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https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/525/RES-AIX-T-182_Court_Condition-dot.pdf
14ce8f5552a2d8c27733088d9c1338f9
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
De la condition de la dot mobilière sous le régime dotal
Subject
The topic of the resource
Droit des successions
Successions et héritages
Droit romain
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Court, Louis. Auteur
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-182
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Librairie de la Société du recueil général des lois et des arrêts, ancienne Maison L. Larose & Forcel (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1896
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/247937371
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-182_Court_Condition-dot_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
247 p
25 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/525
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse : Droit : Aix : 1896
Le mot dos désigne aussi bien ce que la femme apporte au mari pour contribuer aux charges du mariage que la somme des biens que la femme recouvre à la dissolution du mariage. Le régime dotal n’a pu exister à Rome tant que celui de la manus y était seul en vigueur, car le régime dotal est caractérisé par la séparation des patrimoines et l’absence de toute société entre les époux. La question de l’inaliénabilité de la dot mobilière est l’une des plus délicates du Code civil.
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
La dot désigne tout ce que la femme apporte pour contribuer aux charges du mariage et tout ce qu'elle recouvre lors de sa dissolution. Le régime dotal, marqué par la séparation des patrimoines pose toute la question de l’inaliénabilité de la dot mobilière.
Dot -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Famille -- Droit -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/471/BU-Rennes1-62085_Pieyre_Senatusconsulte.pdf
3de47bbaa5cc2c4bccdcb80b063bbcc7
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Du sénatusconsulte velléien en droit romain. De la constitution de dot sous le régime dotal, de sa nature et de ses effets quant à l'inaliénabilité et à l'imprescriptibilité des biens dotaux en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pieyre, Jean-Edmond-Alfred
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque de Droit-Économie-Gestion (SCD - Université de Rennes 1), cote 62085
Publisher
An entity responsible for making the resource available
F. Pichon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1877
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/242911684
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/BU-Rennes1-62085_Pieyre_Senatusconsulte_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
263 p.
25 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/471
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque de Droit-Économie-Gestion de Rennes 1
Subject
The topic of the resource
Droit des successions
Successions et héritages
Description
An account of the resource
Sous le régime dotal, la dot est assujettie à des règles bien particulières, notamment celle de l'inaliénabilité de la partie mobilière apportée par l'épouse lors du mariage
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
De la constitution de dot sous le régime dotal, de sa nature et de ses effets quant à l'inaliénabilité et à l'imprescriptibilité des biens dotaux en droit françai (Publié avec)
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1877
Dot -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Famille -- Droit -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Sénatus-consultes (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
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https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/372/RES-AIX-T-126_Borel_Constitution-dot.pdf
9315d4451ee026fb244232ed84411488
PDF Text
Text
UNIVERSITÉ DE FRANCE. -
FACULTÉ DE DROIT D'AIX
THÈSE
POUR
LE DOCTORAT
PRrSENTrE ET SOUTENUE
PAR
LAZARE
BOREL
Avocat
•
·.
MARSEILLE
TYPOGRAPHIE
ET LITHOGRAPHIE JOSEPH CHAUFFARD
'lO, rue des Feuillan ts, 20.
18~ 3
11ruîïi1Wi1iiiill
100215458
�DROIT ROMAIN
•
l
\
�DROIT ROMAIN
DE LA CONSTITUTION DE DOT
CHAPITRE PREMIER
Généralités
On peut définir la constitution de dot une donation faite dotis
cau3a à la personne qui doit supporter les charges du mariage ( l) .
De cette d{>flnition on doit tirer les conséquences qui suivent :
A. - De même qu'il n'y a pas en droit Romain de contrat de
donation , il n'y a pas de contrat de constitution de dot. - La
constitution de dot se réalise par la création ou l'extinction d' un
droit réel ou de créance, d'une manière plus générale par tous
( 1) La constitution de dot est certai nement une donation. Mais est- ce une
donat ion pure? n'a- l-elle pas, à certains points de vue, un caractj1 re onéreux? G'r.st u1ie question que nous examinons longuement plus loin. Nou$
venons que ce caractère onéreux. qni existe réellement, ne sulllt pas pour
faire dispai·aHre l'idée cte donation. Cc sont les conséquences de cette idée
que nous recherchons ici.
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-5-
moyens de droit permettant.d'enrichir a u détriment du constituant
celui qui doit wpporter les charges du mariage.
B. -
La Constitution de <lot suppose l'intervention de deux
perionnes (donateur et donataire).
restituée. Dans cc dernier cas, le père était tenu de constituer à sa
fille une nouvelle dot si elle contractait un second mariage, et il ne
pouvait pas en diminuer le montant, à moins que sa fortune n'eût
subi quelque atteinte dans l'intervalle (L. un. § 15 C. de rei u.xoriœ
actione) .
a. -
DU CONSTITUANT
(DONATEUR).
Qui peut ou doit constituer la dot ?-Nous constaterons dans la
suite qu' un des modes de constitution, la dotis diclio, ne peut être
employée que par certaines personnes limitativement énumérées.
Il n"en est pas moins vrai qu'en principe tout le monde peut constituer une dot : Dotem da1'e, p1·omillo-e omnes poss11nt, ùit U lpien
(vi, 2 conf. 1. 41 D. d. j. d.) . La loi romaine est mème allée sur ce
point plus loin que notre loi moderne; tandis que de nos jours on
discute pour sayoir si le père est naturellement tenu de doter sa
fille, il y avait à Rome une catégorie de personnes, q ui étaient civi·
leroent obligées de doter. C'étaient :
1° Le Père. - L'origine 'première de cette obligation se trouve
certainement dans les lois caducaircs. Puisqu'on frappait de peines
les célibataires, il fallait empêcher que celui ou celle qui voulait se
marier püt se heurter à un obstacle insurmontable. Aussi la loi J ulia vint au secours du fils ou de la fille de famille, lorsque le père
r efusait systématiquement de consentir au mariage. Plus tard on
s'aperçut que le refus obstiné du père de dotel' sa fille équiva lait au
refus de consentir au mariage, et les empereurs Sévère et Antonin
donnèrent à la fille de famille à J' eITei <le se faire constituer une dot
par son père une action dont le p1·éteur connaissait extra ordinem.
(L . 19 D. De rilu nuptiarum). Il est prouable que cette obligation
subsistait lors que le père n'avait pas la fille sous sa. puissance, lorsqu' elle possédait des biens propres (L. 5 c. v., 11 - L . 5 § 11 D . d.
j. d.), après la dissolution du mariage, lorsque la dot lui avait été
2° La mère en principe n'était pas forcée de doter sa fille, et son
mari ne pouvait pas l'y contraindre (L. 14 C. d j . d.) . Pourtant la
mère hérétique est tenue à titre de peine de doter sa fille orthodoxe
(L. 19 § J C., I , 5).
3• On a soutenu que le frère était tenu de doter sa sœur consanguine, quand elle était dans lïmpossibilité de se marier sans ce
secours. On fait valoir en cc sens un texte de Paul (L. 12 § 3 D. de
administ. et peric. tut or.) et des vers de Plaute ( Tr inumm us, act.
III, se. II). Mais ces passages s'expliquent suffisamment par cette
idée que c'était un simple devoir imposé par les rnœurs.
4° Enfin on est allé jusq u'à admettre que la femme devait s~
doter elle- même, et on a invoqué les lois 52 D. de administ. et pe1·ic
tutor. , 1. 9 C. cle ad min. t nt.or. vel curai ., 1. n § 2 D. de condict
indeb. Mais les deux premiers textes montrent seulement qu'elle
pouvait forcer son curateur à lui constituer une dot; quant au dernier qui refuse la concliclio indebili à la femme lorsqu'elle a payé la
dot, se croyant faussement obligée, les motifs qu'il nous donne
excluent l'idée d'une obligation civile: « Quia subl-0.ta falsa opinione,
relin7iâtur pietatis causa, ex qua solutio 1'epeti non polest. »
Ca pacité exigée . - Il est impossible d'indiquer dans une formule générale la capa.cit6 nécessa ire pour constituer une <lot. La
constitution de dot emprnntant pour sa réalisation la forme cl' un
acte juridique quelconque (dat ion, stipulation, acceptilation), ia
capacité exigée sera la capa cité néressaire pour faire cet acte.
ous
�-6 deYons nous étendre plus longuement
constituée par la femme elle- même.
-7 ur le cas où la dot serait
que la fille de famille était à l'époque classique incapable de s' obliger ; mais il est probable que cette incapacité disparut du jour où
cessa la tutelle des femmes pubères.
1° La Femme est mi juri.s. -
A l'époque classique la femme
pubère est soumise à la tutelle légitime, et les principes exigent
l'auctorita.s tutot·is pour se doter (Gaius I , 178 - Ulpien XI , 20).
a,. -
Mais il pouvait arriver que le tuteur légitime qui devait l'habiliter
fùt absent ou empêché. S'il s'agi sait d'une tutelle autre que la
tutelle légitime du patron ôu du père émancipateur, de bonne heure
un sénatusconsulte avait permis à la femme de demander le remplacement de son tuteur absent (Gaius I , 173). Quant à la tutelle du
patron et à celle du père émancipateur, elles furent plus longtemps
sérieuses : aussi le sénatusconsu lte ne s'appliquait pas à cette hypothèse. 11Iais la loi J uüa de mari tandis ordinibtt.s permit à la femme
de demandF-r au préteur urbain un t uteur dotis constituendie gratia,
lorsque ~on tuteur légitime était absent, impubère, fou ou muet
(Gai us I, t 76-181 - Ulpien XI. 20-22).
Ces tuteurs devaient pour la fi xation du montant de la dot tenir
compte de la fortune et de la digoité de la femme et du mari. Dans
le cas où par dol ils auraient laissé promettre une dot excessive, on
devrait la réd uire (L. 60 , 61 D. d.j. cl.).
A l'époque de Justinien, la tutelle des femmes pubères a cessé
depuis longtemps. On doit distinguer suivant que la femme est
majeure de 25 ans, et elle pourra seule se constituer une dot, ou
mineure de 25 ans, et elle aura besoin du con.sen.sus cura loris (L. 26
c. d. J. d. ).
2° La Femme e.>t alieni juris. - Elle ne peut alors se constitu er
une dot, ni par dation , car elle n'est pas propriétaire, ni par
dictio dotis ( Vatic. fragm. 99). Mais pounait-elle le faire à l'aide
d'une stipulation? Malgré la controverse élevée à ce s ujet, j e crois
AU PROFIT DE QUI LA DOT EST CONSTITUÉE.
La dot doit évidemment être constituée au profit de celui qui
supporte les charges du mariage. << Ibi dos esse debet ubi onci·a
matrimonii sunt. >i (L . 56 D. d. j. d.). Elle sera donc constituée.
1° Si le mari est alieni juris au profit du paterfamilias (L. 57 D.
d. j. d.). Mai~ si le père meurt ou si le mari est émancipé, le mari
prélèvera ou emportera la dot de sa femme.
2° Si le mari est sui juris, au profit du mari.
La dot ne pourrait pas être constituée au profit d' une autre personne . .Mais il faut remarquer que malgré cette règle :
1° L'acte juridique employé pour constituer la dot peut être fait
avec d'autres personnes que le mari ou son père. Il pourra être fait
avec les personnes qui se trouvent sous sa puissance, et par l'intermédiaire desquelles il peut acquérir (L . 8destipul. serv.).
2° Il n'est même pas nécessaire que le constituant transfère la
p1·opriété de la chose donnée en dot au père ou au mari, ou qu'il
devienne leur débiteur. li faut et il suffit que le bénéfice de l'acte se
réalise en la personne de celui qui supporte les charges du mariage.
Ainsi la dot pourrait être valablement donnée ou promise à un tiers
s ur l'ordre du mari (L. 19 D. d. j. d. ). C'est ce gue dit Marcellus
dans la loi 59 pr. D. d. j. d. : << Nec mirum qmim etiam promissura
viro dotem possil delegante eo alte•·i promittere, etsi dici so/et alii
'}tw.m marito dotis nomine mulierem non possc obligari. »
�- 8
3• .\. plus forte raison la dot pourrait-elle être promise en c~s
termes : l( Dccem marito aut Tit io doti crunt. » Titius sera considéré comme un adjectus solulionis gra tia (L . o9 JJ1'.) .
c.- Tout ce qui est susceptible de faire partie de notre patrim oine peut faire l'objet d'une constitution de dot comme d'u~e
donation. La dot peut donc comprendre des choses corporelles (droits
de propriété) ou des choses incorporelles (obligation~, ju~·a in r·e).De
même qu'on peut donner au mari des créances déjà existantes, on
peut le libér er d'une dette qui lui incombe. De même q~'on pe~t
lui donner des jura in re, on peut le libérer des charges qui r estreignent son droit de propriété; des droits de superficie, d'emphythéose, de ser\'itude, d'usufruit, de gage, d'hypothèque, seront
donc des objets régu liers de constitution de dot.
Il y a des cas où des doutes pourraient s'élever sur la validité
d'une constitution de dot à r aison de son objet . Une femme peutelle se constituer en dot :
-9textes des auteurs classiques qu e Cujas invoquait dans son opinion,
ils n'ont pas la portée qu'il leur attribuait (1).
Enfin il y a des cas où le doute peut s'élever sur la question de
savoir qu e l est l'objet de la constitu tion de dot :
I. Soit une dot constitu ée sans que l'obj et en soit déterminé. Quel
sera l'o bjet de la do t ? Si la <loi est constituée par datio, son objet
set·a toujours dé terminé. I l fa ut donc s upposer qu'elle a été constituée par un mode créat if d'obligations (dolis diclio, slipulatio). Soit
par exemple une personne qui a promis au muri une dot sans en
fixer le montant. Une question préalable se posait. Cette tipulation
n'est- elle pas nulle? Les principes générau:\ des obligations ne
laissent aucun doute sur ce point : pour qu'une ol>ligation soit valable, il fau t que la chose promise soit déterminée dans sa quantité et
dans son genre (L. 11 5 vr. D . de verb. oblig.). J\lais la fa,eur due à
la dot permit aux j uriconsulles de porter à cette règle une dcuble
atteinte spécia le à notre matière :
t• Les fruits que produit un fonds ? P eut-on convenir que les
1° Supposons la dot constituée par un autre que le père de la
fruits d' un fo nds dont la femme confère au mari soit la pro priété
soit l'usufruit seront dotaux? On en a douté, il semblait que la dot
disparaissait presque entièr ement. Néanmois Ulpien (L . 4 D. de
pact. dot.) yalide cette convention : la dot ne sera pas stérile, dit-i l,
car il est possible que le revenu des fruits ca pitalisés soit supérieur
au r evenu de la dot que le mari avait lieu d'attendre.
femme. En principe , elle devra être déterminée. Si elle ne l'était pas
le mari n'aurait pas action contre le promettant : « Frustra existi-
2• Tout ce qu'elle possède (Constitution universelle de dot)? Ce
qui permet le do ute, c'est que d'après Cujas la loi P apia aurait fixé
pour la dot un maximum de un mill ion de sesterces. Il faudrait
donc défendre à la femme dont le patrimoine excédemit cette
somme de se constituer tous ses biens en dot. Mais l'opinion de
Cu jas doil être condamnée sans hés1talion. Le§ l 15 <les frag ments
du \'atican et un r escl'it d'Alexand re Sévèr~ (L. 4 C. d. j. d .) valident sans restriction la constitution univeL"sellc de dot. Quant a ux
mas actionern tibi competere, quasi promissa dos Libi, nec pr<estita sit,
( 1) C'est ici la place de dire quelques mots sur les effets de la constitution
universelle de dot. Le mari n'est pas un successeur universel comme 1 héritier
mais un successeur à titre particulier (L. ï2 D. d. j. d.). De là les conséquences suivantes:
l • li deviendra propriétaire des choses corporelles par les modes ordinaires
de translation rie propriété.
'l• 11 ne pourra actionner les débiteurs de la femme que s i une no,·ation a
été faite, ou si elle lui a cédé ses actions .
3• Si une novaliou a éu" faite, les créanciers pourront le poursnine. Dans
le cas contraire, ils n'aurnnt action lJUe contre la femme (L. ?'! D. cl. j. ri.)·
Mais la femme pou rra, si elle n'a pas encorr liné ses biens, retenir de quoi
payer ses delles. Si e ll ~ les a liHés elle intentera contre le mari la co,,dir·tio
indebiti ou la condictio sirt e c·au ~a. suivant que la dot a et~ constiluêe p:u·
promissio, dictio ou da tio. Dans le cas oil 011 lui refuserait ces actions, il
faurlrait au moins lui accorder nne action de dol, ou plutôt in factum.
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quum neque species 111/a neqll" quanlilas p1·0111issa sil, sed haclenus
nupliali i1~11·11men10 adscriptiim : Quod ea qu<.e nubebat dolcm dare
prom iserü. » (L . 1 C. de dot. promiss. ). Mais la promesse serait
valable si le constituant avait ajouté que la fixation aurait lieu boni
viri arbitratu. On alla plus loin encore et on permit de promettl'e
une dot dont le montant serait déterminé promitlentis arbitratu
(L. 3 C. de dol. promiss.). On considérait en effet, conformément à
la doctrine re<:ue dans les actions de bonne foi (L. 22 § l D. de reg.
jttris), ces deux formules comme équivalentes : « Videlur enim boni
viri arbilrium stipulationi insertum esse. » (L. 3 C. de dot. pro miss.).
II. - Soit üne femme se constituant en dot un fonds indivis (L.
78 § 4 D. d. J". d.). L'autre copropriétaire intente l'action communi
dividundo.
2° La promesse de dot faite par le père de la femme sera valable,
alors rnéme que son objet étant entièrement indéterminé les parties
ne se seraient pas référées à l' arbitrium, boni viri ou à 1' arbitriuui
promittentis. est que, le père étan"t obligé de doter sa fille, l' étendue de son obligation légale donne la mesure naturelle de l'étendue
de sa promesse. Le juge fixe ra donc le montant de la dot d'a près
les mêmes considérati ons q ui servent au magistrat, lorsq u' un père
se refuse à doter sa fille, c'est-à-dire « pro modo (acultatttm pr.llris
et dignilate mariti » (L. 69 § 4 D. d. j. d.). « E.r; diynilate, e.r; (acul-
c·
Ullibas, ex numero liberorum » (L . 43 D. de leg. III). (Gein(. L. 15 D.
de duobus reis).
Dans les cas qui précèdent, le mari pourra à l'aide des actions
qui lui a ppartiennent, arriver à l' érnluation judiciaire de la dot.
.Mais quelles actions aura-t-il à cet effet? Il aura :
1° L'action née de l'acte constitutif (Condictio, aclio ex stipulatu,
condiclio ex lege, suivant que la dot a été constituée par diction,
promesse ou pacte).
1° P eut- être le prmjudicium quanta dos sit (Gaius 1 V, 44 ).
1° Si le juge partage le fonds en deux parties égales et en adjuge
une à chacun des copropriétaires, la partie attribuée au mari ser a
dotale.
2° Si le fonds entier est adjugé à l'autre copropriétaire ou vend u
à un tiers, la somme à la quelle l'adjudicataire sera condamné, ou la
portion du prix qui r eviendra au mari sera dota le.
3° Si le fonds entier est adjugé au mari, q1fid juris? c· est l' hypothèse prévue dans notre code par l' A. 1408 2° ; de là l'intérêt qui
s'attache à la décision du j urisconsulte romain. La partie du fonds
qui a ppartenait orig inairement à la femme sera dotale : quant à
l'autre portion , elle ne sera pas dotale, mai. le mari n'en sera pas
moins tenu de la restituer à la femme : c'est quï l est tenu de restituer non seulement les choses do tales, mais encore ce qui lui est
parvenu à l' occasion de ces choses, sauf les fru its. En retour la
femme lui rem boursera la somme par lui payée au copropriétaire.
Notons, car c'est là un des traits qui distinguent Jes deux légi lations , que la disposition de notre loi est impérative : elle s'impose
au mari comme à la femme, et ils ne pourraient s'y soustraire que
d'un commun accord. Il fau t donc y voir non une faveur faite à la
femme, mais une solution logique découlant r égulièrement des principes.
III. - L orsque une femme se constitue en dot une créance Il sera
souvent difficile de déterminer exactement l'objet de la constitution.
1° Elle se constitue en dot Ja dette d' un tiers avec les intérêts à
échoir. La dot com prendra le capital et les intérêts antérieurs au
mariage. Comprend ra-t-elle également les intérêts postérieurs qui
auront couru jusqu' au paiement du capital? Oui, dit la loi 69 s 1 D.
d. j. d. Cette décision a paru irrationnelle à Cujas : il y voyait la
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Yiolation du prmc1pe que la dot sert à supporter les ch a rges du
mariage. E lle ~st cependant la con·équence logique de la loi 1 de
part. dot . citée plu · ha ut, qu i permet de constirucr en dot les fruits
d'u n fonds .
2° Elle se constit ue en dot la dette de son mar i ou futur mari.
Quel est l'objet de la dot, est-cc la dette ou l'obj e t de cette de t te ?
Voici lïntérèt de cet te ques tion. Supposons le mari débiteur d'une
escla,·e qui donne naissance à un enfant. Le mari doit-il restit uer le
part? Ou i si la femme s'est constitué en dot l'esclave; non, si elle
s'e,t constit ué sa créance (L. 58 ~ 1 D . d. j. d.). De plus si la c hose
due est immobilière, elle sera inaliénable ou a liénable entre les
ma ins du mari suivant la manière dont on cm·isagcra la constitution
de dot.
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en dot la dette d' un fils de famille qui ne fù t ni son fiancé, ni le fils
de son fiancé, on se placerait pour estim er le pécule touj ours au
moment de la promesse , jamais a u moment du ma riage (L. 45 § 1
D . d. j . d.). Il est difficile de donner une bonne raison de cette différ ence.
IV. - Une femme se constitue en dot une chose estimée. Quel
es t l' obj e t de la constitution ? E st-ce la ch o. e estim ée, ou Je monta nt de l'estimation ? La qu esti on se r amène à celle- ci : l'estimation
vaut- eUe ou non vente ? En droit r omain elle v aut toujours vente.
(L. 3 D . d. Local. cond. - L . 10 , 16, 17, 34 D. d. j. d.) De là cette
conséq u ence gue la chose estimée n'est pas dotale : le montant de
l'estimation, l'argent seul est fra ppé de dotalité. Donc :
1° L'objet de la dot éta nt une chose in genere, les risqu es sont à
Le textes font des distinctions. ' i la dette est une dette de genre,
la femme est censée arnir été payée de sa c1·éance et avo ir ens uite
la charge du ma ri. (L. 10 pr. L. 42 d. j . d.)
donné en dot ce qu'elle a re1:u. Donc les choses d ucs sont dotales
(L. ï7 D. d. j. d. ). Dans le cas contraire la créance clle-mème ou
nable.
2° Si la chose estimée est un immeuble, elle ne sera pas inalié-
son obj et sera dotal suirnot que le rna1·i n'aura pas ou a ura entre
les mains la chose d ue (L. 58 ~ 1 D. d. j. d. ).
3° E lle se constitue en doi la. dette de son futm· mari qui est fils
de fa mille iL . 57 D. d. j. d.) ou la dette du fils de son fu tur ma r i
(L. 44 ~ l D. eodem). Qu'a-t-elle entendu se constituer , est-ce ce
que le fils lui doit, ou bien ce q u'elle peut obtenir du pè re par les
al'l ions de pewlio et de in rem verso? L a loi 57 nous dit g ue dans le
D. - En par tant de ce principe que la constitution de do
est une donation, les Romains devaient-ils permettre de
constitu er une do t soit avant soit après le ma riage?
doute on présumera q ue la femme a eu en vue l'obligation du fils .
.\fais dans le cas où en présence d" une déclara tion expresse on doit
prendre le second parti, à quel moment se placera- t-on po ur appré-
On sem ble conduit logiquement à fai re une distinction . la constitv ion :ie doi fai te pa r un autl'e q ue la femme pouvait précéder
ou sui vre le mariage, faite par la femme elle po uvait le précéder et
cier la consistance d u péc ule? D"aprè.;; la loi 45 D . cl. j . d . on se
place au moment du mariage, d'ap1·es la loi 57 au momen t de la
non le s uivre. Néanmoins les Romains permirent à tout le monde
de la faire en toui te mps. « Do:; aut antecedit aut sequitur matri-
promesse . .\lais la loi 4 ~ § 1 concilie logiquement ces deuh textes :
le pre mier su ppose la <'onstitu tion antérieure, le second la su ppose
postérieure au ma riage. 8 i <W <'On tra irc une femme se constituait
m onium »dit Paul (Sententi<e II, 21). Et on ne peut pas les accuser
d' a voir ou blié la prohibition des donations entre époux , car :
1° L es dona tions de frqits ne furent j amais prohibées,
�-
14 -
-
2• La constitution de dot est, nous le verrons, un acte à titre
onéreux par rapport au mari. (1)
1 _ Constitution de dot antérieure au mariage. -
comme des rapports semblables à la puissance paternelle et à la
tutelle romaine.
3° Que le mariage soit un mariage valable. (L. 3. D. d. j. d.) La
loi 39 § 1 contient une application de ce principe; elle suppose Je
mariage conclu par un impuissant et décide « ut in castrato dicas
dotem non esse; in eo qui castratus non est q·uia est matrimonium
,
'
el dos et dotis exactio est. »
« Ante
tiuptias dater earwn e:i;pectal ~dventum, » dit Paul. En effet, c'est
en vue du mariage que l'on constitue une dot ; dans la pensée du
constituant son acte, sa donation est toujours ex pressément ou
·
t aua·ectée de la condition ·· « Si 1wptiœ sequantur. i> Nous
tac1temen
..
ne pouvons pas e·tudier encore les· conséquences de cette cond1t100,
mais nous allons rechercher dan
l5 -
P eu importe d'aillcms que le mariage ait commencé par être nul
s'il est devenu postérieurement valable. La condition sera donc
remplie. (L. 68 § 2 D. d. j . d. ) :
quels cas on doit la considérer
comme remplie ou défaillie.
.
.
Pour que la condition soit remplie, il faut 1° Que le :°1aria~e s01.t
célébré. Il ne suffit pas qu'un mariage quelconque s01t célebré : il
doit. être célébré avec la personne que le constituant a eue en vue.
Mais une dot pourrait aussi m'être promise pour le cas ou je me
marierai, quelle que soit la femme que je puisse choisir. Les juri~
consultes, après quelques hésitations, ont fini par admettre la vali dité de cette condition. (L. 108 D. de verb. oblig.)
Si le mariage ayant été contracté à l'insu du père de l'un des
époux, celui-ci ayant eu connaissance du mariage, donne plus tard
son consentement.
Si une femme, âgée de moins de douze ans, a été prise comme
épouse, lorsqu'elle aura atteint l'âge de la puberté. (L. 8 D. de
cond. causa data) .
Mai", si la. condition venait à défaillir, elle ne pourrait plus utilement se réaliser dans l'avenir « Conditio semel defecta non resum il:ur. » C'est ce qu'expriment les lois 21, 22 D. d. j . d. « Quara si
nuntius remittatur, de(ecisse conditio stipulationis videlur, et, lice/
postea eidem nupserit, non convalescit stipulatio. »
Or, la condition est considérée comme défaillie :
.2° Que le mariage soit un mariage civil. La dot, en effet, est une
institution propre au droit des Quirites. Cependant on a invo.qué
un passage de Cicéron pour soutenir qu'il y avait des relations
dotales proprù1 sensu dans le mal'iage qu'une Romaine avait conclu
ctun eo quicum connubium non esset. Mais ce passage dit plutôt le
contraire car il refuse la r etentio propler liberos. Il est d'ailleurs
'
.
probable que, chez les Latins et chez d'autres peuples faisant partie
de l'empire romain , il y avait des institutions analogues à la dot,
1° Lorsque le mariage devient impossible, soit par le décès de
l'un des fiancés, soit par l'effet d'une prohibition légale, alors même
que cette prohibition serait susceptible de disparaitre. (L. 9. pr.
D. d. j. d.) Ex. : L orsque le fiancé, élevé à la dignité de sénateut·,
ne peut plus épouser la fiancée qui est une affranchie, ou lorsque
nommé président d'une province, il ne peut plus épouser sa fiancée
qui est de cette province.
(I) On a sout~ ou pourtanl, ce qui n'infirmerait pas le p~incipe posé, que
la dotis dictio doit toujours précéder le mariage. (Arg Olpien ~ r, '2.. Vatte.
fragm . l 10. Lois 2.5. 45 pr., 46 ~ 1, 'a7, 77, 83 U. d. j . d. - L. l'.1:> D. 50, l ~)
Mais ces textes, quoique conlornies Il cette opinion, no semblent pas exclus_ils
de l'opinion contraire. D'ailleurs cette conjecture est lormel ~em eo~ contredite
par la ph1-ase visigothe de l'Epitome de Gaius : .Si miûier, sive sponso
ua:or {ucura, sive jam marito dotem di<x;it. J (Il, 9, 3).
2° Lorsqu'il y a renonciation volontaire au mariage projeté.
Notons sur ce point une distinction :
1
�-
l6 -
"il n'y a pas eu de fiançailles, le refus de l'un des époux ou
même le changement de volonté de tous les deux ne suffit pas
pour faire défaillir la condition. Pour que la condition ne puisse
plus se réafü;er efficacement, il faut que l'un des futurs conjoints
ait épousé une autre personne. (L. 58 D . d. j. d.)
Si, au contraire, il y a eu des fiançailles, la condition est défaillie,
dès qne les fianç-ailles ont été rompues par une renonciation
expresse,riwitio remisso. (L. 9. 21, 22 D eodem).
li. - Constitution de dot postérieure au mariage. - La
conséquence du principe posé plus ha ut est que la dot peut
être augmentée après coup. Au contraire, elle ne peut pas ètre
diminuée ( auf le cas où des impenses nécessaires sont faites, ipso
jure dolem mimwnt), car ce serait une restitution partielle, et la
restitution de la dot suppose en prim:ipe le mariage dissous. (L. un.
C. V, 19) (1).
Si la dot ne peut pas être diminuée après coup , elle peut être
modifiée dans sou objet. (permutatio dotis). Encore faut-il : 1° Le
concours de volonté des époux. (L. 21 D. d. vact. dot., l. 32 d. j .
d.) 2° que la femme y trouve un avantage. (L. 26 D. d. j. d.) Enfin
la permutatio clotis peut quelquefois s'e[ectuer indépendamment de
la volonté des époux par le cours régulier des événements :
l 0 Quand l'objet constitué en dot périt sans la faute du mari par
suite de faits délictueux commis par un tiers ; les actions en t'éparation du préjudice causé sont dotales. (L. 18 § 1 D. solut. ma_
trim..) ; 2° Lorsque la dot comprend des créances et que le débiteur paie au mari.
(1) Cependant la faculté de diminuer la dot constante matrimonio lut
admise par le Bas-Empire et maintenue pal' Justinien. (L. 19 c. V, 3. Nov. 22, cap. 31).
-11 -
CHAPITRE II
Formes et Effets de la Constitution de dot
<: Dos aut dat~r au~ dicitur aul promitlitur » dit Ulpien (VI, 1).
~ 1 ~poque classique ily avait donc trois modes principaux de const1tut'.on de dot : la dation, la diction et la promesse, que nous allons
étudier successivement.
SEC::"I'ION'
I
De la Dation
La dot se constitue par dation lot·sque le mari acquiert soit d'un
tiers soit de la femme la propriété d' une chose mobilière ou immobilière.
La dation s'opère par les modes usuels de translation de la propriété : par la mancipation p0ur les choses mancipi, par la tradition
pour les choses nec m ancipi, par l' in jure cessio pour ces deux
classes de choses à !'exception des fonds provinciaux qui n' admeltent que la tradition.
Pour étudier les effets de la dation, nous distinguerons suivant
que la dation est postérieure ou antérieure au mariage.
2
�-
18 -
A. - Dation postérieure au mariage.
La dation peut produire un double effet :
a. '
Au point de vue du transport de la. propriètè.
La dot se constituant par dation, il est naturel que le mari
devienne propriétaire des choses dotales. N'est-ce pas 1' effet de
toute dation régulièrement faite? Supposons une donation effectuée
à l'aide d'une dation, on n'a jamais douté que le donataire devienne
propriétaire des choses données ; or une constitution de dot n'est
autre chose qu'une donation faite doti.s causa, dès lors il semble
impossible non seulement d'admettre, mais même de supposer que
les effets produits dans ces deux cas ne soient pas absolument identiques.
Néanmoins, ce principe que le mari est propriétaire des choses
dotales a soulevé chez les interprètes des contro verses sans tin qui
sont loin d'être éteintes aujourd'hui, et qu'il nous sera impossible
d'exposer dans toute leur ampleur. On ne peut se figurer quelle
diversité d'opinions on rencontre chez nos anciens auteurs: aussi
voit-on Fontanella avant d'aborder lexamen de cette question
exprimer la crainte de se perdre au milieu de cet océan de controverses: t: Quis in tanto pelago non submergetur », s'écrie-t-il? (De
Pactis nuptialibus claus. 6 glos. 1 pars 2, n• 30, p. 256). D'après les
uns, la femme est seule propriétaire, et, si l'on trou ve des textes
qui donnent cependant cette qualification au mari, c'est qu'ils font
allusion à son droit d'administration si étendu qu'il ressemble à un
droit de propriété ( Fontanella, Noodt , P erezius, Doneau,
Comment. de jure civili l. 14, cap . 4, n • 8 à 11 , Domat, Lois
civiles, titre de la dot, sect. I , n• 4) . Pour d'autres, le mari est propriétaire sous condition résolutoire (Vionius, Voët, De Hillig er,
De Connan) d"autres font du mari et de la femme deux propriétaires (Cujas : Mu.lier jur e natural'i est domina, ma1'itus fictione legis
Observat. l. 101 cap. 32 t. 2.) . Pour le président Favre, le mari a le
-19 domaine bonitai~e, la femme le domaine quiritaire, pour le cardinal
de Luca, le mari a le domaine civil ou utile, là femme le domaine
naturel et direct.
Pothi~r. semble avoi r vu plus clair dans cette question : « Le
mari, dit-i~, durant le mariage 6tait le véritable propriétaire. La
femm~. é~ait pl,utôt créancière des biens dotaux qu'elle n'en était
propr'.etaire. Ces: e~ conséquence de cette créance, c'est par rapport .a c~tte res.t1tut1on et en considération de cette restitution qui
d~va1t lui être faite un jour de sa dot que la dot est appelée quelque~01s ~a~s les textes de droit le bien et le patrimoine de la femme. »
\ Traite de la ptûssance du mari sur la personne et sur les biens de la
femme, 2• partie, n• 80).
. A ~otre époque cette question a fait un nouveau pas. L'étude
historique du droit romain l'a éclairée d'un nouveau jour, et un
savant professeur a montr6 dans un travail connu que, pour comprendre
quel était le caractère de la dot en droit romain , il faut
.
suivre et rechercher les modifications qu'ont subies les idées romaines en cette matière et qui rmt fini par les transformer entiérement.
Les premières conceptions des Romains étaient bien éloignées des
nôt~es: à l'origine ils n'ont connu que le régime de la mânus, où le
~art devenait propriétaire de tous les biens de la femme sans être
Jamais tenu de les restituer. La législation à laquelle on devait
a.boutir. après des évolutions successives. après un travail de plusieurs siècles est notre législation actuelle. Hâtons-nous de dire que
les Romains n'y sont parvenus à aucune époque pas même au BasEmpire, mais c'est le bu t vers lequel ils tendaient inconsciemment
sans avoir jamais pu l'atteindre. Il nous est impossible de décrire
les diverses phases par lesquelles ont passé les idées romaines ;
contentons-nous de poser en principe qu'à l'époque classique deux
propositions vraies encore sous Justinien résument la législation :
1° Le mari est propriétaire de la dot, 2° Il est tenu le cas échéant de
la restituer. De ces deux propositions la seconde est incontestable,
nous nous contenterons d'établir rapidement la première.
�•
-
20 -
-
21 -
10 Les modes de constit ution mentionnés plus haut sont tous
b. - Au point de vue rie l'usucapion.
translatifs de propriété.
2• Un grand nombre de textes disent expressément que la propriété des biens dotaux appartient au mari eL passe sur sa tête dès
que ces biens acquièrent le ca ractère dotal (Gaius 11, 63 .- Institu-
tes, Quibus alienare licet vel non, Pr. - L. 7 § 3 D. d. j. d. - L. 9
L. 13 §2 D. Ve {ttndo dota.li. - L . 47 § 6 D.
De Peculio. - L. 23 C. d. j. d. - L. 7 C. Deserv . pign. dat.. )
§ L, 67, 75 eodem. -
3° Tous les effets que les textes indiquent supposent la qualité de
propriétaire dans la personne du mari. Les acq uisitions faites par
les esclaves dotaux appartiennent au mari (L. 58 D. Salut. matrim.,
L. 65 D. d. j. d. ) - Le mari peut affranchir les esclaves dotaux et
acquiert les droits de patronat, y compris les droits de succession
(L . 61, 64 D. Sol. matrim., L. 21 D. demanwmiss., L . 3 § 2 D. de
suis et legit. hered., L. 3 C. d. j. d., L . 1, 7 C. de serv. pig. dat.) L 'immeuble donné en dot n'a la qualité de fonds dotal q ue lorsque
le mari en est deven u propriétai1·e (L. 13 § ~ D. de fundo dotali). I l peut donner les choses dotales en gage même à sa femme (L 30
C. d. j . d. - L . 1 C. de servo pign. dato). - Il légue valablement
les biens dotaux per vindicationem même à sa femme (L. 13 § 4 D.
de {undo dotali). - Il exerce toutes les actions relatives aux biens
dotaux qui supposent la qualjté de propriétaire (r evendication, actio
furti et legis Aquilié.e) (L. 18 § 1 D. Solut. matrim. - L . 24 de act.
rer. amot. - L. 49 § l de {urlis. - L. 11 C. d j . d.) - Au contraire la revendication de ces biens est refusée à la femme (L. 9 C.
de rei vindic.), qui ne peut pas les laisser par testament ( Vatic.
fragm. § 98). - Enfin le mari peut revendiquer les choses dotales
contre la femme elle-même (L . 24 D. de act. rer. amot.) - De tout
cela il résulte que le mari a la pleine et entièr e propriété des biens
dotaux.
L e mari aura besoin de l' usucapion dans deux cas: 1° Si la chose
donnée en dot ètant res mancipi le constit uant s'est contenté de la
livrer . La tradition ne rend pas le mari propriétaire quiritaire, elle
le met seulement à même de le devenir par l' usucapion. - 2° Si le
constituant n'était pas propriétaire' de la chose donnée (L. 7 § 3 D.
à. j. d.)
Notons que le mari pourra usucaper les immeubles aussi bien
que les meubles. Cujas pensait cependant que le mari ne pouvait
pas usucaper les choses immobilières données en dot. Il se fondait
sur ce que l'usucapion est une aliénation et que l'aliénation du fonds
dotal est prohibée par la loi Julia. Il s'appuyait aussi sur la loi unique au code de usuc. pro dote qui ne parle que des choses mobilières : « Res mobiles in dotem dataJ quamvis alien<E, si sine vitio tamen
{uerint a bon<E (tdei accipiente pro dote accept;e, usucapiuntur. » Le
premier argument ne po rte pas. Il s'agit non d'une aliénation, mais
d'une usucapion qui conférera n.u mari la propriété du fonds livré en
dot, pou r qu'il l'ait comme dotal et le r estitue comme tel à sa
fem me, Je cas échéant. Quant à l'argu ment à contrario tiré de la loi
du code il est extrêmement faib le . Si l'auteur du rescrit parle de
'
res mobiles, c'est qu'il s'agissait de meubles dans l'espèce sur laquelle il a été consulté et que d'ailleu rs l' usucapion présente plus
de difficultés pour les meubles, à cause du vice de res {urtiva qu'ils
contractent fréq uemment : c'est à quoi fait allusion la phrase incidente : si sine vilio tamen {uerint. Enfin Gaius (11, 63) mentionne
comme efficace l'usucapion que le mari ferait du fonds livré en dot :
« Nam dotale prœdium maritus invita muli~re per legem Juliam
prohibetur alienare, quamvis ipsius sil, vel mancipatum ei dotis
causa, vel 'in jure cesrnm, vel umcaptum. »
A q uel titre Je mari va-t- il usucaper les choses livrées en dot ?
Les textes font une distinction.
�-
22 -
-
1° La chose livrée en dot n'a pas été e timée.
Le mari usuca'pera au titre pro dote (L . 1 R 3 D. pro dote). Remarquons que comme il ne peut y avoir de dot sans mariage, si le
mariage est nul, l'usucapion pro dote est impossible. C'est ce que
nous dit Ulpien: « C<Eterum si cesset matrimonium, Cassius ail cessare.
23 -
En soi le transport de la propriété peut être soumis a une condition suspensive. Les donations pour cause de mort en fournissent
la preuve évidente. Mais tous les modes de translation de propriété
ne s'y prêtent pas également.
usu.capionem, quia dos rwl/a sit. » Mais qu'arrivera-t-il si Je mari
t 0 Tradition. - La tradition contient deux éléments 1 un élément
croit à la validité du mariage? L'us ucapion s era encore impossible,
dit Ulpien: « Idem scribit et si put a vit mari/us essesibi matrimonium l
matériel et un élément intentionnel. Le second étant dominant il
est possible de remettre à une époque ultérieure le transport de la
propriété effectué par la tradition. Les Institutes nous en offrent
un exemple saillant à propos de la traditio rei vendit,œ (Inst. de rer.
divis . § 41 ).
quum non esset, usucapere eum non posse, q·uia nulla dos sit. Qu.;e
sententia habetrationem. » (L. 1 § 4 D . p,.o dote) . Nous verrons plus
tard que certàins jurisconsultes, entre autres Proculus, ne partageaient pas, s ur ce point, l'opinion d'Ulpien.
2° La chose livrée en dot a été estimée.
Le mari n' usucapera plus au titre pro dote, mais au titre pro emptore (Fragm. vatic. , 11 J ). Et ce n'est pas là une simple question de
mots. Le mari, pour usuca per , devra être de bonne foi au moment
de l'estimation et au moment de la tradition.
B. - Dation antérieure au mariage
L'acte par lequel on r éa lise une constitution de dot antérieure au
mariage est, avons-nous v u , affecté de la condition « si nuptiœ
sequantur ii. En est-il ainsi lorsq ue la dot a été constituée par voie
de datio?
On peut concevoir deux espèces de conditions, la condition suspensive et la condition résolutoire.
a. -
CONDITION SUSPENSIVE
«
SI NUPTllE SBQUANTUR ll
La datio peut-elle être faite sous ln condition s uspensive si nuptial
sequantur?
)
2° Les autres modes sont l'adjudication, l'injure cessio, la mancipation. No us n'avons pas à parler de l'adjudication car on ne conçoit pas une dot constitué~ adjudicatiotie. L'injure cessio et la mancipation ne comportaient pas la condition expresse. Mais elles
se prêtaient à la translation conditionnelle quand la condition sans
être exprimée dans l'acte était suffisamment indiquée par les circonstances 1-lt le but de l'opération. J'en trouve la preuve dans la
la loi !!) D. demanumiss. de laquelle il résulte qu'on pouvait mortis
causâ transférer pa1· la vindir.te une liberté conditionnelle. Or la vindicte n'est qu'une des formes de l' injure cessio. Il est donc certain
qu'on pouvait par in jure cessio transférer mortis causâ la propriété
sous condition. Il devait en être de même pour hi mancipation.
Dès lors on peut affirmer que la même règle s'appliquait à la constitution de dot : nous pouvons argumenter d' une décision que nous
trouver ons plus loin à propos de l"acceptilation. L'acceptilation,
comme la mancipation, comme l'in jure cessio est un de ces actes
que les interprètes appellent actus /egitimi. Or nous verrons (1. 44
pr. D. d. j . d. ) que l'acceptilation do tis causa peut être subordonnée
à la condition si nupti;e sequantur. Pourquoi trouverions-nous dans
le cas q ui nous occupe des principes différents ?
�-
24 -
-
EFFETS DE LA CONDITION SI :'\UPTIIE SEQUANTUI\
.... -
AU
P OI:-<T
DE
YUB
DU
T RANSPORT
DE
LA
PROPRIÉTÉ
I. Da ns la tradition. - 1° Pendente conditione. - 1° Le constituant (traden~) reste propriétaire. Le transport de la propriété que
la tradition avait pour but d'effectuer est s uspend u j usq u'à la condition. C'est ce que nous dit Ulpien dans la loi 7 § 3 D . d. j . d. :
« Quid ergo si ante matrimonium? Si mu lier hac conditione dederit,
1Lt tu ne efficiantur , quum nupscrit, sine clubio dicemus tune ejus fieri
quum nupti<E fuerinl secttl<-e >> .
De là résulte que tant que la condition est en suspens le constituant demeuré propriétaire aura seul l'action en revendication
contre tout détenteur de la chose. Il semble dès lors qu'il pourrait
avant même que le projet de mariage fût rompu, agir en revendication contre le futur mari : ne voyons-nous pas dans l' hy pothèse
d'une traditio rei vendil<lJ le vendeur non payé agir en revendication
contre l'accipiens? Il n'en est rien cependant, et l'action en revendication du constituant dirigée contre le sp;nsus viendrait se heurter
à une exception doli ou in factum . « Sed ante nuntium remisswm si
vindicabil, exceptio poterit nocere vindicanti aut doli, aut in factwm;
doti enim destinata non debebunt vindicari », nous dit Ulpien (L. 7
§ 3). C'est que la volonté des parties était que le futur mari conservât la possession, tant que la condition demeurait en suspens. Le
constituant commettrait donc un dol s'il essayait de revendiquer la
chose.
2° Mais il ne conserve qu'une propriété restreinte. De là deux
conséquences importantes sur lesquelles nous n'avons pas à insister :
Les actes de disposition irrévocables (Ex. : affranchissements) lui
s ont interdits.
Les a utres actes de disposition (aliénations, constitutions de droits
réels) ne transféreront aux acquéreurs que des droits soumis aux
mêmes restrictions.
25 -
2° A Carrivee de la condition. - A l'arrivée de la condition la
translation de propriété au profit du mari s'opérera immédiatement
sans que le constituant puisse par sa volonté y mettre obstacle.
C'est une conséquence du principe que le constituant ne conserve
vendente conditione qu' une propriété restreinte et conditionnellement péri$sable. Les jurisconsu ltes auraient encore dù logiquement
en conclure que son décès pendente conditione n'apporterait aucun
empêchement a u transport de la propriété. Telle était en effet la
doctrine que professait Julien en matière de tradition conditionnelle. <c Si pecuniam mihi Titius dederit absque ulla stipulatione, ea
tamen conditione, ut tune demum m ea fieret, quwm Seius consul factus esset, sive furente eo, sive mortuo Seius consulatwm adeptus fueril, mea fi~t. » (L . 2 § 5 D. de donation). Ma lheureusement ce texte
de Julien est démenti par la loi 9, § 1 D. d. j. d. d'Ulpien, qui a fait
le tourment de commentateurs. U lpien après avoir posé l'espèce
nous dit : « Vereor ne non possint in dominio ejus effici, cui data:
sunt, qu ia post mortem incipiat dominium discedere ab eo qui dedit,
quia pendet donatio in diem nuptia1·ium, et, quwm sequitur conditio
nuptiarium, jam heredis dominium est, a quo discedere renbm non
posse domini-um invilo eo fatendum est. » Nous serons plus loin
appelés à examiner la fin de ce texte que nous supprimons ici.
Cujas, Savigny ont tenté sans succès des essais de conciliation.
En désespoir de cause d'autres interprètes se contentent de constater cette divergence et déclarent qu'Ulpien et Julien devaient sur
la tradition conditionnelle professer deux théories différentes, l'un
exigeant que la volonté d'aliéner existe encore au moment où la
condition s'accomplit, l'autre se contnntant qu'elle ait été une fois
exprimée bien qu'elle ne puisse plus l'être au moment de l'arrivée
de la condition. P our nous cet aveu d'impuissance ne rious sati fait
pas : le texte de Julien contient J' expression de la seuk doctrine
raisonnable, aussi il répugne de penser qu'un novatc11· comme
Ulpien l'ait repouss ée. L'opinion, qu'on prête à ce derrùc :, poussée
�-
26 -
dans ses dernières conséquences n'aboutirait il. rien moins qu'à ruiner la théorie entière de la propriété conditionnelle. S'il est réellement nécessaire que la volonté d'aliéner subsiste au moment de
l'arrivée de la condition, il: faudra. dire encore :
J0 Que le décès de l' accipiens rendra la tradition inefficace comme
le décès du constituant, idée vraie dans notre matière s péciale,
l'accipiens étant le futur mari et sa mort entraînant la défaillance de
la condition, mais idée inacceptable en général.
2° Que les ayant-cause à titre particulier du constituant auront
des droits opposables a u mari, a près l'arrivée de la condition, car
ils pourront invoquer le changement de volonté du tradens.
Ces conséqnences sont inadmissibles, et il est impossible qu'Ulpien les ait jamais considérées comme vraies. Donc il devait repousser le principP. même de ce système. Pour nous Julien avait dans
son texte énoncé une théorie incontestable et qu'a ucun auteur ne
songeait à révoquer en doute. Quant au texte d'Ulpien nous allons
en indiquet· la portée probable.
IJ. - Dans l'injure cessio et la mancipatio. - Ces actes répugnent par leur forme à la condition : ils a uraient dù exclure comme
la condition expresse la condition tacite, qu'on finit cependant par
admettre. P our comprendre que ces actes qui contenaient la déclaration d'un droit actuel pussent être soumis à une condition, il faut
nécessairement reconnaitre l' existence d'une fiction en vertu de
laquelle l'acte dont il s'agit est censé se produire et se former à
l'arrivée de la condition seulement. A cette époq ue sans doute il se
formera fatalement à l'ins u et contre le gré des parties, mais il est
logique d'exiger qùe les choses soient demeurées dans un état tel
que les par~ies puissent encore le <'Onsentir. De là une conséquence
dans l'espèce que nous examinons: lorsq ue le constituant a employé
la mancipatio ou l'in jure cessio, le transport de la propriété au
profit du mari ne s'effectuera pas si le constituant est décédé au mo-
27 -
ment du mariage. On le voit : dans cette hypothèse on al'rive logiquement aux principes que professait Ulpien dans la loi 9 § 1, et
c'est en se fondant su r cette observation qu'un savant professeur
a donné une explication n:>uvelle des lois 9, § 1 et i , § t; de donation. Les deux j u1·isconsultes d' après lui prévoient deux cas différents comportant des solutions diverses : Julien parle de la tradition conditionnelle, Ulpicn de la mancipation ou de l'injure cessio
conditionnell".
