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https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/455/RES-AIX-T-148_Cauquil_Hypotheque.pdf
b6f95f9fd08f201946b65f488f3cfe02
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
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Title
A name given to the resource
De l'hypothèque conventionnelle en droit romain ; De l'Hypothèque maritime, commentaire de la loi du 10 juillet 1885 en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit maritime
Droit romain
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cauquil, Augustin
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-148
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Paul Perrier (Oran)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1887
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/241577268
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-148_Cauquil_Hypotheque_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
286 p.
In-8°
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/455
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
De l'Hypothèque maritime, commentaire de la loi du 10 juillet 1885 en droit français (Publié avec )
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1887
Etude de l’hypothèque en droit romain et de l’hypothèque en droit français (du XIXe siècle) à travers le commentaire de la loi du 10 juillet 1885 relative à l’hypothèque maritime
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
La loi du 10 juillet 1885 modifie le code du commerce en matière d'hypothèque maritime pour favoriser la marine marchande et le commerce maritime dans un contexte de concurrence internationale et coloniale
Assurances maritimes -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Droit maritime (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Hypothèques -- Rome -- Thèses et écrits académiques
Hypothèques maritimes -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
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https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/396/RES-AIX-T-132_Dadre_Esquisse-droit-maritime.pdf
62788094e216bd6226b529461d656455
PDF Text
Text
FACULTÊ DE DHOIT D'AIX
DROIT ROMAIN
ESQUISSE DE DROIT COMMERCIAL MARITIME ROMAIN
DROIT FRANCAIS
>
DE LA POLICE D'ASS URANCE MARITIME
Commentaire de l'art. 332 C. Corn.
THÈSE POUR LE DOCTORAT
1884
Soutenue le
PAi\
Louis DADRE
A VOCA l'
AIX
IMP RIMER I E VEUVE REMONDET-AUBlN
COUllS MlRABEAtl ,
18tl4
53
�.J1 tous ceux qui m e sont chers.
�DROIT ROMAI N
'
�B l B L 10GRAPH1 E
DROIT ROMAIN
ESQUISSE DE DROIT COMMERCIAL
MARITIME ROMAIN
AcCARIAs. -
Précis de Droit romain.
Droit maritime de l' Europe.
Azum. -
C1cÉRON. CuJAs. -
Œuvres (passim).
Opera onnia.
DESOBRY. -
Rome au siècle d'Augaste.
DIGESTE. -
( Mommsen. )
NIEoune . -
Histoire romaine.
PARDESSUS. - Collection des lois mal'itimes antérieures
au xvmc siècle.
POTRIER. -
Traite du contrat de prêt à la grosse.
DE SAVIGNY. -
Systèmes de Droit romain.
TrrE Liv&. -
Histoire.
TaOPLONG. -
Du mandat (préface).
KELLER. -
Traité des Actions.
NOTI01 S GÉNÉRALES ET ORIGlNE DU COMMERCE MARITLME
A ROME
C'est un e étude attrayante que celle qui consiste à
rechercher, en remontant à travers les âges, l'origine
des institution s qui, aux yeux de tous, sont la cause directe des progrès de la civilisation et des sociétés.
Parmi ces institutions, le corn merce figure au premi er
rang, et c'es t un e de ses branches, peut-être aujourd 'hui
la plus importante, le commerce maritime, qu e nous
all ons étudier chez les Romains.
Il ne faut pas s'attendre à rencontre r ici cette précision remarquable et celle logique sa,·ante qui apparaît à
to'utes les pages de leur droit civil, au point que les
anciens jurisconsultes de la France du moyen àie s'en
inspiraient co mme de la raison écrite.
Nous ne trouvero ns pas un droit étudié avec un hue
infini de détails et peu suscep tible de perfectionnements.
Mais cependant nou s espéro n , en usa nt largement des
�-8lextes juridiques el classiques, arriver à. reconstituer une
législation qoi démontre que les Romains n'ont pas laissé
les questions maritimes inexplorées, et nous y verrons
que quelques-unes des institutions que doit embrasser
notre étude sont même examinées et approfondies avec
tout le génie que déployaient dans les questions civiles
les jurisconsultes de la cité an tique.
Toutefois il nous sera impossible, on le comprend,
d'étudier avec détails toute cette branche de la législatiou,
de contrôler les opinions diverses qui ont été émises sur
tel ou tel problème, et de réfuter, en entrant dans toutes
les controverses, les théories qui nous paraîtr.on~ devoir
être rejetées. Ce serait un travail qui excèderait de beaucoup les limites de notre thèse ; el le seul but que nous
nous proposons est d'indiquer les points de la législation
maritime qu'ont examiné les Homains et autan t que possible de les agencer , de les coordonner, de façon à
pouvoir donner une vue d'ensemble sur cette branche de
leur droit.
Mais avant de compulser les textes et d'en tirer ce qui
a trait au droit maritime, voyon s comment il s'est form é,
s'il a une date ancienne comme la loi des XII Tables, si
les Romains ont eu de tout Lemps comm e certains peuples de l'antiquité une prédilection marquée pour Je
commerce.
L.histoire de Rome nous montre qu'il n'en a certainement pas été ainsi. Le caractère, les mœurs, les institutions, tout concourt à nous convaincre qoe ce n'est
que peu à peu que l'esprit du commerce est en tré dans
les usages. Cette thèse pourrait aisémen t se soutenir à
-9 grands renforts d'a rgum ents concluants , nous ne Je
ferons pas et nous nous contenteron s de citer un passage
remarquable écrit de main de maîlre par M. De~obry
dans sa Rome au siècle d' Auguste: << Les Romain s, ditil, ont de l'aversion pour le commerce et le peu d'estim e qu'ils en font tient à leurs rnœurs, je dirai presqu e
à leur origine. Forcés d'abord pour ex ister d'avoir continuellement reco urs aux arm es, ils mettent souvent la
force à la place du droil; ils ont conlracté l' habitude
d'agir ainsi. La forlune r~cherchée par la voie du commerce où l'on traite d'égal à égal ne pouvait donc pl ai re
beaucoup à ces superbes fils de Mars, un commerçant
leur parut un homm e à se ntimenls bas, peu généreux,
se contenlant d'un métier qui ne rap porte que de l'argent, tandis que la profession des arm es donnait la considération , la fortune, la gloire, e't illustrait en même
temps la patrie. Si l'on veu t exa min er l'origine des
grandes rortanes à Rom e, on verra qu'ell es ont été
toules acq uises à la guerre ou dans les comm and emen ts
des provin ces . Les moyens employés pour acquèrir des
richesses so nt, il est vrai, indignes , souvent affreux,
tr)lljours déshonorants, mai s à. Rome ils ne choq uen t
personn e, excepté peu t-être quelques moralistes. On
trouve tout naturel que les généraux étan t conq uérants
ou envoyés pour régir des pays conquis, en regardent
les peuples comme leur proie, comme l ~ur butin; ils so nt
citoyens conquis et trai tés com me tels de généra tion en
génération , sans prescription. Rome est toujours prête à
répondre à leurs plaintes par ce tte belle parole que nous
lui avons apprise: Malheur aux vaincus ~
�-mon le voiL, Rome entière se compose de soldats conquérants qu 'elle honore, et non pas de commerçan ts
qu'elle méprise. Seule J'agricnllure est respect.ée el au
retour de la conquête le rnioqueur se livre avec joie aux
travaux dPs champs.
Mais bientôt la ville éternelle grandi ssan t de plus en
plus a besoin de se suffire à el le-même ; l'industri e se
développe et la nécessité d'approvisionner la cité aide
puissamment à ses progrès. Alors les ouvriers se réunissent en corporations, celles des boulangers et des nautooniers sont les plus importan tes ; mais des décrets
successifs Tiennenl peu à peu enchaîner leurs membres
et finissent par eo faire, pour ainsi dire, des Psclaves.
C'est ainsi qne les nautonniers, entrepreneurs forcés,
furent, par la suite, obligés de transporter à Rome et à
Constantinople, à leurs frais, les revenu s importants de
l'Espagne, les blés et les vivres de l'Egypte.
C'étaient eux aussi qui devaient construire ~ t réparer
les navires serl'ant à ces transports. lis avaie nt, il est
vrai, des compensations, on les avait exemptés de la
curie, de l'impôt fon cier, des patent es et il touchaient
une commission de un solide par mill e modii (boisseaux)
de blé.
Malgré ces avan tages, et ils sont grands, nous le reconnaissons, à une époque où Rome battant monnaie de
tout, ruinait les citoyens par l'impôt fonci er, et èlait
obligée de rame:1er Je force à leurs postes les décurions
déserteurs, ils étaient assuj ellis à une rude cond iti on.
On les recrutait par la naissance, par l'héritage, par les
nominations du préfet du prétoire et on les mêlait à des
-Hvagabonds sans aveu (otiosi vacantes) qu'on intercalait
>
dans leurs rangs, les rendant tous solidairement responsables des obligations qu'un des leurs contractai t.
Mais au début, il n'en était pas ainsi, et ces corporations riches, estim ées, indépendantes, aidèrent beaucoup au développement de Rome, snrtout dans les premiers temps où, la monn aie n'étant pas encore inventée,
les seules ressources des Romains étaient, après la conquête , l' échan ge de leurs produits. (La monnaie de
bronze apparut sous Servius Tullius, mais celle d'or ou
d'argent ne fut en usage qu'à la première guerre punique.)
Avec l'industri e, libre au début, obli gatoire ensui te,
le commerce app arut. D'abord exclusivement réservé aux
esclaves , il envahit peu à peu tGutes les classes de la
société. C'est à ce tte époqu e qn'il faut logiqnement placer
l'introduction des actions institoires . exercitoires et
tribu toires , qui , portant un e atteinte graYe au vieux principe de la non représentation , permirent aux citoyens de
faire le commerce par l'intermédiaire de leurs fils ou de
leurs esclaves. Et longtemps après quand le luxe et le
désordre furent maîtres absolus de Rome, le commerce
fut plus ou moins estimé selon qu'il était plus ou moms
con idérable et les commercanls, en partieulier les banqui ers, eurent nn rôle important dans la cité.
Tant que le commerce fut terrestre et intéri eur le
droit civil suffisa it à b ri gueur. ~l ais du jour où la conquête fit constroire des navires, les Romains ne s'en tin·
rent plus à quelques rares contrats avec leurs voisins et
le commerce maritime apparut. Alors le préteur inter-
�-19 vint, créa l'action exerci toire, régla les rapports du
magùter navis et de l'ezercitor. Les jurisconsultes, de
leur côté, exami nèrent les théori es nouvelles, étudi ant le
navire, le patron, l'armateur, l'afTrétement, le prêt à la
grosse, le jet et la co ntribution, les naufrages, etc.. . . . .
C'est à la suite de ces grand s esprits que nou s allons
essayer d'explorer en nous aidant de leurs lumières les
divers points de cette législation disséminés dans le
Digeste.
CHAPITRE 1
Sources du droit maritime romain.
Les Romains se vantaient de posséder des lois telles
qu'il n'en existait nulle part ( v. g. Inst. liv . 1, ti t. rx, §2).
Si celle prétention a beaucoup de vrai pour toutes les
matières civiles, ell e n'a aucune raison d'être en ce qui
concern e leur législation maritime.
C'est, en effet, au droit de la Grèce et à la loi rbodienne
que Rome a puisé les in stitutions qui nous occupent.
Certains j urisconsu\les ont pensé que la législation
d'Athènes n'était qu'une copie à peu près littérale des
lois de Rhodes.
Tout en ne niant pas qu'en beaucoup de points ces
deux législations se ressemblent, nous pensons que le
commerce maritime de la Grèce était trop important et
que ses jurisconsultes étaient trop versés dans la science
du droit, pour avoir emprunté, presque sans modifica- ·
tions, toutes leurs lois maritimes à la législation des Rbod~ en s. Comment admellre, si cela était vrai, que, parmi
les jurisconsultes et les écrivai ns qui vanten t les lois
d'Athènes et de la Grèce, nous n'en voyons aucun qui
parle du droit maritime rhodien? Comme nt adm ellre
que leur prêt à la grosse, par exemple, avait une autre
source que leur science féconde, quand, sans faire l'aveu
�-
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de leur emprunt, ils nous font voir ce contrat presque aussi perfectionné que chez nous.
Il est intéressant de voir la ressemblance frapp ante de
ce prêt à. la grosse à Rome et à Athènes, ressemblance
qui nous permet de conjecrurer, sans trop de témérité,
que les Romains l'ont emprunté aux Grecs. Nous voudrions citer tout au lon g un contrat de ce genre qu e nous
trouvons dans de le plaidoyer de Démosthène con Lre Lacritus, et que Pardessus ùans sa collection remarquable
des lois maritimes antérieures au xvm 0 siècle a savamment
interprélé. Nous ne le ferons pas, car ce serait, nous
semble-t-il, sortir du catlre de notre th èse. Contenlonsnoos de dire qu'après une lecture attentive de ce document, on est aisément convaincu que tout ce qui est
essentiel au prêt à la grosse tel qu e nous le con naissons,
s'y troU\'e nettement ex primé. On y Ycil une so mme prê·
tée, des objets affectés au paiement de ce lte somme, un
intérêt de 2 2, 5 ou de 30 0/0 payé sous la condition
d'un retour heureux , el la delle des emprunteu rs étei nte
en cas de perte par fortun e de mer.
Le droit romain a ex igé irlentiqu ement les mêmes conditions et dans ces circons tances il fa ut reco nn aître que
le prêt à la gros e tel qu e les Grecs l'avaient conç u lui a
servi de modèle.
Mais si nous croyons pouvo ir conjerturer que la loi
grecqne a été mi se à contl'ibution par les Roma ins, nous
sommes cependant les premiers à reco nn aitre qu'i ls ont
fait des emprunts plus considérabl es encore à la loi rb odienne.
Il Y a controverse sur la qu estion de savoir à qu elle
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15 -
époque les lois rhodienn es ont fait leur apparition à
Rome. Les un s disent que c'est seulement sous Claude
qu'ell es ont été connues. D'autres, avec pins de raison,
su ivant nous, leur assignent comme date !'époque où vivall Cicéron, c'est-à-dire plus d·nn demi-siècle avant
Claude. Les ouvrages du grand esprit à la fois philosophe
savant, orateur éminent, jurisconsulle dont personn e n'a
soncré à rabaisser le mérite noL1s montrent en effet qu e de
son"temps ell es étaient déjà appliquées (De legibus, lib.
rn, cap. VI. - De officiis, lib. 1, cap. xxv1).
On peut fortifier ce tte opinion en raisant remarquer
que le fragment 9 de lege Rhodia de j actu au Digeste
nous apprend qu e l'avis d'Auguste est qu'-en l'absence
du droit ci,·il on appliqu e la loi rhodienne. Il est vrai
que dans cette loi 9 les mols « di vus Au gustus » ont été
bien tourm entés p.r qu elques auteurs qui soutiennent
qu'ils peuvent désigner un empereur quelconqu e, Claude
par exemple. Auj ourd'hui toutefois la question ne nous
paraît pas douteuse. Les lumières que depuis nn siècle
l'élude de la numismatique a appo rté dans ces matières,
des travaux tels que ceux de M. Barth élemy, que person ne
n'a pu contredi re, montrent b i~n que quand l' expression
di vus Augustus est seu le, c'est Auguste qu'elle désigne;
et que si, plus tard, les autres Césars s'en sont emparés
tou s l'o nl consid érée comme un honneur, comme une
gloire, et l'ont ajoutée à leur nom. Toutes les mon naies
des Césars et tous leurs monuments en font foi.
Quel est mai ntenant le rôle qu'il faut faire jouer à la
lécrislalion rbodi enne dans le droit maritime romain ?
" un rô le important, ou est-ce, au contraire, un
Est-ce
�-
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16 -
rôle secondaire se réduisant en ce que les matières du
jet et de la contribution ont seule pris place dans les lois
maritimes des Romai ns? Celte derni ère fa ço n d'envisager
les choses a été adoptée par qu elqu es rares auteurs qui
ne fou rnissent à l'appui de Jeul' th éorie qu' un bien fragile argument.
Tous les textes, disent-ils, parlent de la lex Rhodia
de jactu. Nous trouvon s, dans i1e Digeste un t itre entier
consacré à celle matière, mais nulle part nous ne voyons
que sur d'autres points de la législation maritim e d'autres empruots aient été faits à ce lte loi .
fi faut ne pas avoir parcouru le titre qui a pour rubrique de lege Rhodia de jactu pour se laisser persuader par une pareille argumentation. En le lisant nous
voyon 1rn effet que la loi 9 traite des naufrages et la loi
·10 des drois et des ob liga ti ons du magister navi s. Aussi
est-ce avec empressement qu e nous nous rangeons à la
théorie de Cujas (Ad Pau li se ntentias) qui pense que
les mots cr de jactu » sont impropres et propose de
les remplacer par les mots, "de nauticis," qu'il trouve
dans les sentences de Paul.
La vérité est, que les Romai ns on t sur la plupart des
matières de leur droit maritime suivi les principes de la
loi rhodienne dont ils adm iraien t beauco up la saoaci té ·
l'a veu d'Aotonin le. Pieux en est la meill eure p;enve ;
"Ego terrre dominos, lex autem Rhodia maris 1 ,, Telles
sont, suivant nous, les sources du droit maritime romain ; les lois d'Athènes et surtou t celles de Rhodes lui
ont servi de modèle.
Nous allons maintenant étudier en elle-même cette
législation qui, quoique un peu' imparfaite, r,omprend
cependant un assez grand nombre de contrats, P,t forme
un tout à peu près co mpl et auquel eu égard au peu ùe
développement du commerce d'alo1·s, il n'y.aurait presque rien à ajouter.
Mais, quoique reconnaissant la valeur el l'importance
de ces lois, nous ne croyo ns pas toutefois qu'il faille
all er aussi loin qu e Pardessus, qui veut qu e les Rom ains
n'aient, à ce point de vue, laissé aux modernes que la
gloire de les imiter.
l
�-19-
CHAPITRE ,Il
De la mer territoriale chez les Romains.
Les Romains n'avaient pas comme nous un e mer territoriale bie n définie . Mais ce n' est pas à dire que des navires quelconques pouvaient impun ément s'aventurer
partout. Les jurisconsulte et le écrivains nous montrent, en effet, que le droit des nations, illi mité en principe, pourai t être singulièrement restreint par des traités. Quelques-uns de ces traités nous sont co nnu s au
moin en substance. C' es t ainsi que Polybe nous. apprend (Hist. lib. m , cap. 284) qu e les Romai ns interdirent à Cartbage de naviguer au-delà du promontoire
Beau et en deçà de ceux de Mastie et èc Tarséjo, c'est-à.dire sur l~s côtes de la Bisacènc et <l u ca nton fertile de
Camisso, sitné près de la Grande Sirte.
Appi en {de Bello Syri aco, p. 1811) nou s di t aussi
qu'un traité de paix entre nome el Antiochus défendit à
ce dernier de posséder plus de douze vaisseaux de
guerre pour contenir ses suj ets dans l'obfüsance.
EL s'il fa~t en croire Tite Li ve ( lib. xxvm , cap. 38)
un ao lre article du même traité portait que les vaisseaux
d'An ti och11s devaient demeurer en deçà du territoire de
Callicadne et de celui de Sarpédon, sau f au cas où ils serai ent forcés d'aller plus loin pour transporter des tr~-
buts que ce prince rlevait payer, des ambassadeurs ou des
otages.
Nous possédons même un tex te juridique qui form e
la loi 4 (C. de comm. et mercat.), où il est dit qu e dans
un trailé enlre les Rom ains et les Perses il fut convenu
que: ,, Mercatores tam imperio nostro, quam Persarum
regi subj ectos, ullrâ. ea loca, in quibus fœderis tempore
cum memorata nati one nob is convenit, nundin as minimé exercere oporte t: ne alieni regni ( quod non cc·nvenit) scrutcntur arcana. Nullns i1;itur post hàc irnperio
nostro su bj ectu s, ultra l\ï ibin , Calli nicum et Artaxatam
emendi seu vendend i species causa proficisci audeat: Nec
prreter memo"ra tas civitates cum Persa merces exi8tiru et
commutandas ... . »
Celte con ception de la mer territoriale quelque rudimentaire qu' ell e soit produisait néanmoins des conséqu ences importan tes et nombreuses qu'il nous faut mentionner ici.
Il était d' un fréqu ent usage à Rome d'allu mer des fanaux, snrtout aux détroi ts, pour 1a sécurité des navires,
et dans le même but d'entretenir des pilotes côti ers et de
placer un signe quelconque averti ssan t les magistri navù de la présence de réci fs et de ban cs de sable. Com me
compensati on, les Romain s pouvaient prélever un droit
sur les vaisseaux. Pline nous permet d'affirmer qu'i ls en
usaient largemen t en nous appre nan t dans le livre vr de
son Hi sto ire naturelle qu'un ce rtain Annius Ploca nus
avait afferm é le péage de la mer Rouge, sur laquelle les
Rom ai ns ex igea ient un droit de passage très élevé pour
se dédommaoer
des frais occasionnés par l'armée navale
e
qu'ils y entretenaien t pour combatlre les pirates.
�-
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Qoand un navire entre dans un port il doit payer des
droits et observer les règlements. C'est ainsi qu'il doit
payer un droit d'ancrage et qu'il est soumis aux angaries.
On désigne sous ce nom les prestations et les obligations
qu'impose une puissance anx navires qui stationnent
dans ses ports et dans ses plages, de transporter pour
elle au moment d'une expédi tion, et moyennant salaire,
des soldats, des arm es ou d'autres munitions de guerre.
Les obligatic1os do patron d'un navire étranger se trouvant dans ces conditions sont développées par les textes.
Les lois 1 et 2 (C. de navib. non excus.) nous apprennent que si ce patron cherche à s'échapper ou à. retarder
par mauvais vouloir le transport au lieu dè destination,
ou que, de quelque façon que ce soit, il suscite des difficultés qui portent préjudice au succès de l'expédition,
tant lui que so n équipage seront passi bl es de peines proportionnées à son infidélité et aux conséquences de son
délit.
Les lois 3 et 4 (C. quœ res ven. non poss.) et la loi 7
(C. ~e navic'. et naucl. ) ajoutent que si le magister navis
au heu de faire route pour le lieo de destination abo rde
aille~~ avec son vaisseau et y vend le ch;rge~ent des
prov1s1oos de bouche et de guerre à lui confié, il est d'usage de le punir selon toute la rigueur des lois et même
de lui infliger le derni er supplice ; ceux qui ont acheté
les effets en.question sont exposés aux mêmes peines ou
to~t au .morns sont frappés d'une puni tion rigoureuse
smvant 1 exigence du cas, la gravi té du crim e et le rang
que le délinq oan t occupe dans la société.
Bien entendu , s'il y a naufrage par force majeure, la
-
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puissance ne sera pas forcée de réparer le dommage
causé par l'événement de mer, et le magister ne pourra
pas non plus être recherché et poursuivi pour avoir perdu
dans de parei ll es circonstances le chargement à. lui co nfié, car nemo ex alieno fa cto ob'1'getur. C'est ce que
nous pouvons co nclure de la loi 23 de regulis juris D.,
où se trouve développ ée la théorie des fautes.
Tous ces droits nous paraissent démontrer d'une façon
péremptoire que les Romains concevaient tout au moins
d'une façon restreinte la théorie de la mer territoriale el
c'est pourquoi nous avons cru devoir examiner la question avec quelques détails.
..
�-
CHAPITRE III
Du navire. - Sa nature juridique. Ce qu 'il comprend.
L'expression navire avait à Rome un sens tout différent de celui qu'on do it lui attribu er dans notre droit
actuel. La sim ple lecture des textes du Digeste, par
exemple de la loi I , § l ( D. de Fium . ne quis in flurn .
pobl. ), et surtout la loi 1, § 6 (D. De exercit act.1 ainsi
conçue: « Navem accipere debemus sive marinan~, sive
fluriatilem, sive in aliquo stagno naviget, sivc schedia
sit 1' , suffisent pour nous montrer que Je se ns de ce
mot était beaucoup plus comprél1 ensif que de nos jours
et nou3 perm et de donner du navire la défin ition suivante: _le nav_ire est un e embarcation que lco nque quelle
que soit son importance ou sa capaci té destin ée à naviguer snr mer· Ce tte mer, d'après les textes ùes Insli Lu tes
et ~u .Digeste, est re~tée commune au genre humain
~uss1 bien qu e l'air et la lu mière et cet élémen t ne peut
etre_la propriété d'u ne personne ou d' un peupl e à l'ex~lusion d~s autr~s . Nous avo ns vu <Jue les traités peuvent
pporter ~ ce prin cipe d'im pol'lantes modificati ons.
Au point de vue juridique le navi re es t co nsidéré
comme meuble, et tell e est bien évid emm ent sa nature.
Sont meubles, en eITet, toutes les c·hoses quw moveri
23 -
possunt, et le navire, instrum ent de transport et d'échange, renlre tout naturell ement dans celle catégorie.
Les Romain s durs à l'excès pour leurs déb iteurs (on
l'a trop souvent rêpété pour que nous ayons besoin de le
prouver par des exempl es) s'emparaient de tous leurs
biens indislinctement, et même de leurs personnes dont
ils faisaient véritablement des escl aves, jusqu'à ce que
par un travail continuel ces débileurs aient compensé
leurs dettes. Les navires, à ce poi nt de vue, étaient régis
comme les autres biens, ils garantissaient les delles de
leurs propriétaire . Toutefois, il pouvait y avoir, dans
certaines hypoth èses, <l es créa nciers privilégiés ur les
navirt!s. Ces pririlcges étaient basés sur un e idée de mise
en valeur dans le navi re du débiteur, ou sur un e id ée de
conservati on ; et en cas de ~o nflit entre deux créances
ayan t chacune un fond emen l diITéreot, celle qui avait
pour but la conservation du navi re avait le premier rang ;
c'est qu'en effet, cette dernière cré.a~ ce ava it permis aux
autres créanciers de pouvoir intenter une action efficace
contre le déb iteur com mun .
Des exemples nombreux tirés des textes confirm ent
ce lte manière de vo ir. C'es t ainsi que celui qui a prêté de
l'argent pour réparer un navire l'emporte sur celui qui
l' a vendu (L. 5, D. qui pot. in pi gn.) .
La portée, le tonnage du navire est fixé par le nombre
d'amphores qu 'il peut co ntenir: «S i co nduxisti navem
amphorarum duo milium . . .. 11 (L. 10, § 2, D. de lege
rbod . de jact. ).
Le navire est un obj et prin cipal, il a une individualité
qui 1ui est propre. Ce n·est pas un assemblage de maté-
�-
~4.
-
riaux de bois ou d'agrès ou de voil es, c'est une chose
qu'on envisage indépendam ment de tous les éléments
qui la composent. Cette façon de concevoir le navire est
féconde en conséquences. La principale <le toutes, et
celle qu'avaient avec le plus de soin étudi é les jurisco nsultes, était qu'on devait appliqu er au navire la règle
accessoriurn sequüur JJ1'1.nàpale. Les matériaux qu'on
avait employé pour sa co nstru cti on n'étaient que des
accessoires et c'est avec grande logique qu 'on en avait
conclu que s'il était réparé avec des matériaux d'autrui,
le propriétaire de ces matériaux ne pouvait les revendiquer et devait se contenter d'actionner le co nstru cteur
en dommages -intérêts. Toutefois les jurisconsultes
étaient en désaccord sur le point de savoir à qui appartiendrait lé navire non pas seulement réparé, mais construit en entier avec les matériaux d'autrui. Les deux
écoles sabioienne et proculienne faisaient chacune valoir
à l'appui de l'un e ou l'autre opinion des arguments qui
peuvent se résumeren ces célèbres formul es : Forma dat
esse rei, telle était la maxime de l' é~ole de Labé on ; !J.!ateria dat esse rei, disaient les Sabiniens dépositaires
zélés des doctrines souven t un peu vieillies des premi ers
jurisconsultes de Rome. Mais il est probable que l'opinion
des proculiens finit par l'emporter, d'abord parce que
peu à peu les théories novatrices de cetle éco le furent en
général préférées, ensu ite il nous paraît qu'on peut tirer
argument de ce caractère de perso nn alité indépendante
et distincte que les Romains attribuaient aux navires.
De ce que le navire était considéré com me un tout
parfait, abstraction faite des éléments qui le composaient,
-
25-
il ne s'en suivait pas bien évidemment qu e matériellement
il ne pût pas être décomposé et c'est pourquoi les
jurisconsultes autori saient avec raison la vente des agrès
sans la vente du navire, et réciproquement. Mais il fallait
pour cela un e stipulation ex presse. et il est certain que
dans le doute on appliquait dans tonte sa rigueur la règle
qu ~ l'accessoire suit le principal.
Le moment est venu de dire de quoi se compose cet
accessoire el ce que com prend le navire. Un mot suffit
pour résoudre la question. Le navire comprend tout ce
qui est destiné à so n .service. Par exemple, le legs d'un
navire ne donn erait pas au légatai.re le navire seul , la
coque du navire, mais en core les agrès ou apparaux ,
les victuaill es. Un point seul avait fai t difficulté. Paul et
Labéon émettai ent des opinions divergentes sur la qu estion de savoir si la chaloupe devait ou non rentrer dans
la ca tégorie des accessoires.
Faut-il appliquer à 1:1 chaloupe (scapha), le principe
ac cessm·ium sequüur pn.ncipale? Le legs du nav ire
co mprend-il on ne comprend-il pas celui de la chaloup e?
Labéon soutenait l'affirm ati ve. Paul , au contraire, était
d'avis qu'il n'élai t pas po$si ble de considérer la chaloupe
comme l'accessoire du navire. car, sui vant !ni, l'accessoire doi t être essentiellement d'un genre différen t du
prin cipal et la chaloupe étant une espèce de navire, un
petit navire, ne pouvait pas, par conséquent, être regardée comme accessoire.
L'opinion de Paul fut bientôt abandonnée, tout le
mond e admit la chaloupe au nombre des accessoires du
navire. C' est aussi la solution qui nous paraît préférable;
2
�-
26 -
indispensable dans la navigation , la chaloupe doit être
rangée parmi les membra navù au même titre que les
agrès qui le composent.
•
CHAPITRE IV
Propriété et coproprièté des navires.
Les mod es d'acquisition de la propriété des navires ne
demand ent aucun s développemen ts. Nous ne voyons
null e part des for m al i t~s spéciales à celte matière, el, en
l'absence de tex tes, tout nous fait co nj ecturer que les
navires étaient a~ssi milés aux autres meubles quant aux
modes d'acq ui sition qu'ils comportaient.
Les Rom ains cependant avaient assez longuement
trait é certain es qu e~Li o n s se rapportant à la propriété
des navires.
Nou s voyons par exemple au D. L. 24. § 4. De legat.
et firl eic. qu' il s s'en étaient spécialement préoccupés à
propos des legs. Le nav ire étant un e chose à part, avec
une individualité propre, n'é tait pas tran sform é, nous le
savons, par des réparations, qu elq ue imp ortantes qu'ell es
soien t ; auss i les jurisconsultes romai ns décida ient-ils
qu e celui qui a légué un navire vieux et qui pos térieure.men t au legs a fa it des répara tions qui l'o nt remi s à neuf
n'est pas pour cela co nsiù éré co mm e ayan t révoqué son
legs . En se ns inv erse, celui qui avait légué des pièces de
bois et qui plus Lard s'e n servait pour construire un navire, annulait par cet emploi le legs qu'il avait fait. Il y
aurai t eu encore révocation du legs d' un navire si ce na-
�-
28
~
vire avait été dàlrait par le testateur, même s' il n'avai t
pas vendn les pièces de bois provenant de ce navire.
C'est en vain que dans cette hypothèse le légataire aurail
revendiqn( les pièces de bois, il aurait échou é dans sa
demande, l'objet a lui légué étant considéré comme
n'existant plus.
La question de sayoir qui peut être propriétaire d'un
navire est facile à résoudre. Tout le monde peut en être
propriétaire, même la femm e et les enfants mineurs.
L'intérêt de la navigation l'exige, le co mm erce ne doit
pas être entravé par la circonstanct que le propriétaire
d'un navire n'est pas responsable des snites des engagements qu'il a contractés.
Du reste, le droit civil suffisait ici pour donner aux
tiers sécu rité complète, car quand nous disons que lout
Je monde peut être propriétC1 ire d' un navi re nous n'en tendons parler que des personnes sui juris. Alors s' il
s'agitd' un mineur il pourra s'obliger en ce qui coo cern e
son navire avec l'auctorilas de son toteur qui viendra
c11mpléter sa personne juri dique; s' il s'agit d'une femme
on lui applique1·a des règles analogues à cell es qui régissent le mineur, à l'époq ue où les femmes sont en tutelle
perpétuelle, el plus tard. quand celte institution est tombée en désuétude par l'atténuation des droits du tuteur
d'abord, el ensuite par la suppression rad icale du tutor muliebris, on devra décider qu 'elles peuvent agir
sans le concours de personne.
Quant aux esclaves, aux fils ou aux filles de famille et
aux femmes mariées, il est bien évident qu'ils ne peuvent pas êlre propriétaires d'un navire. li serait trop long
-
29 -
d'examiner ici dans toutes leg phases qu'il a traversées
ce lien de dépendance d'esclave à maitre, de fils à père,
de femme à mari, de voir les elîe ts énergiqu es de la dorriinica potestas , de la palr1·a potestas ou de la manus ,
de pénétrer dans cette famill e ro maine, un ie par la religion domes tique et reconnaissant le pater familias pour
son chef, pour son juge, pou r so n die u. A lui, la libre
disposition du patrimoine commun, à lui, la propriété
pleine et enti ère de cc que pouvaient acquérir sa femme,
ses enfan ts, ses esclaves.
Cette rigueur dans les institutions de Rome fut peu à
peu mrti gée, surtout par l'institution des pécules; et le
droit de posséder on navire, comme tout autre chose, fut
accordé à ces personnes au fur et à mesu re des modificati ons do droi t dans Je ùétail desquelles nous ne pouvons
entrer.
Le propriétaire d'un navire peut même être une per sonne morale, une société. Cette société des copropriétaires de narires avait le plus souvent un caractère privé,
mais quelquefois elle était favorisée et patronée par
l'État on par l'empereur ; cela avait lieu quand, par
exemple, il s'agissait dH construire des naYires pour le
compte ùe l'État ou de transporter à Rome les subsistances nécessai res à l'alimentation de la ville.
Pour prouver qu e celle copropriété des navires existait en droit romain on peut invoquer des arguments de
texte, et des raisons tirées d'un ordre d'idées tout à fait
différent.
Dans les textes, nous voyons que s'il y a plusieurs
exercitores chacu n d'eux est tenu pour le tout, Si pl1tres
�tïavem
30-
exerceant cum. quolibet eorum 1·n solidum ag1·
potest (D. L. 1, § 25, L. 2, L. 4, pr. de ex . acL.) . Souveo l l'un d'eux ou plusieurs d'enlre eux son L désignés
pour remplir les fonclions de magistri, leurs ac les obligeront les autres in solidum. Il y a aussi comme aujourd'hui des parts de cop ropriélé el quand les exercitores sonl eux-mêmes inagistri, ils ne sonL Len us que dans
la limi te de leur parl.
Et comment celle copropriété des navires n'auraitelle pas exislé à Rome ~ Comment au rai t-on trouvé
des forLUnes suffisantes pour co nslruire , acheter, charger
el faire naviguer un navire ~ Dirn+on qu e les fortun es
étaient moins divi ées qu'aujourd 'hui .. qu e les ri chesses
étaient concentrées entre les mains d' un petit nombre.
Oui, mai s ne savo ns-nous pas qu e celle aristocrati e de
fortu ne et de race regardait le comm erce com me méprisable et indi gne d'elle, que c'é tail le métier des aliranchis, des esclaves ou au moin s de la classe inférieure des
hommes libres, qni alors, avid es de ga in, surloul h l'époq ue où le commerce maritim e élait le plus flori ssant,
époque à laquelle les mœu rs dissolu es avaien l enva hi la
cité, réunissaienl leurs capitaux pour acheter un navire
et partager les bénéfices que leur procurait la navigation .
. Les jurisconsultes s'étaient à ce suj et posés la qu estion de savoi r si ces copropri étaires de navires étaient
solidairement tenus des engagements du patron et des
d.élils des matelots. Nous venons bi entôt que dans ces
circonstances l'unique propriétaire d' un navire serait
tenu.
Pour répondre à ce tte question il fa ut di stinguer. Les
-
31 -
copropriétaires de navires seront solidairement tenus des
engagements contractés par le patron et des délits commis par les matelots, s'ils ont sti pulé cette responsabilité
réciproque, ou si tous, d' un commun accord, ont choisi
ces matelols. Dans le cas co ntraire ces copro priétaires ne
seraient plus solidairement obli gés (D. 1, § 25, L. 2, L. 4,
pr. §§ 1. 2, 3. De ex. act.).
�-
CHAPITRE V
De l'exercitor et du magister navis. - De leurs
droits et de leurs obligations .
Dans ce chapitre nous éviterons à dessein de parler de
l'acti on qu'ont les tiers contre le préposan t, l'exercitor .
Celte action appelée exercitoire tro uverait ici fort convenablement sa place, cependa nt nom:: préférons renvoyer son étude à plus tard; on verra par la suite de nos
expli catio ns qu'il vaut mieux l'examiner après le prêt à
la grosse, d'autant plus que, vu son importance, ell e nou s
paraît devoir fai re l'objet d' un cha pitre spécial.
L'exercitor navis est celui qu i, en quali té de propriétai re, de locataire on d'usufrniti er a co nfié la conduite de so n navire à un cap itaine ou pa tro n (1) qui.
d'après les textes, porte le nom de magister navù. Le
con trat par leq uel l'exercitor s'entendait avec un magister po ur la conduite de son navire étai t un louage de
(1) L'expression capitaine ou patron ne désigne pas par foitement
le magister natiis ; ces deux termes ne sont pas absolument sy nonymes: il peul en effet y a1•oi r plusieurs magistri tandis qu'on ne
trouve jamais qu'un seul capitaine préposé à la conduite d'u n na"ire.
Cependant pou r la commod ité de 11os ex plicati ons, imitant en cela
nos anciens commentateurs nous avons cmployé, et nous emploierons
indifféremment l'un pour l'autre les mo ts magùter nav is, eapi tainti
ou patron.
33 -
service. Aussi le patron et les matelots pouvaient-ils intenter contre le préposant l'action locati pour obtenir
de lui Je paiement des services qu'i ls lui avaient rendus
(D. Nautœcaupones . .. L .1, §§~e t 5. - Locat. cond.
L. 61 , § 1).
L' exercitor doit avoir un Litre sérieux à la possession
du navire; si possesseu r sans titre, il ne po uvait que dire:
possideo , quia possideo , on appliquait le droit commun
en distin guant s'il était de bonne ou de mauvaise foi.
Etait-il possesseu r de bonne fo i, par exemple, héritier
du défun t ex-propriétaire du navire possédai t-il au lieo
et place du léga Lai re dont il ignorait le ti tre ou l'exis. te~ce, il n'était tenu de rendre qu e le fret qu 'il avait
touché. Etai t-il de mauvaise fo i, au con traire, il devait
restituer au verus dominus to us les fruits que ce dernier
aurai t perçu et cela évidemment sans préj udice en cas de
vol de peines plus sévères qu i, tant au po int de vue pécuniaire qu'au point de vu e pénal, po uvaient être prononcées contre lu i.
Un grand nombre de textes nous démontrent bien que
tell e était la pensée des jurisconsull8s romains. C'est
ainsi que l'héritier qui n'a pas respecté le legs d' urnfruit
porta nt sur un navire, devra payer à l' usufru itier tout le
fret que le navire lui aurait procuré s' il avait navigué
depuis la mort du de cujus. << Navis, usufru cto l eg~to,
navi aan
dum mittendam pulo, licet naufragii periculum
~
.
immineat: Navis eten im ad hoc paralur ut nav1get. >>
D'a utres tex tes se raien t encore plus explicites pour
corroborer cette manière de voir, tels seraient, par
~xemp l e , les fragments qui form~nt les lois 29 de het'ed.
�-
34-
pet. D. - 62 de rei rind. D. - 55 de cond. indeb.
D. et plusieurs textes du tilre de (urtis.
L'e!l:ercitor louait so n navire à des tiers en tout ou en
partie, moyennant un e som me qui représentz.it le prix
d'un double contrat de louage; louage ue choses puisque
ces tiers disposaien t du navire en s'embarq uant euxmêmes, ou en y chargeant Jeurs marchandises, louage
de services puisque le magister navis et les matelots
donnaient leurs peines et soin à la conduite du navire.
Souvent cependant celle location du navire était faite
par Je patron, I' exercitor lui conférait plein pouvoir
pour cela. La loi 1, § 12 D, De ex. act. nous apprend
même que ce louage rentrait dans les attributions ordinaires du magister, mais en définitive, ce n' était là
qu'un mandat que l' exercitor pouvail révoquer en limitant les pouvoirs de so ù préposé, et c'était toujours à
cet exercitor qu'appartenait le montant du fret.
Ce fret consistait en général, mais non pas nécessairement, en argent. Il est à peu près corn plètemen t examiné par les lois 10 pr. et § 2 de leg. rhod. de jact. 19 § 7 et 61 § 1 de lo cat. cond. D.
C'est en nous inspirant de ces textes que nous pouvons poser les principes suivants.
Si la conven tion passée entre l'exercitor ou le magister el le tiers donnait à ce dernier droit à tout le
navire, le fret était dû en entier , et cela, quelque
minime que f ùt la quantité de marchan dises chargées.
<c Si conduxisli navem amphorarum duo milium ... pro
duobus milibus amphorarum pretium debes. ))
Si la location était faite au poids ou à la mesu.re, il
-
35 -
n'était dû pour le fret qu'une somme proportionnelle a
Ja quantité des marchandises chargées « Si pro numero
impositarum amphorarum merces constituta est, contrà
se hab et: nam pro tot amphoris pretium debes quot
portasti. ,,
On ne tenait pas compte d'une augmentation amvee
en mer. Le jurisconsulte Ulpien fait l'appli vation de ce
principe à une espèce curieuse; il décid e qu'une femme
s'embarqu ant enceinte et acco uchant à bord ne doit pas
payer un sut'plus de fret ponr son enfant nouveau·né.
« Si quis, muli erem vehendam navi conduxisset, deindè
in nave infans oatus fui set, probandum est pro infante
nihil deberi . »
Si les marchandises chargées périssaient par force
maj eure, aucun fr et n'é tait dù puisqu e le fret représentait le prix de transport des marchandises, et qu e par
suite du naufrage les marchandi ses n'étaient pas arrivées
à destination n Si vehenda man cipia conduxisti , pro eo
mancip io, quod in nave mortuum est, vectura tibi non
deb etur. n
Mais si, au co ntraire, la perte de la marchandise était
due à la faute du chargeur ou au vice propre de la chose,
le fret restait dû.
Toutes ces idées demanderaien t a être développées, il
faudrait citer des exemples, prévoir des hypothèses el en
donner la so lution. Nous ne le ferons pas : d'abord
parce que nous ne pouvons quïndiquer les grandes
lignes du droit maritime romain , ensuite parce qu e, sur
toutes ces qvestions, les jurisconsultes classiques ont été
tl'Op avares de renseign ements pour que, voulani entrer
�-
36 -
dans des développements, oo oe soi t pas fatalement entraîné dans des conjectures.
Le magister nav1·s est, nous le savons, celui que
l' exe1·citor a préposé à la conduite de son navire quelle
que soit la mission qui lui a été confiée.
On désigne aussi sous ce nom celui qu'un premier
magister s'est substitué à l'insu de l'exercitor et même
malgré sa défense. Tel est l'avis d'Ulpien (L.1, S5, D. De
ex. act.), et les besoins du commerce, au point de vue
de la sécurité des tiers, nous font sans difficulté admellre
celte opinion.
