Droit international public]]> Jurisprudence après 1789]]>
Mais si l'on conçoit facilement ce qu'est la neutralité politique et territoriale d'un État (définition juridique très précise), comme celle perpétuelle obtenue par la Suisse en 1815, on comprend aussi qu'elle n'est pas un gilet pare-balles pour ses concitoyens, où qu'ils se trouvent, particulièrement à une époque, ici le début du 20e siècle, où le règlement des discordes entre nations par la voie des armes n'est pas toujours la dernière option retenue, comme l'a montré l'effarante spirale de la Guerre de 1914-1918.

Entrainement de l'armée suisse (1914)

Si aucune instance internationale n'est officiellement saisie de cette question, elle doit être documentée : il n'e s'agit pas seulement d'un problème juridique, il s'agit avant tout d'une question de justice. La Pradelle s'y attèle en rassemblant dans ce recueil une quinzaine de documents : rapports, déclarations, consultations et réponses, qu'il clôture par une synthèse sur l'opinion publique française, le point de vue des partis politiques et de la jurisprudence, notamment en matière d'indemnisation des Suisses pour les dommages qu'ils ont subis en France.

La ville de Zürich, bombardée par les Alliés (américains) en 1945

Si la question des réparations dues aux pays neutres et à leurs ressortissants exigeait à l'évidence l'élaboration de nouveaux textes, les traités et autres accords ne suffisent pas toujours à refermer les plaies de l'histoire : alors que les générations politiques qui ont été directement témoins du conflit ont disparu ou sont en train de disparaître, et après la Grèce en 2019, la Pologne a officiellement réclamé à l'Allemagne plus de 1 319 milliards d'euros au titre des réparations de dommages de guerre le 1er septembre 2022, 83 ans après le début de la Seconde Mondiale. Pour le Gouvernement fédéral allemand, cette demande est irrecevable puisque la Pologne y a officiellement renoncé en 1953. A suivre...

* la notion d'indemnité de guerre est récente : elle apparaît après la Guerre de 1870-1871 avec les compensations que la France devra verser à l'Allemagne victorieuse. Celle de dommages de guerre s'imposera quelques mois seulement après le début de la Première Guerre Mondiale quand il deviendra évident que l'ampleur des destructions (civiles) était telle qu'elle entrainerait des coûts de reconstruction insupportables pour la collectivité et les particuliers.]]>
1931]]> fre]]> Suisse. 19..]]>
Droit international]]>
Nous sommes en 1929 lorsque l'éminent professeur de droit est saisi sur un différend qui oppose le Gouvernement des Serbes, Croates et Slovènes (le Royaume de Yougoslavie sera créé quelques mois plus tard, le 3 octobre 1929) à la République Française, plus exactement les Français, donc des particuliers, porteurs d'emprunts serbes. La question est en apparence très simple : ces petits porteurs ont-ils ou pas le droit de demander le montant de leurs coupons ou de leurs titres en francs-or ? Pour rappel, ces emprunts ont été émis en France entre 1895 et 1913 par l'État serbe, soit cinq emprunts or extérieurs (1895, 1904, 1906, 1909 et 1913) et constituent ce qui a été appelé la dette d'avant-guerre de la Serbie.

La Pradelle, Albert Geouffre de (1871-1955)
photographie originale (don de la famille La Pradelle à la BU Schuman AMU, octobre 2022)

Le Gouvernement serbe s'y refuse, arguant qu'il satisfait à ses services et obligations en remboursant en francs ou dans les autres monnaies locales énumérées dans les clauses de l'emprunt.

La Pradelle ne ménage pas un suspense insoutenable et donne ses conclusions et recommandations dès le début de l'ouvrage : "le règlement de cette affaire n'est qu'une question de bonne volonté. Et, dans l'occurrence, le témoignage le plus minime de bonne volonté qu'il soit permis d'attendre du gouvernement yougoslave, gouvernement ami, n'est-il pas, à défaut de la reconnaissance pure et simple du droit de nos compatriotes, d'accepter que ce droit soit soumis à l'appréciation d'arbitres impartiaux ? ". Même si la demande des porteurs français lui paraît fondée, le grand vainqueur ne doit pas être une des deux parties mais la reconnaissance commune d'un droit supérieur aux intérêts nationaux respectifs.

