I nstitutes semblent d istinguer entre le cas où le vendeur est de
bonne fo i et ce lui où il est de mauvaise foi. ~ 5. IH : 23. Cependant
les textes les plus prccis établissent que l'acheteur déçu a le d roit d'intenter
dans les deux hypothèses, l'action ex empto. Ainsi : Qui nesciens loca sacra. vel
religiosa, vel publica pro privatis compara vit licet emptio non teneat. ex emp'o
tamen adversus venditorem experietur ut conséquatur quod interfuit ejus ne
deciperetur. ( L. 6~. ~ 1. 18. 1). Liberi hominis emplionem cootrabi passe pleri·
que existimaverunt, si modo inter ignorantes id fiat. Quod enim placet. etiam si
venilitor sciat, emptor autem ignoret l L. îO. eod. titulo). Ce texte ne signifie
pas que la vente est valable. mais h1en que l'on c1rnçoit une telle vente, quia
difficile dil)nosci potest li/Jcr homo a servo. et q11°elle peut donner lieu à une
action en dommages intérclts. Cependant si la chose est extra commercium
parce qu'elle est fur/ira. il faut pou r l'exercice de l'action tx empto distinguer
si le vende ur est de bonne ou de mauvaise loi, car il peut sans aucune négligence ignorer qu'elle est extra commer•·ium.
('2) Inslit. ~ 2. III. t 9.
(3) M. de Savigny T. III. p. '!07 appelle l'<1rreur qui délruit l'àccord des volontés erreur improprement dite, puce q11e ce n'est pas à elle qu'il faut attriburr la nlln-formatiôn du contrat.
(1) L. l. ~ !). 41. 7. - L.. 15. 18 1. D.
�- 38 comme dan s le cas précédent le rendre responsable de n'avoir
' 1 pas
connu la perte ou l'inexistence de la chose, sans disting~er .s 1 est
de bonne ou de mauvaise foi? Non ; tandis, en effet, qu'il n est pas
permis de ne pas connaitre le caraactère spécial d'une chas~ hor.s
de commerCè, on peut de ti·ès- bonne foi ignorer que la chose qui était
l'objet du contrat a cessé d'exister. En s'appuya nt s ur les LL. 57 et
58. 18. 1. D. , il faut distinguer, s ui\rant que la perte est totale ou
partielle et que les parties sont de bonne ou de mauv_aise foi.
En admettant que lobjet soit dans le commerce et existe réellement
l'erreur peut porter soit sur son idendité, soit sur ses qualités substantielles, soit sur ses qualités accidentelles, soit s ur sa quantité,
soit enfin sur sa propriété.
-
contrats synallagmatiques, ou unilatéraux, mais non aux jugements où il n'y a jamais concours de volonté entre le demandeur et le défendeur. C'est au demandeur qu'il faut s'en rapporter, car jamais le défendeur n'avouera avoir consenti à un
moment donné (L. 83 § I. 45 1. D.). Si dans le cas d'erreur sur
l'identité de l'objet, on donnait une valeur quel conque au contrat,
il faudrait annuler au profit de l'un des contractants la volonté
de l'autre, au m épris de la condition essentielle de la convention, le consensus in idem placitum.
§ II. -
§ I. -
39 -
Erreur sur les qualités substantielles de l'objet
Erreur sur l'identité de l'objet
L'erreur peut encore porter sur la substance de l'objet. Que
faut-il entendre par ce mot substantia? :-\ous n'en trouvons point
Dans ce cas (di.ssensus incorpore) il n'y a pas concours de volontés. Le contrat ne peut se former : Si L' hominem stipulatus
sim et ego de alio sen.sero, tu de alio, nihil acti erit, nain stiptûatio
ex utriusque consen.su perficilt"r. (L . 137 § 1. 45. 1. D.) Si igilur
ego me fundum emcre putarem Cornelianum, tu mihi vendere Sempronianum puta~ti, quia in corpore disse11simus, emptio nulla est.
Idem est si ego me Stichum, tu Pamphilum abscntem venderc putasti,
nam cum in corpore dissentiamus apparet nullam es se emptionem.
(L. 9. 18. 1. D.) (1). Principes qui s'appliquent à toute espèce de
(1) L. 9 ~ 1. 28. 5. - L 4 pr. 30. l.- L. 2
! 6. 41. 4, D. - C. 10 Code 8. 54.
la définition dans les monuments de la législation Romaine.
Désigne-t-il la composition de l'objet et est-il synonyme du mot
materia? C'est dans ce sens qu'il est emplo)·é dans le texte suiYant ; « Inde qu,l!ritur, si in ipso corpore non erra/tir, sed in subslantia e1·ror sil, utputa si acetum pro vino i eneat 3!s p1·0 auro vel
pl11mbum 11ro arge11to, vel quid a/iud argento simile, an emptio et
venditio sit? (L. 9 § 2 18. 1. D.) (1). Ou bien faut-il entendre par
substanlia la qualité principale qui distingue l'objet d'un autre
de même genre, ou la qualité que les parties ont eue spécialement en vue en contractant? (2) Dans ce dernier cas on s·oc1
(1 ) L. 11 ! 1.18.10.
('2) De Sa,•igny. Tom. Ill, p. 287.
�-
40 -
cupe moins de l'erreur absolue, que de l'erreur relative d~ c~n
tl'actant; on subor<lonne la solution moins à l'essence de 1 obJet,
qu'au rapport sous lequel il a été spécialement considéré par
les parties.
Assurément, la qualité substantielle sera souvent la matière
elle-même, à moins que, selon les expressions de Mülhenbruch :
ejus modi sit res in qua forma votitis rcspiciatur quan, materia.
Aussi dirons nous, avec M. de Savigny: <t l'erreur s ur une qualité
est essentielle, lorsque d'ap rès les idées admises dans les relations de la 'ie réelle, la qnalité faussement s upposée, range la
chose dans une autre classe d'objets que celle dont elle fait
partie. Pour cela la difîérence de la matière, n·est ni une condition nécessaire ni une condition suffisante etdès lors l'expression
insubstantia est une désignation impropre. « Donc il faudra entendre par substance, tantôt la qualité ou cet ensemble de qualités qui
caractérisent l'objet au point que s'il fait défaut, il change d'espèce
et passe dans une autre catégorie; tantôt la qualité que les parties
ont regardée comme substantielle: question de fait et d'appréciation; mais la seconde interprétation s'appliquera beaucoup plus
souvent aux contrats de bonne foi, cü il faut tenir compte davantage de lïntention des parties.
Quelle est l'influence de l'erreur qui porte sur l'une des qualités
substantielles de l'objet ? Sur ce point les jurisconsultes ne
paraissent pas avoir été d'accord. Marcellus, dont l'opinion est
rapportée par Ulpien dit que bien qu'il y a it erreur sur la
substance, œs p1·0 auro, la vente est valable (L. 9, § 2.18. I. D.).
De même, dit-on, pense l\larcien qui suit sur ce point le système
de Labeon (L.45 eod. tit.). Ulpien au contraire, dans cette même
loi 9 ~ 2 dit, que si l'on a acheté du vinaigre pour du vin, la vente
est nulle, pourvu que ce fùt du vinaigre et non du vin tourné ou
gâté; dans la loi 11 il déclare que la vente est encore nulle, dans
le cas d'erreur sur le sexe d'un esclave: «Cœterwm, si ego mtûie-
-41-
rem venaerem, tu puerum emcre existimasti, qttia 1·n sexu error est,
nulla emplio et nulla vendilio ; bien quïl n·y ait pas erreur sur la
matière, mais erreur sur une qualité substantielle et cela
parce que comme dit Polhier : Errori matcrice comparari polest
error in sexu. Sexus enim substantiam mancipi venditi constituil;
unde iste error vitiat conlractum . Julien aussi dans la loi 41 (18. l.D)
proclame la nullité du contrat: Mensam argento copertam
mihi igno1·antip1·0 solida vendisti, imprudens. Nulla est emptio,
pecuniaque eo nomiHe data condicetur.
Nous adoptons l'opinion d'Ulpien et de Julien. Il faut reconnaître, qu'elle s'écarte du principe que nous avons posé et en
vertu duquel r erreur, lorsqu'elle ne tornbe pas sur la nature du
contrat ou l'identité de l'objet, ne détruit pas le consentement. Il
est donc en théorie inexact de dire que dans le cas d'erreur sur
la subtance, il n'y a pas de consentement. '.\fais cette anomalie
fut introduite pour corriger le droit rigoureux et pour rendre
hommage à réquité, qui veut que les parties puissent demander
la nullité du contrat entaché d'une erreur, qui porte sur des qualités déterminantes de leur volonté. Si donc, il y a erreur sur la
substance, le contrat est nul. On n'a pas à se demander si ferreur est dé droit ou de fait, si le vendeur a ou n'a pas été victime
de l'erreur s'il est de bonne ou ùe mam·aise foi: mais, lorsque par
son fait il a fait subir un préjudice à rac heteur, il lui doit indemnité. l1 faut cependant que l'erreur dans ce cas, comme dan tous
les autres, soit excusable : Ig11.ora11tia emptori p1·odest, qure
non in supinttm hominem cadit (L. 15 § 1. 18. 1. D.).
Les partisans du premier système nou oppo ent tout d'abord
le texte de la loi H. 18. 1. D. qui examine l"hypothè e sui\·ante:
Une personne, cr0yant qu'un objet est en or rachète. Or il se
trou\'e que cet objet est en cui\Te, pas de vente: sin autem œs
pro auro emptio non va let. Ou bien cet objet est d'une composition OÙ l'or n'est pas étranger, mais OÜ il)' a d'autres métaux, en
�-
42 -
un mot, il y a alliage d'or et d'un antre métal. Ici, vcnditioncm
esse constat. Or, dit-on dans ce cas il y a bien crror in substant?·a,
puisqu'au lieu d'tm métal précieux, c'en est un autre oü l'or se
trouYe mélangé aYec d'autres métaux, dont on ne soupçonnait
pas la présence, et cependant Ulpien dit qne la vente est valable.- Tout ce qu'on peut déduire de ce texte, c'est que l'alliage
n'est pas une qualité essentielle du métal el qu'il n'y a pas errelll' sur la substance dans celte hypothèse, parce que l'objet que
je croyais en or pur est en or de titre inférieur. « Si aurum qui-
-
43 -
Mais cette loi 45, est terminée par un membre de phrase qui
a donné lieu à de nombreuses interprétations : Qucmadmodwn
d'après l'étymologie même du mot, signifie mélange d'or et
d'un aut1·e métal, cette partie de la loi se trouve d'accord avec
le principe que nous avons admis et qui est exprimé dans la
prem ière partie du texte, à savoir: qu'il n'y a pas nullité du
contra t lorsque l'erreur porte s ur la quantité ou la pureté de l'or
dans l'objet en question. Mais, si comme on le prétend, l'aurichalcum. est une composilion, dans laquelle l'or n'entre à aucun
degré, si ce n'est qu'un mélange de cuivre et de calamine, <lu
laiton, il y aurait alors dans ce texte une trace de l'opinion qui
n'annulait pas le contrat pour cause d'erreur sur la substance,
opinion partagée par Marcien et Marcellus. l\Iais cela n'est pas
admissible : il suffit, en elTet, de jeter les yeux sur ce texte pour
se convaincre de la véritable pensée du jurisconsulte. Après
avoir parlé des vêtements, dont le plus ou moins de Yétusté ne
constitue pas une erreur sur la substance, Marcien ajoute quemadmodum pour montrer qu'il y a similitude entre les deux
espèces. Que les vêtements soient plus ou moins vieux, que l'or
soit plus ou moins pur, c'est une erreur secondaire. Or, si le
deuxième paragraphe visait un objet dont la composition ne
contient pas un atome d'or, ce serait une différence et non une
analogie qu'il faudrait signaler. La solution dans les deux cas
est la même, parce que les raisons de la donner sont identiques.
Averanius dit que le contrat est Yalable et voici comment il
raisonne : Le Yendeur, dit-il, aYait deux Yases, l'un d'or et
l'autre d'aurichalcwn considéré comme étant d'or. L'un de ces
vases a été vendu sans la désignation de l'espèce et c'est le Yase
d'au1·ichalcum qui aurait été liwé; la vente est valable, car les
deux parties ont eu en vue un vase en or et le Yase en or peut
seul être liné par le vendeur. (AYeranius,Liv. I. ch. XIX, n• 9.)
Autre hypothèse qui a fourni matière à controverse " Quam-
si vas aurichalcum, pro aw·o vendidissct igno 1·ans tenetur ut aurum
l
,
quod vendidit prœstet. Si l'on admet avec nous, qu'aurichalwm,
vù supra diximus, wm incorpore consentiamtis, dequalilateaulem
dissentiamiis, emptionem esse, tamen vendilor teneri debet quanti
dem fuerit deterius autem quam emptor e.i;istimaret, tune enim emptio valet. (L. 10. 18. 1. D.) Ce texte répond victorieusement à
l'objection.
On nous oppose encore la loi 15 du même titre: Voici l'espèce. Quelqu'un a acheté des Yêtements remis à neuf pour des
vêtements neufs. La vente tient; tel est l'avis de Trebatius, de
Pomponius et de Julien. Cependant, dit-on, ici encore il y a erreur sur la substance: la qualité substantielle des vêtements,
c'est qu'ils soient neufs. Nous répondons : le contrat est valable
parce qu'il y a eu concours de volontés sur ce point: l'un a
voulu vendre et l'autre acheter des \'êtements; que ces vêtements soient plus ou moins neufs, il y a erreur sur la qualité,
mais non sur leur substance, el de même qu'il y a \'ente malgré
l'erreur qui porte sur l'alliage, sur le plus ou moins d'or que contient un objet (nam si inauratwn aliqiiid sit, licct ego a •1rum putem, valet vend1ïio), de méme la vente ici est valable lorsque
l'erreur porte sur le plus ou moins de fraicheur des vêtements·
sous réserve des dommages-intérêts dont sera tenu le vendeur'
de mauvaise foi.
�-
44 -
t'ntt'rest non esse deceptum, et si t•c1icfilor qttoquc llesciel, veluti simensas quasi citreas emat quœ no11 s1mt. (L. 21 §2, 19, 1 , D.) Décision conforme à la théorie que nous ayons exposée. Ici la substance, la qualité substantielle de l'objet n'est pas le bois de citronnier, ce n'est pas la matière de l'objet. Tous avions donc raison
de dire, que la matière n'était pas toltjours la qual ité substantielle de l'objet et Ulpien n'es t pas exact en disant : In cœteris
autcm, m1llam esse venclitionem puto, quotiès in materia erratttr.
(L. 9 § 2, 18. 1). Ces termes sont trop généraux, puisque dans
l'exemple que nous Yenons de citer, il y a erreur s ur la matière,
et le contrat reste va lable, parce que la matière n'est pas la
qualité substantielle. :Yiais si le tradcns s'était engagé à livrer
du bois de citronnier, il dena des dommages-intérêts à l'acet'piens pour n'avoir pas tenu ses engagements.
Celte solution n'est pas admise par tous les interprêtes . On
dit que dans ce cas, il y a erreur s ur la subs tance et que par
suite le contrat est nul et, comme le texte dit tout le contraire
on intercale entre les mots emptionem et esse, une négation.'
Moyen plus co mmode que juridique 1 Cette négation n'existe
pas dans le texte de la Florentine, et s'il fa llait l'ajouter, comme
il l'a été dans beaucoup de manuscrits, la loi 21 se trouverai t
en contradiction aYec un autre texte de Paul : Et si conse11 sum
{ucrit in corpus, i·d tamen in 1·erum natimz ante vendilionem esse
desierit, nulla emptio est. (L. 15, pr. 18, 1, D.) n·autres respectent le texte et soutiennent , malgré l'évidence, que le
contrat est nul parce que la substanc e ici, c·est la matière, le bois de citronnier étant très-apprécié par les Roma ins.
C'est ici, dit-on, le cas de considérer l'intention de l'achetet~r, ce qu'il voulait ce n·est pas une t1.ble de n'importe quel
bois ou plaquée en bois de citrnnnier, il désirait une table en
bois de citronnier massif, et si la tab le ne r em plit pas cette
condition, il Y a erreur sur la subs tance et par suite pas de
-
45 -
contrat. - Mais comment se peut-il alors, que le tradetls soit
obligé de désintéresser celui qui a été victiine de l'erreur, en
vertu d'un contrat nul ? On répond « quoique le contrat soit nul
« en soi, le vendeur n'est pas moins obligé par d'autres motifs,
« indépendamment du con trat. » 'ous ne pouvons accepter
cetle interprétation, qui fait dire a u texte Je contraire de ce qu'il
exprime. D'après nous, le contrat est maintenu, et c'est dans
ce contrat valable <Jue l'acheteur puise le droit d'être désintéressé du préjudice qu'il a s ubi, en recevant un autre objet que
celui qu'il a \·ait l'intention acquérir (1).
Cependant l'erreur s ur la suùstance proprement dite, n'a pas
la même portée dans tous les contrats ; il en est même où elle
est a bsolument inefTicace. Il faul à cet égard distinguer entre la
stipulation et les autres contrats.
En cas de stipulation, l'erreur s ur la substance n'atteint pas
la validité du contrat. Si quod aurum putabam, cum œs esset, stipulat us de te {uero, tencberis mihi hujus œris nomine, qu-01iiam in corpore consenserimus (L. 22. 45. 1. D.), Nous avons vu qu'en matière de vente, du moins selon notre opinion, il faut dire que
l'errorin substantia annule le contrat. Quelle est la cause de cette
difîérence? Est-ce parce que la stipulation, est un contrat de
droit strict et la vente un contrat de bonne foi ? Sans aucun
doute.
Cela vient a ussi de ce que les deux parties, ont intérêt à ce
que la stipulation, au lieu d'être considérée comme nulle et non
avenue, ait un efîet quelconque, bien que l'objet sur lequel elle
portait, ne soit pas le même que celui qui est r emis au stipulant. Cujas dit à ce sujet : « RaLio h;ec quia si per erro1·em .... .
in stipulationem dedrtclo œre pro a uro, el slipu lationem n ullam esse
di.ceris, nihit super fuerit i1i obligatione, at stipulatori interest ut
( 1) Massol. Oblig. nat. p. 20, note 1.
�-
46 -
;es saltem in obligatione. )) Mais s i Je contrat est maintenu, il ne
faudrait pas en conclure que la partie lésée n'ai aucun recours
contre celui qui l'a trompée. Cela ne serait ni juste, ni équitable.
Aussi Paul ajoute-t-il : sed ex doli mali cla1tSula tecum agam, si
sciens me (e(elleris. ))
Que faut-il décider, quand le donataire reçoit autre chose ou
moins que ce que lui a promis le donateur ? La donation vaudra, bien que le donataire soit déçu dans ses espérances. Mieux
vaut quelque chose que rien. Si cependant le donateur donne
moins que ce qu'il croit donner, la donation est nulle, que le donataire ait ou non partagé cette erreur.
n en est de même en cas de gage : c< Si quis tamen, cum œs
pignori daret, adfi1·mavit hoc aurwn esse etitapignori dederit,
videndum erit an œs pigncri oblgiave1·it : et num quid quia in
corpus consensum est, p1'gno1·i esse videatm·? Quod magis est:
tenebilttr tamen pigneratitia contrm·ia actione qui dedit,
p rœter stellionafum qt1em fecit. » (L. 1. § 2. 13. 7. D.). Donc
celui qui a remis un objet, de moindre valeur, que celui qu'il
s'était engagé à mettre entre les mains du créancier, ne peut
par cette manœuvre, annuler le contrat. Cela tient au caractère
uni latéral de ce contrat: il Yaut encore mieux que le créancier
reçoive quelque chose, encore que cette chose ne soit pas celle
qu'il croyait recevoir en garantie de sa créance, plutôt que rien.
Mais il aura l'action pigneratitia contraria pour obtenir W1
objet de valeur égale à celui qui lui avait été promis par le débiteur.
-
47 -
§ III. - .Erreur sur les qualités accidentelles de l'objet.
L'erreur porte sur le nom de la chose ; elle n'a aucune influence : Si in nomine se1·vi, quem slipularemur dari, er1·atum
{uisset, cumde corpo1·e constiti.sset, placet stipulationem valere.
(L. 32. 45. 1. D.). De même décide la loi 9 § 1. 18. 1. D. Si l'erreur porte s ur les qualités secondaires de la chose J le contrat
est encore maintenu. Mais cette erreur dans laquelle est tombé
l'un des contractants, n'aura-t-elle aucune conséquence? Celui
qui en est victime, a ura un recours contre celui qui a négligé de
l'instruire ou qui l'a trompé. c< ~lais ici le motif de l'action n'est
« pas l'erreur, mais l'inexécution des conditions de la vente. » (1).
La loi des XII Tables, rendait le vendeur responsable de
l'inexactitude de ses déclarations, et c'est par l'action ex empto,
qu'on lui en demandait compte. Mais s'il n'avait rien déclaré
on n'avait pas de recours contre lui. Plus tard, on le rendit
responsable a ussi des défauts qu'il aurait connus et qu'il n'aurait point signalés. On l'atteignait dans ce cas comme dans le
précéùent, grâce à l'action ex empto qui était perpétuelle et qui,
dans la suite, sous l'empire des idées nouvelles, inaugurées
par les édiles, et sous certaines restrictions, put aussi être intentée contre le vendeur de bonne fo i (L. 6 § 4. 19. 1. D.).
Les Ediles curules firent, en effet, progresser la législation,
sur cette matière, qu i était de leur compétence. Par leur édit,
qui tout d'abord ne s'appliquait qu'aux ventes d'esclaYes et de
certains animaux, et qui fut encore étendu à toute sorte de ventes et même à l'échange (L. 19 § 5. 21. 1. D.), ils réglèrent les
droits des acheteurs trompés et lésés par un ou plusieurs dé(1) De Savigny, Tome III, p. 350.
�-
48 -
fauts de la chose. Si l'acheteur avait ignoré ce défaut, (L. 48 § 5.
21. 1. D.), si_ce défaut était non apparent et antér~e~r à la vente,
sïl n·ayait pas disparu depuis, deux actions dis tinctes, _entre
lesquelles il doit choisir, lui sont donnée~ po~r fa_ire Yalo1r ~e_s
réclamations. C'étaient les actions quanti minons et redhibito·ria. Par la première, il obtenait, le contrat restant intact, une
remise du prix., calculée sur l'importance du vice qui aiI~cLe la
chose. 11 peut exercer cette action pendant une anné~ entière, à
partir du jour où il a découYert la tromperie, et à diverses reprises, s i besoin est, c'est-à-dire si plus ieurs vi~es se déclarent
successiYement. Par l'action 1'edhibitoria, il obtient non-seulement, l'anéantissement du contrat et le rembomsement du prix
payé , mais même une indemnité pour tous les ~ommage_s que
peut lui avoir causés la chose, du jour où elle lui a ét~ hvr~e.
l\fais cette action ne peut-être exercée qu'une seule fois, pLusque si l'acheteur a gain de cause, le contrat est a nnulé, et elle
doit l'être dans w1 délai utile de six mois, qui commence le
j our où le Yice a été découvert, pourvu que l'acheteur n'ait
pas grevé la chose de droits réels et la restitue dans l'état où
elle lui a été livrée, sauf à tenir co111pte au vendeur des clétérioralions qu'il lui aurait fail subir et des fruits qu'elle a urait
produits. Remarquons que ces actions pourront être intentées
par l'acheteur, encore que le vendeur ait déclaré les vices de
la chose, si ces déclarations sont inexactes ou mensongères, et
.
qu'il aura aussi contre lui, l'action ex stipulatu, par laquelle il
lui réclamera l'indemnité que le Yen<leur a été obligé de promettre au moment de la Yen le, pour les v ices qui pourraient être
découverts dans la suite. Cette dernière action, a l'avantage de
ne pas être comme l'action 1'edhibitoria, entravée par l'aliénation de la chose et elle donne à l'acheteur qui l'intentera, une
satisfaction plus entière, que celle qu' il trnuverait dans l'action
quanti minoris. Cette promesse <l'indemnité est obligatoire, s i
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49 -
Je vendeur refusait de s'y soumettre, l'acheteur pourrait sans
autl'e raison que ce refus, intenter l'une ou l'autre des actions
édililiennes dont le délai est, dans ce cas spécial, continu et
beaucoup plus court.
Comme appendice à ce paragraphe, nous pouvons parler de
l'erreur sur l'accesso ire du contrat, s ur un objet secondaire par
rapport à l'objet principal. Supposons que je vous vende un
immeuble et mon esclave Pamphile; vo us crorez acheter ce
mc!me imm euble et en inème temps Lm a utre esclaYe, Stichus
par exemple. Ou bien encore : Je vo us vends un immeuble et
un esclave tichus : j'en a i plusieurs de ce nom, vous Yous
imaginez acheter l'un cieux et je vous en vends un autre que
celui que Yous pensez. Le contrat sera-t-il mainte11u dans son
entier ? Sera-t-il totalement annulé ou annulé en partie seulement quant à la vente de l'esclave? Le contrat re tera intact.
Tout d'abor d en vertn de la règle accesso1·iion sequitur principale. Or ici, l'obj et sur lequel notre attention a surtout porté,
c'est l'immeuble et su r l'i mmeubl e il y a eu concours de
volontés. Aussi la validité de cette partie essentielle du contrat,
ne sa urait être détruite par un e nullité atteignant une partie
accessoi re et le contrat va udra dans toutes ses parties.
Le Yendeur doit liYrer un esclave : mais puisque sur cet
esclave il n'y a pas concours de volontés, la volonté de l'un
doit exclure et primer la volonté de l'autre. Le vendeur denat-il livrer l'esclave que l'acheteur pensait acheter ou celui que
lui, vend eur, pensait lui ve ndre? C'est retle dernière solution
qui doit être ad mise. Paul à ce uj et s'ex.prime ain i : Si in
emptione fundi dictum sit, accede·re Sticlwm servum, ne que
intelli9atur, qui ex pluribus accesse1·it, cum de alio emploi·,
de alio vendito1' se11se1·it, nihil omi11us fundi venditionem
vale1'e constat : S ed Labeo it, aum Stich.wn de beri quem venditor intellexerit : nec refe1·t quanti sit access,io, sù;e plus i11
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�-
50 · 1psa
·
eo sit quam m
re eut· acced a t , an m.;1i1ts .· plerasque enim
1·es, aliquando propter accessiones emimu.~, sicut cum domus
p ropter ma1·mot·a et statuas et tab1tlas pictas emafttr. (L. 3 1,
p r. 18, 1, D.) Comme il est facile de le voir , la décisio n que
nous ayons donnée s·applique, bien que l'objet accessoire soit
plus important que l'objet principa l. Il s'agira dès lors de
rechercher avec soin, quel est l'objet que les parties ont regardé
comme principal et quel est celui quelles ont considéré comme
accessoire. Selon que r erreur porte s ur le p remi er (e1Torin
corpore) ou sur le second, le contrat est nul ou maintenu.
Avec P aul, nous avons <lit q ue l'objet, dans l'espèce r esclave,
q ue le vendeur avait en vue, serait Yalablement livré. Cujas, à
deux reprises difiérentes, a soutenu que c'était quem emptor
intellexerit qu'il fa llait lire parce que, dit-il, il est de règle que
les pactes obscurs s ï nterprêtent contre le vendeur << Veteribus
J;/acet, pacfionem obscur-am vel ambiguam, venditori et cui locavit nocere (L. 39, 2, H D.) Observons en premier lieu, que
Cuj as pour soutenir son opinion est obligé de dénat urer le
texte, dont il change le mot capital. En outre, il est vrai de dire
que les pactes obscurs doivent être interprêtés contre le vendeur, mais seulement quand il est certain que les volontés des
deux parties se sont rencontrées sur l'obj et. lei la règle ne saurait
s·appliquer, par ce il est certain que les parties n·ont pas eu en vue
le même objet : or quand les contractants dissentiunt in corpo1·e
ni hil actum est. Aussi puisqu'il n'y a pas eu concours de
consentement sur l'accessoire, rien ne vaut : mais comme il
est naturel et logique, que la validité du contrat en ce qui
concerne le principal, couvre la nullité de la partie qui porte
s ur l'accessoir e, le contrat est maintenu. Voilà le fondement
j uridique de la solution. Admettons si l'on veut que la r ègle,
que les pactes obscurs s'interprètent contre le vendeur, s'impose même dans ce cas. Elle ne s'applique qu'à celui qui a
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51 -
proposé les pactes, qu'à celui qui a parlé (LL. 38 § 18 et 99,
45, 1 D.) parce qu'il esl coupalJle de ne pas s'être suffisaniment
expliqué. Or il semble, comme dit Poth ier , qu'ici c'est l'acheteur qui a parlé puisque le jurisconsulte emploie le mot emptio au lieu du mot venditio, qui aurait plus spécialement visé
l'acte du vendeur. C'est donc contre lui acheteur et en faveur
du vendeur, qu'il faut interpréter le doute. rous pouvons
encore ajouter, pour j ustifter la décision de Paul, qui étudie
l'hypothèse où le vendeur a plusieurs esclaves portant le même ·
nom, qu'il est débiteur d'un genre. Or le choix dans ce cas
appartient au vendeur, s'il n'est pas spécialement donné par le
contrat à l'acheteur et il est libre de donner l'esclave appelé
Stichus qu'il lui convient de livrer (1).
§ IV. -
Erreur sur la quantité de l'objet.
On peut se tromper aussi sur la mesure, le poids, l'étendue et
la ·contenance de l'objet. Le vendeur doit livrer la chose telle
que l'acheteur a voulu l'acheter. !\lais supposons qu'il livre
plus ou moins que ce qu'il devait livrer.
1re HYPOTHÈSE : La contenance ou l'étendue réelle est supérieure à la contenance ou il l'étendue déclarée par le vendeur.
Il faut distinguer: la vente a été faite dans ces termes: Je vous
vends le fonds ~empronien de trente arpents, pour trente sous
d'or . Dans ce cas, quoique le fonds. empronien soit de quarante
arpents, comme la vente est faite pour un prix unique, cette
augmentation profitera il l'acheteur. ~Iais si je me suis exprimé
ainsi : Je vous vends le fonds empronien, d·une contenance de
trente arpents, à raison d'un sou d'or l'arpent; si le fonds
(1) Molitor, des Oblig•. 1,o. 100.
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5-2 -
Sempronien contient quarante arpents, le prix devra être de
quarante sous d'or, quoique il ait élé fixé il trente, parce que dans
ce cas on a voulu fi xer le prix de la mesure et non le prix total,
et dès lors, il est jus te que cha que mesure en plus, soit payée au
prix que les parties ont fi xé pour chacune des mesures qu'ils
avaient en vue lors de la vente de l'immeuble: Q111' ag1·wn vendebat, dù'Cit (undi juge1·a decem el octo esse : et quod ej us admenswn erd, ad singula juge1·a ce1'lwn p1·etiwn stipulatus erat;
vi9inii inventa su nt : pro viginti debei·e pecuniam respondit. >>
(L. 40 § 2. 18. 1. D.).
2m• IIYPOTHNSE. Le vendeur livre moins que ce qu'il a promis.
Dans ce cas l'achetenr pourra par l'action ex empto lui réclamer
le supplément de ce qui devait lui être livré et s i j amais le Yendeur ne peut le fournir, par l'action ex empto encore, l'acheteur
obtiendra une diminution de prix : T enelur ex empto venditor,
etiam si agnove1·it minorem fundi modwn esse (L. Gp.19. 1. D.).
S i modus agri minor invenialw· suo nu11ie1·0 Jugei·um, auctor
obligatus est (L. 4 § 1. 19. 1. D.) (1). In (undo vendito cwn m odus pronunciafus deest, sumitu1· po1·tio ex p1·etio, quod totum
colligendum est ex omnibus ;'uger·ibus dictis (L. 69. § G. 21. 2. D.).
Même solution dans le cas où la vente comprend p lusieurs obj ets
et que l'un d'eux n'a pas la contenance déclarée. Mais quid si un
des objets de contrat n'a pas la contenance déclarée par le vendeur, tandis qu'un autre a plus que la contenance fixée par ses
déclarations? Ainsi j e YOUS vends deux fonds de terre que j e dis
composés, l'un de cent arpents de vigne, l'autre de cinquante
arpents de prés, alors que le premier ne contient que quatre-vin!!tdix arpents et l'autre en contient soixante : Si duorwn fu ndon:n
venditor senm·atim
d e mod o CUJ·11sque pronunc1averit,
·
· et ita
·
r
ufrumque uno p1·etio tradiderit, et alteri aliquid desit, quam vùt
(1) Adde. L. 2. 19. 1. D.
- 53 in altero exuperet (L. 42. 19. I. D.). La question était vivement
controversée. D'après Labéon, il n'est pas j uste que le vendeur
profite de l'excédant de contenance d'un .bien, pour combler le
déficit constaté dans la contenance del'autre. L'acheteur pourra
donc réclamer le s upplément de contenance. Sa demande seraitelle entravée par l'excepti on de dol que lui opposerait le vendeur<!
Nullement, car il ne commet aucun dol puisqu'il ne fait qu'exercer son droit d'être mis en possession des prés qui manquent.
Cependant il vaut mieux dire avec Paul : R ectius est in omnibus
scriptis supra casibus, lucnon cum dam no compensari et si quid
deest emptoi·i sioe pro modo, sive pro qualitate loci, hoc ei re3arciri (L. 42 i. f· 19. J. D.): il y a donc lieu à compensation. Dans
Je cas ou les diYisions d'un même bien ne sont pas conformes
aux déclarations du vendeur, il faut encore établir une compensation : Yideanws ne nulla quercla sit emptori, in eodem fundo
si plus inveniat t'n vinea quam iri prato, cum um·versus modtt 3
constat.
L'erreur porte aussi sur la quantité quand elle porte sur le
p rix, qui dans certa ines obligations, est l'un des objets du cont rat. Ce que nous allons d ire sur ce point, se rapporte donc spécialement a ux contrats, où l'une des parties est tenue de fourni r
à l'autre une somme d'argent. Ainsi, je YOus vends ma maison
pour vingt sous d·or , vous croyez l'acheter pour dix : Je Yous
vends ma maison pour dix et vous croyez ètre obligé de payer
vingt. Dans la première hypothèse, le contrat ne peut se
former parce que je suis lésé dans mes intérêts et je ne sais pas
si vous Youdrez compléter la somme que j'aYais lïntention de
percevoir comme prix de la vente. Dans la seconde hypothèse,
le contrat se forme, parce qu'i l est 1.Jien certain que puisque vous
consentiez à payer vingt a fortior·i vous payerez dix. Telle est
la décision de Pomponius dans un ca ~ analogue : Si decem tibi
loccm fundum, tu au ti:m e.x:istimcs q11i11que te conducere, nihil agi-
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54 -
tur. Sed et si ego minoris me locare scnsero. lu pluris te conducere,
it1iq11e non p/w·is erit condttclio quam qunnti ego putaui. (L. 52. 19,
~ D.). Donc quand c·est celui qui doit fournir la prestation qui a
Youlu la pt·estation la plw forte, le contrat tient. Tandis que si
c·est celui qui doit la recevoir, qui l'a voulue plus considérable,
le contrat ne peut se former.
Faut-il en dire autant dans les contrats uni latéraux, en matière de s tipulation, par exemple ? Sur ce point, autre controYerse. Tout le monde s'accorde à dire que l'erreur qui porte sur
la quantité de l'objet, quand cet objet est un corps certain, vicie
la stipulation : Par exemple : Spondcs ne mihi dare dimidia m
partem dom us tuœ? Sponcleo tibi dare lc1·tiam parlem. Pas de contrat, parce qu'une des conditions essentielles à la validité de la
stipulation, la parfaite corrélation entre la réponse et la demande, fait défaut: au surplus il s'agit d\m corps certain, considéré comme tel, formant un tout qu'on ne peut ni augmenter, ni
diminuer, sans le dénaturer. l\Iais faut-il décider de même,
quand il s'agit d'une somme d'argent? Le doute proyient de ce
qu'on peut considérer une somme, comme un composé de diverses unités, égales entre elles el qui ne change pas de caractère,
alors que leur nombre varie . Si l'on en croit Gaius, il n'y a
aucune différence entre une somme d'argent et un corps certain.
Aussi quand le promettant s'engage à donner cinq, alors que le
stipulant aYait demandé dix., la stipu lation est nulle pour le tout:
Adhuc inutilis erit slipulatio ... si sestercia decem a te dari stipule1· et tu sexlercia quinque nihi promitlas : les Institutes ont
consacré cette opinion presque dans les mêmes termes (Gaius.
III. 102. Instit. Il. 19. 5). Ulpien dit au contraire : Si stipulanfi
mihi decem, tu viointi respondeas ; non esse contractam oblioalionem nisi in decem constat : e:r confrario quoque si me vigittti interrogante, tu decem respondeas, obligat1'0 nisi in decem non erit contracta. De même pense Paul quia in summis
-
55 -
1·d quod minus est sponde1·i videtu1·(L.1. § 4 et 83. § 3. 45. 1. D.)
Les deux opinions de Gaius et d'Ulpien sont donc contradictoires (1). Quelle est la meilleure? Cela dépend. Si c'est le promettant qui promet plus que ne demande le s tipulant, la stipulation vaut. Cette décision, n'est peut-être pas tout à fait conforme aux principes rigoureux qui dominent la stipulation et
dont Gaius ne consent pas à s'écarter, mais elle est plus logique
et plus équitable (2), le plus contient le moins et il est préférable de faire produire des effets au contrat, plutôt que de l'annuler, pour une question de forme, car au fond, celui auquel on
demande dix et qui répond : je promets vingt, donnera a fortiori les dix qu'on stipule. Alors même que le promettant promet moins que ne demande le s tipulant, la stipulation vaut, si
la prestation est faite à titre gratuit; il vaut mieux que le stipulant donataire reçoive quelque chose, plutôt que rien. Pour ces
deux hypothèses nous suiYons donc l'opinion d'Ulpien. J\ous
partageons au contraire l'ayis de Gai us, si la prestation faite par
celui qui veut le moins, l'est en vertu d'un contrat ou d'un fait
foridique préexistant; ce qui r ésulte de la volonté des parties,
lorsqu'elles ont eu l'intention de convenir de telle somme déterminée: car, dans ce cas, il n'est pas juste que celui qui a droit à
vingt se contente de dix et il n'est pas exact de dire que le plus
contient le moins. Le système que nous adoptons peut s'appuyer
sur la loi 52 que nous avons citée plus haut. Faisons aussi remarquer, que les Institutes, qui sur celle question suiYent la manière de voir de Gaius, l'abandonnent dan une autre hypothèse,
puisqu'ils admettent que si je stipule deux objets et que YOu ne
m'en promettiez qu'un seul, la stipulation tient, selon la doctrine
(1) On a soutenu le contraire, en disant que Gaius ne déclarait la stipulation
nulle que pour ls qnantité qui n'avait pas été cl.lm prise dans b réponse. Cela est
de toute é\·i<ience et i1 éta i ~ inutile de le dire.
('l) Licet eaim oportct cong ruere sum mam, attamen mani(estissimum
est viginti et decani inesse (L. 1. § 1. !15. 1).
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56 -
d'Ulpien et de Paul : contradiction inexplicable, car si l'on admet la divis ion dans la promesse en cas d'objets diITérenls,
pourquoi ne pas l'admettre pour une somme d'argent, l'objet le
plus di,·is ible qui existe, puis qu'il se compose de parlies distinctes dont l'absence ou la présence diminuent ou augmentent
sa valeur, mais ne lui font pas changer de caractère.
Si l'erreur est une simple errem de calcul, elle n ·a aucun effet;
on doit la rectifier (Unica, Code 2. 5).
§ V. -
Erreur sur la propriété de l'objet
Un tiers achète ou stipule une chose dont il est déjà propriétaire. L'erreur vicie radicalement le con trat : suœ rei emptio non
valet - Nec minus inutilis est slipulalio si qu is rem suam, ignorans
suam esse stipulatus fuc1·i1( L. 1 § 10. 14. 7. D.): parce qu'on ne
peut acquérir, comme acheteur, un droit plus entier que celui
qu'on a comme propriétaire. Mais il pourra r épéter le prix de
sa chose pourvu qu'il soit de bonne foi et qu'il ait ignoré qu'il
achetait sa propre chose (L. 16 pr. 18. 1. D.). Car s'il avai t
acheté, ayant connaissance de son droit de propriété, il est
censé avoir voulu gratifier le vendeur et on ne saurait lui donner une action quelconque pour réclamer le prix. dont il a payé
sa chose (L. 82. 45. 1. D.).
Le Yendeur vend comme appartenant à autrui, une chose qui
est bien à lui en propre. Il ne perd pas son droit de propriété,
parce que nemo err·ans 1·em suam amittit. Cependant il ne
pourra pas la revendiquer,parce qu' il est tenu de garantir l'éviction. Pour rendre cette h ypothèse vraisemblable voici l'exemple que donnent les jurisconsultes : Si p1'ocurator meus vel tuto1' pupilli, rem suam quasi meam vel pupitLi aUo tradiderit,
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57-
non 1·ecessit ab i's domi nii1m, et n11lla est alienatio ; quia nemo er·rans 1·em suam aim'ttit ( L. 35. 41. 1. D.J. Marcellus, dans
la loi -iû. 17. 1. D , confirme cette solution, en disant que le Yendeur, propriétaire sans le savoir, ayant agi comme mandataire,
ne pourra pas revendiquer la chose, parce qu'il s'est engagé
personnellement et parce qu e comme vendeur, il ne peut être
auteur de l'éviction, sa demande serait r epoussée par I'exceptfo rei vend itœ et traditœ.
Supposons que l'acheteur achète une chose d'un vendeur qui
se croit propriétaire, mais qui, en réalité ne l'est pas : Cette
erreur ne vicie pas le contrat, car le vendeur qui n'est pas
obligé de transférer la propriété, a valablement livré la chose,
et l'acheteur l'a valablement acquise, et si jamais il vient à. être
évincé, il parcourra en 1rtranlie contre le vendeur. (C. 3.
Code 8. l5.).
Enfin l'ach eteur reçoit la chose de quelqu'un, dont il ignore
la qualité de propriétaire : pl11s ùi 1·e est quam in existimatione.
Et ideo tametsi existi>1wt se 11on a domino emere, !amen si a domino ei tradatur, d ominus efficitu1·. (L. 9 § 4. 22. 6. D. ).
S~C::'r:CC>l"'IJ'
III
De l'erreur sur la personne
L'influence de l'erreur sur la personne nrie selon les conventions car la considération de laper onne déterminante, dans
certains contrats, n'a aucune portée ùans d'autres. Yoici la
règle : Toutes les fois que la consiùéralion de la personne est
un élément essentiel du contrat, et qu'il y a erreur; nullité :
quand cette considération est indifiérente, le contrat reste valable.
�-
58 -
Ainsi dans les contrat à titres onéreux, cette erreur n'a aucun effet. Si je loue (co11d11co) une maison, si j'échange un esclaYe, si j'achète un fonds, ponrvn que l'on me donne la jouissance de la maison, la pl'Opriété de l'obj et que je veux acquérir en échange de l'esclave, le fond s de terre que je veux acheter, que m'importe que ce soit celui-ci ou celui-là, qui me permette d'agir au mieux de mes intérêts ou d'atteindre le but que
je me propose! Cependant, si j'aYais, dans le contrat de louage,
d'échange ou de vente, manifesté ma volonté de traiter avec
Titius, de tenir de lui l'obj et du contrat, si je traite aYec un autre croyant traiter avec Titius, le contrat sera annulé, parce
que dans l'espèce, la considération de la personne qui n'est pas
naturellement déterminante, le devient accidentellement par
l'efTet de ma Yolonté.
Dans les contra ts à titre onéreux rn /aciendo, cette considération est capitale le plus souvent. En efTet, si je m'engage à donner
100 à un artiste célèbre pom qnïl fasse une statue, il est incontestable que mon dessein n'est pas rempli et le contrat n'a plus
de raison d'être, si croyant traiter avec cet artiste, je traite avec
son élève ou quelqu'un qui a peut être le même nom que lui,
mais qui n'a ni son talent, ni sa répntatiou. La même observation s'applique aux contrats à titre gratuit où l' intuitus personœ
est déterminant de la volontê du donateur. Cela ne s'entend que
de l'erreur sur la personne : l'erreur s ur le nom n'a aucune portée, pas plus que l'erreur sur les qualités. Mais dans ce dernier
cas, il faudra encore rechercher, si l'intenlion des parties n'a pas
été de subordonner la Yalidité de conlrat il l'existence de telle ou
telle qualité. S'il en est ainsi, le défaut de cette qualité, entrainerait la nullité du contrat.
Disons un mot de l'erreur sur la capacité de la personne. Le
prêt fait à un fils de famille, malgré la prohibition du Senalusconsulte Macédonien demeure · valable, s'il avait été fait par
- 59 suite d'une erreur tout à fait excusable (L. 3 pr. H. 6. D.) (1).
L'intuitus personœ est aussi très-important dans les contrats
unilatéraux. où l'on a intérêt à contracter avec telle personne
déterminée. Ainsi , je veux. bien prêter 100 à un tiers que je sais
en mesure de me les rendre; par erreur, je les prêle à un autre
qui est dans l'impossibilité de me les rembourser. Comme ici
je n'ai pas eu seulement pour objet de placer mon argent, mais,
encore de prêter à une personne solvable, le contrat est annulé
s'il y a erreur sur la personne. Cela résulte de la loi 32. 12.
1. D. (2).
Il n'y a pas lieu à résolution du contrat pour erreur sur lapersonne, dans certains contrats dans lesquels cependant lïntuitus
pe1·sonœ est décisif, la société et le mandat par exemple, car on
est toujours libre de révoquer le mandat ou de se retirer de la
société.
En résumé, li.l oit l'infltitu.s personre est, pour ainsi parler, la
cause de l'acte, l'erreur s ur la personne annule le contrat. Il a
ce caractère dans le contrat in (aciendo et dans le contrat à titre
gratuit ; il peut r avoir dans beauco11p d'autres com·entions ; ce
sera une question de fait (L. 15. 2. 1 et L. 2. pr. 5. 1. D.).
Erreur sur la cause.
On donne au mot cause deux sens difTérents. Tantôt, il signifie
l'élément générateur du contrat, ce pourquoi il existe en vertu
de la loi, l'élément de création légale. Dans ce cas, on l'appelle
(l) Adde L. 6. 15. 4.. O.
('2) Adùe L. 66 ~ •\. 4.7. 2. O.
�-
hO -
eause cflicienlc; fa it ex têrieur, sensib le, apparent qui témoigne
de la Yolonté des parlies : ,\'uda paclio, en eITet, obligationcm no1i
parit. Le consentement des parties n'a aucu ne portée, s 'il ne se
traduit pas au dehors d'une manière quelconque. La loi donne
à cette forme du consentem ent un nom particulier et une sanction spéciale, une action. Ce fa it juridique qui est l'œuvre des
parties et qui est réglé par la loi, est la causa civilù:
Cette causa civilis existe pour deux classes de contrats seulement; les contrats va/Jis et les contrats /ilteris; ils sont créés
par la loi qui leur a donné des formes artificielles, aux.quelles il
lui a plu de les soumettre; on peut en efîet, les comprendre autrement: tandis que dans les contrats réels et les contrats consensuels, tous les éléments sont naturels; il n'était pas nécessaire que le législateur leur imposàl des règles et des form es
particulières. Leur raison d'ètre est dans l'ordre et dans la nature des choses; ces com·entions n'auraient a ucun eITet, si la
loi ne les vivifiait pas. Aussi a-t-elle soin de créer une Yoie de
droit qui leur fera produire les eITels que les parties ont eus en
vue en contracianl. En sorte, que dans ces contrats la causa est
naturelle; elle n'est pas la création du droit et sauf des diITérences secondaires, taules les législations les comprennent de
même. Il est facile dès lors de conclure que l'erreur ne peut pas
porter sur la causa civilis.- Ce fait existe ou n'existe pas.
Le mot causa peut aussi signifier la raison immédiate qui
nous fait contracter; c'est dans ce sens <Ju'on l'appelle cause
finale: l'erreur qui parle sur cette cause, ne vicie pas le contrat. En efTet, la cause déterminante n'est qu'un motif immédiat si l'on veut, plus important que les au~res, essentiel même
à tout acte émanant d'une personne raisonnable, mais ce n'est
qu'un motif. Or, co01111e nous le verrons, l'erreur sur les motifs
ne vicie pas le contrat. Mais enfin s'il est d ifficile impossible
'
'
même pour la loi, de tenir compte de l'erreur sur des motifs
-
61 -
qui peuvent être multiples et éloignés, et qui ne se dégagent
pas du contrat lui-même, il serait injus te et peu équitable de
maintenir un contrat auquel une des parties donnait une cause
immédiate qui n'e:iste point. Aussi tout en rnaintenantle contrat
dans son inlégrilé, la loi permet d'en annuler les conséquences
par divers moyens. Ains i, par exemple, je promets à Titius une
certaine somme d'argent que je crois lui devoir comme héritier
de son débiteur; j'ai prom is tant, parce que j'ai cru devoir tant :
pourquoi donc donnerais-J· e il Titius et r ecevrait-il cet arCYent
"'
si je ne lui dois r ien, ou si je lui dois moins ? Par une condictio,
le condiclio indcbiti, Titius sera obligé de me retransférer la propriété des deniers qu'il avait valablement acquis, ou d'autres.
(Voir L. 7. 12. 6 D.), I s qui plus, quam hercditaria portio e(ficit, pe1· error·em creditori cavcrit, indebili promissi habet condictio11em (L. 31. 12. G. D.). De rnême comme héritier du testateur, je crois être obligé de payer à Titius une somme d'argent que j e crois lui avoir été léguée. Je donne ordre à mon débiteur de satisfaire Titius; or, il se trouve que Titius n'est pas
légataire; j'aurai et mon débiteur aura recours contre lui pour
êt re r emboursé (L. 51 § 1. 2. 4. D. ).
AUTRE HYPOTHÈSE. - Fundus dotis nominetradilus, si nupli;e
secutœ non fuerint, condictione 1·epeti potes/. La dation, en cas de
mariage est toujours présumée pure et simple, sauf preuYe
contraire (L. 7 § 3 et L. 8, 23. 3 D). i donc, en mettant pour condition si nuplùe sequanlur, un tiers a constitué en dot un fonds
de terre, si le mariage n'a point lieu, il pourra par la co11dictio
sine causa ou causa data, causa nori secuta recouYrer ses biens,
parce que sa dation est sans cause ; mais comme indépendamment <le ce défaut de cause, la dation a valablement transféré la
propriété, l'accipiens sera. tenu de la retransférer au tradens
-(L. 7. 12. 4. D. 7. 12 GD.) (1) On ne pourrait trouYer une objection
)
(1) Adde L. 38. 4. 3. D.
�- 62 dans le texte suivant: Fa/sus c1·cdit01· (!roc es t is qlli se si mu lat c1·editore11i) si quid acccperit , {ul'lllm {acit, nec nummi ejus fient (D. 43 .
47. 2. D). Car dans ce cas spécial, il y a erreur sur la personne et
ici cette considéra tion est capitale : On tient à se libérer envers
son créancier et non envers tout antre, et l'on ne peu t dire que
le fradens ait eu l'intention de transfér er la propriété. Ains i
donc, on le voit, si en théo rie, l'erreur s ur la cause, sur le motif immédiat, n'atteint pas le contrat, en pratique, elle en détruit ou en paralyse toutes les conséquences, p ar des actions
personnelles mises au service de celui qui en a soulîert.
SECTION' "V"
Erreur sur les motifs du contrat.
Elle n'a aucune influence sur la validité du contrat, car l'erreur sur les motifs n'empêche pas le consentement d'être entier
et parfait. En outre, on ne p eut tenir compte des motifs innombrables que peut avoir un agent en contractant, en se libérant,
en faisant un acte juridique quelconque. Ces principes sont très
nettement posés par les Ins titutes: « Longé magis legato {a/sa causa
« non nocet, reluli non ila quis dfrer-il: 1'ilio, quia absente me nea gotia mea cura vit, Sticllum do lego .... licét enim neque negotia
« testaloris unquam gessit Titius, legatum lttmen valet.» (Inslit. §31.
L. II. Tit. XX). La loi 52 au Litre de condictione indebiti est encore plus générale : << Damus ob causam, aul obrem. Ob causam·veluli e-i.Lm ideo do, quod aliquid a te consecutus sum, vel qw·a aliquid a te factum est : 111 étiam si {a/sa causa sil, repet1'tio tj11s, pecu:
niœnonsit. (L. 52. 12. 6. D.) (1) Cependant s i les parties ont en~
(!) V. L. 65.S 'l.l'l.6 D,
-
63 -
tendu donner aux motifs une importance capitale au point de Yue
du contrat, si l'erreur porte sur ces motifs, le contrat sera nul.
Le plus souvent on exprimera celle importance sous forme de
condition et alors la condition venant à défaillir, il est naturel
que le contrat .soit considéré comme non avenu (L. 3. 39. 5 D.)
Avant de terminer cette étude sur l'erreur dans les contrats
il importe d'examiner la question suivante: quelle volonté doi~
vicier l'erreur, pour avoir une influence sur la validité du contrat ? La réponse est faci le: la volonté du contractant. Mais en se
r~-t-il de même quand le contractant agit au nom et pour le cornpt;
dune autre personne? Cela nous amène à dire quelques mots de
1a s 1'tuat'ion spécia
. le qui est faite au pater familias, au pupille et
au mandant dans le cas, où le contrat est fait pour leur compte
par l'esclave ou le fils de famille, le tuteur, le mandataire.
Quand un esclave acquiert la propriété d'une chose, peu importe <le savoir si son maitre a erré ou non, car celui-ci acquiert
la propriété à son insu : « Item nabis adqufritur quod servi
« nostri ex traditione nanciscuntur, sive quid stipulentur vel ex
c< qualt:bet alia causa adquirant ; hoc enim nobis et 1·
9110 _
« m11tibus et invilis obveriit (Inslit. § 3 Liv. U Tit. IX.) Donc
quand l'acquér eur de la propriété est un esclave, il suffit de rechercher si son consentement à lui, s'est troU\·é ou non Yicié
par l'erreur. Que si au contraire, il acquiert la possession
d'une chose, c'est la volonté du maitre qu'il faut considérer
parce 11ue si l'on peut acquérir la possession corpore alieno '
c'est-à-dire par l'appréhension d'une autre personne, on ne peu;
l'acquérir alieno animo, parce qu'on ne peut emprunter à autrui la volonté de se colllporter comme propriétaire à l'égard
de la chose; or, conune l'existence ùe ces deux éléments est
indispensable pour l'acquisition de la possession, et comme un
de ces éléments ne peul-être abandonnée a w1 autre personne
�-
6t -
par le contractant , il en résulte que c'est l'animus du maitre
seul qui doit être étudié pour saYoir s'il 'f a erreur: P omponius
quoque in his, quiœ nomine domini possidentur, domini potius
quam sen·i <t'Olwitatelll specla11dam ail ( L. 2. § 12. 41. 4. D. )
Cependant, il y a une excep tion à ce principe quand il s'agit
d'une acquisition faite e:i: causa pec11liari: quocl si peculari tune
mentem servi quœre11dam (eod . loco). Dans le cas on s uppose
non seulement que le maitre a, le jour oü il a accordé à son
esclave le droit d'ayoir un pécule, donné un autorisation généra le
p ortant sur tous les actes d'acquisition que fera it cet esclave,
mais encore quïl emprunte l'a11im11s possidendi de cet esclave
puisqu'on reconnaît que l'esclaYe acquiert même pour ceux
qui ne peuYent avoir d'ani11111s possidendi personnel : Item
adquirimus per sernun aut (ilium qui i'n pofeslate est,
et qw'dem earwn 1·er11m f}llas pec11/iarite1· tenent etiam 1'g1101·antes; qw·a nostra t'oluntate ù1telligantur posside1·e, q1d eis
7Jecuhum habere pe1•mise1·inws. I r;itur ex causa peculiari
et infanset furiosus adqu inmt possession em . .. (L.1. § 5. 41.2. D.)
Car, dit un autre texte, à propos des choses acquisespeculiarife1·
V idenwr eas, eorumdem(lecolon ou l'esclave) et am'ino et corpore,
posside1·e (1) li y a donc ici exception à cetle règle qu'en matière da
possession , l'anùnu.~ doit êlre celui du matlre et il faudra décider,
dans les cas de la possession d'une ch ose acquise peculiariler
que c'est du consentement de l'escl::l.Ye seul quïl faut se préoccuper (L. 2. § 10. 11. 12. 13. 41. ..i. D.).
Les mêmes solutions doi\·ent être données à l'égard des fils
de famille, en tant qu'ils ne possétlent pas de pécule; il ne peuYent alors acquérir que pour le pater familias ; et de même,
pour les objets qui enlrenl dans les cliYers pécules, pour la disposition et l'administration desquels ils sont tenus pour patres
rt) L. 3 î 12. 41. 2 .
1
. (2) La L. ~4. î 1. 41. 2 donne ln raison de cette excep tion : Utiïtatis c<wsa
Jure t~nguLari re~eptum, tte cogerentum domini per momenta sptcies et causas
peeuhorum inquirere.
'
- 65 ( amih'as, c'est leur Yolonlé exclusive et absolue qu'il faudra étudier a u point de n ie de l'erreur. Dans les actes où ils agissent
en leur propre nom, c'est leur volonté qui doit être intacte: p ar
exemple pour le délai d'une possession de biens qui leur est déférée. Cfrca tempora bonon"n possessionis, patris scientia, ignoran ti filio non noce! (L. 3. 38 15. D.).
Le tuteur peut, soit à canse de l'état du pupille, soit à cause
de la nature de l'acte , administrer ses biens et agir en son lieu
et place, ou bien se borner à laisser agir le pupille lui-même et
à lui donner son auclon'tas. Quand il administre, c'est lui qui
est l'acheteur, le Yendeur ou le créancier ; c'est donc son consentement, qui doit être exempt de tout vice et de toute erreur.
S'il est de bonne foi et si les actes qu'il fait sont valables le
'
pupille doit en subir les conséquences, puisque ces actes sont
fa its dans son intérêt. !ais si, au contraire, !"acte exige l'int ervention personnelle du pupille el que le tuteur lui donne
simplement son aucf01·iias, c'est la Yolonté du pupille qui ne
doit pas être Yiciée par l'erreur.
Je donne mandat à Séius de gérer mes a1Iaires. Dans un acte
déterminé, Séius se trompe. Cette erreur, si elle remplit, d'ailleurs, les conditions que nous aYous longuement étudiées, Yiciel-elle le contrat? Oui, parce qu'en Droit Romain, le procurator
tout au moins dans le principe , agit en son propre nom. Aussi
,
c est son consentement qui doit è lre intact: s'il vend, s'il achète,'
bien qu'il Yende la chose du dominus, llien qu'il achète pour le
dontinus, c'est lui qui est lié, parce que c'est lui qui contracte.
Cela ressort du Lex.le des Institutes. Et hoc est quod dicitur,
pe1· e."Ctraneam personam, niliil adq11iri posse, e.rcepto eo quod
Pe1' li/Jeram personam, velu li pe1· procu1·ato1·em, placet non sol um scientibus sed et ignorantibus 11obis adquiri posse, scc1111dum Divi Severi constit1dt'o11em, si dominus fiât qui fradidit,
vel usiteatJionem aut longi tempol'is p1·œsc1•iptionem si domius
5
�- 66 ·t (S 5 Livre II T itre IX. Institntes). (1) Et cela v ient
11011 fiut . ::> •
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de ce que comme d 1ï CuJ·as .• quod p1·oc1wafor ha ea vo zm al
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mandant
emprun
e.
11
tem siL•e ma ndatum , eJ 11S cu 1
'
..
tlonc l'aninw s de son mandata ire, en vertu du mandat qu 1l. lu1
a donné, (exception à la r ègle que l'on ne peut posséder a11i 1110
alieno).
CHAPITRE
m.
De l'Erreur dans le mariage (2).
Le mariage est de tous les contrats celui où l'in tuitus personœ a le plus d'importance. Aussi ,quoiqu'il soit on ne p eut plus
difficile dïmaginer qu'il puisse y avoir erreur sur la pers~nne,
si cette erreur existe, elle s uffira pour faire rompre le manage.
n se peut aussi que l'w1 des conj oints, se soit trompé s ur les qu~ lités qu'il croyait trouver chez l'a utre ; victime de cette erreur 11
( l) (C. 1, Code 7. 32. ).
.
( 1) En matière d'affranchissements l'erreur n'a absolumen t au cun ~ mau en ~e
omme dans les cas s uivants: l.Jn mi neur dc'lO ans peut se sous traire à la ri -
;ueur de la loi .1Etia Sent.i a qui annu le les a!Ira nch1ssements q u'il fait s'il a une
· ste cause el si celle ;"usta causa est approuv6e par u n consei l, com posé à. Rome
JU
· ur se soit
de sénateurs, et dans les provinces de recupéraleurs. a·1en que 1e mine
t rompè sur la cawa., si elle a été approu vée par le con~ itiu.m . l'a[ran( h1ssemeotest
définiti f c Semt L autem causa probata, sice t:tra. s1t. sive fa.Isa. nori retra.ctatur
(Institut ~ 6 ltvre L Ti tre Vl). Non etiam ca.1ua. jam proba.ta. retra.ctanda. est
( L. 9 ~ l·. 40. 2, O.). Autre cas rl'erreur : Quoti~s. Dom.in.us servum ,ma~~
m itta.t quam vis c.û :itimet alien ton e.<se euni. ml11l onun11s verum est .. v o .
luntat ~ domi ni servum man u missu m et Uleo liber erit . Et e;; contra.~o, S'
se Sti chu m non put a.ret ma.n u mil t entis esse, nihil om in usUberta.t em ront •.ngere.
Plus eni m in re est qua m ili e:i;! ~ t imatio n e;et utroque casu verumut,Stichum
vo lunt at e domini m a.rm missum es1e. Jde1n q1w j uris est, et si domin us. et
et servus in eoerrore essent , u t neque i Lle se dom inum , nec hic se servum e1us
pu ta.ret. (l. 4 ~ l. 40. ~, D .).
-
67 -
pourra briser le mariage, divorcer par voie de répudiation,
par exemple, c'est à dire en exprimant formellement sa volonté de
rompre les liens du mariage. De m ême, si le mariage était contracté a u mépris des règles sur la parentè ou le connubium, les
époux de bonne foi pourront éviter les peines dont sont punis ceux
qui ont violé ces règles, en renonçant à.la vie commune. L'erreu r
peut aussi porter s ur la qua lité des époux, au point de vue de la
na tionalité ou du droit de cité. Cette question mérite qu'on s'y
arrête, un instant. Gaius dans le livre 1 de ses commentaires
(§ 67 à 72.), indique cinq hypothèses différentes qui peuvent
donner lieu à l'en·oris causœ probatio, moyen légal par lequel
les époux feront cesser l'irrégularité du mariage et légitimeront
les enfants qui en sont issus.
1° Un citoyen romain épouse une latine ou une p ér égrine qu'il
cr oit être romaine.
2° Il ép ouse une latine ou une pérégri ne, se croya nt latin luimême.
3° Une r omaine épouse un pérégrin tanquam civem romanum
vel latinum, avec intention dans ce dernier cas, d'user du moyen
que la loi /Elia Sentia met à sa disposition pour régulariser son
union par la causœ p1·obatio.
· 4° Un latin épouse une pérégrine croyant qu'elle est latine ou
romaine.
5° U ue latine épouse un pérégrin quem latinum esse creder·et.
Dans tous ces cas, et l'on peut dire qu'ils sont limitatifs, il sera
permis a u conjoint qui est Yictime de l'erreur d'en redresser les
conséquences, de faire de cette union irrégulière des jusfœ m1ptiœ, de faire acquérir le droit de cité à celui des deux époux qui
ne l'aurait pas ou anx deux, ainsi qu'à l'enfant(s'il n'était pas né
d'une r om aine et d'un latin, car da ns ce cas, depuis Adrien, il
était romain) et de faire tomber sous la puissance paternelle les
�-
70 -
lïmportance du testament et de son caractère unilatéral, nous
perm et d'expliquer la rigueur des juriconsultes qui veulent que
a volonté du testateur pour être indéniable et évidente revête
certaines formes déterminées, qui excluent le m oindre doute;
Solemnis autem institutio, hœc est : T itius hœres esto. Sed et
illajam comp1·obata videfu1· : Titium here dem esse jubeo . At ill
non est comprobata: Titiwn he,·edem esse volo. Sed et illœ a ple.
1·isque improbatœ sunt : heredeni i nstituo, item heredem ( acio
(Gaius II § 117) .Et si plus ta rd , le testament s ubit lui aussi les
conséquences de l'évolution qui laiss1 des traces dans toute la
législa tion en amoindrissant, on peut même dire en annulant la
valeur des formules et s i l'on devint moins for maliste et m oins
rigoureux, pour les formes extérieures du consentement, on
exigea, de tout temps, que la volonté du testateur ne put être
contestée. Aussi, en cette mati ère des s uccessions et des testaments, la plus légère erreur, soit de fait, soit de droit, excusable ou inexcusable, doit être so igneusement étudiée parce que,
comme dit M. de Savigny: (< l'erreur ex.erce une in!luence plus
(l marquée sur les actes juridiques r elatifs aux droits de s uc« cession que s ur les actes entre vi fs. » Les R omains, en elTet
ne consentaient à subs tituer l'hérédité ab intestat à l'hérédité
tes tamenta ire, les règles précises de la loi à la volonté du teslateur, que dans le cas où cette volonté n'était pas s uffisamment
établie.
Le testateur a pu se tromper s ur sa véritable condition; da ns
ce cas l'erreur vicie le testament, car il faut qu'il sache en vertu
de quel droit, il dispose de ses biens : De statu suo, dubitantes
vel errantes, testamentum (acere non possunt (L. 15. 28. 1. D.).
Dans ses règles, Ulpien n'est pas moins formel que dans son
livre II Ad edictum d'où est tiré le texte précédent : qrà d
statu suo incertus est testamenlum (acere non potest (Ulp. Regs
XX § 11) . Ainsi pour citer l'exemple de ce j urisconsulte : un fils
-
71 -
de famille ignore qu'il est .<Jui juris par suite du décès de son
père qui est mort à l'étranger et dont il n'a pas eu connaissance. « Quod paire pere9re morfito, ignorai se sui juris esse. ,
Malgré cela, il fait un testament, acte nul. Autre exemple de
Paul, qui le fait suivre de la règle: Qui in testamento domini
manu missus est, si 1·9no•r at dominum decessisse, aditam que
ejtt.<J esse hereditatem, testamentum f acere non pofest, licet
jam pater fa milias et sui /uris est, nam qui incertus de statu.
suo est, cerlam le9em., teslamento d icere non potest. (L. 1-1.
28. 1. D.). Cependant pour le cas où l'esclave est a!Iranchi par
testament, r empereur Léon introduisit une exception â. cette
règle générale, dans sa Constitution XXXVII, qui porte pour
titre : Ut domini testamento manu missus, si ilium decessisse
aditam que ejus hereditatem 1·gnm·at testat·i possit. - Il ne
tient aucun compte de lïncertitude où l'affranchi s·est trouvé
de sa condit;on et il lui permet de tester : en voici la raison :
u Non decet enim ut qui libe?·tafts di9nitatem manifeste accepit;
ob incerfam suspicionem. i9nominia a(ficiatur, atque a teslando
arceatur.
Supposons que le testateur, en pleine connaissance de statu
suo et de son droit de tester, se trompe sur les diYerses formalités ou conditions exigées par la loi, pour la validilé de l'acte
testamentaire : ou bien ces conditions et ces formalités ont été
r éellement remplies, et alors malgré la fausse croyance du testateur, le testament e t valable; ou bien elles ne ront pas été
et alors l'acte est nul, non parce qu'il y a eu erreur du testateur,
mais plulôt parce que les prescription · de la loi n'ont pas été obsenées. ~lais, ici encore, une restriction a été apportée au principe
e t l'on fit admettre que lorsque les conditions ou formalités exigées
à peine de nullité par la loi, n'auraient pas été obsen·ëes, par
suite d 'lme erreur invincilJle dans laquelle tout le monde serait
tombé, par suite d'une erreur commune, l'acte ne serait pas Yi-
�-
68-
enfants dont la filiation paternelle était jusque là, incertaine aux
yeux de la loi, et qui étaient regardés comme vulgo concepti.
Pour atteindre ce double but, on recourra à l'erroris cau.sœ
p1·obatio. On prouvera en justice, l'erreur dans laquelle on est
tombé, si cette erreur est démontrée et s i un en fant au moins
est déjà issu du mariage, le mariage sera régularisé et l'enfant
ou les enfants tomberont sous la puissance de leur père. Cependant
le premier seul de ces effets se produira, s i la femme romaine
avait épousé un déditice. Les enfants, dans ce cas, aur.ont une
filiation paternelle certaine, mais ne tomberont pas sous la puissance de leur père : ni si quod scilicet qui dedititiorum numero
est, in sua conditione pe1·manet, et ideo filiwn quamvi's fiatcit,is
romanus, in pofestatem patris non 1•edigitur (§ 68 in fine Gaius
Com m. 1) .
Dans la suite, l'erroris causre probatio tomba en désuétude .
Le prince s'arrogea le droit de légitimer les enfants et de régulariset· les mariages illicites par de s imples rescrits; mais, il
semble qu'il décidait d'après les principes généraux sur l'erreur,
pour accorder cette faveur dans le cas où run où les deux conjoints s'étaient trompés. Ainsi Marc-Aurèle et Lucius Verus
s'expriment a insi en s'a<ll'essant à une femme: « lt1ovemur el
« femporis diutu1'nitate, quo ignara ju1'is in matrimonio avun
<< culi fui fuisti et quod ab avia tua collocata es, el munero li« bero1·um vesfro1·111n : id cfrco que cum hec om11ia in unum
« concurrunt, confirmamus stafwn liberorwn t,•estro1·1w1 in eo
« matrimonio quœsitorum, quod ante an nos quadra[Ji tda con(/. fractum est, pe1·inde al que si Le[!itime concepti fuissent. »
(L. 57 § 1. 23. 2 D.). De même Jus tinien dans la ovelle 154 dit,
à propos des nombreux mariages illicites contrnctés dans une
province et qu'il veut bien régulariser:« Ma.cime ve1·0 quia ag1·es« tis et plurimum multifodo hœc f er·tw· detinque1•e ». Quoiqu'il
en soit, l'erroris causœ p1·obatio, de générale qu'elle était, devint
- 69 une faveur spéciale et particulière. Son effet certain était de légitimer des enfants, nés d'unions irrrégulières. Elle en avait
d'autres : comme par exemple, a lors même que faite postérieurement à la mort du père, elle permettait à ceux qu'elle avait
légitimés de venir à la succession comme sui heredes (Gaius III
§ 5). Mais en droit romain, il n'existe pas comme en droit français, une théorie sur les mariages putatifs et tout dans cette
matière est conjecture.
CHAPITRE IV
De l'erreur en matiére de successions et de testaments .
La législation romaine donnait une importance considérable
au testament. On peut dire que de tous les actes juridiques, le
testament fut celui qu'elle régla aYec le plus de soin et le plus
de détails. En même temps que l'ensemble des biens du défunt, l'hérédité comprenait le culte domestique et l'obligation
principale, le deYoir sacré pour \"héritier testamentaire consistait à faire honneur aux eng·1gements de celui qui l°aYait
institué, de ne pas laisser souiller sa mémoire par la bonorrtm
venditio, ni tomber entre lles mains étrangères les sacra privala du défunt. La portée de cet acte, e:dgeait donc que le te·tateur fut 'absolument libre et conscient de ce qu'il faisait; car
ici, il n'y a pas, comme en matière de contrats, possibité d·étudier le double consentement des parties contractantes et de
savoir par l\m ce qu'a voulu l'autre, puisque le testament est
essentiellement unilatéral. Cette double considération tirée de
�-
72 -
cié. Cette hypothèse d'e1·ro1· communis ne peut guëre se présenter en matière successorale, qu'à propos des témoins appelés à
assisler le testateur (§ 7. Liv. II. Tit. IX. Inst.). Ainsi, un
esclaYe assiste comme témoin le testateur, s'il est tenu pour
libre par tous, bien qu'il soit incapable a u moment de la. confection du testamen t, son incapacité n'a a ucune innuence su r la
validité de l'acte, erro1· communis (acit J1ts. (1). Mais ce n'es t
que pour certains cas déterm inés, parmi lesquels il faut comp ter le précédent que cette exception fut introduite ; cela ressor t
de la Noyelle 49 de l'empereur Léon qui s'exprime ainsi : Ve1·11111 tamen quia 11011nullœ le9es servilis conditionis hominibus,
in quibus dam (2) r'ebus testari concesse1·11nt, viswn nobis est,
hoc nota inducendum esse ut, qui libe1-ce vitœ participes no11
sunt, in universwn ad testandum non admittantw· (Const. 49
Léon. Imp. Ne sei·vi ad dicendum tesfimonium admitfantur).
INSTITUTION. - Quid, si l'erreur du testateur porte sur l'institué? Se trompe-t-il sur l'existence même de cet institué, le testament est maintenu. Il ne s'agi t ici, ni du cas ou l'institué n'est
pas encore conçu, ni de celui où il est déjà mort, le testament serait absolument et radicalement nul. Voic i l'espèce
prévue par Ulpien, pour donner un exemple de cette erreur.
Le testateur a, à la campagne une petite fille qui est enceinte
au moment où il teste et il libelle ainsi ses dispositions testamentaires : Quod in utero habet, ex parte heres sil. l\Iais au
moment de la confection du testament, sa petite fllle était
déjà accouchée d'un garçon. Le testateur a-t-il Yalablement
institué son arrière-petil-fils? An institutio heredis valeat
. ( 1) L'adage error communis (acit j11s, conservait toute sa portée dans plusieurs autres cas, bien plus importan ts que celui que nous venons d'indiquer•
Il s'a~pliq uait, par exemple, aux actes faits par les magistrats qui auraient
réussi à tromper le p ublic sur leur vdtitable condition (L. 3. l. !11 D .).
('2) Voici quelques-uns des cas auxquels rait allusion cette c:>nstitulion (L. 58
'2.21. 1 D. - 7.
3 D. - L. 7. 2'? . 5 O. - Nov. J ust XC. Cap. VI.
n
- 73
cum quo fempor·e, qi10 scriberetur Ü!stamentum, jam editu&
esset pm·tus ... licef i[Jnoranfe tesfafore, tamen insfitutfonem
jurf! (actam videri, 1·ecte responderi (L. 25 § 1. 28. 2 D.). Il y a
bien ici erreur de fait du testateur, mais on suppose avec raison, que puisqu'il consent a avantager un enfant qui n'est pas
né, à fortiori sa disposition doit valoir en faveur de cet enfant
déjà venu au monde.
L'institué existe réellement, mais le testateur l'a désigné
comme son héritier, en le prenant pour un autre : l'erreur sur
la personne (et non l'erreur sur le nom) vicie le testament: quoties volens alium heredem scribere alium scripserit, incorpore
hominis err·ans (velu fi pat~r meus, pafronus meus)placet neque
eum heredem esse qui scriptus esf,q11oniam volunlafe de ficifor,
neque eum quem voluit, quoniat11 sc,'iplus non est (L. 9 pr. 28.
5. D.) Ce tex.te n'est qu'une application du principe que nous
avons développé: que l'erreur sur la personne, si cette considération est décisive, vicie radicalement l'acte juridique où elle
est commise.
Que si au contraire, l'erreur ne porte que sur la cause où les
motifs de l'institution; par exemple, Titius m'a institué parce
qu'il croit que j'ai géré ses a!Iaires, ou bien, si elle ne tombe
que sur une qualité del'institué, elle ne vicie pas le testament; car
assurément le tex tateur eut tout aussi bien disposé de ses biens
'
en faveur de lïnstitué, encore qu'il n'eùt rien fait pour lui ou
qu'il n'eut point les qualiMs qu'il lui suppose. On ne peut faire
dépendre la validité d'une institution, de l'erreur secondaire
portant sur un motif ou sur une qualité accessoires. Ceci n'est
encore qu'une application de principes exposés plus haut à
propos de l'erreur dans les contrats.
Cependant, trois exceptions viennent ici déroger à ces principes. Voici la première: l\I. ùe avigny, la formule ainsi:
« L'institution d'héritier est nulle, si elle a été faite ùans la
�-
74-
« croyance d'un lien de parenté existant entre le testateur et
« l'héritier. Si l'héritier est un enfant supposé du testateur, la
« s uccession est dévolue au fi sc pour cause d'indignité ; dans
« tous les autres cas, l'institution est réputée non écrite (1). »
Au(er fur ei quasi indiono surcessio, 1ui cum heres insf1"fut11s
esset, ut filius post 11101•tem ej11s qui pafe1· dicebatur, suppositus declaratus est. >l (L. 4G, pr. 4!), H D.) et de même : « Si
pafet· tuus, eum quasi (ilium suum heredem 1'nstituit, quem
(alsa opinione ductus s1wm esse ci·edebat, non institurus si
ah'enum nosset; is que postea subditus esse ostensus est;
au(erendam ei successionem , D ivo1·10n Severi et Antonini
placitis continetur. C. 4, Code C. 2 1).
econde exception. Les empereurs décidèrent que quand le
testa teur aYait institué un esclave le prenant pour un homme
libre, lïnstitution ne vaudrait pas pour le tout, et s'il y avait
un substitué, la succession serait pa rtagée entre lui et lïnstitué
par portions égales ..... I n eo ve1·0 quem patrem (amdias esse
a1·bitrafz.t1· (illa verba si heres non ei·it) illud sigmj'icant, si
hereditatem sibi ei ve cujus /uri postea sub/ectus esse cœpenï
non ad quisierit; id que T1'beri us Cœsar in persona Parthemï
servi sià, constituit (§ 4. L. If, Tit. XV Ins tit. ) Mais on le voit,
la portée de l'exception elle-même a été restreinte et l'erreur
.sur la qualité, même dans cette hypothèse, n'annule pas l'institution tout entière, elle ne l'annule que pour moitié. Comment peut-on justifier cette décision? D'après les uns elle est
inexplicable : - car il est absurde de prendre le milieu entre
la formule écrite (et le principe veut qu'on s'en tienne à ce qui
est écrit) et la pensée du testate ur, qui, ici n e se dégage pas
nettement, car on ne peut savoir d'une façon certaine s'il a urait réellement institué cet héritier, s'il aYait eu connaissance
(1) De Havigny III, p. 365.
-
75 -
de sa condition d'esclave. D'après les autres qui s'appuient sur
ce texte d'Ulpien : in conditionibus primum locum, volunlas
de(uncti obtinet, ea que re9it conditiones (L. 19, 35, 1 D. ,) ici
le testateur a soumis la vocation du s ubstitué à une condition :
à la condition que l'institué ne recueillerait ni pour lui, ni pour
quelqu'un dans la puissance duquel il serait tombé après la
confection du testament. Or, cette condition se trouve accomplie
puisque !'institué étant esclave, n'a pu acquérir que pour le
maitre sous la puissance duquel il se trouvait au moment où
le testateur disposait de ses biens. Aussi le substitué Yient-il
prendre la place de !'institué; mais comme il ne recueille la
succession que parce que le testateur s'est trompé sur la qualité de l'institué, et qu'il est de règle que l'erreur sur les qualités ne vicie pas l'institution, il a été admis pour ne dê:sobéir
ni à ce principe de l'erreur, ni aux principes des conditions que
les deux appelés concourraient (LL. 40 et 41 , 28, 5, D.)
Troisième exception.
L'institution d'héritier est encore nulle, si elle est faite dans la
supposition erronée du décès d'un héritier ab intestat ou d'un
h éritier institué antérieurement (1). On .se fonde sur un texte de
Paul qui étudie l'espèce suivante : Le testateur institue un héritier et pour le cas où il ne recueillerait pas la s uccession, il lui en
subs titue un autre. Le s ubstitué meurt et le bruit se répand que
!'institué est mort aussi. Le testateur refait son testament
et choisit un autre héritier: quia heredes quos volui habere
milii, contine1·e non potui, 1Yovius Ru(11s lieres esfo. Or il
se trouve que le premier in titué n'est pas mort et il réclame
le maintien du premier testament. Bien que l'erreur n'entache en
rien l'institution et qu'on dùt maintenir le second testament on
lui préfére le premier : licet modus institutione confi11erelur,
(1 ) De Savigny eod.
loco.
�'i 6 -
-
quia (alsus non solet obesse, tamen e:r voluntate teslanfù;,pulavit
impe1·ator ei subue11ie11dum; ? [Jifu1·p1·onw1ciavit he1·editatem ad
(p1·im11m infitufwn) pe1 ·ti11ere (L. 92. 28. 5. D.). Mais ici encore
l'exception ne détruit pas absohlll1ent la r ègle, puisque l'empereur coonita causa,décide que l'liérécli té sera cléférée à l'ins litué du
premier testament, m ais il l'olJlige à payer tous les legs contenus dans le second oü il n'éta it pas inslitué héritier : Sed legata e:r posteriore festamento eam pre:stare debere : proùicle atqtte
si ù1 posferio1·ibus fabulis 1'psa (uisset het·es scripta (1). Autre
0
exemple et même décision rapportée par Paul : Une mère croyant que son son fils est mort, l'omet dans son testament et insstitue d'autres héritiers. Adrien décide que le fils recueille la
succession, bien qu'il ne soit pas scr1'ptus in tab11lis, maisqu'il
qu'il sera tenu de respecter les legs et les affranchissements contenus dans le testament qu'il aattaqué(L. 28. 5. 2. D.)Cesexcept ions ne sont donc pas absolument exclusives de la règle, que
l'erreur sur les motifs ou les qualilés n'a aucune influence s ur le
testament; elles n'ont été introduites qu'en faveur de l' intéressé
parce qu'on s'en r apporte plulùt à l'intention d u t est a teur qu'à
ce qui est ecrit. On décide ex vobmtate testantis.
La loi des xrr T ables (ita leoassit super pecunia tututelave suce 1·ei itaj11s esto), en proclamant souveraine
la volonté du pater familias, ounait la porte à l'arbitraire et
donnait pleine liberté à son caprice. Il était en e!Tet permis au
testateur, du jour le con trole <le ses dispositions tes tamentaires
n'était plus exercée par les comices, de <leshériter ses enfants
sans raison, ni motifs. On annulait a insi le principe par lequel les
sui lzeredes étaient considérés comme copropriétaires des biens
de leur père: Qui etiam vivo paire, quodam modo domini exisEXÉRÉDATION. -
-
timantur(L.11.28. 2. D.) (1 ) Po.~t mortempatris non heredlaiem
percipere, sed maois Liberam bonorum administrationem con.~e
quunfur. Aussi pour ne pas faire pièce à la puissance paternelle
et dans un intérêt de proteclion des enfants, on obligea le testateur à exclure de la success ion, ceux de ses enfants aux.quels il
ne voulait pas la trasmettre ; on lui imposa de manifester sa
volonté d'une façon formelle en les exhérédant. Quelle est l'influence de l'erreur en matière d'exhérédation ? ,.oici trois hypothèses étudiées dans le paragraphes 1-1, 15 ~t 25 du titre : De
liberis el posllzuMis he1·edibus, it1sfifuendis vel exheredandis
(Liv. 28. Tit. 2, D.).
r • HYPOTHÈSE. - Supposons que le testateur ait exhérédé
son fils en ces termes: i/le quem scio ex me natum non esse,
exheres esto. i ce llls plus t1rd, vient a établir sa filiation légitime, l'exhérédation est nulle, le testament annulé, il
recueillera la succession et en voici la raison: non enim videri
.quasi filium exheredatum esse cum elooium pater, cum {ilium
exlte1·eda1·et, propôsuisset et adjecissetpr·opter eamcausam exhereda1·e, probaLur que patrem circa çausam éxheredationiserrasse
(L. 14 § 2. 28. 2. D.).
000
2 HYPOTHÈSE. - ll en serait de même si le testateur avait dit :
J 'exhérède Titius, fils de Mrevius,pafrem eiper en·orem adsignans
(L. 15, 28 . 2. D.)
3m• HYPOTHÈSE. - Si le père après avoir institué un héritier, exhérède ses autres enfants : cœteri om11es filii filiœ que meœ exhe1·edes sunto, un de ses fils qu'il croyait mort sera-t-il compris dans
cette formule et sera-t-11 exhédèré? On peut soutenir que r exhérédation n'atteint pas le fils, quempaterpulavit decessisse. (L. 25,28,
2. D.)
Disons maintenant quelle est, lïnfiuence l'erreur
sur le · legs. - En matière ùe legs, l'erreur peut tout d'abord
LEGS. -
( 1) Dans l'espèce, c'était une femme qui <\tait i:Jstituée dans le premier testa·
ment.
77 -
(1) § 2. lI XlX Inst.
�-
78-
porter sur l'objet lui-même, su r la chos e légu~e, in ips~ corpor.e
/egati. Dans ce cas le legs est annulé. Et si in requis e1-ravit
td pu ta dum vult lancem derelinque1·e, vesfem Zeoet neufrum
debeb1't (L. 9. § 1. 28. 5. D.) . On ne peut en eliet dire quel est
l'objet qui doit être remis au légataire. Ce n'est pas celui qui
est indiqué dans le testament, puisque dans ce cas le consentement du testateur fait défaut ; ce n'est pas celui que le testateur
voulait léguer quisqu'il n'est pas écrit in tabulis.
Si l'erreur ne portait que sur le nom, le legs est maintenu :
En·o1· lzujus modi nihil officit ven'tati (C. 4. Cod. 6. 23.). (1).
Même solution p our l'erreur sur une particularité ou une indication sur l'obje t légué. : F alsa demonsfratio legatwn non perimit (L. adde 33. p, 35.1. D.). Et conveniente1·, si da demonstrave1·it, Sticliu m servwn quem a T itio emi, sit que ab alio emplus,
utile est legatum, si de se1·vo constat : Si q11 is ancillas cwn suis
natis legaverit, etia111 si ancillœ mo1·fllœ (u erint, parfus legato
ced unt ( § 29 et 30. e t 17. - Ins t. Lib. II. Tit. XX). Il faut décider de même pour l'erreur sut· une qualité de l'obje t ; elle
n'influe en r ien sur la va lidité des legs : Igitur et si ita servus
lcgalus si l, Stichum cocwn, Stichum sutorem, Titi o /ego; neque
sutor sil, ad legataritwi pe1·tinebit, si de co sensisse testatorem conveniat. (L. 17. § 1. 35. 1. D.).
Quid s i le testa teur se trompe sur la propriété de l' objet légué
si croyant léguer sa propre ch ose, il dispose de la ch ose d'autrui ? Le legs est valable ou nul , selon que le testateur a s u ou
iao noré que la chose n'était pas dans son patrimoine : Quod au-.
tem diximus alienam re111 posse teuari, ita inLelligendum est, si
de(unctus sciebat alie11am ·r em esse, non et si ignorabat; (orsitan enim si scisset alienam, 11011 legasset. (§ 4. Lib . II, tit. XX
Inslit.) et c'est au légataire à dém ontrer que le t estateur savait
( 1) Adde L. 4. p. 30. 1. D, - L. 17 ~ !. i. C. 35. 1. D. - ~· 29. Lib. If. Tit,
XX. fos tit.
-
79 -
bien que la chose léguée ne lui appartenait pas. Ce n'est là. que
l'application du principe qui met la preuve à la charge du demandeur. Cependant pour ce cac; pa rticulier il y eut quelque
h ésitation à suivre la règle générale. - Voici en effet comment
' erius esse e:ristimo ipswn qui aoit, id est
s'exprime Marcien: "V
ïe9atarium p1·obare oportere, scisse alienam r em vel obligatam
Zegare d e(uncfwn : non heredem probare oportere, ignorasse
alienam vel obligatam quia semper necessitas probandi incumbit illi qui agit (L. 21. 22. 3. D). Et il avait lieu de douter, car il
est s ing ulier de présumer l'erreur du testateur sur la consistance
de son pa trimoine. Aussi tout en s'inclinant devant le principe,
dispensa-t-on le légataire de faire cette preU\·e dans deux cas
d éterminés. Tout d 'alJord, quand le legs est fait en faveur d'un
proch e parent, le légataire n'a rien a prou,·er. Quod si suam
esse putavi'f : non alite1· L'alet 1·elictum, 11isi µroximœ personœ,
vel uxori, vel alii tali pe1·so11œ datwn sil, cui Le9aturus esse!, et
si scisset 1·em alienam esse. On prés ume qu'ici le testateur déterminé p:i.r son affection, aurait legué l'obj et au légataire, quelque
idée qu'il se fit de sa propl'iété (C. 10. Code G, 37). - Ensuite,
le légataire n'a besoin de faire aucune preuve quand le testament
à été fait au moment où la chose dont dispose le testateur, n'est
pas da ns son patrimoine, mais qu'elle y tombe plus tard, par
exemple par suite de la mort de son fils intestat qui l'a,·ait dans
dans son pécule caslrense (1). Dans cette hypothèse on consiùère
la chose comme ayant appartenu au p ère mème dans le passé.
( L. 4L 30 1°. D.
Le legs sera encore rnlable lorsque le testateur a légué sa chose
en croyant qu'elle appartenait à autrui : nam plus valet quod in t'eril ate est, quam quod rn opinione (S JJ. Lib. IL Titre XX. 1nst1t. ' ;
ou qu'il a disposé comme de s..i. chose J'un objet appartenant à l'hë(l) Nous nous plaçons avant Jus tinien, qui mC1diJia le mode de transmission
du pécule castrense.
�- ·ao ritier . Ici, si l'héritier n'avait pas cette chose,dans ses biens, il seriüt
tenu pour se conformer à la volonté du testa teur, de se la procurer
a fortiori , est-il obligé de s'en dépouiller pour la transférer a u légataire (L. 67 § 8. 30. ::2. D.) Il lui sera, d'ordinait·e plus a vantageux
de s'en priver que de l'acquéri r.
L'e1Teur du testateur peut en ~orc tomber s ur les charges qui
g rèv ent les legs; il croit par exempl e, que le fon ds quï l a légué à
Titi us est libre et au contraire il est g révé d' un droit d'usufruit, d'une
hypothèque ou d"une servitude. Il fa ut encore faire la distinction que
nous avons indiquée plus haut , du moins pour l'hypothèque. Le testateur a-t- il su que le fonds était hy pothéqué, l'héritier sera tenu
de le dégrever. L'a-t-il ignoré, le légataire recevra la chose telle
quelle : comme en cas d'erreur sur la propriété, c'est au legataire à
faire la preuve: sires, dit P a ul , obliyala c1·edilori 1 cuji1s wusam testator non ignora vit per damnationem lega ta sil , luilio ad heredis sollicitudi1lem spectat (P aul II I 6. S 8) . Mais ici enco re on apporta
une restriction au pri ncipe. L'héritier devrait dégrever la chose,
lorsqu'il est certain que le testateur ayant connaissance de la charge
qui pesait sur l' immeuble, au rait légué une a utre chose : Prœdia
obligata ver legatum vel ficle i commissum relie ta, heres luere debet :
maximè cum testator conditionem eon1111 non ignoravil; au t si sc isset,
legatwn tibi aliud quod non minus esse/, (itisset (C. l'i. Code 6. 42) .
l ei donc on suppose que le testa teur a absolument ig noré qu' une
cha rge quelconque gre,·àL l'immeuble ; le légataire devrait, selon la
règle, recevoir la cl1ose a ITecléc de cette charge : en ver tu de cett~
exception , on décide que si le testa teur, instrui t de la condition de
l'objet eut disposé d' une autre chose en fave ur du légataire, l'héritier devra remettre cette chose absolument li bre de toute charge.
Mais admettons que l'on ne puisse pas prouver que le testa teur aura it changé l'obj et du legs, l'objet restera grevé et le l6gatairc
pourra être pours uivi par le créancier qui intentera contre lui une
action hypothécaire ; mais le légataire, muni des actions à lui cé-
- 81 dées par le créancier, pourra recourir contre l'héritier pour obtenir
répa ration de l'éviction qu'il a subie: Quod si testator eo animo fuit,
u t quam quam liberandorum prœdiorum onus ad heredes auos pertinere noluerit, non tamen aperte utique de his liberandis senserit,
poterit fidei commissarius per doli exceptionem a c1·editoribus, qui
hypothecariam secum agerent, consequi ut acti ones sibi exhiberentur.
(L. 57. 30. 1 D.) . Donc en fin de compte, les charges que Je testateur a ou non connues seront supportées par l'héritier.
En ce qui concerne l'usufruit, les textes semblent ne fa ire
aucune dist inction : F und o le9aio, si usus ( r--uctus alienus sit ,
nihi lominus p etendus est ab lterede; usus(ructus enim et si inf ur e non in par te consi.stif, emolumentuoi tamen rei continet ...
Cependant il fa ut lui appliquer ce que nous avons dit de l'hyp othèque, à laquelle la suite du texte semble l'assim iler (L. 66.
§ 6. 31. 2. D.)
Pour les servitudes a u contraire, on ne distingue pas. Inutile
donc de se demander s i le testateur en a connu ou ignoré l'exi tence. Cep endant, si le testateur a légué son fonds uti optinws
maximus que, !"héritier est tenu de le dégager des servitudes qui
am oindr issent sa valeur : si (undus qw le9atus est, sen·itute111
debeat impositam, qualis est dar·i debet :Quod si ita le,q atus sil,
tdi optinrns ma;rimusque, lib~· pr(Psfandu.s est (L. 69 § 3.30. 1 D.)
Pour finir s ur l'erreur en matière de leg , nous dirons quelques mots de r erreur sur la cause et les motifs . Elle n·a aucune
influence sur la disposition, car elle ne détruit pas l'intention
du testateur de gratifier le légataire. Cette intention, en efTet,
peut proyenir d'autres motifs qu'il n'a pas exprimés Œ30 liY. JI
t il. XX. Instit.) :\lais si la générosité du testateur est subordonnée à cette cause, si le testateur ra regardée comme une
co ndition sine qua non du legs, l'erreur sur la cause, ur la condition ann ule le legs · Lo119e 11rngis, legato /a/sa causa 11011 110cet . S ed si condit?"onalite-r emmtiata (11erit causa, aliud Juris
6
�-
82 -
est: veluti hoc modo, Titio si negotia mea curavif, fundum do
/ego. (§ 31 ibid.) On semble exiger pour donner à l'e rreur sur
la cause un certain effet, qu'elle revête la forme conditionnelle.
Cela n'est pas absolu ; si en elTet malgré l'absence de cette forme, l'héritier peut établir que l'intention du défunt, était de
faire dépendre la libéralité de la rGalité de la cause exprim ée,
i l pourra opposer au légataire l'exception de d ol : Falsam causam legato non obesse ve1·1·us est, quia r nlio legandi Legato non
cohœ1·et. Sed plerumqne doli e:rceptio locum habebi t, s1'probetur
alias legatunis fui.<:se . (L. 72 § 6. 3!5. 1 D.) .
Happelons une règle qui est commune à l'hé rilier et a u légataire: l'erreur qui porte sur la personne du légataire, (il ne s'agit
point du nom ) vicie le legs.
'ous avons étudié jusqu'ici l'errenr commise par le testateur
Occupons-nous de ce Yice de consentement par rapport à l'héritier ab intestat ou testamentaire. L 'héritie r en recueillant la
s uccession, en faisant adition , doit avoir conscience cle son
droit, et connaissance de la condition e t de la m ort du défunt,
c'est-à-dire de la source e t cle la na issance de sa vocation; s inon
il fait un acte nu l : Heres ù1stit1d11 .~, s1· putet testatorem vivere,
quam vis jam defunctus sù, ad ire he>'ediwtem non pofest. Sed
et si de conditio1ie lestat01·is incertus .~il, pater /antilias an fili11s
ramifias sil, 11011 poferil adire he1·editate111 : et si ejusconditiollis
sil in veritate, ut testw·i poterit. ( L. ~2 . § 2. 29 . 2. D. - § 7 Lib.
1I Tit. XlXInst.) ( l ) De 1n ème s'il ne sait pas quelle est la nature
el l'étendue de son <lro it : qui .'$e 1mtat 11ecessari11m, vo!ll 11tm·i11s
e,r:ùster·e non polesl (L. lG. 2 9. 2. D. - L. 32 § 1. 2. D.) Et YOici
la raison de ces dis pos itions: ~Van1 ut quis pro lierede .f}er·endo
obstringat se heredilati, se ire debet, <;11a e;c causa hered itas ad
eum pertineat. (L. 22. 29 . 2 D.) .
(1) Adde L. 19, 29. 2. D.
-
83 -
A ces deux textes ou pourrait opposer quelques lignes d'Ul pien, d'après lesquelles l'erreur où s'est trouvé l'héritier de sa
propre condition, n'a aucune influence s ur l'adition d'hérédité :
Sed ét si de sua conditione qui~ di,bitet, an filiu8 fa1fliliri.~ .'lit,
posse eum adquirere hereditatem jam dicfom est ; cur autem,
.9i suam ignoret conditionern adire potest, .~ l testatori.s non potest? I lia ratio est, q11od qui conditionem fe8tatoris ignora(, an
valeat tesfamenfwa d11bitat, qui de .'Wa, de testamentocerfus est.
( L . 34 pr. 29. 2. D.) Cette opinion d'Ulpien est purement personnelle et nous ne la partageons pas. Il s'agit moins du testam ent, que de l'h éritier lui-même. Or, il est indispensable que
l'héritier, tout en n'ayant aucun doute sur le testament, sache en
vertu de quel droit il recueille la uccession. En \'Oici une
preuve com·aincante. Dans le cns où r escla\'e et le fils de famille adwnt hereditate111, la connai sance que le maître ou le
p ère pourraient aYoir de leur droit, ne peut suppléer à leur
ignorance, (L. 30 § i. 29. 2. D.) C'est donc que celui qui e t appelé à une s uccession, est tenu d'agir en pleine connaissance de
cause, bien qu'il ne soit que l'instrument ~·acquisition d'une
autre personne.
~I êroes solu tions en cas de répudiation; ici encore il importe, ']Ue
l'ioslitué n'ignore pas pourquoi et comment il est appelé à la succession. Le moindre doute à cet égard annulerait la répudiation :
Si quis dubitct l'ÎL'al lesta/or nec 11c, repudia11do nihil agii L. 1::5 § 1
2!). 2. - L. 15 ot L . li pr. ibid. D ..
L'hérilier peut encore se tromper ur la rnleur de la succes ion.
Dans le droit classique, à moins qu'il ne fût mineur (Gaü Corn. 1I
§ lli3 1, il deYait subir les conséquence <le son erreur, si lourd es
qu'elles fussent, et encore qu'il eut cherché avec soin à se rendre
exaclement compte des fo rces <le la succession. Adrien réagit le
premier contre cette doctrine rigoureuse et concéda, comme une
faveur spéciale et particulière, à un majeur de 25 ans, de se faire
�-
84 -
restituer contre 1' adition d'une succession trop onére use. Sous
Gordien cette faveur fut accordée à tous les militaires et J ustioien
institua dans , le même but, le bénéfice d'inventaire : Sed nostra
bcnevo/enlia, comrmme omnibus subjectis i111perio nostro, hoc bene(tcium prœslit it, et constittilionem tam œquissimam quam nobilem
sc1·1·psit cuj us tenorcm , si observaverinth omines, li cet eis et aclire hcreditatem et inla11 tum lenel'i, quantum, valere bona hereclitatis conlingit.
(§ 6. Lib. JI. T it . X I X. Inst.). Dès lors l'héri tier pour ne pas laisser confondre son patrimoine avec celui du défunt et pour ne pas
èlre obligé de payer de ses den iers les dettes de la succession , devru remplir certaines forma lités da ns un délai qui dépend des circonstCJnces.
L'erreur sur la consis tance de la succession peut encore p orter p réj udice aux. créanciers du défunt. 'i en eITet l'héritier a
plus de dettes que de biens, la succession qu' il recueille et qui
aur ait peut-être s um pour désintéresser les créanciers de la
succession , sera peut-être insuflisante s i elle tombe da ns son
patrimoine, Car l'héri tier emploiera les b iens qu'elle contient, à
payer ses créanciers personn els; aussi donna-t-on le droit aux
créanciers h éréd itaires, de demander la bono»wn sepa1·atio qui
empêchera la confusion des patri moines et par laqu~lle ils
s'assurerontle droit exclusif d'ètrepayés sur les bien du défunts.
:\fais la bonoru1n sepai·atio n'est réellement utile que dans le cas
ou les créanciers ont pensé qu'ils seraient intégralement désintéressés sur le montant ùe la succession. l\Iais supposons quïls
ne le soient pas, pourront-ils poursuiYre l'héritier sur son propre patrimoin e, aprés qu'il aura éteintses dettes personnelles ?
La réponse à cette question dépend de la solution de celle-ci:
Les créanciers en delllanclant la séparation des patrimoines,
ont-il eu la volonté de regarder la succession du défunt comm e
leur gage exclusif, et de renoncer aux. biens de l'héritier , ou ontils siwpleroent voulu prendre une précaution de nat ur e à garantir
-
85 -
a u m oins le pa iement partiel de leurs créances, s auf le d roit de
r ecourir cont1·e l'héritier en cas de besoin ? Sur ce point, les j uricons ultes ne s'accordent point. Papinien donne a ux. créan ciers du
défunt, non compléternent désintéressés, le droit de poursuivre
l'héritier , ses créanciers personnels une fo is payés ( L. 3 § 2 . 12. 6.