Toute personne libre ou esclave, su·i ou alt"eni juris,
homme ou femm e, majeur ou mineur, peut être magister navis. Il est probable toutefois, quoique la question
soit controrersée, qu'au début le 11iag1.ster était toujours
une personne alien1· juris, et que ce n'est que plus
tard qu'on préposa à la conduite des navires des représentants étrangers. On peu l invoquer dans ce sens le
§ 71 du Commentaire rv de Gaius et des raisons de
logiqu e. Les mots don l se serL le j urisconsu!te quin etiam,
licet, paraissent bien indiquer l'idée d'uneaction d'abord
limitée au cas de représentants en puisrnnce, puis, dan s
la suite, mais dans la suite seulement, étendue au cas de
représentants étrangers. Da reste, l'iostilntion de l'action ex ercitoire bat P,n brèche, co mm e nou s le verron s,
le vieux principe de la non représentation, et il est probable qu 'on ne put d'abord être représenté que par des
personnes alieni juris qui élant sous la dépendance
absolue du paterfamilias étaient membres de cette
famille romaine unie par des lieos étroits. JI serait
-
37-
étonnant, en effet, qu'on ait bouleversé dès le ùébut
l'ancien principe, qu'on ail envoyé au loin des personnes
étrangères par les obligations desquelles on était lié; il
est infiniment plus vraisemblable que la théorie pt'imitive n'a été atténuée que peu à peu. Lè préteur, en
effet, agit toujours dans ses réformes avec une modération que beaucoup ont blâmé et cependant que de fois
le législateur a reconnu l'indiscutable vérité de ce vieil
adage tant de fois répété : natura non /acit sa/ tus ;
aJage vrai en tout et surtout en droit où une réforme
préma turée es l éludée ou reste lettre morte, el où tou tes
le's institutions ne sont que le moule fid èle de l' état social
qui suit les variations et les modification s que lui impriment le développ emeut de l'individu et les progrès de la
civilisation .
Voyon s à présent qu els sont les droits et les obligations de ce magistel' quand l' exercitor l'a nommé pour
la conduite de son navire sans limitation de pouvoi rs.
Ses droils se réduisent à un seul: exiger le paiemen t de
la somme convenu e comme rénumération de ses servi ces. Pour obteni r ce paieme nt il a un pri vilège sur le
prix de transport des marchandises, et si un tiers a payé
au magister ce prix de transport c'est à lui qu'appartient
ce même pri vilège ( L. 6, § 1, O. qui pot. inpign.).
Quant à ses obliga tions ell es sont multiples et examinées dans un assez grand nombre de textes épars dans le
Digeste. D'abord , le magister navis est responsable des
objets à lui confiés, pourvu qu'ils lui aient été remis sur
le rivage ou s ~ r le navire ; il est responsable même des
objets confiés à des matelots choisis par lu i, s'il leur a
•
�-
38 -
don né mandat de les recevoir, et on admet qoe ce mandat se présume aisément ; la plopart du temps il faudra
pour que celle présomption n'ait pas li eu qu 'un e volonté
contraire ait été ex pressément manifestée par le magister
navis (Nautœ, ca.up, D. L.1 , §§ 1, 2,3, 8, L.3, pr.).
Le patron répond ensuite de loot dommage arrivé aux
marchandises par sa faute ; et c'est d'une fa ute quelconque qu'il s'agit ici, il doil apporter à la chose qu'on lui a
confiée tous les soins d' un bon père de famille (De lege
1·hod. dejact. D. L. 10, § 1. -Lorat.cond.D. L.13,
§§ 1 et 2.). Ici nous Louchom à la théorie des fautes
dont l'examen noos ferai t sortir de notre sujet. Une
simple citalion nous suffira, du reste, pour montrer
l'étendue de la responsab il ilé du magister. Le jurisconsulle Ulpien, dans le ~ 1 de la loi 13 D. De locat. cond.,
s'exprime en ces term es: « Si navicu larius onus l\Iinturnas vehendon cooduxeri t, et com llum en Mi nlornense
navis ea sobire non posset , in aliam navem merces
transtolerit, eaque naYis in o5lio flnmini s perieril ; tenetor primus navicu larius: Labeo, si cnl pa caret, non
tenetur ait, creterum si vel invito domi no feci t, vel quo
non debuit tempore, aut si minas idonere navi im posuit ,
tun e ex locato agendum. »
Mais le patron ne serait pas respo nsable des cas de
force majeore. La maxi me de droit et de raison si so uve nt
invoquée : ((à l'impossible nul n'est ten u, »s' appliqu ait
à Rom e comtoe auj ourd' hoi . Nemo ex alieno facto
obligatur. Nemo prœstat casus /ortuitos. On assimilait
au cas de force maj eure les transbordemen ts par nécessité, et si, pendant ce transbordement, un e avarie ou
-
39 -
une perle totale de la marchandise surven ait le magùter
ne pouvait être poursuivi, sauf tontefois les réserves que
fait Je texte qoe nous venons de ci ter.
De l'id ée qu e le patro n est tenu de sa culpa levis in
abstracto, idée qui, on le voit, se manifeste dans toutes
ces matières, on avait très justement conclo que le
patron devant veiller comme un bon père de famille à la
conservation des marchandi ses chargées, était responsable
des vols commis par ses matelots. Objectera-t-on que le
matelots son t des tiers et qu'i l ne peut être obligé par
Je fait d'un tiers, qu'i l y a ici par rapport à lui force
maje llre? Nous répondrons, victorieusement nous semble-t-il, qoe le patron a choi i lui-même ses matslots,
qo'il devait ne prendre à on service que des gens de
mer sur la fiùélilé desquels il pou vait absolument compter ; il ne l'a pas fait, il est en faute, le père de famille le
plus diligent aurait mieux agi, et c'est pourqooi il est
responsable (L. 6, pr. D. Nautœ caup.) .
Il est cependant des hypoth èses dans lesquelles les
délits des matelots n'obligeront pas le magister. Qo'il
soit responsable, c'est la règle, mais on peut y déroger
par une convention; si do nc le magister n'a accepté le
chargement qu'en dégageant expressément sa responsa1.Jilité eu égard aux délits des matelots. les chargeurs ne
pourront le poorsuivre.
Le droit de réclamer le objets chargés, la réparation
des dommages su rvenus à ces objets ou leur Yaleur en
cas de perle, appartien t à celui qui les a donné à transporter (Furt. adv. naut. D. L. unfr. , S 4).
Vo l'importance des obligations des magistri on insé-
�- 40 rail so ovent dans le co nventi ons un e clause pénale pour
le cas où ils ne rempliraient pas leurs engagements.
" Item j nris erit, dit la loi 10, § 1 , de leg. rhod . de
jact. D. , cnm ea conditione, ul ce rtam pre nam tibi prœs taret, nisi ante constitulum cli em merces tu as eo loci
expos uisset, in qu em devehendas eas merces locasset... »
Telles sont, rapid ement ex posées, les théories romaines sur la responsabilité du magister navis et ce qu i en
est la contre-partie, sur les droits que les tiers chargeurs
peuvent invoquer et les actions qu'i ls peuvent intent er
contre lu i.
Nous venons de voir qu'en cas de perle des marchandises par force majeure le patron est dégagé de toute
responsabil ité et qne les chargeurs senls supportent
cette perte. Il est cependant un Cels où c'est nn tiers qui
subi t le domm:1ge occasionné, et où la perte du navire et
de la cargaiso n ne cause au chargeur aucun préjudice.
Cela a lieu quand ce chargcHH a fait un emprunt à la
grosse. Ce contrat à la grosse a été l'obj et d'études approfondies de la part des juri sconsu ltes romains et c'est
avec quelques développements qne nous devons l'examiner.
CHAPITRE VI
Du nauticum famus.
Le prêt à la grosse ou nau tùwm fœnus est un contrat
par leq uel une parti e, app elée credh or ou (œnerator,
prête à one aut re partie, appelée debitor, une somme
d'argent pou r l'a rmemen t d' un navire ou l'achat de marchand i se~ qu i d<>Yro nt êlre transportées par mer (pecuni a
trajec titi a), à la condi tion qu e, en cas d' heureuse arrivée,
l'emprunteur rendra au prêteu r, outre la som me prêtée,
un profil conven u, el que, au co ntrai re, en cas de perte
par fortun e de mer tlu navire ou de la marchandise, il
se ra libéré de.tou te obli gation de rendre.
Les avi s so nt très partagés sur la qu estion de savoir
qu ell e est, au juste, la nature du naufrcum (œnus.
Pour Cujas c'est nn co ntra t do uble dans lequ el rentrent à la foi s un e stipulation et nn pacte d'intérêts 11 veruw ùup lex est conlractus, dit l'ém inent romaniste, datione pecunire mutuu m conlrahiLur , stipnlalione fœnus.
Fœnus igitur, id est fœ nera titi a sli pulatio. »
Pour Sav igny c'est un co ntrat innomm é.
Aucun e de ces théories ne nous sédnil, et sans entrer dans la controverse, nons préf~ro n s nous ranger à
un e troisième opinion , qn'aprèsVoë ta professé Parde;;sus,
et qui est la plus généralement enseignée aujourd 'hni .
3
�'
4-2
Pour nous le nauticum (œnus n' est qu ' un rnutuum;
niutuam pecum·ain, disent les textes. Mais c'est un mutuw n d'une e· pèce particulière , dao ~ lequ el, par un e exception qni déco ule de la convention même, les risques
son t à la charge du prê teur, et dans lequ el aussi l'intérêt
est plus élevé par suite de ce déplacement des risques.
Ce contrat, qui aujourd' hui tend à di sparaître, était
fort en usage à Rome. A l'époque où le commerce nd fut
plus dédaigné ce fut ce nauticum ( œnus qui fit les plus
rapides progrès. Les jurisconsultes l' examin èrent ave;
autant de développemen ts que les théories de leur droit
civil et en formu lèrent les règles avec au tant de sagacité .
Il entra dans les mœurs au point que· les plus intègres
Romains le pratiquèrent dans une large mesure; Calon
l' ancien lui- même après avoir vanté l' agri culture le co nseillai t à son fils comme le moyen le plus sû r et. le plus
honorable d'augmenter rapidement sa for tune. Une tell e
importance nous fait un devoir de l' exami ner avec que l- .
ques détails.
Le nauticum /œnus ne saurait se co ncevo ir sans risques el sans profit maritime ; c'est sur ces risqu es et sur
ce profit qui constituent !'esse nce même du contrat que
nous étudions que vo nt surtout porter nos réflexions.
Des rùqu.es maritimes. - Les textes font clairement
apparaîlre la nécessité de ces risques dans le nauticum
/œnus. < Trajectitia ea pecunia es t, dit Mocl es tin, L.1 , D.
De n. f., qu re traos mare vehitur. >> Le prêteur ne se
c_harge que de cet « in certum pericnlum quod ex navigat1one maris metui solet. L. 2. C. De n. f. », et par co n-
-
4-3 -
séquent s' il n'y a pas de risques mari tim es, si, par exemple, l'a rgent prêté a été dépensé à terre, ou si les marchand isës n'ont pas été emba rqu ées, nous ne serons plus
en présence d'un nauticum (œnus. « Cœterum si eodem
loco co nsumatur non eril lrajectitia ( L. ·1, D. De n. f.). »
Il faut qu e ces risqu es maritimes soien t fo rtuits, qu'ils
soient dn s à une force maje ure, à. un e « vis divin a qure
precaveri et cui resisti non potest. » Aussi faut-il décider que si la perle des marchandises achelées avec l'argent prêté à la grosse a eu lieu par la faule de l'emprunteur ou de son prépo5é, celte perte ne sera pas pou r le
prélenr à moins que le contrat ne lu i fasse supporter les
r,onséquen ces de la fau te de l'em pru nteur, de son préposé ou de l' éq ui page.
Ce serait aussi étendre la responsabili lé du prêleu r audel à. des limiles établies par la loi qu e de lui faire supporter le.s pertes et les délériorati ons causP.es par le vice
propre dn navi re ou des marc.hand ises. Cependant s'il
avait fourni lui- même les marchandises, le dommage
occasionné par le vice propre retomberait sur lui.
En l'absence de lon le conven tion qui règle la durée
des risques, ces risqu es commencent pour le prêteur
lorsque le nav ire pa rt, à moins que l'emprunteur ne
l'ait fa it parti r en temps inopportnn el ils finis ent au
lieu de destinalion << Io nau ti ca pecuni a ex eo die peri culum gpeclat credi torem ex qno navem navigare conveniat. L. 3, D. Den. r. » « Trajecti tiam pecu niam qure
peri cu lo creditoris da lur, tamdi u liberam esse ab obse rvatiooe comm unium usurarurn, quamdiu ad portum adpulerit , manifestum es t L. 1, C. de n. f. )> et la loi 4,
�- .u. eod . tit. se sert de ces ex pression non moins catégoriques u ad deslin atum locum perveni at. »
Du reste, la conven tion fait la loi des parties, et souvent, par exemple, on stipul e que les risques resteront à
la charge du prêteur, pendan t l'all er et le retour, de
Brindes à Beryte et vice versa (L. 1'.2.2 § 1 . D. De verb.
oblig.).
Il faut ensui te pour que les risques soient n la charge
du prêteur que la perte se soit produite dans les li eux
prévus dans la convention, c'est-a-di re, sur la route que
l'on doit suivre pour effectu er le rnyage con venu .
Que fau t-il décider en cas de ruplnre du ~oyage? La
question doit évidemm ent se réso udre par une di stinction et la solution est toute difîérente, sui vant qne cette
rupture a lieu avant ou après le départ du navire. Est-ce
avant le départ, le con trat n'existe même pas , puisqu'il
ne se forme qu e par la mise en risques. Est-ce ap rès le
départ, au con traire, Je co ntrat es t parfait et les ri sqnes
son t pour le prêteur.
En cas de changement de voyage un e di stinction es t
aussi nécessaire. Le chan gement de roule a-t-il lieu par
force majeure, le navi re poussé par la tempête s'écartet-il de la route ordinaire pour essayer de se réfugier dans
un port: la perte surven ue sera snp po rlée par le prêteur.
Mais en sens inverse, l' emprunteur se rait responsable,
si par un acte de sa volonté, en violant la co nven ti on, le
navire ne suivant pas la route co nven ue, était arrivé à
une autre des tinati on. La loi 3 C. de n . f. nous apprend , eo eŒet qu'un navire quod in A(ricani dir1.gi
debitor adsevernbat , prit une autre direction , nec lo co
-
41l -
quidem navigù: servalo. Les empereurs Dioclétien et
Maximie n, consullés' sur le point de savoir qui, dans
cette hypo th èse, supporterait les risques, répondirent à
bon droit, que le prêteur n'était pas responsable de la
perte ; u am issarum mercium detrimen tum, quod nou ex
marinre tempestatis discrimine, sed ex prrocipili avari tia, et iocivili debitoris audacia accidisse adseveratur, ad scribi Li bi juris publici ratio non permillit. »
C'est qn' en efiet pour que le navire ait le droit de dérouter, de s'arrêter ou de rétrograder, il faut que dans la
convention une stipulation formell e l'y autorise.
Voilà les ri squ es examiné en eux-m êmes, et par rapport an li eu et an temps dans lesq uels la perle doit se produire pou r être à la charge'du prêteur. Le momen t serait ve nu d'étudi er le profit maritime ùû au prêteur,
comm e co mpensation des risques qu 'il court, si une objection, qu 'il faul réfuter, ne nous était faite .
Certai ns auteurs consid èrent tout ce que nous venons de dire sur les ri sq ues com me autant de conjectures dénu ées de fo oJement, et armés d'un texte du Digeste, ils prétenden t nous démo ntrer que l'emprunteur
est respon abl e alors même qu'ayan t scru puleu ement
observé les clauses du con trat, on ne peut lui reprocher
aucune faute.
Comme de nombreux commentateurs ont étudié ce
texte qui forme la loi 1.22, ~ t, D. De verb . obi. , comme
plusie urs explicatio ns ont elé émises, nous ne croyons
pas devo ir passer ou tre sans l' examiner .
Ce fragment est de Screvola et voici comment s'exprime ce jurisco nsulte: « Stichus 1 esclave de Séius, étant à
�t.6 -
Béryle, ville de Syrie, prêta à la gro.se aventure llne
somme d'argent à Cal limaq ue, donL le navire devait al ler
à Brind es et revenir dans l'espace de deux ce nts jours.
Les marchand ises achetées à Béryte pour ~ lre ve ndues à
Brindes et celles qui les remplaceraient sur le vai sseau.
tels é~aient les gages et hypothèq ues du créancier. De son
Gôté, le prêteur se chargeait des risques de tout le voyage.
Il fut convenu qu 'a rrivé à Brindes, Callim aq ue après
avoir vendu ses marchandises et en avoir pris de nouvelles se rem ettrait eu mer pour la Syrie. avant les ides prochaines de septem bre, el que si à cette époqu e, il n'avaiL
pas refaiL sa cargaison et qu itté Brindes, il paierait dans
cette même 1•ille, comme si le voyage était achevé, Je capital, les intérêl-i maritim es, et tous les frais qu e nécessiterait le transpor t de ce t argent à Rome. Héros, vi cai re
de Stichos, suirrait l'emprnn teu r et tou cherait à Brindes
lesdites sommes, si ce dernier n'obser1•ait pas les clau ses
da traité. Stichus, esclave Lucius Titius (lisez Séiu ),
l'ayant in terrogé, Callimaque répondit qu'i l s'exécuterait
fid èlement.
Avant les iJes de septembre ainsi qu 'il était co nve nu
l'em pruoteur ayan t pris de nouvelles marchandi es se
~e t en. rou1e_avec Héros, comme pow· revenfr en Syrie. Mais Callimaq ue, dep uis qu' il a chargé de nouvell es
marchandises suivant son engagement, c'est-à-dire au
te.mps où il devait en payer à Brindes l'a rgen t pou r le
f~1re paryen ir à Rom e, Call imaque, dis-je, a eu so n name submergé; et l'on se demande si l' emprunt eu r ne
pourra pas invoq uer la présence et le co nsentemen t
d'Héros, qui avait bi en mi ssion de l'acco mpagner, mais
-
47 -
auquel Sticbus n' avait do nné aucun autre mandat que
celui de toucher l'arge nt et de le porter à Rome, et s'il
sera tenu par l'action ex stipulatu de payer le susdit argent au maître de Stichus. Le jurisco nsulte répond que,
d'après les faits qui viennen t d'être exposés, Callimaque
sera tenu. » - Callim aq ue sera tenu. Celte réponse
in expli cable a donné lieu à bien des commentaires, à
bien des rectifications dans ce texte.
Cujas dit que Callimaque n'a pas effectué son voyage
dans le délai de deux cen ts jours fixé par la convention,
mais celle expl ica ti on est com plètement arbitraire.
Du aren prop ose de lire au lieu de « merces perferendas misisse l eo Lempore » cc merces perferens in navem
mansisset eo tempore, >) et pense que Callimaque serait
encore à Brindes à l'époqu e où, d'a près le contrat, l'argen t aurait dû être payé . i\Iais cette expli cation est en
contrad iction avec les mots: ''An te id us supra scri ptas,
quasi in pro vinciam Suriam perventurus, enavigavit. »
Po tbier lit: <c cum non ante id us. »
Po ur nous, avec Robertus el Pardessus, nous proposons de ne pas co rri ger le texte et de suppo:;er un changement de voyage. Callimaque est parti au jour voulu,
mais au lieu de se diriger en droi te ligne, vers la Syrie,
po ur débarquer à Béryle . il a changé de route; et c'est ce
que le texte exprime en di san t: « quasi pervenlurus. ))
Il y a ici changeme nt de voyage par la volonté de l'emprunteur et nous avo ns dit qu'alors ce dernier était tenu, car
il répond de ses fautes, et le changement de di1·ection
constitu e une faute.
�-
i8-
Du profit marit ime . - Ce profil dilTère essen tiellement de l'inlérêl ordinai re, et il devait en être ai nsi.
C'est que dans le prêt ordinai re Io prêteu r peut Sll r des
bases solidtls calculer le risqu e qu e l'in solva bili té du débiteur peut lui faire co urir, il est presqu e aussi faci le de
s~ rend re un co mpte exact du damnum ernergens qu e
du lucrum cessans; tandi que dans le prêt maritime,
dans le na ut icum (œnus ce damnum emergens est
bea ucoup plus aléatoire, pui ·qu 'J! dépend des hasards
de la naviga tion i bien plus, le profit mariti me n'est pas
la représentation d' un damn um emergens, c'es t un pret1.um periculi.
Ce n'est alors que l'appât d' un gain considérab le qui
pousse le prêteur à co nfier so n argent en ne recevant
comm e garantie qu e les chances d' un e heur3use nav iaao
tion, et il est tout natu re l qu e les intérêts qu'il réclame
soient beauco up plus élevés que dans un prêt ordinaire.
Ces deux qu estions de risqu es el de profils son t in ti mement liées, et l'o n ne peut augmenter ou dimin ner l' un
sans que l' autre aussitôt augmen te ou di min ue dans la
même pronortioo.
C'est ce que Poth ier constate au comm encemen t de
s~n traité su r le co ntrat à la grosse: « JI ne peut y avo ir,
dit ce savant conseiller du présidial d'Orléans, de C:)ntral
de prêt à la grosse, s' il n'y a un profil maritime on quelque chose qne l'emprunteur s'oblige à payer au prêteur,
outre la somme prêtée, pour le risqne don t il s'est
chargé. 11
A~ ~oin t de vue des bénéfi ces que réal isera Je prêteur ,
les d1fierences entre le nauticum /œnus et le mu l tlUm
-
4-9 -
sont intéressantes à étudier. Elles ont trait à. la faço n de
de fai re co urir les in térêts, à leur taux et au chi!Ire que
leur so mme peut atteindre.
Dans le prêt ordina ire, il est naturel el logique de dé cider C]Ue la co nven tion d' in térêts ne pen t [aire naître
une act ion civile, car le juge dans les co ntra ts de dro it
strict, es t lié par la lettre même d' un e formule inexorable, et demander des intérêts serait une plus petitio re.
Mai , plus tard, le préteur et les constitutions impériales
vinre~ t en imaginan t la th éorie des pactes mitiger la ri gueur de ces vieilles théories . Le principe de l'égalité absolue en tre la dation el la resti tution reçut peu à peu des
allei nLes plus ou moin s graves. Les lois 12 et 23 C. de
usur is nous appre nnent, par exemple, qu'on acco rda
une action au prêteur de den rées pour les intérêts qu'il
avait ùemandés à l'empru nteur dans un pacte joint à un
mutuwn. Celte décision ava it pour motif que le prix des
denrées est essen tiellement va riab le <c ratio incerti pretii . i> Du reste, depuis longtemps déjà, le même résultat
se produisa it pou r les pactes joints à des stipulations.
Mai s, s'il s'agissait de prêts <l'arge nt, la règle n'était
plus la même, et une stipu lation fu t toujours nécessaire
po ur faire courir les intérêts, un simple pacte ne suffisait
pas . C'est que dans les idées économiques des Romains.
idées dont la fausseté es t aujourd'hui adm i e par tout le
monde, la valeur de l'argent n'était pas ' UscepLible de
variations. Il n'y avait d'exception que poor les prêts faits
aux villes. exception que Ju stinien étend it aux Argentarii.
Si maintenant nous consiùérons le nauticum (œnus,
nous voyo ns mises en échec ces anciennes maximes:
�-
50-
Ex oudo pacto actio non nascitur. Pactum nudum
de prœlaudis usuris nullius es t mom enti . Pecuniai
creditre usuras nisi in stipul atiou em dedù clas non
deberi . Et cela se co nçoit ai ément car les profits maritimes étaient co nsidérés, nous l'avo ns dit, non pas comme
la reprtlsentation des intérèls de l'al'gent (nous sa vons
qu'à Rome l'argent ne pouvait produire des intérêts) ,
mais comm e la co mpensation des risques que co urait
le prèteor cc ln bis autem omnibu s et pactum sin e slipulalione ad augendam obliga lionem prodest (L, 5 S 1 D.
De n. f. ) " - «In quibusdam contractibus etiam usurre
deben tur, quemadruodum per stipulationem . Nam si
dedero decem trajectitia, nt &alva nave sortem cum certis
usuris recipia m, dice ndum est, posse me sortem cum
usuri s recipere. - (L. 7. D. eod. tit. j. »
fo his omnibus, ùi quibusdarn contracti bus, c'està-dire dans tous les contrats où l'intérêt peu t être considéré co mm e on pretium p<>riculi. Ce caractère se rencontre, à n'en pas douter, dans des con trats autres que
le nau ticum fœnus.
C'est ai nsi que ce risqu e existe, nous dit la loi 5, lorsqu'on prêle une somme à un pêcheur qu i ne rendra rien
s'il ne prend pa de po isson, el qui s'il en prend ren dra le
capi t~l et i'nsuper aliquid. Ce t iasuper aliquid es t le
pretium pericu!i, l' in demnité du risque qu'a co uru le
prêteur de ne rien recevoir.
Il_en serai t de même de l'hypothèse où un tiers prêterait un e somme d'argent à un athlète à la condition
qu'il rend e insuper ali'quid en cas de victoire, et qu'il
garde tout en cas de défaiLe.
-
51 -
En généralisant ces espèces nous nous croyons autorisés à dire que, dans tou s les con trats aléatoires, contrats
dont le nai1ticum fœnus est le type le plu s frappant, un
simple pa cte fait courir les intérêts.
En rés umé, pour qu e dans le mutuum de somme d'argent des intérêts soient dus, il fallait une stipulation, tan dis que pour que le prêt à. la grosse produisit des profits
maritim es , un simpl e pacte suffisail.
Entre l'intérêt ordinaire et le pretium periculi il y a
une diITéreni.:e plu s tangib le enco re au point de vue du
chiITre qu'ils pouvaient atl eindre. A ce suj et nous croyo ns
devoir rapideme nt ex poser les dilTérentes transformatîoo s
qui se sont prod uites dans la législation romaine.
Avant la loi des XII Tab les, le taux de l'fotérêt était
illimité. Cette loi fit cesser les abus nombreux que
s'étaien t permi s les prêteurs d'argent en limitant le taux
de l'arge nt à J'unciarium f(f'nus. La ques tion de savoir
ce qu'était cet unciariurn (œnus est assez con troversée.
Pour les uns, il s'agit d' un in térê t de 1~ 0/-0, pour d'autres, de 1 0/0, pour d'a utres enfin de 8 h0/0 ; cette dernière opini on, la plus généralemen t acceptée aujourd' hui ,
a été sou tenue pour la premi ère fois par Niebuhr
(Hist. romaine, tome v, p. 80) . Des lois postérieures réduisi rent l' unciari'll1n (œnus de moitié en le remplaçant
par le fœnus semiunciariwn. Plus tard à l'époque de Cicéro n nous trouvon s la centesima mura, c'es t-à-dire, la
ce nti ème partie du cap ital par moi s, 12 0/0. Ju stini en
mod ifie cette léajslati on en restreignant le taux de l'intérêt de 4 à 8 0/0 suivant le$ personn es; les person nes
illustres ne pourront percevoir plus de 4 0/0, plus du
�- 52 tiers de la centesima m ura cc ultrà tertiam partem cen-
tesimre, » les comm erçanls pourront en exiger les deux
tiers, 8 0/0, <c usque ad bessem centesimce, >> les autres
perso nn es la moitié, 6 0/0, <c dimidiam tantum modo
centesimre. u (L. 26 § 1. C. De usuris) .
Mais, jusq n'à Justini en, la fixa ti on d'un taux maximum
d'i ntérêts ne s'appliquait pas an nauticum. fœnus.
« Trajeclila pecunia, di t Paul, propter peri cnlum creditoris, qnamd iu navigal navis, infinitas usuras recipere po- •
Lest. cc {Sent. JI, til. 1~. § 3).
Justin ien dans ce tte fame use loi 26 C. de usuris limite le profil marilime à 12 0/0. Cette inn ova tion es t
tellement malheureuse que quelqn es jurisco nsultes, Dumou lin , Ernérigon, par exemp le, ont pensé que cette réforme ne s'appliquait qu'à certains cas détermin és. C' r,st
a~nsi q11e Dumou lin (de co ntractu usurce , tome 11 , p. 39,
n..91 et s .) pense qu e cette loi ne vise que les prêts mar'.L1m~s ne présentant pas de dan gers séri eux pour Ja navi ga tion. Si le voyage prése nte des ri squ es co nsidérables
il croit qu'il faut appliquer la loi 5 (D. den. f. ) cl'a prè~
Ja~u e ll e l~s. infinilœ usiirœ peuve nt être exigées. De
mem,e ~rnerigon (Traité des contrats à la grosse, r. secL. i)
es~ d ~ris que c~tle loi 26 ne vise que l' hypo thèse d' un
pret d argent fa it en vue d'une expédition maritime dans
laquelle le prêteur n'aura it pas pris à sa charge les risqu es de la naviga tion .
11 nous paraît bien difficile d'admettre l'une ou l'autre
de ces expli cati ons en face des termes auss .i clairs
. que
form
els
de
ce
tte
loi
26
Q
•
.
· « uant aux co ntrats à la a rosse
et a ce ux qui y ressemb len t, nous dit ce tex te, le ta~ux de
-
1:>3 -
l'intérêt sera de 12 0/0, 1tsq1te ad centesimam, et pas
au-dessns, quoiqu e les ancien nes lois aient permis ùe Je
dép.asser. , .. . .. , el en aucun cas le juge ne devra souffrir qu'on excède le Laux léga l, sous prétexte de quelque
usage. Si un créa ncier enfrei nt la prése nte loi il ne
pourra, en aucune façon, ex iger l' excédant; s' il en a été
payé, cet indû s' imputera sur le capi tal. En livrant so n
argent, il n'aura pas non plus le droit de faire des retenues, de quelque nom qu ' il les appelle .... . »
Cette loi que tous les interprètes onl blàmé avait été
éludée par la pratiqu e, qni , aidée de la Novelle 106, imagin a des subterfuges. On en arriva bi entô t à percevoir,
par exemple, 12 0/0 non pour un e année, mais pour le
voyage qua nd il devait durer moins d'un an. Les commerçants vou lurent co nsid érer la loi 26 comme ab rogée,
mais Justini en la rétabl it énergiquement par la Novell e
110 conçue en des term es qui ne permetlent pas de fa ire
des distin ctions. On peul désapprouver le législateur,
mais il faut obéi r a la loi aussi bi en quand on l'interprète, que quand on la subit . Dura lex, sed leœ.
Signalons enfin un e dern i~re dilTérence entre le naulicum /œnus et le mutuum. Dan le prêt ordinaire les
intérêts accumulés ne peuvent dépasser Je capital (L. 26,
§ 1, D. de concl. ind eb.) , :tprès avoir payé le double de
la somme prêtée le débiteur es t lib éré (L. L. 29 et30 . C.
de usuris) . Cette règle ne s'app lique pas au nauticum
fœnus (L. 4. § 1, D. den. f. argument à co ntrari o).
Les préteurs à la grosse étaient natu rellement d'autant
plus ex igeants qu' il s cou raient plus de risques. Aussi
voyons-nou s que souvent cl ans le contrat on insérait un e
�-
tH --
claose par laquelle le prêteur pourait placer des préposés
sur le navire, et le lravail de ces préposés, fil s ou esclaves, était payé par l'emprunteur. Nou s avons vu un
exemple de celle clause dan s la loi 122 S 1 (D. de verb .
obi.), que nous avo ns citée tout éiu long.
Souvent aussi on décidait dans la conven li on qu 'à défaut du paiement du capi tal et du profil maritime à
l'échéa nce fixée, l'emprunteur devrait payer en outre
les intèrêls de cesdeux sommes au taux du prêt ordinaire.
Outre ces deux clauses, le prêteur exigeait, la plupart
du temps, d'autres ga ranti es. La plu s importante était
l'adjonction d'un fid éjusseur qu i se fai sait ·d'après les
principes généraux . De même souve nt , en Gours de
voyage, un emprunt était nécessaire, alors on afTeclait
au paiemen t de la delle les marchandises ou le navire
(L. 6, D. den. f.). Dans cette garan tie que les tex tes appell ent 7n·gnus, nou s voyo ns, nous, un e vérilable hypothèque sur les meubles. Ce pùpius, en effet, n'a aucun
des caractères du gage ordinaire, et de plus, il est des
textes qui nous montrent que le mot piqnus est employé
quelquefois dans le sens que nous lui attribuon s ici ; la
loi 5 § 1 D. de pign. et bypoth. nous dit en effet:« Inter pignus et bypoth ecam tantum nominis son us diJJert. »
Et le § 7 de act., aux institutes, nou s apprend aussi
qu'entre le gage et l'hypo thèqu e il n'y a pas de difTérence
« Inter pignus et hypoth ecam . .. . . nibil interest. »
Cette hypothèque est régie par les règles ord inaires.
Ce créancier hypothécaire prime les créanciers simplement chirographaires. On applique les principes: Qu,i
-
55 -
concurrunt tempore, co ncurrunt )'ure, et, Prior tempore, potio r jure, prin cipes qni ne cessent de recevoi r ici
leur app li ca tion que s'il y a uo e hypo thèqu e privilégiée,
qui , alors, prime toutes les hypoth èques antérieuremen t
consenties, co mm e cela a lieu, par exemple, s' il s'agit de
frais fa its pour la conservation de la chose déjà hypolhé·
qu Pe. Ces princip es équitables se son t, presque sans
modificati ons, perpétués à travers les âges jusque dans
notre droi l actu&l.
Pour que le prêteur bénéficiât de tous ces avan tages,
il fallait l>videmment qu' ils lui fu sse nt accordés par une
clause expresse du contrat. Et cependant, il est des textes qu i nous di se nt qu e le prêteur à la grosse qui n'a stipulé aucun e garantie a un privileqùtm; par exempl e la
loi 26 D. de reb. au ct. judic. es t ainsi con çue: « Qui,
in navem extruend am , ve l instruenrlarn , credidit, vel
etiam emendam, privilegium halJet). »Qu'est-ce à dire?
Ce privilegittm doit-il être pris ici da ns son sens usuel,
est-ce simpleme nt un e qualité de la créance dont la nature n'est pas changée ; ou, au co ntrai re, faut-il attribuer
à ce mot un se ns tout particuli er, et décider que nous
sommes en présence a·une hypothèqu e privilégiée ? Celui
qui a prêté de l'arge nt pour réparer, construire, ou ach eter un navire, primera-t-il, par le pri vilège qu e la loi lui
donn e, même les créan ciers hypothécaires; ou bien
simple créan cier chiro graphaire n'aura-l-il que le droit
de venir avant ceux qui sont dans la même catégorie qu e
lui, mais après tous ceux qui on t un e hypothèque, po ur
obten ir le paiement de sa créance? La question est déli cate et controversée.
�~
06 -
-
Oo a dit que ce devait _être un e hypoth èfJu e privilégiée
en se basant sur la loi 1 D. in quib ca us. pign. Ce texte
donne une bypolbèq ue privilégiée au prêteur de deniers
pour la construction ou la répara li on d' un e maiso u, et
par un argument a simili bi en simple, on pense, qu'il
doit être dans un e situ ation analogu&, celui qui a prêté de
l'argent pour co nstruire un navire. Cette argumentation
ne nous paraît pas décisive. Qui ne sa it, eo effet, que la
Rome antiqu e avait d'un e faço n Loule parti cu li ère favorisé la con Lru ction et la réparation des édifices? (}u e de
lois qui nous para i s~ e nt auj ourd'hu i peu raisonnables,
n'o nt pour r:ii on d'être et pour fondem ent que l'embe llissement de la v ill e ~ Ne v.rbs ruùiis de(ormet11r J
Pour ce qui conce rn e les nav ire , les idées romaines
et le défaut absolu de Lextes, interdi sen t à cet égard
tout argu ment d'analogie.
Oo a aussi réfuté !a loi 1 in quib. caus. pign. en disant
que celui qui avait prêté une certaine somme pour construire ou réparer un édifice , n'avait, du re ste, qu' un
simple priv1"/egium exigendi et non pas un e hypothèque
privilégiée.
1
Les auteurs qui veulent que le prêteur pou r la construction ou la réparation d'un navire ai t un e hypothèque
privilégiée on t tro uvé un autre argu ment dans les se nten~es de Paul (v. tit. 12, § 10). " Privilegium fisc i est,
inter omn es credi tores primo ru loco m tenere. >> Et dans
la loi 34 D. de reb . auct. judic. cc Quod quis nav is fabricandre, vel emeodre, vel arm andro, causâ, vel quoqoo
modo crediderit; vel ob navem venditam pela t ; habe t
privilegium post fiscum. » Les créa nces do fisc on Ldit
'
57 -
ces jurisconsulles, priment toutes les autres créances,
el Je prêteur qui nous occupe a, aux termes de la mêm e
loi, un privilège ap rès le fisc, privilegium post fiscum
habet ; on serait donc mal venu à lui refuser une hypothèqu e privil égiée. Pour nous, ces tex tes de Paul el de
.Marcien ne sont pas le moins do monde concluants. Ils
signifient, tout simpl ement, que le fisc est préféré aux
créanci ers chirographaires, que c'est on créancier chirographaire privi légié, et qu'en cas de concours entre les
deux privilèges dn prêteur et du fisc, c'est ce dernier
qui a le premier rang. I! nous paraît donc préférable de
prendre le mot privilegium dans son sens ordinaire, et
de décid er qn'e n l'absence d'un e stipulation de garanti es
le prêteur de deni ers pour construi re, acheter ou réparer
un navi re es t sim plement un créancier chi rographa ire
privilégié .
Si maintenant nous envisageons le nailticum fœnus
au point de vue des acti ons qu' il fait naître, ao ns nous
trouvons en présence de la même co ntroverse que noo
avons constatée en com mença nt, à propos de la natu re
de ce contrat. A notre avis c'est un mutuum, un contrat de droit strict, qui donne li eu à un e condictio certi
ou incerti, suivan t qu e les parties on t stipul é une somme
fixe pour tout le voyage, ou qu' elles ont décidé, au contraire, qu e le q1tantum de intérêts varierait suivant la
durée de la traversée.
Mais avec ce tte condfrtio le paiement qui , aux termes du contrat, devait être fait dans un lieu déterminé
ne pouvait être op éré dans un aulre, ce qui metlait quelquefois le demandeur dans la position désavantageuse
4
�-
58 -
de ne pouvoir se faire payer qu e difficilemeut, ou de
commellre une plm petitio loco par laquell e il étail
absolument et pour toujours déchu de son droi t.
Pour reméd ier à cet in convéni ent, le prêteur institua
l'act1·0 de eo quod certo loco, qui consistait (L. 2, §
8, D. de eo quod cert . Joc.) dans une modification de la
formul e, dans une transformation de la condictio certi
en condictio incert i, et, par suite, rendait im possible la
pl1is petitio lo co, perm ettait au demandeur d'assigner
le défendeur autre part qu'au li eu fixé, et au jugE: de statu er ex œquo et bono.
Tel étai t le but utile de cette ac tion. Cette uti lité disparut :irnc.le système fo rmulaire, puisqu e so us Justi ni en
la plus petitio loco n'a pl os pour effet que de fai re condamn er le demandeur au tripl e du domrrage qn e ca usait
au défen deur Je fait d'ê tre actio nn é autre part qu'au.li eu
fix é dans Je contrat pour efiectn er le paiement \L. 2, S
2, C. de plus pet. ).
Tels sont, ex posés avec les développements qu e l'importance de la matière nous a paru exiger, les prin cipes
qui régissen t le nauticum (œnus chez les Rom.:i ins.
Mais un cas se présentai t fréqu emm ent à Rome. Le
plus souvent Je propriétaire d'u n navire en co nfiai t la
condu ite à son fils ou à so n esclave. Comment alors si,
pou r un motif quelco nque, un emprunt était nécessa ire
pendan t la traversée cet esclave ou ce fils pouvaient -ils
trouver un prêteur à la grosse? Le fils, pas plus que l'esclave, ne pouvait oblige r son père, la représe ntation n'étaitpasadmise, il ne pou vait oblige r qu e sa person ne, c'est·
à-dire le néa nt, car tout ce qu 'il possédait appartenait au
-
t59 -
pater familias. et son pécule même,
~omme
d'argent, à
lui confiée, pour la fai re fru t;tifier, pouvait lui être impn nément enlevée. Les tiers n'auraient donc jamais traité
avec ce préposé qui ne leur offrait que des garanties illusoires, si. le prêteur in tervenant, n' avait pas créé à leur
profit l'action exercitoire à l'étud e de laquelle nous allons
maintenant nous livrer.
�CHAPITRE VII
De l ' action exercitoire.
Nous savons qu'après la conquête Rome eut des rapports fréqu ents avec les nations voisines et que le commerce se développa. Son exten ion fut d'atord un motif
d'effroi pour les partisans des vieilles id ées, et des lois
répressives que Tite Li\·e nous mentionne essayèrent en
"Vain de restreindre so n développemen t. Mais plus puissant que le5 lois le vieux principe de la non représentation arrêtait les novateurs el paralysait les progrès du
commerce. Les Romains n'ad mettaient pas qu' un e personne pût contracter au nom et pour le compte d'une
aatre, sans être ell e-même obligée. C'est ce que nous dit
Troplong dans so n tyl e attrayant en traitan t du mandat.
Le savant an Leur s'ex prime en ces mots : " Sous l'empire du droit primitif de Rome , de ce droit religieux et
aristocratique chargé de formules et de mols sacramentels, la présence matérielle de la person ne était
indispensabl e, il fallait qu'elle com parût ell e-même pour
prononcer les paroles consacrées auxquelles était attachée une vertu obligatoil'e. » Règle admissibl e quand
Rome, petite ville muni cipale avec un e population très
restreinte , était composée d'habitants ignorant le plus
souventl'ècriture. « Rarre per ea tempora litterre eranl.»
-
64 -
( Tite Live) ; d'autant plus que l ~s effets nui ~ibl ~s de la
non représentation étaient allénues par le prin cipe que
les enfants et les esclaves étaient pour le paterfamilias
des instruments d' acquisition ; règle in admissibl e et
vieill ie, au con traire, quand Rome vi t. son territoire
s'étendre et sa population s' accroître. Auss i, peu à peu,
la réaction se produisit. cc Per extraneum possessio
acquiri potest. >> Dans certaines hypothèses même ,
nous so mm es en présence d'une représentation complète; c'est ainsi qu e dans la représentation en j~stice,
le cogn1:tor, à la différence du procurator, represente
comp lètement celui pour lequel il plaide, comme .nous
l'apprend le paragraphe 317 des fragments du Vatican:
« Cognitore enim interven iente, judicati actio domino vel in dominum datur; non alias enim cognitor judicati ex peri etur , vel ei actioni subjici~tur,
quam si in rem suam cog nitor factus sit. Ioterve?1e?te
vero procuratore, jucl ica ti actio ex P,diclo perpetuo 1ps1 et
in ipsum, non domin o et in dominum co.mp~tit. ». .
Et la plus remarquabl6 excep tion à 1ancien pr10c1pe
est, sans contredit, celle qui résulte de l'action exercito ire.
Le commerce maritime ou terrestre n'est, en effet, sérieu sement possible que si le co mmerçan t peut se fai~e
représenter par un ti ers ayant le même crédit que lm.
C'est pourquoi, pour aider au développement commer.
· civi
· ·1' le Préteur
cial en corrigeant la ngueur
du droit
créa, au profil des tiers qui avaient contracté avec le
mandataire du commerçant, une action contre le com.merç.ant lui-même. Celte action s'appelle rnstitoire s' il
�-
6j -
s'agit du commerce t!c'rreslre, exerciloi re s'i l s'agi t du
commerce maritim e. Nous ne nous occuperons que de
cette dernière qui probablement est postérieure en date,
car la loi 4 C. de instit. el exercit. acl. nous dit qu'elle
fol crée ad sim,ilitvdineni institoriœ; la question toutefoi s est co ntroversée à ca use de la loi 7, S 1. D. de
inst. act . qui nous dit: « Compe tet institoria exemplo
exercito rire ac tioni s » el de la loi 13, S 2, eod. tit .
qui tranche une question exempta cxercitorum.