Suite à un compromis conclu à Paris entre les deux gouvernements le 19 avril 1928, la contestation est portée devant la Cour permanente de Justice internationale afin qu'elle statue pour savoir si le Gouvernement Serbe peut payer en francs papier ou doit payer en francs-or comme le veulent les porteurs et, dans ce cas, à quelle valeur.

les emprunts serbes émis de 1895 à1913 (2)

S'ensuit un échange de mémoires et de contre-mémoires très argumentés. L'affaire se complexifie davantage quand il s'agit de savoir s'il s'agit d'un conflit entre le Gouvernement serbe et les porteurs français ou s'il s'agit, à un plus haut niveau, d'un conflit entre les deux Gouvernements, voire même si le premier ne se double pas du second. La seule synthèse de cette affaire fait près de 50 pages !

 Le Palais de la Paix (La Haye),
siège de la Cour Permanente de Justice Internationale

Au Palais de la Paix, dans ses décisions du 12 juillet 1929, la Cour tranchera finement en faveur d'un paiement en monnaies locales pour certains emprunts (selon les titres, sur les places de Paris, Vienne, Belgrade, Bruxelles, Genève, Berlin ou Amsterdam) et en francs-or pour d'autres comme celui de 1885 (avec modalité de fixation de la valeur du métal). Alors que son arrêt de plus de 40 pages cite explicitement les parties comme étant le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, une des parties refusera de souscrire à l'accord, objectant sur la forme, que considérant les statuts de la Cour Internationale, elle ne peut juger que des différends entre États et pas des conflits entre un État et des particuliers, auquel cas, elle est incompétente...

Un épisode qui montre que le droit international peut se traduire en décisions contraignant un État souverain mais qu'une des stratégies possibles pour refuser les arbitrages internationaux n'est pas de contester les arrêts sur le fond mais de remettre en cause le champ de compétence de la juridiction internationale en lui-même. La Pradelle leur avait déjà répondu par anticipation "Il ne saurait être question de demander l'élargissement de la compétence des tribunaux arbitraux mixtes. Jusqu'à présent, ils fonctionnent en vertu des traités de paix".

__________________
1. Emprunts serbes - site consulté JusMundi
2. Un titre serbe - site consulté Numistoria]]>
1929]]> fre]]> Belgrade (Serbie). 19..]]> Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. 19..]]> - Feuille Belgrade ; E.1 ; s.d. [1917-18] ; Service géographique de l'Armée (Paris). Glossaire. "D'après la carte de la Serbie au 75.000e".
- Lien vers la page : http://www.cartomundi.fr/site/E01.aspx?FC=76512]]>
Droit international public]]> Jurisprudence après 1789]]> Causes célèbres du droit des gens (Appartient à la collection)

Face à l'aspiration d'une vie moderne plus confortable, il n'est pas rare que des États fassent appel à des entreprises privées pour développer des projets techniques dont ils n'ont pas la compétence. Dans le cas présent, la Municipalité de Varsovie confie, par concession en 1902 et pour une durée de 35 ans, l'installation de l'éclairage public et le transport de l'électricité pour les particuliers et les industriels, à une entreprise française privée qui prend le nom de "Compagnie d'Electricité de Varsovie, Société anonyme" et dont le siège social est à Paris. Réquisitionnée par l'occupant allemand de 1915 à 1918, la Compagnie est saisie et administrée par la Pologne de 1918 à 1924 : à cette époque, le cours du zloty et les conditions d'exploitation sont devenus défavorables. Elle adresse donc une requête au tribunal arbitral prévu par la Convention franco-polonaise relative aux biens, aux droits et aux intérêts signée le 6 février 1922 par le Président de la République Française et le Président de la République Polonaise pour retrouver l'équilibre prévu au début de la concession (1) et demande :
  1. de bénéficier de la Convention de 1922
  2. de percevoir les taxes sur l'électricité au cours de la monnaie d'avant-guerre
  3. de recevoir une indemnité compensatrice aux tarifs réduits imposés par la Pologne
  4. d'obtenir la prolongation de la concession de 20 années
  5. d'ajuster le prix de rachat de la Compagnie à la fin de la concession
Personne se s'étonnera d'apprendre que la Ville de Varsovie répond par un mémoire qui non seulement rejette la demande de l'entreprise française sur le fond (aspect économique) mais aussi sur la forme, en émettant des réserves sur la validité de la procédure elle-même (aspect juridique).