Cette explication semble fondée :
1• Elle est logique.
2° Elle nous rend compte de la loi 9, § 1 dans toutes ses parties.
Ulpien, prévoyant un mode de translation de propriété, qui n'existait plus a u temps de Justinien, les compilateurs du digeste ont
substitué à l'hypothèse dont il parlait celle d'une tradition. La décision du jurisconsulte devenant alors contraire aux principes et à
l'équité, ils ajo utèrent à son texte une phrase, dont la forme dénote
l'origine, et qui a pour effet d'amener par une voie tortueuse à la
solution que défendait Julien. « Sed benigniu-s est favor·e dotiwm
necessitatem imponi heredi consenlire ei quod de(unctus (ecit, aut, si
distulerit vel absit, eiiam nolente vel absente eo, dominium ad maritum ipso jure lrans(erri, ne mulier maneat indotata. »
/3.
-INFLUENCE DE LA CONDITION SUR L'USUCAPION
Tant que lema riage n'aura pas été célébré, l'usucapion sera impossible. C'est ce que dit Ulpien dans la loi 1§ 2 D. pro dote: «Si sponsa
sponso ea mente tmdiderit res ut non ante eju.s fieri vetlet quam nuptial
secut.:esint, usus quoque capio cessabit. »Et il en sera ainsi alors même
que la chose donnée en dot aura été estimée(Fragm. Va tic. 111,L. 2
D . Pro dote , L. 2, § D. Pro emptore) . La raison qu'on doit en donner
est que pendente conditione il n' existe pas encore de juste cause;
�-
-
28 -
Quurn vero ;estimat.œ
àantur, quonimn ex emplo incipiunt possideri, ante nuplias pendente
conditione, non prius usucapio seqiû polcst quam nuptiis secutis. »
(Fragm. ratic. 11 l ).
c'est l'idée qu'exprime P aul lorsqu'il dit :
<<
Mais du jour de la célébration du mariage, la condition étant remplie, la juste eau e prend naissance et l'usucapion commencera à
courir a u titre Pro riote ou Pro emptore s uivant les cas.
..,,. - Conséquence de la défaillance de la condition.
Cette conséquence sera la même que la dot ait été constituée par
traditio, in jure cessio, ou mancipatio. Le constituant n'aura jamais
perdu on droit de propriété, et intentera l'action en revendication,
contre le fiancé. C'est cc que dit U lpien dans la loi 7 § 3 D. d. j. d.
pour le cas oü la dot a été constituée par la femme et c'est ce qu'il
répète dans la loi 9 pr. eodem pour le cas où la dot a été constituée
par une autre personne.
b. -
CONDTTlON HÉSOLUTOIRE
sr LE
MARJA&E
~·EST
PAS CÉLÉBHÉ.
La dation qui sert à constitue1· une dot antér ieurement au
mariage peut-elle être affectée de la condition résolutoire si le
mariage n'est pas célébré? On sait quelles vives controverses a
soulevées parmi les interprètes modernes la théorie de la translation
de la propriété sous condition réso lu toire. Ils se sont demandé, si
dans l'acte même par lequel on transmet la propriété, on peut
insérer une clause en vertu de laq uelle la propriété se tro uverai t
frappée entre les mains de l'aquéreur d'une résolu tion ou extinction conditionnelle. Quant à nous , nous pensons avec les jurisconsultes franç·ais les plus autorisés, que la réponse à cette question
va ria suivan t les époques : elle du t être négative d'abord, mais
l'affirmative proposée par U lpien et Marcellus finit par prévaloir et
triompha sous Justinien. Dans cette opinion , on doit reconnaitre
29-
que les parties pourraient faire la dation sous condition résolutoire :
pourtant il fautl avouer qu'on n'en trouve aucun exemple dans les
textes.
Lorsque la constitution de dot se présentait sous la forme qui
nous occupe, les jurisconsultes interprétaient autre.ment la volonté
des parties. Pour eux, le constituant avait transféré la p1·opriété
hic et n:unc, purement et sim plement, sans restri<.:tion. Cette
manière d'envisager les choses ne présentait aucun inconvénient si
le mariage était célébré; mais si le projet d'union était rompu,
allait-on laisser le fi ancé profiter d' une libéralité, qui, par la force
des choses, était évidemment conditionnelle ? Non, il devait restituer ce qu'il avait r eçu dotis causa: seulement le constituant n'aura
pas l'action en revendication qu' il aurait eue si la propriété avait
été sous condition résol utoire. La restitution dans notre cas n'était
imposée que par une obligation quasi ex contractu dérivant des
règles générales. Sans doute la dation n'a pas été faite sous condition, mais elle a été faite dans un but déterminé, celui de constituer
une dot ; ce but n'est pas atteint, aussi le fiancé sera- t-il tenu par
la condictio ob rem dati re non secutn. de retransférer au constituant
la propriété des choses donn ées . (L. 7 § 3, 1. 9 pr. D. d. j . d.)
En t erminant nous devons noter que, si les parties n'ont pas
tranché expressément la question, c'est en ce dernier sens qu'on
intcrpeétera leur volonté. La dation ne sera pas présumée faite sous
condition s uspensive (L . 8 D. d. j. d) .
Influence de cette theorie sur· l'usucapion. - Dans le système que
nous avons étudié, si le constituant est propriétaire, le fiancé acquiert
im ..1édiatement la propriéLé des choses livrées. Les jurisconsultes
devaient logiquement conclure que dans l'hypothèse contraire, celle
où le constituant donnerait une res aUena, le fiancé pouna usucaper
avant le mariage. Il fau t remarquer cependant que l'usucapion ne
procédera plus au titre Pro Dote, la do t s upposant le mariage ; elle
procédera à un titre assez vague et assez élastique, au titre pro suo.
(L. 1 D. Pro Dote).
�-
30 -
Lorsque la dot a été estimée, I~ mari peut-il usucaper avant le
mariage ? Les interprètes lui refusent ce droit sans distinction et
s'appuient sur la forme absolue des lois 2 § t D. pro emptore, 2 Pro
dote, l l l Fragm. Vat. Quant à nous, nous tit·ons de ce::. textes une
double conséquence: Le mari ne peut pas usuc;apel': 1° a u titre Pro
suo car il est acheteur, 2° avant le mariage lorsque la vente a
été faite sous condition suspensive, et elle devait être présumée
ainsi faite. Mais on ne voit pas pourquoi il serait inte1·dit a ux parties
de faire une vente pure et simple, résoluble a u cas où le mariage
ne suivra it pas, et dans cette hy pothèse rien ne s·opposerait à une
usucapion immédiate au titre Pro emptore.
SE'.C::~IC>l'V
II
De la Dictio dotis
A. - Forme. - La dictio clotis est un contrat que lon peut
comparer à la stipulation : toutes deux exigent la présence personnelle et des paroles solennelles de la part des contractants. Elle en
diffère en ce que la déclaration de la personne qu i s'oblige n'est pas
précédée d'une interrogation à laq uelle elle sert rle réponse. Le
constituant déclare au mari que telle ou telle chose lui sera en dot:
« Fundus sempronianus t ibi doti erit, centum millia sestertium tibi
doti erunt. » Térence dans son Andrienne (acte V, se. IV) nous
donne un exemple de ce mode de constitution :
Chremès
Dos, Pamphile, est
Deum talenta,
Pamphilus,
Accipio.
- 31 Ce passage pourrait faire croire que la déclaration du constituant
devait être suivie de l'acceptation du mari. Pourtant rien n'est
moins certain, car les no mbreux textes où il est question de la diction
ne font pas mention de son ad hésion.
Si la dictio dotis ressemble par sa fo rme à la stipulation, on ne
devr ait pas pousser trop loin cette comparaison. Elle était loin d'être
comme la stipulation un mode général accessible à toute personne
et en toute circonstance de contracter une obligation. Cette forme
en effet ne pouvait être empl oyée que pour constituer une dot: elle
était limitée aussi quant aux personnes qui pouvaient s'en servir.
Ulpien (VI, 2) et Gaius (Epitome II , 9, 3) nous apprennent que
trois catégories de personnes pouvaient seules l'employer. étaient:
1° La femme. ~· Le débiteur de la femme, s ur son ordre. 3° Un ascendant de la femme du sexe masculin uni à elle par les mâles.Ex.:
le pèr e, !'aïeul, le bisaïeul paternel de la fem me. Fallait-il encor e
que cet ascendant eût la fu tu1·e femme sous sa puissance? A ne
·consulter que les textes d'U:pien et de Gaius que nous avons cités,
cela ne serait pas nécessaire. Ils ne s'attachent en effet qu'à la relation de parenté et n' exigent pas cette condi tion nouvelle, qu'ils
n'auraient certainement pas oubliée, si elle avait été nécessaire.
D'ailleurs si on compare la liste des ascendants qui peuvent faire la
diction à celle des ascendants auxquels la dot par eux constituée fait
retour comme profectice (L. 5pr. D. d. j. d.) , on voit qu'elles sont
toutes deux composées des mêmes personnes. Or, il est certain que
la dot constituée p11r le père pour sa fille émancipée est profectice,
Ulpien nous le dit (L. 5 5 11), et il en donne une raison que l'on peut
apµ :ique1· à l'hypothèse qui nous occupe. « Non jus potestatis sed parentis nomen. dolem pro{ectitiam {acit. » Cujas cependant adoptait
l'opinion contraire. Et il semble, en effet, que cette opinion permette
seule d'expliquer un texte assez embarrassant, la loi 44 pr. D.d. j. d.
Jul:cn suppO$e qu'un père de famille, après avoir promis par die-
c·
�- 32 tion une dot à sa filllc, l'a émancipée avant le mariage, et il se
demande si cette promesse subsiste malgré l'émancipation ou si on
doit la considérer comme résolue. Dans l'opinion de Cujas on comprend l'hésitation du jurisconsulte. Sans dt•ute au moment de la
diction le père avait la fille sous sa puissance, mais par son émancipation il se trouvait placé dans une position où il n' al' rait pas pu
s'engager par diction. Dès lors on devait rechercher s'il y avait
lieu ou no'9- d'appliquer le brocard : « Quœ ab initio constitcr-unt, postea
evanescunt, si in eum caswn incidcrint, a quo incipere non poterant >i. Pourtant ce texte n'est. pas inexplicable dans notre opinion
et on peut se rendre comple des motifs qui ont détermin é le jurisconsulte à examiner la question. Un père gui promet la dot pour
sa fiUe qu'il a sous sa puissance a toujours le pouvoir de faire manquer la condition de sa promesse en refusant son consentement au
mariage. Il n'était donc pas déraisonnable dè le considérer comme
ayant le pom•oir de se rétracter à volonté. Or lorsqu'il émancipait
sa fille, à moins d'admettre que cette émancipation était sans cause,
on était forcé de croire qu'il avait contre elle de justes sujets de
mécontentement. Aussi se demandait- on s'il ne fallait pas considérer
cette émancipation comme manifestant sa volonté de se rétracter.
Lejurisconsulte répondait d'ailleurs que sa promesse devait être
maintenue : bien plus elle était désormais définitive, en cc sens que
sa fille n'avait plus besoin de son com;entement pour se marier, il
était dans une situation semblable à celle dans laquelle se seraient
trouvés ses héritiers, s'il était mort, car ils n'auraient pas pu empêchet' le mariage.
B. - Histoire. - Il est propable que la dotis dictio était originairement une promesse accompagnant les fiançailles. C'est ainsi
qu'elle apparait chez P laute (Aulularia, II, 2, 61. - Trinummus
V, 2, 33) et chez Térence (Anclria, V , 4, 47) . Cette hypothèse
permet à certains auteurs d'expliquer pourquoi, comme ils le pré-
- 33 tendent, la dotis dictio avait toujours lieu avant le mariage, et fait
comprendre la limitation des personnes qui pouvaient l'employer.
Mais elle ne laisse pas deviner la raison Juridique qui aurait engagé
les Romains à admettre dans cette hypothèse une forme cl' engagement autre que la stipulation. On a cherché à expliquer cette
énigme en supposant que la dfotio dotis, constituant comme un
pacte adjoint <les fiançailles, aurait été dans l'origine poursuivie au
moyen de l action ex sponsu, découlant de la convention principale
et que, dans la suite, quand la convention principale eut perdu son
caractère obligatoii·e, l'action serait restée pour le pacte élevée
ainsi à la hauteul' d'une convention indépendante, comme une
espèce de pacte légitime. Cette explication est ingénieuse, mais elle
a le malheur de reposer sur une base incertaine, car il est trèsdouteux que les fiançailles aient jamais donné lieu à une action.
Ajoutons qu'elle donne un résu ltat bizarre : en effet, on constate
l'existence d'une action en exécution d'un pacte adjoint ne pouvant
se produire qu'à condition que l'action principale dont elle tire sa
force ne vienne pas à naitre. La dot, en effet, ne peut être exigée
que si « nuptiœ secul\e (uerint; » or si le mariage a été conclu, il
n'y a pas lieu à l'action ex sponrn, en exécution de l'engagement
pris par les fiançailles.
Quoiqu'il en soit, la dotis diclio apparaît par son origine comme
une forme très-ancienne. Ellen' était pas d'ailleurs destinée à survivre
longtemps à la période classique. Les empereurs Théodose II et
Valentinien III ayant affranchi la constitution de dot de f,l solennité de paroles et décidé qu'une simple convention, formée dans ce
but spécial, serait obligatoire (L. 4 C. de dot promiss. ), la dictio
dotis dut être rarement employée. Cette forme solennelle et verbale
était com!'.Ilodément remplacée par le mode simple et flexible de la
convention susceptible de se nouer, même entre personnes éloignées l'une de l'autre (1). Aussi, en admettant qu'elle n'ait jamais
(1) La dotis di<'tto conservait à cette époque unt: utilité, celle d 'éteindre
les obligations ipso jt,re. Gal' Théodose Il et Valentin ien III ne pa raissent
pas avoir voulu qu une simple convention sufflt à cet effet.
3
�- 34été abrogée, finit-elle par tomber en clésuétude, et, dans le dernier
état du droit, peut-on dire que la dot se constitue par dation,
promesse ou pacte. Aussi, dans tous les textes, que les jurisconsultes classiques avaient écrit en vue de la dictio, les commissair es
de Justinien ont eu soin de su bstituer le mot promitLere au mot
dicere, l'hypothèse de la stipulation à celle de la diction. Cette
modification e'3t souvent malheureu:;e, et nous au rons à citer plus
d'une loi, maladroitement conigée par Tribonien et ses collègues.
C. - Effets . - La àotis aictio pou vait servir soit à créer une
obligation . Elle faisait naitre a lor une obligatio uerborum et une
action qu i était probablemen t une condictio ce1·ti ou incerti, comme
celle qui résulte de la stipulation.
Soit à éteindre une obligation. A ce point de v ue elle peut ètre
comparée à l'acceptilation. Notons cependant qu e q uelques jurisconsultes n'admettaient pas qu'elle pot éteindre une obligation ipso
jure.
Ainsi elle pouvait produire un double effet : effet créatif d'obligation dont nous reparlerons à propos de la stipulation, effet extincLif
que nous retrouverons en parlant de l'acceptilation. Il arrivait quelquefois que ce double effet se produi ait si1uultanément ; les textes
nous en donnent un exemple dàns la 101 46 § D. d. j. rl. :
-
35 -
dot ce qu'il lui devait, elle repoussera par une exception l'action
par laquelle il r éclamerait le fonds sempronien. Si au contrair e elle
préfère donner en dot le fonds qu'elle a promis, elle réclamera par
une condictio sine causa la somme dont il a été libéré car il est
libéré sans cause dès qu'elle a fixé son choix sur l'autre objet.
D. -
Nature de la dictio dotis. -
La dicti-0 dotis constitue :
1. - Un contrat verbal. - De là deux conséquences que l'on
peut considérer comme certaines :
1° L'obligation née de la dotis dictio pouvait être garantie par un
sponsor ou un fi.depromissor. On peut invoquer en ce sens la loi !)5
D. d. j. d. Dans cette loi Paul fait remarquer que lorsque une expromission est faite pour cause de dot, le fidéjusseur donné à cet égard
est valab lement obligé. Il est probable que ce texte malheureusement corrigé par Tribonien supposait originairement une dot constituée par dictio dotis. Le j urisconsulte se demandait alors si la dette
du constituant était valablement cautionnée par un sponsor ou fidepromissor. On aurait pu en douter, l'obligation principale n'ayant
pas été contractée dans la même forme que l'obligation accessoire,
c'est à dire par une interrogation et une réponse. Néanmoins sans
s'arrèter à ce scrupule Paul considérait que, l'obligation principale
étant une obligation verborum, cela suffisait pour qu'un 1ponsor ou
un fùiepromissor pùt y accéder.
Une femme se constitue une dot en ces termes : «Vous aurez en
dot ce que vous me devet ou le fonds scmpronien. » La dot consiste
dans l'un ou l'autre de ces objets a u c;ho1x de la femme : mais les
deux effets respectifs, Libératoirt: et obligatoire, des deux parties de
j ure pereunt, l'acceptilation ne devrait éteindre que les obligations
la di-::tion sont produits simu ltanément. Ct: résultat semble contraire
à l'intention des parties, car le mari va pouvoi r à la fois réclamer le
fonds sempronien et refuse1· à la femme de lui payer ce qui lui est
dû. Il n'en est rien pourtant. Si la femme veut que le mari garde en
contractées par voie de stipulation. Tel fut probablement le droit
primitif. Les jurisconsultes finirent cependant par décider qu'elle
éteindrait aussi les obligations nées du jusjurandum liberti. (L. 13
pr. D . de acceptil.). Il est probable q u'elle devait éteindre encore
2° Elle pouvait étre éteinte par une acceptilation. A raison de sa
forme et par application de la règle qu~ jure contrahunt1ir contrario
�- 36les obligdtions nées de la dictio do tis. P ourquoi en aurait-il été
a utrement puisque le jusjurandum liberti et la dotis dictio sont de ux
contrats verbis et que Je premier ne suppose pas plus que le second
une interrogation et une ré ponse? Aussi peut-on affirmer que la loi
13 pr. de a.cceptil. t ra nc hait les deux questions qui pouvaie nt s'élever à l' occasion de ces deu x contrats, mais Justinien a do. supprimer
ce qui était relatif à la àotis dù;tio.
JI. -
Un contra t solennel.
La dotis dictio était certainement un cont ra t solenn el. F aut- il alle r
plus Join et dire avec P othier que c'éta it u n de ces actus legitimi
qui ne comportent l'appos ition d'aucune moda lité expres!>e (L 77
D . de reg. juris; ? Pour trancher cette question il faudrait savoir à
quel sig ne distinctif on reconnait les actes compris sous cette qualincation. Or les interprètes sont fort embarrassés pour en donner
u ne définition. Dire avec Cujas que ce sont des actes « qui in jure
peraguntu1-, solemni ritu, et ordine juris », c'est ou manquer de
précision ou commettre une er re ur démentie par les termes mêmes
de la loi 77. Si l'on dit avec M. P ellat (De la dot, p. 1 8~) que ce
sont des actes solennels, ou avec M. Vernet (T extes s ur les obligations, p. 149) que ce sont des actes solennels venant de l'ancien
droit civil, on sera peut-être dans la vérité, ma is assu rérnent dans
le vague. Il vaut mieux c roire avec M. Accar ias q ue les Romains
n'ont jamais connu une catégorie spéciale d'actes , appelé actus
legitimi, ayant pour caractère commun de ne com porter l'apposition d'a ucune modalité. Il est vrai qu'on pourrait opposer à ce système la loi 77, mais cette loi est parfaitement explicable dans cette
opinion. Il s uffit de partir de cette idée que le mot legitimw; n'a pas
-
37 -
dans la loi, et quarta legitim<B partis le quart de la part que la loi
assig ne. D ès lors au lieu de traduire la loi 77 : c< Les actes légitimes,
c' est à dire les actes qui ne comportent ni terme ni condition ", il
suffit pour détruire la théorie édifiée sur ce texte de lire : « Ceux
des actes consacrés par la loi qui ne comportent, etc... »
Quoi qu' il en soit, la discussion précédente ne tranche pas la
question que P othier examinait à ce sujet. Qu'il y eô.t ou non à
R ome une cat égorie d'actes qualifiés actu.s legitimi, ce qui est douteux, il est certain, e t de nombreux textes, la loi 77 entre autres, le
prouvent, qu'il y avait des actes ne comportant pas de modalités.
La dictio dotis est- elle un de ces actes ? Pothier le soutenait et invoquait la loi 3 C. Theod. de incestis nuptiis, III, 12. Mais cette loi
ne, dit rien de la diction qu'elle n'applique en même temps à la
dation et à la stipulation. Il est vrai, nous l'avons reconnu, que la
dictio dotis est un contrat solennel : mais cette observation n'a rien
de décisif, car la stipulation est cel'tainement aussi un contrat
solennel et r ie n n'empêche de la faire à terme ou sous condition.
D'autre pa rt si l' on recherche quelles sont les modalités que les
pa rties po urraient vouloir insérer dans la dotis dictio, on en trouve
quatre comme pour la stipulation : dies, conditio, modus et accessio.
Or il y a un texte où la formule de la diction est rapportée avee un
terme ex primé. C'est la loi 125 de uerb. signi{.: « Quum commodum
erit dotis filiœ mœ tibi. erunt aurei centum. » Trois textes que nous
avons déjà re ncontrés supposent u ne diction contenant les uns une
alternative (L. 44, § l, 46, § 1 D. d. j. d. ), et l'autre une accessio
(L . 59 eodem). Reste la condition sur laquelle ies textes sont muets:
ma is au fond de toute alternative n'y a-t-il pas une condition ? Si
dans la loi un sens spécial. Le sens de ce mot apparait nettement
dans la loi 6 D . de Pactis : • Legitima conventio est quœ lege aliqua
1' on objecte q ue cette condition est une condition tacite, nous répon-
confirmatur », on entend pa r convention légitime u ne convention
confi rmée pa r une loi quelcon que. De même on a ppelle tutela legitima, hereditas legitima la tutelle et l' héridité qui ont le ur source
terme et répugnent à l'insertion ù'une condition.
drons q ue l'on ne connait pas d'actes qui su pportent l'insertion d'un
�-
38 -
SECTION"
III
De la Promesse
La dot se constitue par promesse lorsque le mari stipule à titl'e
de dot d'une personne quelconque un certa in avantage de manière
à devenir cr éancier de cette personne.
La promesse de :lot n' est qu'une application de la forme générale
de la stipulation. Le constituant interrogé par le mari en ces termes : 11 Promettez-vous de me donner en dot telle somme o u tel
fonds ? » répondait : « J e le promets. • Aussi ce moyen était
ouvert à tout le monde. C'est ce que disait P aul dans un texte mal
à propos conservé par Justinien, car il contient une comparaison
implicite avec la dotis dictio, qui n' existait plus sous ce prince :
a; Prom illmdo omnes obligantur, cuj uscumque sexus conditionisque
sunt. » (L. 41 D. d. j. d. ).
La stipulation comportait sans aucun doute toute espèce de modalités, notamment le terme et la condition.
J. Terme. -
1° Supposons une personne promettant la dot en
ajoutant la modalité post mortem meam ou pridie qvam moriar.
Cette stipulation sera nulle conformément aux règles générales à
l'époque classique, mais Justinien crut devoir la valider (L. 11 C.
de conlrah. el committ. stipul.). En serait-il de même de la dot que
le constituant promettrait pour le moment même de sa mort ? Cette
stipulation était r econnue valable par les jurisconsultes classiques,
elle le sera donc à plus forte raison sous Justinien (L. 76 D. d. j . d. ).
Faudrait-il adopter encore cette solution si la dot est constituée par
la femm e elle-même ? Il y avait une r aison pour en douter : toute
dot s uppose un mariage, or dans l'espèce, la dot n'étant exigible
qu'apr ès la mortde la ferom e, le mari ne po urra la r éclamer que lors·
39 -
que le mariage sera di~sous. Malgré tout Julien n'hésitait pas à
valider cette stipulation , et il invoquait avec raison, semble- t- il, ce
fait que l'on peut convenir qu'une dot déjà promise purement et
simplement ne sera pas exigée du vivant de la femme. Pourquoi
ne pourrait-on pas faire au moruent de la stipulation ce qu'on peut
faire plus tard ? Cependant cetLe opinion n'était généralement pas
reçue. Paul, pour montrer que la comparaison faite par J ulien est
fausse, fait remarq uer assez s ubtilement que lorsque la d0t est promise purement et simplement il y a une dot quoique à cause du
pacte elle ne puisse pas être exigée ; au contraire, lorsque la dot
est promise pour le moment de la mort de la femme, on ne peut pas
conce\•oir q u'il y ait une dot, puisque la dot commmencerait à exister au temps où il n'y a plu de mariage (L. 20 D. d. j. d.).
2° - Un père promet pour sa fille une dot qu'il paiera quum
commodum erit, qnum poluerit. La stipulation sera-t-elle rnlable ?
Il semble qu 'on devrait répondre négativement, car le père pourra
toujours en a lléguant sa situation plus ou moins précaire refuser
de payer. Dès lors on devrait dire que la stipulation est nulle
comme est nu l!~ une stipu lation contractée sou!> une condition
purement protestative de la part du débiteur. Cependant Procolus
(L. 125 de uerb. signi[.) et Labéon (L. 79 § 1 D. d. j. d.) la valident:
ils foo t remarquer qu'il fa ut rechercher l'intention probable du
constituant, et cette intention, si elle ne ressort pas d'autres circonstances, parait leur être de s'engager à payer la dot quand il
pourra le faire sans se mettre hor· d'état de soutenir honorablement
son rang.
Devrions-nous admettre la même solution, si la dot au lieu d'être
constituée par le père avait été constituée par un étranger ? Il est
impossible de l'affirmer, si l'on remarque que les deux textes précédemment cités ne s upposent que le cas où la dot est constituée
par le père, et si l'on se rappelle les principes admis en matière de
dot sur les promesses de choses indéterminées.
�-
40 -
3• _ Soit la stipulation suivante :
et Promettez-vous de me donner dix à titre de dot dans un an ? » Quel sera le point de départ du
délai ? Est-ce le jour de la stipu lation ou le jour où il peut y avoir
une dot, c'est-à-dire le j our du mariage ? On décide gue c'est le
jour du mariage, car, si l'on comptait l'année à partir du jour de la
stipulation , il pourrait arriver que par s uite des retards apportés
au mariage la dot fl1t due avant la célébration du mariage.
(L. 48 D. d. j . d.)
Il faut transporter toutes ces décisions au cas où la dot serait
constituée par diction. Le bon sens nous y autoriserait à défaut de
textes ; de plus on peut invoquer pour les deux premières hy pothèses cette circonstance que les lois 76, 79 § 1 D . d. J. d. , 125 de
verb. signif. prim itivernent écrites pour la diction ont été appliquées
par Justinien à la promissio do lis : ce qui prouve que les décisions qu' elles contiennent s ont communes à la diction et à la stipulation.
II. -
Condition. -
La stipulation faite dotis causa avant le
mariage est toujours présumée contenir la condition tacite si m,i,p-
ti<e sequantur. Cette condition, comme toutes les conditions que
les Romains ont connu au moins origina irement, est une condition
suspensive. (L. 4 D. de Pactis, 1. 2 1, 41 § l D. d. j . d.) Il en était
probablement de même si la dot était constituée pa r dicti on a u
lieu d'être par promesse.
De là une double conséq uence q u' indiq uent nos textes et qu'imposaient les principes de la condition : J0 L'action qu'intenterait le
mari pendenle conditione n'aboutirait pas : u ante nuplias male
pelilur » (L. 4 D. de Paclis). 2° Si l'on r enonce a u mariage, c·est-à -
- 41 civil romain annulait la condition résolutoir e comme le terme
extinctiI et réputait 1' obligation pure et simple. Mais le pr éteul'
serait venu au secours des parties et aurait accor dé au débiteur
l' e..xception de dol si la condition résolutoire s ' était r éalisée avant le
paiement ; si elle s 'ôtait réalisée après, il est probable que le constituant a urait pu répéter en se fondant sur ce que la cause de
l' obligation aurait cessé d'ex ister . Aucun te.>.te ne prévoit d'ailleurs
une pa reille constitut ion de dot, q ui devait êtœ évidemment fort
rare.
La stipulation faite dotis causa comportait l'apposition de toute
condit ion expr esse pourvu qu'elle jtit licite et possible. Bien plus
on tr ouve en cette matière une décision qui évidemment inspirée
par la faveur d ue il. la dot valide une condition considérée<l'ordinaire comme n ulle . Supposons UI!e stipulation ainsi conçue : «Si.
nav is ex Asia venerit, hodie dare spondes? » la fo rm ule employée
par les par ties place l'exigibilité de la créance avant l'arrivée de la
condition, elle a utorise l'action en justice avant qu'on puisse savoir
s'il y a un droit. A raison de ce ren versement de l'ordre naturel
des choses, on dit que la condition est prépostère. Le droit classiq ue l'annulait toujours, J' empereur L éon la valida dans les stipula tions faites dolis ca'usa ; dès lor s, on devait considérer dans
l'exemple que nous avons donné le mot hodie comme non avenu,
la n ullité résultant en effet de l'insertion de ce seul mot (lnst. l. III.
t . XX, § 14. J ustmien généralisa la décision de Léon.
Effets de la promesse de dot. - (communs à la dictio dotis). -
dire si la condition vient à défaillir, la stipulation reste sans effet :
u ipso jure evanescit » (L. 4 de Pactis, 1. 2 1 d. j. d. )
Les effets de la promesse de dot comme ceux de la diction sont
ceux que produirait une stipulation qui ne serait pas faite dolis
causa. E lle crée au profit du mari un droit de créance, garanti par
u ne condictio certi ou incerti suivant les cas.
Les parties pourraient essayer de faire cette stipulation sous la
condition résolutoir e de la non-célébration du mariage. Le droit
Le constituant pouvait pr omettre en dot ce qui lui était dù par
un tiers. Un double moyen lui était alors ouvert. Ou il promettait
f
�-
4'2 -
-
lui-même au mari par dictio ou stiptûatio ce q ue le tiers lui devait.
Et a lors le maria ae conclu il devait encor e investir le mari de la
0
.
créance promise. Il pouvait à cet effet se ser vir soit de la nova~ion ,
moyen impa rfait d'ailleurs, ca r il s upposait l'agr ément d~ débtt~u_r
et faisait perdr e au cessionnaire les ga ranti es qui entouraient or1g1nairement la cr éance, soit de la procu1·atio in rem mam, moyen
qui pr ésenta longtem ps un inconvénient d' une autre espèce, c_ar
tant que la litis contestatio n'était pas inter ven ue ou que le paiement n'était pas effectué entre les mains du cessionnaire, ce dernier pouvait \·oir ses es pérances anéa nties par les frau~es d ~
cédant. Cet inconvénient ce sa Ju jou r où le cessionnaire fut mvest1
d'une action utile, et un tex te ~ous montre que dans notre hy pothèse spécialement ce progrès ne tarda g uèr e. (L. 2 C. IV, 10).
Ou bien il pouva it user du procédé de la Dt!legation, dont nous allons
plus longuement parler. On pou rrait c roi r~ d'après la place que
nous donnons à cette théorie que la délégation s uppose nécessairement une stipulation. 11 n'en est rien cependant; des travaux récents
43 -
le nomen lransoriptilium, le pacte de constitut, la titis contestatio :
elle pourra s'accomplir aussi par stipulation et par dotis dictio,
moyens fréq uents daos notre matière, aiosi que le montrent les lois
31, § 1 D. de novation , 44, 45, 56, 57, 80, 83 D. d. j. d. Aussi dans
ce q ui va s uivre la supposerons-nous toujours exécutée par stipulation ou diction.
On peu t comprendre dans notre matière deux espèces de délégation:
1. Le constituant délègue au mari u n tiers qui lui promet la dot.
Cette hypothèse est la plus fréquemment prévue par les textes. La
délégation peut s' exécute1· toujours par stipulation. Quant à la diction ses règles spéciales en lim iteront l'emploi : elle ne pourra servir qu' autant que le délégué est un d e~ ascendants de la femme qui
peuvent dire la dot, ou que le constit uant est la femme, le délégué
étant son débiteur (Ulpien v r, 2).
2. Le ma ri délègue le constituant à un tiers, que ce tiers d'ail-
ont montré en effet que la délégation suppose : 1° un ordre donné
par le délégant au délégué. Cet ordre peut d 'ailleurs être soit un
leurs soit le créancier du mari ou une personne à laquelle il veut
fai re un e donation, peu importe. Cette hy pothèse o 'est prévue que
jussum dandi , soit un jussum promittendi. 2• l'exécu tion de cet
ordre (da.tio ou promissio). Nous n'avons pas parlé à propos de la
par la loi 59 pr. D . d. j. d. qui nous dit : « Afulier promissura viro
dotem polesl eo deleyante alteri promillere. » La délégation pourra
s'exécuter pa r stipulation ; pourrait-elle s'exécuter aussi par dictio
au moins lorsque le délégué est une de ces personnes qu'Ulpien
dation de la délégation dolis causa contenant un jussum dandi, quo iqu'elle soit possible (L. 19 D. d.j. d.), car elle n'appelait a ucu ne
observation spéciale. Nous nous occupeMns ici de fa délégation consistant dans l'ordre de promettr e.
Dans la pl upart des exemples qui no us sont donnés pa r les textes
la promesse a pour objet de l'argent. Il n'y a cependant là rien
d'absolu et elle pourrait avoir tout a utre obj et. La loi 56 pr. à notre
titre nous en donne la preuve : car elle suppose une fe mme déléga nt à son mari une pet"sonnc qui lu i doit un esclave.
L'ordre ayant été' donné par le constituant délégant au délégué,
la délégation pourra s'accom plir par les moyens les plus divers, par
nous indique comme ayant le droit de l'em ployer ? La lecture de la
loi 59 pr. pourra it le faire croir e : il est en effet certain que dans la
première partie de ce texte le mot promiseril a été substitué à dixerit, et on est amené naturellement à admettre que dans la deuxième
partie, da ns la pht·ase q ue nous avons citée, le mot promissu.ra a
été s u bstitué au mot dictura. Néanmoins ile t difficile de le croire,
car si Ulp1en nous app rend q ue non-seulement la femme et son
ascendant paternel, mais encore un débiteur de la femme sur a
délégatior. peut dire la dot a u mari ou au père de celui-ci, nous ne
�-U- 45 -
trouvons nulle part que ces personnes puissent s ur la délégation
du mari dire La dot à un tiers.
Cette seconde hypothèse prévue pa-r un seul texte était rat·e :
dans les développements qui suivront nous n'examinerons que la
première. Et encore pour simplifie1· supposerons-nous : 1°Que le constituant délégant est la femme; 2° Que le délégué est une personne
qui était ou qu'elle croyait ètre son débiteur , ce q ui constituera
évidemment le cas le plus fréq uent et le plus pratique.
Quels seront Les effets de la délégation ? Nous distinguerons deux
cas suivant que la constitution de dot sera postérieure ou a ntérieure au mariage.
A.- Délégation dotis causa postérieure au mariage. - No us
supposerons d'abord que la personne déléguée par la femme était
réellement son débiteur.
a. -
LE DÉLÉGUÉ ÊTAJT DÉU I T&Ul\ DE LA FEMME.
En pareil cas :
J. - Le débiteur délégué sera tenu en vers le mari.
II. - Il sera libéré à l'égar·d de la femme.
S'il s'est engagé envers le mari par stipulation , cette li bération
ne peut pas faire dc.ute. Il s'est en effet produit une novation par
changement de créancier, la deuxième dette ayant pris naissance,
la première est éteinte ipso jure.
Qu'en est-il s'il s'est engagé par dic,io dotis ? La première dette
est-elle éteinte ipso jure ? On ne peut plus invoquer ici les principes
de la novation. Néanmoins il faut dire que, dans l'opinion même des
jurisconsultes qui décidaient que la dictio dotis ne donne que r exceptio doli ou pacti conventi, la dette est éteinte de plein droit. En
effet les principes de la diction ne sont pas en j eu, ceux de la délégation doivent être seuls appliqués. Or en matière de délégation on
sous-entend et on tient pour accomplies trois nnmérations : l'une est
r éputée faite par le délégué au délégant, un e autre par le délégaht
au délégataire, la troisième par le délégataire au délégué (L. 2 t
§ t D. de donat.). Cette dernièr e montre pourq uoi le délégué est
tenu envers le rnal'i délégataire, nous nous explique:rons plus loin
sur la seconde, la première entraine forcément la libération ipsoJure
du débiteur délégué envers la femme délégant. D'ailleuts 110us
avons un texte en ce sens, la loi 3 l § 1 D. de novation., sur laquelle
nous devons nous expliquer. Dans ce1te loi Vénuléius suppose une
obligation Corréale activement, et il constate après examen que
l' obligation sera éteinte à l'égDrd des deux correi stipulandi,
1° Si wnus delegaverit creditori suo communem debitorem , isque
ab eo stipulatus {ut1·it. (Dans le cas où l'un des correi stipulandi délég uerait à son créancier le débiteur commun).
2° Si mulier {und·umjusseril [)1C'mittere viro. Voici l'espèce. Titius
est débiteur d'un fonds envers deux rei stipulandi, dont l'un est une
femme que nous appellerons Prima. Prima, qui va se marier à
Ma:vius, veut se constituer une dot ; dans ce but, elle donne mandat
à Mrevius de se faire promettre pDr Titius le fonds qu'il lui doit. A
la suite de cette promesse l'obligation corréale est éteinte.
On n'apercoit pas quelle utilité il pouvait y avoir de citer cette
deu xième hypothèse après la première. Il y a double emploi dans le
texte du Digeste . Mais suivant toute apparence la faute n'est pas à
Vénuléius. li est plus que probable que Vénuléius avait écrit dicere
au lieu de promittere, voulant montrer que la dotis dictio faite par
le 1'.ébiteur sur l'ordre d'un des créanciers à la même puissance
extinctive que la promesse précédée d'une stipulation. Mais du
temps de Justinien la dotis dictio étant tombée en désuétude, les
compilateurs plus zélés qu'intelligents auront simplement remplacé
direre par
promitler~ ,
sans s'inquiéter de voir ju qu'à quel point la
pensée du juriscons ulte ou même la raison était respectée dans ce
changement.
�-46 -
-
III. - La femme (délégant) ne doit rien au mari (délégataire).
De là une conséquence, qui est évidente, c'est que 8i le débiteur
délégué ~t insolvable le mari délégataire ne pourra exercer a ucun
recours contre la femme. Mais a lors lorsque le jour de la restitution
de la dot arrivera , le mari est-il tenu de restituer ce que l'insolvabilité du débiteur a fait perdre. La question est douteuse et cela se
comprend: il y a conflit entre les règles de la restitution de dot et
celles de la délégation. Si l'on s'en tient a ux premières, on doit dire
que les risques des choses dotales sont à la charge de la femme :
on applique ce principe lorsque la dot a été promise par une personne qui ne devait rien à la femme (L. 33, 4.9 d. j . d. ), pourquoi
s'en écarter lorsqu'elle l'a fait promettre par son débiteur? Si l'on
s'en tient aux prmcipes de la délégation, la question cha nge de face .
Le délégataire, avons-nous vu, est censé a voir reçu une numération du délégant : il a pu pa r fiction avoir à son tour compté cette
somme au délégué, le délégué a pu devenir insolva ble, peu importe :
il n'en est pas moins vrai qu'on le considère comme ayant reçu une
certaine somme de la femme-délégant, et c'est cette somme qu' 11
doit restituer. Voilà en quels termes la question se pose. Il ne no us
appartient pas de la résoudre .
b. -
LE DÉLÉGUÉ N'ÉTAIT PAS LE DÉBITEUI\ DE LA FEMME, IL
NE LUI
0
DEVArT RIEN D APRÈS L E DRO IT CI VIL OU POU VAIT L UC OPPOSE R UNE
E XCEPTION.
Recherchons dans cette hypothèse q uels sont les principes de la
délégation. Les textes usel)t de distinctions :
1° Le délégué connaissait au mo ment de la délégation le moyen
de défense quïl pouvait op poser à son créancie r primitif. Il est
réputé y avoir renoncé et ne pourra pas le faire valoir contre son
nouveau créancier.
2° S'il l'ig norait ont fait une sous-distinction .
Le délégataire reçoit-il la délégation à titre onéreux, il ne doit
pas souffrir de l'erreur du délégué, qui restera tenu à son égard.
Mais on réserve un recours à ce del'llier contre le délégant.
47 -
Le délégntaire re('oit-il la délégation à titre gratuit. - On a deux
personnes en présence, l'une le délégataire qui certat de lticro captando, l'a utre Je délégué qui certat de dam.no vitando. Il faut doncprotéger le second contre le pl'emier, et lui permettre soit de se
défendre par 1' excepLion de dol soit de prendre les devants en intentant contre le délégatafre une condictio incerti sine causa à l'effet de
se faire li bérer.
Voilà les principes qui résul tent des lois 12 de nov., 2 de donat., 7
S 1 de dol. mal. el met. except., et dont no us devons fa.ire application à la délégation dotis causa avec les lois 78 S5 D. d. j. J., et 9
S 1 D. de cond. caus. dat.
1. -
La délégation a été exécutée par une stipulation.
1° L e prétendu débiteu r connaissait le moyen de défense. Nous
retrouverons plus loin la présomption de renonciation, de donation
dont nous parlions plu haut avec la loi 7 D. de cond. caus. data.
2° Il l'ig norait. Devrons-nous considérer le mari comme un délégataire à titre gratuit ou à titre onéreux ? Nous examinerons plus
tard cette question dans toute sa largeur, nous nous demanderons
s'il fa ut considére1· la constitution de dot comme un acte à titre
grat uit ou à titre onéreux. Disons to ut de suite que pal' rapport au
mar; c'est sans aucun do ute possible un acte à titre onéreux. La
loi 9 S l D. de condict. causa data nous. le dit: << Jlaritus suum negotium gerit, nec decipiendus est, quod fit, si cogatur indotatam u.xorem
habere. » Aussi cette loi ainsi que la loi 78 § 5 D. d. j. d. décidet- el'..: que le délégué sera forcé de payer a u mari.
Il faut cependant faire une double réserve:
1° Si le mari ne formait sa demande qu'après la dissolution du
ma riage, le délégué pourrait lui opposer l'exception de dol, mais
seulement jusqu'à concurrence de ce que la femme aurait à recouvrer (L. ~ § l D. de concl. causa data). Cette restriction est facile à
�-
48-
j ustifier; l'équité l'imposait. Qua11d ce_ que le mari veut se fair~
payer doit profiter non à lui-même, mais à la femme seule~eot, il
est naturel que le délégué puisse se refuser à payer ce qu il pourrait refuser à la femme.
2• Le premier mari délégué comme débiteur de la dot au s~cood
mari peut lui opposer l' exception in id quod {acere potest , ~~il eût
pu opposer à la remme (L . 32 D . Solul · matrim ,\. Cette
. décision
,
. est
exceptionnelle, et on ne voit pas comment on po~rra1t l expliquer.
Ainsi en principe le délégué quoique non débiteur d ~ la ~emme
est absolument tenu envers le délégataire, envers le mari. N aurat-il pas un recours contre sa prétendue c reancière? Les deux
lois 9 § l D. de cond. causa dcita et 78 § 5 D . d. j. d. nous m0ntrent
qu'on ne le lui refuse pas plus dans la délégation dot~ ~ausa que
dans la délé!ration ordinaire. Le délégué aura une condichO contre
0
.
le délégant pour ce qu'il a promis ou payé indûment au man.
JI. _ La délégation a été ei;écutée par une dotis ditio. - Cette
hypothèse sera plus rapidement examinée que la précédente. L "erreur du prétendu débiteur de la femme reconnue, il ne sera pas
obligé, parce qu' il ne rentre pas dans Ja catégorie des personnes
qui peuvent user de la do tis diclio. Il en serait autremen~ . ce pendant si ce prétr.ndu débiteur était le père ou d'u ne mamere pl us
aénérale un ascendant màle uni par les mâ.les à la femme. En effet,
~dépendamment de la qualité de débiteur qu'il s'attribuait. à tort,'.'
possède réellement une autre qualité celle d'ascendant qui suffit a
elle seule pour le rendre apte à la diction. Dans ce cas, on appliquerait ce qui a été dit sui· la délégation exécutée par stipulation.
Ce qui précède nous permet d'expliquer la loi 46 § 2 D. d. j. d.
ainsi conçue : « Pater, etiamsi {also e.xistimans se fili<E Stkli debitorem esse dotem promisisset, obligabitur. » Le j uriscons ulte devait
a voir écrit dirisset a u lieu de promisisset, et comparait le cas où la
dot a urait été dite par le père, à celui où elle aurait été dite pa1· un
-
49 -
étranger, le père et l'étranger se croyant à tort débiteurs de la
femme.
B. - Délégation dotis causa antérieure au mariage. - La
délégation sera conditionnelle, subordonnée à la condition s uspensive <( si nwpti<e sequantur. »
a. -
Effets pendente conditione.
1• L'obligation du débiteur de la femme envers le mari (du délég ué envers le délégataire) sera conditionnelle. Donc le mari ne
pourra pas pendente conditione agir contre lui.
2° L'extinction de l'obligation du débiteur envers la femme (du
délégué envers le délégant) sera conditionnelle aussi. En réalité,
l'obligation existe toujours, elle ne sera éteinte que lorsque la condition se réalisera et si elle se réalise. De là Labéon concluait que le
débiteur pouvait avant le mariage être poursuivie par la femme qui
demeurait encore sa créancière, et qu'alors il ne deviendrait pas
débiteur du mari si le mariage s'accomplissait. Mais Javolénus
prévoyant cette question en matiére de délégation conditionnelle en
dehors de la délégation dotis causa décidait au contraire que pendente conditione l'ancien créancier ne peut pas agir (L. 36 D. de reb.
cred. ). Et il n'hésite pas à transporter cette décision en la matière en
qualifiant d'erreur l'opinion de Labéoo. Il fait remarquer qu'en
attendant le mariage les deux obligations sont en suspens (L. 80,
83 D. d. j. d.). Il faut aller plus loin encore et décider avec Paul
(L. 60 § 1 D. de cond. inaeb.) que le délégué qui aurait payé avant
le mariage aurait le droit de répéter ce paiement.
b. -
Réalisation de la condition.
Le mariage étant célébré, tout se passe comme si la constitution
de dot étoit pos tériew-e au mariage.
4
�-
50 -
c. - DC{aillance de la condition.
Si le débiteur délégué n'a rien payé au sponsus, pas de difficultés : la nouvelle obligation (du délégué envers le délégataire) n'aura
jamais pris naissance et la prcmièr·c (du délégué. envers le délégant)
sera rétablie dans son premier étai. Il semble pourtant que les
principes de la novation devraient permettre a u débiteur d'opposer
l'exception doli ou pacti conventi (Gaïus III, 179). Il n'en est rien
cependant : dans le cas de novation par adjectio conditionis le débiteur ne peut opposer cette exception qu'autant que la stipulation a
été faite inter casdem pu-sanas (L. 30 § 2 D. de Pactis). Or dans
notre hypothèse il y a changement de créancier. D'ailleurs ce
resultat e t conforme à l'intention des parties, car il est évident
que, si la fiancée voulait faire un avantage à son futur mari, elle
n'entendait pas gratifier son débiteur.
~[ais qu'arrivera-t-il si le débiteu r délégué a payé entre les
- 51 promis a~a~t défailli, il se trouve avoir payé sans cause. il a donc
une condwtio contre le fiancé.
,
3• . L~ délégué n'était pas débiteur de la femme et le savait. La
condictw
. ? p arce que
l'
t sera
. alors intentée par la femmP.·· p ourquo1.
1
ar~en u1 appartienclrait, nous dit le jurisconsulte. En effet ce
serait une donation que le prétendu débiteur aurait voulu lui faire
et elle sera réputée avoir reçu de celui- ci l'argent et l'avoir compté
elle-~ême à son fiancé. Cette Mcision est confirmée par Paul dans
la 101 9 D. de condict. causa data.
SECTION'
I"V"
Autres modes de constitution de dot
mains du sponsw;? Il faut avec la loi 7 D . de cond. causa data distinguer trois hypothèses :
1° Le débiteur délégué étail véritablement débiteur de la femme.
Si le mariage manque la condition sous laquelle il a promis au
fiancé est défaillie et il est resté débiteur de la femme. Il aura donc
une condictio pour répéter ce qu'il a payé, et il pourra lui-même
étre poursuivi par ln femme, qui a conservé contre lui laction de
sa créance pr·imitive. Mais comme i! ne serait pas juste qu'il sou fîrit
de ce qu'il a fait poul' se conformer ü la volonté de sa créancière
qu i le délégait, il sera tenu non de payer à relie-ci et de courir luimême la chance de l'insolrnbil1lé du fiancé, mais de cé<ler sa condiction contre ce demier.
2° Le délégué se croyait débiteur de la femme et cependant ne
l'était, pas ou pouvait se défendre par une exception. ll pourra
répéter ce qu'il a payé, car, la condition tacite sous laquelle il a
No us ven~ns ~'énumérer et d'étudier les trois procédés compris
dans la classification des jurisconsultes: dos datur, dicitur , promittitur. Mais ces procédés ne sont pas les seuls.
A. -
Acceptilation
Quand le mari débiteur de l~ femme ou de toute autre personne
dit à son créancier : « Tenez-vous pour reçu ce que vous me
devez », et que ce dernier répond: « J e le tiens pour reçu», le tout
dans l'intention de constituer une dot, éest comme si le mari avait
payé à son créanciet· le montant de sa dette et que celui-ci l'eùt
ensuite compté en dot au mari (L. 41 § 2 D. d. j . d.).