D.)Pa ul et Ulpien an contrai re dise11 t: C1·editores vero fe8fatorisex
bonis heredis, ni!til posse habel'e in s11 u m debitu m . (L. 1. § 17 et :>.
-1:2. G D.). Ylais en cas d'erreur, Ul pien comme Papinien, donne
ü celui q ui l'a commise, le droit de faire considé rer comme
non aYenue la dernan de en séparat ion de biens : Si ta1ne11 te11ie1·e sepa1·alioricm petierint credilorett de(uncti, iinpef,·are veniam possunt,j11stissit11a scilicet i[pwrantiœcausa alle9ala: ( L. 1
§ 17 i. fi. -12. G. D.)
L'héritier qui demande la posses8io bono1·um, doit aYoir connaissance de sa vocation et du titre qui ra fait naitre : ttcientiam
tamc11 exigenws, ut sciat heres e:rtare tabulas, cerfu8 que sil delafam sibi bo1w1·um possessionem(L . 1 § L 37. 11. et L. 2 § 3. 38.7D.)
L'erreur s ur ces divers points, qui se glisserait dans la demande
qu ïl doit adresser au magistrat, la rend rait nulle. Cette demande
doit ètre faite dans un délai déterminé. Quïl se trompe sur·
ce délai? Dans le droit classique, l'erreur de droit ne pouYait
être invoquée en mat ière de posse sion ùe bien: in bonorum posse8sionibu8, furis i911orc111tia 11011 prodest, q11omin11s dies cedat
(L. 10. 37. 1. D.) et nou ayons deja rn que les femmes, à la ùifference des autres personnes privilégiée~, étaient elles au<;si
soumises à cette règle (C. G. Co11. G. fi.). Cependant plus tarù
l'empereur Constance décida qu'on pourrait demander la bo1wrum possessio même aprè le déhi accordé à cet eITet, malgré
l'erreur de droit si per ignol'finlia111 (acti, vel quamcumque aliam
ratio11em, infra p1·œfinifll111 te111p11s 001101·11111 pos8e8sio11em min ime petiisse noscatw· (C. 8 Code G, fi.).
ous rattachons à ce chapitre l'ex.amen de la question suiYante.
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86 -
""upposons qu'un indiYidu, se cr oyant à lort h éritier, a it disposé
d es IJiens de la succession quïl croit lui è tre déYolue. L e véritable h éritier intente contre lui lapefitio hai·edilatis et gagne s on
procès. Quel sera le so it <les a liéna tions fait es par l'héri tier ap
parent et que p ourra faire l'h é ritie r définitif ? Pourra-t-il r evendiquer les biens a liénés, com me l'ayant é té a non domino? Voiçi
la rép onse qui nous fonrnil Ulpien : Ite11i si 1-cmi d isiraxii bonœ
fi dei possessor, nec Jil'efio ( actus sii loc11pleti01-, an singulas res
si nondum usucaplce sint, virulicare petitor ab emptore possit? Et pnlo
posse res vindicar·i, nisi emplores regressum ab boive fi.dei possessorem
lurbenl (L. 25§ 17. 5. 3. D ). Donc, si l' héritier apparen t est de bonne
foi, les aliénations q u'il a faites sont va lables et ir révocables, si !' év iction de l'acquérnur, donne lieu à un r eco urs contre lui. S'il n'a pas
à craindre ce reco urs, ces aliénations sont nu lles et le véritable
h~ritier po urra revendiquer.
CH AP1TRE V.
De l'erreur en matière de quasi-contrats . (1 ).
No us a llons exami ner a u point de v ue spécial de l'et·reur , la gestion d'a ffaires, et le paiement de l'ind u.
De la Gestion d'affaires .
Il y a quasi- contrat de gestion d'affai1·es, lors'lue q uelq u'un fa it
les affaires d'autru i, sans manda Lde la personne intéréssée et dan:;
l'intention d'obliger un tiers. Aussi, si en croyant gèrer les affaires.
d'a utru i, il fai t des act es r elatifs a son propre ptttr im0ine, il n'y a pas
de gestion d' a ITaires, par suite du défaut <l'une condi tion essentielle
(l) Il serait plus exact do dire : en ma tière d'obligations qui naissent qu asi
e.x rontractu.
-
87 -
à la na issance de ce contra t : si quis ita simpliciciter versatus est,
ut suum negotium ill su is bonis quasi meumgesserit, nulla ex u.troque
latere nascilur oclio, q1ûa WJr; fi les bona !toc paliatur. (L. 6. § 4. 3.
1
5. D.J. Il en est de même, dans le cas où le gérant croyant fa tre c;a
pl'Opre alfa.ire a fait ~elle cl'a uLr ui : q1ûa nem inem mihi obligare 1;0lui (L. 14 . § 1. 10. 3. D). Que s i le gt:rant tou t en Jaisant les a ffaires
d'un tiers, esL intéressé clans cetLe gestion, on disting ue, pour savoir
si le contr at s'est o u non formé, 5uirnn t qu' il a pu séparer on non
son intérêt de celui de ce Liers IL , G ~ 2. 10. 3, D. J. L 'erreur qui
por terait sur la personne que l'on veut ol>liger en \·ers soi, r;'a aucune infiuence sur le contrat (L 5 § 1. 3. 5 D. 1) Il suffit q ue l' on
ait eu l'intention d'obliger q uelq u' un. Dans ltt fa usse croyance q u'on
lu i a donné manda t, un Liers gère les affaires d'autrui, le contrat e:-.t
rn lable (L . 5. 3. 5. D.)
S E C::"I'J: C> N'
J: J:
Du Paiement de l'indù.
.'\. propos de l'erreur s ur la eau e, nous aueions pu nous arrèter à
étu dier le paiement, de l'indû et nous Jemanùer quelle était l'in_
fluence de l'erreur par rapport a la co11diclio irtdebiti, c'est-à- clin!
au point de rne de l'action par laquelle on r épète ce que l'on .1
payé a tort. Car nne de:- conditions e~senlitlles a l'exercice <le cet Lé
actio n ,est qu ïl y ait erreur dans la cause du paiement .\fois comllH!
1 étu de de la co11dil'lio i11dtb1ti, ::.oulè\e une question de la plus haute
impo r tance relative à la d1stmction entre r erreur de fait et l'er reur
de droi t, nous avon cru devoir ne pas mterrompre l'exposé de~
princi pes de l'erreur sur la cause et <'onsacrer ù la condiclio indt( 1) Adde L . 14 ~ J t>l 29. 10. 3 O.
�-
88 -
biti une place spéciale . Remarquons en premiel' lieu, qu' ici, r en·eu
a pour effet de créer un action spéciale qui permet d'attaquer l'acte
qu'elle entache. Lorsque, par erreur, je crois être débiteur de Titius et que je le désintéresse, la tradition que j'opère de ce que je
crois ètre l'objet de ma dette, lui en tranfèl'e la propriété ; mais
comme il n'est pas ju ste, que Titius s'enrichisse injustement à mes
dépens, la loi me donne le droit de réclamer ce que je lui ai remis
et que je ne lui devais point : llœc condictio ex bono et œqito intro-
ducta, quod allerius apud alLel'Um sine causa depi·ehenditur 1·evocare
consuevit (L. 66. 1'2. 6 D.). La condictio indebiti suppose que j'ai
réellement payé Titius, alors que je n'étais nullement son débiteur, ni en vertu d' une obligation civile, ni en vertu d' une obliga_
tion naturelle, ni en vertu d'un devoir de conscience : Natttrales
ob/igaliones non eo solo ;estimantur, si actio aliqua eorum nomine
compatit; verum etiam cum soluta pecunia repeli non potest (L. 64.
12. 6 D. et 16 § 4. 46. l D.). Sublata enim falsa opinione, relinqui.
tur pietatis causa, ex qua solutU?n repeti non potest (L. 32 § 2. tr
6 D.). On paie encore indûment lorsqu'on n'est pas encore tenu de
payer, ou que, tenu de payer, on peut par une exception perpétuell.e rendre vaine la demande des créanciel's (Fragm. Vat. §
266). Ou encore, quand Je paiement n'a pas pour cause la libération
d'une d~tte que l'on s'expose à ôtre condamné à payer deux fois, si
on vient à la nier et si on succombe dans le procès. Il faut enfin
pour constituer le paiement indû qu'il ait été fait par erreur.
Ne nous occupons que de cette troisième condition. Il faut qu' il y
ait erreur sur la cause du paiement : Et quidem, si quis indebitum
ignorans solvit, per hanc actionem condicere potest ; sed si sciens se non
debere solvit, cessat rep~titio (L. 1 §15. 12. 6 D.). L e doute du solvens autorise- t-il la condictio ? Oui, à moins cependant que le solvcns n'ait voulu faire une transaction (C. J 1. Code 4. 5). Il ne s'agit
nullement ici, de l' erreur sur le motif, c'est-à-dire, sur la raison plus
ou moins éloignée qui a déterminé le solvens à payer (L. 52 et 6ti
-
89 -
§ 2. i2. 6 D.) . Mais bien de l'erreur sur la cause, c'est- à- dire sur
la raison extérieure, immédiate et déterminante du paiement, de
1'erreur portant sur cet élément dont on peut dire que s'il eQt
existé, rien n'eut manqué à la validité du paiement.
Mais toute sorte d'erreur ~ur la cause, peut-elle servir de base à
la condictio indebiti. Pas de difficulté en ce qui concerne l'erreur
de fait : tous les auteurs s'accordent à dire qu'elle a cet effet. N'y
a- t-il aucune différence à établir eotre l'erreur de droit et l'erreur
de fait? Sur ce point, les commentateurs et les interprètes sont
divisés. D 1a prè:s les uns, le solvens ne peut exercer la condictio
indebiti, quand il invoque uoe erreur de droit. D'après les autres,
il suffit pour exercer ce~te action qu'il y ait erreur, peu importe
qu'elle soit de fait ou de droit.
En effet, dit le premier système, la condictio indebiti repose sur
l'équité; or, l'équité exige qu'on ne puisse se prévaloir que d'une
erreur excusable, et l'erreur de droit, à quelques rares exceptions
près, ne l'est pas. Au surplus, les textes sont formels à cet égard.
Le C. 10. Code 1. 18 s'exprime ainsi: Gum quis jus ignvrans, indé-
bitam pecuniam solverit, ceswt repetitio. P er ignorantiam enim (acti,
tantum repelitionem indebiti solttti competere, tibi notum esi. La répétition de l' indù exclut donc l'erreur de droit; Je principe ne saurait
être établi plus nettement. Les termes de ce texte sont généraux, et
s'appliquent à tous les cas, et notons qu'ils rappellent en suppliant
(tibi notum), une règle de droit notoire et incontestée ( l). Et en
deho1·s de ce texte, qui est trés affirmatif, il en est d'autres qui
donnent implicitement tout au moins, la même solution, ils accordent la condi{;lio indebiti en cas d'error facti; par exclusion, l'error
juris ne peut ètre invoquée dans ce cas : qu.i dicit de uno negat
de allcro. N ous nous bornons à citer ces textes. Ce sout les constitutions 6 et 7 au Code J. 18 et6et 7 au Code 4. 5. Voici, pour que
(1) Pochanet. Revue critique, 1856. p. 162.
�-
90 -
l'on pui8se juger des autres, comment est conçue la C. G au Code
1. l 8 : Si non lra11sactio11 i.s causa, sed inrlebitam, errore {acti, olei
91 -
qui, étant alieni juris, a emprunté de l'argent et qui, devenu sui
juris, a donné à son obligation au moyen d'une novation, la forme
d'une prnmesse, si cette novation a été faite par lui sous l'empire
matfriam, vos A rchanlico stipulanti, spopondisse rector 7)rovinciœ
a11imadverterit, rcsidui liberationem condicentes audict.
d'une erret:r de fait, il pourra repousser par une exception in factum
celui qu i, fort de sa stipulation, viendrait lui réclamer la somme
qu'il lui a pl'omise . L' el'rnur de droit ne donnerait pas le droit d'opposer cette ftn de non recevoir.
Passons en revu e quelques-u ns des textes s ur lesquels peut s'appuyer cette première opinion. Et, d'abord, on oppose la loi 9 § 5.
22. 6. Elle se rappo1'te à la Falcidie: si quis jus ignorans, lege Fal-
cidia usus non sit, nocere ei dicit ep1stola dilJ'i Pii.... Quod si
ideo repetitionem ejus pecuniœ habm·e credunt, quod impe1·it1·a
lapsi, legis Falcidiœ beneficio non usi sunt, sciant ignorantiam
facti, non Jiwis p1·odesse; nec stulti::; solere sucurri sed e 1·ra~i
tibus. Ce principe, app liqué aux municipes par les empereurs,
Enfin on cite la C. ~au Code 2. 23, qui est conçue en ces termes : Indebito legato. licet per errorem jt~ris a min.ore soluto, repeti-
tionem ei decerni; si necdum tempus,quo restitutionis tribuitur au.xi
lium, e:r;cesserit, rationis est. Donc a contrario, cette faveur qui est
auteur s du rescrit que Paul rapporte, est étendu par le jurisconsulte à toute personne : et licet nwni"cipum mentio in hac
accordée au mineu r , ne saurait être un droit pour le majeur (Adde
L. 29. ·~ 1. 17. l. D. )
epistula.fiàt, tamen et in qualibel persona idem observabitur ,·
Avant d'examiner les arguments du second système qui ne fait
aucune distinction entre les deux erreurs au point de vue de Ja
condictio indebiti, nous indiquerons les objections avec lesquelles il
. .
ams1 qu aux a utres cas ana logues à celui prévu par le rescrit :
se.d nec~ quod in opere aquceductus relicta esse pecunia proponitu7', in hune solum càsum cessa1·e repetitionem dicendum
est; nam initium constitutionis generale est; demonsfrat enim,
si non per errorèm solutam sit fideicommissum quod indebitwn fuit, non posse 1·epeti. Conclus ion tout à fait générale : voici
d·am eurs, quelle est la s uite d es idées de P au l dans cette loi.
Il dit, en commençant :Ju1·is qu.idem i9norantiam cuique noce1·e,
(activera i9no1·antiam non nocere, il fait s uivre la règ le des
exceptions qui la r estreignent et d es applications qu'elle comporte, et rune de ces applications, est l'hypothèse du paragraphe 5. La C. 9 au Code G. 50 confirme, d 'aille urs, cette solutio n.
· potes/ale patris esset, mu tua pecuct1rn m
n~a data ftierat, pater {ami.lias {actus, per ignorantiam facti, nova~ione {acta, eam pecuniam ea>prornisit, si petatur, ex ea stipulatione
in factum excipitmdum erit. (L. 20 . 1lt. G. D.) Donc le fils de famille,
. Autre t ex t e ··
s·t is· cui,·
>
combat les textes que nous venons de citer et les réponses que l'on
fai t à ces objections.
On dit que l'éq uité, fondemP-nt essentiel de la co1ulictio indebiti,
exige que l'erreur in voq uée soit excusable; or comme l'erreur de
droit ne l'est pas. elle ne peut lui servir de base.- Mais l'équité,
ne demande- t- elle pas avant tout, que celui qui a reçu indùment ne
s'enrichi. se pas aux dépens d'autrui. Jure naturœ œquuni est,
disent les textes, neminem curn alterùts cletrimento et injuria fieri
locupletiorem (L. 20G 50. 17. D. ) (1) Et c'e t là un principe que la
législation romaine proclame plus d'une fois. (2) Dès lors, qu'imr•orte que la cause de cet enrichissement injuste soit une ert'eur de
droit ou une erreur de fait. La nature de l' en·eur empêche-t- elle le
gain cle l'accipiens d'être inique et arbitraire? D'ailleurs, pourquoi
la loi exige-t-elle comme coïldition essentielle de la condictio inclebiti
(1) Add a L. 14. l'2. 6. D.
('l) Voir les lois 12 ~ l ifinc 20. 5 - L. 13. 8 -1. - L. 17 ~ -1. 1-'.1. 3. D.
�-
92 -
que le paiement ait été fait par erreur? c· est afin d'écarter toute
idée de donation, de gestion d'a[ail'es ou de datio in solutum; il y
aurait donation quand il n'y a dette, ni à la charge du solvcns, ni à
la charge d'autrui, et que le solvens paie sciemment raccipiens
auquel il ne doit rien ; gestion d'affail'es, dans le cas où la dette
existe bien, mais à la charge d'un tiers auquel on n'a nullement
l'intention de faire une libéralité ; da.lio ùi solutum quand l'objet
livré n'est pas l'obj et de l'obligation. Sur cc point, les textes sont
précis : Cujus per errorem dati repetitio est,ejus consullo dali donatio
esl (L. 53. 50. 17. D. )jDonari videtu1 quod nullo jure cogente, concedilur (L. 82. 50. 17 D. ) ( 1) Pour que le solvens ne paraisse pas
avoir voulu faire l'une de ces trois opérations, il s uffit qu'il se soit
trompé et l'eneur de droit comme l'erreur de fait, doit écarter cette
présomption.
A cela les partisans de la première opinion répondent : La maxime
que nul ne doit s'enrichir aux dépens d'autrui, ne prouve rien : << Celui qui prononce cette règle, pour repousser tel ou tel moyen de
s'enrichir qu'on invoque contre lui, n'a rien fait encore qu'une petition de principe. Sa démonstration n'est pas même commencée ;
il lui reste tout à prouver, savoir que la loi défend le moyen de
s'enrichir sur le quel s'élève le litige » (2)
Il faudrait donc démontrer qu'il y a enrichissement prohibé par la
loi. D'ailleurs cette règle d'èquité n'est pas absolue ; car si non il
faudrait annuler tous les actes qui profitent a l'une des parties con.
tractantes, et il faut d'autant moins appliquer cette règle ici, qu'elle
déroge aux principes du droit positif, en vertu des quels [•erreur de
droit n'est pas relevante. Est-i l plus exact de soutenir que l'erl'eur
n'est exigée que pour érarter la présomption de donation ou de to ut
autre acte juridique valable? Non certainement; ce serait admettre
que toutes les fois que l' idée de donation n'est pas évidente ou
(1) Adde L. 4.7. 38. 1 O. et L. 7 ~ 2. 111. 11. JJ.
('t) Oudot, Conscience et sc;1ence du devoir II p. 35.
- 93 pourra repéter ce que l'on à payé, et cela est formellement contredit par la règle suivante: il suffit q uc celui qui paye, ait payé sciemment
pourqu'ilnepuisse pas répéter, encore qu'il prouve qu'il n'a pas eu
idée de de faire une donation et à ce sujet, un texte de Pomponius ne
laisse absolument aucun doute. Quod quù sciens l indebitum ded it 1
hac mente ut postea repeteret, repetere non potest (L. 50, 12, 6. D.).
On invoque, continuent les partisans du second système,
le texte de la C. 10. au Cod. 1. 18. Ce texte est en effet, très pos itf : cum quis jus ignorans, indebilam pecuniam solve-rit, cessat repetitio. Mais tout d'abord il faut remarquer que ce texte est en
contradiction avec ce texte de Papinien : J uris ignorantia suum
peienlibus non nocet. Il s'en suit que le principe de la Const. 1,
n'était pas admis par tout le monde et en étudiant la valeur
respective de ce deux textes, on est amené à donner la preférence à celui de Papinien. En effet, le texte de la Constitution
1 est un r escrit de Constantin et de Maximien, adressé à un certain Araphias. Or les rescrits avaient une valeur essentiellement
relative. En indiquant au juge dans quel sens il devait tra ncher le difl'érend qui était soumis à l'empereur, ils n'avaient
comme le jugement, de portée que par rapport aux parties en
cause. Ne se peut-il pas que les circonstances de l'affaire so umise, et que nous ne connaissons pas aient entrainé cette décision ? En outre, le rescrit dit bien qu'en cas d'erreur de droit,
la répétition ne peut aYoir lieu; mais dans quel cas y a-t-il erreur
de droit, voila ce qu'il ne dit pas. On peut voir dans ce texte
moins l'affirmation d'un principe, qu'un motif sans portée donné
par l'empereur. Comment aussi pourrait-on prouver que le texte
n'a pas été tronqué ! Enfin, bien qu'il semble aYoir une portée
générale, il se rapporte à l'application de la loi Falcidie, or si
nous démontrons que de l'argument suivant qui lui aussi se
ra·ppo1 t e à cette loi, on ne saurait tirer aucune conclusion générale relative à la conditio i'ndebiti, le texte tombe de lui- même.
�-
94 -
Le texte du paragraphe 5 (L. 9. 22. G. D.) est, lui aussi, le texte
d' un r escrit ; par suite, il n'a, comme le précédent, qu'une valeur
restreinte et r elative. Puis il s'applique s pécialement à la F alcidie et
aux municipes. Que si on soutient que la conclusion est générale et
que Paul , en rapportan t l'hypothèse, éLend le principe sans lui
donner de limites, on peut dire que P a ul so utenait une opinion personnelle et nous ne répugnons pas à ad mettre que s ur cette <JUest.1on
du fondement de la condictio indcbiti, une profonde divergence séparàt les juriseonsul tes. En dehors de ('es considérations, il y a une
triple raison q ui permet de justifier cette décision spécia le à la Falcidie et qui empêche qu'on applique cette solution aux autres cas
de condicLio ù1debit.i. Observons en premier lieu 'llle, sans doute, les
circonstances de la cause étaient telles que les r éclamants ne pou-
-
95 -
.
cette construcfo d f mé e à témoigner
charge de la ville de Ceuta
' n es
,
.
.
.
·
· t
tiers Que s'ils
de la glorieuse libéralité d'un
cro1en pou voir répéter
.
.
,.
les sommes qu ils ont rern1se3 parce quïls n'o 0 t pas us é d u bénéfice
,.
. .
·
que l'erreu1· de dro1·t à Ja d"ff
de la
1 erence
, Falc1d1e, qu. ils apprennent
cl
d'
n'est
il
car
·
profiter
peut
ne
de 1 erreur de fait
e veni.r
pas usan-e
'
.
.
0
au secours des imbéciles ' mais bien de ceux q m· se t rompent. Dans
..
ce C<ls, les h éritier~, en exécutant les dispositions du testateur dans
·
leur
toute
. plénitud e et à leurs dépens , ont sat'1s fa1·t au regpect qn'1ls
.
« Dans ce texte , dit Mülhenbruch , la F a 1c1·d·1e est le
lui devaient.
.
des leo-s
la
de
seul. motif
o , sans êt re une natu.
. . décision. r; acquittement
• t
P.st néanmoins un devoir de conscience , et ces
rohs. obl1gat10,
pou r. .
,
qu oi. 1on r.efu s~- 1c1 la .r:o11~1·ctio pour cause d'erreur de droit, qui
· ·
serait admise s 11 s ag1ssa1t d'un autre indebüum • lJ ( 1) n\ OICI,
par
1
vaient invoquer aucune excuse, polll' atknuer l'ignorance où ils
avaient été de la loi, et nous savons qu'en matière de condictio indebit1", comme dans toute autre hypothèse, l'erreu r de droit n'est admiseqne si elle est excusable. Au surplus, il n'y a pas lieu, dans ce cas,
à répétition de l'indû parce qu'on n'a pas réellement payé l'indù ; il
y avait à la charge des t'éclamants une sor te cl' obligation nature lle
et cela s uffit poor q ue le paiement soit irrévocable. Voici l' espèce:
Ce qui a été payé indûment en vertu d'un fidéiconmiis ne peut être
répété, à moins qu'il n'y ait erreur du solvens . c· est donc à tort que
les héritiers de Cargilianus, qui ont remis à la ville de Ceuta les
sommes que le testateur avait léguées à cette ville, pour la constru ctruction d'un aq ued uc, en rédament le remboursement. Car, non
seulement ils n'ont pas exigé les sùrelés qu'ils étaient en droit de
demander, pour que If:! municipe leur restituât ce qu'i ls auraient
donné au delà des limites de la Fnlci<lie, mais encore ils ont stipulé
que les sommes ne seraient pas employées à un autre usage, et ils
n' ont pas ignoré qu'en effet, elles avaient ser vi à la construction de
l'aqueduc. Il serait inj uste, en elTet , d'autoriser la répétition de ces
sommes employées selon le vœu du t estateur et de mettre à la
e_xemple, un ~utre .cas où le devo ir de conscience l'emporte rur la
rigueur du d1:01t strwt : l n testamenlo quod per{ectum non erat, alu-
mnœ suœ libe1·tatem et fidei commùsa declit : cum omnia ut ab Ïll teslato egisscnl, quœsiit in.pemtor, ut cm e:c causa fideicomm issi
manu missa {uisset? Et intel'lowtus est, etiam si nihil ab intestato
pale1· P_elis~et , pios lamen fi lios debuisse manu mittere eam, quam
p~ter d1lex~sset. (L. 38. 40. 5. D. ) (2) Pothier fait remarq uer qu'il
n Y a ras li eu à répétition de lïndù : Quum id quod solutum 6$1, esse
tale, ut qiiis potuissel honesté non solvcre, tamen honeslius fecisset si
solveret. (Tome I , p. 646 Pand.) Le fait eul pat' les héritiers d'avoir
payé ce qu'ils pouvaient ne pas payer intégralement, permet de supposer qu'ils ont réellement voulu se dépouiller de leur droit de ne
pas tout payer, quelques conséquences qu'il pùt s'ensuivre. (L. 20,
§ 1. 3~. 5. D.) non point pour faire une donalion, car ici on ne présume pas la li béralité, mais bien l'intention <le respecter la volonté
du défunt : Quod ph'l'iquc magù (ulcm e.i; solvunt in hwic casum,
( 1) Mülhe n bruch, p. 393 et 39'1.
('2) Adde. L. 26. i 12. 12, 6. D.
�-
96-
qtuzm donant (L. 5, § 15. 24. 1. D.) , d'autant plus qu'ils ont négligé
d'exiger du légataire, ainsi qu' ils en avaient le droit, la promesse
qu'il restituerait ce qu'il aurait re('u de trop. - Enfin, la Falcidie a
pour but de permettre à l'héritier de recueillir le quart a u moins de
la succession. E lle repose s ur une idée de rétention, c'est- à-dire que
l'héritier pourra retenir la quarte à laq uelle il a droit ; c'est pour
cela que la réduction des legs se faiUpsofurc (L . 1, § 5. 4. 3. 3. D.) :
T uetur Jus suum heres 1·etentionibus1 actionibu&, etc ...... Et retentioni locus er it cum nondwn per solvit he1·es legata (1). Il est
donc facile de voir pour quelle raison, l'erreur de droit n'est pas admise en faveur de celui qui n'a pas usé du bénéfice de la Falcidie ;
c'est que, ayant eu le droit de retenir sa quar te et ne l'ayant pas
fait, il est censé y avoir renoncé et il ne peut plus tard prétendre
qu'il a payé l' indebitum par s uite d' une erreur de droit, pat'ce que
le paiement trouve sa cau$e dans la volonté du testateur. De la
similitude qui existe entre la quar te F a lcidie et la qua r te pégasienne,
on peut encore tirer un autre argument : Si totani hereditatem ro-
gatus restituere, tu sponte adieriset sine deductione quarfœpa1·tis
restitueris, difficile quidem c1·ede1·is per ignorantiam magis,
non explendi fi.dei commissi causa, hoc f ecisse. S ed si probaveris, per erro1·em te quartam nonretinuisse recuperare eam poteris. (L. 68, § 1. 36. 1. D .) De cc texte il résulte que l'erreur en
ma tière de quarte pégasienne n'était admise que très difficilement'
a fortiori l'erreur de droit ne devait- elle jamais !' être, mai$ pal' la
raison spécia le que donne le texte et qui ne s'applique qu'à la Falcidie.
On répond ainsi à cette argumentation : R ien ne démontre que le
texte en question se rapporte exclusivement à la F alcidie. Le rescrit des empereurs est bien interven u à propos de cette loi, mais
P aul en tire une conclusion générale, qui s'applique à tous les cas
(1 ) .Mühlenbrüch, ~ 751.
- -97 de condicti o indebiti reposant s ur une er reur de droit.On ajoute que
l'on ne peut répéter ici, parce qu'•m devoir de conscience empêche
la répétition . « 11ais, dit M. de Savigny, quel rôle joue ici ce devoir de conscience qu i n'engendre pas une obligatio naturalisf » Et
d'ailleurs, si tel eut é t(· le motif de la décision, Paul l'eut cer tainement
indiqué en disa nt.: C!. Il ne peut y avoir ici répétition, parce que ce qui
a été payé, ra été à j uste ti tre, en vertu d' une obligation naturelle
qui prend sa source dans le devoir qui incombe aux héritiers de
respecter toutes les dispositions testamenta ires du défunt. » Il dit,
au contraire que 1' er reur de droit empêche la répétition de l'indù :
le motif est tout autre. Dire enfin que la Falcidie repose sur une
idée de retention, c' est en a voir une notion fausse: Que la rétention
soit le moyen le plus facile et le plus commode pour profiter du bénéfice accorJé par cette loi, cela est cxart; mais il est tout aussi
vrai de di re qu'elle repose s ur une idée de revendication, puisqu'elle
permet à celui qui a été pri\·é de la succession au-delà des troisqua rts, de rentrer dans ce qu' il avait le droit de retenir. Le but Je
la loi est de ne pas faire perdre toute la succession à celui qui l'a
recueillie : qu'i l retienne ou qu'il revendique, le but est atteint.
Voici com ment on rejette la loi 20, 14. 6. D. invoquée pai· le premier système. Elle ne s'occupe nul lement de l'er reur de droit, mais
on en tire un argument a contrario, puisqu'elle ne donne qu'en cas
d'erreur de fait, le droit d'opposer l'exception in factum . Or, (et ceci
s'applique aux Constit. G et 7 au Code 1. 18 et 4. 5), les arguments
a contra1·io sont dangereux pou r la plupa rt : << L'argument généra l contre l'autorité des rescrits, dit M. de Savigny, semble plausible relativement à ces textes, car la règle sur l'erreur de droit ne
peut ètre tirée que par argument a contrario, procédé peu sùr
quand on l'a pplique aux rescrits. » D'ailleurs, doit- on nécessairement donner aux mots i9noran11·a facti leur sens habituel, erreur
de_.fait pat· opposition à erre11r de droit? Ne peurent- ils pas signifier erreur ou igno•·ance de ce qui s 'est passé, ce qui comprend
7
�-
98 -
tout à la fois l'erreur de fait et l'erreur de droit? (l): Au s urplus
quelle est cette erreur de fait dont pa rle le texte? Donneau suppose
qu' au moment où l' em pr unt a élé fa it, l'emprunteur croyait par
erl'e ur, sur la foi de la fa usse nouvelle de lu mort de son père, être
déjà pater familias et que sou s l' empire de cette er reur, il au rait
à un e époq ue o ù il étai t r éellement sin' juris , promis de payer ce
qu'il avait em prunté. D'autres auteurs n' admettent pas q ue ce texte
ait eu en vue cette hy pothèse. Donc, ceux mêmes qui ne veulent voir
:ians les ex pressions ignoran tia ( act q u' une erreur de fa it, ne s'entendent pas s ur le fa it dont il s'ag it (2).
L e dernier texte invoqué en fave ur de la première opinion est la
C. 2. au Code 2. 33, qu i donne le droit il un mineur de récla mer les
legs q u' il a payés par suite <l" une e rreur de droit , s'il se tro uve dans
les délais. Donc, dit·on , les maj enrs n'ont pas ce drc1it : argument
a contrario auq uel s'applique l'obser vatio n de M. de Savigny . I ci
il y avait pour le mineur devoir de piété et de conscience à payer
tous les legs et si on lui accol'de la r epétition , c'est bien moins pa1·ce
q u'il a payé l'indù. que pa rce q ue la loi le protège d'une façon toute
particulière .
Les partisans du second système, ciui ne fa it absolument a ucuae
distinction entre l'erreur de droit et l'el'reur de fait, comme condition essentielle de la condictio indebiti, ne Sl' bornent pas à com battre les arguments de leurs adversa i1·es. Ils s'a ppuient sur les
considéra tions q ue nous avons développées et sur des textes pl'écis
dont nous allons reprod uire les plus im portants.
Loi 1. pr. 36. 4 D. : Si q11is cum vetitus esset sa11·s accipe1·e,
accepe1·il an repefi satis datio ista possit, itf heres condicat libe1·ationem? E t quide111 s1· .sciens heres ùulebitum cavit, 1·epetere
11on pot est. Quid deinde si 1'gnoravit reinissam sibi salis datio( 1) Voir ces mots employ és dans ce sens dans la loi 7. 16, 1 n.
(2) Donnelli Comment. in C. ad. S .-C. Macéd. Machelard. Obhg. nat. pa. 222.
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99 -
fl.em ? P otest condicere. Si Ve?'O hoc non potuisse r em i tti cred iderit, n um quid condice1·e p ossit qui jus ignoravit? Ad hue tam en benig né quis dixerit satis dationem condici, posse. L' héri tier
était tenu lor sque le legs était à terme ou conditionnel, ou en
général t outes les fois que la délivrance s 'en trouva it r etar d ée, d e fo urnir au légataire q ui la r éclamait, la cautio legafor um ser vandm·um causa, c'est-à- dire une prom esse par laquelle
il s'enga geait à p ayer à l'échéance du ter me, ou à l'ar rivée de la
condition , les legs dont il était débiteur. La volonté du défunt
elle-mêm e était impuissante à le soustraire à cette obligation
jus qu'à Marc-Aurèle . Sa décision rapportée par le Digeste forme
ta loi 4G. 2. 14. Voici le cas prévu par notre texte : Le testateur
a dis pensé son h éritier de s ubir cette char ge. Cependant celuici a fourni la caution ; peut-il faire tenir pour nul et non avenu
son engagement et exercer la condictio indebiti? Oui, soit qu'i l
ait ignoré la disposition du testateur (erreur de fait), soit qu'il
ait cru que celte d isposition n'était pas Yalable et que dans ce
cas il ait comm is une er reur de droit. Donc l'erreur de droit
'
peut donner lie u à la co11dicli0 1'n teuili.
On fait a u s ujet de ce texte, les objections suiva ntes : Ulpien , diton, s'exprime en termes assez vagues. Il ne semble pas bien sûr
<le ce qu'il avance. D'après :M. <le Savigny, cette loi est bien peu
concluante: elle a bien plus l'air d'éta!:>lir une exception farnrable
à une règle contraire qu' un pr incipe absolu. Ulpien émet ici une
opinion personnel:e ; il nous <lit en effet, que quant à lui, il permettrait à l'héritier qui, dispensé de donner la cautio le9alo1·1m1 sevandorum causa, l'a cependant fourn ie, de condicere, mais on voit
au premie r coup-d'œi l a \ cc q uelle timidité, quelle incertitude le
jurisconsulte Ulpien hasarde son opinion, ben igné quis dixel'it. (1)
En second lieu, ce texte s uppose tout au plus une erreur de droit
(\ ) De Savigny . Traité de Droit Romain. Ill app. VIII p ....
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100 -
bien excusable, car Je point de droit dont elle s'occupe paruit douteux. Il ne serait donc ctu'une application de la règle, qui ~eut, que
toute erreur de droit qui porte sur une question controversée 1
puisse être opposée: «Je comprends, dit S,avigny, le do1.1te d'UlC( pien par la nature même de la disposition dont il s'agit. Nou.s
(t voyons un changement de
l'ancien droit ét,abli non par lwe loi
(( proprement dite, mais consigné dans un rescrit impérial qui n'était
« pas un rescrit, malgré son inserti0n dans les Semestria.Ce point de
u droit pouvait donc être considéré comme incertain : >> On dit aussi
que nous sommes en présence d'une dérogation au droit commun,
admise bien timidement par la loi romaine et qui se iustifie par lil
faveur dùe aux actes de dernière volonté. (1)
Autre texte: L. 38 pr. 12 6. Voici l'espèce et la décision du jurisconsulte : Deux frères étaient sous le pou voir du même père.
Chacun d'eux avait un pécule et de part ni d'autre, il ne s'agissait
d'un pécule cast1·ense. Les biens composant chaque pécule, suivant
les principes admis au temps <l'Africain, étaient la propriété du
père, les fils n'en ayant que l'administration avec le pouvoir d' engager leLlr père jusq u'à. concurrence de leurs pécules respectifs.
Dans cet état de choses, l'un d'eux emprunte une somme à son
frère; puis le père comm un vient à mourir, et c·est après la mort du
père, que l'emprunteur rembourse. La question qui s'élève est de
savoir si l'emprunte ur pourra répéter comme ayant payé ce qu'il
ne devait pas ; s'il pourra prétendre à exercer la cond1"ctio indebi11·.
Oui ; il y a confusion pour la moitié de la dette ; mais il y a toujours lieu à répétition pour l'autre moitié. (2) Ici encore pas de
distinction entre les deux espèces d'erreu1·; M. de Savigny objecte
que dans ce texte l'erreur tombe non sur la règle de droit, mais
sur l'application de la règle à une espèce particulière : c'est donc
une erreur de fait. (3) ~lais alors on arriverait à dire que toute per( 1) Pochaooet. l{evue Criliqoe 1856. I , p. 173.
(':!) Machelar d. Des obligations naturelles, p. 133.
(3) De Savigny. Tome lU p. 337 et 427,
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101 -
sonne commettrait une erreur de foit, lorsque sans ignorer la loi,
elle est persuadée que la loi ne s'applique pas à elle dans des circonstances déterminées. Si chaque fois que l'on se trompe sur l'application de la loi, on commet une erreur de fait, nous demandons
da.ns quel cas, il y aurait cneur de droit.
Autre texte (L. 16 § 2. L 4. D.). Le testateur a imposé à son
héritier, de remettre certaines choses à la nue de son frère, sous
cette condition, que ces choses lui seraient rendues si la légataire venait à mo uri r sans enfants. L'héritier meurt et la légataire promet de restituer ces choses au successeur de l'héritier
défunt. Ariston pense que cette femme pourra obtenir lïn integrtim restitutio. Pomponius ajoute que le légataire, même majeur, pourra condicere incerlum, car il est protégé non ipso jure,
mais par la condictio et cependant le majeur, pour lequel il n'y
a pas lieu d'édicter comme pour la femme une disposition de
faveur, commettrait dans ce cas une erreur de droit puisqu'il
n'est pas tenu de restituer quoique ce soit aux. héritiers de celui
envers lequel il s·est engagé. On objecte quïci, le légataire s·est
trompé sur une disposition du testament et que c'est une erreur
de fait. C'est mal envisager le texte.
On invoque a ussi le texte de la Constitution 10 au Code 4. 5.
Voici l'hypothèse qu·eue préYoit: Un débiteur tenu a·une dette
alternatiYe, paie par erreur les deux choses, alors quïl n'était
obligé d·en remettre qu·une seule, rune ou rautre à son choix:
utrumque pe1· i91w1·antiam solvit. Les jurisconsultes ne s'entendaient pas sur le point de saYoir, qui du solvens ou de l'accipiens, aYait le choix de la chose à restituer. Mais tous s'accordent à donner au sofrens, le droit ùe répéter l'une des choses
remises : Aucune di!Iérence donc, entre rerreur de droit et l'erreur de fait et ici il y a bien erreur de droit, puisque le solvens
a payé les deux choses, parce quïl croyait que la dette alterna~ive lui imposait de les paye r toutes deux. On objecte, qu'il est
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102 -
impossible d'admettre que le solvens ait pu ignoter le droit, au
point de se croire tenu de livre r les deux choses, en vertu d'une
dette alternatiYe. Le texte, d it-on , n'a pu prévoir w1e h ypothèse
aussi invraisemblaùle. Sans doute, le solvens a cru qu'au lieu
d'ètre alternative, sa dette était cnm ulative et comprenait tous
les objets qui e1·ant in obligatione et dans ce cas il y aurait
erreur de fait.
Ce second système qui r ej ette au point de v ue de la conclictio
i11debititoute distinction entre les deux sortes d'erreur s'appuie
encore sur les textes suivants: LL. J7. § 10. 50. 1. - 37. 34. 2.
- 16. § -!. 39. -! D. i\lais les partisans de la première opinion
ne veulent voir dans les espèces qu'ils rapportent, que des cas
d'erreurs de fait.
Enfin comme dernier argument, on oppose à ceux qui soutiennent que l'erreur de droit ne peut ctonner lien à la condictio
indebili le § 266 des F ragmenta Y aticana qui est ainsi conçu :
J ndebitulf/, solutum accipimus non solwn si omnino non debebatur, sed si per aliquam exceptioneni peti non poteral, id est
per perpetuam e:r:ceptionem : quare hoc quoque repeti poterit si qiiis perpetua exceptione tutus solverit. Unde si quis 1
contra legem Cinciam obligatus non excepto solvel'it, debuit
dici repetere etim posse. Cet exemple s i précis ne p ermet pas de
contester qu'il s'agit d'une erreur de droit et cependant celui
qui l'a commise n'en souffrira pomt. A cela , i\I. de Savigny répond : « La circonstance particulière et décisive pour autoriser
dans l'espèce la condictio , est non pas l'erreur, mais une règle
-absolue du droit positif. » i\Iais alors comment se fait-il , qu'Ulpien qui est l'auteur de ce texte, ait choisi pour donner un exemple d'erreur de droit, un cas oi.I cette erreur n'a a bsolument aucune influence, puisque la répétition s'appuierait ici non s ur
l'erreur, mais sur une règle spéciale à la loi Cincia?
On le voit, aucun d es arguments proposés par les deux opinions
103 ne s'impose d'une manière irrécusable. Que devons nous décider'? Il est hors de doute, que sur ce point les jurisconsultes
romains n'entendaient certainement pas détruire la distinction
qui domine tout le droit entre rerreur de droit et l'erreur de fait·
mais, toutes deux avaient-ell es la même portée en matière de'
conditio indebiLi 1 On pourra it restreindre le champ de la discussion et d ire qu'il est incontestable qu'à partir de Dioclétien,
la condictio était refusée pour cause d'erreur de droit. Le texte
des Constitutions 10. Code 1, 18 et G et 7. 4. 5 a u Code ne laisse,
ce nous semble, aucun doute à cet égard : mais en était-il ainsi
dans le droit classique; sur ce point les jurisconsultes sont loin
d'êtr e d'accord. La solution de cette longue controverse sur la
condictio indebiti, dépend du choix que l'on fera entre les deux
opinions de Paul et de Papinien au sujet de la portée de l'erreur
de droit. Paul prétend que l'erreur de dn,itnuit à celui qui l'a commise, tandis que Papinien, dit qu'elle ne peut lui être opposée
quand ilréclame ce qui lui appartient, suwn vero petentibus non
nocet. Comme plus haut, nous adoptons l'opinion de Papinien:
celui qui a payé l'indù réclamecequi luiappartientsuiimpetit(bien
que ce soit par une action personnelle (L. 53. 12. 6. D.) et par
suite, il ne doit point souŒrir de l'erreur de droit qu'il a commise. D"ailleurs ceux mêmes qui refusent à l'erreur de droit de
de pouvoir servir de fondement à la cond1ctio, acceptent notre
manière de Yoir, toutes les fois que les circonstances leur paraissent devoir faire Jléchir la rigueur de la règle quïl sufrent, tempérament que l'on peut déduire a contrario du texte suiYant :
ut cui facile sil scire, ei detrimento sit jiwis ignorantia.
Quant à la preuve de l'erreur il résulte d\m texte de Paul,
que si le défendeur, l'accip1·e11s, nie aYoir reçu le paiement et
que le demandeur, le sol!:ens, prouve qu'il en a menti, c'est à
l'acc1jJiens à établir que ce qui lui a été payé, lui était réellement
dù : peretenùn absurdum est, c11m qui ab ùiitio negavit pecu-
�~
104 - .
niam suscepisse, postquam (uerit convictus ea1n accepisse,p1·obafio11em non debiti ab adve1·sario e.-rige1·e. S i au contraire l'accipie11s a reconnu dés le principe qu'il a reçu le paiement c'est au
sofoens ù prouYer : d'abord qu'il a payé indü ment, et aussi qu'il
a été victim e d'une errem : ideo ewn qui dicit indebitas solvisse
compelli ad p1·obationes, quod pe,. dolum acdpientis vel ah'quam justam 1'gnorantiœ causam, indebiLum ab eo solutwnMais on comprend que si le solvens prouve qu'il a payé indù.
ment, l'erreur sera présumée, car on ne peut raisonnablement
supposer, qu'il ait voulu payer alors qu'il savait ne rien devoir,
Cependant cette présom ption n e sera pas admise, si l'erreur
portait sur le dro it, car l'erreur de droit, ne se présume point
et c'est à celui qui lïnvoque à l'établir (L. 25 p. 22. 3. D.).
L'accipiens aussi peut se tromper et croire que le solvens est
réellement debiteur. Mais cette erreur de l'accipiens, n'est pas
une condition de l'exercice de la condicti'o ùidebiti. Il n 'est intéressant d'examiner s'il est de bonne ou de mauvaise foi qu'au
point de vue du q1ta11tw1i de la res titution dont il est tenu. Il doit
r endre tous les fruits de la chose indûment payée, mais non les
intérêts si c'est une somme d'argent (1). S'il était de bonne foi et
qu'il ait disposé de la chose, sans en r e tirer profit il est libéré.
S'il était de mauvaise foi , s'il l'a a liénée ou s'il l'a conservée, il
doit rendre l'équivalent ou restituer la chose elle même au /1'adens. Rien de ce que nous avons dit jusqu'ici s ur la condictio
indebiti ne s'applique aux mineurs, ni aux femmes, ni à ceux.
dont l'ignorance est une suite du défaut d 'instruction, les rustici.
Quand une de ces p ersonnes paie l'indù, elle p e ut invoquer
l'errew· de droit comme l'erreur de fait. Elles r estent donc en deh ors de la controverse. L'incapable recouvrera ce qu'il a payé
indûment, non point par la condictio indebiti, mais pas la reven( 1) L. 15 pr, 12. 6. D - C. 1 Codé 4. 5.
-
105 -
dication (car il n'a pu valablement transférer la propriété) si
l'objet qu'il a remis à l'accipiens existe encore. Si cet objet a été
consommé de bonne foi il intentera la condictio sine causa,
puisque le paiement n'à pu éteindre une dette qui n'existait pas.
S'il a été consommé de mauvaise foi, il poursuivra l'accipiens
par l'action ad exhibendnm: nam in his personis generaliter re-
petitioni locum esse non ambigitur: et si quidem exstant num
mi, vindicanbuniur : consumptis vero, condiclio locum habebit.
(L. 29. 12. 6. D.)
CITA PITRE VI
De l'erreur en matière d'usucapion el de
« prrescriptio longi temporis. fJ
La possession d' une chose, pendant un laps de temps déterminé
et sous certaines conditions, en fait acquérir la pleine propriété
(Gaius Il. § 44. - L. 1 et3. 41. 3 et L. 5 pr. 5 1. 10. D ). Ce mode
d'acquisition ~e nomme usucapion , et les conditions requises d'ordinaire, en dehors de la durée de la possession, sont le juste
titre et la bonne foi .
Ce ne sont pas là, comme on l'a soutenu, deux éléments qui se
confondent. D'après quelques auteurs« la bonne foi, c'est-à-dire,
« la croyance d'être propriétaire ( 1) n'est point une condition par« ticulièee :iui soit distinctP. la justa causai elle en est au contraire
(l) Définition inexacte : la bonne foi est la croyance, que celui qui a transmis la chose, en était propr iétaire, ou avait le droit Je la trans fé1•cr (L. 109.
50. 16. D.),
�-
106
~
-
« un élément habituel, en ce sens que régulièrement, au moins
« daos le droit nouveau , la possession est sans fusta causa, si elle
« n'a pas été acquise de bonne foi. Pour rés umer le tout, dans une
cc formule pratique : celui qui veut se prévaloir de l'usucapion,
" doit prouver que sa possession a une justa causa, c'est-à-dire
<t que la cause, en va1tu de laquelle il a pris possession, était de
« nature à lui donner la conviction , qu 'il était autorisé à. avoir la
« chose avec animus dornini. li aura, !'ans doute, fourni cette
« preuve , s'il jus tifie d\m acte juridique va lable, qui implique une
« Justa cm1sa trans/erencli ou acquirendi domini. :Mais il aura
cc également satisfait à cc devoir de preuve, s 'il établit de tout
11 autre manière, qu e la prise de possession s 'est faite dans des cit·« constances telles, qu e la conviction dont il s'agit, a. dù naitre
« dans son esprit. \ 1) »
D'autr es auteurs présentent la justa causa comme un élément de
la bonne foi qui se confond avec elle :
cc
Une cond ition générale de
« l'usucapion est la conviction d'avoir acquis la propriété : bona
« fide. Cette bonne foi : 1° doit exister à l'origine; 2° .
'1 3° consister en une erreur de fait excusable sur l'obstacle qui em<c pêche que l'acquisition de propriété soit effectuée; 4° ·avoir une
« ca use apparente qui a pu, en réali té, faire naitre dans l'esprit de
« celui qui veut usucaper, la. conviction qu'il était propriétaire. En
thèse générale en exige l'exis tence effe~tive d'une ca use d'acqui« sition, apte par elle-même à opérer attribution de propriété, l'exis« tence effecti ,•e d'un titre, en un mot. Cependant l'usucapion est
cc
aussi admise exceptionnellement, sans titulus verus, et seulement
« s ur le fondement d un titulus 71utativus, lorsq ue, d'ailleurs, il
« existait des moLifs pouvant faire naitt·e cette conviction dans.
« l•espr1t de celui qui doit us uca.per. (2) »
u
Avec M . Pellut no us dirons que la distinction entr e le juste titre et
( 1) Maynz. Eléments de Droit romain I, p. 490.
('2) Bloodeau: Chrestoma~hi e p. 316.
107 -
la bonne foi s' impose. Voici comment il l'établit : " La juste cause
n'est pas destinée à motiver la bonne foi, la bonne foi ne se fonde
pas sur la juste cause. Lajusta causa, c'est ce fait qui déte1·roine le
but de la tradition et lui donne la vertu de t ransférer la propriété.
L n /Jona (ides , c'est la croyance, que celui qu i livrait la chose avait
le droit d'en transférer la propriété. Ce n'est pas la croyance qui
l'on est soi-même devenu propriétaire. Il y ajusta causa par exemple, si j'ai acheté de Titius une chose qu'il m'a livrée; il y a bona
(ides si je crùis qne Titius avait, comme propriétaire, ou fondé Je
pou \'Oirs du propriétaire, le droit d'aliéner la chose. (1) »
Cette discussion n'est pas pmement théorique, elle a un intérêt
pratique considérable. C'e t,, en effet, à celui qui prétend avoir
usucapé à démontrer que l'usucapion procède d'un juste titre, tandis que c'est à celui qui combat cette usucapion, à établir la mauvai e foi du possesseur ; en un mot, on présume La bonne foi et il
faut étab lir le juste titre.
i\Inis, puisque ceux qui soutiennent que la boone foi es~ la seule
condition requise, mais que le possesseur doit en prouver l'~"istenc~
et po ur cela démontrer qu'il a acquis ex jus ta causa, et que ceux qui
affirment que la preuve de la mauvaise foi est à la charge de celui
qui veut détruire l'effet de l'u uca.pion, mais que le possesseur doit
établir !ajusta causa, les deux systèmes se rencontrent sur la oécessité où se trouve le posesseur de justifier de son juste titre . .La
bonne foi est- elle présum ée indépendamment de la justa causa ou
bien lui est-elle intimément liée ; voilà en quoi ils diffèrent.
Il nous reste à montrer que la distinction que nous avons faite,
::,'appuie sur les textes les plus précis : Scparata est causa possessio-
nis et usucapionis, nam vt!rè diûtur quis emisse, sed mala fid! : quemadmodum qui sciens rem alimam emit,pro emplore possidet, licet no1~
wucapiat (L. 2 § 1. 41. 4 D.). Siquis a iion domino, quem domi1tum
esse orediderit, bona (ide (undum emerit, vel ex donatione, aliave qua( 1) Pellat, de la propriéttl, p. 469.
..
�-
108 -
libet justa causa, ceque botta (ide acccperit \Inst. TI. Tit. I. § 35) . Du
t exte s uivant, il résu lte qu'on doit établir le juste titre : Qui a pupillo emil ,probare dcbet ltilore rwclorc, lege non p1 oh ibente, se emisse.
(L. 13 § 2. 6. 2. D.) , tandis q ue ln bonne foi se présume touj ours,
malg ré une stipulation de garantie faite par l'acquéreur. C'est la
conclusion de la C. 30, Code 8. 45.
Ces deux éléments d' ai lieurs diffèrent essentiell ement. L'un, le
juste tit re, est to ut fait jurid ique q ui sert de cause à la trad ition,
qui témoig ne de la doub le intention d'aliéner et d'acquérir et qui
a urait r éellement transféré la propriété, si la na ture de l'objet ou la
q ua lité d u tradens ne l' en eussent empêché. Donc le juste titre n'est
pas l'intention d'aliéner ou d'acquérir ; il faut pour le constituer, un
événement juridique qui manifeste cette intention. Le juste titre
varie selon le fait en vertu du que l se fait la tradition. Ce peut être
uoe donation, un legs ou un acte de l'autorité (L. 11. 41. 2 D.). La
bonne foi a u contr aire, est r er reur dans la quelle est tombé l'acquéreur en attribuant, à celui q ui a transféré la chose, la q ualité de
propriétatre. Ces de ux éléments peuvent ne pas se r encontrer . L'acquéreur a peut-être un j uste ti tre et n'est pas de bonne foi, lorsqu' il a ad1eté une chose qu' il savait ne pas appartenir a u vendeur.
Il est peut-être de bonne fo i sans avoir un juste 1itre: q uand il a
cru acheter la chose et qu'en réalité il ne l'a pas achetée.
~ous a llons étudier s uccessivement l'erreur qui tombe sur la
qualité d u tradens et ici cette e rreUL' prend le nom de bonne foi, et
l'err eur q.ui tombe s ur le juste titre de l' usucapion.
De la bonne foi
L'err ecrr o u bonne foi ne peot se concevoir que dans une seule
des deux applications de l'us ucapion , c'est-à-dir e dans le cas où l'on
a reçu une chose d' un autre que le propriétaire. Car dans l'autre
-
109-
application, on sup~se que la chose a été livrée pnr le propriétaire
et l' usucapion ne seFt q u'à régulariser le vice de la transmissi.c.n,
q ui aurait dù s'opérer pa r un des modes spéciaux aux res manûpi.
D'ailleurs, cette dernière utilité a disparu avec la différence entre
les choses mrmcipi et nec mancipi.
La bonne foi, comme nous l'avons dëjà dit, est l'erreur en vertu
de laquelle on a cr u q ue le tradens était p11opriétait>e ou tout au
moins avait le pouvoir d'aliéner la chose. J amais l'erreur de droit
ne peut servir de fondeme nt fi l'usucapion. Ce principe est fol'mellement écrit dar.s plusieurs textes : Juris ignoPantiam in usucapione
negatur prodesse : {acti vero ig norantiam prodess~ "onstat (L.40. 2 2. 6
D.) . Nunquam in usucapionibus juris error possessori prodest (L. 31
pr. 41. 3 et L. 32 S 1 in fin6 41. 3 D.). Voici l'exemple que Paul
donne de cette distinction : Si a pupillo emero sine tutoris auctori-
tate, quem pube1·em esse putem, dicimus usucapionemsequi, ttt hic plus
sil in re quam in existimatione Quod si scias pupillum esse, putes ta
men pupillis licere res suas sine tutoris aucloritate administrare, non
capies usu, quiajuris error nulli prodest. (L. 2 § 15. 41. 4. D.). Et
l'eneur de fait elle-même, doit avoir été difficile à éviter.
En supposant que le possesseur ne possède pas de bonne foi la
totalité de la chose, il us ucapera toutes les parties de cette chose
sur lesquelles porte sa bonne foi ; il faut aussi qu'il ait une idée
bien nette de la pa rtie déterminée qu'il veut usucaper : lncertam
partem nemo possidere potest (L. 32 § 2. 4 L. 3 D.). Ce qui résulte
aussi de la loi 6 § 1. 4 L. 4 D.).
On restreint donc autant que possible l'effet de l'erreur, on veut
qu'elle soit excusable, on repousse l'erreur de droit parce qu'il
s'agit d'acquérir une chose qui appartient à a:.itrui et de l'acquéri1·
à son ins u et sans son consentement.
En principe, il suffit pour qùe l'erreur ou la bonne foi puisse
donner lieu à l'usucapion qu'elle ait existé au début de la posses-
�-
110 -
sion (1) : ftlala fi.des super veniens non impedit usucapionem. Cept!ndant la règle fléchit dans deux cas particuliers quand on usucape
pro emptore et pro donato.
Usucaper pro e1nptore, c'est usuca per en vertu d' une vente ou
d'autres faits juridiques que l' on avnit assimilés à la vente, par rapport à l'usucapion (L. 1. 4 1. 4. D. et Fl'J,gm. Vatic. § 111). Celui qui
a.ur·a acheté une chose à non domino usucapera pro ernplore, s'il a cru
que son vendeur en était réellement propriétaire. .Mais, dans ce cas
spécial, l'acheteur doit pour us ucapet' ètre de bonne foi au moment
du contrat et au moment de la tradition : In emptione lrnlem el cont~aclus tempus inspiûtur , et quod soluilw· (L. 48. 41. 3. D. ) (Z).
Voici un autre texte très explicite : Quare ergo et si pu lem me vendidisse, et traàam noh capies usu? Scilicet quiet in cœteris contracti bus,
sufficit traditionis lempus; sic denique, sisciens stipuler rem nlienam,
usucapia.m,si cum traditw· mihi, e.cisti mem illius esse: al inemptio11e
et ill ud tempus inspiciliir, quo cont1·ah itur; igitur et bona {ide emisse
debet el possessionem bona {ide adeplus esse. (L. 2. pr. 4 l. 4. D.)
Comment expliquer cette darogation à la règle gél').érale? Suivant
les uns , très probablement la loi des X CI Tables à propos de l'usu....
capion s upposait le cas d'un hom me qili bona {ide emü (L. 7 § 11 :
ô. 2. D. ) et les jurisconsultes, po'Jr' mettl'e d'accord le texte de la lot
avec les principes généraux qui régissent la bonne foi, ont exigé
que la bonne foi existât au début de la possession et au moment de
la tradition (3). Mais on ajoute que la loi des XII Tables s'occupait
plutôt de la mancipation que de la vente, afin d'expliquer t.:n texte
de Paul (L . .\8. 41. 3. D.). Suivant les autres, ct>la tient à la rédaction de l'édit du préteur sur l'action Publicienne; par les mots qui
bona fide emit, on crut qu'il demandait que la bonne foi existàt au
moment de la vente et pour satisfaire ù. la règle g énérale qui l' exi( 1) L. 15
~
2. 4. l. 3. e l L. 4.4 ~ 2.
(2) L. 7 ~ 17. 6. 2. O.
{3) Demange.at. I. 549.
Lit.
3. D.
-
111 -
geait au moment de la tradition, les prudents décidèrent qu'elle
devait existt:r à ces deux époques . Mais c'est une pure conjecture
de penser que l'édit reproduisait la loi des XII Tables, ou bien qu'on
avait appliqué à l'édit les dispositions contenues dans cette loi, à ·
propos de la mancipation. La mancipation, en effet, n'est pas une
jusla causa ust~capiencli et, en outre, si la loi des X ll Tables avait
édicté cette règle, les jurisconsultes auraient soumis la vente à
ce principe sans aucune hésitation, tandis que, pendant très longtemps, on se demanda s'il fallait que l'acquéreur fût de bonne
foi, mèrne au moment de la tradition. (L. 10. pr. 41. 3. D.) Cette
discussion, au contraire, est toute naturelle si on attribue à la publicienne l'initiative de cette autre condition, car cette action Il;! fut
introduite qu' assez tard Les j ul'isconsultes n'étaient pas bien fixés
sur la portée de ces pa roles du préteu r qui bona fide emit: Avait-il
voulu suivre la règle ou y apporter ~ne exception? (l )
Autrn exception pour l'usucapion pro donato. On usucapait pro
donato lorsq u' on avait reçu par donation, une chose dont le donateur
n'était point propriétaire : Pro dcnato is urncapit cui donationis causa
rcs lradita est : nec su(ficit opinari sed et clonatum esse oportet (L. 1.
41. G. D). Dans ce cas pal'ticulier, il fallait qu e la bonne foi eut
existé pendant tout le temps de la possession. Cela ressort du texte
de la loi 11. § 3. 6. 2. D. Mais Justinien supprima cette dérogation
que l'on pouvait expliquer par la défaveur que l'on témoignait anx
acquéreurs à titre gl'atuit et aussi par cette raison, que l'acquéreur ,
à titre gratuit ne s'est obligé à l'ien, en retour de la tradition qu'on
lui a fa ite et , par suite, ne mérite aucu n égard : Quod in rebus mobilibus observandum esse censcmus, ut in omnibus j1isto titulJ possessionis ante cessoris ju,sla detc-ntio, quam in re habuil: non inlcrrumpatur posleriore {orsilanœ alien rei scientia, licet ex titulo lucrativo ea capta est. (C. 1, Code 7. 31.)
(1) Accarias. I. 563, note 3.
�-
Dans certains cas déterminés, on peut profiter de la bonne foi ou
souffrir de la mauvaise ,foi de son a uteur, de celui dont on tient la
chose que l'on est en train d' us ucaper. C'est ce que l'on a ppelle
l'accessio possessionum. Voici très brièvement les règles a uxquelles
elle est so umise. Quand on succède à titre universel, on ne ti ent
aucun compte de la solution de continuité gui sépare la trnnsmission
de la prise de possession, et la possession de l'ayant-droit ne peut être
que ce qu'était la possession de son a uteur. Si donc, celui- ci était de
mauvaise foi, bien qu'il soit, lui, de bonne foi, il ne pou rra pas usucaper et si son auteur était de bonne fo i malg ré sa mauvaise foi, licet
ipse sciat prœdium alienum, il cont inu ~ra l'usuca pion commencée par
son auteur. (lnst. II , VI,§ l.t et L. 23 pt· 41. 2.) T andis que si l'on
succède à titre particulier , il fa ut que la possession de l'ayant-droit
remplisse toutes lEs conditions requises (L. 2, § 17. 4 1. 1. D.) et,
dans ce cas, il pourra profiter de la possession de ses auteurs, si
cette possession était régulière, si spécialement ils ont tous été de
bonne foi au début de la possession. Mais cette poc;session ne lui
nuirait pas si elle a vait été irrégulière. Dans cette dernière hypothèse, Je délai de la possession ne commencerait à courir que de
!'initium de sa possession personnelle. (Instit. eod. loc.)
Comme on le voit, l'erreur, qui dans les cas où la loi la décla1•e
efficace, vicie l'acte j uridiq ue qu'elle entache, rend valable, a u contraire, l'usucapion. E lle en est une condition essentielle, car il n'y a
pas d' usucapion sans bonne foi. Cependant, quelques exceptions
restreignent ce principe. L' usucapion dite pro herede n'exige nullement la bonne foi On ne dema nde point à celui qui s'empare d'une
hérédité ou d' une chose de la succession, qu'il ait cru que cette
succession ou cette chose lui ap pa rtenaient. P ourvu qu'il ne les ait
pas volées, qu'il ait la {actio testamenti avec le défunt et qu'il n'ait
pas possédé à un a utre titre, c'est tout ce que l' on exige pour que
l'usucapion puisse s'accomplir. De nombreuses decisions législatives
113 -
atténuèrent l~ p~rtée de ~ette usucapion que l'on appelait improba,
tant elle pa raissait contraire aux règles d'équité et de saine justice
et enfin la prohibèrent sous peine d'une poursuite criminelle, appelée
crimen expilatœ hereditatis.
La bonne foi n'était pas plus nécessaire dans J'usureceptio, c' està-dire dans l'usucapion de celui qui ren tre en possession d'une
chose dont il a vait cessé d'être propriétaire, soit parce quïl l'avait
remise en garantie d' une obligation <lont il s'est li béré, soit parce
qu'il l'a déposée chez un tiers, sous la condition de pouvoir la
reprendre •) uand il la lui <lernanderai t. li en est <le même dans
l'usureceptio ex p1YEd iatura, 1;' est-à- dire dans l' usucapion de celui
qui, après a voit' remis un bien en ga1·antie d'une dette envers l'Elat
est rentré en possession de cc bien que l'Etat a vendu, faute de'
paiement, à un prœdiato1'. L'usucapion commence pourvu que l'on
ait rembou rsé le prœdialor.
La personne missa in possessionem des biens d'autrui par
suite du r efus de donn er la cautio da111ni m(ectiusucapera valablem ent, b ien qu 'elle sache que ces biens ne lui appartiennent
pas (L. 15 § 11 et 16. 39. 2.).
Ind iquons en terminant, le cas d'usucapion d'une chose mancipi
tra nsm ise par tradition et l'usucapion d'une chose ex peculiari
causa (L. 1. 47. 41. 3et2§11. 41. 4. D.).
Il y a encore d'au tres hypothèses ou la bonne foi n'est pas indispensable, pour que rusucapion puisse s'accomplir: Les exemp les q ne nous Yenons, d'i ndiquer suffisent pour faire comprendre
quelle portée il faut donner à la règle que la bonne foi est un
élément essentiel de ce mode d'acquérir.
8
'
�-114 -
Juste titre
L'erreur peut aussi porter soit sur l'existence, soit sur la nature
du jus te titre. La croyance de l'acquéreur qu'il p osséde en vertu
d' un titre r éellement exis tant et valable ne s uffira-t elle pas pour
qu'il puisse usucaper ·7 En un mot, le Litre qui n'existe que dans
l'idée des parties et que l'on appelle le tit1·e putatif, peut-il servir de base à l'usucapion ? ur ce point les Institutes s'expriment ainsi : E rror (alsœ causœ usucapionem non parit ; veluti
si quis, cwn non emerit, emisse se existimans, possideat, vel cwn
ei donatum non (uerit, quasi e.t donatione possideat (Inst. § 11
Lib Il. Tit. VI) termes bien affirmatifs, qui pourraient laisser
croire que jamais, cette quesLion ne fut mise en d oute. Cependant elle avait été vivement controversée (L. 9. 41. 8. D.) Quelques juriscons ultes, avaient admis que le titre putatif pourrait
servir de base à l'usucapion, lorsque l'eneur dans laquelle était
tombé celui qui voulait s'en prévaloir, était excusable.
Cela est établi d 'une façon indiscutable par les deux.
textes suivants: Quod vulgo ti·adit u1n est, ewn qui existimat se
quid emisse, nec emeril non posse JJl'O cmptore usucapel'e, hactenus verum esse ail, si nullam causam ejus crrori emptor habeat;
nam si forte senms vel procuralor, cui emendam rem mandasset,
persuaserit ei rem emisse <llqtte ila tradiderit, magis esse ul usttcapio sequatur (L. 11. 41. 4. D.). Sed id quod quis cum sutim esse
existimaret, possederil, usucapiet, etiam si falsa fueril ejus existimatio : quod tamen ila interprelandum est, ut vrobabilis error possidentis umcapioni 11on obstet (L. 5 § 1 41, 10. D.) L'erre ur
-
115 -
sera excusable quand elle portera sur le fait d'autrui,comme le dit
le premier texte quia i n alieni (acti ignorantia tolerabitis error
est ;quand le titre existe en fait, mais qu'il est est nul dès le
principe ou l'est devenu dans la suite (L. 67. 23. 3. D); en un
mot quand on ne peut reprocher aucune négligence à l'acquéreur.
Il est incontestable, que le principe si nettement posé par les
Institutes et main tes fois répété par le Code, est plus confo rme
à la distinction entre le juste titre et la bonne foi, deux éléments
que ce système intermédiaire fait se confondre et cette doctrine
pour être plus équitable n'en est pas moins fort peu juridique,
en ce sens qu'elle fa it dégénérer l'examen du juste titre en une
question de fait, souvent fort difficile à résoudre. Aussi depuis
Dioclétien, le titre putatif fut- il rigoureusement écarté.
C'est, sans doute, parce que le système qui fit admettre le
titre putatif, répugne à la logique, qui domine la législation
romaine, que quelques auteurs ont essayé d'en contester l'existence en expliquant, à leur façon, les tex.tes qui la consacrent
et que nous ayons cités. Ainsi, dans le tex.te de la loi 2 § 15
41. 1 .D., on dit quïl y a urait une j us te cause, car le pupille,
semble avoir vend u, non des choses qui lui appartenaient, mais
des res alienœ. In terprétation inexacte, car il y aurait contradiction entre les deux paragraphes du texte, si le premier s'1ccupe cl~ la vehte des cho es d'autrui, alors que le second parle
ùes -r·es pupilli. Cette op inion est erronée : on aura beau torturer les textes, il esl impossible de contester qu'à un moment
donné, les jurisconsultes ou du moins quelques-uns d'entre
eux, n'aient pas donné au titre putatif sous certaines conditions,
le même etTet qu'au juste titre.
Que le titre soit réel ou putatif, c'est au possesseur à l'établir
ou à démontrer que, quiconque à sa place aurait ajouté foi à son
existence ·o u à sa validité (L. 13 § 2. 6. 2. D.).
A côté de l'usucapiOJ?. (dont nous n'avons voulu nous occuper
�-116 -
qu'au point de vue de l'erreur) fut crée par le préteur la prescriptio longi temporî.$. Toutes les choses n'étaient pas susceptibles d'être acquises par usucapion, entre autres nous citerons
les fonds provinciaux, et toute personne ne pouvait recourir à
l'usucapion comme mode d'acquisition de la propriété,les pérégrins par exemple. Afin de combler cette double lacune, la
prœsc1·iptio longi teinporis, fut introduite. Sans nous arrêter
aux différences très-saillantes qui séparent l'usucapion de la
prœscriptio, nous remarquons que les règles sur la bonne foi,
que nous avons exposées à propos de l'usucapion, s'appliquent
à la prœscriptio, assi111ilation parfaite quant à la bonne foi qui
se maintint, quand Justinien, alors que toute distinction avait
disparu entre le sol italique el le sol provincial, et entre les
diverses classes de citoyens, fondit ces deux institutions en une
seule (C. 1. Code 7. 31.).
CHAPITRE VII
De l'erreur ou bonne foi en matière d'acquisition de fruits
La bonne foi accompagnée des autres conditions requises que
nous avons indiquées, fait acquérir la pleine propriété d'une
chose, mais en dehors de cette elTet souverain, soit que l'usucapion, par suite de la réclamation du propriétaire n'ait pu
s'accomplir, soit que la chose possédée ne puisse être usucapée, (1) soit que celui qui possède ne puisse l'usucaper, elle
peut faire acquérir les fruits ou les produits qui ont ce carac~
tère et qui sont nés de la chose pendant la possession.
( 1) Nec interest ea res quam bona fid e emi, longo tempore cal-Ji possit nec
ne: veluti ;,i pupilli sit , aut vi pus!essa, aul presid i cunl ra legrn1 repetundarum J ùnata al>eoque al>ali~nal a s1t bona fidei cruptori (L. 48. 41. 1. D.).
-117 -
On entend par fruits, tout ce que la chose, d'après sa destination, produit périodiquement ou à peu près. Ici comme en
matière d'usucapion, la bonne foi n'est autre que l'erreur du
possesseur: Si quis a non dominf), disent les Institutes, quem
dominum esse Cl'ediderit bona (tde fundum emeril, vel ex donatione,
alia ve qualibel jus ta causa, ll'que bona (ide accepe1·it, naturali ratione, placuit fructus quos pe1·cepit ej us esse pro cultura et eu ra . et
ideo si postea dominus superveneril et fund um vindicct, de fruclibus ab eo consumptis agerenon potest. Ei vero qui alienum fundum
sciens possederil non idem concessum est; ita1ue cum fundo etiam
fructus licet consumpti si nt, cogitur restiluere ( § 35. Lib. JI.
Tit. 1). (1) Comme pour l'usucapion, ce texte exige pour l'acquisition des fruits la bonne foi et le juste titre, c'est-à-dire la
croyance chez celui qui possède la chose, que celui qui la lui a
livrée, avait le pouvoir de l'aliéner (L. 109 50. 16. D.) et un événement juridique qui établit chez les parties, l'intention de
transférer et d'acquérir la propriété, de sorte que la tradition
n'a été inefficace, que parce que le tradens n'était pas propriétaire on ne pouvait aliéner la chose.
Quelle est la nature du droit du possesseur sur les fruits et
sur quels fruits porte ce droit? Bonœ (iriei emptor, non dubié
pere?°piendo fructus, etiam e:c aliena re, suos interim facit, non
tantum eos qui diïigentia et opera ejus pervmenmt, sed omnes:
quia quod adfructus allinet, loco domi11i pœnè eçf (L. 48. 41. 1. D.)
Porro bon.;;e fidei 71ossessor, inpercipicndù frnctibus, id j1wis habet,
quod dominis prœdiornm t1·ib11tvm est (L. 25 § 1. 22. 1. D.) D'après
ces textes, ce droit est celui de pleine propriété et il porte sur
tous les fruits indistinctement. (2) Il suffit de les lire, pour voir
1
1
(1) En verlu de ci> droit aux lruils, le possesseur de bonne loi, profite des
acquisitions faites ez ope1·is ~ervi, soit par n n esclave d'autrui, soit par un
,
homme libre possédé de bonne loi comme esclave.
(2.) Adde L . 1 § 2. 20. 1,0. el L. 28. '12. 1 D. {l'uctus stat im pleno jitre sunt
bonœ fidei posseroris.
�-
- 119 A quel moment ce d"oit prend-il naissance? Au moment de la
scparation, c'est-à-dire lorsque le fruit est détaché ou se détache,
de quelque manière que ce soit. Faisons remarquer que le possesseur de bonne foi e~t mieux partagé que l' usurruitier, qui ne peut
faire tomber les fruits dans son patrimoine, que s'il les a perçus luimème ou s'il les a fait perecvoir par quelqu'un, en son nom ; il ne
118 -
combien est peu fondé le système de ceux. qui veulent faire une
Jistinction entre les fruits provenant du travail et les fruits naturels, en s'appuyant s ur un texte de Pomponius, qui semble
exposer wie opinion personnelle, et dont la portée est détruite
par le termes généra ux que Paul a employés. (L. 45 § 1. 22.
1.D.) D'autres a uteurs (1) sonliennent qu'on ne peut avoir sur les
fruits, partie de la chose, qne le droit que l'on a s ur la chose
elle-mème, sauf à pouvoir les usu caper par l'expiration du délai
de la possession et à n'être pas oLligé de renùre ceux que l'on
a consommés, (2) parce que, dit-on , les fruits sont des accessoires de la chose, et le droit qui porte sur eux ne saurait différer de celui qui porte s ur le principal. Certes, cela est exact
quand les fruits sont pendants (L. H. 6. 1. D.), il n'y a a lors
qu'une seule propriété, et non deux propriétés distinctes. l\Iais
quand ils sont séparés de la chose, les fruits n'appartiennent
pas au propriétaire comme partie de la chose, mais en vertu
d'un droit spécial qui porte directement sur eux. Si le principe
que l'on invoque était vrai , il faudrait dire quand il s 'agit d'une
1·es furtiua, que les fruits étant comme la chose afTectés d'un vice
qui en empêche l'usucapion, ne peuvent ètre us ucapés; tandis
qu'il est indiscutable que les fruits d'une 1·es furliva appartiennent i'pso jure au possesseur de bonne fo i ; il fa udrait a ussi
lorsqu'on a sur le fonds une propriété bonitaire, dire que l'on
n'acquerra sur les fruits qu'une propriété bonitaire. Or, d'après
les textes que nous avons rapportés, on a sur les fruits la propriété quiritaire, le dominium ex jure Quiritium. C'est que
l'on acquiert les fruits lege, c'est-à-dire en vertu d'une disposition
spéciale de la loi. Selon la plupart des a uteurs, et nous les
croyons dans le vra i, le possesseur de bonne foi acquiert sur
les fruits un droit de propriété pleine et entière.
pourrait les revendiquer s'ils avaient été arrachés à son insu, ( L. 12•
§ 5. 7. 1. D .)
La bonne foi doit exister a u moment de la séparation. Du jour où
le possesseur est de mauvaise foi, c'est- à- dir<! du jour où il a connu
le droit du vrai propriétaire et le défaut du sien, il nP. peut plus
acquérir les fruits (1). En cas de poursuite, il ne sera en fait, con-
stitué de mauvaise foi que par la sentence du juge qui prononcera
sur la réclamation du propriétaire. Mais comme les effets du jugement remontent au jour de la litis contestafio , comme c'est à la
lib's contestaHo quel' on se reporte pour évaluer le montant de la
restitution de celui qui succombe, c' est il partir de la lilis contestatio que le possesseur devra restituer les fruits, bien qu'il ait soutenu le procès de très-bonne foi. Ce qui revient à dire que la litis
contestat1' 0 Je constitue de mauvaise foi ('2). Et, en effet, du jour où
l'instance est définitivement engagée par le propriétait·e, la pr udence
commande au possesseur de ne pas consommer la'> fruits et de les
""arder jusqu'à l'issue du procès.
° Cette théorie se maintinL dans toute son intégrité pendant
\'époque classique. Dans aucun texte, il n'est question de ~e!'ftution
de fruits, tant que le possesseul' est demeuré de bonne f01 . Aucune
t
(1) De Savigny, de la possess ion ~ 22 a.
(2) L. 4 ~ 5. 41. 3. D. -
( 1) Ce qui con stitue une différence enlre l'us ucapion. el l'acquis!lion des
't (L t.8 2 1 41 1 O.) Julien , au contraire, soutenait (L. 25. ~ 'l~. 1) q~e
continuerait à acquérir
.
.
• ·
rut s . · 1 • ~ •
malgré la s urvenance de la mauvaise foi, le possesseur
r
.
les frui ts jusqu'à la pours uite.
(2) Au moins quant à. la resti tution drs fruits. li en était autrement pou
\ e5 ris ques. (L. 40. pr . 5 3. D.)
r
L. 48 ~ 5. 'i7. 2. O.
l
�-
120 -
distinction n'est faite, par exemple, enLre les fruits consommés et
les fruits non consommés ..... Cum (ructuarii, quidem, dit Julien
(fructusj, n on fiant, antequam ab eo percipiantur, ad bonœ fidei
possessorem pe-rtineanf, quoquo modo a solo separati fuerint :
sicul ejus qui r;ecti9alcm (undum habet, (rucfos fiunt, simul
atque solo separati sunt. (L. 25. S l. 22 . 1. D .) D'après J u lien , la
situation du possesseu r de bonne foi est bien préférable à celle de
l'usufruitier . Or, r.ela ne serait pas exact si le possesseur de bonne
foi était obligé de restituer les fruiLs non consommés, a lors que
l'usufruitier n'est nullement tenu de cette obligation. L a loi 28 du
même titre, qui eü de Gaius, est tout aussi ex plicite : à propos des
fruiL , ce jurisconsulte met su r la même ligne le possesseur de
bonne foi et l'usufruitier. Or, celui-ci ne restitu e jam&is les fruits
qu'il n'a pas consommés. Paul dit aussi: Deniqueetiampriusquam
percipial, stalim ttbi a solo scparati sunt, bonœ fidei emptoris {iufll.
(L. 48. 41. l. D.) Cette théorie se dégage encore de plusieurs autres
te~tes et fut même consacrée par les empereurs Sévère et An tonin,
ainsi que le prouve la C. 2. Code 3. 3 l. Que si plusie . rs textes semblent établir au contraire q ue, d0jà à l'époq1;.e classique, on faisait
u ne distinction ent re les fruits consommés et ceux qui ne l'étaient
pas, on peut affirmer sans crain te qu'ils ont été remaniés par les
CJmpilateurs du Digeste, désireux de mettre d'accord avec la nouvelle doctrine qui a mit été inaugurée par Dioclétien les textes des
anciens jurisconsultes. Il est facile de s'en conva incre, en lisant la
loi 4, § 19. 41. 3. où l'interpolalion est évidente . Voici en q uels
t e1·mes cette no uvelle <loctrine est fo rm ulée par DiodéLie n: Ce1·tu.m
est malœ fi dei possesso1·es omnes (1·uct11s sole1'e cum ipsa re p1·œstari; bon<E fidei vero exslantes. (C. 2:2. Code 3. 32. ) Donc, depuis
Ccllte disposition législati ve, le possesseur <le bonne foi est ten u de
r estituer les fruits non consommés; en un moL, il ne fait plus ,
comme par le passé, les fruits siens par la sépa raticn, ma is seulement par la consommation. Sous l empire de quelles idées naquit
-
121 -
cette modification à la th éorie primitive ? D'après nous , on admit en
principe qu'il était équitable (œquitatis ratione) d'établir une compensation e ntre les fruits que le possesseur de bonne foi avait déjà
perç us avant la titis contcsta tio, mais n'avait pas encore consommés,
et les sommes dont le propriétaire, qui intentait l'action en revendication, lui était redevable pour les a méliorations que le possesseur
avait fuites sur le fonds. (LL. 48 et 65, pr. 6. 1. D.) C'était faire
litière du principe qui accordait au possesseur un droit de pleine
propriété s ur les fruits dès leur s~paration du sol, et, peu à peu, on
décida q ue non se 11lement, dans ce cas le possesse ur devrait restit uer les fruits non consommés, mais encore da us tous les autre!', et
ce~te co utume devint un e obligation légale, en vertu du rescrit de Dioclétien . On expliqu e a ussi ce changement, par l'influence qu'exerça
s ur cette matiè re le sénatus-cons ulte J u ventien, relatif à la possessio n d e l'hé rédité. Le possesseur de l'hérédité, devait restituer non11eulement l' hé rédité en capital, mais toutes les acquisitions qui e n
découlaien t , tout ce dont il s'était enrichi, gràce à l'hérédité. Mais
il n 'y avait pas d'assimila tion possible, car il n'y a pas p a rité de
situation entre le possesse ur d e l'hérédité e t le possesseur d'un
fonds. E n efîet, d'après le sén atus-consulte Juventien, le p ossesseur de l'hérédité gardera les fruits existants s 'il en a déjà
absorbé la vale ur ou bien il r endra la valeur de ceux qu'il a consomm és si cette conso mma tion l'a enrichi. Tandis que le p ossesseur d'un fonds restitue les fruits qu'il n'a pas consommés e t
alors il s'a ppauvrit s'il en a déjà consommé la valeur, ou il garde
la val e ur des fruits dont il a d isposé, sans qu'ils ne soient pas
encore consommés, et, dans ce cas, il s'enrichit. Le but que l'on
p ours uivait de ne pas laisser enrichir le possesseur au détriment
du propriétaire, n 'est donc pas atteint et a utant la dis position du
sén a tus-cons ulte é ta it logique, autant le ch angement d ans l'obligation qui incomb e a u possesseur de bonne foi, est p eu raisonn a b le.
�-
122 -
Les fruits appartiennent donc au possesseur de bonne foi par
la séparation ou par la consommation, selon que l'on se place
avant ou après Dioclétien. Mais quel est le motif de cette
faveur toute particulière. D'après les Ins titutes, il garde les
fruits pro cultu1·a et c1wa . Mauvaise raison, parce qu'il se peut
que le possesseur n'ait contribué en rien à la production de ces
fruits et le possesseur de mauvaise foi, quels que soient son traYail et ses soins, ne peut se les approprier. Plusieurs auteurs
soutiennent que le possesseur de bonne foi acquiert les fruits
par l'occupation : car dit-on, le fruit n'a pas de propriétaire et
le possessew· de bonne foi s'en empare animo domini et cela
est si vrai que dans plusieurs textes, on le considère comme un
objet nouveau, absolument distinct de la chose (L. 10 § 2. et 33.
p. 41. 3. D.) et l'on ajoute que si le possesseur de mauvaise fo i,
ne peut se prévaloir de ce mode d'acquisition, c'est qu'il ne peut
im·oquer son dol pour s'en faire faire une source de bénéfices.
Il ne nous parait pas que le fruit soit une chose nullius et pour
preuve : si le possesseur acquérait les fruits par occupation, si
ces fruits sont volés, il n'y aurait plus occupation et il n'aurait
plus sur eux. aucun droit de propriété : tandis qu'il a le dro it de
les revendiquer : c'est donc qu'en les volant, on a violé son
droit de propriété qui existait depuis la séparation. Comme
nous l'avons dit, la loi attribue le fruit au possesseur : ce n 'est
pas par l'occupation qu'ils tombent dans son patrimoine. Mais
pourquoi la loi les lui attribue-t-elle ; d'après l'opinion commune, c'est parceque le possesseur croyant que la chose lui
appartenait a réglé sur ses revenus sa manière de vivre lautius
'
vixit : la restitution qu'il devrait faire lui serait trop ouéreuse
et le calcul de la valeur de ceux qu'il a consommés, trop diffi.cile.
Celui qui possède le fonds d'autrui y élève des constructions
avec ses propres matériaux : Que faut-il décider ? (§ 30. Lib. II.
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123-
Tit I. Instit.) Le possesseur de bonne foi, en vertu des principes
œdifiicillm solo cedit, perd la propriété de ses matériaux. qui
sont acquis au propriétaire du fonds. Mais quel sera le recours
de possesseur conl1·e le propriétaire? Ici, il importe de distinguer s'il a construit de bonne ou de mauvaise foi? At-il réellement cru qu'il élait propriétaire du fonds qu'il possédait? Dans
ce cas, à la di!Térence cle cons tructeur de mauvaise fo i, il opposera à l'action en revendication du propriétaire pendant qu'il
possède encore une exception de dol, (Gai us, IL § 76.) afin de se
faire rembourser non pas exclusivement, comme le prétendent
les Institutes, p1·etium male1·ù:e et 111ercedes fabrorum, c'est-àdire, le montant intégral de la dépense, mais tout aussi bien la
plus-value que ces constructons ont apportée au fonds, au choix
du propriétaire (L. 38. 6. 1. D.) Mais si le constructeur a perdu
la possession du fonds il n·a aucune action directe contre le propriétaire, afm d'être remboursé des dépenses dont il l'a fait profiter. Cependant les interdits pourront lui être d'un grand
secours: imde vi, s'il a élé dépossédé par la violence; utipossidef'is, s'il a possédé nec vi, nec clam, nec 7irecario ; il pourra
intenter raction publicienne s'il était en train d'usucaper, et si
le propl'iétaire lui oppose l'exception justi dom1.nii il lui répondra par la replfratio doli mali . Il aura aussi le droit de revendiquer ses matériaux. ; si jamais les constructions viennent à
être démolies. L e possesseur de mauvaise foi donasse videtu1· : cependant plus tard on lui concéda le droit d'opposer l'exception de dol pour se faire rembourser ses dépenses nécessa ires et de revendiquer les matériaux après la destruction de
l'êdifice. (L. 37. 6. D. C. 5. Code 3. 32.).
Ces principes s'appliquent, clans le cas où le possesseur de
bonne foi a fait des plantations sur le fonds qu'il possède.
Cependant, il ne peut jamais revendiquer les arbres quand ils
�-
124 -
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125 -
ont été arrachés ou coupés, ni les plantes qu'il avait ensemencées (L. 53. 6. 1. D.).
SEC::'rIC>N" I I
CHAPITRE VIII
De l'erreur en matiêre d'aveu et de transaction
SEC::'rIC>N" I
De l'aveu
On entend par aveu, la déclaration par laquelle le défendeur
reconnait la justesse des prétentions du demandeur. Il est très
important de rechercher s i l'aveu a été fait en connaissance de
cause, car il équivaut à un jugement : con(essus pro /udicato
est , qui quodam modo sua sententia damnatur (L. 1. 42.
2. D.). (1). Aussi l'aveu était-il considéré comme non avenu s'il
avait été fait par erreur : non (atelur qui errat (LL. 2 et 8. 42.
2. D.). (2). Et cette erreur pouvait être établie par celui qui
l'avait commise, ou résulter des circonstances (L. 13 pr. 11.
1. D.). Mais l'erreur n'était prise en considération que si elle
était de fait et excusable (L. 11. § 11. 11. 1. D.). L'aveu fait par
suite d'une erreur de droit, était acquis : non /atetw qui err·at,
nisi ;'us ignoravit.
tq 1. 11. 1. O.
(2) Adde L. 23 f ll. - L. 24. -
(J) Adde L.
L. 25. pria. 9. 2. O.
De la transaction
La transaction est une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes, au moyen de sacrifices réciproques, préviennent ou terminent un litige. Elle a donc pour but de trancher
un diΎrend qui porte sur des droits douteux : qui transi9it,
quasi de re dubia el lite ince,·ta neque finita, transigit. (L. 1. 2.
15. D. et C. 32. Code 2. 4.). Puis que c'est une convention, elle
doit avoir pour fondement le consentement des parties ; l'erreur
peut vicier ce consentement. L'erreur peut porter sur la personne, avec laquelle on contracte. La considération de la personne a quelquefois une importance capitale dans la transaction : aussi, faut-il admettre, que si l'on a transigé intuitu
personœ et s'il y a erreur sur la personne de celui avec lequel
on transige, ou seulement sur la qualité juridique qui lui donne
pouvoir de transiger, la transaction est nulle. Plane si sine
/udice diviserint 1·es, etiam condiclionem earum re?·um quœ
ei cesserunt, quem coheredem esse pufavit, qui fuit heres, competere dici potest: non enim fransactum inte1· eos intelligilur,
cum ille coheredem esse pulave?·it (L. 36. in fine 10. 2. D.) Si
l'une des parties a voulu faire cesser une incertitude qui, en réalité n'existe pas , mais que les manœuvres de l'autre partie ont
déterminée dans son esprit, pas de transaction (L. 65 § 1.
12. 6. D.). De même encore, s'il n'y a pas accord de volontés
entre les parties sur l'objet même de la transaction ; si l'une,
par exemple, croit que la transaction porte sur tel objet et l'au-
�126 tre sur tel autre : ou bien sur tel point, que les deux parties
regardaient comme certain et déterminé (C. 3 Code 2. 4.) :
T ransaclio 9uœ cum911e sit de his tantwn, quibttS inter
com..'enienfes placuil, ù1terpos1ïa c1·edit11r (L. 9 § 1. 2. 15. D.).
De ce texte, il r ésulte que la transaction laisse absolument
intacts tous les objets que les parties n'ont pas eus en vue.
Mais si l'erreur tombe sur les droits que les parties regardent,
même à tort, comme incertains et douteux. la transaction sera
maintenue, car elle n'a d'autre fin, que de faire cesser le
doute et de préYenir le procès a uquel ce doute pourrait donner lieu (C. 2 et 23. Code 2. -l.). Ain i on transige sur une
prétention douteuse, plus tard on découYre des titres qui en
établissent le bien fondé, la transaction vaut : sub p rele:rtu
insfrumenti post 1·epe1·ti, fransacfionem bona (ide finitam rescindi, jura non patùmtur. (L. 78. s lG. 36. 1. D. - C. 19. Code
2. 4.). Les parties ont fait une transaction relative à un genre
sans savoir quelles espèces il peut comprendre, soit actuellement, soit éYentuellement; la découverte de nouvelles espèces ne vicie pas la transaction : s11b p1·etextu specierum post
reperlarum,generati transaclione fini ta, rescindi prohibent J°u ra
(C. 29. Code 2. 4.).
Cependant, el c'est une cause de rescision spéciale à la
transaction, si r erreur a porté sur la sincérité des pièces qui
ont engagé les parties à transiger, la transaction sera annulée :
Si e:r (alsis insfrumentis fran.sacliones uel pacfiones initœ (ueri11f, quamvi·s iusjurandwn de !tis intel'f'O.<situm sit, etiam ciuiliter (also r·evelato. eas refracta1·i p1·œcipfo11ts (C. 42. Code 2. 4.)
Ainsi les parties, s'appuyant sur des titres qu'elles croient sincères, consentent à transiger ; puis on découvre que ces titres
sont faux, la transaction sera rescindée quant aux chefs auxquels s e rapportent les titres reconnus faux., aliis (irmis manentibus. Donc il faut que les titres aient été déclarés faux, que
-
127 -
la transaction ait été conclue dans l'ignorance de cette fausseté
'
et que la croyance à la sincérité des pièces ait été déterminante
de la volonté des parties. Mais si les parties on t eu des doutes
sur la validité de ces pièces, si la transaction a précisément eu
pour but de faire cesser cette incertitude, la transaction est
maintenue, nisi forte etiam de eo quod (alsum dicitur, controversia orta decisa sopiatur ( eod. loco).
Peu importe quu les parties aient regardé comme douteux.
un point qui ne l'était pas; il suffit qu'elles l'aient considéré
comme tel. Cependant si ce point tenu pour douteux, ne
l'éta it plus par suite d'un jugement qui a acquis force de chose
jugée, l'erreur dans ce cas annule la transaction : u Si post rem
judicatam, qui tra nsegen·l et sol verit, repctere poteril, idcirco quia
placuil transactionem nullius esse momenti (L. 23 § I. 12 6; adde
C. 32 Code 2. 4.) et cela a sa raison d'être : pour qu'il y ait
transaction, il faut qu'il'! a it un doute quelconque; or ce doute
ne s aurait s ubs ister après le jugement, a mo ins cependant que
ce jugement ne so it pas définitif, ou soit tellement confus
qu'on puisse s outenir qu'il n'a pas tranché telle ou telle difficulté. « Et post 1·em judicatam tmnsactio valet, si vel appellat-io
intercesseril, vel appellai·e potue1·is (L. 7 prin. 2. 15. D. )Posl 1·em
judicntam, etiam si provocatio non est inferposita, tamen si
negetur judfratum esse, vel ignorari potesf an judicalttm sit,
quia adhuc lis subesse possil, fransactio fieri potest. (L . 11. 2
15. D. ). L'erreur de calcul doit ètl'e rectillëe dans la transaction
comme dans to ute a utre convention, it moins cependant que les
parties n'a ient précisément transige afin de fa ire ce~ser leur doute
sur l'exactitude des chiffres . (0. un. Code 2. 5.)
�-
128 -
CHAPITRE IX
Par quelles voies de droit peut-on invoquer l'erreur?
n n'y a
pas de voie de droit spéciale pour invoquer l'erreur
en justice. Mais celui qui en est viclime peul emprunter divers
moyens du droit civil, pour faire réparer le dommage qu'elle
lui a causé.
Il se peut que l'erreur annu le rad icalement l'acte juridique
qu·ene entache : dans ce cas, lors que le demandeur mettra son
droit en mouvement en demanda nt au mag is trat la formule de
l'action qu'il veut intenter contre la victime de l'erreur, le
défendeur excipera de la nullité de l'acte, prouvera que le rapport de droit n'a pu se former, et s'il p arvient à le démontrer
le magistrat refusera la formule; s'il la isse déliv r er la formule,
sans protestation, il pourra encore devant le juge, invoquer
cette exception tirée du fond du droit. Telle est la m arche que
l'on suivra dans la pr océdure formulaire, lorsque l'erreur aura
porté s ur l'objet lui-même, sur son exis tence, s ur ses qualités
substantielles, s ur la personne dans les contrats à la considération de la personne est déterminante, en un mot dans toutes
les hypothèses où l'erreur entraine la nullité du contrat. Mais
si le consentement se trouve simpl ement vicié, le défendeur
opposera à l'action, soit l'exceptio in factum, soit l'exceptio doli
mali qu'il fera insérer dans la formule . Cela résulte du texte
suivant: Yerbi gratiasi metu coactus, autdolo inductus, aut errore lapsus stiputanti Titio promisisti, quod non.debueras,palam est jure civili
-
129 -
te obligatum esse, et actio Ql.l<e intcnditnr te dnre oportere efficax est :
sed iniquum est te condemnari, ideo que datur tibi exceptio metus
causa, aut doli mali, aut in fa ctum composi ta ad impugnandam aclionem. (Inst. § 1. Lib. IV. Tit. XClI. ) Par l'exception in fa ctum,
le juge se bornera à examiner le fait allégué comme constitutif de
l'erreur, tandis que l' e:r;ceptio <loti mali lui donne la faculté d'examiner tous les faits qui peuvent établir l'erreur que l'on invoque.
En somme, l"exceptio doli mali rédigée en termes beaucoup plus
gén~raux, (si in ea re nihil dola malo . Gaius IV,§ 119) laisse au juge
une plus grande liberté d'appréciation.
Mais pour que l' exceptio doli mali puisse ètre opposée, il faut
suppose!' que le demandeur intente une action stricti juris.
c'était, en effet, une action de bonne foi comme l exception de dol
y est sous-entendue et comme le juge peut étendre son examen il.
tous les faits de nature à infl uer s ui· sa décision, on n'a pas besoin
d1opposer cette exception : Gum enim, disent les textes, doli exceplio
insit de dote actioni, ut in cœteris bon:.e fideijudiciis . (L. 21. 24. 3. D. ).
Mais si celui qui est victime de l'erreur, n·est pas pours uiYi et qu'il
veuille demander à qui de droit la répara tion du préjudice que cette
erreur lui a occasionné, comment le fera-t-il? Le plus souyent, par
l'action du contrat, si l'obliga tion qu'il engend1·e est sanctionnée
par une action de bonne foi. Ainsi, pat· exemple, en cas de Yentc, il
intentera l'action ex e111pto, pour r ëclamcr des dommages-intérêts au
vendeur de mauvaise foi. Que si cette action est stricti juri~·. et ~i
1' on a eu soin d"ajonter au contrat une clausula doli, dans ce cas, on
pourra encore demander compte au d~mandeur de son dol
Le préteur donne a ussi l'in inter;r-11 m restilutio pour cause d'erreur dans certains cas déterminés. Paul, après avoir défini l'in
1"nte9rwn restitu tio ;redintegr·andœ rci t'el causœ actio, s'exprime
ainsi cc I nterri 1·est?tutionem pr.-etor tr?°buit ex his causis q11œ per
J ustum e1·rorem [!esta esse dicuntur. »(Pauli. ent. Lib. I. Til.VII.
9
�- 130 § 2.) (1). l\ous avons vu que ce secours ex.traordinaire est
accordé a ux. personnes privilégiées. On l'accorde aussi aux
créanciers du défunt qui ont demandé par suite d'une erreur
t out à fait excusable, la séparation des pa trimoines : " S i tamen
temere separationem pefiei·int c1·editores defuncti, ilnpe fra1·e
veniam possunt justissima scilicet ionorantiœ causa alleg ata.
(L. 1. § 17. 42. 6. D.) Pourra a ussi en profiter celui qui p ar suile
d' une erreur, a ura nié en justice<< Quijusto erro1·e, ductus, neg averit se heredem esse, venia diynus est (L. 11 . § 10. 11.1. D.) Le
secours de l'in inteorum restifutio est a ussi accordé: à celui qui
pa r erreur ou ignorance a négligé d'opposer en justice une
exception péremptoire. « Sed pe1·emptoria quidem exceptione
cum re11s, per errorem non fuit usus, in inteorum restifuilu1",
servandœ c:r:ceptionis rratia (Gaius, Corn. IV. § 125); au demandeur qui a commis dans l 'infenlio une pluspeti tio. Ici encore,
il faut que l'erreur soit tou t a fait e x.cusable : Nec facile in inteo 1·um restifuebatur ; sane si tam magna causa justi erroris
interveniebat, ut elia111. constantissimus quisque labi p ossef,
etiam majo1·i vi9in ti quinque annis succurr ebatu1·. (Inst. Lib . IV.
Tit. VI. § 33. Gaii Corn. IV .§ 53.). Il y1 a lieu à in integrum
restitutio lors qu'il y a ura dans la condemnafio, une erreur qui
léserait le d éfendeur en aggravant, en dehor s des lim ites de l'intentio, l' obligation à laqu elle il sera soum is, en vertu d e la sentence du juge, qui est impuissant a rectifier pareille erreur.
u At si in condemnatione plus posi fum sil quam oportet , actoris
quidem periculum nullum est, sed reus, cumi n iquam f or mulam
acceperit, in inteurum reslituitiw , ut minuafur condemnai1·0. <<
Mais s i au lieu d'exagérer les prétentions du demandeur, la condemnatio les restreint par erreur, il ne peut recourir à l'in fotegrum resti tutio : S ivero, continue le tex.te, minus positum f ue(1) Adde, L. 2. 4. 1. U.
- 131 -ri t, quam oporfet, hoc solum actor consequitw· quod p osuit; nam
tota quidem res in judicium deducitu.1·, constringitur autem
condemnationis fine, quamjude.c egredi non potest. Nec ex aa
par te prœto1· in integncm restituit. Quelle est la raison de cette
différence éta blie entre le demandeur et le défendeur ? Gaius
nous la fait connaitre « F acilius enim reis prœtor succurrit
quam actoribus. )) (Gaii. Com . IV. 57 .) (1) Le défendeur obtient
encor e 1'1·n infegrum restilutio, lorsqu'i l souffre de l'omission
dans la formtùe de la clause nisi restituai, constitutive de l'action arbitraire qui lui permet en obéissant a u jussus judicis
qui détermine la satisfaction à donner au demandeur, de se
soustraire à la condamnation, et encore de la clause bonœ fi,dei
qui donne au j uge la facul té de s tatuer, sans se borner a examin er exclush·emen t le b ien fondé de la demande, en tenant
compte de la s ituation respective des parties d'après les règles
de l'équité (2).
Ra pp elons p our m émoire que pour être indemnisé du dommage causé par la découverte des vices de la chose, on
recourra a ux ac tions édilitiennes et que dans les cas ou il y a
absence de cause ou erreur s ur la cause, on usera de la cond ictio sine causa don t l'app licalion la p lus importante est la
condicHo indebiti, ou de la condiclio causa data causa non secuta. Lorsque par exemp le le créancier a remis par erreur une
dette à son débiteur. Il est à remarquer que ce sont les deux
seules hypothèses, ou l'acte juridique déterminé par une erreur
puisse être attaqué en vertu d'actions spéciales . (3)
( I) Adde. L.
m. 50.