Rappelons qu'un accord signé entre une entreprise privée et un État étranger est sur le plan juridique un contrat comme n'importe quel autre contrat : en cas de conflit, son règlement relève droit international privé. Mais toute puissance étrangère souveraine bénéficie de l'immunité de juridiction, le règlement du litige ne peut pas relever du droit interne d'une des deux parties mais du droit international public. L'affaire soulevée par la Compagnie d'électricité de Varsovie oppose les deux États parties, la France contre la Pologne (2).

Polska Grupa Energetyczna

Dans ses conclusions, le tribunal arbitral, se déclarant compétent sur le plan procédural, jugera également autant sur le fond que sur la forme,  :

  1. la Compagnie française a bien subi un double dommage de même nature quand les Allemands puis les Polonais l'ont privée de la jouissance de ses biens (1915-1924)
  2. la prolongation de la concession doit se faire dans les termes prévus par la Convention franco-polonaise (6 ans minimum), à la charge de la ville et pas du Gouvernement
  3. le droit à redressement à l'équilibre se déduit du droit de l'imprévision, notamment en raison des mesures exceptionnelles dues à la guerre
  4. le préjudice étant considérable, il ouvre bien droit à indemnisation
À la suite d'arguments juridiques nettement plus techniques (clauses non retenues du Traité de Versailles, différence entre concession et contrat, entre droit administratif et droit civil, cas d'annulation non applicables), le tribunal rappelle les obligations de la Compagnie (exécution des travaux publics, exploitation du service public) et leurs contreparties, à savoir la perception de taxes lui permettant de se rembourser et de réaliser un certain bénéfice (on tient compte des aspects monétaires liés aux emprunts et à la dépréciation du zloty-or), et conclut que la Compagnie est fondée à réclamer le bénéfice de la Convention de 1922 (elle devra par contre limiter ses demandes de compensation liées aux conditions du commerce à la seule dépréciation de la monnaie polonaise).

Une conclusion qui rejoint l'avant-propos : progressivement, le juge international doit se substituer au juge interne, le règlement des litiges se faisant dans la paix et l'amitié, consacrant une réelle justice internationale.

____________
1. Geneviève Guyomar. - L'arbitrage concernant les rapports entre Etats et particuliers. in Annuaire Français de Droit International Année 1959 5 pp. 333-354, Persée
2. Compagnie d'électricité de Varsovie (France contre Pologne). site consulté : Jusmundi]]>

Tome 1 - Compétence (1931)

Compétence
Annexes
  • 1. Concession de l'Electricité de Varsovie. Traité du 11 janvier 1902.
  • 2. Convention franco-polonaise du 6 février 1922 relative aux biens, droits et intérêts.
  • 3. Règlement de Procédure arrêté par l'Arbitre le 29 juin 1925.
  • 4. Lettre adressée par la Compagnie d'Electricité à la Ville de Varsovie le 27 octobre 1926.
  • 5. Première lettre de rappel adressée
  • 6. Lettre adressée par la Ville de Varsovie à la Compagnie d'Electricité le 31 décembre 1926.
  • 7. Deuxième lettre de rappel adressée par la Compagnie d'Electricité à la Ville de Varsovie le 11 juillet 1927.
  • 8. Ordonnance du Président de la République Polonaise en date du 13 octobre 1927, sur la stabilisation du zloty
La procédure s'engage
Requête complémentaire
Compétence entre gouvernements
Le débat
La décision

2 - Plaidoiries (1933)

Ordonnance du 6 Juin 1931
Plaidoirie de Me Gabriel, pour la Ville de Varsovie
Supplément : Présence à Amsterdam le 7 septembre 1929
Plaidoirie de M. Jèze, pour la Ville de Varsovie
Annexes aux plaidoiries prononcées par les avocats de la Ville
Répertoire des Annexes]]>
1931-1933]]> fre]]> Vasorsovie (Pologne). 19.. ]]> - Feuille Warszawa ; 55 ; 1933 ; Wojskowy Instytut Geograficzny (Poland), ISBN : ]A49_55_33a. -
Lien vers la page : http://www.cartomundi.fr/site/E01.aspx?FC=46211]]>
Droit international]]> Droit foncier]]> Jurisprudence après 1789]]> Causes célèbres du droit des gens (Appartient à la collection).