�-
52 -
Effets de l'acceptilation dotis causa.
a. - PO TÉRŒURE AU MARIAGE.
L' acceptilation produ ira son elfet ordinaire, la dette ser a éteinte
ipso jure.
Mais no us avons vu que la femme ou l' un de ses ascendants
patern els uni à elle par des mùles, créancier du mari pourruit au
heu d" employer l'acceptilntioo faire usage de la dolis dictio. La
diction produira-L-elle le mème effeL que l'acceptilation, éteindrat-elle la dette ipso jure? Ma rcell us décide dans la loi 44 § 1 qu e la
diction ne donnera naissance qu'à une exception comme le ferait un
pacte de non petcndo. Mais des te).tes nomb reuÀ prou vent que l'opinion de Marcellus était réprouvée par plm,ieu rs ju riscons ul tes .
:\'ous ayons déjà rn que la loi 46 § l où la fe mme se constitue en
dot (( quod mihi debes aut fundus sempronianus » suppose qu e la
dotis dictio opère ipso jure. P aul partageait cette opinion (L . 25 D.
d. j. d.). Tryphoninus cornl'aruit l'effet extinctif de la dotis dictio à
celui du paiement (L . 77 D . eodcm ,. E nfin Vénuléius dans la loi 31
D. de nov. su ppose une obligation corréale activement existant a u
profit de Prima et Secuodus et ayant pour obj et un fonds. Prima
va épouser le débiteur commun Titius et « nuptura ipsi doti fundwm
promittit ». En pareil cas, dit le j urisconsulte, « debitor ab utroque
liberabitur ». Il est évident malgré le texte de la loi que Vén uleius
parlait d' une dictio et non d'une promissio. En effet, si P rima faisait
une pr omesse, tout au plus pourrait-on comprendre q ue la dette fût
éteinte par l'exception de dol fondée s ur la constitution de .MarcAurèle. D'ailleurs les principes de la stipulation devra ient la faire
déclarer c ulle a u moins le plus souvent : en effet, personne ne peut
stipuler sa propre chose (Iost. III, t. 20, § 2); si donc nous supposons, ce qui arrivera fréq uemment, que le mari possède la chose
dont il est débiteur, la stipulation que s uppose le texte de la loi 31
ne produirait aucun effet. Au contraire dans l'hypothèse d' une
-
53 -
dictio faite par Prima au débiteur de son futur mari , tout s'explique
par faitement, si l'on admet que Vénuleius pensait que la diction
émanant du créaneie,r a u profit d u débiteur équivaut à J'acceptilati on.
Une question se pose ici. P uisque la dicti on et J'acceptilation
produisent le même effet, po urquoi recourir à la diction et ne pas
se servir du mode usuel de l'acceptilation ? Peut-être la form ule de
la diction était-elle moins compliquée et plus commode et en pratique la préférait-on. P eut-être aussi et cela parait vraisemblable la
diction était-elle un mode plus général d'extinction des obligations,
en ce qu e l' acceptilation pour être valable suppose une obligatio
verborum , alors qu'aucun te:xte ne semble r estreindre l'emploi de
la diction.
b. -
ANTÉRIEURE AU MAlUAGE
On peut compr endre sur l'effet de I' acceptilation clotis causa antérieure au mariage deux théori es :
I. - La dette ne sera éteinte qu'autant que le mariage sera célébré.
Nous avons vu que d'ordinaire l'acte par lequel la dot est constituée antérieurement au mariage est conditionnel. Peut-il en être
a insi lorsque la dot est constituée par acceptilation? La raison de
do uter est que la loi ï7 de 1·1•g. juris cite l'acceptilation parmi les
actes gui ne comportent ni terme ni condition, mais la loi ajoute
aussitôt : <c Nonnunquam lamen. aclus suprascripti tacite recipiunt
quœ aperte comprehensa iiitium adferunt >>. Or il est certain que
l'acceptilation c.:omporta1t le terme et la condition tacites; bien plus
l' acceplila tion conditionnelle parnit a mir été d'un usage a ~sez pratique. Donc il est naturel que la condition, qui dans notre espece
résulte de la nature de l'opération, ne vicie pas l'acceptilation.
Dès lor s il est facile de détcrmioct· les effets que nous cherchons :
�-
54 -
t • ?endente conditione, le constituant ne pourra pas agir contre
le mari, quoique la dette C::\Ïste encore et qu'elle ne s'éteigne
qu'avec la célébration du mariage.
2° La condition se réalisant, l'obligation est éteinte. Rappelonsnous que conformément à une théorie qu e nous avons émise plus
haut et dont nous avons trouvé l'indice dans un texte d'Ulpien (L. 9
§ 1 D. d. j. d.) l"acceptilation sera non avenue si le créancier décède
pendente conditione.
3° Si la condition vient à défaillir , l'acceptilation ne produit
aucun effet et l'obligaiion reste dans son premier état (L. 43 pr. D.
d. j. d.) .
li. - /,'acceptilation produit immédiatement son effet. - Si le
mariage est célébré cetle situation sera définitive. S' il manque,
l'obligation ne r evivra pa s, car aucun texte ne nous permet de
croire à la possibilité d'une acceptilation sous condition résolutoire,
mais la femme, si elle a elle-même constitué la dot, aura une condictio (L. 10 D. de condicl. causa data). Si la dot a été constituée par
un tiers, à qui appartiendra cette condictio ? La loi 46 § 1 D. d. j. d.
fait une distinction et la donne à la femme ou au constituant selon
que ce dernier a vou lu ou n'a pas voulu faire une donation à la
femme à tout événement. Il semble bizarre que la femme ait une
condictio sine causa ou ob causam dati causa non secuta, alors
qu'elle n'a rien donné à son fiancé. Mais le juriscons ulte justifie sa
décision : on doit se figurer que le fiancé a payé au constituant le
montant de la créance, que la femme l'a reçu de ce dernier et qu'elle
l'a ensuite donné a u mari. Sans cette fiction la femme acquerrait la
-
55 -
consacrée par la loi 43 pr. D. d. j. d., l'autre par la loi 10 D. cle
cond. causa clata. Dans quel cas appliquer a-t- oo le premier de ces
textes, dans qu el cas le second? On a proposé de distinguer si l'acceptilation est faite par la femme ou un étranger. L a femme hâtant
le mariage de ses vœux et le regardant comme sur le point de se
foire veut donner la dot sur le champ et entend que l'acceptilation
produise immédiatement son efTet. Le créancier étranger moins
empressé ne veut libérer son débiteur qu'au moment du mariage.
Cette distinction qui parait rationnelle est contredite par les textes :
car ·la loi 43 pr. suppose é\•idemment l'acceptilation faite par la
femme, le juri cons ulte ne traite de l'acceptilation faite par un
étranger qu e dans le§ l. Cujas avait admis un système qui est
a u~si rationnel et qui semble fondé. Pour lui tout dépendait de l'intention des pat·tics : ont-elles vou lu que la dette fùt éteinte de suite?
L a loi LO de cond. causa dala recevra son application; ont-elles
préféré que la dette ne soit éteinte qu'au moment où le mariage
sera conc lu , la loi 43 p1·. d. j. d. régira cette hypothèse.
De l'acce ptilation dotis causa on peut mpprocher le pacte de non
PetenJo (L. 12 § 2 D cl. j. d). Supposons un mari débiteur de sa
femme : elle convient avec lui <ju'il gardera en dot ce qu' il doit, ce
qui revient à dire qu'elle n'agira plus par l'action de sa créance,
mais qu'elle agira, le cas échéant, par l'action de dot. Le mari ne
sera pas libéré ipso jure, comme il le serait si la femme avait fait
acceptilation, mais il a pom· se défendre contre l'action que la
femme voudrait exercer en \'ertu de sa créance l'exception pacti
conventi. C'est donc en somme comme _'i l était li béré, comme s i
ayant payé sa dette il en avait re<:u le montant à titre de dot.
condiction par une personne étrangèr e, ce qui est impossible; la fiction du jurisc~nsulte permet donc de consacrec la volonté des parties sans violer aucune r ègle de droit.
B. - Renonciation à un avantage déféré par disposition
de dernière volonté
Voilà les deux manièr es dont les jurisconsultes romains envisagent 1'acceptilation dotis causa antérieure au mariage. L'une est
La loi 14 § 3 D. de {u11do dot. pré' oit trois cas Jans le quels la
constitution de dot au ra l ~eu de cette manière: t• Si [undum legatum
�-
56 -
- 57 -
sibi dotis causa mulier repudiavcrit, vel etiam substitttto viro omi.se-
rit hereditatem vel legatum, erit fundus <lolalis.
>)
1° Le mari est institué héritier par un tiers. La femme légatair e
renonce à son legs dotis constituendœ causa. Le mari r ecueillera la
chose léguée, qui sera dotale.
2• La femme est instituée héritière par un tiers ; le mari lui est
substitué vulgairement (L. 14 § 3 D. de fundo dot. ) ou serait appelé
à l'héréruté si le tiers était mort ab intestat (L. 5 § 5 D. d. j . d.). La
femme répudiant l'héréruté dotis causa, le mari la recueillera et les
choses héréditaires ser ont dotales.
:~· Ce cas est la répétition du précédent en matière de legs. Un
legs est fait à la femme à cette condition que à défaut de la femme
c'est le mari qui le r ecueillera. La femme pourra refuser le legs
<lotis constitue~ causa.
4° Enfin on pourrait constru ire une autre hypothèse que le jurisconsulte n'a pas prévue. Le testateur institue héritiers le mari
et la femme, ou encore légue le fonds Cornélien conjointement a ux
deux époux. La femme pourra répudier l'hérédité ou le legs dotis
causa. Ici c'est la moitié seulement de l'hérédité ou du legs qui sera
le même mari que par une nouvelle convention. Mais cette convention est toujours présu mée à moins qu'il n'apparaisse une volont~
contraire (L. 30 D. d. j. d.) . D'où cette conséquence, nous dit la
loi 13 D . d. j. d., que, si pendant la durée du nouveau mariage elle
intentait l'action ex slipulatu ouverte en sa faveur a u moment de
la disso lution d u pr emier, elle sera repoussée par l'exception de dol.
Mais cette présomption cesserait.
1° Si la femme avait dans l'intervalle des deu:x mariages agi en
restitution (L. 13 D. d. j. d. . Il faut qu' elle ait laissé la dot chez
celui qui fut son mari et est destiné à le redevenir.
2° Si elle avait révoqué l'acte dotal : « revocatis instr-umentis.
(L. 40 D. d. j. d).
,>
Notons que la présomption subsisterait si, dans l'intervalle qui
sépare le divorce de son nouveau mariage avec son ancien époux
la femme avait épousé un autre homme, pourvu que les deux condi-
tions indiquées fussent r emplies (L. 64 D. d. j. d.;.
La nouvelle dot comprendra en principe ce que comprenait l'ancienne. Cependant :
dotale.
Les exemples précédents pourraient laisser croire que ce mode
de constitution est ouvert à la femm e seule . Ce serait commettre
une erreur: la loi 5 § 5 D. d. j. d. s uppose qu' une héréruté soit
1° Elle comprend en outre les intér êts que le mari pourrait devoir
à la femme en vertu d' une convention accessoir e pour le temps
intermédiaire compris entre la dissolution et le renouvellement du
déférée au père, son gendre étant substitué vulgaire ou héritier
légitime, ou qu'un legs lui soit fait, le gendre étant héritier, et elle
décla re que le père pourrait en répudiant l'hérédité ou le legs constituer une dot à sa fille.
mariage (L. 69 § 2 d. j. d.). C'est une ll.pplication du principe que
les fruits perçus avant le mariage font partie de la dot (L. 7 § 1
d. j. d.) .
C. - Constitution tacite de dot
Les textes nous en donnent. deux exemples :
a. - La dot qui a été constituée po ur un premier mariage ne
devient dot du second mariage contracté par la même femme avec
2° La nouvelle dot ne comprend les biens que comprenait l ancienne que sous réserve des droits des tiers. Et nous trouvons au
Digeste deux applications de ce principe rationn€1, consacré dans
une matière qui oŒre une analogie un peu lointaine avec la nôtre
par l'A. 1451 du Code civil :
Loi 64 D. d. j. d. -
i le premier mari lors du ruvorce s'ét<üt
�-
58 -
lai sé déléguer à un tiers, ce dernier ne serait pas privé de sa
créance parce qu'il aurait plu aux époux séparés de se réunir.
Loi 63 D d. j. d. i certains biens dotaux viennent d' un tiers
qui a st ipulé qu'ils lui serail•nt 1·endus it la dissolution du mariage,
le divorce a ouvert en sa faveur une ac:tion, dont la réconciliation
des époux ne saurait le pri ver. Pour que les choses par lui données
fussent de nouveau dotales, il faudrait qu'il y consentit, et s'il
venait ensuite à agir aprè la réunion des époux, il se verrnit opposer avec succè l'exception de dol fL . 29 pr. D. de pact. dot.;. Notons
qu'il n'en serait pas ainsi si au moment du premie r mariage la
femme avait elle-même constitué la dot et permis à un t ie rs de la
stipuler. En effet dans cette hypothèse le tiers n'anrait pu intervenir que comme mandataire ou comme donataire à cause de
mort : le mandat et la donation mortis causa étant r évocables à
volonté, le tiers n'aurait pas un droit opposable à la femme (L. 63
D. d. j. d., l. 72 § 2 eodem ).
b. - (L. 39 D. d. j. d. ) Une esclave épousant un esclave a donné
en dot certains biens à son prétendu mari. Ces biens ne sont pas
réellement dotaux, car il n'y a pas de <lot sans justes noces; ils ont
seulement pa séau moins en fait du prcule de l'u ne dans le pécule
de l'autre. Plu tard les deux esclaves sont aITranehis, ils persistent
dans leur rnlonté d'être unis en mariage et désormais il peut y
avoir une dot. Les c hoses li vrées à cet effet avan t l'affranchissement, si elles existent encore, seront dotales en vertu de la convention tacite r ésultant de la persistance de la volonté primitive. 1l en
serait de même s i au lieu de supposer deux esclaves qui s'unissent
il s'agissait d'une femme esclave et d'un hommr libre. C'est sui·
cet.te hypothèse <JUe pré\'OÏt lu loi 67 D. d. j. d. que nous allons
raisonner dans les développements qui suivent.
Dans ce cas de constitution ta('ite de dot il faut enco r e réserver
le droit des tiers . L e ticl' · dont nous avons à nous préoccuper ici
est le propriétaire de l' escla ve 1 qu i n'a pas pu être dépouillé de la pro-
-
59 -
priété des choses données en dot. Aussi la loi 39 pour qu'il y ait
CQnstitution tacite de <lot suppose que l'esclave a été affranchie
peculio non adempto.
Qu'arriverait-il si en l'aITranchi::.sant le maître avait retiré le pécule
comme le prévoit Proc ulus dans la loi 67 ? Il serait resté propriétaire des choses, de l'argent par exemple, données en dot. Aussi cet
argent n e peut pas devenir dotal et J' esclave affranchie ne pourrait
le r éclamer au mari ni par l'action rei uxo1·iœ qui suppose une dot,
ni par la condictio ob rem dali qui suppose une translation de propriété qui dans l'espèce n'a pas été effectu ée. Mais le patron pourra
le r evendiquer au mari.
Mais il fa ut prévoir le cas,
1° Où le mari de bonne foi en aurait acquis la propriété par usucapion. - Son usucapion procèdera au titre pro dote, s'il a usucapé
a près l'affranc hissement. Dès qu'il en aura acquis la propriété la
c hose sera devenue dotale et à la dissolution du mariage la femme
aura le cas échéant l'action rei uxoriœ.
P ourrait·1l usucaper avant l'aITranchissement, c'est-à- dire avant
que leur union soit devenue un mariage civil? Sans doute il n'a pas pu
usucaper au titre pro dote, n'a- t-il pas pu le faire au titre pro suo?
Proculus dans no tre texte l'admet, Ulpien au contraire le repousse
dans la loi 1§3 et 4 D. Pro Dote:« Si putavitmaritus esse sibi malrimo-
nium, quum non esset, usucapere cum non posse, quia nulla dos sit. »
Il y a donc contradi ction entre les jurisconsulte ; mais, s'il semble
impossible de concilier leurs te~te , on comprend cette divergence.
On connait le principe inscrit aux Institutes : « Error faisœ causœ
usucapionem non parit. » Ce principe ne fut pas admis sans peine
par les jurisconsultes et le Digeste a laissé subsister les trace d'une
t.:ontroverse sur la \'aleur du ju te titrn putatif. Ulpien admettait
l'opinion consacrée par J u:.timcn (L. '27 D. de usurp. cl usuc.), aussi
ne poL' vait-il pas profe ser que la croyance du mari à la validité du
mariage servft de base it l'usucapion. Proculus devait partager
�-
-
60 -
l'opinion contrair e ; aussi permettait -il au mari d'usucaper non au
titre pro dote q ui s uppose un mariage, mais au titre pro suo, qualification employée quand la cause d'acquisition bien que juste n' a
pas de dénomination propre.
Donc dans l'opinion d'Ulpien, le patron a conservé l'action en
revendication. Qu'en était-il dans l'opinion de Proculus ? Il décidait
que le mari devenu propriélaire gard era it l'argent pour lui , la femme
n'ayant aucune action pour le lui réclamer. Cette décision n· est pas
bien logiq ue . On comprend que dans le système d u jurisconsulte
il n'y ait pas place pour l'action rei u.'toriœ, le mari ayant usuca pé
au titre pro suo et non a u titre pro dote. Ma is la femme a dù acquérir la condictio causa d.ata, car, si par hy pothèse elle n'a pas transféré la propriété au mari, celui-ci l'a a u moins acquise par usucapion et cela suffit aux termes de la loi 13 pr. D . de mort. causa
donat. Proculus aurait donc dù réserver l'exercice de la condictio,
et le réserver non au profit de la femme comme le raisonnement
précédent pourrait le faire Cl'Oire, mais au profit du patron : car la
femme étant esclave lorsque l'usuca pion s'est accomplie a dù acquérir la condictio non pour elle mais pou r son maitre.
2° Où le mari a employé l'a rgent donné en dot.
Etait-il de bonne foi? Luc1·i{ecit, dit Proculus avec ra ison. Car la
femme ne pourra pas in voqu er l'action rei uxoriœ, et le patron ne
pourra ni alléguer la condictio acquise du chef de l'esclave puisqu'il
n'y a pas eu datio, ni intenter l'action en revendication ou l'action
ad exhibendum puisque le mari ne possède plus les choses données
en dot , nec dolo {ecit quominus possiderel.
Si au contraire il était de mauvaise foi, le patron aurait sans difficulté l'action ad exhi/Jendum.
O. - Acte pour cause de mort (Legs pet damnationem).
Supposlins qu'un père avant de mourir lègue une certaine somme
pour doter sa fille. Deux cas sont a considérer :
61 -
1° Le père a v11.it antérieurement promis une dot pour sa fille
(L . 29 D. d. j. d. ). Alors la constitution de dot était antérieure à la
mort du père et nous n'avons pas à examiner cette hypothèse.
2• Si le père n'avait pas antérieurement promis de dot. la loi 48
S 1 D. d. j. d. décide que le gendre et la fille auront tous deux en
vertu de ce legs l'action ex testamento, car ils tirent l'un et l'autre
avantage de la dot. Mais il faud ra s'arranger pour que la somme
l éguée ne soit pas exigée deux fois et r emplisse sa destination qui
est de servir de dot . Aussi P api.nien dans la loi 71 S3 D. De condit.
et demorislr. prend-il des pl'écautions que nous devons indiquer
sommairement :
0
J P endant le mariage, le mari peut demander la dot sans qu'il
y ait aucune précaution à prendre. Quant à la femme l'héritier ne
devra lui livrer la chose léguée qu'en s'assurant qu'elle l'emploiera
à se doter. Si elle r efuse de donner des garanties à cet effet, elle
sera repoussée par l'exception de dol.
2° Avant le mariage, le futur mari peut demander le legs, car il est
pur et simple, mais il doit donner caution d'en rendre le montant à la
femme s'il refu se de l'épouser . S'il refusait de l'épouser, la femme
seule pourrait réclamer le legs et il serait 1ui-rnême repoussé par
l'exception de dol.
:1° Après la dissolution du mariage l'héritier peut payer le legs
au mari sans exiger de caution. Le paiement ainsi fait le libérer a
même à l égard de la femme, la somme payée étant devenue dotale
et la femme pouvant la réclamer par l'action rei u.xor~.
�-
62 -
CHAPITRE III
Du caractère de la constitution de dot
La constitution de dot est-eUe un acte à titre g r atuit ou à titre
onéreux ? Cette question a soulevé en droit français une controverse qui n'est pas encore éteinte. En d roit R omain q u' en étai t- il ?
Nous examinerons séparément cet te qu estion 1° à l'égard d u constituant, 2° à l'ég ard du mari, 3° à l'égard de la femme.
Caractère de la constitution de dot par rapport au
constituant .
Si le constit uant était une de ces personnes qui sont dans l' obligation légale de doter la fille, l'acte était à tit re onér eux. On peut
en conclure qu e le constituant n'était pas libéré si par suite d'évic..
tion le mari ne recevait pas ce q u'il aurait dQ lui donner.
Si a u contraire la constit ution de dot avait été faite li brement,
nullo jure cogente, la question changeait de face, et on devait la
considér er comme faite à titre gratuit, car le mari ne contracte
aucune obligation envers le constituant. Ce serait une err eur en
effet de considérer comme telle le devoir du mari de supporter les
charges du mariage, car l 0 l'obj et de ce devoir est trop vague et
-
63 -
indéterminé pou r former la base d' une obligation civile, 2° ce devoir
résulte du fait du mar iage et non de la r éception de la dot, 3° il
n'existe pas vis à vis <lu constit uant mais vis à vis des personnes
qui fon t partie du ménage. Aussi il est probable qu e la constitution
de dot n'entrainait dans le principe aucune garantie en cas d'éviction; cependant comme le ma ri ne s'est soumis â supporter les
charges du mar iage que dans l'espérance de recueillir la dot on
chercha il le favoriser autant que l'économie du dr oit romain Je
permettait. De là la constitution de Sévère et de Caracalla (l. 1 C.
d. j d.), texte fondamental de la matière.
« Evicta re qU<'P {uerat in dotem data, si pollicitatio vel promissio
{uerit interposita, gener contra socerum vel mulierem seu lteredes
eorum condictione vel e.t stipulation.e agcre polest. Sin autem mllla
pollicilalio vel promissio intcrresserit, post wictionem ejus, si quidem
1·es œstimala fuerit, ex emplo competit actio. Sin vero hoc non est factum, si quidem bona fi.de eudcm ns in dotem data est, nulla marito
cornpetit actio. Dolo autem danti.s inlerposito, de dolo actio adversu.s
eum locum habebit, nisi ri m uliere dolus interpositus sit; tune enim,
ne famosa aclio adversus eam detw-, in factum aclio competit. »
L a dot peut avoi r été constituée de différentes manières :
1• La constit ution de dot a consisté dans une création d' obligatior. au pr ofit du mari. Les empereurs supposaient probablement u ne obligation créée soit par dictio soit par promesse.
La diction ayant disparu dans la législation de Justinien, les compilateurs ont substitué dans le texte le mot pollicilatio au mot de
dic "J . Ce terme de pollicitutio n'est pas heureusement choisi : il
désigne une promesse émanant d' une seule volonté sans le concours
de volonté du créancier (D. L 12), promesse qui n'est obligatoire
q ue dans des cas exceptionnels, et la constitution de dot n'est pas
au nombr e de ces cas. Ce ruot est sans doute employé dans le
sens im propre de convention non revêtue des formes de la stipulation. Cette explication est vraisemblable si l'on se rappelle que
�-
64 -
Théodose U et Valentinien I II pour exprimer leur r éforme se sont
-
65 -
ser vi de ce mot (L. 6 C. V , t I).
.
Le mari est devenu créancier du constituant; après avoir ~eçu
ragés à fonder une famille devaient comp ter sur des r essources
ass urées.
la chose due il en est évincé, le paiement est nul. Il a ~e droit de
·
d nouveau en paiement le constituant débiteur de la
poursmvre e
. .
, .
.
dot : le texte lui accorde à cet effeL la cond_wtw ou l a~lw ~x sttpu. t éf1'alernent une condicLio le man exercera l action de la
latu qw es o
'
.
. .
dette primitive. soit condictio ex stvpulatu, ~oit cond~clw e~ lege. . .
2• La dot a été constituée au moyen d une dation, c est à di1 ~
d"un acte translatif de propriété sans obligaLion p réalab le. Le man
vincé a-t-il un recou rs? Il fa ut disting uer . Ou la chose donnée
est é
,
.
l' ·
a été estimée, ou elle ne l'a pas été. ,Dans le premier cas est ima.
tton
vaut ,.·e-nte ·· l'opération se décomposant en une vente et
. une
·
t'
dot
du
prix
le
mari
est
à
l'égard
du
constituant
const1tu ion en
· ,
, . .
, Ce~endant la doctrine précédente semble contredite par
texte
d Ulpien (L . 34 D. d. j . d. Vatic. fragm . 269). Une mère a
donné un obj et en or à sa fille pour qu'elle s'en serve . l a mère a
conservé la propriété de cet obiet Le père sous 1
· '
d
·
J
•
a puissance e q u1
se trou ve la fi lle croyant avoir acquis cet objet par sa fille le donne
en dot à son g endre ~t le pèse en le donnant. La lnëre meurt ens uite.
SI cet obj et a été donné contre le gré o u à l'insu de la mère l' héritier de la mère peut le revendiquer. La dot sera diminué~ et le
m~ri évincé a un recours contre son beau-pèr e. Il semble au pre-
dans la situation d'un acheteu r , il a l'action empli en cas d é:1cti0n.
Dans le second cas, le mari évincé n'a pas de reco urs à moms q.ue
le constituant n'ait agi de mauvaise foi ; si Je constituant, connaissant la cause d'éviction et la cachant, s'est rendu co upab le de do l,
le mari victime a soit l'action de dolo cont re toute autre_pe~sonoe
qu e sa fomme, soit contre sa femme !" action in (actwrn, q ui lui épa1·C1'ne l'imputation d'u n dol et l'infâmie.
La loi l c. d. j. d. confi rme donc ce que nous avons dit : la
constitution de dot par elle-même n'emporte pas obligation de
0
garantie. Le mari évincé n'a de rerours contre le co_nstituant qu~
dans certaines hypothèses et en verLu de causes accidentelles qm
se rencontrent dans le mode de constitution. Il reste encore un cas
où il n' a aucun recours: c"est lorsque la Jot consiste dans un corps
certain donné et que le constituant s'est cru propriétaire. Dans ce
cas rien ne vient modifier l'application des princi pes : le constituant
est un donateur, il n'est pas tenu à garantie. Les jur isconsultes
romains n'ont pas été touchés a ussi vivement que le législateur
français de cette considération que les fut urs épou:' pour être encou-
un
mier abord que dans la pensée d'Ulpien de l'éviction de toute chose
dota le d écoule a u profit du mari une action contre le constituant.
Mais il faut r emarquer que lobjet a été pesé au moment de la donation, c'est- à-dire qu' il a été estimé d'après son poids. L'estimation
éq uivaut à une vente et le mari à l'aètion ex emplo. Nous sommes
on le voit, dans l'une des hypothèses où le mari évincé a un recours:
notre t héorie est confirmée.
C'est également à une de ces hy pothèses spéciales que Justinien
a sans doute songé lorsque dans une constitution célèbre il a ètablj
une hy pothèque génér ale sur les biens du constit uant pour assurer
non seulement Je paiement de la dot promise, mais encore le r ecour s
à exercer par le mari en cas d'éviction : <.< Ut plenius dolibus subve-
niatur..... in Jiujus moc(i actione damus ex utroque latere hypothecam,
sive ex parte mariti p1·0 reslitutione dotis, sive ex parte mulieris pro
ipsa dole pr:estanda, vel rebus evictis : sive ipsœ principales person.1!
dotes dederint, vel promiserint, vel susceperint, sive ali<B pro his personœ.... » L . ( § l C. de rei uxor. actione;. L a phrase est embro uillée, les mots ex parte mulieris pourraient faire admettre que l' hypothèque légale n'est étab lie que s ur les biens de la femme et non
cl' un a utre constituant, ma is lu fin du passage prouve que le légis la_
;)
�-
66 -
teur se préoccupe d'assurer le paiement de toute dot quel qu'en
soit le constituant : c'est ainsi que l'innovation de Justinien a été
comprise.
pas
67 -
donatair~.
Telle est l'opinion de Labéon approuvée par Paul
8.1- D. d. j. d.). Mais on pourrait opposer à cette loi un texte
d ?lpien à notre titr.e (L. 33 d. j. d.). Un extraneus après avoir promis une dot au mari
devenu insolvable, la femme ne peut pas
reprocher à son mari de ne pas l'avoir poursuivi : « Car dit-il il
(~.
:st
SECTXC>N'
X :C
Caractère de la Constitution de dot par rapport
au mari
Il résulte d'un ensemble de textes que par rapport au mari la
constitution de dot n'est pas un acte à titre gratuit, mais un acte à
titre onéreux.
De là des conséquences nombreuses :
1° Au point de vue de l'action Paulienne, comme nous le verrons plus loin.
2° En matière de délégation (L. 78 § 5 D d. j . d. - L. 9 § 1 D.
de cond. causa data-) . Nous avons déjà vu que si l'on s'est servi de
la ·délégation pour constituer une dot les jurisconsultes r omains
étaient unanimes à voir dans la personne du mari un délégataire à
titre onéreux: <c Negotiwm m um gerit », dit Paul.
3° Un re crit d' Antonin le Pieux accordait au donateur le bénéfice
est,.nat~rel ~u'il
ait. a&"i avec modération à l'égard d'un d onate~r,
qu tl n aurait pu faire condamner que jusqu'à concurrence de ses
facultés.» Cujas a fait cesser cette contradiction apparente: il a montré que la traduction littérale que nous avons donnée est inexacte
~t qu'.il faut lire.: «.Que la femme n'aurait pu faire condamner que
3 usq~ à .... » Ainsi entendue la loi est facile à justifier: elle laisse
subsister ce que nous avons dit sur le caractère onéreux du droit
du mari, mais elle déclare en même temps que la femme est consi1
dérée c~n:ime do.nataire : nous verrons en effet dans la suite que
cette opm1on avait des partisans à Rome.
La dot aétéconstituée par le père de la femme. - Labéon lui r efusait le bénéfice de compétence ; Paul plus équitable le lui accorde
1u~is il ne le lui concède pas à raison de sa qualité de donateur, i l
fait valoir 1' alliance qui existe entre le beau-père et son o-endre.
1
L'alliance cessant avec le mariage qui lui a donné naissa~ce, la
logique aurait dû le conduire à retirer cette fa veur lorsque la
demande est formée après la dissolution du mariage; pourtant
l'équité fait ici fléchir le drpit, et le jurisconsulte déclare q u'il fa ut
avant tout avoir égard aux circonstances. Aussi il lui accorde le
bénéfice lorsqu'il ne s'en est pas rend u indigne en trompant le mari,
par exemple, en lui promettant une dot q u'il savait bien ne pas pouvoir donner (L. 84 D. a. j . d. - L. 2 1, 22 D. de re Judicata).
(Iost. IV, 6, § 38 ; L. 33 D. d. j. d ; L. 12 D. de
doiiat). Il semble donc que, lorsque la dot a été constituée par diction, pacte ou promesse, le constituant pours uivi par le mari pourra
lui opposer l'exception in id quod (acere polest. Il n'en est cependant
pas toujours ainsi et les textes soumettent la solution de cettequestion à plusieurs distinctions .
La dot a été constituée par la femme. - Elle ne sera condamnée
que in id quod ... Il es t bon de r emarquer qu'elle doit ce bénéfice à
sa qualité non de constituant, mais de femme. Il suffit, pour s'en
Si la dot a été constituée par un étranger , ce dernier ne pourra
p1:; profiter du rescrit cl' Antonin : car s'il est donateur le mari n'est
convaincr e, de voit· comment le jurisconsulte motive sa décision. Tl
observe qu'un associé peut l'opposer dans ses rapports avec ses co-
de compétence
�-
68 -
associés. Or, s'il n'y a pas, entre les époux, une société formelle,
le but pécuniaire qu'il s'agit d'atteindre, savoir de soutenir les charges du mariage, est un but commun aux deux époux. De là notre
loi 17 § t D. Solut. matri-m., de là a ussi la théorie ad.mise en droit
romain sur la prestation des fautes.
4° La défense des donations entre époux n'empêche pas que la
dot puisse être aug mentée ou constituée pendant le mariage.
5° On connait la cause d'extinction des obligations dont parlent
les Institutes à propos des legs, le concours de deux ca uses lucratives : « dwis lucrativas causas in eumdem hominem et in eamdem
1·em concurrere non posse. » Nous en trouvons une application dans
la loi 83 § 6 D. de verb. oblig. : «Si rem, quam ex causa lucrativa
stipulatus sum, nactus fuero ex causa lucrativa, evanescit stipulatio. Il S upposons qu' une personne me promette une chose pour me
faire une donation, plus tard cette chose m'est léguée, ou d' une
manière plus générale la propriété m'en est transférée sans que j e
donne rien en retour, evanescil stipulatio. Si la promesse m'a été
faite dolis constituendai causa, il n'en sera pas de même, car la
promissio dotis n'est pas une causa lucrativa, elle l' est si peu qu'on
corn pare le mari à un acheteur ou un créancier : (( Ex promissione
doiis, dit Julien, non videtur causa lucm tiva esse; sed quodammodo
creditor aut emptor inlelligitur qui dotern petit. Porro quum oreditor
aut emptor ex causa lucrativa rem habere cœperit, nihilominus integras acliones retinet, sicut ex contrario qui non ex causa lucrativa
rem habere œpit eamdem non prohibetu1· ex lucrativa causa pelere. »
(L. 19 D. de obl. et act.)
6° On sait que le patron pouvait r évoquer pour cause d'ingratitude la donation qu'il avait faite à son affranchi. Si un patron, dans
l'intention d~ faire une donation à son aO'ranchie, a promis une dot
au mari de celle-ci, l'ingratitude de la donatail'e n'empêchera pas le
patron de payer ce qu'il a promis a u mari, parce que ce dernier ,
-
69 -
receva nt la dot à titre onél'eux, nu doit pas souffrir de l'ingratitude
de la donataire (L. 69 § 6 D. d. j . d. - L. 24 C. d. j. d.).
7• Le mari, étant un acq uéreur à titre onéreux, il était naturel
qu'on fit courir de bonne heure les intérêts dus par le constituant.
De nos jours ils sont dus depuis la célébration du mariage; Justinien n'accorda a u mari le drnit de les réclamer que deux ans après
la célébration du mariage (L. 31 § 2 C. d. j . d.).
8° On sait que lorsque un créancier hypothécaire permettait à son
débiteur, détentenr de la chose hypothéquée,.. d'aliéner cette chose,
une fois l'aliénation fai te il ne pouvait plus intenter l'action hypoth écaire. Encore fallait-il que le débiteur n'excédât pas la permission donnée par le créancier , et .Marcien nous apprend que s1, le
créancier ayant permis de vendre la chose, le débiteur l'a donnée,
l'action hypothécaire ne sera pas perd ue. Mais si le débiteur l'avait
donnée en dot, le créancier serait déchu ; car, nous dit le texte,
cc vendidisse in hoc .casu recte videtur propter onera matrimonii "
(L . 8 § 13 D. Quibus modis pignus velhyp. solv.).
SECTION
III
Caractère de la constitution de dot par rapport
à la femme (action Paulienne)
On examine d'ordinaire cette question à propos de l'action Paulienne, dont nous allons d' une manière générale étudier l'application
à la constitution de dot.
L'action Paulienne avait pour but la révocation des actes faits
par uo débiteur en fraude de ses créanciers. Pour qu'elle réussit, il
fallait : 1° Que l' acte fait ptu· le débiteur en diminuant son patrimvine
�-
70 -
ellt augmenté ou occasionné so n insolvu bilité ; 2° (~u e le dëbiteur
eù t agi en connaissance de eau e ; 3° F a llait-il encore que le tiers
H ec lequel avait traité le fraudator eût connaissance de la fraude
commise ? Sur ce poin t les textes présentent une distinction que
l'on admet encore généralement de nos jours : si l'acte attaqué
constituait un e li béralité, on se contentait de la m auvaise foi du débiteur (L. 6, S 11 et1 3 D. Qiue in {rattd. cred.) ; si au contra ire il
était à titre onéreux on exigeait la participation du tiers à la fraude
(L. 6, § 8 eodem).
Cela posé, sup posons une personne insolrnb le q ui constitue une
dot à une femme. L es créanciers reconnaissent q u' un e fra ude a été
commise, ils veulent user de J"action P a ulienne ; a ppliquer a- t-on la
r ègle admise pour les actes à titre g rat uit o u la règle contraire ?
Il faut d'abord se demander contre qu i ils agiront. lis po urront
agir : 1° Contre le mar i, si le ma riage n"e t pas encor e dissous, ou
si le mariage étant dis o us la dot 1:st r estée ent1·e ses mains ; bien
plus ils pourraient encore l'actionner s'il avait restitué la dot, m ais
a lors il a urait un r ecours contre la femme par la condiccio indebiti,
à condition qu' il eût payé sans se laisser poursuivre (L . z!) § 1
eodem) . 2° Contre la femme si elle est suijuris o u contre son père
si elle est sous sa puissance. Cela n'est pas doute ux lorsque le mar iage étant dissous la dot a été r estituée ; cela est possible enco re
pendant la durée du ma riage (L . 14 in fine, 1. 25, § 2 in fine ), mais
dans cette hypothèse cette action leur sera bien moins pr ofitable
que celle q u'ils intenteraient contre le ma ri, car to ut cc q u' ils pourront exiger c'est que la femme o u le pèr e leur cède l'action de dot
o u bien leur promette de restituer la dot , s'ils viennent à la r ecueillir
(L. 14, 25 § 1 et 2).
Ainsi trois actions pourront être ouvertes, dont deux seront
ot1 r ertes concurremment, et que nous allons examiner séparément.
A. -
71 -
ACTION PAULIENNE I NTENTÉE CONTl\E L E
u ....
""'-Al.
Dans c~tte hy pothèse aucun doute ne peut s'élever. Le mari ne
sera passibl~ de cette action qu'autant qu'il sera complice d u fraudator. La 10 1 25 est formelle sur ce point.
~ans son ~ l elle suppose la dot constituée par le beau-pèr e et
décide : 10. Si le gendre seul a vait connaissance de la fraude il sera
tenu, 2• St le gendre ignorait la fra ude, la fille la connaissa~t il ne
sera pas tenu , 3• Si le gendre et la fille avaient conoaissanc; de la
fraude, il sera tenu, 4° Si le gendre et la fille l'ignoraient, il ne sera
pas tenu.
Dans son § 2 elle suppose la dot constituée par un extraneus et
ne donne action contre le mari qu'au tant qu' il aura été complice« si
scierie.
»
Cette décision ne doit d'ailleurs pas nous étonner : n·a,·ons-nous
pas vu que la constitution de dot est un acte à titre onéreux quant
au mari ? la dot n"est pour ainsi dire entre ses mains que le contrepoids des cha rges du ma riage. Il fa ut noter cependant pour faire
des r éserves le motif que donne Véoulèius dans le§ t où il suppose
la dot constituée par le père : il compar e le mari à un créancie1· qui
a r eçu de son débiteur le montant de sa dette. Le motif est exact
s'il veut seulement dire que le mari est acquéreur à titre onéreux,
mais il ne fa ud rait pas prendre cette comparaison à la lettre, elle
serait inexacte à un double point de vue: 1° Sans doute, nous
l'avons vu, le père est tenu civilemeat de doter sa fille, mais cette
obligation cxi ' te à l' égard de la fille plutôt qu'à l'ég.ard du gendre,
2° Si l'on considérait le mari comme un créancier proprement dit, il
faudrait en conclure q ue toute con titution de dot antérieure à la
missio in possessionem est inattaquable (L. 6 7 eotlem), ce qui serait
nne er reur , pui q ue le gendre de mauvaise foi est tenu de l'action
P aulienne.
�-
72 -
-
73 -
PAULIENNE INTENTÉE CONTRE LE PÈRE DE LA FEMME
2° Le mari et la femme étaient de mauvaise foi, elle peut être
actionnée.
Le père doit êtl'e complice de la fraude d'a près Vénuléius : << Tenebitur pater, si non ignoraverit ii (L. 25 § 2). Pourquoi? 8i l'on
3• Le mari et la femme étaient de bonne foi. « Quidam existimant
B. -
ACTlON
admet que Vénuléius exigeait dans l'hypothèse que nous examinerons ci-après que la fem me fût complice de la fraude, la raison de
cette décision est facile à donner. Sans do uLe c'est le père qui à la
nihilorninus in filiam dandam actionem, qtuia intelligitur quasi ex
clonatione aliquid acl eam pel'venisse ». « Quelques jurisconsultes
dissolution du mar iage agit en r estitution de la dot , mais il n'agit
qu'adjuncta filiœ persona; si l'action est intentée a u nom d u père,
elle n'existe q ue dans l'intérêt de la fi lle pour qu'elle tr ouve une dot
chez son père lorsqu'elle voudra se remarier . On comprend que la
pensent que l'acLion peut être intentée contre la femme on ta
considère comme ayant recu quelque chose comme par don~tion. ,,
La formule employée pal' Vénuleius dans ce texte nous montre
que cette question fit difficulté à Rome. Une controverse s'éleva
'
. . .
certa10s Juriscons ultes exigeaient la complicité de la femme d'au' fait
tres ne l'exigeaient pas. L'existence de cette controverse ne
complicité soit exigée, comme elle est exigée chez la femme quand
elle agit elle-même. Si a u contraire on pense avec certains interprètes que Vénuléius adoptait l'opinion contraire il est difficile de
donner une bonne raison, et on est forcé de constater dans les déci-
difficulté pour personne. Il nous reste à rechercher : Jo Quelle
était L'opinion de Vénuleius lui- même, 2° Quels étaient les motifs
qu'on invoquait de part et d'autre, 3° Quel est le système qui a
prévalu?
sions du jurisconsulte une contradiction entre cette hypothèse et
l' hypothèse suivante. On a bien essayé de d ire que le père devrait
constituer une nouvelle dot à sa fille dans le cas où elle se remarie..
rait, mais cette explication n'explique rien. Nous l'avons déjà dit:
c'est uni1uernent dans l'intér êt de la fil le que l'on a admis le père à
se fai re restituer la dot, or l'intér êt de la fi lle est a u moins aussi
considérable lor squ' elle est appelée à toucher elle-même la dot, que
lorsqu'elle n'en peut profiter que par l'intermédiaire du père, et
nous sommes fondés à remarquer avec étonnement que l'action est
pl us facilement accordée contre la fille que contre le père.
a. - Quelle était l'opinion de Yènuleius?
U ne lecture s uperficielle de la loi pourrait faire croire qu'il
approuvait l'opinion qu'il énonce, car il se contente d'indiquer le
système de ces jurisconsultes et le motif qu'ils invoquent et semble par conséquent considérer ce point comme acquis. Je crois
néanmoins qu'il devait partager l'opinion contraire. Son texte a dù
subir un e mutilation malheureuse : il 'devait probablement combat-
La loi 25 § 1·s upposant la dot constituée par le père contient les
dispositions s uivantes :
tre les jurisconsultes dont il parle. Les termes qu'il emploie« quidam existimant » sont un indice de sa pensée, la formule dont il se
ser t est peu affirmative, ce n'est pas assurément le langage d'un
homme qui tranche r ésolument une controverse. Mais il y a mieux
que cela à dire : le § 2 de cette loi paraît devoir faire cesser toute
hésitation.
1° Le mari était de bonne foi, la femme de mauvaise . La femme
peut être actionnée..
La loi 25 § 2 uous dit : << Tenebitur maritw si scierit, œque
mutier. » Le mot œque semble assimiler la situation de la femme à
C. -
ACTION PAULIENNE INTENTÉE CONTRE LA FBl\fM.B
�-
74 -
celle du mari : elle est tenue comme lui, dans les mêmes conditions
que lui. Le jurisconsulte ajoute : « nec minus (tenebitur) pater, si
11011 ignoraoerit. » Le père sera t enu s'il a eu connaissance de la
(raude. Les derniers mots sont décisifs, nous l'avons 'déjà fait r emarquer: Si Vénuleius est par tisan de l'opinion des jurisconsultes
qu'il cite, cette décision est en contradiction flagrante avec les
principes qu'on veut lui faire professer. li vaut donc mieux croire
que si une faute a été commise elle doit être mise à la charge des
compilateurs du Digeste, qui ont maladroitement altéré notre tex te
(1. 25 § 1).
b. - Quels motifs invoquait-on?
Les jurif;consultes qui donnaient action m ême contre la femme
de bonne foi alléi:,"1lient, c'est Vénuleius qui nous le dit, lorsque la
dot a été constituée par le père, que la constitution de dot contient
une véritable donation à l'égard de la femme. Ils devaient à plus
forte raison la considérer comme donataire lorsque la dot était
constituée par un extraneus. Ils faisaient remarquer sans doute que
la femme tire un profit considérable de la constitution de dot, puisqu'elle acquiert une action en restitution et que, en retour, elle
n'assume aucune charge ou du moins n' ass ume que des charges
minimes comme nous allons le voir.
Les juriscons ultes qui adoptaient l'opinion contraire devaient nier
ce caractère g ratuit à l'égard de la femme.
t• Toute donation suppose un appa uvrissement de la pal't du
donateur , un enrichissement correspondant de la pa rt du
donataire, et sinon chez les deux parties du moins chez le donateur
la volonté d'arriver à cet a ppa uvrissement de l'un , à cet appa uvrissemet de l'autre. Or, en matière de cons titution de doi sa ns doute
le constituant s'appa uvrit et la fomme s'enrichit, mais on ne trouve
pa.s l'intention de libéralité, ce lien nécessaire entre les deux autres
éléments pour qu'il y ait donation. En effet la dot est donnée au
- 75mari, et, si la lemme acquiert une action en r estitution, c'est la loi
qui la lui accorde plutôt que la volonté du constituant.
2° On aurait pu dire encore que le bénéfice recueilJi par la femme
n 'est .ras pur de toute charge. Après la dissolution du mariage elle
doit des aliments aux enfants qui en sont issus, quand ils ne peuvent pas en obtenir de leurs descendants. Dès lors on a le droit de
r egarder la femme comme n'ayant accepté cette charge qu'en considération de la dot.
3° Enfin on pouvait arg umenter de l'action que la fille a contre
son père pour l'obliger à la doter, et dire que la constitution de dot
n'est quant à lui que l'exécution d'une obligation.
De ces trois arguments le premier seul est sérieux. Le dernier
ne m érite pas un examen attentif, car la même question s'élève
lors que la dot est constituée par un extraneus. Quant au second il
ne pouvait pas avoir une grande influence: les cha rges qui pesaient
sur la femme n'étaient pas du es à to ut événement, elles n'étaient
q u'éventuelles, et lui laissaient la plus grande par tie des revenus
de la dot.
c. - Quelle est l'opinion qui a prévalu ?
Les éléments de discussion que nous donne le Digeste sont insuffi sants et ne permettent pas d'éclairer cette question :
1° Nous avons vu q ue la loi 25 dans l'état où elle nous est parvenue contient deux décisions coütradictoires (§ 1 et§ 2).
2° U n e autre loi au même titre (1. 14) d' Ulpien nous dit: « Ergo
et si fraudator pro (ilia sua dotem dedisset scienti fraudari creditores :
(ilia tenetur, ut cedat actiona de dote adversus maritum. » Si l'on
veut traduir e littéra lement ce texte, il faut supposer que le mot
scienti se ra ppor te à marito sous-entendu et dire : « Si le {ra udator
a constitué une dot pour sa fille à son gendre qui connaissait la
fraude, la fil le sera tenue et devra céder son action de dcite. ,
�-
'16 -
Ulpien semble donc sudordonner le recours contre la femme à la
condition de la mauvaise foi du mari. Ainsi entendue cette loi est
absurde et est en contr~diction avec la loi 25 § 1 : cc Quod si is ignornverit, fi/ia autem scierit, tenebitur filia. » La loi 14 a certainement dô subir une altération. On a p1·oposé une correction assez
vraisemblable, bien légère en apparence, mais qui en modifie entièrement la signification. Il faudrait lire soiente au lieu de scienii, le
mot sciente se rapporterail à filia, Ulpien exigerait la mauvaise foi
de la femme, et la loi ainsi entendue confirmerait l'opinion que nous
avons attribuée à Vénuleius.
Voilà les seuls indices que nous a laissés le Digeste : une loi dont
les deux parties sont contradictoires, une loi sur l'authenticité et le
sens de la.quelle on peut élcvel' des doutes sérieux. Dans ces conditions il est impossible de dil'e quel est le système que consacra
Justinien et il vaut mieux constater la controverse qu'essayer de
la résoudre.
DROIT FRANÇAIS
�DROIT FRANÇAIS
DU
QU A SI-USUFRUIT
APPLICATION DES PRINCIPES
DU QUASI-USUFRUIT EN MATIERE DÈ CONTRAT DE MARIAGE
PREMIÈRE PARTIE
DEFINITION DU QUASI-USUFtlUIT.
L'us ufruit, dit l' A. 578 du Code civil, est le droit de JOUÎr c
choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-mên
mai_, à la cha1·ge cl'en conserver la substance.
Si le législateur s'était rigoureusement tenu à cette définition
aurait dù reconnaitre que tous les biens ne sont pas susceptiblesd
sufruit. Il en a urait excepté les choses consomptibles, c'est-à-dire
celles dont on ne peut jouir qu'en en a ltérant et en en détruisant la
substance. Mais le législateur français ne pouvait pas se montrer
plus strict observateur des principes que le législateur romain : il
�-
80 -
devait donc, à. c'ôté de l'usufruit, reconnaitre l' existence d'un quasiusufruit, et il l'a fait dans l'A. &81 d'abord, qui porte que l'usufruit
peut être établi sur toute espèce de biens, sans disting uer s uivant
leur nature, dans l'A. 587 ensuite, où il a déterminé quels sont les
droits et les obligations de l'usufruitier de choses consomptibles.