17.
o.
(2) Autres cas d'm in.te91·um i·est itutio pour cause d'erreur. (L. 8. ~ '2.
2. 8. - L. 18. 11. 1. - L. 1. § 6. 27. 6 - L. 11. p. H . 2. D.
(3) Savigny, Tome IIT , p. 350.
�-
132 -
En jetant un coup d'œil d'ensemble sur cette étude, il est facile de voir qu'il n'existe pas en Droit Romain une théorie générale sur l'erreur. Des diverses notions, que nous avons essayé
d'examiner dans un ordre méthodique, il ne se dégage aucun
principe qui les domine. Nous ne trouvons que des soluti ons
éparses dans le Digeste et dans le Code.
Suivant en cela le principe rationnel que l'erreur n'anéantit
pas la volonté, les jurisconsultes romains, dans les premiers
temps, n'attribuèrent aucun eITet à ce vice du consentement. La
volonté devait se manifester dans la plupart des contrats, dans
des formes étroites et précises. Si ces formes faisaient défaut,
la volonté était réputée absente; s i elles existaient, le consentement, quelque vicié qu'il fut, etait considéré comme inattaquable. :\lais, sous l'action du progrès de la science du droit,
impatiente de secouer ce j oug rigoureux, il parut peu logique
de tenir pour parfait un consentement, atteint dans son essence,
et les magistrats comme les Prudents, tinrent compte de l'e rreur
et lui attribuèrent une certaine influence sur la validité des contrats.
Voici en quelques mots, quel rôle j ouait l'erreur en droit romain et quelles sont les régies générales auxquelles on pourrait
ramener les solutions des diverses hypothèses qui la concernent.
Tantôt elle annule, soit de plein droit, soit par des moyens
spéciaux, l'acte qui en est entaché; tantôt elle valide les actes
qui seraient nuls, si la loi ne venait au secours de celui qui a
été victime de l'erreur. L'erreur est de fait et de droit, selon
qu'elle porte sur un point de fait ou une règle de droit. Pour
pouvoir invoquer l'erreur de fait, il faut qu'elle soit excusable,
à moins qu'elle n'ait été commise par des personnes priviligiées,
auxquelles la loi accorde spécialement celte faveur. L'erreur de
droit, aussi, pourra être invoquée à la condition d'être excu-
-
133 -
sable et de ne pas amener la réalisation d'un bénéfice. La
preuve en sera plus difficilement admise (à moins encore quïl
ne s'agisse de personnes privilégiées), car elle ne se présume
point comme l'erreur de fait.
�ANCIEN DROIT FRANCAIS
..
Nos anciens auteurs suivirent presque pas à pas, les prin cipes du droit Romain sur l'erreur. On retrouve dans leurs ouvrages, la distinction entre l'erreur de droit el l'erreur de fait,
la théorie de l'excusabililé et une étude approfondie de l'influence de l'erreur, selon qu'elle tombe sur tel ou tel élément
du contrat.
Pothier, qui dans son Trai té des Obligations (1) s'occupe spécialement de l'erreur a u point de vue des contrats, dit que
u l'erreur n'est une cause de nulli té des contrats, qu'autant
« qu'elle tombe, non sur une qualité accidentelle, mais sur la
substance même de la chose qui en est l'objet l) ou bien «sur la
« qualité de la chose que les contractants onl eue en vue et qui
« fait la substance de celte chose.» Au sujet de l'erreur sur la
personne, il dis tingue suivant \\ que la considération de la per« sonne avec qui je veux contracter, entre pour quelque chose
u dans le contrat, ou n'y est entrée pour rien et que j'aurais
ci également voulu faire ce contrat, avec quelque personne que
« ce fùt, comme avec celui avec qui j'ai cru contracter. 'Il
Il repousse l'opinion de ceux qui soutenaient que l'erreur sur
(1) Potbier. Traité des obligations, nu mérœ 17. 181 70.
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136 -
les motifs annulait la comention , tandis qu'il admet, a la dilîérence de la législation romaine, qui n'atteignait ce résullat que
par voie détournée, que l'erreur sqr la cause à cet efTet immédiat et direct; «Mais lorsqu'un engagement n'a aucune cause,
1< ou ce qui est la même chose, lorsque la cause pour laquelle
« il a été contracté est une cause fausse, l'engagement est nul
u et le contrat qui la renferme est nul. » (1) Il ne parle point ici
de J'excusabilité: mais il admet et enseigne Jans ses Pandectes(§ 5. 22. G), dans son traité ùe procédure civile et dans d'autre commentaires,qu'il faut établir une différence entre l'erreur
qui témoigne d'une excessh·e négligence et celle qu'il n'est
point facile d'éYiter. Nous nous réserYons d'ailleurs d'indiquer,
là où il y a lieu, l'opinion de Polbier sur chacun des eITets de
l'erreur.
Domat, aussi fait les mêmes dis tinctions, (2) et enfin le chancelier d'Aguesseau, dans sa dissertation sur l'erreur de droit,
reproduit la théorie romaine dans tous ses détails . Comme
Papinien, il ne permet pas à celui qui invoque l'erreur de droit,
de s'en prévaloir pour réaliser un bénéfice. c< Quand même celui
es. qui erre dans le droit, dit-il, mériterait de p erdre son bien,
u comment pourra-t-on montrer que l'autre mérite de l'acquérir
« et cela par cette seule raison, que ce lui qui erre ne connait pas
es. le droit? En un mot , qui osera soutenir que par cette erreur,
u ils aient mérité, l'un , d'être dépouillé de ce qui lui appartecs. nait, et l'autre d'être revêtu de ce qui ne lui appartenait
u pas. » (3) Donc, sauf quelques légères difTérences, les princi-
(! ) Polh. ibid. numéro 42. Procédure ch•ile P art. 5. ch, 4 ~ 4. Prescription
numéros 28, 27, 97.
('l) Lois civiles l. 18. 1. n• 6.
(a) D'Aguesseau, dissertation sur l'erreur de droit. Edit. Pardessus, tome IX
p. 629 et suiv.
-
137 -
pes de nos anciens jurisconsultes, sur cette matière, sont presque tous empruntés au droit Romain. Aussi, est-il inutile. de
nous arrêter plus longtemps sur notre ancien droit.
CODE
CIVIL
CHAPITRE PREMIER
De l'erreur en général
c<
La convention, d'après les expressions mêmes de Potbier,
« est le consentement de deux. ou plusieurs personnes pour
form er entre elles quelque engagement, ou pour en résoud re
un précédent, ou pour le modifier. i> Le contrat est une convention par laquelle les deux parties réciproquement, ou seulement l'une des deux envers l'autre, promettent et s'engagent
à donner quelque chose, à faire ou à ne pas faire quelque
chose. Donc, ce qui distingue le contrat de la convention, c'est
qu'il est productif de l'obligation, que l'on définissait ainsi à
)=tome : Vinculum juris quo necessitate adstringimur alicujus rei
solvenclœ, secundum nostrœ civilatis jura. Supposons que les parties soient capables de contracter, que leur consentement se
soit rencontré s ur un objet certain, déterminé, et qu'il repose
sur une cause licite, la convention sera parfaite. Mais il peut se
faire que les éléments essentiels de la convention ne remplissent
pas les conditions que la loi exige pour sa validité; il peut se
faire par exemple, que le consensus in idem placitum soit entaché
d'un vice.
c<
<c
Nous avons à nous demander quelle est l'influence de l'un de
ces vices; de celui qui atteint le plus souvent le consentement,
l'erreur.
�-
138 -
« L'erreur, dit Pothier, est le plus grand vice des conven-
« tions car les conventions sont formées par le consentement
'
« des parties et il ne peut pas y avoir de consentement, lorsque
« les parties ont erré s ur l'objet de leur convention.
>>
Qu'est-ce que l'erreur ? Comme nous l'avons déjà dit, l'erreur
est la fausse notion que nous avons d'une chose; l'er reur consiste à croire ce qui n'est pas. Nous connaissons la dilîérence
qui existe entre l'erreur et l'ignorance. Nous savons aussi qu'à
Rome, suivant que l'erreur portait sur l'existence d'un fait, ou
qu'elle résultait de l'ignorance ou de la fausse interprétation de
la loi, on disait que l'erreur était de fait ou de droit, et les solutions Yariaient, selon que l'on se trouvait dans l'un ou l'autre
cas.
Notre code a-t- il, sur ce point, s uiyi la doctrine Romaine et
fau t-il dis tinguer entre les deux sortes d'erreurs ?
Ont-elles, dans notre législation, des efTets diŒérents? Nous
ne le croyons pas ; d'abord, les textes ne les séparent pas
(art. 1109). « Il n'y a point de consentemen t valable si le consentement n'a été donné que par er reur, etc... >> (art. 1110.)
« L'err eur n'est une cause de nullité de la convention que lors« qu'elle tombe sur la s ubs tance même de la chose qui en est,
« l'objet. » (art. 1377.) (( Lorsqu' une personne qui, par erreuri
se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créancier ». Ces ar ticles démontrent surabondamment que les rédacteurs du Code ont entendu rejeter touta
différence, puisqu'ils ne la mentionnent même pas, à propos
du paiement de l'indù, qui avait donné li eu à Rome à une très
vive controverse. Or, il n'est pas permis de distinguer lorsque
la loi ne distingue pas, et les exceptions qui ne sont pas dans
la loi ne doivent point être s uppléées. (Liv. préli. du Code,
titre V, n• 7.) D'ailleurs, il est rationnel de confondre les deux
erreurs, au point de vue de leurs efîets. L'erreur a pour· résultat
l
...
- 139 d'obscurcfr la volonté, de vicier ou de détruire le consentement ;
mais qu'elle soit de fait ou de dr oit, ce r és ulta t est le même et
tout ce que demande la loi pour tenir compte de l'erreur, c'est
qu'elle ait une in fl uence déterminée sur le consentement (1).
Une autre opinion (2) soutient que le code, tout en ne mentionnant pas cette distinction dans les articles cités p lus haut, et où
il est question de l'er reur, l'a cepenùant maintenue. Elle oppose
à notre système deux sortes d'arguments : les premiers, empruntés à des considé rations générales, les seconds, tirés des
textes. On dit : N erno censetur i9norare legem ; ce principe
s'applique, on le reconnait, aux lois d'intérêt général, il doit
s'appliquer encore a ux dispositions qui règlent des intérêts privés. Aussi celui qui a ignoré ou mal interprété la loi, ne peut-il
pas se r etrancher derrière cette erreur ou cette ignorance, pour
se soustraire aux obligations du contrat , a uquel il a consenti .
Nous avons déjà dit ce qu'il faut penser de cette maxime. Nous
répondons en outre, que ce pr incipe n'est pas écrit dans notre
Code : que si on l'admet pour les lois d'ordre public, c'est parce
que l'intérêt de la société exige absolument et impérieusement, que l'on ne puisse la troubler sous prétexte qu'on n'a pas
connu la loi. Mais il n'y a aucune raison pour l'appliquer aux
lois qui s'occupent des intérêts des particuliers (3). Sinon à
quel résultat aboutirait-on? On innigerait une déchéance à celui
qui a commis une erreur de droit ; on créerait un titre injuste
pour celui qui en profitera it ; or la loi seule peut prononcer des
déchéances (4), et il serait inique de faire de mon erreur la
source d'une acquisition pour mon co-contractant, et l'on arrive( ! ) A Rome, on disti nguait soig neusement !"err eur d e fa it de l'erreur de
droit, parce que la première était réputée in ei:cu snble, en raison de l'impo1 tance
et de la vulgar isation des éludes juridiques.
('2) Delvincourt.
(3) Limoges 8 décembre 1837. Sit·. 1839. 2. 2.7. Cassation 12 mars 184.5.
(4) Toullier : Liv . lll, T it. III. n• 62..
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140-
rait aussi, comme le dit d'Aguesseau «A changer toutes les ol:)Jigations sans cause, en ùonalions forcée ;;, et tous ceux qui se
trompent en véritables donateurs. ».
On dit aussi que celui qui ignore la loi est coupable de négligence (1). Pourquoi en efiet, ne pas chercher à la connaître, ou
ne pas se la faire enseigner par ceu x qui la connaissent? Mais
cela est une considération qui ne diminue en rien l'influence de
l'erreur. Qu'elle soit ou non la suite de la négligence, peu importe, pourvu qu'elle vicie le consentement. Il se peut d'ailleurs
qu'il n'y ait aucune négligence à ne pas connaitre la loi. Si la
publicité est insuffisante, par exemple, ou, si son texte est tellement obscur qu'on ne puisse en saisir Je sens : au surplus
celui qui erre croit savoir et ne point avoir besoin de s'informer
ni d'apprendre.
Voici les textes que l'on invoque. 1°: art. 1356. c< L'aveu judi« eiaire est la déclaration que fait en justice la partie, ou son
• fondé de pouvoir spécial... 11 ne peut être révoqué à moins
ti: qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait. n
« ne pourrait être révoqué sous prétexte d'une erreur de droit.
' 2° : art. 2052. - Les transactions ont entre les parti es, l'auto« rité de la chose jugée en dernier resso rt. - Elles ne peuvent
« être attaquées pour cause d'erreur de droit ni pour cause de
« lésion. » Or, dit-on, ces deux articles en indiquant combien en
~as d'aveu et de transaction, l'erreur de fait que l'on peut invoquer, diffère de l'erreur de droit dont on ne peut se prévaloir,
ne sont que l'application de la règle générale qui établit la distinction entre les deux erreurs. « Mais, selon le raisonnement
(\) c·est dans ce sens que Cujàs disait: Jwris i9norantia stultitia est potius qua.m error et qu'un jurisconsul te cité par Merlin (Hép. v- Presc.),
soutenait qu~ : L'ignorance de la loi loin d'étre une excuse est un crime.
(Houard, auteur du Dictionnaire de Droit Normand.)
-
141 -
« de M. Laurent (1), où se trouve cette règle générale : Est-ce
« dans les articles 1109, 1110 ou 1377 ? Pas le moins du monde,
« puisqu'ils disent tout le contraire de ce qu'on voudrait leur
« faire dire, puisqu'ils ne distinguent pas. » D'apr ès nous, ces
articles ne sont pas des applications, mais bien des exceptions
à la règle contenue dans les articles 110!) et 1110, et si on ne les
interprête pas ainsi, ils n'auraient aucun caractère d'utilité,
puisqu'ils se borneraient à appliquer une règle générale. Si
ce sont des exceptions à la règle, nous pouvons suivre la
maxime : E xceptio firmat re9ulam.
D'ailleurs, la loi a eu ici des raisons spéciales pour s'écarter
du principe. En matière d'aveu d'abord, il est impossible de
prouver que l'erreur de droit à été le motif déterminant de la
déclaration faite en justice. :Voici, un exemple que donne Toullier. « J'ai reconnu une dette qui était prescrite, je prétends ré(( voquer mon aYeu, en alléguant qu'il est la suited'une erreur.
<< Je ne dois pas être écouté, si je savais que le temps de la
u prescription était écoulé, parce que je pouvais renoncer à la
cc prescription acquise, et qu'il est possible que j'aie reconnu
« la dette, par la conviction où j'étais qu'elle n'avait pas été
« payée, et qu'il était injuste d'user de la prescription .... Un
« aveu fondé s ur une erreur de droit impossible à prouver,
(( doit donc avoir toute la force d'un aveu réfléchi (2). 1i On peut
encore donner une autre raison qui doit faire écarter la rétractactation de l'aveu, pour cause ù'erreur de droit et la faire
admettre en cas d'erreur de fait. Quand l'aveu est fait par suite
d' une erreur de fait, si l'on s'est trornpé sur ce fait, la cause
de l'aveu disparait ; tandis que lorsqu'on aYoue par suite
(l) Laurent. Principe de Droit Civi l. Tome. XV. De l'erreur de droit, p.580·
(2) Toullier Jiv. III titre III n• 7ti..
�-
H2-
d'une erreur de droit, le fait avoué (car l'aveu porte toujours
sur un fait) reste intact ; on dit s'être, seulement, trompé sur
ses conséquences ou sur sa na ture. Comment prouver que
cette eneur a été le motif déterminant de l'aveu ? Nous savons
qu'il en était ainsi en droit Romain : Non errat qw· (atetu.r,
nisi jus ignoravit.
Dans l'hypothése d'une transaction, on ne peut pas davantage
se rendre compte s i les parties ont transigé, soit par s uite d'erreur de droit soit afin de prévenir ou de terminer leur contestation. La transaction n'intervient qu'en cas de doute : quasi de re
dubia et lite incerta neque finita , fransigit, disait Ulpien.
Les parties n'ont transigé que parce qu'elles doutaient de
l'existence ou de l'étendue de leurs droits, et c'est précisément
cette ignorance du droit qui a été le motif de la transaction;
elle ne saurait donc servir à la faire annuler. Le législateur,
suppose aussi que les parties, avant d'en arriver aux sacrifices
qu'impose de part et d'autre une transaction, ont soumis leurs
prétentions à des hommes de loi et si elle permettait que la
nullité de la transaction put être mise en question pom erreur
de droit, ce serait fai re continuer ou commencer un procès, que
la transaction a eu pour but d'empêcher ou de terminer. Voilà
les raisons spéciales qui ont décidé le légis lateur à faire exception au principe qu'il aYail posé dans les a1ticles 1109, 1110 et
137i, où il ne fait aucune distinction et ùe très nombreux arrêts
ont consacré cette interprétation de la loi. (1)
Mais pour que l'erreur de droit soit admissible, il faut qu'elle
soit, comme l'erreur de fait, la cause déterminante du contrat,
error dans causam contractui parce que s inon, on se heurterait,
comme en matière d'aveu, à l'impossibilité de démontrer que
(1) Besançon, 1.. mars 18î7. Dalloz v· oblig. -Toulouse, 19 janvier l82i.
Sir, 1824. 3, 11 5. Cassation 24. ianvier 1827. \Sir. 27, 1, 35 1. Limoges, 8 décembre 1837. Sir, 1839, 2. 59.
-
143 -
c'est bien elle qui a été cause de l'obligation contractée et non
point un tout autre motif. Telle était la doctrine de Domat qui
la form ulait ainsi : « Si l'erreur de droit n'a pas été la cause
l< unique de la convention, et que celui qui s·estfait quelque pre« judice puisse avoir eu quelque autre motif, l'erreur ne suffira
« pas pour annuler la convention. )) (1) Si cette erreur est déterminante peu importe qu'elle tombe s ur la forme des actes ou sur
le fond du droit. (2) Ce sera une question de fait. Faisons enfin
remarquer qu'il y aura toujours une certaine différence, au
point de vue de la preuve, entre l'erreur de droit et l'erreur de
fa it. On admettra plus difficilement la preuve de la première,
car on est censé ne pas ignorer la loi. C'est une présomption que
devra détruire la preuve.
En vertu du principe qui défend de distinguer quand la loi ne
distingue pas, nous dirons qu'on ne doit établir aucune di!Térence entre l'erreur excusable et celle qui ne l'est pas. On a
prétendu que la loi, qui dans l'article 1299, parle d'une juste
cause, n'avait pas sur ce point abrogé la théorie Romaine. C'est
à tort, car au sujet de l'article 1299 nous pouvons répéter ce que
nous avons dit, sur les articles 135G et 2052, à savoir que c'est
une dérogation, puisque partout oü il est question d'erreur, la
loi ne se demande pas si elle est excusable ou non. L'article 1299
contient une exception aux principes, qui s'appuie sur des raisons spéciales , et comme Loute exception elle doit être
restreinte a !"hypothèse qu'elle prévoit. Néanmoins quelques
auteurs et nombre d'arrêts, se montrent plus rigoureux que la
loi et y introduisent cette dis tinction, qui est cependant contraire à la nature même ùe l'erreur qui a pour eiîet de vicier le
consentement, comme nous l'avons déjà dit : «Si l'erreur, dit
(1) Lois civiles. Livr. 1 tit.XV111. secl. l. n• 17.
(2) Cassat. If> juin 1826, Dalloz, v· disvosltions n• 246.
�-
144-
M.Larombiêre, dans son Traité des Obligations, a été grossière,
« inexcusable, on n'y croira pas, sagrossièretémême fait douter
« de sa réalité. Alors tant pis pour celui qui s 'est trompé; aussi
« bien, n'a-t-il de reproches a adresser qu'a lui-même, quand il
« lui a été facile de s'assurer de la vérité. Nam et solere suciwri
<l nou stulf?·s sed err antibus. »(1) Est-ce à dire, comme Donneau,
qu'on ne doit pas permettre à celui qui est coupable d'une
grande négligence, d'une faute lourde de s'en préva loir pour
faire rescinder le contrat? D'après nous , tout se réduit à une
question de preuve; s i l'erreur est grossière, la preuve que l'on
voudra en faire sera plus difficile et on regardera l'erreur comme
invraisemblable (2), mais on ne peut refuser à celui qui prétend que l'erreur a vicié son consentement, le droit de fo urnir
la preuve de la réalité de cette erreur. Car enfin, l'erreur qui est
peut être grossière pour un autre, ne l'est peut-être pas pow·
lui. C'est au juge à se montrer plus sévère dans l'admission des
prem·es et si jamais l'erreur existe, et qu'elleait vicié le consentement, le contrat sera annulé. Mais la victime de l'erreur , coupable de négligence sera tenue d'indemniser, son co-contractant du préjudice qu'elle lui a causé, en faisant annuler le contrat, quand son imprudence seule a occasionné ce préjudice.
L'erreur en soi n'a aucune influence juridique, mais elle produit certains effets en portant sur les éléments des contrats,
effets qui varient selon l'importance de ces éléments.
Dans certains cas, l'erreur est destructive du consentement
dans d'autres, elle ne fait que le vicier. Elle détruit radicale~
ment le consentement, ou mieux elle empêche le consentement
de se produire lorsqu'elle porte sur des éléments essentiels du
contrat. Ai nsi, lorsqu'elle tombe sur l'objet de l'obligation ou
bien sur la nature du contrat. Ou bien, elle ne fait que vicier le
<I
(1) Larombiêre, Traité des Obligations n• 6.
(2) Besançon ter mars 18ti4. D. P. 1864, 2. 61.
-
145 -
consentement, dans ce cas, la loi maintient le contrat. Mais
comme il n'est pas juste que la partie qui s'est trompée, soit
tenue de remplir les obligations qu'elle n'a contractées que sous
l'empire de l'erreur, la loi lui permet de demander l'annulation
cle cette convention, et pour sauvega1·der l'intérêt de l'autre
contractant, elle détermine d'une façon limitative les cas dans
lesquels on peut demande r cette ann ulation, en remplissant certai nes condit ions., i l'erreur a pour ohjet un élément du contrat
peu important et dont la considération n'a pu être déterminante
de la volonté du contractant; la loi ne t ient aucun compte de
cette erreur et laisse subsister le contrat dans toute son intégrité.
On appelle l'erreur qui est destructive du consentement l'erreur-obstacle, c'est-a-dire, qu'elle empèche la formation du contrat; le contrat qui en est entaché est considéré comme nul et
inexistant; on lui donne aussi le nom d'erl'eur essentielle, en ce
sens qu'elle annule radicalement le contrat en l'attaquant dans
son essence. L'eneur qui vicie le consentement est appelée
erreur· nullité, c'est-à-dire, que celui qui en est victime pourra
seul l'invoquer, pour faire rescinder le contrat qui est simplement annulable. Ici le contrat subsiste, tant que celui qui a
soufTert de l'erreur n'en a pas clemandê l'annulation. Cette erreur est l'erreur non essentielle, car elle n'entraine qu'tme nullité
relative. On entend aussi par extension, el'reur non essentielle,
l'erreur qui n'a aucune influence sur la val idité du contrat, qui
en est entaché.
Nous verrons en étudiant l'erreur dans les contrats et dans
les autres parties de droit que nous examinerons, dans quel cas
l'erreur est ou non essentielle. l\Iais qu'elle le soit ou qu'elle ne
le s:iit pas, c'est toujours à celui qui l'invoque à l'établir, car
elle ne se présume pas; ce que l'on présume, c'est la Yalidité de
la convention P.t c'est à celui qui la conteste à établir ce qu'il
10
�-
146 -
avance. Acfori incumbil probalio (1) et s'il ne peut y parYenir, sï1
y a doute sur la réalité du vice quïl invoque, il en s ubira toutes
les conséquences, car in dubio, sempel' error nocct erranti. En un
mot, pour que l'erreur soit admise, il faut, en dehors des autres
conditions que nous aYons énum érées (à savoir que l'erreur
soit déterminante et porte sur certains éléments), il faut, disonsnoua, qu'elle soit certaine.
Celui qui invoque une erreur pourra-t- il se prévaloir de ce
que cette erreur est commune? (2) Assurément, sa preuve n'en
sera que plus facile, mais il ne faudrait pas croire que parce
que l'erreur est commune, elle soit soustraite aux principes
que nous aYons exposés et qui se rapportent aux deux sortes
d'erreur, ou en particulier à chacune crelles. En Droit Romain
et dans notre ancienne jurisprudence on appliquait le brocard :
error communis facil jus, parce que, disait-on, l'erreur commune est une erreur excusable. Nous savons que de nos jours
cette raison n'a plus la même portée, et nous disons que l'erreur commune pourra être invoquée, tout aussi bien que
l'erreur particulière, si elle vicie le consentement. Mais l'erreur
quoique commune n'en sera pas moins repoussée, si elle porte
sur une loi d'intérêt public par exemple. C'est ainsi qu'il a
été jugé, que l'erreur, qui avant l'avis du Conseil d'Etat du
2 juillet 1807, donnait aux secrétaires de mairie le pouvoir
d'imprimer aux extraits de l'Etat Civil qu'ils signaient, un
caractère d'authenticité, ne pouvait être invoquée pour faire
considérer ces extraits comme authentiques.
t l) Cela ne s'applique pas à l'erreur qu! prend le nom de bonne foi. (art. 2268
(2) Aix 30 juillet 1838. Cassation 4 août 1854.
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147 -
CHAPITRE II
De l'erreur dans les contrats
Nous ayons vu dans notre chapitre premier, à quel propos
les rédacteurs du Code avaient été amenés à s'occuper de l'erreur et à en déterminer les efiets. C'est en indiquant les éléments essentiels de la convention, au premier rang desquels
se place le consentement des parties qui s'obligent, et en examinant les vices qui pouvaient atteindr e ce fondement de toutes les conventions. Les principes qui régissent le consentement, s'appliquent à Lous les actes j uridiques où la volonté des
parties joue un rôle. Aussi, puisque c'est au sujet des contrats
que l'on nous fait connaitre les principes, commencerons-nous
par étudier l'erreur dans les con trats. Exposons, tout d'abord,
ses effets en quelques mots. L'erreur peut porter sur un ou plusieurs des éléments indispensables à la validité du contrat. Ici
le contrat es t nul, d'une nullité radicale et absolue, non par
suite de l'erreur mais à cause du défaut de l'une des conditions
'
essentielles à la validité de la c01wention.
Elle peut aussi tomber sur un des éléments de la com·ention,
auxquels la loi a donné une importance spéciale. Ce sont, d'après
l'art. 1110, l::t substance de l'objet, et la personne du contractant
lorsque la considéra tion de la personne a déterminé les parties
ou l'une d'elles à contracter. On peut mettre dans cette catégorie, les vices rédhibitoires et la perte partielle. Dans ces hypothèses le contrat n'est pas nul mais annulable seulement; il
est tenu pour valable, Lant que la partie victime de l'erreur ne
�-
148 -
s'en prévaut pas. Enfin, l'erreur peut aYoir pour objet d'autres
éléments si peu importants, qu'elle est indifférente et n·a aucune influence sur la Yalidité de la convention .
Nous allons traiter de l'erreur dans les contrats dans l'ordre
suivant : l° Erreur sur la nature de la convention; 2· Erreur
sur l'objet ; 3• Erreur sur la cause ; 4• Eneur sur les motifs ;
5° Erreur sur la personne.
SEC::TIC>N"
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149 -
acte que les parties avaient qualifié bail et qui contenait des
clauses incompatibles avec la nature de cc contrat, mais essentielles à un contrat de vente, a pu être considéré comme un véritable acte de vente (1). Quid, de l'erreur qui porte sur l'une
des modalités du contrat? Elle l'annule; ainsi par exemple, je
crois acheter sous condition et vous me vendez purement et
simplement; il y a erreur sur la nature même du contrat, qu i se
trouve modifié par la présence ou l'absence de la modalité.
I
SEC::TIC>N"
II
De l'erreur sur la nature du contrat
De l'Erreur sur l'objet du Contrat
Elle annule radicalemelît le contrat, parce que le consensus in
ia condition essentielle, fait ici absolument défaut. C'est l'application pure et simple de l'article
1108 : « Quatre conditions sont essenlielles pour la validité de
la convention: le consentement <le la parlie qui s'oblige, etc ... l>
L'erreur dans ce cas, sera toujours partagée par les deux parties et nous n'avons pas à nous occuper pour l'instant, des difficultés qu'ont souleYées ces mols: le consentement de la partie
qui s'oblige. <l C'est pourquoi, disait Pothier au sujet de cette
« erreur, si quelqu'un entend me vendre une chose, et que j'en« tende la receYoir à titre de prêt ou par présent, il n'y a en ce
a. cas ni vente, ni prêt, ni donation. i> (1). !\fais pour produire
cet efTet, il est indispensable que l'erreur porte sur la nature
même du contrat, et non pas seulement sur la dénomination clu
contrat, car l'erreur sur le nom , n 'indique pas qu'on se soit
trompé sur le contrat lui-même. Dans ce sens, il a été jugé qu'un
idem placitum , qui en est
A propos de l'objet, nous examinerons l'erreur portant sur
son existence, sur son iclenlité, sur sa substance, sur ses qualités accidentelles, sur sa quantité et sur sa valeur.
§ 1. - Erreur sur l'existence de l'objet.
Le contrat est encore radicalement nul, moins par suite de
l'erreur, qu'à cause du défaut de deux des conditions essentielles à sa validité : l'objet et la cause. L'une des parties ne peut
fournir à l'autre l'objet certain qui forme la maliére de l'engagement, et l'obligation de celle-ci n'a plus de cause, Yoilà pour
les contrats unilatéraux. Dans les contra ts synallamatiques il
en est de même : l'erreur portant sur l'un des objets de la convention l'amrnle, parce que l'ol.Jligalion de l'un des contractants
(1) Poth. ObLig. n· 17.
(1) Cassat. 3 décembre 18 32. Dalloz V· Enregistrement n· 2885.
�-
150 -
-151 -
demeure sans objet ell'autre obligation perd sa cause. La chose
est considérée comme inexis tante, quand elle est absoh.nnent
impossible, ou qu'elle est hors du commerce : d.ms ces deux
hypothèses, elle ne peut constituer l'objet c.lu contrat; mais qu id,
si la chose n'existe qu'en partie ? 11 fa.ut distinguer : la perte estelle assez considérable, pour faire supposer que l'acheteur en
ayant eu connaissance, n'aurait point acheté, la vente est annulable ou bien le prix sera d iminué, au choix. ùe l'acheteur. Si
la perte est peu considérable, il ne peut que demander une diminution de prix.
Ces règles que l'on tire de la combinaison des articles lGOI et
1632 sont générales et s'appliquent à tous les contrats.
trompées simplement sur le nom de cette chose, il est certain
que cette erreur ne vicie pas le consentement et par conséquent ne porte aucune a tteinte à la validité du contrat.
§ II. - Erreur sur l'identité de l'obj et.
Que décider dans le cas où l'erreur porte sur l'identité de
l'objet, c'est-à-dire sur l'objet lui-même : in 1'pso corpore rei ?
a Si quelqu'un entend me vendre ou me donner une certaine
chose, et que j'en tende acheter de lui une autre chose, ou accepter la donation d'une autre chose, il n'y a ni vente ni donation. » (1). Nullité absolue; le consentement des parties en efîet,
ne s'est pas rencontré. Le consentement de chacune d'elles a
peut être porté sur l'objet qu'elle avait en vue, mais non sur
celui que l'autre partie rega rdait comme l'objet du contrat. Pas
de concours de volontés, pas de contrat; sinon, il faudrait nécessairement sacrifier la volonté de l'un des contractants, à la volonté de l'autre. Mais ici encore si les parties qui ont consenti
toutes deux à faire de telle chose, l'objet du contrat, se sont
(1) Pothler ibid n· 17.
§ III. - Erreur sur la substance de l'objet
Les trois cas précédents n'ont pas été explicitement visés
par le Code : les solutions que nous avons données reposent
sur les principes généraux qui régissent le consentement des
parties. L'étude de l'erreur sur la substance nous met en présence de l'article 1110 qui s'en occupe spécialement dans son
premier alinéa. Art. 1110. « L'erreur n'est une caus~ de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance
même de la chose qui en est l'objet. » Donc, on suppose que
l'objet existe; que c'est bien celui que les deux parties font entrer da ns la convention, mais leur consentement ou le consentement de l'une d'elles, au lieu d'être anéanti comme dans le
cas précédent, est entaché d'un vice; l'objet n'est pas tel que
l'une ou l'autre des parties l'ont cru : qu'elle est l'influence de
ce vice; « il faut, dit l'article, que l'erreur porte la substance
de la chose. >> La première question qui se pose est donc celleci. Qu'est-ce que la substance d'une chose? Faut-il entendre
par là l'objet lui-même? Assurément non, puisque l'erreur sur
l'identité de l'objet annule radicalement le con trat, tandis que
l'erreur sur la substance ne fait que le vicier et le rendre annulable, et Polhier lui-même, comme les jurisconsultes romains,
sans s'arrêter toutefois à la difîérence à faire entre la nullité
absolue et l'annulabilité, théorie qui a été beaucoup mieux
précisée par les rédacteurs du code, Polhier, disons-nous, établissait nettement la distinction en ces termes : << L'erreur an-
�-
152 -
« nule la convention, non-seulement lorsqu·e11e tombe sur là
11
chose même, mais lorsqu·ene tombe s ur la qualité de la chose
« que les contractrults ont eue principa lement en vue et qui fait
" la s ubstance de celte chose. >> (l ) Le Code a maintenu celte distinction puisque l'errem· s ur la substance, rend le contrat annulable, tandis que l'erreur s ur l'identité l'emp<'.!ch e de se former.
D'après nous, on peut considérer la substance à un double
point de vue, par rapport il la nature de l'objet, et à la
convention. On pourrait dire que la s tù)stance est naturelle
ou conYentionnelle. La substance naturelle est l'ensemble des
qualités d'un objet, qui lui donnent un caractère propre et
le font classer dans telle ou telle espèce d'êtres. La substance
conventionnelle est l'ensemble des qualités ou la qualité particulière que les parties ont eue principalement en vue en
contractant et qui pour elles détermine le caractère de l'objet.
Dans le premier cas la substance est objectiYe ~ elle est subjective dans le second . Quel sens faut-il donner au mot s ubstance
employé dans l'article 1110? Faut-il le reslrnindre et dire que'
l'on ne doit nullement se préocuper <le l 'intenlion des parties ;
étudier in abstracto les propriétés essentielles d'une chose, et
ne permettre la rescision pour cause d'erreur, que si l'erreur
tombe sur rune de ces propriétés ; ou bien faut-il l'étendre et
accorder que ce qui caractérise la qualité s ubstantielle, c'est la
volonté des parties, qui lui donne, encore qu'elle ne soit que
secondaire, une importance capitale ?
Voici l'opinion des auteurs sur cette question délicate, d'une
très grande portée pratique. (( Par suhstance de la chose
u disent MM. Aubry et Ra u, on doit entendre non seulement le~
" élé_ments matériels qui la composent, mais encore les ;ro« pr1étés dont la réunion détermine sa na ture spécifique et la
(l) Pothier, ibid. obligations.
- 153 « dis tingue d'après les notions communes des choses de tout
<t autre espèce (1) »;en un mot c'est l'ensemble des qua lités que
l'opinion commune estime essentielles qui constitue la s ubstance.
Donc, d'après ces auteurs, la substance est purement naturelle et
l'intention des parties n'y est pour rien. Cependant ils accordent
quo si les parties ont manifesté cette intention d'une façon précise, par une clause sp éciale, on doit eu tenir compte, et en cela
ils ne font qu'appliquer la règle, que la convention fait la loi
des parties. « Ce s'est en e!îet que par sa prise en considération
expresse que la qualité de la chose devient substantielle (2) »
Nous croyO}lS au contraire que cette volonté des p1rties de
donner à cette qualité, la vel'Lu d'une qualité substantielle, peut
tout aussi bien résulter des circonstances. J'achète une bague
en cuine qui n'a aucune valeur intrinsèque et je la paie trèscher, parce que je m'imagine qu'elle a appartenu à un personnage célèbre; devra-t-on dire, que parce que je n'ai pas indiqué
la raison qui me faisait acquérir cette bague à laquelle j'attache
une grande Yaleur his torique, que la vente devra être maintenue ? Non, et les arrêts qne l'on peut citer dans le sens de
l'opinion que nous combattons ne sont pas conformes à l'esprit
ùu Code, ainsi que nous le montrerons dans un instant.
D'après d'autres auteurs, ce qui constitue la substance, c'est
toute qualité quelle qu'elle soi t, qui individualise l'objet, qualité « dont elle tire son nom, nomen appellativum 1 qui est un
substantif ou_une réunion de mots employés substantivemenh ;
ou bien selon la définition de l\farcadé « la qualité substantielle est toute qualité, qui n'étant pas susceptible de plus ou de
moins, fait passer l'objet clans telle espèce ou dans telle autre,
selon que cette qualité, existe ou n'existe pas.» i\Iais alors, on en
arrive à dire avec un auteur « que les qualités, constituant la
(!) Aubry et Rau, tome I V. page 299. ~ 34.3 bis.
(2) Larombière. - TraiLé des obligations.
�-
154 -
substance, sont celles dont l'absence dénature la chose, l'a ltère
au point qu'elle devient une antre chose, un autre être que celui
qui deYait être l'objet de la convention (1) » ; et l'on confond
ainsi l'erreur s ur la substance avec l'erreur sur l'identité, deux.
erreurs parfaitement dis tinctes et produisant des résultats tout
différents.
Selon nous, la loi a maintenu en partie au mot substance, l'acceptation large que lui donnait Pothier,c'est-à-dire qu'il désigne
la qualité substantielle, qui caractérise et spécialise cet objet et
tout aussi bien la qualité que les parties contractantes, ont regardée comme principale. Les rédacteurs du Code .ce sont inspirés dans toute cette matière des idées de Pothier, puisque
dans l'exposé des motifs, l\L Bigot-Préameneu reproduit absolument les termes de Pothier. u Pour que l'erreur soit une cause
de nullité de la convention, il faut qu'elle tombe, non sur une
qualité accidentelle, mais sur la substance même de la chose
qui en est l'objet. » (2) On peut donc supposer que le législateur a conservé au mot substance, qu'il ne définit pas, le sens
que lui donnait Pothier : cc Qualité de la chose que les contractants ont eue principalement en vue. »
Donc il peut se faire, que la qualité que les parties ont considérée comme substantielle ne soit que secondaire par rapport
à d'autres : c'est leur appréciation qui donne à cette qualité le
caractère en vertu duquel, si elle vient à faire défaut, le consentement sera vicié et l"on pourra demander l'annulation du
contract. C'est dire, que la qualité s ubstantielle au point de vue
de la convention tout au moins, est relative: Un bijou peut être
considéré par diverses personnes sous Je rapport du travail, du
( 1) Colme! de Santerre, Tome 5, p. 16, n• 61 bis.
(2) IJalloz Al v- oùligatioo, p. 21.
-
155 -
métal précieux (1), de l'ouvrier qui ra fait, du personnage
auquel il a appartenu, de son antiquité, et selon l'espèce, l'erreur
portera s ur la substance, selon qu'elle tombe s ur le travail, la
matière prem ière, l'ouvrier, l'origine, l'antiquité. (2) Cependant
nous n'admettons pas que la substance d' une chose soit absolument relative. La s ubstance n'est pas aussi variable : pour
obtenir l'annulation du contrat, il faudra démontrer tout d'abord ,
que l'on avait considéré telle qualité comme essentielle, comme
substa ntielle et en second lieu, que cette qualité faisant défaut
la chose est viciée dans son essence ; le juge en étudiant une
erreur sur la substance, devra donc se placer, au point de vue
de la subs tance naturelle et au point de yue de la s ubstance
conventionnelle. Pour nous résumer, quand l'erreur porte sur
une qualité qui donne un caractère spécial à la chose et que les
parties ont regardée comme essentielle, le contrat pourra être
annulé.
Cette solution ne souŒre aucune difficulté dans le cas où l'erreur est commune au x deux pa rties. Quid, si l'une d'elles seulement s'est trompée? Dans ce cas, l'erreur s ur la substance
vicie le contrat s'il a été expressément déclaré, quel était le
rapport sous lequel l'une des parties, l'acquéreur, considérait
(1) L'erreur s ur la s ubstance n'c3 t donc pas necessairement et exclusivemen t, l'erreur s ut· la matière : La matière n'est qu'une qualité qui peut n'être
pas subsbntielle.
(2) On tr0u1·e des applications de ces principes dans les arrêts suil'ants:
Grenoble, 27 mai 183 1. D. A. V•ubli~. n• 134 ;
Pa ris, 9 jam·ier, 18 119. O. P. 49. 2. 67 ;
Amieus, l l mai. 185'1. D. P. 51. 1. 147 ;
P~ r is, l3 décembre. 1856. O. P. 57 2. 73;
Cassai. 8 mai 1858. Sir. 59. 1. 238 ;
T rib. Seine. 28 juin, 1862. O. P. 63. 3. 24 ;
Gassat. 13 janvier, 1864. D. P . 611. 1. 162;
Gassat. 24 jui n, l8G7. Sir. G7. 1. 393.
Paris, 1er décembre, 1877. J ou rnal Le Droit, 8 décembre, 1877.
�-
-
15G -
l'objet, ce qui constituait, d'après lui, la qualité substantielle.
Par exemple, j'achète une broche, à la condition qu'elle soit
garnie de diamants et de perles flnes, et l'on me fait passer
comme tels, du s trass et des perles fausses. Le contrat pourra
être annulé plutùt, parce que la condition du contrat n·a pas
été remplie, que parce qu'il y a erreur. Le Yendeur peut n e pas
garantir la qualité des pierres précieuses, alors l'acheteur
achète à ses risques et périls, et il n'y a pas de recours en cas
d'erreur (1). Il en serait de même, dans le cas où il résulterait
des termes du contrat, à défaut de convention expresse, que
l'acquéreur a bien entendu acquérir un bijou orné de diamants et
de perles fines, tel qu'il parait être, sans subordonner son consentement, à l'existence d'une qualité déterminée. l\lais les parties ne
se sont nullement expliquées dans la convention . Ainsi, j'entre chez
un orfèvre, je demande le prix d'une bague. Je crois qu'elle est en
or et il me semble faire une bonne aITairc, elle est en ce qu'on appelle <lu doublé; l'orfèvre le sait, mais ne dit mot : je l'achète; pourrai-je, plus tard, si je viens à découvri r mon erreur, faire rescinder la ,·ente? Ecartons d'abord l'hypothèse où le vendeur, en
faisant valoir sa marchandise, m'engage, par ses mensonges, à
faire l'acquisition; dans ce cas, il y aurait dol et le contrat serait
re5cmdable pour cc motif, encore que l'erreur ne portât que sur les
qualités accidentelles, solution qu'on ne peut donner en matière
d'erreur. Mais supposons que le vendeur n'ait rien dit, il ne se doute
pas de mon erreur peut-être. Comment répondre à la question?
Deux opinions se trouvent en prjsence. D'après la première, l'erreu1· pour faire annuler le contrat doit avoir été commune aux cieux
parties.
M. Larombière défend ainsi celte manière de voir : << Nous
« supposons donc que la qualité de la ch ose a été formellement
(1) Cassat. 6 décembre 1814. Dalloz Alp. V• vente, n• 123.
157 -
« visée, garantie et promise. Ce n'est en efiet, que par sa prise
« en considération expresse, qu'elle devient s ubstantielle et si
'
« la loi ne parle que de l'eneur tombant sur la substance
<t même de la chose, c'est qu'elle n'a pas à s'occuper ici de ce
« qui est p urement de convention. Si donc les parties, s'arrêtant
seulement à son identité extérieure, prennent la chose telle
qu'elle leu r apparait, peu importe ensuite que leur attente
et soit trompée, par une qualité absente ou méconnue.Comme el le
« n'est pas entrée dans les prévisions expresses du contrat,
« l'erreur qni tombe s ur elle est indifiérente. Qu'un amateur,
<< par exemple, achète sciemment ou non, mais sans dol, un
« tableau de Corrège, ùes monnaies antiques exposés ou oflerts
<< en vente comme croûte ou comme lingots, peu importe rer« reur du Yendeur. Tant pis pour lui s'il n·a pas cowrn les
« qualités qui rehaussaient le prix. de sa chose. Il est lésé sans
« doute ; mais le Yice de lésion est le seul qu i se rencontre dans
« le contrat ; et comme à raison de leur rnleur arbitraire et
« variable, la lésion n'est pas une cause de nullité dans les
« ventes des ch oses mobilières, quelque lésionnaire quïl soit, le
« contrat est tout de même maintenu. Par les mêmes raisons,
« si l'acheteur se trompait s ur la qualité de la chose, il ne pour<< rail non plus revenir contre la convention, à défaut de prèvi<< sions expresses de sa part et de promesse formelle de la part
« clu vendeur, touchant la qualité supposée. >l Donc d'après
M. La rombière l'erreur est inùi1Térente, si elle n'a été commise
que p1r l'une seule des parties contractantes. Tous n'admettons pas cette solution et nous nous rangeons à l'opinion des
autems qui autorisent l'annulation du contrat, même dans ce
cas. Pourquoi distinguer, lorsque la loi ne ùistingue pas? Tout
ce qu".!xige l'article 1110 c'est que l'erreur ait vicié le consentement ; or s i ce résultat se produit, les prescriptions de la loi
sont remplies. Ce qui prouve bien que l'article 1110 ne Yise que
<<
<<
�- 100 que q uand on connait la valeur d 'u ne chose, or ic i précisément,
par cette erreur que l'on commel sur la substance même de la
chose, on ignore absolumenl cette valeur. Nous n 'avons parlé
que de la. \'ente, cependant les princ ipes que nous venons d'exposer , s'appliquent aux autre contrats synallagmatiques, comme aux contrat un il:ltérn.u x., le prêt ou la donation. On pourrait douter de cette exlensiou du principe à cause de la r éclaction mème de l'article 1110. En disant que l'erre ur n'est un cas
de nullité de la convention que lor squ'elle tombe sur la substance même de la chose, qui en es t l'obje t, cet article semble
exclure les contrats qui ont plu ieurs obj ets, j)arce qu'il y a plusieurs obligations. C'e tune faute d e r édaction qui se rapproche de celle de l'article 1108, qu i p our la validité de la com ·enlion exige le consentement de la partie qui s'obl ige, alors que
dans les contrats synallag mat iques, deux parties au moins
s'obl igent entre elles. 11 Le contrat est synallagmatique ou bila« téral, dit l'article 110:2, lorsque les contractants s'olJligent
réciproquement, les uns envers les aulres " et la lo i n'a pas
voulu sonstraire les contrats synallagmatiques aux r ègles qu'elle
1<
donne sur le consentement des pa rties. li aurait donr fallu dire :
l'e1-reur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle
tombe sur la substance méme de la chose, ou des choses qui en sont
l'objet . Ces règles n'admettent aucune distinction entre l'erreu r
de droit et l'erreur de fait.
-
161 -
tantielles, nous l'avons déjà dit, sont celles, qui d'après la nature d e l'objet et la volonté des parties, caractérisent une chose,
lui don nent une perso nnalité et un e manière d'être qui la distingue absolument de telle ou telle autre chose. Tandis que les
qua li tés acciden telles ou accesso ires sont celles qui viennent
s'ajouter à la ch ose pour déterminer plus nettement son caractère, pour en augmenter l'utilité ou la valeur, mais dont l'absence ne d étruit pas la nature propre de l'objet. A moins que
les parties n'aient voulu donner à l'une de ces qualités une
importance déterminante, l'erreur qui porte sur l'une d'elles,
ne vicie point la convention, parce que cette erreur ne peut
avoir une influence très-sensible, sur la volonté du contractant,
puisqu'elle ne modifie pas l'individualité de l'objet. La présence de l'une de ces qualités peut bien engager le contractant à
fai1·e l'acquisition de l'obj et, mais elle ue le détermine point, parce
que c'est une qualité secondaire. «Par exemple, dit Pothier, j 'achète
« chez un libraire un cel'taio livre dans la fausse persuasion qu'il
<c
est excellent, quoiqu'i l soit au-dessous du médiocre. Cette erreur
« ne détruit pas mon consüntament, ni, par conséquent, le contrat
« de vente. La chose que j'ai voulue acheter et que j'ai eue en vue,
11
est véritablement le ti,rre que le libraire m'a veudu, et non aucune
a autre chose; l'erreur dans laquelle j 'étais sur la bonté de ce livre
" ne tombait que sur le motif qui me portait à l'acheter, et elle n' em« pêche pas que ce soit véritablement le livre que j'ai voulu ache" ter. Or, nous verrons dans peu que l'erreur dans le motif ne dé« truit pas la convention ( l ). >> La loi ne pou mit admettre que
§ IV. -
Erreur sur les qualités accidentelles de l'objet
A la différence des qualités substan tielles, l'erreur sur les
qualités accidentelles ne vicie po int le contrat. Quelle difîérence
y a-t-il entr e les prem ières el les secondes? L es q uali tés s ubs-
pour des erreurs aussi légères, il fut permis de demander l'annulation du contrat. Sinon les conventions eussent été sujettes à de
trop nombreuses causes do rescision et la stabilité des conventions
en eut souffert. L'erreur sur le nom ou s ur la qualification, rentre
(1) Potbier. Ibid., n · 18.
11
�d.in~
la catégorie de l'erreur
uucune po1·tée ( 1).
162 SUL'
les qualités accidentelles et n'a
Vices rédhibitoires
Cependant la loi appo rte une exception con ~idérab le à ces principes pour ce qu'on appelle les vices rédhibitofres. On appelle vices
1·édhibitofres, les défauts cachés de ln chose vendue, gui la rendent
iropropr~ à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement
cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné
qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Telle est la définition que
contient l'article 164 1. Si les défauts rendent la chose impropre à
l'usage auquel on la destine, la théorie des vices rédhibitoires est
une application de la théorie sue la substance : « C'est que, la
11 règle en droit, dit ~I. Demolombe (2), est que les choses sont qua« lifiécs, non pas d'après les eléments physiques qui les constituent ,
« mais surtout eu égard à la fonction qu' elles remplissent da ns l'ordre
« des besoins de l'homme et à l'usage auquel elles sont destin ées.>>
On peut donc en drnit considérer la chose qui est impropre à l'usage
auquel on la destine, comme n'étant pas la chose même que la
partie voulait acquérir. l\Iais cette théorie s'éca rte des règles gui
régissent l'erreue sur la substance et les qnalités accidentelles, en
ce que si les défauts n'atteignent pas la substar:ce de l' objet, si, par
exemple, il~ ne foot qu'en diminuer l'utilité, celui qui souffre de ce
vice a encore le droit de demander une indemnité ou la rescision du
contrat. Ici la nature de l'objet n'est pas détruite par ce défaut, ce
n'est qu' une qualité accidentelle qui manqnc et cependant le contrat
e5t vicié. C'est donc une exception. Aussi la loi la restreiot-ellc aux
(1) Colmar, 15 nov. 1831, Dalloz. v · obllg. 133.
(2) Oémolombe, t . XXI V, n· 107.
-
iG3 -
vices qui rendent la chose impropre à l'usage auquel on la destine
ou qui la diminuent au point que !' acl.eteur ne r eut pas acquise
s'il les eut connus, ou à ceux qui en diminuent tellement l'utilité et
1a valeur qu 'il n'eut jamais consenti à donner de la chose le prix
qu'il a payé. Le juge am a à décider si le vice dont se plaint l'acquëreur, rentre dans l'une de ces trois catégories. En outre, la loi du
20 mai 1838 soustrait à l'autorité du Code certaines ventes spéciales, énumère limitativement les vices rédhibitoires , supprime
l' une des deux actions, dont il va être parlé, et enfin réduil le délai
pendant lequel on peut intenter l'autre. C'est encore parce que c'est
une exception que la loi établit de notables différences cotre les
actions auxquelles donnent lieu les vices rédh1bitoir~s et l'action
qui nait de l'erreur sur la substance. Le délai pour intenter les
premières varie selon 1' usage des lieux et l'espèce du vice ; mais il
est beaucoup plus court que celui qui est accordé pour intenter la
seconde. Différence rationnelle, car il sera toujours facile de constater si la qualité substantielle faisait ou non défaut au moment du
contrat; si la bague était en or ou en cuivre, par exemple; tandis
qu'il serait difficile, pour ne pas dire impossible, après un trop long
délai, de s'assurel' si le vice dont se plaint l'acheteur, existait
avant la vente ou ne s'est déclaré qu'après la passation du contrat.
L'action en nullité peut être intentée, même par le vendeur,
tandis que l'action rédhibitoire et l'action en réduction du prix sont
réservées à l'acheteur. En outre, ces deux actions ne sont pas admises dans les ventes faites par autorité de justice, tandis que ces
ventes sont soumises à l'action en nullité, s'il y a erreur sur la
substance. En intentant les premières, l'acheteur n'est jamais
obligé d'indemniser le vendeur; il peut quelquefois y étre contraint,
quand il exerce l'action en nullité.
�-
16-l -
§V - Erreur sur la quantité de l'Obj et
En déterminant les obligations du Yendeur, la loi étudie les
effets de cette eneur. Ils font l'objet des dispositions des articles 1G16 à 1623 inclusivement. Voici les hypothèses que la loi
dislingue à propos des ventes d'immeubles. On a fixé dans le
contrat la contenance de l'immeuble el le prix de la mesure.
On a dit : 1( je Yous Yenc.ls tel fonds de terre de Yingt hectares à
raison de mille francs l'hectare;» si au lieu de vingt hectares, il
s·en trouYe Yingt-deux, l'acheteur peut fournir le s upplément
du prix ou faire résilier le contrat, car l'excédant de la conten::mce réelle dépasse d'un vingtième la contenance déclarée :
Quid si le fonds a plus de vingt hectares, mais seulement vingt
hectares et cinquante ares? Ici , l'excédant n'atteint pas un vingtième de la conteanance totale. L'acheteur devra respecter le con
trat, et payer un supplément ; mais on ne lui accorde pas le droit
de faire résilier la vente, parce que la loi ne donne cette faculté,
que dans le cas où l'excédant est assez cons idérable, pour permettre de supposer que l'ouligation de compléter le prix excède
les moyens de l'acquéreur, qui n'eut peut-être pas acheté, s'il eut
connu la contenance réelle et l'augmentation de prix du bien
qu'il veut acquérir.
L'excédant pour produire cet eITet doit être d'un vingtième: et
lorsqu'il n'atteint pas celle fraction, l'acheteur doit nécessairement payer le supplément, qui sera forcément peu cons idérable
par rapport au prix qui avait été convenu. Il ne peut point se
désister du contrat, et dire à l'acheteur qu'il entend garder
l'étendue qui avait été poctée au contrat et abandonner l'excé-
-
1G5 -
dant; parce que, d'abord ce serait morceler la propriété et
laisser pour cornpte au Yendeur, une partie de terrain qui n'aurait aucune valeur à cause de sa petite étend ue, et encore parce
qu'on lui a vendu un corps certain et non pas telle fraction de
ce corps certain. Supposons au contra ire qu'au lieu de vingt
hectares, il n'y en ait que dix-huit, ici la différence entre la
contenance déclarée et la contenance réelle est en moins. Dans
cette hypothèse, l'acheteur, pourra obten ir une diminution de
prix et ne payer que dix-huit mille francs, au lieu de vingt
milie. Mais il ne pourrait point demander la résiliation du contrat, car qui peut payer vingt, peut a fortiori payer dix-huit.
Néanmoins, si celle diminution d'étendue r empèche absolument de faire servir le fonds à l'usage auquel il le destinait, il
pourra faire rescinder le contrat, car on ne pourrait l'obliger
en toute justice à garder un bien dont il ne saurait que faire.
On a fixé dans le contrat la contenance et le prix, sans indiquer le prix de la mesure. Ici, l'indication de la mesure n'a pas
la même importance que clans l'hypothèse précédente, où les
parties semblaient avoir voulu en faire la base de leur conYen tion. Aussi, dans le cas d'excédant, l'acheteur dena fournir le
supplément du prix et ne pourra faire rescinder le contrat, que
dans le cas ou la différence entre la contenance réelle et la contenance déclarëe dépasse un vingtième. Dans le cas de déficit,
il ne pourra obtenir une diminution du prix qu'autant que ce
déficit détruit l'utilité qu'il Youlait retirer <le la chose, eu égard
à l'usage auquel il la destinait. i la Yente a pour objet un bien
dont les diverses parties ont une Yaleur cliITérente, et pour chacune desquelles il y a eu déclaration spéciale de contenance, on
calcule l'e:\.cédant ou le défici t, non pas en se basant sur la contenance mais bien sur la Yaleur totale de l'immeuble. Ains i il a
été dit : 'que le domaine comprenait tlix hectares de Yigne et
�-
t66 -
quinze hectares de jardin, le tout pour ll ,500 fr.; l'hectare de
vigne ayant été estimé mille francs et l'hectare de j ardin deux
mille cent francs. Or, la contenance réelle est de huit hectares
de vigne et quinze hectares de j ardin. Si l'on comparait l'excédant à la contenance, il y a déîicit de plus d'un vingtième, puisqu'il manque deux hectares sur vingt-cinq. Mais comme on le
considère par rapport à la valeur, comme en somme, les deux
hectares qui manquent valent deux mille francs, et que ce chiffre n'atteint pas le vingtième de quarante-un mille c inq cents
francs, il n·y a lieu ni à augmentation, ni à diminution du prix.
i la vente comprend plusieurs biens avec l'indication de la contenance de chacun d'eux el du prix total, s'il y a déficit dans
l'un et excédant dans l'autre, on établit une compensation et lorsque la différence entre l'excédant e t le déficit n'atteint pas un
vingtième, l'acheteur sera tenu de payer le prix convenu. On a
pour exercer l'action soit en supplément ou en diminution du
prix, soit en résiliation de la vente, un an à partir du jour du
contrat.
C'est ici le lieu d'étudier une question que nous av::.ns déjà examinée en droit romain. Que fa.ut-il décider en cas d'erreur sur la
quotité? Ainsi, j e vous demande de me prèter mille francs, vous
m'en promettez cinq cents; le contrat est-il for!Ilé? Non, a-t-on
dit, car je puis avoir intérêt à ne devoir qu'à un seul créancier. Je
vous demande de me prêter cinq cents francs, vous m'en promettez
mille ; il n'y a pas de contrat, affirme-t-on, parce que vous avez intérêt à ne pas diviser vos capitaux et à ne les prêter qu'à un seu l
débiteur. Disons que la solution dépend de l'intention des parties.
Si elles ont regardé la plus petite somme, comme comprise dans la
plus Corte, formant avec elle un u1êmc objet, il y a alors concours
de volontés, jusqu'à concurrence de la somme la plus faible. R eprenons l'exemple précédent, vous me demandez cinq cents francs, jo
vous en promets mille; en vertu du principe, qui peut le plus peut Je
-
167 -
moins, la vente est valable, à moins cependant que je n'aie intérôt
à no pas prêter moms de mille francs et que, par sujte, je n'aie pas
regardé la somme de cinq cents francs que vous me dèmandiez,
comme un objet tout difîércnt de celle que je vous promets. Vous
me demandez mille francs et je vous en promets cinq cents; il se
peut que vous ayez regardé cette dern ière somme comme com prise dans la premi~re ; il y a dès lors contrat jusqu'à concurrence
de cinq cents francs. Il n'y aurait pas de contrat si vous aviez
voulu emprunter mille francs et non une autre somme.
Il n'en est pas ainsi dans les contrats sygnallagmatiques parce
qu'au cas de vente, par exemple on ne peut pas dire quP. celui qui
consent à vendre pour dix consent à vendre pour cinq, quand l'acheteur lui donne cinq ; tandis qu'il est évident que celui qui consent à vendre pou r dix, consentira à vendre pour dix, quoique
l'acheteur lui donne qumze; ici le moins est contenu dans le plus.
Donc, !' etTeur sur le prix annule le contrat lorsque l' offre est inférieure à la demande, mais le laisse intact dans l'hypothèse inverse.
En deux mots : celui qui doit fournir la prestation, l'a-t-il voulue
plus forte que celui qu i devait la recevoir, contrat valable; l'a-t-il
voulue moindre, contrat nul ; car dans ce cas il y a erreur sur
l'obj~t; l' une des parties, en efîet, ne consent pas à accepter l<i
quantité moindre et l'au tre à payer la quantité plus forte. Cependant dans le cas oe la vente comprend des objets multiples, si on
ne l'a pas considérée comme indi\•isible, la vente est valable enrore
que celui qui doit fourni r la prestation l'ait \'oulue moindre que
celui qui doit la recevoir. Ainsi vous croyez que je vous achète dix
ouvrages ôe droit, alors que je crois que vous m'en ver.dez vingt;
la vente vaut pour res dix ouvrages, pour\'u que nous l'ayons
regardée corrrne comprenant plusieurs ventes ~éparées portant
chacune sur un de ces ouvrages.
�-
§ VI. -
168 -
Erreur sur la valeur de l'obj et
L'erreur qui a pour objet la valeur de la chose, Le tombe pas sur
une de ses qualités substantielles, aiosi no vicie-t-elle pas la convention. Cependan t, dans certains cas dé:erminés, ell e peut occasionner une lésion qui est une cause <le rescision dans des hy pothèses spéciales, ou en faveur de quelques personnes privitlgiées.
La lésion n'est pas nécessairement la conséquence d' une erreur,
mais dans le cas où elle se trouve confondue avec elle, il faudra
rechercher si l' erreur remplit les conditions que nous a vons indiquées, c'est -à-dire :;i elle présente un double caractère de g raviLé
et de certitude, si elle tombe sur la substance de la chose ,· on lui
fera, dès lors, produire les effets spécia ux que la loi a attachés à ce
yice de consentement. Ainsi il a été jugé qu'il y avait nullité pour
cause d'erreur, dans la vente que le légataire fait de ses droits à son
colégataire, lorsqu'il résulte du texte du contrat et de la modicité dn
prix , que le vendeur ne connaissait pns l'étendue de:ses droits, t andis que l'acquéreur avait pleine connaissance, de ce que c0 mportait le testament. (1) Dans ce cas, en e!Tet, l'erreur portait sur la
substance même de la chose. Si l' en·eur ne rempliLpas ces conditions, on suivra les règles spéciales à la lésion (2)
Il peut se faire que l'erreur n'existe point dans l'esprit des parties
et qu'elle se trouve sut· le papier. C'est alors une simple erreur
matérielle ; ces erreurs, que l'on appelle e1'reurs de plume ou de
calcul ne vicient point la convention : 0 11 doit les rectifier . C'est ce
que décide le Code dans deux articles, l'article 2058 du Code Civil
et 1' article 54 1 du Code de procédure civile.
(1) Angers ~2 mai 1817. Dalloz V· appel civil n' 5il.
(2) Paris 14 décembre 183Z. Dall. V• oblig. 136. Nancy 15 mai 1869, Sir.
1869 - 2- l7 9.
-
169 -
§ VII. - Erreur sur la propriété de l'objet.
J e vends une chose dans la fa usse croyance qu'elle m'appartient;
or il se t rouve qu'elle n'est pas à moi ; vente nulle, en vertu de l'article 1599, qui dis pose que la vente <le la. chose d'autrui est n ulle.
Etudions l'hypothèse inverse : je vends une chose en croyant
qu'elle est à a utrui et il se lrouve qu'elle est à moi : contrat valable; on pourrait obj ecter que celui qui vend a vec la conviction que
la chose ne lui appa rtient pas n'a pas la volonté sérieuse d'aliéner,
car il sait bien qu'il n'est pas en son pouvoir de disposer de la chose
d'autrui . E n admettant qu'il connaisse la loi, il a peut-être, voulu
la frauder et !"on ne doit pas lui permettre d'alléguer sa propre faute
pom faire annuler le contrat.
SEC::'T'IC>N" I I I
De !'Erreur sur la cause.
Nous avons vu qu'à R ome le mot cause avait deux sens d ifférents. On dénommait ains: l'élément de création légale , le fait
extérieur et sensible qui permettait d'établir l'intention des parties conlraclanles; car la plupart des cmwenlions, n'avaient
d'effet que lorsque le consentement ùes parties prenait une
forme dé term inée par la loi ; application du principe : nuda
pact io oblir;ationem non paril. Par le mot cause, on entenda it
aussi ce que l'on a ppelle la cause finale, c'est-à-d ire la rai on
immédia te qui n ous fai t obliger. Le premier sens n'a plus de
�- 170 portée sous l'empire du Code. Ses rédacteurs, renversant
sur ce pointla théorie romaine, onl élabli que le concours des
volontés forme le contrat, que la conYention était valable par
elle-même, et engendre des obligations, sans qu'il soit besoin
de la revêtir de formes arbitraires; aujourd'hui l'élément générateur du contrat est le consentement des parties.
La seconde acception du mot cause est encore exacte de
nos jours.
Nous allons nous attacher à définir la cause, aussi nettement
que possible; nous étudierons ensuite quels sont les efîets de
l'erreur sur la cause.
L'article 1108 classe la cause parmi les conditions essentielles à la Yalidité du contrat. Mais le code ne la définit point.
Essayons de le faire.
D'après nous la cause est la raison d'être de l'obligation, le
but essentiel, direct et immédiat que le contractant se propose
d'atteindre.
On connaitra la cause d'une obli gation en répondant à cette
question : Cur debetur? C'est donc, le pourquoi de l'obligation;
but unique, car parmi les considérations qui engagent le contractant à conclure une convention, il en est forcément une qui
domine toutes les autres; but évid ent, car il est identique pour
toutes les obligations de la même espèce; raison essentielle et
inhérente, car on ne peut concevoir une obligation sans cause, à
moins de supposer que l'acte n'émane d'un fou, qu'il ne soit pas
l'œuvre d'une personne raisonnable.
On a souYent confondu la cause de l'obligation et la cause de
la convention ; le Code lui-mème semble ne pas distinguer, puisque dans l'article 1108 il parle d'une cause dans l'ob ligation et
dans l'article 1132 il dit que la convention n'est pas moins valable quoique la cause n'en soit pas exprimée. Or ces deux éléments sont essentiellement dis tincts. La cause de la convention
-
171 -
est le motif déterminant, si l'on veut, qui fait contracter, mais
il varie selon les personnes et les circonstances; il est accessoire, car l'ol.Jliga tion n'en dépend pas. « Par la cause d'une
c1 obligation ou du con trat, di t Toullier, le code entend, le motif
« qui détermine la promesse qu'il contient, le pourquoi elle a
« été faite. )) Mais la mciUeure preuve que ce n'est point là ce
qu'il faut entendr e par la cause d'une obligation, c'est qu'alors
que la cause est évidente et identique pour tous les contrats de
même espèce, M. Toullier dit que « c'est par la manière dont
racle est conçu, par la nature du contl'at, par l'objet de la promesse, enfin par les circonstances, qu'on peut juger quel a été
le motif déterminant de celui qui consent et si son consentement était subordonné à la réalité de ce motif comme à une
condition implicite. >) Celle cause ne serait ni plus ni moins
qu'un motif, puisqu'il difTère selon les éléments d'appréciation
que nous venons d'énumérer : tandis que chaque obligation
porte en elle-même sa cause, qui est invariable, et qu'il ne dépend point de la volonté des parties qui s'obligent de changer à
leur guise.
Ce que 'roullier appelle ici la cause, est la cause non de l'obligation, mais de la co1wention, c'e t-à-dire le motif, en d'autres
termes la cause de la cause; ce que l'on répondra à celte question : c1w contraxit? Pourquoi a-t-il contracté; il est facile de
voir que la réponse varie à l'infini.
Nous aYons dit que la cause est la même pour tous les contrats de même espèce. En efTet, dans les contrat· S)ïlallagmatipues, la cause de l'ol.Jligation de l'un des contractants se trouYe
dans l'obligation ou mieux, ùans l'objet de l'obligation de l'autre contractant. Aussi ne faut-il pas soutenir aYec quelques auteurs, que dans les contrats synallagmatiques, la cause et l'objet
de l'obligation sont la seule et même chose, sinon il ne serait pas
vrai de dire comme le fait le Code, que la cause et l'objet sont
�-
172 -
deux condictions distinctes de la ,·aiidité tles co1wentions. Ainsi
par exemple, dans la vente d'un chernl, la cause de l'obligation
du vendeur est le paiement du prix du cheYal par r acheteur et
r objet de son obligation est le transfert de la propriété de ce
cheval à l'acheteur, c'est-à-dire la chose elle-même: de mème
pour l'acheteur, la cause de son obligation sera l'obligation <lu
vendeur qui doit lui transférer la propriété du cheval et l'objet
de son obligation est le paiement clu prix de cette chose. On le
voit donc, cause et objet, même dans les contrats synallagmati·
ques, sont choses distinctes. On connait la cause par la réponse
à la question cur debell1d et l'objet de cette cause en répondant
à cette autre question: qttid dcbetttr?
Dans les contrats unilatéraux à titre onéreux, la cause de
l'obligation de la partie qui s'oblige se trouve dans Le fait ou la
promesse de l'autre partie : Vous m'avez prêté mille francs, je
vous les dois: cur, parce que Yous me les avez prêtés. Que vous
dois-je: Quid ? mille francs .
Dans les contrats de bienfaisance, la cause se trouve dans
l'intention qu'a l'une des parties de gratifier l'autre. La cause
d'une obligation peut aussi consister dans une obligation antérieure, dans une obligation naturelle ou même dans w1 devoir
moral, comme un sentiment de reconnaissance: dans un fait
passé, comme dans un fait actuel ou futur. Dans ce dernier
cas, la cause se rapproche de la condition; elle peut consister
dans la condition elle-même. si Le promettant à intérêt à l'accomplissement de cette condition par le stipulant et que le stipulant ait droit si cette condition se trouve accomplie par lui à
une prestation de la part du promettant. Ainsi, je vous promets mille francs si vous surélevez un mur qui se trouve sur
votre propriété.
Il nous reste à étudier l'infl uence qu'exerce l'erreur lorsqu'elle
porte sur la cause du contrat.
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173 -
D'après l'article 1131 : l'obligation sans cause ou sur fausse
cause ou sur une cause illi cite ne peut avoir aucun effet. L'erreur dans ce cas portant sur une des conditions essentielles du
contrat, l'ann ule rad icalemenl.
Le législateur met sur la même ligne, l'obligation sans cause
et l'obligation s ur fausse cause.
N'y a-t-il entre elles aucune différence? Non; au point de
vue des efîets, toutes deux entrainent la nullité ùu contrat. En
théorie, cependant, on peut distinguer : d'abord, il est impossible d'admettre d'une facon absolue qu'il puisse y avoir une
obligation sans cause, car tout être raisonnable a, en s'obligeant,
une raison d'agir, principale et déterminante. De plus, souvent
quand l'obligation est sans cause c'est que les parties qui
croyaient à l'existence ùe celte cause se sont trompées. L'obligation donc, la plupart ùu temps, ne sera sans cause que parce
qu'elle sera sur fausse cause, c'est en ce sens que Pothier
disait: << Mais lorsqu'un engagement n'a aucune cause, ou ce
« qui est la même chose, lorsque la cause, pour Laquelle il a été
u contracté, est une fausse cause, l'engagement est nul » (1).
Cependant, il y a des cas oü l'obligation est sans cause, quand
par exemple, la cause qui existait au moment de La com·ention
a cessé d'exister ou quand il s'agit d'une chose future qui ne
se réalise pas. Je vous \'ends ma Yendange de l'an prochain
et je n'ai pas de Yendange parce que le phylloxéra a détruit mes vignes. La cause peut encore faire défaut da1is
les obligations ayant pour objet des prestations périodiques.
Par exemple : J e yous ai Joué ma maison de Bastia depuis le
1" janvier et le 31 juillet elle est détruite par un incendie; à partir
de cette dernière date votre obligation de payer le loyer n'existe
plus, p.irce qu'elle n'a plus de cause. Dans certains contrats
( 1) Polhier, Obligations n• 12.
�-
1i4 -
comme le louage, les obligations sont pour ainsi dire, quolidiennes et successives et l'obligation de l'une des parties ne
prend naissance. qu' autant que la ca use de l obligation de l' a ulre
partie, existe encore. li y a donc des cas ou l'on peut s upposer que
l'obligation manque de ca use et c'est avec raison que la loi disting ue entre l'obligation sans ca use et l'obligation sur fausse cause.
Elle nous fournit elle-même un cas dans lequel il y :a rupture du
contrat par suite du défaut de cause ; c'est à propos de la constitution de rente viagére (article 1974 et 1975). Si la rente est constit u6e sur la tête d' une personne déjà morte, ou qui meurt dans les
vi ngt jours de la constitution, de la maladie dont elle était dejà atteinte a u moment du contrat, la constitution est nulle. L'aliénation du capital ou de l'immeuble avait pour ca use l' acq uisition d' une
créance d'arrérages que devait payer le d6biteur rentier : or cette
aliénation n'a pl11s de cause dans la premièra hypothèse et dans la
seconde la créance a pris naissance, mais comme le payement de la
rente ne pouvait pas être l'équivalent, même aléatoire de l'aliénation
du capital, puisque le créancie1· était Jéjà dangereusement malade
et que le payement de la créance devait prendre tin dans un délai
de très court~ durée, la constitution est encore nulle faute de
de cause. Mais no us l'avons déjà dit, a u point de vue des effets,q u' il
n'y ait pas de cause ou que la cause soit fausse, le résultat
est le m6me, le contrat est frappé d'une nullité et d'une nullité
absolue. La loi dit, en effet, que l'obligation sans cause ou sur
fausse cause ne peut a voir a ucun effet; disposition rationnelle, car
l'erreur sur la cause porte sur une des condilions fondamenlales
à la validité de la convention et l'obligation se trnuve attaquée dans
son essence par une erreur de ce gen1·e.
Mais s i l'on sort des limites de cette règle et des termes de
r article, il n'en est plus ains i. La loi en proclamant la nullilé,
exige que l'obligation soit sans cause ou repose sur une cause
q11i est fausse, c'es t-à-dire que les parties ont cm exister et qui
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175 0
n'a jamais existé ou a cessé d exister. Or, si la cause n'est que
simulée et si r obligation a une cause indépendante de la cause
simulée, le contrat est ma intenu; car le Code ne dit nulle part
que la s imulation soit une cause de nullité. Quant à la preuve,
c'est à celu i qui p rétend que la cause est fa usse à l'établir
puisque c'est lui qui demande la rescis ion de la convention :
actori incwnbit probatio. Si le débiteur prouve que la cause
est simulée, c'est au créancier à démontrer qu'il existe en
dehors de cette cause une cause véritable, réelle et s uffisante,
car il y a présomption que la cause est insuffisante ou illicite
puisque on a pris soin d'en simuler une autre. De là, il résulte'
que, pour que l'erreur s ur la cause puisse entrainer la nullité du
contrat, il faut qu'elle porte sur l'ex istence même de cette
cause. Dès lors si l'erreur ne portait que sur l'efficacité juridique, de la cause, s i elle ne portait que sur ses conséquences par
exemple, le contrat ne sera qu'annu lable: « Telle serait rerreur
a d'une personne qui s'engagerait par Yoie de novation à payer
a une dette simplement naturell e, dans la fausse croyance
« qu'elle est civilem ent efficace ( 1). »
Dans ce cas la cDuse existe, puisque nous savons que l'obligation naturelle peut servir de cause à une obligation civile,
mais on s'est trompé s ur les conséquences, sur la portée de
l'obligation naturelle : ce cas n'est qu'une application des règles
de l'erreur sur la substance, car l'erreur porte sur la nature d e
la dette et la dette est p récisément l'objet de la novation (2).
)
(1) Aubry et Rau~ 313 bis. note 5.
(1) Nous avons exposé la théorie sur la cause qui est presque unanimement
reçue. Quelques auteurs cependant refusent de voi r dans la cause un élément
essentiel du conti·at et soutiennen t que les rédacteurs du Code ont fait busse
route en la nommant d'uu nom pal'Liculiel' et en lui donnant des effets spéciaux. ~rnst, Van de Poli, el en France, M. Timbal. (Elude critique sur la
cause dans les contrats et obligations) estiment que lts articles du Code qui
traitent de la cause, sont vides de sens et inu tiles, car la cause se confond
�-
176 -
De l'erreur sur les motifs du contrat.
L'erreur sur les motifs ne vicie pas le contrat. Le motif est
but médiat que l'on se propose d'alleinclre en contractant. C'est
la raison indirecte ou accessoire qui varie selon les personnes,
tandis que la cause est la raison immédiate , inhérente à l'on éce~sairement
ou bien a\•ec le consent.cment ou l'objet, él{,ments réellement
essentiels ou bien encore a,·ec le motif qui n'a aucune influence sur la validité de la convention: En somme. on dit a que celle théol'ie de la cm1se qui,
prétend-on, domine tout le droit, n'e<;t qu' un mythe, une vaine imagination,
un lantome qui s'évanouit i1 la lumière de la critique. v
r oici, en deux mots, l'économie cle ce système nouveau. Au point do vue
rationnel, la convention se compose de trois éléments: 1° deux parties au
moins qui contractent; 2• leur consentemeut pour produire un ou plusieurs
effets de droit; 3• la production réelle de ces efTets. c'est-à- dire la naissance
ou l'extinction d'nne ou plusieurs obligations. Quant à la cause, ce n'est pas
un élément essentiel. Dans les contrats synallagmatiques pal' extmplc : Je
vous vends rna maison et elle vient de brùler, la convention est nulle, non pas
faute de cause, mais parce que le troisiéme élément essentiel, la production
des efTels juridiques ue peut exister. Dans les contrats unilatéraux le but
immérliat du prèteur, en cas de prèt, es t de rendre serdce ou de toucher
des iolérèts. Dans le cas oil il n'y a pas eu numération des espèces, il n'y a
pas de contrat. non parce qu'il n'y a pas de cause, mais parce CJJl'il n'y a pas
de prêt. Donc, dans les contrats syn'lllagmatiqucs, la cause de l'une des obligations, c'est, d'après les llns, l'objet de l'autre obligation. d'après les autres,
l'obligation dlc-mème ; c'es t-!1-dire que la cause de l'un des effets d' une convention, c'est la production mc'me de l'autre efTet,
Dans les coutrats unilatcraux, h ":lttse se confond avec l'objet. Dans les
contrats gratuits, on <lit '}ne la cause est l' intention de faire une libéralité ou
de rendJ·e un service; m:i.is qu'est- ce que cette intention, si ce n'est la
volonté même de donner, en un mot le conseutemeo t'l
Eo resumé, ce qu'oo appelle cause n'est dans les contrats qu'un autre
élément essentiel dont on fait un quatrième élément distinct en lui donnant
un nom particulier. - Note :<ur la T héorie générale des Conventions,
France judiciaire. Février 188.'3.
- 177 -
bligation et identique pour tous les contrats de même espèce.
Pourquoi la loi n'a-t-elle pas admis que l'erreur sur les motifs,
aurait le même effet que l'erreur sur la cause? D'abord, parce
qu'il était impossible de tenir compte des motifs plus ou
moins éloignés que chaque partie peut avoir de contracter à
'
moins de détruire la stabilité des conventions; et en second lieu
parce que le motif n'est pas un élément essentiel de l'obligation. Enfin, tandis qu'il est facile de s'assurer, s'il y a erreur sur
la cause, on ne peut contrôler la sincérité de celui qui affirme
qu'il a contracté pour tel et tel motif, car le motif est en dehors
du contrat, c'est quelque chose de personnel et d'intime.
Cependant les parties peuvent, en vertu de leur convention
donner à tel motif déterminé une importance capitale et y su-'
bordonner la validité du contrat : « Avec Barbeyrac et Pothier,
a disait M. Bigot-Preameneu, dans l'ex.posé des motifs du Titre
« des Contrats ou des Obligations conventionnelles en général,
« l'on doit décider que l'erreur dans les motifs d'une convention,
« n'est une cause de nullité que dans le cas où la vérité de ces
« motifs, peut-être regardée comme une condition dont il soit
« clair que les parties ont voulu fa ire dépendre leur engage" ment.» Il faut donc qu'il résulte d'une convention expresse ou
tout au moins de l'objet du contrat, de la nature de l'acte, des
circonstances, que les parties ont eu l'intention formelle et bien
arrêtée, de faire dépendre la validité de la convention du motif
énoncé. La simple énonciation du motif ne suffirait pas pour témoigner cette intention, ainsi que le pensait Pufiendorf, qui
soutenait « que les parties doivent être censées avoir youlu
« faire dépendre leur c01wention de la vérité de ce motif, comme
" d'une espèce de condition. » Pothier n'était pas de cet avis,
car dans ce cas ce n'est pas l'erreur sur le motif qui vicie la
convention, mais bien, le défaut de la condition, ce qui est tout
différent. L'acheteur, en effet, pourrait être tenu de dommages12
�-
178 -
intérêts en cas d'erreur sur le motif et non en cas de dé fallt de
la condition. Puis Pothier, après avoir fait remarquer que l'erreur dans les motifs ne vicie pas les legs, ajo ute ; << de même et
cs. à bien plus forte raison, doit-on décider, à l'égard des con« ventions, que l'erreur dans le motif qui a porté l'une des par<< ties à contracter, n'inl1ue p as sur la convention, et ne l'empê« che pas d'être Yalable; parce qu'il y a b eaucoup moins lieu de
« présumer que les parties a ient voulu fa ire dépend re leur co n« vention de la vérité de ce motif, comme d'une condition; les
« conditions devant s'interpréter p1·0 ut sonant et les conditions
« qui n'y pem·ent être apposées que par la volonté des parties,
11 devant s'y s uppléer bien plus difficilement que dans les
11 legs.» (1) l\f. Bigot-Preameneu s'autorise à tort du nom ·de
Pothier, puisque Pothier n'admettait pas que le motif pùt être
considéré comme une condition, tandis que l\I. Bigot-Préamenen, dit qu'il y a lieu à nullité quand il est clair que les parties
ont Youlu faire dépendre de la réalité de ce motif comme d'une
condition, la validité de la convention . Donc, si la volonté des
parties est expresse, ou si elle résulte du contrat de quelqu~
façon (ce sera une question de fait, soumise à l'appréciation du
juge), il faut dire que l'erreur sur le motif entrainera l'annuliltion de la convention, non parce qu'il y a erreur sur le motif,
elle est indiliérente, mais parce que la condition qui dominait
la convention est défaillie.
De !'Erreur sur la personne
o.
u
Voici comment Pothier s'exprimait sur ce point: Q L'crreûr su r
la personne avec qui je contracte détruit-elle pareillement le consentement et annule-t-elle la convention? J e pense qu'on doit dé(1) Potbier. Ibid. 20.
-179 u eider cette question par une distinction. Toutes les fois que la
con!>idération de la personne, avec qui je ' 'eux contracter, cmre
« pour quelque chose dans le contrat que je veux faire, l'erreur
« sur Ill. personne détruit mon consentement et rend, par consé« quent, la convention nulle. Au contraire, lorsque la considération
cc de la personne avec qui j e croyais contracter n'est entrée pour
« rien dans le contrat, et que j'aurais également voulu faire ce conc< trat avec quelque personne que ce fùt, comme avec celui avec
« qui j'ai cru contracter ; le contrat doit être valable (1). ,, ~e Code,
qui détermine les eITets de l'erreur sur la personne dans Je rnème
article où il s'occupe de l' erreu r sur la substance, ne va pas aussi
loin et se montre beaucoup plus rigomeux en dé<"idant C!Ue l'en·eur
n'e$t point une <'ause de nullité, lorsqu'elle ne tombe que sur la
personne av~c laquelle on a intention de contracter, à moins que la
considération de cette personne ne soit la cause principale de la
convention. 11 (art. J l lO , 2• alméa.)
Cette restriction est rationnelle; il sera, en effet, facile de distinguer dans quelles circonstances, la considération de la personne est
déterminante, et, dans ce cas, l'erreur sur la personne entrainera
l'annulation du contrat. Si l'on avait admis que l'e:rreur sur lapersonne aurait cet effet dans les contrats, où cette considération est
entrée pour quelque choc;e, comme en somme il y a beaucoup de
contrats, où cette considération, sans avoir une influence décisi\•e,
a tout au moins CJUelque portée, on aurait soumis la plupart des
contrats à de nombreuses causes de rescision.
~lais, dans quels contrats la considéra.lion de la personne, 1' i11lttùus person<e, est- il capital et déterminant? Le code se garde bien
dt.! nous le dire, afi n de laisser au juge la plus grande liberté d'appréciation. Ce sera essentiellement une question de fait, que le juge
tranchern d'après les circonstances. Mais sans poser une règle fh.e
<r
(l) Pothier. Ibid., 19.
�-180 -
-181 -
et générale; nous pouvons rechercher les contrats dans lesquels
l'intuitus personœ est r éellement important.
En premier lie u, nous trouvons le~ contrats de bienfa.isance, où la
libéralité a pour cause lïntention de grnt.ifier, non le premier vènu 1
mais telle ou telle personne déte rminée a u profit de laquelle on veut
bien se dépouille!', ou à laquelle on désire rendre service. En second
qn•elle défend a u colon de céder ou de sous-louer sans le consentement du propriétaire; le propl'iétaire devant partager avec le colon
lqs fruits de l'imme uble, a intérêt à ce que ~a terre soit bien c ul-
lieu , se placent ceux des contrats qui engendrent des obligations de
faire, dans lesquels cette obligation ne peut être acquittée que par la
personne avec laquelle on a voulu contracter. SI quiconque pouvait
exécuter cette obligation , l' erreur sur la personn e n'entra inerait
pas l'annulation du contrat, parce qu' il importe pe u a u créancier
qu e le contra t soit exécute par celui- ci ou pat• celui -là, pourvu qu'H
le soit, alors que cette exécution n 'exige pas de qualités personnelles ou spéciales de ta pa rt de celui qui l'exécute. Dans cette dernière hypothèse, la considé ration de la personne n· a. pu être déterminante. Vienn ent ensuite les con trats qui s upposent une certaine
confiance entre les pa rties, la société, par exemple, (à moins que ce
ne soit une société pureme nt de capitaux). IL est certain qu'on ne
pourrait obliger quelriu' un à r este1· en coll'lmunauLé d' inté rêts a vec un
associé m11ladl'Oit ou négligent qu'i l a pris pour un auLPe qui est o.cLi{,
intelligent et habile, car ici J' intuilus person<e est décisif. Il en est
de même pour le mandat, où l'on ne confie pas ses affaires à la première personne qui se p1·ésenLe, mais à celui dont on connait les
aptitudes , l'honnêteté, en un mot les qualités qui en font un bon et
utile mandataire, de même que le mandataire n'accepte pas un
mandat de qui que cc soit. Le mandant qui se sera trompé sur la
personne du mandaW.ire, pourra faire annuler le contrat, et tous les
actes fttits par ce faux mandataire seront. déclarés nuls, tandis que
la révocation n'annulerait que les actes q u'il pourrait faire plus tard
ut nou ceux qui ont p1•écédè la l'èvocation (art. 2004). Même solution en cas de dé p1t, en cas de colonat pa rtiaire : pour ce dernier
contrat, la loi elle-même indique l'importance de la personne, puis-
tivée, et par suite, à choisir un colon entendu et bon agriculteur
(11-rt. 17&3 ). Quelques a uteurs assimilent s ur ce poin t le bail à ferme
~u color:at pa rtiaire, pa rce que, disent-ils, bien qu~ le propriétaire
ne tou che que des fruits civils, dont le montant est fix é au moment
du contrat, il a encore un t rès-g rand intérêt à ce que sa terre soit
eo de bonnes mains, entre les mains de celui qu'il a jugé à même de
bien la c ultiver.
Dans certains contrats comme dans la vente, la considération de la personne n'a aueune influence. « Par exemple, dit
« Potbier, le véritable inspirateur des rédacteurs du Code d""tns
" toute cette matière, j'a i acheté chez un libraire un livre en
« blanc, qu'il s'est obligé de me livrer relié : quoique ce libraire
« en m e le vendant ait cru le vendre à Pierre, à qui je ressem(( ble, qu'il m'ait nommé du nom de Pierre en me le vendant,
« sans que je l'ai désabusé ; cette erreur en laquelle il a élé
Cl sur la personne à qui il vendait son livre n'annule pas la
« conven tion , et ne peut fonder le refus qu'il ferait de me liHer
" ce livre pour le prix. convenu, dans le cas auquel le livre
« depuis le marché serait enchéri ; car quoiqu'il ait cru vendre
« son livre a Pierre, néanmo ins comme il lui était indilTérent
« à qui il débitât sa marchandise, ce n'est pas précisément à
11. Pierre qu'il a voulu vendre ce livre, mais à la personne qui
« lui donnera it le prix. qu'il demandait, quelle qu'elle fùt (1). »
Mais en vertu du principe fondamental que les conventions
font ln loi des parties, il faut faire une restriction importante .
Si l'intention des pa1·lies a été de donner à la coo idération de
la personne une portée capitale, leur volonté doit être respectée
(l) Potbier, n. 19.
�-
182 -
el si l'erreur vient à ètre démontrée, si l'on prouve que, dans
ce contrat qui est de ceux oü la cons idêration de la personne est ordinairement indifférente, /'i11ttiitus pe1·sonœ u élé
déterminant, le contrat devra être annulé . c·est à celui qui
invoque cette erreur à l'établ ir, car il lui fa ut renverser la présomption que dans ces contrats une telle considêration est
habituellement et naturellement sans influence.
Une fois cette preuve faite, disons-nous, le juge devra annuler le contrat. Mais par suite, non du contrat qui n'existe plus,
mais par application de l'arl. 1382, la partie contractante,
victime de l'erreur, dena r éparation à la personne qu'elle a
confondue aYec son co-contractant, s i elle lui a causê un préjudice quelconque et si cette personne n·acommis aucune faute
ou ne s'est rendue coupable d'aucune fraude de nature à occasionner l'erreur. D'après l'exemple de Pothier, on veut faire
faire son tableau par Natoire et l'on s'adresse à Jacques que
l'on prend pour Natoire, contrat nul, dit-il, parce que la considération de la personne de Natoire et de sa réputat,ion entrait
dans le marché que je voulais faire cc observez néanmoins,
« ajoute-t-il, que si Jacques qui croyait que j e le prenais pour
« Natoire, a, en conséquence de cette convention erronée, fait
« le tableau, je serai obligé de le prendre et de le payer sui« vant le dire des experts, mais ce n'est pas en ce cas la con« venlion qui m'y oblige, cette convention qui est nulle, ne
u pouvant produire aucune obligation, la cause de mon obli« galion est en ce cas l'équité, qui m'oblige d'indemniser celui
" que j'ai par mon imprudence induit en erreur ( 1). » Le Code
a traduit ce principe d'équité une règle de droit positif.
Jusquïci nous ne nous sommes occupé que de l'erreur sur la
personne physique : mais l'acception du mot personne, ne doit(1) Pothier, ibid. n. 19.
-
183 -
elle pas être étendue à certaines qualités substantielles que les
parties peuvent avoir principalement en vue en contractant. Si
l'on ne s'en rapporte qu'aux précédents historiques, il faut répondre négativement, car Pothier n'a parlé que de l'erreur sur
l'identité physique', n'a étudié que le cas de s ubstitution
d'une personne à une autre. Mais nous croyous qu'on se conformerait davantage à l'esprit et aux principes du code précédemment développés, en étendant le sens de ce mot. Le mot
pérsonne comprend à la fois la personne physique et la personne morale; car «ce n'est pas seulement, dit M. Demolombe,
«. leur identité matérielle qui individualise les personnes, c'est
« aussi et bien mieux encore, leur identité morale et juridique.»
Or l'erreur qui porterait sur une qualité s ubstantielle de cette
identité, porterait sur la personne même et nous estimons que
cette erreur doit avoir le même effet que l'erreur sur la personne physique, dans les limites imposées par la loi. Ainsi, par
exemple j e fais une donation à François, parce qu'il est mon
neveu : c'est bien lui auquel s'adresse la libéralité; mais ce
qui me détermine à faire cette donation, c'est sa qualité de parent, qui pour moi est décisive, et si j 'apprends plus tard qu'il
n'est pas mon neveu, je pourrai faire annuler le contrat. On a
soutenu que dans ce cas, il n'y avait point lieu à annulation,
parce que en somme cette erreur, n'était qu'une erreur sur les
motifs, et qu'une erreur de ce genre est indifîérente, à moins de
circonstances exceptionnelles. Assurément, lorsque je fais une
donation à une personne dans la fausse croyance qu'elle a géré
mes a1Iaires, ou qu'elle est pauvre; tandis qu'elle 1ù rien fait
pour moi et qu'elle est riche, la donation subsiste, parce que sa
cause, qui est l'intention de gratifier n'est pas détruite, et parce
l'en·eur n'a porté que snr le but médiat que je me proposais. En
somme il y a erreur sur le motif. l\Iais da ns le cas où je gratifie telle personne, parce que c'est mon parent, dans ce cas il y
�-
184: -
a erreur sur la qualité substantielle; or l'erreur sur une qualité
de ce genre annule la convention et l'on peut à l'appui de
cette manière de voir, tirer argument de l'analogie que la loi
établit par le même article entre l'erreur sur la personne et
l'erreur sur la substance. La difficulté consistera pour le juge, à
s'assurer si la qualité est substantielle et si la considération de
cette qualité a été déterminante, si, par exemple, j'ai donné à
François, non parce que je le croyais mon neveu, mais parce
qu'il est bon et affectueux pour moi : difficulté dont la solution
tient en suspend la validité ou la nullité de la convention et pour
l1 trancher, le juge établira les éléments de sa conviction
d'après les circonstances, la nature du contrat, son objet et tout
ce qui peut éclairer sur la véritable intention des parties.
Toute qualité importante, principale même, n'est pas substantielle, cela va sans dire; ainsi, je prête mille francs à Pierre,
pensant qu'il est solvable; la solvabilité est bien la qualité
principale que l'on recherche chez un débiteur; cependant ce
n'est pas une qualité substantielle, l'identité de Pierre ne change
pas selon qu'il est solvable ou selon qu'il n e l'est pas. Je lui a i
prêté dans la croyance qu'il était solvable, erreur sur le motif.
S'agit-il d'une erreur portant sur la capacité des parties contractantes'! La capacité juridique, n'est pas une qualité substantielle, et par suite l'erreur dont elle serait l'objet ne pourrait
pas amener l'annulation du contrat. Cependant l'on doit supposer que celui qui contracte veut avant tout, faire une contrat valable et inattaquable et par suite obliger envers lui ou s'obliger
envers une personne capable. Mais il est de principe que l'incapable peut seul se prévaloir de son incapacité (1125), parce que
les personnes qui ont contracté avec lui sont coupables de ne
pas avoir recherché avec soin qu'elle était sa condition juridique,
et en outre, la condition d'une partie est bien une considération
importante mais elle n'est jamais déterminante de la volonté
-
185 -
des contractants. Néanmoins, on admet que si l'incapable est un
interdit légal, celui qui a contracté avec lui pourra demander la
nullité du contrat, parce que dans ce càs l'incapacité n'est pas
une mesure de protection, établie en faveur de l'incapable, mais
une mesure de rigueur pri~e contre lui; c'est une peine; cette
nullité est donc, pour ainsi dire, d'ordre public.
Disons en terminant, que pas plus que l'erreur sur la dénomination de la chose, l'erreur sur le nom de la personne ne peut
vicier le contrat lorsqu'il est certain que l'erreur ne porte pas
sur la personne elle-même. (1)
SECTION' "VI
De l'action en nullité
Il y a un grand intérêt à distinguer le contrat nul et le contrat
annulable : Le contrat est nul quand l'un des éléments essentiels
à sa validité, comme l'objet, le consentement ou la cause lui
fait défaut. Il n'est qu'annulable, lorsque tous les éléments
essentiels existent, mais que l'un deux est entaché d'un vice
que le législateur répute être assez grave et assez important
pour permettre à la partie contractante, qui en a été victime, de
faire annuler le contrat qu'elle a fait sous son empire. Nous ne
pouvons indiquer les caractères généraux de l'action en nullité
pour cause d'erreur, sans montrer qu'elle profonde différence
la sépare de l'action en nullité proprement dite, pour défaut
d'un élément indispensable.
(1) Aix, 21 décembre 1870. (Dcvil. l871. 2, 216.)
�-
186 -
Dans notre ancien ùro it, l'action en nullité était réservée aux
contrats dont la nullité ~ tait prononcée par les ordonnances ou
les coutumes ~1) ; on ponvait l'inten ter directem ent deYant les
juges compétents et elle se prescrivait d'ordinaire par trente
ans. Tandis que l'action en rescis ion était celle par laquellé on
demandait la nullité des contrats, qui vala bles en principe,
étaient considérés comme viciés ou impa rfa its, soit par le droit
romain, soit par l'équité. C'est cette action que l'on intentait eri
cas d'erreul', de ,·iolence ou de dol. Avant <le pouvo · r la porter
devant les tribunaux il falla it obtenir des lettres de rescision
délivrées par les chancelleries, au nom du roi : pure formalité,
qui ne préjugeait nullement l'appréciation des magistrats. Cette
action se prescrivait par un laps de temps de dix ans. (2) La loi
des 7 et 11jui!Iet1790, en ordonnant que les demandes en nullité ou en rescision seraient portées directement devant les
juges, supprima toute différence entre ces deux actions et le
Code Civil dans l'article 130-l a consacré cette assimilation ,· cependant quelques légères différences exis tent encore entre elles,
au point de vue de leur qualification et de .l eurs s uites. Le code
se sert indifféremment des mols action en nullité ou action en
rescision, quant il s'agit de l'action qui a pour but de demander
la nullité d'un contrat annulable pour cause <l'erreur, de violence
ou de dol ; tandis qu'il emploie exclusivement les mots action
en rescision pour qualifier l'action en nullité d'un contrat' annulable pour causedelésion(887, 891, 8D2, lG71).Etl'action en rescision düiert encore de l'action en nullité en ce qu'elle peut-être
paralysée par une indemnité qui sera it fournie à la partie lésée
(891-1681). Autre di!Térence: quand on intente l'action en nullité
il suffit de prom·er que l'erreur a porté su1· tel élément déterminé par la loi, tandis que pour l'action en rescision, il faut
(l) Loisel, lnslilul. Cout. lh'. v. Til. l i. Reg V
(2) Ordonnance de 1510. (a rt. lt6).
· ·
-
187 -
démontrer tout d'abord que l'on était dans l'un des cas pour
lesquels la loi autorise l'aclion en rescis ion pour lésion et ensuite
que l'acte dont on se plaint a réellement occasionné une lésion.
A quel cont1·at s'a pplique l'action en nullité? Ce n'est pas au contrat nul. Le contrut nul est censé inexistant ; on n'a pas besoin de
s'adresser à la jusLire pour en foire prononcer la nullité; il ne produit aucun eŒet : Quod nullum est nullum producit effcctum. La
nullité est absolue; quic:mque peut s'en prévaloir : elle est perpétuelle et jamais le contrat ne peut être ra.tiûé ou confirmé, 111 expressément, ni tacitement, en l'exécutant, par exemple, parce qu'on ne
ratifie pas ce qui n ·existe pas. l otre action, en nullité, s·applique
au contrat annulaule, qui se distingue sous beaucoup de rapports
du contrat nul. Le contrat annulable est valable en principe et, en
fait, il existe, produit des eŒets de d1oit ; il vit en un mot, mais
d'une vie apparente et temporaire, car il n'est maintenu qu'autant
qu'on n'en demande pas la nullité. Cette nullité ne peut être solli citée que par la partie intéressée et dans un délai déterminé. Cependant, on accorde le droit à l'a utre pal'tie de la mettre en demeure
do décider si elle veut demander la n:.ilfüé ou maintenir le contrat.
Mais la partie in téressée est libre de tenir pour valables toutes les
obligations gui découlent du con trat et elle peut le ratifier, soit
expressément, soit tacitement, en lexécutant ou en laissant écouler
le délai que la loi lui accorde pour l'atta')uer.