Dans cette affaire plaidée devant le Tribunal Arbitral Mixte hungaro-tchécoslovaque, une seule question est réellement posée : "Est-il juste que l'expropriation au titre de guerre se fasse sans indemnité ? ". Ainsi résumée, dans l'esprit d'Albert de La Pradelle, la réponse ne fait aucun doute. Cela vaut pour les Alliés qui, à l'issue de la Première Guerre Mondiale, avaient d'emblée exclu cette injustice en déclarant illégales toutes les mesures exceptionnelles prises par l'occupant pendant le conflit et en faisant peser le poids des indemnisations dues aux ressortissants des territoires vaincus sur leurs États respectifs.

Dissolution de l'Empire Austro-hongrois et constitution de la Tchécoslovaquie en 1918 (Wikimédia)

Même en cas de réforme agraire menée dans les pays démembrés, ces principes valent également  pour les ressortissants étrangers. Le problème prend une dimension internationale particulière dans le cas de l'ancien empire austro-hongrois : son démantèlement en 1918 donnera naissance à de nouveaux États comme la Tchécoslovaquie, composée majoritairement de Tchèques, et plus minoritairement, d'Allemands et de Hongrois qui, dépossédés de leurs terres, aspirent à rejoindre l'Allemagne (1) et la Hongrie (2), ainsi que de Slovènes et de Ruthènes.

La campagne tchécoslovaque (début 20e siècle)

L'art. 250 du traité de Trianon, traité de paix entre les Alliés victorieux et la Hongrie, signé le 4 juin 1920 à Versailles (3) s'applique-t-il aux Hongrois touchés par la réforme agraire de la République tchécoslovaque naissante et les tribunaux arbitraux sont-ils compétents pour répondre à une telle question ?

Dans son introduction, La Pradelle rappelle que cette question de préjudice a été plaidée trois fois : d'abord entre la Hongrie et la Roumanie, au tribunal arbitral mixte hungaro-roumain (arrêt de Paris, du 10 janvier 1927), ensuite entre la Hongrie et la Tchécoslovaquie, au tribunal arbitral mixte hungaro-tchécoslovaque (arrêt de La Haye, du 31 janvier 1929) et enfin entre la Hongrie et la Yougoslavie (tribunal arbitral mixte hungaro-serbe, croate, slovène (arrêt de Lucerne, du 14 mai 1929). Le verdict est on ne peut plus clair : par trois fois, et après deux années d'âpres et longs débats (250 pages de plaidoiries !), les tribunaux arbitraux mixtes se sont déclarés compétents. Une triple réaffirmation de l'autorité du droit international sur les interprétations internes, un rappel que le droit de propriété est un acquis fondamental, même si une jeune République en fait une impérieuse question nationale, et que le droit foncier n'a pas de vocation décorative.

______________________

1. Pierre George. - La renaissance de la Tchécoslovaquie - in Annales de géographie Année 1947 302 pp. 94-103
2. Dieter Gosewinkel, Matĕj Spurný, trad. de l’allemand par Valentine Meunier. - Citoyenneté et expropriation en Tchécoslovaquie au lendemain des deux Guerres mondiales - in Revue d’histoire moderne & contemporaine 2014/1 (n° 61-1), pages 26 à 61
3.Traité de Trianon - Wikipédia
]]>
1929]]> fre]]> Tchécoslovaquie -- 1918-1938]]> Feuille 37° 48° Budapest, Losoncz ; 8 ; 1941 ; Ausgabe Wien, 1941 ; s.n. (Wien) ; Krallert, Wilfried, ISBN : ]30a37481941a. """Nur für den Dienstgebrauch"" , top right. 
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Feuille München ; IV ; 1916 ; Landesbeschreibungs bureau des k.u.k. Generalstabes ; K.u.K. Militärgeographischen Institut (Vienne). 
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Droit international]]> Jurisprudence après 1789]]> Droit fiscal]]>
Comme la Réserve Fédérale, le Trésor Fédéral Américain n'est pas une administration comme une autre : garante du budget fédéral et de la monnaie nationale, elle jouit de prérogatives importantes en matière fiscale et de pouvoirs de contrainte exorbitants. Dans ce cadre, le contribuable Américain présente une particularité : quel que soit son lieu de résidence dans le monde, tout citoyen de cette nationalité est redevable de l'impôt et doit déclarer ses revenus auprès du fisc américain.