Cette action exercitoire a un e na ture assez curieuse
qu~ les commentateurs ont bi en déterminé en l'appelant
adje ctùi<P qualitati's, c'e t-à- dire, comme nous l'apprend le jurisconsulte Paul dans la loi 5 , § 1. D. de ex .
act. que celui qui a contraclé avec un magis ter navis
pent, ason choix, inten ter un e a<:Lion co ntre ce magister
navù ou contre l' exercitor, so n préposa nt.
La formule de cette action que nous donne Keller nous
montre bien aussi le droit qu'a ce tiers d' agir co ntre le
préposan t de celu i avec qui il a con tracté : ,, Si paret
Tiliurn rnagistrurn Auto Agerio HSXM dare oportere ,
jodex Numerium Negidiurn 6xercitorem AuloHSXi\l condemna. » Si le préposé était un esclave, le même résultat se produisait car on in trodu isait la fiction si liber
esset.
Cette action exercitoire est perpétu elle (L. 4, § 4, D.
de exerc. act.) cc Hre action es perpetuo et heredibus et
in hereùes dabuntur. ,, Mais le tiers qui a le choi x entre
le préposant et Je préposé, ne peut, une foi s ce choix
fait, revenir sur son electio. " Est autem nobis electio
atrum exercito1·em an magistrum conve nire velimus. ,,
-
63 -
(L. 1, § 17, O. de ex. act.).« Et ideo si cum utro eorum
actum est, cum altero agi non polest >> (L. 1, § 24, D.
de ex. act .) . C'es t un e appli cation pure et simple du
principe: electa una via, recursus non datur ad alteram.
Mais on s'est demandé à propos de la durée de l'action
que nou s éludions si le préposé était encore tenu après
que son mandat avait pris fin. La qu estion est controversée. On a invoqué pour so utenir la négative la loi '.20,
D. de instit. act . qui vise l'bypothèse suivan te: Titius
avait un esclave affranchi, Octavius Term in alis, employé
dans une banque; ct:! t affranchi a écrit a un client pour
lui dire qu 'à. un jour déterminé la banque a à lui payer
une certaine somme. On se demantle si après la mort de
Titius, décédé sans héritiers, et après la veule de ses
biens, Terminali s restait ten u : et le jurisconsulte répond
par la négative. Pour nous, nous ne saurions voir là un
véritable institor, il ne s'agit que d'uu sim ple employé
dans un e banqu e, et, en tous cas, nulle part dans les
textes, cette question n' est résolu e pour le magister
navis. No us croyons donc devoir admettre l' application
rigoureuse de la loi 4, § 4, de ex. act. D., corroborée
par la loi 15, D., de inst. act. en ces mots : . « Novissim è s~iendum est, has acliones perpetuo dari, el in
heredem, el hered ibus; » et ne trouvant pas ici de
textes form els en sen::; co ntraire, nous proposons de résoudre affirmativemen t celle question.
L'action qui nous oi;cu pe est donnée au tiers lorsqu'il
fait avec un mag1'ster navis un contrat rentrant dans
les iostr uclious que ce patron a reçues de 1' exercü or·
�-
64 -
Si ce magister est chargé d' exercere navem, 1' exercitor
sera tenu pour le tout. Ulpien nous dit en effet : « in
eom in cujus poteslate is erit, qui navem exercuerit,
judicium dalllr » [L . 1, §19, D. de ex. act.) . S'il n'y a pas
de mandat, il ne peut pas y avoir d'acLion exerci toi re, le
tiers ne pourra agir que par l'action quasi-Lribu toire si
le père ou le maitre a co nnu le commerce du fils ou de
l'esclave, el par l'action de peculio s' il l'a ignoré. << Si
servus non voluntale domini navem exercuerit, si sciente
eo, quasi tributoria, si ignorante, de peculio actio dabitur. ,, (L. 6, D. de ex. act. ).
En on mot, le préposant n'est ob ligé que par les
actes que le préposé a accompli dans l'exercice de ses
fonctions.
Cette règle, si si mple en apparence, est quelquefois
d'un e ap plication ùi ffic ile. On le co mprendra aisément
si l'on remarqu e que clans le co mm er'ce maritime,
péril leux, aléatoire, exigea nt des opérations de longue
durée, il est à peu près imposs ible de donner à l'avance
des inslru ctioos précises, de prévoir Ioules les difficultés
qui peuvent entraver le voyage. Les textes cependant
nous permettent de don ner ici des explications assez
complètes. C'est ainsi qoe nous sommes fondés à décid er
tout d'abord, que le Liers n'au ra pas l'action exerci toi re,
lorsqu'il a co ntracté non pas avec le magister navis,
mais avec les ge ns de l'équ ipage. Qui nautas adhibet
non contrahi cum eis permittit (L. 1, ~ 2, D. de ex.
act.).
Et si nous envisageons la convention fa ite avec le
magister, nous devrons concilier le pri ncipe qu' il ne
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65 -
doit pas excéder ses pouvoirs avec les nécessités commerciales. Le ti ers peut ne pas connaître l'étendue du
mandat donné par l'exercitor, et comme il n'a pas Je
tem ps suffisan t po ur se renseigner à cet égard, nous
déciderons que ce ti ers pourra agir contre l'exercitor
tou tes les foi s qu'il n'y aura pas faute de sa part, même
si Je magùter co ntractant avec lui a excédé ses pouvoirs,
<< nam interd :lm locus, tempos non patitur plenius deliberandi co nsilium 11 (L. 1 pr. D. de ex. act.); et ce
qui corrobore cet_te manière de voir, c'est que, nous Je
savons déjà, le tiers préposé par Je magister nam·s à la
cond uite du navi re (qu i lui aussi s'appelle magister ou
submagùter), même malgré l'exercitor, rend cet exercitor responsab le de ses acres. Il est bien certain cependant, qu e dans cette hypo thèse, il y a mandat outrepassé.
Si nous suppo ons qn'il y ait plusieurs magistri il
fa udra faire des di stin ctions. Si leurs fonctions n'ont pas
été div isées, chacun par ses actes obl igera l'exeràtor; si
elles ont été divisées au con traire, chacun d'eux devra
rester dans les lim ites du manda t qui lni a été donné. Si
enfin (le cas était fréque nt à Rome) aur;trn magister
ne peut con tracter seul, le tiers aura besoin pour pouvoir
action ner l'exercitor que tous les magislri aient concou ru au con trat par leq uel ils se sont engagés (L. 1,
§§ 13 et1 4, D. de. ex. act.).
Les jurisco nsultes se préoccupent tout spécialement
dn cas où le magister a emprunté une somme d'argent.
Qu'en es t-i l dans celte hypo th èse au point de vu e qui
nous occupe? Il fau t ici encore distinguer: si l'emprunt
a été fait en vu e de la mission dont l'emprunteur, le
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66 -
magùter a éLé chargé, par exemp le, pour acheter des
îOiles, pour réparer le navire, l'action exercitoire sera
donnée au prêteur (L. 1, § 8, D. de ex. ac t .). Si, au
contraire, l'empru nt a été fait pour les besoins personnels du magister nav1·s, il faut la lui refuser absolument
(L. •I , § 9, D. de ex. act. ).
Mais que devra faire le prêteur de den iers? Sera-t-il
obligé de contrôler l'emp loi que le magister navis fera
de la somme qu'il lui a prê té ? Non, év id emmen t, car
ce serail exiger qu'i l dirige les opérations lui-même.
Tout ce qu'on pourra exiger de lui c' est qu'il prêle avec
une certaine prudence, par exempl e, il devra se rendre
compte de la situation du magister, exa min er lui-m ême
sj le navire a besoin de répara tion s, et surtout exiger du
patron une déclaration expresse du but de l'emprunt. La
loi 7, pr. D., de ex . act . nous ap prend en ces term es
que s'il ne prête pas à la légère il pourra intenter l'action
exerciloire. u Qna%iturn est, an noCJ aliter Titius exercitoria tenerelur , quam si creditor probaret pecn niam io
refectionem naris esse consnmplam? Responcl it : credilorem utiliter acturum, si cum pecuni a crederetur , navis
in ea causa fuissel, ut re.fici deberet: etenim ut noo
oporlet credi lorem ad hoc adstringi, ut ipse reficiend re
navis curarn suscipiat, et negoti um d0mini ge rat (quod
certè foturum sil, si· nccesse habeat probare, pecuoiam
in refeetionern erngatam esse;) ... . »
En nn mot, pour que le tiers puisse intenter l'action
exercitoire contra l'e.cerr,itor, il fa ut qu' il soit prudent
et de .bon ne foi ; il n'est pas respon sable ensui te si le
magister a employé les deniers prêtés à un autre usage.
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67 '
« Si hà.c lege acceperit, quasi in navem impensurus,
mox mutavit voluntatem teneri exercitorem, imputaturum
sibi, cur talem prceposuerit. >> (L. 1. S9, D. de exact.).
Le préposan t sera:it même engagé par les délits du
magù ter, co mme nous l'avo ns vu plus haut, quoique,
bien évidemm ent, les déli ts ne pu issent trouver place
dans l'idée ùe manùat. Plu sieurs tex tes affirment la responsabilité de l'exercitor à ce point du vue. C'est
d'abord la loi 1, S 10, O. , de ex. act . 1 et ensuite plusieurs lois au Litre de institoria ac l1.one par exemple,
Jes lois o, SS 8 et 9 et 11, § 4., textes qui prévoient d e~
hypothèses cu rieuses, nous montrant quelques usages
particuli ers aux Romain s, mai s don t l'examen nous entrainerait trop loin . Con ten tons-nous de dire avec la
loi l 1, S4.. Dolus prœponenti r~ocere debet , ce qui ,
nous semble-t-il , doit nous dispenser de toute au tre démon stration,
Le mandat du magùter à la différence des autres
mand ats ne cesse pas par la mor t du mandant, mais
seulement par la révocation. cc Sed si pu pi\\ us heres
extileri t ei qui prreposueral, requissimum eri t pupillum
teneri, qu amdiu prœposilus m:rnet ; removendu s enirn
fuit a tutoribus si nollent opera ejus uti » ( L. 1 ! ,
pr. D. , de instit. acl. ); ain si l'ex ige l'intérêt du commerce cc prop ter utilitalem promiscui usus » (L. 17, §
2, D. hoc til .). Le paragraphe 3 de cette loi 17 est aussi
conçu dan s le même sens.
Telles sont les règles de l'action que les ti ers peuvent
intenter contre l'exercitor. Quant aux actions que le
préposa nt p<:: ut avoi r ù intenter contre les tiers, point
�-
68 -
n'était besoin de créer aussi une aclion dérogeant aux
principes fondamentaux du droit romain. Si le magister
était un fils ou un esclave, le père ou le maître acquérait
directement les actions nées en sa personn e. Si c·était
un homme libre, ou le fils ou l'esclave d'autrui, le préposant obtenant la cession d'actions, aura l'action mandati ou l' action lvca.ti, suivant que les services auront
élé rendus à titre gratuit ou à litre onéreux . .Mais cette
action oblique était i1tulile à l'exeràtor en cas d'iosol vab iliLé du préposé et de son maître, et tonte cession
d'action devenait impossibl e par leu r mort sans héritiers.
L'action directe lui aurait été plus avantageuse. Dan s
quelques cas exceptionnels on la lui donna. Cela avait
lieu dans un but d'utilité publique, par exemple, pour
assurer les approvisionnements de Rome. « Soient
plaoè prre fecli propler mioi sterium anuonre, item in pro·
vinciis prresides provinciarum, e:xtrà ordi nem eos juvare
ex contractu ma gistrorum .>) L. 1, § 18, D. de ex. act.
Il en était ainsi, mais seulement cognita causa, quand
l'insolvabilité du préposé rendait tout reco urs illusoire
contre lui.
.Mais les Romains sont-ils allés plus loin? Ont-ils fait
disparaître complètement la vieille théorie du droit quiritaire de la non représe ntation? C'est là un e grosse et
délicate question. Elle doit, suivant nous, être résolu e de
la façon suivante. Jamais la représentation n'a été admise
avec l'étendu e ;u'ell e a dans nos lois modernes; toujours
le mandataire et le mandant ont pu être poursuivis tous
deux au choix des Liers, toujours le mandataire a pu se
servir des actions nées dans sa personne, tant qu'ell es
-Mn' ont pas été exercées par le mandant, toujours enfin il
a eu une personnalité di stincte de celle du mandant.
Mais par l'introduction des actions util es le mandant a
pu directem ent agir contre les tiers. Les Romains ont
peu a peu étendu et développé celle idée, née avec des
réserves à propos de l'action exercitoire, à tous les au tres
contrats. Un grand nombre de textes du Digeste nous en
fournissent une preuve si évidente qu'il ne nous paraît
pas nécessaire d'entrer dans la discussion. La loi 5'. D.
de stipul prœt ., nous dit par exemple 11 In o~n1bus
prretoriis stipulationibus hoc serv:rndum est, u.t' s1 ~ro
curator stipul etur, mihi cognita causa ex ea st1pulallone
actio corn petit. ,,
Sont conçues dans le même sens les lois 1, in fin e D.,
de 1'nst. act . - 13, § 25. D. de act . empt. - 31,
pr. D., de negot gest. - 10, § 5, D. , mandati vel
contrà. - 5 et 6, C. de inst. et exerc. act.
Désormai s , un préposant pourra agir directement
contre les ti ers qui ont traité avec son préposé, un maître
qui a fait vendre sa chose par un procurator aura c~ntre
\'achetenr un e action utile ex r.mpto ... Ce ne sont la que
des exemples qu' il fant générali ser . Le préteur, la coutume, \' utilité évidente, ont attaqné jusqu e dans son
essence le vieux prin('. ipe, qui ne vit plus que par le
·
respect que les Romains ont tOUJours
mon tre· pour leur
droit primitif et pour les premières institutions de leurs
ancêtres.
�- 7·1 -
CHAPITRE VIU
Des assurances. -Etaient-elles connues des Romains?
Après avoir examiné le prêt à la grosse et l'action exercitoire, il est tout naturel d'envisager le contrat d'assurance
maritime. C'est qu'en effet, si on analyse le nat1ticum
/œnus et l'assurance, on trou ve entre ces deux con trats
une ressemblance frapp ante. Ce sont; comme on l'a dit
(Emérigon) deux frères jumeaux, et les commentateur~
n'ont jamais étudié l'un en laissant l'autre absolument
de côté.
Le nautfrum (œnus renferme, à n'en pas douter, un e
assurance, déguisée, il est vrai, disparaissant en quelque
sorte derrière un mutuum, mais une assurance parfaite
cependant, avec des risques maritimes, avec un e prime,
avec toutes les conditions que nous requ érons. aujourd'hui pour l'existence de ce contral.
Dans le prêt à la grosse, en effet, que fait le prêteûr ?
En allant au fonds des choses personn e ne pourra ni er
les affirmations sui van tes. Il prêle de l'a rcre nt à un ti ers
avec l'intérêt légal ordin ai re, ce ti ers achi:>ète avec cet argen~ d~s marchandises qu'il soum et aux ri sques de la
nav1gat10n, ces risques sont par la conve ntion mis à la
ch~rge du prêteur, qui, comm e compensation, comme
prime, e-xige une certaine somme, ontre l ' inté r~t ordi-
naire; c'est-à-dire, en d'autres termes, que le prêteur
assurl-3 des marchandises achetées avec son argent.
Mais de là à l'assurance proprement dite il y a loin.
L'assurance renfermée dans le nauticum /œnus , n'était pas un contrat à part, principal, ayan t des règles distin ctes; et la question que nous devons trancher ici,
question su r laqu ell e, vu son importance, nous devon s
donn er d'ampl es renseignements, est celle de savoir si
les Romains ont vu cette nature complexe du nauticum
fœn·us, en ont dégagé le contrat d'assurance, et si ensuite l'envisageant separément ils l'ont pratiquement et
théoriqu ement étudi é.
Au premi er ahord, sa ns en trer dans la controverse ,
nous devons reco nn aître qu 'il y a un e forte présomption
morale pour ne pas \'admettre. Comment supposer, en
efTet, qu e les Romains aien t con nu l'assuran ce? Comment se peut-il que ce contrat, qui devait évid emm ent se
développer au moins à l'égal du naiiticu.m fœnus , n'ait
lai ssé aucun vestige de son apparition dans les monu- menls de leur droit? Comm ent admettre que les jurisconsultes le connaissaient qu :ind ~ ls n's ont pas consacré
une senl e de leurs réflexions, quand ils n'y ont pas fait
la moindre allusion dan s leurs écrits, et quand dans tous
les textes du Digeste ou du Code nous ne voyons sur
cette co nventio n aucun e des diffi cultés pratiques qui en
font auj ourd'hu i pour les co mm entateurs une étud e parti culi èrement ingrate et difficile? Cicéron tout au moins
en aurait parlé, et dans ces ouvrages nous cherchons en
vain.
Cependant la question est, et surtout a été l'objet
�-
72 -
d'une vive controverse . Nous allons nous attacher à réfoler les arguments émis par ceux qui veulent admellre
qu e l'assuran ce était à Rom e con nu e et praliquée. (Loccenius. De jure maritimo. - Grotius. De jure pacis et
belli. - Pufiendorf. Du droit de la nature et des
gens. Pardess us et d'autres encore).
Un premier argument est que dans un grand nombre
de contrats du droit romain on voit se manifester une
assurance. C'est ainsi que , par une convention, les risqu es daos la vente seront à la charge du vend eur, dans le
dépôt à la charge du dépositaire, dans le prêt, dans le gage,
à la charge de l'emp runteur ou du créancier gagiste;
dans la société même un associé peut être affranchi des
risques.
On ne peut nier que ces déplacements des ri sques
aient été fort en usage il Rome, mais 011 a tort, suivant
nous, d'y voir une ass urance. Ici, en effet, nous n'avons
pas un contrat spécial , principal, unique, mais seulement
l'accessoire d'un autre co ntrat, de plus la prime fait défaut, enfin les risques dont il s'agit ne sont pas des risques maritimes, et pour que notre co ntrat ex iste, il faut
précisément la réunion de ces troi s condi tions dont aucune ne se trouve dan s ce déplacement des ri sques.
Ce n'est donc pas dans ces co ntrats qu'il fa ut chercher
l'assurance. Nos adversaires ont alors invoqué la loi 67,
pr. D. De verbor. obligat. ainsi co nçue: « Ill a stipul atio :
decem milia salva fore spondes, valet. u .Mais on peut
soutenir que cette loi ne vise que le ca utionn ement, puisqu'elle se trouve placée au milieu de textes qui s'occupent de cette question; il est loin d'ê tre assez précis pour
- 73 u'on soil fondé à y voir un ~ ::issurance, et alors même
nous démontrerait (ce qui nous semble
quïl s'agit dans ce fragment d'un ùéplacement de ~1s
qu es marilimes, nous ne serions pas pour cela conv~in
cns, car nous ne trouvon s pas de prime, de pretium
~u'on
diffici~e)
periculi.
Alors, abandonnant les tex lesjuridiques (circonstance
qui démontre déjà le peu de fond ement de l'opinion contraire), les jurisconsulles qui ne profe~se nt pas notre
théorie vont puiser dans les textes classiques des arguments qui ne so nt guère pins probants.
lis invoquen t, en premier li eu, un passage des lellres
de Cicéron ainsi conçu: « Laodicere me prœdes accepturum arbilror omnis pecunire public::e, uL el mihi el popu lo
caulum sit sin e vec lurre peri cu lo (ad familiares lib. JI,
ep. 17). Mais ces prœde.~ sont-ils bi en des assureurs ?
Rien n'est moins ce rtain, et la pre uve c'est qne ce texte
sert d'aranm ent puissa nt à cenx qu i cherchent dans l' antiquité l'~riginc de la lettre de change. C'est dans ce sens
qu e l'ont interp rété Hei neccius el Barbeyrac.
Pour nous, ces prœdes nous paraissent être des en.
a· trans mellre au trésor de
trepreneurs qu i s'e ngageaient
. perçus par J e~::. proconsuls dans
Rom e les deni ers publics
. 1ement da ns ce pass3oe
. s1mp
" des
les provin ces. Il s,agit
c:.por t auque l esL
.
leLLres de Ci cé ron d, nn co ntrat de l ran_
quo1ais,
M
ric:.ques.
de
.
un d.ep1ac ement
venu s.ajouter
qu'il en soit, on ne peu l fonrl er toute un e Lh é.ori ~ sur un
a ussi co nlrad 1cto1res.
·
.
tex te qui snp portc des versions
C'est ensuite Tite Live qu'on met à conlribul1on , on
s'empare de deux passages de ses œuvres qui so nt co nçus
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�- 74en ces ter~es: « Ut qure in naves imposuissent ab hostium tempestatisque vi, pub lico periculo essent. - Lib.
23, cap . 49 » el cc Publicum peri culom erat a vi tempestatis in iis qure pol'lab:i ntur ad exe rcitus. u Mais il ne
s'agit dans ces deux textes qu e d'entrepre neurs: qui devaieul fournir par mer des vivres aux armées à b condition que la Républ i,1oe se cbargerai t de tous les risques
de capture el de tempête.
Dira-t-on que l'Etat esl ici assureur? Alors même
qu'on pourrait le sou tenir il est é\'id enl que nous ne sommes pas en présence d'un contrat ordinaire, mais bien
d' une conrention tout à fait excep ti onn elle que l'Etat
passa avec des entrep rene urs pour va in cre plus facilement l'ennem i et pour avoir les subsistances nécessaires
à l'entreti en des troupes.
Mais même dans ce contrat tout à fait isolé, on ne
doit pas voir un e assuro.nce prop rement dit e. C'est un
simple contrat de tran spo rt auquel est venu se greJJer
une clause accesso ire qui ressemble à une assu rance, et
même celle ressemb lance est loin d'être parfai te, pu isque
le tex te ne nous parle pas de prime.
Reste enfin un passage de Suétone (Vila Claudi i, cap.
18), qui dit : « Nego lialoribus certa lucra proposait,
suscepto in se damn o, si cui qu id per tempestates accidisset, et oa\•es me1·calurce causâ fabricanlibus magna
commoda coostituit. » Mais ici encore nou s cherchons
vainement un e prim e, élément essenti el à l'assurance#
I l est, oo le voit tém éraire de so utenir que les Romains
connaissaient l'assurance comme nous la connaissons,
et il nous paraît préférable d'avouer, fante d'argumen ts,
-
75 -
que ces jurisconsultes si remarquables, dont les théories
on t été, en grande partie, adop tées presque intactes par
la pln parl des législations modernes, n'avaien t pas su extraire de leur nauticum (œnus les principes du con trat
d'assurance, ne s' étaient pas rendus un com pte exact du
caractère complexe de leur prêt à la grosse, et n'ont jamais créé acôté de lui ce con tra t qui depuis a si puissamment d~veloppé le comC!lerce extérieur.
�-
CHAPITRE IX
Du jet et de la contribution.
Cette matière importante a été empruntée à la loi
rbodienne, sur laqu elle on a publié de nombreux commentaires, et même, su ivan l quelques jurisconsultes,
les buit premières lois du titre De le_ge Rhodia de j actu
sont la transcrip Lion presque litl érale du vieux document
qui, probablement, n'a jamais été prom ulgué, n'a jamais
fait l'objet d'un pl ébiscite, mais s'est introdu it à Rome
sous forme de Lex non script a, ; s'il en était en elîel
autrement , la loi porterait le nom du co nsu l sous lequel
elle aurait été votée. C'es t ce Li tre du Diges te qui va nous
permettre de donner des développem ents assez circonstanciés 5ur la législation maritim B des Rom ain s à propos
du jet el de la contributi on.
En cas de dan ger pressant, et pour sauver les marchandises 1:: t le navire d'un naufrage certain, on jetait à
la mer les objets les plus lourds et les plus encombrants.
Tous les intéressés, sans di stir.ction, devai ent co ntri buer
à ce sacrifi ce fait dans l'intérêt co mmun , et participer à
la perle.
La loi rhodienne, loi de sacrifice et d'équité, fixe les
cas dans lesq uels le jet aura li eu dan s l'intérêt de tous, et
en même temps elle détermine dans ·qu ell e proportion et
77-
par qui le dommage dev ra être réparé. cc Lege rhodia
cavetur, ut si levandro navis grati à. jactus mercillm factus
es t, omnium con tributione sarciatur, quod pro omnibus
datum est. »
Celle loi envisage non seulement le jet, mais encore
tous les domm ages arrivés par fortune de mer, elle
s'occupe non sen lemenl J es marchandises jetées, mais
encore des marchandi ses rach1:: tées ou avariées, des mâts
brisés, des voiles déchirées, du navire end ommagé . . .
Elle nous paraî t co ntenir en germe les premiers principes des assurances mutu elles.
Examinons tout d'abord la mati ère du jet. Les lois 1,
2, 3, 4 à notre titre, nous appren nent qu e pour que Io jet
pût être opéré, el que le propriétaire de l'obj et !'acrifié ne
pût aroir d'actions co ntre celui qui disposait ainsi de sa
chose, il fallait un e juste cause. Ce jet. en ellet, n'était
autorisé qu' en cas de nécessité absolue, nécessité attestée
par une délib érati on préalable i'.. laquelle on procédait
touj ours, sa ur en cas de péril imminent, de danger de
nature a impress ionn er un e~p rit raisonnable.
On assimil ait au jet le fait de placer des marchandises
sur une chaloupe pour alléger le navire. On assimilait
aussi au jet l'abandon de tout ou partie des marchandi ses de l'un des chargeurs, quand cet abandpn avait
pour but de racheter le navi re pris par des pirates.
Les jnrisco nsultes romains el surtout les interprètes
des tex tes qu'ils nous ont laissés on t longuement examiné
la question de savo ir si le jet des esclaves était permis à
Rome; Cujas se basant sur ce qu e la loi 2, § 5, h. t., dit
u qui in mare perierunt » décid e que le jet des es-
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78 -
claves était défendo fi Rome. Celle loi, en effet, ne parait
viser qoe la perte des escl aves tombés à la mer par accident. Tel est au ssi l'avis de Vinnius et de Pardessus.
Il nous paraît intéressa nt et ut!le à la foi s d'avoir
recours à l'histoire pour résoudre ce lle difficulté. Il nous
parait impossibl e d'admettre qu 'on n'eùt pas fa cilement
sacrifié des esclaves pour sauver des homm es libres d'un
naufragtl certain à l'é poque où l'esclave étai t considéré
comme une chose, comme une machin e animée (!!J.'} uxov
opyavov) pour nous servir des expressio ns d'Aristote. A
cette époqu e, en effet, on faisail peu ùe cas de la Yie de
l'esclare, qu'o n faisait co mballre con tre les bêtes féroces, qu' on pouvait impunément tu er, qui n'avai t pas le
droit de consen er des mœurs honnêtes en présence
<l'un capri ce du maître et qu 'un Védius Poli ion jetait en
pâture à ses murènes. C'est au poi nt que Cicéron luimême (de Of!ic . lib. m, c11 p. 23) se demand e si on doit
jeter à la mer un cheval plutôt qn 'un esclave, et il
répond, il es t vrai, qu e l'hum anité dicte une solution, si
l'intérêt en com mande un e autre.
i\tais lo rsqu'on publia le Digeste (décem bre 533 après
J.-C.) ce droit primitif et cruel en ce qui con cern e les
esclaves s' étai t transfo rmé. Ltl chri stianisme et des idées
t~·~tes n o~vell es avaient depu is longtemps fa it leu r appar1t1on ; le Jet des esclaves n'était pl us permi s. Sous l'influ ence de ces mœurs, la co nditi on des esclaves s'amélio~e, les a1Iranchi sse rnen1s se multi plien t ; on pu nit des
pern es les plus sévères ceux qui sans motif tuent ces
personnes qui doivent être regardées désormais co mme
d_es serviteurs, et certainem ent le Digeste n'a pas vou lu,
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par un retour bizarre vers le droit primitif, autoriser te
jet de l'esclave, d'où nous pensons qu'il faut conclure
que c'est avec intention qu e le jurisconsulte a di t: u qui
in mare pcrie runt u et non pas '' qui jactura perierunt » .
Les chargeurs dont les marchandises sont jetées ne
perd ent pas pour cela leur dro it de prop riété su r ces
obj ets. Les règles étant ici les mêmes qu' en ce qui concern e les naufrages nous en renvoyo ns l'exposé au chapitre su ivan t.
Si la loi rhodienne est une loi de sacri fice en autorisant
Je jet, c' est aussi une loi d'équi té en forçant les propriétaires des marchandises sauvées de con tribuer au sacrifice. L'examen de celte con tribution étant assez délicat
nous exami nerons, pour éviter autant que possible une
co nfusion fâcheuse , les trois queslions suivantes :
1° qu elle3 son t les choses dont le sacrifice donne lieu à
co ntri bution; 2° qui doit payer la contribution et sur
quoi ell e s'exerce; 3° par quelles actions on force à la
contribution les propriétaires des marchand ises sauvées .
1• Pou r qu els sacrifices a li eu la contribu tion?- Il est
des pertes qu i doivent entrer en contri bution, il en est
d'autres qu i doivent être su pp ortées exclusivement par le
propriétaire. Pour qu e la contribu tion ait lieu, en cfiet,
nous savons qu'il faut que le sacrifice soit volon taire, et
soi t fait en vu e de sauver le navire et la cargaison.
La loi 3, § 3, à notre litre, mont re clairement cette
disti ncti on : << Si nav is a pir atis rcdempta sit, Servius,
Offilius, Labeo, omn es conferre debere aiunt. Quod vero
prredones abstuleri nt, euro perdere cujus fu erint, nec
conferendum ei qui suas merces redemerit. n
�-
80-
Pourquoi ces deux solutions? Pourquoi cette di1Térence enlre lè pirate el le voleur ? C'est que les hypothèses ne sont pas les mêmes. Dans le premi er cas, Je
bien de tous e l en péril , et c'es t ponr le bien commun
qn' uoe parti e de la marchandise a été sacrifiée à titre de
rançon ; les cond itions ex igées par la loi rhodienn e pour
que la contribution ail li eu sont ici réuni es. cc Omnium
contributiooe sarciatur quod pro omnibus datnm est. ,,
Dans le seco nd cas, au contraire, il ne s'agit que d'un
fait isolé, d'un accident qui n'a procuré aucun bénéfi ce
aux autres chargeurs, qui s'est prod uit sine volunt ate
vci;torum; on n'y tro uve pas l'idée de sacrifit:e fa it pour
le salut comm un, et, touj ours d'après le pri ncipe posé
dans la loi 1, il es t rati onnel et logique de décide r qu'il
n'y a pas lieu à co ntribution.
Les avaries sim ples ou particuli ères, les do mmages
occasionnés par fortun e de mer, ta prise de qu elq ues
marchandises par les pirates, ta détérioration par le vice
propre de la chose, n'entraînent Jonc Jamais la co ntri buti on (L. 4, L. 5, h. t .), parce que d:i ns tous ces cas
l'intention de sacrifier fa it défaut (L. 2, h. t.).
.Mais, par contre, la contribution sera due, non senlemeot pour les marchandises jetées, mais encore pour
les détériorations que ce jet peut avoir ca usées au navir e
et aux marchandises. cc Cum autem jactas de nare factus est, et alit:ujus res qure in navi remanse runt, deteriores fa ctœ su ot. .. 11 (L. 4, S 2, h. t. ). Pour le navire
la règle est la même, s'il est end ommagé par te jet, la
contribution sera due, elle oe le sera pas, au contraire,
pour les détériorations qu'il aura subies par suite d'une
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81 -
marche forcée, par l'effet naturel du transport, ou à
cause de l'obligation qu e le patron a co ntractée de rendre
la marchandise à. destin ation en bon étal : « si co nservatis mercibns cl eter!or facta sil navis, aut si qu id exarmaverit nutta faciendum est coll atio .. . » (L. 2, § 1).
2· Qui doit payer ta co ntributi on et sur qu ell es choses
elle s'exerce? - Paul da ns la loi 2, § 2, à notre titre,
mentionne un e hyp olh ëse où plu sieu rs qu esti ons sont
soumises à J'int erprétnti on du jnrisco nsu lle. Nous n'examinerons que celt es qui ont trai t h la con tri bution. Vo ici
Je cas: Sur un même n.'.lrire pl usieurs marchands ava ient
chargé diITérentcs espèces de marchandises, il y avait
même parmi les passagers des hommes li bres et des
. esclaves. Une tempête s'é tant élevée, il fut nécessa ire do
jeter les marchandises à la mer . Dans ces circonstances
le jurisconsulte se pose ces questions: les homm es libres
devront-ils la co ntributi on co mme les esclaves? Les propriétaires des pertes et de::; bijoux qni ne pèse nt pas, des
habits, des ann ea ux ù'o r, des vi vres se ront-il s tous ind istinctement tenns proportion nell ement a la valeur de ces
objets? Le meill eu r gu ide à. suiv re pour trancher ces
difficultés nous paraît être le principe placé en tète de la
toi rhodi énn e et qu i peut se formu ler ainsi : Toute personne qui retire un a,·a ntage du dommage volontairement
souffert par autrui con trib uara :\réparer celle perle pour
une part pro porti onn ell e an bénéfice matéri ellemen t
apprécié qu 'elle a pu en retirer. D'après c.e principe, il
n'y a pas li eu de se dema nd er si le navi re et la cargaison
oot été mis en péril par les marchandises les plu::; lourdes, mais it faut simplement considérer le service que
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82 -
chacun a reliré de la conservation du navire et de la
carga ison, car la contributio n est le montant cle l'indernnilû due pour ce servi ce. Cela posé, nous déciderons
tout naturellem ent qu e l' indem nité sera duc par les
prupri étaires des perles, des bijou x, des habits, des
an neaux d'or, parce qu'i ls avaient in té rêt à la co nse rvation de ces choses, qui so nt, du reste, parfai tement
estimables e.n argent. Les homm es libres ne devront
rien, car, suivant les idées romai nes, la vie humaine
n'es! pas app réc i:ible à prix d'argent; par con tre, les
esclares dont la rie peut certai nement s'esti mer dev ront
con tri buer proportion nell ement à leur val eu r. Le navire
con tribuera lui aussi parce que son propriéta ire a un
in térêt ma tériel à le sauver. Quan l aux vivres, les jurisconsultes déciden t que leu r propriétaire n'aura rien à
payer, car il s so nt destinés à. nourrir l'éq uipage. s'ils
manqu ent, on les met en co mmun, ce qui fait co ntri buer
en quelque so rte leu r propriétaire, et il serai t é\'idemmenl injnsle de lui faire su bir pour une même chose
une doub le con tribution.
La loi 4 pr. eod lit. exa min e une autre hypothèse:
Un nav ire trop lourdement chargé ne peut entrer dans
un port ou remon ter un fl enve, pour l'alléger on hasarde
les marchandises su r un e barque et le navire peut jeter
l'ancre à l'ab ri du danger ; mais la barque somb re et les
marchandises dont elle était chargée périsse nt avec elle.
Les prop riétaires des marchandises restées su r le navire
devron t-i ls con tribu er à la perle des marchandises de la
chaloupe ? Callislrate et Sabin us répond ent affirma livement; mais, dans le cas coo traire, c'es t-à-dire, si le
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navire a péri avec toute la ca rgaison et que les marchandises placées sur la chaloupe aient été sauvées, ils pensent qne la co nlributï'on ne sera pas due par les propri étaires de ces dt!rnières marchandi ses.
Celle disti nction est juridique et conforme aux principes.
Dans le premi er cas, en effet, les chargeurs et l'équi page ont aven turé certaines marc.handises su r une chaloupe, les sou mettant ain si à une perte presque certaine
pour sa uver le navire; la chaloupe a effeclivement sombré, la con tribu lion e t due. Ce cas rentre directement
dans la règle posée par là loi 1.
Dans la seconde hypot hèse, au con trai re (la chaloupe
est sa uve, m:iis le nav ire a péri), Callislrate est d'avis
qu e les propri étaires des marchandises saurées ne devron t pas la co ntributi on. Le jurisconsulte se fonde avec
raison su r ce qu e l'indemnité n'est du e que si le navire
est conse rvé par le jet. On ne peut guère soutenir que
cette manière de voi r ne soi t pas co nforme au droit. En
effet, si le navire a péri malgré le jet, à bien plus forte
raison eût-i l so mbré si le jet n'ava it pas eu lieu; de plus
les marchandises dn navire n'ont pas péri pour sauver
celles de la chaloupe c l on ne peut pas dire avec la loi 1:
cc omn ium co ntributione sarciatur quod pro omnibus
daLum est. »
Mais celle situation qni nous paraît parfaitement juridique es t-ell e bien équitaù le? Celte qu estion est assez
dou teuse. Dans un sens, en c!Te t, pour soutenir qu'elle
n'est pas équitable, on peut dire que, qu'il y ait perte du
nav ire ou de la chaloupe les propriétaires des marchan-
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84 -
dises qui sont sur le navire subissent une perte, taudi s
que ceux des marchandises placée~ sur la chaloupe ne
supporteronl un dommage qn e si la chaloupe so mbre en
même temps que le na1•irc. La siteation entre ces deux
classes de propr!étair('S n'est pas égale, la loi es l don c ici
injuste.
Il nous se mble qu'on peut opposer à celle argumentation la réfl ex ion sui\•a nte. L'hypothèse où le nav ire péri~sa nt la barque sera saure es t fort rare, car la chalonpc
somb re plus faci lement que le naçire; et, au cas le plus
fréquent où la chaloupe aura péri et où le navire sera
heu reusement arrivé à des tination, la val eu r des marchandises chargées su r la chaloupe sera remboursée au
prix coûtant, el non pas d'après la raleu r qu' ell es auraient
eu au lieu de destinJtion; le plus so uvent donc, dans la
réali té des faits , les propriétaires de ces dernil'res marchandises subiron t une perte. Ce résnllal déf:ivo rabl e
nous paraît co mpenser d'une fa ço n SL1ffisante la si tuation
avautage use qui leur es t fo ite dans un e hypot hèse tout à
fait except ionn elle. Si le navire et la chaloupe périsssen t,
personne évidemm ent ne Joit contri buer. Les marchandises retrouvées pa ient la co ntri butio n, déduction fa ite
des dépenses qu'on a fa ites pour les recouvrer (L. 4, ~ 1,
h . t.).
Qu 'en sera-t-il pour le propriétaire de la chaloupe qui
au ra somb ré? A ce l égard il faut di Linguer : si la chaloupe appartient au propriétaire du na\• ire on lui devra
une indem nité, car le droit ro main, nous l'avons vu,
traite la chaloupe comme un agrès el IJ. co nsidère co mme
un accessoi re du navire. « Cum arbor aut aliud navis
._
8~
-
instrumentum (v. g. scapha) , removendi commun1s
periculi causa, dejectum est, contributio debetur. )) Si
la barque apparti ent à un tiers il faut sous-distinguer.
A·t-on loué la bal'qu e sans les servi ces du . patron? les
chargeurs en doivent le prix. A-t-on loué, au contraire,
la barque el les services à la fois ? On ne doit malgré la
perte que le loyer s tipul~. u Si fabe1· incudem ant malle.um fregerit non impulare lur ci qui locaverit opus.,,
Dans le cas où sur le même navire on a chargé des
march andi ses pour pl usieurs desti nations, il faut appliquer les mêmes principes et dêcider que la contribution
est due par tous ceux dont les marchandises sont su r le
navire au mom ent du jet ; car le s:icri fice esl fait dans
leur in térN.
Voyons à présent comment s'exe rce la contribution.
Le princi pe es t faci le (L. 2, § 4, h. t. ). La co ntribution doit s'exerce r en tenant compte au propriétaire des
cl10$es sacrifiées du prix qu 'ell es lui ont coùté, el, en
est iman t, au contrai re, les choses sau vées d'après leur
valeur au lieu d'ar rivée. On frappe ainsi les choses sauvées d'uue contribution proportionne lle à lïotérêl matériel qu'ell es représentent.
Ce principr, si simple en apparence, est souvent fort
difficile à app liquer, el la qu r.stion la plus obscure qui se
pose à ce suj et, est, sans co ntred it, celle de savoi1· si les
marcl11ndises sacrifiées doivent co::itribu er.
Si elles ne contribue nt p~s les propriétaires des marchandises sauvées su ppol'leronl seu ls la perle, ce qui
semble bien ini que . Les jorisco nsulles romains nous
paraissent cependant professer celle opinion et le célèbre
�-
86 -
Cujas (Liv. 34 ad Paul. ed1.ct . ad § si navù) s'exprime à peu près en ces term es après avoir adopté Jeor
théorie : « On peut en effet justifier la soluti on de la loi
car, d'après les textes, la contribution n'es t du e que par'
les choses qui ont été conserréos sain es et sa uves (Accurse et un certain nombre d'auteurs ne partagent pas
r.elle opinion), d'où il résulte que la charge de la contribution pèse en proportion des cl10s-es sauvées. On ne
doit pas faire contribu er pour la plus minime part le
chargeur qui a vu jeter à la mer tout ce qu'il avait chargé
sur le navire; mais si on n'avaitjelé qu'un e partie de ses
marchandises, l'autre parti e aya nt été conservée, il devrait
pour celte dernière parti e venir en contribution avec les
~alres . Mais si on a jeté tout ce qui lui appartient pour
sauver le navire et les marchandises des autres chargeurs
et qu'on les ait sauvées, il n'est pas juste qu'il souffre
aucun dommagP,, le S cum in eadern nou s apprend, en
effet, que l'indemnité n'est du e qu e par les choses sauvées. Cè que nou s arons dit au comm encement de celte
loi , touchant la perle qui devrait être répa~tie proportionn ellement et en commun, n'e~ t pas en co ntrad iction
avec l'opi nion que nous émettons maint enant, attendu
que l'on doit interpréter ainsi ses tt\rm es: « La perle doit
être mise en co mmun et partagée pro;-iortio nnell ement
seulement entre ceux qui ont eu le bénéfi ce de conserver
lears marchandises sain es et sau ves par suite du jet. »
Qaelle qu e soit l'opinion qu'o n adopte sur celle délicate question, on peut rencontrer l'injustice parce que
les choses jetées sont eslimées au pri x d'achat, et quo
pour l'évaluation des autres on tient comp Le de la plus
value au lieu de desli nation.
- 87 Pour être parfaitement équ itable le législateur romai n
aurait dù, -comm e l'a fait le législateur français dans
l'article 417, C. corn . adopter nn e mr~ m e base dans l'évalu ation de tontes les marchan di ses. En général, cependant, le système romain ne vio lera pas l' équi té , car, les
marchand ises sac rifiées n'étant payées qn'au prix qu'elles
ont coû té la som me pou r laq uelle elles devraient con tribuer se ra amplemen t co mpensée par la plus value des
autres. Nous ne po uvo ns cependan t nous empêcher de
blàmer à ce poin t de vue la législa tion romaine qui fait
dépen dre dn fa it essentiel lemen t variable les principes
rigou reox et imm uables du droi t qu'elle adopte.
Qua nt aux marchandises détériorées par le jet, il faut
avec la lo i 4. faire une distinctio n. Si le dommage est
produi t par le jet (v. g. si les marchandises abritées ont
été mises à déco nverl et détériorées par l'eau de mer), la
contrib ution ne sera dne qu'en proporti on de la valeu r
qu'elles on t conservée. Si la dépréciation est due à la
fa ute du propriétaire (v. g. s' il a laissé les marchaoùises
dans un endroi t du navire où l' eau pouvait entrer), elles
con tribueron t pour la valeu r Lo Laie qu'ell es au raient eu,
si ell es n'avaient pas élè an riécs.
_
D'a près la lo i 2, on pou rrai t croi re qu'on ne doit
jamais estimer les choses qn c pou r la valeur qui leur
reste. « Por lio au tem pro resli ma tiooe rerum qua:! salvre
son t. u Mais l'esprit de la loi ne nous permet pas
d'adop ter ce point de vue , la fanle de l'u n ne doit pas
nuire aux autres, et la chose dété riorée par la faute de
son propriétaire do it contribuer comme si elle élail
intacte.