Donc parallèlement à la théorie de l'usufruit s'est développée
la théorie du quasi-usufruit. Le nom même qu'on leur a donné montre que, si certaines ressemblances rapprochent ces deux droits, ils
ne se confondent pas cependant, et que des différences caractéristiques les séparent . Ils se ressemblent par les modes de constitution
et les causes d'extinction, qui sont les mêmes au moins en principe.
Mais deux différences essentielles les distinguent. L' a sufruitier n'a
qu' un démembrement de la propr iété, le jus ulenai-fr uendi; le
quasi- usufruitier est propriétaire de la chose. Aussi, l'un doit-il en
conserrnr la substance, et l'autre peut-il la détruire en la consommant. L' usufruitier doit, à la fin de l'usufruit, rendre la chose même
quïl a reçue ; le quasi-usufr uitier est débiteur de choses semblables à celles qu' il a re\ues, de choses de même quantité , qualité et
valeur, dit l'A. 587.
On compare souvent le quasi.us ufruit au prêt de consommation, et l'usufruit a u prêt à usage. En effet , on peut dire, sans
trop méconnaitre la vérltê, que le qual>i-\l!>ufruit est à l' usufruit ce
que le prêt de consommation est au prêt à usage. Non pas sans
do ute qu' il n'y ait aucune différence entre la situation du commodataire et celle de l'usufruitier ; mais le commodataire comme l'usufruitier , retire de la chose un avantage qui ne l'épuise pas ; comme
lui, il doit restituer la chose même qu'il a reçue. L e quasi-usufruitier
et l'empr unteur dans le mutwum deviennent au contraire propriétaires de la chose et débiteurs de chose in gener e. Il ne faut pas
croire cependant qu' on puisse les placer sur la même ligne, au point
de vue de la situation qui leur est faite. On signale trois différences :
0
1° L' usufruitier, en vertu de l' A. 601, est tenu de fournir caution i
-
81 -
l'emprunteur ne doit fournir que les sùretés expressément stipulées
~ar la_convention. 20 Le quasi-usufruit s'éteint par la mort du
titulaire du droit ; les héritiers de l'emprunteur s uccèdent aux droits
~e leur auteur .. 3° Notons enfin que les droits et obligations de
1emprunteur dé~tv~nt toujours du contrat de prêt. L'usufruit peut
ré~ult~r de la 101, d un acte à titre onéreux ou d'un acte à titre gratmt soit entre vifs soit pour cause de mort.
Nous avons,_ par les comparaisons qui précèdent, déterminé la
na~ure du quasi-usufruit; il faut encore en donner la définition. JI
d01t se définir d'nne manière différente suivant qu'on l'envisage au
moment de sa constitution ou pendant le cours de sa durée. Dans le
\re~ier ::as, c'est la translation c!e propriété des choses qui en sont
I Obj et, à la charge par l'acquéreur de restituer des ~hoses semblables, lorsque se réalisera l'une des causes d'extinction d'usufruit
applicables au quasi-usufruit. Dans le second cas, c'est le droit de
ne rendre des choses semblables que plus tard et à l'échéance en
l'une de ces causes d'extinction.
DANS QUEL CAS LE QUASI- USUFRUIT PREND-IL NAISSANCE
?
Les différences déjà sig nalées entre !•usufruit et le quasi-usufruit
montrent qu'il est essentiel de pouvoir reconnaitre dans quels cas
l' usufruit, dans quels cas Je quasi-us ufruit prendr<l naissance.
N0us verrons plus tard que l'usufruit comme le quasi-us ufrui t
peut être créé par la loi ou par la volonté de l'homme. Si le droit
dont nous recherchons la na ture doit sa naissance à la loi nous ne
le qualifierons de quasi-usufruit qu'autant qu'il portera sur des
choses consomptibles. En effet l'A. 577, qui est l'article fondamental
de la matière ne donne des règles spéciales que pour l'usufruit << qui
comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consom6
�-
82 -
mer ». Si au contraire le droit doit sa. naè:;sance à la -volonté de
l'homme il deyient impossible de donner une règle générale et préci e. On ~oit tenir compte en effet du principe de la Liberté des conventions. Il faudra recbercher dans chaque cas quelle est la
vnlonté expresse ou tacite soit du constituant ( actes pour
cause de mort ) soit des parties contractantes ( actes entre
vifs). Il y aura quasi-usufruit toutes les fois que les parties a uront
entendu transférer à l'usufruitier la pleine propriété de la chose.
Dans le cas contraire il y aura usufruit. De là résulte 1° Q u' une
chose non consomptible pourra ètrc l'objet d'un quasi-usufruit,
2• A l'inverse qu'une chose consomptible pourra accidentellement
faire l'objet d'un véritable droit d'usufruit, comme elle peut être
l'objet d'un commodat (L. 3 S 6 et loi 4 D. Commodati vel contra).
Et c'est là un résultat que la théorie et l' A. 587 ne repoussent pas :
c'est qu'alors, au point de vue spécit<l où se sont placées les parties,
,
on peut se servir de la chose sans la consommer.
Pourtant les auteurs déterminent ordinairement la nature du droit
d'après la nature de la chose s ur laq uelle il porte. C'est ain~i qu~
Marcadé (Te II, § 36, r ésumé du titre HI) dit que le dl'ott qui
porte rnr des choses de e-0osommation et des choses Congibl es est
un quasi- usufruit. Voyons ce qu'il y a dans cette formu le. E st
un quasi- usufruit : 1° Le droit qui porte sur des choses consomptibles. Cette proposition est tl'op étendue, puisque, si ces choses sont
naturellement susceptibles de quasi-usufruit, elles pem·ent accidentellement faire l'objet d'un droit d'usufruit. 2° Le droit qui porte s ur
des choses fongibles. Il ne faut pas confondre les choses consomptibles et les choses fongibles. Tandis que les choses sont consomptibles de leur nature, elles ne sont pas fongibles de leur nature : la
fongibilité dépend de la volonté des (Jarties contractantes. Dès lors
il est absurde de parler de choses fongibles lorsq ue l' usufruit a été
constitué par la loi, et, lor sque le droit a été créé par la volonté de
l'homme, dire que c'est un quasi-usufruit s'il porte s ur des choses
-
83 -
fongibles, c'est r econnaitre que la volonté des parties est souver aine. Ce qui est v'rai, c'est que, lorsque les parties ont considéré
les cho~es non dans leur espèce, mais dans leur genre, elles leur
~~t att~1bué le caractère de fongibilité, et manifesté en même temps
1mtent1on de constituer un quasi-usufruit.
Ces principes élémentaires sont essentiels , et leur oubli peut conduire~ de véritables erreurs juridiques . Ainsi il a été jugé que sous
le régime de cummunauté réduite aux acquets la communauté est
quasi-usufruitière des obligations au porteur que les époux possèdent au jour de la célébration du mariage. En effet, dit-on, ce sont
des choses fongibles. On oublie que la volonté des parties peut seule
donner à une chose le caractère de fongibilité, et que cette volonté
ne résulte pas de la simple déclaration que les époux se marient
so us Je régime de eommunauté d'acq uêts (Gand, 30 avril 1870,
Pasicrisie 1870, 2, 399. Comparez Laul'ent, t• 23, n• 148).
�- 85 -
DEUXIÈME PARTIE
Établissement du quasi-usufruit par la volonté
ÉTABLISSEMENT
DU
de l'homme
QUASI-USUFRUIT
CHAPITRE PREMIER
Le quasi-usufruit, comme l'usufruit, peut être établi par la loi 011
par la volonté de l'homme (A. 579). Il peut en outre résu lter, en
matière de contrat de mariage, des conventions et du ré~ime adopté
par les époux. Il peut résulter enfin de certains faits spéciaux. De là
quatre sections.
SEC:::'TIC>1'T
I
Etablissement du quasi-usufruit par la loi
Il y a quatre cas d'établiss~ment d' us ufruit pa1· la loi. Deux seulement sont communs à l'usufruit et au ')Uasi-us ufruit. Ce sont:
1° A. î 54. Dans le cas de l' A. 753 le père ou la mère s urvivant a
l'us ufruit du tiers des biens auxquels il ne s uccède pas en propriété.
2° A. 384. Le père, durant le maringe, et, après la. dissolution du
mariage, le survivant des pere et mère ont la jouissance des
biens de leurs enfants jusqu'à l'â.ge de dix-huit ans accomplis.
Si parmi les biens, dont le père ou la roèce à l'usufruit, se trouvent des c!ioses consomptibles, le quasi-usufruit prendra nais3ance
J>a1· .la volonté de la loi.
MODBS DF. CONSTITUTlON DU QUASI- USUFRUIT
Il peut être établi
1° l'ar testament.
2° Par acte entre vifs. Duranton en a douté (rv, n° 374). A l'entendre le quasi-usufruit constitué par acte entre-vifs se confondrait
a vcc le rn utuum. est une erreur évidente : parmi les différences
c·
que nous a vons signalées plus haut , deux sub istent encore et distinguent les deux situations.
Il peut d'ailleurs ètre constitué soit à titre onéreQ\'. (vente,
échange) soit à titre gratuit. Dans ce second cas, les formes ordinaires des donations s'imposent, à moins qu·on ne dissimule la
libéralité sous une apparence de contrat à titre onéreux, si l'on
admet l' opinion de la juri prudence dans une controverse célèbre.
Mais il est une forme de donations, dont on ne peut parler : ce sont
les donations faites de la main à la main, car on supposera toujours
que le donateur a voulu transférer au donatdire la propriété sa~
r harge de la chose donn ée et non con tituer seulement un quas1us ufruit.
Les mêmes modes étant communs à l' usufruit et au quasi-usufr uil , il faut rechercher dans quels cas on peut présumer que les
parties ont voulu constituer un quasi-u. ufruit.
�•
-
86 -
Il y aura quasi-usufruit :
1• Lorsque le droit portera sur des choses consomptibles.
N ous n'avons pas encore donné de définition de ces choses, nous
n'essaierons pas d'en donner une qui ne pourrait qu'obscurcir une
expression très- claire p~r elle-même. Il faut seulement consta ter
qu'on disting ue deux espèces de consommation : la consommation
naturelle et la consommation civile ou fictive. Par ces derniers
mots on entend la consommation que l'on fait de l'argent comptant.
Il y a encore consommation civile lorsque l'usage que l'on fait
d' une chose la rend incapa ble de ser vir à d'autres : en ce dernier
sens le papier est chose consomptible (Pothier , du prêt de consommation n• 26).
Remarquons encore que l'on ne doit pas faire entr~r clans c~tte
catégorie les choses qui, sans se consommer de s uite, se détériorent peu à peu par l'usage (linges, meubles meublants). Nous
verrons plus tard si l'usufruitier a le droit d'aliéner seul de semblables choses, mais il est dès à présent certain qu'il n'en est pas propriétaire (A. 589, A. 1566). Il faudrait donc refuser a ux créanciers
de l'usufruitier le droit de le saisir.
2° Lorsque les parties auront considéré les choses non au point de
vue de leur individualité, mais âans le genre auquel elles appariienneni ; en d'autres termes lorsque le droit portera s ur des choses
fongibles.
I ci se pose une question. F a ut-il considérer un fo nds de commerce comme une chose fongible et dire que l'us ufr uitier en est
propriétaire? Proudhon Wm n• JOJO et s.) n'en fait pas doute. Il
coD!tate qu' un fonds de commerce se com pose de marchandises, et
n' hésite pas à appliquer la régie de l' A. 587. Cette théorie est inadmissible. On ne peut pas dire que le fonds de commerce se compose
exclusivement de marchandises . A côté d'elles se trouvent des
instruments de fabrication, des objets serva nt à la vente et s urtout
une clientèle. Il semble donc qu'on devrait appliquer à chacun qes
- 87 éléments qui composent le fond les règles spéciales qu'il comporte,
et reconna ître que l' usufruitier sera propriétaire des marchandises en vertu de l' A. 587, qu'il pourra se servir des instruments de fab rication en vertu de l' A. 589. Mais, s'il en est ainsi , à
quelles règles va-t-on soumettre l'usufruit de la clientèle ? Le code
est muet sur un sem blable droit, et de nouvelles difficultés s'élèvent. En outre, l'application de I' A. 589 conduirait à une injustice;
l'usufruitier serait quitte envers le constituant en lui restituant les
objets de fabrication détériorés, anéantis presque par l'usage qu'il
en a urait fait. E nfin cette manière d'envisager les choses n'a rien
de juridique: le constituant n'a pas voulu crier trois usufruits distincts, us ufruit de marchandises, usufr uit d'outils, usufruit de la
clientèle : il a créé l'usufruit d' un fonds de commerce considéré
dans son ensemble, et, si l'analyse peut décompO!er le fonds en
trois éléments, elle ne peut pas décomposer de même le droit de
l' usufr ui tier. Il faut donc reconnaitre avec les auteurs les plus
récents que le fonds de commerce est un corps universel ( universumi jus) dont l' usufruitier n'aura que la jouissance et non la propriété.
3° Lorsque les parties ont esiim.é la chose, ont-elles entendu créer im
q1tasi-us ufruil ?
La so lution de cette question dépend de l'effet qu'on attache à
l'estimation . Repousse-t-on le brocard : <c !Estimatio facil uenditionem, » rien n'est changé atLx règles ordinaires de l'u ufruit. i
au contraire on !'admet, il vaut la peine de rechercher les conséquences del' estimation. Supposons que Primus donne à Secundus
l' u ufruit d'un cheval. Les parties estiment le cheval cent et conviennent que l'estimation vaut vente. ecundus sera propriétaire
du cheval et à l'extinction de l'usufruit devra restituer cent. En
réalité les parties n'ont pas constitué un usufruit sur le chen~,
rnn is un quasi-usufruit sur cent: le contrat constitutif de l'usufruit
a rendu 8ecundus actuellcrncnL créancier de cent, éventuellemen~
�•
-
88 -
débiteur de la même somme. Pour acquitter sa dette, Primus a
donné son cheval. Donc pour être rigoureusement exact, on devrait
dire non pas que t' estimation vaut vente , mais qu"elle vaut dation en
paiement. Mais on ne doit pas oublier que le législa teur assimile la
dation en paiement et la vente (A. t 595).
De cette analyse il résulte que:
1° Si l'objet estimé n'est pas une chose consomptible, les parties
auront substitué un quasi- usufruit à l'usufruit.
2° Si l'objet estimé est une chose consomptible, rien ne sera
changé à la nature du droit, mais son objet ne sera pas le même.
Au lieu de porter sur des denrées par exemple, il portera s ur de
l'argent. Aussi lorsqu'arrivera la fin de !'Usufruit, !'Usufruitier
devra restituer de l'argent et n'aura pas le choix que certains
autew·s prétendent lui accorder. No us aurons donc une première
raison pour trancher une controversE: que nous examinerons plus
tard.
Voilà l'intérêt de la question. Mais quelle solution faut-il lm donner? Il y a une hypothèse, qui doit être mise hors de cause. Il est
certain que l'on ne doit pas attacher à l'estimation les effets d'une
vente toutes les fois que les parties ne r ont faite que pour se
conformer à l'ordre de la loi. Or, la loi impose l'obligation de faire
un inventaire estimatif dans deux cas : J• a u père tuteur et usufruitier légal des biens du mineur (A.453), 2° au donateur d'effets mobiliers (A. 948- 950).
En dehors de ce cas, la question est embarrassante, et on constate entM les auteurs des divergences assez notables: c'est qu'en
effets les contractants en estimant la chose ont pu poursuivre différents buts et leur intention n'est pas certaine. P eut-être ont-ils
voulu que l'estimation vaille vente (arg. A. 155 1-185 1), peut-être
que celui qui recevait la chose, sans devenir propriétaire, courût
les chances de la perte (Arg. A. 1883-1822), peut-être ont-ils voulu
fixer par une clause pénale la somme dont 1' usufruitier sera débi-
-
89 -
teur si la chose périt par :sa foute, peut-C:tre enfin ont-ils seulement
voulu déterminer la valeur sur laquelle l'enregistrement calculera
les droits à percevoir.
Parmi ces hy pothèses il en est une qu'on doit rejeter sans plus
am~le exa~~n : il est impossible de mettre les risques à la charge
de l usufru1t1er sans le rendre propriétaire et voir en lui un quasiusufruitier. Sans doute de ux fois dans d'autres matières la loi a
interprété ainsi la volonté des parties. Mais si on doit appliquer les
A. 1882-1883 a ux espèces pour lesquelles ils ont été écrits, on ne
peut pas les étendre par voie d'analogie. Ils constituent en effet
des dérogations plus ou moins légitimes au principe doctrinal de
l'A. 1302. Or, les exceptions sont de droit étroit et il nous est
impossible de les étendre sans un texte formel ou une convention
expresse.
Mais écarter une hypothèse parmi celles que nous avons proposées n'est pas déterminer celle à laquelle on peut s'attacher. La loi
ayant dans un certain nombre d'articles appliqué ou repoussé le
principe : /Estimatio {acit.. .. peut-être pourron!>-nous trouver un
principe certain en étudiant ces décisions et les motifs qui les ont
inspirées.
1° A. 1551-1552. Ces articles supposent que par leur contrat de
mariage les époux ont estimé les valeurs mobilières ou immobilières que la femme dotale apporte en dot. Pour les valeurs mobilières, ils présument que l'estimation vaut vente, pour les valew'S
immobilières, ils repoussent cette présomption. Pourquoi cette
décision? La femme a intérêt à rendre le mari .:iuasi-usufruitier de
ses rn leurs mobilières, au moins quand ces 1·nleurs sont des meubles corporels, et c'est surtout de ces meubles que se préoccupe le
législateur de 1804 : elle ne sera plus exposée à se 1·oir restituer de
meubles usés et détériorés. D'autre part le mari n'a pas un intérêt
contraire; propriétaire des meubles dotaux, il pourra les aliéner·
S'il les a liène, iJ ne souffrira p~ des détériorations ; s'il les garde,
�90 -
-91 -
on doit supposer qu'il y est intéressé à raison de l'usage qu'il en
On a YI) que le quasi-usufruit C"t il r usufruit ce que le muiuum est
au commodat, aussi semble-t-il qu'on trouve ici toute faite la règle
que nous cherchons. Néanmoins on ne peut pas appliquer à notre
espèce I&décision de l'A. 1883. Nous avons vu qu'on ne peut pas
rn~tire la chose aux risq ues do l'usufruitier sans lé rendre propriétaire. On ne peut pas davanta~e invoquer l'A. l 883 pour nier la
translation de propriété. On comprend que la loi n'admette pas facilement la transformation du comrnodat en mutuum : de tout temps
ces deux contrats ont été di!!tingués avec soin, le sens de ces deux
expressions ne laisse place à aucun doute, et lorsque les parties ont
dit commodat, elles ont exclu le mutuum. Il n'en est pas de même
de l'usufruit et du quasi-usufruit. Le quasi-us.ufrmt n'est pas d'ordinaire regardé comme un droit distinct de l'usufruit : on le considère seulement comme une modification, une variante de ce droit :
le mot de quasi- usufruit en est la preuve. Bien plus ce mot n'est
employé que par la doctrine, et est inconnu de la loi et de la pratique : le terme d'usufruit embrasse dans sa généralité les droits
d' usufruit et de quasi-usufruit (Arg. A. 581). On peut donc conclure
que lorsque les parties se sont servi du mot d'usufruit, elles n'ont
pas exclu toute idée de quasi-usufruit.
On voit donc que l'étude des articles où la loi a tranché expressément la question ne conduit paf> à des règles bien certaines. Tout
au plus a-t-on le droit de dire, et c'est un résultat qu'on eQt pu préYoir à l'avance, que l'estimation yaudra vente, si les deux parties
y ont intérêt, qu'elle ne vaudra pas vente si aucune d'elles n'est
intéressée à la translation de propriété. Mais qu'en sera-t-il lorsque
l'intérêt du quasi-usufruitier sera opposé à celui du constituant? La
que tion reste douteuse. Cependant on peut affirmer,
l 0 Que l'estimation des immeubles n'en transfère pas la propriété
à moins d'une clause expresse.
En effet le constituant a intérêt à rester propriétaire, il aura
ainsi un droit réel qui le mettra à l'abri de toutes chances d'insol-
-
veut faire.
Quant aux immeubles, le mari aurait intérêt il. en devenir propriétaire : mais alors la femme aurait à craindre son insolvabilité.
De plus la dot immobilière -est autrement bien garantie que la dot
mobilière.
2• L'A. J851 suppose que les associés apportent certains biens
à la société pour la jouissance seulement. La société en sera propriétaire lorsqu'ils auront été estimés.
Ici l'estimation vaudra toujours vente, qu'il s'agisse de biens
mobiliers ou immobiliers. Mais c'est une décision qu'on ne peut pas
étendre, car elle est inspirée par des raisons spéciales au contrat
de société. Si la société devient propriétaire, c'est que créée dans
un but de spéculation elle a besoin d'un pouvoir étendu sur l'apport des associéS.
Au contraire l'estimation ne vaut pas vente :
l 0 En matière de cheptel simple (A . 1805). C'est que personne
n'a intérêt à lâ translation de pr opriété : ni le cheptelier, qui en
devenant propriétaire serait débiteur de choses in genere et courrait
les risques, ni le bailleur, qui n'aurait pour la restitution de la chose
qu'une simple action personnelle souvent insuffisante contre les
chepteliers, hommes de situation humble.
2° En matière de cheptel de fer (A. 1822-522). Ici encore le bailleur a intérêt à rester propriétaire. Si le fermier devenait propriéta ire le troupeau perdrait sa qualité d'immeuble par destination.
Meuble et propriété du fermier, il pourrait être saisi pour une dette
de ce dernier, et la culture du fonds serait compromise.
3° En matièr.e de cornmodat (A. 1883). Uest.#rnn.tion ne transfère pas la proprié~é à l'accipien.s : elle met ~ chose à ses risques.
Si l' Q,ccipiertt n.e devient pas propriétaire, c' c~t qu'il est de 1' essence
du comcu~t q:qe le prAteur conserve li\ proprÎé.té.
�92 -
- 93 -
vabilité de l'usufruitier : sans doute il courra les r isques de dépré· s·t l·i·mmeuble augmente de valeur, il en profitera. Son
. ·
mais,
ciatton,
intérêt est donc trop g rand pour qu'on puisse facilement admettre
qu'il a voulu le sacrifier : d'ailleurs, dans l'esprit de l~ loi,. on ne
peut pas présumer l'intention de se dépouiller de la propriété immo-
au moment de la constitution on sache laquelle, étant intéressée a
ne pas adopter le brncard œstimatio facit ... , toutes d'eux doivent
être d'accord pour l'écarter.
-
.
.
1.ière (Arg. A. 1552).
2• Quel sera !•e ffet de l'estima i.ion des meubles qui se détériorent
par !•usage (A. 589) ?
On peut soutenir avec Duranton (T. rv, n° 579) ~ue l'estimation
en transfère la propriété. L'A. l 551 vient à l'appui de cette théorie et toutes les remarques faites pour le justifier trouvent ici leur
place. On pourrait donc l'étendre sans témérité. Néanmoins les
auteurs adoptent généra lement l'opinion contraire (Demolombe X,
468. Laurent. VI, 410).
3° ~feubles qui ne ·e détériorent pas par l'usage qu'on en fait.
oit une créance par exemple. Une question préliminaire se pose :
quand y aura-t-il estimation ? Fa ut.-il dire que, la créance portant
en elle son estimation la propriété en sera toujours transférée? Un
auteur l'a soutenu en matière de régime dotal (Odier III, 1227) . C'est
une erreur manifeste. Si l'estimation vaut vente, c'est par interprétation de volonté : il faut donc toujours une clause estimative
faisant présumer l'intention de transférer la propriété .
Primus donne à Secundus l'us ufruit de sa créance de 1,000 francs
s ur Tertius. On ne peut pas encore dil'c qu' il y a estimation : c'est
une simple indication, une désignation plus précise de la créance
rRodière et Pont, n° 1668).
Enfin les parties peU\·ent estimer la r réance à une somme difîérente de son monta nt. On ne peut guère soutenir que t'estimai.ion
vaut vente: l'intérêt de l'us ufruitier el. celui du constituant sont trop
douteux. Si le débiteur paie, l' usufruitier y aurait sa ns doute intérêt,
mais le constituant aurait un intérêt contraire. S i le débiteur ne
paie pas, il faudrait dire l'inverse. Donc l'une des pa rties, sans que
Cette décision ne doit pas être restreinte aux créances, il faut
l'étendre à tous les meubles qui ne se détériorent pas par l'usage et
notamment aux fonds de commerce. Le constituant a un trop grand
intérêt à conserve1· la propriété du fonds, car si l'usufruitier fait de
mauvaises affaires ses créanciers ne saisiront que l'usufruit et il ne
s ubira pas leur concours (Aubry et Rau II, page 527, note 6).
D' ailleurs par l'estimation qu'elles ont faite les parties ont simplement entendu faciliter un règlement de comptes assez complexe au
moment de la cessation de l'usufruit (Laurent VI, 423).
.Nous venons de déterminer les cas où l'estimation vaut vente, il
faut voir quelles sont les conséquences de cette idée de vente lorsqu'on l'admet :
1° L'usufruit est transformé en quasi-usufruit.
2° L'action ep restitution du constituant sera-t-elle garantie par
le pri vilège du vendeur et l'action en résolution de l'A. 1654? Nous
retro,u verons plus loin cette question).
3° Si la chose estimée est un immeuble et si l'estimation fait subir
au constituant une lésion supérieure aux 711 2 de la valeur de l' immeuule estimé le constituant aura- t-il l'action en rescision pour
lésion des A. 1ti74 et suivants ?
)
Au premier abord, il semble que le principe de l'A. 1674 s'impose. Supposon un débiteur de somme d'argent qui, pressé par le
besc,in et menacé de poursuites, donne a son créancier un immeuble
en paiement ; il n'y a pas de rai on pour lui défendre dïnrnquer
notre article. Or, lorsque l'estimation vaut vente, nous avons ainsi
analysé l'opération : !° Constitution de l' usufruit sur une somme
d'a1·.~ent; 2° Da tion en paiement de la chose. Les deux hypothèses
semblent donc être identiques et comporter la méme solution.
Néanmoins elles présentent une diŒérence essentielle. Dans la pre-
�- 95 -
- 94 mière on constnte l'existence de deux actes juridiques complètcmentdistincts et séparés: création d' une dette et dation en paiement.
Dans la deuxième ces deux actes ne sont distincts ni en fait, ni dans
l'intention des parties. La dation èn paiement n'est plus un pacte
ex intervallo, mais un pacte in Cônllnenti. Dès lors inltaetet contrac-
tui. De là des différences dam~ les solutions.
1° L'acte constitutif est un acte h titre gratuit. I l n'est permis de
parler m de besoin presc;ant du donateur, ni de lésion éprouvée par
lui. Il fait une donation et pe1:1t la foire plus ou moins large . Donc
s'il n'estime pa l'immeuble à sa vraie valeur, il fait un avantage
consid.érable au donataire, mais ne souffre pas un préjudice dont il
puisse se plaindre.
2° L'acte constitutif est à titre onéreux ; l'hypothèse sera rare,
mais elle peut se présenter.
L'acte constitutif est un échange. Ex. : Primus donne à Secundus l'usufruit de sa maison qu'il estime à un prix très-bas. Secundus
donne sa maison à Primus . L'A. 1674 est inapplicable. Il suppose
en effet que l'acte incriminé est une vente; or ici cet acte est un
échange avec soulte, puisque Primus, en retour de sa maison, teçoit une autre maison et une créance à terme.
L'acte constitutif est une vente. Ex. : Primus vend 10,000 fr. à
Secundus l'usufruit de sa maison qui vaut 60,000 fr. et qu' il estime
14,000. En pareil cas la rescision est possible en principe ; mais il
ne suffi.ra pas que les parties aient estimé l'immeuble à moins des
sept douzièmes de sa valeur, il faudra que Je montant de l'estimation, auquel on ajoute le prix de l'usufruit, soit inférieur aux sept
douzièmes de la valeur réelle.
4° Si le constituant n'est pas propriétaire de la chose livrée, quel
sera le droit de l' usufruitier? Il pourra, dès qu'il sera évmcé, agit•
en garantie contre le constituant, et cette action sera soumise aux
règles des A. t 626 et suivants. Il pourrait même, sans attendre
qu'il soit évincé, agir en vertu de l'A. 1599.
le , mê me droi"t , s1· l' acte constitutif est à titre graaura-t-il
.
tu 1t . L~ question n est pa:; douteuse, si on se rappelle ce qui vient
~· ~tre d1_t. à la pagé 9J. Le donateur n'est pas tenu à garantie : donc
1us ufru1t1er ne pourra pas agir contre Je constituant. Mais aui:isi ce
dernier_ne _po urra, après l'arrivée des évènements de l'A. 617, agir
en rest1tut1on qu'autant que l'usufruitier aurait acquis la chose par
prescription et invoqué cette prescription.
.Mais
9
Nous donnerions uoe solution différente et reconnaitrions à l'usufruitier le droit d'agir en garantie : t• En matière de constitution de
dot (A. 1440- 1547). 2° Si, par un premier acte, Primus donne à
Secundus l'usufruit de 100, et par un second acte fait plus tard lui
donne en paiement une chose qui ne lui appartient pas. (Voir
page 93).
5° Les parties pourraient-elles convenir que l'estimation- vaudra
ou ne vaudra pas vente, au gré soit de !'usufruitiers soit du constituant ? TI n'y a aucune raison pour nier la validité de cette clause.
Mais alors , sur la tête de qui va résider la propriété de la chose,
qui courra les risques de détérioration totale ou partielle? Pour répondre à cette question, il suffit d'appliquer les principes sur les
promesses unilatérales de vendre et d'acheter. TI peut arriver que
le choix soit laissé :
.\. l'usufruitier. - C'est une promesse unilatérale de vendre, et
je crois : 1° Si l'usufruitier accepte l'idée de vente, il sera propriétaire du jour de son acceptation, mais sans rétroactivité. 2° Si la
chose pèrit ou se détériore, l'usufruitier ne voudra pas accepter
l'idée de vente, et les risques sont à la charge du constituant.
Si le choix est laissé au constituant, c'est une promesse unilatérale d' arbeter : l 0 Du jour où Je constituant aura opté, l'usufruitier
sera propriétaire mais sans rétroactivité. 2° Les risques de la perte
totale seront ù la charge du constituant, car son adhésion à la vente
se manifesterait trop tard après la perte de la chose. Les risques de
la perte partielle seront, au conLrnire, à !a charge de l'usufruitier,
car l'adhésion du constituant se produirait en temps utile.
�96 -
CHAPITRE II
-
97 -
SECTJ:ON
J:J:J:
Du Quasi-Usufruit résultant des conventi
.Des modalités du Quasi - Usufritit
Les mêmes modalités, qui peuvent affecter l' usufruit, pourront
également affecter le quasi-usufruit. Il peut donc être établi p11rement et simplement, sous condition , avec ou sans charge, à partir
d'un certain jour, j usqu'à une certaine époque.
Mais l'usufruit ne peut être établi ni pour un temps plus long que
la vie de l'usufruitier, rù au profit d'unP- personne morale pour plus
de trente ans. Ces modalités seront permises en matière de quasiusufruit. Les décisions précédentes reposent sur les inconvénients
de la di vision de la propriété, et à cc titre les A. 617-6 19 sont d'ordre public. Mais dans le quasi-usufruit, la propriété n'est pas démembrée, le quasi-usufruitier est propriétaire et débiteu r . Or rien
n'empêche de créer des dettes à terme et à aussi long terme que les
parties le désirent.
Mais en pareil cas on s'éloigne de l'idée d'usufruit pour se rapprocher de l'idée de m.utuum, car le droit de l'u~uir uitier devient transmissible à ses héritiers. Néanmoins on retrouve encore la différence
d'origine que nous a\•ons déjà signalée. (Le mutuum est un contrat,
l'u~ufruit a des sou rces diverses). De plus l'usufruitier sera tenu de
fournir caution.
matrimoniales.
On dit souvent que la communauté est usufruitrière des propr(
des époux, et que le mari est usufruitier de tous les biens de
femme so us le régime sans communauté, des biens dotaux seulemer
sous le ré~ime dota l. Cet usufruit dérivant des conventions expre
ses ou tacites des époux est un usufruit conventionnel. Il semb
donc que nous eussions dù en parler à propos de l'établissemei
du quasi- usufruit par la volonté de l' homme. Pourtant cette théor1
n'aurait pas été à sa place. Les droits de la communauté ou du ma
ne sont pas de même na ture que ceux d' un usufruitier ordinairl
L es auteurs sont assez généralement d'accord pour ne pas y vo
un usufruit proprement dit. Pour eux le mari n'est pas un usufru
tier, c'est un administrateur qui a la jouissance des revenus (Demc,
lombe X, 236. - Aubry et Rau II, page 4ï0 , n• 8) (1).
Néanmoins il est certain que la communauté (A. 1401 2°, 140
1409 4°) et le !Bari (A. 1530, 1532, 1549, 1562) sont, d'une manière
générale et sauf quelques différences de détail, dans une situation
semblable à celle d'un usufruitier. Il pourra donc arriver qu'ils
soient dans une situation semblable à celle ?'un quasi-usufruitier.
(1) Voir à la page 116 en note la conséquence qu'on a voulu tirer de cette
idée.
7
�-
98 -
CilAPITRE PREMIER
DE LA COMMUNAUTÉ LÉ GALE
La communauté est usufruitière J es propres des époux (A. 1401
2o). Lorsque par application des principes que nous avons étudiés
elle en est quasi-usufruitière, les propres sont qualifiés de propres
imparfaits par opposition aux propres parfaits qw restent la propriété des époux. Les propres imparfaits sont donc ceux qui entrent
dans la communauté en laissant à l' époux. un simple droit de créance.
Nous allons étudier quels sont ces propres imparfaits et à cet effet
nous rechercherons d'abord quels sont les propres, et ensuite parm i
eux quels sont ceux qui nous occupent.
li y a deux catégories de propres :
Les propres immobiliers, qui ne peuvent ètre l'objet d'un droit de
quasi-usufruit qu'autant qu'ils ont été estimés ; or il est imposs ible
de prévoir ce cas en matière de communauté légale.
Et les propres mobiliers, qui seront fort rares. Car aux termes de
l' A. 1401 « la communauté se compose activement 1° de tout le
mt•bilier présent et futur des époux. » Néanmoins on peut en trouver: c'est ainsi que l' A. 1595 2° park de deniers propres à la femme,
et l'A. 1401 lui-même après avoir posé le principe y apporte une
exception.
Sont propres :
1° Le mobilier donné ou légué à l'un des époux à condition qu'il
soit propre (A. l 401 l 0 ) .
2° Les traitements, dotations, pensions et rentes que la loi déclare incessibles et insaisissables.
-
99 -
. 30 Les ob! ets mo biliers autres que les fruits qui pendant le mapropre à r un des é poux ou qui. lui.
riage sont
.
. tirés d'un immeuble
sont attribués en sa qualité de propriétaire d'un pareil immeuble.
4• Toutes les valeurs mobilières substituées pendant le mariage
aux pr:>pres de l'un des conjoints.
les propres mobiliers. On pourrait soutenir comme on l' a
Voilà
.
fait en mati ère de communauté conventionnelle qu'ils sont tous des
propres i~parfaits. Mais ce sernit une enenr manifeste. Les principes sont bien connus : un usufruitier ne devient propriétaire des
biens dont il a l'usufruit que dans des cas exceptionnels étudiés plus
haut, et ces principes ne viennent pas, comme en matière de communauté conventionnelle, se heurter à des textes (A. 1503) que
certains auteurs leur trouvent contraires, et qui sont tout au plus
ambigus. Bien plus on peut citer trois textes qui corroborent cette
opinion :
L'A. 14.01 met deux catégories de biens hors de la communa•Jté
certains meubles (A . 140 1 1°) et certains immeubles (A. 14.0 1 3°).
Or l'article ne fait aucune distinction entre ces deux classes de propres : le mo')ilier doit donc rester propre au mème titre que les
immeubles, et personne ne so utient que la communauté est propriétaire des propres immobiliers.
L'A. 1428 donne au mari le droit d'exercer seul les actions
mobilières qui appartiennent à la femme: 01· si tous les propres
mobiliers étaient des propres imparfaits, l'A. 1428 denait parler
non des actions mobilières qui appartiennent à la femme, mais des
actions qui lui appartenaient au jour rie la célébration du mariage.
De plus, le mari les exercerait non en qualité d'administrateur des
propres de la femme, mais en qualité de chef de la communauté.
Cette disposition ne serait donc pas à sa place dans l' •.\ . 1428, elle
aurait do. se trouver aux .\ . l421-l42t.
Enfin l' A. 14.33 fournit un dernier argument. li suppose un immeuble propre vendu , et ne donne à l'époux propriétaire droit à
�•
-
100 -
-
une récompense que lorsque le prix en a été versé dans la communauté. c·est dire que r époux reste propriétaire de la créance du
prix comme de l'immeuble lui-même; car si la communauté était
quasi-usufruitière de la créance l' époux devrait a voir droit à la
récompense du jour de la vente et non du jour où le prix a été
101 -
CHAPIT~
1
II
1
pa3ré.
On pourrait nous opposer l'A. 1403 , mais nous allons voir comment on doit l'interpréter.
En résumé 1 la communauté ne sera en principe qu'usufruitière
des propres mobiliers. Pourtant elle sera quasi-usufruitière des
objets mobiliers dont ·on ne peut faire usage sans les consommer (1).
Fa.ut-il en dire autant des objets mobiliers destinés à être vendus ?
Telle est l'opinion de Marcadé CV, A. 1408) Aubry et Rau (V, p.
290) et Rodière et P ont (n° 1275), qui semble s'appuyer sur l'A.
1403 . Cet article n'est pourtant pas décisif. Sans doute il semble
dire que les produits des mines et c8:rrières ouvertes pendant le
mariage tombent dans la co1nmunauté à charge de récompense.
Mais l'objet de cette disposition n'est pas de déterminer la nature
du droit de la communauté sur ces choses; l'article a simplement
pour but d'empêcher de confondre ces produits avec les fruits.
Aussi ne refuse-t-il pas à l'époux le droit de réclamer en nature les
produits qui existent encore à la dissolution de la con1munauté ·l
il réserve seulement son droit à une récompense au cas probable
où ils ont été vendus (Laurent 2 1 n° 287). L'A. 140:~ étant étranger
à la question, il faut la trancher à l'aide des principes généraux et
dire: ces produits sont des propres parfaits, mais, comme ces pro!'.>res sont destinés à être vendus, le mari soit en son nom propre,
soit en qualité d'administrateur des biens de la femme , pourra les
aliéner seul, alors même qu'ils appartiendraient à celle-ci. (Colmet
de Santerre, VI n° 71 bis X.)
1
(1) Voir la note 1 de la page 116.
DE LA COMMUNA OTÉ CONVENTlONELLE
Les conventions qui modifient la communauté léo-ale varient. à
l'infini . .Nous ne pourrons donc pas les examiner ~outes. Parmi
celles dont s'occupe le code (A. 1498-1 526) celles qui modifient
r~ct~ mobilier de la communauté sont les seules qui méritent
d attirer notre attention. Toutes les autres sont étrangères au sujet
de cette étude.
Les conventions qui affectent l'actif mobilier sont ainsi classées
par le code : 1° Communauté réduite aux acquêt~ ; 2° Clauses qui
excluent de la communauté le mobilier en tout ou partie. Tel n'est pas
l'ordre que nous sui vrons. Nous étudierons : 1° Les clauses de
réalisation expresse. Elles peuvent être, soit à titre particulier, soit
à titre universel (A. 1500 1°). Dans cette seconde catégorie on
peut faire entrer la communauté réduite aux acquèts. Il est vrai
qu'on a prétendu signaler entre la clause de l' A. 1500 1° et celle de
l' A. 1498 une différence essentielle (Troploog III 194~ ). Mais cette
différence, ne portant que sur le passif nous intéresse peu. En
réalité ces deux clauses n'ont qu' une différence d'origine ( L).
2° Les clauses de réalisation tacite, c'est à dire les clauses d'emploi
et d'apport.
(1) Laurent signa le une aut re diOët·en~0
(A . 1499- l50t1). Nous retroL1verons coht.
:u1
point de
Ytte
de la preu"e
�-
102 -
ART ICLE PREMIER
Des claiises de réalisation expresse.
1° R éalisation de certa ins meubles spécialement déterminés .
Sont propre~ : 1• To us les meubles propres sous le r égime de communa uté légale ; 2° L es meu bles réa lisés.
.2° R éalisation des meubles présents et fu turs ou communauté
réduite aux acquêts.
Sont propres : 1° Les meubles propres sous la comm una uté
légale ; 2° Les meubles q ue les époux possédaient au jour de ln
célébration du mariage (A. 1498); 3° Les meu bles futurs (A. 14!18 ).
Il faut cor riger sur ce point le premier paragraphe de 1 A. 1498 par
son deuxième et lire : le mobilier fu tur acquis à titre g ratuit.
3° R éalisation des meu bles pr ésents seu lement o u fu turs seulement. Sont propres : 1° Les meubles propres sous le régime de
communa uté légale ; 2° Les meu bles présents dans le p remier cas ,
ceux qu'ils ont acquis à titre g ratuit postérieur ement à la célébration du mariage dans le deux ième.
Voilà les propr es. Quels seront les propres impa rfaits? I ci se
place une controverse q ue no us avons déjà annoncée. Avant d' aborder la discussion d'une question, o ù les so uvenirs de l' ancien droit
jouent, comme nous le verrons, un rôle important, il est intéressant
de rechercher quelle était sur ce point l' opinion de nos anciens
auteurs. D'après P othier (n• 325) la comm una uté serait to ujours
propriétaire des propres mobiliers des épo ux. Il étab lissait en effet
une différence entre les propres conventionnels o u fi ctifs (pro pres
mobiliers) et les propres réels (propres immobiliers), et enseignait
que, tandis q ue l'époux conser vait la propriété des seconds, les
pr emiers entraient a u contrair e ('n communauté, le droit de l' époux
consistant seulement en une cr éance ayant pour objet la r eprise de
-
103 -
leur va leur . Bourjon (D,.oit commun rfe la France) est par tisan de
l'opinion de Pothier. Il pré<:ieote toujours la stipulation de propres
comme se résolvan t en une r eprise du montant du mobilier, c'est-àdire en une somme d' argent. D uplessis enfi n (Traite de la communau té t. l pages 362-427) donne à l'époux une simple action en
r ep rise. On voit donc que Pothier n'était pas seul à défendre son
système; il était pou rtant loin d'avoir en sa faveur l'unanimité des
jurisconsultes et on constate de nombr euses divergences. C'est
ainsi gu'Auroux des P om miers (Coutumes di~ Bour bonnais t. J pages
334 n° 2,468 n° 4) dit« que les meubles et effets mobiliaires réser vés
de natu re des propl'e sont repris hors part et sans confusion,
comme n' entrant pas en communauté. i> Renusson n'était pas
moins explicite. Dans son traite des propres 1Page 278 n°' 10 et 11)
il examine succe sivcmenL deux q ue tion gui ne sont que des cas
par ticuliers de la nôtre. Après avoir établi (n° 6) que les pratiques
des procureurs et notai1·es sont purem<>nt mobilières à la différence
des offices et qu'on peul les stipuler propres en sr mariant (n• 7),
l'auteur passe à l'application de celte clause, et distingue sui\•ant
qu'elle a_été accompagnée ou nom d'estimation. « Au premier cas,
dit- il, la stipulation de p1·opre est déterminée par l'estimation, et ce
ne sera que le prix de l'estimation qui sera propre. ~lai si la pratique a été stipulée propl'e purement et simplement et qu'il n'y en
a it point eu d'estimation, en ce cas c'est la pratique en soi qui e t
stipulée propre, et elle appartient au mari ou à ses héritiers en
t' état qu'elle est ou qu'elle se tt·o urnra au temps de la dissolution
du mariage. » Arrirnnt it une autre espèce, il pour:rnit : « De rnème
un trou peau de moutons peut èlre stipulé propre.. .. '"il n'y a point
d'estimation et ï ue le nomb1·e ait été déterminé, comme quand on
ex prime dans le contrat que c'est un trou peau de cent mouton ,
ce sera le nombre de cent mouton· qu i sera propre. i le nombre
augmente celui des conjoints au profit duquel la. stipulation a été
faite ne reprend1·a que le nombrn de t•ent moutons, le surplu sera
�-
104 -
pour la communauté. Si le nombre diminue, il prendra ce qu' il
trouvera et sera indemnisé de ce qui manque du n0mbre sur la
communauté. Mais s'il n'y a point d'estimation ni de nombre déter miné, c'est le troupeau en soi et en l'état qu'il se trouvera, qui sera
propre. » Ferrière (Commentaire sur la coutume de Pads , III, 1372)
partageait la même opiiùon: « Si les meubles apportés par la femme
se trouvent en nature et compris dans lïnventaire qui en au rait été
fait avec stipulation de reprise en cas de renonciation à la communauté, elle pourrait les revendiquer. C'est le sentiment de Charondas
sur l'A. 172 et de Brodeau au même lieu, ce que je crois indubitable. » On a souvent cité Lebrun comme adhérant à l'opinion de
Pothier. Le passage suivant montre au contraire qu'il la combattait. cc Pour ce qui est des meubles dont la valeur consiste principalement en poids, en nombre et en mesure, comme du blé et du
vin, nous ne nous éloignons pas du droit Romain, et sans qu'il en
ait été fait aucune estimation, il suffit qu'on en ait donné la dot au
mari, et il est tenu de rendre le prix à la fin du mariage, lorsqu'il y
a une clause de reprise. Pour les meubles dont la valeur dépend
principalement de leurs qualités (diamants, tableaux, tapisseries) ,
ils ne sont point censés vendus au mari, s'ils n'ont été estimés par
le contrat de mariage, et il semble que le mari les peut rendre tels
•
qu'ils sont à la fin du mariag-e en exécution d'une clause de reprise. >>
(Lebrun, l. II, ch. JI sect. IV, n° 51).
De nos jours deux opinions principales se sont produites dans
cette question. Dans une première opinion (so utenue par Merlin et
autres jurisconsultes cités par Aubry et Rau t. V, p. 455, note 26)
on affirme que tous les propres mobiliers sont des propres imparfaits : la communa uté en serait toujours propriétaire. Cette opinion
invoque l'autorité de Pothier: on fait encore remarquer que l'A.
1428, interdisant au ma ri l'aliénation des immeubles de la femme,
lui permet par là même d'aliéner ses meubles, ce qui ne peut s'expEquer si la femme en conserve la propriété. No us verrons plus
-
105 -
loin si l'autorité de Pothier suffit i1 faire admettre ce système. Mais
il est impossible d'en voir la consécration dans l'A. 1428: nous
avons dans cet article (page 99) trouvé la preuve que la communauté légale n'était pas propriétaire des propres mobiliers de la
femme (A. 1428 2°). Il serait donc bizarre que son troisième paragraphe fit admettre un système que le deuxième repousse. Et en
effet la question de propriété ne se confond pas avec celle de la
validité des aliénations faites par le mari. Pour nous l' A. J428 ne
donne pas au mari le droit d'aliéner les propres mobiliers de la
femme: mais lui donnerait-il ce droit, on ne pourrait pas encore
affümer que l'article l'autorise à les aliéner en qualité de propriétaire. E st-il donc impossible de voir en lui un administrateur ayant
des pouvoirs extrêmement étendu. ? Le tuteur dans l'opinion gènérale a le droit d'aliéner les meubles du mineur , en est-il propriétaire?
On voit que quelle que soit l'interprétation qu'on donne à l'A. 1428
il est et demeure étranger à la question.
On invoque aussi l'A. 1503. Il eo résu lte certainement que la
communauté est dans certains cas quasi-usufruitière de tous les
pro pres mobiliers. Mais l'A. 1503 a-t-il bien été écrit pour la clause
de réalisation qui est l'objet de notre controverse? A côté de la
clause de réalisation expresse prévue par l' A. 1500 l 0 se trouve
une clause de réalisation indirecte prévue par l' A. 1500 2°. L' A.1503
se réfère certainement à cette seconde clause, se réfère-t-il aussi à
la première? L'affirmer serait commettre une erreur. ion lit avec
soin l'A. 1503 on voit qu'il parle d'une mise dans la communauté :
ces mêmes mots se retrouvent dans le deuxième paragraphe de
l' A. 1500, alors que le premier au contraire suppose une exclusion
de la comm unauté. Il doit donc être étranger à la clause prérne
par l'A. 1500 1°. Cette opinion se confirme lorsqu'on considère l'ordre des différentos dispositions du code. L'A. 150 l ne fait qu' expliquer la dernière clau e de l'A. 1500 lorsqu'il dispose : « Cette
clause rend l'époux déb~teur de la somme qu'il promet d'npporter.))
0
�-
106 -
« L'apport, continue !'A. 1502, est suffic;amment justifié lorsque ... !)
Vient en uite l' A. L503 qui doit être rédigé clans le même ordre
d'idées, et compléter l'explication de cette clause. On a <lonc le
droit d'affirm'3r quïl en est de l'A. 150:i c.;omme de L\.. 14'28 et
qu'ils doivent tous deux être mis hors de cause (1).