En fait, Henry M. Blackmer, riche pétrolier américain, n'a pas enfreint cette obligation absolue mais il a triché : selon le chef d'accusation du Trésor US, il a rédigé une déclaration inexacte relative à ses revenus de 1920 et de 1921 et, faute (de goût) suprême, il l'a fait sous serment (en pleine période de prohibition, c'est malin !). Pourtant Blackmer n'ignore pas que chez Oncle Sam, cette fraude est très mal perçue mais pire, il l'a commise sous serment, donc coupable de crime de "perjury" (parjure). Il n'en faut pas plus pour que l'administration fiscale demande officiellement son extradition à la France, pays où il réside alors.

Le trésor américain (billet de 10 dollars US)

L'analyse d'A. La Pradelle ne va pas dans ce sens : parmi les motifs énumérés par le traité qui justifient une extradition, le 9ème cas mentionne bien "le faux serment, faux témoignage, subornation de témoin, d'expert ou d'interprète". Sauf que le faux serment, pour être puni selon la loi française, doit avoir été prêté en justice, ce qui n'est pas le cas d'une déclaration de revenus en France. Seul le motif de préjudice ou dommage (injury), qui implique en droit civil une réparation, est retenu contre lui. Où l'affaire se complique c'est qu'un traité d'extradition, aussi réciproque et équilibré soit-il, n'entraîne jamais d'automaticité : il s'agit toujours d'une demande que seul un tribunal et un juge (français dans le cas présent) peuvent ou non accepter selon les termes du traité traduit en français (le juge doit ignorer le texte anglais et s'en tenir strictement à la version dans sa langue natale) ainsi que le droit français en vigueur.

Le chien de garde du Trésor américain - attention,... (Philadelphie, 1880)

Comme souvent en matière d'extradition, l'affaire fait grand bruit outre-Atlantique et la presse s'empare du procès. Un câble spécial du New York Times du 22 nov. 1928 annonce le jour même : "Blackmer devant le tribunal d'extradition de Paris ; Décision anticipée refusant notre demande prévue".

Archives du New York Times, facsimilé de la Une, éd. du 22 novembre 1928 (1)

L'article s'attache à l'aspect très formel de la procédure parce que, par nature, une extradition c'est d'abord une démarche procédurale complexe qui doit interpréter un traité international tout en respectant le droit interne (par ex., depuis la loi Badinter sur l'abolition de la peine de mort et son introduction dans la Constitution, la France refuse toute extradition vers un État où l'extradé risquerait la peine capitale).

PARIS, Nov. 21.--The Blackmer case advanced to its conclusive stage today when Henry M. Blackmer, wealthy oil man whom the American Government is trying to extradite from France, appeared before a magistrate to establish his identity under legal proceedings which were...

PARIS, 21 novembre.--L'affaire Blackmer a atteint sa phase finale aujourd'hui lorsque Henry M. Blackmer, riche pétrolier que le gouvernement américain tente d'extrader de France, a comparu devant un magistrat pour établir son identité dans le cadre d'une procédure judiciaire qui a été...


Au cours de son audience du 27 nov. 1928, la Chambre d'accusation rendra sa décision dans la plus grande sobriété : "La Chambre des mises en accusation a, dans son arrêt rendu à quinzaine, émis un avis défavorable à la demande d'extradition".


1. Edition du 22 nov. 1928. - https://www.loc.gov/resource/acd.2a07198/]]>
1929]]> fre]]> eng]]> Etats-Unis. 19..]]> France. 19..]]>
Droit international]]> Jurisprudence après 1789]]>
Le Tribunal arbitral au grand complet - 11 hommes sans colère (Salem, 1931)

Le document publié par La Pradelle tente tout de même d'en faire une présentation claire : pas moins de 60 pages qui ne peuvent faire l'économie d'un copieux historique et qu'il faut lire attentivement pour en comprendre l'essentiel. On peut également consulter une source américaine qui propose une remarquable synthèse de l'affaire, si l'on vient à bout de 40 pages d'exposés assez denses (1).