Le contn\t entaché de l'une des deux er1·eurs pré\'Ues par l'article 1110 est annulable. Cela ré:-ulte d'abord de J'artide l l09 , qui
dit: Il n'y a point de consentement valable ... De l'article l l lî, qui
est ainsi ccn<_ u : « La rom cnticm contractée rar erreur, 'iolence
Cl ou clol, n' e~t point nulle de plein droit, elle donne seulement lieu
u ù une action en nullitc ou en 1·escision d~ns les cas et de la ma11 nière expliquée à la section VlI du chapitre V du présent titre. »
Cela est rationnel, ca r nous rnvons qu'en principe l'erreur ne détruit pas la volonté. Dans les deux cas, visês par l'article 11101
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188 -
elle l'atteint de faeon il lui foire vouloir tout ;iutre ohosc que ca
qu'elle voudrait si elle ctait éclairée, et c'est pour cetto raison que
la loi tout en donnant à cette erreur un caractère de gravitJ suf'
fi:.ante pour faire annuler la convention , veut que cette cooveüiion
soit maintenue dans son intégrité taot q•:'on ne l'attaque pus . Donct
le contrat entaché d"erreur· est annu lable et , pour en obtenit• l'anéantissement, il faut exercer l'action en nullité. C'est à.celui qui allègue
!•erreur à létablir ; cela a déjà été dit ; c'est à lui à montrer que son
con! entement a été ,•icié, si cette preuve est faite et si 1' erreut' remplit les conditions exigée$ par la loi, pour être une cause d'annu lation du contrat, encore qu e la partie qui s'est trompée n'ait éprouvé
aucune lésion, sa demande sera accueillie. Quelles en seront les
conséquences? Par le jugement qui prononce la nullité de la convention, les choses $eront remises en leur état antérieur. S'il y
a eu translation de propriété, J es droits réels consentis, tout est
détruit rétroactivement ( l) et, en ou ire, les parties doivent mutuellement se restituer ce qu'.::Uf'.s ont perc:u en vertu du contrat, ~lais,
en cas de translation de propriété, !"acquéreur n'est tenu de rend~(}
que les fruits perc:us du jour de la demande en j ustice, qui, pouf
ainsi dire, le constitue de mauvaise foi. Si 1e contrat que l'on fait
annuler a été transcrit, la loi oblige ;·avoué du demandeur, à peine
de l OO francs d'amende, de faire transcrire le ju gement en marge
du contrat et ce dans le mois du jugement. Le mois commen(l() à
courir du jour où le jugement est inattaquable De là, il ré$ulte que
si le jugement doit être porté a lu connaissaooe des tiers, c' est qu'on
peut le leur opposer et que laction en nullité est réelle. (art. 4 de I~
loi du 23 mars 1855.)
La loi, avons-nous dit, ftxe un d..ilai pour exercer le droit de
demander la nullité. Ce délai est établi dans leo; termes suivants par
(1) A moins qn'il ne 11e soit accompli au profit du tier~-acquéreur une prescription,
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18!) -
farLicle 1304: « Dans tous les ca~ où l'action en nullité ou en res• cision d'une convention n'est pas limitée û un moindre temps par
a une loi pnrticulière, cette action dure dix ans. » C'est bien le cas
ici, fart. 11 17 se borne lt nous renvoyer ici à ln. section où se trouve
l'article 1304, sans fixer u.ucundélni. L'artidec:ootinue : 11. Ceterops
« no coui·t, dam~ le cas de violence, que du jour 06 elle a cessé,
« dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts. J>
Donc, la partie contractante, qui a été victime de l'erreur, a dix nos
pour s'en prévaloir et ces <lix ans courent du jour où cette erreur a
été découverte. C'est à celui qui prétend que la prescription n'a pu
courir, parce que 1' erreur n'était pas découverte à le prouver, excipiendo reus fil actor Mais quelle est la nature de ce laps de temps!
Est-ce une prescription ou simplement un délai précis et invariable 't
Voici l'intérêt de la question: Si c'est un e prescription, on lui appliquera toutes les règles contenues au titre de la prescription et toutes
les causes de suspension qui sont iodiquéec; dans ce titre. Tandis
que s i c'est un délai, il ne sera interrompu par aucune de ces causes.
D'après nous, c'est une prescription (t); tel était le sentiment de
Pothier (2) et nous ne croyons pas que le Code ait voulu abandonner sa doctrin e. On suppo e que par cela seul qu'elle a laissé
écouler ce délai, la partie qui pouvait demander la nullitè du
contrat l'a confirmé, et pour démontrer la justesse de cette idée, il
suffit de lire l'article 1115 qui , à propos de la violence, sllppose une
ratification tacite de la part de celui qui a laissé passer le délai de
restitution fixé par la loi. Mais, o)jecte-t- on, cette solution est manifestement contraire à la disposition de l'article 2:?64 : • Les règles
u de la prescription sur d'autres objets que ceux mentionnés dans
~ le présent titre, sont expliquées dans les titreE qui leur sont pro< pres . J> Or, dit-on, l'art. 1304 semble dire que le délai est un
(1) Cass. 8 oovemb. 1813. Sirey. 181l, 1. 129.
(2) Potbior, P l'océdure civ1to, chap. IV, art, 2, f 6.
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190 -
délai invariable et il échappe, par conséq uent, à l'art. 2264. Mais,
· nou5 , il ne résulte nullement de l'art. 1:304 que le laps de
d,apres
.
• • et tout ce que. veut dire l'art. .2i64,
temps de d.1x ans soit un déhi
on
qui sont établies au titre de la . prnscr1pt1
.
o
c·est que les .rè<>-les
n'abrogent point les règles spéciales aux autres prescr1pt10ns organisées dans d'autres titres du code; il ne signifie nullement que ces
diver.:;es prescriptions soient so ustraites aux règles _établie~ au titre
de la prescription, quand rien ne permet de cro1r~ qu elles le~
excluent. On ne saurait tirer un a utre argument de l art. 1676 qui
e5 t justement une exception aux principes : exceptio firmal 1·e. .
gulam.
l\Iais supposons que la partie contractante qm s est trom~ée
n'agisse pas pour fai re annuler le contrat, est-il exact de ~ u:e
que si le droit d'exercer l'action en nullité est temporaire,
l'exception qu'elle pourra opposer est perpétuelle. et que ~e
tout temps, il lui sera permis d' invoquer cette nullité par vo_ie
d'exception. En d'autres termes, la maxime : quœ temporalla
sunt ad agendum, perpefoa ad excipiendwn (1) do it-elle être
admise ? Nous ne le croyons pas. Nulle part la loi ne l'a
reproduite et c'est avec raison qu·on la repousse dans le cas spécial dont nous nous occupons : car on peut soutenir, qu'en
laissant écouler dix ans, la victime de l'erreur a confirmé
tacitement le contrat , puisqu'il lui était possible d'agir
directement, et en faire prononcer la nullité. En fixant pour
intenter l'action en nullité un délai de dix a ns, la loi a voulu
éviter les difficultés qu·entralnerail l'examen de l'erreur, s i elle
était im·oquée, en dehors de ce laps de temps : ce serait donc
méconnaitre son but et le tourne r, que de permettre au contractant qui a été victime de l'erreur de s'en prévaloir après l'expi1
ration de ce délai, m~me par voie d'exception. Mais qia.d , s··1
(t) L'ordonnance de Villers-Cotterets ( 1539) avait abrogé celle régie.
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191 -
s'est écoulé trente ans depuis la passation de l'acte; le défendeur pourra-t-il invoquer cette prescription et repoussez le
demandeur, victime de l'erreur, qni établirait qu'il a découvert
son erreur depuis moins de dix ans "l Non, car on acquiert pas
la validité d'un contrat, comme on acquiert la propriété d'un
bien ou la libération d' une dette ; en outre, l'art. 2264 maintient
l~ règles spéciales à chaque prescription ; or il résulte de
l'art. 130-1, que l'action en nullité ne peut se prescrire qu'autant qu'il a été possible de l'intenter, c'est-à-dire après la
découverte de l'erreur (1) . Dans les limitt>s du délai de dix ans,
les héritiers et les créanciers peuvent exercer cette action, car
nos héritiers succèdent à nos d roits et actions et les créanciers
ont le droit d'exercer les actions de leur débiteur (art. 1166).
Le but de l'action en nullité, en eITet est essentiellement
pécuniaire, q uoique provenant d'une cause personnelle. Un
auteur refuse ce droit a ux créanciers, parce que, dit-il, les
créanciers a uron t beaucoup de peine à établir le vice qui a
entaché le contrat. Qu'importe! Le moyen de Caire triompher
l'action doit-il êtr e confondu avec le droit de l'exercer et s'il y
a des difficultés, ce n'est pas une raison pour leur refuser le
qui leur est conféré par l'art. llGG. Puisque le contrat
droit
1
entaché d'erreur est un contrat annulable, il tombe sous l'application de l'art. 1338, qui dispose qu'il est loisible de confirmer ou ratifier le contrat entaché d'erreur et soumis à une
action en null ité ou en rescision. JI faud ra donc suivre toutes
les règles qui se rapportent aux actes confirmatifs. On ne
pourra ratifier expressément, que du jour oü l'erreur aura été
découverte, sinon la confirmation serait entachée du même
vice que le contrat, et l'on de\'ra mentionner sur l'acte confirmatif que l'on a connaissance du vice et intention de le réparer .
( 1) Contra. Aubry et Rau el amH de la Cour de Paris du 22 juillet 1853
Sirey 1854, 2, 49.
�-
192 -
on pourra aussi ratifier
tacitement, en exécutant volontairementle contrat après l'époque à laquelle l'obligation pouvait
être valablement confirmée ou ratifiée, sinon même vice et
même nullité.
Par l'une ou l'autre de ces ratifications, si elle est valable,
le contractant qui pouvait invoquer l'erreur est absolument
déchu de son droit d'intenter l'action en nullité, et le contrat
est censé parfait du jour où il a été conclu . La confirmation fait
donc remonter la validi té au jour même de la convention ;
mais elle ne peut porter atteinte aux droits des tiers.
CHAPITRE Ill
De l'erreur dans le mariage. (1)
Nous avons à dessein terminé l'étude de l'erreur sur les
éléments du contrat, par l'examen de l'erreur sur la personne,
afin de rattacher plus directement aux principes que nous avons
développés en dernier lieu, une de leurs applications les plus
délicates. Nous voulons parler de l'erreur dans le mariage. Il
est peu de difficultés dans notre Code qui a ient si profondément
divisé les interprètes. La confusion de la discussion qui p1·écèda
la rédaction du Titre du mariage, le laconisme des textes, la
gravité des intérêts qui sont engagés dans la controverse, l'impossibilité de soumettre le mariage aux règles qui dominent les
( \) L'erreur en matiére de mari>1ge ne peu t porter sur la oalure du contrat
et on ne pourrait in voquer l'erreur qui tomberait les conséquences du mariage. Cette erreur ne peut, en efîet, naitre dans l'esprit des pa rties puisque
l'officier de l'état-civil, avant de rccuelllfr leur coosenLcmenl, est tenu de
leur lire le chapitre rela tif aux droits cl aux devoirs respectifs des époux.
-193 autres contrats rendent cette question très difficile à résoudre.
Les opinions sont presque aussi nombreuses que les commentateurs, et la jurisprudence, longtemps indécise, ne s'est
affirmée, qu'après s'être maintes fois contredite. C'est qu'on ne
peut se guider ici, d'après les principes généraux. u Il y a une
« différ ence r adicale, dit M. Laurent , enlre le mariage et les
« contrats ordinaires; ceux-ci, ont pour obj et les choses du
• monde physique; ils concernent les intérêts pécuniaires des
« parties contractantes, landis que le mariage est avant tout
« l'union des âmes. Le mariage est un contrat, il est vrai, en ce
« sens qu'il exige un concours de consentement ; en réalité, il
<c di!Tère des contrats de droit commun ; quand des âmes
« s'uuissent, peut-on dire qu'elles contractent? » ( 1)
Ava nt d'examiner les dispositions du Code, sources de tant de
divergences et de tant de systèmes, voyons quelle était en cette
matière, la théorie de Pothier. Le grand j urisconsulte distinguait entre l'erreur s ur la personne et l'erreur sur les qualités
de la personne. Par en eur sur la personne, il entendait l'erreur
sur la p ersonne ph ysique, la subs titution d'une personne à une
autre, et il décidait qu' une telle erreur détruit absolument le
consentement. Tandis que l'erreur sur les qualités ne le viciait
point, et n'atteignait pas le mariage. « L'erreur qui ne tombe
« que sur la quai ité de la personne, disait-il en concluant,
u est donc bien différente de celle qui tombe sur la personne
<< mème. Celle-ci est incompatible aYec ce qui est ùe r essence
« du mariagP; cal' il est de l'essence du mariage, qu'il y ait un
« homme el une femme qui veuillent l'un l'autre s'épouser; ce
« qui ne se trouye pas, lorsque la femme que j e parais épouser,
« n'est pas celle que je veux épouser; mais il n'est pas de même
« de l'essence du mariage, que la femme que j'épouse ait les
a qualités que je crois qu'elle a; il suffit que ce soit celle que j'ai
(1) Principes de droiL civil. Laurent, tome 11, p. 368.
13
�-
194 -
a voulu épouser. l) (1) Nous reYiendrons plus loin sur cette
distinction fondamentale. Le code l'a-t-il maintenue ? C'est ce
que nous examinerons.
Deux articles seulement s'occupent de l'erreur dans le mariage:
ce sont les articles 180 et 181. Ils sont ainsi conçus : .... art. 180,
« 2• alinea. << :Lorsqu'il y a eu erreur dans la personne, le ma« riage ne peut être attaqué que par celui des de ux épou:\. qui
« a été induit en erreur. -Art. 181.Dans le cas de l'article pré\( cédent, la demande en nullité n'est plus recevable toutes les
« fois qu'il y a eu cohabitation continuée pendant six mois,
« depuis que r époux a acquis s a pleine liberté ou que l'erreur a
« été par lui reconnue.»
Mais que faut-il entendre par ces mots : erreur dans la pe1·sonne. Tel est le premier point de la discussion. Visent-ils
l'erreur sur la personne physique? Assurément n on ; car, si l'on
admettait cette interprétation, le contrat ne serait qu'annulable,
puisque l'article 181 déclare qu'on peut le confirmer tacitement;
or nous disons que dans le cas d'erreur sur la personne physique, le mariage est absolument nul, el que ce cas d'eneur
est prévu par rarticle 146, qui déclare qu'il n'y a pas mariage
lorsqu'il n'y a point de consentement.
Il y a ici absence du consentement, que M. Troplong appelait
l'àme du mariage , parce qu'il y a erreur s ur l'indentité de
l'objet ; puisque l'on croit épouser Marie quand on épouse Jeanne.
Voici les principaux arguments que nous pouvons faire valoir.
Faisons remarquer tout d'abord qu'il en était ainsi en Droit
Canonique. Parmi les empêchements dirimants, l'erreur sur la
personne était placée en première ligne: Error, conditio, votum, etc ..... (2) Error circa pe1·sonam quicwnque sit, fure na( 1) Polhier, Contrat de mariage, n•• 308 à 310.
(2) Gautier : Précis de l'Ilis toire de droit, p. ZOO.
-
195 -
°"ra/,i i1'ritat mai?'imonium, nam matrimoninm non poteat eaae
sine consensu : Aiqui en·or personœ tollit con.~ensum . D i ·ci ·1ur,
error, quicumque sit, quia sive vincibilis sive invincibilis perinde est quoad effectum prœsentem. ( 1)
Nous invoquons aussi l'autorité de Pothier. (2) « Il est évident,
cc 9,it-il, que l'erreur de l'une des parties qui tombe sur la personne
~ même qu'elle se propose d'épouser, détruit son consentement.
cc car le concours des deux parties pour une chose, duorum in id~
« placitum consensus, ne se trouve pas dans cette espèce. »
cc Quand dans ce cas je dis que je consens à prendre pour épouse
« la femme ici présente, c'est à Marie que je pense, c'est de Marie
« que j'entends parler, c'est sur Marie que ma volonté tombe;
«. et si J eanne, elle, veut bien me prendre pour mari, moi je ne
c veu~ pas la prendre poor femme. Donc alors, il n'y a pas de
« concours des deux volontés sur le même fait. Dès lors, pas de
« contrat, pas de mariage (3). i>
Pendant la discussion qu i eut lieu en Conseil d'Etat on ne fut
'
pas moins affirmatif, Le Premier Consul, dans la séance du
24 frimaire an X, après avoir entendu la lecture de l'article 146,qui
étai~ ainsi rédigé : " Il n'y a pas de mariage quand il n'y a pas de
cc consentement. - Il n'y a pas de consentement quand il y a viocc lence 1 séduction 1•u erreur sur la personne, » s'exprime dans ces
termes : <c On a. distingué entre l'erreur sur l'individu physique
« et l'erreur sur les qualités civiles. Il n'y a pas de mariage, quand
« un individu est substitué à celui qu'on a consenti d'épouser; ma« riage su5ceptible d'être cassé, quand l'individu avec lequel on a
cr, contracté mariage est bien physiquement le même, mais n'ap« partient pas à la famille dont il a pris nom (4). » Rapportons
(1 ) Carrière. Prœlect. thèolo. comp. Pars lII. cap. TV S'l.
(2) Pothier, Contrat de ma1·iage, 1 V• partie. p. 208.
(3) Marcadè. Tome J. p. 463.
(4) l•'enet. Tome I X. p. 99.
�-
196 -
aussi les paroles de Portalis : « Mon intention déclarée, était
« d'épous<.'r une telle personne : on roe trompe, ou je suis trompé
<< par un concours singulier de circonstances, et j'en épouse une
<< autre qui lui est substituée à mon ins u et contre mon gré; le
« mariage est nul (1). »Lorsque l'article fut soum is au 'l'ribunal de
Cassation, il proposa de changer les mots, erreur dans la personne,
et de les remplacer par les mots, er1·eur sw· l'individu. Cette propo ilion fu t repoussée, et l'on maintint les mols e1Teur clans laperson11e parce qu'ils signifiaient au tre chose qu'une errenr s ur la
personne physique. - D'ailleurs, le texte lui-même contient un
argument en notre faveur. Il ne dit pas eri·ettr su1· la personne,
comme disait P othier , (ces mots auraient été entendus dans le sens
où les prenait Potbier, c'est-à-dire erreur s ur la personne physique), mais erreur dans la personne, et ces expressions erreur sw·
la personne, comme celles e1·reur· sur l'indi vidu, eussent fait cesser toute équivoque, et clairement indiqué qu'elles visaient l'erreur
sur la personne physique. Cette hypothèse de l'erreur s m· l'individu
est implicitement résolue par J'a l'ticle 146. Si l'on ne donne pas ce
sens à cet article, il faut nécessai1·ement dé<.:larer qu'il est inutile,
et vide de sens, car bien que le mariage soit un contrat sui geitens
et qu'on ne puisse pas le soumettre a ux règles des conventions, il
n'en n'est pas moins un contrat, qui exige comme tous les a utres
le consentement des parties. En outre, comment peut-on admettre
que le Code ait voulu viser dans l'article 180 , cette espèce
chimérique et presque irréalisable de la substitulion d' une personne
à une autre sur laquelle, encore une fois, il était inutile de statuer
puisqu' elle était nécessairement comprise dans les termes généraux de l'article 146 ? P uis comment se peut-il que cet article
ait pour objet, dans sa première partie, l'erreur sur l'individu,
alors que, dans sa seconde parlie, la loi accorde, pour demander
(1) Fenet. 'füme IX. p. 167.
-
197 -
la nullité du contrat, un délai de six mois qui court à partir du
jour où l'erreur aura été reconnue; c'est donc qu'il ne s'agit pas
d' une erreur, qui, comme l'erreur physique, est Cacileàreconnaitre
dès la première heure. Le code serait, en outre, non-seulement illogique, mais injuste et cruel, car il ne donne l'action en nullité qu'à
la partie victime de l'er reur ; or, en cas d'erreur sur l'individu,
comment pourrait-on obliger la personne au suj et de laquelle
l'erreur· a été commise, à vivre avec un conjoint qui voulait épouser une autre personne qu'elle?
Enfm, il faudrait supposer que le Code a voulu statuer dans
le même article sur deux hypothèses tout à fait différentes. Si
l'on soutient que dans le second alinéa il parle de l'erreur sur
l'individu, c'est-à-dire d'une hypothèse où le consentement fait
absolument défaut, il fa ud rait admettre, que dans le premier
il vise aussi un cas de non consentement. Or, ce n'est pas cela,
puisque le 1er al inéa s'occupe, non pas du défaut de consentement, mais du défaut de liberté dans le consentement, c'est- à dire d'un vice du consentement ; et cet argument prend plus de
foroe, en présence de l'art 181 qui donne la même solution pour
les deux. hypothèses : c'est donc qu'elles ont toutes deux le
même caractère ; a savoir que dans toutes deux, il est question
non de l'absence du consentement, mais d'un vice de consentement ; cela est certain pour la première, il doit en être de même
pour la seconde. Nous avons groupé ces arguments sans les
développer, ils forment un faisceau compact et nous croyons,
grâce à eux, pouvoir répondre victorieusement aux objections
qu'on nous oppose, car notre système n'a point été accepté par
tous les auteurs, bien s'en faut. On a soutenu que l'art. 180 ne
s'occupait que de l'erreur sur la personne physique et que cette
ei:reur en ver tu de l'a r t. 181 ne rendait pas le mariage nul ; viciant
s implement le consentement, elle le rend annulable « Oui,
« dit-on, l'erreur sur la personne est destructive du consen-
�-198 « teroent ; les auteurs qui le soutiennent pourraient a\oir rnison
au point de vue purement philosophique : non videnl1w qtti
« en·ant consentire. !\lais leur opinion ne saurait se concilier
« avec le système établi par les rédacteurs du Code, soit en ce
« qui concerne les contrats en général, soit par rapport au maù riage en particulier (1). >) Nous n'appuyons pas notre solution
sur des considérations philosophiques, mais sur l'esprit et le
texte du Code: Nous soutenons qu'ici, il y a lieu, en cas d'erreur
sur la personne physique, à nullité absol ue et à la non application de l'article 181, moins parcequïl y a erreur sur la personne,
que parcequïl y a défaut total de consentement et le Code luimème prononce la nullité, quand un élément essentiel de la
convention comme le consentement, n'existe pas. On se prévaut aussi des dispositions de l'art. 1110 sur reneur sur la
substance et sur la personne qui ne rend pas le contrat nul, mais
simplement annulable. D'abord, comme nous l'avons dit en
commençant, on ne doit point assimiler le mariage aux. autres
contrats et en second lieu si l'erreur sur la substance ou la per~
sonne n'annule pas radicalement le contrat, c'est parce que le
contrat en lui-même est valable; aucun élément ne l ui fait défaut.
Mais ici c'est le consentement mème qui est absent, et il faut
appliquer les solutions que le loi donne en cas d'erreur s ur
l'identité de l'objet ; car l'erreur en elîet, porte ici sm l'objet
même du contrat. D'ailleurs, si la loi ne croit pas devoir a nnuler
(<
(1) t Non t>i~entu: q11i errant consent ire. Il en r ésulte qu'en pure théorie
" toute co?v~n~1on qu1~st le résult at d'une erreur, devrait èlre réputée non avec nue. Mais 1l 1mporta1t pour les besoins de la pratique, de préciser les ci r• constances dans lesquelles l'erreur se trouverait de fail avoir déterminé la
• conven tion et la vérifica~ion de ces circonstances nécces,sitant une instrucc t ion judiciair~, on comprend que les rédacteurs du Coùc Napuléüo aient élé
• a~eoés à envisager la conveolioo conclue par s uite d'une erreur, comme
c simpl_emeot sujette à annulation et non comme inexistante. » A.ubry et }{au.
l 313 bis. note 1.
-199 ~adicalement le contrat ordinaire, pour erreur sur la personne
c;lu contractant, bien que la considération de cette personne soit
déterminante, ne peut-on pas faire une exception à celte règle
pour le contrat de mariage, qui de toutes les conventions est
celle ou l'intuitus personnœ joue le rôle le plus important, 1e
.i;ôle capital. Mais admettons que dans l'esprit du Code, même en
matière de mariage, l'erreur sur la personne ne puisse pas
anéantir le contrat de plein droit, il faut au moins reconnaitre
que l'erreur sur l'objet et le défaut de consentement doi\'ent
nécessairement, en raison pure et en législation amener ce
résultat. Quand un individu est en état d'ivresse ou de démence,
le contrat est nul, parce qu'il n'a pas consenti; il a pu consentir
matériellement par la parole, mais l'état de ses facultés ne lui
permettait pas de saYoir ce qu'il faisait ; il n'y a pas de consentement. Lorsqu'un acte de célébration, constate que deux.
personnes, ont consenti à se prendre pour époux. et que dans la
r éalité, l'une d'elles n'a pu consentii', parcequ'elle n'a pas comparu devant l'officier de l'Etat-Civil, par suite d'une substitution
de personnes, il n'y a pas mariage. Pourquoi ? Parce que cette
personne, n·a pas donné son consentement même matériel. De
même ici , il n'y a pas mariage, quoique l'autre personne ait consenti car en réalité son consen tement est inexistant, puisqu'il
'
tombe sur un tout autre objet que celui qu'il avait en YUe.
On fait enfin valoir pour soutenir le système que nous combattons, des considérations morales.
« Il serait contraire, disent MM. Aubry et Rau, il la morale
« publique et à l'intérêt des familles que, sous prétexte <l'erreur
(( sur la personne physique, l'existence du mariage put être
« contestée à toute époque, malgré une cohabitation continuée,
<< pendant plusieurs années, et ce, par tonte personne intéres« sée, y compris l'époux qui aurait trompé son conjoint». (1)
(1) Aubry et Rau,~ 451 bis, note 5.
�-
200 -
-
ObserYons d'abord qne le cas de substitution d'une personne à
une autre ne se présentera que très rarement, à la fa\'eur de
circonstances tout-à-fait extraordinaires et que d'ailleurs ces
inconvénients qui eITraient, se présenlent dans les cas où il n'y
a pas mariage, quand l'individu qui consent était en état dï nesse·, ou que la personne, dont il est fait Iuention dans l'acte
de célébration, n'a pas comparu deYant l'officier de l'état-civil.
Pourquoi ne pas accepter, ajoute-t-on, que l'erreur sur lapersonne physique rend le contrat annulable? Pothier, qui est le
guide des rédacteurs du Code , admettait une ratification; donc
le contrat était non pas nul, mais seulement annulable, car on
ne ratifie pas ce qui n'existe pas. Il ne faut pas oublier, répondTons-nous, que la théorie des contrats nuls et des contrats annulables n'était guère précise dans l'ancien droit. C'est aux
rédacteurs du Code que revient l'honneur de l'aYoir formulée
d'une façon nette. Puis, il ne ressort guère des textes que nous
avons cités que Pothier ne consi<léràt pas comme entièrement
nul, le mariage où il y a eu s ubs titution de personnes: «et le ma<< riage que j'ai contracté avec Louise que je prenais pour Marie,
« est nul par défaut de consentement. » - Mais il dit plus loin:
cc Si après avoir reconnu l'erreur, je consens à prendre pour
<< femme Jeanne, que j 'avais d'abord prise pour ~1arie, ce con« sentement réhabilite mon mariage avec cette femme , lequel
« avant ~e consentement était nul. (1) En somme, le mariage ne
serait pas nul; ce mot nul aurait été employé par Pothier dans
le sens d'annulable.- Si l'on acceptait ce dernier sens, il faudrait supposer que Pothier se contredit de la façon la moins
excusable, puisqu'il avait dit quelques lignes plus haut, qu'en
ce cas il n'y ayait pas de consentement; or s'il n'y avait pas de
consentement, le contrat ne peut se former e t ne peut être ralifié. D'ailleurs, quelle est la raison que donne Pothier pour jus ti• ( 1) Pothicr, Traité du
con~ra t de mariage,
IV• partie, n00 308 el 30!>.
201 -
Oer eette réhabilitation qu'on veut assimiler à une ratification'!
La voici : la bénédiction nuptiale qui a précédé le consentement
de la partie trompée suffit pour la publicité du mariage quoi·
qu'il n'ait été contracté que depuis. Ecoutons-le: «Lorsque j'ai
a épousé, en face de l'Eglise, Jeanne, que je prenais alors pom
« Marie, quoique ce ne soi t que depuis la bénédiction nuptiale que
<< j'ai reconnu l'erreur et que j'ai consenti à prendre Jeanne pour
<< ma femme, néanmoins, lorsque l'erreur est secrète, la béné11. diction nuptiale qui a précèdé mon consentement suffit pour
« la publicité de mon mariage avec Jeanne, quoiqu'il n'ait été
u contracté que depuis, par le consentement que j'ai donné de« puis l'erreur reconnue et il n'est pas nécessaire qu'il inter<< vienne une nom·elle bénédiction nuptiale.» Celte raison nous
donne la clef de la dilftculté et nous croyons que loin de corroborer le système de nos adversaires, ce tex.te plaide en notre
faveur. Pothier n'a point voulu dire que le mariage contracté
par suite d'une substitution de personnes pût ètre ratifié. Au
contraire, ce mariage est nul , parce qu'il y a eu erreur sur la
personne. Or, si du jour où la victime de l'erreur a reconnu cette
erreur, si elle a voulu ne point en tenir compte, ni s'en prévaloir, si en un mot il lui plait ou il lui convient de rester le mari
de Jeanne qu'il n'avait point l'intention <l'épouser, mais à laquelle
il veut aujourd'hui rester uni, il ne ratifie pas un mariage nul;
un nouveau consentement se pr oduit, sa volonté se prononce en
connaissance de cause et il procède, pour ainsi parler, à un nouveau mariage avec Jeanne. Seulement il ne sera pas nécessaire
de demander de nouveau la bénédiction nupliale, de recourir à
une nouvelle célébration: ü un mariage nul succède w1 mariage
valable. De nos jours, si l'on atlmet avec nous que le mariage est
nul , il est incontestable que les liens de cette union étant
rompus, les parties pourraient, en manifestant de nouveau un
consentement éclairé et libre, recourir à une nouvelle célébra-
�-
202 -
tion qui prendrait en elle- même, tous ses éléments constitutifs
et qui ne ratifierait en rien l'union ancienne. Cette nouvelle
célébration n'était pas exigée dans rancien droit, car d'après
le concile de Trente, la présence du prêtre n'est exigée que
pour assister les époux et pour donner la publicité au mariage;
en principe ce qui constitue le mariage, c'est la volonté réciproque
des parties et le prêtre n'est qu'un témoin. Cela est constant au
point de vue canonique. Le Concile de Trente n'était pas reçu
dans le royaume , comme dit Pothier, mais les rois de France
Henri III par son ordonnance de Blois, Henri IV par l'Edit de'
décembre 1606, Louis XIH par la Déclara tion de 1639 exigèrent,
à peine de nullité, la présence du prêtre. L'Edit de IG97 qui
résume les dispos itions précédentes, était ainsi conçu: «Voulons
« que les ordonnances des Rois nos prédécesseurs, concernant
« la célébration des mariages, et notamment celles qui regar« dent la nécessité de la présence du propre curé de ceux qui
« contractent, soient exactement observées. )) Mais la présence
du prêtre exigée à peine de nullité pour la célébration du mariage
contracté par erreur, n'était point nécessaire pour la validité du
mariage que les parties r evenues de leur erreur, contractaient
librement. (1) En somme, il y a ici nouveau mariage sans célébration ; il n'y a donc pas lieu de dire qu'il y a ratification; en fin
de compte, comme c'est runion entachée de vice qui revit et
devient valable, Pothier a quelque raison de dire que c'est une
sorte de réhabilitation ; mais ce mot ne doit pas être entendu
dans le sens de ratification, car nous n'admettrons jamais que
Pothier ait pu commettre une pareille erreur juridique et a it
voulu dire que le contrat nul pour défaut de consentement pourrait être ratifié; le mariage peut-être refait de par la volonté
des parties, sans une nouvelle cérémonie religieuse.
( 1) Potbier, Contrat de mariage ~ 344.
- 203
Au surplus, les juges auront à apprécier et se montreront très
vigoureux dans l'admission de la preuve ; preuve qui sera d'autant
plus difficile à faire, qu'on aura tardé davantage à la produire et si
oette preuve ne les convainct pas, ils diront qu'il n·y a pas eu erreur
et que, par suite, le maria!je a rëellement existé. « L'appréciation
<f des faits appartient souverainement aux magistrats, et je conce(\ vrai très bien qu'ils pt·enncnt en con~idécation, mème les circonc~ stances postérieures, pour décider la question de savoir si le ma11 riage a, en effet, originairement existé. De cette facon, du moins,
(c les principes seront sa uvés (1). >> Ici l'opinion contraire nous
arrête pour nous faire une dernière objection . Voici comment on
peut la formuler, d'après l\I . Paul Pont: '< En fait et en droit, il c•t
cc faux de dire que l'erreur sur la pe1·soonc exclut radicalement le
a consentemenl. En fait, car si Paul qui croyait épouse1· .Murie, épouse
cc Lou ise, on ne peut nie1· qu'il ait consenti, on peut discuter sur la
c< portée de ce consentement, non pas sut' labsence de consentement. »
Nous ouvrons ici une parenthèse et nous demandons si c'est la
parole ou la volonté qui constitue le consentement. Si c'est laparple, il faudrait valider le mariage de celui qui, en état d'ivresse, a
répondu affi rmativement à la question de l'officier de l'état-civil :
et cependan t il est nul, parce que ne sachant pas ce qu'il disait, il
y. a absence de consentement. « En drnit, car on admet qu'r.près
cc cohabitation de six mois ou approbation personnelle, les juges
" pourront dire que le mariage a existé ; on ne fait pas revivre ce
<c Qui a été inexistant ; on ne ratifie pas un acte nul. » (2)
D'a près nous, le contrat est nul, inexistant s'il y a erreur s11r la
personne physique, mais si les juges esliment d'après les faits de la
cause qu'il n'y a pas eu erreur, le contrat n'a jamais été nul, il a
toujours été va lable, puisque la ca use de sa nullité est une cause
imaginaire.
. .
(1) Dcmolombe. Traité du mariage, t..I. ~· 398.
(2) Pau l Pont. Revue critique de Jég1s latton et de 1ur1spr udence. E:i:amen
doctrinal de la j urisprudenco en matière civile. 186l , t. X VIll.
�-
204 -
Nous croyons avoir démontré que l'art. 180 ne s'occupo pas de
l'erreur sur la personne physique. De quelle erreur est-il donc question dans cet article? Est-ce de l'erreur qui porte s ur la personne
civile, c'est-à-dire sur J' ensemble des qualités qui individualisent
une personne, qui la distinguent des autres? Non d'après M. Labbé;
J' erreur sur la personne civile est comme, l' e1Teur sur la personne
physique, destruetiv ede consentement, et c'est, dès lors, à l'art. 146
qu'il faut se reporter et l'on doit ùéeider que, dans le cas d'erreur
sur l'individualité, il n'y a pas consentement et, par conséquent, pas
.de mariage. Nous allons combattre ce second système ; et cette
réfutation nous amènera à dire à quelle erreur il faut appliquer
l'art. 180.
Un point démontré jusqu'à l'évidence, dit M. Labbé, c'est la
a. distinction entre l'absence de consentement qui peut provenir
« d'une erreur et le consentemen~ vicié par l'erreur. Le premier cas
« est prévu par l'art. l liG; point de consentement, point de contrat;
« le second est l'objet de l'i.ut. 180, le consentement existe, il ost
a im parfait ; la nullité est relative »; ce sont les principes que n9U5
avons exposés. Mais voici la théorie que n<Jus n'acceptons pas :
(( S'il n'y a pas de consentement, quand je ~uis trompé s ur l'identité
< physique, n'en est-il pas de mème, quand mon erreur a pour
a. objet l'identité civile de la personne? L'interrogation et la r éponse
<t ont porté, non s ur l'individu physique alors présent, quelque soit
« son nom et son état, mais sur une peesonne ayant un nom, un
« état, des r elations précises. Le mariage unit, non pas des indi" vidus qui se rencontrent par hasard ou par fraude, mais des pel'cc
sonnages qui ont des précédents, une condition, une existence
« juridique. Le consentement intervient entre les individus qui sont
ci
(( devant l'officier de l'état-civil, mais il a pour objet une union à.
u former entre les personnes civiles dénommées par cet officier civil
u et qui seront dans le procès-verbal de la célébration. Une erreur
« sur l'identité del' objet d'un contrat et dans le mariage, sur l'iden-
- 205 (( tité civile de la personne agréée empêche l'accord des volontés,
« anéantit le contrat. Pour trouver une application de l'art. 180, il
fuut prévoir le cas d'e1Tem· sur les qualités substantielles de la
« personne (!) . » D'après nous, il y a une différence considérable
entre l'erreur sur la personne physique et l'erreur sur la personne
civile : lorsque, par exemple, au lieu d'épouser Marie, c'est avec
•touise. que je ne connais pas et qui lui est substituée que je me
marie, il n'y a pas consentement. Mais lorsque, à la place de Marie
que je ne connais pas, mais que je veux épouser, parce que c'est la
sœur de mon ami, parce que je connais et j'estime sa famille, parce
qu'on m'en a dit le plus grnnd bien , c'est Louise, une avepturière,
qui se présente et se fait passer pour Marie; je la connais, quand je
me ma1·ie, c'est bien Louise que je consens à épouser , c'est cette
jeune fille que j'ai connue et aimée peut-être avant mon mariage;
seulement je me trompe sur sa condition sociale, s ur son identité
civile, et dans ce cas, il y a erreur sur la personne civile. Cette
erre ~r n'entraine pas le défaut de consentement ; elle 1' atteint seulement : c'est un vice qui corrompt, mais ne détruit pas la volonté
<r
et, dans ce cas, la loi ne dit pas qu'il y a nullité, il y a annulabilité
seulement. Le mariage sera réputé valable tant qu'on ne l'aurCJ pas
attaqué, parce qu'il se peut que l'erreur s ur l'identité civile n'ait pas
été déterminante et que l'épo ux, victime de r en eur, eût peutêtre consenti à épouser la personne sur laquelle son erreur est
toœbée, encore qu'il eut connu son individualité civile. Tandi::s que,
quand j'épouse ~larie au lieu de Louise, aliam pro alia, il est certain que mon erreur est déterminante et que je ne Yeux nullement
épouser Marie, alors que je croyais épousee Louise. Voilà la raison
de distinguer entre les deux cas.
D'après nous, c'est à ce cas d'erreur sue la personnalité civile
que se réfère l'article 180 et c'est de cette erreur que la loi fait
( l) Labbé. Note ~ur l'arrêt de la cour de Paris du 4 février 1860. Journal du
Palais, 1860, p. 241.
�-
208 -
Mais il est nécessaire pour que l'erreur sur l'identité civile
'
puisse amener l'annulation du contrat qu'elle porte sur une
perso1malité complète el qu·clle soulève une question d'identité.
C'est en ces termes que la Cour de Paris a formulé la doctrine
'
dans son arrêt du 4 février 1860. Nous nous ex.pliquerons plus
loin sur ce point.
Quelques auteurs ont soutenu que l'article 180 se r éférait à la
foi s à l'erreur sui· la personne physique et à l'err eur sur la personne civil.;. 1ous avons réfuté la prcrnièl'e partie de cette opinion
et nous sommes d'accord avec elle, en ce que nous pensons que
l'article 180 s' occupe de l' errem sur l'identité civile. Ma is tous les
interprètes n'admettent pas qu'il faille r estreindre autant la portée
de cette disposition, et ils admettent que l'article 180 vise aussi
l'erreur sur les qualités de la personne. C'est le point le plus délicat de la discussion. Nombre d'auteurs donnent à cette théorie
l'appui de leur nom illustre dans la science du dl'oit. Pendant
longtemps, la juris prndence et la Cour de cassation elle-même un
moment adoptèrent cette extension. Aujourd' hui, la question a été
définitivement tranchée par la Cour suprême, mais il y a quelque
intérêt à revenir un peu en arrière, c:t à montrer combien ce système était peu acceptable et quels arguments sérieux l'ont fait
succomber.
l'~~ion des individus, des êtr:is corporels ; mais que dans l'état de sociét6 ci-
v1hsée, on considère né::cssairemenl, essentiellement tout ce qui constitue
l'état-Ci\·il et personnifie l'i ndividu, el que, c'est l' individu ainsi personnifié
auquel on donne son con~entcment - Que s i la sainteté du mariage, son importance dans la société. l'indissolubilité du lien, pouvait écarter les erreu rs
résultant, dans un cas du plus ou moins de fortune dans un autre des emplois plus ou moins éminents, ailleurs d'une existe~ce sociale plus ~u moins
élevée, on ne peut admettre la même décis ion dans le cas où rien n'existe de
ce ~ui constitue l'éta t-civil an noncé, pui5qu'alors ce n'e<>t plus la pel'sonne à
q1.11 le consentement a élé donné ; - Que telle a été l'opin ion de plusieurs
~~res d~ l'~glise Romaine. celle des plus savants juriconsult.es et la seule
1dee qui puisse naitre des termes saineU1ent onlendus du Code Civil.
Dalloz, Al. V" Mariage, n• 71 en note.
-
209 -
N ous disons que l'erreur
sur
,
. les qualités de la personne ne peut
pas être une cauS'e d annulation de mariage . Que déct·d a1·t-on dans
l'ancien droit su r ce point? En droit canoni·que , (car c •est dans le
droit canonique qu'il faut r echercher la solution de ces questions,
·
qui étaient, en principe, de la compétence des tribunaux ecclésiastiq u~s.'). e~ dro.it canonique, disons-nous, l'erreur sur les qualités
ne v1cia1t Jamais le consentement. En voici les preuves irréfutahles.
« L'erreur de la personne annule le mariage; cet empêchement
« est de d roit naturel ; pour s'obliger , il faut consentir. L'empè-
« chement de la condition a le même fondement que l'erreur sur
<<
<<
la personne ; la li berté est une chose si précieuse que, par opposition , la ser vit ude anéantit, pour ainsi parler, un esclave dans
« la société. » (Dictionn. de Droit ca n. 'Tom. JI, V 0 Empêchement) .
« Quali tés. - L'erreur sur la fort une et la qualité n'opère pas la
« n ullité di.l. mariage, comme l'erreur sur la personne et s ur la
<< condition. Ainsi on ne peu t faire dissoudre le mariage que l'on a
« contracté avec une personne débauchée, quel' on croyait sage. »
« ou avec une personne pauvre quel' on croyait riche. » C'est ce que
l'on exprimait en ces termes : Non omnis c1'/'or consensum excludit,
alius csl personœ,. alitts {orlunœ; a li us condilionis, alius qualitatis. (Ca no. Quod . 390).
Ainsi donc, on distinguait l' en eur sur la personne qui était
destructive du consentement et l' erreur sur la condition ; lorsque
par exemple, on aurait épousé par eneur, une femme de condition
servile. C'étaient des ca uses de nullité du mariage ; mais !'erreur
qui ne porta it qu e sur la qualité ou la fortune était indifférente,
à moins, cependant, qu e l'erreur sur la qualité ne rejaillit sur la
personne m ême, mais pour cela il fallait u t illa qualitas sil indiui-
dua, qua pe'rsona dislinguatur a qt1alibel alia, ut persona non cogna_
scatur nisi sub ea qualilate, aut sallem hœo sitprœc ipua notiLia; on
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appelait cette qualité : qualitas ndwulan.s fa personam. c· est dahs
ce .sens que saint Thomas disait que l'erreur quant à la qualité et
quant à la noblesse-, comporte quelquefois l'erreur quant à la personne (l j': c1 Toute sorte d'erreur ne met pas obstacle au mariage .
u Car si quelqu'un épouse une fille déjà séduite, qu'il croyait
« vierge, ou une prostituée qu 'il croy<üt sage, il se trompe dans
a l'un ou l'autre cas, mais son erreur n'est pas capable de dissoua dre le mariage (2). i>
Voici ce que disait Pothier de l'erreur sur les qualités :
" Lorsque l'erreur ne tombe que sur quelques qualités de la
Il personne, cette erreur ne détruit pas le consentement nécesa saire pour le mariage et n'empêche pas par conséquent, le
« mariage d'être valable. J'ai épousé Marie, que je croyais
a noble quoiqu'elle soit de la plus basse roture, ou la croyant
u vertueuse quoiqu'elle se fût prostituée, ou la croyant de
u bonne renommée, quoiqu'elle ait été flétrie par la justice ;
« dans tous ces cas, le mariage que j'ai contracté avec elle, ne
« laisse pas d'être valable nonobstant l'erreur dans laquelle
« j 'ai été à son sujet (3). » Cependant, lorsque, par erreur, on
épousait une personne de condition servile, bien que l'eneur
ne portât que sur une qualité elle entrainait la nullité du
mariage (Decrétale d'Alexandre Ill et d'Urbain III. Il en était
de même à Rome. Nov. 22 de Justinien, cap. 10.)- Pothier qui
n'admettait pas l'efficacité de l'erreur sur les qualités, qui s'exprimait ainsi à propos de l'erreur sur la personnalité civile.
• Il n'y a plus de difficultés à l'égard de l'erreur sur l'état-civil
u d'une personne, comme si une femme épousait un homme
« qu'elle croyait j ouir de son état-civil , et qui est mort civile(1) 8. Alph. de Liguori. Lib. 6. Tracta. de matrim. n• 1009 et 1010.
(2) Ins til de droiL canonique. Durand de Maillanes, 4, 389. Dictionnaire
de Droit canoniqu e. Tom. II. V°, Empêchement 308 et 310.
Pothier. Contrat de mariage. 310. 313.
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211 -
« ment par un jugement qui l'a banni à perpétuité hors du
«1 royaume, ou qui l'a condamné aux galères à perpétuité d'où
« il s'est évadé. Cette erreur a beaucoup de re8Semhlanc~ avec
« rerreur sur la condition de servitude. Néanmoins, il n'y a ni
« loi, ni canon qui déclare nul le mariage contracté par cette
« ,e::;pèce d'erreur; au contraire, il y a des arrêts qui ont déclaré
« valides des mariages avec des personnes dont on ignorait le
<l bannissement. » On voit donc que nous allons plus loin que
Pothier, puisque, selon nous, l'erreur sur l'identité civile de la
personne peut entrainer la nullité du mariage.
D'où vient que P othier, qui avait distingué entre l'erreur sur la
personne physique et l'erreur sur les qualités n'ait pas attribué une
assez grande importance à l'erreur sur la personnalité civile? M. Paul
Pont en donne la raison suivante : <1 Dans l'ancien droit, le mariage
pouvait être secret et se faire même par procuration; en sor·te que
les substitutions d'une personne à une autre, l'erreur sur la personne
physique, étaient possibles et pouvaient même être fréquentes, en
sorte que la règle qui limitai~, dans les termes indiqués, l'erreur de
copsenteme11t susceptible de faire annuler le mariage, avait sa raison
d'être dains les chances nombreuses d'application. Mais, aujourd1h1Ji que Je mariage est un contrat public, << le législateur aurait
<1 consacré la même règle t:t :>es prévisions ne seraient pas allées au
« delà ! Il aurait disposé uniquement en vue de la substitution de
cc personnes, hypothèse à peu près impossible aujou rd'hui, ou du
« cas d'erreur sur la personne physique, hypothèse absolument
(( irréalisable en pi·ésence des dispositions sur les actes de r état
« civil et notamment de l'art. 76 qui règle la fol'me de l'acte de
« mariage. A priori, cela ne semble pas pouvoir être raisonnable« ment supposé ( 1). Pour linstant, ne retenons des textes que nous
avons extraits de Pothier que l'observation suivante: L'erreur sur
(1) Paul Pont. Revue critique, 1861, t. XVIII.
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les qualités n'entraine pas la nullité du mariage, ~e qu'il expliquait
encore ainsi: o. Il n'est pas de l'essence du mariage que 1!1 femme
" que j'épouse ait les qualités que je crois qu'elle a; il importe que
« ce soit celle que j'ai voulu épouser ( l). »
Voici comment s'exprimait Portalis: « L'erreur en matière de
o. ma!'iage ne s'entend point d'une sunple erreur sur les qualités, la
« fortune ou la condition de la personne à laquelle on s'unit, mals
« d'une erreut· qui aurait pour objet la personne rnèrne (2) . >>
~Ia lleville qui prit part à. la discussion, après avoir dit clans son
analyse raisonnée du Code civil , à propos de l'art. J 80, que l'erreur
sur la personne rend le mariage nul, continue en ces termes : « Mais
« l'erreur dans la fortune, la vertu et les autres qualités de la per« sonne ne vicient pas le mariage; ainsi, tant pis pour moi si j'épouse
« une fil!e sans biens, sans naissance et sans honnêteté, croyant
« épouser une personne riche, 'ertueuse et d'une naissance illus« tre. » Il indique sommairement les principales idées qui furent
émises au cours de la discussion et il termine ainsi : l< Mais, après
« bien des élucubrations, on convint de ne pas entrer dans le détail,
« et les chose~ en sont restées sur· le pied des lois anciennes. »
Pendant le débat, d'ailleurs, on ne s'occupa que très superficiellement des qualités physiques et mornles de la personne et lorsqu'on
cherchait si l'on devait donner à une autre erreur le mème effet qu'à
l'erreur qui portait sur la personne physique, on ne parlait que de
l' erre_ur qui portait sur l'origine, la famille, ce qui constitue l'état
principal et civil de la personne.
(1) Pothier. Mariage, 310.
('2) Nous invoquons les travaux p ré p ara~oires, mais nous n'attachons pas une
grande importance à cet argument historique. De cette discussion, M. Uupin
disait : «Ce sont des opinions échangées entre des législateurs qui mettent en
• avant ou en réplique les idées qui leur viennent instantanément. Dans ces
• conversations dialoguées, on les voit tour à tour émettre une idée, que bientôt
• après ils abandonnent, ramené6 qu'ils sont par les obj ections d'autrui. C'est
• un va-et-vient perpétuel, en sens très divers. » (Dalloz, 1862, 1. 155.)
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213 -
On ne peut, en e!Iet, admettre, e t l'on n'admet plus de nos
jours que dans l'ancien droit, que l'erreur sur les motifs puisse
vicier le consentement. Or, ce serait renverser celle théorie que
de donner un effet quelconque à. l'erreur sur les qualités de la
personne que l 'on épouse. Il y a enfm d'autres arguments bien
plus graves que les précédents qui doivent faire repousser l'influence que l'on voudrait attacher à l'erreur sur les qualités .
La morale et l'ordre social exigent que le mariage soit indissoluble, et que l'on ne puisse rompre les liens qui unissent
les deux époux que dans les cas de la plus extrême t>n-rav1té·l
comme, par exempte, quand il y a erreur sur la personne ou
erreur sur l'identité civile. Mais permetlre que l'on puisse annuler
le mariage parce qu'on a cru épouser un honnête homme et que cet
homme est un forçat, c'est permettre que l'on puisse se prévaloir
de l'erreur s ur une qualité dont l'absence ne détruit pas en somme
la pcrsor.nalité de lïndividu. rirais, dit-on, on ne touche pas à ce
principe f'Ssentiel de l'indissolubilité dL: mariage et l'annulation du
mariage, dans tel ou tel cas donné, le laisse intact. << Car , dit-on,
« quand une femme vient demander à. la justice de rompre l'union
« qui, par s uite d'une et'reul' de consentement, a été formée entre
a elle et le forçat libél'é, c'est confond re de::; choses qu'il faut soi(( gneuseroent distingue1· que lui opposer le principe de l'indi.ssolu« bilité du mariage; car, dans le procès qu'elle soumet à la justice,
« il s'agit, non pas de dissoudre le mariage, mais uniquement de
« savoir s'il y a eu consentement et, pat' conséquent, si un mariage
« a été réellement contracté. >> 1Ia1s de quel nom appellera-t-on
cette union? N'y a·t-il pas eu consentement librement donné, célébration du mariage, et alors que l'erreur n'a porté que sur des qualités qui ne changent point la personne au point de me civil, peut-on
rompre le mariage sans porter atteinte au principe de l'indissolubilité.
E t d'ailleurs, les p arents ne sont-ils pas coupables d'une
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214 -
négligence impardonnable. Pourquoi ne pas entourer le mariage
de toutes les garanties que leur aŒection, le souci de l'avenir d:e
leur enfant, l'intérêt, l'honneur de la famille, la paix et la
tranquillité du ménage, doivent leur inspirer dans un acte
aussi solennel et aussi grave. - On répond que la prudence
humaine a des limites, et qu'on ne peut reprocher à des patients
de n'avoir point cherché, par exemple, le casier judiciaire de
eur futur gendre. C'est un luxe de précaution sans doute,
mais où !"excès lui-même s'impose-t-il p lus que dans un acte
qui lie les époux l'un à l'autre pour la vie. Avant de s 'informer
du caractère, des mœurs, des habitudes, des rela tions, de la
fortune de celui qui demande une j eune fille en mariage, ne
doit-on pas chercher à savoir s'il est probe et honnête. On
ajoute, en faisant valoir des raisons de sentiment que l'on
punit cruellement en maintenant le mariage, le malheureux ou
la malheureuse qui n'est pas coupable, car le plus souvent ce
sont les parents qui le sont. - Sans doute, la situation de la
victime de l'erreur est digne de pitié et de commisération, il
est regrettable de frapper un innocent et de le frapper jusqu'à
ce que la mort vienne briser des liens qu'il abhorre, de fütilèr
aux pieds ces sentiments les plus intimes qui sont Je patrimoine de l'honneur et de la vertu, de donner gain de cause à
celui qui a trompé et de consacrer sa turpitude et son indignité. Mais l'intérêt général doit l'emporter sur l'intérêt pàrticulier, si recommandable qu'il soit, et l'intérêt social commande
que le mariage reste indissoluble et que la crainte d'un
malheur auquel la mort seule peut mettre fin, empêche les
parents ou les époux de regarder le mariage comme une chose
de peu d'importance. « Il faut craindre, disait M. de Raynal,
« dans son magnifique réquisitoire devant la Cour de Cassatiort
u de multiplier les mariages trop légèrement contractés et d~
« favoriser l'aveuglement trop commun quand la passion nous
-
215 c< entraîne. Il faut que de tristes et solennels exemples viennent
« prouver que le mariage est chose sainte, et qu'avant de le
« contracter, toutes les précautions de la puissance humaine
« doivent être épuisées. »
Le système que nous combattons entraine des conséquences
déplorables. Ceux qui le soutiennent, sont loin d'être d'accord
quand il s'agit de déterminer les qualités dont l'absence permet
de demander la nullité du mariage. Les uns, comme M. Marcadé,
font une énum ération; les autres disent que ce sont les qualités
qui rendent l'homme mariable; ceux-là les qualités substantielles, ou que la victime de l'erreur regarde comme telle : et
presque tous enfin, dans une question de cette importance où
l'intérêt social est en jeu, s'en remettent à la décision souveraine et arbitraire des juges et leur permettent de rompre ou
de maintenir le mariage ; le sort de l'union conjugale est entre
leurs mains. La loi, d'après nous, n'a pu vouloir confier aux
magistrats un pouvoir aussi considérable, leur imposer une si
lourde responsabilité et priver la société des garanties qui lui
sont nécessaires. En outre, si l'on donne aux juges le droit de
trancher les difficultés selon leur appréciation, ne serait- ce pas
« établir autant de jurisprudences qu'il y aurait de tribunaux
« et permettre d'admettre comme causes de dissolutions les
<c motifs les plus légers, comme de repousser les motifs les
« plus graves. » Que deviendrait l'unité de jurisprudence ?
« Ce ne serait plus de la justice, ce serait de l'anarchie (1) » et
ceux mêmes qui accordent ce pouvoir aux tribunaux reconnaissent en effet que cc l'application de leurs théories sera très
c1 incertaine et très-arbitraire. » c< Les tribunaux, dit M. Demo" lombe auraient à considérer toutes les circonstances de fait,
'
« la position
de l'épouse trompée, son cm·actère personnel,
(l) Rapport de M. Sevin devant la Cou r de Casgatiou. Journal du Palais
1861 p. 115, col. 2.
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158 -
l'erreur particulière, c'est que dans son second alinea, il s'occupe
de l'erreur sur la personne, qui, à moins de circonstances rares
et e"Xceptionnelles que le lcgislateur n'a pu vouloir prendre en
considératio11, ne peut être qu'une erreur particulière. Or, dans
le cas d'erreur sur la perso11ne, le contrat, si cette erreur est
déterminante, est annulable, pourquoi ne le serait-il pas, dams
le cas d'erreur individuelle sur la substance ? Si le principe est
le même, à savoir que, par cela seul qu'elle vicie le consentement et qu'elle porte sur la substance ou sur la personne, l'erreur rend le contrat annulable,pourquoi lui donner dans deux
cas identiques des effets diΎrents? Un autre preuve, que rerreur
individuelle suffit, c'est qt1e le dol et la viole11ce particulières
suffisent pour faire annuler le contrat, pourquoi donc en seraitil autrement de r erret1r quel 'article 1100 leur assimile con1plètement? w1ais, dit-on, il n'est pas équitable que le vendeur, par
exemple, qui n'a rien à se reprocher voit briser le contrat, annuler la vente,parcequel'acheteur s'esttrompéetpar sa.fautepeutêtre. Que cela soit équitable ou non, c'est la disposition de la loi;
est-il plus juste de rompre le contrat dans l'hypothèse d'tu1e
erreur déterminante sur la personne? La personl1e sur laquelle
a porté l'erreur, est-elle moins digne de pitié que le vendeur?
Certes non et cependant le contrat pourra être annulé. On insiste en disant: en somme, l'acheteur a essayé de frauder le
vendeur, en dissi1nulant le motif qui le poussait à acheter, en
n'exigeant pas la garantie du vendeur; il a voulu acheter à bas
prix, alors que dans son esprit l'objet qu'il désirait élait une
chose de valeur; qu'il supporte donc les conséquences de sa conduite peu loyale(l). 1'Iais, encore une fois, que l'erreur soit plus
ou moins excusable ou blân1able, quelle qu'ait été l'intention
~
1
(1) Paris 9janvier 1849. Sir. 1 8~9. 2.80
- 159 de la partie contractante, si l'erreur a vicié son consentement
il 11'est pas juste qu'elle subisse un contrat qui en est vicié; ce'
principe don1 ine toutes les autres considérations. D'ailleurs
celui qui a comn1is l'erreur devra l'établir; or cette preuve sera
d'autant plus difficile, que l'erreur aura été plus grossière : aux
juges donc il appartient de tenir con1pte des circo11stances; c'est
une questio11 de fait qt1i estsoumise à leur appréciation. En outre,
celui qui aura souliert de l'annulation du contrat, le vendeur par
exemple, aura le droit de réclamer des dommages-intérêts
(quand on i1e pourra rien lui reprocher) à la partie qui l'a obtenue, à raison du préjudice qu'il a subi et en vertu de l'article
1382, qui oblige à réparation taule perso1u1e, qui par son fait a
causé un domn1age à autrui. Il pourra se faire que le montant du
préjudice, égale le n1ontant de l'in<le1nnité, qu'exige l'acheteur,
lorsque, le \rendeur pourra prou\'er que le lenden1ain, il aurait
pu vendre la chose qui fait l'objet du contrat à telle
personne déterminée, qui en donnait scie1nment le prix qui en
avait été payé par la victi1ne de l'errenr. Dans ce cas, il retiendra le prix d'achat com1ne inùe1nnité.
Nous avons dit, que pourvu que ]'erreur ait vicié le consenlcn1 en t, il i1'était pas besoin qu'elle ait été com1nune aux deux
parties. Notts avons supposé que c'était l'acheteur qui l'avait
co1n1nise. Mais tout ce que nous avons ùit, s'applique indistinctcrnent aux deux parties contractantes, au vendeur tout aussi
bien qu'à l 'acbeteur. La loi en effet ne distingue pas, et le conse11ten1ent des deux parties est nécessaire à la Yalidité de la
convenlion. Le vendeur viclin1e d'une erreur, pourra donc lui
aussi, solliciter l'annulation du contrat, sauf à indemniser
l'acheteur clu i)réjudice qu'il lui aurait occasioru1é par sa faute.
't\1ais, objecLe-t-on, le vendeur invoqt1e la lésion ; or l:i lésion ne
peut être invoqt1ée <lans les ventes i11obilières. Il ne faut pas
confondre l'erreur avec
la 16sion. L n lésion i1e peut exister,
•
�'
•
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206 -
une cause d'annulabilité dll n1ariage. Mais avant tout, il· faut
nettement spécifier ce que nous entendons par personnalité ciYile. (~ Lu personnalité ciYile et sociale est cet en.semble de qua« lités, qui individualise et persoru1ifie chacun de nous au:x. yeux
« de la loi, dans la fan1ille et dans la société. (Demolombe)., »
C'est donc la place que chacun de n.-ius occupe dans la société.
Toute pe.rsonne en eŒet,a, au n1ilieu de ses semblables, so11 indiYidualité particulière, constituée par des qualités fonda1nentales·
qu'il fat1t distinguer ayec soin de ces qualités accessoires dont
la présence ou l'absence n'atteignent pas sa personnalité. C'est
en somme l'état principal et civil, selon les expressions de
1vf. ?vlourlon, l'origine qui rattache l'individu à telle ou telle fa-·
mille. Ainsi, pour reprendre l'exen1ple que nous donnions plus
haut, lorsqt1'à la place de 1v1arie que je ne connais pas et que je
Yeux épouser parce que c'est la sœur de n1on ami et que j e sais•
qu'elle appartient à une excellente fan1ille, j 'épouse une aventurière) sa femme de cl1ambre peut-être qui a été informé dte
mes projets de mariage, qui se fait passer pour Matie~ je
l'épouse après l'avoir bien connue et plus tard je viens à reeonnaitre qu'au lieu de Marie, j'ai épousé sa femme de cha1'.üb'Te ;
il y a erreur sur l'identité civile. Est ce bie11 cette erreur qui est,
l'objet de la disposition de l'art. 180? Nous le croyons et voici
quels arguments on peut présenter à l'appui de cette opinion.
D'abord, on conviendra que cette hypothèse n'a pas un caractère
exceptionnel et extraordinaire comme l'erreur sur la personne
physique. Elle pourra présenter souvent dans le cas de substitution à une personne physiquen1ent inconnue. En outre rious
trot1vons dans les travaux préparatoires la preuve que par les
mots erreur dans la personne (employés au lieu des expressions,
erreur sur la F~"sonne ou sur Z' individu), 0 11 visait la lDel'sonne ci'vile. Dans le cours de la discussion, Malleville s'exp11imait en ces termes : « On a toujours distingué l'erret1r dans la
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207 -
a person11e mên1e et l'erreur sur les qualités de la personne.
« Cette dernière erreur n'a jamais été accueillie comme cause
«•de dissolution. Il en est autrement de l'erreur dans la pera sonne. On a toujours j ugé que dans cette hypothèse, il n'y a
<1 pas de consenten1ent. Vainement on voudrait réduire cette
<< application à l'erreur sur la personne physique; l'erreur peut
(( avoir un autre objet; la personne sociale. )) Et de même, Cam}:)aeérès dit à plusieurs reprises <( Que l'erreur sur la personne
« sociale viciait le consentement tout aussi bien que l'erreur sur
« la personne physique (1). »Si l'article 180 a pour objet l'erreur
sur l'indentité civile, on comprend que l'article 181 donne à celui
qui en est victin1e, un délai de six n1ois pour recueillir les preuves et se procurer les renseignements nécessaires pour établir
son erreur devant les tribunaux. C'est dans ce sens qu'il a été
jugé qu'à supposer qu'on ne puisse pas regarder comme une
er.reur sur la personne dont la loi fait une cause de nullité de
n1ariage, celle résultant du plus ou i11oins de fortune, des
emplois, etc ... cependant l'erreur dont parle la loi, ne doit pas
s'entendre seulement d'une erreur sur l'individu physique, qu'elle
s'entend aussi d'une erreur sur l'état-civil d'un individu et que,
par exemple le mariage doit être déclaré nul, lorsque l'un des
co.ntractants par suite d'un faux ou de manœuvres fraduleuses,
a pris un nom de fa1nille et des qualités qui ne lui appartenaient
pas. (Bourges, 6 août 1827.) (2).
(1). Locré. T. JI. 24 Frimaire. an X, 0° 12. P . :JG3.
(2) Voici quelques considérants de cet a r rêt : qu'à la Yérité Je prétendu X ..
est bien l'individu qu'a vu N... celui qui a reçn sa Ioi, mais que l'identité de
l'individu n'est pas assez pour la validité du mariage. - Qu'ayan t la publication du Code, on lisait da us le projet, que le 111ariago pent·ètro attaquë
quand il y a et·reur dans la persouno; que la Cour de Cassation ayant proposé
de suL~:.iLuer le tnol in.dù>idu à celui ctc personne, après un long examen et
les plus savantes disset·tations devant le Conseil d'Etat. le mot individu n'a
pas èté adn1is; d'où il faut conclure que ces deux acceptions exprin1ent deux
cb0ses différen tes ; qu'en effet dans l'état de nature le mariage n'est que
�-
216 -
u. toute la situation enfin, pour décider en fait s i cette e1·reur a
« ou n'a pas altéré d'une manière profonde et essentielle son
« consentement, s i elle a enfin ou s i elle n'a pas produit ce que
« l'art 180 appelle en·eur dan$ lape1·sonne (1) (2).
Pourquoi cra indre, nous répondent nos adver saires de confier
aux juges cette mission ? Ne sont- ils pas appelés tous les jours
à juger des questions d'état, qui après avoir été examinées en
premier r essort, sont tranchées par la cour, toutes cham bres
réunies. T'est-ce pas là une garantie sérieuse? E n outre, dit-on,
il résulte de la discus ion que ron a eu la volonté de donner aux
juges, une très grande latitude en celle matière. rous savons,
en eITet, qu'au lieu d'employer dans l'article du projet qui est
devenu l'article 180 du Code, les mots tle Polhier erreur sur la
personne, on a inséré les expre s ions, errwr dans la person1ie, qui
ont une portée beaucoup pins large : au surplus dans le premier alinéa de l'article, il est question de la violence au sujet
de laquelle la loi ne précise rien, qui forcément est susceptible de plus ou de moins, et qui diITére selon les personnes et
selon les circonstances. Tl doit en C:tre de même pour l'erreur.
Assurément ce sera une ques tion de fait de savoir si l'époux
a été victime d'une erreur sur la personne ou s'il a été privé de
sa liberté. Mais nous refusons au juge le droit d'étendre les cas
(1) Demolombe. Mariage T. L. 414.
(2) Voici comment s'exprime la Cour d'Orlf>ans dans son arrêt de 1861 :
Attendu que laic;ser en p1reille matière aux tribunaux l'appréciatio n, en
quelque sorte discrétionna ire. rles faits et des d rconst.ance~. ce serai t enlever
au mariage les garanties spéciales dont il a Hé entouré par le l é~isl aleur,
substituer les interprétations diverses ou con tradi ctoires des magistrats aux
règles inflexi bles et tutélaires de la loi et porter l'alleinte la plus dangereuse
à une insti tution qui est le fondemen t. de la famille et ta base de ta morale
publique.
Att.endu qn'une telle ext.ension donnée aux d ispositions de l'a rt. 180 d u
Code Naµoléon, sera it con traire a u texte et à l'Ps pri t de La to i et donnerait
lieu à des contestations sans limites, pa rfois scandaleuses ...
- 217 d'erreur toutes les fois que cela lui plaira, et nous ne voyons pas
pourquoi l'on assimile l'erreur à la violence. Si la loi en parle
dans le m ème ar ticle, c'est que toutes deux constituent des vices
de consentement, mais la difficulté consiste à établir la
portée de l' un de ces vices; or on ne peut fixer ses limites en le
comparant à un autre dont il difTère essentiellement. Quand la
violence est destructive de la liberté ou que l'erreur est exclusive du consentement: nullité, mais toute erreur et dans l'espèce, l'erreur s ur les qualités, selon nous, n'a pas cet effet.
Ainsi par exemple dans le cas d'une peine affiictive et infamante, quel est l'élément auquel il faut s'attacher pour déterminer la nature de l'erreur? Est-ce le crime; non, car s'il n'a
pas été poursuivi ou s'il n'a pas été puni, on ne peut demander
la nullité du mariage. Es t ce la peine ; pas davantage, car si elle
n'est pas accompagnée de la dégradation ciYique, elle ne laisse,
une fois subie, subsis ter aucune incapacité. C'est donc la dégradation civique; mais ell e ne change pas la personne, elle atteint
l'homme p ublic, mais non l'homme privé, l'homme après tout
qui se marie : mais alo rs il faudrait prononcer la nullitë du
mariage contracté avec un individu qui a été condamné à la
dégradation civique pom un crime politique ou pour un acte
allentatoire à la liberté individuelle. Le rés ultat auquel on veut
arriYer a quelque chose d'effrayant. (1)
Le système que nous repoussons s'appuie lui aussi sur les
travaux préparatoires. A l'opinion s i tranchée de Portalis qui
rédigea l'exposé des motifs du projet de loi rel<1tive au mariage,
on oppose l'opinion de Tronchet qui,à la séance du 4vendémiaire,
s'exprima ainsi : (( Il a été reconnu que l'erreur annule le ma« r iaae
il ne s'aaitplus
maintenant que de savoir dans quel cas
b
)
b
« elle opère cet effet. Or, l'erreur dépendant des circonstances
( 1) De Raynal. (D. P . 1861. 1. 63.)
�-218« qui se diversifient tellement à l'infini, que la loi ne peut toutes
« les. embrasser, la loi ne doit poser que les principes et ne pas
« aller jusqu'à déterminer les divers cas où il y a erreur ( 1). )) Et
Bouteville disait : (1 Pour régler les cas où il y a erreur sur la
« personne , on a demandé s'il fallait s'attacher aux seules
« qualités physiques ou si les qualités morales devaient être
11 également considérées ..... L es décisions de la justice dépen« dent nécessairement des faits particuliers à chaque espèce.
« Le plus grand acte de sagesse du législa teur est de s'en
« remettre à celle des tribunaux. Point de consentement, consé« quemment, de consentement parfaitement libre, point de
« mariage. Ce fanal dirigera bien plus sùrement les juges que
<1 les idées métaphys iques et complexes qui ne pourraient faire
« que les embarasser ou les égarer. (2) On voit d'après ces
paroles que les orateurs eurent l'intention d'a}'.landonner la distinction de Pothier, et d'admettre comme cause de nullité l'erreur
sur les qualités qui paraitrait au juge assez grave pour vicier le
consentement. - Mais si la loi eut vo ulu faire produire un tel
effet à cette erreur, elle l'eut explicitement déterminé. Elle eut
dit: a: l'erreur sur les qualités de la personne ou l'erreur dans la
<< personne ou ses qualités substantielles » et elle aurait indiqué
d'un mot qu'elle entendait laisser au juge un pouvoir d'appréciation qui lui permettrait de décider dans quel cas l'erreur
devait être considérée comme assez grave. Ains i , sans vouloir
établir une comparaison, mais pour citer un exemple, nous
invoquerons l'article 1110, où la loi dit que l'erreur sur lapersonne est une cause de nullité quand la considération de celte
personne est la cause principale de la convention, ce qui suppose
que le juge aura à examiner dans quel cas l'erreur sur la personne remplit cette condition. Tandis qu'ici la loi dit simplement
(1) Feoet, Tome IX, p. 145.
Cl) Feoet, Tome lX, p. 201.
-
219 -
quand it y a ei.t. erreur dans la personne. Or il est de principe que
les nullités ne se s uppléent point et celte règle doit être appliquée bien plus rigoureusement au mariage qu'à tout autre
matière. Mais l'opinion contraire invoque précisément l'article
1110 pour dire que la loi admet bien l'erreur s ur les qualités
substantielles dans les contrats el que par suite il doit en être
de même ici, pour l'erreur sur les qualités substantielles de la
personne. On voudrait clone faire de l'article 180 une application
de l'article 1110, mais nous avons déjà dit que le mariage se distingue trop des autres conventions, pour qu'on lui en appliquer
toutes les règles, et en second lieu que cet article 180 visait non
l'erreur sur les qualités substantielles, mais l'erreur sur la
personne.
Mais il y a, nous dit-on, contradiction à soutenir que l'erreur sur
les qualités n'a aucune inA uence, tandis que l'erreur su r la personne
civile peut annu ler le contrat. Qu'est. l'erreur sur la personne civile,
sinon que l'erreur s ur les quali tés qui constituent la personnalité.
Il y a, d'après nous, une très grande différence entre les deux cas.
Cc qui constitue l'individualité civile, c'est un ensemble de qualités
et non t elle ou telle qualité déterminée. Cet ensemble de qualités
est tout à fait spécial à la person ne même ; c'est son origine, sa
fam1llc, son nom, son état civil , toutes choses qui lui appartiennent
en propre et ne peuvent être à un autre qu'à lui ; tandis que les
s imples qualités de la personne n'ont plus ce caractère et peuvent
apparteni1· à telle personne ou à telle autre. La qualité civile est
donc indépendante de la personnalité civile, comme la qualité
physique est. dist.ir1cte de la personne physique et il est logique
d'admettre que l'erreur sur l'ensemble des qualités soit une cause
de nullité, tandis que l'erreur sur l'une ou plusieurs de ces qualités
n'ait.aucune portée. Voiei comment Ml\1. Aubry et Rau exposent
cette distinction : « Cette individualité de la personne se détermine
« par le nom, tout d'abord, ensuite par l'ensem ble des diverses
�-
220 -
a qualités qui individualisent une personne, la disting uent de toute
« autre du même nom et l'absence de l'u ne ou de plusieurs qualités,
« mêmP. sociales, faussement attribuées à un individu, ne suffit pas
« pour dire que cet individu soit, civilement parlant, une autre
u personne (!). »
On imroque contre nous un dernier argument tiré de l'art. 232
du Code civil, abrogé par la loi du 8 mai 1816 et qui était ainsi
conçu : « La condamnation de l'un des époux à une peine infamante sera pour r autre une cause de divorce. » La loi dit-on
'
'
rompt le mariage, elle autorise par cela même la partie trompée
à en demander la nullité. Voici ce que l'on peut r épondre : si
l'art. 232 vise une condamnation postérieure au mariage, le
dirnrce est autorisé, non parce quïl y a eu erreur sur les qualités ciYile , mais parce qne l'époux a violé les obligations qu'it
avait contractées en se mariant : « Il a rompu le contrat, disait
deYant le Tribunat le rappo rteur en dég radant par sa propre
faute son existence ciYil e et changé la nature de l'association. ,,
Si, au contraire, l'art. 232 s'occupe d'une condamnation antérieure au mariage, cet article prOU\'P la validité du mariaae car
t> '
si c'est Je divorce qui est le remède, le mariage était valable et
le législateur n'a pu venser à autoriser la demande en nullité (2).
( !)Aubry et Rau~ 462, note 9. L'erreur dans la personne civile ne doit pas
consister dans une simple déception sur les qualités ou la capncité civile de l' un
des conjoints, mais dans un changement de personnalité civile tel que, par suite
de cette erreur, l'uo d'eux ait é po usé une per~onne civile autre que celle qu'il
a voulu é pouser. (Ürlé:J.ns, 186l. 1 Pour que l'erreu r sui la personne civile puisse
devenir une cause légale d'annulation du m:i ria"e il faut que cette erreur ait
é.té r~d.icale et absolue, eo ce sens que l'un des é~~nx se soit mé pris sur l'idenh_té cmle de son conjoint, qu'il ait cru épouser une personne civile entièrement
~1fféren~e de celle q~'i l a réellement_ épousée. Il ne suffit pas qu'il y ait e ntre
1un ~t. l autre un~ d issemblance ~artielle, portant s ur une des qualités ou des
cond1t1ons dont 1ensemble conslttue la persoonali'é civile. (Bordeaux, 1866,)
\2) Dalloz, 1861, 1, 55. - Glasson: Du consentement d es époux au mar iage,
page î08.
- 221 -=Notre opinion fut consacrée par un jugement du Tribunal de
la Seine du 29 juin 1859, que confirma l'arrêt de la Cour de
Paris le 4 février 1860, dont nous avons donné les divers motifs
de droit dans le cours de cette discussion. Mais cet arrêt fut
cassé le 11 février 18Gl par la Cour de Cassation, qui adopta
le système que nous avons combattu et que d'autres tribunaux
avaient déjà admis. Ainsi, la Cour de Colmar par son arrêt du
Gdécembre 1811, annule un mariage contracté avec un individu
qui était engagé dans des liens religieux (1). Le Tribunal de
Boulogne le 2:3 aoùt 1853, annule le mariage contracté avec une
fille adultérine que l'époux avait cru légitime (2). - Le Tribunal
de Chaumont ( 9 juin 1858) prononce la nullité d'un mariage, pour
cause de dissimulation de grossesse au moment de la célébration. - La Cour d'Angers, le 25 janvier 1859, décide de même,
parceque run des époux avait refusé de consentir à la célébration religieuse. - Le Tribunal d'Agen (6 juillet 1860) annule un
mariage contracté avec un moine espagnol. Et en 1860, la Cour
de Cassation, appelée à statuer sur cette question, à choisir
entre notre système qui était celui des Cours de Paris, de
Montpellier et de Lyon (3) et l'opinion des divers tribunaux. que
nous venons a·énumérer cassa l'arrêt de la Cour de Paris (4)
qui excluait comme cause de nullité de mariage, l'erreur sur
les qualités, malgré le réquisitoire de M. de Raynal, avocat
général, malgré le rapport de M. Sevin, conseiller rapporteur
dont l'opinion, au dire de l\I. Paul Pont, était à peine dissimulée
et renvoya l'affaire devant la Cour d"Orléans (5). L'arrêt de la
Cour de Cassation fut vivement critiqué et défendu. La question,
à cette occasion fut remise en discussion, l\l. Paul Pont soutint
(1) Colmar (D. A. v• Mariage), 71.
(2) T ribunal de Boulogue. (O. P. 1853. 3. 5G),
(3) Montpellier, 4 mai 1827. Sirey. 18'17. 2. 418. Lyon. Dalloz 1853. 210.
{li) Paris, 4. fé vrier 1860. Dalloz 1860, 1. 88.
(5) Odéans, Dalloz. 1861. 2. 132.
�- 222 chaleureusement l'arrêt de la Cour suprême, qui s'appuy~it sur
des noms comme ceux de Toullier, de Marcadé et de M. Demolombe. La Cour d'Orléans par son arrêt du 6 juillet 1861~ se 1
rallia et à la doctrine de la Cour de Paris et r aITaire reviI).t
devant la Cour de Cassation, toutes cham bres réunies, le 24 avril ,
1862 (1). L'illustre procureur général Dupin, fit revenir la Gou1:
sur sa première opinion, et par un arrêt fortement motivé la,
cour décida que l'errem sur les qualités ne pouvait entrainer
la nullité du mariage. Elle confirma de plus fort cette solution, ,
1) Cassat. 24 avril 1862..
Attendu que l'erreur dans la personne. dont les art. 146 et 180 du Code civil
ont fait une r.ause de nullité de mariage. ne s'entend, sous la nouvelle comme
sous l'ancienne législation. que d'une erreur portant sur la personne elle-m<lme.
attendu que si la nullité ainsi 6t.ablie ne doit pas être restreinte au cas unique
de l'erreur provenant d'une substitution frauduleuse de person ne au moment de
la célébralion. si elle peu t également recevoir son application quand l'erreur
procède de ce que l'un des époux s'est fait agréer en se présentant comme membre d'une famille qui n'est pas la sienne, et s'est attribué les conditions d'origine et la filiation qui appartient à un autre, attendu que le te:i.:te et l'esprit de
l'art. 180 du Code civil écartent virtullllement de sa disposition les erreurs
d'une autre nature et n'admettent la nullité que pour l'erreur qui porte sur
l'identité de la personne et par le résultat de laquelle l'une des parties a épousé
une personne autre que celle à qui elle croyait s'unir. - Qu'ainsi la nullité
pour erreur dans la personne reste sans extension possible aux simples erreurs
sur des conditio!ls ou des qualités de la personne, sur des flétrissures qu'elle
aurait subies, et spécialement à l'erreur de l'époux qui a ignoré la condamnation à des peines affiictives et infâmantes antl!rieurement prononcée contre son
conjoint et la privation des droits civils et civiques qui s'.:n est suivie. - Que
la déchéance établie par l'art. 3~ du Code pénal ne constitue par elle-même ni
u.o empêchement au mariage ni une cause de nullité de l'union contractée. Qu'elle ne touche non plus en rien à l'idenlité de la personne, qu'elle ne peut
donc motiver une action en nullité du mariage pour erreur dans la personne.Qu'en le jugeant ainsi et en rejetant la demande en nullité de son mariage.
formée par Z. H. et motivée sur l'ignorance où elle avait été à l'époque du
mariage, de la condamnation à quinze ans de travaux forcés qu'avait antérieurement subie B. son n1ari et de la privation des droits civils et civiques qui en
avait été la suite, l'arrêt attaqué n'a fait qu'une juste et saine application des
art. 146 et 180 du Code civil, Rejette... 11
-
223 -
par son arrêt du 9 février 1863 (1). Depuis les Cours d'appel qui
ont élé appelées à connaitre des demandes en nullité pour cette
cause ont admis cette solution (2).
Sans doute, nous sommes obligés de le reconnaitre, dans
nombre de cas, l'application de cette théorie sera rigoureuse et
cruelle. Dans telle hypothèse, on obligera l'un des époux à violer
ses convictions religieuses, à se mettre en révolte avec sa conscience. Que ne souŒrira pas une femme catholique par exemple,
d'être unie avec un sacrilège, lorsqu'elle a épousé un religieux ou de vivre en concubinage (3) avec son conjoint, lorsque
son mariage n'a point été béni par l'Eglise? Il est évident qu'au
point de vue légal le mariage existe ; il est valable, inattaquable et complet, dès que les époux ont été unis par l'officier
de l'Etat-Civil, mais par rapport à la religion catholique, l'union
ne devient régulière qu'autant qu'elle a été consacrée par le prêtre. On dit, que la femme victime de l'erreur, pourra demander
la séparation de corps pour injure grave. Mais n'est-ce pas là
un remède insuffisant ? Car enfin on ne se marie par pour être
séparé et la société elle-même soufîre de cette séparation, car
un des buts principaux du mariage, la procréation des enfants,
ne sera pas atteint.Ces décisions ont paru si injustes et ce remède
si dérisoire, que certains auteurs, qui n'admettent pas que la
femm e puisse demander la nullité du mariage dans le cas où
elle a épousé un forçat libéré, soutiennent qu'il faut prononcer
cette nullité dans le cas où elle s'est trouvée unie avec un religieux.
A propos de l'arrêt de la Cour de Colmar, M. Dalloz dit :
« Indépendamment de l'article 180 du Code civil, cette décision
(1) Uassation . Sirey. 186<1. 1. 45.
('l) Montpellier, 1 février. 1866. Dalloz. 1867. 3. 2î0. Bordeaux, 21 mars 1866.
- Sirey 1866. '!. 209.
(3) Au point de vue canonique.
�-
224 -
« nous parait trouver sa justification dans ce principe d'ordre
« supérieur, que la loi ne peut faire violence à la conscience de
« la femme et l'obliger à demeurer dans les liens d'un mariage
« qui n'est aux yeux de la r eligion qu' un crime permanent,
« Aussi irons-nous plus loin que la Cour de Colmar et déciderons« nous que dans le cas même où la femme, en se mariant
<l aurait connu la pos ition de l'hom me qu'elle épousait, elle
« n'en pourrait pas moins, s i sa conscience venait à se r éveiller
« plus tard , demander la nullité de ce mariage. Il doit toujour~
(( être permis de rompre avec le cri me p our revenir à l'accom(< plissement du deYoir ( 1). >> Celte doctrine est en contradiction
avec le texte et l'esprit de la loi (2). S'il nous était permis de la
juger, nous dirions, qu'en effet, elle ne do nne pas satisfaction
aux conYictions religieuses et qu'il serait à désirer qu'elle
disposât que, dans le cas où il résulterait de la convention
expresse ou tacite des parties, que le mariage doit aussi ètre
célébré à l'église, el où l'une des parties viendrait à manquer
(1) La Cour de cassation n'appC>rte pns une exceplion à cette r~gl e pour
décider que l'engagement dans les ordres sacrés , con sti tue un empôch1ment
diliroant a a mariage, mème à l'égard du prôtre catbolique qai a abandonné le
sacerdoce. Voici les motifs de droit qu'elle a donnés da ns le dernier arrôt
qn'elle a renda sur cett e hypothèse : - Attendu qn'1I résulte des articles 6
et 26 de ta loi organique du Con cordat d u 18 germinal an X . que les prêtres
catholiques sont soumis aux canons qui étaient a lors r eçus en France et par
con séquent à ceux qui prohibaient le mariage à l'homme engagé dans les ordres
sacrés . - Attendu qae le Code civil et les lois cons titutionnelles ne ren fH ment
a ucune dérogatio n à cette légish tion spécia le. l'arrèt attaqué d éclaran t nul et
de nal effet, le mar iage dont il s'agit n'a violé aucune loi, - 26 févr ier 1878.
- ( Dalloz, 1878. 1.1 12).-Voir aussi Arrêt de Limoges, l7 janvi er 1846 (Da lloz
18i6. 2. 3~) et Arrét de Cassation d u 23 février 1847. (Dalloz. 1847. 1 129).
(2) hl. Bressolles considère comme une err eur sur la personne, le fait de
l'époux qui a urait trompé l'autre sur ses sen timents r eligieux jusqu'après la
célébration civile da mariage. (Revue de légis lation 1846. T . Il. p. 1i!J).
Marcadé dit que c'est une erreur s ur la qualité morale suffisante puur Caire
prononcer l'annulation . ( lb. 1846. T. 3. p. 3't2).
M . Thierret, au contraire, p ense que le mariage civil es t complètement à
l'abri de toute demande en nullité pour une cause pareille. (Ibid. 18!i7,
T, l. p. 370)
-
225 -
à cet engagement, il serait permis à l'autre partie de demander
la nullité du mariage. La liberté de conscience, dés lors, serait
sauvegardée ; mais telle qu'elle est, la loi doit être appliquée
dans toute sa rigueur, quelque incomplète et si cruelle qu'elle
soit. Si nous admettions une seule exception, comme celle
que cite M. Dalloz, nous ouvririons la porte à l'arbitraire le plus
dangereux, et nous ne savons où l'on s'arrêterait.
L'impuissance n'est-elle pas une cause de nullité du mariage?
Arrêtons-nous un instant à cette question. Sur ce point, notre
1égisla lion a complètement aband onné les errements de l'ancien
droit. Parmi les empèchemen ts dirimants le Droit canonique
et Pothier, comp taient l'impuissance et la constatation de ce
vice donnait lieu à un i11spectus corporis, qui éta it une injure à
la mora le et à la décence. On dis tinguait suivant que l'impuissance était naturelle ou accidentelle. Elle cons tituait un empêchement dirimant, pourvu qu'elle fut incurable ou perpétuelle.
Mais on n'exigeait pas qu'elle eut été connue par l'autre époux.
« Quoique l'union des corps, disait Pothier, ne soit pas de
cc l'essence du mariage, néanm oins, comme la procréation des
(( enfants es t la fin principale du mariage, il faut, pour être
« capable de se marier , avoir au moins le pouvoir de parvenir
(( à cette union des corps (1) . » Pendant la discussion du Titre
du mariage, au Conseil d'Etat, il ne fut j amais parlé de l'impuissance. Dans les discussions du Titre de la Paternité et de la
filiation, Portalis s'en occupa : « Quant à l'impuissance, disait-il,
a. ell e ne peut pas devenir le principe d'une exception, puisque
« dans la loi s ur le ma riage on n'en a p oint fait l'objet d'une
« action en nullité, et ce sil~nce absolu de la loi est fondé en
(( raison , car il n'y a pas de moyen de reconnaitre avec cerli« tude l'impuissance (2). » Dans la discussion du titre du
(1) Pothier, I"\' 96, 97 et 98.
(2) Locré. Tom. 6, p. 35 et 291.
15
�-
226 -
- 227 -
Divorce, on ne voJlut pas accepter l'impuissance comme une
cause de dissolution du mariage. En effet, si la procréation des
enfants et une des fins principales du mariage, elle n'en est
point le but essentiel. Le mariage n'est pas exclusivement la
société de l'homme et de la femme, qui s'unissent pour peFpétuer l'espèce ; ils s'unissent aussi pour s'aider par des
secours mutuels, à porter le poids de la vie et pour partager
leur commtllle destinée, selon les expressions de Portalis. La
loi 1 dans l'article 1-14, n'exige qu'une seule condition pour que
le mariage puisse être contracté. C'est qu'il le soit entre un
homme et une femm e. L'homme, cesse-t-il d'être homme, pour
être impuissant (1)? Pour preuve que le mariage n'est pas seulement l'union des corps, on peut dire que les mariages contractés in extremis sont permis, puisque la loi ne fait pas mention de la prohibition de la Déclaration de 1639, article 5 et 6,
qui défendait ces sortes de mariages. - Le Code a voulu
mettre fin aux scandaleuses recherches auxquelles on soumettait celui que ron disait être impuissant, et repousser l'allégation de ce vice, le plus souvent incertain et difficile à constater.
En outre, admettre que l'impuissance est une cause de nullité,
c'est ajouter w1e nullité à celles qu'indique le Code, et détruire
la théorie que nous avons exposée sur les qualités physiques et morales de l'individu (2). Car ici l'erreur porte sur
la qualité et non sur l'identité. D'ailleurs, les auteurs qui veuleht faire de l'impuissance une cause de nullité, ne s'entendent pas sur le point de savoir de quelle espèce d'impuissance
il s'agit. D'après Toullier, il faut qu'elle soit accidentelle et
qu'elle se manifeste par des signes extérieurs. Selon d'autres,
l'impuissance manifeste et extérieure, soit naturelle, soit accidentelle, est une cause de null'té, car, dit-on, il y a erreur
dans la personne et non-seulement s ur les qualités physiques
et l'articte 180 est applicable. Nous avons dit comment il faut
entendre l'article 180. D'ailleurs, pour constater cette impuissance il faudra recourir un inspectus corporis et si l'impuissant
s'y refuse, pourrait-on l'obliger de vive force? Ce serait odieux
et s'il ne proteste pas pourrait-on conclure de son silence, qu'il
fait l'aveu du vice qu'on lui reproche; c'est impossible. Voici
l'argument qu'on nous oppose . La loi, dit-on, dans l'article 312
permet à l'époux qui, par suite de l'impuissance, s'est trouvé
dans l'impossibilité de cohabiler avec sa femme au moment de
la conception de l'enfant dont elle est accouchée, d'invoquer
son impuissance accidentelle. Ne suit-il pas de là, que l'on doit
pouvoir faire rompre le mariage pour impuissance accidentelle,
puisqu'il y a impossibilité de cohabitation? - Non, ici il ne
(1) Contrà. Merlin. Répertoire au mot Impuissance. n · 2.
('2) Génes, 7 mars 1811. - Riom, 'lO juin 1828. - Be~nçon. 28 août 1810.
- Nimes, 25 DO"Vembre 1869. (Devill. 1870. - 2. 78). La Cour de c'lssation a
maintenu un mariage dont on demandait la nullité pour cause de refus de la
part d'un épouit de remplir le devoir congug11.I. - Dans ce sens la Cour J e
Caen a jugé tout récemment c que l'absence complète des organes qui carac• térisent le sexe n'eat pas une cause de null ité du mariage. 16 mars 1882.
(Dalloz. 1882.
2. 155.). Le demandeur ne se prévalait pas d'un e erreur sur la
per;onne, qu'on ne peut plus invoquer après si.x m'lis de cohabitation, mais d'un
défaut absolu de consentement; il disait que le mariage est la conj1.mctio marts
et feminœ. La Cour de Caen dit que la mariage est le consort1um omnts vitœ,
Que les n ullités dans les contrats aussi importants, que le mariage sont restricti vement déterminées ; q•1c cette nullité radicale et absolue ne permettrait pas
qu'on y renonçât, bien qu 'on rùt marié en connaissance de cause; qu'un pourrait toujours invoquu cette nullité, alors qu'on connaissait le défaut; que les
étrangers, la personne intére•sée, le ministère public pourraient demander la
n ull ité du mariage d'époux unis par l'affection la plus intime et cela malgré
eux; pendant leur vie comme a près leur mort, quelque fut le te~~s éco~lé. La Cour de Trèves a admis l'impuissance comme cause de null1le (1 .. JUiiiet
1808. Dalloz. v• Mariage). Le tribun~! d'A lais et en appel la Cour de Montpellier. appelés à statuer sur un cas id.?ntique à l'espèce soumise à la Cour de
Caen ont 1ugé en sens contraire. (Dalloz. 1872, 2. 48.). La c.our de Paris, dans
son arrêt du 30 mai 1883, regarde le refu s de la part de bien de~ époux de
r emplir leur devoir cunjugal comme une injure grave pouvant entrainer la sépar ation de corps. (Ga;ictte des tribunau:z;, m11i, 1883. A ffaire Aucher).
�-
228 -
s'agit pas de donner au mari le droit de prouver qu'il n'est pas
le père de l'enfant dont sa femme est accouchée, de prouver
le crime d'adultère, par tous les moyens qui sont en son pouvoir. Il s'agit seulement de savoir s'il y a eu erreur da ns la
personne, et pour le démonlrer, il faudrait recourir à <les investigations scandaleuses et indécenles. C'est ce que la loi n'a
point voulu.
Pour terminer sur ce sujet, il nous faut dire quelques mots
de l'action en nullité, que la loi accorJe dans le cas d'erreur~
Remarquons d'abord que, pour pouvoir intenter cette action.en
nullité, il n'est point nécessaire que l'erreur ait été la suite des
manœuvres frauduleuses de l'autre partie. Le Premier Consul et
quelques autres orateurs, demandèrent avec insistance que l'on
introduisit cette distinction dans la loi. Mais on repoussa celle
proposition, parce que l'erreur est indépendante de la bonne ou
mauvaise foi de l'autre conjoint. i elle porle sur la personne
physique, il y a défaut absolu de consentement, le mariage est
inexistant, radicalement nul ; quiconque peut demander la
nullité, à quelque époque que ce soit. Si elle por te sur la personnalité civile, d'après l'art. 180, l'époux seul qui a été induit
en erreur, peut demander la nullité du mariage ; s'il est majeur
de sa propre autorité et s'il est mineur avec l'assistance de son
curateur; ni l'autre époux, ni les ascendants, ni les créanciers
ne peuvent exercer ce droit à son lieu et place, parce que la
loi tient ce droit pour exclusivement personnel ; et en effet la
personne seule qui a été victime de l'erreur, peut seule en
connaitre la gravité et l'établ ir mieux que tout autre. - Doiton accorder ce droit aux héritiers, en vertu du p rincipe que
nos héritiers succèdent à nos droits et actions · et dire que
'
'
lorsque les héritiers se trouvent dans le délai fixé par la loi, ils
pourront intenter l'action en nullité ? - Non, quand la loi parle
de la transmissibilité des droits et actions, elle suppose des
- 229 qroi~ pécuniaires. Or le droit de demander la nullité du
manage. est un droit essentiellement moral, attaché exclusivement a la personne au profit de laquelle il a été créé. Voici
un autre argument qui a son importance. Dans le cours de la
discussion, on demanda que l'action put être exercée par
les ascendants : on rédigea même dans ce sens, l'article du
projet et cette rédaction fut repoussée. Mais que faut-il décider
dans le cas où l'époux est mort, après avoir manifesté son
intention de demander la nullité du mariage, en engageant
l'instance? Ne peut-on pas appliquer la maxime : Actiones
<ptœ tempore aut morte pereunt, semel inclusœ ;'udicio salvœ
permanent, et tirer argument des art. 330 et 957 ? Nous ne le
croyons pas : cette maxime exacte en droit romain, où la titis
contestaf?'o opérait novation de la demande, ne l'est plus dans
notre législation ou le droit ne change pas de caractère pour
être déduit en justice. En outre, dans l'art. 330, l'action n'est
pas purement m orale, elle est en partie pécuniaire ; elle est
donc transmissible en principe: d'ailleurs, le législateur permet
aµx. enfants de continuer l'action, parce qu'il leur donne le droit
de l'intenter de leur chef, s'ils se trouvent dans certaines conditions qu'il détermine. Mais ici la loi ne leur donne pas ce droit
et si elle eut voulu le leur concéder, elle l'eut fait en termes
formels comme dans l'art. 329. Et ces deux remarques s'appliquent encore à l'art. 957. La loi permet aux héritiers d'intenter l'action ; pour être logique, il fallait leur permettre de
la continuer et au surplus l'action est encore moins morale que
pécuniaire (1). D'après l\I. Demolombe, la loi ne donne pas aux
( 1) Le droit dt: poursui H e ln nullité <l'un mari:1ge 1 n'est transmissible aux
hériti1•rs des rpoux que lor<;q11'il s'agit d'une cause absolue rle nullilë. li est
intrans missible du moment oit il r::po<;e s ur une cause de nullitë pu~ment
relative ; spécialement 110 mari:ige ne peul être attaqué après le decès de
l'nn des coujoints. par les hcriliers de celui- ci pour caus~ d 'erre11r dans la
personne.
Trihu nal llivil rle T onlouse, 2!1 lévrier 1879. (Dalloz, 1879, 3, 6\), C'est ln
décis ion judiciaire la plus r écente.
�'
-
230 -
héritiers le droit d'attaquer 1 n1ais elle ne réserve pas non pltls
à l'époux le droit de continuer l'action. l\1ai, continuer à attaquer, n'est-ce pas attaquer encore? La loi a voulu lil11iter
l'actio11 au principal intéressé, afin de ne pas n1ultiplier les
de1nandes e11 nullité. EL ce qui dén1onLre bie11 qne la loi
n'entend doru1er ce droit qu'à l'épottx, c'est que clans l'art. 181,
elle ne pense qu'à lui 1 en organisant un in ode spécial de ra Lift-catio11 tacite. ' 'oici du resLe le texte de cet article que nous
allo11s examiner.
•
Art.~181 .
'
- c< Dans le cas de l'arLicle précédent, la demande
« en l(ullitén'est plus receYable toutes ies fois qu'il y a eu coba« bitation continuée pendant six. n1ois depuis que l'époux a
« acquis sa pleine liberté ou que l'erreur a été par lui re« connue. >) La loi exige que les époux aient col1abité pendant
six inois consécutifs, qui cornmencent le jour où l'erreur a été
découverte. Cependant, on ne pourrait regarder t1ne interruption de quelques jours co1nn1e une solution de continuité,
Délai trop long sans doute et qui excède le temps nécessaire
pour recueillir les preuves de l'erreur dont on a été victitne 1
Remarquons aussi que si l'erreur dure encore après l'expiration
du délai, celui qui a été induit en erreur, pourra encorè demander la nullité du mariage à la condition d'établir que l'erreur
n'avait pas encore cessé au n1oment où expirait le délai accordé
par la loi (1). Aucune autre ratification tacite ne serait ad1nise,
comme la naissance d'un enfant. La loi, en prenant soil1 de
déterminer une ratification tacite, exclut par cela même tous les
autres modes de ratification du même genre. Mais cela doit-il
s>appliquer à la ratification expresse? Certaine1nent non. Si la
•
•
(1) Bordeaux, 20 févr. 1867. Da ll 1868. 2. 19.
(2) Cassation, 20 avril 1869. Sirey . 1869, 1 3f)3,
•
-:- 231 loi ne s'en est pas occupée, c'est que dans le cas où les parties
s'ex.priment d'une façon formelle et précise, il ne saurait y avoir
de doute sur leurs intenlions. Tandis qu'il était nécessaire de
régler les conditions d'une ratification tacite, qui est toujours
plus ou moins équivoque. « C'est précisément, dit Marcadé, à
<1. cause de la valeur évidente ici, d'un consentement formel« lement donné, que la loi a dù se préoccuper d'organiser d'une
« manière certaine la ratification tacite, dont l'ancien droit ne
« précisait pas les conditions; tandis qu'elle a dû trouver inutile
« de parler de la ratification expresse, qui va de soi et qu'on a
« toujours adn1ise. )) (ld. Polhier, n•• 309 et310.) (l)Aux tribunaux
de voir si la partie tron1pée a ratifié libre1nent, volontairement
et en connaissance de cause; aux juges de décider s'il résulte de
l'acte que l'on produit comn1e expression de sa volonté, (et qui
n'a pas besoin, pour un contrat exceptionnel comme le mariage
d'être revêtu des formes exigées par l'art. 1338) si l'époux a eu
réellement l'intention de tenir la nullité pour non avenue. Cette
ratification ne résulterait pas, par exemple, de l'autorisation
donnée par le mari d'ester en justice (2).
Mais supposons, qu'il n'y ait ni ratification expresse, ni ratification tacite par une cohabitatjon continuée pendant six mois,
doit-on admettre que l'époux trompé pourra, pendant aussi
longtemps qu'il lui plaira, tenir en suspens la validité du mariage? En un mot, les règles de la prescription ne s'appliquent_
elles pas ici et quelle est la prescription applicable à l'action en
nullité de l'art. 181? La question est controversée. D'après les
uns, cette aclion en nullité est imprescriptible, comme toutes les
actions en nullité relatives à l'état des personnes. - 1'1fais il
nous semble que ne sont imprescriptibles que les actions aux(1) Marcadé. Tome I , art. 181.
(2) Contr à Duranton IJ, 283.
•
�-
•
232 -
quelles la loi a spécialen1ent don11é ce caractère. - D'après les
autres, r art. 1304 doit recevoir ici son application et l'action en
nullité sera prescrite par le délai de dix ans. Cet te disposition,
disent les partisans de ce second système, ne se rapporte pas
seulement aux contrats et aux obligations, bien qu'elle soit
édictée dans le titre qui les concerne ; elle a une portée plus
générale. Cette prescription s'étend à toutes les actions en nullité
qui nécessitent des preuves qu'un long délai rendrait trop
difficiles ou da11gereuses. Puisque la loi n'a pJ.s fixé ce délai, il
y a lieu, malgré la nature particulière de ce contrat, d'appliquer
la prescription la plus courte, afin de ne pas laisser durer trop
longtemps l'incertitude qui pèse sur la Yalidité du mariage.