Restent les précédent hi toriques et il faut en rechercher la
valeur. L'autorité de Pothier est battue en brèche par les auteurs
de l'ancien droit qui l'ont combattu , et par l'A. 1503 lui- même,
que l'opinion contraire invoque. L'A. 1503 en effet a été copié sur
Pothier, mai:; les auteurs du Code ont fait subir à la phrase de
Pothier une modification qui révèle leur intention. Poihier parlait
de la reprise des effets réalisés, le Code dit au contraire : reprise de
ce dont le mobilier exc~daii la mi e en commumi.uté. Or, nous
l'avons vu, cette mise en communauté ne se trouve que dans la
clau e de réali ation tat'ite. Ajoutons que Pothier n'avait donné de
on opinion que des raisons mauvaises à son époque, et détestables
aujourd'hui. Pour lui le meuble se divisent en deux grandes catégories : meubles gui se consomment par le premier usage, meubles
qui s'altèrent par un long usage : refu set• à la communauté le droit
de les aliéner serait tantôt lui en 1·efuscr la jouissance, tantôt la
diminuer d. une manière notable. Cette c<rnsidération o' a rien de
déci iL Pour la première catégorie de biens nous verrons que la
( t) Certains aul"lur:>, qui refusent toni•>llt'<! il la communauté h propriété
des propres mobiliers des é pnux on l proposé une autre explication. L'A.
lâ03 se rélérerait aux deux chuses de I'.\. 1500, mais il supposerait que le mari
a "n vertu des pou\·oirs que lui donncr.1il 1·.\. 1U8 ali1l nc les 111cubles propres.
En µareil ras r épou x n':iurait droit qu'il la \·'\lenr du meuble ri·alis1• (V .
ous repouss,ms ce svslème :
Reprises el Préle\•ements. Revue critique r 11)
t· 11 con~tituc une interprétation divinatoire de l'A. 150.3. 2° U'ap rb; nou;; le
mari n 'a pas C[U'llilé p1ur aliéner l1is prnpre-; mobiliers de la le1nrnc 3• L'.\ .
ISOJ se rèlére p;1 r ses termes et sa place au t •• et non au 2• paragraphe do
l'A. JjOO. !• Nous ve1Toos plus loin qu 'on ne l'Oinprenrlrait pas cl.tus la clause
d'apporL que l'é110ux conserve la propriété de ses prnpres m <>bil iers.
-
107 -
.
communauté en est propriétaire nième d
ans notre systeme : pour
.
..
.
la deux1eme, il suffit de renvoyer Pothier . dé . .
aux c1s1ons admises de
fi
E
5
A.
les
par
tout temps et consacrées
89 •1566 · n n à coté de ces
.
<lem< classes de meubles il en est une trois·è
1 me que p oth'1er oublie·
'
ce sont les meubles incorporels (créances • fonds de commerce, etc.)·
.
·
1 au3ourrie
catégo
et, cette
,. l'est encore pus
.nombreuse de son tcmns
.
et obli0>ation
d hui. P eut-on
s de nos grandes
o
, voir..dans les actions
.
compagnies financieres, commerciales ou industr·
• 1eli es de choses
dont la valeur va en diminuant? Ne serait-il pas vrai de dire au
contraire que leur vale11r augmente tous les jours et est destinée à
augmenter sans cesse (l) ?
Enfin on peut objecter à Pothier et il ses disciples quïls ne tiennent pas le moindre compte de l'intention des époux. Or cette considération est capitale en matière de communauté conventionnelle.
Ne serait-11 pas étrange de faire entrer en communauté un mobili~r
que les parties en ont exclu (A. 1500 1°1 ? Pouvaient-elles se ervir
d'un terme plus clair, d'une expression plu · significative? Elle ont
voulu déroger ü la régie de la eommunauté légale en vertu de
laquelle l'époux perd la propriété de son mobilier. Nier l'existence
de cette règle, l'effacer pat· leur volonté toute puissante, n'est-ce
pas dire que l'époux doit en re ter propriétaire?
L'opinion, que nous combattons, ne peut donc s'appuyer sur
aucune base certaine. L'opinion contraire, qui con~en1e à l'époux
la propriété de ses propres mobilier , est fondée en droit ur les
principes de l'usufruit, elle re pecte l'mtention présumée des partie , justifie l'A. 1503. Elle résulte encore de l'A. 1510, 2° et 3°.
(1) Aussi certains juriconsultes tout en anmettant 1opinion de Pothier
quant au\'. meubles matèriels "'' s11nt refusé :·l h générolisation Je <;ûtl principe et laissent aux cpoux la proprieli' des tilres de créance rciali$é,:; (Rolland
de Villargue \'• Réalisation). ce srstè111e int<'rtnérliaire, que rien ne justifie,
ni les préeédents historiques, ni it'~ principes, ui l<Js texte~ <ln Code, e.;t la
meilleure criti<1ue l(ll6 l'on puisse !aire de la rtoctrine de Pothier.
�-
108 -
Cet article :lécide implicitement' q ue, lorsque les meubles réalisés
de la femme ont été constatés par inventai re, ils sont soustraits
aux créanciers de la communauté. N'est-ce pas dire que la femme
en demeure propriétaire? Enfin les t ravaux préparatoires de la loi
du 28 mai 1838 modificative du Code de commerce sont venus jeter
un nouveau jour sur cette question. L'A. 554 de l'ancien code de
commerce inspiré, soit par les idées de P othier, soit par une réaction rigoureuse contre les désordres commercia ux de l' époque,
réduisait la femme du fail li à la simple reprise des bij oux, diamants
et m is elle, dont elle juslifiait authentiquement 1' orig ine ou dotale
ou héréditaire : tous les autres meubles étaient livrés a ux créanciers
du failli. Le premier projet modificalif maintint l'A. 554 avec un seul
tempérament qui consi:;tait à admettre lorigine par donation entre
vtfs comme l'origine testamentaire. La première commission de la
chambre des députés pensa qu' il était juste de généra liser la fae;ulté
de reprise. Elle eut pour organe M . Dufaure qui protesta énergiquement au nom du respect dù au droit de propriété cont re l'inconséquence de la loi de 1807. L'innovation fut adoptée par la chambre.
A la chambre des pairs, le g arde des scea ux , M. P ersil, s'éleva
contre l'opinion qui avait prévalu à la chambre des dé putés , en
invoquant l'A. 1503 comme non -susceptible d' équivoque, et la doctrine professée par Pothier , dont il reproduisit en partie le passage.
Le ministre ajoutait , comme considération propre au cr édit commercial, que les créanciers du mari ont dû avoir un gage dans la
totalité des meubles possédés par· lui et que leur confiance serait
trahie par le droit accordé à la femme . Il concl uait donc que celleci était créancière a u même titre que les a utres créanciers, et devait
venir comwe eux au marc le franc. Dans son rappor t du 10 mai 1836 ,
le baron Tripier se déclara partisan de l' avis du garde des sceaux.
La chambre des pairs suivit néanmoins l'exemple de celle des députés, et ce double vote fit entrer dans la loi nouvelle, sous le
n• 560 , un article qui consacre le principe de la reprise en nature.
-
109 -
On peut donc considérer la loi de 1838 comme contenan t dans son
t exte, et surtout dans les trava ux préparatoires qui l'ont précédée,
une interprétation du Code Napoléon , qui doit être d' un grand poids
dans la controverse. f)i donc il était vrai que le Code Napoléon
la issât subsiste r un cer tain doute, il faudrait profiter de l'ambiguité
de ses termes, pour adopter l'opinion dont le législateur de J838
s'est montré partisan.
Nous a urions tout dit sur cette intéressante question, si Troplong
n' avait sou tenu un système intermédiaire, qui d'ailleurs n'a pas
séduit et ne méritait pas de séduire les interprètes. 11 distingue
suivant qu'il s'agit d' une clause de réalisation à titre par ticulier , ou
d'une clause de réalisation universelle (comm unauté d'acquêts).
Dans le premier cas la communauté, dans le second cas lépoux
serait propriétaire des propres mobiliers. A l'appui de cette théorie,
il fait remarquer que, ta ndis que l'idée de communauté prédomine
dans le premier cas, elle est sinon détl'Uite au moins fort entamée
dans le second. Cette tentative de conciliati~n n'a pa trouvé fave ur,
et c'est à juste titre. Troplong prétend que l'idée de communauté
dispara it dans la communauté d'acquêts . li oublie qu'elle est encore
usufr uitière des propres des époux, et que c' est dans les principes
de l'usufruit qu'on doit chercher les éléments de solution, qu'elle a
encore un actif et un passif et efface de sa seule autorité les
A. 1497, 1528. Cependant son système aurait pu trouver un appui
apparent dans P othier , au cas de réd uction de la communauté aux
acquêts, par opposition au cas où les époux auraient déclaré exclure leur mobilier. C'est en effet dans ce second ca. seulement
que P othier énonce et développe son opinion : il ne s'occupe pas de
la première clause qui n'était pas usitée dans les pays de droit
coutumier.
La jurispr udence, après avoir été assez longtemps hésitante,
semble se rallier au système que nous avons défendu. (Civil rejet
16 juillet 1856. D. P . 56. 1. 381 ; Paris 25 février 1868. D. P. 68.
�-
-
11 0 -
2. t 76). P ourtant on peut dire qu'en génél'al elle a r endu plutôt des
arrêts d'espèces que de principe . Il n'y a pas lieu de s'en étonner:
la question est. au fond un e question d' interprétation da volonté.
L'époux qui, pat· son contrat, s'est réservé en propre une créance
par exemple, a voulu probablement s'assurer de la retrouver à la
111 -
1855. D. 55. 1. 461.) (Comp. Aubry et Rau. V, p. 457. Rod. et
Pont II, 1277. Civil rejet 2 1 mars 1859. D. P. 59. 1. 225).
3° Quid des meubles destinés à être vend us . Nous nO\lS en référons à ce qui a été dit plus haut. (Voir page 100) .
dissolution de la communauté. Mais il peut avoir aussi voulu le
contraire. L'expression de sa volonté fera la loi. Qui décidera alors
si l'époux a entendu transporter à la communauté la propri été des
ARTICLE II
objets mobiliers réalisés? Les tribunaux. Aussi, dans cette question,
Des clauses de réalisation tacite
le fait primera souvent la droit.
La communauté n'aura donc que la jouissance des propres.
Pourtant elle sera propriétaire.
l 0 Des meubles consom ptibles. Car le droit d'en user emporte le
droit. d'en disposer en les consommant.
2° Des meubles estimés. On en a douté (Toullier 13 n° 326. Laurent 23 n• 149). éanmoins, je cr ois que l'on peut à l'appui de
cette doctrine, faire interveni r les A. 155 l-1 552. Nous connaissons
déjà leur dispositif et avons vu que leurs motifs n'ont rien de spécial au régime dotal. D'ailleurs l'A. 185 1 no us fo urnit un nouvel
argument. Cet article rend la société propriétaire des biens m eubles
ou immeubles estimés que les associés apportent pour la jouissance
seulement. Or tous les auteurs sont d'accord pour voir dans la
communauté une véritable société: de plus, dans l'es pèce, l'apport
consiste dans la jouissance seulement des propr es. Nous sommes
donc bien dans le cas prévu par l' A. 185 l. Cependant il importe
d'observer que la raison principale de décider se trouve dans
l'A. 1551 et non dans l'A. 1851 : ce dernier article sï 'nspire en effet
de cette idée que la société est créée dans un but de s péculation.
On ne peut pas en dire autant de la communauté . Aussi la communauté n'est-elle propriétaire ni des immeubles propres estimés, ni
des propr es mobiliers qui dépérissent par un long usage lorsqu'ils
ne sont pas estimés. (En ce sens 1551-1 552 . Civil cass. 14 oov.
I. - CLAUSE
upposons que les époux conviennent
qu'une cerlaine somme à prendl'e sur le mobilier appartenant à
l'un d'eux sera employée à on profit en acquisition d'immeubles.
Cette clause était prévue par la coutume de P aris dont ]'A. 93
disait : -. Somme de d eni er~ donnée par père et mère, aïeul ou
aïeule ou au tres ascendan ts à leurs enfants en coutemplation du
o'EMPLOr. -
m ariage pour être em ployée en achat d'héritage, encore qu'elle
n'a it étc employée, est réputée immeuble à cause de sa destination. ]) Le principe de cet te cln u ·e (P othier n• 3 17) avait été étendu
a u cas où la donation sernit faite par un étranger ou la stipulation
par l'ëpoux.
Serait-elle valable auj ourd'hui? Il n'y a pas de raison pour en
douter : le silence du code ne suffit pas pour faire échec au principe
de la liberté des conventions (A. 1 3~7 et s.).
L rsque le ma ri satisfaisant au vœu du contrat aura lait emploi,
nous serons hors de la matière du quasi-usufruit. ~lais, dan le cas
contraire, l' époux qui a stipulé l'emploi n'a t -il pas manifesté l'int ention de réaliser la somme dont emploi aurait dû. être fait? Et
alors la communauté serait q uasi-usufruitière de cette somme. Un
seul auteur Battur en a douté. Pour lui cette clause ne sort à effet
qu'autant que le mari a fait emploi. Mais oo peut lui objecter
�-
11 2 -
1o L'A. 93 de ta coutume do Paris qui réputait la somme immeuble à raison de sa destination et non à. raison de son emploi ;
2• l'intentien des parties qui semble évidente ; 3° enfin , si la stipulation a été faite du chef de la femme, ne voit-on pas q u'on donne
au mari le moyen de la dépouiller ?
II. -
A. - Apport d'un objet déterminé. (A . 1511 ; . - L'un des époux en se mu.riant déclare apporter dix
CLAUSES o' APPORT. -
obligations d' un chemin de fer par exemple. Il manifest e ainsi
l'intention d'exclure de la communauté tout le reste de son mobilier en vertu du principe : Qui dicit de uno negat de altero. Cette
clause se confond donc avec celle de 1' A. 1500 1° (Colmet de
Santerre VI, n• 166 bis II), à une différence près qui nous importe
peu, c'est qu'elle constitue 1' époux. débiteur et par conséquent
garant de son apport.
B. - Apport du mobilier présent el futur, ou du mobilier présent
seulemenL, otL dit mobilier futur seulement jusqu,' à concurrence d' une
certaine somme. - A. 1500 2°) . - Aux termes de l'A. 1500 2°
« lorsque les époux stipulent qu'ils mettront réciproquement leur
mobilier dans la communauté j usq u' à. concurrence d' une certaine
somme ou d' une valeur déterminée, ils sont par cela seul censés se
réserver le surplus. )) Cette clause dont parle I' A. t 500 2° produit la
réalisation de ce dont le mobilier de l'époux dépasse la somme ou
valeur par lui promise : elle ne la produira cependant pas toujours,
car il peut arriver que le mobilier n'excède pas ou même n'atteigne
pas la somme promise. Mais s'il y a un excédant cet excédant sera
réalisé.
La réalisation produite par cette clause est-elle une réalisation
parfaite ou imparfaite ? En d'autres te rmes l'excédant du mobilier
sur la valeur promise sera-t-il un propre parfait ou un propre
imparfait? On pourrait croire que l'époux en conserve la propriété,
comme il conserve la propriété des meubles expressément réa-
-
113 -
lisés. La rédaction de 1' A. t 500 pourrait induire en erreur sur ce
point ; ne met-il pas sur la même ligne .et ne semble-t-il pas
assimiler les clauses de réalisation expresse et d'apport? (1) Mais la
lecture attentive de 1' A. t 503 ôte toute espèce de doute et montre
qu'on ne doi t pas s'attacher à cette idée. Nous avons prouvé qu'il
ne s'occupe que de la clause d'apport : or il donne à l'époux (( Je
droit de reprendre et prélever la valeur de ce dont le mobilier .....
excédait la mise en communa uté. » Les mots de reprendre et prélever dont se sert la loi indiquent une récompense, une indemnité.
Il est vrai que l'A. 1470 qualifie de prélèvement la reprise des
propres en nature ; mais l'article ne parle pas de prélèvement des
biens, il dit que les époux prélèvent une valeur. Ces mots sont
décisifs et montrent que le droit de l'époux est un simple droit de
créance, et que la communauté est devenue propriétaire. L'excédant réalisé n'est donc pas un propre parfait, mais un propre
imparfait.
Mais encore faut- il comprendre la raison de cette différence
d'effets entre la clause de réalisation expresse et la clause d'apport.
On a dit : « Dans la première, les époux ont exclu leur mobilier de
la communa uté, donc ils ont manifesté l'intention d'en consener la
(l) On pourrait citer en ce sens un a rrêt de la cour de cassation (Cass.
5 novembre 1860. Sirey 1861, 1,49) . .Mais cet arrêt est un de ces arrêts d 'esp~
ces qui, comme nous l'avons dit plus haut, sont fréquents en la matière. Il
s'agissait d'une femme qui, possédant une créance de 30,000 francs eu,·iron,
apportait une somme de 500 francs. La disproportion entre 1:1 somme
apportée et la valeur réalisée pouvait faire croire que dans l'intention des
parties il s'agissait d'une réali..alion parfaite. Tout au plus aurait-on pu 1Hre
tenté de donner ou mari le droit d'aliéner les propres parfaits de la femme
pour se procurer la somme due. Aller plus loiu eut été violer l intention
évidente des éponx.
.
.
C.:'est ainsi qu'on peut expliquer l'arrêt de cassation. D'ailleurs si o~ Y~u~;lll
eu !aire un arrètde principe, manifestant l'adhésion de la cour :\ 1 op101on
énoncée au texte, son autoril.é serait singulièrement infirmée p:u· un a~rèt
antérieur d'ntl an seulement à l'arrêt énoncé, et qui con Lient h con~écraLtun
évidente du système que nous défendons (Cass. ch·il. 21 Mars 1859, Journal
du Palais 1860 p. 812).
8
�-
11 4 -
-
propriété. Par la seconde ils l'ont mis dans la communauté: donc
ils l'y ont fait entrer et ont consenti à en rendre la communauté
propriétaire. • (Laurent XXIII,23 1 fo fine) . Cette explication est
insuffisante. On pour l'ait objecter a u savant auteur que, si les
époux ont mis leur mobilier en communauté, ils ne l'ont mis que
jusqu'à concurrence de la somme promise. Ils sont, dit l'A. 1500,
censés s'être réservé le s urplus, l'excédant. Dès lors, il semble
illogique d'en transporter la propriété à la communautiS . On peut
répondre que sans doute les deux clauses de l' A. 1500 manifestent
l'intention des époux de conserver la propriété de tout ou partie de
leurs biens mobiliers. Mais de quels biens ? S'il y a une clause de
réalisation expresse,on peut les déterminer individuellement. Il n' en
est pas de même dans la clause d'apport : peut-on affirmer que
l'époux a entendu se réserver une créance plutôt qu'un tableau ,
tel meuble plutôt que tel autre? S'il ne peut pas dire de quels biens
il est propriétaire, il ne pourra pas intenter une action en revendication, et n'aura qu'une action personnelle à la dissolution de la
communauté.
L'A. 1501 permet d'expliquer autrement la décision de l' A. 1503.
Aux termes de l'A. 1501, la clause d'apport <t rend l'époux débiteur
de la somme promise. >> Pour s'acquitter de sa dette, l'époux livre
son mobilier à la communauté, qui le reçoit en paiement de ce qui
lui est dl1. Si la valeur du mobilier versé est inférieure ou égale à la
somme promise, le mobilier est commun en totalité. Si elle l'excède,
l'excédant est réalisé : mais la communauté n'en sera pas moins
propriétaire. On ne peut pas en effet comparer immédiatement les
valeurs versées aux valeurs promises : cette comparaison suppose
un règlement de comptes, qui ne pourra se faire qu'à la dissolution
de la communauté, c'est à ce moment là seulement qu'on saura s'il
y a un excédant. ll faut donc dire que la communauté reçoit à titre
de dation en paiement, sauf à compter plus tard.
C. -
Apport d'wne certaine somme (A. 1511). -
Cette clbuse se
11 !> -
confond avec celle de l' A. 1500 t•. Ce qui le prou\·e c'est que le
Code a appliqué à la for'llule de l' A. 1500 2° les règles que Pothier
avait établies pour cette clause. D'ailleurs les raisons de droit qui
justifient 1' A. 1503 s'appliquent encore ici; cette clause nécessite un
règlement de comptes ayant pour objet de faire ressortir la différence entre la somme promise et la valeur du mobilier apporté.
Il faut pourtant faire une réserve. Il est un cas où nous refuserions d'assimiler les deux clauses : c'est celui où, l'époux ayant promis d'apporter 100 par exemple, on retrouverait cette somme ou
une somme supérieure en argent comptant parmi les meubles qu'il
possédait a u jour de la célébration du mariage. La clause ne serait
plus en réalité une clause d'apport d'une certaine somme, mais
d'apport d'un objet déterminé, dont nous avons déjà étudié les effets
(Voir page 112). Ajoutons qu'unrèglement ultérieur n'étant pas nécessaire en l'espèce il est naturel que la réalisation produite soit une
réalisation parfaite.
CHAPITRE III
DE LA CLAUSE PORTANT QUE LES ÉPOUX SE MA.R.IENT SA. NS COàUfUNAUTÈ
(A. 1530-1535).
Le mari est usufruitier des biens de la femme. Donc il sera q uu.siusufruitier :
1° Des biens qui se consomment par le premier usag~ (A. 1532).
2° Des meubles estimés (A. 1551, 1552).
Les auteurs sont unanimes à appliquer ces articles . C'est que ce
régime se rapproche beaucoup du régime dotal a \'eC constitution
universelle de dot (Comp. Laurent 23 n• 436).
Notons que, si la femme exerce une iudustrie ou un commerce et
y fait des bénéfices , le mari ne sera pas propriétaire sans chnrge de
ces bénéfices, il n'en sera. que quasi-usufruitier (Aubry et Rau V 1
page 515).
�-
11 6 -
CHAPITRE I V
OU li.ÉGIME DOTAL.
Le mari a la jouissance des biens dotaux de la femme, c'est- àdire: 1° De ceux qu'elle se constitue en dot (A. 1541) 2° de
ceux qui lui sont donnés par contrat de mariage (A. 154 1).
Dans quels cas en sera- t-il quasi-usufruitier? Troplong a soutenu
que le mari est propriétaire de tous les biens dotau x. C'est une
erreur que signalent les auteurs les plus autorisés (Aubry et Rau V ,
page 545, note 1 et auteurs qu'ils citent; ajoutez Laurent 23 n• 472,
473). Il nous suffi.ra de l'avoir relevée sans entrer dans le débat. Il
n'y a là en effet qu' une simple question de langage importante en
certaines matières au point de vue des conséquences qu'on en tire,
sans intérêt à notre point de vue spécial. Nous recherch ons les cas
où le mari est quasi- usufruitier ; or Troplong tou t en le déclarant
propriétaire ou quasi- propriétaire reconnait (A. 1564) qu'en principe il est débiteur de corps certains : il ne voit donc pas en lui un
quasi- usufruitier et cette controverse sort de notre sujet.
Le mari est quasi-usufruitier :
1• Des choses consomptibles ( l).
( 1) A quel moment la femme perdra-t.-ellc son droit de propriété sur les
choses consomptibles '1 Est-ce au moment de la constituti on de dot, ou de la
donation qui lui est faite, de la snccession qui lui échoit ou bien seulement
au moment de la consommation naturelle ou tictive qui en sera faite par le
mari '? En d'autres termes, dans l'intervalle qui sépare la constitution de
dot, la donation ou la s uccession de la consommation, la propriété des
choses consomptibles réside-t-elle s ur la tête du ma ri ou sur celle de la
Lemme '1
-
117 -
Nous avons exclu des choses consomptibles celles qui se détériorent peu à peu par l'usage. L'A. 1566 1° consacre notre doctrine et
confirme l'A. 589. On y lit en effet que le mari n'est tenu de restituer à la dissolution du mariage que les meubles qui resteront et
dans l' état où ils se trouveront. P ourtant pour quelques-uns de ces
meubles nous tro ~vons en matière de régime dotal une disposition
qui rappelle le quasi-usufruit. Il s'agit des linges et hardes de la
femme. Si le législa teur avait appliqué les principes rigoureux de
l' usufruit, il aurait donné à la femm e le droit de reprendre ceux
qu' elle avait apportés, neufs ou vieux, en bon ou en mauvais état,
peu importe (A. 589). Or l' A. 1566 2° décide que : « La femme retirera les linges et hardes à son usage actuel ll . La femme retiendra
donc non la chose même qu'elle a livrée, mais une chose semblable,
comme cela se passe en matière de quasi-usufruit. Sommes-nous
en présence d'un quasi-u ufruit véritable ? Non. S'il y avait quasiusufruit : 1° Elle reprendrait l équivalent exact de ce qu'elle a livré :
or elle retire tou t ce qu'elle trouve, et peut y gagner ou y perdre
suivant que son mari a été ou non généreux . 2° Elle n'aurait qu'une
La que tian ne somble pas douteuse . Les principes qui régissent le quasiu!'>ufruit onl é té établis plus haul. Il résulte <le l'A. 587 que l'usufruitier
acquiert immédia temeul la propriété des choses consomptibles sur le quelles
l'ns ufruit a élé cons titué. Telle éta it déjà la dëcision du droit romain. Uaius
(loi 7 De usufructu earum 1·e1·11m Dig. V. 7) décide que, si uo semblable
usufrni t est l'objet d'un legs, la propriété de la chose doit être transfért>e au
légata ire . .M. Demolombe adopte a ujourd'hui la mème solution . « li va. •Jit- il.
translation immédiate à l'usufru itier de la propriété d~ choses qui ... " nt
livrées. n (De la distinction des bien · TI n· 291). Ces principes di.,;,cnl
recevoir leur a pplicalion en ma tiè re de régime dotal le mari ëtant usufruitier
des biens dota ux. Aussi :Merlin disait-il : « i ce sont des biens de nature à
n'en pouvoir retirer une utili té qu 'en les consommanl le mari en a la pleine
propriété. » Rodière el Pool, 111 1666, 17'20, Laurent xxm n· t '8, Aubry et
Ran, l. v, n· 537, p. 557 ne "ont pas moins affirmatifs et tranchent h question dans le même &ens .
Néanmoins il s·e~t trOtl\'l°' de nos jours un tribunal, le tribunal de la ine.
el une cour 1<1 co11r de Paris, pour soutenir contt-;iiremeut ù tous les préccdenls et à L~ules les idt•cs reçnes que la femme restait propriétaire de ces
choses jusqu'au jour de la cM sommalion. que jusqu'à ce jour le créancier du
.
.
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,_
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118 -
action personnelle en restitution, tandis que le Code en spécifiant
l'objet de son droit lui donne une action réelle. 3° Le mari n'est pas
propriétaire de son trousseau : donc ses créanciers ne pourraient
pas le saisir .
En matière de communauté on trouve une décision analogue.
L'A. 1-'t92 statue: << La femme renonçante retire ~s linges et hardes
à son usnge >> . D'où vient que nous ne l'avons pas indiquée au chapitre I ? Il n'y a rien qui ressemble à un usufr uit ou un quasi-usufruit. Les linges et hardes tombent définitivement en communauté.
Ce qui le prouve, c'est que cette faculté n'existe que au cas de
renonciation de la femme et à son profit seulement, à lexclusion de
ses héritiers. C'est une favem spéciale et personnelle que lui fait la
loi. En cas d'acceptation, on ne trouve rien de semblable (Conf.
Rod. et Pont 1, 534. En ce sens Pothier n° 569).
2° Des meubles estimés (A. 155 1). En droit romain l'estimation
des choses dotales mobiliéres ou immobilières valait toujours vente
(Lois 10 et 69 § 8 D. de jtH'e dotium. L ois 5 et 10 C. Eodem) et
mari qui les saisira it serait exposé à une action en revendication. et que si
rette action en revendication cesse avec la consommation, c'est par application du principe : res e:vtinctœ vindicari non possunl . (Tribunal de la
Seine, 2'l juin 18TI. ~Attendu que la revendication doit comprendre également les choses dont on ne peut !aire usage sans les consommer mais qui
existent encore en nature, le droit de propriété s ubs istant sur les dits objets
ta nt qu'ils n'ont pas été consommés. n Cour de Paris, 28 fé\'rier 1880. « Adoptant les motifs des premiers juges. etc. ») A l'appui de cette opinion, les
parties allégaieot que le mari n'est pas véritablement usulruilier des biens
d otaux. Cette qualification. disaient- elles, ne lui est donnée par au cun texte,
et la jouiss:1nce qui lui appartient di1Tère de J' usulruit à plus ieurs points de
vue: c'est ainsi qu'il n'est pas tenu de donner caution, qu'il lui es t dù une
indemnité pour les récoltes omises, pour les a méliorations faites , que son
droit est incessible et insaisissable au moins dans une certa ine mes ure, et
qu'il ne peut pas être hypothéqué.
Sans examiner la question de savoir si le droit du mari est un d roit de
jouissance d' une nature spéciale, ou un droit d 'usurr uit proprement dit, il
estcerlain ']Ue les auteurs sont d'accord pour étendre à cetlejouissaocetoutes
les règles de l'nsu!rult, dont l'application 11'cst exclue par aucune dispositi on
légale ou n'est pas incompatib le avec les principes. !)'ailleurs s i on se
-
119 -
Cujas disait : « Quidquid <EStimatur non est dotale ,, . Dans l'ancien
droit, les pays de droit coutumier repoussaient la maxime dos ;.estimaia dos vendita. Les pays de droit écrit au contraire , héritiers de
la législation romaine, reconnaissaient à l'estimation même des
immeubles les effets de la vente. Mais les nécessités pratiques forcèrent d'appor ter des tempéraments si nombreux à la règle que les
exceptions admises 1finirent presque par la détruire. C' est ainsi que
lorsque le mari était insolvable la femme avait une a~tion pour
réclamer le fonds estimé, que si le~ pactes étaient équivoques on
pouvait les interpréter contrairement à l'idée de vente. Enfin on
alla même jusqu'à permettt·e au juge de rechercher les motifs qui
avaient pu faire estimer la chose. Ainsi on en était arrivé à substituer à une règle bonne ou mauvaise en elle-même des décisions de
détail et l'a r bitraire du juge. De là une porte ouverte a ux controverses, et les jurisconsultes ne s'en firent pas faute. Aussi le législateur de 1804 , sentant le besoin de réagir et de ramener la clarté
dans une matière obscurcie par des discussions sans fin , posa en
pr·incipe que l'estimation des objets mobiliers est présumée valoir
vente , que l'estimation des immeubles n'en transfère pas la propriété, le tout sauf déclaration contraire.
demande pourquoi l'us u!r uitier est pro p riétaire des choses consomptibles,
on est forcé de répo ndre que, co mme on ne peut en joui r qu'en les détruisaol
le d roit d'e n jo uir suppose le droit d'en disposer, la q uali té de propriétaire
chez celui qui en a la jouissance. 0 1· ee mo.>li! n'a rien de spécial à l'usulruit, el le ma ri a le d roit de l'alléguer alors même q u'on ne Yerrait
en lui qu'un si mple adminis tra teur ayant la jouissance des revenus.
Enfin on peut !aire remarquer a\'ec l'a,·ocat généra l prés la cour de cassation
que le système de la cour de Pa ris la i t d épendre du mari selon q u'il
consommera 0 11 noo de constituer la le mme crëancière ou de la laisser
propriétaire. Or cette conséquence n'est pas de nature à assurer la fixité des
droits r es11ecti!s des épou x, que le légis hteur de 1801 a toujours es..~yé
d 'obtenir.
Aussi cette théorie nou velle n'a-t- elle r as i'.·chappé à la censure de la cour
de cassation (Gass. civ. 22 urnrs 1ssi. l) , l'. 1882, 1, ~37 ) .
La même ques tion pourrait être soulevée dans les mêmes termes en
matière de comm11oau té légale. Elle se résoudra it de la même manière.
�-
120 -
On comprend que la loi présume facilement la vente des meubles :
les époux y ont interêt (voir page 89). La feJllme au contraire a un
intérêt considérable à rester propriétaire de ses immeubles. Les
immeubles loin de se déprécier par le temps augmentent de valeur
par le cours naturel des choses : de plus la dot immobilière est inaliénable, et c'est un avantage assez sérieux pour qu' on ne puisse
pas croire qu'elle y renonce facilement.
La règle de l' A. 155 1 s'applique à tous les meubles corporels et
incorporels, car la loi ne distingue pas. E lle s'a ppliquera donc
1° Aux actions, 2° Aux créances : mais encore faudra-t-il une estimation véritable, l'indication du chiffre même de la créance ne saurait valoir estimation (voir page 92). 3° Aux universalités de créances
(Rod. et P ont III 1668). 4° Aux fonds de commerce.
La règle de rA. 1552 s'appliquera de son côté à tous les immeubles (par nature, destination, etc ... ).
Mais la présomption des A. 1551-1552 cesserait en présence
d'une déclaration contraire. On ne peut pas exiger que cette déclaration soit faite en termes solennels, en termes sacramentels : mais
il faudra au moins qu'elle soit formelle, et que la volonté des parties résulte clairement de l'acte. On s' est demandé ce qu'il en serait
si le contrat de mariage a~ordait au mari le droit d'aliéner sans
remploi l'immeuble estimé : il ne semble pas douteux que la femme
reste propriétaire. D'abord nous ne trouvons pas dans l'acte la
déclaration expresse e;.igée par l'A. 1552 : bien plus, puisqu' une
clause spéciale a été jugée nécessaire pour donner au mari le droit
d'aliéner, c'est que les parties, ne voyant pas en lui un propriétaire,
ont voulu seulement étendre les pouvoirs que lui confère l'A. 1549.
Enfin malg ré l'extension donnée à. ses pouvoirs on ne peut pas dire
que sa situation se confonde avec celle d'un propriétaire. Il reste au
point de vue des droits des créanciers une dilférence qu'il n'est pas
permis d'oublier. (En ce sens , Bellot des Minières, Rég. Dotal 774.
Contra, Troplong , n° 3144).
-
121 -
Il peut donc arriver.
1° Que l'estimation ne vaille pas vente. - L'estimation aurait
encore une véritable utilité: elle servirait à fixer les droits d' enreg istrement et à déterminer l'indemnité que le mari aurait à payer,
si la chose venait à périr par sa faute :
A faciliter le calcul des droits. Notons que l'enregistrement
pourra admettre l'évaluation des parties comme base des calculs à
faire, mais qu'il pourrait s'y refuser aussi, s'il la jugeait frauduleuse ou seulement fausse. Nous allons voir jusqu'à quel point
l'estimation lie les parties qui ont concouru à la faire, elle ne peut
lier l' enregistrement qui est un tiers. A ce point de vue il est vrai
de dire que l'estimation n'est pas définitive.
Mais qu'en est-il dans les rapports des époux entre eux ? Rodière
et Pont (III, 1675) voient dans l' es~imation une simple indication
que les tribunaux peuvent modifier le cas échéant. Telle était la
décision du droit Romain (L. ü § 2 D. de jure dotium), et une doctrine contraire, disent -ils, méconnaitrait cette idée prouvée par
l'expérience de chaque j our que l'estimation sera rarement sincère,
tantôt trop faible pour frauder l'enregistrement, tantôt trop forte
dans un but d'ostentation. Néanmoins cett e opinion semble erronée:
les tribunaux ne pourraient pas considérer l'évaluation comme
inexacte. Est.ce à dire que nous invoquions l'A. 1152 et que nous
voyions dans cette simple estimation une véritable clause pénale,
destinée à fixer l'indemnité due par le mari au cas où la chose périrait par sa faute? Ce serait aller trop loin. Les tribunaux devraient
mettre hors de doute qu'au moment du contrat la chose valait ce
que les parties l'ont estimée: elles ont été d'accord pour en déclarer
la valeur, on ne peut pas penser qu'elles aient entendu faire une
déclaration inexacte: permettre au juge de modifier l'estimation
serait tromper celui des deux époux, qui a pu croire agir loyalement et sincèrement. Mais elles n'ont pas dit qu'elles fixaient une
clause pénale a u cas de perte de la chose: le juge pourra donc
�-
•
-
122 -
admettre que la chose a augmenté ou diminué de valeur depuis le
jour de l'estimation. L ui refuser ce droit serait au cas où la chose
périrait par la faute du iuari mettre les risques de détérioration ou
de plus value à la charge ou au profit de ce dernier: et c,est un
résultat qu~on ne peut accepter qu'en présence d'une convention
expresse. Mais il n'en restera pas moins vrai que la base du règlement de comptes sera r estimation faite par les parties .
~ 0 Qt1'e l' esli-mation vaille -vente. Les parties ne pourront pas
estimer la chose après la célébration du mariage (A. 1395-1 595),
et elles ne pourraient le faire dans l'intervalle de la signature du
contrat et de la célébration que dans les formes prescrites par les
A. 1396 -1397. Ces deux propositions ne sont pas douteuses aujourd'hui. Dans l'ancien droit au contraire il arrivait souvent qu'oo
n'estimait le tro usseau qu'après le mariage, et le mari devenant
acheteur devait le prix convenu (Troplong n° 3156).
Mais l'estimation est-elle définitive? Elle est définitive en ce sens
que les parties la reconna1ssant inexacte ne pourraient pas la modifier
(A . 1395). Les tribunaux ne pourraient même pas si la chose estimée est une chose immobilière, si la femme a été lésée , et si cette
lésion est supérieure aux sept douzièmes de la valeur de l'immeuble
admettre la r escision pour lésion de l'A. 1674. Le motif qui a inspiré cet article est que le vendeur ne peut avoir consenti que pressé
par le besoin, sous l'empire d'une espèce de violence morale qui
vicie son consentement. Or ici il faut rejeter cette idée: une femme
ne se marie pas pour se procurer de l' argent, et l'acte s'explique
suflisamment-~ar une pensée de libéralité. D'ailleurs si on voulait
apprécier la lésion d'une manière exacte, il faudrait prendre en
considération les charges multiples qui pèsent sur le mari, et leur
estimation serait chose bien délicate. Enfin l'opinion contraire aurait
des 0onséq ueoces pratiques déplorables : la prescription ne court
pas entre époux, le point de départ du délai fixé par l' A. 1676 serait
one le jour de la dissolution du mariage. Or il serait impossible
123 -
d'apprécier sûrement la lésion trente ou quarante ans quelquefois
après que la vente a été faite.
Enfin, la vente pourrait être conditionneJle. C'est ainsi qu'elle est
soumise comme le contrat de marjage à une condition implicite :
que le mariage soit célébré. Si le projet de mariage était r ompu,
c'est la chose et non le prix que le mari devrait restituer (L. 17 § 1
de jure dotium). N!ais les parties ne pourraient pas la soumettre a
une condition dépendant de leur volonté: il y aurait une atteinte au
principe de notre droit moderne de l'immutabilité des conventions
matrimoniales. JJe contrat de mariage une fois signé est entièrement
soustrait à la volonté des parties. Il faudrait donc considérer comme
, nulle la clause qui laisserait à l' un des époux à la femme par exemple le droit de donner ou refuser à son gré à l'estimation les effets
de la vente. Non pas qu'il y ait vente conditionnelle (voir page 95),
mais parce que, au jour de la séparation de biens, la femme pour•
rait, suivant qu'elle accepterait ou repousserait l'idée de vente,
diminuer ou augmenter sa dot immobilière. Et c'est un résultat
inadmissible en présence des A. 1395-1543. (Contra, Rod. et
Pont III, 1673).
CHAPITRE V
;
,
1
I
~
REGIME DOTAL ET SOCIETE D ACQUETS
Il faut distinguer trois catégories de biens :
1° Biens de la femme. - La communauté sera quasi-usufruitière
des biens dotaux dans les cas étudiés pages 11 6 et suivantes, de ses
biens paraphernaux dans les cas étudiés page l 10.
2° Biens du mari. - Appliquer ce qui a été dit pages 110 et suivnntes.
3° Acquêts. - La communauté en est toujours propriétaire,
jamais usufruitière.
•
•
�-
124 -
S E C:::~::C C> N"
-
::C"V"
Transformation de !'Usufruit en Quasi-Usufruit
CHAPITRE PREMIER
DE L'USUFRUIT PI\OPREM.ENT DIT
Dès que l'usufruit a été constitué, on peut en recherchant ~'in
tention des parties et en examinant la nature de la chose détermmer
la nature du droit, et d11·e si elles ont constitué un usufruit ou un
quasi-usufruit. Mais il peut arriver que des événements postérieurs
à l'établissement du droit substituent à la chose qui est l'objet d' un
usufruit une chose consomptible, le plus souvent de l'argent. En
pareil cas l'usufruit cessera et le quasi-usufruit prendra naissance.
Ces événements sont extrêmement nombreux, a ussi ne pourronsnous pas les rechercher tous . Il nous suffira d'étudier les principaux
et de les citer à titre d'exemples . Nous étudierons : 1° Le cas où la
chose serait aliénée, 2° le cas où l'usufruitier d' une créance en
recevrait le montant, 3° le cas où la chose serait ass urée et vien_
drait à périr.
ARTICLE PREMIER
Aliénation de la chose.
Sous Je mot d'aliénation, nous comprendrons aussi bien l'échange,
lorsque la chose donnée en retour sera consomptible, que la vente.
On distingue deux espèces d'aliénation : volontaire et forcée.
125 -
De l'aliénation volontaire. - Supposons que la chose sur laquelle a été constitué le droit d'usufruit soit vendue. Est-ce que le
prix de l'aliénation sera substitué à la chose, et le quasi- usufruit du
prix à l'usufruit de la chose ? Pour que la question se pose, il faut
évidemment que l'usufruit et la nue- propriété soient simultanément
vendus ; de plus, comme les !'apports de l'usufruitier et du nu-propriétaire seront modifiés, il faut qu'ils consentent à subroger le prix
à la chose. S' ils ont expressément manifesté leur volonté, aucune
difficulté ne s'élève. Mais le simple concours des deux parties à la
vente su:ffira-t-il pour faire présumer leur intention de mettre le prix
au lieu et place de la chose ? Je ne le pense pas. La nue-propriété
et l'usufruit sont de~x droits distincts, <leu..\'. propriétés séparées,
appartenant à deux personnes différentes. ll y a <leu..\'. choses vendues et cieux vendeurs, j'en conclus qu'il doit y avoir déux ventes
et deux prix. Si donc la chose a été aliénée à un prix unique, il faudra par une ventilation fixer la part de chacun dans le prix (Laurent VII, n• 35).
Mais n'y a-t-il pas des cas où la substitution du prix à la chose
peut s'opérer :
1° Par la seule volonté de l'usufruitier. Proudhon donne le droit
de vendre : 1° à l'usufruitier d'un animal vieux sur le point de mourir (Proudhon III, 1098) ; 2° à l'usufruitier de choses qui se détériorent rapidement Proudhon, III 1078). En pareil cas le nu-propriétaire n'aurait droit qu'au prix à la cessation de l'usufruit. Sans
doute cette vente serait avantageuse aux <leu..\: parties, ft'.la.is leur
intérêt ne suffit pas à permettre une exception au principe le plus
certain de la matière : « L'usufruitier doit conserver la s ubstance. »
Il ne peut don~ pas avoir le droit d'aliéner seul.
2° Par la seule volonté du nu-propriétaire. Des héritiers pourraient-ils vendre l' immeuble héréditaire grevé d'us ufruit parce qu'il
est impartageable, et transformer ainsi l' usufruit sur l'immeuble en
un quasi-usufruit d' un capital mobilier? Demolombe sans exami-
�-
-
126 -
ner la question la tranche implicitement par l'affirmative (Demolornbe X, 500). Il semble en effet que le droit de l'usuf:uitier ne
peut pas forcer les héritiers à rester dans l'indivision . Or co1nment
pourraient-ils en sortir s'ils ne peuvent ni partager, ni vendre l'icnn1euble? On pourro.jt peut-êLre so utenir que le testateur en l~gant
l'usufruit a manifesté l'intention de les empêcher de procéder au
passage : mais si l' A. 815 permet certaines conventions qui font
échec à son principe, il interdit toutes prohibitions contraires. La
volonté du testateur, à supposer qu'elle fû.t certaine, devrait donc
rester lettre morte. Néanmoins cette opinion n'est en réalitê' -pas
soutenable. Sans doute les héritiers sont dans l'indivision et doivent
pouvoir y mettre un terme, mais sur quoi porte l'indi vision? Est-ce
sur l'usufruit? non, puisque un étranger en est titulaire; c'est sur
la nue propriété. Or rien n'empêche les héritiers de procéder au
partage de la nue propriété, et, si le partage est impossible, de la
faire liciter. Assurément ce mode de procéder leur causera un préjudice sérieux, mais qu'importe? Il ne suffit pas que leur intérêt
soit contraire à celui de l'usufruitier, il faudrait encore qu' ils aient
un droit contraire au sien. Or nous avons vu qu'ils n'ont pas ce
droit.
De l'aliénation forcée. - 1° Saisie. - Généralement une saisie
opérée par les créanciers soit del' usufruitier, soit du nu-propriétaire
ne changera rien à leurs rapports. Ils saisiront suivant le cas
l'usufruit ou la nue propriété et ne pourront jamais saisir à la fois
ces deux droits. Il semble pourtant qu'un créancier hypothécaire
inscrit avant la transcription de l'acte constitutif d'usufruit pourrait
saisir l'usufruit et la nue propriété. Sans doute, mais il y aura alors
deux saisies et deux ventes distinctes et nous n'assisterons pas à
une conversion de l'usufruit.
2° Expropriation pour cause d'utilité publique. - A. 59 de la loi
du 3 mai 1845. « Dans le cas d' usufruit, une seule indemnité est
fixée par le jury en égard à la valeur totale de l'immeuble. Le nu-
•
127 -
propriétaire et l'usufruitier exercent leurs droits sur le montant de
l'indemnité au lieu de l'exercer sur la chose. » Voilà un exemple
bien saillant des faits juridiques que nous étudions . ~fais pourquoi
le législateur n'a- t-il pas exigé une indemnité distincte pour
l'usufruitier, alors que le •jury prononce d'ordinaire des indemnités
distinctes en faveur de ce11x qui ont des droits réels ou personnels
à la chose expropriée? 90 a sans doute estimé que si le jury fixait
une certaine somn1e en tenant compte de l'âge et de la santé de
l'ayant-droit, ce procétlé serait trop incertain et aléatoire.
ARTICLE II
Paiement de la créance sitr laquelle est constitué l'usufrui i
'
Nous avons établi que l'usufruitier n'est pas propriétaire de la
créance sur laquelle porte son droit. 1-Iais si, pendant l'usufruit,
elle est payée, les choses payées n'étant d'ordinaire que des choses
consomptibles, le . plus souvent de l'argent, l' usufruitier deviendra
propriétaire de ces choses à la charge d'en restituer l'équivalent à
la fin de l'usufruit.
l'~ ous assistons donr à une tran3formation de l'usufruit. Mais
cette transformation suppose-t-elle encore le concours des deux
parties, nu-propriétaire et usufruitier ? On a hésité quelquefois à
donner à l'usufruitier le droit de toucher seul le paiement (Nancy,
'1 7 février 1844. Dalloz v0 Usufruit , n° 229). La question peut être
aujourd'hui considérée co1nroe tranchée. L'usufruitier a l'obligation
et le droit de jouir comme le propriétaire lui-mème: or le propriétaire a le droit de toucher Je paiement. L'usufruitier doit donc avoir
le même droit. D'ailleurs les parties ont dô prévoir que la créance
arriverait à son terme avant la cessation de tiusufruit, elles ont
donc dù s'attendre ù. voir l'usufruitier mettre son droit en exercice
�-
-
128 -
( Laurent VI, 413, Demolombe X, 323 et 325. Grenoble
17
juillet 1868, Sirey 1869, 2, 9).
Faut-il étendre cette décision et permettre à l'usufruitier de
recevoir seul le rembo ursement des rentes, obligations ou actions,
si la société arrive à son terme ou si le capital est am0rti? Pour les
rentes au moins la question pourrait paraître douteuse : il est
moins facile d'admettre que les parties ont prévu le remboursement.
Néanmoins la question est généralement tranchée par l'affirmative:
l'usufruitier ne peut-il pas jouÏI' comme le propriétaire (Demolombe X, 323 ?) Pothier enseignait au contraire: « Quant aux
rentes constituées (des rentes constitutées n• 187) 1' usufruitier et
le créancier appelés au remboursement de la rente peuvent arrêter
les deniers pour rester entre les mains soit du nota.ire, soit du
débiteur sous forme de dépôt, jusqu' à ce qu'on en fasse emploi en
quelque héritage ou rente, qui sera suj et aux mêmes droits, auxquels était sujette la rente qui a été remboursée. »
ARTICLE III
Perte de la chose assurée
Supposons un usufruit portant sur un objet assuré qui vient à
périt, on est tenté de dire que l'indemnité étant la représentation
de la chose assurée, lui sera toujours substituée, et que l'usufruitier
en jouira sa vie durant, à la charge de la restituer à sa mort a u
nu-propriétaire.
Ce n'est pas en cette matière seulement que se pose une semblable question. P artout en droit civil et en droit commercial elle
reparaît, partout on se demande si ceux qui ont un droit sur la
129 -
chose ont te même droit s ur l'indemnité. La solution en est toujours
fort délicate. Il y a en effet contradiction entre la loi et l'état actuel
de nos mœurs. L'usage de l'assurance s'étant généralisé, on est
amené à voir dans l'indemnité comme un reste, une dépendance de
l'immeuble. Mais il n'en était pas de même en 1804: l'assurance
n'était g uére pratiquée qu'en matière maritime, en matière
terrestre elle ne se rencontrait qu'accidentellement Dès lors les
tiers qui avaient un droit sur une chose ne pouvaient pas légitimement compter sur l'indemnité. Aussi les interprètes refusent-ils en
général de considérer l'indemnité comme la représentation de la
chose. Pour eux, et c'est une donnée qui restera vraie tant que
l' assurance ne sr.ra pas obligatoire pour tous les propriétaires,
l'indemnité ne provient pas de l'immeuble comme le prix de vente
provient de la chose vendue. Elle est née d'un contrat qui a été
form é à l'occasion de l'immeuble , ma is dont l'immeuble n'est pa
!•obj et. En réalité l'indemnité est la représentation des primes et
non de la chose. De là les solutions g énéralement admises au cas
de vente (Col met de Santerre V , 260 bis III) de rapport (Laurent XTn• 12) et d'hypothèque (Colmet de Santerre, I X n• t OO bis H ,
Aubry et Rau IIT, page '+90 , note 14) de la chose assurée.
L a loi commerciale, au cont1·aire, plus souple, plus flexible que
la loi civile, moins rigoureuse dans l'application des principe-, et
surtout plus favorable au crédit tend à admettre la subrogation de
l'indemnité à la chose. Des textes légaux sont venus dans deux cas
spéciaux consacrer cette subrogation en matière de warrant::. et
d1hypothèque maritime. Ajoutons enfin que la loi Belge du Jti décembre 185 l a reconnu aux créanciers hypo t h éu\Î1e~ un droit de
préférence sur l'indemnité due par les assureurs (Laurent ::s:xxr
n° 409).