�-
88 -
Le propriétaire Ju navire devra l'indemnité d'après
la valeur de son navire, y compris Lous les agrf>..s et accessoires, maii:; non compris le fret, qui n'est pas un accessoire, qui n'est pas calculé dans la valeur du navire, qui
n'est que la représenta tion du paiement des services
du patron, des loyers des matelots, de l'usure du navire, etc.
3° Par quelles actions les intéressés peuvent-i ls obtenir
la contribution? ~ou s n'indiqu erons que les principes
généraux qui régissent Il matière, car les détails nous
ferai ent un peu perdre de \'ue les question s maritimes et
sortir du cadre de noire étu de.
Les propriétaires des marchandises sacrifiées en cas
d' un loyer pour le transport se feront indemn iser de
leurs perles par l'acti on loca ti (L. L. 11, S 3, 13,
SS 1 el 2, D., lo cal. co nd. ), qu 'ils inten teron t contre
le patron du navire qui, à son tour, forcera les propriétaires des marchandise5 sa uvées au moyen dcl l'action
conducti de réparer le préjndice subi par ceux à qui
appartenaient les marchandises sacrifiées ou avari ées.
Cette do uble ac ti on est nécessaire. Une acti on directe
de la part des prop riétaires des objets sacrifiés co ntre les
autres est impossibl e parce qu'aucun contrat n'est intervenu entre ces deux ca tégo ries de perso nn es . C'est en
vain qu'on voudrait intenter l'actio n nP-go tion11n gestorum, car le jet, consen ti par Lous, a élé conn u de ceux
même au préjudice desqu els il étai t fait (L. GO . D. de
1·egul. j u1-.) . C'est en vain aussi qu' on agira it pa1· l'action ùe mandat, parce qu e, bien évidemment, ceux qui
réclament la réparation de la lésion q u'ilsont subie, n'ont
89 -
donné à personne un mandat qui aurait pour bot de
leur causer un préjudice.
Si maintenant les passagers n'avaient pas de bagages,
le palron agirait contre eux, non par l'action conducti
mais par l'action loca,ti, parce que ayant loué un e certaine place dans le nav ire, ils sont 8evenus conductores.
Si le patron avait accepté les marchandises, ou les personnes gratuitement , il arriverai t à obtenir d'eux la
contribution au moyen d'une action in factum.
Enfin s'il y avait doute sur la nature du contrat ceux
qui auraient donné à transpo~Ler. pourr~ i ent intenter
contre Je patron l'acti <1n prœscnplis verbts (L. i, § 1,
D., deprœscr. verb. ) .
Dans le cas où un chargeur serait insolvable, tous les
autres supporteraient cette insolvabilité. La loi. 2, § 6,
est formelle à cet égard : « Si quis ex vectoribus solvendo non sit' hoc detrimentum magistri navis non
erit »; et cependant nous croyons qu'en bonue légi.slation il devrait en étre autrement. Le patron devrait,
suivant nous, être tenu pour avoir reçu à son bord une
personne insolvable ; c'est une faute ~t nous. avons v~
que c'est lui, Oll plutôt l' exerci tor qu il represente, qui
doit en support er les conséquences.
6
�CHAPITRE X
Des naufrages, abordages, incendies, etc...
•
Ces mati ères n'ont pas été examin ées so us loutes leurs
faces par les jurisco nsultes romains; on le comprend
aisément, car les principes généraux suffisa ient la plupart du temps pour élucider les diffüreotes espèces qui
étaient portées devant le juge.
Conformément à ces principes, le propriétaire du navire ou de la marchandise devait subi r la perle due à un
cas fortuit, et si le désastre avai t lien par le fait, la faute,
ou le crime d'un tiers, ce tiers étai t co ntraint de réparer
le dommage qu'il avait causé, sa ns préjudice des peines
plus ou moins sévères qoi pouvai ent être prononcées
conlre lui .
Cependant il est, à propos des naufrages, une ques~
tion gue l ~s jurisconsultes avaien t exami née de ~rès près
et qui a été plus particulièrement l'objet des études des
commentateurs; c'est celle de savoir à qoi appartiennent
les objets naufragés. Certains auteurs ont pensé qu'il
fallait en attribuer la propriété au fisc en se basant sur
ce passage du Juvénal:
Quidquid conspicuum pulchrumque ex œquore toto,
Res fisci, ubicumque natat.
Celle opinion ne nous séduit pas. Nulle part, en elîel,
-
91 -
dans les textes nous ne voyons la confirmation de celle
idée. Il y a même un fragment qui form e la loi 9 D. De
leg. rhod. de jact. qui s'oppose formellement à l'admi~
sion de cette théorie. Celle loi nous apprend que les publicains des îles Cyclad es ayant saisi comme appartenant
au fisc, les objets qu'Eud émon de Nicomédie avait perd us
dans un naufrage , celui-ci se plaignit d'avoir été pillé
pa r eux, et Anton in appliquan L la loi rhodienne lui
donna gain de ca use.
Du resle, le poète lui-mèm e ne paraît pas attribuer
anx avocats impériaux con tre les prélentioos desquels il
s'élève, l'intention de revendiquer pour le fisc les objets
naufragés à l'exclusion dtl leurs prop riélaires.
Pour résoudre cette queslion, en droit romain , il faut
soigneuse ment distinguer entre les choses échouées et
les choses naufragées .
S'agit-il d'objels échoués rnr lesquels personne ne
prétend avo ir un droit de propriété (ce que nous appelons aujourd'hui des épaves), ils sont au premi er occupant (L. 1, § 1, D. De acquir. vel amitt. rer. poss.) el
alors il ~st vraisemblable qu e les avocats impériaux aient
voulu en attribu er la JJropriélé an fisc.
au contraire d'obJ. els nau fragés pouvantNre
S·a.,il-il
li
'
.
'
revend iqu és par leurs prnpriélaires qui en perdant la
possession n'o nt pas perdu le domim·um, le fi sc n'a j~
mais songé à s'en emparer. « Idem ait, et si nau frag10
quid ami ssnm sil, non statim noslrum es~e desinere:
denique quad ruplo teoeri eum qui rapuil (L. 44 De ad qu ir. rer. dom. » - L. L. 8 De leg. rhod. cle jact. 21 de
adquir. ve l am itt. rer poss.). Ces choses restent la pro priété de celu i qui a subi le naufrage.
�-
92 -
Nal ne peut les acquérir par prescription (L. 7 D, Pro
derelrclo), el le litre du Digeste de incend io, ruina
etc . .. . nous fait savoir avec détails que celui qui s'en
est emparé est considéré comme voleur et puni sévèrement u Prretor ait: In enm qui ex incendio, ruina, naufra gio, rate, nave expugnata quid ra puisse, recepisse
dolo malo, ctamnive quid in his rebus dedisse dicetur :
in quadruplum in anno, quo primun de ea re experiundi
potestas fueril : post annum, in simplum, judicium dabo,
(L. 1 pr. de incend. ruin. etc .. . ). >>
Et ce qui démontre de la façon la plus formelle que le
fisc n'avait jamais eu l'intention de s'approprier les objets
naufragés, c'est qu e l'Etat avait lui- même form é des corporations de personn es chargées de reprendre au fo nd de
la mer les choses naufragées el de les rend re à leurs propriétaires (L. 4 § 1, D. De leg. rhod. de jact. ) .
Malgré toutes ces précautions, malgré toutes ces lois
répressives, de nombreux vo ls élaien t commis et de nouvelles lois devinrent nécessaires . Aussi Antonin rendit-il
un édit déclarant qu'on ne pouvait empêcher personne
de recueillir les débris de sa propriété et que le vol eur
serait puni de peines exemplaires (L. L. 4 et 12: D. De
incend. ruin., etc ... ).
Et Constantin repoussa pour toujours les prétentions
du fisc au cas où il voudrait en émettre pa r cette belle
maxime: Le fisc ne doit pas s'enrichir de la misère et
de la ruine des citoyens (L. 1 C. de naufr.). Honorius et
Théodose maintiennent cette prohibition (L. t>, C. de
naufr.) et les recueils de Ju5Lini en donnent aux propriétaires des choses naufragées le choix entre la reven-
-
93-
dication, !'action de vol et l'action prétorienne au quadruple.
Les abordages sont aussi examinés d'une façon fort
incomplète dans le droit romain. Nous ne possédons
guère sur la mati ère qu'une partie de la loi 29, Ad legem Aqui liam. Le motif pour lequel les textes et les
renseignements sont si peu nombreux en cette matière
est facile à saisir.
Les abordages en mer 6taient fort rares autrefois, lorsqu'o n ne naviguait qu'à la voile. Les conditions de la
navigation étaient toutes dilTérentes de ce qu'elles sont
aujourd·hui. Les navires étaient moin s nombreux, leur
marche moin s rapide, les routes moins régulièrement
tracées par les phares, les sondages et lés travaux hydrographiques .
Les Romains ne partaient que par un temps favorable,
carauaient leurs voil es en cas de brouillard, et leurs navir; s mus par l'impulsion d'un même vent se dirigeaient
tous à peu près clans la même direction ; qu and, dans
ces conditions, deux navires venaient à se heurter ma~
adroitement ce n' était guère qn'à l'entrée ou à la sortie
des ports, et on en était quitte p~ ur quelques avaries ré.
ciproques.
Cepend ant on peut tirer des §§ 2, 3.. 4. de. la 101 2~
au Di cresle ad legem Aquiliam la théorie smvanle. S1
l'abor~aae a lieu par force majeure, il n'y a évidemment
·, au con trai· re' il y a faute du
. . ; s1
~
pas de responsab1hté
magister navis, celui qui a éprouvé le dommage peut
.
intenter l'action Aquilia .
navire
un
exemple
par
·
.
.
'
Il y aurait force maj eure, s1,
�-
94. -
périssaiL alors qu'il étail sans pilote (cum a nullo regeretur), quand ce navire étant dans un lieu de sûreté était
autorisé à n'en point avoir. Il en serait de même du cas
où le navire poussé par la tempête romprait des ·filets de
pêcheurs.
Mais s'il y a faute ou négligence, le navire abordeur
doit réparer le dommage causé à l'obj et qu'il a détérioré
ou au navire qu'il a abordé.
Quant à l'incendie, c'est dans la plupart des hypothèses un cas de force majeure à la charge du propriétaire
du navire.
La prise par les pirates était aussi, nous l'avons vu,
assimilée à un cas fortuit. Ces pirates étaient po ur la naviga tion un danger redoutable. Plusieurs fo is Rome tenta
de les détruire pour do nn er plus de sécurité au corn~
merce sur mer ; généraux, législateurs, écri vai ns, réunirent leurs efforts pou r faire disparaître ces hordes de brigands qui , venus de la Cilicie, leur premier repaire,
avaient fi ni par établir des arsenaux et des li eux de retraite et d'o bservation sur toutes les cô tes de la Méditerranée. Servi us, Metellus et surtou t Pompée fin irent par les
repousser. Les textes du droit romain nous montrent
qu'ils ne peuv~nt acquérir pa r la prescrip ti on les produits
de leur pillage et qu'ils ne peuvent les transmettre légitim ement à person ne.
Cicéron (De Of!. lib. 111, cap. 29.) les regard e co mme
les plus vils brigands et ajoute qu 'on a le droit de leur
manquer de parole, ce qui serait un crim e même envers
un ennemi (Sic. Plutarqu e, vie de Pompée).
-
95 -
Tell es sont, envi sag~es avec les détails que comportait
Je cadre un peu vaste de notre étud e les matiëres du droit
commercial maritim e rom ain .
Il fa ut cependant avant de terminer notre travail nous
demander si les Romains avaient des magistrats spéciaux
pour connaître des afîa ires commerciales et maritimes.
Quelqu es rares auteurs l'ont pensé et ont voulu voir à
Rom e des personnes remplissant les fon ctions de nos
consuls, sans oser cependan t assimil er la législation romain e à la législation d'Athènes, où les affaires commerciales importantes étaient soum ises à des na utodiques
qui siégeaient le vingt-sixième jour de chaqu e mois, et
où on avait créé des épagognes pour con naître des questions d' un intérêt moindre, ou trop pressantes pour attendre la décision des nau lod iques.
Nous nous refusons énergiquemen t à ad mettre cette
théori e. Les textes sont d'abord absolument muets sur la
question, et ensuite il est inadmissible, à notre avis, que
les Romains aient jamais reconn u à des consuls, c'est-àdire à des étrangers, le droit d'exercer la moindre autorité sur leurs concitoye ns.
Tou t ce que nous croyons pouvoir admettre, c'es t
que, dans les procès in téressant les com merçants, la j u~
tice était rendu e avec plus de célérité que dans les affaires civiles, el qne les fo rmali tés étaient simplifiées . (Senèque, lettre 106 . - L. 5, C. de naufr.).
�-
.APPENDICE
Il serait intéressant dé voir ce qu'est devenu le droit
marilime romain, si après les invasions il a disparu
complètement, ou si, au contraire, nous le retrouvons
dans le Code Tbéodosien, le Brév iaire d'A lari c, le Papien et les autres monum ents juridiques de ce tte époq ue.
C'es t un travail que pourtant nous n'e ntreprendrons
pas; il excèderai t de Lea uco op les li mites de notre
thèse. Bornons-n ous à esquisser rapi dement les destinées probabl es de ce droit en Occident.
Il est à présum er que les barbares vainqu eurs reco nnaissant la supériorité des Romains au point de vue juri diqu e s'emparèrent d'abord du droit maritim e du peuple vain cu comme ils s'étaient emparés de son droit
civil. ]\fais occupés d'étab lir leur' domin ati l) n sur la
Gaule, ils abando nnèrent le commerce, surtout le commerce maritime, pour ne pe nser qu'à se défendre contre
les envahisseurs et à maintenir en paix les vain cus. Alors
commence une ère pleine d'obscurité où la science du
droit déchoit ; les expédi tions maritimes sont entravées
par la po li tiqu e intérieure et par les pirates, le co mm erce
est délaissé et même proserit par l'Eglise. A ce tte épo qu e, il est probable que le:droit romain tomba en désuétude, et ce n'est qu e beauco up plus tard, après les dé...
97 -
couvertes de Christophe Colomb et les conquêtes de Pi zarre et de Corlès, qu'on vit s'opérer ce grand mouvement d'ex pansion ex traordinaire et de progrès commercial. Il est possible qu' alors les jurisconsultes, fouillant
dan s les siècles passés, aient approprié et adapté aux besoins de leur époque les institutions maritim es romaines;
mais il nous paraît qu'il faut attribu er la plus grande
part au progrès, aux mœurs et aux nécessités du commerce. Et si quelqaerois les instituti ons se ressembl ent,
c'est que les mêmes besoi ns se sont rai l se ntir.
Ceux qai pensen t qae le droi t maritime romain nous
a été transm is presque sans modificati ons émeltent un e
opini on qni , tou t en contenan t unecertai ntl pa rt de vérilé,
ne doit cependa nt pas être acceptée sans d'im portantes
réserves; et nous ne croyons pas qu 'il fai lle coo!'idérer
comme absolument vraie l'opini on de ceax qu i souliennenl qu e les vain cus ont do nn é leurs lois au vainqueur .
�DROIT FRANÇAIS
�DROIT FRANÇAIS
BIBLIOGRAPHIE
DE LA POLICE D'ASSURANCE MARITIME
B&DARRIDE. - Commentaire sur les diifêrents Lilres du
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Questions de Droit marilime.
DE CouRcY. -
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Cours de Droit maritime.
Commentaire du Code de commerce.
DAGEVILLE. DALLOZ. -
Jurisprudence générale.
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Répertoire alphabétique.
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DELVINCOURT. EMÉRIGON. -
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LocnF:. -
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PARoEssus. - Collecti on des lois maritimes antérieures
au XVIII• siècle.
»
Cours de Droit commercial.
VALIN. -
Commentaire sur l'ordonnance de la marine
de 168L
Avant de nous livrer à l'élude de la police d'assurance
sur mer, avant d'examiner quell e est son origine, quelles sont ses form es externes eL internes el toutes les règles qu'il faut lui appliquer, nous croyons indispensable
d'indiquer rapiùemenL les principes généraux du contrat
lui-même.
Le contrat d'assurance maritime, dont l'utililé et
même la nécessité n'e t plus à démontrer aujourd'hui,
a son origin e Loute naturelle dan les besoins du commerce. Nou le voyons naître vers le XIV• ou le xv· siècle, et se développer ensuite au fur el à mesure des exigences el des nécessi tés comme rciales.
Cette origine a été cependant contestée. Certains docteurs du moyen àge onL voulu, suivant leur habitude, le
faire remonler au droiL romain. Tel est l'avis de Grotius
et de Pufiendorf donL ia théori e a élé adoptée par Pardes us. Ces jurisconsultes ne trouvan t dan les monu-
�-
,,
~02
-
ments de ce droit qu e des texLes peu probants, v. g. la
loi 67. D. De vcrb . oblig. ainsi conçue: cc Ilia stipnlatio
decem milia salva fore spondcs: valet, >1 ont torlnré
quelques fragments de Tite Live ou de Cicéron pour démontrer leur thèse.
D'autres (Giovan Villani , C\eirac) ont pensé qu e les
Juifs chas5és de France par trois fois, sous Dagobtirt,
sous Phili ppe-A ngusle el sous Philippe Je Long, ont, à
un ede ces époq ues, pour sa uvega rd er les capitaux considérables qu e le commerce leur avait fa it acq uérir, imaginé le conlraLd'assurance el la lellre de change, qui,
d'après ces auteurs, seraient nés en Italie.
Pour nCius, sans entrer dans les détails de celle controverse qu e nous avo ns en partie examinée dans notre
thèse de droit romain , nous pensons, conformément à
l'opinio n la pins accréditée, que l'origi ne de cette institution est le développement même du co mm erce, et
qu'un des fa its qui ont le plus contribu é à leu r commune
ex tension est la prohibition du prêt à intérêt en général
et en particuli er du prêt à la grosse, prohi bition qu e
nous trouvons co nstatée da ns la fam euse clécrétale navigandi vel eu ndi ad un dinas que Slraccha rapporte et
discute.
Celle heureuse conception juridique (1) fit bientôLde
(1) Voici en qu els termes s'exprima M. Corvelto, conseill er d'ELat,
lorsqu e la partie du <l roil mari1i me qui traite des assurances Cut, le
8 septembre 1808, présen tée au Corps législatif: «Nous arril'OnS au
central d'assurance . .... Cc beau contrat, noble r rodui l tl u génie et
premier garant du commerce mariti me. Les chances de la navigation
entravaient le commerce. Le syslème des assura nces :i paru ; il a
-
103 -
grands progrès; ce contrat d'assurance maritime, que les
jurisconsultes surent habilement ex traire du prêt à la
grosse, où il étai t, pour ainsi dire, à l'état laten t, reçut
peu à peu et dans ces derniers temps surtout nne remarquable extension. On vit se multiplier ces assurances, et
se fond er des co mpagnies, non seulement d'assurance
maritim e, mais encore co ntre l'in cendie, l'in ondation ,
la grêle, la mortalité des bestiaux ; on assura même, et
ces co nve ntions son t très répandues aujourd'hui , la vie
des individus. C'est l' Angleterre qui la première imagina
ces co ntrnts curi eux d'assurance sur la vie et qu i con tribua le pl us à leur développement. Elle est al lée, s'il faut
en croire Vi nceos et Baldasseroni jusqu 'à fai re des assurances sur les bi ll ets de loteri e et con tre l'infidélité des
domesti ques.
Cette extensio n et ses progrès trouvent leur justificatio n dans ce fait qu e l'ass uran ce favorise à la fo is les intérêts des ass ureurs et des assurés, des assureurs parce
que les deux prin cipes de la division ùes ri sques et de la
di versité des chances, leur font espérer un bénéfice rémunérateur ; des as:.:surùs, parce qu'ils sont déchargés
des risques qu'ils courenl.
con ulté les saisons; il o porté ses rega rds sur la mer, il a iolerrogé
ce terrible élément, il c11 a jugé l'inconstance, il en a pressenti les
orages; il :i épié la r oli1ique; il a reconnu les ports Pl le côles des
deux mondes ; il a dit au commerçn n1 habile et ao naviga teur intrépide: « certes il y a des <lé>a tres sur lesquels l'liumanité ne peul
que gémir, mais qu ant à votre fortune, allez, franchi sez les mers,
déployez voire activité l' i voire industrie, je me charge de 'OS risques. » Alors, s'il est permis de le dire, les quatre pallies du monde
se sont rapp rochées. Tel est le conlral d'assur-.ince mariliroe. "
�-
104 -
Celle derni ère face du conLraL d'assurance demanderait de lon gs déLails sur lesquel s nous croyons devoir
rapiJement passe r. Contentons-nous de dire que, au
moins dans notre législation frança ise, ce co ntrat ne ùoit
pas dégénérer en je u ou en pari; et la différence essentielle entre l'assurance et le jeu, di!Térence qui fait que
le législateur voiL d' un œil favorabl e le contrat d'assurance, tandis qu' il blâme, et de la faço n la plus caractéristique, le jeu ou pari, puisqu 'il refuse d'en adm ellre la
validité, c'esl que, dans le premi er, l'ass uré a uniquement
pour but d'éviter un e perte, tandis que dans le seco nd,
les deux parties ont en vue un gain, et un gai n immoral,
puisq u'il a sa ba e et sa raison d'être dans le désir et l'espoir d'une perle que fera la partie perdante, el dans l'espérance d'un profit, d' un bénéfice illégiti me réalisé par
le gagnant.
Quant aux risques mis par le co ntrat d'assurance maritime à la charge des assureurs, ils peuveu t être env isagés à plusieurs points de vue.
Il faut qu'il y ail risq ue, c'es t- à-d ire possibilité d'événements de mer, et si ces fortu nes de mer son t irréalisables, le co uLrat est annu lé, ristourn é. On ti en t compte
cependant de la bonne foi des parties, et, en pratique,
on assure toujours su r bonnes ou mauvaises nouvelles,
sans obéir à la présomption vieillie de la lieue et demie
à l'heure.
Il faut qu'il y ait risque en ce sens qu'i l est indispensable qu' une chose soil exposée à des événements de mer,
el'. à ce point de vue, on doit se poser la questio n de savoir quelles choses peuvent ou ne peuvenl pas ètre assu-
-1 M rées. Ces dernières sont, aux termes de l'article 3~7
(C. Corn .): Le fret des marchandises existantes à bord du
navire. - Le profit espéré des mar~bandises . - Les
loyers des gens de mer. - Les :;ommes empruntées à la
grosse. - Les profits maritimes des sommes prêlées à
la grosse. - Mais ici encore la pratique, pressée par la
nécessité, a presque ~oujonrs modifié la loi en prenant
des moyens détournés plu s ou moins ingénieux.
Il faut qu'il y ait risque enfin en ce 3ens que l'assuré
doit avo ir intérêt à faire assurer. cc Risicum, disait Casaregis, seu interesse assecuratorum. » Un intérêt quelconque suffit. On peut même se faire assurer contre l'insolvabilité de son débiteur, insolvabilité qui résultera de
la perle des marchandises qu'il avait à bord du navire, à
lui appartenant.
La plupart de ces poinls de vue que nous ne faisons que
menlion ner à propos des risques son t l'objet de longues
et graves controverses dans lesquelles notre travail ne
nous permet pas d'en trer.
Un seco nd élement dè l'assùrance est la prime, indiquée dans la poli ce d'assuran(~e . que nous allons bientôt
examiner dans tous ses détails. Celle prime consiste, en
général, mais non pas nécessai rement en argent, et peut
être assurée, comme Loule autre chose, puisque aucun
texte du Code ne prohibe celte assorance.
Un troisième élément essen tiel du contrat est le consentement conformément aux principes généraux.
Si mainlenao t nous jetons un coup d'œil rapide sur
les effets de l'assurance, nous verrons que l'assuré doit
payer la prime et que l'assureur se rend responsable
1
�-
106 -
des fortunes de mer qui peuvent entraîner la perte totale
ou partielle du navire. Si on nou s deman de ce qu'est
un e fortun e de mer et quels sont les risques dont se
chargent les assureurs, nous rèpondrons, avec~ tou s les
auteurs, que tou t événement de mer est réputé risque
maritime et doi t retomber à la charge des assureurs,
sauf à eux à démontrer que le dommage survenu est un
de ceux qui, d'après la loi, ne doit pas leur incomber,
c'est-à-dire, '}u'il provient d'un vice propre de la chose,
de la personne, ou de faits inhérents à la navigation
quelqu e heureuse qu'elle puisse être. Chacun de ces
événements de mer serait intértssanl à étudi er et parmi
eux, surtout le feu, l'aborùage, les risques de guerre (1),
(1) En pratique il se présente quelquefois des difficultés presque
insurmontables quand il s'agit d'indiquer la limite exacte de la responsabil ité des assureurs dans la plupart de ces circonstances.
Cette difficulté est surtout manifes te dans les risqu es de guerre
donl les assureurs ne répondent pas (art. 2 pol. <l'assur . sur corps).
La meilleure preuve qu e nous puissions en donner csl <le citer une
espèce que M. de Courcy, dans son intêre •ant ou vrage sur les polices françaises d'assurance mari time, rapporte el dé\•eloppe en ces
mots : « Pendant la guerre de Crimée, il s'est produit un fait, tristement curieux, qui a été le renversement de l'hypothèse que je viens
d'examiner. Un navire de Fécamp, l'iris, était affrété par l'administration avec ga ran tie des ri ~qu cs de guerre, pour Je transport des
vivres et des munitions. Il était ga ran ti contre les risques mari limes,
avec exception des ri!.qucs de guerre, par une compagnie d'assurances. Il se trouvait à l'ancre dcv~nt Kam iesch, lorsqu'un ouragan
l'arracha de son mouillage ct le poussa sous les feux des for ts de Sébastopol qui le coulèrent à coups de canon. La perte étai t complète.
L'armateur en demanda d'abord la réparation aux assureurs maritimes en se fondant sur l'ouraga n cause première de la perte. Un ju·
gemeot du tribunal de commerce, confirmé par un arrêLde la Cour
de Rou en, repqussa la demande. L'arrèt J tablissait que la lempèle
107 -
mais ces développemen ts nous feraient sortir de notre
sujet, et terminant ces lrop rapides préliminaires, nous
avait seulem~nt mis le navire en péril, mais que la canonnade qui
l'avait coulé était certainement un risque nouveau el une fortune de
guerre.
... .. Ainsi éconduit, ) •armateur se retourna vers son autre garant,
l'administration . Par malheur il devait 1'all.a1Juer devant \a juridiction administrative. Un arrêt du conseil d'Etat, ne tenant aucun
compte de celui de la Cour de Rouen, repoussa parei\lement la demande en établissan t que l'ouragan avait élé la cause véritable de la
perle, attribuée conséquemment à une fortune de mer. li n'était pas
douteux que ce n'en fut la cause première. Ainsi un très bm1orable
armateur avec deux gar:rnts excellents pour deux sortes de risques
se trouva déchu de tout recours. Il perdit ces deux procès après
avoir perdu rn n navire. Il dut être convaincu, par la vertu de deux
déci ions souveraines. que son navire, coulé à coups de canon au
food J e la mer Noire, n'avait péri ni par fortune de mer ni par fortune de guerre.
Son malheur fut de ne pouvoir mettre ses deux garants en présence clcvanl la juridiction co mmerciale. Là, cet ailligeant résultat
n'aurait pas été à cra indre. Le droit de l'armateur à être indemnisé
n'aura it pas même été contesté, et il est probable qu'en raison des
circonstances de fa it, la vérité de la solution eul été dans le partage
des responsabilités. »
L'embarras n'est pas moins grand quand on considère le vice
propre de la chose. Les assureur n'en répondent pas, soit; mais
souvent une fortune de mer a occasionné la perte d'un naviredonl le
vice avail été constaté , la tempête a été d'une telle violence que
probablP.menL le navire le plus solide aurait péri. D. n ers circonstan ces, les assureur seront-ils rcspon ables, la perle est-elle .due
au vice propre dr la chose ou à 1:l fortune de mer Y Ces qu.e~u~n
el au tres semblables sont nécessairement sou mises ~ l'appreciauon
des tribunaux, quelques déplorables qu e soient que lquefois les suites
de celle appréciation. Le jurisconsulte ne peul ici poser des règles
inllexiblcs, car il rloil autant qu e possible éviter de s'immiscer da~s
des qucstions de fait, dans lesquelles cbaq11e espèce doit être examinée sép:irémcnt cl tranchée d'après les circonst3nces.
�-
~08
-
allons étudier la matière qu i nous occupe, essayer
d'examiner aussi complètement que possible la manifestation du consentement des deux parties en ce qui
concern e l'assurance maritime, d' envisager so us toutes
ses faces l'acte, l'écrit qui sert à constater ce consentement, en un mot, la police d'assurance.
CHAPITRE I
Historique et généralités.
On a beaucoup discuté sur le point de savoir à quelle
époque s'est manifesté le contrat d'assurance. Nous ne
saurions lui assigner une date bien précise. Il est sans
au cun doute postéri eur au XJJie siècle, puisque les compilati ons de dro it maritime les plus importantes de cette
époque1 le consulat de la mer, les rôles d'Oléron el les
lois de Wisby, ne le mentionnent pas. D'un autre côté,
il est certain qu'au milieu du xv· siècle il était déjà fort
en usage. Pard essus nous apprend qu'un édit du 15 février t 408, le mentionne, que l'ordonnance des consuls
de Barcelone de 1435, en donne les règles détaillées, et
même, s'il faut en r,roire un avocat près la rote de Rome,
Ansald us de Ansaldis, il existait déjà avan t 1400. Aussi,
croyons-nous pouvoir, sans être taxés de trop d'imprudence, assigner à ce contrat la date approximative de la
fin du XIVe siècl e ou du co mm encement du XVe.
Quant à l'agermanament, contrat par lequel le patron
et les marchands chargeurs d' un navire convenaient que
le navire irait aux ri sq ues de la marchandise et la marchandise aux risques du navire, convention usitée en
plein moyen âge, à l'époque des Croisades, nous ne saurions y voir un contrat d'assu rance mari lime bien carac-
�-
HO-
lérisé, mais seulement une défense et un remède contre
les fortun es de mer, une sorte d'ass urance mutuelle à
l'état rudimentaire.
On peut, nous le reconnaissons, en détacher l'idée
d'une aversio periculi, comme dans le contrat à. la
grosse, mais ce n' est que plus lard, avec le développement de la science du droit, que des jnrisconsultes habiles et expérimentés ont su puiser dans ces conventions
les principes de l'a surance maritime, dont ils ont fait
un contrat principal, avec des règles précises et bien déterminées.
Mais avant le xvresiècle nous ne trouvons pas de docum ents qui nou s indiquent les formul es de l'assurance,
et il est infiniment probable qu e les parties étaient liées
par des conventions d'un e simplicité caractéristi que, telles que cell e-ci : « Je prend s moyennant tell e so mme,
tel risque. » (Lemonnier).
Null e part, avant celle époque, nous ne voyo ns la définition, ni l'énum érati on de ce que co mpren d ce risqu e,
que dans le latin barbare de l'époque les au teurs appelaient ri'sicum ou riscum du vieux mot itali en risico.
Celle obscurité dans les id ées des juriscons ultes du
Lemps sur la signification précise de ce mot risqu e, par
exemple sur le point de savoir quelles so nt les fortun es
de mer que doit prendre à sa charge celui qui reçoit la
prime, a été un e des entraves les plus sérieuses au développement du contrat que nous étudions.
~e n'est donc qu e vers le XVI· siècle que de nombreuses, polices (poli= a de pollicere, promettre), parmi lesquelles les plus remarquab les sont cell es de Florence de
- 1 11-
A
1526, d'Ancône que Straccba comment e en 1567, d' Anvers de 1563, l'ordon nance de Rotterdam de 1604, et
d'autres encore qu e Pardessus a recueillies dans sa sa
vantecollection des lois mari times, énumèrent les risques
qui sont à la charge des assureurs. D'éminents jorisconsultes, la plupart italiens, entre aulres Santeroa, Scaccia,
Straccha el plus tard l'illuslre Casaregis, ont, dans des
traités fort estim és à celte époque, étudié ces différentes
polices.
Mais la plus grande diversi té régnait dans ces polices
en désacco rd sur un grand nombre de points, par exemple su r les fai ts de baraterie du patron et sur les cas de
délaissement.
Malaré
ces divergences la rédaction par écrit des con.~
ditions de l'ass urance était Jéjà un grand progrès.
Aujourd'hui, depuis dix ans, une nouvelle réforme
vi ent de s'accomplir, comme le constate M. de Courcy
dans l'ouvrage que nous avons déjà cité. Non seulement
on réd ige ces contrats par écrit, mais on a adopté après
d'assez vives résistances un fo rmulaire général pour toutes les assul'ances sur corps. Que cette uoilé dan les polices d'assurance soit une réforme heureuse, ce n'est pas
à démon lrer, car celle diversité rendait, au poinl de vue
qui no us occupe, la France d'aujourd'hui semblable à
notre vieille France coutumière, où plus de lrois cents
coutumes, au dire de Ferrière, rendaient le droit incertain el son application à peu près impossible par suite de
l'ignorance forcée des juges, qui, dans des enq~êtes par
turb es étaient oblirrés d'ajou ter foi aux affirmations dou'
0
•
teuses de pe1·sonne , quelquefoi vendues, el tou1ours
peu versées dans la science du droit.
�-H2-
Et maintenant, sans nous étendre davantage sur l' hi storique de la question, entrons dans tous les détails que
comportent les règles de la police d'assurance.
CHAPITRE II
Formes externes de la police.
L'article 332 qui est le siège de notre travail est ainsi
conçu : ,, Le contrat d'assurance est rédigé par écrit.
- Il est daté du jour auquel il est souscrit. - li y est
énoncé si i:'est avant ou après midi. - Il peut être fait
sous signature privée. - l i ne peut con tenir aucun blanc.
, - Il exp rime: le nom et le domicile de celui qui fait
assurer, sa qualité de propriétaire ou de commissionnaire. - Le nom et la désignation du navire. - Le
nom du capitaine. - Le lieu où les marchandises ont
été ou doivent être chargées. - Le port d'où le navire
doit partir . . - Les ports ou rades dans lesquels il doit
charger ou décharger. - Ceux dans lesquels H doit
entrer. - La nature et la valeur ou l'estimation des
marchandises ou objets que l'on fait assurer. - Les
temps auxquels les risqu es doivenl commencer et finir.
- La somme assurée. - La prime ou le coût de \'assurance. - La soumiss ion des parties à des arbitres, en
cas de contestation, si elle a été convenue. - Et généralement toutes les autres conditions dont les parties ont
convenues. »
D'après les premiers mots de l'article, le contrat est
rédigé par écrit Cet écrit, cet acte qui constate le contrat, c'est, nous le savons déjà, la police.
�-114.-
-
sI. Des polices imprimées. -
Dans une pratique
constante depuis lon gtemps invétérée ces polices sont
imprimées à l'avance. On a beaucoup et bien so uvent
blâmé ce mode de co nstatation.
Déj~ en 1700, des compagnies d'assurances de Paris
soutinrent, pour éviter de remp li r les engagemen ts trop
onéreux qu'ell es avaient contractés, que l'emp loi de ces
formules était illégal et ne devait pas les lier. Le grand
Pothier, peu versé dans les pratiques et les nécess ités du
commerce, donna son approbation à cette manière de
voir. Et même, deux sentences émanées du tribunal de
l'amirauté générale de Paris, l' une du 7 décembre 1757,
l'autre du 19 janvier 17!)9, prob iberent ces form ules
pour toutes les clauses dérogatoires a l'ordonnance .
Malgré cela, la tendance et la prédilection du commerce pour cette façon de procéder en prouvent l' utili té,
et les jurisconsul tes qui on t fai t du droit maritime une
étude spéciale et qui ont compris quel respect il faut
avoir en ces matières pour une pratiq ue depuis longtemps en trée dans les mœurs, Ernéri gon et Valin, entre
&otres, ont résisté, et s' in surgean t co ntre un e théorie
qui leur paraissait à bon droit erronée, ils ont légitimé le
vieil usage.
Nous nou s ran geons avec empressement à l'opinion
de ce1> deux savants auteurs. Qu elles peuven t être, en
effet, les objections des adversaires ? Dira-t-on que l'assuré souscrit aveuglément à un e co nvention dont il ne
connait ni les clauses, ni les termes ? Nous répondons
que d'abord il n'a qu'à lire l'imprimé, et que, du reste ,
comme tous les ass urés ont le même intérêt, cet imprimé
H5-
est l'expression moyenne des intérêts divers que l'assurance veut con cilier, et que , ratifié par l'opinion, il est
la meill eure sauvegarde des parties contractantes.
Enfin, po ur enlever toute hésitation, il est bon d'ajouter que, contrairement à ce qui se passe pour les assurances terrestres, les ass urances maritimes ne se font
qu'entre personn es qui connaissent les usages commerciaux, et il est sans exe mple qu' un assuré soit trompé
par la police qu' il connaît déja, même sans l'avoir lue.
§ 11. La police imprimée ou écr'Ïte est-elle de l'esserice du contrat? - Mais celle police est-elle exigée à
..
pei ne de nu ll ité de l'assurance? Cel écrit est-il subslanciel, est-il exigé cid solemnitatem, ou, au contraire,
ne sert-il qu'à constater un contrat parfaitement existant
sans lui, n' est- il , pour nous servir des termes qu'emploient tou s les jurisco nsultes, exigé que a.d probationem? Te lle e$t la diffici le question qui , au déb ut même
de notre é"tt1de, va pendant quelque temps nous arrêter.
Grande est la co ntroverse sur la so lution de ce problème douteux so us l'empire ile l'ordonnance , et douteux
encore auj ourd' hui ; et cependant, un mot eut tranché la
difficu lté, la quest ion ne se poserai t pas si notre Code
de commerce, suivant en cela le codes italiens et espagnols, que nou s ne ci ton s qu'à titre d'exem ples, avait
ajouté au § 1•r de notre nrticl e ces simples mots ''à peine
de nullité,, ou «sans que la nullité s'ensuive. »
Quoiqu ' il en soit, voyons qu els sont les avis ditîérents
qui ont élé ém is. Sous l'ordonnance, il y en a deux prin~
cipaux, les uns, avec Emérigon, pensent que l'écrit est
�-
116 -
substanciel, d'autres avec Valin soutiennent qu'il n'est
exigé que pour la preuve du contrat. Ces derniers. sont
aujourd'hui en grande majorité, mais ils sont loin d'être
d'accord entre eux. Nous mentionnerons et nous étudierons, chemin faisant, ces divergences.
Mais avant d' essayer de nous reconnaître dans ce véritable dédale d'opinions, examinons les textes d'autrefois
'
peut-être nous éclaireront-ils !
Avant le XVI• siècle, nou s l'avo ns vu, de simples
paroles créaient l'assurance. Mais aussi, qu e d'incertitud es, que d'erreurs, que de portes omertes à la mauvaise foi, aux réticences, à l'infidélité, au menson ge ! On
s'en aperçut bientôt, et tomban t peut-être dans un excès
contraire, les législateurs de tous les pays exigèrent pour
la co nstatati on de l'assurance la form e pub lique, un acte
authentique.
C'est ce que constate en ces mots le Guidon de la
Mer (ch. 1, art. 2) c< Assurances se font et se dressent
par contrat porté par escrit appelé vu lgairement police
d'assuran ce. On en faisa it anciennement sans escrit qui
étaient dits de confiance, parce que celui qui stipulait
l'assuran ce ne faisait ses pactions en escrit, mais se confiai t en la bonne foi et la prud'homie de son assureur
supposant qu'il les escrirait sur son livre de raison. Les
premières portées par escrit sont celles qui ont cours
et desq uelles usent ordinairement les marchand s: les
deuxièmes so nt prohibées en toutes places tant pour les
abus et difTérens qui en survi enn ent, comme aussi étan t
acte public ponr lequel la communauté des marchands
sous le bon plaisir du roy nomme et establit un greffier,
-
117 -
il n'est licite aux particuliers les passer entre eux non
plus que les autres co ntracts pour lesquels notaires et tabellions so nt instituez, le tout à peine de nullité. ,,
En France, pour dresser ces polices, on institua les
notaires greffiers d'assurance, officiers spéciaux préposés
seuls à la constatation du contrat d'assurance maritime.
Ces officiers disparurent bientôt pour faire place aux
notaires et aux courtiers qui dressèrent des polices
authentiques. C'est alors que fut rédigée par de savants
auteurs la remarquable ordonnance de la marine de
1681 qui prescrivit bien la rédaction d'un écrit, mais
n'exigea plus, dérogean t en cela aux documents antérieurs, l'au th en licité de l acte (art. ~' liv. m , tit. 6).
C'est cet arti cl e~ de l'ordonnance que notre article 332
du Code de commerce a reproduit.
Mais, tant sous l'empire de l'ordonnance qu e sous
l'empire du Code, la qu estion de savoir quelle était l'importance de l'écrit était, nous l'avons vu, v~vemen t discutée·, et voici le moment venu d'examin er les opinions
émises et de donner une solution à notre problème.
Avant la rédaction du Code de commerce les deux
jurisconsultes qui avaient le plus savamment commen té
l'ordonnance, Emérigon et Valin, étaient en désaccord,
et Pothier, qui, en principe, admettait la théorie deValin,
s'en écartait ensuite en ce qu'il pensait que la preuve
testim oniale devait toujours être proscrite. Mais laissons
parler ces éminen ts commentateurs leurs opinions seront
ainsi plus clairement exprimées et par cela même mieux
comprises.
Valin, après avoir blâmé l'opinion de l'ancien com·
�-
118 -
mentateur et constaté qu'aux termes de l'ordonnance le
cüntrat d'assurance est rédigé par écrit, continue en
disant: « L'article n'ajoutant pas à pein e de nullité,
l'on ne doit pas l'y su ppléer . Ain si, nul dou te, conformément au droit commun , que la preuve d'un e convention d'assurance ne so it recevable par témoi ns, s'i l
s'agit d' une somme de cent livres ou au-d essous.
A quelque somme même qu'elle puisse monter, l'allégation en est recevab le, et celui à qui la conven tion est
opposée ne peut s'en défendre qu 'en affirm an t par serment qu'il ne l'a pas fa ite, ce qui exclut par conséquent
toute id ée de nullité et prouve que l'écriture n'est nécessaire, en pareil cas, que pour constater la réal ité des
conventions contre ceux qui pourraient avoir la mauvaise
foi de les nier .
Aussi anciennement beauco up d'assurances se faisaient- elles sans escrit. .. ,,
Dans le traité des a~s uran ces de Pothier ann oté par
Estrangin nous tro uvo ns une opinion un peu différente
exprimée en ces termes : « L'ordo nnance porte: le contrat d'assurance sera rédigé par écrit. On peut faire sur
cet article deux questions ; la première est de savoir si
celle forme que l'ordo nnance prescrit par cet article est
requise pour la validité du contrat ou seulemen t pour la
preuve du contrat.
Je pense qu'elle n'est requise que pour la preuve du
co ntrat, et que l'ordonn ance n'a voulu autre chose par
cet article, si non que ce contrat dans le cas anquel les
parties en disconviendraient, ne pût se prouver que par
un acte écrit, et que la preuve testimoniale n'e n pût être
-419 -
admise. Les raisons qui - me portent à croire que cette
forme qu e l'ordo nnance prescrit n'est que pour la preuve
et non pour la vali dité du contrat, sont: t • que cette
form e est absolum ent étrangère à la vali dité du contrat·
~ 0 qu e l' ord onnance ne la reqniert pas à peine de nullité.'
De là il suit que lorsque le contrat n'a. pas été rédigé
par écrit il ne peut y en avoir de preuve, l'une des parties peut à défaut de prenve déférer à l'autre le serment
décisoi re sur la vérité du contrat et sur les conditions du
contrat.