Donc, l'époux induit en erreur, qui n'a pas cohabité pendant six
mois avec son conjoint et qui n'a pas ratifié expressément la
nullité du mariage, ne sera plus recevable après dix ans à
intenter cette action en nullité. - Nous n'acceptons ni l'u11e, ni
l'autre solution. Nous croyons que la prescription à laquelle est
soumise l'action de l'art. 181, est la prescription ordinaire de
l'ar t. 2262, la prescription trentenaire. Cet article contient 1a
règle générale en matière de prescription: l'art. 130-t est exceptionnel et il n'y a aucune raison pour l'appliquer ici. L'art. 1304
ne s'applique qu'aux contrats, et le mariage ne leur est pas assiimilable; et enfin il repose sur une présomptio11 de ratification
tacite ; or, la loi a pris soin de détern1iner la seule n1anière dont
on pourra ratifier tacitement la nullité; toutes les autres doivent
être rejetées.
-
233 -
J
CI1APITRE IV
Du Mariage putatif
l
Nous ve11ons de voir que l'erreur dans certains cas déterminés, entraine la nullité ou l'annulabilité du mariage. Mais là ne
s'arrête pas son influence. Le mariage une fois annulé, devr ait
ètre réputé il1existant, non avenu; et cependant, ~iles époux ou
l'un d'eux, ont été de bonne foi, la loi considère ce mariage,
qu'une décision judiciaire vient de rompre ou de déclarer
inexistant, comme ayant été valable et régulier, jusqu'au jour, ou
cette décision est intervenue. Donc en même te1nps qu'elle fait
briser le mariage, l'erreur sert de fondement à sa validité
rétt,oactive, et lui fait produire tous les eITets d'un mariage régulièrement contracté. Ce mariage, nul en fait, mais valable en
vertm de la bonne foi des époux, est appelé mariage putatif.
La loi s'en occupe dans les articles 201 et 202 qui sont ainsi
convus Art. 201 : « Le mariage qui a été déclaré nul, pro« duit néan1noins les effets civils, tant à l'égard des époux,
« qu'à l'égard des enfants, lorsqu'il a été contracté de bonne
« foi. - Art. 202. Si la bonne foi n'existe que de la part de l>un
« des deux époux, le mariage ne produit les eITets civils qu'en
« faveur de cet époux et des enfants issus du mariage. » Cette
disposition de la loi est équitable ; si l'on annulait rétroactivement le mariage, si on ne lui faisait produire aucun eITet, on
frapperait des innocents, en refusant la légitimité aux enfants
qui en sont issus ; on serait injuste envers les époux, car étant
de bonne foi, on ne peut le1.1r reprocher l'erreur qu'ils ont corn-
�-
234 -
n1ise et cette sévérité serait inutile, car la crainte de la peiJH~
n ·arrête que ceux qui savent ce qu'ils font et ici les époux ne se
doutaient pas de l'irrégularité de leur union.
Le droit canonique avait, lui aussi, fait produire cet effet à la
bonne foi des parties. '"loici con1n1ent il définissait le n1ariage
putatif. 11IatrinioniuniJ?Ufativunz est quod bona fide et solernriiter salteni, op-i- nione conJugis lotins, Justa ·interpe1~sonnasjuri.gi
vetitas cons~iit. Et Pothier disait : (< Ce cas auquel le mariage
«. quoique nul a des eŒets civils, est lorsque les parties qui l'ont
« contracté étaient dans la bonne foi et avaient une juste cause
<t d'ignorance d'un en1pêchement dirimant qui le rendait nul. »
De nos jours, la seule condition pour que le mariage soit réputé
régulier, est qu'il ail été contracté de bonne foi, et par bonne foi
00 entend l'erreur des parties, la fausse croyance, qu'elles ont
eue de la validité de leur union. Toute espèce d'erreur est-elle
admissible, et ne faut-il pas distinguer entre l'erreur de droit et
l'erreur de fait, entre l'erreur excusable et l'erreur gTossière?
Nullement, les termes de l'article 201, so11t généraux et là où la
loi ne distingue pas, il ne faut pas introduire de distinction. A
Rome, où la différence entre les det1x espèces d'erreurs était
bien plus importante, que dans notre droit, on ne les distinguait
pas au point de vue du mariage, ainsi que cela résulte des lois
57 § 1. 23. 2. D. et Const. 4. Code 5. 5. Pourquoi d'ailleurs établirait-on une dissemblance? En vertu du principe que, nul n'est
censé ignorer la loi? Nous savons déjà, qu~elle juste portée il
faut donner à cette maxilne, qui n'est écrite nulle part dans not re
Code Civil. Que la preuve de l'erreur de droit, soit inoins facilement
accueillie par les tribunaux, parcequ'elle est moins vraisemblable,
que 11erreur de fait, c'est justice (1). niais pu.isque tout aussi bien
( l) La dernière décision judiciaire su r cette question à été rendue, par le
Tribunal de Toulouse, le 24 (évrier 188 1. Dalloz, 1881-2. 199. - Le tribunal
a jugé que la bonne foi requise pour le n1ariage putatif peut résulter d'une
erreur de drolt. - Metz, 7 février 1854 (Oall. 18!>4. 2.. 2.lO). - .Paris, (Dalloz
-'.860. 2. 137).
-
I
1
235 -
que l' erreu1' de fait, elle engendre ln bonne foi, elle doit produire le
même e[et. Cela s'applique encore à l'erreur grossière. 11 suffit
qu'il y ait eu bonne foi, sans avoir à rechercher le degré de négligence des parties . Donc le Code se n1ontre moins rigoureux que le
droit canonique et 1' ancien droit.
A que l moment doit exister cette bonne foi ? Au moment de la
célébration : encore que les époux ou l'un deux: viennent à avoir
connaissance de l'irrégularité de leur union , la bonn~ foi est censée
persister jusqu'au j our où le n1ariage n'a pas été annulé par les tribunaux. On a voulu cependant que le maria ge ·n e produisit les
effets civils attachés à sa validité, qu'autant que dûrerait la bonne
foi. On a même distingué entre les diverses nullités et l'on a dit que
n~alg-ré la survenance de la mauvaise foi, en cas de défaut de publicité, le mariage continuerait à être réputé valable ; tandis qu'en cas
de bigamie, il ne serait plus considéré comme tel, du jour de la découverte de l'erreur. Distinctions arbitraires que l'on ajoute au texte
de la loi, qui a sagemment agi en n'en faisant pas mention. Car il
eut été très difficile de prouver à quel moment précis la bonne foi,
croyance intime, avait cessé, et il eût été dangereux, d'après un
mbde de preuve si délicat, de tenir tel enfant pour légitime ou naturel, selon qu'il était né avant ou après la cessation der erreur. D'ailleurs dans certaines hypothèses, la loi elle-même, engage les parties à rester unies malgTé la connaissance qu'elles ont de leur e~reur,
puisque le j our où le vice de leu r union disparait, elle valide le
mariage, comme dans le cas d'impuberté par exemple. Comment
donc pourrait-on les punir, pour n'avoir point rompu un mariage
que la loi elle-même confirme et déclare réguli('r?
Qui doit établir la bonne foi? Ici il y a encore lieu d'appliquer
le principe, que la bonne foi se présume toujours et c'est à celui
qui de1nande la nullité radicale et absolue du ma1iage, à prou·ver
que la bonne foi n'a jan1ais existé. Le Code lui-n1ême applique
ce principe dans les articles 1116 et 2268. Mais certains auteurs
�-236soutiennent que c'est par exception que le mariage nul produit
des efiets civils en vertu de la bonne foi. C'est donc à celui qui
invoque l'exception à prouver qu'elle s'applique bien à lui et à.
établir sa bonne foi. Ce n'est pas une exception à une règle générale: la loi par sa toute puissance, erige en principe, que celui
qui est de bonne foi, profile des effets du mariage comme
s'il était valable. Il n'est p as plus exact de .dire, qu'en général11
c'est au demandeur qu'incombe la preuve de la mauvaise foi:
act0t·i t·ncumbit probatio, ca r il peut se présenter tel cas , où précisément celui qui est demandeur au procès sollicite, des magistrats, de faire produire au mariage tous ses effets, en vertu de la
bonne foi qu'il prouve avoir exis té dans l'esprit des conj oints,
ou de l'un d'eux. Ainsi quand c'est un enfant qui demande une
pens ion a limentaire à ses parents, dont le mariage a été déclaré
nul: pour l'obtenir il doit établir leur bonne foi. Il nous reste à
nous demander si la bonne foi dont parle la loi peut couvrir toutes les nullités, les nullités radicales et absolues,
comme les nullités temporaires et relatives. A-t-elle pour résultat de rendre valahle le mariage nul, pour défaut de consentement par exemple, ou seulement le mariage nul pour erreur sur
la personne civile? La question est vivement controversée.
Selon nous, que la nullité soit absolue ou relative, que le roariaç-e
ait réellement existé et ait été annulé, soit qu'il n'ait jamais )
existé, peu importe. En elTet, l'article 201 en parlant du mariage
qui a été déclaré nul, comprend à la fois et les nullités prononcées par les juges et celles qu'ils se sont bornés à constater. En
second lieu, sa place à la fin du chapitre IV, démontre qu'il
s'applique à toutes les nullités qui sont étudiées dans ce chapitre,
comme la bigamie et la clandestinité. Il faut dire aussi que cet
article a une portée plus grande et qu' il s'applique en outre à
toutes les nullités qui ne sont pas prévues dans ce chapitre
quelles qu'elles soient. Il fut dit, en elTet, par M. Tronchet
-
237 -
devant le Conseil d'Etat, que le mariage contracté de bonne foi
àvec un mort civilement était un mariage putatif. Il faut donc
admettre, que l'union célébrée devant une a utre personne que
!'ollicier de rEtat-Civil, sera un mariage putatif, si l'un des
époux. au moins est de l.Jonne foi. On prétend cependant que ce
cas ne tombe pas sous l'application de l'a1ticle 201 qui parle du
tnariage confracté. Or, dit-on, ici il n'y a pas eu célébration, il
n'y a eu qu'un simulacre. On joue s ur les mots, car le mariage
est contracté aux yeux de celui qui a été induit par erreur et
l'on ne doit pas restreindre ce mot à la célébration devant l'officier de l'Etat-Civil, s inon la loi eut employé le mot céléb1·é. On
ajoute qu'ici il n'y a même pas eu semblant de mariage et que
la loi ne peut pas faire vivre, ce qui est nul ; quod nullum est
nullum produciL e(fectum; ma is le ma riage existe-t-il davantage,
quand il est radicalement nul pour erreur sur la personne physique par exemple? On ne peut dire que la présence de l'officier
de l'Etat-Civil soit absolument essentielle et inhérente à la vali ·
dité du mariage, puisque la loi regarde comme valables les
mariages cou tractés à l'étranger hors la présence de l'officier de
l'Etat-Civil et sans formalités, si la législation qui régit le pays
où le mariage a été céléb ré, n'en exige pas. Remarquons enfin
que dans ce cas, autant que dans tout autre, si ce n'est plus,
l'erreur mérite indulgence : car il est facile de se tromper et de
croire que la personne que l'on a devant soi, a réellement reçu
de la loi le pouvoir de célébrer le mariage. Le législateur pourrait-il dépouiller de tout elîet ce mariage pour défaut de célébration, alors qu'il regarde comme valables, des mariages où
l'erreur est beaucoup moins excusable , comme ceux où les
époux sont parents ou engagés dans les liens d'un précédent
marhge. (1) Donc la bonne foi couvre la nullité quelle qu'elle
( 1) Sic P aris 1838 (Derille. 1838. 2. 113.) Cassat 1847. (Deville. 18.\7. !. 116)
Contrà Bourges (Dall. 1830. 2. 215,)
�-238soiL Nous ne voulons pas nous étendre sur les effets que la
bonne foi fait produire au mariage. Nous devions montrer quelle
était la vertu spéciale que la loi donnait à l'erreur sous le nom
de bonne foi, de communiquer une validité rétroactive à un
mariage déclaré nul. Nous tenons cependant à dire, en quelques
mots, combien sont importantes les conséquences de la bonne
foi jusqu'au moment où le mariage et plutôt dissous qu'annulé
•
par la décision judiciaire.
Il faut distinguer deux hypothèses. D'abord, les époux sont
tous deux de bonne foi. Ici le mariage putatif produit tous
les effets du mariage régulier à l'égard des époux, des enfants
et des tiers. Donc, droits sur la personne et les biens des enfants,
tutelle en cas de prédécès de l'un des époux, incapacité de la
femme, exécution du contrat qui détermine le régime ou application des règles de la communauté, en cas de silence du
contrat. Si le j ugement n'est pas encore prononcé lors de la
mort de l'un des conjoints, droits de succession, sous les réserves déterminées par la loi ; droit de succession sur les biens
des enfants. En ce qui concerne les enfants, ils ont tous les
droits et prérogatives des enfants légitimes : nom, droit aux
aliments, droit successoral sur les biens de leurs parents, des
ascendants de leurs parents et de leurs frères ou sœurs. En
outre, malgré controverse, le mariage putatif a pour effet de
légitimer les enfants naturels nés avant la célébration. Car
tel est l'efiet du mariage valable ; mais, pas plus que ce dernier, le mariage putatif ne peut légitimer les enfants incestueux ou adultérins (331 et 335). Si l'art. 202 ne parle que des
enfants issus du mariage c'est qu'il statue de eo quod plerum
que fit et même de ceux-ci il ne s·en occupe que d'une façon
incidente ; d'ailleurs, l'art. 201 qui pose le principe, parle des
enfants en général, et si l'on n'admettait pas que le mariage
putatif a cet effet, il serait faux de dire qu'à l'égard des époux
- 239 il produirait tous les elTets du mariage régulier, car il peut se
foire que ceux-ci se soient mariés dans le but de légitimer les
enfants nés avant cette union viciée par l'err~ur et afin de
retirer de la légitim ilé les bénéfices moraux et pécuniaires qui
y sont a ttachés. Pothier disait que la bonne foi que les parties
ont eue en contractant ce prétendu mariage ne peut donner les
droits d'enfants légit imes a ux enfants nés du commerce qu'elles
ont eu ensemble auparavant, car ce commerce est un commerce criminel de la part des deux parties, dont le vice ne
peut ê tre purgé que par véritable mariage (1). Puisqu'on
admet que le mariage valable efface l'irrégularité de ce commerce, il faut que le mariage putatif qu'on lui assimile, ait le
même résultat, pourvu que la bonne foi existe au moment du
mariage. A l'égard des tiers, on peut encore résumer en deux
mots les résultats de la bonne foi. Le mariage putatif est réputé
valable. Incapacité de la femme, hypothèque légale et donatious f·lites par contrat de mariage, toutes les règles édictées
pour les mariages réguliers s'appliquent ici.
Mais que faut- il décider si l'un des deux époux est seul de
bonne foi? Tous les eŒets que nous venons d'énumérer, et plus
généralement tous ceux que la loi donne au mariage inattaquable, se produisent à l'égard des enfants et de l'époux de
bonne foi; l'autre époux est privé de tous les avantages du
mariage. Pour lui, le mariage est censé n'avoir jamais existé ;
aussi ne peut-il pas demander l'exécution des conventions
matrimoniales. L'époux de bonne foi a seul ce droit, mais ce
droit est indiYisil>le, il ne pourra pas exécuter ces conventions
en partie seulement, car loules les clauses du contrat se tiennent et forment un acte à litre onéreux qu·on ne pent scinder.
Lui seul, peut demander l'exécution des donations faites par
(1) Pothier. Mariage, 44 1.
�-
240 -
contrat de mariage, même les donations réciproques (arg.
d'analogie tiré de rart. 300), droit qui est refusé à l'époux de
mauvaise foi. n ne peut même pas garde r les dona tions à lui
faite par contrat de mariage, car sinon on fer ait produire
quelque effet au mariage qui n·en doit point produire pour lui ;
le enfants il est vra i, seront les premiers à sou!Irir de cette
rigueur. fais si l'on n'admet pas cette solution, que décideraiton dans le cas oü aucun enfant n'est issu du mariage? Que
serait la donation jusqu·à la naissance d'un enfant ou si l'enfant
meurt ayant la donation ? Cela ne s'applique pas cependant à la
donation de biens à venir qui renferme une s ubstitution en
faveur des enfants de l ïnstitué, au cas où il viendrait à être
incapable ou à mourir (art. 1082). De même il faut décider que
les donations quïl a faites aux tiers ne seront pas révoquées
pour cause de survenance d'enfan t, car il p rofiterait directement de cette révocation, puisqu'il jouirait des biens compris
dans la donation révoquée pour cette cause. Il ne peut pas
davantage révoquer les dona tions qu'il a faites à son conjoint
pendant le mariage. Il succèdera pas à l'époux de bonne foi,
si celui-ci meurt avant lui ; il ne succède aux enfants issus
de son mariage. Il peut être tenu de fo urnir les a liments et ne
peut en obtenir, si sa parenté naturelle n'est pas certaine et
légalement constatée. La puissance paternelle ne lui appartient
pas, à moins que l'autre conjoint de bonne foi n e soit mort, et
seulement si sa paternité naturelle est certaine. Il ne dev ient
pas tuteur des enfants issus du mariage. Si c'est le mari qui
est de mam·aise foi, il n'a pas le droit d'autoriser sa femme et
ne peut demander la nullité des actes faits sans son autorisation. Si c'est la femme, elle ne peut se prévaloir d'une incapacité qui n'a son fondement que dans la qualité de femme
mariée, et, si son mari est de bonne foi, il pourra seul deman-
-
241 -
der la nrlllité de ces actes qdi ne lui seront pas oppos~:btës.
Du jdur où lè mariage est hhnulê, il ne produit plus Wetrets. Les
seulS 'effets civils a tlachés au m ariage putatif cohtirHierodl à
subsister. L'union n 'est plus qu'm1 concubinage e~' les enf!Xnts
qui en naitront ser ont illegitimes.
CHAPITRE V.
De l'erreur en matière de Successio'n s.
Acceptation.
La cdnnaissarfoe de r ouverture de la successfon est nécessaire, p our que l'héritier puisse l'accepter ' valaÏMm'ent. C'ést
ce que Pothier expr imait en ces termes : << La volonté 'supp'osè
« la connaissance de ce qu'on veut. Nous ne pouvons pas vou« loir accepter une succession que nous ne savons pas êt'rb
ou'Verte et noùs être déférée (1). >> Si le Code n'a pas re1prod-üit'
cette r ègle empruntée an droit Romain, c'est qu'il n'en ét~i t '
nul besoir\''; d'ailleurs ils la maintient implicitefu1et1t, 'en déferldant tous les 'actes relatifs à une succession fu't u're : br; accep'...
ter une succession qui n'est pas encore ouYerte, c'est accepte\une succession' future.
Supposons dôhc qu'bn corinàisse l'oûverture dë'la'suc!cess ion
et qu'on l'accepte. Quelle est l'influence de l'er reur en 'hl-aüère
(1) Pothier, Successions cllap. Ill, secl. III, art. 1,
~
1.
16
�-
2-12 -
d'acceptation d'hérédité. Ecartons tout d'abord le cas où. l'on
accepterait une succession pour une autre. Ici le consentement
fait défaut, car l'erreur tombe 1·n ipso coi-pore rei et une telle
erreur est, nous le savons, destructive du consentement. L'acceptation dans ce cas est absolument nulle et non pas seulement
annulable, comme le soutiennent MM. Aubry et Rau, qui donnent pour faire annuler une pareille acceptation, l'action en
nullité ou en rescision prescriptible par dix ans, qui ne s'applique qu'aux actes annulables ou rescindables. La succession que
l'on accepte, est bien celle à laquelle ont est appelé et que l'on
veut accepter, pourrait-on la faire annuler par erreur sur la
substance conformément à l'article 1110? Non. L'ar t. 783 en
parlant des causes de rescision de l'acceptation ne fait aucune
mention de l'erreur. Voici comment il est conçu. « Le majeur
« ne peut attaquer l'acceptation expresse ou tacite qu'il a faite
« d'une succession, que dans le cas où cette acceptation amait
« été la suite d'un dol pratiqué envers lui : Il ne peut jamais
« réclamer sous prétexte de lésion, excepté seulement dans le
« cas où la succession se trouverait absorbée, ou diminuée de
« plus de moitié, par la découverte d'un testament, inconnu au
« moment de l'acceptation. » La loi a eu raison de ne pas
compter l'erreur sur la substance, au nombre des causes d'annulation de la succession, parce que l'erreur sur la substance,
ne peut être ici que l'erreur sur la valeur de la succession. Or
la valeur n'est pas une qualité substantielle, et au surplus cette
erreur se confondra le plus souvent avec la lésion. On ne peut
en effet, se tromper sur la substance d'une succession, parce que
toutes les successions forment une même espèce de choses, et
la qualité substantielle de l'une est la qualité substantielle de
l'autre ; cette qualité ne peut différer selon les successions que
par la quotité, en un mot par la valeur. Cependant, l'erreur est
encore nécessaire pour qu'on puisse invoquer la lésion. Car
-
243 -
il tésolte du texte de l'article, que nous venons de citer,
que pour l'on puisse réclamer pour lésion de plus de moitié, il
faut établir la découverle d'un teslament inconnu au moment
de l'acceptation. Nous n'avons pas à nous occuper des discussions que soulève l'interpréta lion de cet article : bornons-nous
à constater le rôle que l'erreur joue dans le seul cas où la rescision pour lésion est admise. La loi exige comme premiêre
condition, que l'héritier ait ignoré l'existence même du testament. Il ne suffirait pas que l'héritier en ait ignoré le contenu ;
ce serait donner une prime à la négligence la plus grossière
que de permettre de demander l'annulation de l'acceptation
d'une succession, transmise par un testament dont on a négligé
de prendre connaissance. C'est à l'héritier à prouver qu'il s'est
trouvé dans l'ignorance de ce testament, pour que son acceptation soit déclarée nulle.
L'erreur a aussi une très grande influence sur l'acceptation
tacite. L'héritier qui fait des actes de maitre sur les objets de
la succession est réputé l'avoir acceptée. (art. 778.) Mais, pour
que l'héritier soit tenu pour acceplallt, il faut que l'acte suppose
nécessairement son in tention d'accepter. L'acte de propriétaire
n'aurait donc pas cet eITet, si l'héritier pouvail démontrer qu'il
n'a pas regardé l'objet comme faisant partie de la succession;
lors, par exemple, qu'il dispose d'un objet de la succession,
non pas en vertu de son droit d'héritier, mais parce qu'il croit
que cet objet lui appartient à un autre titre. Mais, objecte-t-on,
puisqu'il n'avait le droit d'en disposer qu'en sa qualité d'héritier, d'après l'art. 778 lui-même, il doit être présumé acceptant.
Cette seconde partie de l'article ne sert qu'à obscurcir et embarrasser la première ; ce que la loi exige avant tout, et c'est la
partie importante de l'art. 778, celle qui ne prête pas à la critiquer, c'est que l'acte suppose nécessairement l'intention d'accepter, or, si le successible a été dans l'erreur, cette erreur
�-
-
24-1-
dét.c\lit sqn il).tentjon d 'jlrcepter. Vpici une apE}licatioq, assez
récente que la Cour de Cassation a faite de ce& Pr\ucipes, Un
successible était en même temps donataire d'Wl, irJlmJ~µpl~.
Apr:ès la mort du défuni1 il se mel en possession d~ lïmm~uble,
eJ,l, croyant ~er de son droit de donataireet nuHement faire
acte d'héritier.Il.se trouva que la donatioq n'était pas y~l(\.b\e par ,
rapport a4x. tiers, à cause du défaut dE; transcription; p;i.r suit~,
on soutenait que le doua taire n'avait pu prendre possession, de
ce bien que comme héritier et qu'il avq..it accepté tacitement. La
Cour repoussa. ce raisonnenwnt en disant qµe l'héritier avait
deu~ titres : celui d'h~ritier et ce\ui de donataire. : que l'un
pouvait µ'être pas _opposable aux tiers, mais puisque le don~
tai,re avait cru quïl possédait à ce titre, son acte ne ~u,p posait pas
nécessairement l'intention de se comporter en héritier et d'accepter la succession (1). Donc tout, en matière d'acceptation
~cj~e, .se résume en un.e question d'intention. Si l'acte est douteuxA on {le peut présum.e,r lïntention d'accepter. Si l'héritier a
été dans rerreur, on ne peµt pas davantage ia s upJJoser. Mais
s'il prétend qu'il s'est trompé, c'est à lui à l'établ~r (2)_: Excipiendo. reus fit act01-.
SEC:::TXC>N"
II
Renonciation
Comme en cas d'acceptation, il faut, pour que la renonciation
soit va~ble, que la succession, qu.i en est l'obj~t, soit ouverte et
q1,1e le renonçant ne l'ignore pas, sinon il renoncel'.ait à une suc(1) Cassat. U janvier 1868. Dalloz. 18G8, t-130. Laurent, tome I X, p. 360.
(2) L, 87. 29. 2. D. et P Qtbier. Des succession~, cb. HI, sec~., Ill, art. 1, â 1
245 -
cession future, acte formellement prohibé par l'art. 791. L'errèur
qui porterait sur la succession elle-même (quand oh tenohce 'à
telle succession, croyant renoncer à telle autre), est radicalement
nulle, car ici encore, il y a erreur sur l'identité de l'objet èt, par
suite, défaut absolu de consentement. Si l'erreur ne tombe·que
sur la substa nce, c'est-à-dire que sur la valeur de l'hérédité,
elle n'a aucune portée; elle ne peut même pas profiter de la
rescision, pour cause de lésion, car la lésion n'est 'jamais une
cause d'annulation de la renonciation. Ainsi on ne pourrait
obtenir la rescision d'une renonciation que 'l'on a faite à une
succession dans la fausse croyance que l'on cotiservait son droit
à la réserve, non point, comme on l'a dit, parce que c'est une
erreur de droit et que l'erreur de droit n'autor ise pas une restitution, mais bien parce qu'en som me, on se plaint d'une lésion,
et la lésion n e saurait être invoquée contre une renonciation (1).
Des actes faits par l'héritier apparent
La seule question relative à l'erreur dans les successions qui 'ait
quelque intérêt et quelque importance est celle tle savoir qu'elle est
la valeur des actes faits par l'héritier apparent : tous les auteurs se
plaisent à donner à cette controverse de très longs développements.
La solution de cette difficulté, a une portée pratique très étenBue,
et jusqu'ici la jurisprudenee a obstinément repoussé la théorie
enseignée par la majorité des auteurs ; aussi chacun cherébe-t-U
à étayer son opinion sur de solides arguments. Nous n'avbris
pas la prétention d'étudier cette fameuse discussion, da:ns tbtis ses
h
,
(1) Riom, 16 février 1854. tDa)loz, 1855, 2, 62.)
�-
246-
détails. Nous exposerons briévement les divers systèmes
qui ont été soutenus et nous indiquerons les raisons qui nous
font accepter celui que la jurisprudence reCuse de suivre.
Voici l'hypothèse : La succession d'un individu qui vient de mourir, est ouverte. Un parent quelconque ou un tiers appréhende
l'hérédité, la possède pendant quelque temps, fait tous les ac~es
que comporte l'administration de ce patrimoine , dispose des
biens qu'il contient ; en un mot, il agit en véritable propl'iétaire.
Un autre successible, conteste les droits du possesseur, intente
contre lui la pétition d'hérédité et parvient à établir, que le possesseur n'a aucun droit sur la succession, que lui, demandeur, lui est
préférable et que par suite, il est le vèr1table héritier. L'héritier
apparent est déclaré déchu de ses prétendus droits, et le véritable
héritier est mis en possession de la succession. Mais cette succession n'est pas ce qu'elle était au jour de l'ouverture. Les actes
d'administration ou de disposition du précédent possesseur, ont
changé le caractère des biens qu'elle comprenait, en ont peut-être
diminué la quotité. L'héritier doit-il respecter les actes d'admiqistration ou de disposition qui ont été faits, à son insu ; tenir pour
valables les baux consentis, les paiements acceptés par l'héritier
apparent; regarder comme définitives et irrévocables les aliénations
qu'il a faites sans nécessité, par caprice peut-être ? Telle est la
question.
Avant d'y répondre, étudions quelle est l'influence de l'erreur ou
bonne foi, dans les rapports, entre l'héritier apparent et le véritable
héritier, sans nous occuper des tiers. Si l'héritier apparent, qu'il
soit de bonne ou de mauvaise foi, a possédé pendant trente ans les
bien de la succession. il les acquiert. A l'expiration de ce délai, le
pétition d'hérédité n'est plus recevable. S'il est de bonne foi, s'il a eru
que la succession lui appartenait, il gardera tous les fruits qu'il
a perçus de bonne foi ( l ) (Art 549 et 550 ; il en était autrement à
( 1) Casaat. 21 janvier 1852. (O. P. 52. 1. 56.)
-
247 -
Rome où l'on avait admis le principe (ructus augent hereditatem !)
il est tenu de rendre les biens dont il n'a pas disposé, la valeur de
ceux qu'il a aliénés a titre onéreux jusqu'à concurrence de son profit ; il ne répond pas des détériorations qu'il a faites de bonne
foi, et il pourra demander ainsi que le décidait Pothier, le remboursement de toutes ses dépenses. Mais malgré sa bonne foi, il ne pourra
prescri re ni en vertu de l'article 22t15, m en vertu de l'article 2279
applicable le premier aux immeubles, et le second aux meubles corporels, car l'hérédité considérée dans son ensemble, soit qu'elle soit
totalement mobilière ou immobilière, soit en partie mobilière et en
partie immobilière, l'hérédité n'est ni un meuble, ni un immeuble :
c'e$t une universalité dont l'acquisition n'est soumise à aucune de
ces deux prescriptions. Remarquons que l'erreur de droit comme
l'erreur de fait, peut engendrer la bonne foi.
Si, au contraire, il est de mauvaise foi, il est tenu de rendre
tous les fruits, même ceux qu'il n'a pas perçus et qu'il a négligés
de percevoir ; il doit la valeur r éelle de tous les biens qu'il a
aliénés, quel que soit le prix qu'il en ait reçu, de quelque façon
qu'il les ait fait sortir de l'hérédité( si l'action en revendication
dont hOus allons parler était inefficace) et encore qu'il ne se soit
pas enrichi: il n'a droit au remboursemen t de ses dépenses que
jusqu'à concurrence de la plus-value qui en résulte. On voit
donc combien il importe de distinguer si le possesseur a été de bonne
ou de mauvaise foi.
. Revenons à la question et étudions les effets de l'erreur dans
laquelle sont tombés les tiers qui ont traité avec l' héritier apparent,
en le prenant pour le véritable héritier. Ceux qui ont acquis de lui
des biens par vente, par donation, en sont- ils propriétaires incommutables; ceux qui ont payé entre ses mains sont-ils libérés; ceux
qui ont pris des immeubles de la succession à bail, sont-ils régulièrement en possession; les jugements intervenus entre les tiers et
l'héritier apparent sont- ils inattaquables ? Toutes ces questions,
�- 218 heureusement, ne sauraient être mises en discussion. La loi clleméme, décide que le paiement fait entre les mains du possesseur <.le
la crcance libère le débiteur (art. 12-!0), et cette dél'ision e.'St rationnelle, car le paiement est le plus souvent, comme nous l'expliquerons
plus loin, un acte nécessaire p•)Ur le débiteur. Le véritable héritier
ne saurait donc lui reprocher d'avoir obéi à une nécessité impérieuse
et, dans le cas où il n'y a pas nécessité pour lui de se libérer, il a le
droit de le faire. On admet généralement que les baux consentis par
le possesseur de l'hérédité doivent ètre maintenus, car, en tant que
possesseur,il a le droit d•administrer les biens; en outre, on n'est pas
ausc;i coupable de ne pas s'informer aussi soigneusement des droits
dn bailleur que des droits de l'aliénateur. Quant aux jugements, on
est d'accord pour les assimiler au paiement et dire que c'est un acte
nécessaire, auquel l'héritier apparent n'a pu ne pas répondre ou
qu'il a dù provoquer. Mais, dans ces divers cas, il faut supposer
que les tie.r s étaient de bonne foi; car si l'on pouvait établir qu'il y
a eu collusion entre eux et l'héritier apparent, le véritable héritier
ne serait pas te!lu de respecter les paiements qui ont été faits indùmen.t ou les jugemeQts qui ont été rendus conûe le possesseur
Quid des aliénations? P as de difficulté s ur l'aliénation des
meubles, car l'acquéreur de bonne foi est protégé par l'art. 2279,
qui crée en sa faveur une prescription presque instantanée. Pas de
discussion non plus sur l'aliénation des meubles incorporels, comme
une créance. La jurisprudence qui maintient les aliénations d'un
meuble, annule la cession de créance, contradiction réellement
inexplicable (1). Pas de controverse sur l'aliénation de l'hérédité ou
d'uue quote-part de l'hérédité. Les tribunaux tombent ici dans la
mème contradiction, puisqu'ils annulent une pareille vente et ils
aboutissent à ce résultat, à traiter plus favorablement l'acquéreur
d'un bien particulier que l'acquéreur de tous les biens héréditaires
-
an bloc .•D'où il suit, que si l'acquéreur achète les biens de la succession l'un :iprès l'autre, mais les acquiert tous, les diverses ventes
S<'l'ont valables ; s'il les acquiert tous d'un seul coup, la vente est
nulle, distinction qui n'est rien mçiins que Logique (1). M. Demolombc, qui fait reposer le droit d'aliénation de l'héritier apparent
sur l'idée d'un mandat tacite, donne cette raison : <1 En cédant son
droit héréditaire, l'héritier apparent excède son mandat, il n'administre plus, lorsqu'il abdique son rôle, lorsqu'il résigne son II\andat
en livrant à un autre 1' uni versa lité de sa gestion. » La. j ur1sprudence
donne un autre motif: elle dit qu' une telle vente suppose nécessairement la qualité d'héritier dans la personne du vendeur, qui est
obligé de garantir (2). Tout le monde, enfin, s'accorde à annuler la
donation d' un Ï1JJrneub le, car, pour les uns, le donateur ne peut pas
disposer de ce qui ne lui appartient pas et, pour les autres, le
mandat d'administrer dont on supposP. investi l'héritier apparent,
ne comporte pas le droit de faire des libéralités.
En somme, la discussion ne porte que sur un seul point.
L'aliénation à titre onéreux d'un immeuble de la succession
faite par l'héritier apparent est-elle valable, irrévocable ou bien
est-eHe rrnlle•et doit-elle tomber devant l'action en revendication du véritable héritier "? Sans h ésiter, nous répondons que la
vente est nulle, qu'elle ne doit pas ê tre maintenue, et voici les
principaux a rguments s ur lesquels s'appuie cette solution.
Quelques a uteurs, Voët, Vinnius, Lebrun (3), donnaient ·à
cette opinion l'appui de leur autol'ité. Mais laissons de côté
la t radition, qui est peut-être plus favorable à l'opinion contraire, et passons à un autre ordre de preuves plus positives.
L 'article 1599 dispose que la ven te de la chose d'autrui est
nulle. Cet artiole, qui présente certa ines ditncultés <l'interprétak
Ci)
Cassation, 11 mai 1839. (Deville. 1839, 1. 16.9), Cassat., 14 août 1840.
(Deville. 18W, 1. 753).
249 -
( 1) lifoulon, t, II, p. 259.
(2) Cassat., 26 août 1833. Al. V· succes., n· 555.
(3) Lebrun, des Successions, Liv Ill. Cb. !V. 1.l" 7.
�-
250-
tion, n'a jamais été discuté en ce qui concerne la nullité de la
vente par rapp11rt au propriétaire, qui à son insu a été dépouillé
de son bien; il a le droit de revendiquer sa chose. Ce principe
doit être appliqué ici dans toute sa rigueur. L'héritier apparent est-il propriétaire? non; a-t-il le droit de vendre? non
encore; par conséquent, en aliénant la chose il a disposé de la
chose d'autrui. . rous disons que !"héritier apparent n'est pas
propriétaire, parce que la chose ne peut appartenir pour le tottt
à deux personnes à la fois et ici le vrai propriétaire, c'est l'héritier. En effet, du jour de l'om·erture de la succession , il a été
saisi de plein droit, à son insu, sans s'en douter, des droits actifs
et passifs du défunt. ïl accepte la succession, l'acceptation
confirme la saisine et la rend irrévocable, et cela est tellement
exact, que l'effet de !"acceptation remonte au jour de l'ouYerture
de la succession. S'il renonce, il est censé n'avoir jamais été
saisi. La saisine n'est pas coll ective; elle n'appartient pas à
tous les parents successibles, en admettant que l'héritier apparent soit successible au degré, fixé par la loi. La saisine
n'appartient qu'au premier de ces successibles, à celui qui est
préférable aux autres. Comme disaient les anciens autem:s
auquels a été empruntée cette fiction de la saisine. Le mort
saisit le vif, son hoir le plus proche et habile à succéder (1). Donc
s'il n'est pas propriétaire, il ne peut pas aliéner et s'il n'a aucun
droit sur la chose, il ne peut transférer à autre plus de droits
qu'il n·en a lui-m ême ; principe indiscutable et écrit en toutes
lettres dans notre Code. « Le vendeur, dit l'article 2182, ne
« transmet à l'acquéreur que la propriété et les droits qu'il
« avait lui-même sur la chose vendue, il les transmet sous
« l'a.fiectation des mêmes privilèges et hypothèques dont il
u était chargé, '' et l'article 2125 n'est pas moins explicite. Que
l'acquéreur de bonne fo i gagne les fruits, qu'il puisse prescrire
( 1) Article 318. Coutume de Paris.
-
251 -
la propriété de l'immeuble par dix ou vingt ans, voilà ce que
personne ne saurait contester, mais tant qu'il n'a pas acquis
la propriété par la prescription, le droit de l'héritier véritable
reste intact, parce que l'héritier apparent n'a pu transmettre
aucun droit a l'acquéreur.
La loi a bien apporté à l'article 15!)!) quelques exceptions .
Ainsi, les aliénatiolls faites par les envoyés en possession définitive des biens de l'absent sont inattaquables, parce qu'il s'agit
rle biens aliénés après trente-cinq ans au moins d'absence(132).
Il n'y a pas d'analogie entre celte situation et celle de l'héritier
apparent, car si celui-ci a posséclé l'hérédité pendant trente ans,
nous avons dit que le véritable héritier, n'aura plus de recours
contre lui. Les actes de dispositions faits par le donataire, dont
Je droit est révoqué pour cause d'ingratitude (958) sont encore
maintenus, parce que si son droit se trouve rétroactivement
anéanti, c'est parce qu'il s'est rendu coupable d'une ofiense grave
enVfill'S le donateur; la révocation est donc une peine qui ne doit
pas atteinùre les Liers innocents. On comprend encore, que l'on
ne Çqnne pas a u déposant le droit de revendiquer les biens
aliénés par l'héritier du dépositaire, (art. 1935) parce que les
meubles seuls pouvant faire l'objet d'un dépôt, les tiers sont
protégés par l'art. 2279. Que l'on tienne pour valables à l'égard
du renonçant qui revient sur sa renoncia tion, les actes faits par
le curatetu· à la s uccession pendant qu'elle était vacante, c'est
juste : car la loi donne au curateur le droit d'aliéner et la con'
ce~sion de ce droit n'a rien d'exhorbitant, puisque l'exercice est
entouré de nombreuses garanties (790). Il n'y a donc aucune
assimilation à établir entre le curateur à une succession vacante
~t l'héritier apparent; car le premier agit au nom de l'héritier,
~t se ti:ouve soumis à un contrôle sévère; « tandis que l'héritier
<( apparent, comme dit Marcadé, est l'adversaire naturel du
« véritable héritier, le curateur de la succession vacante est
�-
-
25!2 -
" mandataire légal de de l'héritier renonçant. » \ 'oilà les principales exceptions que la loi apporte au principe de l'article 1599.
Le Code n·en contient aucune qui soit s pécialement relative a
l'béritier apparenl ; pas une de celles que nous venons d'énu.:
mérer ne lui est applicable pa r voie d'analogie ; car il n'y a pasl
parité de situation et l'héritier ne <loit pas bénéficier <les raiSorrs 1
spéciales et particulières qui les ont fait établir par le l égisla~
teur. Il y a enfin un autre argument, que l'on pourrait indiquer.
La loi exige que les successeurs irrégulier s envoyés en posses- r
si?n des biens du d éfunt, fournissent caution pour la restitution
du mobilier qu'ils n'em ploient pas en acquisitions d'immeubles
ou quïls ne placent pas en rentes sur l'Etat ; quelle est la
raison de cette disposition? C'est que l'aliénation des m eubles
deYenant irrévocable, par J'e[ et de la prescription de l'article
2279, l'héritier préférable au successeur irrégulier, n'aurait plus
de recours contre le tiers acquéreur. Or, si l'aliénation des
immeubles était irrévocable, comme le plus souvent ils ont une
bien plus grande valeur que les meubles, la loin 'eût pas manqué
d'exiger, pour la restitution des imm eubles ou de leur vàle\lr
'
la caution qu'elle impose pour la restitution des meubles; si elle
ne l'a point fa:t, c'est que l'aliénation des immeubles n'es t pas
irrévocable. Sinon on créerait au profit des immeubles, une
prescription instantanée, sembla ble à celle qui s'applique aux
meubles.
Malgr é la force de ces arguments, quelques auteurs et la
jurisprudence presque unanime de la Cour de Cassation et des
tribunaux., n'admettent pas cette opinion. Avant de passer en
revue les arguments qu'on tire des textes, il en est un, qu'il
nous faut présenter le premier, comme le plus grave et le plus
important. Oui, dit-on, en droit pur, vo us avez peut-être raison,
mais en équité, il serai t souverainement injuste d'annuler les
-Oroits des tiers acquéreurs qui sont de boh'Il'.e -foi, qui oi'rt été
253 -
victim ~s d'une erreur très difficile à éviter, une erreur commune,
p~ut-être, dans laquelle quiconque serait tombé, (1) des tiers qui
n'ont pu se douter, aussi minutieux qu'on veuille les s upposer,
que le possesseur de l'héré<l ité ne fùt qu'un héritier apparent.
En annulant la vente, on les punit pour une faute qu'ils n'ont point
co,~uroise, el on les atteint dans leurs intérêts. Ils auront il est
'
.
vr·a.i, uu recours contre l'héritier a pparent, mais s'il est insolvable, leur action en garantie est absolument illusoire. Au surplus, ajoute-t-on, votre système est dangereux, car il arrête la
circulqtion des biens, nécessaire à la prospérité. d'une nation ; il
empêche toute sorte de transactions avec les héritiers; on n'osera
plYs en effet traiter avec eux, de peur de voir annuler les actes
qu'on a faits avec un contractant, qui n'était qu'un h éritier apparent: en outre, com m e le véritable héritier pourra r ecourir
contre les acquéreurs qui n'auront pas prescrit, pendant dix
ans au minimum, on rend la propriété incertaine.
A,sstirément, la situation de l'acq uél'eur de bonne foi, qui achète
des ,biens de l'hétitier apparent, est digne de piti é, autant que celle
des autres acquéreurs de bonne foi ; la loi lui accorde en raison de
soo. er.r;eur, le droit de faire les fruits siens, et de pouvoir par une
prescription de dix ou vingt ans, acquérir la propriété de l'immeuble possédé ; mais sa protection ne va pas au-delà. Que si elle a
fait quelques exceptions et s'est montrée plus favorable envers certains acquéreurs, c'est qu'elle avait des motifs particuliers qui
n'existaient pas ici vraisemblablement, puisqu'elle soumet l'héritier
apparent aux principes généraux. Mais nous plaçant sur le terrain
de l'équité, qui ne voit que l'argument que l'or. invoque, vient se
(1) Les aliénations i,mmobilières fai tes par l'héritier apparent peuvent être
si elles ont eu lieu de bonne foi et sous l'empire de l'erreur corn_
mune. 18 juin 186!1. Besançon ( O. P · 18CH, 2.171) idem: lorsque l'héritier ap·
parent a été admis au . partage, par suite d'une erreur (le droit. par l'héritier
vérîtable lui-méme; (même cour l" mars 1864. (D. P. 1864, 2. 61) Cassation, 4
aoùt 1875 (D. P. 1876, l. 123) Cassat. 13 mai 1879. (D.P: 1879 1, 417).
validée~.
�-
254 -
briser contre cette ra.Jsoo de suprême j ustice, qu'on ne peut pas
lat::-ser du jour au lendemain, dépouiller un individu qui n'a aucune
négligence à sti reprocher, par une personne q ui est peut- être de
mr.u ,•aise fot. qui sans l'ombre d'un droit. s'empare de biens qui ne
lui appartiennent point ? ··y a- t-il là un principe socia l 11 sauvegarder? Ne faut-il pas mel!re la propriété à l'abri des atteintes
étrangères, quelle que soit la bonne foi de ceux qui les commett ent?
Yoyoos quels sont les arguments de tc:-..te que l'on nous oppose.
Il est une remarq ue générale qui s'applique à quelques-uns d'eut?'e
eux; ou raisonne par analogie, or. il est indiscutable que les exceptions ne s'étendent pomt d'un cas à uo autre. La règle cesserait
d'être la règle, si oo pou\•ail à loisir , y introduire des exceptions et
celte observation suffirait pour rejeter quelques-unes des raisons
que l on emprunte aux divers articles du Code. On s'a ppuie snr
l'article 1240, qui rnlide le paiement fait entre les mains <lu possesseur de la créance. Nous ttvons déjà réfutl en deux mots
cet argument, en disant que le débiteur est tenu de payer, tandis
que l'acqu6reur n'est pas tenu d'acheter: le débiteur est tenu de
payer, car, s'il s'y refusait, l'héritier apparent pourra it le cootrain ·
dre en justice, et le dél.>iteur pour se soustraire à l'obligation de
payer entre ses mains, devrait étabtii· qu 'il existe un héritier véritable et qùe le demandeur n'est qu'un heritier apparent: preuve si
difficile et si incertaine qu 'elle suffit pour déterminer le débiteur à
se libérer , sans ètre obligé, pat· de:ss us le marché, de payer les
frais d'un procès qu'il est presque sùr de perdre.
On a essayé aussi d'amoindrir, l'arg ument que nous avons tiré
de l'article 1599; d'après l'opinion ad,·erse, cet article ne s'applique
pas ici. L' héritier apparent, so utient-on, a disposé de son propre
bien, car, d'après l'article 724 , les héritiers légitimes sont saisis de
plein droit, des biens, deoits et actions du défun t; or, sont héritiers
-
255 -
légitimes, tous les parents jusqu'au douzième degr é. Tous sont
saisis, chacun peut donc se mettre en possession des biens, sauf à
les r estituer à celui qui établira qu'il es~ préférable a u possesseur ( l).
Ce raisonnement est fa ux et il repose sar une notion inexacte de la
saisine. Comme nous l'avons déjà dit, la saisine n'est pas collective
et tous les parents ne sont pas saisis. L'article 724 dit : u Les
héritiers légitimes sont saisis de plein droit , etc. » Il ne dit que les
parents sont saisis de plein droit. l~st-il vrai de dire que les parents
sont héritiers légitimes en vertu de l'article 755 ? Non, tout ce que
cet article sig nifie, c'est qu'a u delà du douzième degré on ne peut
plus succéder, mais non pas q u'en deçà d u douzième degré, la
succession est dévolue à tous les parents. Et quels sont les héritiers
légitimes, ce sont ceux a uxquels la loi défère la s uccession, dans
l'o1·dre quelle indique. Donc est héritier légitime , celui qui vient
a u premier rang, dans l'ordre légal ; c'est en un mot le parent le
plus pr oche qui est saisi, et la meilleure preuve que lui se ul est
saisi, c'est q ue s'il accepte, il est censé avoir été propriétaire du
jout' de l'ouverture de la succession, a ucun autre ne l'était donc à
sa place (article 777).
M. Demolombe (2), qui est l'un des plus chauds défenseurs
du système que nous combattons, n'attache pas une très
grande i mportance aux arguments précédents . D'aprês lui
les ventes d 'immeubles faites pa r l'héritier apparent, si c'est
un parent du défunt, doivent être mainten ues, parce qu'il
est inves ti d' un mandat tacite en vertu duquel il représente
le véritable h ér itier. Mais où trouve t-on les éléments de ce
mandat? Ce n·es t pas dans la volonté du mandant ; car
enfin, le mandat suppose, comme tout contrat un concours de
(1) Cassat l ô janvier 1843. (Da lloz 1843. 1. 37).
('l) Dcmolombe, Traité de l'absence. T"me II n" 249 et suiv.
�- 256-
IJ
volontés qui n'existe pas ici, puisque le prétendu mandant vient
réclamer contre les actes de son mandataire. Est-ce dans la loi!
Mais la loi ne s'explique pas sur ce point. Supposons qu'il y ait
mandat, l'héritier apparent, a-t-il le droit d'aliéner? L'art. 1988,
répondra pour nous « Le mandat conçu en termes généraui<
« n'embrasse que les actes d'administration. - S'il s'agit d'alié« ner ou d'bypotbéquer ou de quelque autre acte de propriété,
« le mandat doit être exprès. »
La loi ne peut être formulée en termes plus impératifs.
y a-t-il ici mandat exprès ? Nullement : d'où, pas de dro1t
d'aliénation. l\I. Demolombe, répond ainsi à l'objection : « C'est
« là, dit-il de cet article, une simple règle d'interprétation, qui
u ne s 'oppose pas absolument à ce qu'on reconnaisse dans ~
41. mandat quelconque le pouvoir d'aliéner, si dans l'espèce, il
a est constaté que telle a été effectivement l'intention, soit de lq.
a loi, soit de la partie qui a conféré le mandat. C'est ainsi
a qu'autre fois le procurato1· omnium bonorum citm libera
a adminisL1'atione, avait le pouvoir d'aliéner, lorsque le mandant
cc partait pour un pays éloigné (1). » Il nous semble fl.U, cqn-.
traire que s i le législateur, abandonne l'ancienne théorie, c'el}i
afin d'écarter toute interprétation, afin d'éviter au juge de rechercher s i le mandat contient le pouvoir d ·aliéner et en présence des termes si explicites de la loi, on peut affirmer que tel
a été le but de ses rédacteurs : la portée de l'art 1988, ne doit
pas être restreinte à une règle d'interprétation. M. Demolombe
dit qu'on peut découvrir le mandat dans une double cause, soit
dans le fait même de la possession publique et notoire ùe l'hérédité, soit dans le droit conditionnel qui appartient jusqu'à un
ce1·tain point, aux parents d'administrer les biens d'une succession qu'on ne recueille pas. Mais encore un coup, le mandat ne
- 257peut résulter que de la loi ou de la volonté des parties. Où est
cette disposition de la loi ? Se trouverait-elle au moins implicitement dans l'art. 136 que, par analogie, l'on devrait appliquer
à l'héritier apparent. D'après 1'6minent jurisconsulte, cet article
défère aux co-successibles, qui se présentent à défaut de l'héritier véritable absent, la succession qui est dévolue à ce dernier,
et leur donne le pouvoir d'administrer et d'aliéner. D'après
nous, la loi se borne à reconnaitre les co-successibles de l'absence, comme des propriétaires provisoires, qui n'ont sur les
biens de la succession, qu'un droit révocable puisque l'article
137, ajoute que si l'absent revient avant trente ans, il aura le
droit d'intenter la pétition d'hérédité et de faire valoir ses autres
droits. La meilleure preuve que les co-successibles ne sont pas
les mandataires de l'absent, c'est qu'ils peuvent prescrire les
biens qui leur sont échus et s'ils peuvent prescrire, ils ne sont
ni propriétaires, ni mandataires. Ces co- successibles n'ont d'autre droit que celui d'administrer la succession.
L'accord d'ailleurs, n'est rien moins que parfait, entre les
auteurs qlli maintiennent la validité des aliénations consenties par l'héritier apparent. On compte bien quatre systèmes
distincts. Suivant Merlin, qui s'appui e sur le texte de la loi 25 §
4. 5. 4. au Digeste, l'aliénation n'est nulle que si révi.ction de
l'acquéreur de bonne foi, donne lieu contre l'héritier apparent à
un recours, qui dépasserait le montant de la condamnation à
laquelle aurait abouti l'action en pétition d'hérédité intentée directem ent contre lui (1). Le deuxième système va plus loin; il valide
les aliénations dans tous les cas où l'héritier apparent et l'acquéreur sont tous deux de bonne foi. Mais pourquoi exiger la
bonne foi du vendeur, alors qu'il s'agit de savoir quels effets
doit avoir la bonne foi de l'acheteur ? La troisième opinion
(1) Merlin, Répertoire v· Héritier~ 3.
(l) Pothier, du Ma ndat, cbap. V, art.
11.
g2
n• 1i7.
17
�-
•
258 -
-
n'exige que la bonne foi de l'acquéreur. La quatriè1ne enfin,
1r1aintient les aliénations fa ites par r 11éritier apparent, qui est
parent du défunt au n1oins au douzièn1e degré, elle les annule
si cet héritier n'avait aucun titre ou n'avait qu'un titre i1ul (1).
'f ous ces systèmes rejettent avec ensemble l'argun1ent tiré de
l'art 1599, qui n'a été fait, dit-on 1 que pour ron1pre avec le principe du droit romain, qui validait la ve11te de la chose d aut'rui ;
et l'al'gun1ent tiré de l'article 2182, qui n'a d'at1tre but que de
faire ressortir l'abrogation de la loi de Brumaire A11 VII} sur la
nécessité de la transcription. Ils invoquent l'article 132 qui maintient les aliénations faites par les envoyés en possession définitiYe des biens de l'absent et, appelant à leur aide les considérations fondées sur l'équité, ils prétendent qu'il faut préférer un
possesseur de bonne foi à un héritier négligent. Nous savons
con1n1ent on peut répondre à ces divers argu1nents, qui ne parviennent pas à détruire la force des preuves que nous avons
ex.posées et malgré les inconvénie11ts qui sont inhérents à notre
système, que nos adversaires sont obligés de reconna~tre ~
" comn1e le plus vrai théoriquement et le plus juridique'• >) (2~I?
malgré la rigueur ou l'injustice, qui pourront en être la
conséquence, par application stricte de la loi que nous n'avo1~s
point à refaire n1ais à respecter, nous nous prononçons pour la
nullité des aliénations d 1 in1m eubles faites par l'héritier apparent
et nous donnons le droit au véritable héritier, de les revendiquer
entre les mains des acquéreurs de bonne foi, qui ne les auraient
pas encore prescrits (3).
(1 ) Paris 16 mars 1806. (1866. t. 98. D. P.)
(2) Demol()mbe. - De l'~Lb sence . T. IL n· 24.4..
(3) Reno~s. 12 avril. 1844.. (Devil. 184.4. 2. 1150.)
•
259 -
j
CHAPITRE Il
[
De l'erreur en matière de donations, de legs et de partages
1
SEC::'"rIC>N
I
De l'erreur dans les donations
L'art 901, en disant que pour faire une donation ou un testament, il faut êtr e sain d'esprit, ne doit pas être entendu en ce
sens restreint, que toute personne qui est atteinte de démence
~e folie ou d'imbécillité, est incapable de disposer entre vifs 0 ~
Par ~cte de dernière volonté. Les termes ·qui ont
1
été employés
sont assez élastiques, pourper1nettre de soutenir qu'on peut considérer jusqu'à un certain point, con1me n'étant pas sain d'esprit
celui dont la volonté a été absolument détournée de son but, pa;
l'erreur, la violence ou le dol. C'est ce que tout le monde admet
pour la donation, que la loi définit à tort dans l'article 894:
« un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et
« irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire
« qui l'accepte. » Car la donation est un véritable contrat, qui
pour son existence, exige la concours des volontés des deux
parties, du donateur et du donataire. Si c'est un contrat, en
dehors des principes particuliers, auxquelles il est soumis, nous
lui appliquerons toutes les règles que nous avons développées
sur l'erreur dans les contrats .
�-
260
~
SE::C'T'IC>N" I I
De l'erreur dans les legs
1 1
Des donations se rapprochent beaucoup les legs et il n'y a
aucune raison spéciale qui empêche de les so umettre a ux. principes communs. Ainsi, le testateur a-t-il légué tel objet pensant
léguer tel autre, il y a erreur in ipso coi-pore rei et par suite pas
de consentement ; mais il sera très-difficile de prouver cette
erreur. S'il a légué une chose inexistante, le legs est nul faute
d'objet. Si l'erreur porte sur la s ubstance de l'objet légué, elle
annule encore le legs, par application de l'art. 1110 ; mais de
même, ici il sera presque impossible d'établir l'erreur du
testateur, car la qualité substantielle est la qualité que le
contractant a regardée comme telle ; or, après la mort du
testateur, il ne sera guère aisé de savoir sous quel rapporit il a
considéré l'objet légué et qu'elle était selon lui , sa qualité
substantielle. L'erreur s ur le nom ou sur une indication du legs
est sans aucune portée: c1 Si j'ai légué, disait Pothier, ma
« maison de vignes de la Corne de la paroisse Saint-Denis,
u ou mon corps de droit relié en veau, quoique cette maison
u soit de la paroisse de Saint-Jean-le-Blanc et non de celle de
c Saint-Denis, quoique mon corps de droit soit relié en basane
u et non en veau, le legs n'en sera pas moins valable (1). » Si
le testateur s'est trompé sur la propriété de l'objet légué,
d'après l'art. 1021, le legs est nul; s'il a légué sa chose croyant
disposer de la chose d'autrui, le legs est valable : plus est.in
in re quam in existimatione.
(\) Pothil}r, Trailé des donations testamentaires, ch. 11 i ll.
261 -
. Si.l'erreur porte sur la personne du légataire, comme ici,
amsi que dans tous les contrats à titre gratuit, la considération
sera n on avenu ; car
est déterminante ' le le"s
personne
de la
o
.
.
le le~ataire dont le nom est écrit dans le testament, n'est pas
celui que le testateur voulait gratifier et celui auquel il voulait
faire la libéralité, n'est pas nommé dans le testament. L'erreur
sur: 1e nom ou s ur la désignation de la personne, n'a aucune
iniluence lorsqu'il est certain, qu'elle ne déguise pas une erreur
sur 1a personne. Quant à l'erreur sur les qualités du légataire
ou sur les motifs du legs, suivant la règle générale elle est indifférente, mais ell e peut être prise en considération. Si, en effet,
il était incontestable que le motif indiqué par le testateur, ou
que la qualité qu'il a eue en vue sont des conditions auxquelles
il l'ui a plu de subordonner la libéralité, l'erreur annule le legs,
car elle a pour effet de vicier la volonté du testateur, qui, sans
cette eneur, n'eut pas fait le legs. Après avoir dit que l'erreur
sur le motif n'empêche pas les legs d'être valables, Pothier
ajoute : « Il en serait autrement, s'il paraissait effectivement
cc 'Pa1' les circonstances que la volonté du testateur a été de faire
<t dépendre le legs qu'il faisait de la réalité des dits faits (1), »
11. Il en serait de même, disait Furgole, si le testateur s'était
« trompé sur une qualité qui a été la cause de la libéralité, de
cc sorte que le testateur ne l'aurait pas faite s'il n'avait été dans
cc cette erreur (2). n
L'erreur peut atteindre aussi la révocation des legs. Si
l'erreur sur les motifs, qui est à peu près la seule qui puisse
vicier la révocation expresse, est la cause unique de cette
révocation, le legs est maintenu. On peut encore révoquer
tacitement les dispositions testamentaires, soit en faisant un
second testament qui contient des dispositions nouvelles
(l) Pothier, des Ponations testamentaires, ch. 11 S IIT.
(2) Furgole, tome 1, ch. V, secl. IV, n. 4 el Z.
�-
262 -
contra.ires aux premières ou incompatibles aver elles(art.1036)1
soit en aliénant la chose Jéguèe. Il est évident que si le second
testament est nul pour cause d'erreur, la révocation tombe et
Je testament reprend son eITet. La seule intention d'aliéner
robjet légué, manifestée dE' quelque façon que ce soit, révoque
le legs. Mais si la volonté du disposant est viciée par l'et'reur :
Quid jur·is? Il faut distinguer : a-t-il légué l'objet à une personne croyant le léguer à une autre, son intention d'aliéner est
éYidente et la révocation doit s·en suivre; mais s'il a disposé de
robjet légué, croyant en aliéner un autre, il n'a pas \'Oulu aliéner
Ja chose léguée et il n'est pas censé avoir révoqué le legs. Il n'y
a donc en somme , que !"erreur sur la chose même , qui
empêche l'aliénation d'entrainer la révocation, parce que dans
ce cas, l"intention d"aliéner l'objet légué n'existe pas. Ces règles
s'appliquent aussi au légataire. Son consentement serait vicié
par rerreur qui tomberait sur la personne du disposant, sur
certaines qualités du legs ou sur les motifs de son acceptation. Son acceptation elle-même peut-être viciée par l'erreur,
ce sera là une question de fait soumise à l'appréciation souvé1
raine du juge.
S ECTION" I I I
De l'erreur dans les partages
Les vices du consentement qui, sous les conditions déterminées par la loi, permettent de demander la nullité des conventions sont, nous l'avons déjà dit, l'erreur, la violence et le dol
(art. 1109). Ces trois causes de nullité sont-elles applicables aux
partages? Ecoutons Pothier : a. Les partages peuvent Mre J,!eS-
-
263 -
« Cindés par les mêmes causes, pour lesquelles se rescindent
les autres actes, comme pour cause de violence, de surprise
« et d'erreur- de fait (1). )) Dans le projet de l'an Vlil, les commissaires du gouvernement, fidèles à la doctrine de leur guide,
awaient formulé ainsi l'article 211 du projet. << Les partages
« peuvent être rescindés comme les autres actes pour cause de
« violence, de dol ou d'erreur de fait (2). » Mais devant le
Conseil d'Etat, l'article fut modifié et il devint ce qu'est aujourd'hui l'article 887 du Code Civil, qui est ainsi conçu. « Les par<c tages peuvent être rescindés pour cause de violence ou de
« dol. - Il peut aussi y avoir lieu à rescision, lorsqu'un des
cr. cohéritiers, établit à son préjudice, une lésion de plus du
<< quart. La simple om ission d'un objet de la succession ne
« donne pas ouverture à l'action en rescision, mais seule« ment à un supplément à l'acte de partage. » On a donc
retranché de l'énumération des vices du consentement, l'erreur
et cette suppression défend de donner à l'erreur en matière de
partages, l'effet qu'elle a dans les conventions. Ce n'est point
l!J1 ,qubli,, c~r Ufut positivement dit, au cours de la discussion,
qu'il était inutile de mentionner l'erreur comme cause de rescision du partage (3). Treilhard s'exprimait ainsi : << ou l'erreur
<< produira un dommage qui donnera lieu, par lui-même, soit
<< à une nullité de plein droit, soit à une action en nullité ou en
« rescision, ou bien elle sera indiITérente. » D'où il résulte, que
lorsque l'erreur se confondra avec un autre vice, comme le
défaut de cause par exemple, le partage sera radicalement nul•
non à cause de l'erreur, mais par suite de l'absence de l'élément
essentiel, sans lequel il ne saurait exister, et l'erreur profitera
de cette nullité ; ou bien elle se confondra avec la lésion ou le
ù
(1) Potbier, Traité des Successions. ch. IV. art.6.
('l) Fenet, tom. II, p.
1 ~8.
(8) Locré, teim. X, p. 142, n• 32.
�-
-
264 -
dol, et dans ce cas la nullité qu'on aura obtenue, profitera
encore à l'erreur ; ou bien elle sera absolument sans portée,
parce qu'en cette matière, elle n'a aucun efiet par elle- même.
Pourquoi la loi déroge-t-elle ici aux principes qui lui font
prendxe en considération l'erreur dans les contrats? En voici la
raison. L'erreur ne peut entrainer la nullité du contrat> que.
lorsqu'elle porte sur la substance de l'objet, ou s ur la personne
du contractant, lorsque la considération de cette personne est
la cause principale de la convention (art. 1110). En ce qui concerne l'erreur sur la substance, la loi a refusé de lui donner le
moindre effet sur le partage, parce que si cette erreur cause un
prejudice considérable à celui qui en est victime, un préjudice
qui dépasse le quart de sa portion héréditaire, la lésion sera
une cause suffisante, indépendamment de l'erreur, pour faire
rescinder le partage; si le dommage n'atteint pas cette proportion, et qu'on ne puisse inYoquer la lésion, l'erreur n'a par
elle-même aucune influence, parce que d'ordinaire, dans un
partage, on attache peu d'importance, à la qualité substantielle
des objets : tout ce que l'on recherche, c'est leur valeur pécuniaire, :Qase de l'égalité des lots.
En outre, le partage comprend le plus souvent plusieurs
objets ; il se peut que l'on se trompe sur la substance de l'un
d'eux, mais il arrive aussi que le dommage occasionné par
cette erreur, soit compensé par la plus-value d'un autre objet,
plus précieux qu'on ne le supposait. Au s urplus, il eut été très
difficile d'établir que l'erreur, portant sur un objet unique, avait
réellement vicié le consentement. D'ailleurs, quel est le résultat
auquel on aboutit, en faisant rescinder le partage; à donnel'
lieu à un partage judiciaire, qui, celui-là, est inattaquable : tl
est possible que dans ce nouveau partage la distribution soit •
identique à la distribution du partage amiable . En faisant rescinder celui- ci, les parties n'ont donc qu;une faible chance
"'
265 -
d'être dédommagées de leur erreur et la loi n'a pas voul\1 soumettre à une éventualité aussi douteuse, la rescision du partage
primitif.
I l n'était pas besoin de mentionner davantage l'erreur dans la
personne, parce que, dans ce cas, si l'on se trom pe sur la personne
même de son cohéritier, le contrat sera nul pour défaut de cause;
quand on partage, par exemple, avec un étranger qui n'a aucun
droit sur la succession. Si l'on ne se trompe que sur les qualités de
la personne, qui est véritablement l'ayant-droit, cette erreur n'est
jamais assez grave pour faire rescinder les conventions (à moins de
conventions expresses, qui n'ont pas de rai5on d'être en matière de
partages de successions) : pourquoi lui donner ici une plus grande
importance? Si je partage avec Pierre, que je crois être mon parent
et qui est bien mon cohéritier, qu'importe qu'il ne soit pas mon
parent ; ai-je partagé en vue de cette qualité? Nullement. Peutêtre, l'erreur sur cette qualité m'a fait faire des concessions que je
n'aurais point faites, si je ne m'étais pas trompé, mais si ces concessions sont peu importantes, le partage doit rester intact. Ceci
nous amène à nous expliquer sur 1' erreur qui porte sur les droits
des co-partageants. Comme nous venons de le dire, si un étranger à
la succession est, par erreur, admis au partage, le partage sera
nul, car il n'y a rien à partager avec celui qui n'a aucun droit; le
part<l.ge manque de cause. D'après quelques auteurs (1) et quelques
arrêts, le partage dans cette hypothèse, ne serait qu'annulable, et
l'action en nullité serait prescrite au bout de dix ans, par application
de l'article 1304. Opinion erronée, qui méconnait la portée de
l'article 113 1, en vertu duquel l'obligation sans cause ne peut avoir
aucun effet, c'est-à-dire est nulle, d'une nullité absolue et radicale.
Que l'erreur qui a fait admettre ce tiers au partage, soit une erreur
de fait ou une erreur de droit, il n'y a pas de différence, car ce n'est
(l) Duvergier et Toullier, t. III, n· 62. Aix, 12 décembre 1839. (Deville. tB•O,
2. 176.)
�-
-
266 -
pas parce qu'il y a erreur que le partage est inexistant, mais parce
qu'il manque de cause. Doit-il être refait en entier ou donner lieu
à une action en supplément clc partage, par application de l'nrt. 8871
Cet article, en effet, ne parle que de l'omisl3ion d'un objet de la suc..i
cession dans la masse à partager, et ici on peut considérer les biens
attribués à cet étranger, comme 'biens omis; solution qui a l'avantage de ne pas multiplier les causes de rescision du partage. Mais,
pourrait-on dire, il s'agit ici d'une part entière qui, venant à ~tre
partagée entre les véritables héritiers, pourrait bien ne pas rompre
l'égalité des lots, mais qui aorait pour effet de préjudici~r aux
parties qui ont fait le partage de la masse héréditaire, alors qu'elles
croyaient qu'elle contenait tous les biens de la succession et qu'elles
ont partagé l'ensemble des biens au mieux de leurs intérêts. Cette
décision nous parait plus conforme au principe par lequ el la convention qui manque de cause est nulle et ne produit aucun effet.
Mais la première opinion est plus généralement adoptée ( J), « parce
a que, dit- on, la loi cherche à maintenir les partages et à c:onsoa. lider la propriété. »
C'est encore par suite du défaut de cause que serait annulé lo
partage où l'un de!. coMritiers aurait reçu par erreur, au delà de sa
part héréditaire; pour tout ce qui dépasse la quotité de ses droits,
en effet, il est comme étranger à la succession. Le surplus n'a p~
de cause. En vertu de quelle cause, en effet, le détiendrait-il?
Serait-ce en vertu du partagcl, mais le partage n'est qu'un règlement
qui a son fondement et sa raison d'être dans un droit antérieur; or,
si ce droit fait défaut, la cause manque et le partage est nul. On
conteste encore cette solution et l'on dit que l'erreur n'étant pas
une cause de rescision de partage, le partage ne doit être anoul~
dans ce cas, que s'il y a dol ou lésion. Mais nous ne faisons pro,
<luire aucun effet à l'erreur; nous n'ajoutons rien à la loi : nous
l'appliquons en ce qu'elle dis pose qu'un acte est nul, s'il n'a pas de
cause. D'après une autre opinion, ceux qui, dans cette hypothèse,
( 1) Cassat. 23 mars 184.3. Dalloz v· Biens.
267 -
auront recu au-dessous de ce qui leur revient, ont droit à une action
en supplément de partage des biens à restituer par celui qui les a
reous indÔJllent, le partage restant intact. est faux, car le partage
où. tout se tient, fait sur de fausses bases, doit être annulé dans son
entier. Pourquoi obliger les héritiers lésés à ne recevoir que des
suppléments, et s'il n'y en a qu'un seul qui ait reçu moins que sa
part, pourquoi lui imposer de demander un supplément à chacun de
ses cohéritiers? Ce serait inique l
c·
Le partage est encore nul pour défaut de cause, lorsqu'un des
co-héritiers a été omis dans le partage. C'est ce que la loi décide
dans un cas analogue. Voici, en eliet, comment est conçu l'article 1078 : " Si le partage n 'est pas fait entre tous les enfant~
<s qui existeront à l'époque du décés et les descendants de ceu
« prédécédés, Je partage sera nul pour le tout. Il en pourra être
<< proYoqué un nouveau, dans la forme légale, soit par les enfants
a ou descendants, qui n'y auraient reçu aucune part, soit mém.;
a. par ceux, entre qui le partage aurait été fait.1> Il n'y a aucune
raison, pour ne pas appliquer cette disposition écrite à propo~
des pa;rtages d'ascendants, à toute hypothèse identique. Noue,
disons qu'ici il y a défaut de cause dans le partage, puisqu'ur
des co-héritiers a conservé sur tous les objets de la successior
sa part indivise, que n'a pu lui faire perdre un partage auqu~
il n'a point été appelé. Comme le dit l'article 1078, tous les béri·
tiers pourraient demander la nullité; à moins cependant, qu'il
n'aient possédé depuis trente ans les objets qui leur sont échus
auquel cas ils sont devenus propriétaires irrévocables, par
l'effet de la prescription, ou à moins qu'ils n'aient sciemment
exclu du partage leur co-hérilier. Ils seraient censés dans ce cas
avoir consenti à rester muluellement garants du partage qui a
été fait. (1)
(1) Cassation 13 février 1860. L'action qui appartient à l'enfant omis dans un
partage d'ascendant constitue une véritable fôtitt0n d'hérédité qui n'est prescriptible que pa.r 39 ans. (Besançon 23 mars 880. Oalloz. péri. 1880. 2. 15).
�-299 -
- 268 -
supposons que l'erreur porte sur les objets de la succession';
en a-t-on omis un ou plusieurs dans la masse à partager, il y a
lieu à un supplément de partage. Ainsi décide l'article 887 et
l'article 10i7, dans un cas semblable. Cet article est applicàble
quelle que soit la cause de l'omission. Si la loi n'avait pa's ~tis
soin d'indiquer le moyen de réparer cette omission, on auraif
pu soutenir que, les héritiers n'ayant renoncé à leur droit 'inl:iiYis, sur les biens tombés dans le lot de leurs CO-héritiers, qu'à
la condition que ceux-ci renonceraient à leurs droits sur tous'
les biens non tombés dans leur lot, comme ces derniers c011sèr!
vaient leurs droits sur certains biens, le partage manquait
partiellement de cause et que le défaut de cause devait entrattle'r
la nullité totale.
L'erreur porte-t-elle sur la valeur des objets partagés? Il
s'agit de savoir si elle produit ou non une lésion de plus du
quart et dans le cas où la lésion dépasse cette proportion elle
:ucu~)
fera annuler le contrat; mais l'erreur par elle-même n'a
1
effet. A moins cependant, que l'erreur ne soitla suite du dol des
1
aut~es ou de l'autre co-héritier ; dans ce cas rescision llOllf 1d9J',
mais non pour erreur. Les biens partagés n'existent pas dans la,
masse héréditaire: si jamais le co-partageant auquel ils s~nt
échus vient à être évincé, il aura un recours en garantie contre ses
co-héritiers. La connaissance que ces biens sont sujets à éviction
ne paralyse pas ce recours, car le droit de poursuivre les héritiers en garantie ne peut être enlevé que par une clause particuliète et expresse (art. 884). Les biens existent, mais ils sont
atteints de vices ou de défauts cachés. L'héritier victime de ce
dommage a-t-il le droit de recouvrir en garantje contre ses
co-béritiers ~ Nous le croyons : l'article 884 ne le dit pn:~ d'une
façon explicite, mais ses termes ne s'opposent pas à cette solution, car anciennement on entendait par le mot éviction, lafo
3énsu, non seulement le fait d'une dépossession, fnais encore
toute perte ou préjudice, que l'on peut subir dans les objets
partagés. « En bref, disait Pothier, tout~s les fois que les choses
« échues en mon lot ne sont pas telles qu'elles ont été déclarées
(/. par le w~rtage, et que j'ai intérêt qu'elles soient, il y a lieu à
« la g,a rantie du partage, quand même je, ne souffrirais pas
<\ d'éyiction; cpm,m e si l'héritage qui est échu dans mon lot, est
« d'une m,oipdre contenance que celle qui est déclarée dans' le
« partage.>> (1) Ajoutorl$ que l'équité exige, plus impériew;erny,.i:it ici que dans tout autre contrat, que l'égalité soit aussi
parfaite que possible : il faudra donc appliquer tout ce que nous
avons dit sur les vices redhibitoires. Mais si les biens sont absolument inexistants, le partage sera absolument nul, car il manque
de cause. Certains auteurs admettent qµE} si ces biens, supposés
existants, ne forment qu'une part relativement minime de la
masse à partager, il n'y aurait pas lieu à nullité, mais à une
action en garantie. (2) On repousse avec raison cette décision
'
car la garantie ne se comprend que lorsqu'il y a trouble ou
e~iption. La vente d'une chose inexistante, entraine la nullité du
cpntrat et ne d~nne pas lieuJ l'action en garantie (art. 1601).
, Un h éritier croit trouver dans son lot un bien qui n'y est pas;
l'err~ur est indiITérente pourvu que son lot égale la valeur de sa
part héré?itaire , et qu'il n'y ait pas dol de la part de ses
co-héritiers.
(
..
CHAPITRE VII
De l'erreur dans les quasi-contrats
Qu'est-ce qu'un quasi-contrat? Le quasi-contrat est tout fait
licite et volontaire de l'homme qui oblige son auteur envers
( 1) Pothier. Trai té des 13uccessiç>ns. U. IV, art. 51 3.
(2) Demante, Tome Ill n• 231 bis§ Il.
~..
'
'
�-
272 -
jusqu'à concurrence du profit qu'en a retiré le maitre. Si le pro~t
a disparu au moment de la demande, on ne lui doit plus rien (1) i.
tandis que par l'action de gestion d'affaires, il obtient le remboursement de toutes les dépenses, que le juge tient pour utiles, encore
que le profit, la plus-value, ait disparu par cas fortuit. D'après
MM. Aubry et Rau, au lieu de l'.action de in rem verso, le
gérant pourrait intenler Paction negotiorum gesto1·um contre le
mai'tre, qui a eu connaissance de la gestion. « Cette connaissance,
« disent-ils, doit produire contre Je maitre de l'affaire, au moins
c autant d'effet, qu'en produirait malgré son ignorance, la circoos« tance que la gestion aurait été entreprise par le gérant en con« naissance de cause.>> M. Demolombe rejette cette interprétation,
' Car, dit-il, dans ce cas, l'intention qui est la condition caractériscc tique de notre quasi-contrat, fait défaut (quand je gère l'affaire de
ci Paul croyant gérer rna propre affaire) et on ne v01t pas comment
• la connaissance de la gestion par le maitre pourrait équivaloir à
« cette intention. » Il est évident que si je crois gérer l'affaire d'autrui et que je gère la mienne, hypothèse inverse de la précédente il
n'y à ni contrat de gestion d'affaires, ni contrat d'aucune soTte.
La gestion d'affaires suppose le plus souvent l'erreur ou
l'ignorance du maitre. S'il connaissait la gestion, y au,rait-il
contrat de mandat tacite. « Le quasi contrat de gestion d'afl'ai~
a res, disait Pothier, ne se forme qu'autant que la gestion a eu
u lieu sans mandat exprès ou tacite, c'est-à-dire à l'insu des para. ties. » La question est de nos jours assez vivement controversée. Les uns, opposent l'art. 1372 d'où il semble résulter
clairement que notre code ne reconnait pas un mandat tacite
dans le cas de connaissance de la gestion par le maitre.
u Lorsque volontairement, on gère l'afiaire d'autrui, soit que le
u
-
273 -
àUtres soutiennent par application du principe romain. Qui tion
prohihet pro se intervenù·e, manda1·e creditur (1), qu'ici il y a réellement mandat tacite et que ces mots de l'art. 1372 s'appliquent
au cas où ce n'est qu'après coup que le maitre de l'affaire a eu
connaissance de la gestion entreprise d'abord a son insu, et
qu'H ne visent pas l'hypothèse où il a connu la gestion dès son
d~but, lorsquelle a commencé. On répond d'autre part que l'article ne distingue pas et, selon M. Demolombe, il ne devait pas
distinguer. « Pourquoi donc si le seul fait de la connaissance
<< de la gestion par le maitre équivalait à un mandat, cette con<c naissance acquise seulement dans le cours de la gestion
<1 même, n'imprimerait-elle pas ce caractère à la gestion conti« nuée depuis; ce serait une inconséquence. >> Cet article abandonne la théorie romaine et on ne doit pas restreindre
l'i1movation au cas où le maitre viendrait à connaitre la gestion
alors qu'elle est déjà commencée. D'après nous, la loi a voulu
di're que le seul silence du maitre qui a connaissance de la gestion, ne suffit pas pour constituer Je mandat tacite ; elle veut
parler des cas qui se peuvent p résenter, où il est impossible au
maitre, au courant de ce que fait le gérant, de s'opposer à sa
gestion ; il serait exagéré que dans ces cas, il fut considèré
comme ayant donné mandat a u gérant. Il y a un grand intérêt
pratique à distinguer s'il y a mandat tacite ou gestion d'affaires;
pal' l'action mandati on recouvre toutes les dépenses faites,
encore qu'elles ne soient pas utiles, tandis qu'il faut qu'elles
aient ce caractère pour être remboursées au gérant. En outre,
celui- ci est tenu de continuer la gestion de l'affaire dont il s 'est
chargé de son plein gré, jusqu'à ce que les héritiers du maitre,
s'il est mort dans le cours de la gestion, viennent l'en déchar-
propriétaire connaisse la gestion soit qu'il l'ignore, etc. » Les
(1) Pothi,er n· 189, du quasi-contrat ne9otiorum gestorum.
( 1) Cassat 29 avril 1876 (Devill. 1876, 5. 215).
18
�-
-
274. -
ger: tandis que le mandataire n'est tenu de continuer le mandàt,
après la mort du mandant, que s'il y a péril en la demeure.
(art 1991).
:>
SECTION"
II
Du paiement de l'indù.
I
Le paiement de lïndù consiste dans le fait d'une p ersonne
qui accomplit à titre de paiement, une prestation à laquelle elle
n'est point obligée. Le rôle de l'erreur est bien plus important
dans ce second quasi-contrat. Cependant en droit Français la
répétition de l'indù, ne repose pas comme en droit Romain sur
l'erreur; car, sous l'empire du code, celui qui a payé l'indù, n'a
pas, comme en droit Romain, s 'il y a eu d'une part intention
d'aliéner et de l'autre volonté d'acquérir, valablem ent transféré
la propriété. Il a fait un acte absolument nul qui man_que lie
cause. Le paiement en effet, ne pouvait avoir pour but immédi&rt
que d'éteindre une dette, or si la dette n'existe pas, il n'a plus
de raison d'être, il n'a plus de cause (art. 1131) et le solvens n'a
pas comme en droit Romain, une action personnelle contre
l'accipiens; il a une action réelle, car il ne lui a pas transmis la
propriété. Pour aliéner en effet, il faut consentir, or le consentement qui manque de cause n'est pas valable. L'erreur n'est
qu'une condition de la répétition de lïndù; cette répétition ne
peut aboutir que si les trois conditions suivantes se trouœnt
remplies . Il faut avoir payé, avoir payé sans qu'il existât de del te
et avoir payé par erreur.
Comme nous l'avons fait pour la condictio indebiti, nous ne
nous occuperons que de cette troisième condition.
275 -
!Haut distfogaer trois hypothèses différentes t 1° L' accipims est
créancier; mais celui qui le paie n'est pas son débiteur: dans ce
cas, dit l'art. 1377, «lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait
« débitrice, a acquitté une dl·tte, elle a le droit de répétition contre
« le créancier. » L'erreur est ici indispem;able pour auto1·iser la
répétition; sans elle, en effet, le solvens serait censé avoir voulu
acquitter la dette du véritable débiteur, pour lui faire une libéralité
ou sauf à recourir contre lui, par l'action de gestion d'affaires .
L'erreur est donc nécessaire pour exclure l'intention du solvens,
d'avoir voulu agir pour le véritable débiteur, intention qui se manit~sterait clairement , da ns le cas où il a:. rait payé au nom et pour
acquit du débiteur (art. 1236). Dans cette dernière hypothèse, ce
qu'il a payé est bien et dùment payé, et il n'aurait pas d'action en
répétition contre le créancier, mais bien un reco urs contre le débite ur. Donc, pour que la répétition dans le cas où 1' accipiens est
créancier, smt adrrise, il faut que le paiement ait été fait par erreur
par le solvens et qu'il l' ait fait en son propre nom.
·1 Voici les deux autres hypothèses : Le sotvens a fait un paiement
à l'aac~iens qui n'est pas créancier; dans ce cas, la dette existe,
mans elle est payée à une a utre personne que le créancie; . Ou bien
le paiement est fait par quelqu' un q ui n'est pas débiteur, à quelqu'un
qui n'est pa s créancier ; dans ce cas, la dette n'existe pas. Quid?
La réponse est fournie par l'art. 1376, qui est ainsi conc:u: « Celui
<11 qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui e;:;t pas dù,
a s'oblige à le restitue1' à celui de qui il l'a indûment reçu. » Cet
article ne distingue pas si l'accipiens a accepté le paiement en connaissance de cause ou par ignorance : n'est-il pas tenu de restituer,
dans tous les cas, puisqu'il ne lui est rien dù? Mais il ne parle pas
du solvens, faut-il pour qu'il puisse répéter qu'il ait payé par erreur?
Su r cc point, nouvelle con troverse. Un premier système n'exige
point cette condition. Que le solvens ait payé sciemment, s'ensuit-il
que l' accipiens ait acquis le <lroit de recevoir ce qui ne lui est point
�-
276 -
dù ! A quel titre : à titre de dona taire, mais la libéralité ne se présume point et il se peut que le solvens n'ait point voulù le gratifier.
S'il n'y a pas donation , l'accipiens s'enrichirait aux dépens d'autrui,
si l'on ne donnait pas a u solvens le droit de t'épéter dans tous les
cas. Si telle n'était pas la portée de l'art 1376, la loi n'el!lt pas
manqué, comme en l'art. 1377, d'exiger pour la répétition qu'elle
ait été faite par erreur. - Un second système, qui nous semqle
préférable et qui est plus généralement suivi, soutient que, seul, le
sofrens qui a payé par erreur, pourra répéter. S'il a payé sciemment quelqu'un qui n'était pas créancier ou n'était pas le véritable
creancier 1 il ne pourra pas répéter ; il est censé a voir voulu fa.ire
une libéralité, intent ion qui provient de la connaissance qu'il avait
de l'absence de dette ou du défaut de droit du créancier . Telle était
la doctrine du droit Romain et de nos anciens j ~riscons ultes; riel\
n'indique que le Code ait entendu s'en écarter. Si quelque doute
pouvait exister à ce sujet, il serait dissipé par les travaux préparatoires. Voici, en effet , comment s'exprimait le tribun Tarrible r
• Une personne ne peut recevoir ce qui ne lui est pas dû. ; elle peu,li
« recevoir aussi ce qui lui est réellement do., mais d'une autre .m ain,
« que celle de son vrai débiteur : Dans l' un comme dans l'aut1re cas,
<1 la répétition appartient à celui qui a payé par erreur. L' erreiir de la
u p ar t de celui qui paie peut seule auto1·iser la répétition de la chose;
a sans cette fausse opinion, il serait censé au premier cas (ar t . 1376)
a a\'Oir voulu donner ce qu'il savait fort bien ne pas être dù; a u
a second cas (art . t:l77), avoir vo ulu payer une dette légitime, à la
a décharge du véritable débiteur, et to ute voie de répétition lu
u serait justement formée ( 1). » Si la loi n'a pas parlé de l'erreur
du solve11s dans l'art. 1376, c'est parce qu'elle ne s'occupe exclusivement que de celui qui a rei:u le paiement et la diffé rence de rédaction entre l'a rt. 1376 et 1377, provient de ce qu'ils prévoient deu.ic.
hypothèses de tous points différentes.
( l) Fenet. Towe Xlll, p. 484 et 485.
-
277 -
Dans 1'1.ypothèse de l'art 1376 l'accip icns , n'étant pas créancier ,
n'o. pas de débiteur. Celui <}Ui paie ne peut donc pa · dire qu· 1 a
payé pour le débiteur ; tandis q11e dans l'article 137i, l'accipiens
étant créancier, si le paiement lui est fait pa r 1Jn autre que le débiteur, il a pu légitimement oroire que le solvens a payé pour le débiteur, et il était dès lors nécessaire de dire que dans ce cas, l'erreur
détruirait cette présomption. Mais, objecte le premier système, on
ne présume pas les donations ; en outre, comme cela a déjà été
dit, la donation est un contrat qui se forme par le concours des
~olontés du donat~m· et du donataire. Y a-t-il eu ici nécessairement intention de donner de la pa rt du solvens ? Nullement. Ne se
peut-il pas en effet , qu'il ait voulu payer, en se réser vant le droit de
répéter plus tard, dans le cas par exemple ou a u moment de la
poursuite, il ne trouve pas la quittance qui constate sa libération
antérieure ; ne peut-il pas avoir voulu fa ire un dépôt d'a rgent chez
l'accipiens, qui n'aurait pas accepté directement d'être dépositaire r
Et la volonté de recevoir à titre de donataire a-t-elle existé chez
i'accipi&ns ? N'a-t-il pas pu croire réellement, que puisqu' on le
payait, il était créancier sans le savoir ? E nfin , dit- on, on présume
une donation, mais cette donation est nulle, puisque les formes
solennelles auxquelles la loi l'a soumise, font défaut ici. Si le paiement consiste dans une chose mobilière, il est vrai de dire que l'accipièns sera protégé par le principe de l'article 2279, dans le cas où ii
est de bonne foi : mais si la chose est immobilière, la donation est
nulle. Voici ce que l'on peut répondre. On ne prés ume pas la donation ; elle existe et d'une fai:on évidente. Sinon comment pourra iton interpréter l'acte de l'une et de l'autre partie ; il n'aurait aucun
sens. Les hypothèsés que l'on suppose sont invraisemblables ou
chimériques, et il est de règle dï nte1·préter les actes de la manière
qui se présente na turellement à l' espl'it, et qu i est la plus raisonnable. Or celui qui a payé sciemment l'indu fait une ·libéra lité; dès
lors, il n'a pas le droit de répéter , et l'etTeur servira à débr,uire la
�-
-
278 -
présomption de donation. Cependant, et c'est là une restriction
importante, si l'on peut voir dans le paiement autre chose qu'une
donation, que cet acte soit certain et évi<leat, s'il à sa raison d'être
en lui-même, l'on ne pourrait plus <lire qu'il y a donation de la part
du solve11s . Quaat à la question de formes, elle ne peut faire l'obje t
d'une difficulté pour les choses mobilières ; en ce qui concerne lés
choses immobilières, la jurisprudence s'accorde à reconhaitre
comme donations valables, celles qui sont déguisées sous l'apparence d'un coatrat à titre onéreux et auxquelles il ne manque, pour
leur validité que d'être revêtues des formes légales. Donc il faut
dans tous les cas, pour que la répétition de l'iadu puisse ètre intentée, que le paiement ait Hé fait par erreur.
~l ais peut-on inrnquer toute sorte d'erreur? L'erreur de droit.
peut-elle sen·ir de fondement à la condiclio indebiti ?
l\ous avons vu à quelle longue discussion , cette question donne
lieu en droit romain. Elle ne fait aucun doute dans notre droit. Notre
Code, nous le savon5, ne fait pas de distinction entre les deux
erreurs, si ce n'est dans deux articles et nons avons dit gur quelles
raisons sont établies ces dP.ux exceptions. D'ailleurs dàns nos articles 1376 et 1377, il parle d'erreur, sans jamais distinguer ; 11 eut
certainement, comme en matière d'aveu et de transaction, séparé
l'erreur de droit et l'erreur de fait, si son intention, avait été d'â:c~
cepter sur ce point, la théorie de ceux qui en droit romain n'admettaieat pas que les deux erreurs eussent le même effet. Laquestion pouvait être disc~tée à Rome, car il s'agissait d'annuler un
acte le plus souvent translatif de propriété et l'on ne voulait. faire
produire cet effet important, qu'à l'erreur de fait qui d'habitude
était excusable. Chez nous, ce o' est pas r erreur qui sert de fondement à la répétition ; c'est l'absence de cause, or que l'erreur, soit
de fait ou de droit, la cause n'en fait pas moins défaut.
Pour obtenir le remboursement de ce qu'il a payé indô.ment
le Bolvens devra prouver, le paiement, l'absence de d~tte et
27V -
son erreur. Cette dernière preuve est à sa charge, car, actori
incumbit 1wobatio; l'on présume que l'acte a été fait en connaissance de cause. Cette solution n'est pas admise par tous les
auteurs. Quelques-uns d'enlre eux, disent que mettre à la
c)large du solvens, la preuve de l'erreur, c'est présumer la
libéralité ; en outre, l'acte ayant apparence de paiement,
a;yant été tenu pour tel par les parties, on doit présumer ce qui
se passe d'ordinaire; or il est d'usage, que quand on paie, on
ne paie pas l'indu, et si on paie l'indu, la plupart du temps, on
ne le fait pas exprès ; c'est donc au défendeur à établir le fait
anormal qu'il invoque, à savoir, que le solvens a payé sciemment
en parfaite connaissance de cause. Au sujet de cette obligation
de preuve MM. Aubry, Rau el Demolombe, mettent en principe
la preuve à la charge du sofoens, mais en faisant les distinctions suivantes : « Lorsque l"exception péremptoire qu'eut pu
<< invoquer le demandeur en répétition de l'indu, est de nature
" à faire disparaitre toute cause juridiquement suffisante du
ci paiement, l'erreur de fait doit se présumer, et l'erreur de
« droit elle-même, quoique la preuve en reste toujours à la
u charge de ce dernier, peut plus facilement s'admettre que
4 d'ordinaire; .... mais si l'exception péremptoire que le deman' deur en répétition de l'indu, a omis de faire valoir est telle
« que son admission même, n'eut pas fait disparaître toute
« cause de paiement, l'erreur même de fait ne peut plus se
« présumer; le demandeur en répétition doit en administrer la
« preuve, pour établir que le paiement n'a eu d'autre cause
« que l'erreur (1). :1> L'appréciation de la preuve appartient an
juge, car c'est une pure question de fait. Tous les auteurs
admettent que si l'accipiens a nié le paiement, et que le solvens
soit parvenu à l'établir, il y a présomption que le paiement a
(1) Aubry et Rau,
1 442,
�-
280 -
été fait par erreur; car sinon l'accipiens n'eùt pas contesté un
paiement fait animo donandi et la preuve du contraire est à sa
charge.
En commentant l'article 1376, nous avons dit que l'accipiens
de bonne ou de mauvaise foi, devait restituer l'indu. Mais la
loi attache des effets très importants à la bonne foi, et DOQS
allons les passer en revue. Le second alinéa de l'article 1377
est ainsi conçu : « Néanmoins ce droit, (le droit de répétition
« contre le créancier) cesse dans le cas où le créancier a supa primé son titre par suite du paiement, sauf le recours de
a celui qui a payé contre le véritable débiteur. >> De cette disposition, il résulte que le créancier qui a été désintéressé par
une autre personne que le débiteur, ne serait pas obligé de
restituer ce qu'il a reçu, si, sur la foi du paiement, il a détruit
son titre de créance. Si cette restriction n'avait pas été apportée
au principe posé dans le premier alinéa, on aurait fait supporter au créancier les conséquences de la faute, ou tout au
moins de l'erreur du solvens, conséquences qui ponrraient lui
être très onéreuses, car aprés avoir été obligé de restituer ce
qu'il a reçu indùment, il ne pourrait plus, faute de preuve,
recourir contre son débiteur. Cette faveur exceptionnelle n'est
accordée qu·au créancier de bonne foi, car s'il était qe mauvaise foi, il profiterait de l'erreur du solvens. Supposons, en
effet, que le véritable débiteur soit insolvable, comment se
peut- il que la loi ait voulu que le créancier gardât ce qui lui a
été remis et que le solvens supportât en fin de compte, l'insolvabilité du débiteur.
On étend cette disposition et on donne au créancier le droit
de garder la somme reçue en paiement, toutes les fois qu'il
éprouverait un préjudice par suite de ce paiement erroné, lorsque, par exemple, il a laissé prescrire sa créance ou négligé
de conserver les sûretés qui la garantissaient : Nemo ex alfe-
-
281 -
rius facto peragravari potest. D'après nous, on va beaucoup trop
loin ; la disposition de l'article 1377, étant une exception
doit être entendue restrictivement. Que si le dommage éprouvé
par l'accipiens, ne lui fait pas perdre la totalité de sa créance,
pourquoi lui permettre de conserver la totalité du paiement
indu? Il appartient au juge, da~s ce cas, d'appliquer l'article
1382, qai oblige toute personne qui, par son fait, cause un préjudice à a utrui, à le réparer . Il déterminera le montant des
dommages-intérêts à payer par le solvens, et si cette indemnité.
n'égale pas le montant du paiement, l'accipiens sera tenu de
rembourser le surplus. L'article 1377 ne serait }Joint applicable,
si le débiteur pouvait réussir à replacer le créancier dans la
situation où il était avant la destruction de son titre, en lui
procurant un titre nouveau, ou de toute autre manière; dans ce
cas, le créancier n'aurait plus de motifs pour conserver le paiement indu.
En outre, les articles 1378, 1379 et 1381 disposent par a contrario
quç l' acaipiens de bonne foi, obligé de restituer l'ir,dQ, garde les
fru.its et les intérêts qu'il a perçus, jusqu' au jour de la demande;
qu'il n' est tenu ni des cas fortuits, ni des détériorations commises
par son fait (1) ; qu'il a droit au remboursement de toutes ses dépenses. Enfin, l'art. 1380 lui accorde une autre faveur; s'il a aliéné
la chose à titre onéreux, il n'est tenu de rendre que le prix qu'il en
a reçu ; bien que ce prix soit inférieur à la valeur réelle de l'objet;
s'il l'a donné, il est libéré, à moins que la donation ne lui ait profite; dans ce cas, il devrait rendre quantum silœ pecuniœ pepercit.
Si on l'obligeait à rendre les fruits ou les intérêts qu'il a déjà consommés, à donner une indemnité pour les détériorations qu'il a
faites, si on ne lui remboursait que ses dépenses utiles, ou s'il devait,
en cas d'aliénation de l'objet, restituer sa valeur réelle, il serait
(1) Quia quasi suam r em negtesit nulli querelœ sub}ectua esl. (L. 31
l 3. 5. 3. D.)
�-282 constitué en pel'te pal' la faute du sofoens et il serait inique que la
foute d'autrui pat l'appauvrir .. Aucune de ces faveurs n'est a<!corclée
au possesseur de mauvaise foi : les articles précités déterminent ses
obligsttiom:. Il est donc trè irnporlant de distinguer entre la boQne
i>t la mauvaise foi, et du jour où la bonne foi cesse, les effets qui y
sont attachés ne se produisent plus. Ainsi, si au moment où il a
détruit son titre, il n'était plus de bonne foi, il ne profilera d' au~un
des avantages que la loi attache à l' erre1;r.
Pour terminer sur cette matière, nous examinerons une dernière
question. Le so/11ens qui a payé par erreur, aura- t-il le droit de
re,·endiquer entre les mains des tiers acquèreurs les choses qui leur
auront été transmises par l'accipiens ? Pothier disait que cette action
en re\'endication pourrait être intentée dans le cas où il s'agissait
d'un acq'..!éreur à titre gratuit. De nos jours, la controverse est très
Yive. En premier lieu , faisons remarq1Jer qu'il ne s'agit nullement
des meubles. Lorsqlle les tiers auront été de bonne foi, ils seront
protégés par l'art. 2279 et repousseront l'action en revendication
du propriétaire. D'après une première opinion, l'action en revendication ne pourra jamais être intentée ; d'après la seconde, elle Ille
pourra l'être que si l'accipiens était de mauvaise foi. Car, dit-0n
dans l'art. 1380, le législateur limite le recours du solvens au paiement de ce qu'a reçu l'accipiens, jusqu'à concurreoce de son enrichissement et il exclut par cela même tout autre droit du solvons
contre les tiers. Telle parait avoir été l'intention des rédacteurs du
Code, si 1' on en croit les travaux préparatoires et sil' on n'admettait
pas cette solution, l'art. 1380 serait violé, car Je tiers acquéreur
recourrait en garantie contre son vendeur, l' accipiens, et celui-ci, tenu
de l'indemniser , subirait le dommage que veut lui éviter l'art. J 380.
Avec M. Demolombe, nous pensons qu'il faut toujours (sauf le cas
de l'art. 2279) accorder au solvens le droit d'exercer l'action en
revendication. L'art. 1380 ne doit pas intervenir dans la discussion,
parce qu'il ne règle que les rapports du sotvms avec J' accipiens et
-
283 -
il ne s'occupe nullement des tiers : c'est d'après les principes générnmc qu'il faut résoudre la difficulté. Nous avons déjà exposé ces
principes à propos des aliénations d'immeubles faites par l'héritier
apparent : nous les rappelons en deux mots. L'accipiens n'était pas
propriétaire, car le solvens ne lui avait pas transféré la propriété,
parce que son intention n' était pas de la lui transférer: le paie.ment, en effet, avait pour but d'éteindre une dette, la dette n'existe
pas donc il est fait sans cause; or, tout a0te fait sans cause es( nul
et ne produit aucun effet: on violerait le principe, si on lui donnait
le pouvoir de transférer la propriété. Cependant, pour respecter la
règle qui demande que l'accipiens de bonne foi ne souffre pas de la
faute du solvens, il faut ajouter que celui-ci doit prendre à sa charge
toutes les suites de l'éviction dont il est \•auteur. Cela est encore
contesté; on dit que les dommages-intérêts réclamés par l'acquéreur'
devraient être supportés par le vendeur, l'accipiens, qui a vendu
la chose par imprudence peut-être (art. 1151 ) et que le recours en
garantie est la conséquence de l'aliénation qu' il a faite. D'après
!Ilous, le solvens n'a droit de revendiquer contre le tiers-acquéreur
que .s~ celui-ci ne peut pas recourir contre l' accipiens; dans le cas
de donation, par exemple, ou de vente avec stipulation de non
garantie ou bien en dehors de ces cas, s'il prend à sa charge toutes
les indemnités que l'acq uéreur pourrait réclamer à l'accipiens.
Lorsque l' accipiens de bonne foi est tenu de restituer le prix de la
chose aliénée, la non recevabilité de l'action en revendication contre
le tiers acquéreur qui aurait prescrit la propriété de l'immeuble ou
1la perte de la chose par cas fortuit, ne sauraient le libérer de son
obligation.
li
Il
�-
2A4 -
11
CHAPITRE VIII
De l'Erreur dans les transactions
Avant d'étudier les dispositions du Code relatives à l'erreur
dans les transactions, il importe de définir la transaction et
d'indiquer en quelques mots, ses principaux caractères.