Mais que devons-nous admettre dans l'hypothèse qui no6s occupe? Deux cas sont à examiner, suivant que l'assura nce a été faite
pat' l'usufruitier ou par le nu-propriétaire.
9
�-
130 -
.
.
1• L•asrurance a été faite par fosufruilier .
' 1 assuré la chose pour l'us ufruit seulement, il est certain
E
· ·
1 a
qu'il· profi tera de L'indemnité à l'exclusion du propriétaire. ncorc
faut-il que cette assurance soit licite. Des do~tes se sont él~:'és s~r
sa validité : on ne peut, disait-on, assurer qu une cho~e pér~ssab,e,
or l' usufruit est un droit incorpol'cl, ~t pa r cela mêm_e im.pén ssable.
Sans insister sur ce point, et montrer l'erreur comill.lse, il no us suffit de constater qu'il n'y a rien d'exact dans ce langage : c'est un
malheureu..x souvenir du droit roroa.in , dont les jurisconsultes a~
raient dù s'abstenir (Voir Alauzet n° 124, Quesnault n• 41, Persil
n• 121 Grün et J oliat n• 87).
..
'
Mais l'usufruitier peut avoir ass uré la chose pour son ent1ere
valeur. La chose périt. L'assurance ne pouvant pas être pour l'us ufruitier une source de bénéfices, faut-il appliquer les A. 357, 358,
359 du code de commerce, qui annulent totalt;ment le contrat d'assurance ou réduisent la somme ass urée, suivant que l'assuré est de
mauvaise ou bonne foi? Les auteurs repoussent généralement cette
solution. Lorsque l'usufruitier a assuré la chose, il a prétendu faire
une assurance valable. Il ne faut donc pas croire qu'il a vou lu assurer l'immeuble entier en son nom personnel, car alors le5 A. 357 et
s. devraient être appliqués, mais qu'il l'a assuré en ce qui concerne
l'usufruit en son nom peesonnel, en ce qui concerne la nue propriété au nom du nu-propriétaire. Il ne faut pas d'ailleurs s'étonner
de voir l' usufruitier ugir c:omme m..tndata ire du nu-propriétaire. Ne
reconnait-on pas généralement qu'il peut et doit faire en son nom
tous les ,actes consen·atoil'es? et on en tire une double conséquence : 1° au point. de vue <les actes interruptifs de prescription;
2° au point de vue des jugements par lui obtenus. Ne peut-on pas
dire qu'il est son mandataire pour tout ce qu i concerne leurs intérèts communs? (En cc sen:; Aubry et Rau 11 p. 495 note 9 ; Laurent VI n• 530 ; Comp. Besançon 1., avril 1863, D. 63. 2. 93).
Donc si l'immeuble vient à périr, l'indemnité n'appartiendra à
-
f31 -
l'usufruitier que pour la jouissance. Il devra à la cessation de l'usufruit la restituer au nu-propriétaire, sous déduction des primes
payées (Arg. A. 609-612). Nous avons donc ici un cas de substitution de quasi-usufruit à l' usufruit.
2° L'assurance a été {aile par le nu-propriétaire.
S'il a assuré la nue propriété seulement, il aura seul droit à l'indemnité. (Besançon 26février 1856. D. P. 1856. 2. 96).
S'il a assuré la pleine propriété, quid juris? Aubry et Rau appliqu ent au nu-propriétaire les idées que nous venons d'émettre.
Pour eux il a agi tant en son nom personnel qu'au nom de l'usufruitier; l' us ufruitier aurait donc la jouissance de l'indemnité, en
bonifiant au nu- propriétaire les intérêts des primes par lui payées.
(Aubry et Rau 11 page 513 note 21 ; Quesnault n• 315 ; Persil
n• 124). Laurent repousse cette opinion. Pour lui, il est contraire à
la nature des choses de considérer le nu-propriétaire comme mandataire de l' usufruitier , c'est-à-dire de celui qui détient la chose, qui
jouit, qui administre, qui est le plus à même de veiller aux intérêts
communs. Le propriétaire n'a dù sor.ger qu'à lui-même, et n'a pu
assurer qu'en son nom propre. Donc l'us ufruitier n'aura aucun droit
à l'indemnité. Mais alors faut-il appliquer les A. 357 et suivants du
code de ·commerce? Laurent les repousse : car, dit-il, le nu-propriétaire est intére sé non seulement pour la nue propriété, mais encore pour la jouissance qui doit lui revenir un j our. Ce rai ·onnement
doit subir, semble-t-il , une correction. Sans doute l'u ufruitier ne
pourra pas invoquer le contrat d'assurance, mais les assurnurs
pourront opposer les A. 357 et s.. Il y a, en effet, une erreur dans
le langage de Laurent. Quand on estime la nue propriété, on ne
l'estime pas en elle-même, car une nue-propriété à laquelle le droit
de jouir ne devrait jamais faire retour serait inutile. Ce qu'on estime,
c'est r espoir de la cessation de l'usufruit, c'ec;t le droit du nu-propriétaire à la jouissance dans un avenir plus ou moins éloigné. En
vertu des principes du contrat d'assurance, l'ass uré doit avoir in-
�-
132 -
-
usufruitière (A. 1401-2°). Mais que la créance soit payée, la communauté sera propriétaire des deniers et débitrice de récompense,
c' est- à-dire qu'elle sera quasi-usufruiti ère.
térèt i1 la conser vation de la chose assü.rée : le nu-propriétaire est
intéressé à la conservation de son droit à la jouissance, qui périrait
si la chose périssait: et ce qu' il tait assurer ce , n'est pas la chose,
mais l'espoir de jouir de la chose (Con f. Griln et Jolia t n° 9 t).
B. - Aliénation d'un propre. - Cette aliénation peut se présenter so us forme de vente, échange ou partage.
a. Vente. - Supposons qu'un propre soit vendu ou qu'un service
foncier dô à. un héritage propre soit racheté. L'époux perd un propre,
en échange il acquiert une créance, le droit au prix. Cette créance
sera propre comme le prop1·e vendu , c'est-à dire propre parfait. La
CHAPITRE II
DE L' USUFRUIT DÉRIVANT DES CONVENTIONS MATRIMON IALES
communauté n'en sera donc pas prop1·iétaire: l'A. 1433 en est la
preuve puisqu'il ne constitue la communauté débitrice de récompense que du jour où le prix aura été versé, les principes le veulent
aussi puisque une créance n'étant pas chose consomptible est susceptible d' un usufruit véritable. ~lais du jour où le prix sera payé
En matière de contrat de mariage, la transformation que nous
étudions sera plus fréquente qu'en matière d' usufruit propt'ement
dit. L' usufruit de la communauté ou du mari porte sur un trèsgrand nombre de biens, le plus souvent sur tous les biens de l'un
des époux ou même des deux époux: il sera généralement de plus
longue durée que l'usufruit proprement dit, établi d'ordinaire a u
tout changera: la communauté deviendra propriétaire et débitrice
d' une somme d'argent ( l); elle n'est plus usufruitière, elle estquasiusufr uitière.
profit de parents àgés, au rl étriment de parents jeunes. Les nécessités d' une bonne administration pourront donc entraîner plus fréquemment une transformation du droit, que facilitera d'ailleurs le
b. Echange. - Supposons qu' un immeuble appartenanten propre à
bon accord du mari et de la femme.
ARTICLE PREMIER
Communauté légale et conventionnelle
Nous avons \ ' U plus haut que les valeurs s ubstituées pendant le
mariage a ux propres de l'un des conjoints sont propres. Si ces
valeurs no uvelles sont des choses consomptibles , l'usufruit de la
communauté cessera et le quasi-usufruit prendra naissance.
A. - Paiement d'une créance propre. - Soit une créance de
io;omme d'argent exclue de la communauté. La communauté en sera
133 -
'
l'un des époux soit échangé pendant le mariage. Si l'immeuble reçu
est d'une valeur inféricnre à l'immeuble donné par l'époux, une
soulte sera payée pour compenser la différence. La communauté
sera quasi- usufruitière de cette soulte.
c. Partage. - Première hypol/1èse. - Soit une succession partie
mobilière, partie immobilière échue à l' un des épou..x avant ou
( 1) L'A IH8 pourrai! conduire à des résultats inexacts, et Jaire rroire que
l'époux reste propriétai re des deniers pay~s. 11 veut donner un e. emple de
récompense due ::iar l'un 1lt•s ~poux à l'autre et suppose que I> prix d un
propre a été empl<>yo à pa)'er une delle personnelle d3 l'autre époux. La->
auteurs sont d'accord pour reconnaitre la ruau,·aise rédaction de l'A, 1478.
Il !nul supposer que la errance de l'opoux vendeur a é té donn\\e en paiement
au créancier de l'au tre époux. ])an<: le cas de l'A. 14ï8 c'est la communauté
qui sera it créancière de récompense.
�-
1:34 -
·
o postérieurement à la célébration
et parta"'ée
pendant 1e mariage,
du mariage. Supposons par exemple qu'elle se compose de 50 ,000 fr .
en argent comptant et de 50,000 fr. en immeu~les . . L'époux ayant
droit à la moitié de la succession, au lieu de lui attribuer 25,000 fr.
en meubles et autant en immeubles, on lui attribue 50 , ~00 f'.. en
argent comptant. De ces 50,000 fr., il en est 25 ,000 qui amve~t
réa-ulièrement à l' époux et tombent en communauté (A. 140 1-1 ).
hl:is les 25,000 fr. restants lui sont attribués comme représentant
son droit aux immeubles héréditaires : ce droit aux imm~ubles c~t
propre (A. 140'l), ta somme àd'argent qui lui est substituée. doit
donc être propre aussi,: mais ce ne sera plus un propre parfait, ce
sera un propre imparfait.
Cette solution a été contestée : on a prétendu que ce n'est pas
25.000 francs, mais 50.000 francs qui tombent définitivement en
communauté. En effet, dit-on, le principe de l'A. 883 veut que
l'époux soit censé n'avoir jamais été propriétaire que de meubles :
dès lors il faut appliquer à ces meubles la décision de l' A. 1401 1•·
Ce raisonnement serait inattaque si !'A. 883 pouvait être invoqué
en la matière : or les jurisconsultes sont en désaccord sur la portée
de son principe et sur le champ de son application. Sans doute si le
partage produit un effet rétroactif ergà omnes, les 50.000 fra~cs
tomberont en communauté ; mais sans examiner cette question
aussi longuement qu'elle Je mériterait, ne semble-t-il pas raisonnable de restreindre l'application de l'A. il83 aux hypothèses pour
lesquelles il a été créé? Le législateur a redouté les recours que
l'un des copartageants aurait eu à exercer contre les autres à raison
des droits réels constitués par ces derniers pendant la période de
l'indivision. L'A. 883 s'applique donc dans les rapports de l'un des
cohéritiers et des ayant-cause des autres cohéritiers; mais son
application dans les rapports d'un des cohéritiers et de ses propres
ayant-cause conduirait à des conséquences absurdes. Nous n'en
citerons qu'une entre toutes : qu'un des copropriétaires d' u ·
-
135 -
immeuble constitue une hypothèque su r ce bien, et qu'il ne soit pas
adj•Jdicataire sur la licitation, comprendrait-on que la part du prix
de la licitaLion qui lui est due ne fùt pas affectée au créancier hypothécaire et fût partagée entre les créanciers chirographaires? C'est
un résultat que repo usse l'équité et qu'imposerait l'interprétation
que l'on veut donner de l'A. 8~3. Nous refuserons donc de l'appliquer dans les rapports de l'un des époux et de la communauté son
ayant-cause. La doctrine contraire présenterait d'ailleurs des inconvénients graves : les époux en s'entendant avec les autres héritiers
pourraient suivant la combinaison adoptée pour la liquidation de la
succession soit fai re entrer en communauté la succession entière,
soit l'exclure d'une manière complète. Or ce résultat est contraira
aux principes fondamentaux dn contrat de mariage. Enfin si 1' on
nous opposait l'opinion de Pothier nous citerions l'opinion contraire
de Valin et de Lebrun Yalin, Co111ume de la Rochelle, art. 48, p. 2,
note 11. Lebrun, de la Communauté, 1. I. ch. V. sect. II, Dist. t ,
n•• 78 à
8 1).
Deuxième hypothèse. - Soit une succession purement immobilière échue à l'un des époux. En vertu du partage il a droit à un
immeubl e et à une soulte. Cette soulte représentant un propre sera
propre : donc, lorsque le mari en aura reçu le montant, la communauté quasi-usufruitière sera débitrice de récompense.
Cette hypothèse, gui ne se distingue pas pour nous de la précédente, méritait cependant une mention spéciale. Les auteurs qui
voulaient précédemmc>nt appliquer l'A. 883 reconnai sent qu'il ne
peut plus être invoqué : !'..\ . 883 en effet ne parle que de biens
héréditaires ; or la succc ion étant purement immobilière la soulte
n'est pas une valeur hPréditaire, mais une valeur prise dan.;; le patrimoine d'un des héritier:.;. Tl faudrait donc appliquer non i.-lus les
ce ·ens, Pothil'I', de
mais celles de l'échanae~(En
du p'lrta.,·e
rèofos
~ •
::> '
0
la Communauté, n• 100).
C. - Un des époux vend un propre immobilier. Le prix ëtant
�-
- 1:n -
!JI) -
inférieur aux sept douzièmes de la va leur de l'immeuble, l'action en
r escision se1·a ou verte. Cette action en r escision est évidemment
propre si L'immeuble a été vendu pendant le mariage, car elle re présente un pr opre. Il en sera de m ême si la vente est antérieure au
mariage, car l'action en rescision est u n droit immobilier qui ne
tombe pas en communanté (A. 1402). Il est vrai que dans l'ancien
droit quelques dou tes s'étaient élevés su r sa nature . L a faculté qu'a
l'acheteur de payer le supplément du juste prix avait t rompé D espe1sses, q ui voya it dans son obligation une obligation a lternative
(Des peisses, t• I , p. 1, sect. IV, n• 5). Mais D umou lin et P othier
(Vente, n• 349) rétablirent les principes : Sola rescisio et restitutio est
in obligatione, suppletio aulem pretii in {acu llate, quœ non est in
consideratione, disait Dumoulin (Coutume de Paris, p. 33, Glos. 1,
n• 44). L'obligation de l'acheteur est donc une obligation facultative,
D. - Incendie d'un propre assuré . - L r mari peut avoir a::.suré
ou l' us ufruit seulemeot du propr e ou la pleioe propriété. Dans le
premier cas, c'est au nom de la commu nau té usufruitière que Je
contra t a été passé : la communau té profitera seule de l'indemnité,
et il n'y a pas à parler de substit ution d' un propre imparfait à un
propre parfait.
Si le mar i a assuré la pleine propriété, il a passé le contrat au
nom de la communauté pour l'usufru it, en son nom personnel ou au
nom de la femme pour la nue propriété. Donc si l'immeu ble périt,
l'indemnité, qui en est la représentation dans les rapports des époux
ent re eux, sera propre comme l'immeuble lui-même. Mais tandis
que l'immeuble était propre parfait, l'indemnité sera [propre imparfait.
ART I C L E
et l'action en rescision tendant à la restit ution de l' immeuble est
immobilière. Donc elle est propre. J 'en conclus que si l'acheteur
paie le supplément du juste prix, ce s upplément sera pr opre, mais
propre imparfait, alors que l'action en rescision était un propre parfait.
Cette décision adoptée pa r tous les a uteurs n'est pas doute use. Il
n'an est pas moins vrai que les principes conduisent à un résult at
bizarre : en effet, le prix de l'immeuble vendu avant le ma riage
tombe en communauté, qu'il soit payé avant ou après le ma riage,
et Je s upplément du juste prix est propre. Et cependant le bon sens
dit que le s upplément du juste prix est une port ion du prix dont il
d evrait sui vr e le sort.
A l'inver se, un époux avant le mariage achète un immeuble, le
vendeur lui intente pendant le mariage l'action en r escis ion: l'époux
pourra r éclamer la restitution du prix pa r lui payé. Cette action en
restitution doit être propre, car elle représente un immeuble qui
était propre . Le prix sera donc un propre mais un propre imparfait.
II
Régime Dotal.
Nous r::e parlerons pas du régime exclusif de communauté, qui
ne comporte aucune r ègle spéciale.
En matière de régime dotal, le mari us ufruitier deviendra propriétaire des choses consomptibles qui seront mises au lieu et place
d e c:clles dont il a l'us ufr uit. Cela se présentera :
1° Pour les créances dotales de sommes d'argent ou autres choses
consomptibles.
2° En cas de vente d' un meuble dotal.
En cas de vente d' un immeuble dotal (.\ . 1557-155 , . Indication
purement t héorique, car à raison de la re ponsabilité des tiers le
remploi en p ratique sern touj ours antérieur au paiement de la
somme d ue.
3° E n cas d'échange de l'immeuble dotal avec soulte (A. 1559).
Le rnal'i sera q uasi-usufr uitier de la somme donnée en paiement de
la soulte . .Mais cette indication n'a encore aucune portée pratique.
4° Si l'immeuble dotal assuré vient il péri1·, le mari sera quasiusufruitier de l'indemnité, s'il a assu ré la pleine propriété.
�-
138 -
TROISIÈME PARTIE
DES
DROITS
DU
QUASI-USUFRUITIER
Pour examiner cette question nous supposerons successivement :
1• Que la chose sur laquelle le quasi-us ufruit a été constitué n'a
pas encore été livrée, 2° qu'elle a été livrée.
CHAPITRE
DES
DROITS
DU
PREMIER
QUASI-USUFRUITIER
AVANT LA LIVRAISON DB LA CHOSE
Du jour où le quasi-usufruit a été établi , le quasi-usufruitier a
une action pour réclamer la chose. 8i cette chose a été individuellement désignée, si c'est un corps certain, le concours des volontés
des deux parties a suffi pour en transférer la propriété, et le f)Uasiusulruitier pourra à son choix, pour réclamer la chose, exercer soit
l'action personnelle née de l'acte constitutif, soit l'action en revendication. Si, au contraire, la chose n'a pas été individuellement
déterminée, si le quasi-usufruit a été établi sur une chose in generP,
-
139 -
l' usufruitier sera un simple créancier et n'aura qu' une action personnelle à l'effet d'exiger la mise en possession et la translation de
propriété.
De ces deux situations, la première est évidemment la plus avantageuse. Le quasi-usufrui tier pro priétaire de la chose n'a pas à
subir le concours des créanciers du constituant , qui ne peuvent pas
saisir valablement un bien sorti du patrimoine de leur débiteur.
Dans le second cas, le q uasi-usufruitier, simple créancier chirographaire , pourra être obligé de subir le concours des autres créanciers du consti tuant et même être exclu par ses créanciers privilégiés.
Mais à un autre point de vue, cette seconde situation est peutêtr e préférable à la première. Le quasi-usufruitier, créancier de choses
in genere, ne court pas les risques de leur perte : si la chose que le
cons tituant avait l'intention de livrer vient à périr, sa dette n'en
s ubsiste pas moins, les risques sont à sa charge. Dans l'autre cas,
au contraire, le quasi-usufruitier est créancier de corps certain :
donc si la chose périt, il ne pourra rien réclamer au constituant
(A. 1302) . Ma is faut-i l dire qu' il sera, malgré tout, tenu de l'obligati on de restituer aux termes de l' A. 587? Suivant que la réponse à
cette question sera affirmative o u négative, les risques seront ou ne
seront pas à la charge de l'usufruitier.
La question est fortement controversée, dans une matière qu i
offre avec la nôtre une grande analogie. Supposons qu'une personne promette ù une autre de lui prêter une chose à titre de mu-
tuum. Cette promesse de prêt peut avoir pour objet une chose in
genere : en pareil cas le contrat de prêt ne prendra naissance q u'au
moment de la livraison de la chose (A 189z). A ce jour les risques
q ui étaient à la cha rge du promettant, passeront à la charge du
stipula nt. Mais cette prom esse deprèt peut arnir po ur obj et un corps
certain. La chose périt avant la livrai on. i nous admettons que
le prêt à pris naissance au j our où la promesse a été faite, l' obliga-
-
.
-
- -- -
-
-
- -
--
�,
-
140 -
tion de restituer est nce avant la pel'te, et les risques sont à la
char ge du stipulant-emprunteur. Si, au contrai re, le prêt ne doit
prendre naissance qu'avec la livraison , la tradition étant désormais
devenue impossible, le contrat de prêt restera toujours à l' état de
simple projet, et le promettant SU!Jporter a la perte. Au premier
abord il ne semble pas douteux qu'on ne doive admettre cette seconde idée. En effet, la première confond prêt et promesse de prêter
que le droit Romain et les juriscons ultes out to ujours soig neusement distingués: ; elle viole l'A. 1892 Qui définit le prêt un contrat
par lequel l'une des parties li t>re ... ; or ici il n'y a pas eu livraison;
enfin il est absurde de faire supporter à l' emprunteur les risques
è' une chose dont il n'a pas pu user (Voir Laurent XXVI n•• 486-487).
N éanmoins cette idée, contre laquelle on élève de si fortes objections, semble juridique. Quand une personne promet de prêter une
chose, elle promet implicitement de la livret' (Voir L aurent xxvI
n• 454), et de la livrer de manière à en transférer la propriété au
stipulant,
dans l' hy pothèse du mutuitm. Dès lors il y a lieu d'appli-
quer la formule de l'A. 1138 : « L'obligation de livrer est parfaite
par le seul consentement des parties contr actantes; elle rend le
créancier propriétaire. » Donc le stipulant, par l'effet de la promesse
de prêt, est devenu propriétaire de la chose. J'en conclus que le
contrat de prêt a pt·is naissance : en effet, pour que le contr at se
[orme, il faut: 1° l'intention des parties contractantes , qui e:xiste
-
141 -
oubliant le principe posé dans I' A. I 138, a copié trop textuellement
.. d on trouve d' autres
. D evons-nous nous en étonner, quan
P othier
.
. t e que
A
.
(ex
oubli
même
le
commis
a
il
où
articles
. . . 1303) ?. J'aJOU
_
·
· par 1e législateur
st on se. r appelle les détours su1· v1s
pour arriver
~u~ a rttel~s 1138, 938, on peut soutenir qu'il y a eu tradition. Enfin
il~ y~ r ien d'étonnant que le stipulant supporte les risques ; propriétaire de la chose, s' il ne la détient pas encore matériellement 1 il
peut en disposer, il peut l'aliéner, il profite des au.,.mentations de
valeur. Pourquoi ne suppor terait-il pas sa perte? (nuvergier dtJ
'
Prêt n• 25).
s~ .n ous avons ~i long~ernent discuté cette question, c' est qu'en
rnat1ere d~ quas1-us ufru1t la. situation est identique. Pourquoi refuse-t-on d admettre que l' obligat.ion de restituer a pris naissance ?
C'est qu e cette oblig ation ne peut pas exi~ter sans li\' raison. En matière de quasi-us ufruit comme en matière de prêt, le bon sens le dit,
on ne peut restituer que ce qu'on a reçu : la tradition est donc nécessaire en principe. Il reste à sa.voir si, dans les deu.x cas, il n'y a
pas eu translation de propriété, et si cette translation de propriété ne
peut pas remplacer la tradition. Remarquons seulement que dan notre espèce, on ne se heurte pas à un texte o-ènant comme celui de
1892, et par conséquent nous sommes ;lus à notre ai e pour
I'
~·
dm :uter et faire prévaloir la sol ution que nous avons défendue.
dans l'espèce, puisqu'elle résulte de la pl'omesse de prêt; 2° Une
res, cette res c'est la translation de propriété . Il est vrai que l'on
CHAPITRE
DES
DROITS
DU
II
QUA S I-U SU FR U ITIE R
objecte que de tout temps, en droit Romain et en droit Français, les
juriscons ultes ont exigé la tradition de la chose, et quel' A. 1892
consacr e sur ce point leur doctrine. On peut répondre que la condition exigée de tout temps c'est une res. En matière de mtituum, il
Le quasi-usufruitier est propriétaire de la chose, et débiteur de
choses semblables, non de la chose même qu'il a r~çue. L ' usufrui-
fallait une tradition parce qu'en droit Romain la propriété ne se
transférait pas solo con.sensu; l'ancien CU-oit a suivi les errements du
droit Romain, et si l'A. 1892 exige la tradition, c'est q ue le code;
tier, au contraire, n'est pas propriétaire ; il n'a qu'un démembrement
du droit de propriété, et ce qu'il doit r estituer c'est la cho e mêm e
qu'affer,te son droit.
APRÈS L A LIVRAI ON DB LA CHOSE
·- ---
- - -·
~
- --
-
�-
143 -·
142 -
De là des différences entre les deux situations :
10 Quant aux i·i.5qu-es. - Si les choses que le quasi-usufruitier a
reçues viennen~ à se détériorer, à périr , à augmenter de valeur,
c'est lui qui en souffre et qui en profite. L e constituant n'a pas à se
préoccuper des accidents qui peuvent arriver, car il e~t créancier
de choses in genere et genera non pereunl.
En matière d'usufruit, il n'en est pas de même : sans doute, si la
chose se détériore, si elle périt par cas fortuit, l'usufruitier en souffre, car son droit de jouissance s'amoindrit et pourra même s' étei_ndre. En d'autres termes, il supporte les risques de sôn usufrmt,
dont le profit pourra aller en augmentant ou en diminuant. Mais il
ne court pas les risques en ce qui concerne la nue-propriété : car il
sera quitte envers le nu-propriétaire en restituant la chose dans
l'état où elle se trouve (A. 589,607,615,616,1567).
2° L'usufruitier n'a que le droit de jouir de la chose : il a le jus
utendi {ruendi, mais n·a pas le jus abutendi; il n'a donc le droit ni
de l'aliénet\ ni de la détruire matériellement.
Au contraire le quasi-usufruitie1· est propriétaire, et à tous les
droits inhérents au droit de propriété. Il peut donc non- seulement
se servir de la chose comme le dit la formu le trop restrictive de
l'A. 587, mais encore en tirer tel avantage qu'il juge con venable.
La fameuse règle salua rerum substantia est lettre morte pour lui :
il pourrait donc la détruire, la consommer, l'aliener, et s'il l'aliène
la valeur reçue en échange lui sera entièrement attribuée, car cc
qu'il a aliéné c'est sa chose 1,roprc.
3° Les créanciers d' un usufruitier peuvent saisit· l'usufruit, ils
n'ont aucun droit sur la nue-propriété. Les créanciers d' un quasiusufruitier peuvent saisir et faire vendre la pleine propriété de
la chose, reçue à titre de quasi-usufruit. C'est une conséquence
du droit de propriété du quasi-usufruitier.
CHAPITRE
rn
APPLICATION DE CES PRINCIPES EN MATlÈRE DE CONTRAT DE MARIAGE
A. - De la communauté.
I. - Propl'es du mari.
·
1° s·1 1a communauté est quasi-usufruitière,
les risques sont à sa
charge. Au contra it·e si elle est usufruitière les risques sont à fa
charge du mari.
2• Si_ la communauté est usufruitière. le mari nu-propriétaire
peut a~1~~er !a chose à titre gratuit ou onéreux. Si elle est quasiu~ufru1t1ere il ne peut en disposer à titre gratuit qu'à la charge
d observer l' A. 1422.
3• Q.ue la communauté soit u ufruitière ou quasi-usufruitière, les
cré_anc1ers de la communauté comme ceux du mari peuvent saisir la
pleme proprié~é de la chos~ : c'est une conséquence du principe
qu~ les créanciers du mari sont créanciers de la communauté et
réciproquement.
11. - Propres de la femme.
1° Quand aux risques nous n'avons rien de spécial à dire.
2° Si la communauté est quasi-u ufruitière, le mari peut disposer
de la chose même à titre gratuit, à la charge de ne pas violer
( ~· 1422. Si la communauté est u ufruitière, le mari simple admirustrateur des propres ne peut pas le aliéner à titre gratuit. Je ne
pense même pas qu'il puisse les aliéner à titre onéreux.
3° Si la communauté est usufruitière, les créanciers personnels
de la femme pourront seuls saisir la nue-propriété. Pourraient-ifs
saisir l'usufruit ? La question comporterait des distioc~ions que
~ou c; ne pouvons pas faire. - Si la communauté e t quasi-us ufruit1ère, ses créanciers pourront saisir la chose, à l'exclusion des
créanciers personnels de la femme.
�-
144 -
- t.\5 -
B. - Régime sans communauté .
Il n'y a ici qu'à répéter ce que nous venons de dire pour les pro-
QUATRIÈME PARTIE
pres de la femme.
C. -
Régime dotal.
1° Quant aux risques, nous n'avons rien de spécial à dire.
! 0 Si le. mari est quasi-usufruitier, il peut aliéner la cho~e . S'il
est usufruitier, je crois que la chose pourra être aliénée, mais qu'il
faudra le concours du mari et de la femme.
3° Si le mari est quasi-usufruitier ses créanciers pourront saisir
la chose. S'il est usufruitier , les créanciers de la femme pourront
seuls la saisir et encore faudra-t-il si la dot mobilière est inaliénable
qu'ils soient antérieurs au contrat de mariage ou que la dette qu'ils
invoquent soit une dette délictuelle.
4° Enfin signalons à raison de l'A. 1553 une dernière conséquence
du droit de propriété. Lf\ mari propriétaire des deniers dotaux es
propriétaire : 1° De l'iromeubleacquis des deniers dotaux . Cela
n'est pas douteux lorsque le mari aura fait l'acquisition en son nom
personnel. Il est de principe que c'est la personne au nom de
laquelle l'achat est fait qui devient propriétaire. « Quotiès quisquam
in rebus agit, vendit, permutat, contrahit sine adjectione externte
qualitatis proprio nomine contrahere videtur » '. disait d' Argentré.
Mais qu'en serait-il si le mari achetait la chose au nom de la femme?
C'est une question que nous retrouverons. 2° De l'immeuble donné
en paiement de la dot constituée en argent. Tout se passe comme si
le mari avait reçu ll!s deniers dus par le débiteur, et avec ces deniers
avait acquis la chose. L' A. 1553 2° est donc une conséquence de
l'A. 1553 1°. Il y avait d'ailleurs une autre raison : c'est que la
nature des biens qui constituent la dot ne peut pas être modifiée
après coup.
DES OBLIGATIONS DU QUASI-USUFRUITIER
Le quasi-usufruitier est obligé de restituer l' équivalent de ce
qu'il a reçu à la fin du quasi-usufruit.
Nous étudierons :
l ° Comment le quasi-usufruit prend fin ;
2° L' obligation de restituer.
SECTION"
I
1
Comment le qua sit1usufrutt pr.end fin
Le législateur ayant ftssimilé le qu,asi-usufruit à l'usufruit, les
causes d'extinction indiquées aux articles 617 et suivants doivent
en principe être co~rµunes à ces deu.x droits. D'ailleurs s'il n'y
avait pas entre eux une resembjance à ce point de v9e, on serait
bieo embarrassé de dire quels son~ leurs points de contact. Il faut
cependant faire une réserve : si parm\ ces ca4ses il ei+ est qui
répugnent à la nature du quasi-usufrµit, !(lies n~ lui seront pas
~ppli,cables.
Les causes d'extinction q~ ~uivent son~ cpIDJ1lW}es au.x deux
droits :
10
�- 146 1° La mort de l'usufruitier.
2° L' 01-rivée a·u terme.
3° L'accomplissement de la condition résolutoire à laquelle le droit
de l'usufruitier a été soumis.
4° La renonciation de t'usufrttitier.
5° Faut-il en dire aiitant pour la consolidation? On dit généralement qu'il n'y a pas place pour la consolidation en matière de
quasi-usufruit. La nue-propriété en effet ne peut pas venir se réunir
à la jouissance, car elles n'ont pas été séparées l'une de l'autre, le
quasi-usufruitier ayant toujours eu la pleine propriété de la chose.
Sans doute on ne peut pas assi ter à la réunion des deux droits
réels, usufruit et nue propriété sur une seule et même tête. Mais il
n'en est pas moins vrai que deux personnes sont en présence qui
ont des qualités contraires si ces cieux qualités incompatibles se
réunissent sur une seule tête le quasi-usufruit sera éteint. Ce qu' i1
est vrai de dire c'est qu'on ne saurait en pareil cas se servir du
mot de consolidation. Mais il y a un évènement juridique qui est aux
droits de créance ce que la consolidation est aux droits réels : c'est
1a confusion. La confusion sera possible lorsque le quasi-usufruitier deviendra l'héritier du constituant. On ne peut pas supposer
l'hypothèse inverse,. car l'usufrui t s'éteint par la mort de l' usufr uitier.
Au contraire ne s'appliqueront pas au quasi-usufruit:
1° J,e non-usage du droit pendant trente ans, ou prescription
extinctive. - Cette preseription a pour effet de libérer une chose
du droit d'usufruit qui la grève : or en matière de quasi-usufruit il
n'y a pas de chose affectée du droit réel d'usufruit. Donc ce mode
d'extinction est inapplicable.
Mais il faut remarqu er : 1° Que l'action en délivrance du quasiusufruitier peut s'éteindre par la prescription libératoire de trente
ans. Le quasi-usufruit sera lui-même éteint, car l'obligation de
restituer se formant par la livraison de la chose n'a pas pu prendre
-
147 -
naissance. 2• Que l'action en restitution du constituant se prescrira
e.lle-même par trente ans. Mais ce n'est pas une prescription extincti rn du quasi- usufruit, car la prescl'iption ne commencera à courir
que le jour où le quasi-usufruit aura cessé (A. 2257).
2° La perte totale de la ch~e. - Le droit du quasi-usufruitier
étau: précisément de détruire la chose, la perte qui se pro<fuit soit
par ~ etfe~ de sa volonté, soit autrement ne doit apporter aucune
mod1ficat1on à ses rapports avec le constituant.
3• L'abus
d~ jo~iss~nce.
-
Tous les auteurs reconnaissent que
cet~e cause d extmct1on ne concerne pas en principe le quasi- usu-
fruit. Le quasi-usufruitier propriétaire a le droit de disposer de la
chose et d'en faire tel usage qu'il voudra.
Pourtant un arrêt a dans un cas particulier proclamé l'abus de
jouissance, et cet arrêt a trouvé un approbateur chez M. Laurent.
L'usufruitier, dit-il, a le devoir d'administrer en bon père de famille :
ce pri~~ipe étant un principe d'équité doit s'appliquer au quasiusufru1tier. Donc si ce dernier dissipe les deniers qu'il a reçus au
lieu d'en faire un placement avantageux, il y a abus de jouissance.
Cette argumentation ne semble pas avoir une portée sérieuse.
On comprend l'obligation de bien administrer lorsque le droit du
nu-propriétaire portè sur un corps déterminé : la valeur de la
chose dont l'usufruitier abuse ira en diminuant, il ne sera donc pas
seul à souffrir de sa mauvaise gestion, le constituant souffrira luimême de ses négligences et de ses fautes. Mais en matière de
quasi-usufruit le constituant ayant le droit d'exiger l'équivalent de
ce qu'il a livré, peu lui importe l'usage que l'usufruitier fera de la
chose, peu lui imporLe qu'il dissipe les deniers : son droit ne subira
aucune modification, son action en restitution a pris nais~ance
avec la livraison de la chose, à ce moment son objet a été déterminé
d'une manière précise et ne peut plus varier.
On dit que l'usufruitier doit employer les deniers reçus à un
�-
148 -
-149 -
placement avantageux. Mais quel intérêt le constituant peut-il
·mvoquer pour forcer l'usufruitier à observer cette règle
_ ? Son
intérêt serait évident !-i'il était propriétaire de la chose acquise avec
les deniers, mais les principes du quasi-usufruit prouvent au
contraire qu'il n'y a aucun droit. En r éalité le constituant est un
simple créancier chirographaire, qui n'a pas une action spéciale
sur tel ou tel bien de son débiteur, mais qui a action sur son
patrimoine tout entier (A. 2092-2093). Dès lors, si on voulait être
logique, il faudrait imposer au quasi-us ufruitier l'obligation de bien
administrer non les deniers du quasi-usufruit, mais sa fortune
entière, et attribuer au constituant un droit de surveillance sur
l'administration de son patrimoine. Or ce serait là un droit exorbitant: simple créancier le constituant ne saurait avoir plus de
droits que les créanciers ordinaire et ne pourra invoquer que les
A. 1166, 1167.
Enfin M. Laurent semble dire que s' il peut êtœ question d'abus
de jouissance lorsque l'usufruit porte s ur de l'a l'gent destiné à être
placé, il n'en est pas de même s'il porte sur des denrées destinées à
être consommées. Cette distinction est frag ile : sans doute les denrées sont destinées à êtœ consommées , mais encore sont- elles susceptibles d'être consommées utilement ou inutilement. Que dirait
M. Laurent si l'usufruitier laissait volontairement ou par incurie
les denrées se gâter, s'avarier? N'y aurait-il pas une atteinte à cette
prétendue obligation d'administrer en bon père de famille? (L aurent
VII n• 80. Conf. Cass. 2 1 janvier 45. D. 45. I. 104).
On voit qu'il est bien plus j uridique et plus sùr de rayer entièrement l'A. 618 en matière de quasi-us ufruit.
4° La prescriptfon acquisitive de l'usufruit. - Sans doute un tiers;
pourrait prescrire la propriété des choses données en quasi- usufruit.
Mais le quasi-usufruitier ne serait pas moins débiteur du constituant, et jouirait toujours du même délai pour la restitution. Il
perdrait donc la chose mais le quasi-usufruit s ubsisterait.
5° La résolution du droit du constituant ne peut produire aucun
effet en matière de quasi-usufruit. L e quasi-usufruitier sera devenu
propriétaire dès la livraison par l'effet de l'A. 2279. Une seule
question pourrait se poser: le propriétaire a-t-il le droit d'exiger
que l'équivalent des choses données lui soit restitué à la fin de
l'u sufruit, a u lieu d' être restitué a u constituant? La même question
se pose en matière de mutuum. Les auteurs décident conformément
à la doctrine de P othier que le propriétaire devrait être débouté de
sa demande (Laurent XXVI, n• 494). Nous adopterons la même
solution.
•
Enfin remarquons en terminan t que le quasi- usufruit du mari ou
de la communauté aurait des causes d'extinction spéciales qui sont:
1° L' annulatiC'n du mariage putatif, 2° L'absence déclarée de l'un des
époux, 3° La dissolution du mariage, 4° La séparation de corps et de
biens ou la séparation de biens seulement.
A.PPEN:OI:CE
Transformation du quasi-usufruit en usufruit.
Nous avons vu que l'usufruit pouvait dans certains cas spéciaux
être modifié : la nature du droit change avec la nature de la chose
sur laquelle il porte. Aussi n'est-il pas étonnant que comme nous
avons assisté à la transformation de l' usufruit en quasi-usufruit,
nous assistions aussi à la transformation du quasi-usufruit en usufruit. En pareil cas, le quasi-usufruit cessera : aussi sommes-nous
autorisés à placer ceLte question au titre de la cessation du quasiusufruit. Mais ce mode d'extinction diffère profondément de ceux
que nous avons étudiés. i le quasi-usufruit cesse, le droit du qua iusufruitier ne cesse pas : seulement il porte sur un autre objet,
l'action en restituLion du constituant ne pourra pas encore s'exercer.
De là une cli[él'Cnce considérable qui exige qu'on examine cette
question à part.
�-
150 -
CHAPITRE PREMIER
QUASI-USUFRUIT PROPREMENT DIT
La transformation sera évidemment fort rare : il faudra que d'un
commun accord les parties aient substitué à la chose consomptible
objet du quasi- usufruit une chose non consomptible. La simple
volonté du constituant ne pourrait pas produire un tel effet . Quant
à l'usufruitier, il pourrait placer seul les deniers provenant du quasiusufruit, mais la nature du droit ne sera pas transformée : la chose
acquise sera la propriété du quasi-usufruitier et son obligation de
restit uer restera ce qu'elle était.
Pourtant il peut arriver que cette transformation s·opère par la
seule volonté du constituant: supposons avec l'A. 603 qu'un us ufruitier d'une somme d'argent ou de denrées ne puisse pas donner
caution. Le constituant pourra exiger que les sommes c::>mprises
dans le quasi- usufruit soient placées , que les denrées soient vendues
et le prix en provenant également placé.
CHAPITRE II
QUASI-USUFRUIT DÉRIVA.NT DES CONVE NTIONS MATRIMONIALES
Les principes du contrat de mariage pourront a mener fréquemment la conversion, sous le régime de communau té, des propres
mobiliers en propres immobiliers, sous le régime dotal , de la dot
mobilière en dot immobilière, do lem pecuniaria11i in corpora converlere, disaient les jurisconsultes romains , enfoncer la dot mobilière en
hêritage, suivant l'expression des vieux légistes de la Bretagne. Ils
amèneront donc la conversion en usufruit du quasi-usufruit du mari
ou de la communauté suivant les régirues. Trois opérations surtout
- 151 auront cet effet: ce sont l'emploi, le remploi et la datio in solutum.
Avant de rechercher dans quels cas ces opérations seront possibles,
il importe de fixer avec soin le sens qu'on attache à ces trois expressions .
11 y a remploi lorsque les deniers provenant de l'aliénation d'u n
imme uble propre ou dotal sont employés à l'acquisition d'un autre
immeuble (o u de meubles déterminés pa r La convention ou la loi)
qui sera subrogé à l'immeuble a liéné. Le remploi nous permet :lonc
d'assister à une double transformation du droit du mari ou de la
communauté s uivant les régimes: droit d'usufruit d'abord converti
en quasi-us ufruit, droit de quasi-usufruit ensuite converti en usufruit.
Il y a emploi lorsque des deniers propres ou dotaux ou provenant
de l'a liénation de valeurs mobilières propres ou dotales sont employés à l' acquisition d'un immeub le (o u d' une valeur mobilière
détuminée) qui sera lui-même propre ou dotal suivant les régimes.
Ici nous assistons donc tantôt à une simple, tantôt comme ci-dessus
à une do uble transformation du droit du mari ou de la communauté.
Enfin il y a daLio ill solutum, lorsque la communauté ou le mari
quasi-usufruitier donne à l'époux quasi- r1u- propriétaire un bien en
paiement de ce qui lui est dù, ou plutôt de ce qui lui sera dù au
moment de la reddition de comptes entre épou..'i (dissolution du mariage, séparation de corps, etc).
On voit:
1° Que !•emploi et le 1·emploi ofîrent une grande analogie : ce qui
les distingue c'est. seulement une différence d'origine des deniers.
~· Mais que ces deux operat1ons doivent être distinguées a\·ec
soin de la datio in solulum. L'emploi et le remploi suppo ent en effet
une acquisition ftute pour le compte et au nom de l'ëpou:-. crenncier,
qui deviendra propriétai re du jour où l'acquisition sera faite soit
par lui- même soit par l'intermédiaire du mari agissant au nom de
---
- · --
--
- -- -
- -- - -
--..:-
�-
-
152 -
la femme. D'où cette conséquence que la propriété de la chose passe
directement du patrimoine du vendeur dans le patrimoine de l'époux
créancier sans qu'elle s'arrête un seul instant dans le patrimoine de
la communauté ou de l'époux débiteur. Àu contraire la datio in
solutum suppose que r époux débiteur ou la communauté prend
dans son propre patrimoine un bien pour Io donner à l' époux créancier. Voilà une différence essentielle, différence qui est sans doute
l'objet d'une vive controverse, mai8 qui nous semble cependant certaine.
Dans quels cas ces t rois opérations seront-elles possibles ?
ARTICLE PREMIER
Communauté légale et conventionnelle.
A. -
1
DBNIBRS PROVENANT DE L'ALIÉNATION D UN IMMEUBLE PROPRE,
OU DRNrBRS SUSCEPTIBLES DE REMPLOI.
a. -
Provenant de l'aliénation d'un immeuble du mari.
1° Remploi. - Le remploi est possible (A. 1434). L'A. 1434 exige
pour qu'il Y ait remploi que l'acte d'acquisition contienne une double déclaration: : de provenance des deniers, que l'acquisition est
faite pour tenir lieu de remploi. J'en conclus que Je remploi ne peut
pas ~tre fait en immeubles communs : car si l'acte d'acquisition
con~1ent cette double déclaration l'immeuble sera la propriété du
ma'.' et ~·aura jamais été commun, s'il ne contient pas cette déclarat10n l'immeuble sera commun, mais il ne pourra pas y avoir remploi (A. 1434).
Il ne pourra pas non plus être fait en immeubles de la femme. Ce
ne serait plus un remploi mais une datio in solutum.
153 -
La datio in solutum est impossible. Le
2° Datio in solutum.
mari ne pourrait recevGir en paiement qu'un immeuble de la femme
ou un immeuble commun dont la femme a la copropriété.L'A. 1595
!brait d{•nc échec à la validité de cette opération.
b. -
Provenant de l'aliénation d'un immeuble de la femme.
1° Remploi. -
L'A. 1435 l'autorise. Il ne pourra pas avoir lieu
en immeubles de la communauté, car la double déclaration est encore
nécessaire et doit malgré une vive controverse être faite au moment
de l'acquisition. Donc nous n'aurions qu· à répéter ici le raisonnement que nous venons de faire.
Pourrait-il avoir lieu en immeubles du mari ? Ce ne serait plus
un remploi, mais une datio in solutum.
2° Datio in solutum. - Elle est possible. L' A. 1595 2° autorise
en effet le mari à céder un de ses biens à la femme, toutes les fois
que la cession a une cause légitime telle que le remploi de ses propres aliénés.
Il pourrait donner à la femme soit un bien lui appartenant personnellement, hypothèse que l'A. 1595 2° semble prévoir spécialement, soit même un bien de communauté; en effet c'est en réalité
la communauté qui est débitrice; d'ailleurs, puisqu'il peut disposer
des biens de la communauté à titre onéreux , il doit pouvoir en disposer au profit de la femme, du moment que la vente entre épou.."t
devient permise.
On voit donc quelle différence nous devons constater entre cette
hypothèse et la précédente : la dation en paiement prohibée au profit du mari est permise au profit de la femme. Les auteurs sont
d'accord pour la justifier et nous n'avons pas à insister sur ce point
(Colrnet de Santerre, t. vn n• 20 bis rv. Laurent n1v n• 35).
�-
B. -
DENIERS PROPRBI
o ' nnmUDLES PROPRES
NE PROVENANT PAS
ou
- 155 -
154 - ·
DE L' ALI!NATJON
DENIERS SUSCEPTIBLES
n 'EMl'LOI
Il faut que les deniers soient propres, sans quoi on ne pourrait
plus parler de quasi-usufruit, et la communauté étant propriétaire
sans être débitrice, on ne pourrait concevoir ni emploi ni dation en
paiement. L'existence de deniers propres se constatera fréquemment en matière de communauté conventionnelle. On pourra en
rencontrer aussi - plus rarement, il est vrai - en matière de communauté légale. Ex. : Legs d'une somme d'argent, à condition
qu'elle n'entrera pas en communauté.
a. - Le contrat de Mariage ne porte pas qu' emploi sera {ail des
deniers propres.
1° Deniers propres au mari. - La datio in solutum sera impossible. Nous en donnerons la même raison que ci-dessus (deniers
provenant de l'aliénation ci'un immeuble du mari).
2° Deniers propres à la femme. - L' A. 1595 2° semble autoriser
la datio in solulum. En eJJet, il l'autorise toutes les fois :iu'elle a
une cause légitime, et comme exemple de ces causes, il cite : l 0 L e
remploi d'immeubles propres à la femme ; 2° le remploi de deniers
à elle appartenant. Cette seconde hypothèse semble être notre hypothèse actuelle : sans doute ce mot de remploi peut donner le
change sur l'intention du législateur; néanmoins l'opposition qu'il
établit entre le J• et le 2° semble faire ressortir le sens de ces mots
d'une manière suffisamment claire.
Lajunsprudence est en sens contraire. Il a été jugé (Civil rejet.
2 juillet 1873. D. P. 1873. l . 46'1), sous lerégimedecoromunaut.é
réduit.eaux acquêts, que le mari ne pourrait pa · donner à la femme
un immeuble en paiement de deniers propres dont la communauté
est quasi-usufruitière. La raison donnée est que la vente n'aurait
pas une cause légitime : car si la. femme est créancière , elle est
créancière à terme, sa créance n'est pas encore exigi ble. Cett.c
raison ne semble pas déci--ive. Lorsque la femme a aliéné un immeuble propre, tout le monde est d'accord pour autoriser le mari à lui
céd~r un de ses biens eo paiement. Or, dans ce cas, le mari n'est pas
débiteur actuel, car la femme n'a qu'une reprise f']u'elle exercera à
la dissolution de la communauté. Nous arnns donc Je droit d'affirmer que, pour que la cession ait une rause légitime, il n'c:.t. pas
nécessaire que la créance de la femme soit exigible, qu'il suffit
qu'elle soit certaine. Or dans notre bypotbese, l'existence de la
créance n'est pas douteu e, elle c~t certaine : donc la datio in solutum doit être pcrmi:.e. (En ce sens, Chambéry 21 fé,Tier l ï6.
D. 77. 2. 47).
Nous permettrons, comme plus haut, qu'elle soit faite, soit en
biens communs, soit en biens du mari.
Aim.i la dat10 in solulum sera permise ou défendue, suivant qu'il
s'agira de deniers appartenant au mari ou à la femme. ~Jais qu'en
sera-t-il de l'emploi? Faut-il le permettre ou le défendre toujour::. ou
user de distinction, comme nous in on
paiement?
fait pour la dation en
Au premier abord, il semble qu'un emploi régulit!rernent fait,
c'est-à-dire fait dans les formes exigées pour le remploi (A. 1~341435), ne deHait soulever sur a ''ahdité aucune espèce de doute .