La seconde question est de savoir si la disposition de
cet article ne doi t avo ir li eu que dans le cas auquel l'objet
du contrat excède la somme de cen t livres. Valin sur cet
article est d'avis de ~elle restriction. Il pense que cet article doit s'interpréter par l'ordonnan ce de 1667, qui
ordonne qu'i l sera fait acte par écrit de toutes choses
dont l' obje t excède cent livres; et qu'en conséq uence,
lorsque l'obj et du contrat d'assurance n' excède pas cent
livres, la preuve tes timoniale à défaut d'écri t en doit
être ad mi se, de même que tou s les antres contrats dont
l'obje t n'ex cède pas cent li vres.
L'o pinion co ntraire, qui e$t celle de l'ancien commentateur, me paraît plus régulière. Nous ne devons point
suppléer dans une loi une distinction qu'elle ne fait point.
Ub i lex non disti nguit, nec nos dislinguere debemns. C'est
pourquoi l'ordon nance ayant dit en général que le con trat d'assurance sera rédigé par écri t sans di tinguer
com me elle le fai t à l' égard des autres contrats par l'ordonn ance de 1667, si l'obj et excédait ou non cent livres, on doit penser qu'elle y a assujetti indistinctement
�-
4:20 -
tous les contrats d'assurance roaritime, qu e leur objet
excède ou n'excède pas cent livres.
Si l'intention du légi lateur n'eût été qu e d'ass uj ettir
ceux do nt l'objet excèderait cent li vres, il eut été inutile
d'en faire un e disposition dans celle ordonnance, pu is que la loi se trouve déjà fa ite dans cell e de 1667.
On peut faire un e troisième question sur ce t arti cle
qui est de savoir si la preuve testimoniale d' un contrat
d'assurance maritime qui n'a pas été rédigé par écrit
peut être admise lorsqu 'il y a un commencement de
preuve par écrit, de même qu'ell e est admise dans ce cas
par J'ordonn ance de 1667 à. l'égard de tous les autres
contrats. J'aurais de la peine à l'adme ttre. L'ordonnance
ayant fait une disposition particul ière po ur la forme da ns
laquelle doit être rédigé le contrat d'assurance maritime,
elle l' a tiré de la règle générale des autres co ntrats. C'est
pourquoi ce que l'ordonnance de 1667 permet à l'égard
des autres contrats ne peut s'ap pliquer à celu i-ci.
L'ordonnance de la marin e ayant par cet article assujetti absolument 16 contrat d'assurance à être rédigé par
écrit, en a exclu et interdit toqte autre preuve. »
Enfin l'illustre Emérigon, après avoir dédaigné les
théories de Valin et de Pothi er expri me en ces mots sa
manière de voir. 1< La ques tion mérite d'être examinée:
1° je co nviens qu'en règle générale l'écriture es t étrangère
à la substance des conventions, on ne les rédige par écrit
que pour en constater plus aisé ment la preuve . « Fiunt
scripturce ut quod actum est per eas fa ciliùs probari possit. » Mais cette règle de droit commun cesse dans tous les
cas où l'écriture est expressément requise par la loi.
-
121 -
Scriptura necessaria non est, nisi Jex eam expressè
requirat. »
2° Le Guidon de la Mer nous apprend qu 'on faisait anciennement l ~s assurances sans écrit. Elles étaient dites
de confiance, parce que celu i qui stipulait l'assurance
ne faisait pas ses pacti ons par écri t mais se confiait à la
bonne fo i et prud'homie do son assureur. Cette manière de procéder fu t ensuite prohibée en toutes places
de comm erce à ~ause des abus qui en survenaient. On
all a même jusqu'à. exclu re l'écriture privée. Des greffiers
d'assura nce fu rent établis et il fu t déterminé que les polices seraien t dressées par le greffier ou par un notaire à
peine de nulli té (Guidon cte la Mer. Règlement de Barcelone). Le règlement d'Amsterdam permit ensuite d'employer l'écriture privée.
3° L'o rdo nnance de la marine renferme à ce sujet
deux dispositi ons. Le con tra t d'assurance sera, dit-elle,
rédigé par écl'it et pourra êlrc fait so us signature privée.
Les parties on t donc le choix ou d'écrire elles-mêmes leurs
accords, ou d'employer le mi nis tère d'un courtier ou d'un
notaire, mais le con tra t sera rédigé par écrit, l'ordonnance le veut ai nsi. Celle derni ère disposition est absolu e, elle établi t un poin t de forme qu i est de rigueur.
Jusq u'à ce que la police ' oi t signée (par l'assureur) le
co ntrat n'e t poi nt parfait. Il est permis aux parties _de
reven ir sur leu rs pas. L'écriture seule fixe et caractérise
leur volonté. Rcquiri lur ad existen tiam instru meotum
assecuralionis , dit Kuricke en l'endroit cité.
Je crn is donc d'après notre ordonnance, qu'on ne
peut ni dérérer {e serment Jécisoire à celu i qui dénie
cc
8
�-
122 -
l'assurance verbale, ni répondre catégoriquement, ni,
moins encore, admettre la preuve testimoniale sous prétexte soit de modicité de la so mm e, soit d'un commencement de preuve par écrit. »
Aujourd'hui, après la rédaction du Code de commerce,
la mêmp divi ion per~iste en tre les anteurs, ou plutôt la
question devient plus obscure encore par suite de l'apparition de quelques systèmes nouveaux qui ne concordent
avec aucune des trois théories que nous venons d'exposer.
C'est ainsi que Pardessus émet un e opinion qui, du
reste, n'a eu qu e pen de partisans. L'émin ent auteur
soutient l'adm issi bilité de la preuve testimoniale s'il y a
un commencement de preuve par écrit, tout en la repoussant, s'il y en a pas, alors même qu'il s'agit d'une somme
inféri eure a 150 fr. Pour simplifier autant que possib le
écartons d'abord ce système. L'ad mission de la preuve
tes timoniale quand on peut présenter un com mencement
de preuve écri te, n'est en réalité qu'une exception que
le droit civil vient apporter au prin cip e qu' il a cons taté
en ces termes dans !"article 1341 : «Il do it être passé acte
devant notaires ou sous signature privée de toutes choses
excédant la somme 011 valeur de cent cin quante francs,
même pour dépôts volontaires, et il n'e~t reçu aucune
preuve par témoi ns contre et outre le contenu aux actes,
ni sur ce qui se rait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'i l s'agisse d'une somme ou va- _
leur moindre de cent cinquante francs. Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au
commerce. >>
-
423 -
D'un autre côté, la loi commerciale ne suit pas pour
l'admission de la preuve par témoins les règles du droit
civil, elle l'admet quelle que soit la somme ou la rejette
complètement. C'est pourquoi il nous paraît absolument
antijuridique d'appliquer en matière d'assurance une
dérogatio n ao droit civil, et, pour nous, la preuve testimoniale doit être admise ou interdite sans qu'on ait à. se
préoccuper du point de savoir s' il y a eu ou non un commencement de preuve par écrit.
Les autres jurisco nsulles modernes ont tous suivi, sauf
Dageville, l' une ou 1' autre des trois anciennes théories,
et, s' il nous fallait dire quelle opinion a le plus de partisans et quelle a les plus illustres, notre embarras serait
grand.
Dalloz, Cresp professent l'opinion d'Emérigon.
Boulay-Paty, Locré, Merlin, Bédarride, Alauzet, Boiste\
donn ent leurs pré(érences à Valin.
El les partisam de Polhier sont Estrangin son an11otateur~ Bravard-Veyrières, Cauwet, Lemonnier, Vincens,
Massé Delvincourt, Laurio.
C'e~l cette dernière opinion que nous croyons devoir
adopter
.
En ex igeant que le contrat d'assurance fût réd.1~é par
écrit, le légi lateu r n'a eu pour but que d'en fac1l1ter la
preuve. C'est ce qui se produit pour tous les contrats du
droit maritime, pour la. vente des navires, les lo!ers des
matelots, l'affréteme nt, le prêt à la grosse lui -même.
Pourquoi n'en serait-il pas ainsi de l'assurance?
.
La réfutation du système de Valin et de ses parti.sans
nous parait facile. Ils veulent, enc'Aevêtrant les matières
�-
124 -
civiles et comm erciales, autoriser la preuve testimoniale
jusqu'à 150 fr. ~fa is ils ne voient pas combien différente
est la sphère d'a pplication de ces deux Codes. Ils ne
voient pas, quand ils veulent enlrem êler les principes
de ces deux droils, que la loi commerciale a une autre
origine qne la loi civile, un autre intérèt, une autre base,
un autre but. Elle est née de coutumes spéciales, elle
s'est développée par les usages commerciaux. C'est un
édifice élevé au fur et à mesure des exigences du commerce, dont l'origine est relativement récen te et qui ne
ressembl e que bien peu à ce ''ieux droit civil que les rédacteurs du Code ont, pour ainsi dire, tiré tout d' une
pièce des institution de nolre rieille France co utumière
ou des compilations monumentales du droit romain glosées par beaucoup de profonds esprits.
Des diliérences aussi essenti ell es mises en lumière, on
reconnaîtra sans difficul t6 que mieux vau t remonter aux
sources, que de compléler le Code de commerce par le
Code civil.
Or, si nous co nsulton s la tradition, nous voyons qu'avant l'ordonnance de Mou lins de 1t>66, reproduite et
développée par l'ordonnance de 1667, le · droit civil et
commercial ad mettaient la preuve testimoniale, et cela,
en toute mati ère et pour tout e valeur. Puis des ordonnances sur les matières civiles on t mod ifi é cette législation , mais les lois commerciales, pour ce qui a trait à la
preuve, sont restées intactes, et le sont encore, car l'article 109 n'a fai t que reco nnaître et affirmer une fois de ,
plus la tradition en décidant qu'on pourra se servir de
la preuve tesLimoniale dans les cas où le tribunal croira
-
121) -
devoir l'admettre. Et si maintenant un article du Code de
commerce vient, comme l'article 332, ex iger un acte écrit
pour que la preuve pnisse être fa ite, c'est une dérogation
à l'arti cle 109 Code co rn. , au droit ancien, el non à l'article 131"1 Code civil auqu el il ne faut passe repo rter.
No u:; sommes donc autorisés à conclure qu e la preuve
testimoni ale ne peut être admi se quelle que soit la valeur
du lltige, en nous basa nt sur les articles 109 et 332
Code co rn . co mbin és.
On réfuterait pa r un raisonnement semblable (l'art.
33~ dérogea nt à. l'art. 109 interdit la preuve par témoin s) la théo rie émise par Dageville qui consiste à
adm ellre touj ours la preuve testimoniale, même au cas
où il n'y au rait pas de comm encement de preuve écrite,
el où il s'agirait d'une valeur supérieure à 450 franc:;.
.Mais si on peut assez facilement réfuter l'opinion de
Valin, on est assez embarrassé, au premi er abord, pour
renverser les argum1rnts d'Emérigon raj eunis par la doctrin e moderne.
L'auteur qui a le plus savamment peut-être exposé les
motifs qui militent en fave ur de la sub stancialilé de
l'écrit, est M. Cresp, dont nous allons examiner la doctrine en suivant, dans son ouvrage même, le cours de ses
développemen ts.
.
Après avoir constaté les divergences et les conlrad1ctions auxquelles le prob lème a donné lieu, le savant auteur trouve dans l'hi storique de la question un argument
bien fort à première vue. Il constate qu'aut.refo is les
ass urances etaient valabl es, même sans écrit, mais que
ce mode de procéder donnant lieu à des abus crian ts et
�-
126 -
à des tromperies sans nombre, le législateur intervint et
exigea non pas seulement uno simple constatation écrite
destinée à prouver le contrat et ses conditions, mais
même un acte authentique dressé pour constater les ac cords par des notaires greffi ers <l'assnrance institu és à
cet effet. Depuis ces charges di parurent, et les notaires
greffiers d'assurance furent remplacés par des courtiers
et notaires ayant les mêmes attributions, et dressant, eux
aussi, des actes authentiques.
C'est alors que fut rédigée l'ordonnance de 1681 qui
maintint !e principe en vigueur, mais (c'est là sa seule
réforme) n'exigea plus à pein e de nullité l'auth enlicité de
l'acte, et se con len ta d'un écrit sous seing privé, toujours,
bien entendu , à pein e de nullité. L'ordonnance ne dit pas
« à peine de nullité 11 , mais ell e n'avait pas besoin de le
dire, avec de tell es tradition s, et entourée partout, en Allemagne, en Itali e, de do cum ents législatifs exprimant
clairement que telle était leur prescription .
. Ainsi donc, sous l'ordonnance, la qu estion , quoique
discutée, n'était pas douteuse. Sous le Code, il n'en est
pas autremenL puisque ce n'est qu 'un e copie de J'ordonnance.
Ce ~aisonnement renferme une err eur qui le vi cie
~ompletement. L'historiqu e de la qu estion que M. Cresp
rnvoque en faveur de sa théorie se retourne contre lui
.
'
s1on remarque que dans le texte qui constate l'institution
?'officiers spéciaux créés pour constater les assuran ces,
il y. a une erreur manifeste. Ce texte, c'est le passage du
Guidon de la Mer que nous avons cité au début de la discussion. Après avoir dit que pour réprimer les abu s, il a
-
127 -
fallu ~ommer des notaires greffiers d'assurance, le texte
ajoute qu'il faudra s'adresser à eux pour cette rédaction,
de même qu e pour tous les autres contrats. Ces derniers
mots contiennent certain ement un e inexactitude. Peu
importe qu 'ell e soit du e à une erreur de rédaction ou à
un o.ubli de l'auteur du Guidon . Ce qu'il y a de certain
c'est qu e personne n'a jamais soutenu et pu soutenir,
que, pour la co nstatation d'un contrat qu elconque, il
faille nécessairement 'adresser à un officier ministériel,
qu'il soit absolument impossible de s'engager autrement
que par son intermédi aire.
On voit de uite par ce lle simple remarque combien
est faibl e un argument qui repose sur une base aussi fragile.
Mais allons plus loin . En admettant qu'il faille s'en
tenir a l'assertion du Gnidon , l'ordonnance de la marin e
n'a-t- elle pas tout changé? Evidemment si, la réponse
n'est pas douteuse; elle a admi s la validité d'un contrat
d'ass uran ce constaté par un écrit sous seing privè el ce
mode de constatati on s'es t gé néralisé au point qu e les
notaires greffi ers d'assurance ont disparu .
Aujourd' hui, comm e après 1681, cet écrit n'est plus
exigé que pour la preuve.
Le Code a voulu un acte sous seing privé pour que la
· · · I' or donnance
convention ne soit pas dc1uleuse, ·il a 1lll1te
qui n'avait pour but que de fa ire disµaraître, pour la démonstration de la vérité, les enqu êtes par turbes dont
depuis longtemps déjà on avait remarqué les in co~ vé
nieots. Toutes les dispositions de la loi le prouvent bien·
Si le législateur veut reponsser la preuve par acte sou
�-
128 -
seing privé, il exige à peine de nullité la rédaction d'un
acte authentique, et quand il admet qu e la preuve par
acte sous sei ng privé suffit , il n'a en vue de proscrire
que la preuve tes timoniale.
Veut-il proscrire aussi l'aveu ou Je serment? Evidemment non. Que!Je preuve est, en eliet, plus certain e que
cell e-là ! La partie qui se plaint ou qui refuse de remp lir
ses engagemen ts, reconnaît devan t un tribupal qu'elle
n'a pas le droit de se plaindre, ou qq'elle a effec tivement
contracté les engagementsdont on se prévaut con tre ell e,
et cela serait insuffisant! Pour l'ad mettre, il faudrait un
texte formel ordonnant qu'à pein e de nullilb du contrat ·
la police devra être rédigée par écrit, et nulle part dans
le Code nous ne lisons une disposition renferman t des
termes auss i catégoriq ues.
M. Cresp reconnaît lui-même, jusqu'à un certain po int,
qu e son argument n'es t pas irréfutable puisqu'il ajou te:
« Ja preuve littérale est ici la seule permise, iÎ y a exclusion de tout autre genre de preuve, de celles par témoi ns
ou par si mples présomptions. Mais dès lors, qu'aura-ton ga~Dé à distinguer l'esse nce du contrat de la preuve à
foarn1r? Ce ne sont que de vaines el subtiles abstractions
qui viendront échou er co ntre les nécessités de la pratique. Qu'importe qu e, malgré l'absence d'un écrit, mon
assuran ~e ait une existence va lab le, en ell e-même et prise
abstr_act1vement, si, à l'appli cation, lorsq u'on en vient
au fait, cette assurance, faute d' un écrit, res te sans eliet
possible contre celui qui l'a dénie? Le résultat n'est-il
pas toujours le même ? >>
Et le savant auteur blâmant Vaho
~t Pothier démontre
-
129 -
qu e, non seul ement la preuve testim oniale, mais encore
l'aveu et le serment sont un e pure illusion, et que, soit
légalemen t, so it en pratique, ces moyens de preuve sont
absolument in ad missibles. Le motif en est simple. Comment se rappeler les co nditions de l'assurance, les moindres détails du co ntrat. C'est à peu près im possible, et
pour s'en convain cre, il n'y a qu'i.l jeter les yeux sur le
long article 332 du Code de commerce.
Cette al'gumentation ne nous persuade pas. 11 ne nous
paraît pas douteux qu e la difficulté de la constatation soit
insuffisan te pour autoriser le rejet de la preuve par l'aveu
ou par le serm ent. Mais celle constatation est-elle, en
réali té, auss i difficile qu'on le prétend? Tous les auteurs
reconnai sse nt que la plupart des énonciations de l'a rti cle
332 ne so nt pas essen ti el les à. la police, et nous aurons
dans l' étud e de chacun des paragraphes du texte, à nous
poser la question de savoi r quelles sont parmi les mentions de l'article cell es que la loi exige à peine de nullité
du co ntrat.
Nous verrons, affirmons-le pour le moment sans le
d~montre r, pour ne pas empi éter sur des développements ultérieurs, qu'en réa lité la police d'assurance peut
se réduire à bien pe11 de termes, qu'il y ait un objet, des
risques, un e prime et un intérêt pour les parties, cela
suffit , el les qu estions sur lesq uell es portera l'aveu ou le
serment sero nt ainsi bien si mplifiées.
Si maintenant nous examinons la jurisprudence, nous
voyons la même ind écision qu e dans la doctrin e.
La Cour de Renn es dans un arrêt du 15 décembre
'183~ se prononce pour l'opinion de Valin : « Considé-
�-
130 -
raat, dit ce document, que si l'arti cle 33~ du Code de
commerce, port eque le contrat d'assurance est rédioé par
écrit, celte dispo. ition n'a pas pour objet d'établi; que
l'écriture so it de l'essence du contrat, mais de désigner l'espèce de preure dont la convention est en général
susceptible. ... >> (Sic, ca s. 15 févr. 1826).
La Cour d'Aix dans un arrêl en date du 23 novem bre
1813 rejette loule preuve, le timoniale, par l'aveu ou
par le serment.
?omm~ dans la question onmise aux magistrats il y
avait ~lusieu~s points d'une importance capitale dans
~oL.re elude, il nous paraît ntil e de le rapporter. « Cons1derant que le contrat d'assurance étant synallagmatique
ne peul être consenti par actP, privé quand l:i prime reste
due aux assureurs, qu 'aotant qu e ce billet aurait été fait
e~ ~utant d'o rigin aux qu'il y a parties ayant un intérêt
d1st1oct, qu'élao t convenu en fait que le billet dont il
~ ~1t'. dn~u P,I il co nste que la prime restait due, n'ayant
ete fait qu en un seo l original remis par les ass ureu rs sigoat:1ires à Marion assuré il en résulte qu '1'l .
.
.
.
'
n y a Jamais
~u. d engagements réciproqu es , puisqu e dans le cas d' un
eveu.em ent contraire, Marion aurait pu ne pas exhiber
ce billet pour se dispe nser de payer la prime aux assureurs. C~nsidérant que l'en reg istrement de ce billet auq.uel Manon a fait pror,éder avant le commencement du
nsq.a~ ne t~ndait qu 'à en fixer la date, mais n'opérait pas
la r~c'.pr~c1Lé de l'engagement, et ne pouvait réparer la
nul11te res ultant de l'om 1ssioo d' un doubl
.. 1
e or1grna ; que
n?no?stant que le billet eût été enregistré, les assureurs
n avaient eu aucun droit de forcer Marion à le représen-
-11H -
ter, si son intérêt, dans un événem ent contraire, s'y était
opposé, suivant la règle : nemo tenetut edere contrà
se. Considérant que les parti es ayan t traité entre elles
pour se lier par un écrit, il faut en conclare qu'il n'y a
point eu de trailé valable, puisque cet écrit est nul.
Considérant qu e cet écrit étant nul ne pourrait êlre admis comme un commencem ent de preuve par écri t pour
donn er lieu à la preuve testimonial e de l'existence d' un
contrat verbal , que ce traité n'a pas été parfait comme
verbal, puisqu'il devai t être réd igé par écrit ; que la nullité du titre écri t allénu e et dissout les accords verbaux
qui étai ent subordonn és à cet écrit, et que jamais un
acte privé qui est nul par défaut de réciprocité ne peut
servir d'un commencement de preuve écrite pour remplacer cet écrit par un e preuve testimoniale, que d'ailleurs l'articl e 332 (C. corn. ) exigeant que le contrat d'assuran ce soit rédi gé par écrit afin qu'il ne puisse exister
la moindre inexactitude sur l'h eure et les conditions du
contrat, la preuve tes timoniale n'y est pas admissible,
qu e la loi ayant détermin é spécialement la forme de ce
contrat fl n exigeant qu'i l soit rédigé par écrit, on n'est
pas fondé à exciper des règles générales da droit commun
qui ne so nt pas applicabl es là nù il existe des règles particulières. - Met l' ap pellation et ce dont est appel à
néant. 11 (Sic, Marseille, 2 décembre1836).
Enfin, Marse ille, 18 octobre 1821.,.- Douai, 7 décembre 1858, ont ad mis l'opinion de Pothier à laquelle nous
avons donné nos préférences.
Pour nou s, en un mot, à défaut d'écrit, la police d'assurance ne peut pas se prouver par témoins. La preuve
par l'aveu ou par le serment est seule admissible.
�-
132 -
Il noas paraît cependant juridiqu e de décid er qu e
l'existen ce d'an contrat d'assurance peut être prouvée
par témoins, quand ce n'est pas entre assureur et assuré
qu'il ~·agit de prouver qu e ltl contrat ex iste, mais que
c'est entre un Jes contractant et an tiers int éressé, par
exemple, entre la personn e qui a été charaéc de faire
fa ire l'assurance aa nom d' un autre et c:lui pour le
co.rnpte de qui l'assurance a été faite. Dans ce tte bypothese, eo effet, il s'agit de constater un sim ple fait et Ja
preave par lémoias n'en est pas repoussée par le Code
de comm erce.
.
C'es t la théorie qu 'a adop té la Cour de Cassa tion dans
un arrêt en date do 5 anût 1823.
§ III. Des polices par acte a·uth entiqtie et sous
seing pr'ivé.
'1° P~r acte sous seing privé. _Cette police qui ,
en pratique, est loajoors dressée pour constater les
a~c?rds de volonté des parties contrac tantes, peut être
rcd1gée par acte authentique ou par acte sous :;ein a
privé. Les parties peuvent, en eJTet, s'aboucher directe~
ment entre elles, et débattre les co nditions de l'assurance, co,mme de Loute autre afJaire, ou bien elles peuv~ ~t, et c est le cas le plus fréquent, agir par l'iùlermédia1re de certains agents iosti tués par la loi.
.Dans. la premi ère hypothèse, c'est d' un e police sous
serng pr1.vé qu 'il s'agit. L'examen de celte police ne de~an~era1t pas de développ ements, si une grosse question
n avatL pas été soulevée par les aute urs, qui l'ont tran-
-
133 -
cbée en des sens différents. Un seul original suffit-il ou
l'écrit doit-il être fa it en double ? La question , théoriquement surtout (ca r, en pratiqu e, le contrat synallag matique d'assurance dégénère souvent en un contrat unilatéral, puisqu e la prime se r è~ le en billets souscrits par
l'assuré), prése nte le plus haut inlérêt. Faut-il ou n ~
faut-i l pas appli qu er l'a rti cle 1325 S1 du Code civil ainsi
conçu : « Les actes sous seing pri vé qui contiennent des
con venti ons synallagmatiq ues, ne sont valabl es qu'autant
qu'ils on t été fai ts en autan t d'originaux qu'il y a de
parties aya nt un intérêl distin ct. »?
Nous proposo n l'affirm ative. Di ra-t-on qu e les modes
de preuve en matière com mercia le dilTèrcnt de ceux
qu'adopte le dro il civil ? Nous som me les premi ers à le
reconn aître. Mais nulle part dans le Cod e de co mmerce
oous ne voyo ns for mol ée la règle que, dans un e poli ce
d'assurance sous sein g pri vé, on origin al suffit, et, en
l'absence d' un tex te, nous so mmes placés dans l'altern ative, ou d'éij outer quelqu e chose à la loi, de nous érige r
en législateurs, ce qu e nous refuserons touj ours d'admettre, ou de raiso nner par analogie et de com pléter le Code
de commerce, qu an d il est mu et, par le Code civil, ce
qu e nous acceptons d'autant plus aisément que pl usieurs
articles de ce Code nous y autorisen t., v. g. les arl. 1107
et 1341, qui ap rès avoir formulé une règle ajouten t
cc à moins que le Code de commerce y déroge J> ou bi en
encore cc sa ns préjudice de ce qui est prescrit dans les
loig relati ves au com merce» et, comme, sur ce point, le
Cod e de commerce est mu et, nous devons nous référer
aux principes du droit civil.
�-
-
134 -
Et puis, si un seul original suffi sait, quelle inégalilé
évidemment illégale et antijuridique entre les parties!
No us le comprendrions certainement, et c'es t l'opinion
générale, sïl s'agissait d'un acte rédigé par une personne
ayant mission de le faire, et donnant acet écrit un caractère authentique, car alors la partie privée du titre peut
s'y référer ou s'en faire déli uer un e copie. Mais ici, la
partie qui possèderait l'acte, l'assuré, par exemple,
mettrait l'assureur à sa disposition, pourrait, à so n gré ,
violer la loi du contrat, et c'est ce que nous ne saurions
admettre.
Faisons à l'appui de notre théorie un e dernière
remarque qui a bien son importance. Lors de la rédaction du Code de commerce, le trib un al de Nant es et la
Cour de Bordeaux manifestèrent le désir que l'on ajoutât
aux mots « il peut être fa it so us sigoaturc3 privée ,, les
mots cc dans ce cas, il sera fait en double. »Celle réclamation n'aboutit pas parce qu e, s'il faut en croire Locré, on
la considéra comme inutile. De deux choses l'une, en
effet, ou l'acte a été fait par un courti er, et alors si l'assuré ne voulait pas payer la prime, les assureurs l'y contraindraient en présentant le livre du courtier, ou les
parties ont traité sans intermédiaire, et alors la police
doit nécessairemen l être fa ite en double parce que le
contrat est régi par les règles du droit comm un .
On invoque en sens contraire un vieil usage, mais
le Code civil l'a réformé, et si le Code de commerce n'avait pas adopté lui aussi cette réforme, il n'aurait pas
manqué de le dire, surto ut ap rès qu'une jurisprudence de la Cour suprême, à peu près constante de-
135 -
puis 1816, lui a montré cette prétend ue lacune (Aix, 23
nov. 1813. - Cass. req. 19 déc. 1816).
Ou reste, l'usage qu'on invoque ne se rappor tait qu'au
cas J'une police dressée ou négociée par courtiers, et,
par conséquen t, il ne saurait à bon droit nou s être opposé. Bédarride, Canmont, Alauzet, Boiste\, Locré, Boulay-Paty, Vincens ont professé cette doctrine. C'est aussi
l'opini on qu 'e nseigne à son c9urs M. Laurio (Contrà
Pardessus, temonnier, Delvincourt, Cresp).
z•
Par acte authentique. -
En général, l'assureur
et l'assuré ne s'abou chent pas directement, ils traitent
par des in termédia ires, qui alors eux, avec une qualité
qui leur est propre, dressent une police destinée à constater le co nsentement des cléux parties. Ces intermédiaires sont des courti ers d'assurances ou des notaires, aux
termes de l'arti cle 79 du Code de commerce qui dit :
cc Les courtiers d'assurances r~dige nt les contrats ou polices d'assurance, concurremment avec les notaire~ ; ils
en attestent la vérité par leur signaturc3, certifiant le taux
des primes, pour ton s les voyages de mer ou de rivière. »
Les courtiers ont donc la rédaction de la police et sa
négociation. Voici, en quelques mots, co mment ils opèrent :
Après avoir conféré avec celui qui veut faire assurer
tel risque , chargeur, arm:iteur ou propriétaire, le courtier, muni d' un imprimé de police, au verso duquel il a
noté le risque en qnestion, se met en quête d'assureurs,
et requiert leurs so uscriptions, jusqu'à ce que ce risque
ait été complèteme nt couvert, ou qu'il ne trouve plus
�-
136 -
d'assureurs. Chaque assureu r indi'}ue la somme qu'il
souscrit, signe, et, s'il le veut, indiq ue tell e modifi ca tion
que bon lui sembl e, telle res tri ction qu'i l désire (pourvu,
bien en ten du , que l'as uré y consente) . La valeur complète souscrite, le courti er clôt la police, la signe, puis
en note les conditions sur so n carn et et sur le livre qu'il
doit tenir régulièremen t et jour par jour, enfin il remet à
l'assuré cette police sig:iée des assureurs et de lui .
Celte façon de procéder n'a pas été adoptée aisément
par tout le monde. Celte police, a- t-on dit, n'est pas valable, car la signature de l'assuré, de l'une des parties
co ntractantes, fai t défaut. Nous refu sons, on t dit ces auteurs, d'en admettre la validité) parce que, que ce soit
un acte authentiqu e ou sous seiogprivé, il fa ut que l'assuré
signe; l'articl e 109 l' exige ponr le bordereau de l'agent
de change et du courti er, il doi t en être ici de même. Tel
n'est pas notre avis. Ne co nfondon s pas, comme Toul lier et Mollot, les polices dressées par les co urti ers d'assurances avec le bordereau de l'artii;le 109 qui ne se
réfère pas au co ntrat d'assu rance, qui ne parle même pas
de police, qui ne vise, bien évidemm ent, qu e les bordereaux et arrêtés de comp tes émanés des co urti ers de
marchandises, qui n'a en vue que les achats et ventes,
et qn'on doit d'autant moins étendre aax assurances, qu e
ces courtiers de marchand ises ne sont visés par aucun
tex te qui, com me l'anicle 79, leur do nn e mission de
rédiger des poli ces et d'en attes ter la vérité par leurs signatures.
De plus, l'article 332 exige qu e le nom et le domicile
de l'assuré soit énoncé dans la police, et il est muet en
-
137 -
ce qui regarde l'assureur. N'en résulte-t-il pas, et de la
façon la plus péremptoire, que l'assuré n'a pas besoin de
manifester son in Lenti on de co ntracter en signant la police,
tandis que l'assureur, qui lui n'y figure pas, doi t signer.
Mais1_ il y a d'autres arguments en faveur de notre
théorie.
L'article 192 § 8 du C<1de de commerce dit en substance que l'assureur qui a un pri vilège pour sa prime,
justifiera de celte prime par les poli ces ou extraits des
livres des courtiers. La loi les met tous deux sur la même
ligne, or ces livres des co urti ers ne sont pas signés par
les assurés, c'est donc qu'ils so nt engagés indépendamment de leurs signatures.
Ce livre des courtiers est un registre spécial coté el
paraphé, tenu jour par jour, où le cou rtier doit trans crire toutes les po lices d'assurance qu'i l reço it. Ce livre
était prescrit par l'ordonnance de 1681, et les articles
47 et suivan ts de la loi du 5 juin 1850 sur le timbre,
obligent ces officiel's à ten ir un pareil registre.
Un dernier argument. Le texte qui est le siège même
de la qu es tion, l'article 79, tranche, nous semble-t-il , la
difficulté; il dit que les cou rti ers attestent la vérité des
polices d'assurance par leur signature. l\lais, si la signature de l'assuré était nécessaire, le con trat serait parfait,
puisque celle de l'assureur est requise, la signatu re du
courtie1· n'ajouterait rien à sa perfection, la vérilé de la
police, comme de tout autre co ntrat, ne saurait être contestée, et le seul moyen de comprendre notre article 79
est précisémen t de reconnaître que la signature du co11rtier remplace celle de l'assuré.
9
�-
138 -
Alais les polices rédigées par les courtiers sont-elles
des actes authentiques ou sous seing privé? Sous notre
ancienne légi lation française, il n'y a pas sur ce point de
doute sérieux. Le traité des Assurances d'Émérigon nous
apprend que les courtiers de Marseille rédigeaient des
polices emportant hypoth èque tout comme celles dressées par notaires. Le sa va nt auteur, en effet, approuve
une déclaration du 29 mai 1778, qui décide que les polices reçues et closes par des co urtiers emportent hypothèque comme les actes dre sés par notaires, et plus loin
il affirme que les assurances fai tes entre les parties sont
seules actes sous seing privé.
Mais, après la rédaction du Code, une grande diversité
règne parmi les auteurs. Dagev ille ne consid ère com me
actes sous seing privé que les polices passées sans aucun
intermédiaire légal. Vincens y ajou te les polices rédigées
par courtiers et Pard essus partage cette opinion quand
il dit : << Les courtiers d'assurance sont établis pour négocier, entre personnes qui ne traitent pas directemen t
les conventions d'assurances nommées polices, pour attester par leur signature la vérité des actes sous seing privé
qui les constatent, et pou r recevoir, concurremment
avec les notaires, les actes des parties qui ne peuven t
pas ou ne saven t pas écrire. ))
Toullier, nous l'avons vu, les a~simile aux bordereaux
de l'article 109 du Code de comm erce, et décide qu'elles
n'ont que la force d'actes privés.
Quelques anteurs, Boulay-Paty, Favart de Langlade,
Lemonnier, préfèrent la théorie émise par Dageville.
C'est cette dernière opinion qui nous paraît la plus fon-
-
139 -
dée. Qu'est-ce, en elîet, qu'un acte authentique ? Merlin
dans so n Répertoire (v 0 Auth entique) nous en donne une
définiti on qui complète celle de l'arti cle 1317 du Code
civil: << Ce mot au thentique, nous dit-il, s'applique
aux actes émanés d'officiers publics et accompagnés de
toutes les marqu es déterminées par la loi pour que plei ne
foi y soit ajo utée. Pour qu'un acte soit auth entique, il
faut donc, d'abord, qu' il émane d' un officier public qui
ait qualité po ur l'attester, et que cet acte ait été de son
ministère. Les marques caractéristiques de l'authenticité
des écrits ne sont pas les mêmes pour toutes sortes d'actes.» C'est-à-dire, d'après celte défin ition, que l'acte est
authen tique, s'i l a été, com me on l'a dit souvent, dressé
par un officier public capable et compétent, instrumentant avec les solennités requises. Toutefois un seul caractère est commun à tous ces actes, c'est leur force probante; ils fO nt foi !jusqu'à inscrip tion de fanx de leur
date et des énonciations qni ont un rapport direct à. leur
disposition.Quant à leurs autres effets, ils varient suivant
qu'on examine tel ou tel acte authentique. Les jugements
et le · actes notariés, par exemp le, empo rtent seuls hypothèque et exécution parée, co ntrairement à ce qui avait
lieu dans notre ancien droit.
A prése nt que nous venons de dire en quelques mots
ce qu'est un acte authentique, voyons si les courtiers
doivent être considérés comme des officiers publics institués pour les dresser. On ne peut guère le ni er en présence de l'article 79 du Code de commerce. Objectet-on l'article 1er de la loi du '.2.:S ventôse an XI, qui dit :
« Les notaires son t les fonctionnaires publics établis
�-HO-
poar recevoir les actes et contrats auxquels les parties
doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux. actes de l'autorité publique, et pour en
assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des
grosses et expéditions»? Nous répondons que le Code de
commerce y déroge, et que du reste cet article ne parle
pas de l'authenticité en général, mais du caractère d'authenticité allaché aux actes de l'autorité publique, el
nous sommes les premiers à reconnaître que les notaires
seuls font des actes emportant hypothèque et exécution
parée ; ce qui ne démontre pas que les courtiers ne puissent pas dresser des actes aurhentiques, c'est-à-dire faisant foi jusqu'à inscription de faux.
Le courtier fait donc un acte authentique en rédigeant
one police, c'est un officier public, ca pable et compétent,
mais il faut qu'il agisse avec les formalités requises. Ces
formalités so nt fort si mples: il faut d'abord qu'il la signe,
et que de plus, en vertu de l'article 69, livre III, titre v1
de l'ordonnance de 1681 qui n'a pas été abrogé, il tran scrive et garde sur un registre particulier les polices d'assurance qu'il a reçues et dressées.
Tels sont, suivant nous, les principes qui régissent les
polices d'assurance dressées par les courtiers.
.Mais nous avons dit avec la loi qu e les notaires sont
compétents eux aussi pour constater les polices d'assurance. Qu'ils puissent le faire en employant l'unité de
contexte, la présence des témoins et tout le luxe infini de
formalités auxquelles les notaires doivent obéir dans la
rédaction de Jeurs actes. Ce n'est pas douteux. Mais peuvent-ils aussi dresser ces polices en employant se uli~ment
-
U1 -
les formes simples et rapides que la loi impose aux courtiers d'assurances?
Les notaires, en un mot, ont-ils, au même titre que
Jes courtiers, la rédaction des polices et leur négociation?
La question a été définitivement tranchée par un arrêt
de la Cour de cassation en date du 7 février 1833.
Bien avant la rédaction du Code, les notaires s'étaient
arrogé ce droit au préjudi ce des courtiers, qui, en 1830,
poursuivirent M0 Querci, notaire, et Rave , son clerc, devant le tribunal correctionnel de Marseille, en soutenant
qu'ils avaient commis le délit de concurrence illicite. Ils
ba$aient leur accusatio.n sur ce fait que Je Code de commerce ne donnait pas aux notaires le droit de négocier
les polices, et qu e, même pour ce qui regarde la rédaction, ils ne pouvaient pas, en l'absence d'un texte, agir
autrement qu'en obéissant aux principes et a:ux formalités
de la loi fo ndamentale du notariat.
Cetle prétention intéressant la compagni e des notaires
de Marseille, ils assignèrent les co urtiers devant le tribunal civil pour les voir se démettre de leurs prétentions,
et pour leur faire imposer un perpétuel silence. Le2 août
1831 un jugement du tribunal de Marseille donna gain
de cause aux notaires . Sur l'appel des courti ers, la Cour
d'Aix confirma la décision du tribunal de Marseille le
23 janvier 1832 et la Cour de cassation reje ta, elle aussi,
le pourvoi des courtiers. Voici les termes mêmes de cet
arrêt important que la Cour suprême rendit le 7 février
1833.
c< La Cour, considérant que l'article 79 du Code de
�-142-
commerce, loin d'attribuer aux courtiers d'assurances un
droit exclusif, soit pour la négociation et les opérations
qui doivenl précéder les contrats ou polices d'assurance,
soit pour la rédaction de ces contrats sous la forme d'actes privés, a établi une concurrence générale et illi mitée,
pour ces opérations, entre les courtiers et les notaires ;
que cette concurrence comprend la form e des actes aussi
bien que le droit de les négocier et de les rédi ger ; que
la mission conférée aux notaires com me aux courtiers dt3
rédiger et de certifier les contrats d'assurance, emporte
avec elle le pom'oir de négocier; que la loi, plaçant sur
la même ligne ces deux classes d'officiers, et les comprenan(dan s la même disposilion, leur co nfère les mêmes
fon ctions et les mêmes droits; considérant que la disposition insérée dan s l'article 79 du Code de commerce n'a
pas introduit un droit nouveau, _que depuis plus d'un' siècle avant la !publi cation de ce Code, les. notaires étaient
eo possession dans plusieurs villes de France, notamment
à Marseille, de négocier, de rédiger, de 1~ertifier les polices d'assurance dans la même form e que les courtiers ;
que cet usage constaté par l'arrêt allaqu é est étab li tan t
par les articles 68 et'69 de J'ordonnance de 1681 que par
le témoignage des auteur qui ont écrit sur cette mati ère ;
qu'ainsi le Code de commerce n'a fait que confirmer
l'ancienne législation ; que, s'il ayait voul u l'abroger et
conférer aux courtiers seuls la négociati on des poliees
d'assurance, l'article 79 aurai t eté rédigé comm e les articles 76, 78, 80 et 82 avec l'énon ciation d' un droit exclusif. - Rej ette. >>
1
Mais la Cour de cassation , dans un de ses motifs, a
-
44~~
-
montré, qu'à son point de vue, les polices reçues par
courtiers et par notaires en la forme des actes non notariés n'étaient qu e de simples actes privés, n'ayant pas
la force probante des actes authentiqu es.
Nous avons déjà traité la question pour les courtiers,
et nous nous contentons d'ajouter que, puisque les
notaires ont un droit égal aux courtiers, les polices qu'ils
auront dressées dans la même forme qu'eux, seront,
elles aussi, authentiques; auth entiques, non pas en ce
sens qu'elles pourront être considérées comme des actes
notariés, mais seulement en ce sens qu'elles f~ront foi
jusqu'à inscription de faux de leur date et de leur contenu, en tant que ce co nten u ne devra pas être considéré
comme une simple énon ciation .
Telle est l'opinion que nous croyons devoir adopter et
qn'un savant auteur, 1\f. Lemonnier, dans son commentaire sur les po lices d'assurance maritime usitées en
France, exprime en ces termes: « Nous comprendrions
mal, en effet, que la loi eût deux poids et deux mesures,
qu'elle eût fait des notaires les compétiteurs et, suivant
ses propres expressions, les concurrents des courtiers, et
qu'ell e les assuj ettît à des formes dont elle a dispensé
ceux-ci. Nous croyon s, qu'en négociant ou en dressant
des polices d'assurance, les notaires exercent un ministère différent de leur min istère habituel, qu'ils font là
office de coùrti er et non office de notaire, qu'ils reçoivent un acte d'espèce particu lière, dont les conditi ons
d'authenticité sont, par conséquent, différen tes des conditions requises dans les actes notariés. »
En un mot, courtiers et notaires ont un droit égal, tous
�-
-1 U -
deux peuvent dresser des polices d'assurance revêtues du
caractère d'authenticité que nous leur attribuons, et nous
ne consid érons comme actes sous seing privé que les
polices, que sans inlermédiaire légal, les parties ont,
elles-mêmes, d'un commun accord, réd igées et signées.
Avant d'en finir avec l'élude des form es externes de
la police d'assurance. voyons de quell e manière des
Français, à l'étranger , pourraient assurer et se faire
assurer.
Certainement ils pourraient contracter en s'abouchant
eux-mêmes, en se liant par un acte sous sein g privé, Ja
loi de leur pays les y autorise.
Certainement encore ils pourraient s'adresser à ]'officier public qui a, dans le pays où ils se trouvent, mission
Effi rédiger ces sortes d'actes; la règle: Locus regi t actum, les mettrai t à l'abri de tout danger.
Mais, il~ pourraient encore, pensons-nous, s'adresser
au chancelier du consul français du pays où ils résid ent
et, d~e~sé par lui, cet acte aura la même force, la m êm ~
autonte, que ceux que dressent en France les courtiers
et les notaires. Ce droit qu'avait autrefois le chancelier
du consul lui appartient encore aujourd'hui. Démontrons-le en quelques mots.