L'article 20-14 est ainsi conçu: « La transaction est un contrat
1t par lequel les parties terminent une contestation née ou pré'« viennent une contestation à naitre.>> Cette définition est incomplète, car le Code semble supposer qu'il n'est pas nécessaire
pour que la transaction puisse se former, que les parties se
fassent des concessions réciproques. Cela est faux, car cette
réciprocité est précisément le caractère qui distingue la fransa'ction de plusieurs autres contracts avec lesquels le Code luimème a soin de ne pas la confondre. Il sépare soigneuse'tnent,
en effet, l'acquiescement de la transaction à propos des pou~oits ·
du tuteur (articles 464 et 467); en formulant les règles spéciales
au désistement, à la remise de la dette, à la confirmation, tous
actes qui impliquent de la part de l'une des parties, renonciation
à un droit qui peut être litigieux, mais qui ne sont pas dès
transactions parce qu'il n'y a pas de sacrifices réciproques.
Cet oubli a sa source dans la définition que Domat donnait
de la transaction, définition qui ne tenait aucun compte de ce
caractère que le célèbre jurisconsulte ne regardait pas comme
fonda1:1ental. « La transaction est une convention entre deux op
« plusieurs personnes, qui, pour prévenir ou terminer un procès
285 -
règlent leur différend de gré à gré, de la manière dont elles
q conviennent et que chacune d'elles préfère à l'espérance de
« gagner jointe au péril de perdre.» (1)
Malgré l'opinion de Domat et celle des orateurs auxquels il a
servi de guid e dans la discussion de ce titre, et qui ont commis
la même faute que lui, il faut s'en tenir à la formule du droit
Romain, qui disait très nettemeut : transactio, nullo data, vel
retento, seu promisso, minime procedit (C. 48, Code 2. 4.) Nous
définirons la transaction : un contrat par lequel les parties
tranchent une question qui leur parait litigieuse en se faisant
des sacrifices réciproques. Il faut donc, et c'est là le second
caractère essentiel de la transaction, qu'elle ait pour objet un
droit litigieux. Mais dans quel cas, le droit serait-il considéré
comme tel ? Est- ce lorsqu'il le sera aux yeux du juge? par
suite, faudra-t-il admettre qu'il n'y a de transactions valables
qu~ celles qui portent sur un droit sérieusement litigieux et
pouvant donQer lieu à un procès raisonnable ? On le dirait
d'~près les paroles de M. Bigot-Préameneu : « Il n'y aurait pas
« <;le transac~ion 1 si elle n'avait pour objet un droit douteux. Il
« s~r~~t toujours facile aux juges de vérifier si l'objet était susceptible de doute.» (2) Bien que ces paroles soient prononcées
par le rapporteur, nous les repoussons ainsi que la doctrine des
aµ teurs qui les invoquent pour dire <<qu'il appartient aux tribu« paux de décider la question de savoir si dans telles circons« tances déterminées, une personne qui a transigé pouvait
<t rl\isonnablement craindre un procès ou avoir quelque appré« hension sur l'issue de la contestation déjà liée.>>(3) - Pourquoi
igtroduire dans la loi une distinction qu'elle ne fait pas entre les
crqintes raisonnables et celles qui ne le sont pas?« Cette théorie,
u
fi
(!) Domat, Lois Civiles, liv. I, til. XIII, sect. 1.
' ('l) Fenet, 1fo111e ":l..V, p. 303.
{3), Aupry et Rau p. U8, Nole 3.
�- 286c dît M . Accarias, est tout à la fois dangereuse et inapplicable;
c dangereuse, car elle tend à remettre en question ce qui a été
c décidé ; elle glisse des germes de chicane dans une convention
« qui prétend étouffer le procès; inapplicable, car les faits les
a plus clairs n'ont pas toujours même signification aux yeux de
11 tous; la jurisprudence la mieux assise peut changer, etdes.
11 décisions juridiques les plus solides rencontrent des contra« dicteurs. En fait tous les jours, lïgnorance et l'esprit de chicane
11 soulèvent des procès insensés; tous les jours aussi, les pré« tentions les plus opposées trouvent des défenseurs également
« convaincus. Où donc un tribunal puiserait-il les éléments
1 d·une décision portant qu'il n'y a pas de procès à craindre?»(!)
Le droit doit donc être tenu pour litigieux, quand il est actuel.-.
lement l'objet d·w1 procès ou quand il inspire la crainte d'un
procès raisonnable ou déraisonnable.
La transaction est un contrat consensuel. L'article 2044, en
exigeant qu'il soit rédigé par écrit, a seulement voulu exclure
la preuve testimoniale : cela résulte clairement de la discu-.
tion (2); accessoire, car il suppose une convention ou un fa.it
juridique antérieur; synallagmatique, car il engendre de paFt et
d·autre des obligations de donner, de faire ou de ne pas faire1
comme par exemple, de ne pas déduire en justice le dToit contesté ; à titre onéreux, commutatif ou aléatoire, selon la nature
des avantages reçus par celui qui abandonne tout ou partie de
son droit; translative de propriété à l'égard des objets non litigieux que l'une des parties s'oblige à céder à l'autre. La question
de savoir si elle est translative ou déclarattve de propriété,
quant aux objets litigieux est vivement controversée : nous
laissons de côté cette discussion qui est complètement étrangère
à notre sujet.
(1) Accarias. Thèse de docLorat. P. 170.
(1) Fenel, Tome X V p. 115.
-287Puisque la transaction est une convention, elle doit avoir pour
é1éments, les éléments essentiels de toute convention: le consentement, la capacité, l'objet et la cause. Donc, si le consentemeht fait absolument défaut, la transaction ne peut se former·
Ne nous occupons pas de la capacité. Quel est l'objet de la
trahsaction, ou plus clairement, l'objet des obligations qui naissent de la transaction ? Comme dans tout contrat synallagmatique, il y a double obligation et double objet.
L'objet de chacune des obligations, est la prestation que
promet l'une des parties, ou si l'on veut la renonciation partielle
à la prétention qu'elle a sur le droit litigieux ; par suite, appliquant ici les règles que nous avons exposées à propos de l'erreur
sur la cause, nous dirons que la cause de chacune des obligations
se trouve dans l'objet de l'obligation de l'autre. Ainsi, je
consens à céder une maison à Pierre, s'il abandonne ses prétentions au droit de propriété qu'il prétend avoir sur un autre
bieh que je possède. Peut-être qu'il n'a aucun droit sur le bien
en litige; mais je crains de perdre le procès qui pourrait s'engager; parce que les pièces qui établissent d'une façon irréfutable mon droit de propriété me font actuellement défaut et je
transige: mon obligation à sa cause dans la renonciation que
Pierre fait de ses prétentions : La cause donc, ne consistP, pas
dans la renonciation à un droit, car il se peut qu'il soit démontré que l'une des parties seule avait des droits sur la chose, et
que par suite son obligation manquait de cause, mais bien dans
l'abdication des prétentions que son co-contractant élève sur
le droit litigieux, que ces prétentions soient plus ou moins fondées, plus ou moins raiso1mables. Supposons que le bien ,
la maison que je cède à Pierre n'existe plus au moment
de la convention ; son obligation manque de cause, parce que la
mienne manque d'objet ; dans ce cas l'objet, élément essentiel
faisant défaut la transaction ne peut se former.
�-288 Ces quelques notions três générales, étaient nécessaires pour
nous permettre de mieux exposer la théorie de l'erreur dans la
transaction.
Articles 2052 2° « Elles (Les transactions) ne peuvent être
attaquès pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion.>>
Telle est la disposition , presque unique , dans laquelle le
législateur distingue l'erreur de droit de l'erreur de fait ; et
fait exception à la règle générale qui n'établit aucune différence
entre elles. Nous avons déjà indiqué les motifs spéciaux ,
sur lesquels repose cette exception. On suppose que les
parties avant de transiger, c'est-à-dire., avant de consentir à
l'abandon d'un droit douteux, ont consulté des hommes
spéciaux, pour s'assurer sïl ne leur convenait pas de laisser
engager le procès, et de courir la chance d'obtenir pleine et
entière satisfaction, en conservant tout leur droit, plutôt que
d'en abandonner une partie. Dès lors il serait très difficile
d'établir, que la transaction n'a été faite que par suite d'une
ignorance de la loi et cette allégation ne servirait, le plus
souvent, qu'à déguiser la mauvaise foi. Telle est la véritable
raison de l'exception ; il n'est donc pas exact de dire, comme
M. Troplong , qu'elle a son fondement dans ce principe :
v L'erreur de droit ne se suppose pas, ou du moins ne s'excuse
pas facilement. , No us avons démontré en eITet qu'au point
de vue rationnel, comme au point de vue légal, l'erreur de
droit lorsqu'elle est établie, produit d'habitude, les mêmes
effets que l'erreur de fait ; et le motif de M. Troplong ne
justifie nullement la diITérencc, pas plus d'ailleurs que celui de
Bigot Préameneu, qui est de plus absolument faux: «Dans les
<i jugements, disait-il, auxquels on assimile les transactions, de
« pareilles erreurs, n'ont jamais été mises au nombre des mo« tifs suffisants pour les attaquer. (1) i> Il y a d'abord beaucoup
(1) Fenet. Tome XX. P. 108.
- 289 plus de raisons de distinguer les transactions des jugements que
de 1es assimiler et au surplus il n'est pas vrai qu'il y ait ressemblance sur ce point, car les jugements peuvent être attaqués,
pour cause d'erreur de droit. « L'erreur de droit, disait le tribun
Gillet, quoi qu'elle puisse être en certain cas, un motif de casser
les jugements, n'en est pas un de rescinder la transaction » (1).
Art. 2053 1°. Néanmoins, une transaction peut être rescindée,
lorsqu'il y a erreur dans la personne, ou sur l'objet de la
contestation.
Errettr sur la personne. - Dans quel cas pourra-t-elle faire
rescinder la transaction? D'apt'ès nous, l'article 2053 n'est que l'application de l'article 1110. Il est donc inutile ; on a simplement
voulu faire antithèse à l'article précédent qui s'occupe de l'erreur
de droit. Le principe est le même, et il faut décider que toutes,
les fois que l'erreur sur la personne aura été déterminante de la
volonté des parties et que la considération de cette personne était
capitale, on pourra faire rescinder la transaction. La transaction ne
serait donc en ce cas, que simplement annulable. Mais que faut-il
entendre par erreur sur la personne, est-ce l'er~eur qui porterait
sur la personne même ou l'erreur qui tomberait sur la qualité que
l'une des parties avait pou1· transiger. Ainsi par exemple : Je crois
avoir une difficulté avec Pierre, je transige avec lui tandis que
la difficulté existe avec Paul ? Ici il n'y a pas transaction
annulable, il y a transaction nulle, par défaut d'objet ou de cause,
car il n'y avait pas de contestation cnt1·e Pierre et moi. Ce n'est pas
à cette hypothèse que se réfère l'article 2053, puisqu'il parle d'une
rescision du contrat : il vise le cas où c'est bien avec _Pierre, que j'ai
la difficulté, mais je donne à Pierre, une qualité qu'il n'a pas ; dans
ce cas, si cette qualité à été déterminante dc·mu volonté et qu'elle
(1) Fenet. Tome XV, p. 128.
19
�-
290 -
n'existe pas, la transaction sera an nulable. - Quelques auteurs
n'ont pas fait cette distinction importante, ils soutiennent que dans
tous les cas où il y a erreur sur la personne, le contrat est radicalement nul, parceque disent-ils il y a erreur s ur l'objet et à l'appui
de leur opinion ils citent ces quelques lignes de l'ex posé des motifs
où il est dit : 11 Qu'il n'y a ni consentement, ni mème contrat, lors• qu'il y a erreur dans la personne. Telle serait la transaction que
« l'on croirait faire a\' ec celui qui aurait qua lité pour élever des
« prétentions sur le droit douteux, tandis qu' il n'aurait aucune
<1 qualité et que ce droit lui serait étranger» (1). Nous observons
tout d'abord que l'article 2053 parle d' une transaction rescindable,
tandis qu'ici il s'agit d' une transaction radicalement nulle : en
second lieu , on appt•rte une exception à l'article 111 0. Pourquoi
faire cette dérogation au principe qu'il contierit et dire que l'erreur
sur la personne est toujours une cause de nullité ? Est-il vrui de
soutenir que dans cette convention, l'intuifus person<E est toujours
et nécessairement déterminant de la volonté des parties? N ullement,
car le p!us souveuL le but que l'on veut atteindre est de parvenir
à terminer un procès, de ne pas courir le risque d'une l utte judiciaire, douteuse et incertaine, et nullement de faire chose agréable
ou de rendre service à la personne aveû laquelle on contracte. Et si
l'intuilus perso1UP- avait eu cette importance capitale qu'on voudrait
lui donner, la loi aurait dit : La transaction doit être rescindée pour
erreur sur la personne, et non pwt être rescindée. - Ass urément
l'erreur sur la personne se confondra avec l'erreur sur l'o!:>j et dans
l'bypothèse suivante : Mon père fait un legs dans son testament:
quelqu'un, Pierre si l'on veut, se présente comme légataire ; je
refuse de lui délivrer le legs, puis je consens à transigt>r avec lui ;
or il se trouve que Pierre n'est pas légataire. Dans ce cas il y a
défa ut d'objet parce qu'aucun différent n'existait entre ce prétendu
(1) Fenet. - Tome XV. Page 107.
-
291 -
légataire et moi. Mais supposons au contraire, que Louis le véritable légataire se présente et me demande la délivrance du legs, je
transige avec lui, mais je m'imuginais en transigeant t1·aiter avec
une autre personne que j'avais en vue. Dans ce cas l'erreur sur la
pel'Sonne ne se confond pas avec l'erreur sur l'objet et il faut
appliquer le principe, qu'il n'y aura lieu à rescision que dans le
cas où, la considération de la personne était capitale et déterminante de ma volonté de transiger.
LI ne s'agit pas ici de l'erreur qui porterait sur l'identité, su r l'individualité ùe l' objet. Dans ce cas, il y
Ert·eu1· su1' l'ob/ef. -
a urait transaction nulle ; ainsi, par exemple, je consens à tram;iger
sur la propriété de ce bien, vous croyez transiger sur la propriété
de tel autre. Je transige s ur le possessoire et vous transigez sur la
pétitoire. On a voulu faire rentrer ce cas sous l'application de l'article t053, mais c'es~ à tort, car cet article ne parle que d'une transaction rescindable; or, ici, elle est radicalement nulle, parce que
le consensus in idem placitum fait défaut. Ce qu'il faut entendre par
les mots erreur sur l'objet, de l'article 2053, c'est r erreur sur la substance, eti ici il y a lieu à annulabilité de la transaction par une
action en rescision, comme l'article 11l0 accorde pour l'erreur sur
la substance, le droit de demander la nullité du contrat. Remarquons
que l'art. 2053 qui, dans sa seconde partie, dit que la transaction
peut être rescindée pour cause de dol ou de violence et répète les
principes de l'art. 1110 dans le même ordre, ne doit pas, dans sa
première partie, avoir voulu donner aux mots erreur sur l'objet une
autre portée que celle des mots erreur su1· la substance. Donnons
un exemple : Je prétends avoir un droit de propriété sur un bien
qui est dans votre patrimoine. Vous n'êtes pas vou!-rnême bien
certain d'en être propriétaire; après discussion, je fais abandon de
mes prétentions à condition que vous me donnerez une statue de
David d"Angers que vo us possédez. Vous me remettez la statue
et je découvre que ce n'est que la copie d'une œuvre du célèbre
�-
~92
-
scylpteur. I ,l Y. a ~rreur sur la substance et, par suite, droit.de faire
resèinder la trans,aption. ~I est cert11in que si j'avjliS pu me douter
qne la statue n'avait auç,une valeur, je n'aurais P,ll.S transigé. Dope,
si l'erreur ne porte pas sur les qualités substantielles d~ l'objet, la
transaction, par application des principes généraux, demeurera
inattaquable ( 1).
De cette erreur sur, la substance se rapprochent beaucoup certaines erreurs spéciales à la transaction, auxque,lles sont consacl!é,$
quatre articles du Code. Ces erreurs donnent, comme l'erreur sur la
substance, une action en rescision du contrat, action prescriptible
par dix ans comme celle de l'art. 1117. La loi suppose que la transaction ne manque d'aucun des éléments essentiels à toute convention, mais elle se préoccupe de quelques erreurs qui atteignent
la transaction dans sa validité. Elles consistent dans l'ignorance fortuite d'une circonstance, d'un fait, d'un titre décisif, dont la décou,..
verte établit qu'il n'y avait pas lieu de transiger, parce qu'il n'y avait
pas de différend possible, parce que l'une des parties n'avait abso1
lument aucun droit. Aussi la loi ne veut-elle pas que l'un des c0ntractants renonce à ses d:-oits, par suite d'une fausse croyance
tout à fait excusable, et qui a servi de fondement à la transaction.
La première de ces erreurs fait l'objet de l'art. 2054 : « Il y ai
« également lieu à l'action en rescision contre une transaction,
« lorsqu'elle a été faite en exécution d'un titre nul, à moins que les
u parties n'aient expressément traité sur la nullité. » Que signifie
le mot titre? Il signifie non pas l'écrit, l'inst1'umentwn, qui constate
le fait juridique à propos duquel est née la contestation, mais ce
fait juridique lui-même, c'est-à-dire la volonté de l'homme ou lw
convention elle-même qui sont l'origine du litige. (< La nullité de
( 1) Ainsi il a été jugé qu'il n'y a pas erreur sur la substance mais seulement
erreur sur la quotité, lorsque deux Co-héritiers. qui ont transi;é sur leurs droits
respecufs. en partageant par moitié, se sont trompés sur l'étendue du droit de
l'un d'eu:< . Paris, 7 juillet 18~ 1. (Dalloz. 1853. 2. 55.)
-
293
« !Jacte instrumentaire ne pourrait donner lieu à l'app!icàtio'n de œt
« article, qu'autant que la validité de la disposition ou de la conven-
tion serait elle-même subordonnée à la validité de lacte, del'écrit,
K l'ins trument qui le constate (L). »Donc, cette distinction entre lé
titre, fait juridique, et le titre, acte instrumentaire, n'a pas d'importance pour les actes solennels, comme le testament par exemple)
car ici la nullité de la forme entraine la nullité du fond. l..e mot nul
doit être entendu dans son acception la plus large; que le fait. juridique soit nul ou simplement annulable, la découver't e de la nu1litê
peut avoir pour effet de faire rescinder la transaction. Tout CE' qùe
veut la loi, c'est que ce tit.re établisse que l'uné des parties ne
pouvait élever aucune prétention sur le droit litigieux.
Donnons un exemple pour mieux faire corripre'ndre à quelle
hypothèse se rapporte cet article. Je suis héritier dè mon père
qui, dans son testament, lègue à son ami sa ma'iSon de campagne. Après discussion je transige avec fo légataire, il m'aban·
donne ses droits sur la maison et consent à recevoir en retour
vingt actions de Chemins de fer français. Plus tard je découvre
un second testament qui révoque le premier; serait-il équitable
dè maintenir la transaction, que je n'ai faite que parce que
j'ignorais ~a nullité du titre qui était la source du droit du légalâire? Nullement,aussi la loi permet-elle à l'héritier d 'en demandèr la rescis1on. Mais supposons que l'ignorance de la nullité du
titre, provienne d'tme erreur de droit. Àinsi, j'exécute le legs
en vertu d 'un testam ent olographe qui est nul, parce qu'il n'est
pas signé. Pourrait-on, en cas d'erreur de droit, invoquer la
nullité du titre, pour faire annuler la transaction? La ques tion
est très vivement controversée. D'après un premier système,
l'article 2052 pose un principe qui domine toutes ies dispositions qui concernent les transactions ; l'erreur de droit n'est
<(
(1) Aubry et Rau .
•
�-
294 -
pas_ invocable an cette matière. L'article 205! n'est qu'une
~pplicàtion implicite. Comment admettre que la loi ait voulu
déroger, sans le dire expressément, à une règle qu'elle vient
de poser et les motifs qui font exclure l'erreur de droit ne s'illlposent-ils pas ici?
Un second système, soutient que la transaction dans l'hypothèse où l'on vient à découvrir la nullité du titre qui lui a servi
de fondement, est nulle pour défaut de cause; par suite il est
inutile de rechercher, s'il y a erreur ou non, s'il y a erreur de
droit ou erreur de fait, voici comment on raisonne : la cause est
le motif juridique qui porte les parties à contracter ; dans les
contrats synallagmatiques, l'objet de l'obligation de l'une se confond avec l'objet de l'obligation de l'autre. Ici l'obj et de l'obligation est le droit douteux,or là où il n'y a pas de droit douteux.il
n'y a pas matière à transaction, ni par conséquent, de cause.
Or quand le titre est nul, il n'y a pas de droit, puisque le droiL
tombe avec l'annulation du titre. Donc il n'y a ni objet, ni
cause (1). A l'appui de cette opinion on cite les paroles suivantes du tribun Gillet. « Si la transaction n'est que l'exécution
« d·un titre nul, il ne peut y avoir de transaction, parce qu'il ne
« peut plus y avoir de doute. La convention manque de cause,
ci. à moins que les difficultés élevées sur la transaction même
« n'en aient été l'objet.» Et l'on dit: si l'acte ne vaut pas comme
transaction il ne vaut à aucun titre, il est nul, et les deux parties pourront invoquer la nullité. Cependant si rune des parties
a agi en connaissance de cause, on présume quïl y a de sa part
renonciation à un droit el il s'agit d'examiner si cette renonciation est valable ou nulle, si elle remplit les conditions imposées par la loi (2). D'après ce système, l'article 205-1 apporterait
(!) Pochannet, Revue critique. tom. IX, p. 196. Mugoier. Revue critique•
tom. XI 1. p. 83.
{2) Poitiers. 10 juiu lll78. O. P. 1879. 2. 69.
-
295 -
une exception à l'article 1338, car cet article dispose que la
confirmation d'une convention nulle n'est valable que si les
parties ont eu connaissance du vice qui l'entachait, tandis
qu'ici la transaction serait toujours nulle, bien que les parties
aient eu connaissance du vice. Et cette ex.ception résulterait du
texte même de l'ar ticle, à moins que les parties n'aient expressément fraité sur la nullité, preuve que la simple connaissance
de la nullité ne suffirait pas pour rendre l'action en rescision
non-recevable.
Pour combattre ce système, nous ferons tout d'abord observer, que s'il y avait réellement défaut de cause la transaction
serait radicalement nulle et non pas s ujette à une action en rescision, comme le dit l'article 205 -L On invoque les travaux préparatoires. Mais les rédacteurs du Code qui, dans cette discussion, étaient priYés de leur guide habituel, Pothier, n'ont émis
que des idées fausses et des notions inexactes. Ainsi le tribun
Gillet, dont on cite les paroles, disait que dans le cas des
articles 2056 et 2057, la transaction manque de cause, alors que
tout le monde r econnn.it qu'il y a lieu à rescision, par suite d'un
vice du consentement. Le tribun Albisson disait à propos des
mêmes articles : « que la transaction est entièrement nulle ou
tout au moins suj ette à rescision. » Cet argument tiré des
paroles prononcées pendant la discussion n'a donc aucune
valeur.
Outre l'inconséquence qu'il y a à dire qu'un contrat radicalement nul est soumis à une action en rescision; Yoici à quel
résultat on aboutit, en suivant ce système. L'action en rescision,
d'après les auteurs, dont nous combattons l'opinion, est raclion
qui est prescrite selon l'article 130-1 par un délai de dix ans. De
quel jour partira ce délai? Puisque on ne recherche pas s'il y a
erreur ou non, connaissance ou ignorance de la nullité, c'est du
jour où la transaction aura été faite. Donc cette transaction
�-
296 -
qu'on regarde comme nulle pour défaut de cause, sel,'a inatta,
quable au bout de dix ans, alors même que les parties_ n'auraient découvert la nullité du titre qui a servi de base à la transaction, qu'après r expiration de ce délai, et bien qu'elles aient
été dans l'impossibilité d'inyoquer le défaut de cause de la.
transaction? C'est le renversement de tous les principes. Poursuivons. Le caractère de la prescription de l'article 1304, selon
l'opinion commune consiste dans une présomption de confirmation tacite ; on suppose qu'en laissant expirer le délai, les
parties ont renoncé à se prévaloir de la nullité alors qu'elles
n'avaient pas connaissance d'un vice de la tra nsaction, du moins
il nous est permis de le supposer, puis qu'il y a ici absence de
cause et que c'est la seule raison de la nullité. Donc les parties
ont ratifié tacitement une convention absolument nulle et si les
parties ont ratifié la nullité en exécutant le contrat, on dira que
cette ratification tacite par l'exécution, qui est admise dans tous
les cas où s'applique la prescription de l'article 130.t> n'est pas
\'alable, parce qu'on ne confirme pas pa1· l'exécution une
com-ention radicalement nulle. C'est absolument illogique.
Au surplus, ce système apporte une exception à l'airticle
1338. Comment peut-on la j uslifier, on reconnait que le mérite
u en est contestable au point de vue des principes généraux
• du droit. » D'ailleurs , on appuie cette exception sur un
mot, sur le mot, expressément dont on exagère la portée.
La loi, en disant que l'on pouna demander la nullité de la transaction, lorsque la nullité a été découYerle à moins que les
parties n'aient expressément traité sur la nullité, veut dire que
si les parties n'ont pas eu en vue la nullité du titre, elles pourraient attaquer la transaction, car il y a eu erreur sur le fondement même de la transaction Tandis que si elles ont expressément transigé sur la nullité, ell es ne le pourront pas. En d'autres
termes, le silence·des parties permet de supposer qu'elles n'o.lilt
- 297 pas en connaissance de la nullité du litre et pour qu'on puisse
supposer qu'elles la connaissaient, il faut que la P'l'euve se
trouve dans la transaction, et elle y sera quand les parties ont
fot'mellement exprimé qu'elles transigeaient sur la nullité. En
llll mot, la connaissance de la nullité ne se présume pas.
D'ailleurs est-il exact de dire qu'H y a ioi absence de cause?
La aause dans l'obligation qui nait de la transaction, n'est pas
l'abandon du droit, sur lequel porte le litige et qui peut ne pas
ex.ister, mais bien l'abandon des prétentions que l'on élève
relativement à ce droit. En transigeant, l'une des parties sait
peut être que plus tard des preuves certaines permettront d'établir son droit exclusif et souverain, mais afin d'éviter le procès
}Jropter timorem litis, elle a transigé. La cause réside dans
l'aba ndon des prétentions de l'un des contractants, et la preuve
que dans notre hypothèse la loi ne regarde pas la transaction
comme nulle par défaut de cause, c'est qu'elle se préoccupe
dans a•article 2054 comme dans les suivants du point de savoir
si les parties ont connu Otl ignoré la nullité du titre, le pro1rnncé
du jugement, etc ... , or s'il y avait défaut de cause, la transaction
sera~tt0ujours nulle, quelle que soit l'idée des parties, MM.Aubry
et Rau, qui, dans les trois premières éditions de leur ouvrAge,
avaient adopté le système qui répute la transaction nulle }}OUr
défaut de cause, en donnant une trop grande portée aux. derniers
mots de l'article 205.t, ont, dans leur quatrième édition abandonné leur première manière de voir, et voici comment ils
s'expriment : et Un nouvel ex.amen de la question , nous a
« conduit à reconnaitre que les ex.pressions finales de l'article
« précité, n'étaient pas aussi décisives, qu'elles le paraissent au
n premier abord. S'il en résulte que l'action en nullité, doit être
« réputée comq1e non recevable lorsque les parties ont ex.pres« sément traité sur la nullité, il n'en ressort pas que dans l'hy<< pothèse contraire, elle doive nécessairement être admise
�-
-
298 -
con1me fondée, alors n1ême que la partie qui attaque la tran« saction, al1rait connu le fait de nature à entrainer la nullité
« du titre en exécution duquel elle a été conclue. La liaison
(< qui
existe entre l'article 205 1, et celui qui le précède, ainsi
« que son rapproche1nent de ceux qui le s uiye11t, démonttent
(( qu'ici encore le législateur n'a entendu OU'\7 Tir contre la tran(( saction, qu'une action en nullité pour erreur de fait, et don
(< l'écarter co1nme non avenue pour défaut de cause. Cette
cc h1terprétation est d'autant plus plausible qu'elle met l'article
<t 2054 en harmonie parfaite avec les articles 1338 et 2052 (1). »
Il nous reste à réfuter un troisiè1ne et dernier système qui
est moins radical que le précédent, puisqu ïl accorde que
l'action en rescision est accordée pour cause d'erreur, mais il
est plus libéral que le pren1ier en ce qu'il étend cette disposition à l'erreur de droit. Ce système, soutenu par Merlin
devant la Cour de cassation, invoque trois arguments (1).
Peu importe, dit-il, que l'erreur soit de fait ou de droit, tout
ce qu'exige la loi pour que les parties puissent ici demander
la rescision de la transaction, c'est qu'elles n'aient pas expressément transigé sur cette nullité. L'article 2054 déroge donc à.
l'article 2052. Gela n'a rien qui doive nous étonner· la loi après
'
,
a,~oir posé le principe, le fait suivre de ses exceptions. L'article 2054 est général et par suite ne doit subir une restriction
qui porterait sur l'erreur de droit. L'exception de l'article
2054 résulte du contexte lui-même des articles 2053 et
2054. En effet, l'article 2052 dit : les transactions ne peuvent
être attaquées pour cause d'erreur de droit. Néanmoins, dit
l'art. 2053 ..... voilà l'indication de la première exception et
elle est immédiatement suivie des mots : il y a également, qui
tl
•
annoncent la seconde exception. (1) Aubry et Rau, T. l l l l 4'?2 n• 5.
(2) .Merlin v. Transaction 1 5 n• .\.
Au surplus, les travaux
1
299 -
préparatoires corroborent cette opinion. L'article 2052, dans sa
première rédaction, portait que « les transactions ne pourraient
être attaquées, pour cause d'erreur, dans la nature du droit
ljtigieux. » Il n'y était pas question de l'erreur de droit. Si cette
r édaption avait été conservée, on n'aurait pas osé soutenir que
l'article 2.054 devait exclure l'erreur de droit puisqu'il était
soumis à la règle générale de l'article 2052 qui n'en faisait pas
{11.ention. Or l'article 2052 a été modifié, sans que l'obser,ration
qui a amené ce changen1ent ait visé l'article 2054. Donc on doit
maintenir l'art. 205! ùans sa généralité primitive et de même
que dans sa première rédaction rapprochée de l'article 2052, il
ne pourrait pas être limité à l'erreur de fait, de même ne doiton pas aujourd'hui, malgré la nouvelle rédaction de rarticle
2052, lui imposer une pareille restriction.
Voici comment on peut répondre à ce système. On dit que
l'article 2052 et 205-1, sont tous deux généraux. et qu'on ne doit
pas restreindre l'un par l'autre. C'est inexact, l'art. 2052 contient une règle C{lti domine tout le titre des transactions et
l'article 205-! lui est soumis comme les autres. D'ailleurs) est-il
vrai de dire que l'article 2054 est général ? Pas le moins du
rp.onde puisqu'il est une application de l'article 2053, qui
s'occupe de l'objet en général et qui 11e vise que le cas d'une
erreur de fait. Or la conséquence ne saurait être plus étendue
que le principe dont elle dépend. On ajoute que l'exception
ressort des mots nérr.nnioins et il y a égale11ient. « La transac« lion n'est rescindable ni pour erreur de droit ni pour lésion .
« En quoi L'article 2053 fait-il exception à ces règles, quand il
« admet la rescision pour dol, violence, erreur dans la per« sonne ou erreur sur l'objet, c'est-à-dire pour des causes
<( toutes différentes de celles prévues en l'article 2052 ? Le mot
« néanmoins ne n1arque, ce nous se1nble, qu'une antithèse.
« Aux deux causes qui ne font pas rescinder la transaction, le
�- 300 -
- 3.Ql -
en
• législateur oppose quatre autre causes, qui
a'.uto'tisent la
u rescision, dès lors l'adverbe é9aleme11t n'exprime dans notre
u article 2054 que la continuation de l'antithèse commencée
u dans l'article précédent (1). D
bn dit enfin, que l'article -2054 doit conserver la pot~tée générale
qu'il avait è~ présence de l'article 2052, première rédaction. iifais
précisément il résulte des procès-verbaux de la discussion, que
cette nouvelle rédaction, n'a pas eu du tout pour objet de changer
le sens de l'ancienne, mais seulement de le rendre plus clair. Voici
comment on expliqua ce changement de termes. «L'expression
u qu'on propose de substituer, a été trouvée plus satisfaisante, en
a ce qu'elle est plus généralement usitée et que l'ancienneté de
0: l'usage a fixé les idées sur son véritable sens. (2) )) .
ne saurait donc tirer aucun argument de la première réd~ction, qui était
moins explicite que la seconde, mais qui avait la même étendue,
l'étendue d'une règle générale placée en tête et à laquelle il n'est
point fait d'exception.
D'après nous le meilleur systême est celui que nous avons expo~é
Je premier. I l n'apporte aucune exception à l'article 2052.
u L'article 2054 doit étre pris dans un sens dans lequel il s'a'ccorde
a aveè l'article 2052, Or l'article 2052 déclare que la transaction ne
t peut êtte attaquée pour cause d'erre1Jr de droit. L'article 20:14
<i suppbs'è par conséquent qûe celui qm a demandé la rescision
u d'une transaction, a ignoré là nullité du titre par ùne erreur de
« fait. (3) ». Il fo.ut donc admettre qu'il y a lieu a ûne action en
rescision, èoutre ùne transaction, lorsque par suite d'une erreur de
fait elle a été conclue en exécution d'urt titre nul.
on
ANic'12055. - «La transaction faite sur pièces qui depuis ont
été reconoes fausse est entièrement nulle.• La loi su ppo~e qu'au
moment de la transaction, les parties n'avaient aucun doute sur la
sincé1·ité des pièces. Si les parLies avaienl transigé s ur des pièces
déjà reconnues fausses, ou bien si elles ont transigé s ur la fausseté
l'oême de ces pièces, afin de ne pas luisser engager le procès, elles
agissent en pleine connaissance de cause, et la transaction est parfaitement valable. L e mot depuis indique bien qu e les parties ou
Puoe d'elles, n'ont donné leur consentement à la transaction, que
parce qu'elles croyaient à la sincérité des r•ièces soumises; 3i depuis
la fausseté est dP.rnontrée, elles pourront demander la rescision de
la. transaction, si des deux côt~s on a produit des pièces fausses ;
sinon il n'y a que la partie trompée qui aurait ce droit.
t.
Nous disons : demander la rescision, car la transaction est annulable et non pas nulle, comme pourrait le faire croire l'adverbe entièrem~nt. Ce mot signifie que la transaction est nulle dans toutes ses
partie~ . Nous savons qu'en droit romain, les clauses seules qui
avâlent été déterminées par les pièces fausses étaient annulées, aliis
firmis manen.tibus. Le code n'admet pas comme les juriscons ultes
rôroains la divisibilité de la transaction, théorie qui cependant avait
été adoptée dans l'ancien droit, par Domat : cc Si on a transigé sur
« ùn fondement de pièces fausses , qui aient passé pour vraies, et
« que la fausseté se découvre dans la s uite, celui qui s'en plaindra
« pourra Caire r ésoudl'c la transaction, en tout ce qui a été réglé
u sur ce fondement ; mais s'il y avait dans la transaction d'autres
« chefs qui en fussent indépendants, ils subsisteraient el ils ne se
<< ferait pas d'autres changements que ceux où il obligerait la con-
(1) Acc.uios, thèse de docU>r. p. 316.
(2) Fenet. Tome XV. p. 100.
(3) Voyez Merlin. !oc. cit. qui rapporte les conclusions de Jlavocat général
Daoleb qui fit prévaloir ce système devant la Cour de Cassatiol'I . 27 Mars \807.
L'article 2054, d'après lequel la transaction baeée sur u n titre nul peut
êtr6 resêfr\ilëé quand les parties n'ont pas expressém~nl traité sur la nullité,
ne s'applique qu'au cas où cette nullité élait ignorée des parties, et où leur
i"'norauce serait le résultat d'nne erreur de fait. Une ignorance provenant d'une
C;l'eur de droit ne suffirait pas. (Cassation 19 Déc. 1865 (Dall. 1866. 1 183.)
Cassat. 14 août 1877 <lb. 1878. I. 298).
�-
302 -
« naissance de la vérité, que les pièces fausses tenaient incon(1) » Notre Code proclame l'indivisibilité de la transaction
« nue
et cette innovation , est d'autant plu~ remarquable qu'elle n'est pll.S
générale. L'article 4.82, du Code de procédure, décide en effet
« que le jugement rendu sur pièces fausses, ne sera rétracté que
11 sur les chefs déterminés par ces pièces et ceux qui en dépendent 1
« directement. 'Il La règle qui prononce l'indivisibilité de la transaction est plus logique et plus équitable, car comme disait Bigot
Prearneneu. « On ne doit voir dans une transaction que des parties
« corrélath·es. La règle. générale que tout est corrélaLif dans une
« transaction, est celle qui rés ulte de la nature du contrat, et ce
« qui n'y serait pas conforme, ne peut-être exigé par celui-mème
« contre lequel oo s'est servi de la pièce fausse [2) . » ::\lais en
somme, comme lïnd.ivi~ibilité ne repose que sur la présomption que
les parties ont voulu regarder la transaction comme composée de
parties corrélatives, si les parties exprimaient qu'elles ont considéré
les diverses causes de la transaction comme distinctes , ou si cette
volonté résultait des circonstances, le caractè1·e d'ir1divisibilité est •
détruit. (3) Les pièces seront reconnues Jausses lorsque Ill. fausseté
aura été volontairement reconnue par l'adversaire, ou bien encore
lorsqu'elle aura été prononcée par un jugement qui serait intervenll
entre les parties ; car l'autorité de la chose jugée ne profite ou ne
nuit qu'à ceux qui ont été parties au procès. La transaction intervenue sur un titre qui depuis a été reconnu faux est nulle par suite
du défaut de cause, à moins que les parties n'aient voulu traite1•
sur la nullité.
Article 2056. - <s. La transaction sur un procès terminé par un
jugement, passé en force de chose jugée, dont les parties ou l'une
d'elles n'avaient point connaissance, est nulle. Si le j ugement, ignoré
(1) Domat: Lois civiles. Liv.
(2) Fenet. Tome XV. p, 11 0.
(3) Cassat. 9 février 1830.
r. Tit.
XIII. Sect. II n· 4.
-
303 -
des parties, était susceptible d'appel, la transaction ser~ valable. ,,
La rédaction primitive de cet article était hier: différente, comme
on peut en juger : « J>our que la transaction sur un procès déjà
« terminé i:oit valable, il faut que le j ugeroent soit susceptible d'être
« attaqué par appel. » Elle était donc la reproduction de la théorie
Ro111aine, qui admettait que l'existence d'un jugement ignoré ou
connu des parties faisait obstacle à la transaction. Tandis que,
d'après la rédaction définitivement adoptée, la connaissance seule
du jugement, et non l'existence du jogement, empêche qu·on puisse
attaquer la transacticn, qui est intervenue entre les parties. Si donc
la transaction a été faite dans l'ignorance d'un jugtoment, passé en
face de chose jugée, elle est annulable et non nulle, ainsi que le
prétendait le tribun Gillet, qui !loutenait qu'ici la transaction manque
de cause. Voici l'espèce : Je suis en procès a\·ec mon cousin Louis,
i1 propos de la propriété d'un jardin. Lel:i essais de conciliation, qui
ont été tentés avant de remettre la solution du litige aux tribunaux,
ont été vains. Pendant la durée de l'instance, nous essayons de
prendre de nouver,ux arrangements et, cette fois, nous nous mettons d'accord : nous transigeons. Cependant, le procès a s uivi son
cours, les j::iges ont tranché le difTérend et donné gain de cause
à L'un de nous. Il est évident que celui dont le droit a été judiciairement consacré n'aurait pas transigé, sil avait connu l'issue du
procès, et la loi, dans ce cas, l'autorise à demander la nullité de la
trnnsaction. ll est de toute justice que l'ignorance de la partie gagnante amène la rescision.
Mais s upposons qu'elle ait eu connaissance du jugement, passé
en force de chose jugée ou rendu en dernier ressort, qll'elle ait
transigé quand même. La transaction serait-elle valable? Pourquoi
ne le serait-elle pas? Il se peut que, malgré l'autorité qui s'attache
à la décision judiciait·e, la partie qui a triomphé doute de l'équité de
cette décision, doute de la légitimité de ses prétentions, et qu'obéissant à un scrupule de conscience, elle veuille tenir pour non avenue
�-
30t -
Ja consf\cration de son droit et foire des concessions à l'autre partie.
Dans ce cas, la transaction serait irrévocable, car celui qui a succombé au procès ne pourrait en dem<1nder la nullité, puisq u'il
obtient, grâce à la transaction, cc que le jugement lui a refusé, et
la partie gagnante ne le pourrait pas davantage, c;ar elle a sciemment renoncé au droit qu'elle tenait du jugement. La loi elle-même
n'autorise-t-elle pas la transaction s ur un point tranché par un
jugement. L'arrêté du 14 fructidor, an X, art. 1, permet à l'administration des Douanes de tran~iger soit avant, soit après jugement.
L'ordonnance du 19 février, art. 1, el la loi du 4 juin 1859, art. 9,
donne le même droit à l'administration des Postes. L administration
des Forêts a aussi cette faculté , en vertu de l article 159, S 4. (Loi
du 18 juin 1859.) La loi, dans l'exemple précité, considère, comme
une cause suffisante de la transaction , le doute que la décision judiciaire n'a pu détruire dans l'esprit de la partie gagnante.
La transaction serait encore valable si le jugement, au lieu d'avoir
acquis l'autorité de la chose jllgée, était encorn susceptible d'être
attaqué par la voie de l'opposition ou de l'appel. Ici on ne recherche
pas si les parties ont connu ou ignoré le jugement; la transaction
sera toujours valable, parce que, comme l'appel ou l'opposition
peuvent remettre tout en question, l'issue est incertaine, et la transaction a mis la partie gagnante à l'abri d'un danger et fait cesser
cette incertitude. En outre, on ne pourrait dire sans hésitation, que
la connaissance de ce jugement aurait empêché la transaction.
Toute cette théorie est empruntée à Dornat, qui l'expose en ces
termes : « Si, après un procès jugé à l'insu des parties, elles en
« transigent, la transaction subsistera , si on pouvait appeler, car le
« procès pouvant encore durer, l'événement était incertain. Mais
" s'il n'y avait point de voie d'appel, comme si l'affaire était jugée
<c pai: un arrêt, la transaction est nulle , rar il n'y avait plus de
« procès, et on ne transigeait que parce qu'on supposait que le
« pro~s était indécis et qu'aucune partie n'avait son .droit acquis.
-
305 -
« Aussi cette erreur, jointe à l'a utorité des choses jugées, fait pré« fc'..rer ce que la justice a réglé, a un consentemetlt que celui qui
<< s'est relâché de son dl'Oit, n'a donné que parce qu'il croyait être
« dnns un péril où il n'était pas ( 1 ~. 1>
Mais cela ne s'applique pas aux voies de recours extraordinaires par lesquelles on peut attaquer les jugements, comme
le pourvoi en cassation ou la requête ch-ile, qui sont beaucoup
moins accessibles aux parties et dont le résultat est beaucoup
plus incertain. La transaction ici n'aurait plus d'utilité. En
effet, le reconrs en cassation n'empêche pas que la partie
gagnante n'ait un droit acquis. Donr . si elle aYait transigé par
ignorance de ce jugement 011 de cet a rrêt la transaction est
null e, bien que ce jugement ou cet arrêt soient susceptibles
d'être déférés à la censure de la Cour de cassation. A contrario,
la partie qui a connaissance de ce jugement ou de cet arrêt
transige, elle serait mal venue plus tard, à faire rescinder la
transaction par la raison qu'ell e ignorait que le recours en
cassation lui était ouvert. Si les parties ou l'une d'elles savaient
que la décision judiciaire était s usceptible d'être cassée par la
Cour de cassation et qu'elles aient voulu éviter les risques de
ce recours et d'un nouveau procès, elles peuvent transiger
valablement, car, comme disait Bigot Préameneu : (( Si les
« moyens de cas~ation présentent eux-mêmes une question
« douteuse, il y a là une contestation qui peut, comme tout
cc aulre être l'objet <l'une transaction (2). » La distinction que
la loi fait entre les cli\·erses voies de recours a sa raison
d'être, car il est permis de s'assurer facilement, si Je jugernent
est susceptible d'appel ou d'opposition, tandis qu'on ne saurait
apprécier d'une façon certaine, quel est le bien fondé d'un
moyen de cassation ou d'un moyen de requête civile.
( 1) Uoma.t. Lois civiles, liv. I. tit. X IIr. section 2, n· 7.
('2) Exposé des motifs. Fenet. Tome X V, p. 111 ,
20
�..,... 306 Article 2057. «Lorsque les parties ont transigé généralement
(l sur toutes les affaires qu'elles pouvaient avoir ensemble, les.
11 titres qui leur étaient alors inconnus et qui auraient été
« postérieurement découverts, ne sont point une cause de
<t rescision, à rnoins qu'ils n'aient été retenus par le fait de
« l'une des parties. - l'i.fais la transaction serait nulle Si elle
« n'avait qu'un objet sur lequel il serait constaté pat· des titnes
a nouvellement découverts, que l'une des parties n'avait aucun
u droit. >i
Cet article s'occupe de deux hypothèses dis tinctes. Les
parties ont transigé sur toutes leurs contestations en bloc, et
puis plus tard, elles ont découvert ùes litres, c'est-à-dire des
actes, des moyens de preuve qui établissent que l 'une d'elles
n'avait absolument aucun droit. Voilà la première. La loi
décide que la décom·erte de ces titres n'a aucune influence sur
la validité de la trans1ction qui demeure intacte. Si au contraire,
la transaction n'a porté que sur un seul objet ou sw- des objets
limitativement déterminés , si elle n'a eu pour but que çie,mettre fin à un di!Iérend spécia l, la transaction sera annulée par la
découverte de ces titres : telle est la seconde hypothèse. La
transaction est annulable et non pas nulle pour défaut de
cause, comme l'a dit le tribun Gillet. Il appartient au~ juges
d'apprécier dans quel cas il y a transaction générale ou spéciale.
Cette distinction a été empruntée à Do mat. «Si, dit-il, celui qui,
« par une transaction, déroge à un droit acquis par un titre qu'il
" ignorait, mais qui n'était pas retenu par sa partie, vient en" suite à recouvrer ce litre, la transaction pourra ou subsi!lter
« ou être annulée selon les circonstances. Ainsi, si c'était y.ne
« transaction spéciale, elle est annulée; au contraire, si c;était
« une transaction générale sur toutes les affaires que les
• parties pourraient avoir ensemble les nouvelles pièc~s qui
- 30711 regarderaient l'un des différends et qui auraient été igQorées
<t de part et d'autres, n'y changeraient rien ; car l'intention a
•t été de compenser et d'éteindre toute sorte de prétention (1). "
Qn voit, d'après ces derniers mots, qu'elle est la raison de
•oette distinction ; on pourrait aussi ajouter pour la justifier
qu'elle tient au caractère légal de la transaction, en vertu
duquel toutes les clauses du contrat sont corrélatives, et les
•parrties sont présumées n'avoir consenti à la transaction générale, qu·a la condition de ne plus élever de prétentions sur
leurs afîaires antérieures et on suppose qu'elles ont compensé
le dommage qui pourrait résulter de la découverte d'un titre
relatif à une affaire déterminée, avec le bénéfice qu'elles retirent des autres clauses du contrat.
A Rome, que la tran action fùt sp éciale ou générale, on ne
faisait aucune dis tinction et Je contrat était maintenu : s116
pretextu insfrumenti post reperti, transactionem bona fi de
fini t am, rescindi Jiwa non patiuniur.
Mais encore que la transaction soit générale , il y a lieu arescisiôn si les titres, nouvellement découverts ont été retenues pat'
l'une des parties contractantes. ~lais si la convention est annulée,
C'est pat s uife du dol de l'une des parties. Suppôsons que les
pièces aient été retenues par l'une des parties, mais à son issu,
sans aucun dol de sa part. Y a t-il lieu a rescision? Oui disent
les w1s, la loi ne distingue pas. Les mots retenus par le (ail,
s6nt généraux et s'appliquent au cas oü il y aurait fait volontaire comme fait inYolontaire. 100 , ùisent les autres. Il résulte
en effet, de la discussion que cette exception ne Yise que le cas
de dol ; <1 car la partie qui retient les pièces se rend coupable
de dol (2) ».
Donc, pour résumer, la transaction est rescindable dans les
(1) Oomat. Lois civiles. Ibid.
(2) Fenel. Tome XV. P. 96.
�.
-M8quatreJ1ypolhè$es suivantes: 1• Nullité du titre qui a serv1 de
fondement au ,contrat. 2· Constatation ultérieure de la fausseté
des pièces qui ront détermintie. 3· Découverte ultét·ieuue d'un•
jùgement qui n'était pas ou n'était plus susceptible d'être attaqué
par les Yoies ordinaires. 4' La découverte ultérieure de tit.nes
Q.écisifs, se rapportant à une transaction spéciale.
, 1•
Cependant si la partie intéressée, a eu connaissance dn vicè
qui entachait la transaction, le contrat ne serait pas rescindable,,,
car on suppose qu'elle a voulu renoncer aux droits que lui
donnait la découverte de son erreur. Ain i donc qu'il y ait chose
jugée, constatation de pièces fausses , découverte de pièces
décisives, la transaction serait inaltaqual>le, encore que l'on n'ait
pas exprimé qu'on transigeait sur la chose jugée, sur la fausseté
des pièces oµ la découverte des titres ùécisifs. Mais s' il s'agit
d'un litre nul> il faut que les parties aient formellement expFimé
leur intention de transiger sur la nullité du titre; on ne présumerait pas cette intention.
L'action en rescision n'appartient qu'à la partie Yiotima. de
l'erreur. Comment fera-t-on rescinder la transaction ? LI faut
distinguer. Si la transaction a été faite dans les formes d'un
contrat synallagmatigue, on intentera l';iction en rescision
deq,nt les tribw1aux. Si la transaction estjudiciaire, c'est-à-dire
si elle a été soumise aux tribunaux qui en ont donné acte aux
parties par un jugement, qu'on appelle jugement d'expédient,
il faudra l'attaquer par les voies de recours spéciales aux jugements : l'appel, si le montant de la transaction dépasse la compétence du tribunal civil, ou la requête civile, si elle ne la dépasse
pasoµ s'il a été donné acte de la transaction par la cour.
Comme tout acte annulal>le ou rescindable, la transaction peut
être ratifiée tacitement ou expressément selon les règles établies
par la loi pour les confirmations. Au ùout de dix ans, le droit
d 'att1quer la transaction est prescrit, et le délai commence à
-309 courir du jour, où l'erreur a été découYerte. Aucune auh:1e prescription ne saurait être opposée. Ainsi, supposons qu'il se soit
écoulé trente ans depuis le jour où été conclue la transaction, et
moins de dix ans depuis la découverte de l'erreur, on pourra
toujours l'attaquer, parce que la seule prescription, que la loi
applique, aux actes annulables, est fondée comme nous l'avons
di~ sur une présomption de ratification tacite, or les parties ne
peuvent pas être censées awir ratifié alors qu'elles ne connaissaient pas encore le vice de la transaction (1).
Le dernier article du titre des transactions est ainsi conçu,
art. 2058 : « L'erreur de calcul dans une transaction doit être
réparée. ,, li faut entendre par erreur de calcul, l'inexactitude
dans les opérations arithmétiques auxquelles on aurait eu
recours pour le règlemenldes intér êts des parties. Il s'agit doue
purement d'une erreur ma térielle, qui donne lieua une action
en réparation, bien qu'elle se trouve dans un compte litigieux et
non à une action en rescision de la transaction. La bonne foi
en effet exige que les parties réparent cette inadvertance. L'ervettr q~i porterait sur le mode du prélèvement des dettes, n'est
pas une erreur de calcul, mais une erreur de droit, ainsi que l'a
décidé la cour de Bas tia dans son arrêt du 8 février 1837
(Dalloz 37. 2,447).
( 1) Con'fra. P~ris 22 juillet 1'8~3. ( Oa llo~ l8 j 5, 2..156).
�•
-
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r.J
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1
•
CHAPITRE IX
De l'Erreur ou bonne foi en matière. de possession
et de prescription .
1
Nous avons vu au 'chapitre VII, section II, quels sont les elîet§
de l'erreur ou bonne foi au profit de celui qui a reçu lïndù.
Réunie à d'autres conditions dont il sera parlé dans un instant
l'erreur fait acquérir au possesseur les fruits de la chose qu'it
possède et même la propriété de cette chose, conséquences
autrement importantes, autrement gra,·es que celles que nous
avons déjà étudiées. Nous aurons à nous occuper successivement de la bonne foi à propos de l'acquisition des fruits, à
propos des constructions faites par le possesseur sur le foqds
d'a utrui et à propos de l'acquisition de la propriété par la prescription.
S E C::'I"I C> 1'T" I
'l
11
Il
Possession de bonne foi.
§ J. -
ACQUISITION DBS FRUITS
'l
Lorsqu'un tiers possède par erreur la chose d'autrui, il fait
siens les fruits de cette chose. Ce principe est écrit dans l'artiè1e
549, dont voici les termes ex.acts : « Le s irnple possesse ur ne
" fait les fruits siens que dans le cas où il posséde de bonne fôt:
- 311 « dans le cas contraire, il est tenu de rendre les p roduits avec
'([ la chose au p ropriétaire qui la revendique.»Cet ar ticle déroge
donc à la règle de l'article 5t7, en vertu de laquelle tous les
fruits d'une chose appa rtiennent au propriétaire, par droit d'accession. Quel est le motif de ce tte disposition? La loi suppose
q ue l~ possesseur se cr oyant p ropriétaire de la chose a r églé
s ur les fru its ou sur les intérêts qu'il en a retirés, sa manière de
vivre et qu'il serait inique de lui en imposer la restitution, alors
peut être qu'il les a consommés; car d'ha bitude on dépense ses
révenus au fur et à mesure de ses besoins. Si le propriétaire les
eù.t perçus, il en aurai t lui aussi pr ofité en les consomman t au
jour le j ou r, et par suite on ne saurait le fa ire bénéficier d'une
d'une restitution de fruits capitalisés sur laqueOe il n'a pas dù
compter et qui serait très onéreuse pour le possesseur. Le propriétaire mérite d'autant moins cette restitution intégrale des
fruits , que le plus souvent il a fait preuve de négligence, en ne
faisant pas valoir son droit de propriété et en laissant dùrer
l'illusion du possesseur. Un principe plus général a déterminé
le législateur à dispenser. en cas de Lonn e fo i, de la restitution
des fruits; elle donnerait lieu à beaucoup de procès, à des calculs très délica ts , el il a voulu é\'iler ces contestations. C'est
pour cette raison que dans l'article 928, il permet au donak1ire
qui rapporte un bien à la masse de garder tous les fruits perçus
jus qu'à la mort du dona teur, et clans l'article 982, il autorise le
donataire, dans le cas où la donation est révoquée p ur cause
de survenance d 'enfant, à conserver les fruits qu'il a perçus
jusqu'au jour de la notification de la naissance ou de la légitimation.
L'erreur est la condition indispensable de la faveur que la loi
accorde au possesseur. Elle prend ici le nom spécial de bonne
foi. A ce sujet, faisons remarquer que la loi n'appelle pas
bonne foi, toute espèce d'erreur. Elle r~serve cette dénomina-
�-
312 -
tian à l'erreur qui entache un acte, qui, sans elle, serait un acte
d'indélicatesse ou d'usurpalion, en un mot un acte oondamn1ble. Ainsi dans le cas spécial que nous étudions, il y a1,1rait
indélicatesse à vouloir acquérir les fruits d'un bien, que l'on sait
appartenir à une autre personne. L'erreur efface le caractère
blàmable de cet acte et innocente absolument celui qui le
commet.
~Jais quand peut-on se dire de bonne foi? On est de honHe
foi, lorsqu·on est convaincu que l'on est réellement propriétaire
de la chose que l'on possède et ron ne peul se croire tel, que si
ron n·a aucun doute sur la validité et sui· l'existence du titre qui
a transmis la propriété. L'erreur doit être excusable et légitime,
sinon la loi refuse d'en tenir compte, mais on présume toujow;s
la bonne foi. Remarquons qu'en matière d'acquisition de fruits,
la bonne foi est la seule condition exigée, le juste titre n'est
qu'un moyen de l'établir. Il ne forme donc pas un élément constitutif du droit du possesseur ; il n'est qu'un élément de la bonne
foi, élément que la loi prend soin d'indiqncr.
Qu'est-ce que le juste titre : Le juste titre est l'élérnent géné,.
rateur du droit; c'est tout fait juridique qui est <ile nattJ.re à
transférer la propriété. Si le titre émane du véritable propriétaire, s'il est inattaquable et exempt de vices, il transfère réellement la propriété, et le possesseur aurait sur la chose un droit
plein et entier, le droit d'un propriétaire. lais le titre qui a
servi à la transmission, est affecté d'un vice qui ra empêchée
de s'opérer, et la propriétë n'a pas changé de maitre. L'acquéreur dès lors, à défaut de la propriété a eu la possession de la
chose, et s'il a ignoré le vice de son titre, s'il s'est réellement cru
propriétaire; il est de bonne foi et dans ce cas il acquiert vala~
blement les fruits de la chose possédée.
Le titre peut donc consister dans l'un des modes d'acquisitions de la propriété, comme la vente, la donation, e~c. Maip
-
313 -
supposons qu'aucun de ces modes ne soit intervenu. Ainsi, l'acquéreur donne mandat à un tiers, de lui acheter telle maison.
Le m:mdataire lui dit avoir rempli son mandat, avoir payé le
prix de la vente ; le mandant croit de bonne foi que la maison
lui a été réellement vendue, et qu'il eu est valablement devenu
propriétaire, or il se trouve que la ventè n'a pas eu lieu. Le titre
translatif n'existe pas, il est imaginaire. La fausse croyance de
son e-xfatence, équivaut-elle à sa réalité ? En deux mots, le titre
putatif peut-il servir de preuve de la bonne foi ? A Rome, dans
Je drojt classique, le titre était admis lorsque l'erreur était excusable ; lorsqu'elle tombait, comme dans l'exemple précédent,
sur le fait d'un tiers. En est-il de même dans notre législation :
a prem.ière vue on serait tenté de répondre négativement. L'article 550 dit en elîet : « Le possesseur est de bonne foi, quand il
« possède, comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de
« propriété dont il ignore les vices. » Il semble donc que l'on
n'est de bonne foi, qu'autant qu'on possède en vertu d'un titre
réellement translatif de propriété. Cependant il ne faut pas s'y
tromper ; la loi ne fait pas du juste titre, une condition indis pensable de la bonne foi. La bonne foi, le plus souvent ne pourra
s'étabfü, qu'au moyen <l'un juste titre, mais il se peut qu'on soit
de bonne foi, et que le juste titre n'existe point. Il suffit que l'on
puisse ùémontrer que l'on a crn légitimement à l'existe.nce du
titre et que l'on ait été intimement persuadé, que la propriété
aYait été valablement transférée. Le titre putatif n'est pas exclusif de la bonne foi, et par suite il d Jit suffire pour l'établir. euleihent celui qui l'invoque devra démontrer qu'il eu des motifs
plausibles pour croire à son existence.
Si le titre translatif de propriélé est rue!, et n'existe par seulement dans l'idée du possesseur, il faut, pour que celui-ci soit
de bonne foi, qu'il ait ignoré les vices qui l'entachaien_t et l'ont
empêché d'ôpérer la transmission de la propriété. La loi ne
�-
314 -
.distingue pas entre les vices ; soit qu'ils provienneut de l'absence du droit de raliénateur qui n'était pas propriétaire ou qui1
était incapable d'aliéner, soit qu'ils consistent dans un vice de
consentement qui l'annule, ou da ns la nature de la chose q1.ü
n'était pas susceptible d'aliénation , ou dans un vice de form e 1
peu importe; le possesseur, s'il a ignoré absolument Je ou , les
vices du titre, sera de bonne foi (1). On a cependant voulu appli··
quer ici la distinction qui es t faite par l'article 2267, l'on a soutenu que le titre qui était nul pour vice de forme, ne poun·ait
être inrnqué pour établir la bonne foi en matière d'acquisition
de fruits , puisqu'il ne pouYail pas l'ètre en matière d'acquis ition
de la propriété. - Mais il est lrès naturel que la loi se montre
plus sévère pour le j uste titre quand il s'agit de l'acquisition de
la propriété. En outre, il n'y a aucune assimilation possible
entre les deux espèces. La loi n 'exige-t-elle pas en matière de
prescription, le jus te titre comm e condition dis tincte spéciale?
01· nous aYons Yu qu'en matière d'acquisition de frui ts, le titre
n'était qu'un élément de bonne foi et pouvait n'ê tre que putatif,
Cela rés ulte de la différence de récl1.ction de l'a rticle 2265 et d~
rarticle 550. Cette disposition rela tive au vice de form e est spéciale à la prescription; elle ne doi t pas être entendu ici et puisqu.e
l'article 550, dont les term es sont très-généraux, ne distingue
pas, nous ne pouvons et nous ne devons pas distinguer.
Pas plus ici qu'aill eurs, (à l'exception de l 'ayeu et de la
transaction) (2), il ne faut faire de différence entre l'erreurde droit
(1) Le légata ire d'un immeuble fait les frui ts siens quand il le détient en vertu
d'une donation entre vifs émanée d'une personne qu'il croyait propriétaire
(Cassai . 2'2 décembre 1873 O. P. 74. 1. 2·~ .)
('2) Celui qui possède en ,·ertu d'un titre do nt il ig Mre les v ices, !ail les
frui ts siens sans qu'il y ait à disting uer entre l'er reur de d roi t et l'erreur de
de ftut, ( Liége 20 juillet 1880, D. P. 81. '2. 41. Voir da ns le même sens un
arrét moins récent de la Cour de T1>ulouse, du '27 mai 1878. - O. P. 1819,
2. 14 1) .
•
315 -
et lletreur de fait. L'une aussi bien que l'autre, constitue la
bonne foi. Au point de vue de la preuve cependant, la preuve
de la première sera plus facilement admise que la preuve de la
seconde. La bonne foi, en etTet, que l 'on présume toujours en
matière de prescription et a fortiori, en matière d'acquisition
de fruits sera prés umée, quand elle repose sur l'erreur de fait;
tahd)s que si l'erreur es t de droit, la présomption se trouve en
lutte avec cette autre présomption : nul n'est censé ignorer la
loi, et il sera plus difficile à la partie qui l'invoque, de l'établir.
En somme, la bonne fo i est une question de fait, soumise à
l'apprécia tion souveraine du juge.
Le possesseur, pour acquérir les fruits, doit être de bonne
fôi à cha que perception. L'acquisition des fruits n'est pas un
fait continu ; on perçoit les fru its par inter vall es : c'est la solution qui dér oule de l'article 550. En disant que le possesseur
cesse d'être de bonne fo i, qua nd il conna it le vice de son titre,
il contient implicitement que, d u moment où il cesse d'être de
bonne foi, il n'a plus droit aux fru its. La bonne foi est essentiellement personnelle, d'où il suit que l'héritier ou possesseur de
bonne fo i, garde les fruits perç us pa r son auteur, s'il est luimème de bonne foi et il devra restituer ceux: que son auteur
a perçus de mauvaise fo i, rnais non ceux. qu'il a perçus luimême en Yertu de sa bonne foi. On a contesté cette conséquence
en di sant que l'héritier ne fait que continuer la possession de
son auteur, et il est de règle que, si la possession, en cas de
prescription de son auteur a été viciée, la sienne reste entachée
de ce vice: en outre, il succède aux charges et aux. obligations
du défunt ; or, quand le possessem est de mauvaise foi, il doit
ir~demniser le propriétaire de tous les do mmages que lui a
causés son il1due possession, si l'héri tier a gagné les fruits, c'est
par sui t~ de la possession du défunt, donc il doit les restituer.
A cela on peut répondre que l'obligation de r estituer les fruits
�-
316 -
imposés au possesseur de mauvaise foi, dis parait le jour ôll il
n'a plus la possession ùe la chose. Celle obligation ne lui survif'
pas, à moins qu'il n·au cess.é de posséder par dol, afin de s'y
soustraire et ce n'est pas ici le cas. JI n'y a, en outre, aueu11e
assimilation possible, entre la continuatio n de la possessiOn et
l'acquis ition des fruits; car cette dernière profite à quiconqué
est de bonne foi et atm juste titre à chaque p erception isolée;
la possession pour la prescription, au contraire, doit avoir été
de bonne foi au début, et co mm e e lle repose sur un état de
choses permanent dont le caractère se détermine en général
d'un manière invariable, d'après les cil'constances qui en ont
accompagné l'origine (1), ce vice qui l'entachait au commehcement, l'affecte pendant toute la durée, lorsque le successeur est
à titre universel.
Le possesseur cesse d' être de bonne foi, de quelque façon qu'il
ait connu les vices de la chose, roème a va nt la poursuite en justice.
D'après l'article 94 de l'ordonnance de Villers-Cotterets (1539), la
bonne foi du possesseur prenait fin à partir de la demande en justice. Sous l'empire du Code, il est cc.core exact de dire qu'à ce moment
où le procès est intenté, le possesseur n'a plus cc que les Romains
appelaient : lllœsa conscientia quœsiti dominii. La mise ~n mouvement du droit du propriétaire a dù le faire doute1· de la validité de
son titre; il est donc prudent qu'il conserve les fruits ; en outre, le
principe de la chose j ugée exige que le demandeur qui gagne son
procès soit placé dans la situation où il se trouverait si son droit
' les vices
a \·ait été reconnu le jour de la demande. Mais s'il a connu
de son titre, avant la poursuite judiciaire, sa bonne foi tombe et,
dès ce moment, il ne peut plus acquérir les fruits.
Quels sont les fruits qui sont acquis au possesseur? Ce sont tous
les fruits, c'est- à-dÎl'e tout ce que la chose produit, d'après sa desti(1) Aubry et. Rau, ~ WG, note 2~.
-
317 -
natir;m, périodiquement ou à peu près. Cela comprend les fruits
qa~~rels, industriels et civils; s'il possède un usufruit, il gagnera les
fruits eux-mêmes et non pas seulement l'intérêt de ces fruits : quant
au~ , prçiduits, il fa nt distinguer s'ils ont 011 non le caractère de fruits
r11r s~ite d'une exploitation antériellre qui permettait de les percevoir
rç~,~~èrement (578-582). Si ce sont des produits proprement dits,
cowme des coupes de bois de hautes futai es, non aménagés par le
prop~·iétaire, le possesseur ne peut les acquérir. Cependant, on a
sou~enu que tous les prod uits, quels qu'ils soient, sont acquis au
possesseur en vertu de l'art. 2279 ..Ils sont, dit-on, devenus meubles
rwr la séparation, ils doivent donc appartenir au possesseur, gràce
à la prescription instantanP.c. Mais il faut remar11uer que rart 2279
ne s'applique qu'aux meubles revendiqués d'une manière principale,
ou qui ont fuit l'objet d'un titre spécia l et direct. Or, ici les meubles
1) ';existaient pas en<:ore au moment de la prise de possession, puisque
ce n'est que postérieurement que la sl!paration leur a donné ce
caraçtèrz. La meilleure preuve que l'art. 227~ n'a aucun rapport
av~c l'art. 549 1 c'est que celui-ci accorde au possesseur, même les
fruits civils de la chose, et l'art. 2279 ne s'étend pas aux meubles
incorporels. Au surplus, la raison que nous avons donnée, pour
expliquer la disposition de la loi qui laisse les frui ts au possesseur,
n'existe plus pour les produits extraordinaires. Ceux-ci ne sont pas
des revenus; ce n'est dune pas sur· l6ur quotité, qu'il a réglé sa
manière de vivre. Ils sont une partie du capital et le capital tout
entier doit être restitué a u propriétaire.
Comment le possesseur fait-il les fruits siens ? Par la séparation
encore qu~I ne les ait pas encore consommés. Domat disait (( si les
cc fruits étaient cueillis avant la demande, quoiqu'ils n'eussent. pas
« encore été emportés et qu'ils fussent rest6s dans les champs, ils
<c appartiendraient au possesseur de bonne foi, car les ayant cueillis
u et séparés du fonds, ils ont élé à lui; et on ne peut lui en ~ter la
�- 318« propriété ni l'empêcher d'emporter ce qui lui est acquis (!}. i> E,n
ce qui concem e les fruits ci\l ils , la question se pose de s 11.voir s' ils
sont acquis jour par jour comme à l' usufruitier et si Pon doit app!iquer l'art. SM. L'art. 586 est , dit-on, une règle générale, bien q ue
faisant partie des dispositions qui se ra pp?rtent à l'usufruit. Il est
vrai de dire ~u e si les fruits natu rels sont acqu is pa r la perception ,
les fruits civils ne sont acqu is que pa r le paiement ; 1.oais, en dehors
du pair ment, n'y a-t-il pas une sorte de perception ficti rn, svi
generi3, q1.:i les fait considérer comme per('us, alors qu' on ne les n.
pas encore touché>', perception que l'on peut as!'imiler à laperception naturelle. Les fruit s naturels eux-mêmes sont acquis dès
qu'ils sont séparés, alors qu'on ne les a pas per(' us, s'ils ont été séparés sans le fait du possesseur. D'après ~I. Demolombe, les fr uits
ch·ils ne sont per('us que par le paiement , c'est dans ce sens qu'es t
rédigé l'art. 5~9 ; en décidant que le pos~esseu r d e ma uva ise foi est
tenu de rendre tous les fr uits, il dit implicitement que le possesseur de bonne foi pzut garder ceux qu'il a perçus seulement.
L'art. 586 n'est pas applicable au x possesseurs de bonne foi, parce
que leur droit a été réglé d'une fo('on spéciale. L'usufru itier a un
droit qui porte sor la chose elle-mème, tandis que le possesseur n'a
a ucun droit sur la chose. (( Dès lors, on comprend que lorsgue les
(( fru its ne sont pas entrés dans ses mains, durant sa bonne foi, la
" loi ne lui permette pas d'ag ir ensuite pour se les approprier a ux
t dépens du prop riétaire (2). »
§ II. - Dss
CONSTRUCTIONS ET PLA NTATIONS FAITRS
PAR LB POSSESSEUR DB BONNE FOI .
Supposons que pendant qu' il possède le fonds d'a utrui , le possesseur de bonn e foi y élève des constructions ou y fasse des
( 1) Don nat. Lois civiles, liv. Ill, tit. V, sect. III. n · 7.
(2) Demolomb•. Trai!é de la distinction des liieni, t. l , p. 584. V . oqssi
Aubry et Rau, 1(. ~ 206, note 29.
- 319 -p\antàlions, pour son propre compté. •Comment doit orr r égler
ses ; apports avec le propri ~tai re? C'est l'hypothèse prévue par
Farticle 555 qui est a insi con çu. « Lorsque les plantations,
« 1constructions e t ouvrages ont été faits par un tiers et avec ses
<( m a tériaux, !e propriéta ire du fonds a droit ou de les r etenir
« ou d 'obliger ce tiers à les enlever. - Si le propriétaire du
« fonds demande la suppress ion des plantations et cons tr uc« tions , elle es t aux fra is de celui qui les a faites, sans a ucune
« indemnité pour lui ; il peut m ême être condamné à des dom« m ages et intér êts, s'il y a lieu, pour le préjudice que peut
« avoir éprouvé le propriétaire du fonds . - Si le propriétaire
« préfère conserver ces p lanta tions et constructions, il doit le
11 r embourse ment de la valeur des matériaux et du prix de la
« main d 'œ uvre, sans égard à la plus ou moins grande augmen
(( ta tion de Yaleur que le fonds a pu recevoir. ~éanmo ins , s i les
« plantations, cons tructions e t ouvrages ont été faits par un tiers
1< évincé qui n'aura it pas été con damné à la restitution des fruits,
« a ttendu sa b on ne foi, le propriétaire ne pourra demander la
« supp ression desdits ouvrages, planta tions et constructions ,
« mais il aura le choix, ou de r embourser la valeur des matéd riaux e t du prix de la main-d'œuvre, ou de rembourser une
« s omm e égale à celle dont le fonds a au gmenté de valeur. ,
Donc le propriétaire acquiert la propriété des plantations et
constructions pa r application du principe : superficies solo ced il :
m ais ses obligations et ses droits varient selon que le possesseur est d e bonne ou de mauvaise foi. Est-il de mauvaise foi , il
peut l'obliger à démolir, sans lui devoir a ucune indemnité,
a yant le droit a u contraire d 'en dem ander une pour le dommage
que la construction ou la démolition ont fait subir à sa proprieté ; s 'il préfère garder ce qui a été cons truit ou planté 0 11
suppose qu'il aurait lui- mêm e construit ou planté, que ce qu'a
fait le possesseur lui convient et dès lors on l'oblige à rembour-
�- 320 ser ll ce possesseur le montant intégral de la dépense, fût-il
supérieur à la plus Yalue. Tout autre est la situation du possesseur de bonne foi. On ne peut l'obliger a démolir et le propriétaire devra lui payer, à son choix, le montanl de la plus value,
qui sera déterminée par les tribunaux, ou le q1ontant de la
dépense, des deux. la somme la moins forte; tout ce que veut la
loi c'est qu'il ne s'enrichisse point au détriment du possesseur.
Ce que nous avons dit au sujet de la bonne foi à propos de l'acquisition des fruits, s'applique ici. Elle se présume et en matière
de constl'Uctions ou de plantations , elle doit exis ter au mom ent
de l'exécution des travaux. - li ne serait inexact de penser que
le possesseur de bonne foi soit moins bien traité que le possesseur de mauYaise foi, bien que celui-ci ait droit, dans le cas de
non démolition, au montant intégral des ses déboursés, tm1dis
que celui-là ne peut obteni r que le montant de ses dépenses
jusqu'à concurrence de la plus value, qui ne représente peutêtre pas ce qu'il a dépensé. Car le propriéta ire pouvant obliger
le possesseur de mauvaise foi à démolir, sans être tenu de lui
donner aucune indemnité, obtiendi·a facilemen t une réduction
sur le total des rlépenses. D'ailleurs le propriétaire peut s'il le
préfère considérer de bonne foi, le possesseur a lors mème qu'il
est de mauYaise foi (à moins cependant, que cette mauvaise foi
ne r~sulle des circonstances.) Il ne pourra alors ni revendiquer
les fruits, ni l'obliger à démolir. Et le possesseur de mauYaise
foi ne pourrait protester, ni exiger la ciémolition,car la bonne foi
se présume et nemo auditur fttrpitud i11e1rl su am alle9a11.~.
Si le possesseur. au lieu d'élever de nouvelles constructions
a fait des réparations à celles qui existaient déja sur le fonds,'
il n'y a plus lieu d'appliquer la distirtclion. On ne saurait eu
effet, imposer au possesseur de mauvai 'e foi de démolir., a
situation sera donc identique à celle du possesseur de bonne
foi et le propriétaiire devl'a lui :restituer le montant des dépenses
-
321 -
nécessaires et utiles qui ont été faites pour la conservation de
la chose (art. 1381) à moins que celle-ci ne vienne à périr,
auquel cas le propriétaire ne s'enrichit plus aux dépens du
possesseur (1).
L'indemnité dont le propriétaire est débiteur envers le possesseur de bonne foi, pourrait-elle se compenser avec les fruits
qu'il a perçus? Nullement. Le propriétaire doit payer intégralement sans qu ïl puisse invoquer une compensation. La
compensation ne peut s'établir qu'enlre deux personnes, respectivement débitrices l'une de l'autre (art. 1289). Or ici le propriétaire est débiteur de la plus-value, mais il n'est pas
créancier des fruits que la perception a fait acquérir définitivement au possesseur. Si l'on n'admettait pas cette solution,
l'art. 5 W, qui dispense le possesseur de bonne foi de restituer
les fruits, deviendrait lettre morte et l'on détruirait la présomption que le possesseur a consommé ces fruits et que
lautius vi:rit, présomption qui est le fondement de l'art.5-!9 (2).
Cependant si les moyens du propriétaire ne lui permettaient
pas de payer la plus-value, comme on ne peut en somme, le
dispenser de payer la somme qu'elle rep1·ésente et que ct·autre
part, on ne peut imposer au possesseur de bonne foi de détruire,
Pothier disait qu'on peut concilier les intérêts des parties, en
obligeant le propriétaire à servir au possesseur la rente
d'une somme représentant la plus-value de l'immeuble (3).
(!) Cassation, 22 août 186j. irey. 1866. p. 153.
('l) Le possesseur de bonne foi a droit à la ,·aleur des améliorations ou
plantations qu'i l n faites sur l'immeuble pendant la durée do sa po session
sans qu'on pnisse compenser ces améliorations ou plantations avec les fruits
qu'il a per~us. Pau. 29 juillet1868. D. P. 68, 2, 237.
(3) Polh ier, de la Propri été, n. 317. La loi du 16 seplembre 1807 a fait une
applic.ation de cette théorie en accordant a u proprirtaire dont le fonds a été
desséché, la faculté de se libérer de l'indem ni té par lui due en délaissunl une
partie du fonds 011 en cons ti tuant une ren te au quatre pour cent.
21
�-
322 -
Ou peut appliquer, aujourd'hui encore, cette décision éqtiitahie
Le possesseur a urait-il un droit de rétention sur l'immeuble
pour obliger le propriétaire à se libérer au plus tôt, par le
paiement de l'indemnité qu'il lui doit. La question ne faisait
aucun doute en droit romain et dans notre ancienne législation.
Mais comme le droit de rétention est une faveur particulière,
une cause de préférence exceptionnelle que la loi n'accorde
que dans certaines hypothèses , il est à croire que puisqu~
la loi n'en parle pas, elle n'a pas voulu l'accorder au possesseur (570, 867, 1612, 1673, elc.) Certains auteurs l'accor~
dent au possesseur de bonne foi ( 1). Cependant par faveur
pour le possesseur, qu'il soit de bonne ou de mauvaise foi, il
faut lui accorder selon nous, ce droit de rétention pour garantir
le paiement de sa créance.
S E C T I O N :CI
De la bonne foi dans la prescription
§ I. -
PRESCRIPTION Th1MOBILIÈRB DE DIX A. VINGT ANS
q
Comme nous l'avons dit au commencement de ce chapitre,
l'erreur, sous le nom de bonne foi peut encore faire acqué:rir
la propriété pleine et entière de l'immeuble ou du meuble possédé, s'il y a possession pendant le laps de temps déterminé
par la loi et juste titre.
La loi établit une très grande différence en matière de ptes(1) Bas tia, 9 juillet 1856 (Deville. 1856, 2. 404).
-
32;{ -
orlptit111 >entre le possesseur de bonne et de mauvaise foi.
~elu.i"ci ne peut acquérir la pleine propriété de l'immeuble, que
slil l'a possédé pendant trente ans, tandis que pour celui-là,
s'tl a un juste titre, le délai est beaucoup moins long, il est de
dioc à1 vingt ans, selon que. le propriétaire habite ou non le ressort dans lequel l'immeuble est situé. (art. 2265.)
Examinons en premier lieu, le rôle de l'erreur dans cette
presoription qui s'applique aux immeubles. Remarquons que
la bonne foi est présumée, que c'est à celui qui la conteste a
établir, par tous les moyens, que le possesseur n'était pas dans
1'elTeur. Il ne suffit pas qu'elle existe seule comme pour l'acquisition des fruits, afin de produire un elTet de droit; il faut
qu'elle soit accompagnée d'un juste titre, c'est-à-dire d'un titre
qui serait valable, s'il émanait <lu véritable propriétaire capable
d'aliéner, et de nature à transférer la propriété; il n'est plus
un des éléments de la bonne foi, mais bien une condition distincte et indépendante, sans laquelle la prescription ne peut
s'accomplir. La loi, en outre, se montre ici beaucoup plus
sévère pour l'admission du juste titre. La fausse croyance dans
l'existence de cette cause juridique et légitime d'acquisition, ne
suffirait plus ici. Cependant, les jurisconsultes romains et
Pothier (Prescription, 95 et 97) admettent le titre putatif; on ne
peut plus faire de nos jours cette concession : le tex.te de
l'article 2265 est trop formel. Si la loi eut voulu faire produire
cet effet considérable au titre putatif, elle n'eut pas été aussi
affirmatiYe. L'acquisition des fruits permet qu'on fasse cette
dérogation, parce qu'en somme elle ne soulève qu'une simple
qu~stion de fait, tandis qu'ici, c'est une question de droit qu'il
faut résoudre et on ne saurait se montrer trop circonspect,
quand il s'agit d'enlever la propriété au vrai propriétaire. Lemaitre disait justement : c.c. On ne peut pas suppléer a ce que la
c coutume exige, quand il s'ngit de dépouiller le véritable
�-
3!?l -
" maitre au profit du possesseur. Il (1) (Cout. tle Paris, titre ~I
Ch. 1. s.1.). ·on seulement ce titre doit exister actuellement et,
réellement, mais il doit encore être exempt de vices. « 11 faub
« dit-on dans l"exposé des molifs, un litre qui soit de sa natUl'e
(( translatif ùu droit de propriété et qui soit, d'ailleurs, van
« la1Jle. n La loi prend soin de ùire dans l'article 2267, que les
vices de forme, com me ceux qui portent sur la solemnité essenr
tielle à certains actes, dénaturent le titre et l'empêchent de
ervir ùe base à la prescription. Que faut-il dire des vices de.
fond, des nullités absolues, des titres prohibés par la io~
larl. 896 et 901)·? JI faut les rejeter a fortiori, bien que la loi1
moins explicite que l'ex.posé des motifs, ne le <lise pas . .'.\la i:suppo 'on::. que le vice consiste dans une nullité simplement
relative, pour viœ tle con-:;entement ou incapacité ùe l'aHériateur. Tous les auteurs, fülèle · à la lradition,(2)admettent qu~ le
vice purement relatif, qui alteint le titre, u'a point empêché l~
transmission de la propriété a l'égard de tous ceux qqi. i;i.·011~
pas le droit de se prévaloir de cette nullité. Ainsi, si no1,1s ex.ceI?tons le vice du titre annulable, nous pouvons dire que loµs vlc~~
de fond ou de forme, ùépouillent le tilre du caractère essentiyl
quïl doit avoir pour servir de base à la prescription. Le se~l
vice donc, qu'il soit permis au possesseur d'ignorer et cl,ont il
puisse se prévaloir, est l'absence <le droit de l'aliénateur; il faut
qu'il ait été convaincu qu'il tenait l'imm euble du Yérita1Jle propriétaire, et que l'immeuble lui avait été transmis ct·w1e faç.on
régulière et Yalable.
(1) La prescription de 10 el 20 a11s. est soumise à la double condition de
l 'exist< n ·~ d.- la bonne foi et <I un juste lilr~. L:i prcsomp lion de bo1111e loi
établie par l"11rlièle 2268 ne dispense pas l·elui qui Invoque cette prescription
de jus t ifier qu'il a ac4uis par jus te litre. <..:asi;al. 22 juiUe t 18H. D. P. 1875.
1. 1i;,,
<2) l> 'argentré. Coutume de Breta9ne, art 266. Ch. II. n• II. pf !JOO.
Dun1,d, parlie 1. ch. VIII, p, 47 ut suiv,
-
325 -
1 'Revenons à la bonne foi : il faut qu·ene soit pleine et entière (1), mais est-il nécessaire qu·elle ait duré pendant tout
Je temps de la possession? C'est ce que soutenaient les canonistes et nos anciens juristes. Les rédacteurs _du Code ont suiYi
de r>référence le principe Romain : rnala fides supervtmiens
ntm impedit us11capionem. L'art. 22GO s'exprime ainsi:<<Il sufllt
que la bonne foi ait existé au moment de l'acquisition, n et
cétte théorie, bien quelle soit en contradiction avec la morale,
ést admissible. Il fallait se montrer indulgent em·ers celui qui
découvrant le défaut de son droit, ayant conscience de la situation critique où il se trouYe par s uite d'une erreur, ne ra pas
dénoncée et n'a pas provoqué lui-même sa dépossession.
Les règles sur la jonction des possessions s·appliquent ici. Le
successeur à litre uniYersel, ne peut se préYaloir de la possession de son auteur que si celui-ci était de bonne foi, au moment
où il con\mence à prescrire, en Yertu d'un juste titre. Si son
aut'eur était de m auvaise foi, il ne pourrait prescrire par la
pl·escription de dix à vingt ans, ca r il ne fait que continuer la
pdssession dtt défunt, qui n'aurait pu prescrire que pa.r trente
m'.l.s ~ $Î son auteur était de bonne foi, quoi quïl soit de mam·aise
foi il pourra prescrire par dix ü , ·ing-t ans. Le successeur à
litre particulier profite de la possession régulière de son auteur,
1nais si elle ne l'est pas, elle ne lui nuit pas, s'il est luimème de bonne foi et remplit les conditions exigées par la loi.
c~23s. 2231.)(1).
(l ) La bonne foi e xigèe du possesseur pour la prescription décennale ~.c
l 'art. 2265 doit è lre pleine e t e ntière cl conc;islcr dans la lan<>Se c:oYance qn 11
a acctuls la propriété de l'immeuble possédé. (Alger 17 m ars 1819. D. P. 81.
t 141 .).
.
(1) Le droit pour le successeur à litre parliculier de ~récédents nc~~ereurs
de joinrlre à sa posse~sion celle de ~es a uteurs est sonm1se à la cond 1t1011 de
justifier de l'exis tence de ln bonne foi et d'u_ri juste _titre en la personne des
di ts auteurs. (Cas~at. 22 juillet 1874. D. P. 7.J. l. l7J).
�-~~
11. -
PnE<::CRll'TIOX l!OBILIÈRE.
L·crreur on bonne foi et le juste titre . ont aussi deux. condi-.-.entielle~ ile la pre-.~riplion iles rneuhles, ùe l'art. 2?W,
I · ·c1e 11 ll. ét1Llit h nt:ee..;-..ité tle cette double condilion.
" • 1. cll(l:'e qu·.. n ··e::.t obli,.;é Lit> J1m11er ou tle livrer à deux
p n-;onnes ucccssh·ement. e-..L purement mobilière, celle rle~
a 1\eux. qui a été mbe en po ·se sion r~elle est préférée et en
1 1lemeure propriétaire. encore que ~on litre soit postérieur en
e d 1le. pourn1 toutefui:s que la po::-ses ion soit de bonne foi. »
On l'epen1lant es~:i.yë de soutenir quïl n'était pas nécessaire
pour empêd1t'r la re\'endkalion des meubles. que le possesseur..
fùt Je bonne foi. En prê-..ence de l'article 1111 cette opinion '
mauque de fonderueut. D'ailleurs la discu:ssion est puremenL
théorique. C.'lr si l'on admet pas que l'on puis ·e intenter l'action
t'll rcnmùic'llhm de l'article ??ï9. coutre un pos esseur de mau\ ,1i:->e Cui, on est oblige tle convenir qu'il est tenu de payer dom111a~e ·-intênb e1~ Yifflu des articles 13t-i2 et 13 3. On indique
11uelquewis runm1e trobit:me condition. tle cette prescription
l'al1~ence tl"vLligation personnelle ùe restitution ; mais elle se
l'l•nfundra le plus souv~nt a\'ec la premiére ou la seconde.
tion-.
Tout ce que nou avon dit -..ur la bonne foi et le juste titre, à
propo:s de h prescription uumooilière, s'applique à la prescription de:s meubles.
Tels sont les principes qui régissent l'erreur en matière civile.
Il a été justement dit que a l'erreur est un vice de l'intelligence
et qu'il n·y a qu'une manière de ramener l'esprit humain, c'est
-
327 -
de l'éclairer et de l'instruire.» Sans aucun doute,si nous avions
élé plus instruits on mieux éclairés, nous n'eu sions point choisi
un pareil sujet. Quelque f ûl notre application à exposer ces
notions avec clatté, avec ordre, d'une fa1;on complète, en indiquant les grandes lignes, sans nous arrôter aux détails inutiles,
beaucoup de redondances, d'imperfections et de lacunes devaient
forcément se faire jour dans une étude aussi complexe et aussi
dulica te. De nombreux défauts frapperont les yeux de celui qui
lira cet essai, dont nous pourrions dire avec Ovide :
Cum relego, scripssisse pudel, quia plurima cerno
Me quoque, qui fcci, Judice, digna lini.
Notre meilleure excuse se trou\'e dans la difficulté qu'il y
avait à réunir des règles disséminées dans les monuments de
la législation romaine et dans notre code civil, à faire une manière de révision et à étudier à propos d'un vice du consentement d'une nature très abstraite, les actes juridiques les plus
difféveots.
Nous avons voulu faire preuve de bonne volonté. Que cette
considération sollicite nos juges et le lecteur à suppléer par leur
indulgence tout ce qui manque à ce travail.
�-
329 -
POSITIONS
DROIT
ROMA IN
Af éme avant les Constitutions de T héodose, l'infantia ne
correspondait pas au défaut de par·ole.
1. -
Les femmes ri'ont jamais été assimilées aux mi11e1ws r·elafivement à l'er1·eur de droit.
II . -
L'erreur sur la nature du contrat n'empêche pas la tradition d'opérer· le transfert de propriété, quand ce transfert a
été dans l'intenft'on des pm·ties.
III. -
IV. - L a condictio indebiti pouvait se f onder sur une er·reur de
droit.
Le titre putatif avant Dioclétien pouvait servi?· de base à
l'usucapion.
V. -
VI. - A vant S eptime Sévére, les prredia rustica atque suburbana
pupilli pouvaient être usucapés.
HISTO IRE
DU
DROIT
FRAN ÇAI S
A près l'invasion des B ar·bares, il n'y eut aucun partage de
terres entre les Francs et les Gallo-R omains.
I. -
II. - Il y avait inégalité cle condition jurid ique entre le Francus h omo et le Romanus homo.
�-
- 330 -
DROIT
331 MARITIME
CODE CIVIL
I
I. - La nullité du mariage qu'un (rança·is a contracté à l'étraziger, sans se conformer au.'C dispositions de l'article 17.0 , ~st
soumise à l'appréciation des fribwiaux (Bastia, 7 mai 1859.
.
li
Paris, 2.J (évner
1882.)
II. - Le défaut de franscription sur les 1·e9islres de l'EtatCiuil de l'acte du mariage qu'un fra11çais a confracté à l'é-
I. - Les ouvriers et (o u1·nisseurs ont le privilè,qe de l'article
'191 '§ 8 du Code de comme1·ce sur le navire en cours de consl truction à (01'(ait.
1 (
\.
II. - Le navire en cou1·s de construction à (01·/ait appartient
au constructeur .
"
i1·anger, ne l'empêche pas de produire ses effets civils. (art.
171).
III. - L'e1-reur su1· les qualités n'est pas une cause de nullité
du mariage.
Vu par le Professeur, Président de la thèse :
IV. - La vente d'un immeuble faite pa1· l'héritier apparent es
nulle.
L'action en nullité des contrais annulables ne se prescrit
que par le délai de l'art. 1304 qu1· commence a couri'P le·. four
ou le vice a été découvert.
ALFRED GAUTIER·
V. -
1 ,
~u
et perm.is d'imprimer :
Le Recteur,
BELIN·
n. -
Celui qui a payé l'indû a une action en t·evendication contre les tiers acquéreurs des biens aUénés pa1· l'accipiens.
.è' 1
'
VII. -
La transaction est simplement décla1·ative de propriété,
quant aux droits htigieux .
VIII. - Dans l'article 2265 il s'a91ë de la résidence et non du
domicile de droit.
DROIT
CRIMINEL
I. - La Cour d'Assises .Jugeant par contumace, peut accorder
des circonstances atténuantes.
II. - L'article 365 du Code d'instruction criminelle, doit rececevoir son application devant les Tribunaux cor1·ectionnels.
''
�t .. T
T1\BLE DES MATIÈRES
---•1>QO
Pages
IJ hCi'tl fi 1
Introduction. -
De l'erreur en général.
7
P REMIÈRE PARTIE
DROIT
CH. I ... -
ROM~I
· ••
N
De l'erreur de droit et de l'erreur de fait. -
11
Excusabilité.
Des personnes privilégiées au point.de vue ~e
l'erreur.
r
Toa?.
l' ~
SECT.
·û~
SECT .
11
I
li~
l
[
P.
SECT.
~
SEcT.
1
~
[
1 .
T
SECT.
I. -
,,f.{
P.
Des mineurs.
.'
.
I I. - D es femmes.
III. - Des militaires.
IV. -
CH. lI. -
1
f
SBC'l'.
T. -
Des rustici.
D e l' erreur dans les contrats.
Erreur s ur la nature du contrat.
Erreur sui· l'obj et du co ntrat. .
22
23
25
28
30
31
33
II. •
§ l . Erreur sur l'identité de l'objet. . . .
§ 2. Erreur sur les qualités substantielles de l'obj et.
§ 3. Erreur sur les qualités accidentelles de l'objet.
38
39
§ 4. Erreur sur la quantité de l'o bjet.
51
§ 5. Erreu1· sur la propriété de l'obj et .
SECT. [[!, Erreu r s ur lu personne.
56
SEcT.
SEcT.
IV. -
Erreur s ur la cause.
V. ~ Erreur .s ur les motifs . .
36
47
57
59
62
�-
-
334 -
. .. . Gy
CH. III. -
De l'erreur dans le mariage.
CH. IV. -
De l'erreur en matièt•e de successions et de
testaments. . . . . . • .
CH. V. - De l'erreur en matière de
SECT.
I. - De la gestion d'affaires.
SEcT. II. - Du paiement de l'indù. .
CH. VI. -
quasi-co~trats.
•
. •.
I. -
SEcT.
II. -
86
ib.
87
De l'erreur en matière d'usucapion et de
prœscriptio longi temporis . .
SECT.
De Ja bonne foi.
Du juste titre. • .
CH. VII. -
105
IOS
114
.
De l'erreur en matière d'acquisition de fruits
CH. II. - De l'erreur dans les contrats.
I. - De l'erreur sur la nature du contrat .
147
148
II. - De l' erreu1· sur l'objet du contrat.
149
$'ECT.
SEcT.
69
i 1()
335 -
1§
§
§
§
1. Erreur sur l'existence de l'objet.
.
.
2. Erreur sur l'identité de l'objet. . . .
3. Erreur sur la substance de l'objet. . . . .
4. Erreur sur les qualités accidentelles de l'objet.
Vices rédhibitoires. • • . .
§ 5. Erreur· sur la quantité de l'objet.
,§ 6. E1·reur sur la valeur de l'objet.
§ 7. Erreur sur la propriété de l'objet.
SEÇT. Ill. De l'erreur sur la cause du contrat.
SECT. IY. De l'erreur sur les motifs du contrat.
SEçT. V. - De l'erreur sur la personne.
SBCT. VI. - De l'action en nullité. . . .
176
178
185
i , CH. III. -
De !'erreur dans le mariage.
t92
Du mariage putatif. .
233
1
ib.
150
101
1GO
162
164
168
169
ib.
CH. VIII. SEcT.
I. -
SBCT.
II. -
De l'erreur en matière d'aveu et de transaction. .
De l'aveu . • .
De la transaction.
CH. IX. -
Par quelles voies de droit peut-on invoquer
l'erreur. . . . . .
. . . .
124
·ib.
125
1
128
135
CODE CIVIL
CH. I . -
De l'erreur eo général.
.
.
CH. V. - De l'erreur dans les successions.
SECT.
1. - A cceptat1on.
'
. . . . . . . .
S ECT. II. Renonciation. . .
SEcT. III. Des actes faits par l'héritier apparent.
241
ib.
244
245
CH. VI. -
DEUXIÈME PARTIE
Ancien droit français. . .
' CH. IV. ('
. 137
De l'erreur en matière de donations, de
259
legs et de partages. .
ib.
SECT.
I. -- Erreur dans les donations.
260
SnOT. II. - Erreur dans les legs. .
262
SEcT. III. Erreur dans les partages. .
CH. VII. - De l'erreur dans les quasi-contrats.
SECT.
I. - Gestion d'affaires.
S.&C'.l'. II. - Paiement de l'indû. . • .
269
270
274
�CH. VIII. -
336 -
De l'er1·eur dans les transactic:..ns.
.
284
CH. IX. -
De l'erreur ou bonne foi en matière de possession et de prescription.
310
SscT. I. - Possession de bonne foi. . . .
ib.
~ 1. Acquisition des fruits.
ib.
§ 2. Constructions et plantations faites par le possesseur . 318
SECT. II. De la bonne foi dans la prescription.
322
§ 1. Prescription immobilière.
ib.
§ 'l. Prescription des meubles.
326
Positions.
... . . . . .
Marseille. - lmp. -Antoine 7.aratin, rue des Feuillants, 20.
329
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
De l'erreur en matière civile d'après la législation romaine et le droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit civil
Droit romain
Description
An account of the resource
Etude de l’erreur en matière civile à travers trois époques, le droit romain, l'ancien droit français et le droit français du 19e siècle et à travers des thématiques précises
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Casabianca, Pierre de (1859-1944)
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-127
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Antoine Zaratin (Marseille)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1883
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/234816937
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-127_Casabianca_Erreur_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
336 p.
24 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/374
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Abstract
A summary of the resource.
Des causes et de la nature de l' erreur et ses conséquences sur les actes juridiques les plus importants, successivement dans le droit romain, l'ancien droit français, et le droit français du 19e siècle et à travers des thématiques précises.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1883
Notes : La thèse porte : Marseille (20, rue des Feuillants) : Antoine Zaratin, Typographe-Lithographe, 1883
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Contrats -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Contrats (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Erreur (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Erreur (droit) -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/513/RES-AIX-T-170_Henrion_action-publicienne_.pdf
8cca07bf7ecfdf682e6b40b337fab76a
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
De l'action publicienne en droit romain ; Des retraits en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Henrion, Jean-Joseph-Auguste-Fernand le baron. Auteur
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-170
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Barlatier et Barthelet (Marseille)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1893
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/245405410
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-170_Henrion_action-publicienne_vignette .jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
138 p.
In-8
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/513
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Des retraits en droit français en droit français (Publié avec)
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Marseille : 1892-1893
L’action publicienne est une action du magistrat romain, le préteur, qui consiste à supposer que le délai d’une prescription acquisitive a été accompli. La prescription acquisitive est l’acquisition juridique d’un droit réel sur une possession, à l’issue d’un délai durant lequel la chose possédée n’a eu aucune revendication ou contestation. Selon M. Bouchaud, en Droit Civil romain, l’importance de la propriété est telle que « tout propriétaire d’une chose, a le droit de la revendiquer contre tout détenteur actuel de cette chose : l’action qu’il peut alors intenter se nomme action réelle ». L’action publicienne n’est autre que cette action réelle mais introduite par le préteur, en faveur de tout possesseur de bonne foi, dont le délai de prescription acquisitive n’est pas écoulé. La création de l’action publicienne est attribuée à un magistrat romain du nom de Publicius qui exerça sa préture au temps de Cicéron. Cette action a été développée dans le but de garantir et d’élargir le droit de propriété que l’ancienne législation romaine ne protégeait pas.
La première partie de cette thèse se propose d’étudier les origines, la portée et les effets cette procédure de droit romain, tandis que la seconde partie s’intéresse aux retraits en Droit civil français de l’Ancien Régime.
D’après le dictionnaire de Gérard Cornu, le retrait est un « acte par lequel une personne, le retrayant, se substitue, dans le cas où la loi l’y autorise, à l’acquéreur d’un bien, le retrayé, à charge d’indemniser celui-ci de ses frais et débours ». La thèse ici présentée étudie avec une perspective historique deux types de retraits : le retrait litigieux, qui consiste pour le retrayant à racheter des droits litigieux auprès du cessionnaire, et le retrait successoral. Ce dernier consistait pour les cohéritiers à écarter un tiers, auquel un cohéritier a cédé son droit de succession, en lui versant une indemnisation. Le dictionnaire de Cornu rappelle que cette institution a été remplacée par « un droit de préemption au profit de tout indivisaire ».
Sources :
* Audibert, A. (1890). HISTOIRE DE LA PROPRIÉTÉ PRÉTORIENNE ET DE L'ACTION PUBLICIENNE. Nouvelle Revue Historique De Droit Français Et étranger, 14, 269-946. Retrieved from www.jstor.org/stable/43842953
* BOUCHAUD, M. Histoire de l'Académie royale des inscriptions et belles lettres, Volume 41, L'Imprimerie royale, 1780
* CORNU, G. Vocabulaire juridique, PUF, 2013
Liantsoa Noronavalona
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Subject
The topic of the resource
Droit des successions
Description
An account of the resource
Etude du retrait litigieux, rachat des droits litigieux auprès du cessionnaire, et étude du retrait successoral par lequel les cohéritiers écartent un tiers, auquel un cohéritier a cédé son droit de succession
Biens (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Contrats -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Droit romain -- Thèses et écrits académiques
Offres publiques de retrait -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Retrait (droit administratif) -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/367/RES-AIX-T-118_Magdi_Contrat-gage.pdf
76e32c5b89b396574f9b1e546a9cc3a6
PDF Text
Text
11?