L 'emploi et le remploi sont deux opérations qui présentent la mérne
utilité pour l' épom.. créancier et pour la communauté débitriœ. Ces
deux opérations offrent d'ailleurs une analo•Yie parfaite. Qu'importe
que les der;ier:; soient propres parce qu'il.:; proYiennent de l'aliénation d'un immeuble propre ou parce qu'ils ont étL legué' OllS cette
condition? Leur nature n 'c~t-dle pa' la même dao:. le,. deu'\ l'a!<?
Bien plus, quelle d1ffércnl e réelle, !"Cl'tcuse peut-on rele' er cotre
l'cmplo1 et le rt!m plo1, lorsqu'il s'agit d'employer J~ dt.nia pro'enant de l' nlicnat100 d'un propre mobilier? Dè" lors. s1 pour ' n lidcr lemploi on ne peut pt\.S mvoquer i11 ltrmi11is les \ . l-i'l.i-1 i3~
qui ne parlent que de deniers pro' ennnt de l'aliénanon d' un immcu-
�-
156 -
-
ble, pourquoi ne les invoquerait-on pas par analogi~? d'autant
plus que leur formule restrictive n'est qu' un simple accident de rédaction facile à comprer.dre et auquel on ne peut pas attacher d'importance. Elle s'explique par cette circonstance que dans la communa uté légale il y a bien peu de propres mobiliers. La même
remarque n'explique- t-elle pas le silence de l'A. 1428 sur l'aliénation des propres mobiliers de la femme et ne permet-elle pas a ux
auteurs les plus recommandables de repousser l'argument à contrario qu'on voudrait tir~r de cet article? (En ce sens Aubry et Rau
v p. 309 note 88. Rod. et Pont n•• 678, ü79, 6130. Marcadé, sous les
A. 14.34, 1435. Bourges, 27 aoùt 1853, D. 55, 2, 319. Douai,
15 juin 1861 , D. P. 62, 2, 160).
Cette argumentation semble décisive. Pourtant certains auteurs
résistent. Qu'est-ce que le remploi?
est une fiction de subrogation par laquelle un b!en est censé p1'endre la place d'un autre.
(Aubry et Rau v p. 300 p. Rod. et Pont n° 641. Laurent xx1 n• 359).
Si le remploi est une fiction, nous ne pouvons l' admettre que dans
les termes où la loi nous autorise à Je faire. Or sil' A. 1434 autorise
le remploi des deniers provenant de l'aliénation d'immeubles personnels, aucun article n'autorise l'emploi de deniers propres. Donc
cet emploi est impossible. On peut encore présenter ce raisonnement
sous une autre forme. L'A. 1401 3° pose le prin~ipe : tous les immeubles acquis pendant le mariage sont acquêts. Les A. 1434, 1435
établissent une exception au principe : mais l'emploi n'étant pas
prévu par ces articles, nous ne sommes pas dans l'ell ception, donc
nous sommes dans la règle.
Pourtant dans l'opinion contraire on invoque deux textes: 1°
L'A. 1470 qui permet à l'époux de retirer a la dissolution de la communauté ses biens personnels s'ils existent en nature ou <;eux qui
ont été acquis en remploi. Or, dit-on, I' Article parle de tous les biens
acquis en remploi, sans distinguer entre le remploi de meubles et le
remploi d' immeubles. A cette obj ect10n on peut faire une double
c·
157 -
réponse. En admettant qu'ù se dégage de cet article un argument
sérieu..x, sa portée serait diminuée par cette considération que r A.
H70 est un article fort mal rédigé, qui confond l'époux propriétaire et l'époux créancier de récompense . .Mais en réalité l'argument
vau~il? Non. L'A. 1470 ne distmgue pas suivant la provenance
des deniers parce qu'il n'avait pas à distinguer. Simple article de
rappel, il se sert du mot de remploi et renvoie pour son explication
à l' A. 1434, article de principe. D'ailleurs le mot même dont il se
sert loin de donner gain de cause au premier système est plulôt
favorable au second : car il parle de biens acquis en remploi et non
de bien$ acquis en emploi.
2° L'A. 1595 2°. Nous avons vu que cet article autorise en pareil
cas la cession que le mari fenùt à la femme d'un de ses bien:::. ou
d'un bien de communauté. Cet article n'a rien de décisif: sans doute
il se sert du mot de remploi, mais la dation en paiement nou.. l'a von"
vu ne se confond ni avec l'emploi, ni avec le remploi (Voir Aubry
et Rau v, p. 304 note 71. Colmet de Santerre, t. v1 n• ï9 bi.s :x).
Aussi si cettte obj ection se comprend dans la bouche de Rodtère et
Pont qui confondent l'emploi et la datio in solutum, elle ne e
comprend plus dans celle d' Aubry et Rau.
Enfin on peut justifier la distinction du légi !ateur qui autofre le
reruploi et prolùbe l'emploi. Le remploi n'apporte aucone modification au:\. rapports de la communaut~ et de l'épom. : a l'ori 0 'Ïne la
communauté était usu.fruittere d un immeuble, c'est cette première
situation qu on rétablit. L'emploi au t'Ontraire a pour effet de substitu..:r au quasi-usufruit de la cornmunaut~ un usufruit : dé~ormai
le man ne pourra plus aliéner le::. propres <le la femme, il ne pourra
plus s'en servir dans l'intérêt commun. l\'est·ce pas une modification apportée après coup au contrat du mariage! (Laurent xi,
n• 163. Duranton XIV , o• 389. Douai, 2 avril 1 46, D. P . -H, ~.
198. Rennes, 12 décembre 1 46, D. P. 47, ?, 199 .
Nous n'avons discuté Jusqu'à présent qu'en mat.lère de commu-
�158 nautfS légale. Les auteurs qui adoptent cette deuxième opinion se
demandent s'il faut l'étendre à la communauté conventionnelle, à la
communauté d'acquêts spécialement : comme aucune raison nouvelle ne se présente, I' A. 1528 autorise à le faire. On a bien dit (Cass.
16 novembre 1859. Dalloz 59, I, 1190) que si l'A. 1434 ne prévoit
pas l'emploi du mobilier propre, c'est que cc mobilier propre n'existera presque jamais sous la communauté légale. On en constatera
au contraire fréquemment l'existence en matière de communauté
conventionnelle : donc il faut reconnaitre que !'A. 1434 est spécial
à la communauté légale. Maie; cette objection tombe si on se rappelle qu'il peut exister des meubles propres sous le régime de communauté légale. D'ailleurs le principe est que les immeubles acquis
à titre onéreux pendant le mariage sont communs (A. 1498;. Pour
faire échec à ce principe il faudi·ait un article : or cet article n'existe
pas (Laurent XXIII, n• 154).
Nous avons exposé l'état de la doctrine sur cette question. A
quelle opinion doit-on s'arrêter ? L'opinion de Laurent est fondée
sur les textes et les principes : on doit donc l'adopter. Mais il faut
reconnaitre que la doctrine contraire généralement suivie est plus
raisonnable et meilleure en pratique. Pourquoi prohiber l' emploi
puisque l'opération présente toutes garanties et ofüe une utilité
incontestable? Aussi ne doit-on pas s'étonner de voir la jurisprudence s'y rallier.
Nous avons à dessein pdssé sous silence un système intermédiaire
appuyé par Dalloz et Bugnct sur Pothier (Dalloi V0 contrat de mariage n• 1477). Par application de l'A. 1595 2° l'emploi permis au
profit de la femme serait défendu au profit du mari. Nous repoussons cette doctrine, l'A. 1595 étant pour nous hors de la question.
L'emploi de deniers propres est donc prohibé. Mais qu'arriverait-il
si le mari sans tenir rom pte de la prohibition venait à acquérir un
immeuble pour lui servir d'emploi, ou pour servir d'emploi à sa
femme? li faudrait répondre que cette acquisition est une acquisi-
-
159 -
tion à titre onéreux faite pendant le mariage et que l'immeuble sera
commun (A. J401 3°). La communauté reste~d d'ailleurs u sa dissolution débitrice des deniers propres.
b. - Le contrat de mariage contient une clause autorisant l'emploi
des deniers propres.
1° Deniers propres au mari. L'emploi sera· possible, la convention étant la loi des parties ; la datio in solutum sera prohibée (A.
1595 2°).
2° Deniers propres à la femme. L'emploi et la dati-0 iti solutum
seront possibles.
ARTICLE II
Régime sans commuMutt (A. 1530, 1535).
Sous ce régime la femme aura fréquemment des deniers dont le
mari sera quasi-usufruitier.
En pareil cas : 1° i les deniers proviennent de l'aliénation d'un
immeuble, le remploi sera possible ; 2° ïls proviennent d'une autre
sou 1ce l'emploi sera possible.
Nous constatons une dill'érence a,·ec le régime de la communauté, où l'emploi n'est possible qu'autant qu'une clau::;e du contrat
l'autorise. Il n'y a pas lieu de~ en étonner : ous ce ré,,.ime nous
ne t.·ouvons plus la regle de I'.\ . l ~O 1 3•, lu femme peut donc acquérir à titre onéreu\:.
Les conditions d'emploi et de remploi ont celles de !'..\.. 1435.
Le mari pourra toujours donner à la femme un de ·e:. bien:. en
pairment. L'A. 1595-:?0 autorise en pareil eas lu Yente. Il et uai
que le exemples que donne ret article étant empruntes à la L'OCDmunauté, on pourrait être tenté de restremJre ·on applicatton ù ce
régime. On est cependant générlaement d'accord pour reconnaitre
�-
160 -
que l'article n'est pas limitatif. Il donne de simples exemples : aussi
applique-t-<m sa règle aux espèces analog ues qui se présentent
sous d'a utres régimes.
ARTICLE III
Regime dotal
A. -
DENIERS NB PROVENANT PAS DE L ' ALIÉNATION D' UN IMMEUBLE
DOTAL, OU DENIERS SUSCEPTIBLES D'EMPLOI.
a. - Le contrat de mariage ne contient pas de clause autorisant l'emploi.
J. - Emploi. - L'emploi en pareil cas n'est pas possible. L'immeuble acquis en emplvi n'est pas dotal. No us avons vu qu'en
matière de communauté la question est douteuse, ici deux r aisons
décisives im posent cette solution : d'abord le texte for mel de
l' A. 1553, ensuite une r aison de principe. Il est de principe que
-
IGl
bration du ma riage, est immuable, et ses règ les s'imposent aux
\'.·poux alors même qu'ils seraient d'accord pour essayer de s'y
so ustraire.
. Mais l'immeuble ne serait-il pas dotal, si la femme s'était constitué e~ dot tous ses biens présents et à venir ? On a essayé de le
soutenir (To ulouse, 17 décembre 1868, Sirey 1870, r, 185). Sans
doute, a- t-on dit , l'immeuble ne peut pas être et n'est pas dotal
r·on:i~e représentant une valeur dotale : l'A. 1553 s'y oppose.
Mais 11sera dotal en vertu du contrat de mariage et des ter mes de
ln ~onstitut~on de dot comme bien à venir (Dutruc, Traité de la séparation des bLens , n•. 454, note 5). Ce raisonnement n'a pourtant pas
préva lu. On a fait r emarquer avec raison que la disposition de
l'A. 1553 est absolue et ne renferme a ucune distinction. Le législateur ne s'y préoccupe pas de l'étendue de la constitution dotale il
ne considère qu' une chose : le contrat de mariag e contient-il ~u
non une clause d'emploi ? Or no us avons supposé q u'il n'en contient
note 20. Rod. et Pont HI, 1680).
Mais alors que fa udrait-il décider :
a ucune. D'a utre part l'immeuble ne peut pas être considéré comme
bien à venir et comme dotal à ce titre. On entenJ par biens à venir
ceux qui viennent a ug menter le patrimoine et s'ajouter aux biens
existants ; o r l' immeuble acci uis en r emploi n'est pas uoe valeur
1° Si la femme venait à acquérir un immeuble, et si le mari payait
le pri:.c en déclarant employer les deniers dota u.i; pour {aire ce paiement ?
Allons-nous voir le quasi- usufruit se transformer en us ufruit î
no uvelle, ma is la r eprésentation d'une \'aleur préexistante. D'ailleurs q ue l'on suppose un contrat de mariage portant constitution
de dot des biens présents eulcment et contenant une clau e d'em-
Non. L' immeuble a ppa rtiendra la femme, car c'est en son nom
q ue l'acquisition a été faite (1), mais il ne sera pas dota l, car la dot
immobilièr e ne peut pas être a ugmentée pendant le mariage
(A. 1395 1543 1553). Il en serait ainsi a lors m ême que les époux
par une convention expresse a uraient déclaré imprimer à l'immeuble un caractère dotal : car le contrat de mariage, apr ès la célé-
ploi, l'immeuble acquis en emploi des deruer· dotaux sera dotal :
donc ce n'est pas un bien compris dan la catégorie des biens à
venir, car alors il ne serait pas dotal, la constitution de dot ne
com prenant pas rette clas~c de biens. Il faut donc reconnaitre que
la dot ne peut pas être modifiée pendant le mariage quant à la
nature des biens dont elle se compose (Aubry et Rau V, p. 537 ,
'
( !) Voir la note page 16l.
les principes qui ont dicte nu législateur l'A. 1553 sont seuls en jeu
dans la matière : or ces principC.) refusent à l'immeuble la qualité
de bien dota l (En ce sens Grenoble 11 juillet l 85i, Dalloz Sï , :"? ,
:? lO. Rcq. :?6ju11lè1 1 6:5 , D. 65, 1146î. Rejet Cass. 12 a\'ril 18î0
S ir ey 18î0 , 1. 1 8~) . .\ ul>ry et Rau , l V , page 539 note JO).
ll
�-
162 -
L'immeuble n'étant jamais dotal, il eu résulte que la dot mobilière
va être diminuée pendant le mariage : le mari a va nt le paiement
était quasi-usufruitier des deniers dotaux et ces deniers sont après
le paiement remplacés par un imm~uble pa:aph~rna~. Comment
empêcher cette atteinte à la convention matr'.mom~~e . Aubry ~t
Ra u (V page 538 note 26) décident que quoique. l 1mme~ble soit
paraphernal le mari en aura l' usufru it. Cette solut ion est macceptable : on crée une classe de biens intermédiaires entre les dotau~
et les paraphernaux, dont le mari a l'usufruit co~m~ il a l' usufrwt
d~s biens dotaux, qui sont aliénables et prcscr1pt1bles comme les
parap!lCrna ux. Troplong (IV, 3 196) croit qu'en ~rincipe les frui ts
doivent être délégués a u ma ri et affectés à soutentr les charges du
mariage : mais il reconnait à la femme le droit si elle le préfère de
s'approprier les fruits à la charge de payer au mari les intérêts du
capital dotal employé à l'acquisition. Colmet de Santerre enfin
(t. YI n• 225 bis V) s'inspire de cette dernière idée, et propose
une solution meilleure. L'immeuble sera para pherna l et la femme
en aura la propriété et la jouissar1ce. Ma is le mari en payant avec
les deniers dotaux a renoncé à la jouissance de ces deniers : c'est
cette renonciation qui est inéguUère et dont il fa ut l'indemniser.
Aussi pour ra-t-il lui réclamer le paiement des intérêts de la
somme d'argent qu'il a fournie Cette solution est d'ailleu1·s conform~ aux principes généraux : le mari en payant a u nom de la
femme peut avoir agi soit comme ::.on mandataire, soit comme son
gérant d'affaires, dans les deu:i. cas il poul'ra inrnqucr l'A. 2001.
u L'intérêt des avances faites pa1· le mandataire lui csL dù par le
mandant à dater du jour des avances constatées ( 1). »
2° Si le mari achéle seul un immeuble rn déclarant l'acquerir
pour le comµle el au nom de la femme el pour lui servir d'emploi ?
( \) Pour la gestion d'affa ires la q uestion es l controversée (Voyez ALtbry
p. 724 note 12).
t Rau 1V
-
163 -
Si la femme accepte, le mari ayant joué le rôle de gérant d•affaires , tout se passe comme si elle avait figuré elle-même au contrat.
0."o us retombons donc dans le cas précédent (1).
S i la femme refuse, elle ne sera propriétaire de l'immeuble ni à
titre dotal, ni à titre paraphernal: nemini invita acquiricur. Fautil dire que 1' opération sera au compte d1J mari et que ce dernier en
acquerra la propriété ? La solution de la question dépend de Ja
manière dont on apprécie le rôle joué par le mari dans les emplois
ou remplois. L es a uteurs qui analysent l'opération en une acquisition faite au nom du mari, et une offre adressée à la femme de la
s ubstituer a u bénéfice de l'acquisition doivent décider que l'offre
tombe devant le refus de la femme, mais que l'acquisition faite a u
nom du mari reste. Les auteu rs, qui au contraire considèrent le
mari comme mandataire de la femme, doi,•ent appliquer l'A. 1997.
es pouvoirs sont connus, ils sont déterminés pa r l'A. 1549, et les
t iers qui traitent avec lui doivent être regardés comme en ayant
une connaissance suffisante. Le mari n'est donc tenu à a ucune
(1) Uans cette h\'polhèse el celle qui précède une autre opinion s'est lait
jour. Elle repose s ur des principes entièrement différents de ce11x que nous
:i,·ons admis el ne semble pas êt re exacte. On prétend que l'immeuble acquis
:\\·ec les drniers dotaux ne sera ni dotal ni paraphernal, parce quît n'e.<:t pas
la propriété de la lemme, mais t'elle du mari. c En effet, dit-on. si le mari n
figuré seul dans l'acte d'acquisition. il e.~t è1·idenl que la dol n'a pu être
changée contre la \'Olontè de la lemme, qui n'a pu acquérir l'immeuble contre
son gré. " Nous examinerons plus loin <'e C.'I... On ajoute: c 1 La
lemme a concouru à l'acte le résultat est le même, parce quïl ne depeud pas
de h femme de changer le C.'lraclère de <;a dot par le seul fait tfe ' \'olonlé ,
Le principe sur lequel on !.'appuie,;\ sa\'Oir que la lemme ne peul pas chan~er
le ca1·actère de sa dot esl exact, 1.\ conclusion qu'on eu tire que l'ac:qui~ition
est au compte du mari e.st hu-.s~. L'opëration laite ou plutôt teulile p:u b
lemme s'annly<:e en un double acte: t • en une acquisition hile en n nom.
2• en une teuta li1·e d'emploi. o.. ces deux actes le premier e;';t inaltaquabhi:
jamais on n ·a soutenu que la lemme doL1le lùt frappée de l'iucapacite d'acquérir: donc l'immeuble serJ -;.1 propriMë. Le :;econd acte seul constituer:iit
une \'iolalion des rO:j?le~ de ln dot. L'.\ . 1553 ne défend pas 1\ la lemme
d'acquérir on son priiprt' Mm, il lui dèfeud d'employer ses deniers dotau .
<1'e•ll don<' de ee ser11nrl a..te seulement qu on doit se préoccuper, car c'est le
�•
-
164 -
garantie pour ce qui excèJe ses pou\•oirs, et l'opération doit être
l'Onsidérée comme non avenue. Il faudrait pourtant reconnaitre aux
tiers le droit d'agir eo dommages-intérêts contre le mari dans le
cas où il se serait porté fort pour sa femme (Troplong IV , 3196).
JI. - Datio in solutum. - Le mari pourrait-il céder à la femme
un de ses biens en paiement des deniers dotau'.\. ? Certains arrêts
approuvés par Aubry et Ra u (t. IV, p. 350, note 24) annulent la
dation, la vente entre époux étant prohibée. Pour eux on ne peut
pas invoquer l'A. 1595 2° car la cession n'a pas une cause légitime:
i1 le entendre, cette cause légitim e suppose le mari débiteur de
somtnes susceptibles d'un rem'.rnursement actuel, ce qui n'est pas
dans l'espèce (Cass. civ. 11 juin 188 1 D. P. 1882, 1, 193). No us
avons combattu plus haut cette doctrine a \•ec Laurent (Laurent
XXIV, n° 38). Dès lors devrons-nous dire avec cet a uteur que la
dation en paiement est possible ? Non. ans doute l'A. 1595
n'empêche pas cette opération, mais les principes du contrat de
mariage font échec à sa validité. Quelle serait la nature de lï mmeublc que la femme aurait reçu ? l~ n fcrn-t-on un bien dotal ?
seul qui soit irrégulier : aussi avons- nou~ essayt!- de restiluer le mari contre
le:; oonséquences du paiement par lui rait.
[)'ailleurs n'est- il pas bizarre de rorcer le mari à rester proprié ta ire ùe
l'immeuble qu il a acquis pour le compte de sa femme '1 On a essa1•é d'expliquer ce ré ~ull:tt étrange en disant : " Le mari q11i achl-le pour le compte de
sa femme !;e trouve daos la m,;mc situati rn que crlui <JUi achète pour le
compte d ' un tiers pour lequel il se porte rort. Si le Liers refuse de ratifier la
prupriélé reste néc6';sairement sur la tctu ùc la personne qui a,·ait acheté pour
le compte de ce tiers. ,. Il est facile de rrpondre :
1 Le mari n'est pas d'ordinaire porte- fort, m·lis g61·ant d'a[ai.res ou mandataire de la femme.
2• Serait-il porte- for t, le porte- fort n'es t passible le ras échéant que do
d<>1nmages-inlérèls. tns doute il peut p rendre l'o plmll ion it son compte s'il
le juge conn~naLle, 1nais il n e Jl"Ut pa'l y être contrai ni. (Aubry et nau I V,
p. 308 note 15 ).
Voyez R orlii re en note de l'o.rrêl de <':1<>'<ali1111 <lu 12 U\'ril 1870. Sirey 1870.
t. 185.
-
165 -
~Iais alors la nature de la dot est modifiée après coup ; elle était
mobilière, elle sera immobilière. D'ailleurs il est de principe qu'un
bien ne puisse pas de.. enir dota l en dehors des cas spécialement
prévus par la loi ou par le con trat. Or les conditions exigées par
l•A. 1553 ne sont pas remplies . donc l'immeuble n'est pas dotal. En
fera-t-on un para phernal? Une nou,•elle objec tion se présente: la
jouissan-;e du mari va subir une rood1ficatioo. Il a mit l'usuCruit de
deniers dotaux, désormais cet usufruit lui fera défaut et en echan"e
0
il n'acquerra rien. Or l'A. 1595 2° n'a certainement pa entendu en
a utorisant la vente entre époux permettre la Yiolation des r1:gles le
plus essentielles du régime dota l : oo ne pourra donc pas l'm\·oquer pour valider la dation en paiement (Col.met de Santerre Yl,
n° 225 bis IV).
b. - le Contrat de Mariage contient une clause autorisant
l'emploi des deniers dotaux.
L'emploi sera possible. Le bien acquis en échange sera dotal. Il
est vrai que la dot mobilière sera transformée en dot immobilière,
mais cette transforrnat100 est régulière ayant été pré,·ue au contrat
(A. 1553). Le quasi-usufruit du mari cessera donc pour faire place
à un droit d'usufruit.
Mais au lieu de faire emploi, le mari pourrait-il donner un de SéS
immeubles en paiement des denier· dotaux? Sans doute. - ·ou~
avons établi plus haut que !'.\ . 15!.l5 ne fait pas olistacle à c1.:he
opération, d'autre part le· principe:> spéciau" de la dot n'y foot
plus échec : ln Jot sera mod1fièe Jans sa compo itioo, mais cette
modification a été pré\ ue au contrat, par cela seul que l'emploi a
étc autorisé. Les débiteur de la dot d'ailleul'S, sils sont respons,1bles de l'utilité do l'emploi, !'Cront appelés à contrôler ln dation en
puiemcnt, comme tout autre placement fait p<lr le mari : ils lui
donneront, après e\.amen, les denier:; dotaux, dont il usera comme
�-
166 -
bon lui semblera, et l'immeuble cédé à la femme deviendra dotal
(Benech de l'Emploi et du remploi n• 34).
B. - DENIERS PROVENANT DE L' ALIÉNATION o'm~ŒUDLES DOTAUX. L'aliénation peut avoir été faite eo vertu des A. 1558- 1559 : le remploi sera non seulement possible, mais encore obligatoire. Elle peut
avoir été faite en vertu du contrat de mariage (A. 1557). Le contrat
contiendra toujours une clause ordonnant le remploi.
En pareil cas le mari ne pourrait-il pas, au lieu de faire un remploi, donner un immeuble en paiement? Nous n'aurions ici qu'à
répéter le raisonnement que nous venons de faire dans le paragraphe précédent et nous en concluerons: 1° que l'immeuble sera dotal ; 2° que le mari pourra user des deniers comme bon lui semblera (Benecb rk /'Emploi et du remploi n• 90).
Nous venons d'indiquer les cas où le quasi-usufruit peut se transformer en usufruit : nous avons vu que d'ordinaire, pour que cette
transformation s'opère, il faut le concours de volonté des deux intéressés (voir page 150). En est-il de même en matière de contrat de
mariage? Une hypothèse doit d'abord être mise hors de cause,
c'est celle ou la communauté est quasi-usufruitière d'un propre du
mari. Le mari est administrateur de la communauté et de ses propres biens : son consentement sera donc nécessaire et suffisant pour
l'emploi, le remploi et la dation en paiement. Mais lorsque la communauté ou le mari, suivant les régimes, set·a quasi-usufruitier d'un bien
de la femme, pour que ce quasi-usufruit soit converti en usufruit,
faut-il le concours de leurs volontés ? Des distinctions s'imposent.
Pour la datio in solutum, le mari et la femme doivent être d'accord.
Pour l'emploi et le remploi quidjuris? Ils peuvent être facultatifs pour
1e mari. En pareil cas, la femme sera appelée à accepter ou refuser I' offre qui lui est faite . Qu'en est-il s'ils sont obligatoires (clause d'emploi
ou remploi obligatoire) ? Ici les auteurs sont en désaccord. On peut
soutenir que l'acceptation de la femm e n'est plus nécessaire, le
mari n'agissant plus comme gérant d'affaires, mais comme manda-
-
167 -
taire de la femme. S'il en était autrement , le mari serait dans une
situation fâcheuse : il serait tenu de remployer, et la femme pourrait refuser les offres qui lui seraient faites. On le mettrait donc
dans une impasse dont il ne pourrait plus sortir. Cependant le système contraire semble plus sûr. Peu importe la situation difficile
dans laquelle se trouve le mari : ce n'est pas dans son intérèt mais
dans l'intérêt de la femme que la clause a été inscrite, peut-on
s'étonner qu'il en souffre? C'est un sentiment de défiance qui a
inspiré cette clause, 11 serait bizarre qu'on pût y trouver la source
de nouveaux droits pour le mari el la JU tification de I' e:\tensioo de
ses (JOuvoirs (Comp. Laurent n1 n° :.190. Aubry et Rau et les auteurs qu'ils citent v p. 539 note 31).
S~C:::'TIC>N'
II
De l'obligation de restituer
Nous étudierons : J0 L'obligation de restituer en elle-même ;
2° Les garanties qui assurent lu restitution.
eu
DE
PITRE PREMIER
L'OBLIGATIOX
DE
RESTITUER
ARTICLE PREMIER
Quasi-usufruit ord inairt
Le riuasi-usufruitier, dit I'.\ 587, doit à la fin de l'usufruit rendre
des choses de même quantité, qualité et rnleur que celles qu'il a
rc<:ues ou leur estimation.
�-
168 -
De cet article il résulte que le quasi-usufruitiel' ne jouit d'aucun
délai pour restituer. Mais que doit-il restituer? On a soutenu que
l'article lui donne le choix entre des choses de même nature et leur
estimation, on a prétendu que les termes dont il se sert laissent
croire que son obligation est une obligation alternative. Mais à quel
moment se placera le juge pour faire cette estimation : Est-ce au
moment de la constitution ou de la cessation de l'usufruit~ Le~
auteurs sont en désaccord. D' un côté on peut d1re qu'il est logique
de se placer au moment où l'obligation de restituer prend naissance,
c'est à dire au moment de la constitution de l' usufruit. De l'autre on
peut alléguer le principe des A. 1895 , 1993, qui pour déterminer
l'obligation de l'emprunteur se placent au moment où le prêt a pris
fin. D'ailleurs, ajoute- t-on, la première interprétation conduirait à
un résultat injuste et inadmissible, elle aurait pour conséquence de
mettre les risques de moins- value à la charge du constituant, sans
qu'il puisse espérer profiter d'une plus-value possible car l'usufruitier ayant le choix restituera des choses semblables ou leur
estimation, suivant que leur valeur aura diminué ou augmenté
(Comp. Proudhon V, 2634. Toullier UI, 398. Aubry et Rau Il,
page 525, note 3).
Ces deux systèmes doivent également être repoussés : ils sont
contraires aux principes et à une saine interprétation de l'A. 587.
Les principes disent (A. 1243) que le c1·éancier ne peut étre contraint de recevoir que la chose môme qui lui est due. Or ou l'acte
contient une estimation de la chose sujette à usufruit, ou il n'en
contient pas. S'il n'en contient pas, pourquoi donnerait-on ü l' usufruitier le droit de restituer l'estima tion, a lors que le constituant
a certainement voulu se faire restituer des choses semblables? S'il
contient une estimation, n' est-ce pas le cas d'appliq uer le principe :
A?stimatio (acit ... ? Quel autre sens pourrait-on donner à cette estimalion, puisque ce n'est jamais la chose même qui doit être restituée? D' ai lieurs le constituant a un intérêt incontestable à faire
-
JGq -
prévaloir cette interpretat1on : lc:s choses peuvent diminuer de
valeur et c'est une chance <tu'il ne veut pas courir. L'e5timation
vaudra donc vente, et 1' usufruitier ne sera débiteur que du monta nt
de cette estimation. Il ne faut pas croire que le texte de I'.\. 587
empêche d'adopter cette solution il contient implicitement a u co~
traire la distinction que réclament les principes. En effet en admettant que l'usufruitier pourra restituer l'ei;t1mation il suppose que
l'estimation a été faite : s'il a ra it dû recevoir son application même
au cas où les pa rties n'a uraient pas estimé la chose il aurait contenu
non le mot d'estimation, mais celui de va leur, dont se sert l'A. 1903
dans une hypothèse ana logue. Enfin le sens de r .\ . 58ï de,·ient
pa rfaitement clair si l'on tient compte des précédents historiques.
Son origine se trouve da ns la 101 7 dt usu(ructu tan.on rerum qtliP ...
d' où l'on peut indull'e qu1; la même distmction était admise à Rome.
T elle était l'interpréta tion que Doma l donnait de cette loi, et il n'y
a pas lieu de croire que les rédacteurs du code civil aient voulu
mnover.
Donc .
Ou les parties ont estimé la chose (J). - Le quasi-uc;ufruitier
paiera le monta nt de l'estimation. Il pourra arrh·er dans ce cas
qu'il restitue moms qu'il n'u rc~·u. ""opposons qu'il ait reçu en qua-iusufruit un immeuble estimé :20, l' estimation valant vente, ce qui
sera fréquent en matière de contrat de mariage. Il est 1n-incé : l'action en garantie étant mtentée contre Je vendeur, il aura droit indLL
pendarument du prix de vente ù la plus-,·alue que le bien avait
acquise au moment de l'é' 1ct10n. P ourtant il ne sera pa · tenu de
restituer la somme qu'il aura re~·ue en -u:s du prix Celte dt.\ci::;i.on
semble injuste, elle est pourtant inattaquable S 11 n'avait pas ëté
é\ mcé, il n'aurait restitué que le montant de 1esllmation et aurait
(1) Peu importe qno la
cho~
it atl l'estimation l'aillo voute.
estimée soit ou uou consomptible, J")ur,·u
�-
l70 -
profité de la plus-value ; pourquoi n'en profiterait-il pas en cas
d'éviction? le bénéfice qu'il a fait lui advient non pas en qualité
d' usufruitier, mais en qualité d'acheteur. Ses pré tentions sont par
conséquent fondées (Colmet de Sante1-rc, VI, n• 224 bis III).
Ou aucune estimation 1t' a éte faite. - L'usufruitier rendra, dit
J•A. 587, des choses de môme quantité, qualité et valeur. Il y a
dans ces mots une inexactitude : la valeur des marchandises étant ·
variable, il sera fort rare que des choses de même quantité et qualité aient la même valeur. Si l'usufruitier restitue des choses de
même valeur, ce ne sera pas la môme quantité ; s'il restitue des
choses de même quantité, ce ne sera pas la môme valeur. Il faut
donc effacer le mot de même valeur ou le prendre dans le sens de
même bonté.
~fais qu'arrivera-t-il si l'usufruitier ne fait pas la restitution à
laquelle il est tenu? Il se peut qu' il ne 1·estitue pas : 1° Parce qu'il
est dans l'impossibilité de satisfaire à son obligation. En pareil cas
l'A. 1903 décide en matière de mut.u1lm que l'emprunteur est tenu
de payer la valeur eu égard au temps et a u lieu où la chose devait
6trc rendue d'après la convention, et si la convention est muette sur
ce point eu ~gard au temps et au lieu où l emprunt a été fait. De ces
deux décisions de l' A. 1903, la première est une application du droit
commun : en effet, avec la somme qui lui est restituée. le prêteur
pourra se procurer les denrées promises ; le paiement de la valeur
équipolle donc au paiement des choses en nature. La seconde a u
contraire est une violation des principes : car la valeur des denrées
se modifiant, le prêteur ne recevra pas l'équivalent de ce qu'il eO.t
reçu en nature. Nous appliquerons donc la première solution de
l'A. 1903 au quasi-usufruit, quant à la seconde nous la repousserons : nous adopterions plus volontiers l'opinion de Pothier en
matière de prêt (Du Pr~t de Consomm. n°• 40 et 41) qui considérait le
temps de la demande; mais il fau t a ller plu!l loin encore : il est plus
conforme aux principes de se placer au moment du jugement, car
-
171 -
c'est à ce moment que le créancier devra se procurer le denrées
dont il a besoin.
Mais quand peut-on dire que l'usufruitier est dans l'impossibihte
de satisfaire à son obligation? Ce sera évidemment fort rare. On
peut citer le cas où les choses qui ont fait l'objet de !'usufruit ont
été mises hors du commerce, où pendant une disette l'usufruitier
serait obligé d'acheter la chose à un vend(:;ur, qui abuserait de la
situation etc ...
2° Il peut arriver que !•usufruitier refuse ~os rootiC d'exécuter
son obligation. Alors le créancier aura le droit de demander ou que
des choses semblables soient achetées aux frais du oébiteur
(A. 1243) ou que sa créance soit convertie en dommages- intérêt
conformément au droit commun.
De la preu1:e a faire par le constituant. prouver:
Le constituant derra
1° L' cxi,,tence <lu titre constitutif de quasi-usufruit.
:2° Qu e les cho~c., sur lesquelles portait l'usufruit ont été liHées.
Nous avons vu, en eITet, que l'obligation de l'usufruitier ne prend
naissance que par la li vrais on de la chose : il ne peut pas restituer
ce qu'il n'a pas reçu.
Cette preuve se fera conformément au droit commun. Donc, :;.1 la
chose a été livrée par le con~tit uan t, il faudra un ~crit, une quittance, à moins que sa valeur ne ::,oit inférieure à 150 franC-$. i la
chose a été livrée par un tiers, (exemple, oit un usufruit constitué
sur une créance, le débiteur en payant.. le tranforme en quasi-u:;.ufruit) il y a lieu d'appliquer l'A. 131 et <le permettre la preU\c par
tous moyens f!OS ibles.
3° La consistance des choses sujettes à quasi-usufruit Cette
prcu ve sera d'ordinaire asbe1 fal'ilc . C'\ . u 11f1 u1t de 100 quintaux
rie blé. Mais qu'en est-il si l'usufruit n ëté constitué sur un en emble
de bien : ex. une s uccession? On fera la preu\ e à l'aide de l'inventaire que l'usufruitier a dù dresser (A. 600) au moment de :..on en-
�-
172 -
trée en jouissance. Mais ,1iûd s'il n'a pas fait inventair~? Le constituant pourra-t-il prouver par témoins, simple présomption'. com~une
renommée? r0 us n'avons pas à insister sur cette question qui est
commune à l'usufruit et au qnasi-u ufruit.. Qu'il nous suffise de
dire que les auteurs sont en désaccord et que l'affirmative rencontre
plus d'approbateurs (Laurent v1 503. Aubry et Rau II p. 472).
4• Que le quasi-usufruit a pris fin. Cette preuve se fera conf~r
mément au droit commun , elle incombera toujours au constituant
nonobstant l' A. t 983 relatif à. la rente viagère.
ARTICLE If
Quasi- usufruit résultant des conventions matrimoniales
A. - Communauté légale, communauté d'acquêts, réalisation
expresse. - L'époux créancier aura droit, conformément aux
principes généraux, si la chose a étè estimée, a u montant de l'estimation, et, dans le cas contraire, à lles choses de méme qualité et
quantité (A.. 587). Dans Je cas où le débiteur n'exécuterait pas son
obligation, l'époux créancier pourra obtenir une indemnité représentative de la valeur au moment du jugement. En combinant ces
principes avec ceux de la communauté on conclut que, si la femme
accepte la communauté, J' époux créancier pourra réclamer à l'a utre
époux la moitié de la créance, sauf le droit, pour la femme, d'invoquer l'A. 1483 ; que, si la femme renonce u la communauté, la
femme créancière pourra réclamer au mari le paiement de la créance
r.nticre, quant au mari, il est seul propl'iétaire de la communauté
et n'est ni créancier ni débiteur.
Dans le cas où l'époux créancier se paierait par voie de prélèvements, il aurait droit à une valeur roobilicre ou immobilière repré-
-
173 -
sentative de la valeur de la cho;,c uu moment de la dissolution de la
communauté 'En <·e ,;cns .•\ ulJry et Rau,. page 1158 note 32 Laurent voudrait lui .-tonne: la valeur au moment où la cboi'e e-.t
tombée en . .: ommunautè Laurent Hill n• 151 . C'est une erreur:
l'époux " lroit, eo principe. « une chose de même nature . le~ règ les s ur le prélèvement transforment son droit, pour connaitre
J' étendue de ce droit il faut se placer au moment de la tranformation,
c'est-à-dire 1u moment de la dissolution de la communaute. On
pourrait comprendre un ystème considérant l'époque du partage,
on :le comprend pas un système considérant l'époque de la mise en
communa uté.
Comment l'époux créancier prou' era-t-il la consistance des objets
dont la "Ommunauté e t 1uasi-usufruitiere? Cette question ~e posant clans les mêmes terme pour tous le propres mol>iliers des
époux (propres parfaits o.; imparfait , , nous l'examinerons trèssuccinctemeot.
1° )fobilier présent 1 que r époux pos. édait au jour du maria "'e).
L'A 1499 décide que la preuve ne pourra se faire que par im entaire ou état en bonne forme antérieur à la célébration du mariage.
Certains auteurs admettent cependant un m,·entaire ou état postérieur de peu de j ou t'S à la cèlébration du mariage : mais c'e:.t une
atteinte injustifiable à I' .\ . 1199. Nous repoussons donc ce tempérament (Laurent .xxm n• 173).
2° Mobilier futur. L'.\.. 1501, en matière de clause de reali:.at1on,
déclare que, à défaut d'1D\ enta ire, le mari ne pourra prou\'er que
par titres, et que la femme prou' era m~me par commune renommée. L'A . 1199 i;emble au contra1rc, en matière de communauté
d'ucqut!ts, C'.\Îger un in\ entairc pour la femme comme pour le mari.
Faut-il compléter L \ . 1Hl9 par l'.\.. 1504 ! Laurent s·y refu ·e et
con tnte ainsi uue d1ffercol'c entre la communauté d'acquêt' ~t 111
dause excluant de communauté tout le mobilier pre:;cnt et futur
(Laurent .xxm n• :?06, n• 181). Il nlut llllèU'.\ appliquer coocurrem-
�-
J7i -
ruent les A. l499 et 1504 (Aubry et Rau v p. 451 note l5. Colmet
de Santerre v1 162 bis rv et v). Il ne faut pas laisser la femme sans
secours en présence de la mauvaise v?lonté ou des tentatives frauduleuses du mari. La femme pou rra donc prouver par commune
renommée la consistance des effets qui lui sont échus à titre de donation ou succession. Mais elle devra prouver , conformément au
droit commun, le fait même de la donation ou de la succession : ici
il n'y a plus de faute imputable au mari (Laurent xxm n° 184. Contrà cass. rejet 28 novembre 1866, Dalloz 1867. 1. 209).
B. - Communauté conventionnelle (apport du mobilier jusqu'à concurrence d' une certaine somme. A. 1500 2°). - Cette
clause a pour effet : 1° de rendre l'époux débiteur de la somme promise ; 2° de le rendre créancier de la va leur de son mobilier excédant la somme prQmise. On constate donc une différence avec le
quasi-usufruit ordinaire : l époux créancier aura droit non à des
choses semblables à celles 'lu'il a livrées, mais à une somme d'argent. C'est ce que dit l'A . 1503: <(Chaque époux a le droit de reprendre et de prélever... la valeur de ce dont le mobilier qu'il a
apporté lors du mariage ou qui lui est échu depuis, excédait la mise
en communauté. »
On devra faire la somme des valeurs mobilières tombées dans la
communauté du chef de l'époux ; s'il y a des créances on ne les
comprendra qu'autant qu'elles auront été payées (Laurent xxm
n•• 246, 247). On a ura ai nsi reconstitué l'apport. L'apport ayant été
estimé, on en dédmt les dettes mobilières tombées en comm uca uté
du chef de l'épou x. La différence entre la somme ainsi obtenue et
la somme promise donne la somme à laquelle l' époux a droit.
Nous avons dit qu'on estime l'appor t. A quel jour se placera-t-on
pour faire cette estimation? Les nuteurs sont d'accord pour se plaecr au jour où l'apport a été efTectué. En effet la communa uté
cr~ncière reçoit en paiement les meubles de l époux , elle doit les
-
175 -
recevoir pour leur valt:ur au momeot où l'opération s'effectue, c'est.à-dire au moment du mariage, de la donation ou de la succession.
L 'époux doit ét.abiU' la consisLance du mobilier apporté. Il l'ét.ablira: J• pour le mobilier pré:;ent (A. 1502), s'il s'agit du mari par
une déclaration que doit contenu· le contrat de mariage, s'il s'agit
de la femme par la quit.tance que Je mari lui donne ou donne a. ceu.'\
qui 1' ont dotée. "2° Pour le mobilier fut ur, conformérot:nt. a l'.A. Jô04
dont nous connaissons déja le <l~posit1f.
c· est. confot•mément. à ce:; principes que l'époux prouvera rap
port des créances tombées de son chef en communauté. DeHa-t-Jl
également. prouver que ces créances ont été payées pendanl la
communauté? Pot.hier (De la Communauté n° 290) faisait. une dbtinction que nous admettons encore aujourd'hui. Le mari de\ ra
justifier que les créances ont été acquittées : cette preuve lui era
facile, il la fera soit par des contre- qt1ittances, soit par un journal
non suspect. Quant à la femme, 1! lui suffira de justifier l'apport des
créances ; ce sera au mari , s'il en conteste le paiement, de justifier
que malgré les d1ligenc~ fait.es il n'a pas pu être payé lLaurent
lllll a• 248. Aubry et Rau v p. 4i 1 note 32).
Nous venons de tlet.ermmer dans les différents cas de communauté légale ou conventionnelle quand l'epoux aura droit à une
som1ue d'argent, quand il a urn droit à des choses semblable ,\
celles qu'il a livrées. l\ous avons a10s1 fixé les choses que l'épou:\.
cr~ncier pourrait réclamer et dont 11 devrait se c.ontenter, ::-i Je;:,
principe::. générau.\: ne subissa1eot aucune atteinte . .MalS une e:\.t'eption bien remarquable est apportée par les .-\. 14ïO-J.fï1 à l'A. J:,)43.
De ces articles, dont une ctude upprofondiè nous est interdite, il
résulte que !' cpuu~ crcanc1er lor::.quc lu femme accepte la communauté pourra sùrcmcnL C\.tger, peut-être titre forcti de rece\'oir en
patl'ment d'abord l'argent comptant, ensune le mobilier, enfin le:,
immeubles de la communauté. Pat là les prmcipes que nou~ (l\'Ons
établis plus haut subiront une J.Uotl.ifkalton.
�-
c. -
lïG -
Régime exclusif de communauté. - L'A. 1532 est ainsi
conçu : « Si dans le mobilier apporté en dot par la femme ou qui
lui échoit pendant le ma riage, il y a des choses dont on ne peut
faire usage sans les consommer , il en doit ôtre joint un état estimatif a u contrat de mariage, ou il doit en être fait inventaire lors de
l'échéance et le mari en doit rendre le prix. ll Cet article semble
rendre Le mari quasi-us ufruitier débiteur toujours de l'estimation,
jaruais de choses semblables. Ce serait une atteinte au principe de
l'A. 587. Cette dérogation n'est qu'apparente. L'A . 1532 suppose
que les choses ont été estimées, et alors Je mari devra restituer le
montant de l'estima tion. Mais il peut arriver a ussi, et cette hypot hè e est en dehors de l'article, que les choses n'aient pas été
estimées : en pareil cas le mari devrait restituer des choses semblables à celles qu'il a reçues. On voit ùonc que l' A. 1532 est pour
nou:, une apphcatioo de r A. 587. Mais si on adoptait l'interprétation
que nous avons repoussée sur cet article il constituerait une
dérogation à son princi pe et c'est ce que Aubry et Ra u sont forcés
de reconnaitre (Aubry et Ra u, Y p. 513 note 11 ).
L'A . 1565 que nous étudierons plus tard donne au mari sous le
régime dotal uo délai pour se libérer . On se demande s'il convient
d'étendre I' A. 1565 au régime exclusif de communauté. Cette
question n'est qu'un cas particulier d' une 'luestion plus générale
dont nous n'aborderons pas l examen : doit-on compléter les décisions des A. 1530 et sui vants par les règles de la "omrouna uté ou
celles du régime dotal ! L'origine du régime sans ;:omm unauté
semble imposer la première solution plutôt que la seconde (Cotitra
Ro<l. et Pont IH, 2066-2080).
.Mais comment la femme prouvera-t-elle la consistance de son
mobilier ? Le mari est tenu de toutes les obligations des usufruitiers
rA. 1533), il doit donc faire inventaire. Dans le cas oci il aurait été
négligent la femme pourrait prouver la consistance de son mobilier
présent ou futur même par commune renommée.
-
177 -
D. - Régime dotal. - Conformément a ux principes généraux,
le mari devra restituer des choses de même quantité et qualité que
celles qu'il a reçues ou leur estimation, suivant qu'estimation n'a
pas été ou a été faite. Voilà la règle. Mais l' A. 1566 y fait exception da ns un cas particulier. Supposons qu'une fem me se soit constitué en dot ses linges et hardes et qu'elle les ait estimés. Elle ne
de vrait avoir droit qu'à l'estimation : l'A. 1566 décide cependant
qu'elle précomptera sur 1'estima tion la valeur des linges et hardes
à son usage actuel. Il pourra arriver alors ou que la valeur du
trousseau soit inférieure a u montant de l'estimation et elle pourra
forcer le mari à parfaire la difiérence en argent, cela résulte ex pressément de 1'A. 1566 ; ou que sa valeur soit supérieure à r estimation, il semble qu'elle devrait rembourser au mari la différence.
Pourtant on re pousse cette décision: en effet, dit- on, si on n'avait
pas fait d'estimation, elle aurait pu t·éclamer ses linges et hardes à
son service actuel, alors même que leur valeur ellt été supérieure ù
celle de ses linges et hal'des au moment de la célébration du
mariage. P ourquoi en serait-il autrement si les parties ont fait une
estimation !
Dans quel délai le mari devra-t-il restituer ? D'ordinaire 1' usufruitier doit s'exécuter dès que l'usufruit a pris fin. ous le rétpime
dotal on constate une exceptaon à cette règle. Le droit romain
classique accordait un délai au mari débiteur de cho-es in genrre,
de quantités : il pou\ ait se libérer en trois paiements partiels faits
un a n, deux ans, trois ans après la di · olution du mariaoe (annua
bima, lrinv.J die). Justinien modifia celn et accorda un délai d'un
an au ro::iri débiteur de choses mobilières. Comme Ju tjnien L\. .
1565 accorde un délat d'un an, mais comme les juri::.1.. onsultes
clasl>iques il oe l'accorde qu'au mari débiteur de quantité', c'est-àd1 re a u mari quasi- usufruitier à l'exclusion du mari usufruttier.
Cette distinct ion est logique : on comprend que ln restitution :;oit
immédiatement exigée lorsqu'elle a pour objet des corp c~rtain~
12
�-
li8 -
que le mari doit avoir en sa possession ; au contraire lorsque la
restitution porte sur des sommes ou valeurs confondues dans les
biens du mari, il est juste de faire jouir celui-ci ou ses héritiers
d'un délai suffisant pour se procurer ces sommes ou valeurs.
Ou peut se demander quelle est la nature de cc délai. On distingue deux espèces de termes, le terme de droit des A. 1185 et suivants, Je terme de grâce de l'A. 1244 : le prcroie1· est celui qui est
stipulé par la convention, le deuxième celui qui est accordé par le
juge. Le délai de l' A. 1565 est un terme de g ràce. En effet, dans la
rigueur du droit, le mari aw·ait dù payer immédiatement: des
considérations d'équité et de convenance ont décidé le législateur à
faire fléchir le droit de la femme, mais la nature même de ces
considérations montre que ce délai peut être comparé à celui de
l'A. 1244. De là une conséquence pratique importante: quand on
se demandera quels sont les évènements qui font per·drc au mari le
bénéfice du terme, il faudra dire que ce ne sont pas ceux de
l'A. 1188, mais ceux plus nocnbreu.x de l'A. 12'1 Ju code de procédure civile.
Mais le terme de grâ.ce de l'A. 1565 diffère à un point de vue du
terme de grâce de l' A. 1244. Le premier est accordé par la loi, le
::.econd est accoi·dé par le ju~e. On peut en déduire que les juges
auraient le droit de l'allonger, en accordant un nouveau terme
après l'expiration du terme de gràte légal. On décide cependant
que le juge ne peut pas après lex piration du premier terme qu'il a
accorde en concéder un second (A. 122 <lu cod. proc. c1v.). :Mais s' il
en est ainsi c'est que la deuxieme décision qu'il rendrait viendrait
modifier la premiere et par conséquent une atteinte serait portée au
principe de l'au torité de la chose jugée. Il n'en c~t pas de même en
l'esµc:ce, le premier délai ayant été accordé non par le juge, mais
par la loi.