Rappel des faits : en 1862, le père de Georges, persécuté par les Turcs, fuit la Syrie pour s'installer en Égypte avec un passeport persan. Faisant fortune, il fait venir son frère Goubran qui se révèle tellement plus doué que lui pour le commerce qu'il qui va le mener à la ruine. À sa mort, en 1895, Goubran fait venir son neveu, Georges (héros de l'histoire). Après un échec scolaire, Georges part s'installer aux Etats-Unis en 1902 et devient diplômé en agriculture en 1906. Il revient en 1907 en Égypte, persuadé que son père avait laissé une fortune que Goubran (l'oncle) se serait appropriée. Goubran lui démontre le contraire et Georges finit par signer une reconnaissance de dettes. De retour aux Etats-Unis, il obtient la nationalité américaine en 1908 après avoir juré qu'il a résidé sur le territoire depuis 5 ans et qu'il est de nationalité égyptienne. L'année suivante, il revient en Égypte avec sa toute nouvelle nationalité étoilée et la protection qu'elle lui assure. Mais pour la conserver, il lui faut à tout prix être embauché par l'Agence américaine du Caire sous peine de tomber sous la présomption d'expatriation à partir de 1911. La présomption d'expatriation, inscrite dans la loi américaine de naturalisation, et Georges le sait bien, s'applique au bout de deux ans à tout naturalisé qui retourne dans son pays d'origine, et au bout de cinq ans à tout naturalisé qui réside dans un autre pays étranger. Georges multiplie les démarches mais peine perdue, il doit revenir d'urgence aux Etats-Unis en 1911 pour obtenir d'extrême justesse un nouveau passeport américain. De retour en Égypte, il se souvient que son père était enregistré au Caire sous la nationalité persane : il s'empresse de transmettre le document au Département d'État américain qui en accuse réception. Salem pense alors qu'il a droit, en toute sérénité, de séjourner cinq ans en Égypte, ce pays étant considéré comme pays étranger pour lui. Mais deux ans plus tard, en 1913, il est mêlé à une affaire : pour se défendre, il met en avant sa nationalité américaine : l'Égypte en doute et interroge les Etats-Unis qui soulèvent la présomption d'expatriation. Pour la seconde fois, il y retourne précipitamment et parvient une fois de plus à obtenir le passeport US. Il revient aussitôt en Égypte mais le gouvernement égyptien émet de fortes réserves quant à l'origine de sa nationalité : c'est ainsi que démarrent les évènements et l'affaire Salem.

Le certificat de nationalité US remis à l'Égypte (Salem, pièce D, 1927)

Les procédures qui s'ensuivent sont à l'image des faits exposés... L'affaire à laquelle il est mêlé se poursuivant, les Etats-Unis informent l'Égypte en 1915 que Salem n'a plus la nationalité américaine. Il relève donc des tribunaux locaux. Durant toute l'année 1916, Salem tentera de faire tomber la présomption d'expatriation. En 1917, il sera poursuivi comme faussaire ce qui le motivera à engager un procès contre le Gouvernement égyptien devant les tribunaux mixtes aboutissant à une réclamation diplomatique du Gouvernement des États-Unis pour une indemnité s'élevant à 211 724 livres égyptiennes (or), au nom de George J. Salem, né en Égypte et naturalisé aux États-Unis :

"
La demande est fondée :
   1. Sur le traitement subi par Salem de la part du local égyptien et des autorités mixtes, ce qui est considéré comme un déni de ses droits.
   2. Sur la prétendue violation des droits issus de traités des États-Unis."

Les deux États parviendront à un accord arbitral seulement en 1931 (le recours à un arbitrage a alors été très mal perçu par l'opinion publique égyptienne)

L'accord arbitral conclu entre les Etats-Unis et l'Égypte (Affaire Salem, 1931)

A. de La Pradelle conclura en juillet 1931 que la responsabilité du Gouvernement Royal d'Égypte ne pouvait être engagée. Le Tribunal arbitral donnera son verdict :

   "1. Le Gouvernement royal d'Égypte n'est pas responsable, en vertu des principes de droit et d'équité, des dommages-intérêts envers le Gouvernement des États-Unis d'Amérique en raison du traitement accordé au citoyen américain George J. Salem.
   2.
Par conséquent, il n'y a pas de place pour répondre à la deuxième question".

dommage et urgence (Affaire Salem, 1931)

Après ce dédouanement total du Gouvernement égyptien, la sentence définitive sera prononcée le 8 juin 1932, apportant un élément de réflexion juridique sur la responsabilité d'un Etat, sur la tendance américaine à projeter sa législation au niveau international et une lecture plus politique sur la réalité des tribunaux mixtes de l'époque (3).