L'ordonnance de 1681 dans son article 25, titre des
co~suls •. portait 11 que les polices d'assurance, les obligat10n s a la grosse aventure, ou à retour de vovaae et
tous les autres coutrals maritim es pourraient être~ p;ssés
en la chancellerie du consulat en présence de deux
témoins qui signeront. ,,
Si nous arrivons au Code, nous y voyons bien que les
H.5 -
consuls peuvent rédiger des actes de l'état civil, mais il
n'est pas question des autres actes. Cependant depuis les
ordonnances de 1833 la question n'est guère douteuse,
et Pardessus enseigne , avec raison, qu e les consuls
pourront rédiger ces polices , et qu' elles auront les
mêmes effets que celles rédigées par des notaires en
Fran ce. Ce système a pour base solide l'article 8 de
l'ordonnance du 25 octobre 1833 qui dit que les intéressés pourront, si bon leur semble, passer les actes,
soit en la chancelleri e, so it devant des fon ctionnaires
publics compétents. Cette disposition ne distinguant pas
entre telle ou telle catégorie d'actes, il faut décider
qu'elle s'a pplique à to us quels qu'ils soient, et par conséquent aux polices d'assurance, conformément au principe: Ubi tex non dis tinguit, nec nos distinguere
debernus.
�-
CHAPITRE III
Formes internes. - Des énonciations que doit contenir la police d'assurance.
Nous allons ici suivre aussi fidèlement que possible
l'article 332, que nous connaissons déjà, et qui sera le
guide le plus sûr.
On se perd, à première vue, dans les nombreuses
énonciations qu'il renferme, et, ce qui rend ce texte plus
obscur encore. c'est qu'il est souvent difficile, devant le
silence le plus complet, de dire ce qui est exigé à peine
de nullité, et ce qui n'est pas essentiel.
Les principes généraux de l'assurance nous serviront
so_uvent pour trancher les questions ardu es que nous exam1~eron s . Rappelons-nous que l'assurance n'est pas un
~ari, que la bonne foi doit régner toujours entre les parties, que l'assuré doit avoir un intérêt à se faire assurclr
et nous pourrons ainsi éclaircir la plupart de ces d ifficul~
tés, _prendre un e opinion dans la plupart de ces controverses que le conseil d'Etat n'a pas vo ulu trancher, les
aban~onnant ainsi aux commentaires divergents de la
doctrrne et aux incertitudes de la jurisprudence, malgré
les _observations de la Cour de cassation, qui, lors du
projet'. ~vait émi s le vœu que la loi indiquât quelles
énonc1aL1ons étaient requises à peine de nullité dan s le
U.7 -
texte qui devint l'arti cle 332. 11 Nous avons pensé que
la loi ne devait pas énoncer des principes absolus et des
exceptions générales, disait la commission, qu'il était
dangereux qu'elle descendît dans les détails de chaque
exception parti culière, parce qu'alors elle ne doit rien
omettre: inclusio unius est exclusio alterius.
On en pourrait conclure que ce qui n'est pas défendu
est permis. La chicane qui aime les détails parce qu'elle
y trouve toujours plus d'aliments s'y attache avec une
grande complaisance, et toute cette prévoyance du législateur devient souvent plus fun este qu'un e sage retenue. »
S BCTION
I. -
De J'influence des blancs dans la police.
Avant d' examin er la longue énumération de l'article
332 et de voir, chemin faisa nt, quelles · indi cations sont
indispensables à la validité du co ntrat, quelles son t simplement accessoires et peuven t êlre omises sans que la
nullité s1 ensuive, étudions la qu estion de savoir s'il peut
ou non y avoir des blancs dans la police.
L'ordonnance de 1681 (art. 68, liv. m, tit. 6) défendait aux courtiers et aux notairE:s de faire signer des polices en y laissant des blancs, à peine de dommages-intérêts. Les motifs de cette défense sont faciles a saisir. Les
dangers que présen tent toujours les espaces vides, les
abus qu'on peut faire d'un con trat où se trouvent des
lacunes, en y inscrivant des clauses contraires à la volonté de l'un des contractants la légitiment assez pour
qu'il ne soit pas nécessaire de la justifier longuement.
�-
-
148 _:.
D'autres lois postérieures maintinrent en la rappelant
cette prohitilion. Il suffit pour s'en convaincre de lire Je
règlement en forme de lettres patentes du 28 mai 1778
dont l'article 11 décide que le contrevenant sera puni
d'une amende et que le contrat sera annulé. Cet article
est ainsi conçu : « Tout négociant, notaire, courrier ou
autre personne qui aura pris part à quelqu'une des contraventions mentionnées aux deux articles précédents, ou
qui aura prêté so n nom pour les commettre, sera déclaré
non recevable en toute action résultant des polices d'assurance et condamné à un e amende de 300 livres, qui
sera doublée en cas de récidive. »
Malgré l'ordonnance, le règlement et l'amende, le vieil
usage de faire signer des polices en blan ~, usage rapporté
déjà par le Guidon de la Mer, était tellement enraciné
qu'il s(continua. Les récriminations de nombreux et
éminents jurisconsultes furent impuissantes à lè faire
cesser. Voici, par exemple, comment Emérigon s'exprime: «Le Guidon de la Mer (ch. n , art.15) dit que cc l'assureur en tout _se confie dans la prud'hommie de son
assuré, car nonobstant que le marchand chargeur expose
sur sa police les pactions et conditions sous lesquelles il
entend se faire assurer, toutefois l'assureur J~rsqu'il signe
la somme n'entre en conférence verbale avec l'assuré il
lit seulement ce qui est écrit au-dessous du style de la
poliœ, sans voir la sorte, qualité ni quantité des marchandises, suivant en cela la relation, prud'hommie et
fidélité de son marchand chargeur, présupposant qu'il
soit loyal en sa trafique. »
Parmi nous, les assureurs ne lisent et ne peuvent même
1
149-
lire que ce qui est écrit sur le revers de la police, car,
pour l'ordinaire, l'intérieur est en blanc. Le courtier le
remplit dès qu'il en a le loisir.
Cet usage contre lequel on ne cesse de crier a été prohibé par l' ordonnance (art. 68 des assurances) qui défend
aux notaires et courtiers de faire signer des polices où il
y ait des blancs, .à peine de tous dépens, dommages-intérêts. En vain, par plusieurs lois postérieures et notamment par le règlement en forme de lettres patentes du
28 mai 1778, a rti cl es~ et rn, la disposition de l'ordonnance a été rappelée . En vain, l'article 11 des mêmes lettres patentes co nd am ne à des amendes tout négociant,
notaire, courtier ou autre personne qui aura part à la
contravention des polices signées en blanc, l'abus subsiste et subsistera peut-être toujours à. Marseille, attendu
la multipli cité et l'urgence des assurances qui se font pendant la tenue de la loge.
Il faut avouer qu'il es t des moments critiques qui paraissent ne permettre aucun délai . Mais ces considération s
ne sauraient jamais légitimer un usage aussi irrégulier
que dan gereux. )>
Le Code, plus clément que l'ordonnance, prohibe bien
les blancs, mais sans déclarer nulle la police qui en renferme. Et alors on se demande aujourd'hui quel serait
l'effet d'une police de ce genre.
Et d'abord , quoique la question soit controversée,
nous pensons qu e les courtiers qui auraient contrevenu
' à la loi , ne seraient pas passibles de l'amende de
100 fr. dont l'article 13 de la loi de ventôse an XI punit
le notaire. Cet article est ainsi conçu : « Les actes de
I
�-
~50
-
notaires seront écrits en un seul et même contexte, lisiblement, sans abréviation, blanc, lacune ou intervalle;
ils contiendront les noms, prénoms, qualiLés et demeures des parties, ainsi que des témoins qui seraient appelés dans le cas de l'arLicle 11 ; ils énonceront en toutes lettres les sommes et les dates; les procurations <les
contrac-.tants seront annexées à la minute, qui fera ml3ntion qae la lecture de J'acte a élé faite aux parties: le
tout à peine de cent francs d'amende contre le notaire
contrevenant. »
Appliquer cette disposition aux courtiers, serait violer
le grand principe que les peines ne doivent pas être étendues d'un cas à un antre, principe qui découle de l'adage
plus général sncore : Exceptio est striclissimre interpretationis ; et ce serait laisser de côté notre article 33'.2 qui ,
loin d'appliquer au contrevenant l'article 13 de la loi sur
le notariat, ne prononce même pas la nullité de la police
qui contient des blancs.
Mais, suivant nous, il faut aller plus loin et décider
que, même les notaires qui rédigen t un e police'ne doivent
pas se voir appliquer ce t article 13. Comme nous l'avons
dit précédemment, avec M. Lemonnier, ils agissent ici
comme courtiers, ils ont les mêmes droits que les courtiers, les mêmes obligations qu'eux, et il ne faut pas les
traiter plus sévèrement en se fondant sur leur qualité de
notafre qu'ils ont, en quelque sorte, dépouillée pour la
circonstance.
1
Aujourd'hui les blancs n'annulent pas la police. Sous
l'empire de nos lois actuelles les assureurs ne pourraient
pas dire que les espaces vides ayant été remplis après
-
151 -
coup. ils n'ont pas à payer à. l'assuré une somme représentant le préjudice que lui 0nt causé des événements de
mer.
De nombreuses raisons militent en faveur de cette opinion.
Nous pouvons dire d'abord que sous l'ordonnance l'usage des blancs était admis en pratique, malgré une énergique prohibition. Ne doit·on pas aujourd'hui, avec les
termes précis du Code, qui ne prononcent pas la nullité,
trancher à fortiori la question dans le sens de la validité
de J'acte, de la police?
De plus, nous savo ns déjà que, parmi les~é noociations
de l'article 333 les unes son t essentielles, les autres, et
c'est le plus grand nombre, ne sonl pas requises à peine
de nullité, alors, si l'absence de l'une de ces énonciations
n'entraine pas la nullité, à bien plus forte raison en serat-il ainsi d'une si mpl e omission , pourvu que, du reste,
on trouve dans la police en question tous les éléments
essentiels qu'elle doit renfermer.
Enfin, en admettant même, ce qui serait faux, que les
blancs annulent la police sous prétexte qu'ils pourraient
être remplis de façon à imposer aux parties des condition s autres que celles qu'elles on t voulu accepter, on
serait toujours forcé de reconnaître que les contractants
pourraient sur ce point déroger à la loi par leurs conventions, car il est impossible de prétendre que l'article 332
est un texte dont la disposition intéresse l'ordre public
ou les bonnes mœurs. Mais alors, par cela seul que l'assureur a signé une police qui contient des blancs, il s'.est
par cela même enlevé le droit d'en demander la nullité,
�-
-
152 -
il a suivi la bonne foi de l'assuré ou de son in termédiaire
•
il a accepté la police telle quelle, et a ai nsi reconn u la
validité de toutes les énonciations qui postéri eurement à
sa signature rempliraient les espaces laissés en blanc.
Supposons à présent que la police qui renferm e des
blancs, une fois souscrite, il n'y ait pas d'add itions faites
après coup. Les assureurs seraient-ils fondés à invoquer
la nullité? Évidem ment non. Dans la précéde nte hypothèse, leur prétention pouvait paraître logiqu e, car ils ont
pu être liés autrement qu'ils l'auraient voulu, ils po uvaient, à la rigueur, soutenir qu'il n'y avait pas consentement de leur part ; mais ici leur grief porte sur un
simple trait de plume oublié, il y un a fo rtiori, le contrat vaut.
Les blancs ne peuvent donc pas faire annul er le contrat. Tel est le prin cipe. Mais si cette lacun e portait atteint.e a~x éléments essentiels de l'assurance, si ce qui
para1ssa1t être un oubli était au fon d un e réti ce nce alors
armés de l'article 332 et surtout de l'article 348 d~ Cod;
de commerce, les ass ureurs aurai ent infailliblement gai n
de cause, et le tribunal an nulerait cette assurance boiteuse, ce contrat où le co nsentement des parties serait
mal défini, cette police dans laquelle les éléments essen.
tiels feraient défaut.
. Si to us les éléments essentiels se trouvent dans la pol~c~, le seu l e~et des blancs est d'entraîner la responsabihte du co urtier à la faute duquel l'omission est due si
ce~te .omissiou lèse une des parties, et cela en vertu ' du
principe de droit et de raison énoncé dans l'article 1382
du Co~e civil : Quiconque cause un préjudice a autrui
est obhgé de le réparer.
153 -
En cas de dol, bien entendu, la partie lésée peut, suivant les cas, et sans préjudi ce des dommages-intérêts,
intenter l' acti on en nullité de l'artide 1304, ou l'action
en faux , en s'i nscrivant en faux contre la police, comme
cela est possible pour tou s les actes authentiques.
Nous avons cru devoir no us étend re avec quelques détails sur cette qu esti on importante, on a pu en juger, au
point de vue théoriq ue ; mais, pratiquement, les vi eux
usages commerciaux ont disparu, el on ne trouve plus un
seul blanc dans une seule police d' assurance.
S ECTI ON
II. -
De la date.
L'article 332 exige que la police so it datée . La date est
absolument nécessaire dans tons les actes authentiques,
de nombrP,UX do cuments juri diques en fon t fo i. Elle est
même exigée dans un grand nombr e d'actes sous sei ng
privé, la lettre de change, le billet aordre, par exem ple;
pour le contrat d'assurance aussi, il est impossible de
nier l' uti lité d·un e date, surtout devant les termes du
texte qu e nous éludions, qui dit qu e le co ntrat d'assurance
est daté du jour auquel il est souscrit , el qui ajoute même, exige nce que nous ne trouvons pas pour les autres
contrats, il y est énoncé si c'est avanl ou après midi .
L'examen de cette partie de notre thèse va nous entraîn er dans des développemen ts assez circonstanciés.
Et d'abord, cette date est- elle exigée à peine de nullité ?
Est-elle esse ntielle~ l'assurance? Cette date, pour ce qni
fO
�-
15 ~
-
concerne l'assurance, doit être successivement envisagée
de trois façons différentes :
1" Date di1,jour. - Il nous paraît à peu près hors de
doute qu'a ce point de vue la dalc est essenti elle au contrat. Bédarrid_e cependant, dans son commentaire sur le
Code de commerce, émet une opinion qui a trouvé qu elques rares adeptes, et que nous nou s refu so ns abso ln ment à accepter. Voici com ment ce jurisconsulte s'exprime: u L' omission de la date ne pourrait détermin er
la nullité que la loi n'a pas prononcée pour défaut d'acte
écrit. Cette pein e est néanmoins sollicitée par la Cou r
de Cassa tion. Le silence gardé par notre article prouve
que cette proposilion ne fut pas accueillie. »
Une simple remarqu e permet de détruire cette argumentation. Si la date n'était pas essen tiell e à la police,
parce que la loi n'a nulle part exigé cette mention à peine
de nullité, il en serait de même, par un raiso nnement
identique, de toutes les énonciations de l'article 33~, ce
que personne n'a jamais admis.
Pour résoudre la question, il suffit d'exam iner à quels
points de vue la date est d'une importance cap itale, et
nous allons facilement nous convaincre que rien n'est
plus indispensable au contrat, qu'au cune des exigences
de la loi n'a de rapports plus directs à son essence la
plus intime.
Il n'y a pas d'assurances sans risques. Et comment
savoir s'il y a un risque quand on ignore la date ? Comment savoir aussi, si lors du contrat la chose a péri?
Comment apprécier l'époque à laquel le la bonne foi des
-
~ 55
-
parties a dû exister? Comment, en un mot, recon naître
sans date, la nullité du contrat, la fraud e de l'un des contraetants, Je délit d' escroquerie qu'aura commis l'une des
parties?
Il y a plus; qu e signifie la présomption vieillie, nous
le savo ns, mais cependant exp rimée dans le Code, de la
lieue et demie à l'heure? Comment la calculer sans
date?
N' est-il pas impossible aussi d'affirmer, sans une date
précise, la rétice nce de l'un e des parties, c'est-à-dire, le
fait, qu'au moment du contrat, l'assuré, par exemple, a
caché à l'assureur une circon tance co nnue de lui et que
cet assure ur ava it intérêt à co nnaître ?
Enfin l'a rticle 432 du Code de co mm erce ne serail-il
pas lellre morte si la nécessité de la mention de la date
ne venait donner la vie à sa disposition ainsi conçue :
cc Toute ac tion dérivan t d'un co nlratà la grosse, ou d' une
police d'assurance, est prescri te, ap rès cioq ans, à compter de la date du co ntral >1 ?
Ces considérations nous permettent d'affirm er qu e la
date du jour est essenti elle dans la poli ce d'assurance.
2° Mention du lieu . -
lei les argum ents manquent
à peu près c.omplèlement pour assim iler l'indication dn
li eu à l'indication dn jour.O n ne peut inrnquer que le
texte de l'arti cle 366 du Code de co mmerce qui di t:
<~ La présom ption (de nullité) ex iste, si, en comptant
trois quarts de myriamètre par heure, sans préjudice des
autres preuves, il est établi que de l'end roi t de l'arrivée
ou de la perte du vaisseau, ou du lieu où la première
�-
~56
-
-
nouvelle en est arrivée, elle a pu être portée dans le lieu
où le co ntrat d'assurance a été passé, avant la signature
du contrat. )> Mais, quoique certains auteurs se soient
emparés de ce document, pour soutenir que Loute date,
quelle qu 'elle soit, est indispensable dans la poli ce, nous
croyons devoir ne pas adopter ceue mani ère de voir. Les
progrès qu e la science a aujourd'hui apportés dans l'art
de la navigation , la rapidité avec laq uelle la nouvelle
d' un sinistre est connue de Lons d' un bout du monde à
l'autre, ont fai t disparaître de nos mœurs ce tex te qui ne
peut plus s'appliquer aujourd'hui . Le législateur l'a si
bien vu qu'il a implici tement abrogé l'article 366 par
l'article suivant qu i permet de faire l'assurance sur bonnes ou mauvai es nouvelles.
La préso mption de la lieue et demie à l'heure, vi eillie
depuis lon gtemps, n'est plus qu'un ves tige inutile de nos
anciennes instituti ons que tous Je jurisconsultes dés irent
voir disparaître.
Nous n'ad metton s donc pas que l'absence de la mention du lieu entraîne la nullité de la police.
3• Indication de la partù du jour. - La loi exige
la mention de la parti e du jour, et . emb le la placer sur
la même ligne qu e la mention du jour, qui , nous venons
de le voir, est requi se à peine de nullité. Fau t-il par un
argument a simili en conclure qu e l' indication de la partie
da jour est essentielle à l'assurance? No us ne le croyo ns
pas, car le but unique de la loi a été ici de faciliter l'application de l'article 366 1 et nous avons dit la cas qu'il
faut en faire. Aussi nous consid èrerons comme valable la
'
·157 -
police où on n' aurait pas indiqué si elle a été rédigée
avant ou après midi.
Quell es seront alors les conséquences de cette omission ? Certains auteurs, Pardessus, Boulay-Paty, Locré,
pensent que la police devra être considérée comme ayant
été souscrite l'après-midi . Mais il nous paraît que rien
n 'autori~e cette solution et nous préféro ns nous ranger
ici à l'avis que Bédarrid e exprime en ces termes : « L'.omission de l'indication si c'est avant ou après midi qu e la
police a été souscrite la ferait consid érer comme faite
dans cette dern ière partie du jour, c'est- à-dire, ainsi que
nous le verrons plus lard , au coucher du soleil. C'est
ce que la do ctrine a généralement admis.
Celte décision est-elle juridique ? No us en doutons,
car, dans un e circo nstance donnée, la violation de la loi
pourrait créer un ava ntage en faveur du vio lateur. Supposez, en effet, qu'elle ai t été réellement faite avant midi,
elle serait préférée en cas de ristourne à cell es qui seraient déclarées sou criles après. Il suffira donc de ne
pas se conformer a l'arti cle 332 pour participer au ristourn e proportionnellement avec ces dernières.
L'inexécution de \a loi devait nuire non aux ti ers.
mais à celui qui se l' est permise. Il nous semble donc,
lorsqu'il s'agit de rislourne notamment, que la police ~e
vrait être présumée faite avant midi et dè.s lors p~odu~re
tout so n effet de préférence à celles datees de 1 apre~
midi », mais ce n'est là qu'un e préso mption, et, s ~t
vant nou s, le seul effet de l'absence de ce lte mention
sera d'obliger la partie dont l'intérêt est en jeu. à fair.a la
preuve qu e la police a été souscrit e dans la p.artle du JOUr
où elle prétend que ce tte souscription a eu heu.
�-
~58
-
-
159-
Il arrive le plus souvent que, pour un risque important surtout, il y a plusieurs assureurs, une seule personne ne voulant pas ou ne pouvant pas le prendre à sa
charge. La plupart du temps, les courtiers à. la recherche
des assureurs ne les trouvent pas le même jour, et il leur
faut un certain Lemps pour faire couvrir tout le risque,
assurer toute la somme.
Alors, voici comment les choses se passent. Quelquefois (c'est le cas le plus rare) chaque assureur qui souscrit
pour une certaine somme, date en souscrivant. Mais le
plus souvent, le premier seul date et signe, les autres se
conten tent de signer après avoir souscrit, puis, le risque
couvert, le courtier signe à son tonr etdate de la première
Un arrêt de la Cour de Cassation du 24. décembre
187R, confirman t un arrêt de la Cour d'Aix du 28 mai
·1872 qui ava it approuvé un jugement du tribunal de
Marseille en date du 13 novembre 1871, est venu sanctionu er celle opinion.
« Alleodu, dit la Cour, que suivan t l'article 332 du
Code de Commerce le contrat d'assurance maritime est
daté du jour auquel il est so uscrit: il y est énoncé si c'est
avant ou après midi . - Attendu qu'en parlant du jour
auquel le contrat est souscrit, la loi dés igne manifeslemanl le jour ou le con trat a été form é par l'engage ment
réciproque des parties, et non pas celui où la police a été
close et signée par le notaire ou le courtier. - Que le
courtier ayant mand at de l'assuré de recherch er des assureurs et de recernir leurs souscription s, Je contrat devient parfait du moment que l'ass ureu r a donné son
consentement. - Que la date où t:e consentem ent intervient est donc bien celle du contrat et ne sa urai t êtt·e
modi~ée pa~ la clôture dè la police, opération propre au
cou~L1er , qui peul avoir li eu en dehors des parties inléressees,_et ne pas suivre immédiatement les souscriptions
consenties par les assureurs ...... et qu'en puisant dans
la.correspondance versée au procès les éléments nécessaires pour reconstituer l'heure véritabJ13 de la form ation
de~ engagements, l'arrêt énon cé n'a donc violé aucun des
arLJcle~ de Io_i qui sont énoncés par le pourvoi, el a, au
contraire, sarnement iuterprélé les articles 332 et 109
du Code de co mmerce. Rejette . ... >>
.
Examinon~ à prése nt 1e cas ou• un risque
n'es t pas
'
couvert le même jour.
souscription.
D'après ce que nous avons dit de la date, on voit à
première vue l'irrégul arité de cette façon de procéder,
surtout si l'on remarque qu'il y a autant d'assurances
qu'il y a. d'ass ureurs, autant de contrats que de souscriptions. C'est ce qu e n' a pas vu Delvincourt, qui considère
une police comme ne pouvant former qu'un seul contrat.
Mais la simple lecture de l'article 333 démontre son
erreur qui prov ient probablement du terme police que
l'Ordonnance employait et que le Code a remplacé par le
mot contrat. L'Ordonnance supposait que .les différents
contrats qu e peut contenir une police avaient lous ~a
même date, que toutes les souscriptions avaient été simultanées.
Objectera-t-on que dans l'article 358 .le législateu.r
emploie le mot contrat et non le mot pohce? Nous repondroos avec presque tous les auteurs que dans le
I
�-
160 -
sens de cet article, le contrat, c'est l'acte , l'écrit , l'instrmnentum . On pourrait réfuter cette thêorie isolêe de
Delvincourt à grands renforts d'arguments lon guement
développés. Mais comme d'abord personne n'a snivi cettè
doctrine et qu'ensuite le bon sens et l'article 333 démontrent surabo ndamment l'erreur du jurisconsulte,
nous n'y insisterons pas. Pour nous, toute souscription
doit être datée, comme tout contrat d'assu rance.
La pratique, nous l'avons vn, ne se conform e pas à
cetle règle de droit et de raison, ell e donne à toutes Je
souscriptions la dale de la :premi ère. Usage illogique et
antijuridique s' il en fut ! illogiqu e en ce sens qu'en cas
de perte du navire, si la valeur de l'obj et assuré était
exagérée dans la police, tou s les assureurs seront tenns
proportionnellemen t, alors que pour les derniers seuls
le contrat d'assurance dev rait être ristourn é. Nous serons
en présence d' un ri 5tourn e commun , alors qu'i l s'agit en
réali té d'un ristourne gradu el et successif. Anlijuridiqne,
puisque la loi exige formellement que tout contrat d'assu.ra~ce soit dalé, el qu 'ici, nou s le savons, chaque souscnpllon constitue un contrat différent.
. Déjà sous I'Ordonnance ce t abus ex istait. Déjà Em éngon, entre autres, le mentionnait et le blâmai t sans
pouvoir le déraciner. C'e~t en ces termes qu'il le constate: « JI est d'usage parmi nous de n'apposer qu ' un e
seule da~e dans chacun e des poli ces d'assurance reçues
par notaires ou co urliers. Cette date est écrite de la main
du premier assureur à la suite de sa signature, IGs autres
ass~reurs souscrivent sans apposer de dates; enfin la
police est close par le notaire ou courtier qui répète la
-
161 -
date de la première souscription ... .. C'est ainsi que par
une rétrogradation contraire à l'ordre cie la nature, il
rappelle le temps qui n'est déjà plus. On sent combien
une pareille manière de procéder est irrégulière :
1° La date mise par le courtier ou notaire dans la conclusion de la police n' est pas véritable. Voilà donc un
acte dressé par un ministre chargé, par ét:lt, de la foi
publique qui se trouve infecté du vice de fausseté.
20 Le tiers qui, dans l'intervalle, avait acquis u!le hypothèque sur les bi ens d' un négociant est privé de l'antériorité que les lois lui déférai ent, s'il plaît à ce négociant de signer des polices de date antérieure.
3° Dans le cas où l'assurance excède la valeur des
obj ets mis en risques comm en t dis cerner qu els sont les
derniers assureurs vis-à-vis desquels le ristourne devra
être admis?
4° En cas d'une assurance faite après la nouvelle de
la perte ou de l'heureuse arrivée du navire, comment découvrir la fraud e si tou s les assureurs sont présumés
avoir signé la poli ce dans un temps utile. el non suspect?
Pour remédier à. de si grands abus notre chambre de
commerce prit le. 31 mai 1692 une déclaration qui porte:
cc qu'à l'avenir tous les ce nsaux et fai eurs d 'as~ urances
seront tenus de faire renouveler les dates de la signature
des poli ces d'assurance à chaque difiérents jours ~~' elles
seront continuées .. . » Cette délibérai ion fut aulorisee par
une ordonnance de M. Lebret, intendan t de Provence,
mais elle ne fut pas homologuée par le Parl ement ....
On s'obstine a supposer contre toute vérité que chaque police d'assurance a été convenue et signée dans le
�-162 -
même tems..... 11 L'auteur ajo ute qu'il faudrait réprimer ces abu, par un nouveau règlement conforme à la
délibération de 11692. Ainsi se dre se nt les polices d'assurance à Londres, il est d'avi qu'il fa\1drait les imiter.
Après la rédaction du Code, nous voyons les mei lleurs
espri ts lutter encore à des époques diiTérentes con tre
cette tendan ce, toujours sans plus de succès. Tous sont
impuissants à faire prévaloir une doctrine équitabl e su r
un usage erron é; la pratique viole ouvertement le Code.
Estrangin en 1810 ne peut faire disparaître cet usage
invétéré. Boulay-Paty en 18.27, Locré en 1830, Dageville en 1838, Lemonnier en 1843, Pardessus en 1857,
qui est cependant moins sévère et moins formel, Cauwet
en 1862 ne sont pas plus heureux. En 1876, Bédarride
ne cède pas davantage devant la loi actu el le, mais demande
presque une réforme, car il reconnaît que tous les effo rts
seront vains, el il propose de donner à toutes les so uscriptions la date uniqu e de la clôture.
Ce n'est pas à nous à nous efforcer de faire cesser
cette pratique abusive, à tenter de la faire revenir sur sa
Jécision sans doute irrévocable, à vouloir déraciner cet
usage trop profondément entré dans les mœurs. Certains
d'échouer, comme et plus vite qu e les grands esprits que
nous venons de mentionner, contentons-nous de signaler
après eux cet abus, désespérant de le voir cesser.
Si .donc il n'y a qu'une date, quelle sera la si tuation
des parties ? Les assureurs qu i n·ont pas daté pourrontils après un sinistre, en cas de ri stourne par défaut d'ali~ ents, prouver que leur souscription étant postérieure
ils ne doivent pas être tenus? Non : la convention fait
-
163 -
la loi des parties, tous sont censés avoir signé le même
jour, au même moment, et s' ils ne voulaient pas ce résultat, ils n'avaient qu'à dater, ce qu'ils avaient parfaitement le droil de faire ; ils so uffrent un préjudi~e par
leur faute, par leur convention, et on p,ent toujours répondre à. leurs récriminations: Patere legem quam ipse
fecisli.
Mais alors cette prohibition de la loi n'est-elle sanctionnée par ri en ? Est-ce, comme on le disait à Rome,
une !ex imperfecta? Non, les assureurs ne peuvent pas
demander la nullité du contrat, mais les ti ers, par exemple, les créanciers de l' assureur ou de l'assuré tombé en
faillite, Je pourront, car eux n'ont pas été parties au
contrat, on ne peut pas leur faire supporter un préjudice
qui est né d'une fr aude qu'ils n'ont pas commise, le côotrat est pour eux res inter alios acta, et ils seraient admi s à prouver que la date unique des souscriptions est
menson gère.
En terminant, constatons, il est à peine besoin de le
faire, que , s' il y a deux polices, les assureurs de la deuxième pourront prouver qu'ils sont postérieurs en date à
ceux de la première, car, tiers par rapport aux assureurs
de la première police, ils ne sont pas en faute (Cass. 24
déc. '1873).
Du nom et domicile de celui qui veut faire
SBCTTON Ill. assurer, de sa qualité de propriétaire ou de commissionnaire.
La loi exige d'abord le nom de l'assuré. Ce nom est
bien évidemment essentiel à l'assurance. Les motifs de
�-
16&. -
cette exigence sont faciles à comprendre. L'assuré est
une des parties con Lraclantes, el sui Yant les règles les
plus élémentaires. dn droit com mun et du bon sens, il
faut que les parties contractan tes so ient bien connues,
bien déterminées ; le méi lleur moyen de les désigner
parfaitement est évidemment de les nommer. Le nom ,
soit dit en passant, comprend , outre le nom de famille,
les prénoms. Ce nom es t indispe n able pour que l'assureur sache s' il doit plus ou moins se méfier des réti cences,
et il intentera un procès d'autant plus faci lemen t que la
réputation commerciale de l'ass uré sera moins bonne.
De plus, cette a surance peut n'être qu'un Jeu, elle est
alors absolum ent interdite, le parquet peut avoi r à intervenir, et, pour ce motif encore, il est nécessaire de
connaître le nom de l'assuré. Quant au nom de l'assureur, nous savo ns déjà pourqu oi il n'est pas req nis; sa signature éq ui vaut nla mention de son nom, et sa dénomination dans le corps de la police ferai l alors double emploi .
Mais peu importera pour l'assureur qu e le nom so it
celui de l'assuré véritable on celui d'un ti ers. Pourvu
qu'il y ait un nom dans la police, pour\'u qu'une personne
se soit engagée, cela lui suffit, il pourra, en s'allaquant à
elle, obtenir la prime co nven ue en cas d'heureuse arrivée.
C'est ce que n'on t pas vu certains jurisconsultes qui,
confondant l'assuré véritable avec le ti ers qui a reçu
mandat de faire assurer, di sent que le nom de l'assuré
n'est pas indispensable. Tel est, entre autres, l'avis de
Pardessus qui pense que si le nom de celui qui fait assurer a été omis dans la police, cette police n'est pas nulle
~65
pour cela, car d'autres énonciations ou les circonstances
peuvent y suppléer. Il faut, suivant lui, considérer \'espèce d'assurance. S'il s'agit d'un e assurance d'obj ets
corporels, tels qu'un navire, Je nom de l'assuré pourra
être suppléé et celui qui démontrern son droit de pro·
priété sur le navire pourra invoquer la police. S'il s'agit
d'une assurance sur la vie ou sur la liberté, alors, comme
la matière de la convention est ici la personne même, les
énonciations les plus exactes so nt indispensables.
La loi exige enco re la mention du domicile. C'est que
par l'indication de son dom icile, l'assuré est encore ?lus
complètement détermi né, est, en quelque sorte, mi eux
individualisé. Mais comme le nom seul suffit, la plupart
du temps, pour le fa ire bien con naître, il faut décide~,
suivant nous, qne la mention du domicile n'est pas exigée à peine de nullité, n'est pas essentielle à. \'assura~c.e.
Toutefois il est des cas où le silence sur le dom1c1le
'
.
ùe l'assuré pourrait, constituant un fait de rét1c~nce ,
donner lieu à. l'application de l' arti cle 3~8. Ce s~ra la un ~
questi on de fait so umi e à l'appréciation des. l~1bunanx.'
par exemple, nous n'hésiterons pas à cons1derer ce silence sui· le domicile comme une réticence, dans le cas
où l'assuré serait membre d'une nation belligérante,. c.ar,
.
si les assureurs avaient
connu ce domi·cile' leur . opm1on
. été mo d'fié
ils n'aur.aient
sur les risques aurait
1 e,
.
. . pas
· ils auraient ex1cre
voulu assurer, ou, tout au moins,
~ un e
prime plus forte. Dans ce cas d0 ne' entre autres, le
contrat pourrait être annu1é, car, :a la différence de ce
. commun , l' ar t.icle 348 décide qu e. 1e
qui a li eu en droit
simple silence de \'assuré, quand ce si'l euee peut modifier
�-
~66
-
-
l'opinion quel'assureor se fait du risque, rend annulable
le contrat d'assurance.
Enfin, et ce point demandera plus de développements,
la loi exige que la police mentionn e la qualité de propriétaire ou de commissionn aire de celui qui fait assurer .
Emérigon noos indiqu e clairement ce qu 'est l'assuré
commissionnaire. C'est en nous inspirant de son savant
ouvrage, que nous considérerons cet assuré co mmissionnaire, comme étant, à l'égard des assureurs, le vrai et le
seul assuré.
Les assureu rs ne connaissent que lui, c'est de lui seul
qu 'ils suivent la foi, c'est envers lui personnellement
qu'ils s'obligent et c'est lui qu'ils entendent avoir personnellement pour obligé.
Le commissionnaire s'engage en effet en son nom
propre et perso nnel. Peu importe qu'il nomme ou qu'il
ne nomme pas son commettant, c'est toujonrs lui qui es t
le véritable intéressé 1 c'est toujours lui qui a les droits
tant actifs que passifs, tout comme s'il eût agi pour lui
même ; il est personnellement tenu du payement de la
prime, et, par-réciprocité, il peut di rectement réclamer
aux assureurs la réparation du dommage ou de la perte .
Voilà ce qu'est un assuré commissionnaire.
Nous pouvons maintenant aborder la ques tion de savoir ~i pour faire assurer, il faut êlrn proprié taire ou
c.ommissionnaire. Cette difficulté se rattache à une question plus générale qui es t celle-ci : qui peut faire assurer? Quelle est la capacité requise pour pouvoir co ntracter une assurance ? Pour avoir le droit de faire assurer
il faut être capable de faire le commerce, et cette capacit~
l
•
~67
-
est exigée non seulement pour l'assureur, mais encore
pour l'assuré. Ce dernier point toutefois a été controvers~, mais nous répondons victorieusement, nous semble-t-il , aux obj ections qu'on peut nous faire, que l'art.
1964 C. C. considère l'assurance comme un contrat
commercial par lui-même, et qu e l'art. 633 C. Corn.
corrobore en ces mots cette mani ère de voir : « La
loi répute pareill ement actes de comm erce. . . . . . tout
affrètement ou nolissement, emprunt ou prêt à la grosse,
tout es ass urances et autres contrats concernant le commerce de mer ...... ,, Le co ntrat d'assurance est donc
commercial indépendamment de la qualité des parties, et,
par co nséqu ent, il fa ut pour se faire assurer aussi bien
que pour assurer, être apte à faire le commerce.
.Mais, et c'est ici que la question se complique, toute
perso nne ca pable de faire le commerce peut-elle se faire
assurer, ou, faut-il encore, aux termes de notre art. 332,
être propriétaire ou commissionnaire ? Qu'il faille Y
avoil' un intérê t, ce n'est pas douteux, car, pas d'intérêt,
p&s d'assurance possible. Mais un intérêt quelconque
suffit-il ?
Sur cette question qui est une des plus délicates de
notre étud e, tro is opi nions ont été émises. La premi~re,
que professait autrefois la presque unanimi té des auteurs.
était que pour se faire assurer il fallait être propriétaire.
Valin, sen\, à notre connaissance, exprim ait timidement
un avis di!TérenC, dans une hypothèse particulièrement
favorab le à l'assurance. Il admettait que si le propriétaire
d'un navire, mis en demeure de payer sa dette, paraissait être insolvabl e, ce ux qui avaien t travaillé à la con -
�-
~68
-
truction de son navire ou qui avaient fourni des matériaux , pouvaient le sommer de déclarer s'il avait ou non
fait ass urer le navire en question, el, s' il ne l'avai t pas
fait assurer, ces créanciers-là pouvaient demand er au
juge l'autori sation de le fa ire assurer·eux-mêrnes, quoique, bien évidemment, ils n'aient sur lui aucun droit de
propriété.
Le premier système était soutenu pa-r les argum ents
suivants que nous allons essayer de réfuter.
L'article 3 des assurances, de l'o rdonn ance de 1681
que notre article 332 a adopté, exigeait la mention de la
qualité de propriétaire ou de comm issionn aire. Il fallai t
donc po ur pouvoir faire assurer avoir celle qualité. Nous
avons déjà fai t justice de ce raisonn ement : il y a des
mentions dans notre articltl qu i ne sont pas req uises à
peine de nullité et rien ne prou ve que celle-ci ne soi t pas
de ce nombre.
On ajoutait que l'assurance créait au profit de l'assureur nn privilège sur la somme assurée pour le paiement
de la prime à lui due; or pour donn er un privilège su r
une chose, c'est-à-dire po ur co ncéder un e partie du
droit de propriété qn'o n a sur cette chose, il fau t certainemenJ en être propriétaire .
Cet argument, qu elque concluant qu'il pa raisse au
premi~r abord, n'est pas décisif. Le privil ège n'est pas
essentiel au contrat d'ass urance. En effet, l'article 191
§_10 du Code de commerce qui crée ce privilège est ai nsi
conçu : cc Sont privilégiées dans l'ordre où elles sont
rangées les dettes ci-après désignées . ... . 10° Le montant
des primes d'assurances faites sur le corps, quill e, agrès
~
-
169 -
et apparaux , et sur armement et équipement du navire
dues pour le dernier voyage.» Ce paragraphe ne parlant
que du navire on ne devrait pas l'étendre aux marchandises, car les privilèges étant de droit étroit, on doit interpréter aussi res trictivement qu e possible les textes qui
en accordent ; or tout le monde reconnaît qu'on doit
accorder aussi ce pri vilège dans les assurances sur facultés, c'est donc qu e nous somm es ici en présence d' un e
simple clause accessoire. Du reste, le privilège n'a lieu
que pour le dernie r voyage et l'assureur qui ne se ferai t
pas immédiatement paye r sa pri me viendrait en concours
avec les autres r,réanciers de l'assuré.
Mais les partisans du sys tème que nous combattons ne
se tie nne nt pas pour battus. L'assura nce, en cas de perte
d'un navire par fortune de mer, do nne, di sent-ils, lieu à.
deux actions: l'action en délaissement et l'action d'avaries. Eh bi en, person ne n'a jamais pu démontrer qu'il
soit possible de délaisser, d'abandonner une chose dont
on n'es t pas prop riétaire. C'est \•rai : mais l'action E;n
délaisseme nt n'a jamais été co nsidérée comme essentielle
au con trat ; elle est ex traordinaire, limitée à. quelques
rares cas dans lesquels on veu t éviter des frais d'expertise
et de vente; et la preuve c'est que pou r les assurances
terrestres qui ont bien certainement les mêmes principes
essentiels que l'assurance mariti me, l'acti on en délaissement n'existe pas. L'action d'avaries est seule de l'essence do contrat ( 1) .
{IJ Ces raisons sont ti rées d' un arrêt de la Cour d'Aix en date du
7janvier1823 rendu après une plaidoirie habile de &t . l'avocat général Bret.
11
�-
170 -
Ce système, du reste, est aujourd'hui abandonné, et
nous nous trouvons, dans l'état actuel de la controverse,
en présence de deux opinions. L'un e adoptée par la jurisprudence et qui, sans être complètement fausse, est,
nous paraît-il, incomplète. L'a utre que la plupart des
auteurs enseignen t el qui nous se mble préférable .
La jurisprudence actuelle, affirm ée dans deux décisions importantes (Cass., 3 janv. ·1876. - Paris, 22
janv. 1877) , décide qu'il n' est pas besoin d' être propriétaire, mais qu'il faut avoir à l'assurance un intérêt égal à
celui du propriétaire, sinon, si, par exem pl e, on n'a à
}'assurance qu'un intérêt de simple créancier, on est en
dehors de \'article. cc Attendu, dit la Cour, qu e des termes de cet article (334 C. corn. ) il ressort qu e les choses
ou valeurs suj ettes aux risques de la navigation peuvent
seules être l'objet d' un contrat d' assurance maritime . Attendu qu 'il résulte des fai ts constatés par l'arrêt attaqué (Rou en, 27 avri l 1874.) qu e la poli ce d'assurance
souscrite par les compagnies demanderesses (l'Equateur
et l'Atlantique, compagnies d'assurances) avait pour
objet une somme de 13,000 fr. prêtée dans les formes
et conditions du droit commun par la chambre de commerce de Dieppe a la Société du fü:morquage de cette
ville. - Que, s'il était énoncé tant dans l'acte d'em prunt
que dans la police que ce prêt était fait pour les besoins
du navire le Rival, et s'il était déclaré par l'arrêt que
le Rival constituait en fai t le se ul actif de la Société du
Remorquage, ces circonstances ne sauraient modifier la
nature et les conséquences légales des conventions intervenues entre les parties. - Que la chambre de corn-
-
171 -
merce avait pour unique débitrice la Société du Remorquage, et qu e le navire le Rival n' était pas a!Iecté
comme gage spécial à. la garantie de sa créance. - Que
l' existen ce de celte créance était indépendante de celle
du ua_vire et que malgré la perte de ce dernier le remboursement intégral des sommes avancées pouvait être
poursuivi sur tous les biens présents et à venir de la
Société. - D'où il suit qu e la créance dont il s'agit n'é·
tait pas ex posée aux. ri sques de mer. - Qu'en décidant
le contraire, en déclarant que les sommes avancées a la
Société du Remorquage étaient devenues l'accessoire du
Rival, et en validant par suite la police d'assuran ce •
souscrite par les demand eresses l' arrêt attaqu é a form ellement violé l'article 334 du Code de commerce. - Par
ces motifs et sans qu'il soit besoin de statuer sur le
deu xième moyen du pourvoi. Casse ..... ,, La j urisprudence annule donc l' ass urance faite par un créancier
ordinaire el elle la valide. au con traire, quand ce créancier a un iutériH égal:\ celui du prop riétaire. C'est ain si
que, par exem ple, on pourra faire assurer les sommes
qu 'on a prêtées à la grosse, c'est ainsi qu'un assureur
pourra faire réassurer par d'autres ce qu'il a assuré luimême.