L'A. 1565 qui accorde au roari le dûlni d'un an pour se libérer
suppose que l'évènement qui do11nn lieu a la restitution de la dot el:lt
la dissolution du mariage. Qu'en serait-il :
-
179 -
1° Au cas de séparation de corps. -
Il ne faut pas hésiter à
éte~dre à c.e cas la décision de l'article. L'article en effet s'appliquait certamemtnt en 1804 au cas de divorce : or il aurait été
bizarre que la femme pôt se rnon~rer plus exigeante au cas de
séparation de corps qui relâche seulement les liens du mariage
qu'au cas de divorce, qui les détruit entièrPment.
'
2° Au cas de séparation de biens . - L'appÜ<.;ation de l'A. 1565
~ cette hypo~hèse peut sembler plus douteuse. On pourrait dire que,
l ~· 1444 oblt.geant la femme à exécuter la séparation dans la quinzame, la restitution doit être immédiate. A cela on peut répondre
quel' A. 1444 exige seu lement que des poursuites soient commencées et non interrompues : bien plu , on est d'accord pour reconnaitre <]Ue la déchéance prononcée par cet article cesse lorsque
l'interruption des pour uites provient d'un fait indépendant de la
volonté de la femme. Elle ne sera donc pas dechue si cette
interruption a sa cause dans le délai légal dont jouit le mari.
On pourrait dire encore qu'aux termes des artides 11 88 code ci"il
124 c. de proc. civ. le mari doit être déchu comme l' e-t tou~ débi~
teur en déconfiture. A cela on peut répondre que l'application de
ces articles n'est pas douteuse si la séparation de bien a été
prononcée parce que le mari e t en déconfiture; mais elle peut
avoir été prononcée aussi parce que la mauvaise administration du
mari inspire des doute sérieu\. pour la conser\'ation de la dot, san
qu'il soit en déconfiture Débarrassés de ees objections. nous déciderons que le mari jouirait du délai de l'.\. 1565. n::. doute l'article ne prévoit pa i1i terminis le cas de sépar-.ition de~ bien -, mais
prévoit-i l da\antage celui de séparation de corps, d lo~que l.t
séparation de corp e-t prononl'ée la restitution de lu dot n'a-t elle
pa. sa cause dan la séparation de biens qui en c~t la conséquente!
D'ailleurs le raisons de convenance dont le législateur s'est inspiré
subsi~tent quelque soit l'événement qui rende nécessaire la re titution. Il en ;;erait autrement si ln 'êpnration de bien avait !!te
�-
180 -
-
prononcée parce que le mari est en faillite ou en déconfiture, o u
s'il avait diminué par son fait les sùretés de la femme (A. l 188-
12lt).
Enfin le délai de l' A. t 565 peut-il êt re modifié par le contrat de
mariage ? En droit r omain on accordait (Lois 14 et 15, D . 23, 4)
aux épo\Th le droit de le restreind re, on lau r r efusa it celui de (Loi
16 eodem) le pr olonger. Cette distinction était inspirée par cette idée
que tout cc qui peut retarder la seconde union de la fe mme est
contraire à l' ordre public . Aujourd' hui les lois caducaires sont mortes , nos iùées se sont modifiées : cette dis tinction n'aurait donc plu.~
une base sérieuse. Le principe de la liberté des COO\'ent1ons doit
s'appliquer dans toute sa largeur.
De la preuve à fa ire par la fe mme. - E lle devra prouver :
1° Que le ma ri a reçu la dot. Cette preuve se fer a conformément
au dr oit commun. Donc si la dot a étè constituée par un tiers, elle
pourra prouver la réception par tous moyens (A. 1348). Si elle s'e t
constitué certains biens en dot, elle devra se procur er une preuve
littérale.
2° La consistance de la dot, si la dot a été constituée sur un
ensemble de biens. Le mari étant obligé de faire inventaire, la femme
prouvera soit par cet inventaire, soit par tous les moyens possibles
si le mari a violé son obligation.
181 -
CHAPITRE
II
DES GA.RANTŒS QUI ASSUitBNT LA RESTITUTION
ARTICLE PREMIER
Quasi- usufruit ordinaire.
On trouve deux garanties au profit du constituant : l'inventaire
et le cautionnement .
1° In ventaire. - L us ufrui tier doit a\ant d'entrer en jo uissance
dresser un inventa ire (A. 600). Cet inventaire sera fort utile au
cons tituant, q m aura ainsi un moyen facile d'établir r étend ue de a
cr éance.
2° CattlionnemenL. - ([ L'us ufruitier donne caution de jouir en
bon pèr e de famille », dit 1' A . 601. " i on s'en tenait aux termes de
cet ar ticle, il faudrait dire q ue le cautionnement, ne portant que ur
le mode de jo uissance, n'est pas dù par le quasi-usufruitier: en effet
il n'est pas tenu de jouir en bon père de Camille, pui-qu il est propr iétaire. La rédaction de l' A . 60 l c~t cvidemment inexacte : c'est
précisément pour le quasi-u-;ufruit que le cautionnement a été introduit, et c'est surtout quand l'usufruitier peut dti>poser de ln '-bOi>1..
que le nu-propriétaire a besoin de garantie. Il faut don'- dédder qut:.
le q uasi-usufruitier doit donner caution de la \ aleur totale des bien::do nt il a la jouissance, la caution garantis~unl le paiement del l.':;tima tion o u la restitu tion de c. hose-. <le même quantité et qualit~.
Cette obligation de donner caution ces ·c dans les L'as indiqu~
par l'A. 60 1, c'est-à-dire:
�-
182 -
1° Au profit des père et mère, ayant l'usufruit légal des biens de
leurs enfants. Le respect que les enfants doivent à leurs parents ne
permet pas qu'ils exigent une garantie qui est une marque de défiance.
2° Au profit du vendeur ou du donateur sous réserve d'usufruit.
Il est difficile d'en donner une bonne raison: ce quo l'on peut dire
c'est que l'acquéreur connaissant la manière de jouir de l'us ufruitier
doit, si elle ne lui offre pas une garantie suffisante, avoir soin r.l e
stipuler expressément des s ûretés.
3° Lorsque l'acte constitutif de l'us ufruit en a dispensé l'us ufruitier.
Une question importante se pose ici : s'il s urvient pendant la
durée de l' us ufruit des changements qui mettent en péril la nuepropriété, i<L dispense de fournit' caution accordée par la loi ou la
convention cesse-t-elle ? Les auteurs sont en désaccord. En principe la dispense doit être irrévocable : la dis pense accordée aux
père et mère est irré\•ocable de sa nature, les raisons de convenance
qui ont inspiré le législateur s ubsistent et conservent la même
force malgré les changements qui peuvenl se produire. Il en es t de
même des dispenses fondées s ur la convention expresse ou Lacite.
L' A. t 134 dit que les conventions ne peuvent être révoquées que
du consentement mutuel des parties ou pour les causes que la loi
autorise. Or la convention, uous le supposons, est rouette sur les
causes de révocation, la loi elle-même n'en a indiqué a ucune. Priver
l' us ufruitier de la dispense qu'il a expre séroent ou tacitement s tipulée ce serait légitimer la violation de la convention.
Voilà l'opinion que l'on doit ado pter en principe. Mais ne doitelle s ubir aucune modification si on examine les d1ffé1·ents changements qui peuvent se produire? Ces changements peuvent :
1° Provenir du fait de l'usufruitier. E xemple : si I" us ufruitier
commet des a bus de jouissance. Nous avons vu que l'A . 61fi ne
s'applique µas au quasi-us ufruit.
-
183 -
Mais qu'en serait-il si le quasi-usufruitier tombait en faillite ou en
déconfiture ! Les auteurs examinant la question au point de vue de
l'usufruit proprement <lit <list;utent et on comprend qu'ils puis~ent
être en desaccord tLaurent VI, n• 518. Demolom be X, n• 497. Aubry
et Rau II, p. 477) En notre matière, il ne peut pas y a voir doute.
Nous avons un article formel qu il faudra appliquer, c'est l'a rticle
1188. Le quasi-usufruitier est un débiteur à terme, il doit être déchu
du bénéfice du terme dans les cas pré\ us par cet article. Le constituant pourra donc exige r la re·t1tulion immécLat e des choses données en quasi-usufrnit .•\ plus forte ra1~on devrait-on l'écouter 'il
ne demanda it qu·un s up plément de ga ranties.
2° Provenir de circonstance!' relati \ es a ux bien , lorsque des
cha ngement. sun iendron t è.an · l'l'lat de- biens. san qu'aut'u n
cha ngement se produi ·e dan-. la fortune ou Jec, affaire. de ru -ufruitier . Cette question e po-.era dans tous le cas déja étudiés der.onversion de l' usufruit en quo si-usufr uit. Il est une espèce où la loi l'a
cxpres~émen t trauchéc. L' ,\ . 3!) de la loi du 3 mai
1 ~ 1 décide que
l'usufrui tier et le nu-p roprictairc de lïmmeuble e-..proprié excrçent
leurs droits sur le montant de l'indemnité, et il ajoute : n L' usufruitier sera tenu de donner <'aut1on, les père et mère ay.lDt l'u ·ufruit légal de biens de leur,,, enfants en --eront seul· di~penst..-. •
F aut-il étendre la <léc1 ion <le cet article, et dire que lu tran,formation du droit entrainera toujours pou1· l'u ufruitier l"obli•"'ution de
donner caution ? • on. L'A. 3\l t'Onstituc ;)our nous une dcro" tion
au droit commun, que l'on doit re::itrcinclre. Le droit d•' l'u.;;ufru111er
dispensé de caution consiste précisément ;\ e:\crccr le.; mème.:; droit que s'il avait donné caution. (En ce sen, Laurent YI n 511 .\ ",
12 jui n 1879, J . du Palai:-. 1 80, i1 9. Contr.1, Besan 0n. "re, ricr
75. J . du P a la is 77, ~ 1 3).
Voilà les deux sùretés c~u·n le èonstituant: in,·cntaire et cautionnement. Il aura en outre toute" rl'llcs <JllÏl se --cr,1 ùonné la pt'Înc de
st ipulct' e:\.pressemcnl. (\'lie ob~cn nt ion nt' mcritc pa · e"amen.
�-184 Mais il est une hypothèse plus délicate où une sûreté nouvelle semble résulter de plein droit de la nature de J'acte jnridique intervenu
entre le constituant et le quasi-usufruitier. Supposons qu'un objet
quelconque ait été livré à !"usufruitier avec estimation, l'estimation
valant vente. On se demande si le constituant jouit du privilège du
vendeur et de l'action en résolution de l'A. 1654. Au premier abord
la question ne semble pas douteuse : une vente a été librement
consentie, po11rquoi le constituant-vendeur ne pourrait-il pas invoquer les A. 1654, 2102 4°1 2103 1°? Au ~si la plupart des auteurs se
prononcent en ce sens. (Rod. et Pont n• 1667, note l , n• 1911 en
note, n• 1934. Aubry et Rau V, p. 628, n• 2. Laurent XXIX, n• 473).
(Montpellier, 26 juin 1848. Dallot 1848, 2, 173) . Ma lgré tout il vaut
mieux croire avec M. Colmet de Santerre (Colmet de Santerre VI,
224 bis II), dont l'opinion est restée isolée peut-être parce qu'elle a
passé inaperçue, que cette doctrine est erronée. Sans doute le quasiusufruitier est débiteur, mais est-il débiteur à titre d"acheteur ?
Non . La constitution du quasi-usufruit l'a rend u créancier d'une
certaine somme, la vente l'a rendu débite11r de la même somme1 les
deux créances se sont éteintes de plein droit : l'usufruitier est censé
avoir payé le prix et l'avoir ensuite reçu à titre de quasi-usufruit.
Dès lors la vente a produit son effet, !"action née de la vente a été
éteinte en même temps qu'elle est née, et le constituant agira contre l'usufruitier non par l'action venditi, mais par l'action en restitution des choses du quasi-usufruit. On ne peut donc parler ni de
privilège du vendeur, ni d'action en résolution de la vente.
ARTICLE II
Quasi-usufruit dérivant des conventions rnatrinioniales
Trouvons-nous en cette matière les sûretés que nous venons de
passer en revue ?
-
1° Inventaire. -
185 -
Il résulte de ce qui vient d'être dit que le mari
doit faire inventaire sous le régime de commun uté des biens futurs
et non des biens présents (Arg. A. 1499, 1502,1504), sous le régime
exclusif de communa uté et sous le régime dotal de tous les biens
présents et futurs de la femme (Arg. A. 600, 1532, 1562).
2° Caution. - Sous aucun régime elle n'est exigée. Pourtant à
une éi;oque antérieure au IV• siècle, l' usage des fidéjusseurs s'était
répandu dans l'~mpire romain, et cet usage était fondé en partie sur
la loi, en partie s ur la coutume. Mais Théodose et Arcadius prohibèrent radicalement cet usage et Justinien revint sur cette abolition
pour lui donner plus de force (L. l et 2 C. Ne fidejussores). Aujourd'hui la question est définitiY<'ment tranchée par l'A. 1550. Le mari
n'est pas tenu de donner caution pour la réception de la. dot, s'il n'y
a pas été assujetti par le contrat de mariage. 11 serait peu con\ ena·
bic qu'un tiers vint s'immiscer entre mari et femme, d'ailleurs une
caution serait difficile à trouver : es. Que \'oudrait-on, disait Despeisses, demeurer caution des 20, 30, 40 années que peut durer un
mariage? Ce serait être incertain de sa fortune et demeurer attaché
pour toute sa vie et les siens. » (Despeisses, De la dol, section III,
n• 7) .
Mais si le cautionnement n'existe plus, on trouve bien d'autres
sûretés. t\ous les classerons en deux catégories: sûretés communes à tous les régimes, sùretés spéciales à chaque régime.
1. -
Sûretés communes à tous les r égimes
A. - Hypothèqu e lé9ak de la femme 111ariêe. - De tout temps on
a songé à assurer les droits de lu ferurue mariée.•\ Rome dan:. le
droit clas::.ique un prn•drgiu111 Ïlllrr penonnlt~ arlior1 s !!llrantis~ait
la restitution de la dot. Ju t101en voulut uller plus loin. et après
quelques hésitations il ar-:01Ja1t à la feruroc par la loi .'1ss1'{/Ws une
hypothèlJUe pm 1lèg1ëe c:;nr 11.!s btèn' du mari, par laquelle elle pri-
�-
186 -
-
mait même les créanciers hypothécaire<; de re dernier antériellrs à
la célébration du mariage. Dans l'ancien droit, certains parlements
des pays de droit écrit, le parlement de Toulouse par exemple,
admirent l'application dP. la loi Assiduis. Le Code n'ayant nulle part
accordé un privilège à la femme a ainsi effacé les derniers vestiges
de cette loi. Bien plus un texte spécial au régime dotal l'A. 1572
statue que la femme et ses héritiers n'ont point de privilège pour
la répétition de la d0t sur les crénncie rs antérieurs à elle en hypothèque.
Néanmoins Troplong a admis l'existence d'un véritable privilège
au profit de la femme commune sur l'actif de la communauté: il est
vrai qu'il appel le la sûreté qu'il lui accorde un droit de délibation.
:M ai il ne suffit pas de changer la dénomination d'un droit pour en
modifier la nature (Aubry et Rau , V. p. 364, note 28).
La femme n'a donc plus de pri vilège. Mais le Code lui a donné
une hypothèque légale ( _ 2121).
B. - Séparai ion de biens. - Voici encore une sûreté spéciale à la
femme (A. 1443). Nous devons examiner si, lorsque la communauté ou le mari sera quasi-us ufruitier des biens de la femme, celleci peut le ca,.; échéant invoquer l'A. 1443. Quand peut-elle dire que
sa dot est en péril, que le désordre des affaires du mari fait craindre
que ses biens ne soient point suffisants à la 1·emplir de ses droits et
reprises? Pour répondre à cette question , il faudrait être fixé s ur
le sens de ces trois mots« dot, droits el reprises». Un auteur récent,
M. I..aurent, a attaché à chacune de ses expre sions le sens qu'elle
comporte. On entend par d'JI ce que la femme apporte au mari pour
supporter les charges du mariage, dans l'espèce c'est la jouissance
des deniers propres ou dotaux . Quant au SP,ns du mot 1·eprises, il est
parfaitement caractérisé par la combinaison des articles 1472 1470
1'143 . C'est d'une manière générale tou tes les ind emnités qui lui
sont dues suivant le régime par la co mmnnnuté ou le mari . Quant
au mot droits il répéte l'idée cor.tenue dans le mot de reprises . Dans
1
'
187 -
l'espèce par reprises de la femme nous entendrons l'action en restitution des deniers propres ou dotaux.
Dès lors la femme pourra demander la séparation de biens judiciaire:
l 0 Lorsque le mari fora un mauvais emploi des dP.niers dotaux.
S'il en mésuse la dot est en péril. De Là une différence avec le
quasi-usufruit ordinaire, puii:;que nous avons reconnu au quas1usufruitier le droit de se servir des choses consomptiùles comme
bon lui semble et r efllsé au constituant le droit d'intervellÎr. C'est
que le mari n'est pas usufruitier dans :.on interét seul, mai dans
l'intérêt de la Camille entière. Mais encore fa_udra-t-il pour que la
dot soit en péril, que les valeurs dont le mari mésuse constituent
une fraction notable de La dot.
2° Lorsque les affaires du mari seront en désorJre. Car on peut
craindre que l'action en restitution ne devienne inutile tA. 1443 2°).
C.
Sûreté resullant de la théorie de l'emploi tt d1' remploi. .l\ ous exalllinerons cette question sous chaque ré""1me éparemenL.
Il. -
SClretés spéciales à chaque régime
A. - RÉGIME DE CO~C\1U'J.\l1TÉ. - On troa\'e une double sûreté
résultant: 1° De la théorie des A. 14il-l4ï2. ~· De la théorie de
lemploi et du remploi :
a. - Théorie des A. 1471 -1472. - 'l\oas avon' \'a ce que
contiennent ces articles. ~ous allon-, ret·hcrcher sommairement
quels avantages y trou ' e l'èpou' t'r~anl:ier
1° ûrett comm1111c n11 111ari et i1 /11 {emmt. - Le mari et la femme
jouis cnt pour f e'\erCÎt'e de leur-. rcpri~es d'un l.'Crlain droit de ::,oite
et d'un certain droit de prcfcrenl'C
Droit de suite. i l"un ùes cpou" celle à un 11el"" son Jroit :1 la
1·ornmu nault\ l'autre:' (•poli\. 1'on,er,cra le droit d't''\ert·er les prelè-
�----
188 -
\'eme~ts.
Tous les auteurs admettent <"ela , qu'ils considèrent le
prélèvement comme une des opér-.ttions de partage ou comme un
régleroent entre époux antérieur au partage.
Chaque époux sera préféré Slll' les biens
communs aux créanciers personnels de l'antre époux. Mais quelle
sera la situation de l'époux créancier en présence des créanciers de
la communauté? Quant au ma ri, il est rcrtain qu'il oc leur sera pas
préféré. Qu'en est-il de la femme? Cette question a soulevé une
controverse célèbre : il faot d~cide1· que simple créancière chirographaire la femme doit subir le concours de · autres créanciers
chirographaires de la communauté.
Dl"oit de préférence. -
2° Sureté spéciale à la femme. - A. 1471. Les prélèvement;S de la
femme s'exercent avant ceux du ma ri. -A. 147:? . En cas d'insuffisance des biens de la communauté, la femme aura une action
récursoire contre le mari.
B. - Emploi et remploi. -
Le mari ne trouve dans la théorie de
!•emploi ou du remploi aucune sùreté spéciale. Sans doute cette
opération pourra être avantogeuse pour lui , car il courra les
risques d'augmentation de va leur des biens qu'il a acquis; mais il
ne peut pas e-pérer se soustraire à. l' ttct1on des créancie1·s com muns,
car ces deroie:-s étant s~s créanciers personnels pourront agir sur
des liiens propres.
Quelle sùreté y trouve la femme ? 1° Le contrat ne contient
aucune clause d'emploi ou de r emploi. - Du jour où le remploi est
effectué elle ne court plus les risques de l'insolvabilité du mari et
de !a com'ti.mauté; elle n' e::it plus créancie;·e chirog raphaire, mais
prop:-iétaire des biens acquis en emploi ou remploi. Il faut remarquer d'ailleurs que sa situation est sù!'e du j0ur o.J J ~ m<lri a fait
l'acquisition pour servir de remploi, avur1t même gu'elle l'dit accepté, pourvu qu'elle r accepte avcl.nt la dissolution du mariage. Le
mari en effet a agi comme gérant d'affaires de la femme, et des
-
189 -
lors on doit décider qu'il ne peut ni révoquer, ni modifier son offre.
l'acceptation de la femme rétroagit au jour de l'acquisition, et fait
tomber tous les droits réels constitué:> du chef du mari servitude:>
hypothèques conventionnelles ou léga les.
2° Le centr al de mm·1ar;e conli~nl une clause d'emploi ou de rtmpl-O i.
- Quel sera l'effet de la clause a l'égard du mari ! - Tout dépend
des termes du contrat ; les parties peuvent simplement avoir voulu
rappeler les dispositions des A. 14~4. 1U5, et autoriser le mari à
faire emploi des deniers propres (Voir pages 155 et suivantes). En
pareil cas rien ne doit être changé a ce qui \ ient d'être dit. Le
contrat de mariage n'a pas renJu plus sùre la situation de la
femme. i au contraire les termes impératifs du contrat montrent
que dans l'intention des parties le mari a non-seulement la faculté
mais encore le devoir d' emplo) er ou remployer, la femme aura
pendant le mariage action contre lui pour le forcer à exécuter ::-on
obligation. Troplong a pourtant \'Oulu lui refuser celle action: il a
prétendu qu'elle serait une source de scandale·. on opinion e-t
resli!e isolée. Cette clause impérative est valable, les .\ . 13 ï,
1388, 1389 en sont la preuve et Troplong ne le nie pas. La femme
a donc droit au remploi : si elle a ce droit elle a C('rtainement le
moyen de le faire valoir, elle a Jonc une action, sanction n&-e sair.! et corréh1tif de tont droit Dire que le proces -era incoO\·enar;t, c'est vouloir toujours défendre à la femme d. agir contre son
mari. Or la loi a permis à la femme d'exercer des poursuites autrement graves lorsque I'.\ . 1H3 a été écrit. La demande de séparatio'.1 de biens sera l'objet de discussions autrement sérieuse et
autrement Yi\'es. Pourquoi rmtcrprète se montrerait-li plus respectueux que le législateur de 1 autorité maritale et de l'ordre pubU~ !
Enfin on ne peut pas dire que la san1.:tion ordinaire d&. droit de
la ft>mmc (hypothèque légale, recours sur les bien<: de la communauté et du mari) soit -:utll~nnte Elle doit être coosidéree comme
insuffisante par cela seul que les parties ue s'on sont pas conten,
1
�-
190 -
tées. Que deviendra d'ailleurs l'hypothèque légale si le mari n'a pas
d'immeubles ? Que deviendra le recours de la femme, si le mari et
la commu nauté sont insolvables ? (En ce sens. Req. rejet 20 déc.
1852, Sirey, 53, l, 151. Contrà Angers, lt< mars 1868 D. 68, 2, 82).
A l'egard des tiers? - Les tiers acquéreurs de biens propres,
débiteurs de deniers propres sont-ils responsables du remploi et de
l'emploi? Nous verrons plus tard ce qu'il faut décider sons le
régime dotal. Sous le régime de communauté, la clause que nous
étudions ne suffirait pas à les rendre responsables. Le principe est
que le mari peut toucher seul les deniers propres, sans que les
tiers aient à se préoccuper de l' usage qu'il en fttit. La clause
insérée au contrat impérative pou!' le mari peut avoir créé une
obligation pour ce dernier, elle ne semble pas a voir modifié la situatii•n
des tiers.(Orléans 19mars 1868, D. 68, 2, 196). On doit pourtant reconnaître qu'une clause expresse ne laissant aucun doute sur l'intention des époux fJOUrrait les rendre responsables. Cette décision sero ble
étrange au premier abord. Le contrat de mariage est quand aux
Liers res inter alios acta, comment y voir la source d'une obligation
aussi lourde lorsque les intéressés n'y ont pas été parties ? Il est
facile de répondre que le mari touche les deniers propres comme
mandataire de la femme ; or ce mandat peut-èt1·e pur et simple
(A. J 4~8), il peut être aussi conditionnel en vertu du contrat, et la
femme peut le subordonner à la condition que remploi ou emploi
sera fait. Dès lors si les tiers payaient sans s'assurc1· que la condition a été remplie, ils s'exposeraient à payer une seconde fois, le
premiet' paiement étant nul comme fuit à une personne n'ayant pas
pouvoirde lerecevoir (A. 1239). (Reg. rejet 19 juillet 1865. D.
65, 1, 431).
COM~IUNAUTR.
Tl n'y a rien de spécial à dire
sous cc 1·égime. On a dit cependant que le mal"Î était responsable
du défaut de remploi par application de I' A. l '150 (lorsqu'il a ura
D. · - RÉGl\18 SANS
-
-
191 -
concouru au contrat, ou s'il est prouvé que les deniers ont été
reçus par lui ou ont tourne a son profit) (Rod. et P ont IlI, t083).
Il y a mieux que cela à <lire. Sous ce régime le mari e t admini.:.trateur et usufruitier de::. biens <le la femme : à ce titre il a seul le
droit de toucher Le pl'i:.., et il "cra tenu de le restituer à la dbsolution du mariage ou lorsque la ::.éparation <le biens sera prononcee.
c. - Ri:CHME DOTAL . - On trouvait autrefois dans les pay · de
droit écrit bien des sùretés qui n'existent plu· aujourd'hui :
1° La femme jouissait d'un droit de rétt:ntion sur le::. biens du
mari, droit qui avait besoin d'être tipule par contrat Dalloz, J'•
Co11trat dr mariage, n° 42:30).
2° Les paraphernaux étaient frappés d'uoe dotalité i;ubsicùaire
(Dallot eodem 4229).
3° Soit uoe dot constituée en argent. Le debiteur de la dot abandonne un immeuble en paiement. .\.ujourd hUI (A. 1553) cet immeuble de, ient et reste la propriété du mari. Dans le res:>ort du parlement de Bor<leau:;. tl était frappé dune dotalité subsidiaire garantissant la restitution des deniers dotau\. (D11lloz eoclem 4229).
4° Le pere du mari, gui a' ait concouru au contrat, etait le
échéant respon~ablc de la solvabtltte Ju mari (Dalloz eodem\.
ai::.
5° Enfin par application des 101 · romaines les héritiers du mari
jou1~sant pour la restitution <le la dot de dl.'lai::. analogues à ceu::\ de
l'A. 15ti5 devaient donner caution Dalloz eode111 1131 .
Il reste encore aUJOunl'hui en dehors de· sllretes générales déjà
signalées certames llretês spceiale!S à ce ré"'iroe.
a. - L 13 de la loi d11 3 mai 1 U rnr i'erprovrialion pour eau.se
et 11/iltti µubl1q1u. - 81 un immeuble dotal est e::\.proprié remploi
doit être fort. l:)i au contraire les cpOU\. ont a' ec l'auLOr1sation du
tribunal t'i~dé ù l'ummble le bien dotal, le tribunal ordounero telle
mesure de t'Onscn at1on ou de rumploi qu'il jugera 0tx'essaire.
�-
192 -
b. - Sureté résultant dP l'emploi et du remploi. -
Nous n'avons
rien à changer à ce qui a été dit page 188 sur la situation de la
femme après que le remploi ou l'emploi a été effectué.
Mais quels seront les droits de la femme avant que l'emploi ou le
remploi ait été effectué? Des distinctions sont 11écessuires. Si le
contrat de mariage ne contient aucune clause d'emploi, ou s'il contient une clause permettant l'aliénation des immeubles dota ux sans
exiger le remploi, la femme n'a aucune action ni contre le mari, ni
contre les tiers. Bien plus le mari ne pourrait faire ni emploi, ni
remploi (A. 1 55~). Mais il peut arriver au contraire que le contrat
contienne une clause d'emploi, ou une clause permettant d'aliéner
l'immeuble dotal et créant pour le mari l'obligation de remployer ;
il peut arriver encore que en dehors de toute clause spéciale la
femme se trouve dans les cas prévus par les A. 1558 in fine et 1559.
Quel moyen coercitif aura-t-elle alors pour forcer le mari à employer
ou rem ployer les deniers dotaux? Faut-il lui donner une action
comme sous le régime de communauté ? La comparaison des articles 1428 et 15rn pourrait la lui faire refuser. L'A . t -!2El donne au
mari le droit d'exercer les actions mobilières de la femme commune,
mais il ne semble pas lui interdire de les exercer elles-mémes dans
certaines circonstan~es spéciales. La rédaction de l'A. 15"9 au contraire est restrictive : u Le mari seul a le droit, dit cet article, de
poursui He les débiteur3 et détenteurs de choses dotales. » Malgré
cette formule prohibitive de l"artide, les auteurs sont généralement
d'acçgrd pour permettre à la femme d'agir contre le mari. Il s foot
remarquer qu'on l'a toujours autorisée à faire les actes conservatoires de la dot (interruption de prescription, proJuction à des ordres
ouverts, inscription de son hypothèque A. 2 1~4). Il est vrai que ces
actes n'exigent pas l'intruductiou d'une action (Aubry et Rau V,
p. 557, note 1 l), mais dans l'espèce il s'agit d'assurer l'exécution
du contrat. Sans doute l' A. l r1t19 sera violé, mais l'origine de cette
violation ne se trouve-t.-elle pas dans le contrat de mariage qui peut
-
193 -
modifier les dispositions légales dans la mesure déterminée par les
A. 1387 et suivants? La femme pourra donc au cas de remploi se faire
autoriser à toucher le prix et à 1' effectuer elle-uaêrne, au cas
d'emploi faire condamner le mari à consigner une somme suffisante
po ur garantir le remboursement de la dot(Benech,n00 23,R5.Aubry
et Rau V, p. 578, note 75).
Le mari est donc responsable du défaut d'emploi ou de remploi.
Il faut encore aller plus loin : il sera responsable de l'insuffisance
ou de l' inefficarité de l'emploi ou <lu remploi , toutes les fois que
cette insuffisance ou cette inefficacité proviendra d'une négligence
qui lui est imputable. Comme tout débiteur il doit répondre de ,a
faute (Aubry et Rau v p. 551note2J).
Nous avons vu que, sous le régime de communauté modifiée par
une clause d'emploi ou de remploi, les tiers ne sont pas responsables de l'usage que le mari fait des deniers propres. Sous le régime
dotal, la même solution ne peut pas toujours être admise. Une distinction s'impose. L es tiers détenteurs de denier dotaux ne sont
pas en principe responsables de l' emploi de ces deniers. Cela a été
contesté. (Benech n•• 55 à 58. Troploog 1v 3 120). Le pomt de départ du raisonnement que nous avons fait plus haut (page 190) est
le même que sous le régime de communauté. Le mari a les poO\·oirs
néces aires pour poursuivre les débiteurs dotaux et rece,·oir le remboursement des capitaux. 'ans doute, une clause expresse du contrat pourrait restreindre ses pouvoirs légaux, mais on ne doit pas
présumer facilement une emblable rüStrict1on, et c'e_t les diminuer
que de subordonner à la néce:. ité de lemploi la validité du paiement fait entre les mains du mari (Aubry et Rau v p. 350 note 19.
Colmet de ""'anterre t• v1 n° 2?5 bis YH).
Les tiers acquéreurs dïmmoublos dotnu..x devront au contraire
veiller au remploi. "i Io remploi n'est pas efIC\.'tué, la femme pourm
demnnder la nullité de l'l\ltênation faite. Le principe e t que les immeubles dotaux sont ~liéllubles · le oontrut de marmge a f11it
13
�-
-
194 -
échec à cette règle, mais il a subordonné le droit d'aliéner à cette
condition que le remploi soit effectué. L'acquéreur est donc.e.xposé
à une éviction si le remploi n'est pas effectué; car, la conclit1on de
l
•
l'aliénabilité n'ayant pas été réalisée, l' aliénation faite constitue ~ne
violation de l'A. 1557 et tombe sous le coup de l'A. 1560. Bien
plus, il ne suffirait pas que le mari ait acquis un b_ien d' une valeur
quelconque au nom de sa femme, pour que les tiers f~ssent décharrrés de leur responsabilité. Le remploi n'est pas affaire de pure
form: il doit être sérieux et assurer la conservation de la dot. Telle
a été ~'intention des signataires du contrat de mariage, sans quoi la
sûreté stipulée serait illusoire. Il faut donc reconnaitre que les tiers
sont garants de l'utilité du remploi (Benech n•• 60, 114. Aubry et
Rau v p. 582 note 94).
c. - Inaliénabilité de la d('t mobilii:re. - Il semble que la
question de !'inaliénabilité de la dot mobilière ne puisse pas s~
pose1· dans l'hypothèse qui fait l'objet de cette étude. Le mari
est quasi-usufruitier des choses consomptibles comprises dans
la dot, d' une somme d'argent par exemple. Peut-on lui refuser le droit de disposer de cette somme? La déclarer inali6nable serait en rendre la jouissance entièrement inutile. Quel profit peut-on
tirer d'une somme d'argent, si on ne la place pas ou si on ne la dépense pas ?
Pour comprendre que la question puisse se poser, il faut se rappeler les conséquences qui déco ulent de l'inaliénabilité de la dot.
immobilière. Cette inaliénabilité n'aiTecle pa:; les droits du mari.
Supposons que le contrat de mariage déclare les immeubles dotaux
aliénables, il ne pourra pas les aliéner : celui-là seul peut aliéner
qui est propriétaire et il n'est pas propriétaire. Donc si le mari n'a
pas le droit d'aliéner les imroeubles dotaux, ce n' est pas parce
qu'ils sont inaliénables, mais parce que ses pouvoirs sont. insuffisants. La règle de !'inaliénabilité a donc pour unique conséquence
d'empêcher la femme d'aliéner la nue-propriété de sa dot immobilière ; elle affectc les droits de la femme seule.
195 -
L'inaliénabilité de la dot mobilière doit, si elle existe, produire
un effet semblable. Elle doit rendre la femme incapable de disposer
de sa dot mobilière, comme elle est incapable de disposer de sa dot
immobilière. Or dans 1' espèce que nous examinons, on se demande
de quoi elle pourrait disposer. Ce n'est pas des choses consomptibles, dont le mari est propriétaire, et sur lesquelles elle n'a plus
aucun droit ; ce qu'elle pourrait essayer d'aliéner c'est seulement,
com me plus haut, sa nue-propriété. Cette nue-propriété, il est vrai,
n'exis te pas dans l'espèce : la propriété des deniers dotaux n'est
pas démembrée, elle réside toute entière sur la tête du mari. Mais
la femme n'est pas déchue de tous droits: elle a un droit qui, sans
doute, n'est pas une nue-propriété, mais qui, en matière de quas1usufruit, est la représentation de la nue-propriété, elle a une créance
contre le mari. Cette créance est tout ce qui lui reste de sa dot :
peut-elle en disposer au profit d' un tiers, s'en dépouiller, abandondonner les garanties qui en assurent le paiement, l' hrpothèque que
la loi lui donne? Voilà la question que l'on se pose lorsqu'on se
demande si la dot mobilière est inaliénable.
La question de !'inaliénabilité de la dot mobilière est de toutes
les questions qu'a soulevées l'étude de nos codes, celle qui a donné
lieu aux controverses les plus vives. Nous ne pouvons pas l'examiner ici : il nous suffira de constater que, si la discussion à laquelle
se livrent les auteurs offre un intérêt théorique considérable, elle a
perdu tout intérêt pratique. La jurisprudence moderne a en effet
consacré, dans ses grandes lignes au moins, la doctrme qu'avaient
fait pré\•aloir les arrêts de nos anciens parlements de droit écrit. On
peut a ujourd'hui poser en principe, :>inon en droit au moms en
fu.it que :
1° La femme ne peut pu ,
ses reprises dotales.
t\\
ant la dissolution du mariage, céJer
�-
196 -
2° La femme ne peut ~i subroger à l'hypothèque léga le destinée
ü garantir ses reprises dotales, ni y renoncer 1 ni céder la priorité
de son rang hypothécaire (Aubry et Rau v p. 600 note 10, p. 601
POSITIONS
note 12 et arrêts cités).
DROIT ROMAIN
1. Les filles de famille ne pouvaient pas à l'origine s'obliger civilement.
II. Les risques de l'insolt'flbilité du débiteur de la femme <UU9ui
dotis causa par elle a son mari sont à la charge de la femme et non à
celle dit mari.
Ill. L'action paulienne ne peut à raison d'une constitution de dot
êtrt intentée contre le mari q11'a11tant qu'il est complice du fraudator.
Peut-elle être •ntentée conlre la femme qui n'est pas conscia !raudis ?
,Yon, d'après V!1n11léius.
IV. Il n'e:ci.stait pas à Rome une calégorie d'actes connus sous le
nom <l'actus legitimi ayant pow· caractère commuri àe ne comporter ni
terme ni conditiort.
DROIT CIVIL
l . l'origine de la comm11ncw11: ne se trout•e r~i dans' les coutumes
relt1q11cs, ni clans les coutumes germa1liques: tlle se trout•e dans les
rommunautés scrl'iits qui t.rist11ie11t au moyen-dge.
Il. Le mari n'est ni propriétaire, ni quasi-propriétaire des biens
dota1u; non co1~omptibles.
Ill. Dans le ras de l' { . 1135 (ltrq11isîtion fait~ pllr k mari pour
sc1 t>ir de rtmploi ù /11 femme) l'atapta1io11 dr. la fe mme remonte 1111
jour de l'acquisition faite par le mari.
�-
198 -
DROIT ,l!ARITIME
T
'
BLE DES MATIERES
J. A qui appartient le navire en cou1·s de conslmction (construction
à forfait)? au constructeur.
JI. Dans le cas de construction à forfait les otwriers et foumisscurs
ont le privilège de l'A. l 91 8° du Code de commerce.
DROIT ROM.A IN
De la constitution de dot.
DROIT CRIMINEL
J. Les actes {ails par un interdit légal sont ntûs erga omnes.
CIIAPITRE
PRE'~HER
Jl. La résistance à un acte illigal de l'autorité ne peut constituer ni
GENÉRALITÉS
le crime tii le délit de rébellion.
Vu par le président de la thése :
Du constituant.
Au profit de qui la dot est constituée
Objet de la constitution de dot.
Temps de la constitution de dot
7
s
13
E. NAQUET.
CHAPITRE II
Vu et permis d'imprimer :
FOR\lE
Le Recteur de l'A cadémie d'Aix ,
ET EFFETS DE LA CON
ECTION I. -
Chevalier de la Légion d'hon.neur, Of!l,cier de L'instruct ion publique,
TrTUTIO~
DE DOT
1ï
De la dation
A. - EfTets de la dation postérieure au mariage.
BELIN.
a. - Au poiot de vue du lraosporl de l:l propriété .
b. -
~1
Au de vue de 1 usucapion.
B. - Effets de la dation antérieure au mariage.
a. - Condition suspens\\ o si 1111p1i:-r sequantur
" · _ Influence sur le lr:rnsf~rl de h propri\lé .
I. - Oans ln trodilion. .
l\ . _ L),rns 1'111 jure ct•~io cl
I:\
mnndp.1tion . .
/3· - lufluence sur 1·usm•·1pion.
'Y. _
(.;oust'-quen1·0 ile la M f,1ill.rn1·P. il..- h r~ndilion.
b. _ Condition rb;oluto1rc
u
si le mariage n'est pa célébre
n
�A.
B.
C.
D.
200 -
- 201 -
SECTION II. - De la dictio dotis.
- Forme .
- Histoire.
- Effets
- Nature .
DROIT FRANÇAIS
32
Du quasi-usufruit , application des principes du quasi-usufruit
èn matière de Contrat de Mariage
34
35
SECTION III. - De la promesse de dot.
~Iodalités . .
Effets .
De la délégation
38
38
41
42
Uélégalion postérieure au mariage.
JJélég,tlion antérieure au mariage .
PREMIÈRE PARTIE
Défini tion du quasi- usufruit.
Dans quels cas le qua~i-usufru it prend-il naissance ?
ï9
~I
DEUXIEME PARTIE
49
SECTlON IV. - Autres modes de constitution <lf Jot
A . - Acceptilat..ion .
I• Postérieure au mariage. • • . • • • .
'.! Antérieure au mariage. • . . . . • •
30
30
.
.
.
.
B. - Renonciation à un avantage déféré par disposition de
dernière volonté . . .
C. - Constitution tacite de dot
D. - Acte pour cause de mort
51
SECTION I.
5'2
Etablissement du quasi-usufruit par la loi .
53
55
56
()(J
CHAPITRE III
~CTlû.\"
II .
Ecal·lissement dJ quasi- usufruit par la volonté
de l'homme
CHAPITRE PREMIER quasi- usufruit.
6;?
66
69
')
I• Choses consomptibles.
'.!• Choses fongibles .
3• Choses estimées .
Uu principe œslimalio racit \'enditio11ero. - Cas où il s'applique ..
Conséquences . .
CIL\ PITRE [ r.
-
.)
Modes de constitution du
Gas où le quasi-us ufru it prend naissance. -
DU CARACTÈRE DB LA CONSTITUTION DB DOT
SECTION I. - Par rapport au constituant. .
SECTION II. - Par rapport a u mari .
SECTION III. - Par rapport à la femme (action Paulienne) . . . . . . .
Établissement du quasi- usufruit
5l
J
li
i
.l
Dti moduhtés du quasi- usufruit.
SECTI01~
III.
Du qua~1-usufruit rê-,ultant des convention:,
matrimoniales. . . .
CHAPITRE I. -
De la communauté légale.
'1-;
. .
98
Tous le-; 111·opres mubiliers Ol' ..;ont JI 1<1 rl~" (ll'lfll'es i111parf.1its
P r 1pre.,; impurlail-.. • . . • . . . . . . . . .
100
'l')
�CHAPITRE II. -
-
:.?02 -
De la communauté conventionnelle
Article Jer. - Des c lauses de réalisation expresse.
Tous les propres mobiliers ne sont pas des propres imparfaits .
P ropres imparfai ts . . . . •
Article II. - Des clauses de réalisation tacite.
10 1
102
103
LIO
111
11 1
112
T. Clause d'emploi .
II. Clauses d'apport. - A. Apport d'un objet déterminé .
B. Apport jusqu'à concurrence d' une certaine
somme.
C. Apport d' une certaine somme. .
114
CHAPITRE Il[. - De la clause portant que les époux
se marient sans communauté.
115
CHAPITRE IV. - Du régime dotal
11 6
Le mari n'est pa s propriétaire des biens dotaux.
Biens dont il est propriétaire. - t• Choses consomptibles.
Z• Choses estimées.
Cas où l'estima tion ne vaut pas vente.
Cas où l'estima tion vaut vente . .
CHAPITRE V. - Régime dotal et société d'acquêts.
112
CHAPITRE PREMIER. - De l'usufruit proprement dit .
Article I. -
Aliénation de la choso.
Aliénation volontaire .
Aliénation forcée ..
117
Àrticle III. -
Article II. -
132
133
135
137
Régime dotal.
l3ï
TROISIEME PARTIE
Des droits du quasi-usufruitier
CHAPITRE Jt•. - Des droits du quasi-usufruitier a \·ant
la livrai on de la chose .
1:3
CHAPITRE II. - Des droits du quasi-usufruitier après
la livraison de la chose.
141
CHAPITRE HL - Application des principes précédents
en matière de contra t de mariage. .
118
113
121
122
123
QUATRIEME PARTIE
Des obligations du quasi-usufruitier
1'l4
124
124
125
1'26
SECTION I .
Comment le quasi-usufr uit prend fin .
145
(;.iuse.<; d'extinction commu nes à l'usufr uit et .iu quasi- usufruit.
Causes d'e>: lioction de l'usufrui t qui ne s'appliquent pas au qua<;iusulruil .
1~6
1Io
APPE 1 DICE
Article Il. -
Paiement de la créance sur laquelle est constitué l'usufruit.
Paiement d'une créance propre .
Aliéna tion d'un propre. . .
Rescis ion pour lésion .
Incendie d'un prop re assuré . •
t 16
SECTION IV.
Transformation de l'usufruit en quasi-usufruit
203
127
Perte de la chose a&surée.
128
CHAPITRE IL - De l'usufruit dérivant des conventions
matrimoniales.
Article I. - Communauté légale et ronvcntionnellc.
1.32
13'2
Tra n formation du quasi-usufruit en usufruit.
1.rn
CUAPITlŒ PREMIER. - Qua i-u. ufrmt proprement dit. 1:10
CIIAP lTRE Il. - Qua 1-usuCruit derirnnt de- conventions
matrimonmlt!:> .
1~1 0
J)u rc111pll'li, de l'l'nlploi d dt! 11 dnrio in
~olutum.
-
D~tluition, .
.
l '>l
�-
204 -
-
.lrticle premier. - Communauté légale et conventionnelle .
A. - Deniers provenant de l'aliénation d'un immeuble propre
ou deniers susceptibles de remploi.
a. - Provenant de l'aliénation d'un propre du mari
b. -
Provenant de l'aliénaJ:ioo d'un immeuble de la remme
152
B. - Communauté conventionnelle (Apport du mobilier
jusqu'à concurrence d'une certaine somme.)
li4
152
C. -
J76
152
153
D. -
B. Deniers propres ne provenant de l'aliénation d'immeubles
propres ou deniers susceptibles d'emploi.
205 -
154
Régime exclusif de communauté.
Régime dotal.
lïï
Que doik>n restituer '1
Dans quel délai "!.
Preuve fl !aire .
liï
tî7
180
a. - Le contrat de mariage ne porte pas qu'emplo i sera fait des
deniers propres.
b. - Le contrat de mariage con tient une clause autorisant l'emp loi
des deniers propres . .
CHAPITRE IL tution . .
154
Des garanties qui assurent lare ti181
159
Article Il. - Régime sans communa uté .
159
Article premier. - Q:.iasi- usufru1t ordinai1·c.
<..:as oil la dispense de raution et!~. •
Articlt III.~ R égime dotal.
160
eas oil la chose a cté estimée (Prh·ilège du vendeur) .
160
A. - Deniers susceptibles d'emploi.
Article II. - Quasi-u1:>ufruit dérivant des conventions
matrimoniales. .
a. - Le contrat de mariage ne contient pas de clause autori':;aot
l'emploi .
1. - L'emploi est impossible Sanction.
JI. - La datio in soluuon est impossible. Sanction.
b. - Le con trat de mariage contient une clause autorisant l'emploi.
160
161
165
B. - Deniers provenant de l' aliénation d'immeub les dotaux.
lG6
170
I.- Sûretés commune - à tous les régimes.
a. - Hypoth èque légale de la femme
b. - Séparation de biens .
c - Emploi el 1•emploi. .
IL SECTIOr
IL
De l'obligation de restituer .
CHAPITRE PREMIER. - De l' obligation de restituer.
A. 167
167
l 1
mari~e ..
15
LS
17
ùretés spéciales à chaque régime.
181
Régime de communauté.
l 7
a. - Thèorie des A. 1\71, 1172. .
b. - Emploi et remploi,
1 ;
IS
B. -
Régime san1:> communauté.
190
C. -
Régime dotal.
191
Article !". - Quasi-usufruit ol'C!inaire.
<.:as où les parties ont estime la chose .
J67
Cas oil les parties n'ont pas estimé la chose .
170
a. - Expropriation pour cause d'utilité publique.
191
171
b. - Emploi et rem!)loi.
19':!
<'. -
m
Preuve à Laire par le constituant .
Article II. - Quasi-usufruit résultant des conventions
matrimoniales. .
A. - Communauté légale, communauté d'a<'quêts, réalisation expresse.
tG9
.
In:ùiéaabilite de la dot rnobiliêrc .
1n
172
Mars.iille. -
lnip. Jo•1Jpb l baull'ard, rue des
F~uillant. , ~'O
�
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Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
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Title
A name given to the resource
De la constitution de dot en droit romain ; Du Quasi-Usufruit, application des principes du quasi-usufruit en matière de contrat de mariage en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit des successions
Successions et héritages
Droit romain
Description
An account of the resource
Etude de la constitution du mariage à travers la constitution de la dot en droit romain et à travers le quasi-fruit en droit français du XIXe
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Borel, Lazare.
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-126
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Joseph Chauffard (Marseille)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1883
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/234816562
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-126_Borel_Dot_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
205 p.
In-8°
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/372
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Du Quasi-Usufruit, application des principes du quasi-usufruit en matière de contrat de mariage en droit français (Autre titre)
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1883<br /><br /> On peut définir la constitution de dot comme une donation faite à la personne qui doit supporter les charges du mariage. Cependant, de même qu’il n’y a pas de contrat de donation en droit romain, il n’y a pas de contrat de constitution de dot.<br /><br /> Pour répondre aux exigences apportées par la loi nataliste « <em>Lex Pappia Poppaea</em> », proposée sous Auguste en l’an 9 de notre ère, plusieurs procédures ont été prévues pour effectuer la constitution de dot, et permettre à tous de se marier, en dépit de l’existence d’un contrat qui lui est propre. Pour ce faire, trois formes de constitution de dot ont été appliquées durant l’époque classique : la dation, la diction et la promesse. Quelles étaient les conditions d’application de ces procédures ? Qui pouvaient y avoir recours ? Y avait-il une contrepartie en retour ? <br /><br />Cette thèse répond à ces différentes questions et pousse la réflexion à l’étude d’un autre sujet concernant le patrimoine familial : l’application des principes du quasi-usufruit en matière de contrat de mariage au XIXe siècle<br /><br /><span lang="fr"><span style="font-family: Calibri,sans-serif; font-size: small;"><span style="font-size: 11pt;">Résumé Liantsoa Noronavalona</span></span></span>
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Contrats de mariage -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Dot -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Mariage -- Droit -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Mariage -- Droit romain -- Thèses et écrits académiques