_______________
1. Salem case  (Egypt, U.S.A.) // Affaire Salem (Égypte-États-Unis) Sentence - 8 juin 1932 - site consulté version anglaise, version française accessible Jusmundi
2. Les pièces reproduites ici (contraste artificiellement accentué) ont été extraites d'un mémoire original dactylographié [1931 ?] : Arbitrage États-Unis-Égypte : Protocole du 20 janvier 1931 : Mémoire des États-Unis d'Amérique dans l'affaire de Georges J. Salem contre le Gouvernement royal d'Égypte / États-Unis - Cote LAP 2118 - consultation sur place
3. P. Arminjon. - Un arbitrage égypto-américain sur les réclamations faites par le gouvernement des États-Unis en raison de la prétendue violation des droits d’un de ses sujets - in Revue de droit international (Clunet), t. 60, p. 786 (1933), Affaire Salem (Etats Unis c/Egypte)




]]>
1937]]> fre]]> eng]]> Egypte. 19..]]> Etats-Unis. 19..]]>
- Feuille Cairo west (a) ; 91/I-I N.E. ; 1912 ; 2nd Edition 1912 ; Survey Department. Surveyed in 1892 ; 1st Edition 1907 ; revised in 1910 ; surveyed in 1911 ; reprint in 1911
- Lien vers la page : http://www.cartomundi.fr/site/E01.aspx?FC=1100]]>
Droit international]]> Jurisprudence après 1789]]>
Le cours du Doctorat "Droit des gens, 1937-1938" donné à la Faculté de Droit de Paris (cliché 1939)

Par nature, le droit international n'est donc ni un droit spontané ni un droit imposé. Il s'est édifié et continue à se construire à l'occasion de crises internationales, de guerres mondiales, de conflits sans issue. C'est pour cette raison qu'étudier l'histoire du droit international c'est, ipso facto, étudier ce droit spécifique et que La Pradelle estime être un professeur comblé parce "qu'enseigner, faire de la recherche et lire le droit international sont les trois façons attachantes de l'étudier".

De rares et courtes incises bibliographiques dans le texte rappellent cependant qu'il n'est pas seulement un juriste féru d'histoire de ces doctrines mais un de ses contributeurs actifs. Parce que le droit international c'est :
  • la construction d'un corpus de textes de portée internationale, le plus souvent contraignants dans la seule mesure où ils sont ratifiés par les États qui acceptent de s'y plier
  • la constitution d'une jurisprudence issue d'arrêts et de conclusions d'arbitrage qui s'étoffe au fil du temps
  • la création d'instances juridictionnelles comme la Cour permanente d'arbitrage, la Cour Permanente de Justice Internationale, les Tribunaux Arbitraux Mixtes, ou encore les Commissions mixtes de Conciliation, ...
et que la Pradelle y a participé à plusieurs niveaux : par ex., rédaction de l'avant-projet des statuts de la Cour Permanente de Justice Internationale, en tant qu'expert, avis d'arbitrage de quelques grandes affaires (dans les années 1920 et 1930, réformes agraires de plusieurs pays d'Europe Centrale, et d'autres cas où les questions de compétence et les conflits entre les droits nationaux sont lourds de conséquences pour les parties en présence).

Dans ce cours, on comprend que La Pradelle ne se présente pas comme "le" technicien chevronné d'un corpus de Traités, de Chartes et de Conférences aux noms plus ou moins restés célèbres pour le grand public. Il rappelle qu'en toutes circonstances, il est au service de la seule chose qui compte en dernière instance, la justice et uniquement la justice, cette exigence étant aussi vraie pour un État que pour le simple particulier : parce que le droit international est un progrès en soi, son cours, c'est aussi un cours sur l'histoire de l'humanité. Un enseignement indissociable de l'histoire d'un homme.]]>
1939]]> fre]]>