Nous avouons que ce système, qui, il faut le reco nnaître, contient un e certain e part de vérité, ne nous sa tisfait
pas complètement. En effet, de deux choses l'un e : ou
l'article 332 doit être appliqué a la lettre, <ilors il faut
exiger que toutes ses énonciations soient renfermées
dans la police. ou il faut ne pas s'en préoccuper, et une
fois qu'on a reconnu que telle ou tel\ r, de ces dispo. ilions
�-
-
172 -
n'était pas essentielle, ne pas revenir en quelque sorte
sur ses pas en reconnaissant que cependant elle doit être
appliquée; il faut ex iger de celui qui se fait assurer qu'il
soit propriétaire ou commiRsionoaire ou se contenter de
sa qualité de créancier, et si on opte pour cette der.nière
opinion , on doit r admettre sans restrictions ..
Ces théories ecclectiques sont fausses la plupart du
temps, en droit surtout, et nous préférons décider qu'un
intérêt quelconqoe suffit, qu'un créancier peut faire assurer sa créance.
Mais on nous fait des objections. Comment, disent
nos adversaires, vous autorisez un créancier à faire assurer sa créance! Mais c'est absolument impossible, car
on ne peut faire assurer qu'un e chose qui réunit ces
deux condüions: être estimable à prix d'argent et être
soumise aux risques de la nav iga tion ; or, une créance
n'a pas ce dernier caractère ; la perte du navire ne fera
pas perdre son droit au créancier, toujours il pourra
poursuivre son débiteur, et par conséquent, il n'a pas
d'intérêt à faire assurer la chose de ce débiteur. Il ne
court pas de risques et il n'y a pas d'assurance possible
sans risques (Cass. arrêt précité).
Ce raisonnement a un point de départ faux. Sans doute
il n'y a pas d'assurance sans risqu e, nou s \'avons répété
à satiété, sans doute encore, il n'y a pas de risques sans
intérêt. Mais la question est de savoir si le créancier
même simplement chirographaire n'a pas un intérêt majeur à cette a:;surance. Et pour nous, nous u'hésitons pas
à répondre affirmativement. Ce qu'assure le créancier ce
n'est pas, à. proprement parler, sa créance, c'est bien
'173 -
plutôt le profit qu'il doit en retirer, la valeur qu'elle représente, valeur qui, si le navire de son débiteur périt,
deviendra peut-être illusoire. C'est la solvabilité de son
débiteur qu'il assure, et tout le monde reconnaîlra qu'il y
a le plus grand intérê t.
Telle est l'opinion que M. Lemonnier a savamment
exposée en ces termes: u Point d'assurance sans risque;
point de risque sans un intérêt sérieux à la conservation
des choses que l'on veut faire assurer. Le crélncier a-t-il
oui ou non intérêt à la conservation de la chose du débiteur? La chose du débiteur, cette chose à laqu elle le
créancier a, nous le supposons, un intérêt sérieux, estelle ou non exposée à des ri sques? Voilà le vrai terrain
de la question .
Si l'on répond (et comment soutenir le contraire) que
le créanci er qui a pour gage Lous les biens de so n débiteur est sérieusement intéressé à la conservation de cette
chose, on a, par cela même, tranché la difficulté et déclaré valable l'assurance qu'il en aura faite de son chef,
en son nom, dans son intérêt propre. L' ass urance, après
tout, est un contrat. Or, que l'on nous dise en quoi
est illicite un contrat dans lequ el nous trouvons, et le
consentement, et la capacit~, et la cause et l'objet? Dites
qu'une assurance est nulle fau te d'objet, quand l'assuré
est un tiers étranger à la chose, parfaitement désintéressé
dans les risques qui la concernent, vous aurez pleinement raison ; mais, propriétaire ou créancier, si vous admettez qu e l'assuré soit intéressé à la conservation de la
chose, vous ne pouvez rofuser de valider le contrat qu ' 1Ï
a passé pour se garantir des risques qui la menacent! »
�-174 -
L'assureur toutefois a bien un certain intérêt à connaitre la qualité de propriétaire on de commissionnaire
de celui qui a contracté avec lui, car s'i l a traité avec Je
propriétaire il ne pourra s'attaquer qu'à lui, tandi s que
s'il a contracté :i.vec le commissionn aire, il pourra a n s~ i
s'adresser quelquefois au propriétaire en invoquant sa
réticence . Mais cet intér~t es t insuffisant pour faire annuler l'assurance en se fondant sur le défaut de la mention
de cette qualité. La pratique commerciale l'a si bien vu
qu'aujourd 'hui toutes les assurances se font pour le
compte de qui il apparti endra, ou pour co mpt e des intéressés, ou encore pour compte de qui que ce puisse
être. Ces clauses et autres semblables signifient que l'assurance est faite pa~ .l'assuré pour so n compte ou pour
le compte d'autrui qu el qu'il soit, propriétaire ou intéressé. Cette clause se trouve dans la police mêm e qu and
c'est le propriétaire !ni-même qui fait assurer; et on le
comprend aisément, car, de cette façon, Je propriétaire
pourra toujours transférer sa police d'assurance à. un
tiers, tout comme il pourrait le faire d'un titre au porteur. Cette clause a ce résultat avantageux qu'ell e développe le crédi t, c'est-à-dire le commerce lui-même.
Il ne faudrait pas cependan t a si miler la clause pour Je
compte de qui il appartiendra avec la clause au porteur.
La première a pour unique effet de di spenser ce lui qui
exige l'exécution du contrat de faire la preuve de la cession qui lui a été faite. Mais il ne faut pas prétendre d'un e
ma~iére absolue qne le porteur d'un e telle police peut
tou1ours et dans tous les cas forcer, sans autre preuve, les
assureurs à lui payer la somme convenue.
-
175 -
1
Disons en quelques mols, comment il devra s'y prendre
pour parvenir à son but. Pour cela il faut distinguer entre les assurances sur corps et les assurances sur facultés.
S'il s'agit d'un e assurance sur facultés, comme celui
qui cède la poli ce cède aussi le co nnaissement, le porteur
de ces deux titres pourra agir contre les assureurs.com me
le ferait le propriétaire lui-même. !\fais pour les assurances
sur corps, il aura plus de difficultés. C'est qu'ici les assureurs oe doivent payer qu' a celui qui a perdu le navire et
le fait qu'une personne leur présente la police ne leur
prouve pas qu' ell e soit propriétaire de ce navire ou créancière du propriétaire, et qu e, par co nséquent, ell e ait
le droit d'agir contre eux. Il faudra donc q1:1e le porteur
de la police où se trouve la clause pour compte démontre
aux a8sure urs so n intérêt, sa qualité de propriétaire ou
de créancier, sa ns quoi ils serai ent toujours en droit de
lui répondre: pas d'intérêt, pas d'action s, pas d'assurance. La propriété dn navire se prouvera par un acte
transc rit sur les registres de la douan e ; la créance par la
présentation de l'acte constitutif de celle créance, ce sera
un acte de prêt, par exe mple, et c'est alors seul ement,
qu'en cas de sinistre, les assureurs seront tenus jusqu'à.
due concurrence.
Nous somm es donc arrivés à cette conclusion qu'un
intérêt quelco nque suffit pour faire assurer, et la loi d.u
10 décembre 1874-, sur l'hypothèque maritim e, le dit
expressément pou~ les créanciers hypothécaire~.dans ~on
article 1T ainsi conçu : « En cas de perte ou d rnuav1ga·
bilité du navire, les droits des créanciers s'exercent sur
�-
176 -
les choses sauvées ou sur leur produit, alors même qu e
les créances ne seraient pas encore échues. Ils s'exercent
également dans l'or<lre des inscriptions sur le produit
des assurances qui auraient été faites par l'emprunteur
sur le navire hypoth équé. Dans le cas prévu par le présent article l'inscription de l'hypotb èqu e vaut opposition
au paiement de l'indemnité d'assurance. Les créanciers
inscrits ou leurs cessionnaires peuvent, de leur côté,
faire assurer le navire pour la garantie de leurs créan ces.
Les assureurs avec lesquels ils ont contracté l'assurance
sont, lors du remboursement, subrogés à leurs droil s
contre le débiteur. ,,
Si les créanciers hypothécaires peuvent faire a~s urer
la chose de leur débiteur, a fortiori en es t-il ainsi des
créanciers privilégiés qui sont plus favorab lement traités.
Quant aux autres créanciers, il est à peu près impossibl e
d'admettre qu'ils n'ont pas ce droit, car ce so nt eux qui
en ont le plus besoin, n'ayant pas d'autres garanties. O::i
le voit, cette loi permet aux partisans de notre opinion
d'invoquer encore un puissant argument.
SECTION
IV . ·- Des énonciations qui se r:ipportent à l'objet du
contrat.
Du nom et de la désignation du navire. - Le nom,
c'est l'appellation qui individualise le navire. La désignation, c'est l'indication de l'espèce de bâtiments à laquell e
le navire appartient.
L'urdonnance de 1681 n'exigeait que le nom, trou-
-
177 -
va nt par cela seul le navire suffisamm ent détermi né. Qu elques législations modernes ont, au contraire, prescrit un
grand luxe de détail s pour que l'individualisation du navire soit absolum ent parfaite, par exemple, aux termes
de l'article 84.1 du Code espagnol, il faut exprimer, outre
le nom, le tonnage , le pavillon, le matricule, l'arm ement
et l'équipage ; et l'article 592 du Code hollandais vent
non seul ement la mention du nom et de la désignation
du navire, mais encore la déclaration qu'il est construit
en sapin ou que l'assuré ignore ce fait.
Notre Code de comm erce dansson article 332a décidé,
prenant un moyen terme entre l'ordon nance et les législations que nous venons <l e men tionn er. que la police
d'assurance exprimerait le nom et la désignation du na,·ire, c'est-à-dire qu'il fau drait indiquer dans la pol ice
qu ell e appell ation in dividualise le navire, et à quelle catégorie de Làtiments il ap partient. si c'est un trois mâts,
un vapeur, un brick, un e goëlelte, etc . ...
Reprenons séparément chacune de ces deux prescriptions de loi d'abord dans les assurances sur corps, puis
dans les assuran ces sur facultés.
§ 1. Du nom. - Le nom dans les assurances sur corps
est bien certain ement essentiel et cela conformément au
droit commun qui veut que l'objet du contrat soit certain
et détermin 6 dans la pen ée des parti es qui contracten t ;
or, ici l'objet de l'assu rance est le navire et le meilleur
moyen de le bien détermi ner est de l'appeler par son
nom . Sans celle déterminati on exacte ou pourrait faire
assurer un navire péri. Mais si les parties connai saient
personnellement le navire, nous pensons qu'il faudrait
�-
178 -
admettre la validité de l' assurance, quand bien mêm e le
nom aurait élé par hasard omis dan s la police, car l'objet
dans ce cas est aussi bien détermi né dan s possible dans
l'esprit des parti es . C'est toutefois une hypothèse qui en
pratique se présenLera rarement, et, en principe, l'indication du nom est reqnise à peine de nullité.
Mai quid juris si le nom est erroné? Il faut ici fai re
une distinction : Que veut la loi en effet? Qne le navire
soil suffisamment détermin é. Eh bien, si l'erreu r est si
faibl e qu'elle ne vicie pas le consentement, la nullité ne
peul pas être pronon cée. C'es t Ce qUÎ arriverait, V. g.,
dan le cas d'ou changemen t par suite de la lan gue, on
aura di t Saint Josepb au lieu de San Giuse ppe, ou d'un e
légère faute d'orthogra1Hrn, Saide pour Saïd, Eri mante
ponr Erymanth e, Hanna, Anna ou Anaï s pour Hannau
(Aix, 16 avril 1839).
Mais si le nom es t abso lument différent, si, par exemple, on a dit l'Am azon~ pour le Niger ou le Saint Jean
poul' le Tigre, alors le consentement des parties se ra
vicié, sera même inexistant en ce se ns qu e l'un des co ntractants. avait en vue l'Amazo ne, l'autre le Niger, et la
nullité pourra être invoqu ée . En deux mots, à notre
avis, le point de savoir si l'erreur est une cause de nullité est one question de fait. Les tribunaux auront à décider si le consentement des parties était certain ou non,
si l'accord sur l'objet existai t ou n'existait pas. La plupart des auteurs ensei!;(nent cette opinion et c'est aussi
l'avis de la ju.risprodence. Bien avant la rédaction du
Code e'était, du reste, la théo rie la plus généralement
professée, « Error nominis, disait Casaregis, alicujus
-
479 -
navis non attenditur quandô ex aliis circumstantiis constat de navis identitatc. Non sermoni res, sed rei est sermo
subj ectus. ))
Mais qu and l' errenr sur l'in dication du nom est jugée
assez grave pour entraîner la nullité, celle nullité estell e absolue, c'est- à-dire, peut-ell e être in voquée par les
deux parties? L' ass uré peut-il en exciper co ntre l'assureur? Dagevill e pense qu'elle ne peut être invoquée
que par l'assureur contre l'assuré conformément à l'article 357 Ju Code de co mm erce qui dit: cc Un contrat
d'assurance ou de réassurance co nse nti pour une somme excéùant la valeur des effets chargés est nul à l'égard
de l'assuré seul eme nt, s'il e t prouvé qu'il y a eu dol ou
fraude de sa parl. » Suivant ce jurisco nsulte, l'assuré
co nnaissant bien son navi re, une erreur de sa part constitue un dol.
Nous reco nn aissons qn e pratiquement les tribunaux
adme ttant l'erreur, adme ttront que presque touj ours il
y a dol de la part de l'assnré ; mais, surtout au point de
vue théoriq ue, l'opinion ém ise par Dageville nous paraît
trop exclusive, et pratiqu ement même, il est possible que
certaines circonstances dé mon trent de la façon la plu
évidente la bonne foi de l'assuré. C'est ce qui e proouirait, par exemple, si l'as uré, avan t que le nar ire ait
péri ou soit heu reu ement arrivé, s'apercevant de son
erreur, allait la dénon cer à l'a sureur; alors, suivant
nous, co nformément aux principes généraux du droit et
de l'équité, l'assuré pourra mettre l'assureur en demeure
d'opter entre le mainti en du co ntrat âinsi rectifié ou sa
nullité.
�-
180 -
Enfin, si les parties avaient été par certaines circonstances toutes les deux induites en erreur, chacune pourrai t demander la nullité on co nsentir un nouveau contrat.
§ Il. Désignation du navire. -
Cette désignation
est fort importante au point de vue des ri squ es, car, la
gravité du risqu e dilpend beaucoup de la force, de l'âge,
de l'espèce, du grément du navire. Cependant nous ne
pensons pas avec la très grande majorité des auteurs que
l'absence de désignation du navire so it une cause de
nullité. Bédarride seul soutient une opinion con traire
au numéro 1051 de on comm entaire sur les titres du C.
Corn. " Les conséq uences, dit-il, qui se dédui ·ent de
l'omissio n du nom du navire, s'i nduiraient également de
l'absence de désignation. C'est en effet par celle-ci qu e
se troDvera déterminée la véritable identité du navire
pouvant avoir nn nom commun à beaucoup d'autres ... ,,
Pour nous, il y aura souvent réti cence; le plus souvent l'assureur pourra dire à l'assuré : Vous ne m'avez
pas assuré un vapeu r, je croyais qu e c'était on vo ilier
qui aurait pu pour la nav iga ti on côtière all er pl us près
des côtes; ou bien encore : vous ne m'avez pas assuré
un voilier, je croyais qu e c'était un vapeur, et li:: vo ilier
courant plus de ri sques, je vous aurais, si je l'avais su,
demaud é une prime plus forte. Il pourra ainsi le plus
souvent par l'article 348 faire prononcer la nullité en
se basant sur la réticence.
Mais tell e n'est pas la question que nous étudions, et,
pour nous, l'absence de désignation n'entraine pas, par
elle seule, la nullité du contrat, et cela pour les motifs
suivants :
-
~81
-
De deux choses l'un e · ou l'assureur connaissait le
navire de visu, et alors il ne peut pas soutenir qu'il n'en
a pas su l'espèce, ou il a assuré le navire sur son nom
seul, et alors, il n'a qu'à s'imputer à lui-même la faute
qu'il a commise, la co nvention fait la loi des parties.
Mais il y a plus : nous verrons que pour les assurances
sur facultés la désignation des marchandises n'est pas
requise ~l pein e de nullilé. Po urquoi n'en serai t-il pas de
même du navire dans les assu rances sur corps ? li nous
sembl e qu'entre les deux hypothèses il y a parité compléte et qu'un argumen l a simili do it êlre admis.
Si maintenant la désignation est erronée ou s'il y a
fraude de l'u ne des parties nous appliquerons les distincti ons que nous avons déjà fai tes pour le nom . On dira
peut-être que l' erre ur dans la désignation ne doit pas
entraî ner la nullité dn co ntrat puisque l' omission ne
l'entraîne pas . Mais nous répondrons qu' en cas d'omission l'assureur est. en faute, qu'il a agi à la légère en se
contentant du nom, il doit en supporter les conséquences ; tandis que lui raire suppo rter les conséquences
du dol ou même simplement de l'erreur de l'assuré est
une solution que lan t en droit qu'en législatîon on ne
saurait lui imposer sans être, à. juste titre, laxé d'iniqu ité.
Du reste, les assureurs pourraient toujours obtenir
la nullité du contrat en invoquant, ils en usent et en
abusent so uvent, rarti cle 348 qui ao onle tout contrat
d'assurance entaché de fausse déclaratio n.
Voyons à présent qu els principes régissent le nom et
la dèsignation du navire dans les assurances sur facultés.
�-
182 -
Ici le navire n'est plus l'objel, mais se ulement le lieu du
risque. Cela. seul montre l'impor tance qu'ont, dans ce
cas, les mentions du nom et ùe la désignation du navire.
Aussi doit-on décider qoe le nom est essenti el comm e
dans les assurances sur corps. Quant à la dés ignation, il
n'y a qu'à. se reporter à ce que nouRavons déjà dit, el
décid er qu'elle n'est pas req uis~ n peine de nullité.
Mais si le nom est essentiel dan s les polices d'assurance sur faculté , ce n'est pas dans Je même sens que
dans les polices d'assurance sur corps. Dans les premières, le nom est exigé comme li eu des risqu es, dan s les
secondes, comme objet du con trat, et on comprend
facilement alors, que dans ces dernières la règle ne puisse
pas recevoir d'exceptions parce qu'il ne peut pas se fa ire
qu'il y ait un contrat san s objet, tandis qu'on conçoit
très bien que le lieu des ri sques n' étan t pas limitativement déterminé par la police, le contrat d'assnrance soit
valable, que les parti es aient convenu qu e les marchandises seraient chargées sur lei navire à. défaut sur tel
autre ou même sur un navire qu elco nqu e.
Dans les assurances sur facultés le nom du navire est
essentiel en ce sens que, 'il est mentionn é dan s la police,
on ne peut pas charger les marchandi ses qu 'on assure
sur un autre navire, car l'assureur pourrait dire à l'assuré : je n'ai entendu prendre les risqu es qu e si les marchandises étaient chargées sur tel navire, vou s les avez
chargées sar un autre, vous avez donc violé la conve ntion ,
je ne suis plus tenu. !\fais les parties peuvent au ssi ne
pas mentionner le nom du navire dans la police, l'assureur peut laisser le choix du navire à. l'assuré, et cela es t
-
183 -
si vrai, que la loi permet l'assurance sur retour dans
les pays hors d'Europe sans désignation du navire, dans
l'art. 337 dont le S 1.. est ainsi conçu : <c Les chargements faits aux échell es du Levant, aux côtes d'Afrique
et aux a utres parties du monde pour l'Europe, peavent
être assurés sur quelque navire qu'ils aient lieu, sans
désignation du navire ni du capitain e. »
Mais si quand le nom du navire est indiqué dans la
police on ne peut le changer, il faudra poar le chargement attendre le départ de ce navire, et souvent manquer
par là des spéculations fructueu ses. C'est pour obvier
à. d'aussi graves in co nvénien ts que la pratique a fait
insérer dans les poli ces la clause significative ou tout
au tre pour lui , et alors, si le navire sur lequel on charge
est autre qu e celui qui est indiqu é, le contrat n'en restera
pas moins valable. Ce n'est qu'en l'absence de celle
clause et avec l'indi cation du nom du navire que la convention dans cette hypoth èse se rai t an nulée. Auj ourd'hu i
la clause ou tout autre pour lu i est de\'e nu e presque de
style; et il y a li eu de se demand er ce qui se produirait
si elle faisait défaut, et si, d'un autre côté, le nom du
navi re n'était pas in diq ué. Nous penso ns que l'assurance
serait valable et cela en vertu d'un principe général de
raison et d'équité écrit dans l'art. 11 57 du Code civil :
« Lors4u'une clause esL susceptible de deus ens, on
doit plutôt l'entendre dans cel ui avec lequel elle doit
avoir quelque eJTet, que dans le sens avec lequel elle n'en
pourrait produire aucun u , el on peut se demander,
puisque le nom fait défa ut, si l' assureur n'a pas voulu
laisser le choix du nav ire it l' assu ré, si la clause ou toul
�-
184. -
autre pour lui, ou une clause équivalente n'est pas soueotendue. Notre opinion es t qu'il ne faut pas hésiter à
admettre l'affirmative, car, en fin de compte, l'intention
des contractants n'est guère douteuse, ils n'ont certainement pas voulu faire une assuran ce nulle, et aux term es
de l'article 1156 du Code civil : cc On doit dan s les
conventions rechercher quell e a été la commune intention des parties contractantes. » Tell e nous paraît être
la portée de la règ le que nous affirmions tout à l'h eure,
que dans les polices d'assurance sur facu llés le nom du
navire est essentiel.
Quant à la mention da jour où le navire doit partir,
il ne nous paraît pas nécessaire qu 'elle so it indiquée dans
la police. Le si lence de l'ass uré sur ce point ne co nstituerait une réticen ce qu' aulan l que, con naissant le jour
du départ, il l'aurait frauduleuse ment dissimulé aux
assureurs. Mais la fraude ne se prés um e pas, et chaque
partie jusqu'à preuve du contraire, est rép utée avoir agi
avec bonne foi. Cette théorie es t acceptée, entre autres,
par un arrêt de la Cour de Renn es du 10janvier1817.
S III.
Mention de la cô te du Vérùas. - Outre te
nom el la désignation des navires, la pratique exige encore
dans les polices la mention de la cô te qu'ils ont a la compagnie du Véritas. Disons en qu elques mot s, ce qu'est
celte importante compagnie, quell e est son origin e, et
qoels sont les services qu'elle rend au commerce.
En 1727, des gens d'affaires anglais créèrent près de
la Bourse un établissement qui plus tard fut transféré à
la Bourse même, ils l'appelèrent Lloyd, et depuis plu-
-
18~
-
srenrs établissements analogues se sont fondés sur le contin.ent. C'est ainsi qu'aujourd'hui, ontre le Lloyd anglais
q~1 est le plus important, se sont formés à des époques
différentes le Lloyd français, le Lloyd russe le LI d
oy
,
. b'
autr1c 1en et d'autres encore.
c.e.Lloyd est à la foi s, un centre de renseignements
maritim es et commerciaux ayant pour but de donner à
la navigation plus de sécurité et d'encouragement, un
marché d'assurances maritimes et un établissement de
crédit maritim e. Il n'est pas so umis à un e dépendance
légale; il fonctionne san s le seco urs de l'Etat. Il a érigé
en principe celle double règle à laque ll e il obéit impérieusement ; solidari té des inlMêts, li berté de chacun
agissant à ses risq ues et périls. Ses ramifications se sont
peu à peu étendues c:ur to ut le commerce anglais et 1es
services qu'il lui rend ne peuvent se discuter, si on remarque que d'après les meilleures et les plus récentes
statistiques, le nombre de naufrages qu'on signale tous
les ans est d'enviro n 3,000.
Le Véritas, administration toute privée. ntl remplit
qu' une partie des attribu ti ons du Ll oyd britan nique,
qu'en fo rt peu de Lem ps elle a suppl an té dans la branche
im portante de la statistique des constructi ons navales,
des naufrages et des avaries. Elle publie .de Lemps à autre
un répertoire de ses tableaux. Son rôle est d'établir un
règlemen t international pour la construction et la classification des navires. Elle a un e impo rtance grande pour
l'armateur, l'affréleur, le co urtier, l'assureur, le capitaine
au long co urs, les co nsuls, les tribunaux de commerce,
tous directement intéressés à co nnaître l'âge, la jauge,
12
�-
-
186 -
les défauts et les qualités d' un navire, s' il est en bois ou
en fer, à voiles ou à. vapeur .
Fondé il y a plus de 30 ans (185 1) d'après les statuts
remarquables de la chambre de commerce de Bordeaux
et élabli à. Paris, le bureau V ér ita~ fait con currence au
Lloyd anglais dans les ports et chan tiers du monde entier ; il fait loi en France, aux Elats-Unis, en Russ ie, en
Allemaane et d<ins beauCCl up d'autres pays .
No us ne diro ns rien de la cô te du Véritas, qui , en
pratique, est fort compliquée et demanderait des détails
que le cadre nécessairemenl un peu restreint de no tre
thèse ne nous permet pas d'aborder. D' un e manière générale, cette compagnie don ne aux meilleurs navires la
cri le 2-3 aux autres, suivant leur qualité,+ ou
Dans l'usage, nous l'avons déjà dit, on indiqu e sur la
pol ice la côte du Véritas. Si cette cô te existant sur les
registres de la compagni e n'est pas mention née dans la
pol ice, l'assuré pou rra être taxé de réticence, car s' il n'a
pas vo ulu indiquer la cô te c'est que, bien évidem ment,
il avait l' intentio n de tromper les assureurs, et au cas où
il les tromperait plus directement que par son silence,
par une fausse déclaratio n, il y aurai t un à fo rtiori pour
Jécid er que les assureurs peuvent fai re annuler le contrat. La doctrine et la jurisprudence sont fixées en ce
sens.
On s'est posé la question de savoir si la fau sse déclaration peut sur la demande des assureurs entraîner la
nullité au cas où l'assuré serait de bonn e fo i. Cette
hypothèse s'es t présentée à la Cour d'Aix. le 4 décembre
1873 . Voici en deux mots l'ex posé de l' espèce. Un navire
~
+·
18i -
~- pe~ p:ès t~rminé fut assuré .d'a?rès la côte 3/3 Slll'
1md1 cat1on d un agent du propr1 éla1re de ce navire. Cette
indication était erronée. En réalité, le Bureau Véritas,
n'avait accordé qu e la côte inféri eure de 3/2. A l'embou chure du Saint-Laurent le nav ire sombra. L'assuré, fort
de sa bonn e foi, que personn e c111 reste ne contestait
attaqua les assureurs qui euren t sa ns difficulté gai n de'
cause, en disant seul ement que l'assuré avait déclaré que
son navi re avait une côte supérieure à celle qu e lui avait
en réal ité accordé le Véri tas. Cet arrêt, il faut l'avouer
sans s'a rrêter au résultat malheureux qui en fut la conséquence, est en tous po ints co nforme au droit. Il faut
s'incliner deva nt cette maxime de nos vieux docteurs qni
es t vraie encore aujourd' hui : L'assuré doit fourn ir la
chose, tell e qu' il a assu ré. qu 'elle était. Nulle part, la loi
n'exige pou r que le con trat soit ann nlé, que l'assuré qu i
fait un e fa usse déclarn tion so it de mauvaise foi. Dans
l' espèce, pour avoir gain de cause, il aurait dù assurer
d'après la cô te 3/2. ou encore ne pas mentionner la côte,
alors: prouvant sa bonne foi, il au rait triomphé.
Qn id j uris si le naV'ire n'est pas côté au Véritas?
L'assuré qui ne l'avoue pas peut-il vo ir son contrat annulé
pour cause de ré ticence? Nous résolvo ns la question par
une distin cti on. Il n'y aura pas réticence si l'a su ré voulant éviter des fra is n'a pas voulu faire côter son naYire, ou
si, par $a senl e volo nté, il a ceEsé d'être côté, c'est à l'as·
sn reur méfiant à se ten ir sur ses gardes, à prendre tels
renseignements que bon lui semble. Mais il y aura réticenc e, au con tra ire, si le navire n'est pas côté parce que
le propriétaire n'a pa vo ulu accep ter la côte du Véritas,
�-
188 -
car ici, par son silence, il cache la véritè à \'assureur, il
ne lui revèle pas ce fait, connu de lui, que le Véritas n'a
voulu lui donner qu'une côte inférieure.
'
La plupart de ces questions so nt, on le roit, des
questions de fait. Le jurisco nsulte ne peut pas les trancher d'une manière absolue, c'est aux tribunaux à les
élucider en tenant le plus grand comp te des circonstan ces
de chaque procès.
§IV. Du nom du cap1.taine. - La loi exige le nom
da capitaine pour qu e l'o bjet de l'assuran ce soit encore
mieux déterminé au point de vue de l'étendue des ri sques. Mais celle mention n'es t pas essen tielle. Emérigon
l'a dit et tous les auteurs ont suivi sa doctrin e. L'assureur peut certainement préférer tel capitaine à. tel autre
~ cause de sa prudence et de son habileté, mals il peut
a~ssi laisser le cho ix à l'assuré, et c'est ce qui a lieu en
pratique où le plus souvent on fait suivre le nom du capitaine de la clause ou tout autre pour lui.
Si le nom du capitaine n'est pas indiqué et que la
clause ou tout autre pour lui ne figure pas dan s la police,
nous pensons qu'il faut la considérer comme sous-en tendue en invoquant des arguments semblables à ceux que
nous avons déjà indiqués poul' une clause identique en
étudiant la question de savoir si dans les assurances sur
facultés la mention du nom du navire éLait requise à
peine de nullité.
Mais si le nom du capitaine était indiqué dans la police, l'assuré pourrait-il impunément le changer ? La
plupart des auteurs ont fait ici un e distinction. Si l'as-
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189 -
s.uré, sans motifs, chan ge volontairement de capitaine,
1assurance sera certainement annulée, sans quoi l'assureur serait fatalemen t à sa merci.
Mais en cas de force maj eure, si, par exemple, Je caP_itaine es t malade ou mort, la doctrine en grande majonté admet que l'assuré peut placer à la tête du navire
tel autre capitaine que bon lui semble. C'est l'opinion
professée par Locré, Boulay-Paty, Estraogi n et Dageville
que nous ne citons qu 'à titre d'exemple!'.
Et certes, les motifs de cette solulion sont nombreux
•
et, au premier abord , paraissent concluants. Il est de
toute évidence, disent ces jurisconsulte!', que l'assuré
n'a pas eu l'intention de contracter une assurance qu'annulerait un cas fortuit. L' assureur , de son côté, a bien su
qu'en cas de mort du capitaine désigné, un autre devrait
Je remplacer et s' il ne voulait pas que le choix en fût
laissé à l'assuré, il" n'av ait qu'à indiquer lu i-même dans
la poli ce quel serait le rempl açant du défunt. Enfin,
voyez, ajo uten t ces auteurs, la différence, l'inégalité
criante et iniqué, qui existe entre le préj udi ce que ce
cas fortuit fait subir à l'assureur et celui qu'il fait subir
à l'assuré. Certainement, il est des cas où l'assureur
aura des motifs de préférer tel capitaine à tel autre, mais
la plupart du temps le fait que le navire aura à sa tête
telle ou telle personne lui sera complètement indifTérent;
tandis que l'assuré subira le préj udice immense d'avoir
à sa charge par suite de l'annulation d11 contrat les risques
de la navigation.
Quelque séduisante que soit cette argumentation , elle
ne doit pas être acceptée, quels que soient les efforts de
�-
190 -
ses parliS3ns ils ne pourront rien contre la loi, co ntre la
plus énergique des lois, l'intention des parties clairement exprimée dans une co nvention. foi l'ass ureur n'a
voulu courir les risques qu'à la condition que tel capitaine, lirn_itativementùésigné, dirigerait le navire en qu estion, il s'est refusé à l'adj onction de la clause on tout
autre pour lui, et rien ne peut le for cer à accepter un
autre capitaine, quell es que soient les circons tances qui
aient fait disparaître celui qu'il avait choi si. Notre avis
est donc que, dans ce cas, l'assurance ne peut être
maintenue qu 'en verlu d'un nou veau contrat. Telle est
la théorie qu'enseignent, entre autres, Emérigo n, Pardessus, Lemonnier.
Qu'en est-il à présent de la nation alité du navi re et du
capi taine? Malgré tout l'i ntérêt qu e pent avo ir l'assurenr
à connaîLre ce lle nationalité, tou t le rnontl e Pst d' accor d
pour dire qu' une police qui ne la Lùenlionne pas ne peut
pas pour ce la être attaq uée . L' ordo nnance de 1681 n'exigeait pas cette mention, le Code ne l' ex ige pas non plus,
et puisque ce rtaines des énon ciati ons, la plupart même
des énonciations de notre arti cle 33'.2, ne sont pas requises à peine de nullité, on peut, a fortiori , décider
qu'il doit en êLre de même pour les points sur lesqu els
l'article reste muet.
Si donc la police ne dit rien, nous décidons avec tons
les auteurs que le choix du pav ill on appartient à l'assuré.
Mais si la nationalité du cap itaine ou du navire est indiquée dans la police, alors la convention doi t être exécutée
el quelquefois celle nationalité a un e imponance capitale
(Emérigon, tome 1, page •172).
-
•191 -
Nous pensons même qu'il faut aller plus loin et décider
que dans le cas ou la clause ou tout autre pour lui suit
le nom du capi taine dont la nationalité est connue il
'
peut se produire des circonstances dans lesquelles cette
nationalité ne pourrait être impun émen t chan gée. C'est
ce qui se produirai L lorsqu' il y aurait une aggravation du
risq ue pour l'assureur. Supposons, par exemple, qu'en
cas de guerre , le nouveau capitaine soit membre d'une
des deux nations belligérantes, alors que l'ancibn était
membre d' un e autre nation. Nous verrion s là. une cause
de nullité du contrat malgré la clause ou tout autre pour
lui, car ici l'assureur courrait des risques de guerre et
nous savons qu'il ne doit courir de tels risques qu'en
vertu d' un e convention expresse (art. 2 des pol. d'assur.
sur corps) . Tel est, encore ici, l'avis d'Emérigon qui ensei·
gne qu'il faut que l'individu subrogn à un capitaine
fran çais en cas de clau se ou tout autre pour lui, soit
français et cap itaine <l car, dit-il, si c'était un étranger
ou un sim ple officier à qu i sans nécessité le commandement du navire eût été laissé le3 assureurs ne seraient
pas respo nsables du si nistre qu'on pourrait imputer à
l'impéritie d' un pareil conducteur. Ils ont dû se flatter
que le navire serait commandé par un capitaine de capacité reconnue. La maîtrise est une préso mption légale
de capacité dans celui à qui elle a été solennellement
déférée. "
Le plan qu e nous suivons nou s ordonne de développ er
à présen t la mention de la nature et la valeur ou l' estimation des marchandises ou objets que l'on fait assurer,
car ce point dan s les assurances sur facul tés nous paraît
�-199 -
•
devoir être examiné dans notre section IV. Nous aurions
désiré suivre textuellement l'article que nous commentons, mai s la clarté de notre étude, raison majeure dans
une matière aussi compliqu ée et aussi co nfuse qu e celle
que nous avons choisi, nous impose l'obligation d'épuiser complètement l'examen de tout ce qui a trait à l'objet
du contrat.
§ V. De la nature des marchandises que l'on / ait
assurer . - Avant d'examin er de que ll e façon on doit
dans les polices désigner les marchandises que l'on fait
assurer, il est indispensab le de dire, au préa lable, qu els
objets peuvent faire la matière d'un e ass urance. Nous ne
pouvons pas. on le co mprend, traiter ce suj et d'un e
manière complète, l'article 347, qui est le siège de la
question, demande de lon gs dèveloppements dans lesquels
nous ne pouvons entrer .
Nous allons simplement examiner cette question préliminaire d'une vue d'e nsemb le, sans nous aven turer dan s
de longues et délica tes con troverses, où la pratique est
presque toujours en luue ouverte avec la théorie et le
Code, et où il est si difficile de s'orienter.
D'une manière générale, on peut faire ass urer toute
chose ou valeur estimable à prix d'argent et sujette aux
risques de la navigation. Un premier point, et ce n'est
pas le moins intéressa nt, a été d'abord agité . Qu'en estil de la vie et de la liberté des individus ? Peut-on en
faire l'objet <l'une assurance maritime? Juri:;consultes
et économ istes ont sur cette question fait dans les deux
sens de longues et ingén ieuses dissertation s. La tendance
-
193 -
d'autrefois était de la réso udre par la négative en se
basant sur ce que la vie des individus n'est pas appréciable en argent. Aujo urd'hui le système opposé a prévalu
et avec grande raison, ~ar il nous paraît certain que la
vie d'un homme, ce qui lui permet de travailler et d'entretenir honorabl ement une fami lle, est appréciable en
argent. Son travail est en quelqu e sorte an capital dont
les intérêts sont représentés par le gai n qu'il fait chaque
année. Quant à la liberté de l' homme_. le problème doit
se réso udre de la même façon, avec celle remarqu e
toutefoi s, qu e la question, par suite l'abolition de l'esclava ge dans tous les pays du mon de civilisé, n'a plus
d'intérêt pratiqu e. On a aussi co ntroversé la question de
savoir si l'o n peut faire assurer la prime et la prime des
primes. Nous admettons l'affirm ative, du res te, chemin
faisa nt, nous donnerons sur ce point qu elques développements.
Si maintenant on exami ne le.s énonciations de l'articl e
346, on verra qu'aucune ne rempli t les deux co nditions
que nou s avons ex igées pour qu'un e l'.hose puisse faire
l'objet d' une assurance. Tels sont le fret à. faire, le profit
espéré, qui, n'étan t dus que lorsque le navire arrive à
bon port, ne peuven t pas être ass urés puisqu'ilsn'exi lent
pas encore. Tels sont aussi les loyers des gens de mer
dont l'assurance est prohibée, parce que ces loyers constituent pour les marins un profit in certain, aléatoire,
non encore entré dans leur patrimoine, et, en ou tre,
pour un e raison d'utilité publique qui a ici son importance : on a vou lu qu'ils soien t di rectement intëressés
à la conserva tion du navire pour que leurs efforts réunis
concouren t à. le sa uver eu cas de danger.
�-
194- -
Un projet de loi veut autori ser l'assurance des loyers
des gens de mer, mais la plupart des juriseonsultes le
critiquent àvec raiso n. On peut lire sur cette question,
avec uo grand profit, les savantes observation s de M. de
. Courcy dan~ ses qnestion s de droit maritime, et une note
qui termin e l'intéressant ouvrage de MM. Cresp et Laurio. Sans entrer dan s les détails, nous ferons rema rquer
d'abord que les marins, que leur intérêt seul fait agir,
abandonnero nt facilem ent le navire, si leurs loyers restent sauvegardés, et que la réform e qu'ont veut opérer
n'aura pas d'utilité pratique, car, comme le remarque
spirituellement M. de Courcy, « lorsque les ge ns de mer
seront assez prévoyants pour rechercher ces sortes d'assurances, ils seront plus prévoyants encore, il.; renonceront à la mer. »
L'article 347 défend aussi de faire assurer les sommes
empruntées à la grosse. Elles ne courent en effet aucun
ri sq ue puisque, en cas de perte, l'emprunteur ne sera
pas obligé de les rendre. De même le prêteur a la grosse,
qui pourrait très bien faire assurer les so mmes qn'i l a
prêtées, ne pourra en faire assurer le profit maritim e,
car c'est un profit espéré, et la impie espéran ce d'un
gai n ne peut pas, bien évid emm ent, être soumise aux
risqu es de la navigati on. Nou s reparlerons dans un autre
chapitre du fret à faire et du profit espéré quand nou s
étudierons les polices d'honneur.
On ne peut encore pour des motifs de police intérieure,
d'ordre public ou ù' intérêt gé néral, faire assurer les
effets hostiles et les marchandises de contrebande.
Examinant à prése nt une chose qui est appréciable en
-
195 -
argent et suj ette aux risq ue s de la navigation, voyons
comment ell e devra être désignée dans la police.
Cette désignation pour être parfaite devrait comprendre
de nombreuses énon ciations. On pourrait indiquer, par
exemp[e, le nom du navire1 du charge ur, du propl'Ïétairn,
du destinataire, les marques imprimées sur les ballots,
le lieu du chargement et de déchargement, la f!_ature,
l' espèce, la valeur, la quantité, le poids, la mesure de la
marchandise. Tout cela peut être requis, et bien d'autres choses encore. Mais, d'un autre côté, aucun e de ces
indications n'e t, par elle-même, indispensable, car, un
fait de réticence ne peut être invoqu é par l'assureur
qu 'en tant qu'il a pu avoir une cer taine influence ur
l'opinion qu'i l s'était faite du risque à courir, et pourvu
que Je risqne soit certain, et quf::, d'uo autre cô té, l'assuré ne puisse pas être accusé de diss imulation , le contrat
sera inattaquable.
Si donc l'assu ré ignorant toutes les indications que
nou s venons de mentionn er, ne peut les faire connaitre
à l'assureur , il pourra, néa nmoins, contracter valablemen t une assurance. C'est là un point qui devient indiscutable après la simple lecture de l'article 337 ~ 2 ainsi
conçu : « Les marchandises elles-même:; peuvent, en ce
cas, être as urées sans désignation de leur nature et
espèce. » En deux mot , les parties sont libres d'agir à
leur gui se el l'in certitude du risque en l'absence de désignation spéciale, n'influera pas sur Je contrat, pour vu,
bien entendu, qu 'un risque soit certain et que la· co nvention établisse clairement leur consentement.
Le Code de commerce nou s apprend lui-même que
�-
196 -
celte désignation n'est pas toujours indispensable, qu 'en
principe même elle ne l'est pas, pu isque son article 3tfü
énumère les cas exceptionnels où cette désignation est
requise à pein e de nullité. Ce t article est ainsi con çu :
« Il sera fait dés ignati on dans la police des marchandises
sujettes, par leur nature, à détérioration particulière ou
diminution, co mme blés ou sels, ou marchandises susceptibles de coulage ; sin on les assureurs ne répondront
point des dommages ou pertes qui pourraient arriver h
ces mêmes denrées, si ce n'est toutefois qu e l'assuré eût
ignoré la nature do chargement lors de la signature de la
police. » Oo voi t, d'après ces term es, à combi en de
fraud es et de procès ce tex te pouvait donn er naissance.
Il eût fallu , surtout en ces mati ères, une énum ération
longue, il est vrai, mais limitative des m ar chan~i ses
qui devraient être désignées par les assurés, et c'est
l_à précisément ce qu 'a fai t la pratiqu e en introduisant
dans les polices d'assurance sur facultés un article ,1O
suivi de tableaux co ntenant un e énumération limitati ve.
Ce lon g article a été co mmentë d' un e faço n intéressante
par Af . de Courcy dans so n com mentai re sur les poli ces
françaises d'assurance maritim e. Et même qu and il s·agit
des marchandises portées en cet article 10, notre article
355 in fin e du Code de commerce, nous a appri s que, si
l'assuré en ignorai t la nature, elles pouvaient être ass urées sans désignation .
En vertu de tous ces développements,' nou s en arrivons à décider que la mention de la nature des marchandi es n'est pas requise à peine de nullité dans les µoli ces
d'assurance sur facultés. La majorité des auteurs es t fixée
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197 -
en ce sens; ils ont pour la plu part adopté cette vi eille
opinion qu 'Emérigon professait déjà, qu'Estrangin adm el
après lui en reconnaissant la validité d' une assurance
faite en ces termes généraux : << Sur facultés chargées à
bord de tel navire», et que, bien avan t eux, le Guidon de
la Mer lui-même avait adopté dans cette an cienne maxime : « En ass urance i1 n'y a lieu de spécifier la quantité
ou la qualité de la marchandi se assurée. »
Mais il faut cependant des points de repaire, un signe,
quel qu'il soit, qui fasse connaître à l'assureur la marchandise assurée. Une détermin ation parfa ite de l'objet
n' est pas nécessaire, nous le voulons bien, mais un e
désignation quelconque est indispensable. Quelle sera
cette dés ignation ?