UNIYERSITE DE FRANCE -- FACULTE DE DROIT D'AIX
DU ~~NTRAT D~
GAG~
EN DROIT ROMAIN ET EN DROIT FRANÇAIS
-----
THÈSE
POU R
LE
DOCT ORA rI'
PRÉSEN'rÉE PAR
MOHAMMED MAGDI
LICENCIÉ E:S DROIT
ATTACOÉ .\U PARQUET DE MONSIEUR LE PROCUREUR DE LA RÉPUllL!QUE
- - -·40«1-ilC·~~-
--
AIX
IMJ,',RlMERIE J. NICOT, lllJE DU LOUVRE,
Vlflll' filllL.e.t!JllSCl/llfl< · ~Q()C OOf.ur"''"
111111111111111111111111111 11
1002155 13
1881
16
�t
DROIT ROMAIN
CHAPITRE 1..
A LA ~n:M O IRE DE MA l\IÈRE
A LA M É M OI R E DE MON P È RE
REGRETS ÉTERNELS
Toutes les législations se sont occupées de garantir la
créance d'une personne dans un intérêt public et dans un
intérêt privé. afin d'assurer le crédit ùu débiteur, d'en::ourager le créancier et de faciliter les transactions.
Les Romains eurent des garanties personnelles qui se
trouvent dans l'intercession et il semble, qu'à r origine, elles
devaient suffire; aussi les garanties réelles ne furent-ellM
perfectionnées que peu à peu pour devenir ensuite et
souvent les plus précieuses pour Je créancier qui trouvera peut-être, comme on l'a exprimé dans une formule
spéciale, " plus de garan tie dans la chose que dans la personne. ,.
Le nexum et la sponsio furenl les premières sûre Lés que
les Romains connurent pour garanti r leurs conventions .
Lorsque le créancier n'était pas payé à l'échéance, il recourait à la manus injcctiu qui était une l'oie d'exécution fort
lourde pour celui qui la subissait.
�-
fi, -
Par la manus injectio, le débiteur était dans une situation à peu prés pareille à celle résultant du mancipium; le
créancier le faisait travailler à son se1·vice et l'emprisonnait
chez lui jusqu'au parfait paiement de la detie. L'addictu s
ne perdait pas ses droits de cité pour cela, mais il pouvait
en être déchu dans la suite, après sa condamnation au paiement, s'il ne s'exécutait pas dans les soix'.lnte jours en
olTrant de s'acquitter ou en donnant un vindex.
A cause des maurnis traitements auxquels les débiteurs étaient souvent exposés, une loi dite Pœlclia supprima le ncxwn comme contraire aux sentiments humanitaires. Quant à la sponsio, elle garantissait le créancier
contre l'insolvabilité future de son débiteur et avait l'avantage de lui procurer un second obligé qui, en s'adjoignant
au premier. s'engageait à exécuter l'obligation quand elle
ne pouvait pas l'être par le débiteur principal.
Ce mode de garantie personn ell e fut pratiqué pendant
tout le temps où Rome ne formait pas encore un e cité
forto el riche; mais le jour où la société romaine se compliqua'. en s'agrandissant, et où on se connaissa it à pein e
entre citoyens, la nécessité d'un autre mode de garantie
se fit sentir.
. Les premiers citoyens romains étaien t unis p:ir dirers
liens qui en fai saient une très grande famill e, dont les
me~bres ètaient soumis à une solidarité réciproque; il
était ass.ez aisé à chaque individu de t1·ouver un répondant
po~ir lui, ca pable de le protéger auprès de son créanci er,
qui n ~ demandait pas mi eux que ll'ètre sûr ùe sa créance.
Mais, avons-nous dit . 1a societe
· · • roma111e
· étan t devenue
plus compli']née et le nom bre des citoyens
.
ayant acqu is
·-
5 -
un accroissement assez grand, il n'était plus facile à un
Homain de trouver une caution pouvant répondre de lui ;
c'est alors qu'on comprit qu'il y avait nécessité de recourir
à un autre moyen de sûreté .
D'ailleurs, comme à cette époque les biens avaient acquis
une valeur relativement importante. la pratique en fit des
êtres capables de répondre des engagements de leur maitre;
en un mot, on arriva à considérer l'objet d'un débiteur
comme nne cau tion, el cc fol là le principe de première
garantie réelle qu' on appela ensuite gage.
Il faut bien se garder de croire que les garanties réelles,
gage ou hypothèque, aient été instituées tout d'une pièce el
qu'elles soient nées arec les caractères que nous leur trouvons dans le dernier étal du droit romain , c'est-à·àire que
cette théorie, comme bien d'autres, a sui\'i une marche
progressive , conforme d'ailleurs aux développements successifs du commerce et de la civilisati on. Ainsi, à. l'origine,
le débiteur qui voulait donner à son créancier une !'ûrelé
réelle devait loi transférer sa chose au moyen de la mancipation, on par une cessio in jtire avec un contrat de fiducie; il lui en transférait donc la propriété, ce qui
permettait au créancier de l'aliéner .
Il est vrai qu e le pacte de fidu cie donnait au débiteur
une action con tre le créancier pour recouvrer sa chose,
mais le débiteur était privé de tout droit contre les tiers
et ne pouvait pas revendiqu er si le créancier. contrairement
à. son droit, avait vendu avant l'éché.ince; de plus, le débileur pouvait être privé cl de sa chose . et de son prix, si
le créancier, après l'avoir ali énée, avait dissipé le prix et
s'était rendu insolvable.
�-
'1 -
Celle première sûreté réelle était une forte garantie
pour le créancier, mais elle était fort désavantageuse pour
le débiteur qui était dépouillé <le sa chose, ponvait la voir
aliénée par le créancier et qui ne pouvait l'a!Iecter en garantie qu'à une seu le per~onne; en outre. il n'y avait que
les choses manciri qui pussent seulement être engagées
lorsqu'on constituait le gage au moyen de la mancipation.
Jusque fa, on ne peut pas dire qu'i l y ail le gage
proprement dit; il y a seulement des procédés plus ou
moins ingénieux que la pratique créa et dont on se servit
pour s'assurer contre l'insolvabilité du débiteur qui était ,
pour ainsi dire. sacrifié au profil de son créancier.
Sous la République on ne connaissait encore que le
gage avec contrat de fiducie et la loi des Douze Tables ne
parle point du contrat de gage; fau t-il conclure de là qu'il
n'était pas connu Jans les temps les pins reculés ?
On admet cependant que la loi des Douze Tables en a
traité dans la douzième Table qui ne nou s est pas parvenue,
et on invoque à l'appui ùe cette opinion le passage où Gaius,
dans h~ paragraphe 2 de la loi 258 au Digeste, de Verbonmi significatione, commentant la loi des Douze Tables.
parle du gage; cela peut amener à dire que la dvuzième
Table traitait plus particu lièremen t de la matière dont il
s'agit. ( 1)
Avant la naissance du gage proprement dit, on trouve
dans le droit public des Homains une institution qui. s<1 ns
avoir tous les caractères de notre contrat. produisait
néanmoins des elîets à peu près ider. tiques aux siens ; c'e!:it,
( 1) Tcrrussoa Histoire de la Jurisprud~11ce romaine.
-7si je ne me trompe. ce qu'on appelle pign01-is capio: voie
d'exécution dont l'emploi était réservé à certaines personnes
et dans des cas relativement déterminés. Ainsi la pignoris
capio permettait à un créancier du prix. d'achat d'une
victime ou à celui du prix de louage d'une bête de somme,
de s'emparer lui·même d'une chose appartenant à son
débi teur, de la faire fondre et d'en toucher le prix, sauf
à rendre au débiteur ce qui excédait le montant de la
créance. Inutile dd dire que le débitenr pouvait mettre
obstacle à la vente en payant ce qu'il devait.
On ne tarda pas cependant à comprendre l'énormité du
droit des créanciers dans ces cas spéciaux; c'est ainsi que
sous Antonin-le-Pieux il fut défendu aux. créanciers de
s'emparer em>· mêmes, en vertu de la pignoris capio, de
la chose de leur débiteur et de s'en faire un gage.
Oo autorisa le préteur seul. et ent:ore fallait-il qu'il Y
eût aveu d'une dette ou condamnati on à cet effet, à faire
saisir par ses exécuteurs quelques objets du débiteur
comme une sûreté pour le créancier; on lui conserva toujours la faculté de reprendre la chose en payant.
li y a là assurément quelques ressemblances avec le
gage proprement dit quant aux résullats; mais comme
l'étude de cette voie d'exécution ne rentre pas dans la
catégt•rie des obligations civiles et qu'elle est plutôt du
domaine d1J droit public romain, je n'ai pas à co parler
plus longuement. J'ai cru devoir la citer à titre de document historique.
Toutefois il est a remarquer qu'il ne serait pas juste de
croire que le con trat de gage dùt son e:üstence à cette
insti tu lion .
�-
8-
Revenons donc à notre sujel. Le gage proprement dit
dut son existence à la pratique qui permit d'abord au
dèbiteur de sommes de peu d'importance et à courte
échéance de gariler la propriété de la chose donnée en
sûreté; cette idée devint plus lard générale, gr~ce à ses
avantages sur toutes les précédentes.
Le droi.t de gage ne donna d'abord au créancier que la
rétention de la chose ainsi qlle la faculté de vendre à
l'échéance si telle aYait été la ccnvention des parties; plus
tard, à partir de Gaius, le droit de vente de\'iot de la
nature du contrat du gage , c·est-à-dire qu'il fut sousentendu , et pour l'exclure il falla it une réserre expresse
à cet égard. Mais dans les temps classiques et à l'époque
d'Ulpien il était de l'essence même du gage et ne pouvai t
pas être écarté complètement; ain i, si les parti es <1Yaient
déreodu fa vente par une clause for mell e. ce droit n'en
ex istait pas moins pour le créa ncier ; seulement. la vente
ne pouvait avoir lien f!U 'après trois so:nmat1ons fai tes au
débiteur de s'ex.écuter, et il n'en fallait qu 'une, quanJ on
l'avait passé sous silence. Du reste nous aurons à revenir
sur ce point et nou s étudierons les diverses modificatio11s
que Justinien apporta à cc sujet.
Outre le dro it de rente. le gage proprement dit donnai t
au créancier un droit de préférence, puis le préteur ~an c
tionna sa possession par de-; int erdit s po. sessoires .
Entre le débiteur el le créa ncier, il v a les actions
directe et contraire du gage : la premièr~ est donnée au
débiteur libéré afin de reprendre sa choscl avec tous ses
accessoires; quant à. la seco nde, elle sert à inclemn isr.r le
créancier des dommages qu e le gage a pu lui occasionner
-
9 ·-
ou à le faire rentrer dans les déboursés qu'il a pu faire
relativement à la conserration de la chose engagée.
Il peut être con,·enu au moment oil la chose est donnée
en gage qne le créancier prend ra les fruits pour lui tenir
lieu d'intérêt; c'est là nn contrat aléatoire qu'on appelle
antichrèse.
Le gage vaut mieux. pour le débiteur que l'aliénation
avec fiduci e, ce qui n'empêche pas cependant qu'il lui
enlève encore la possession de la chose, et limite son
créd it à unP. seule alTectation de gage.
Il y avait un moyen de ne pas enlever la possession au
débiteur quand il y avait aliénation fidu ciaire : c'était la
facu lté pou r le créancier de laisser au débiteur la chose en
lou age ou à titre de précaire ; mais celle constitution de
précaire était peu favorabl è d<.ins le gage proprement dit
pour le créancier qui n'avait pas d'actions réelles pour
suivre la chose en cas d'aliénation par le débiteur .
Toutefois, on finit par créer ou plutôt par appliquer
d'une façon plu s générale une sûreté réelle que le préteur
sanctionna ; c'est l'hypothèque, qui viendrait de la Grèce,
s'il faut en croire son nom.
Le préteur décida qu'une chose pourrait être. par simple convention ou pacte, et sans déplacement. affectée à
la sûreté d'une créance, que par là naitrait au rrofit du
créancier Je droit de faire vend re la chose et de la suivre
par l'action hypothécaire ou quasi-senienne et de se faire
payer de préférence à tout autre créancier.
Le aaae et l'hypothèque se confondent désormais en
e ~
b'
beauconp de points ; ils port en t sur les mêmes .1ens.
meubles ou immeubles; ils Jonnen t les mêmes droits et
�-- 10 -
sont sanctionnés par les mêmes actions ; mais à la diITérence de l'hypothèque, le gage exige la remise de la chose
au créancier et il ne peut être constitué qu'au profit d'une
seule personne. Les avan tages que l'hypothèqu e présente
sur le gage exercèrent sur ce dernier une influence bien
grande; peu à peu on prit \'habitude d'ajouter le pacte
d'hypothèque à toute constitution de gage el on finit même
par le considérer comme un complémen t nécessaire el sonsentendu.
Après l'apparition de l'hypothèque, le gage ne resta pas
moins en vigueur , car il avait l'avantage d'ofTrir au créancier la possession de la chose qui eH l'objet de sa garantie ; cel avantage de posséder est manifeste lorsqu e
l'objet ~ t un menble que le débiteu1· peut facilement
soustraire au droit du créancier.
-
li -
Le gage dans le second sens peul P.lre défini : un contrat par leque:l une personne, habiLuellemenL le débi teur.
remet une chose en la possession de son créancier ou à
un tiers désigné par les parties. pour !a sûreté de sa
créance. à la charge pour le créancier de la conserver et
de la rendre, lorsqu'il est complètement désintéressé.
C'est là le gage proprement dit où la remise de la chose
ne confère plus un droit de propriété comme autrefois
dans les anciens temps, mais qui donne au créancier la
possession juridique ùe la chose; le créancier possède la
chose en son propre nom et a les interdits possessoires
pour protéger celle possession. Tou tefois. comme il ne
peut pas changer à lui-même la cause de sa possession et
qu'il reconnaît par là le droit dP, propriété d'autrui, il ne
peut pas prétendre à la possession ad usucapioncm laquelle
con tinuera à appartenir au débiteur .
Le gage est un contrat réel, du droit des gens, de bonn e
foi. synallagmatiqu e imparfai t, à titre onéreux et accessoire.
1° Réel, c'est-à-dire qu'il ne se forme et ne devient
CHAPITRE li
Caractères du ( 'onh'at d e Gngc.
Le mot gage ou pign us désigne trois choses fo rt différentes : 1° le droi t réel de gage ou d'hypothèque qui
nïmplique pas l'existence d'un co ntrat de gage; 20 le contrat de gage qui réci proquement n'im plique pas un droit
réel de gage; 3° la chose même qu i fait l'objet de ce droit
ou de ce contrat ou de tous lr.s deux à la fo is.
parfai t que par la tradition de la chose qui fai t son objet.
De plus, le droit qui résu lte de ce contrat est aussi réel,
c'csl-à-ùi re qu e le créancier gagiste a un droit qui le met
en relation directe aYec la chose. Pour lui la chose esl un
être qui répond . comme le fa it une caution, du payement
de ce qui lui e. t dû . Ce droit réel est oppo able aussi bien
au x ti ers qu'au propriétaire même de l'objet engagé ;
la règle est la même pour l'hypolhèque.
2° Dtt Droit des Gens, c'c l·à·d ire ncccssible aux Romains
et aux pérégrins en même temps.
�-
12 -
5° De bonne foi; on dit qu'un contrat est de celle
nature quand le juge peut en connaître tout en s'inspirant
de l'équité et qu'il y a lieu en con équ ence à deux ac tions
directe el con traire dans les rapports des parties entre
elles.
11-0 A titre onéreux; cela signifie que les deux pal'lies y
trouvent un intérêt propre et pécuniairement appréciable.
5° Accessoire, c'est-a-dire qn i intervient pour assu rer
l'exécution d'un an tre contrat dont il suppose l'ex istence ;
en conséquence. si l'obligation principale est nulle le gage
Je Sèra de mème par application de cette règle que l'accessoire suit le principal. Toutes les modalités qui alTectent
l'obligation principale aITectent de même le gage ; si elle
est constituée son3 condition suspensive ou résolutoire, le
gage suivra le même sort.
Quelles que soidnt les sources des créances. elles peuvent être toutes garanties par le gage; peu importe qu'elles
soient civiles, prétoriennes et naturelles, ou qu'elles dérivent d'un contrat ou qu'elles aient une autre origine.
Lorsqu'une obligation naturelle est assurée au moyen
d'une constitution de gage. elle rec.oit alors le souffle de vie
qui lui manquait et dans ce cas on accorde au créancier
une action qui résulte du gage; cependant quelques ëtu teurs
se bornent à reconnaitre un pur droit de rétenti on sur la
chose engagée.
Mais il est à remarqu er que cette constitotion de garantie n'a pas cet effet qu'elle valide un e obligation absolument nulle ou paralysée par une exception perpétu elle
-
15 -
comme celle résultant ùn sénatusconsulte Velleien introduite en fa \•eur de la femme qui s'obligl3 pour au trui ;
dans ces hypothèses le gage ne peut que subir le sort de
l'obligati on principale, par application du principe que
l'accessoire suit le principal et qu'un contrat ne se forme
pas sans objet et sans cause.
AuLrem&ot, il serai t peu rationnel de supposer que la loi
établit une règle d'un côté.. et que de l'autre elle donne la
facilité de la méconnaître par la constitution d'un gage ou
d'une hypothèque: néanmoins si le débiteur est capable de
renoncer au bénéfice de l'exception perpétuelle et qu'il y
renonce en parfaite connaissance de cause, le gage qu'il
a~corde au créancier est valable, car il y a ià, en quelque
sorte, une abdication tacite de sa part aux moyens qu'il
pouvait invoquer.
Le contrat de gage est en outre indivisible et peut être
conventionnel ou tacite:
1. Indivisible. - Le gage et chacune de ses fractions
garantissent la créance et chaque partie de la créance; si
donc plusieurs choses sont données en gage pour une somme,
cette aITectaUon ne fait pas que chaque chose soit engagée
pour partie, non pas parce que eela ne peut pas avci1·
lieu. mais parce que tel est le caractère du gage. à moins
de stipulations contraires et formelles.
Ainsi, si l'un ùc ces objets vient à périr, le gage demeure entier sur eeux qni exi lent : de même si le débiteur
paye une partie de ce qu'il doit, les objets engagés continuen t comme auparavant à être arrectés à la garantie clu
reliquat.
�-1/J. -
La mort du créancier ou du débiteur ne change en rien
le caractère indivisible du gage. c'est-à-dire que les héritiers de l'un ne peuvent pas ~lre forcés à livrer une partie
du gage après un payement partiel. et que les héritiers de
l'autre ne peuvent pas se considérer comme quittes après
avoir acquitté leur part dans la dette et réclamer ensuite
leur part dans la garantie avant le désintéressement intégral
du créancier ou de ses héritiers. Mais il ne s'ensuit pas
de fa que l'obligation principale, qui est ordinairemen t personnelle. ne se di vise entre les héritiers des parties ; chacun d'~ux sera tenu pour sa portion , conformément aux
règles de la succession.
Il. Conventionnd ou tacite. - Le gage conventionnel
est. comme le mot l'iodiqne. celu i qui résulte des conventions des parties; ce cas est le pl us ordi°n aire. 11 est, au
contraire. tacite lorsqu'il est fondé sur lïntenliou présum ée
des parties ou plutôt sur nn motif d'équité.
Nous trouvons le gage tacite dans une loi du Code qui
permet au créancier gagiste de retenir l'objet de sa sûreté
même après l'extinction de la créance pour laquelle il a été
engagé, lorsque le débiteur doit encore d'autres créances
contractëes postérieurement : celte loi étant conçue en termes généraux. il est indilTérenl que ce dont le débi teur
reste tenu provienne d'un con trat, d'une succession ou d'un
autre fait.
Dans celle hypothèse, le créancier, qui est admis à repousser la demande du d~biteur et à lui opposer son droi t
résultant de cette loi par l'exception de dol. est-il recevable
-
15 -
à exercer les mêmes droits a l'encontre des tiers qui ont
acquis des droits sur la chose engagée?
La qneslion est controversée; les uns s'appuyant snr un
passage d'une constitution de l'empereur Gordien, refusent
au créancier gagiste le droit d'opposer sa réteotioo, une
fois que la créance garantie est acquittée aux créanciers
hypolbécai res qui lui sont postérieurs; en résumé, ils n'admellent l'exception de dol que contre le débiteur seul.
D'après les aulres. le droit de rétention est considéré
comme réel, ils aJmetlen t qu'i l peut ètre opposé non seulemen t au débiteur. mais aussi a tout tiers; ce système
me paraît plus conforme au but qu'on a voulu atteindre. En
e1Tet, il y a d'abord un argument tiré du principe qu'on ne
peut pas transmettre plus de droits qu'on n'en a; or. si le
débiteur ne peut pas reprendre sa chose entre les mains du
créancier qni la. relien t pour cc qui lui est encore dû, comment peut-on comprendre que ses ayants cause, ceux-là
qui se présentent a\'ec les même droits que lui, puissen t
prélendre à un avantage refusé à leur i.LUteur ?
En outre, si le débi teur avai t le pouvoir <le dessaisir le
gagiste de son droit de rétention en concédant des droits
su r la chose engagée, que deviendrait la sûreté que l'empereur Gordien a voulu lui accorder?
A mon avis une sû reté si facile à fa ire disparaître est
plus qu'illusoire ! Du reste le pas age sur lequel on s'appuie
dans la premi ère opinion est contredit par le second système: il ne dit pas que le droit de rétention n'est pas opposabl e aux tiers. il a en vue un au tre cas, qui est celui oü un
créancier postérieur olîre de payer le créancier antérieur ;
�-16 -
dans ce cas. dëcide-l-il. celui-là. n'est pas obligé d'acquitter
la créance chirographaire ponr laquelle il sera alors colloqué sur le prix de vente.
CHAPITRE Ill
Con•lltlouti essentielles ù la Formation tin
( 'outa•at de Gage.
I. Conditions de Forme. - Elles ne sont pas nombreuses, et il n'y a guère que la livraison de la chose;
condition qui vient de la nature même du contrat.
Un texte au Digeste porte qu e le gage ou pignus peut
se former par le simple consentement des parties, mais il
ne faut pas en exagérer la portée et le prend re à la lettre ;
car le mol pignus a ici, scion le langage des jurisconsultes romains. un sens très étendu et se rérère sans doute
à l'hypothèque qui, à la diITérence du gage. peut se former
par un simple pacte.
Il. Conditions de Funcl. - Le contrat de gage, cnmme
tous les autres contrats, doit réunir les conditions de première nécessité comme le consentement des parties. lenr
capacité, un objet certain et une cause licite.
-17La capacité de s'obliger suffit chez les créanciers gagistes.
mais le constituant doit avoir en outre la libre disposition
de l'objet donnê en gage. Il n'est pas nécessaire cependant
qu'il ait la pleine propriéi:é de l'objet ; car l'emphylhéote, le
superficiaire, l'usufruitier, le créancier gagiste même, peuvent constituer un gage dans la limite de leurs droits.
Ce principe posé, il résulte que l'on ne pent pas donner
en gage la chose d'autrui . Remarqu ons bien , d'ailleurs.
que la libre disposition que nous avons exi gée n'est indispensable que pour donner naissance au droit réel du
gage. Mais le contrat envisagé sous le rapport obligatoire
peut naiLre dès que la capacité de s'obliger existe chez les
deux parties. Ainsi, les lois romaines en décidant qu'on ne
peut engager la chose d'autrui, veulent dire qu'un droit
réel ne peut être consacrû à l'encontre du véritable propriétaire qui ponrra revendiquer. Mais le constituant peut,
lorsque le créancier sera désintéressé exercer contre loi
l'action directe du contrat pour obtenir la restitution.
En outre le créancie:· peut invoquer le contrat contre le
constituant non propriétaire; il a l'action contraire, soit
pour obtenir un nouYeau gage ou pour se faire indemniser
du préjudice que le constituant lui a causé. Il a de plus
contre lui , en cas de maurnise fo i, une action criminelle
de stelli onat ( ! ).
Lorsque le créancier esl propriétaire de la chose engagée, le gage ne peut même pas alors naitre comme
contrat.
( l ) On comprcnrl sous lo nom 110 t lellio1111/ toul fait do dol non d~
nomrnô et non Jll'l'!vu par lu loi, 11111is <J Ur tombo cluns la cat6gorio des
crimes <J Uc la loi pu ni t.
�-
18 -
-Hl-
Le fils de famille ou l'e clave, s'ils ont la libre administration de leur pécule, peuven t engager les biens qui le
composent.
Le tutem et le curateur peuvent engager les biens qu'ils
atlminislrent, mais seulement dans \'intérêt de l'incapable,
si cependant aucune loi ne s'y oppose. Le mandataire doit
avoir un pouvoir spécial pour constituer un gage.
Le soldat romain ne pouvait engager ses armes; ni le
prêtre, les vases sacrés, sau f pour ce dernier. clans le cas
où la vente de ces objets était permise pour le payement
des dettes de \'Eglise, pour l'achat de vivres en cas de
famine, et pour le rachat des ca ptifs.
Un pupille qui reçoit ou donne no gage, sans l'auctorita s
de son tuteur ne sera pas tenu de l'action, car il ne peut
rendre sa condition pire en contractan t dès lors les obli~a tions naissant du contrat. li en est de même pour celu i
"qui a un cnrateu r et qui aura it contracté sans son as3istance.
En vertu du sénatusconsulle Vell éien . la femme ne
pouvant pas interi:êder pour autrui. ne pom ait constituer
ses biens en gage pour la dette d'un tiers.
CHAPITRE lV
('lao ses qui 11etncut êh•c l 'objet d 'un Gnge.
, Pend~~1t t~ut l'ancien tem ps où le gage se fit au moyen
cl une altena l1on par mancipat ion avec contrat de fid ucie,
les choses su,ceptibles de propriété quiri taire pouvaient
s~ulcs être mises en gage. Ensnite lorsque le gage ne confera que la possession juridique au créancier, les choses
pouvant être l'obj et de celle possession purent être engagées.
Les biens, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels peu,·en t êlrc engagés ou hypolhéqués; cependan t,
selon quelques jurisconsul tes . le gage ne pouvait porter
qu e sur des meubl es ( 1), el une lrace de cette opinion se
rencontre même dans les hlstitules de Justinien (2) . Néanmoins il est aujourd'hui admis que le gage pouvait parler
indistinctement sur un meuble ou un immeuble. ~l ais ce
contrat était for t utile et usilé pour le meubles; par
contre, l'hypolhèque quoiqu·clle pût s'appliquer aux meubles. portait plus fréquemment . ur des imm eubles qui, en
cette matière, présen tent un grand inlérêl. li y a là une
cliŒércnceà noter entre le clrnit romain el le droit français.
qui n'admet en fail de l'objet du contrat de gage que les
( 1) Loi 2:1s,
~
2 De l'rr b. Siug. L. 111. -
(2 ) § 7 Dr . lei. , ! \'. 6.
�'
-
20 -
meubles. cl les cxclul formellemen l du ùomainc hypolbécaire, ~auf l'exception allmise pour les nav ires .
Quant aux choses futures, elles ne peuvenl pas servir
comme objet dans un conlral de gage qui exige la remise
de Pcî"chose en la possession du créancier ; 01· les biens à
venir n'élant pas encore existants, ne peuvent pas êlrc
livrés. Au contraire, un débiteur pouvait valablement
hypolhéquer ces sortes de biens, l'hypothèque ne supposant aucune lraùiLion actuelle ou future.
Dans le principe el conformément au droit civil pur
et rigoureux, les choses incorporell es ne pouvaient pas
être données en gage, car on ne µouvait pas en faire livraison; mais dès le moment où le préteur eu t introdu it
la quasi-possession, les biens qu i ne tombent pas sous les
sens devinrent susceptibles d'une quasi- tradition et purent
ainsi être mis en gage. La remise du titre d'une créance
équivaut à la tradition ùc l'objet lui-mème.
Selon le même principe, les servitudes personnelles,
sauf l'usage. purent être engagées quant à. leur exercice
seulement ; el comme il ne s'agit pas ici de mettre en gage
le droit lui même. le gage s'éteindra avec l'usufruit .
Les servi tudes prédiales urbair.es ne peuvent être
données en gage. Les servitudes rurales le peuvent. Voici,
clans ce cas, ce qu'il fau t supposer : le débiteur permettra
au créancier gagiste d'exercer la. servitude tant que la dette
n'aura pas été éteinte: cc ne sera d'ailleurs possible que
si le créancier a un fond s limitrophe. C'est cet exercice
de la servitud e qu i continuera la quasi-tradi tion nécessaire
à la formation du gage. Le créancier gagiste ne sera pas
considéré, pour cela, comme titu laire du droit tic servi-
-
~1
tude; car la nature et le bu t du contrat s'y opposent,
seulement, si la delle n'est pas éteinte a l'échéance Je
cr.éa ncier gag iste pourra vendre la servitude au prop~ié
t.a1re d'un fonds voisin : ce n'est qu'au profit de ce dernier
que la servitude est établie en tant que droit.
Quan t aux servitudes prédiales déjà ex istantes, elles ne
peuvent être engagées sans le fonds dominant dont elles
sont inséparables, comme étant des qualités inhérentes à
ce fonds.
QuanL aux créances, elles peuvent être engagées pour la
sûreté d'autres créances; le témoignage de Dioclétien en
fait foi , voici ce qu'il en di t ; Postquam eo decursum est,
lit cautiones q uoque debilormn pigoris tlarentur ( 1).
Les créances ne purent faire l'objet du gage qu'après
l'i11 trodnclion du gage proprement dit; c'est sans doute
à la suite d'une progression commerciale et industrielle
qu'elles devinrent un moyen de crédit. car les institutions primiti ves ne favorisaient pas de beaucoup le créancier gagiste sur ce point. En eITet, les formes de la cession
de créance ex igeaient certain es cond itions peu commodes
sans rass urer complètement le cc-sionnaire; ainsi, la délégation supposai t le concours du débiteur cédé, et la procuratio in rem sttam n'était définili 1·e que par la lilis co11leslalio. Ce qui a contribué urtout à faire des créance' des
choses utiles à céder, c'est la substitution de l'acti on utilis
à l'action mandati (2) .
( 1) Loi 7, Cod., De llrr ed vel M t ., I V, 30.
• (t ) Yoir lo l i vro cl r n olro éminl'nl mollrc A. J ourdo11 , doyen de la
l•oculté d 'Ai x. intitul é: l'f/ypolllèq11e, fXt•ositi011 h is toril) 11 ~ ri dogmatique,
chopi lr e XXX; h y polht'(j \to.l s ur des c r éo n c ~s.
�-
22 -
Maintenant, il s'agi t de savoir quel est le caractère de la
constitution du cage portant . ur des créances; est-ce une
cession de créance, ou simplement un pur droi t de gage ne
con férant que la rétention ?
L'opinion la plus généralement admise par les commen·
ta leurs est que le p·ignus nomùiis impliquait nécessairement
une cession no minis; en effet, le but essenti el dn gage consiste
a munir le créancier d'une garan tie sérieuse lui permettan t
de vendre la chose engagée fau te de paiement à l'échéa nce.
Or. ce l.Jut ne serait pas alleinl , si le créancier gagiste n'est
pas investi de l'action par voie ùe ce.sien; du reste, il ne
s'agit pas ici d'une cession pure et simple à laquelle s'oppose la nature du gage. mais d'une cession subordon née a
la condition que le débiteur ne paiera pas. D'aill eurs,
comme le droit romain rigo ureux ne permet qu e la cession
des actions résultant de la créance, au moyen de la procuratio in rem suam, le créancier po urra donc, ou rendre
ces actions. on exercer les actions de son débitenr comme
actions utiles.
Il y a cependant des au teurs qui n'admcllent pas que la
cessio nominis soit la conséq uence nécessaire ùu pig11us
twminis; parmi eux, je cite Veugerow, jurisconsulte de
l'Allemagne ( 1) , il s'ex prime ain i : "Bien qu 'ori ne puisse
réaliser la créançe d'a utrui qu 'en vertu dn mandatu.m
aclionis, il n'en faut pas conclure qne l'impignoration d'u11
11omen doive être considérée com me 1111e cession érnu luelle
ou condi lionnelle, et que le gélgiste doi\'e être traité comme
( 1) Lchrhuch,
p. 81:J.
-
23 -
un ce~si onna ire; il est au con traire nécessaire de laisser
ici place anx règles du pignus. •
L'acLion util e donnée an cessionnaire et que le créancier
gagiste exercera est une action personnelle utile et n'est
qu'une forme nouvelle de l'action rnundati qu i permet au
créancier, sa ns l'intervention de son débiteur, d'autoriser
un Liers a poursuivre. Certaines créances étant inr,essibles,
ne peuvent pas être données en gage, telles sont : la créance
d'alim en ts, celle qni a pour objet la constitution d'une ser·
vituùe person nelle.
Le créancier gagiste auquel on concède une créance pour
garanlir la sienne do it en faire la notification au débit~ur
cédé. celle dénonciation équivaut a une prise de possession
de la chose engagée: dès ce moment. le cédé ne peut plus
payer valablement qu'entre les mains du créancier cessionnaire.
Si. dans ce cas, la créa11ce garantie devient exigible,
le cession naire peut venùre. sauf à. donner aa cédé l'excédan t, ou bien en demander directement le paiement au
débiteur, et cela par \'aclion utile dont nous avons parlé
plus haut.
A moins qu'il n'y ait d'aulres sûretés spéciales, le constituan t ne répond pas de \'insolvabilité du cédé; il en ~é
poncl. au con traire. s'il a été démon Iré que la créance _m~s~
en oaoe arait une existence supposée ou qu'elle avait ele
déj: a~i énée; dans ce dernier c,1 • le ce~sionnaire e t admis
à inten ter \'aclion contraire de gage.
Toutes les exceptions quo le dûbiteur cédé est en droit
d'opposer au constituant peuvent ôtre opposé.es. au créan~
cier cessionnaire qui ne saurait èLre plus fav onse que celui
�-
21.. -
dont il esl le représentant ; en même temps, le cessionnaire
peut, à. la condition de ne pas léser les droits du conslituanl, compenser, libérer le débi teur . lui faire remise de
la dette jusqu'à concurrence de ce qui lui est dû. Ajoutons que, dans ces cas, le débiteur est libéré vis-à-vis du
constituant comme s'il y avail eu pai ement.
La prohibition de la /ex co111missaria , par Constantin,
étant conçue en termes généraux, s'applique non seulement
au gage des choses corporelles, mais aussi à celui des
créances, de sorte que les parties ne purent plus, depuis
cette constitution, convenir que le gagiste ou le créancier
hypothêcaire gardera la créance en propriété s'il n'est pas
désintéressé à l'échéance.
Un créancier gagiste pouvait donner en gage l'objet
qu'il avait reçu lui-même en gage; il y a"ail là un so usgage, subpignus, ce qui était connu à Home so us le nom
71ignus p1:g1wri dalum.
En étudiant le siibpignus, la première qur:stion qui se
présente naturellemen t à l'esprit es t cellè de saroir quel
en est l'objet, en d'autres termes ce qui est engagé.
Est-ce le droit réel du gage? Est-cc la r,réance garantie par
ce droit, ou est-ce enfin la cho e déjà impignorée qui va
être de noU\·eau mise en gage par le créancier gagiste?
Les au teurs son t dirisés . ur ce point, mais il me parait
certain que le subpi911us a le même objet que celu i du
gage. c'est-à-di re la chose elle-même; d'autant plus que
dans tous les tex tes où il est question de celte espèce de
gage, on ne s'occupe que ile l 'en gag~mer1 l que Je créancier
gagiste fai t de la chose elle-même qui lui es t déjà engagée.
Le su.bpignus donne au so us-gagiste le ùroit de ven dre
-
l
25 -
à l'échéance l'objet engagé sous les mêmes règles qui
régissent le gage ordinaire. En onlre, comme le sousgagiste est en quelque sorte substitné an premier créancier,
il ne pourra prélever sur le prix de vente du gage que le
montant de ce qui est ùû à son débiteur si sa créance
dépasse celle de ce débiteur auquel il devra tenir compte
de l'excédant; si, au contraire. la créance du sous-gagiste
est inférieure, celui-c.i ne peut retenir que le montant de
sa propre créance et doit rendre le surplus à son débiteur
direct.
Nous le répétons, le sous-gagiste reçoit en gage la chose
déjà engagée el non point le droit au gage; il en résulte
qu'il n'a pas un droit réel spécial et opposable à tous ;
mais il en acquiert nn qui est subordonné au droit réel
du premier créancier gagiste. Son droit s'éteint donc par
l'exti nction dè celui de sùn débiteur.
Ici se présente une question fort déballue et sur laquelle tout le monde n'est pas d'accord; c'est celle de
savoir si le subpign11s en traîne toujours cession de la
créance du premier gagUe contre son débiteur. En \'Oici
~omma irement l'intérêt:
Si nous admettons que le subpignus emporte toujours
1Jig11us 11omi11is, nous devons déclarer d'une part le $OUSgagisle possesseur du droit réel app1rtenant à on débiteur
ainsi que de l'action personnelle résultant de la première
créance; d'autre part, le premier d~biteur obli gé de payer
entre les m:iins du sous-gagiste qui a dù lui faire la dénon·
cialion reqnise. Le sous-gagiste n'a pas l'action perscnncllü clans le sy tèmc contraire, el le clélJiteur conserYe la
�-
26 -
facullé de s'acquilter valablemen t entre les mai ns de son
propre créancier.
Pour nous. la question n'est pas douteuse et nous
n'hésitons pas i1 Yoir dans le SH bpignus un 7Jignu8 r10mi11is;
plusieurs motifs nous déterminent a prendre celte décision :
Le texte de la loi, ~a ns nous prêter complètement son
appui. ne nous cc·ntredil d'aucune manière; il ne oons dil
point a qui le payement est fa iL ( 1) CependaoL il est probable qu'à. l'origine, le débiteur propriétaire du gage pouvait se libérer entre les mai ns du créancier gagiste ; mais
il e, l constaté que dans le dernier étal de droit romain, le
sous-gagiste pouvait l'allaq uer directement et il ne pouvai t
pas ne pas le payer. De quel droil le sous-gagiste pou"aitil , en l'absence de la cession tacite. compenser sa dette
avec celle de cc propriéLairn du gage? N'y a-t-il pas là. une
preu\'e qui confirme le système que nous avons adopté?
La cession ficti ve ou tacit!:' résulte d'ailleurs de l'intention préw mé~ des parties; le sous-gagiste a en tendu avoir
sans doute une position aussi sûre que celle du créancier
gagiste vis-a-Y is de son débiteu1·. Le bul des parties est
donc de procurer an sous-gagiste une garantie sans laquelle il n'aurait pas peut-être fa it crédi t au premier créancier gagUe.
Décider autreme11t, ce serait anéanti r la garantie que le
sous-gagiste avai t entend u se procurer ; en effet, si la
cession rle la créance garantie n'étai l pas pré. umée chez
les parti es, par quel moyen Je sous-gagiste pourrait-il
------ -----(1) Loi 13
$ 1,
D1i;. Ve J>ig11om.
-
27 -
renlrer dans ses fonds, puisqu e le propriétaire du gage
conserYe toujours fa facullé cle s'acquitter rnlablement
en payant le créa ncier gagiste. l)u reste, il e:t nn poiol
sur lequel tout Je monde est d'accord et dont nous Lirerons
profit : c'est qu'on reconnait au sous-gagiste le droit de
vendre la cho e engagée; or, si le sons-gagiste peut vendre,
c'es t qu'il doil avoir, comme Leut créancier. un droit
personnel que la cession tacite lui procure.
Le sous-gagiste étant subrogé aux droits tl c premier
créancier, possède une action personnelle ulile al'encontre
du propriétaire de gage et il a de plus tous les avantages
qui résultent du contrat de gage. et non seulement, comme
on l'a prétendu. nne simple rétention sur la chose. Cc que
nous renons de dire à propos du sttlipignus e t aussi
appli cable à. l'h ypothèque de J'hyp0Ll1èque.
Quoique dans le commerce. certaines cho~es onl été
déd arées. pour des consiLlérations ù'orùre publ ic ou d'intérêt général, non suscepti bles d'un gage ; ce sont les choses
liti gieuses. les immeubles compris dans la dot ou ,la donation 7H·opter n uptias, les biens des fi ls de famille ::idministrës par le père. les e claves el les animaux allachés à la
cultu re. ainsi que le ustensiles aratoires el agricoles.
La défense d'engager les e.claves. les animaux et les
i ns t ru m en~s employés à l'agriculture remonte aux empereurs Constantin , Honorius el Théodose. L'ordre du magistrat . nne disposition testamentaire ou l'accord des parties
pouvaient exclm·c du gage des choses u~cepti bles d'être
Ycnd ues ou achetées.
�I
28 -
CHAPITRE V
E8'ets clu Gar;c
SECTION 1
DES YOI ES DE RECOURS
Le r.ontral de gage étant réel, c'est-à-dire nn de ceux
qui se forment ,·e, ne pouvait avoir d'existence aux veux
de la loi que lorsqu'à la convention des parties s'élait j~inte
une livraison matériell e de l'objet engagé, Je débi teur restant toujours nanti de la propri été de la chose. Bien qu e
celle-ci ne fût plus en la détenlion du débiteur, il contio~ait à posséder ad t1sucap io11em , s'il n'était pas propri étaire au moment de la formation du cont rai.
. ~a possession proprement dite de la chose mi$e en g:igc
arns1que tous les moyens légaux qui sont nécessaires pour
sauvegarder celle posses, ion. ".onstiluen t l'a ttribut du
créancier qui en était nanti (cette remise de la possession
dilîérencie le contrat de gage de l'hypothèque qui n'exige
nullement une pareille fo rmalité).
. 11 peut se faire qu'au moment où la trad ition doit avoir
hea, le débiteur refu se de l'elîectu er. alors le créancier
d:vait .s'adresser au magistrat, qni seul avait qualité pour
de~er~rner,le débiteur à livrer. cl il n'était pas permi s au
creancier d entrer, de sa propre autorité, en possession de
-
~9
. ·-
son gage. Jamais l'emploi de la violence n'était accordé au
créancier pour sa mise en pos!>cs::.ion . et nous voyons qu'à
nome la femme ne pouvait reprendre la ùot qu'elle s'était
constitu ée sans y avoir étc au torisée par le magistrat ; en
conséquence il n'est pas adm is~ ible qu'un simple créancier
n'ayant que la possession soit plus favorisé, à cet égard,
qu'un véritable propriétaire.
D'après Ulpien el un tex te ùes empereurs Dioclétien et
Maximien. était passible de l'action ui bononnn rttplonim
tout créancier gagiste qui s'emparai l de son gage par violence; l'action dont il s'agit ici était nne action utile, car
l'action vi bonon'm raptornm esl ùonnée contre celu i qn i
a commis un vol. ce qui ne peut p:ts être appliqué directement au gagiste. ~1ème en dehors de toute ''iolence, un
décret de Marcus déclarait le créancier déchu de sa cr6a n ~e
même si, sur le refus de son débiteur de lui livrer le gage
ou à son insu, il s'en emparait de son propre chef et sans
aucune au torisation préalable de magistrat.
Une convention expresse émanant des parties ne pou\·ai t
a\'oir pour effet de permettre an créancier gagiste l'emploi
de la violence pour enlever la chose qui lui avait été pro·
mi se en gage; cette convention. dis-je, ne saurait aci~order
au créancier une impunité que la loi Julia sur la violence
publique ou privée ne lui recon naît point.
De semblables stipulations son t clairement trop contraire$ aux bonnes moeurs et à l'ordre public pour qu'elles produisent un effet et qu 'elle3 soient pri. es en considération .
Si donc le débiteur refurn de mettre le gage en la possession
de son créa ncier :iuquol il l'a promis. celui-ci doit de toute
nécessite s'ad resser au magistral ; mais par quel mo)•en
�~
30 -
pouvait-il faire valoir son droit de gage? Quelle est l'action
qu'i l pouvait inten ter pour jnstifier ce jtis in 1·c qui lui
arait été concédé?
Le gagiste n'eut pendant longtemps élncune action pour
se faire mettre en possession de son gage. mais Je jour où
Je créancier hypothécaire eut l'action quasi-servienne pour
prendre possession de la chose à. l'échéance, le créancier
gagiste put jouir de celle même action qui lui donnait le
droit d'entrer en possession dès la perrecLion du con trat.
An sujet de celle acti on scrvienne et quasi-servienne, nommée aussi hypothecaire, que le prél&ur donnai t au créancier.
voici le te:;;.tc même de Justinien : u L'acLion servi enne appartient spécialement au propriéLaire vo ulant exeri:er son
droit sur les invecta et illata d'un rermier qui lui sont affectés
à titre de gage. pour les fermages d'un fonds : par l'action
quasi-servieone, dérivant par analogie de la première. des
créanciers poursuivent leur droit de gage ou d'hypothèque.>'
. L'aclion quasi-serv ienne esl une action in rem, prélor.1en'.ie (elle ~or le même le nom du préteur Servius q11 i a créé
J ~ct1on ser\'lenne) . elle est aussi in (<1ctwn et a pour bul de
faire meure le créancie1· gagiste en possession de s<1 sûreté.
Ce~Le ac~ion avail nne formu le qui ne nous est pas parvenue
mais qui a été reconstituée par la suite ; son i'ntenlio était
démo~s lrali ve et était rédigée in factwn, car le préteur ne
po.uva1t pas créer ùes dro ils selon le droit civil. Il va de
soi que l~ nom du défendeur ne figurait pas dans l'intcntio ,
par la raison qu'elle était conçue in rem.
. La form~ le de celle aclion comprenait, outre l'in tentio
demo~stra_Ll ve, une conclemnatio et renfermait le pouvoir
donn e au Juge de faire resL1'tnei.' 1•a1'b1tnwn
. .
juclicis. Pour
-31 intenler celle action, il ne sera pas de toute nécessité
d'attendre l'échéance de la créance; au contraire , le créancier est intéressé à se faire mettre en possession du gage
promis avant l'arr ivée de celle époque. car le débiteur
pourrait devenir insolvable ou par sa mauvaise foi, il se
laisserai t évincer par un tiers de l'objet engagé.
Au moyen de l'acti on quasi-servienne, le créancier exerce
un pouvoir assez étendu , apparaissant même comme un e
so rte de revendicalion de la chose; aussi appelle·t-on cette
action vi11dicatio 7Jig11ori$. ou encore 7Jignoris p11rsecutio
et pcrsewtio hypothecaria. On lu i donr.e quelquefois Je nom
ùe pigneratilia actio ; mais nous laisserons celle dernière
dénomination à part pour C\' iler Lou le confosion entre elle
et l'action personn elle résullan t du contrat de gage pour
el con tre les Jeux par lies.
L'action qnasi-servienne est donc donnée au créancier
qui n'est pas actuellement en possession de la sûreté qu i
lui a été promise, soit parce qu'il n'a jamais possédé ou
parce qu'il a perdu la possession. Comme cette action
constitue une sorte ùe re,•endicalion ( vinclicaliu 7)ig11oris) ,
le dérendeur es t admis a e prévaloir èe mêmes exceptions
qui peu\'ent ètrc opposées à une servi tude propremen t dite. /u~~~
Quant au tiers détenteur de l'objet impignoré. il a élé
protégé par le bénéfice de discussion introduit par Justinien
et connu sous le nom d'e.rrcptio ordinis; le tiers détenteur
peut ù~sormais renvoyer le gagiste discuter préalablement
la fùrtunc du débiteu r avant de le dëpos.éùer directement..
Pour réussir et triompher dans l'action quasi-seni enne.
le demandeur devra établi1' avan l tout la preuve de sa propre crë:ince cl du central du gage qui la garantit ; lle plu
�-
5:2 -
il lni faul prou\·er que la chose apparli cnl en réalité au
constituant au moins in bonis, et que le détenteur ne possède que salvo jure pignoris. Nous verrons plus loin que
l'interdit permet. au contraire, an créancier qui J'exerce,
de ne prouver que la constitution du gage et sa dépos~essi on
injuste.
Cependant, nous devons faire remarquer que l'ar bitri tmi du juge dans l'action quasi-servienne met le défendeur dans l'ailernative de remettre l'objet an gagiste ou de
payer ; s'il ne s'exécute pas d'une façon ou d'une autre, en
un mot, si le défendeur refu se de se conformer à l'arbitrium, le juge, en supposant qu'il s'agisse d'un défendeur
aulre que le débiteur , le condamnera à des dommagesintérêts pouvant excéder le montant de la dette, quand il y a
lien. Inutile de dire que celle indemnité, qui tient lieu du
gage, devra être restituée intégralement au débiteu r s'il
désintéresse le créancier à l'échéance.
Une fois que le créancier a été mis en possession, soit
volontairement , soi t judiciairemen t, c'e t-à-dire à la suite
d'une instance judi ciaire. il peut demeurer dans celle possession jusqu'au parfai t paiement de la dette; c'est un
droit que la loi lui reconnait sous le nom de j us relc11tio11is
ou droi t de réten tion.
Pour meure sa possession il l'abri de toutes tentatives
émanan t des tiers, ou même du constituant , le gagiste est
armé des droits analognes il ceux que la loi a créés po ur
protéger les propriétaires. Ai nsi, au cas où il est troublé
dans sa possession, le préteur lui accorde- t-il par uti li té
( uliliter) les interdits ttli 7Jossiditis , si le gage es t immobilier,
et les interdits utrubi, s'il est moh ilicl' ; est-il dépossédé du
35
gage pa r la violence, le créancier exerce l'interdit undi vi.
En cas de vol. le créancier a l'action de vol el peul l'i ntenter malgré ta solvabilité de son débiteur; l'action f1'rti
peut aussi être exercée dans ce cas par te propriétaire, et
la poursuite du créancier contre le voleur n'exclut p:is celle
du propriétai re.
Lorsque c'est le propriétaire qui a ravi au créancier son
gage!, il sera tenu de l'action fu rti, car en le dérobant il a
commis f urlmn 71ossessionis ( 1).
Quelle est l'étendue de l'action f urti intentée par le
créancier gagiste dans l'hypothèse précédente! Lui serat-etle donnée en se fondant snr la valeur même de la chose
volée, ou eu égard simplement au montant de la créance!
Le jurisconsulte Paul répond qu'on s'attachera à la valeur de la chose. sau f l'obligation pour le créancier à tenir
compte au débiteur de ce qui excède sa créance (2).
Aj outons qu'après le paiement de lïndemnité, sur la
poursuite du créancier, le propriétaire ne peut plus intenter
l'action furti .
L'interdit satvien était un moyen, pour se faire mettre
en possession, plus ancien que l'action quasi-servîeone ou
hypo thécaire; il était réservé, à l'origine, au locateur d'un
fonds ru ral pour obtenir la possession des invecta et illata
pour lesquels il fallait un engagemen t exprès de la part du
fermier. Quan t au gage tacite du propriétaire, il ne portai t
qne sui· les produi ts s9ulement du sol.
(1) Gaiu s, C.11 1, § 20 '1. -
l nsli l. § 14. l) e O/Jli. q11œ e:c 11ass. de/ici.
(2) Pou l, L. 15 Pl'., D. eL J. 87, Ue Ful'/i~-.
�- :HAprès amir rêservé l'inlcrdit salvi cn au bailleur, on en
aurait étendu le bénéfice h. tout créancier ( 1) .
D'après une opinion généralement admise, cet interdit
était donné. non seulemen t contre le loca taire , mais aussi
contre tout détenteur des objels engagés ; du reste. si on
admet qne \'interdit salvien contenait en germe l'action
hypothécaire, il est admissible qu'il donnait lieu h un droit
de suite.
Ce n'est pas tout. je vais plus loin : l'interdit utrnb i permettait au créancier qui s'était empressé d'entrer en possession. de recourir contre les détenteurs pour recouvrer
celle possession : or. on peul dire qu'ici la prise de passes·
sion est en quelque sorte tacite et résulte de l'illala. Le
Digeste por te un texte de Julien qui ne fait pas de doute en
ce sens (2).
En l'année 2~ 9 , l'empcreor Gord ien rendit nn rescrit
don t les termes sembl ent contredire les textes précis de
lu lien et restreindre le bénéfice de cet inlerùit à. la personne
du preneur : mais on prétend que le tex te de cette constitution impéri ale aurait élé altéré et qu'il y a lieu de remplacer le mot vc par que (5), afin de faire disparaître toute
contradiction avec les tex tes du Digeste.
Néanmoins, oo peut consid érer le rescrit de Gordien
comme un arrêt d'espèce intervenant dans un cas particulier ; on suppose que le créancier :rnrai t renoncé à l'in( ! ) Loi, 8,
S 3, in fine,
(:!) Loi, Pr . e t
~
Dig. De fllterdi ct.
J . De salv. /rit crd .
(3) C'est ninsi quo M. Mncheler<.l, p. 11 9, croit concilier le tex te de
Gordien, il lit eo11ductorelll debitr,,.emquo nu lieu do conductorem debilor emve .
-
5ts -
terdit salvien et n'a plus pour agit· que l'action servienne.
Quoi qu'il en soit. il est certai n que la création postérieure de l'aclion servienne a resserré en quelque sorte le
cadre de l'interdit ad11iscendœ possessionis; mais il n'en
continua pas moins à présenter une utilité réelle.
D'abord. le crèancier est mieux protégé lorsqu'il a deux
moyens pour se faire meltre en possession, surtout quand
ces moyens diITèrent l'un de l'autre; de plus. l'interdit
étant un moyen possessoire dont la procédure ctait simple
et expéd itive. il était préférable à l'action servienne, moyen
pétitoire plus compliqué par l!:s preuves qu'il nécessitait.
Selon notre éminent maître M. Jourdan (De l'Hypothèq1~e ). pour exercer l'interdit on n'a qu'à prouver
l'illata 71ignoris ; tandis que pour l'exercice de l'action il
faut prouver. outre la convention d'irnpignoration entre les
parties, que le défendeur est cujus in honis cssent illala .
SECTION li
DES DROIT S QUE LE GAGE ENOE!S DR E AU PROFIT DU
GAG ISTE SUR. 1:0BJET
I. Droit de /Wenlion - Le créancier a le droit de
retenir la chose à lui remise en sûreté de sa créance jusqu'à ce qu'il soi t complètement désintéressé; ce tlroit de
réten tion est protégé, dans le dernier état du droit. par
l'action quasi-servienne ou hypothécaire dont nous avons
parlé plus haut.
On ne tronve pas de lois speciales qui auraient réglementé ce droit de rétention que le préteur protège par
�-
36 -
uoe exception de dol ou par des moyens de défenses admis
dans les actiims do bonn e foi.
Le droit de rétention permet au créancier de prendre.
dans le procès, le rôle de défendeur et lui donne le moyen
de faire porter la qu estion sur le terrain possessoire ; de
cette façon le juge vide par une seule et même sentence
les cootestalions qui peu\'Cnt faire l'objet de deux procès.
ce qui évite les pertes de temps et des frais inutiles.
Ce droit garantit la dette principale dans Loule son
étendue ainsi que ses accessoires qui sont : la da use pénale
an lérienre on concomitante au gage. les intérêts pourrn
qu'ils aient fait l'ol>j et d'une convention spécia le au moins
contemporaine au contrat. Si les intérêts ont étP. conYenus
postérieurement à la formation de contrat de gage ou s'ils
soo l usuraires . le droit de rétention ne l e~ garantit
point ( 1) . Quand les parties ont limité la constitution de
gage à la garan tie de l'obligation prinr.ipale ou à l'une des
obligations accessoires, le droit de rétention se trouve
restreint dans la même mesure.
L'emperear Gordien étenuit le droit de rétention au cas
où le créancier gagiste avait une autre créance contre Io
débiteur; dans ce cas la détention de la chose restai t au
créancier jusqu'à l'entier acqu ittement de ces créances.
même de celle à laquelle le gage n'avait pas été afTeclé au
moment du con trat. Il pouvait se prévaloir de ce droi t
contre le débiteur et les créanciers chirographaires. car la
loi, ne parlan t que des créances sine pignon~. exclut tontes
celles qui seraient l'objet d'une sûreté particulière; il faut
( 1) Loi 1.L § 3 dern . phr . Oif(. /Je />ig11. act.
-- 57 -
de plus que les deux créances n'aient pas été con tractées en
même temps, parce qu'alors Je gage ne serait affecté qu'à
la créance garanti>:: expressément.
Le débiteur qui a payé la créance garantie sans payer la
seconde, qui est actuellement exigible. pouvait être repoussé par une exception de dol qui n'était pas efficace.
comme nous venon s de le dire, con tre un créancier hypothécaire postérieur qui, afin d'obtenir la remise de la chose.
n'avait qu'à offrir au gagiste le montant de la c.réance
garanLie par le JJignus.
Comme le rescrit est conçu en termes généraux, peu
importe l'ori gine ou la nature de la seconde créance : nous
nous sommes ex pliqué sur ce point en parlant du gage
Lacile.
Les au leurs ne sont pas d'accord pour fonder ce droit
que le rescrit de l'empereur Gordien consacre; Pothier
pense que c'est là l'idée d'un e saisie-arrêt que Je créancier
gagiste est au torisé à faire entre ses propres mains (f ).
D'autres croient au contraire que le rescrit est fondé sur
l'i ntention présumée des parties; celle manière de voir
ncus paraît fondée, d'autant plus qu'un texte d'Ulpien
peut lui servir d'appui . C'est ai nsi que ce jurisconsulte
romain nous enseigne (2). que si le gage a été donné pour
le capital et non pour les intérêts ou bien pour les intérêts
et non pour le capit al ; lorsq ue suivan t les cas, le capital
seul ou les intérêts souls auron t été payés, le gage sera
de plein droit li béré. Ce tex te détruit com plètemen t l'idée
( 1) Traité d11 Co11 /r11/do Nar1tisse111•11/, n• 17.
( 2) Dig. 1 0 1 l t ,~3, liv . t ;l, l , 7
�-
38 --
d'une saisie-arrêt pl'atiquée pa1· le créancier entre ses propres mains. Du reste Cuj as est concluant dans notre sens
et il explique celle décision ainsi : les parties pouvaient
par une clause formelle contrevenir au rescrit <le Gordien. elles auraient pu s'ex pliquer sur ce point , si leur
intention n'était pas d'étenùre le gage à. la seconde créance .
Il . Droit de Possession (ju.s 1>ossessionis) . - A l'origine le droit de rétention était la seule garantie réelle que
le contrat de gage assurait au créancier : cette sûreté élait
évidemment insuffisante et n'ava it d'effi cacité que si le aéan·
cier conservait la détention de la chose. Les interdits possessoires que le préteur accorda au créar.cier pour recouvrer la possession améliorèrent sensiblement sa situation
qui désormais était à l'abri de tonl danger . Désormais,
dis-je, le créancier possède légalement el a à sa disposition
tous les moyens nécessaires à la conserv:i li on de son droit;
néanmoins la possession ad usucapionem résidai t toujours
dan s la personne du constituant.
Cette possession ad interclicta r,onstitue un droit wi
generis par lequel le créancier se maintient dans sa sûreté;
s'il est troublé. il exercera les interd its 1·etinendœ rosses·
sionis causa et il usera des i11terdits recuperandœ posses·
sionis causa dans le cas où il est dépossédé. La di\'ision
des avantages de la possession en tre le créancier el le débi·
leur est cependant un fait anormal qui sort un peu des
règles ordinaires : les effets de la possess ion ne se réalisent
en général qu'au profit d'une seule personne. C'est ainsi
que dans le hai l, le commodat. Je dépôt, la possession n'est
-
39 -
pas scindée entre le fermier, le commodataire et le dépo·
sitaire d'un côté et celui de qui ils tiennent la chose de
l'autre ; ce dernier seul possède et a l'animus et les premiers ne sont que des détenteurs ayan t Je corpus entre
leurs mains.
Mais comment com prendre une possession basée sur le
fai t (corpus) sans l'intention (animus)? En d'antres termes comment le gagiste peut-il posséder puisqne sans
l'a11imus domini il n'y a pas de possession? Voici l'explication ingénieuse donnée par Savigny ( 1): • La possession
est com1dérée comme un droit et, en cette qualité, elle
est susceptible d'aliénation. C'est pourq uoi le possesseur
véritable et originaire peul transmettre son droit de possession à celui qui se comporte en son nom comme propriétaire et qui ne pourrait être considéré comme possesseur. Ainsi le créancier gagiste a Ja possession juridique
ùu gage qui lui est donné, quoiqu'il ne veuille exercer sur
lui aucun droit de propriété, car Je débiteur qui avait la
pleine possession de la chose lui a transfl!iS Je jus 110ssessio11is, en même Lemps que la détention. •
Quelle que soit, d'ailleurs. l'expli cation théorique que
l'on donne de la itual ion clu créancier gagiste, on comprend fort bien quelles con idérations pratiques ont amené
cell e scission de la pos ession entre les deux parties.
Mais si le JJiy1111s allri bne la possession au créancier, il
ne lui confère pas la propriété du gage; de là, il résulte
que lorsque c'est un esclarn qu i lui a été donné en gage,
le cr~anc ie r ne peul :icquérir aucun droit par cet esclave,
l i ) Trarl é dt laPo•ussion,p . Ill et ll S.
�-
40 -
même e.v re suci (1). En outre. comme le constituant
possède cet esclave ad usuca7>io11cm seulemenl, il ne peut
plus acquérir la possession par son intermédiaire.
Du reste, la possession dn gagiste ne lui donnait point
le droil de rn servir de la chose impi gnorée. en conséqu ence, il commetLait r.e que les Romains nommaient
{urliim usus (2), s'il venait à s·en servir . Cependant il étail
autorisé. quand la chose était productive de fruils, à les
percevoir et il en était comptabl e: en e!Tet, il doit conserver et administrer l'objet du gage en bon père de famille.
et il manquerait à ce deroir en le laissant improductif.
Ces règles sont bi en con formes au but du 1>ignus où toul
a été organisé dans lï ntérèt du créancier au point de me
de la sùretê; dans lïnt<irêt du Jébitenr , au point de vue
d.e sa libération. Permettre l'usage. droit difficile à apprécier en argent, c'eùt été fa tiguer la chose sa ns avancer la
libération du débiteur.
A Rome, on avait l'habitude d'adjoindre an contrat de
pignus ou à la convention constitul i,·e d'hypothèque. le
pacte .d'.antichrèse qui consistait à permettre au gagiste de
~ecu eilhr les produits Je la chose engagée pour lui tenir
lieu des intérêts de sa créance. Les frui ts n'étaient oas
tous soumis aux mêmes règles en cas d'an lichrèse . et l~on
distinguait les fruits naturels et les fruits civi l .
Etaie~t-~e. des fruits natu rels? Il importait peu qu'ils
fussent rnferteurs ou supérieurs aux intérêts; Je gagiste
(1) Loi 37, Dig., liv.
(~)
1,1 ,
l. 1.
Gaius, L. 54, De Furlis.
-
41 -
courait la chance des bonnes comme des mauvaises récoltes. en un mot il y avait aléa.
L'obj et du gage produisait-il des fruits civils. le créancier n'y avait ùroit qu e jusqu'à concurrence du montant
des intérêts de sa créance. Le constituant avait droit au
surplus el s'en faisait tenir compte au moyen de l'action
directe du gage. ( Pignerntitia clirecta.)
III . Droit cle Vente . - Le gagiste va posséder la chose
jusq u'à l'échéance de sa créance ; mais si, à cette époque,
il n'est pas désintéressé, la loi lui reconnait le droit de faire
vendre l'objet du gage et d'en toucher le prix pour se payer
de ce qui lui est dù. Cependant ce droit n'a pas existé de
tout temps, car le créancier n'ava it aucun droit sur la chose
el on ne conçoit pas au premier abord comment il pouvait
en transférer la propriété à autrui , lui simple possesseur.
Pour arriver à permettre au gagiste de vendre on a dù
employer ces moyen5 timides que les Romains admeuaient
so-uvent pour réformer certains points de leu r droit.
Ce fut le pacte commissoire qui , si je ne me trompe.
serv it le premier a conférer au créancier un droit conditionnel relati vement à l'objet du gage; le paragr<l(Jhe 9 des
Fragmenta Vatica11a noug démontre qu'il était admi . Le
créancier pouvait convenir qu'à défout de payement à
l'échéance il garderait la chose pour lui ; peu importait la
valeur de celte chose, fût-ell e supérieure au montant <le
sa créance, il ne la gardait pas moins.
Mais ce moyen présentait 1rop d'inconvéni ents pour
qu'on ne cherchàt pas a y remédier de très bonne heure ;
�-
-- 42 -
aussi a-t-on eu recours à une antre convention que nous
indique la loi 15. au Code vn- xrv , par laquelle on ne
permettait au créancier de garder la chose que pour un
prix fixé par experts. La convention donl il s'agit déguisait une vente conditi onnelle. De là à. admettre le créancier
a Yendre Jui-même, il n'y avait qu'un pas qui fut Vile
franchi. C'est ainsi qu'on accorda d'abord au créancier. en
vertu d'une convention expresse jointe au contrat, la
faculté de YPndre, faute d'avoir élé satisfa it h l'époque fixée.
Si les parties avaient omis celle dause spéciale de ver.i le, le
créancier qui au rait vendu la chose impignoréc était a~si
milé au voleur.
Les avanrages de cet acte de ven dcndo en rendirent
l'usage fréquent et les créanciers ne firent plus de prêts
sans sti puler le droit de vendre qnand ils n'étaient pas
payés au moment désigné par le contrat. La conven tion de
ueriden do entra tellement dans les habitudes qu'on la trouva
qualifiée, sous Alexandre Sévère, de pacl 111n vu/gare ( 1) .
Plus lard . à l'époque classique, on sous-entendit ce
droit dans tout con trat de 7Jign us, mais les parties conservèrent la faculté d'y contreven ir formell ement ; c'est
alors qu'il devint de la nature du gage. Sous le Bas-Empire
le droit de vendre fut considéré comme de l'essence même
du gage , et la convention prohibitiYe de vendre ne pouYait
plus enlever au créancier gagiste le droit d'aliéner : elle
n'avait plus qu'un seul elTet. celui d'astreind re le créancier
à fai re trois dénonciations. avant toute ven te. au débileur .
Une seule dénonciation suffisait a défaut de la conrnn tion
(1) C.: . •\~. VXX IV .
-"
-
·• •
- · - -'A-
~ , _.-. ...... .
-& -
45 -
prohibitive. Du reste. en cas de dénonciation. le créancier
ne pouvait procéder librement a la mol e qu'en laissant
~'écouler deux ans d'intervalle depuis les dénonciations jusfJU'a la vente.
Si les parties avaient fait une convention expresse permettant la vente du gage. c1~tte convention a!Tranchi!>sait le
gagiste de la nécessité de la dénonciation ; décider autrement
ce serait aller contre leur intention. En effet, al'époque où
le droit de vendre était de l'essence du gage, on ne pomait
pas admettre que les parties eussent voulu . en introduisant le pacte de timdendo, reprod uire une exigence de la
loi . cc qui eût été une superfluité. Cela fut admis pour
donner un sens à la convention des parties et afin d'en
fournir une interprétation conforme ~ lenr volonté.
La vente se faisait à l'amiable. mais le gagiste ne lJOnrni l
pas s'approprier la chose faute d'acheteur ; il. était a~mis'.
dans ce cas. à s'adresser a l'empereur. qm pouvait lu'.
accorder la possession unimo domini ' ou la lui refuser. ~1
1
la demande du gagiste était satisfaite par l'em~er~ur. ~
acquérait par celle concession la propriété ~001ta1.re. qui
lui valait un juste litre pour usucaper ; mais le deb1teur
pouvai t empêcher cette usucapion de s'ac~~mplir '. et. pouvait reprendre sa chose en payant ce qu il devait a son
.
créancier .
Justinien décida que le créancier qui ne trouvait . pas
d'acheteur et qui n'aYait pas été désintéressé jusqu'au JOUr
où la vente devait avoir lieu' devait faire une nouvelle signification au débiteur ou. en son absenc~. pro\'oqu~r I~
fixation d'un ch~lai par le juge avant de faire sa re~uote a
il n'y a\•ait plus
. ·
l'empereur . Et comme sùUS Justtmen
�-
1.4 -
qu'une seule prop1·iélé, le créa ncier non payé après l'accom plissement des formalités vou lues acquérait la propriété quiritaire sur la chose. Mais il pouvait être obligé à
rendre la chose au déb1teu1· si, clans un nouveau délai de
deux ans. celui-ci s'acquittait compl ètement de tout ce qn'il
devait en capital et interêls.
Lorsqu'au contraire le créancier avait trouvé un acheteur, il se faisait payer sur le prix p1·ovenant de la vente,
et s'il y avait un excédant il en était tenu vis-à·vis de son
débiteur par l'action directe de notre contrat (pigner~litia
dfrecta).
En cas d'insuffisance du prix de vente, c'es t-à-dire
quand il était inférieur à la valeur de la dette, le débiteur
était tenu de la différence à l'égard de son créancier.
Le créancier qui rend l'objet du gage faute de paiement
à l'échéance agit-il en 1 ertu d'une procl1ration ou en vertu
d'un droit qui lui est propre .
Dans le sens de la première opinion on a invoqué : 1° la
comparaison faite par les deux jurisconsultes Gaius. Paul
et l'empereur Justillien entre le créancier et le procurator ;
2° la conséquence suivante: le créancier ne répond pas de
l'éviction dont le débi teur est tenu seul vis-à-vis l'acheteur.
1
Mais on objecte contre celle opinion que le créancier
jouit d'une indépendance absolu e dans l'exercice du droit
de vente qui est établi dans son unique intérèt.
De plus. la loi 1 C. vr11-xxx nous dit que la vente faite
de mau1•aise foi par le créancier ne donnera un recours an
débiteu r con tre l'acheteur qu 'à la condition :
-
1~5
-
1° dn dol du créancier; 2° de son insolvabilité;
3° de la complicité de l'acheteur; et ce recours n'avait lieu
qo e par l'action de dol. Qu'est-ce à dire. sinon que la vente
était donc valable et que le créancier agissait en vertu d'un
droit qui !ni appartient en propre!
Si le gagiste n'était que mandataire, sa mauvaise foi
l'aurait mis dans la position de celui qui dispose de la chose
d'autrui et la vente n'aurait pas transféré la propriété.
Quant à l'antichrèse. il ne peut pas en répondre en principe, à moins qu'il ne se présente comme propriétaire ou
sachant qne le débiteur n'avait plis la propriété de la chose
engagée.
Quoi qu'il en soit. le créancier n'a jamais été obligé de
Yendre, mais si le débiteur ne ponvait pas le forcer à le
fa ire, il était néanmoins admis à vendre lui-même à un
tiers on à son créancier lui-même: dans ce dernier cas le
clébiteur recevait le prix de son objet, ù édu1~tion fai te de
sa delle.
Les parties pouvaient a l'origine convenir par un pacte
adjoint qu e fa ute cl c remboursement à l'époque fixée, le
créancier garderait la chose :l titre de payemenl ; cette
clause dont nous avons déjà dit un mot était connue sous
le nom de tex com missarùi.
On comprend aisément le danger que présent:iit cette
convention. Les débiteu rs toujours trop confiants, comptaient s'exécuter et reprendre lenr gage à temps, mais
com me a \'échéance ils n'étaient pas souYent e~mesure de
payor. ils voyaient le bien qu'ils avaient ainsi engagé pas er
. .
entre les mains d'un créancier :ll'ide.
De plu s les débiteurs à qui le besoin cl'argent fat :ut
�-
/~{)
-
tout accepter. se trou vèrenL i\ la merci de!' créanciers qui.
avant de leur prêLer leur argent. leur imposaieut presque
toujours cette clause, en exigeant naturellement un gage
d'une valeur plus élevée que le montant de la delle.
La tex coinmissaria finit par servir a certains spéculateurs peu honnêtes. commo moyen de réaliser des prêLs
usuraires.
U11e constitution de l'empereur Constantin insérée au
Code ( 1) défendit absolument l'llsage de la tex commissaria; elle décic!a en outre que non seulement la clause
prohibée était nulle, mais que la chose doit être en levée au
créancier à titre de peine.
CHAPITRE VI
De!IO Ohllgatlonlii du ('rl-ancler Gagiste et du
Dél1iteu1• t't dcH Actlonfli qui lcua• scr,·c11t dt>
Sanction.
SECTION 1
ÛDLIOATIONS DU GAGISTE
Le contrat de pig1w s étant synallagmatique imparfait,
il ne fait pas naitre nécessairement des obligations réci-
(1) Loi 3, Gode, liv, 8 el
a~.
-
47 -
proques à la \;harge des deux parties. Les seules obligations qni naissent immédiatement du contrat sont celles
qui incombent au créancier gagiste; celles du débiteur ne
vien nen t qu'après co up et postérieurement à. sa formation.
La tradition que le débiteur était chargé de faire pour
la perfecti on du gage expliquait la principale obligation
mise à la charge du créancier. celle de restituer. Une fois
qne le créancier est complètement désin téressé, il doit
elîectuer la rem ise de la chose engagée au débiteur ; ce
qui doi t être rendu c'est l'ol.Jjet même et non point sa
valenr , comme cela a lieu dans le mutuum. La restitution
du gage est assurée par l'action directe de ce contrat que le
débiteur peu t exercer même à l'effet de recouvrer tous
les accessoires de sa chose ainsi que tout ce qu'elle a pu
produire hors de ses mains; en un mot. le créancier 01\
doit rien gard er de tou t ce qu'il a eu de la chose ou à
so n occasion.
Quant aux fru its, comme il doit les percevoir uniquement dans l'intérêt du débiteur . le créancier en tiendra
compte ~1. celui-ci, et il est même responsable de ceux qu'il
aurait dû percevoir ; il en est de même du loyer si la
chose est louée. Toutefois, il doit employer les fru its à la
décharge du débiteur en les imputant sur ce qui lui est
dû et en commençant par les intérêts; si les fruits ont
suffi ~l tout payer. cc qui en reste aprè. est restitué au
débi teur propriétaire du gage.
Quelquefois, les parties convenaient de déroger an
principe qui défend au créancier de joui r de la chose ou
d'en u~er ; la conventi on dont il s'agit avait pour but
<l'attribuer ces avan tages au créancier pom lui tenir lieu
�-
·-
48 -
des intérêts de la delle garan tie. Celle clause, connue
i'antir.hrèse, permellait au gagiste de faire les
~o o s le nom <
fruits siens quelle qu'en fût la val eur , mais par contre il
lui faisait perdre Je droit aux intérêts.
La constitution d'antichrèse pouvait être expresse ou
tacite; expresse qu:i.nd elle a. été stipulée formellement par
les parties, tacite lorsqu'une chose fru gifère a été donn ée
pour garantir une dette produisant des intérêts.
Quand l'objet impignoré a été volé. Je créancier doit
aussi rendre ce qn 'il a obtenu par l'action fiwti on par la
condictio {1irtiua; seulement quand c'est le constituant qui
est l'auteur du vol on doit distinguer : Est-ce la coriclictio
{tirtiva qui a été intentée. la restitution a lieu. car cette
action n'est que rei 71ersecutoria? Est-ce au contraire sur
l'action furti que le constituant a été condamné, il n'y
aura lieu ni à la reslitution ni à l'imputation de l'excédant;
la raison en est qu e l'actio n furti est pœnœ 71erseculoria,
et nul n'est forcé de restituer à une personne ce qu'il en
a retiré à titre de peine.
En cas de \'en te de la sûreté, le créancier demeure
tenu par l'action directe de gage de ce qui reste du prix ;
si cet excédant du prix a été employé par le créancier ou
prêté avec intérêt, il devra rendre l'intérêt de cet argent.
11 en est de même au cas où il a été mis en demeure de
restituer PexcédanL. quoiqu'il se soit conten té de le garder
comme un dépôt.
Nous avons déjà. dit que l'action pignentlilia existe en
même temps que le gage, mais il faut observer qu'elle ne
naîl ordinairemen t que par l 'extin ~Lion de la créance. peu
importe le mode qui lni t.lonne fin. Mais cela ne peut
l~U
-
influer en aucune façon sur le caractère personnel de
celle action et le constituant n'a contre le;; liers détenteurs
que la revendication cl les actions utiles de celles qui
appartiendraien t au créancier ; celui·ci reste toujours tenu
par l'acti on piyneratitia directci. en ''ertu de laquelle il
devra céder au propriétaire du gage les actions qu'il a luimême contre les tiers.
Le créancier est en ontre tenu Je garder et de conserver
ce qui lui a été remis pour Il sûreté de sa créance; il doit
apporter à sa conservati on les soins d'un bon père de
fam ille; les soins qu'il donne à ses propres affaires ne
suffisent pas. Il répond non seulement de la perle totale
du gage. mais aussi de toutes les détériorations provenant
de sa faute ou t.le son dol ; la réparation de ces dommages
est sancti onnée par l'action directe qu'a Je débiteur contre
!ni. Le créancier ne saurait en aucun cas se soustraire à sa
responsabilité en cas de dol ; toute convention à cet égard
ne peut pas l'en décharger.
En prévi ion du cas où IA gagiste aurait frauduleusement dissi mulé les détériorations qui ne peuvent être
con nues qn'à un moment ou l'action pig11eratitia n'est pas
recue. la loi confère au constituant le droit de demander,
a\•an t la restitution de la chose, une caution qu'aucun dol
n'a élé commis. Par ce moyen. le constituant exerce contre
le créancier l'action ex stip!Llacu. s'il vient à découvrir des
détériorations provenant du dol ; on comprend l'utilit~
d'une pareille garantie quand, par exemple, le créancier
aura laissé des servi tudes actives s'éteinùre par le nonusage . En cas Je perte fortu ite du gago le créancier doit
en fourn ir la prou\'e.
�-
JÜ -
SECTION JI
ÜDLJGA1'IONS DU DI~DITEUR
Le débiteur qui a payé sa dette n'est pas Lou jours complètement libéré vis-a-vis <lu créancier ; en effet celu i-ci a
pu souITrir quelques dommages causés par l'objet engagé,
ou il a pu faire des dépenses qui l'ont empêché de périr et
il est juste et équitable qu 'il en :>oit indemnisé.
Ainsi le constituant doit rembourser an gagiste toutes
les dépenses nécessaires, toutes les sommes employées à
l'acquittement des charges el impôts publics qui frappent
la chose; tant que ces indemnités ne sont pas recouvrées
il reste privé de sa chose el le créancier peu t refuser de
la loi remettre.
L'action 7Jigneratitia con traria esLdonnée au créancier
comme sanction ùes obliga ti ons dont est tenu le débiteur;
celle action !ni sera surtout utile lors4 ue, la chose ayant
péri fortui tement, le droit de rétention ne peut plus être
exercé.
Outre les dépenses nécessaires que le constituant est
obligé de rembourst>r, il peut être tenu de dépenses simvlement utiles conformément a l'intention des parties; le
magistrat décide qu'il y a lieu ou non a en indemniser le
créancier selon qne les dépenses ont été faites avec le
consentement au moins tacite tln débi teur. ou qu'ell es ont
été fa ites dans le but dr, rendre impossibl e la reprise de la
chose par l'allgm2ntation de valeur qu'elle a acquise.
Qu ant aux dépenses vol11pluaires, le créancier peu l, con-
-
51 -
formément aux principes généraux cln droit romain, les
ènlever sans nuire à la chose.
li faut remarquer que la responsabilité du constituant
n'est pas touj ours la même quand il s'agit des fautes;
tandis que le <lébiteur répond dans l'exécution du con trat
de sa fau te même légère comme le créancier, le constituant,
s'il est un tiers désintéressé. est responsable seulement c!e
son dol. Disons en dernier lieu que l'action contraire n'est
pas iotentée dans le cas oü les dommages causés ne sont
pas le résultat <l' une mauYaise foi de la part du débiteur
qui peut alors s'en a!Tranchir en faisant l'abandon noxal
de sa chose; a-t-il élé au contraire de mauvaise foi. a-t-il
connu les vices de la chose, il sera soumis à l'action contraire de notre contrat.
CHAPlTRE Vil
Dt" l"E~tln(!tlon dn Ga:tt"
Le droit de gage s'étei nt généralement avec la créance
ùon t il aarantit l'exécution. mais il peut s'étei ndre sans
que cell; créance prenne fin ; il en ré3lllle que ce droit
prend fio de deux façons, a savoir: par voie principale et
.
par voie de conséquence.
Toules les fois que la créance a cessé d\!xister. le droit
r1o gaeae , qui en est l'accessoire, suit génêralement son
�55
sort et prenù fin; en un mol. toutes les causes qni étei·
gnent \'obligation principale donnen t Heu à l'extinction du
gage. Toutefois, à Rome, on distinguait avec min la solutiu
de la satisf'actio; le premi er mode d'extinction de la dette
peut. en effet, s'opérer même contre la volon té du gagiste;
le second, ne pouYait avoir li eu qu e de son consentement.
Si la satis/'actio porte sur la substi tu Lion d'un fid éj usscur
au gage, et plus généralement d'une gJrantie à une autre,
le gage s'éteint dans ce cas par voie principale.
La remise de la delle au débiteur , la compensation el la
novation opèreo l au.. i, comme le r,aiement, l'extinction
de droi t du gage. Pou r ne pas aller pl us loin, voyons cc
qn i a lieu dans le cas de la noralion conrentionnelle; arnc
ce mode d'exti nction, le créancier renonce à son ancienne
créance dans toute son intégrité pour don ner le jour à une
autre; il rait , en quelque sorte, une datio in solHl11rn ( 1);
aussi, les accessoires ùe l'ancienne crëance disparaissa ientils a\'Cc elle, si une conven ti on expresse n'en fai sait la
résen•e pour la nvuvellc créance.
Cependan t, il y a bi en des cas oü le jas pig11oris suni·
vait à la créance qu'il garantissait.
1. C'est ainsi que dans la double novation légale qui s'opérait par la titis contestatio et puis par la condemnatio pro·
noncée par le jnge, les ancienn es garanties ne s'évanouis·
saient pas; sï l en était autrement. il eût été ir1juste d'en
libérer le débiteur dont la cond;1mnalion a prouvé le mau·
vais rnuloir de s'exécuter.
(1) Les Sabiniens allribuoicnl à ln clatio
ment.
i 11
solttlum l'clîct d'un paie-
Il. La loi Il• arl Se11atusconstdtum Velleianwn nous pré·
sen te un cas où l'extinction de la créance n'entraine pas
cell e du gage ; il est question dans ce texte d'un créancier
qui. après avoir 1ibéré son débiteu r, accepte asa place une
femme. Cet engagement étan t nu l par application du Séna·
tusconsuIle VelUicn, le créancier perdait son droit de créance
cl il en Gtait privé jusqu'à ce qu'il se l1t remettre dans son
ancienne position par le ministère du magistral. Quant au
gage de cette créance. il restait intact, car ce qui est exigé
ponr on extinction. la:Sotulio ou la satis{aelio du créancier,
n'avai t pas eu lieu.
III . Quand la Ùtllte cessait d'être civi lemen t obligatoire et
ne constituait plus qu'une delle naturelle, le gage continuait
à garantir cet te dernière; il y aurait eu mauvaise foi de la
p:i.rt du débiteur qui, san5 désintéresser son créancier, au·
rait réclamé néanmoins le gage.
Que fau t-il décider si le juge rend une sentence qui de·
clare à tort que la réclamation du créancier n'est pas
fondëe ?
Le principe rcs judicata pro veritalc habet"r in5piré pa1·
des con id érations d'ordre public e t ici applicable dans
toute son étendue; en con. équencc. le gage ne saurait
cxi ·ter dans cc ca · oü il n'y a même pa. d'obligation nalu·
relie poovant lni .errir de base. Un Le'l;te de Tryphoninus,
où la chose jugée e$l assim ilée :rn ·crmcnt, ne lai.se pas
ùe ùoulc sur cc point: en roici un pa.sagc: • Quamvis
i11j tll'Îa111 absolulus sil clebilor, ta ,11w pig11 as liberatur •
Et plus loin : •Si defercntc cmlitort'. jttratiil debito1· st>
<lare 1101i oporlerc, 11i91111s libcratw·, q11ia 11cri11dc liabe111r
JlCr
atq1te ::,i j11diciCJ tibsu/11t11s rsst'i. "
�-
54 -
Cela s'explique dans le cas de serment comme dans le
cas de chose jugée par une sorle de transac.Lion faite entre
le parties qui. pour metlre fin à leur dilTérend. s'en rapportent soit au serment, soil à ce qni sera jugé. Or, si on
décide qu'après la sentence qui déboute le créancic1r de sa
demande il existe toujours une obligation n:iturell e, on
enlèverait à celle sentence le caractère que les parties ont
voulu lui donner . Un autre tex te ( 1) parait contredire
cette solution , mais en réalité il est étranger à notre cas ;
il se réfère. en eITet. au cas où le créancier a élé condamné pour plus 7Jelitio ou ponr un autre vice ùe procédure, cc qui est bien difTérent du cas où le juge aurait
déclaré que la somme n'était pas <lue.
IV. En cas de confusion. le gage n'est pas toujours éteint
avec la créance; tel est Je cas où le r,réancier gaaiste n'est
qu'héritier fidu ciaire du débiteur. Quoique l'aditi; n d'hérédité, jusrn 1m:elo7'is, eû t pour eITet de mellrc fin à l'action
r~su ~lan t de la créance, il n'en es t pas moins rrai riu'il subs1sta1t une obliga ti on naturelle qui bissait survivre le
gage (2).
V. Il ~sl enfin un cas où le gage survit à la créance pour
l~q~ell~ JI a été concédé, c'est celui où le gagiste donne
1objet a un créancier qui le clé~iotéresse et dont la créance
est échue.
On peut dire que dan s le cas de rétention conférée par
(I) 1.. <lO,
rr.
-
55 -
le rescrit de l'empereur Gordien, le gage survit à la créance
originaire.
Le gage s'éteint par mie principale dans les hypothèrns
suivantes :
1. En cas de perte de la chose engagée, l'extinction de
droit de gagl) se produit; une transformation tolal e. et
relativement importante. telle qu'on ne puisse reconnaître
la forme primitirn de l'objet. met aussi fin à ce droit, Si
le changement est moins grand . le droit de gagiste reste
intact ; le gage s'étendra aux constructions et aux plantations faites sur le terrain engagé. Paul va plus loin : il
décide que lorsqu'un créancier a pour gage un fonds contenant une maison qui a été brûlée et reconstruite après.
le gage continue à porter' sur le nouvel édifice; cependant.
si la nouvell e maison était l'œuvre de possesseurs de bonne
foi, le gagiste ne peut pas les expulser sans les indemniser
au moins de la plus-value dont le débiteur sera tenu.
li. La résolution de droit ùu constituant met fin au droit
du gagiste qui n'a pas pu' rece,·oir du constituant plus de
droi ts qu'il n'en avait sur l'objet ùonné par lui en g:ige.
Avant que la doctrine ù'Ul pien sur l'effet rétroactif rie
la condition résolutoire fû t ad mise. le propriétaire n'ayait
contre son acquéreur qu'une action i11 /àctiim prcsrriplis
verbis; les sous-acqul:rours et ceux qui auraient acquis des
droits sur la cho e ne pouvaient pa ètrc inquiétés par cette
action personnell c.
1. De ro111/1r1. i11clt·b1ft. ( 1",t\.)
('t) Paul, Loi 511 Pr. cl cl~ Srnal 11.1c. Trl'/Jfl/
Ill. L'acquisition do 1:\ proprièté par le gagi.te éteint le
�-
;)G -
droil <le gage, mais il a toujours la facnlté de demander
une autre sûreté. et si la delle est échue. il peut exi ger son
paiement immédiat par tontes les voies légales mises à sa
disposiLion par la loi .
IV. Le gage s'éteint par la renonciation du créancier,
soit à son droit de gage, so it à sa créance elle-même; dans
le premier cas. l'ex tinction de 71ig1111s a lieu par voie prin·
cipale.
Mais poor la validité d'une telle renonciation. il faut
bien qoe le gagiste so it capable d'aliéner; l'auctoritas du
tuteur est donc nécessaire si le créancier est encore impubère, car c'est là nn acte qui rend sa condition pire. La
renonciation peut être ex presse ou tacite; ainsi, il y a
renonciation tacite si le créancier adhère à la vente de sa
sûreté par Je débiteur sa ns faire aucun e opposition ou
aucune réserve de son droit.
A l'origine, le créa ncier qu i acceptait un fid éjusseur
contre les garanties qu'il anit, fai~ait une novatio11 et
étai t c!lnsé renoncer aux au tres ùrelés. à moins de stipulations contraires. La présomption de renonciation pou,·ait
aussi résulter de la permission doun ée au cons tituant d'engager la chose au pl'OÎlt d'un autre créancier.
V. Quand il y a prescription, soil acq uisit i,·e par dix
ou vingt ans au profit cle celui qu i a possédé la chose
pendant ce temps comme fran che ùe droits réels, soit li bératoire par tren le ou quaranLo ans.
Cela demande ex pl ica Lio11. A l'origine, l'usucapion s'accomplissait sa/vu j11rc serni1111is et 1tvvo1/ieeœ. li no pouvai t
guère en être autremen t. car si l'usncapion avait pour elTet
- :;7 de faire tomber les droits réels grevan t la chose. il eût été
fa cile au débiteur d'aliéner le gage et d'aoéanLir la garantie
de son créancier, vu la cour te durée de l'usucapion. Mais
il ne faut pas conclure de là que l'acquéreur d'u ne chose
engagée ou hypothéqll ée ne pouvai t jamais prescrire les
droits réels établis sur l'objet acquis. En e!Tet, le préteur
intervint pour protéger le possessP,ur de bonne foi el
ayant jnsle titre et lui permit d'acquérir une propriété
libre de tou te charge par une possession de dix ou Yingt
années ; ce fut la lonyi temporis presci·i7Jtio.
Sous Justinien, la lonyi lcmporis prescriptio et la prescription acquisitive des immeubles se confondirent quant
aux règles qui les régissaient ; mais comme leur but n'était
pas le même, il fallai t cependant les distinguer, puisque
l'une pouvait rencontrer des ob~tacles qui n'auraient pas
al'rêté l'autre.
Enfin . une co nstitution de Théodose-le-Jeune introdui sit, en fayeur de tout possesseur quelconque. une
prescription dite /ongissimi lcmporis; désormais. le po sesseur qui , à raison de sa mauvaise foi, n'a pas pu se
prévaloir de la prescription longi lemporis put. après ll'ente
an . opposer ,a possession oit au propriétaire, soit :w
gagiste.
La pl'escrip tion liùératoil'e <lu gage. reconnue à l'époque
c!a. iquo , fut accordée par une cons titution ùe l'empereur
Justin . au consti luaut ou à ses héritier . détenteurs ùe
l'objet engagé; la Con titnti on leur permi t d'inroquer
l'ex tinction ùu ùroi t de gage par une prescription de quarante ans .
�58 -
Le jus 7Jig11oris pouvait don~ êlre prescrit par quarante annébS, alors que la créance qui lui servait de base
se prescrivait par trente ans, lorsque la chose engagée est
restée entre les mains du constituant ou de ses héritiers.
Ce résultat, qui nous paraît un peu bizarre, est dû à J'influence de droit prétorien qui ne reconnaît l'extin ction du
gage que lorsque le créancier a été payé ou a reçu une
autre satisfaction.
ANCIEN DROIT FRANCAIS
•
"OTIO~S
SOJUUIRES
Lorsque les Romains r.ommandés par Jules César firent
la conquête de la Gaule, ils y trouvèrent non pas un peuple uni et formant une nation qui peut être jalouse de ses
traditions et de ses droits. mai des tribus vivant en hostili té et se faisan t souvent la guerre entre elles. Néanmoins.
cet état de lr ibns dans lequel vin ient les habitants èe la
Gaule rendi t la c0nriu ête romaine assez facile et a contribu é de beaucoup à préparer les Gaulois à accepter les lois
de Rome dont le prestige s'imposait à tous les peuples
anciens. Cc n'était donc pas déchoir pour les Gaulois
que de s'assimiler les coutumes et les lois romaines qui
avaient pour elles le bon sen juridique et les ré:;ultals féconds en prati que. Le droit romain deYint aprè · la conquête romaine d'un usage général ; les sùreté réelles telle
qu'ell es étaient pratiquées à Home le furent au.si dans les
Gaules.
Quand les Barbares envahirent ensuite la Gaule, le
ùroiL priré tles gallo-romains res la en ,·igueur, du moin. ,
en principe. soit parce qu e le conquérants ne rnulnrcn t
ou ne daignèrent pa faire participer le vaincu aux bénéfice.
�-- GO -
de leurs lois. soil parce qu 'ils reconnurent la supériorité
de lois romaines auxquell es ils empruntèren t plu s tard
toules les théories du droit do la rie civilo.
Ainsi les Barbares eux-mêmes adoptèrent, de très bonn e
heure, la législation romaine. mais ils ne praliqnèrent que
les lois les plus faciles a saisir en abandonnant les plus
compliquées.
Ne pouvant pas comprendre la théorie de l'hypothèque,
ces barbares la mirent de côté et accoplèrenl dans tou le
leur étendu e les principes qui régissent le gage.
Au moyen :igc. le gage moLilier, l'antichrèse et le prêl
à intérêt étaient défendus aux calholiques par le droit
canonique; tout ce qui leur était permis, c'était de prêter
sur gage immobilier sans intérêts et en déduisant du capital prêté des fruits perçus snr la chose qui fait l'objet
du gage. C'est ce qui était connu sous le nom de vif gage
qu'on opposait au mort ga,ge, c'est-à-dire à l 'a ntichr~ e
qui élait , avons-nous dit, défendue par les clécrélales.
Cette institution était, sans doute. peu pra ti que et n'encourageait pas beaucou p les crédits; mais le vif gage se
déduisait de ce principe religieux : u M11t111mi date, 11ihil
inde sperantes. • principe vraiment bien moral, mais
malheureusement peu propre à faire prospérer un pays el
à encourager le comrne1 cc qui est l'âme d'une nation .
Qnand l' Europe en treprit ce lte grande campagne de
guerre ( les Croisades) con tre l'Orient, les pieux seigneurs
qui roulaient aller conq uérir la Tcrre·Sainte emprunlcrent de l'argent dont ils araicnt granù besoin et donnèrent
en vif gage leur fi ef pour en as:,;nre1· le p:iycmeril.
Les pieu x chevaliers, nous dit le sire de Joinville. pour
6t -
se procurer du numéraire. n'hésitaien t pas à engager Jeurs
Yasles possessions aux vi lles , aux couven ts el au roi 1U1mèmc. Beaucoup de ces nobles guerriers partirent arec
l'espoir de conquérir un royaume en Terre-Sainte, mais
leur espoir fut déçu ei à leur retour ils ne furent pas en
mesui'e de satisfaire à leurs engagements ; aussi les villes
deren ues riches profilèrent <le la déconfitu re des seign&urs
pour acheter des chartes d'alîranchissemen t, el la royauté,
augmentant ses domaines aux dépens des seigneurs. plll
enfin sorti1· de cet état <le faible se dans leq uel la maintenait un e féodali té trop puissante.
Peu à peu l'argent devint de plus en plus indispensable. le commerce parut renaitre. la nér,es ité du crédit
pour autre chose que combattre les Sarrazins se fil sentir:
el comme le droit canonique oe changeait pas ses principes
et en laissa it au cuotraire subsi Ler toute la rigueur, on en
fit cc qu'on fait toujours de ces lois qui ne marchent pas
avec l'évolu tion progressive <les idées. oo l'ëlnda.
Les juifs qui n'étaient pas obligés d'obserrer les presc1 iptions de l'Eglise romaine dev inrent, gràce :i leur esprit
industrieux et tenace, les seuls banquiers. lis purent tirer
profit de la fortu ne mobilière qu i n'avait pas une grande
valeur chez les anciens. Ajoutons qu'étaÔt toujours exposé'
h l'ex pulsion du territoire français, les jnifs oe manquèren t jamais à demander un gage al'ant de prêter leur argent ; le mème motif leur fit préférer le gage mobilier
qu'i ls pou vaient emporter facilement avec eux. en cas de
retrai le.
Un décret de 12 18 défendit aux juifs d'emprunter , or
gage de vase sacré' ou des in trumenls et ustensile'
�-
ti2 -
agricoles ; de plos Louis IX voulail qoe leurs conventions
fus.ent passées, soos peine de nullité , en présence de gens
honorables. Les occesseurs de sain~ Loui s, désireux de
relever leurs finances au moyen de nouvelles ressources,
soumirent les juifs à un impôt, en leur concédant le droit
de prêter sur gage ou alltrement, à la condition de payer
un droit proportionnel à la somme prêtée.
Plus tard. en ·t 381, ils furent soumis à une patente;
mais loin de se décourager par toutes ces rigueurs, ils ont
continué à prêter en demandant des intérêts très élevés et
firent ainsi supporter les conséquences de ces mesures aux
débiteurs.
En 146 1 Louis Xf régla par une ordonnance de cette
année le taux. de l'intérêt ; cet intérêt fut de u deux den iers
et maille parisis pour vingt sols parisis» par semai ne : cela
explique celte expression « prêter à la petite semaine. •
Plus tard on obligea le créancier gagiste non payé à
l'échéance de s'ad resser à la justice ponr se faire autoriser
de vendre le gage; nous savons qu'a Rome le gagiste
n'avait aucune autorisation a demanJer et vendait la chose
engagée de sa propre autorité.
Afin de ne pas laisser au débiteur un moyen facile de
favoriser par le gage un de ses créanciers aux dépens de
ceux-ci, une ordonnance de 1629 exigea dans son article
11.t-8 que tout gage fût constaté par écrit : « Toutes personnes qui prendront gage pour deniers prêtés ou dus sans
bailler reconnaissance par écrit <lesdits gages, restitueront
les gages et perdront la dette. " Cette ordonnance, connue
sous le nom de Code Michaud , n'ayant pas été enregistrée
par les Parlements resta à peu près sans application, et
-
û5 --
n'a pas ét~ observée au moins pour la plus grande partie
de ses prescriptions ; mais quarante années après, une
autre ordonnance vint régler la matière de gage.
L't•rdonnance dont il s'agit date du 25 mars 1673 et
traita de notre question dans les articles huit et neuf du
titre VI. ainsi conçus :
Article 8. - Aucun prêt ne sera fait sur gages qu'il
n'y en ait un acte par-devant notaire. dont sera tenu
minute, el qui contiendra la somme prêtée el les gages qui
auront été délivrés. à peine de restitntion des gages a
laquelle le prêteur sera con traint par corps. sans qu'il
puisse prétendre de privilège sur les gages, sauf a exercer
ses autres actions. •
«
" Article 9. - Les gages qui ne pourront être ex primés dans l'obligation. seront énoncés dans une facture ou
inventaire. dont sera fait mention dans l'obligation ; et
la facture on inve.nlaire conti endra la qualité. quantité,
poids et mesure des marchandises ou autres elTets donnés
en gage, sous les peines portées par l'article précédent. »
Comme on le sait, l'inobservation de ces formalités entrainait simplement l'extinction du droit du gage, et à la
dilTérence de l'ordonnance de 1629, l'article 8 de la loi
nouvell e eut soin de réserrer au m~ancier déchu de son
privilège, l'exercice de ses autres actions. On croit généralement que l'ordonnance fut surtout une mesure prise
contre les usuriers et pour prévenir les fraud es en cas de
faillite; elle avait en vue l'intérêt des tiers. Ainsi donc le
débiteur ne pouvait pas se préva loir de ce qu e l'acte n'ai t
pas été passé par-devant notaire pour réclamer la chose
�••
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64· -
qu'il a engagée; mais les créanciers de bonne foi de ce débitell r pouraieot opposer utilement l'inobservation des formalités rnulues et enlever ainsi au créancier gagiste son
ùroit de prérérence.
Polhicr ( 1) nous dit que la jurisprudence avait admis
le gage des choses incorporelles. mais il fallait : 1° un
acte de transport à titre de nantissement ; 2° la remise d e~
titres ; 5° la signification de transport au débiteur. Du reste
on n'avait fait aucune réserve en ce qui concerne les matières commerciales. les dispositions précédentes leur étaien t
appli cables.
L'ancienne jurisprudence avait même consacré le privilège du gagiste, car Loisel dit : El n'a lieu la contribution
quand le créancier se trouve saisi du meuble qui lui a été
baillé en gage. Cela prou\'e sans doute, un e fois de plus,
que la possession de la chose par le créancier était une
condition essentielle.
li résulte de ce que nons venons d'exposer que les rédacteurs d11 Code de 18 t 4. n'avaient ri en innové en cette
matière; ils reproduisirent la théorie <le l'article 8 de l'ordonnance dans l'article 207 4 du Code civil.
DROrr FRANÇAIS ACTUEL
C'est ~p.rès avoir traité des garanties personnelles que
le Code CIVll aborde l'élude des sûretés réelles avec le litre
du N_antissement. Si l'objet de celle sûreté est mobilier, le
nan tissement s'appelle gage; s'il est immobilier, il porte
le nom d'antichrèse.
Da~s ~ne première partie nous examinerons les principes generaux du gage en matière civile; et dans une
seconde partie, les dérogations que les lois commerciales
ou des règlements particuliers apportent au droit commun.
•
PREMIÈRE PARTIE
Du Gage civil
( l) Pothier, Du Nantissement, n• G en nole de 1 i6G. Il combat celle
pralique par la rai son que les choses incorporelles n'étaient pas s usce r tibles d' une lrndili on réelle.
On peut définir le gage ou nantissement mobilier un
contrat par lequel un débiteur remet une chose mobilière
à son crëancier pour sûreté de la dette.
De cette définition nous pouvons dégager facilement la
�--
6(i -
nalure du conti-at tle gage: c'est un contrat réel. La tradition est une condition essentielle de son ex istence. Il ne
faudrait pas conclure de l'article 207 6 que la tradition
n'est exigée qu'à. l'égard des tiers. Si la convention d'aŒecter un e chose à la sùretè d'une delle a aujourd'lrni , dans
notre droit moderne, une emcacité que n'avait pas à Rome
le simple pacte, elle ne snffit pas cependant pour constituer le droit réel du gage proprement dit. 11 importe peu
que la chose soit remise au créancier ou confiée aux
mains d'un tiers désigné par les parties; mais il faut, pour
que le gage soit valable même entre les parties contractantes, qne la chose ne reste pas entre les mains du débiteur. Tout prouve cette nature du gage; la définition
même que nous en avons donnée; le droit de rétention qu e
le gage confère; le rarar,tère de l'objet sur lequel il porte.
Le meuble, en e!Tet, n'a pas, comme l'immeuble, une
assiette fixe ; en cas d'aliénation, le créancier n'a pas,
en principe, nn droit de suite. li fant donc, pour sa sécurité, que l'objet engagé se trou1·e placè dans ses mains.
Celle remise que fait le débiteur. ou un tiers sans
s'obliger personnellement. a lieu pour la sûreté d'une
delle. Le nantissement nous apparait donc comme un contrat accessoire s'appuyant sur une obli gation principale
dont il garan tit \'exécution. Il en résulte qu e si l'obligalion
principale est annulée. le con trat de gage suit le même
sort. Le triuunal compétent ponr statuer sur l'obligation
principale, l'est aussi pour le contrat de gage. Si l'obligation principale est aterme ou condition nelle. le contrat de
gage est a!Tecté des mêmes modalités. Le gage peut.
d'ailleurs, êlre donne pour une delle future: c'esl ce qui
-
67 - ·
a lieu. quand un ban quier
· f:.11t. une ouverture de c ·d·t
en exigeant la remise des Litres en nantissement Mr~ i ,
pe t d·
1
• ais on
. u, ir.e q~e e gage n'est complètement formé que le ·our
ou l obligation principale prend naissance.
J
On peut _voir déjà, par les termes dont nous nous
sommes serns pour déterminer la nature du contrat d
gage. que le mot gage a !reis sens différents ; il désiane
1~ ~e contra,t par lequel le débiteur. ou un tiers po~r I~
deb1teur . allecte un objet mobilier à la sûreté d'une delle.
en le remettant entre les mains du créancier ou d'un t" ,
d· · ·
ier:i
es1g_ne par les parties; 20 l'objet sur lequel le créancier
acq uiert un droit réel ; 50 la sûreté particulière qu'il procure au créancier.
N~ us allons donc maintenant étudier les conditions
requ~ses pour qu e le gage soit valablement constitué, sous
I ~ triple rapport des personnes, des choses et des formali tés .exigées par la loi. Nous verrons ensuite les effets qui.
en decoulent.
~
CHAPITRE I"
Coudltlons rcr1ulsc111 pour l a Constitution du
Droit tic Gage .
I. Sous le rap11ort de.s Persom1es. - Nons avons dit
que le débiteur . 0 11 un ti ers pour le débiteur . pouvait
�-
G8 -
alîecler un objet mobilier à la ~ûre té d'nne dette et consLiLuer ai u~i le gage. Mais il faut que le constituant soit
propriélaire et capable d'aliéner, car le gage transfère au
créancier un droit réel ; il peut. aboutir à une expropriation, si le débiteur ne s'acquitte pas à l'échéance. Celte
aliénation partielle ex ige donc les mêmes conditions de
capacité que ponr un e aliénation complète. li résulte également de fa qu'un mandataire spécial peut seul représenter le conslli luant, puisqu'un pouvoir général n'timbrasse que les actes d'administration.
Les mineurs même émancipés sont incapables de figurer
seuls au eontrat de gage s'ils ne sont pas commerçants,
La femme mariée ne peut y figurer sans l'autorisation
de son mari, à moins qu'elle ne soit comm e~ canle. La
femme séparée de biens n'a pas non plus besoin de l'autorisation de son mari pour donner un gage lorsqu'elle ne
s'oblige qu e pour l'administration de ses biens.
Le jugement déclaratif de faillite enlève au failli la faculté
de constitu er un gage. puisqu'il se trouve dès lors des<; j, j r'" 1 n.:: <:11.- biPn<: Si c'est depuis la cessation des
}.M)cllieul~ uu daus b u1~ juurs qui précèdent que le gage
est constitué, il est nul à l'égard ùe la masse, lorsqu'il
intervient pouï la garantie d'une delle an térieurement
contractée. S'il est constitué depuis la cessation des payements, en même temps que l'obligation qu'il garantit, le
gage suivra le sort de la delle principale el pourra être
annu lé si cel ui qui a con tracté avec le fai ll i a eu connaissance de la cessation des payements .
La condition de la qualité cle propriétaire chez Je constitn:i nl sembl e nous amener ~\ considërer comme oui tout
-
6H -
engagement de la chose d'autrui. Cependant, si le créancier
est de bonne foi, et a reçu en gage une chose mobilière
corporelle qui n'est ni volée ni perdue, il doit acquérir sur
elle un droit de gage. En effet, de même que la loi protège l'acheteur qui croit acquérir un droit de propriété,
de même elle doit protection à celui qui a cru acquérir un
droit de gage . Il peut, comme l'acheteur de bonne foi.
invoqu er contre la revendication du propriétaire la
maxime : En fa it de meubles , la 11ossession vaut titre
(art. 2279) . En ce qui concerne les rapports du constituant et du créancier, on peut Jire qu'entre eux J'engage·
ment de la chose d'autrui produit les obligations qui dérivent ordinairement du gage. Le créancier doit, dès qu'il
est payé, restituer la chose au constituant. Cependant,
nous pouvons appliquer ici l'article t 99 8 du Code civil.
Si le créancier gagiste découvre le véritable propriétaire~ /
doit lui faire sommation de réclamer le gage dans un délai
déterminé. De son côté, le constituant , lié par le contrat
de gage, ne peut demander au créa ncier la resti tutioo de
la chose d'autrui , avant d'avoir acquitté sa dette. Il ne
pent, en elTet, se prévaloir ni d'u n titre de propriétaire,
ni du vice de la chose. C'est au contraire le créancier qui
pou rrait se plai ndre du vice de la chose engagée. dès qu'il
vient. à Je connaître, el demander au constituant un nouveau gage ou nn remboursement immédiat.
Ce que nous venons de dire relativement au gage de la
chose d'autrui , s'appliqu erait au cas où le créancier gagiste remettrait lui-même en garantie_ de sa p~o~re delle_ la /
chose qu'il a reçue d'nn sec~ nc1er . Celm-c1 pourrait,
s'il était de bonne foi , invoquer à l'encontre ùu premier
�' 1
-
70-
constituant la règle : En fait de meubles. la possession vaut
litre.
Si, en principe, comme nous venons de le voir, la
qualité de propriétaire et la capaci té d'aliéner sont requises
chez le constituant, le créancier qui reçoit. le gage doit
seulemen t être capable de s'obliger.
li. Sous le 1·appm·t des Choses. - Tous les meubles
corporels, qui sont dans le commerce, peuvent être constitués en gage. L'argent lui-même peut être donné en nantissement; il y a, en elTet. un bon nombre de cas où certaines personnes donnent comme garantie de Jeu r gestion
une somme qui leur sera remise à la fin de leurs services.
Mais les immeubles ne foot plus, comme en droit romain ,
l'objet du gage proprement dit.
Les meubles incorporels, droit mobilier personnel
comme une créance, ou droit mobilier réel comme l'usùfruit d'un meuble, peuvent être constitués en gage. L'article 207 5 supposant cette règle admise, s'est borné à indiquer les formes nécessaires à l'engagement des meubles
incorporels. L'ancien droit. comme le démontrent les opinions diverses su iYies par Pothier sur ce pomt, n'admit pas
aussi facilement l'engagement des choses incorporelles.
Mais bientôt cependant Pothier reconnut dans son Traité
de l'Hypothèqt1e qu'on pouvait suppléer à la tradition,
cofülition essentielle du contrat d~ gage. par la remise du
titre qui constate la. créance ou le droi t faisant l'objet du
nantissement.
Le droit au bail dont le caractère rn~er est à juste
\ titre admis par la majorité ùes auteurs et par la jurispru-
-
71 -
dence peul être constitué en gage. Je ne restreins même
pas celte sollltion aux baux ordinaires. laissant sous l'em- /
pire d'une règle spéciale le bai l emphythéotique. Je crois
qne, sous l'empire du Code civil. ce bail à. longue durée
n'est qu'une créance de jouissance, un droit personnel
mobilier pouvant raire l'obj et d'un gage.
On peul constituer eo gage les brevets d'invention . Celle
doctrine contestée autrefois semble aujourd'hui être consacrée définitivement pa r la jurisprudence.
J'admettrai la même solution pour les rentes sur l'Etat.
Sans doute , elles sont insaisissables; mais elles sont cessibles ; et ll:l débiteur peut , en les constituant en gage, donner au créancier nan ti des titres le droit , s'il n'est pas
payé à. l'échéance. de consentir un tr,rnsfert suivant les
formes prescrites en cell e matière.
On ne peut constituer en gage des choses on des droits
qui échappent à toul e espèce de trad ition ; telles son t les
, choses futures. ou les droits mobiliers qui ne reposent sur
~écrit, comme, par exempl e, l'action en répétition des impenses faite. par le mari su.r les _ im~e11~les
de la femme. Afîecter de pareilles cl1oscs a la surete dune
ùell e, ce serait établi r sur elle une hypothèque, et nous
·arnns qu 'en principe les me11bles ne son t P·' s aujourd'hui
susceptibles d'hypothèque.
/
li I. S 011s le /fopporl des Formalités exigées par la Loi·
- Ces formalités sont au nombre de trois : 1° La lradi tion ; 2° la constatation du contrat ùe gage par un acte
ayant date certaine; 5° la désignation, d;i ns l'acte, de la
nature des objets engagés.
�72 -
-· 7'5 -
t 0 La Trndition. Nous indiquons tout d'abord cette
la remise dPs clefs du bâtiment où la chose est renfermée,
constitue une tradition suffisante pour le g3ge comme pour
la vente.
L'apposition de la marque du créancier gagiste sur des
bois de construction donnés en gage par un marchand de
bois. me parait constituer une tradition suffisante, alors
même qne ces bois restent dans les chantiers du constituant, pourvu qu'ils soient placés à part dans un endroit
déterminé.
La jurisprudence, qui a consacré cette dernière solution.
reconnaît également comme tradition suffisante l'inscription
de l'acte de nantissement d'un navire sur des registres
publics destinés à constater tout ce qui concerne la propriété des navires. Ces registres sont ceux de l'inscript ion
maritime, ou même, d'après des auteurs, ceux de la
douane. Cette solution a maintenant un intèrêl secondaire, depuis que les naYires sont susceptibles d'hypothèque.
Pour les menbles in corporels, la remise du titre vaudra
traditi on. Nous verrons dans un instant que le con trat de
gage, ayant ponr objet une créance, doit être rendu public
par la significaliori du gage au débiteur de cette créance ;
mais la remise du titre montre encore mieux, à l'égard de
tous, le dessaisissement réel du constituant.
Par titre, on entend l'acte qui constate le droit mobilier
donné en gage. Si l'acte est sous seing privé, le débiteur
remet! ra l'original qui est entre ses mains. Si c'est un acte
authentique, et spécialement un acte notarié réùig 1~ en
minute, le constiln an t remettra la grosse ou une expé-
-
première formalité exigée par notre article 207 6, parce
que, comme nous l'avons rn . elle est nécessaire à
la validité du gage non seulem ent à l'égard des tiers mais
encore dans les rapports des parties contractantes . Elle est
indispensable pour qu'il y ait contrat réel de gage. Le pririlège sur le gage ne peut donc subsister, d'après les
termes de la loi, qu'autant qne ce gage a été mis et est
reslè en la possession du créancier ou d'un tiers convenu
entre les parties, sans distinguer s'il s'agit d'un meuble
corporel ou incorporel. si la matière excède ou non cent
cinquante francs . Ce priYi lège, en elîet, prend sa source
dans la possession et non dans la qualité de la créance,
il fallait donc que la tradition vint, pour ainsi dire, lui
constituer son principe et sa cause.
En outre, les tiers y ont intérêt ; car le débiteur ne
sera pas tenté de dissimuler la 1;onstitulion de gage , el de
se faire un instrument de crédit de cette chose qu'il présenterait comme libre dans sq,n patrimoine.
De là, il résulte que cette tradition doit être elîective et
réelle, et montrer à tous que le meuble est bien en la puissance du créancier. Une trad ition feinte, un constitut possessoire, une détention matérielle laissée au débi teur à titre
de louage. de prér,aire ou de dépôt, ne rempliraient donc
pas le but de la loi.
Pour les meubles corporels, le moyen le plus simpl e
de mise en possession consiste dans l'appréhension matérielle du gage par le créancier. Mais tout autre fait, apparent et notoire. sera sufîtsant; et les jnl;(es auront à
apprécier, en fa it, les circonstances ùe la cause. 1\in si•
ùition.
�-
7.1. -
-
Un arrêt de la Cour de Lyon. dont la doctrine a été condamnée par la Cour suprême, avait décidé que, pour l'engagement du droit à un bail, la remise du litre constatant
le bail ne suffisait pas. el que le créancier devait se meltre
en possession des lieux loués. Le motif principal sur lequel
l'arrêt se fondait était que les tiers ne seraient pas avertis
d'une façon satisfaisante que le droit au bail a cessé d'être
le gage commun des créanciers du constituant . ~lais ce qui.
dans l'espèce, est engagé, ce n'est pas le local, c'est seulement Je dr01t du preneur . droit mobilier. par conséquent, qui rentre sous l'application du principe posé par
l'article t 689 du Code civil, d'après lequel la tradition est
suffisante dès qu'il y a remise des Litres.
Nous aYons dit, avec l'article 207 6, que le créancier doit
être mis en possession. mais il fau t remarquer, avec le
même article, que le pridl ège ne saurait subsister si le
créancier ne re tait pas en possession. Nous verrons.
d'ailleurs, que si le meuble corporel donné en gage a été
perdu ou \ olé, le créancier gagiste peut le rernndiquer
entre les mains Je tout tiers possessenr .
1
2° et 5° Constatation du contrat dr. gage pm· itn acte ayant
date certaine, el dèsignation de la nature de l'objet e11 9agé.
En droi t romain, et longtemps encore dans notre ancien
droit, aucune forma lité spéciale n'était exiaée à \'éaard
des
ô
tiers. La traditi on seule, qui était de la natu re du co ntrat ,
avait paru sulfisante , et encore elle n·avait pas touj ours.
com~e nous l'avons Yu, un caractère de publicité aussi
efîecllf et aussi réel ~u 'auj ourd ' hni.
Le débiteur pouvait donc sonslraire à l'acti on de la
•
t)
75 ·-·
masse de ses créanciers une partie de son patrimoine. soit
en exagérant le montanL de la dette garantie, soit en supposant après coup un gage fictif. soit en substi tuant un
objet précieux à une chose de moindre valeur. Au xv1° siècle. on voulut remédier à celle facilité de frauder les tiers.
Un arrêt du règlement de 1599 . reproduit dans les ordonnances de 1629 et de 1668, prit les premières mesures.
Elles furent compl étées par l'ordonnance du commerce
de 16 7 5. Les articles 8 et 9 du titre v. exigèrent la constatation du prêt par un acte notarié, rédigé en minute, indiquant la somme prêtée et les gages donnés. Si l'acte de
prêt ne mentionnait pas les gages, ils devaient être énoncés
dans une facture ou inven taire portant la quantité, qualité. poids et mesure des objets engagés. En l'absence de
ces formalités. aucun privilège n'existait, et le créancier
gagiste pouvait être eontra int par corps à restituer les gages.
Faites d·abord pour Je gnge commercial, ces dispositions
fo rent étendues par la jurisprudence au gage civil.
Jusqu'en i 865. ces deux sortes de gages pro!itèrent
des formalités que le Code civil avait édictées en s'inspirant
de l'ordonnan1:e de 1673 . Mais en 1865. un e loi vint
soustraire le gage commercial anx. conditions de forme exigées par le droit civil. Pour le moment. nous ne devons
parler que du gage civil. el nous allons \'Oir les comltlions
ex igêes pour la valid ité du gage à l'égard des tiers. suivant
que l'obj et du contrat est un meuble corporel on nn meuble
1 ncorporel.
L'arlicle 207 -1- nous dit, pour les meubles corporel .
que le privilège n':-i li en qu'anlant qu'il y a un acte public
ou sous seing privé. dùment enregi5trc. contenant la ùé-
�-
7G -
claration de la somme due, ainsi que l'espèce cl la nature
des choses remises en gage, ou un état ann exé de leurs
qualités, poids et mesure. La rédaction de l'acte par écrit
et son enregistrement ne sont néanmoins prescrits qu'en
matière excédant la valeur de deux cenl cinquante francs.
Ainsi donc, il faut d'abord la rérlactioa d'un acte. ou
public comme un acte notarié, ou un procès-verbal de
conciliation devant le juge de paix, ou même privé. Du
reste, comme cet acte n'est exigé qu'à titre de preuve, la
constjtution du gage peut être la clause accessoire d'un
acte dont l'objet principal serait tont autre. Remarquons,
en outre, que, conlrairemeot à l'ordonnance de 1675 ,
l'acte public n'esl plus nécessairement rédigé en minute.
Lorsque l'actP. est sous seing pri vé, il doit être dûmenl
enregistré, afin d'exclure, par la date certaine que l'enregistrement donne à l'acte, tonte idée de fraude el de collusion. Il faut conclu re, du but même de l'article 207 4,
que les parties peurnnt, à. défaut de l'enregislrement , pronver la date de la constitution du gage par les deux autres
moyens indiqués par l'article 1528, c'esl-à-di re, la mort
de l'un des signataires de l'acte, ou la constatation dn
gage dans un acte dressé par un officier pu blic.
Cette condition de publicité que nous venons d'in diquer
per~et donc de prévenir les fraudes qu e l'on pourrait
pratiquer au moyen d'actes antidatés ; sans elle c'eût
élé vainement que la loi commerciale eût annulé ie 11aae
0 0
. d
consenti ans les dix jours qni précèdent la cessation des
paie~ents pour une delle antérieure, ainsi que le gage
..
· posteneurement
. mème temps qne 1a delle, mais
.donne. en
a lafa1lhte décJarée. (A rt, 4.i.G, Hj,C. Corn .)
-
77 -
Bien que la loi n'indique pas de délai pour donner date
certaine à la constitution du gage, le créancier fera bien
de se hâter, afin que des tiers ne puissent lui opposer des
droits acquis antérieurement à la naissance du privilège.
N'oublions pas qua dans les matières qni n'excèdent
pas cent cinquante francs, le gage, comme la créance
elle-même, peut être prouvé par témoins; cette preuve est
opposable aux Liers comme au débiteur .
L'acte dont nous venons de parler doit, en outre, contenir certaines énonciations ; il mentionnera tout d'abord
le montant do la créance. puis contiendra une désignation
détaillée de l'espèce et de la nalUre des objets donnés en
gage, ou nn état annexé de leurs qual ité, poids et mesure.
Cette double mention a également pour objet de protéger
les créanciers du débiteur ; sans elle, celui-ci aurait pu
entrer en collusion avec son créancier gagiste, déchirer
l'acte primitif du gage, et, dans le nouveau titre, mentionner soit une créance plus fo rte que celle pour la sûreté
de laquelle le gage a été consenti, soit des objets d'une
valeur plus grande que les premiers, lorsque ceux-ci sont
devénus par suite de cas for tuits. insuffisants pour la
sûreté de la dette. S' il y a des créances indéterminées, les
parties devront fixer un chilTre com me cela a lieu en matière hypothécaire. Ainsi, pour une créance de dommagesintérêts. il faudra une évaluation ; pour une ouvertu re de
crédit, il fa udra une llmite.
Arrivons maintenant aux meubles incorporels. L'arti cle 2075 nous dit que le privilège ne s'établit su r les
créances mobilières que par un 11cle public ou sous seing
privé aussi enregistré cl signifié au clébi Leur de la créance
�. t
-
I
/
/
78 -
donoée eo gage. La rédaction d'un acte est donl) encore
ici la première fo rmalité, et elle est. dans tous les cas.
intlispensabl e. De plus, pour que le créancier gagiste soit
complètement saisi du gage à l'égard des tiers, il faut que
Ja siariificaLion de nantissement soit faite au débiteur de la
" engagée. Bien que la loi ne le dise pas, il faut
créance
admettre que la signification peut être remplacée par l'acceptation authentique que le débiteur de la créance fait du
gage. Tout ce que la loi exige, en effet, c'est que le débiteur de la créance donnée en gage en soit averti, afin qu'il
puisse. d'une part. refuser de payer eotre les mains de
son créancier. tant que ce créancier ne lui rapportera pas
la preuve de l'extinction du gage, et, d'autre part, en faire
connaître l'existence aux tiers qui viendront se renseigner
près de lui .
Quand c'est uo droit au bail qui es t engagé , c·est au
pr~priétaire des lieux loués que doit être faite la significallon.
Nous devons faire remarquer qu e quelquefois. par
exemple. lorsque l'objet du gage est un droit mobil ier
réel, la signification est im possible, faute de d ébit~ur à
qui elle puisse être faite. La constitution du gage n'en est
pas moins possible. el produira le droit de privilège.
Lorsqu'il s'agit de brevets d'invention, l'article 20 de la
loi de juillet 1844 remplace la signification par l'enregistrement au secrétariat de la préfect11re, quand il s'agit
d'un transport cession. Il ne serait pas illogique d'étendre
cette disposition à la constitution du gage; cependant je
ne crois pas que l'absence d'une pareille fo rmalité puisse
entraîner la nullité du gage, car les nullités étant de droit
-
79 -
étroit ne peuvent être admises dans un cas que la loi n'a
pas prévn fo rmellement.
Le débit eur est-il en droit d' opposer au gagisle des quil tances qui n'on t pas date certaine an lérieure a la signification du gage? On peut poser la même question an
cessionnaire des quittances qui n'ont pas date certaine
antérieure à la cession. Si nous ne consultions qne le
ùroit pur et rigoureux , il faudrait résoudre la questioo en
faveur du gagiste et du cessionnaire. En etTet. les actes
sons seing privé qui n'ont pas date certaine ne font point
foi a l'égard des tiers ; or le gagiste et le cessionnaire sont
des tiers. puisqu'ils n'ont pas signé les quittances qu'on
leur oppose. Tou tefois, on admet. en pratique, que les
quillances non enrcgislrées sont opposables au gagiste. et
au cessionnaire. L'èlncien droit admettait cette exception
an princirie oénéral ; rien ne prouve que Je Code l'ait abrogée. La stricte application de l'article 1928 eût entrarne
l'obligation de fa ire enregistrer toute quitlance mém~ de
sommes modiques. ce qui eût occasionné bien ùes frais et
entravé la célérité si utile à la prospérité du commerce.
De ce que nous avons vu jusqu'ici' il résulte que_la
signification ou l'acceptation authentique est .nécessa1_r~
pour ~ai sir le créancier gagiste a l'égard des tiers·. v_01c1
quelles son t les conséquences qu i découlent d~ ce pnnc1_p~,
lorsque ces formalités n'ont pas été obserrnes. Le de~1teur de la créance se libère valablement entre les marns
du cons tituant. \1 peul en disposer de nouveau, l'eogager
une seconde fois. et s'il s'ex pose à un recours do la part
. gagiste.
·
· · ne peut invoquer.
du premier créancier
ce1ui-ci
· qui· ses
' t conforme
son privilège con tre le second créancier
i;)
•
•
�' l
-
80 -
aux pr~criplions de la loi. Enfin. un créancier ne pourrait
praliquer valablement une saisie-arrél sur le débiteur de la
créance engagée, sans que le gagiste puisse se prévaloir
d'une signification postérieure à cette saisie.
Nous avons déjà dit qu'un gage consenti dans les dix
jours qui prècèdent la cessation des paiements pour une
dette antérieurement contractée, est considéré comme nul .
Faut-il appliquer la même solution à une signification tardive, alors que la créance a été, en temps vnulu, valablement constituP,e en gage? On l'a soutenu , mais je ne puis
adopter cette opinion rejetée. d'ailleurs. par la majorité
des auteurs et par la jurisprudence. Ce qui prouve que la
loi n'a point voulu, dans ce cas. admettre la nullité, c'est
que pour les hypothèques et privilèges valablement acquis.
leur inscription peut être faite jusqu'au jour du jugement
déclaratif de faillite. (Art. 448, C. Corn.) Il parait logique
d'admettre le même système pour la signification qui. en
matière de gage, joue à l'égard du tiers le même rôle que
l'inscription.
Mais si cette signification tardive n'es t pas nulle de plein
droit a l'égard de la masse. elle peut être annulée. si le
créancier gagiste connaissait la cessation de paiements du
débiteur. au jour où il l'a faite. (Art. 447. C. Corn .)
Jusqu'ici, avec l'article 207 5, nous n'avons parlé que
des créances mobilières ordinaires. Que faut-il décider
pour les rentes sur l'Etat, les obligations ou actions dans
les compagnies de fioanc,e, de commerce ou d'industrie, en
supposant toujours, bien entendu, qu 1il ne s'agit qu e du
gage civil ?
Sïl s'agit de titres nominatifs, leur engagement n'est
-
81 -
valable, d'après l'opinion dominante que s'il est constaté
par un acte enregistré; la déclaration de transfert remplacera la signification.
S'il s'agit de valeurs transmissibles par la voie de l'endossement ou de titres au porteur, certains arrêts ont
adm is que l'endossement, dans Je premier cas, et la sim pl e remise du Litre dans le second, suffüaienl pour conslituer le gage, comme il su!lisa,it pour transférer Ja propriété. Mais d'autres arrêts onl pensé que le gage prêtait à
!a fraude plus que le transferl de propriété, et exigeait des
formalités protectrices. Mais là. encore les opinions se divisen t; el pendant que les uns se contentent d'un gage constaté par un écrit ayant date certaine, les autres. avec la
Cour de Cassation. exigent en malière excédant cent cinquante francs . la rédaction d'un acte enregistré et de plus
la signification pour que le privilège du créancier gagiste
prenne naissance.
CHAPITRE 11
Elfef§i du Gage
Nous devons étudier les effets du gage à un double point
dA vue : 1° sous le rapport du droit de gage, sûreté réelle
du créancier; 2° cl sous le rapport des obligations qu'il
fait naître entre les parties.
�-
82 -
-
La loi fait donc, <lu remboursement, la
conditi on indispensable du dessaisissement du créancier
gagiste.
Le débiteur doit payer toute la delte pour que le droit
de rétention prenne fin, car s'il en reste dû quelque chose
l'indivisibilité du gage empêchera la res titution, même
d'une pal'lie des objets engagés. Le droit de rétention subsiste au profil dn créancier gagiste, à moins que le contraire n'ait été expl'essément convenu. même pour les accessoires de la dette, par exemple. pour les intérêts de la
créance et les fraits faits pou r la conservation du gage.
La loi ne parle que des paiements (art. 208 2, C. Civ .).
Mais les autres modes d'extincti on des obligations pourraient. suivant les cas. autoriser de la part du débi teur la
demande en restitution de la chose engagée. Si le créancier
fait remise volontaire soit do la delle principale, soit simplement du gage, il ne peut plus opposer son droit de
rétention.
Le débiteur ne peut pas invoquer la prescription libératoire pour la dette principale, tant que le créancier est
en possession. Le débiteur reconnait, en effet, en laissant
le gage entre les mains du créancier, le droit de ce dernier
et l'existence de son obligation dont le gage n'est que la
garantie; il interrompt la prescription d'une manière incessante. li résulte de la que le débi teur ne peut inrnquer
la prescription ex tinctive pour demander la restitution du
gage. Sinon. on arriverait à ce résultat étrange qu'ont fait
ressortir MM. Aubry et Rau : "Le débiteur, dont l'action
en retrai t esl imprescriptible jusqu'au moment du pai ement pourrait, après trente ans. réclamer la restitution du
gage sans dési ntéres er le créancier. »
ûoursant la dette.
SECTION J•·
DU GAGE CONSIDÉRÉ
comJE
DROIT RÉ:EL SERVANT DE SURETÉ
AUX CRÉANCIERS
l. _ Le droit de gage confère au créancier le droit
ùc rétention. Le débiteur ne peut donc exiger la restitution do gage qo'a la cond ition de payer intégral~men~
la dette . en capital et :\ccessoires. On a beaucoup discute
sur la nature du droit de rétention. et l'on décide géné·
ralement que c'est un droit purement personnel, su'.·t~nl
dans le cas spécial de nantissement mobilier. Celte opin ion
me parait trop exclusive. Le droit de réten tion n'est pas
simplement un moyen de forcer le débiteur a payer, par
la oêne c1oe lui impose la privation de la chose enga·
l!>
gée; mais il est, en outre, une ga ranti~ co~lr~ 1.··mso1va_·
hi lité du débiteur. Pour qu e celle ga rantie soit serieuse, 11
fau t que le créancier nanti puisse opposer son droit à d:aut~es
qu'au débiteur. Mais dans quelle mesure? Le creancier
gagiste pourra-L-il s'opposer ala saisie faite par les autres
créanciers, el à la rnnte de b chose engagée? Non. sans
doute, mais il ne faut pas dire que celle vente. intervenant
sur cette saisie, puisse entraîner la dépossession du créan·
cier sans qu'il soit besoin. au préalable. de le rembourse1: ·
· avant d'avoir
L'ac11uéreur ne pourra se mellre en possession
désintéressé le créancier nanti . L'article 547 du Code de
commerce rnmble confirmer notre système : • Les syndics
pourront, à toute époque, avec l'autorisation du juge coro·
·11·t
i rem·
missaire. retirer le gage au profit de la 1ra1
l e, e7
85 -
»
�• 1
-- 84 - ·
perd son droit de rétention
créancier
le
où
las
li y a un
sans pouvoir exiger son payement : c'est lorsq u'il abuse du
gage. JI faut d'abord entendre par cette ex pression abus
etc gage, l'usage excessif, puis tous les cas où la chose
serait mise en péril. et ceux ou l'usage qu'en fait le créancier est r,ontraire à la loi et aux bonnes mœurs. D'après
M. Laurent (Elèmen ts dti Code civil), le créancier n'ayant
pas le droit d'11se1', le simple usage serait un abus autorisant la <lemanrle en restitution du gage. Je ne le crois pas;
cet usage pourrait donner lieu à une action en dommagesintérêts, suivant les r,irconstances. mais ne suffirait pas
pour permettre au débiteur d'enlever au créancier la sûreté qui garantit entre ses mains le payement de sa
créance .
Ce n'est pas seulement pour le payement de la créance
à laquelle le gage a été alîecté expressément que le créancier gagistr a le droit de retenir la chose qui lui a été
donnée en nantissement. L'article 2082, deuxième alinéa.
expose eo ces termes, le gage tacite qu'il consacre : ~ S'il
ex istait de la part du même débiteur envers le même créan cier une autre dette contractée postérienrement à. la mise
en gage et devenue exigible avant le payement de la première dette, le créancier ne pourra être tenu de se dessaisir
du gage avant d'être entièrement payé de l'une ou de
l'autre dette. lors même qu'il n'y aurait eu aucune stipulation pour a!Tecter Je gage au payement de la seconde. •
Le rescrit de Gordien se trou ve donc reproduit, aYec
quelques changements toutefois, dans Je Code civil.
Je prends un exemple pour mieux préciser le cas prévu
par notre article. En janYier 188 0. j'ai cmprnnl é à. Primus
·- 85 deux mille francs, sli pu lés payables en 1883 ; Primns a
ex igé un gage pour sûreté de sa créance. En mars 1880,
j'emprunte au même Primus uoe seconde somme, stipulée payable en 1882, c'est-à-dire avant l'échéance de la
première; la chose donnée en gage pou1· la. sûreté de la
première dette sera, sans clause ex presse, alîectée à la
sûreté de la seconde. Le créancier, en eITet, en stipulant
que le nouvel emprunt serait .exigible avant le premier, a
montré qu'il entendait que sa seconde dette fût garantie
par la même sûreté que la première ; et s'il n'a pas demandé un second gage, c'est quïl a pensé que le premier
seraii. suffisant pour assurer Je payement des deux dettes.
Mais il faut trois conditions pour que notre article s'applique : 1° Les deux dettes doivent avoir été con tractées
par le même débiteur en1·er·s le même r..réancier; 2° la
seconde delle doit être postérieure à la constitution du
gage ; 5° la seconde delle doit être stipulée exigible avant
la première. L'article 2082 suppose, dans ses termes , que
la seconde dette est devenue exigible avant le 1Jaycment de
la première, ce qui peut s'appliquer à une dette stipulée
exigible après la première, mais devenue, en fait, exigible
alors que la première existe encore. Mais l'hypothèse que
nous aYons faite est bien celle de la loi et rentre dans son
esprit.
Nous devons décider , malgré l'opinion contraire ùe
quelques auteurs, que dans le cas prêrn par notre article
2082, deuxième alinéa. la seco nde dett e est garantie non
pas seulement par un simple droit de rétention, mai~ par
nn véritable droit de gage comprenan t tout à la fois un
droi t de rétention, uu pri vilège et la faculté ùe se faire
�-
86 -
autoriser par justice à garder Je gage en payement. jusqu'à
concurrence de sa valeur estimée par experts. L·article
dit bien. il est vrai. que o; le créancier ne peul être tenu
de se dessaisir , • ce qui semblerait indiquer un simple
droit de rétention; mais les expressions suivantes: «Lors
même qu'il n'y aurai t eu aucune stipulation pour a!Tecter
le gage au payement de la seconde delle,» prouvent que la
créance acquiert, par suite d'une convention tacite, les
mêmes avantages qne procure une conven tion expre:;se de
gage.
li . - Le droit de gage confère encore au créancier oa"
giste le droit de faire vendre le gage en justice et aux en chères et de se payer sur Je prix de vente par préférence
aux autres créanciers. Ainsi donc. 1froit de vente et 1Jrivilège. Ce droit de vente était devenu de l'essellce du
contrat de gage en droit romain ; la clause contraire n'avait
d'autre eŒet que d'obliger le créancier à prévenir Je débiteur par trois sommations successives avant de vendre.
Dans l'ancien droit français. le créancier devait mettre le
débiteur en demeure de faire le payement. Si elle n'abou·
tissait pas, le créancier devait obtenir du juge. partie
a~pelée , la permission de vendre, puis faire procéder publiquement à la vente, au plus olTrant et dernier enchérisseur; la ven te ~e faisait par mini~tère d'hu issier. Cependant, par le contrai de gage . on pouvait convenir que.
faute de payement, le créancier serait autorisé à vendre le
gage, même de gré à gré, sans perm i s~i on du juge. (Pothier,
Nant. , n• 24. 25; lfypoth., n• 2 1G).
Aujourd'hu i encore le créancier pent faire rnndre la
~ho~e.
87 -
mais il faut que celle vente soit ordonnée par
Justice, et elle doit toujours avoir lieu aux enchères. Le
Code est donc plus sévère que l'ancien droit , et on ne
pourrait pas, il me semble. convenir que la ven te serait
faite de gré a gré. La loi s'applique aux. droits mobiliers
comme aux meubles corporels. Pour les titres ou valeurs
dont la négociation ne peut se faire qu'à la Bourse, la
vente aux enchères :;cra remplacée par la vente à la Bourse.
Elle olTre les mêmes garanties; car elle est publique et
faite par le ministère d'un agent de change.
Lorsque la chose engagée a été vendue, le créancier a
le droit de se faire payer par préférence sur le prix de la
chose. Ce privili>,ge résulte non de la qualité de la créance
mais de la possession, sans laquelle il ne peut subsister .
Le privilège peut se trouver en concours avec d'autres
privilèges. La loi n'ayant pas prévu le classement des privilèges, les auteurs sont partagés sur cette question . Voici
quelles sont les règles générales que l'ont peut admettre.
Le privilège qui garan ti t les frais de justice est le seul des
privilèges généraux qui prime les privilèges spéciaux , par
conséquent même celui du créancier gagiste; mais il faut
encore que les frais aient été faits pour le meuble même qui
est l'objet du nantissement, et aient pu profiter au créancier. Quant au concours de ce privilège avec d'autres privilèges spér.iaex, il y a des distinctions à faire. Le gagi::.te
sera préféré au rnndeur d'objets mobiliers, s'il a ignoré la
préexistence du privilège. dont le meuble élait déjà. grevé;
s'il l':i connue . il sera primé par le vendeur. La décision
sera la même si un privilège existait arnnt la constitution
du gage au profit d'une personne qui a conservé la chose.
�-
88 -
Mais le privilège basé sur la conservation du gage et né
postérieurement an naotissem<·nt passerait touj ours avant
celui du créancier gagiste si le conflit existe entre deux
créanciers nantis ; ils viendront en concours si la constitution du gage a eu lieu à la même époque. à moins do
convention contraire. Si les époques de constitution sont
différent es, le créancier poursuiva nt peut. suivan t les circonstances que les juges appréd eront avoir voulu céder
son rang ou reconnaître uu droit égal ou même seulement
inférieur au second créancier. Lorsqu'il y a pl llsieurs
créanciers nantis. ils peuvent ga rder la chose en commu n
ou la confier à un ti ers convenu .
111 . - A la place de ce droit de vente el du privilège sur
le prix, le créancier peut demander à la justice d'ordonner
que le gage lui demeurera en payement et jusqu'à d11e
concurrence, <l'après une estimation faite 7Ja1' ex71erts. C'est.
pour ainsi dire, une dation en payement faite par autorité de justice. Mais serait nul le pacte commissoire déjà
.proscrit par Constantin , el d'après lequel la propriété du
gage resterait, à défaut de payement au créancier, sans
jugement ni estimation d'ex perts . La loi protège ainsi les
débiteurs contre les usuriers qui trouveraient par r.elte convention le moyen de placer leurs capit aux à gros intérêts,
la valeur dn gage était presque touj ours supéri eure au
montant de la dette. Si le contrat pignoratif se cachait sous
la form e d'une vente à réméri", Jes jnges auraient le devoir
de le considérer comme nul.
Le créancier gagiste n 'ac~ui e rt clone par la choso ni
droit de propriété, ni droit d'usage ou de jouissance seu-
89 -
lement; si la chose donnée en gage est une créance, il peut
en toucher les intérêts, à. la charge de les imputer sur ceux
qui lui sont dus, ou sur le capital de sa créance, si elle
n'est pas productive d'intérêts.
IV. - Enfin ce droit de gage confère encorn au créancier le droit de revendiquer la chose engagée, soit contre le
débiteur, soit envers les tiers, même de bonne foi lorsqu'il l'a perdue, ou qu'elle lui a été volée. Bien que la loi
ne mentionne pas ce droit, on peut le fai re découler par
analogie de l'article 2 102. n" 1 'I . qui accorde au locataire créancier gagiste le droit de revendiquer les objets
détournés, à son insu. de la maison ou de la ferme qu'ils
garnissa ient. Le locatai re a quarante jours ou quinze jours
pour revendiquer, sui van t qu'i l s'agit d'un bien rural ou
d' un bien urbain. Mais en ce qui concerne le créancier
gagiste. je crois qu'il fa ut lui accorder trois ans; car d'après
le droit commun qu'il faut appliquer, à défaut de dispositions spéciales , les choses volées ou perdues peu 1•ent
être revendiquées pendant trois ans. à compter du jour
du vol ou de la perle (art. 2279).
SECTION DEUX I È~IE
Du
GAGE CONSJOÉilÉ AU POINT DE YCE DES ÜBLIGATIONS
QU' I L FAIT N.\JTRE ENTRE LES PARTIES
Le con trat de gage esL un contrat synallagmatique i~~
parfai l. Le créancier gagiste seu1 esL tout d'abord oblige
directement en vertu du contrat; le débiteur ne peut
l'être qu 'acciden tellemenL. Nous allons examiner tout
d'abord les obligations du créaucier ·
�-
90-
I. Obligaliot1s du créancier. - Le débi leur pen t exercer
l'action directe dans deux cas : 1° Pour demander compte
au créancier des détériorations ou de la perte arrivée par
sa faute; 2° pour exiger la restitution de la chose engagée
lorsqu'il a satisfait le créancier. De là, deux. obligations
sont donc à la charge du créancier.
En ce qui concerne l'obligation de veiller à la conservation de la chose. le créancier doit les soi ns d'un bon
père de famille. C'est le principe général de l'article i i ::l7
qu'il faut lui appliquer, et non celui de l'article 1927 .
suivant des auteurs, qui voulaient l'assimiler à un simple
ùépositaire. Sans doute, c'est un dépositaire de la chose,
en ce sens qu'il n'en a que la possession et quïl doit
la restituer un jour; mais le dépôt est dans le seul intérêt
du déposant; le gage, au contraire. est dans l'intérêt des
deux parties, la responsabilité doit donc être dilTérente.
Cette première obligation de veiller à la conservation de
la chose n'est qu'une conséquence de l'obligation de restituer. •Tout débiteur chargé de rendre, dit Pothier, est
obligé à conserver. (Poth. Na11 tiss. n° 52) . •
L'obligation de restituer découle de la nature même du
contrat. Dès que la dette a ces é d'exister. ou si le créanliier
vient à abuser du gage, le débiteur peut exiger la reslitution . Elle doit comprendre la chose même avec tous les
accessoires qui ont pu s'y adjoindre pendant la durée du
gage. Cependant, si la chose a été vendue faute de paiement
de la delle à l'échéance, le créancier n'a rien à rendre. si
ce n'est \'excédent du prix de vente sur le montant de la
dette.
L'obligation de restitu er cesse quand la chose engagée
-
91 -
a péri par cas fortuit; elle se prescrit, en outre, par trente
ans, à compter du jour où le créancier gagiste n'aurait plus
à opposer son droit de rétention.
Il. Obligations dti débiteur. - Le créancier gagiste pP,ut
avoir> a son tour, une action contraire, dans deox cas,
pour réclamer : 1° le montant intégral des dépenses nécessaires, ou la plus-value résultant des dépenses utiles ;
2o des dommages-intérêts à raison des pertes que lui ont
causées les vices de la chose donnée en gage.
�-
92 -
SE C0 ND~~ P Afi T1E
Dérogations au droit commun
en matière de Gage
• Les dispositions ci-dessus. dit l'article 2084, ne sont
applicables ni aux matières de commerce, ni aux maisons
de prêt sur gage autorisées et à l'égard desquelles on
suit les lois en règlement qui les t:oncernent. »
J. - DU GA.GE COIUIEll.CIA.L
La disposition de l'article que n.ous venons de mettre en
tête de notre seco~d e partie. semblait indiquer que le législateur se réservait d'édicter des règles particulières pour
le _gage commercial. Et cependant, jusqu'à la loi du 25
mai t 865 • aucune disposition spéciale ne fut introduite ,
et celte lacune avait donné lieu à des controverses assez
. .
· t.ions nombreuses cl ans la 1urispruîi ves et à des •·a
• ria
dence.
-
93 -
Un premi er système afi ranchissait le gage commercial
des règlas du Code civil en le soumellant aux principes
en usage dans le commerce pour les négociations ordinaires. Sans doute, il n'y pas eu de lois spéciales; mais
le Code civil déclare expressément que ses articles du titre
du Gage ne s'appliquent pas en matière de commerce. Le
gage existera donc à l'égard des tiers, comme à l'égard des
parties contractantes, sans l'observation d'aucune des formalités prescrites par les articles 207 4 et 207 5; il suffira
qu'on l'établisse par un des modes de preuve admis par
\'article 109 du Code de commerce.
La doctrine et la juri~pruJ ence admiren~ pourtant. de
préférence, un second système, d'après lequel on devait
appliqu er les règles du Code civil au gage commercial,
puisque ce Code est, même pour le commerce. la loi foudamenlale dans tous !es cas ou le droit commercial ne con·
ti ent pas de dispositions contraires. L'article 2084 est
moins considéré comme une exception au x articles précédents que comme une réserve pour l'avenir. On appliquait
donc ri goureusement les articles 207 4 et 207 5 au nantissement, même commercial.
La loi du 25 mai 1863, en venant mettre un terme à
celle cont roverse, a consacré le premier système. pour
donner plus de latitude au crédit commercial, en présence
su rtout des proportions considérables qu'a prises de nos
jours la for tu ne mobilière. !\fais la loi ne s'applique pas,
d'ailleurs, aux actes de nantissement passés antérieurement
3 sa promulgê.Lion. Ainsi. les arrêts on t décidé qu'une constitution Je gage. en actions industrielles ou commerci.ales
au porteur. consen tie avan t celle promulgation, est nulle,
�-
9'~
-
-
si elle n'est pas constatée d'après les règles du Code civil.
Cette loi de 1865 fu t insérée dans le Code de commerce.
Le tiLre v1de ce Code pouvait naturellement la comprend re,
par suite de l'analogie qui existe entre le gage commercial
e~ le privilège du commissionnaire ; les articles 94 et 915
comprirent tout ce qui concernait les commissionnaires. et
on réserva au gage les nouveaux articles 91, 92 et 9~ .
Malgré l'e:\islence d'une loi nouvelle, le Code civil subsiste toujours pour les points où la loi du 25 mai 1865 n'a
pas introduit de dérogation . par exemple. en ce qui concerne les objets qui peuvent être donnés en gage. et les
conditions de capacité exigées des parlies contractantes.
Nous n'aurons donc qu'à mettre en relief les règles spéciales du droit commercial dans les chapitres suivants qui
auront trait aux conditions nécessaires pour la formation
du gage commercial. e.t aux droits qui en découlent.
CHAPITRE
(•r
C:ondltlons n écerumh •clii 1•our IR F o 1•1nat lou d u
G a ge c o111111e r c lal .
Il faut tout d'abord que la convention qui intervient entre les parties soit relative à un gage vraiment commercial.
D'après le projet du gouvernement, la gage ne bénéficiait
des dispositions nouvelles que s'il était constitu é par un
commerçant. quelle que fût, d'ailleurs. la qualité du a éan·
cier gagiste. Cette limitation parut présenter des inconvé-
9!) -
nients d'autant plus sérieux, qu'elle anrait pu soulever des
difficultés dans la pratique. Comme le faisait remarquer
M. Vernier. dans son rapport au Corps législatif. le Code
de commerce a bien défin i, dans son article premier, ce
que c'est qu'un commerçant ; mais celle définition pourrait trouver un aliment nouveau de controverse dans l'intérêt qu'auraient les tiers à. contester le privilège du créancier gagiste. Aussi. l'article 9 1. paragraphe 1, décida que
le gage constitué, soit par un commerçant, soit par un noncommerçant. pour un acte <le commerce, . se constate, à
l'égard dP,s tiers. comme à l'égard des parties contractantes.
conformément aux dispositi ons de \'article 109 du Code
de commerce. Les articles 652 et 655 nous indiquent ce
qu'il faut entendre par actes de commerce.
Ainsi donc, d'après les termes même de cet article. le
aaae commercial se constate comme les achats et . ventes.
0
c'est-à-dire, par actes publics, par actes sous s1gna tnre
privée. p1r le bordereau ou arrêté d'un agerit de change
ou courtier, dûment signé par les parties, par une facture
aceeptée. par la correspondance, par les livres. des parti~s.
par la preuve testimoniale dans le cas où le tribunal cr~1ra
devoir l'admettre. Aj outons l'aveu el le serment, et memc
les présomptions. quand les magistrats peurnnt les ad~
. ..
mettre.
L'innovation de l'article 0 l . remarquons-le. a consiste a
permettre au créancier d'établir. par les modes de ~reuYe,
sa situation privilégiée. à l'égard des tiers. car, meme en
matière civile, l'elTet tl u gage entre les parties contractantes
n'est poin t 3oumis aux formalités des articles 2074 et
:207 5.
�-
!Hi -
On a donné plusieurs motifs pour expliquer b loi de
1865 rejetant les disposilions du Code Civil qui garantissent les tiers contre les fraudes du débiteur et du créancier gagisle . On peut dire qne l'on a voulu avant tout
favoriser le développement du créclit. On arrive. par
J'applicalion de l'article 107. à. éviter les lenteurs et les
frais auxquels l'enregistrement donne lieu el les nullités
qui peuvent résulter de l'imperfection du titre. Comme le
disait 1\1. Vernier : • li ne faut pas entraver les conventions utiles et honnêtes pour empêcher le dol de s'y introduire. Ce n'est plus l'œuvre de nolre temps. • La régularité des écritures commerciales rend aujourd'hui la fraude
plus difficile. l'antidate d'un acte de commerce est punie
de travaux forcés à temps par l'article 147 du Code pénal.
L'article 91 paragraphe 1, fait disparaître par la généralité des tel'mes toute distinction entre le cas où les contractants habitent la même place et celui où ils se trouvent
dans des lieux difTérents . Cette distinction admise par les
anciens arlides 95 el 95 au sujet des avances faites par le
commissionnaire avait été étendue par analogie au gage
proprement dit par certains tribunaux .
L'article s'applique également sans distinguer si les
avances ont précedé ou sui vi la constitution du gage.
Le paragraphe ~ ile l'article 91 décide expressément
que le gage, al'égard des valeurs négociables peut aussi
être établi par un endossement régulier, indiquant que les
valeurs ont été remises en garanties. L'endossement doit
contenir la date, l'indication de la valeur fournie, le nom
de celui à l'ordre duquel le billet est passé; enfin, ajoutons, la signature de l'endosseur.
-
97 -
En outre, l'endossement doit exprimer clairement l'intention des parties, pour qu'on puisse savoir si c'est bien
un gage qui est constitué. ou une propriété qui est transférée. La fo rmule : valeu1' 9·emise en garantie, manifesterait fort bien la volonté des contractants ; mais toute autre
expression pourrait la remplacer .
A l'égard des actions, ajoute le paragraphe 5 de notre
arti cle 9 i . des part s d'intérêt el des obligations nominatives des sociétés financières. ind ustrielles commerciales
et civiles, dont Il transmission s'opère par un transfert sur
sur les registres de la société, le gage peut également être
ét.abl i par un transfert à titre de garantie inscrit sur lesdils
registres. ( Art. 91 . § 3. )
C'est sur la demande de la commission qu'on ajouta les
mots : part d'interet, au projet du gournrnement qui ne
parlait qu e des actions el obligations des sociétés. Les
parts dïntérêls sont , comme le disai t M. Vern ier dans son
rapport : • Celles que les fondateurs d'une compagnie
s'attribuer. t entre eux, avant la mise en actions . •
L'article que nous étudions o'a pas visé spécialement les
titres au porteur ; mais les règles générales de l'article
91 paragraphe 1 suffisent pour nous faire entrevoir la
solution. La propriété ùes titres au porteur étant transmise
sans endossement. sans notification au débiteur, et par la
seule tradition, le gage commercial sur ces titres s'établira
aussi à l'égard des Liers, comme pour une marcbandise
quelconque, conformément à l'article 109.
Il fa ut, du resle, bien remarquer que, s'il s'agit du
~age civil , les disposilions nouvelles de la loi de 1865 ne
s'appliquen t pas aux Litres nominatifs. négociables par
�-
~8
-
''oiu d'endossement, on au porteur qui restent sonmis
aux articles 207 4, 207 5 du Code civil.
Il nous reste à dire un mot du paragraphe 4 de l'article 9 1, d'après lequel il n'est pas dérogé aux dispositions de l'ar ticle 207 5 do Cod e civil en ce qui concerne
les créances mobilières dont le cessionnaire ne peut être
saisi a l'égard du tiP,rs que par la signification du transport
fait au débiteur .
Il s'aoit ici de créances ordinaires sur les simples particuliers. !:)Lorsqu'il s'agil même d'un gage commercial, le
pri \•ilège du créancier gagiste ne s'établit sur elles que ~ar
un acte enregistré el signifié au débiteur, d'après l'art1clc
2075 du Code civil. Le débiteur du constituant peut donc
yalablemenl payer au cédant et anéantir ainsi le gage tant
que le nantissement n'est pas signifié. La signification est
ainsi une garantie pou r les tiers et pour le créancier gagiste. Si l'on n'a pas fait dans !e cas qui nous occupe
d'exception aux règles du droit. commun. c'est qu'on
donne rarement en gage des créances sur de simples particuliers, dans le commerce ; il n'y avait pas dès lors d'intérêt à édicter ici une règle exceptionnelle.
A côté des règles que nous venons d'indiquer, et qui
sont nécessaires pour la constitution du gage 1:.ommercial.
il en est une autre indiquée déjà. à propos du gage civil et
qu'exige aussi le gage com mercial. C'est la mise en possession de l'objet engagé aux mains du créancier gagiste.
L'article 92, paragraphe 1 du Code de commerce nous
dit, en eliet que, dans tous les cas, le privi lège ne subsiste
sur le gage qu'autant que le gage a été pris et est resté en
la possession du créancier ou d'un tiers convenn entre les
-
99 -
parties. La trad ilion est donc anssi indispensable en mati ère commerciale qu'en matière civile; elle est de l'essence
du gage, et si on a rappelé ce principe dans l'article 92,
c'est sans doute pour enlever toute incertitude.
Les ex plic:ations déjà fourn ies sur le moyen de transférer la possession des meubles corporels on incorporels
nous dispensent d'y revenir en ce moment; noua n'avons
qu'à la compléter par l'étude des dispositions propres au
droit commercial.
L'article 92, p1ragraphe 2, décid e. lorsqu'il s'agit de
marchandises, que le créani:ier est réputé les avoir en sa
possession, lorsqu'elles sont à. sa disposition dans ses magasins ou navires, ala douane ou dans un dépôt public, ou
si, avan t qu'elles soient arrivées. il en est saisi par un connaissement ou par une lettre de voiture.
La possession est évidente et complète, lorsque les marchandises sont arrivées dans les magasins du créancier,
dans ses navires. ou bien a sa disposition, a la douane ou
dans un dépôt public comme les magasins généraux . Mais
il suffit que le créancier soit saisi par un connaissement
ou par une lettre de voiture : par un connaissement, c'està-d ire par le récépissé donné par le capitaine du navire à
celui dont il transporte les marchandises ; par une lettre
de voiture qui tient la place de connaissement pour les
marchandises transportées par terre. Le connaissemen t
peut être à ordre, au porteur, ou à personne dénommée.
On peut se demander, lorsqu'il est à ordre, quelles énonciations doit contenir l'endossement à titre de gage. pour
donner naissance au privilège du créancier avant l'arrivée
des marchandises La loi de 1865 est muette sur ce point,
�-
-
100 -
et la controverse qoi ex istait à propos du pri vilège do commissionnaire s'est étendue au privilège du créancier gagisle.
Le créancier gagiste ne peut être saisi. d'après un premier système, que par un endossement régulier conforme
aux dispositions de l'article -157 du Code de commerce.
Cet article pose des règles générales devant s'appliquer
non seulement aux lettres de change et billets à ord re.
mais à tous les autres actes fai ts 3 orùre et susceptibles de
nègociations et de transport par voie d'endossement, tels
que les connais~emenls . C'est le système de la Cour ùe cassation . Si l'endossement n'ex prime pas la valeur fournie.
il ne vaut que comme procuration Je recevoir les marchan
dises, et le créancier gagiste, comme le commissionnaire,
serait passible Je toutes les exceptions auxquelles le cons·
tiluant lui-mème serait soumis, tell es que la revendication du vendeur des marchandises non payées.
Cependant un second système qu i me paraît préférable
admet que l'endossement du connaissement qui ne contien t pas l'i ndication de la valeur fournie est suffisant ponr
saisir à l'égard de tous, le créancier gagiste, qni en est por·
teur, des marchandises qui font l'obj et du connaissement.
Les articles 137 et 158 sont faits pour l'endossement qui
doit produire le transport ùe la créance constatée par les
elîets sHsceptibles de négociation ; mais le connaissement
n'a pas pour objet la cession de la propriété de la marchandise ; c'est un simple moyen de preuve de l'ex péditi on et de l'obligation contractée par le capitaine de trans·
porter la marchanclise et de la livrer à une destination
convenue. La chose est bien à. la disposition ùu créancier
101 -
ou d~ commissionnaire. A supposer même qu'on admette
qu e 1.endossement irrégulier est un mandat donné par le
. pour
constituant ou le commettant · ce n'est pas une raison
ad ~ elt~e que le mlndan t n'est pas dessaisi. 11 ne pourrait
po1~t revoquer celle procuration à son gré : elle est l'exécution d'une obligation, la co ndition d'un prêt. il doit
donc la respecter. car elle existe dans l'intérêt du mandataire et pour la garantie de ses droits.
Ainsi donc, le commissionnaire, et même le cré:rn cier
gagiste, prouvant la convention du gage. conformément a
l'article 91 , peuven t. alors même que l'endossement dont
ils sont porteurs n'énonce pas la Yaleur fournie, invoquer
leur pririlège à l'en contre de la masse des créanciers et du
vendeur revendiquant, s'ils prouvent qu'ils ont réellement
fourni la valeur.
La décision que nous venons de donner pour le connaissement serait la même pour la lettre ùe voiture.
CHAPITR E Il
Des Dt•olts du C 1·énnclc1· ~agiste
En dehors des droils qu i résullent du gagP. civil et qui
sont com muns au gage comm ercial, et sur lesquels nous
n'avons pas à revenir. il en c. t un dont jouit le créancier
gagiste avant l'échéan ce ùc sa créance el dont il est question dans le paragraphe 4- cle l'arti cle 91. • Les effets de
commerce. donnés en gage. sont recou\'rables par le
�-
102 -
créancier gagiste. • li n'aurait pas Io même droit. sui vant
les principes du gage civil ; en cette matière, en eITct, sïl
a reçu une créance en gage, il doit en percevoir les intérêts; mais il lui est interdit de loucher le capital ; ce serait
s'approprier indirectement le gage. Dans l'intérêt du commerce. la loi de 1865 devait faire une exception. Les
effets de commerce sont payables à jour fixe, er le débiteur
s'expose à des frais, au protêt, s'il ne paie pas . D'un autre
côté, pour qu'il n'eût aucune crainte de payer au créancier
gagiste, porteur de l'effet de commerce, une disposition
formelle dans la loi était nécessaire.
Remarquons que le créancier gagis~e a le devoir de recouvrer les eliets qu'il a entre les mains. et de faire le
protêt, si le paiement n'a pas eu lieu. En cas de recouvrement de l'eITet de commel'ce. s'il y a un excédent , le
créancier devra le restituer, aussitôt qu'il l'aura reçu, au
constituant.
A l'échéance de sa créance , le créa ncier gagiste a les
mêmes droits que ceux que nous avons déjà. étudiés en
droit civil. et nous venons de voir les conditions spéciales
nécessaires à l'existence du privilège. Mais nous devons
nous arrêter sur l'article 95 qui traite de la réalisation du
gage.
La protection que l'article 2078 du Code civil assurait
au débiteur, en cas de vente de la chose engagée. est fo rt
sage ; mais elle apporte à la réalisation du gage des lenteurs qui ne conviennent pas aux matières commerciales .
L'obligation de recourir aux tribunau x pour obtenir l'autorisatioo de vendre, nui ail aux emprnnteurs par l'excès
de protection qu'elle leur otTraiL. C'est pour donner aux
-
105 -
créanciers une plus grande liberté ù'action qu'on leur a
permis de vendre le gage huit jours après une signification
faite au débiteur ou au tiers bailleur du gage.
Toutefois. une vente publique est nécessaire à la réalisation du gage; elle purge les intérêts du débiteur, et est
une garantie pour les tiers, avertis par la publicité, et mis
en mesure de sauvegarder leurs intérêts . Celte disposition
de l'article 9 5 a été empru ntée à l'article 7 de la loi du
28 mai t 8!58 sur les Magasins g~r11Jra ux .
La loi, pour donner plus de sécurité au débiteur ou au
tiers bailleur du gage , ind ique l'officier public chargé de la
vente (art. 95 , § 2). La vente aura lieu à la Bourse par le
ministère des agents de change si le gage consiste en effets
publics ou autres valeurs cotées à la Bourse. C'est un
principe qui découle tacilement du paragraphe 2 de l'articl e 93 . et en outre . de la loi du 27 prairial. an x, de l'article 7 6 du Code de commerce.
Pour le gage constitué autrement qu'en effets publics
ou en valeurs cotées . la vente se fait par le ministère des
courtiers. Toutefois. leur intervention n'est pas ind ispensable : s'il o'existe pas de courtier au lieu de la vente, ou
si les parties préfèrent recourir à d'autres officiers. pub!:~,
elles peuvent, nous dit le paragraphe 2 de 1article 9:>,
adresser une requête au pré ident ùu tribunal de commerce qui peul désigner une autre cla se d'officiers publics.
par exemple. les commissaires priseurs. Dans ce. cas,
l'officier public chargé de la vente est soumis aux dispositions qui régissent les cou rt ier~. relativemen t à .la respon~abilité , et même aux tarifs. bien qu'ils leur attnbue~t de
. . r· . ' eu ' at1 xquels il a droit ha~1tuelhonora1res 111 eneurs a c x
1
�-
-
10/i- -
lernent. Le paragraphe 5 de l'arti cle 9 5 n'est que la repro·
d1rclion de l'article 5 de la loi du 3 juillet 1861, sur la
vente publique des marchandises en gros.
D'après le paragraphe 5 de notre article 93, les dispositions des articles 2 à 7 inclusivement de la Io! du i8
mai 1858, sur les ''entes publiques volontaires des marchandises en gros, sont applicables aux ventes prévues par
le paragraphe 2. Les offi ciers publics chargés de la vente
devront, comme les courtiers, se conformer aux dispositions de la loi du 2"2 plu\·iôse an vn. concernant les ventes
publiques de meubles. Le droit de courtage attribué aux
officiers publics qui font la vente, quels qn'ils soient , est
fix é. pour chaque lœalilé. par le ministre du commerce,
et il ne peut excéder. en aucun cas, le droit établi dans les
ventes de gré à gré ponr les mêmes sort es de marchandises .
Les contes tations sont portées devant le tribunal de
·commerce.
Enfin . la vente doit avoir lieu dan$ les locaux spécialement autorisés, après avis de la chambre et du tribunal de
commerce. D'ailleurs, d'après les explications. du rapporteur de la loi de t 865 . bien que l'article 6 de la loi de
1858 ne le dise pas. s'il n'y a pas de salle spéciale, on
procède à la vente dans les locaux qui y sont ordinairement
afTectés.
Nous avons parlé dn pacte commissoire que prohibe
l'article 2078 . paragraphe 2. La loi de 18 65 a consacré
dans l'article 95. paragraphe 4, la même prohibition. en
ces termes : • Toute clause qui autoriserait le créancier à
s'approprier le gage ou à en disposer. sans les form aiités
ci-dessus prescrites. est nulle. "
JI . -
105 -
11..\.G.\Sl~S GÉlu°"mAtlX
Malgré le tilre général que nous plaçons en tête de
cette étude, nons ne ferons pas un examen complet de
cette matière. Le but que nous avons à. atteindre est d'indiquer les dérogations apportées au Code civil sur la matière du nantissement par les lois et décrels relatifs aux
magasins généraux.. En dehors de fa, je ne dirai que ce
qui est nécessaire à l'intelligence de mon sujet.
APERÇU HISTORIQUE
Les docks ou magasins généraux sont des établissements
destinés a recevoir des matières premières, des objets fabriqués, et des marchandises que les négociants veulent Y
.
déposer.
Cett e institution est d'origine anglaise: elle uate de
t 7 ~Hl . L'idée en \'int à la suite de vols nombreux. commis
à bord des navires ancrés sur la Tamise. Pour y remédier,
on construisit de vastes locanx, où les marchandises dépo·
sées seraient soumises à une surveillance acti\'e. Cette
inslitution acquit en Angleterre une telle imporla~ce que
l'on pouvait dire dans \'ex. posé des motifs de la .1~1 .du 28
mai 1 8~8: ~ Cette institution a sur la prosperitc corn·
.
merciale de l'Analeterre une action con5id érable. •
L' ~llem~ane ; t la Hollande conn1~rent anssi l'in_stilot1on
_ .. elle v pril même
.
~
'
,
des m~gasins généra u ~ bien ava nt
un Lléveloppement con idérable. /,. %~.Pd-
�-
106 -
Il fallut, pour l'inlroduire en France, la crise commerciale de f848. Voici en quels termes M. Garnier-Pagès,
alors ministre des finances, expose la situation et propose
d'y apporter un remède : « Une crise industrielle persisle,
qui ~uinerait bientôt les chefs d'industrie et les travailleurs
si nous n'y avisions avec promptilude. Celle crise s'est
manifestée sous deux aspects : l'encombrement des portefeuilles, l'encombrement des magasins. Par la chute des
principaux établissements de crédit, les négociants et les
industriels se sont trouvés subitement destitués des moyens
<le se procurer les capitaux qui leur étaient nécessaires, en
même temps que l'amoindrissement de la consommation,
les chargeait de marchandises invendues. Préoccupés de
celle double nécessité. rous avez. sur ma proposition,
décrété l'établissement des comptoirs d'escompte à Paris
et dans tous les grands cen tres agricoles, industriels et
commerciaux. Aujourd'hui, vous devez faire pour la marcban1lise ce que vous avez fait pour le papier ; elle a besoin d'issues , il faut lui en ouvrir. En cet état de choses,
j'ai pensé que le meilleur moyen de remédier au mal,
c'était d'anticiper sur la consommation par la circulation ...
Dans le but de mettre les chefs d'industrie en mesure de
disposer dès aujourd'hui du prêt de leurs marchandises,
il serait établi à Paris et dans les départements des magasins généraux. •
Un décret du gouvernement provisoire dn 21 mars t 848,
complété par un arrêté du ministre des finances du 26
mars t 848, qui fut confirmé lui-même par un décret du
25 août de la même année, organisa tou l d'abord en
France les magasins généraux. Mais ce ne fut que d'une
-
107 -
manière imparfaite; aussi. dans ces conditions, l'institulion
nouvelle ne rendit pas tout d'abord les services qu'on en
attendait. Des réformes étaient nécessaires; elles furent
introduites dix ans après, par la loi du 2~ mai i 858 et Je
décrel réglementaire dn i 2 mars t 859. Une loi du 31
août t 870 a encore simplifié les formalilés nécessaires à
l'établissement des magasins généraux.
CARACTÈRES ET MÉCANIS~!E DE L'INSTITUTION
Les magasins généraux sont des enlreprises privées.
Cependant, pour donner loule garanLie aux déposants, ces
établissements sont placés sous la surveillance de l'Elat.
Leur création même est subordonnée à l'autorisation administrative: depuis la loi de 1870, celle autorisation est
donnée par un simple arrêté préfectoral. pris après avis
de la chambre de commerce ou de la chambre consultative,
ou do tribunal de commerce. Le dépôt d'un cautionnement est de plus indispensable.
Ces maoasins sont fort utiles dans les crises industrielles
et commc~ciales . Quand la prodoclion des marchandises
est supérieure à leur écoulement, ils permettent d'emm~ga
siner à peu de frais des marchandises qui ne pourraient
,. ·1 · On y trouve
.
.
être aclUellemeot vendues qua "' prix·
aus$i le moyen de donner en gage des marc~andtses ~m
·usqu'à la création des docks n'étaient acceptees que d1ffi·
J
Ma's ce ne sont
· 1·
.
•
r,ilement en garantie par les cap1ta istes.
pas seulement les moments (le crise que l'on. a e~s en vue
en constitu ant les magasins géncraux. Ces etabhssemenls
créent à côté du créùit personnel' Je crédit de la marc han-
�-
108 -
dise, en permettant de la faire circuler, soit à titre d~ vente,
soit à titre de nantissement, avec la plus grande facilité,
et sans aucuns frais de déplacements. Ils mettent enfin, à
la disposition de tous, des magasins bien gardés et bien
surveillés.
Il faut voir maintenant Je.mécanisme de cette institution.
Lorsqu'un négociant ou un industriel dépose des marchandises dans un magasin général. l'administration de cet
établissement lui délivre un reçu détaché d'un registre à
souche. Ce reçu contient deux titres transmissibles par la
voie de l'endossement. L'nn de ces titres s'appelle le r~cé
pissé, il est destiné à servir d'instrument de vente. L'autre
annexé au récépissé est le bulletin de gage ou warratH,
c'est l'instrument de nantissement.
Le récépissé contient les noms, profession et domicile
du déposant. ainsi que la nature de la marchandise déposée
el les indications propres à en établir l'identité et en déterminer la v~leur. Le warrant contient les mêmes men~
lions que le récépissé. On ex igeait, d'après les décrets de
t 84~, que la détermination de la valeur fût faite par un
courtier et des experts choisis par la chambre de commerce. La loi de 1858 n'ex ige plus cette estimation préalable; on évite par là des lenteurs, des frai s et le dan(Jer
de mettre des concurrents dans le secret des affaires ~du
déposant. L'administration le fait approximativement dans
le récépissé, car le prêt étant toujours inférieur à la Yal eur
du gage. il est à peu près indifTérent au prêteur de :-;avoir
exactement la valeur des marchandises déposées .
Lorsque le déposant veut soul ement emprunter sur sa
marchandise. il détache du récépissé Je warrant qu' il
-
109 -
transfère au prêteur par endossement : cet endossemtnl
du warrant mo t nantissement au profit du cessionnaire
qui acquiert ainsi sur la marchandise tous les droits d'un
créancier gagiste. Ces droits passent à. tous ceux auxquels
le warrant est successivement endossé.
Dans le cas de vente, de deux choses \'une: ou les deux
titres sont encore réunis, et alors l'endossement fait par le
déposant au profit de \'acheteur transfère a ce dernier la
pleine propriété de la marclsandise; ou le déposant a déjà
cédé à un prêteur le warrant, et alors l'endossement du
rècépissé transfère bien la propriété de la marchandise à
l'acquéreur , mais à la charge par lui de payer la créance
garantie par le warrant ou d'en laisser payer le montant
sur le prix de la marchandise. L'endossement du récé·
pissé, arnc ou sans warrant, peut, quelquefois, au lieu
d'avoir pour but de transférer la propriété de la marchandise. ne conférer qu'un simple mandat. de vendre ou de
retirer la marchandise.
Il faut voir. maintenant que nous connaissons le rôle
ùu récépissé et du warrant, quelles formes l'endossement
de ces actes doit revêtir.
L'endossement dn warrant et du récépissé. dit l'article
5 de la loi de i 8 58' lorsqu'ils sont transférés ensemble
doit être daté. Le paragraphe 1 de cette loi resse~ble
sous ce rapport à l'article 15i du Coùe cl~ comm~rce. Len.·
"arra nl séparé du récépissé, doit en outre
. .
'
dossemen t du \ '
1 montant intéaral en capital et rntérets de la
.
e .
enoncer
date "de son échéance et les noms.
.
.
creance garantie. 1a
d . ·1e du créancier c'est-à-dire, comme le
.
'
profess1on et om1 c1
, t' l" 1"7 du Code de commerce. de la personne
,•eut \ ar 1c. v v
ll \'ordre de qui \'effet est pa sé.
�-
i10 -
Mais la valeur fournie n'est jamais portée sur l'endossement des récépissés .•Quanl à celui du warrant. il doit bien
contenü· le quantum en capital el intérêts , ruais non l'espèce de la valeur fournie .
Le premier cessionnaire du warrant doit faire transcrire l'endossement sur les registres du magasin avec les
énonciations dont il est accompagné. Il est fait mention
de celle transcription sur Je warrant (art. !5 § 5, 1. 1858).
La raison de celle formalité nous est donnée par l'exposé
des motifs. L'e.ndossement du warrant est un acte de nantissement, donc régulièrement, en vertu des anciennes
règles admises s.ur le gage commercial. il aurait fallu l'enregistrement de l'endossemenl: la transcription sur les
registres des magasins en tient lieu et produit les mêmes
effets. Le préposé du magasin général est une sorte d'officier public dont la déclaration offre toute garantie de sincérité. Nous savons que depuis la loi de 1865, l'enregistrement de l'acte de nantissement n'est plus nécessa ire ;
mais il ne faut pas en conclure que la tran scription du
warrant n'est plus exigée quand le gage est réputé commercial. La loi de 18!58 est spéciale el conserve son ellet.
Cette transcription fait d'ailleurs connaître aux intéressés
la somme pour laquelle la marchandise est engagée et qu'il
faudra consigner pour la retirer du magasin général ; elle
fait apprécier la valeur du récépissé, quand le warrant en
a été séparé. Bien qu'en règle. elle ne doit être faite qu'une
fois pour le premier endossement du warrant, tout cessionnaire du récépissé et du warrant peut, d'après le décret du
12 mars t 85 9. exiger la transcription sur les registres
dont ils sont extraits. de l'endossement fait à. son profit,
avec indication de son domicile.
-
111 -
La loi de 1858 donne au porteur du récépissé la faculté de payer , même avant l'échéance, la créance garantie
plr le warrant. afin qu'il puisse. s'il le veut. retirer les
marchandises engagées. Le porteur du récépissé s'entendra
avec Je porteur du warrant, s'il est connu. Celui-~i n'est
pas forcé d 'accep~er le remboursement, comme dans le
système des ùécrets de t 81&-8 . Si donc il refu~e le payement anticipé ou s'il n'est pas connu, le porteur du r~cé
pissé devra consigner la somme due. y compris les intérêts jusqu'à l'échéance. à. l'administration du magasin qui
en demeure responsable. Le porteur du warrant peut se
présenter à toute époque, pour se faire payer contre remise
de son bulletin de gage. sur la somme ainsi consignée ;
mais s'il le fait avant l'échéance. il devra recourir aux
intérêts qui restent à courir. L'emprunteur pourra récla-
mer cet excédent.
Il peut arriver que l'emprunteur ne paie pas à l'échéance.
L'article 7, paragraphe 1 de la loi de 18 !SS décide al or~
que le porteur du warrant séparé du récépi~:;é pe~t. ~u1t
jours apr~s le protêt, et sans aucune formal.1té de JUSl1ce,
faire procéder ala vente publique. aux encùeres et en gros
rle la marchandise engagée. dans les formes et par les
officiers publics, indiqués ùans la loi du 28 mai f 858.
On voit facilement en quoi cette loi diffère de l'article 2078
du Code civil.
Si le souscripteur primitif du warrant a dû rembourser celui qui en était porteur à l'échéance. il ~ un recou~s
contre le porteur du récépissê qui n'a pas paye; car. celui·
ci. en vertu de la cession. était tenu de la .so~.me dont l.a
marchandise était grevée. Le souscripteur pnm1t1f peut alOT s
�-
11 2 -
fa ire vendre les marchandises contre le porteur tln récépissé
sni,·ant les formes que nous venons d'indiquer, et ans
qu'il soi t besoin de mise en demenre, car Je porteur de
récépissé doit savoir à quelle époque la marchandise peut
être vendue.
Depuis l'article 8. paragraphe 1, le créancier. port en r
du warrant. est payé sur le prix, directement et sans formalité de justice. par privilège et préférence à tous créanciers, sans autre déduction que celle des contributions
indirectes. des taxes d'octroi. des droits de douane dus
par la marchandise, et des frais de vente. de magasinage .
et autres, fai ts pour la conservation de la chose.
Le reliquat du prix. de vente. s'il y en a, est compté
au porteur du récépissé. ou s'il ne se présente pas. cet
excédent est consigncl entre les mains des adm inistrateurs
du magasin général qui en sont responsables. (Art. 8,
§ 2.)
Avanttout(art. 9. § 1). le porteur du warran t rloit
exercer ses droits sur la marchandise. et ce n'est qu'en cas
d'insuffisance du prix de vente qu'il peut poursuivre person nellement l'emprunteur et les endosseurs.
Le porteur d'un elTet négociable qui veut avoir un
recours contre son endosseur. doit avoir soin de leur faire
notifier le protêt et de l'assigner dans les quinze jours
qui suivent la date du protêt. sauf les Jélais de distance.
(Art. 165 et suiv.) Or, dans le cas qu i nous occupe. ce
délai aurait pu expirer avant la validation de la vente des
marchandises. et le porteur du warrant aurait perdu son
recours. C'est pourquoi la loi de 18 58, dans son artide 9.
paragraphe 2, a décidé que les délais fixés par les articles
-
115 -
t G~ et suivants, pour exercer le recours contre les endos-
seurs. ne courra que du jour ou la veote de la marchandise est réalisée.
Mais afin que le porteur du warrant n'ajourne pas indéfiniment la vente, la loi décide qu'il perù en tout cas. son
recours, s'il n'a pas fait procéder à la vente tlans Je mois
qui suit la date du protêt. (Art. 9. § 3.) L!is parties peuvent. d'ailleurs, par des conventions particulières. ajourner la vente, si elles espèrent plus lard trouver des conditions plus avantageuses.
L'article 9, qui vient de fixer ces délais, ne s'applique
pas dans les rapports du porteur de warrant avec le souscripleu r primitif ; il ne peut se prévaloir de la déchéance
du porteur, quand celui-ci lui ré<:lame la diliérence entre
le prix de la vente et le mon tant de la créance. Le souscripteur doit, par conséquent, comme le tireur d'une
lettre do change, justifier d'un1! provision suffisante à l'échéance, c'est-à-dire, dans l'espèce, établir que la valeur de
Ja marchandise représente le montant de la créance et des
frais. sans quoi, il est redevable de la différence.
Les récépissés el les warrants présentent de nombreux
points de ressemblance a\'ec les eliets de commerce. lis
sont transmissibles par l'endossement. Les warrants peuvent, en outre, être prote.Lés, donner lieu à des recours
contre l'emprunteur et les endosseu rs: ils peuve.nt être
reçus par les établissements publics ùe crédit avec dispense
d'une des signatures exigées par les statuts . (Art. 4,
1. 18 58.) Mais faut-il les assimiler complètement aux elTets
do commerce? C'est à propos de l'article 41.1-6 du Co~e de
commerce que b question présente un int érêt pr:\t1quc.
�-
IH. -
Tout paiement , ù'après cet arlicle, fait autrement qu'en
e. pèccs ou en effets de ·~ommercc. depuis la cessalion de
paiements ou dans les di:-: jours qoi précèdent. est nul
relativement a la masse.
La jnrisprndence admet aujourd'hui 4ne les récépissés
ne doivent pas ètre assimilé5 aux elTets de commerce,
même L)Uan1l ils sont négociés avec le warrant. Ce sont, en
elTet, des instruments tle vente ; la remise du récépissé
e.t un paiement en marchandise, nulle, par conséquent,
si \'endossement est fait depuis la eessation des paiements
ou dan les diY. jours qui précèdent.
En ce qui concerne le warrant, il fau t admettre une
rlistinction. Il ne sera pas un elTet de commerce, pour
l'application tle l'article 4l~G . lorsqu' il est fait par le propriétaire des marchandi~es. L'elTel de commerce. proprement dit. est assimilé à un paiement fait en deniers, parce
qn'1l porte obligations aux deniers et constitue le souscripteur débiteur d'une somme à l'échéance; il représente
les deniers. Le " arran t est un bulletin .de gage ; l'endossement du warranl. séparé du récépissé. vaut nantissement de la marchandise. Mais si, au contraire. le warrant
e.t négocié par un créancier qui l'avait lui-même reçu en
garantie d'une somme prêtée par loi , alors ce sera un véritaLle effet de commerce. Je prends un exemple : Primus
a emprunté de l'argent à Secundus sur nantissement de
marebandises déposées dans un magasin général, et lni a
remis le warrant qn i les représente. Secundus l'endosse
au profil de l'un de ses créa nciers, mais depuis la cessation de ses paiements ou dans les dix jours qui précèdent.
L'endossement cln warrant est dans ce cas assim il e au
..
-
11 5 -
..
paiement en deniers et en ellcls de comme1·ce ' el COllSI.dere
comme valable, parce qu'ici. l'endossement transmet non
.
le warrant an créancier de Secun dus. mais
seulement
.
1
anss1 la créance des deniers dont le warrant n'est
que
1
18"18
e
cl
loi
la
de
garantie. D'après l'article l 0
.., • es porteursa
de warrant et de récépissé ont sur les indemn ités d'assur.ances du es en cas de sinistres les mêmes droits et privileges que sur la marchandise assurée.
Si c'était la somme déposée, dans le cas de paiement
ou de vente ~'après les articles Gel 8' qui était soustraite,
ou ne pouv::ut plus être remboursée par le maoasio tombé
en f~illite, qui serait responsable? La loi ne le dit pas; les
n~ag 1 stra ts .auraient :donc à apprécier; cependant on peul
chre que s1 la consignation était nécessaire, parce que le
porteur dn warrant a refusé de recevoir le paiement an ticipé, les risqu es sont à sa charge. Lorsque c'est à son insu,
que Il consignation a été substituée à la marchanJise. les
risques sont à la charge de celui qui a déposé la somme.
Celui qui a perdu un récépissé ou un warrant peut
demander et obtenir. par ordonnance ùu juge. en justifiant de sa propriété et en donnant caution, un duplicata
s'il s'agit de récépissé, le paiement de la créance garantie,
s'il s'agit de warranl.
N0us indiquerons, en terminant, la fü position de l'article 15 de la loi de 18;)8 : • Les récépissés sont timbrés:
jls ne donnent lieu pou r l'enregi trement qu'à un droit
fix e de 1 franc. Sont applicable an:-: warrants, endossés
sépa1·ément des récépissés. les dispositions ùu titre l " de
la loi du 5 juin 185 0. et de l'article 69, paragraphe 2,
40ô de la loi clu 22 fri1nairc an Y lt •
�-
117 -
!Hi -
li résulte du deuxième paragraphe de cet artide que le
warrant n'est grevé ùes droits de Limbre et d'enregistrement qu'après sa séparation du 1·écépissé ; jusque-là . en
e!Tet. il ne joue aucun rôle el partage le sort de ce dernier qui est soumis : 1° au timbre de dimension : 2° au
droit fixe d'enregistrement de 1 franc.
Le warrant séparé est assujetti au droit de timbre proportionnel de cinq centimes par cent fran cs, el par fraction
de cent francs jusqu'à. cinq cents fran cs ; il est de cinquante centimes. de cinq cents francs à mille francs : de
un franc , de mille à. deux mille francs : de un franc cinquante centimes, de deux mille à trois mille francs, el
ainsi de suite. Ce droit, augmenté par des lois du 25 août
1871 et 19 février 187 k. a été ensuite ramené à son taux
primitif par la loi du 22 décembre 1878.
Le v1•arrant doit être, au moment des premiers endossements. soumis au visa pour timbre. La loi du 2 juillet
18G2. article 25, a autorisé pour les warran ts l'emploi de
timbres mobiles qne l'aclministralion de l'enregistrement
est autorisée a vendre ou à faire vendre.
La sanction de cette obligation se trouve dans la loi de
1858, article i 5, paragraphe 5: c L'endossement d'un
warrant, séparé du récépissé, non timbré ou non visé
pour timbre, conformément à la loi , ne peut être transcrit
ou rr.en tionné snr les registres du magasin, sous pein e
contre l'administration du magasin , d'une amende égale au
montant du droit auquel le warrant est soumis .•
Le warrant est en outre soomis à nn droit d' enregislrelllent de cinquante r,entimcs par cent francs, augmenté
d'un double décime cl demi par des lois de finances.
Ill . -
llO~'l'S - DE_ PIÉT.t
L'article 2084 du Code civil, quand il parle des maisons
d.e prêts sur gages autorisées dans les exceptions qu'il
signale, a en vue les Monts-de-Piété.
lis apparurent pour la première fois en llalie, au xv1•
siècle, sous la forme d'établissements charitables de prêts
gratuits. ~fal gré les tentati ves de Louis Xlll el de
Louis XIV, qui voulaient faire des banques de prêts a intérêts modérés sous formes de Monts-de-Piété, ces établissements n'eurent pas grand succès en France.
Necker rétablit les Monts-de-Piété dans le but d'assurer
des secou rs d'argent, peu onéreux aux emprunteurs. et
d'appliquer le bénéfi ce qui pourrait en résulter au soulagement des pauvres et à l'amélioration des maisons de charité. Les Monts-de-Piété furent fermés pendant la Révolution.
Réorganisés par la loi du 16 pluviôse, an x11, et les dé·
crets du 24 messidor. an xn, et du 8 thermidor an xm,
ils sont aujourd'hui soumis a la loi du 24 juillet 185 1
d'après laquelle, les Monts-de-Piété doivent être institués
comme établissement.s d'utilité publique, par décret, après
a~sentiment du conseil muuicipal de la localité.
Ils sont créés dans le but de prêter au public de l'argent
sur gages et moyennant la perception d'intérêt et de droits
déterminés. Tl:> ne peuvent prêter qu'à des personnes
connu es el domiciliées. ou assi técs Ll'un répondant connu
�-
11 8 -
et domicilié, qui signe J'acte de rlépûl si l'emprunteur ne
sait pas signer.
Le prèL est généralement fai t ponr un an, au taux fixé
p:i.r le décret d'autorisation.
On délivre à. \'emprunteur une reco1uiaissance de l'ob·
jet engagé auquel on donne le nom de nantissement. Cette
reconnaissance e$t la preu,·e du con trat intervenu entre
l'emprunteur el l'établissemen t. Elle porte l'évalu ation de
l'objet engagé; elle contient l'énonciation descripti ve de
l'objet engagé sans fa ire mention du nom de l'emprunteur
inscrit seu lement sur le registre du ~l o nt-de-Piété, afin de
s'assurer de la légitimité de la posse. .ion du gage.
L'emprunteur peul dégager les elîels déposés avant le
terme fixé pour la durée du prêt, ou renouvelcr à l'échéance,
sui\'ant les conditions fix ées p:i.r les . tatuts et dont la principale est le paiement de intérêts, ainsi que des droils dus
pour le prêt échu, ou enfin, requérir la vente du nantissement avant le terme fixé sur la reconnaissance. Le Montde-Piété de Paris a même créé la caisse des acomples C]1Ji
permet aux dépo.ants d'opérer le remboursement du prêt
par fraction.
Les reconnaissances du Mont-de-Piété ne sont pas Lram;mis iules par J'endos.cment. Tout porteur peul reli rer
l'obj et engagé, soit arnnt le Lerme. soit après son expiration, si la vente n'a pas encore eu lieu.
Lorsqne les elTets donnés e11 nanti sement n'ont pas
été dégagés à l'échéance. ils so nt \'endu s dans les formes
déterminées par les règlement s. Les ventes se font par les
soins du directeur général. d'él près un rôle des nanlissement:; non dégagés. Ce 1ôle sera préalablement rendu cxé-
-
119 -
cutoire par le président du tribunal civil, ou un juge. commis à. cet efîet. Des affiches annoncent ces \'entes dix
jours au moins à J'avance, et s'il y a lieu, on expose les
objets mis en vente.
L'excédant du prix de vente, intérêts et frais payés,
est rem is à l'emprunteur sur la représen tation de la reconnaissance du Mont-de-Piété; mais les créa nciers particuliers des porteurs peuvent former opposition ala délivrance de cet excédent dans les formes prescrites par lP,
rèalement. Les excédents non retirés dans les trois ans de
0
ne peuvent plus être réclamés.
l'en(faaement
d.
•
,., 0
Si, an lieu d'un excédent , il y.a un <léficit, eu egar a
la somme prêtée, le Mont-de-Piété n'a pas d'action contre
.
l'emprunteur.
Si l'objet est perdu ou avarié, le propriétaire est i~d~mnisé. en cas de perte tolale. il a droit à un quart. a titre
de d~mmages-intérèls, en sus du prix d'esti~ation ~xé .lor~
du dépôt. Dans le cas de vol, de pillage, d .'°c~nd1e. cause
par le feu du ciel. ou d'accidents extraor<l1na1res, il y a
exception a la garantie sti pulée en fav eur de l'emprunteur .
Ban ues sont les intermêdi a1res de la circulation
e d' Fran ce a le
. 1 B·
q
Les
,
.
monétaire ou CTnancii•re; rna1:; a ,1nqu u
ri'. "" ett1·e ùcs bil luts dits cfo ba nque , et vue et
. ·1·
•
pn v1ege \! u•
att porteur.
�-
120 -
Parmi les nombreuses opérations qu 'elle fait, fi gure le
prêt sur gage. qu'on appelle aussi avances .sur d11pôls.
La Banque peut d'abord prêter sur remise do lingots,
ou Je monnaies d'or el d'argent. Les avances peuvent étre
de la valeur intégrale du lingot, ou ùes monnaies , calculées d'après le tarif Je la monnaie; mais elles ne peuvent
pas dépasser la valeur de cenl mille francs. Le conseil <>oénéral fi xe tous les ans le délai dans lequel le remboursement doit être fait et le dépôt retiré. ainsi que le taux
de l'in1érêl des avances. Le récépissé constatant le dépôt,
contient : 1• le nom et la demeure du déposant ; 2° la date
du dépôt el de l'époque où il ùevra être retiré ; 5• le
montant de la somme prêtée; 4° la déchéance du droit
des déposants et la nullité du récépi:\Sé. à défaut de remboursement à. l'échéance. Celle derni ère énonciation ne
vent pas dire que la Banque pourra s'approprier à l'échéance,
le dépôt quels que soient sa valeur d le montant de
l'avance. Ce serait là une trop grave déroga ti on à l'article
207 8, prohibant le pacte commissoire. Mais les statu ts
veulent dire que le ù épo~ ant est déchu du droit de reti rer
le nantissement sur la simple reprrsen tation du récépissé ;
il devra faire une sommation à la Banqu e. soit pour obteni r la rcslitution rln dépôt moyennant le reml.1oursement
des a\•ances. augmentées des intérêts et des Jroits de gnrde.
soi t pour la mettre en demeure de fa ire Yendre ou estimer
le dépôt et de lui restituer l'excédent. Les récépissés des
dépôts sont Lransmissiules par ex tra its sur un registre. Ils
pen,·ent aussi étre à ordre et transmissibles par la voie
de l'endm:sement.
La Banque de Fra nce, d'après l'article 1li du décrol du
-
121 -
16 janvier 1808 peul encore faire des avances sur les
elTels publics français. lorsque leurs échéances sont déterminées ; et l'article 5 de la loi du 17 mai 1854 étend
celle faculté à tous les e!Tets publics français. sans que l<i
condition d'une échéance fixe soit obligatoire.
Le dépôt peut aussi consister en obligations de ~hemins
de fer. en obligations de la ville de Paris, el en obligations
du Crédit foncier de France.
Les conditions de forme prescrites par Je Code civil ne
sont pas exigées pour constater le dépôt ùe ces titres . Le
déposant souscrira envers la Banque \'engagement de rembourser, dans un délai qui ne pourra excéder trois mois.
les sommes qui lui auronl été fournies . Cet engagement
contiendra, en outre, de la part du déposant . l'obligation de
couvrir la Banque du montant da la baisse qui pourrait
survenir dans le cours des eliets par lui transférés quand
cette baisse atteint un pour cent. Cet engagement se fait
par acte sous seing privé eL n'a pas besoin d'être enregistré.
Faule par l'emprunteur de satisfaire à l'engagement
qu'il a souscrit en vertu des articles 5 el 4 de la loi du
15 juin 1854, la Banque aura le droit de faire vendre,
par le ministère d'!rn agent de change tout ou partie des
elTets, savoir: t 0 A défaut de couverture, trois jours
après une sim ple mise en demeure ex trajudiciaire; 2° à
défaut de remboursement dès le lcndc:main de \'échéance.
sans qu'il soit besoin de mise en demeure ni d'aucune
autre for malité.
La Ba nque se remhonrsera sur le proJuit net de la
rente du montant de ses arances, en capital, intérêt. et
�-
122 -
frais; le surplus. s'il y en a. sera remis à l'emprunteur .
Ces condition:' seront exprimées el consenties par l'emprunteur dans l'engagement prescrit par les articles 5 et 4 de
l'ordonnance.
Les prérogatives accordées à la Banque de France facilitent ses opérations et n'offrent au cun danger pour les
emprunteurs à raison des garanties qu'elle présEinte et de
la surveillance de l'Etat à laquelle elle est soumise. La
Conr de Cassation (arrêt du 17 mai f 847). a même
èlendu ces dispositions avantageuses aux banques privées.
par sui le de la difficulté qu'il y aurait pour elles à suivre
les formalités du Code civil. D'ailleurs, simples dépositaires,
elles ne pourraient faire usage des dépôts qui leur sont
confiés. sous peine d'escroquerie. C'est ce que décid e un
aulre arrêt de la Cour suprême, du t 8 juin 1855 .
V. -
('RÉDIT FO~C:IJm.
-
125 -
Voici les dérogations qne la loi clu 19 juin 18 57 apporte au droit commun en relie matière. Les articles 207 4
el 207 5 ne s'appliquent pas 3 U X créances sut· dépôls d'obligations fon cières . Le privilège de la société du Crédit foncier sur l'<>bligation donnée en nanti:-semenl résulte de
l'engagement souscrit par l'emprunteur dans la forme prescrite par les articl es 5 et 5 de l'ordonnance du 15 juin
1Si54, relative aux avances sur effets publics par la Banque
de France (art. 1 et 2. 1. 18!'> 7) . A défaut de remboursement , ajoute \'articl e 3 . dès le lendemain de l'échéance.
le Crédit foncier peut, sans qu 'il soi t besoin de mise en
demeure, faire procéder. par le min istère d' un agent de
change. à la vente des titres , conformément aux dispositions du même article 5 de l'ordonnance de 1854.
VI. -
c o111•TOIRS D 'F.SC'OJIPTE
E T 80US-C:OJIPTOIRS D E G .\R~ l\TIE
Le Crédit fo ncier placé également sous le con ~rôle de
l'Etat est une société anonyme fondée pour fa ire des aYances aux propriétaires d'immeubles et aux agriculteurs
des taux modérés .
C'est sur hypothèque qu e le Créd it fo ncier fait en général ses avaoces. Mais l'article 2 de ses statuts l'autorise
a prêter sur dépôts d'obligations fon cières et su r tous
antres titres admis par la B:rn ~u e de France comme garantie d'avance.
C'est un décret dn 8 mars 1s1~ s qui établit ces ociétés
an onymes de banq ue connues ous le nom de Comptoi ·s
cl'rsco mptc.
Les ~o u s - comploi rs de garantie sont établi, en Yertn du
ck cret des 21~-2 6 mars t 8/i-8. Ce .ont des anoexe dei
1
compLoi1·s d'escompte.
.
En ce qui co ncern e la mati ère que nous tra1ton:;, non
pouvons ùir1~ qu e ces établtssenwnts ont autorises à faire
�-
-
1'.24 -
des avances sur marchandises, litres el valeurs. S'ils ne
sont ~as pay~ à l'échéance, ils peuvent huit jours après
u~e simple mise en demeure faire procéder à la vente publique des marchandises ou valeurs qu'ils ont reçues en
garantie.
U !> -
POSITIONS
DROIT ROMAIN
I. -
L'interdit salvien avait précédé \'action servienne
et conserva son utilité après l'introduction de
celle-ci.
Il. ·· - Le créancier gagiste, qui use de son droit de ,·endre, faute de payement à l'échéance, agit. en vertu
d'un droit propre, et non comme mandataire.
·~ · \
Ill. - . L'orsque \'objet du gage est une chose apparten~t ~
à autrui, le propriétaire de celle r cbose a une
action hypothécaire utile, s'il devient \'héritier du
constituant.
DROIT CIVlL ET DROIT COMMERCIAL
1.
Quand on constitue en gage le droit à un bail il
n'est pas nécessaire de mettre le créancier gagiste
en possession des lieux loués ; il suffit que le constituan t lui remette le titre constatant le hail.
�-
-
121) -
La constitution en gage ùe titres au porteur est
soumise aux formalités de l'article 207 4, quand il
s'agit d'un gage civil.
Sous \'empire du Code civil. le droit de l'emphytéote
lll .
est un droit personnel mobi lie1· : il peut donc être
li.
donné en gage.
IV. - L'enregistrement ùe l'acte conslatanl le gage n'est
exigé par l'article 207 !1- que pour donner à cet acte
date certain e à l'égard des tiers; il peut donc y
être suppléé conformément à l'article 1328 du
Code civil.
V. - La significalion au débiteur de la créance donnée
en gage, exigée par l'article 207 5, peut être utilement faite dans la période de cessation des payements où dans les dix jours qui précèdent.
VI. - Le récépissé délivré par les magasins généraux
ne peut pas être considéré comme un elîet de commerce, au sens de l'article M1-6 du Code de commerce.
IL
i27 -
La prescription de l'action publique ne commence
à courir qu'à. l'e:\piration du jour où le délit a été
commis.
Vu par le Doyen de la Faculté,
Président de la Thèse,
Pour le Doyen absent,
G. BRY.
~~·---
DROIT ADMINISTRATIF
Les rivières ni navigables, ni flottables n'a ppartiennent à personne.
IL - Les atterrissements qui se form ent dans les cours
d'eau navigables appartiennen t à l'Etat.
1. -
DROIT CRIMlNEL
1. -
En cas d'accusation de bigamie, la Cour d'assises
n'est pas compétente pour statuer sur la nu ll ité tlu
premier mariage.
AIX. - Imprimerie J . N1cor, 16, ruo du Lounc.
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Du contrat de gage en droit romain et en droit français : thèse pour le doctorat
Subject
The topic of the resource
Droit civil
Droit commercial
Droit romain
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Magdī, Moḥammad
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-118
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J. Nicot (Aix)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1881
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/234730838
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-118_Magdi_Contrat-gage_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
127 p.
24 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/367
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Faculté de Droit d'Aix : 1881
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
Le gage, ou nantissement mobilier, est un contrat par lequel un débiteur remet un bien en garantie à son créancier pour sûreté de sa dette, et cela sans s'en séparer réellement
Contrats -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Gage (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Gage (droit) -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/514/RES-AIX-T-171_Passeroni_Pret-interet.pdf
47e971fe98c543ca97cd04df6ec3b2ea
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Du prêt à intérêt en droit romain et en droit français : histoire et droit : thèse pour le doctorat
Subject
The topic of the resource
Droit romain
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Passeroni, Émile. Auteur
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-171
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie spéciale du "Petit Niçois" (Nice)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1892
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/245405542
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-171_Passeroni_Pret-interet_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
301 p.
26 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/514
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse pour le doctorat : droit : Aix : 1892
Cette étude s’intéresse à la question du prêt à intérêt du point de vue juridique, histoirique et de l’économie politique. L’auteur définit le prêt à intérêt comme « la rémunération que le propriétaire d’un capital monnayé reçoit d’un tiers quand il cède à celui-ci la jouissance de ce capital », rémunération qu’il estime équitable, « car celui qui cède la jouissance de son argent rend un service dont il a le droit d’exiger une récompense », et prend le risque de ne pas être remboursé.
Résumé Luc Bouchinet
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
Céder la jouissance d'un capital à un tiers justifie une juste récompense : l'intérêt des prêts. Analyse du point de vue l’économie politique pour qui "La mission de l'homme est assurément de conquérir le monde par la science et par l'industrie"
Contrats -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Contrats (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Prêts -- Droit romain -- Thèses et écrits académiques
Prêts -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/457/RES-AIX-T-150_Salichon_Condition-resolutoire.pdf
dc42b5383ffdf5e9d0cc7fea48a0096a
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
De la condition résolutoire dans les actes entre-vifs en droit romain ; Du sort des actes faits par un propriétaire dont le titre est résoluble en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit civil
Droit romain
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Salichon, Ferdinand
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-150
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Remondet-Aubin (Aix)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1887
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/241837030
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-150_Salichon_Condition-resolutoire_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
202 p.
25 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/457
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Du sort des actes faits par un propriétaire dont le titre est résoluble en droit français (Publié avec)
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix-Marseille : 1887
Etude de la résolution juridique à travers deux époques différentes et deux domaines bien distincts. La première étude se porte sur la condition résolutoire dans les actes entre vifs en droit romain, c’est-à-dire l’étude de l’élément (condition) mettant fin (résolutoire) à un lien obligationnel entre deux personnes (actes entre vifs).
La deuxième étude s’attarde sur le cas où une personne est dépossédée d’une propriété à la suite d’un titre résolutoire.
Résumé, Jean-Michel Mangiavillano
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
Etude de la condition qui met fin à un lien obligationnel entre deux personnes en droit romain et conséquences rétroactives quand une personne est dépossédée d’une propriété à la suite d’un titre résolutoire en droit français
Contrats -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Contrats (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Obligations (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Obligations (droit) -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/491/RES-AIX-T-163_Simeka_Lesion-vente.pdf
295392767e86169d286ae185209f07cf
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
De la lésion dans la vente et dans le partage en droit romain, dans l'ancien droit et dans le droit actuel : thèse présentée et soutenue le 4 juin 1892
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Simeka, Wassif
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-163
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J. Nicot (Aix)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1892
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/245335455
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-163_Simeka_Lesion-vente_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
244 p.
25 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/491
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix-Marseille : 1892
Cette étude s’intéresse à la question de la lésion, qui désigne un dommage éprouvé par le fait d’autrui, pouvant résulter de faits multiples et variés. L’auteur étudie plus particulièrement la lésion dans les cas de la vente et du partage, selon une approche historique allant du droit romain au droit moderne
Résumé Luc Bouchinet
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Subject
The topic of the resource
Droit civil
Droit des successions
Droit romain
Description
An account of the resource
Question de la lésion, dommage causé par autrui pour de multiples raisons et ses conséquences dans les cas de ventes et de partages ordinaires ou entre ascendants
Contrats -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Contrats (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Partage (droit) -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Vente -- Droit -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Vente -- Droit romain -- Thèses et écrits académiques