Celle recherche à laq uell e nous allons nous li vrer est
difficile, et nous verrons que, si la pratique ne venait
pas à notre aide, il serait peut-être impossible d'élucid er
la question.
A premi ère vu e, le navire paraît bien suffisant pour
désigner la marchandise, le contenu déterminera le contenant. On assurera sur facultés chargées à bord de l'iris,
par exemple, et l'obj et de l'assurance sera limité à ce qui
apparti ent à l'assuré sur ce navire.
Mais, nous avons dit qu e pour les assurances sur facultés, la pratique insérait après le nom du navire la
clause ou tout autre pour lui , qu'elle donn ait le choix à
l'assuré, qu'ell e permettait l'assurance sur un navi re
quelconque, assurance que les jurisconsultes et les commerçants ont appelée in quo vis (sous-entendu nave) et
que, depuis l'ordonnance, tout le monde a toujours admise.
�-
198 -
Mais alors, si le navire lui-même es t inC(lnnu, r,omment
dêterminer l'objet? Voudra-t-on, se basant sur ce que
l'article 337 in fine du Code de comm erce dit, que la
police devant indiquer celui à qui l'expéd ition es t fàite
ou doit être co nsignée, soutenir qu e la désignation du
nom du navire se fera à l' aide do nom du destin ataire ou
du consignataire? Mais on ne peul baser un e opinion
sur le fragment d' un texte et les jurisconsultes romains
affirmaieut déjà. dans une maxime célèbre ce prin cipe de
droit si souvent répété, que, pour se prononcer sur le
sens d'une loi, il faut, avant tout, la lire P.n enti er ; or
la fin de notre article ajoute : cc S'il n'y a convention
contraire dans la police d'assurance. » Et c'est ainsi
que le législateur exagérant le principe que si l'assu ré
ignore tout, il n'a besoin de rien dire , qu 'à l'impossible
nul n'est tenu , est tombé dans l'arbitrai re le plus absolu ,
dans l'incertitude la plus compl~te. Si on peut assurer
une marchandise sans la désigner, même d'un seul mot,
l'assurance n'est plus l'assurance, elle dégénè re en jeu,
en pari, et tous les efforts de la loi pour les distinguer
n'abo utissent à rien .
Heureusement que la pratique reconnaissant ce résultat inacceptable a imaginé un moye n àe désigner la chose
en exigeant la fixation d' on certain espace de temps, pour
faire le chargement. En dehors de l'intervalle compris
entre ce dies a quo et ce dies ad q·ueni, l'assurance ne
portera plus sur cette marchandise qu elconque qui , par
les termes mêmes de la police, doit être chargcie in quo
vis, de tel jour à tel autre (~larseille , 10 février 1806. Cass., 2 février 1807. - Cass., 26 avril 1865. Aix
1
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199 -
12 juin 1867 et 15 mai 1870. Marseille, 7 octobre
1872et1 2 mai 1876. - J. M.).
On peut donc, on Je voit, arriver à faire assurer un e
marchandise par cette simple menlion qu'elle doit être
chargée dans tel intervall e fix é par la police. Çette déterminati on est nécessaire mais suffisante.
Toutefo is, dan s le cas où, ce qui arrivera le plus souvent, la police s'est exp liquée sur la nature de l'objet,
alors, toujours en vertu de ce principe que la co nvention
fa it la loi des parties, on ne pourra charger sur le navire
des marchandi ses d'une nature autre que cell e qui a été
stipulée.
On ne po urrait pas, par exemple, remplacer du vin
par de la bière ou réciproquement, et même, si l'espèce
des de nrées est déterminée, on ne peut pas les remplacer
par des denrées d'espèces di[êrentes, on ne peut pas
charger do vin de Bordeaux au li eu de vin de Narb onn e,
ni de la bière anglaise au lieu de bière allemande.
Si cette infracti on à. la conve ntion se produisait, si
l'assuré opérait un changement dans les marchand ises
qu 'il doit charger, aux termes de la police, l'assureur
pourrait, après la perte <l esdits objets par fortune de
mer, refuser de répa rer le dommage en se basant sur
l'arti cle 548 du Code de commerce, sur la fau sse déclaration de l'::issuré.
S VI.
Valew· ou estùnat1'on de la chose que /'on
fait assurer. - La chose assurée, nous venons de le voir,
doit , à pein e de nullité du co ntrat, être d'une manière
quelconqu e détermrnée. Il n'en est pas de même pour ce
qui a trait à la valeur ou à l'estimation de la chose.
�-
200 -
L'arti cle 339 prouYe pérempt oirement que celle exigen ce
de l'article 33 ~ n'est pas requise à pein e de nullité,
puisqu'il pose des règles qui détermin ent celte valeur
au cas où la police ne la mentionn erait pas. Cet article
est ainsi conçu : « Si la valenr des marchandises n'est
point fix ée par le coutrat, elle peut être justifiée' par les
factures ou par les livres : à défaut, l'estimation en est
faite suivant le prix courant au temps et au li eu du chargement y compris tous les droits payés et les frai s faits
jusqu'à bord. » L'assurance comprend don c, no~ seulement la valeur de la marchandise mais encore tous les
droits payés et tous les frais faits jusqu 'à bord, par
exemple, les frais de trans port et d' emm agasin ement
des marchandises. C'était la théo ri e admise lors de la
rédaction du Guidon de la Mer. Voici comment s'ex prime
l'auteur de ce document : cc Derechef les estimation s se
peuvent faire dans la police, mais si elles excèdent la
moitié, le tiers ou le quart du juste pri x quand il avient
perte l'asseureur en prend différence prenant pour maxime que l'assuré ne peut recevoir profit du dommage
d'autruy: .. . ell es se rédui sent à ce qu 'a cousté la marchandise lors de l'acbapt. ... à qu oy il sera adjousté
toutes les mises et frais, comm e il a été dit cy-dessus
parlant des factures», et si nous nou s reportons au
passage visé par l'auteur nous y voyons qu e ces mises et
frais comprenn ent les frais "d'emballage, enfon çage ,
charriages, droits. "
Depuis l~ Guidon, tous les autenrs ont suivi la même
théorie. Merlin, par exemple, dans son Répertoire, s'exprime ainsi : « La valeur du chargem ent j usqu·à concur-
-
201
rence de laquel le on peut le faire assurer n'est pas seulement composée du prix d'achat des marchandises, on
doit encore, suivant l'article 64 de !'Ordonnance, y joindre tous les droits et frai s faits jusqu'à bord, c'est-à-dire,
tous les frais qu'il faut faire pour conduire les marchandises à bord, et les charger sur le navire et tous les droits
qu'il faut payer pour les chargements des mêmes marchandises, tels que droits de douane. ,,
Mais dans le cas où la mention de la valeur de l'objet
assuré est indiquée dans la police, il ne faut pas, conformément au principe que l'assuré doit livrer la chose telle
qu 'il a assuré qu'elle était, que la valeur assurée portée
dans la police soit supérieure à la valeur réelle de la
chose .
Quel est en cas d'excès le sort du contrat? Les articles 22 et 23 de l'Ordonnance, livre lII, titre 6, étaient
ainsi conçus :
Article 22. Défendons de faire assurer ou réassurer
des effets au-delà de leur valeur, par une ou plusieurs
polices, à peine de nullité de l'assuran ce et de confiscation dr,s marchandises.
Article 23. Si toutefois il se trouve une police faite
sans fraude, qui excède la valeur des effets chargés, elle
subsistera jusqu'à concurrence de leur estimation, et,
en cas de perte, les assurenrs en seront tenus, chacun à
proportion des sommes par eux assurées, comme aussi
de rendre la prime du surplus, à la réserve du demi pour
cent.
Les articles 357 et 358 du Code de commerce décident llans le même sens. En deux mots, il faut distin13
�-
202 -
guer: s'il y a dol ou fraude de la part de l'assuré, le co ntrat est nul en ce qui le concerne. S'il y a simple erreu r
de sa part. on foit un e nouvelle eslimation rectificalive de
la première et le contrat vaut jnsqu'à co ncurrence Je la
valeur indiquée da os celle nouvelle estimation, c'est-àdire jusqu'à concurrence de la valeur réelle de la chose,
et cette dernière e timation sera faite à la charge de l'assuré qui devra pour cela se conformer à J'arlir,Je 339.
Puisqu'une évaluation a lieu après l'événement de mer,
il n'est pas de l'essence du contrat qu'elle soiL faite dans
la police.
Cependant, comme en pratiqu e la question se complique souvent par l'adjonction de certain es clauses, il
faut étudier successivement les deux hypoth èses, celle de
la qiention de la valeur ou estim ation dans la poli ce, et
celle où celte mention fait défaut.
1r• Hypothèse. - Théoriquement nous venon s de
voir comment il faut traiter la question en nous aidant
d'une part, des arti cles 332 el 339, et, d' autre part, des
articles 357 et 358. Mais en pratiqu e la simple estimation conventionnell e est suivi e on remplacée par des
clauses, qui au premier abord paraissent de: plus significatives, Leiles que celles-ci : la valeur a été convenu e entre
les parties pour tenir li eu de capitêl l en tout li eu et en
tout Lemps, vaille ou non vaille, valeur fix ée de gré à gré,
valeur agréée, et autres semblables. Ces clauses nï ntu disent-elles pas à. l'assureur de démontrer la valeur
réelle (sauf le cas de fraud e bien entendu) ? La clause
valeur agréée, par exemple, ne s ig nifie-L~ell e pas que
quelque e~agéré e que soit l' es limation de la chose, la
-
203 -
valeur portée dans la police, l'assureur la respectera sans
discussion? C'élail l'objet d'noe conlroverse à peu près
tranchée aujourd'hui. Lemonnier après avoir longtemps
hésité et même professé une opinion inverse, décide
enfi n que la clause n'a pas d'autre portée que l'estima·
tion elle-même : « Cependant de plus mùrt!s réflexions,
nous dit l'éminent avocat à la Cour de Bordeaux, et surtout la considération que cette clause, imprimée même
autrefois dans le ancienn es polices t: e Bordeaux, est devenue puremènt <le styl e, qu'il est fort douteux, par conséquent, que l'ass ureur lui attribue, eo la signant, un
sens aussi large et des elîets ao~si étendus; la jurisprudence enfin qui ne parait null ement consacre!' notre manière de voir, tout nou s décide à penser, avec le savant
arrêti te qui public le ,}fémorial de jurisprudence de
Bordeaux, qu e celle clause <l'estimation de gré à gré,
ne doit avoir d'aulre effet que de dispenser l'assuré de
justifier la valeur mise eo risque en lai sant à l'as ur eur
le droit de prOU\'Cr mème l' erreur co mmi ·e de bonne fo i
dans l'évalu ati on de ol>jeL a surés. » C'est l'opinion
qui a prévalu auj ourd'h ui et qu e nous croyon · devoir
étendre aux a suran ces sur corps au cas où l'e timatio n
du navire el de ses accessoire· aura1 Lété exagérée. Loi:ré
est un ùes rares jurisco nsultes qui se soi t refusé à faire
cette extension. Eu parlant des arti cles 357 et 358 Ju
Code <le co mmerce, il dit qu e leurs di positions et ne po ur_
raient s'étendre aux assurances qui portent sur le navire
ou sur ses acce soires ; ces obj ets ayant un pri x con nu et
étant en évid ence, il n'est pas possible de supposer qu e
jamais i l~ eronl assurés pour un e somme supél'ieure à
•
�-
204. -
leur valeur. »Mais nous répondons avec presque tous les
jurisconsultes que les accessoires d' un navire ne sont en
réalité que des marchandises pour la plupart, et que pour
le navire lui-même, il sera souvent difficile à l'assuré de
fixer à ce navire un e valeur bi en exacte, surtout après
d'impol'lantes réparations et des renouvellements de victuailles et d'apparaux (Aix, 24. mars 1830).
Cette théorie que la clause valeur agréée n'autorise pas
une exagération de la valeur de la somme assurée, même
s'il y a bonn e foi de la part de l'assuré, a ét~ . à. juste titre,
adoptée par l' arti cle 1!') de la police d'a uran ce sur facultés dont le§ 1 qui nous faitsarnir, soit dit en pas ant,
qu'en pratique on tolère un e exagérati on de dix pour
cent, est ainsi conçu : cc Nonobstant toutes valeurs agréées,
les assureurs peuvent lors d' une réclamation de pertes
ou d ' avari es~ d e m an de r la justification des valeu rs réell es
et réduire en cas d'exagératio n la somm e assurée au prix
coûtant augmenté de dix pour cent, à moin s qu'ils n'aient
expressément agréé un e surélévation supérieure, d' une
quotité détermin ée. >>
Voyons à pré ent si la clause vaill e ou oon vai ll e n'a
pas une aut re portée que la clause valeur agréée. Quelques tribu naux ont décidé que si l'assuré était de bonne
foi il ne pourrait subir de rédu ction pour exagération.
Assimilant la clause vaille ou non vaille à la clause sur
bonnes ou mauvaises nouvell es, relati vement au risque,
ils ont fait dans les deux hypothèses un raisonnement
identique, et de prime abord cette mani ère de voir paraît séduisante. La lettre même du contrat n'est pas dou teuse, l'in tention des parti es est certain e, el même n'y
-
205 -
a-t-il pas un a fortiori pour décider en ce sens ? En ce
qoi concern e les risqu es, on donn e à l'assuré de bonne
foi, parce qu' il est de bonne foi, le droit d'obtenir devant un tribunal la réparati on d'un préj udice causé par
un événement de mer, alors qu e, au moment du contrat,
cette fortun e de mer avait déjà causé ce préjudice. On
rend valabl e à cause de la bonne foi une convention
dont l'obj et n'exisle plus et on ne valid erait pas un contrat où l'obj et ex iste encore, où son estimation seule est
un peu exagérée ! La bo nn e fo i do nne la vie au néant,
comment se pool-i l que, par un raiso nnement bizarre,
on lui fasse anéa ntir en partib un contrat que tout le
monde reconnaît être valable 1 (Nantes, 23 aoùl 1865).
Admettre ce raison nement, c'e~ t anéantir l' un des
pri ncipes les pl us essentiels de l'assura nce, à savoir que
l'assuré ne doiL jamais faire uu gain. Si on n'a utorise pas
la réd uction dans l'estimation exagérée d'une marchandise, l'assuré qui doit seulement éviter une perle réalisera on bénéfi ce, et c'est ce qu'o n ne peul adm ettre. Du
reste, en exam inant bien les choses, le cas de la clause
sur bon nes ou mauvaise· nonvell es ne ressemble pas absolum ent au cas de la clause vaill e ou non vaille. Le se ul
point de contact c t, dans les deux hypothèses, la bonne
foi de l'assuré. Mais ce qui les diITéreucie surtout, c'est
que dans la première, le con trat validé permet seulement
à l' assuré d' éviter une perte, tandis que si on prend la
seco nd e à la lettre, on lui fait aYoir un bénéfice ; dan·
l' une, l'assuré assure une chose perdue, il est vrai, mai
qu'il croyai t existe1 encore, pour sa valeur réelle, dam'
l'autre, la valeur e. l exagérée.
�-
206 -
Nous repoussons donc énergiquement l'opinion qui
donne une Lelle imporlance à la clause vaille ou non
vaille et nous la repo usserions, même si on nous démontraiti ce qu'on ne fail pas, qu'elle es L absolnment identiqu e à la clause sur bonnes ou mauvaises nouvel les, car,
même alors, nous serions toujours en droit de répondre
que si les deux clauses sont en Lous points sembl ables,
les résultats définitifs qu 'elles doivent produire ne peuvent être difJérenls.
Dans l'ass urance sur bonne ou mauvaises nouvelles, l'assuré ne perd rien, ne ga ~ne rien, reçoit purement el simplement la valeur cle $a chose, il doi t donc
en être de même dans l'assurance faite avec la clause
vaille ou non vaille. L'as ureur, malgré ces clauses el autres semblables, pourra toujours dérn oolrer l'exagération
dans la valeur des objets a s uré~ . et. malgré la bo nn e
foi de l':isso ré, ob tenir un e rédu ction jusqu 'à concurrence
de la valeur exacte de ces ohjets.
2ma Hypoth èse. - La police ne menti onn e pas la valeur ou l' es timation. - Ce cas es t réglé par l'a rticle 339
qu e nou connaisso ns déjà. Béclarrid e émet su r cet article une opin io n assez ca rieuse, mai qui ne nous séJn it
pas. Voici comment il s'ex prime: " li e t même un e
hypothèse dan laq uelle le prix courant doit prê·valoir
sur le fa~Lures . Sup posez qu e la ma rchandise ne soit
expéd iée en mer qu e longtemps après avoi r éte achetée.
Nous ne parlons pa des détériorations qu 'elle peut a\'Oir
subies et que l'assureur est touj ours en Jro it de pro uver. Ce qui se réalise ra, c'est qu e, par les variati ons du
marché et par la baisse survenu e, la marchandi sr vau-
20i -
dra beaucoup moins qu 'elle n'a coûté, que devront les
assureurs? Est-ce le prix de facture, est-ce la valeur do
prix c:o nrant all jour du chargement? Il serait difficile de
co ntester la jnsli ce et la rationalité de la solution qoe
don ne à ce tte question M. Beneck dans son traité des
principes d'i nd emnité en mati ère d'assurances. c< La valeur d' une marchanùise au lieu de départ, dit cet auteur, esl le prix auqu el elle peu t y être vend ue. Telle est
au moins la définition appli r,able à tout article courant.
Pour établir cette valeur, c'est donc au prix courant et
non an prix primitif de l'article qu'il faut a,·oir égard.
Si le prix cou rant excèùe le tout, c'est la valeur de ce
prix courant qni doit être assu rée, car le propriétaire qui
peut en retirer ce prix ur le marché même, perdrait le
profil qu'il peu t déj~ faire, . 1, en cas tle perte, il n'était
remboursé que du ~oût primitif.
Si, au contraire, l'article est tombé à un prix inférieur
acelui auquel il a été acheté, c'est ce pris actuel que
l'assu rance doit co urrir. car le propriétaire, si la mar·
chandise périt, ne perd réelleme nt qne celle valeur rédui te. Dire <]UC le marchand ise· doivent être a surées à
leur coû t prim itif parce que le propriétaire serait libre
de les garde r ju qu 'à ce qu'elles vaillent encore ce prix,
serait un fanx raisonn ement, c:ir elles ne peuvent plu
être un objet ùe spéculation au lieu de d~part, du moment qu'elles son t envoyées su r un autre marché.
Si elles promettent un accroi·.ement de Yaleur à ce
lieu de 1les1 inalion, la om me qu'elles peuvent produire
en dessus du prix cou ran t et de frais esl un profit esp~·rè
que le propriétaire pPuL faire assurer, mai~ ·ous cetle dè-
�-
208 -
nomination (l'assurance du profil espéré est permise
par la loi anglaise). Si, au contraire, il n'en attend aucun
bénéfice, il est clair qu'en assurant plus que la valeur
courante, une portion de la prime qu 'il paye est objet. »
Le jurisconsulte adopte celte théorie de l' auteur anglais qu'il ci te. Nous ne croyo ns pas devoir nous ran ger
à cette opinion. Les lclrmes de l'article sont form ellement
contraires à l'interprétation de Bédarriùe pui qne la loi
n'admet l' évaluation sui vant le prix courant qu'à défaut
de factures. Et de plos, permettre d'assurer la plus valu e
que la marchandise a acquise dans l' intervalle qui s'écoule
entre l'achat et le chargement, c'est permetlre d'assurer
le profil espéré, puisque c'est un profil réalisé ap rès
l'achat; or, comme la loi défend d'as urer le profit espéré, il ne faut pas le compter dans l'estimation qui a
été, lors de l'achat, reconnue à la chose.
Ce point toutefuis n'a pas d'importance pratique,
comme nous le verrons en étudiant les polices d'honneur.
SECTION V. -
Du lieu et du temps des risques.
L'assureur a un grand intérél a co nnaîtrf:\ le voyage
que doit faire le navire qu'il assure et le temps qu e
dorera ce voyage. Les risques, en effet, vari ent sui vant
les dangers qu e présentent la destination du navire, les
parages dans lesquels il doit s'aventurer, les saiso ns pendant lesqoelles le voyage s'accomplit, la sécurité qu e présentent les ports où il doit entrer. Or, nou s le savons
déjà, ces risqu es, pour la perfection du contrat, doivent
-
209 -
être connus des parties . C'est poor les bien déterminer
que le législateur a exigé que la police mentionne te lieu
où les marchandises ont été ou doivent être chargèes, le
port o'où le navire a dû et doit partir, ceux dans lesquels
il doit entrer, et le temp s auquel les risques doivent
commencer et finir, c'est-à-dire, en un mot, le voyage.
Toutes ces mentions dans la police sont bien plutôt
nécessaires qu'essentiell es, la loi ne veut qu'u ne chose,
c'est que le risque oil certain et déterminé, elle don ne
on moye n de détermination faci le, mais elle n'intime en
aucun e faço n l'ordre de s'y confo rmer et si lïdent1Lé du
risque est constan te tout le mond e est d'accord pour reconnaître que le co ntrat es t in attaqu able, malgré l'absence de la détermin ation du lieu et du temp de. risques.
En cas d'erreur involontaire, nous appliquerons l'article 348 du Code de co mmerce s'il y a lieo, c'est-à-dire,
si cette erretJr a pu diminu er l'opinion que l'assureur
s'était faite du risque.
En cas de fraude ou de dol, nous décideron , conformément à l'article 357 du Code de commerce, que le
contrat es t nul t. l'égard de l' a~ ureur, et qu'il cooliuue
à lier l'assuré.
Les dispositions multi ples de la loi sont ici un peu
confuses. Pour jeter quelque clarté su r la question, il
faut l'étud ier en envisagean t successivement trois hypothèses : 1• assurance au voya!e; 2° assurance au voyage
et à temps ; 3° assurance à temps.
Mais avant d'entrer dans les développements que comportent ces ditîérenls cas, 11 faut se bien fixer sur les s1-
�- 2rn gaifications diverses ~u mot voy:ige. ce qui nous permettra de comprendre plus faci lement les détails que nous
devrons ex poser.
Le Code de commerce ne parle d' un e manière générale
que du voyage, et cependant il faut se garder de confondre le voyage réel, le voyage assuré el le voyage légal.
Le voyage réel est celui que le navire exécute ma tériellem ent. On le détermin e par le li eu du départ et le
lieu d'arrivée. Le voyage assuré est celui qui dépend des
conventions de parties ou de la loi. On le détermine par
l'indication des temps et des lieux auxquels les ri sques
commencent et cessenl.
La plupart des jurisconsultes distinguent la route du
voyage assuré de ce voyage !ni-même. La route alors se
détermine par l'indi catio n de di ITérents li eux où Je navire pourra relâcher anx risques de l'assureur .
Le voyage légal, enfin , est. celu i qui est inùiqué par les
ex péditions de l'ad ministrati on de la marin e dont tout
navire doit être muni arant son départ .
Un exemple fera bien sai ir ces différences . Un navire
va de Marseille à Nap le , le ca pitaine prend ses expéditions pour Livourne et le navire n'est assuré que jusqu'à
Civil.a Vecchia.
Le voyage réel sera ici de Marseille à Na ples, le voyage
assuré de .Marseille à Civita Vecchia, et il y aura deux
voyages légaux , l' un de Marseille à Livourne, l'autre de
Li,·ouroe à Nap les, le capitaine devant à Livourn e prendre ses expédi tions pour Nap les.
Si maintenant la convention n'avai t pas déterminé Je
voyage, on la co mpl éterait à l'aide de l'article 328 du
-
211 -
Code de co mmerce dont la disposition esl arns1 conçue : "Si le temps de risq ues n'est point délerminé par
le contrat, il courl , à l' éga rù <lu navire, des agrès, apparaux , arm ement el ,·icluailles, du jour que le navire a
fait voilejnsqu' au jour où il esl an cré oo amarré au port
ou au li eu de sa de li nation . - A l'égard des marchandises, le Lemp des risq ues court du jour qu'elles onl été
chargées sur le na,·ire, ou dans les gabares pour les y
porter jusqu'au jour où elles sont délivrées à terre. 1
L'article 4. de la polt ce d'assurance sur facullés est conçu
dans le même sens.
Examinon s à. pré ent la prem ière de nos trois hypothè es, l'as urance au voyage.
L'assuïance au voyage esl celle qui porte ·ur un
voyage déterminé, an qu'on ail à tenir compte du temps
que le nav ire mellra pour l'eITecluer. Ce voyage era détermi né par le li eux de départ et de destination que les
parti es fix eront dans le contrat, et si cette détermination
manquai t on derrait décider {Emérigoo, Il, 79) que le
voyage a, ~u ré est toujours et ne peut être que le premier
\'oyage réel que fait le navire aprè· le co ntrat d'assurance.
Ce point e~ l, du re$lC, dépour~· u de tou t intérê t pratique.
Quan t à la route du voyage a suré, elle e::.t aussi, en
gênëral, fixée par la co n, en ti on, et si le contrat e-t muet,
on pré. urne que les partie ont voulu que le n:l\'lre suive
la roule la plus fréquentée. c'e·t-ü-d1re la plus courte ou
la moi n dangereuse. Celte pré omptioo est basi'e ·nr
Je bon en · e l nous ne pouvon qu e l'approuver. Permellre au navire, Jan· le silence de la co nveol100, de
preuù re un e rou le plus longue ou plu, ùaog.ereu e, de
0
�-
212 -
s'arrêter dans certain s ports, de décharger drs marchan dises et d'en charger de nouve.lles, c'est augmenter les
risques de la navigation , rendre plos probabl es les cha nces de naufrage el d'avaries, el foire, par conséquent,
supporter à l'assureu r un e res ponsab ilité plus grande qu e
celle qu'i l a ente ndo assumer liUX termes mêmes de la
conven ti on. Si l'assuré ne veut pas consentir à ce que le
voyage ail lieu dans les conditions imp osées par cette
présomption , 11 doil le dire dan s la poli ce. G'est ce qu' il
fait rnuvent, en pratiqu e, en stipulant que le navire
pourra faire échell e, escale ou relâche, dérouter ou rétrograder.
Ces différentes clauses lrès fréqu entes aujo urd'hui
sont assez ancien nes. Avant la rédaction dur.ode, elles
étaient usi tées dans les polices de la plupart des villes de
France. Mentionnons les prin ci pales.
Dans la police de Bordeaux les assureurs permettaient
au narire faisant le voyage de naviguer cc avant et arri ère,
à droite et à gauche, et fa ire tou tes les escales et dem eures, tant forcées que volontai res, selon· que semblera au
maître, capi tai ne ou pilote dudit navire. »
Dans celle de Nantes les assureurs 11 accordent que ledit navire faisant ledit voyage puisse naviguer avant et
arrière, à dextre et à senestre. ,,
A Rouen, 11 ils donnent congé au maître de men er et
conduire sondit navire, entrer el ortir ès ports et hâvres
forcément et volontai rement jusqu 'à être arrivé audit
lieu. >J
La police de Marseille ne co ntient pas la clause de faire
échelle.
-
2 13 -
Parmi les polices étrangères, celle de Barcelon e ne
permet ni de dérouter ni de rétrograder. Celle de Gênes,
plus large que toutes les autre , permet au capitaine d'agir comme bon lui semblera.
Nous allons nous livrer à l'examen rapid e de chacune
de ces clauses.
Clause de (aire échelle. - Elle donne aux navires
le droit de s'arrêter dans les ports qui sont sur leur roule
pour y opérer des chargements el des déchargements. Elle
est d'une telle utilité pour le chargeur qui veut expédier
un e marchandise à un endroit quelconqu e si tu é sur le
parcou rs du navire, qu e plasieurs jurisconsultes, parmi
lesquels on peut ci ter Dagevi ll ~ el Lemon nier, voudraient
la voir mention née au nombre des clauses imprimées de
la police d'assurance sur facu ltés.
Mais celte clause n'impliq ue pas le droit de décharger
une marchandise pour en recharger une au tre en son
lieu et place. Décider autremen t, serailcréer so uYent une
aggra·rntion du risq ue pour l'assureur et étendre arbitrairemen t une clause excep tionnell e.
Cla11se de dérouter. - Elle permet au navire
d'abord de faire échelle, et ensuite de faire à droite el à
gauche c.l es voyages latéraux dans lesquels il pourra décharger ses marchandises et en charger de nouvelles.
Celle clause ne demande pas de développement .
Clause de rétrograder. - Elle permet au na\"ire
non seulemen t de fa ire échelle el de dérouter, mais encore de revenir en arrière entre les deux poiol ex trêmes c.lu trajet qu'il doit parcourir. Mais ce navi re ne
pourrait jamais dépasser ces deux points extrême pour
�-
-214-
y revenir ensuite, la jurisprudence (Marseill e, u. nov.
1860. Rouen, 14 mars 1872) eL la doctrine partagent cette opinion avec grande raison, car, ne pas admettre cette solution, serait faire supporter à l'assureur des
risques que rien ne limiterait. D'ausi;i vastes pouvoirs ne
seraient pas donnés à l'assuré, même si la police contenait la clause générale de dérouter, rétrograder et toucher parto ul.
Malgré cette clause, l'assuré ne peul pas changer le
voyage, vi iler les ports éloigné,, ou mêm e ~bandonner
les habitudes suivies sur la route que son navire parcourt ; c' e~t ainsi, par exemple, qu 'il ne pourrait pas,
remontant les rivières, pénétrer dans l'intérieur des Lerres
(Paris, 9 mars 1841 ) .
Disons en terminant ces développem ents sur les assurances au voyage qu e conformément à l'article 328 du
Code de commerce, le temps des risqll es court pour le
navire, du jour où il a levé l'a ncre jusqu' au jour où il est
arrivé à de Lination, pour les marchand ises , du jour où
elles ont été chargées ju qu'au jour de leur mise à terre.
2m• Hypolhèse. - Assurance au temps et au voyage.
- C'est l'assurance qui est faite à la fois pour un voyage
détermin é el avec limitation de temps. Un e qu esti on se
présente ici tout naturellement à l' esprit. Qu'en est-il des
risques ? Finissent-ils à l'arrivée du term e ou a la fin du
voyage?
L'article 35 de l'ordonnance de 1681 décid ait que ,
dans ce cas, l'assureur supporterait lr,s risqu es ùu
v~yage jusqu'à. son accomplissement, a la condition que,
SI sa dorée excédait le Lemps limité par le coulrat, la
..
215 --
prime serait proporlionoellemeol augmentée, sans que
l'a sureur fûl jamais obligé d'en rien restiluer à l'a saré
dans l'hypolhèse où le yoyage s'accomplirait dans un
temps moindre que celui fixé par la poli ce.
Dans le silence de notre Code de commerce cel article
esl-il encore en vigueur? Nous proposons l'affirmative,
et quoique la question ail peu d'intérêt pratique, elle
demande au point de vue lhéorique un examen sérieux.
CerlainemenL cc n'est pas une assurance au voyage,
car nous avon s qu'une lelle assurance ne comporte aucune limitation de Lemps. Certainement encore, ce n'est
pas un e a urance à temps, car celle dernière n'iodique
même pas le voyage, comme nous le verrons bientôt.
Il faut cependant donner noe significati on aux deux
term es. Le seul moye n de leur trouver un sens e l de
décider qu'avant toul, le voyage doit s'accomplir aux risqu es de l'ass ureur. Quant à la prime stipnlée, elle era
intégralement payée, si le voyage e termine dans le temps
fix é par la co nl'ention, in on elle sera augmentée proportionnellement ala cl urée du voyage. Cette solution est,
nou se mb\e-l·il, conform e à l'intention mani fes te df'.s
parties. Voici l'expre,sion de celle intenti on. L'a.suré a
contracté un e assurance pour tel voyage détermin é pensant qu e cc voyage durerait un mois, v. g. il a, no us le
upposon , offert 300 fr . de prime pour ce voy:ige d'un
mois, mais comme il 1ienl. a\•ant Lout, à ce que ce ''oyage
soit effectu é aux ri squ es de l'a sureur, il a ou -entendu
que si le LrajeL durait pin d'un mois, il paierai t à so n
assureur, outre la prime fixée à 300 fr ., aulaut de fois
10 fr . qu 'il y aura eu de jours de traversée excédant le
mois.
�-
216 -
On trouvera peut-être cette th éorie un peu arbitraire,
mais, malgré nos efforts, nou s n'avons pu trouver une
antre solution qui donn e effet 1l chacune des désignations, à chacun des term es de la police que nous éludions.
3me Hypothèse. - Assurance au temps. - Ici le
voyage n'est pas même indiqué. On désigne seulement
dans la police les paragds dans lesquels le navire devra
se mouvoir. C'est l'hypothèse des polices d'abonnement
ou flottantes que nous étudi erons en temps et li eu.
Examinons à présent l'efTet que produira sur le contrat la rupture ou le changement de voyage. C'est là une
des questions les plus attrayantes du titre des assurances.
Nous voudrions pouvoir exami ner séparément chacun
des points de cette intéressante étude, voir ce qui se produit quand le voyage est romp u par suite d' un abordage,
d'un incendie, quan d la guerre empêche le départ du
navire ou quand un bou let ennemi le fait couler à fond.
Nous voudrions suivre et étudi er les développe ments intéressants dans lesquels .M. de Courcy nous fai t entrer,
et qu'il expose avec esprit. Mais, on ld co mprend, il faut
nous restreindre, il faut nous borner a l'examen de l'article 332 dans l'étude de la poli ce d'as urance ; et pénétrer dans tous ces détails, que nous ne vo ul ons qu'effieurer, serait sortir du cadre de notre thèse et envi sager l'assurance au point de vue de ses efTets et no n pas seulement au point de vue de l'écrit qui la constate. Nous
résumant donc autant qu'i l est possible, nou s dirons seulement qu' en ce qui concerne le change ment de route du
navire ou la rupture du voyage il fau t clistinguer : s'il est
-- 21'7 -
involontaire, c'est-à-dire, si l'événement s'est produit
par fortune de mer, le risque sera à la charge des assureurs. A cet égard l'importao L article 350 du Code de
commerce es t ainsi co nçu: <( Sont aux risques des assureurs, toutes pertes et dommages qui arrivent aux objets
assurés, par tempête, naufrage, échouement, abordage
fortuit, chan gements forcés de route, de voyage ou de
vaisseau, par jet, feu, prise, pillage, arrêt par ordre de
puissance, déclaration de guerre, représailles et généralement par toutes les autres fortunes de mer. ,,
Si le changemen t ùe route ou la rupture du voyage est
volontaire, le contrat est rompu, et l'assureur exonéré
de tous risq ues, et cela que la rupture du voyage ou le
ch angemeo~ de route ai t eu lieu avant le départ ou en
cours de voyage. Si c'est avant le départ, l'assuré paie
demi pour cent à l'assureur pour ses peines et soins,
cc pour avoir co uché l'assuré sur les livres » dit l'auteur
du Guidon ; ce qui nous fait décider avec l'article 349
du Code de com merce qui ne distingue pas, que cette
indemnité serai t due m~me au cas où, avant le départ,
le voyage serait rompu, el par suite le contrat ristourné,
par force majeure.
Si c'e, t après le départ du navire, l'assuré devra la
prime en tière et l'assureur ne répondra plu des risques
(art. 351 C. co rn.) et même, suiran t la majorité des JUrisco nsulles, il ne sera pas obligé de réparer le dommage
qu'une fortune de mer aurait causé avant Je changement.
Il en serait de même (art. 364 C. corn.) pour tou t dommage arrivé au navire dans un lieu plus éloigné que celui
indiqué au contrat, quoique sur la même route.
14
�-
218 -
-
Avant de terminer ces courtes explications sur le
voyage, voyons si la non conformité entre le "oyage assuré et le voyage légal constitue nn changement de route
et annule la police . Par exemple un navire va Je Marseille à Naples, on l'a fait assurer pour ce voyage, puis le
capitaine ne prend ses expéditions qu e pour Livourne,
l'assuran ce est-elle ristourn ée ?
Estraogin pencbe pour l'affirmative. < L'assurance,
dit-il , est annulée et ne peut plus avoir d'effet, dès que
le navire e l parti pou r une autre destination qu e celle
indiquée dans la police. soit que le lieu de cette destination soit hors de la roule de ce \'oyage, soit quï l soi t sur
cette route et plus prè du lieu de départ. »
C'est à tort, nous sembl e-t-il , qu e le jurisconsulte assimile les deux hypoth èse. et nous croyons préférable de
faire la distinction suivante : Si le navire va à un e destination autre que celle qu i est mentio nnée dan s la po li ce,
et qu e cette destin ation soit hors de la route du voyage
qu'il doit accomplir, alors, tout le monde reconnaît qu'il
y a un changemen t de voyage bien caractérisé el que le
contrat doit être ristourn é.
Mais si la destination indiquée dans les ex péd itions
que le capitain e a prises au départ es t sur la route que le
navire suit ordi nairement pour efTectu er le voyage assuré,
et que, d'un autre côté, il puisse faire échelle dans ce
lieu de destinAtion, alors rien ne s'o ppose à ce que l'assurance soit maintenu e, il n'y a pas changement de
voyage, les risques sont les mêmes, puisqu e si le voyage
légal était semblab le au voyage assuré le navire ferait
néanmoins relâchfl au li eu indiqué comm e but du voyage
1
~ 19
-
dans les expéditions. Seulement, bien entendu, dans
l'exemple que nous avons choisi le capitaine devra prendre à Livourne de nouvelles expéditions pour Naples
SECTION VI . -
De la somme assurée.
Notre article 332 exige encore la mention de la somme
assurée. .Mais nous avoùs déjà vu qu'il exigeait aussi
l'indication de la valeur de la chose assurée.
Cette valeur n'est-elle pas la somme assurée elle-même
el ces deux énonciations ne fon t-elles pas double emploi?
Non, et il faut bien se garderde les confondre ; la valeur
exprime le domm age qu 'e n cas de perte totale supporterait l'assuré, la somm e assurée iodique le quantum de
l'indemn ité que les assureurs devront en cas de perle
payer à l'ass uré. Les chiffres reprbsentatifs de ces deux
énonciations seront souvent les mêmes, mais peuven l
être différen ts, ainsi la somme assurée serait plus faible
qu e la valeur de la cbo e, si le risque n'avait pu être
complètement couvert par les ass urances, ou i, ce qui a
souvent lieu en pratique, l'a suré vou lait re ter chargé
d'une portion des ri sques.
Cette so mme assurée e. t en pratique toujours mentionn ée dans la police. Mais ce tte énonciation est-elle
requise à peine de nullité ? Nous ne le pen oos pas.
L'assurance peut être illimitée, et l'assureur peut s'engager à réparer, moyenn an t un e prime plus forte, tous
les dommages qu'aura subis l'assuré, il pourra , suivant les termes formels de la convention, être forcé
de lui rembourser, outre la valeur du navire ou du
�-
220 -
chargement, toutes les dépenses que l'as:;uré aura faites,
par exemple, celles qu'aura nécessitées la réparation des
avaries occasionnées par unP, fortune de mt3r, avant la
perte définitive. Ainsi donc, po int n'est besoi n que la
somme assurée soit énoncée au contrat ; les parties sont
d'accord sur l'objet et sur les risques, cela suffit.
Un retour vers le passé va nous faire voir que les
choses se passaient ainsi à l'époque où le contrat d'assurance étai t encore imparfaitement entré dans les mœurs
et les usages du commerce.
Les premières formules d'assurance ne fixent jamais
la somme assurée. Nulle part nous pe les voyons limiter
à une omme déterminée les engagements de l'assureur,
la plupart même considèrent form ellement comme sans
limite la responsabilité qu 'enco ur t celui qui assu re la
chose d'autrui. C'est la police d'Anvers qui dit que:
<c l'assureur se met à la propre place de l'assuré pour le
garantir de tout dommage el perte, et il s'engage à payer
audit assuré Je montant de tout le dommage que l'assuré
aura essuyé, et ce en proportion de sa souscription.))
C'est le Guidon de la Mer qu i dit que : cc assurance est
un contrat par lequel on promet indemn ité des choses
qui sont transportées d'un pays en un autre , spécialement par la mer, et ce, par le moyen du prix. convenu
à tant pour cent en tre l'assuré qui fait ou fait faire Je
transport et l'assureur qui promet l'indemnité. » C'est
Straccha enfin qui donne du con trat que nous étudi ons
la définition suivan te : cc Assurance est un con trat par
lequel on se charge moyennant un p1·ix co nvenu du péril
que peuven t courir les choses tran sportées par terre ou
par mer. "
-
:221 -
Partout, on le voi t, les assurances étaient illimitées.
C'est donc que la mention d'une somme assurée n'est
pas essen li elle au contral.
l\Iais bientôt on s'aperçu t que les fraudes se multipliaient, qne les assureurs, victimes de la mauvaise foi
des assurés , leur payaient des sommes représentant des
avaries supposées et des réparations fictives ; on s'empressa pour réméJier à cet inconvénient de fixer une
somme lim itant la respon,abilité des assureur", et au.jourd'hui que les con trats d'assurance développés et
perfectionnés ont pris la première place dans notre droit,
les assurances illimitées son t depuis longtemp s abandonnées, et on ne peut plus en retrouver de traces que dans
les anciens documents de la législation maritime.
Quoiqu'il en soit, au point de vue theorique une grosse
question se pose. La responsabilité des as. ureurs, en
l'absence de toute mention permettant de se rendre un
compte exact de lïnten tion des parties, serait-elle limitée
à la valeur qu'a la chose au moment de son départ, ou
bien seraient-ils tenus de réparer tout le dommage que
des événements de mer ont fait supporter à l'assuré?
Nous pensons que l' as uré doit, pour que son assureur
soit responsable de tout dommage et de toute perle, le
stipuler expressément dans la police et qu'à défaut l'assureur ne serait tenu que de la valeur oa estimation de la
chose sur laquelle nous avons donné précédemment des
développ ements suffi san ts. C'est qu'en elTet, l'assurance
illimitée déroge absolument aux u, ages depuis longtemps
enracinés dans le comm orce, à la volonté nettement exprimée du législateur, ct la coo équence forcée e l qu'elle
�-
222 -
ne peul naître que d' une stipulation expresse. On peut
ajouter pour fortifier cette théori e qu'il est hors de doute
que les parties ont entendu s'en référer aux usages et
qu e leur intention n'a pas été de faire un contrat d'assurance d'après une vieille coutume depuis longtemps abandonnée.
Un autre motif qui suffirait à lui seul pour faire
admettre notre solution est tiré de l'article 1162 du Code
civil. Dans le doute les clauses s'interprètent en faveur
du débiteur, et augmenter la responsabilité du débiteur,
qui est ici l'assureur, serait violer ouvertement ce grand
principe de notre droit.
Mais celte limitation de la responsabilité des assureurs
à la somme assurée ou à la valeur de la chose, si la mention de la somme assurée fa it défaut, a cependant un
grand inconvé::iient pratique dans les assurances à. temps
ou dans les assurances à prime liée (c'est-à.-dire pour
l'aller et pour le retour d' nn navire sans interruption des
risques à la charge des assureu rs). Dans leurs voyages
successifs, il est bi en rare que ces navires n'aient p:is eu
besoin de réparations coû teuses et quelquefois. renouvelées, alors, en cas de perle, l'assuré sera, la plupart du
temps, incomplètement indemnisé par le paiement de la
somme assurée.
La pratique a remédié à cet inconvéni ent en décidant
que pour les ass urances au voyage les assureu rs ne seraient tenu s que dans la limite de leurs souscriptions,
tandis que dans l ~s assurances à temp ou à. prime liée
on considère chaque voyage sé parément et on fixe les
règlements ind épendants el successif:; des avari es de
-
U:3-
chaque voyage. C'est ce qui est constaté dans l'article
16 des polices d'assuran ce sur corps que les assureurs
n'ont accepté qu 'après une vive résistance. Cet article est
ainsi conçu : (( Dans les assurances à terme ou à prime
liée chaque voyage est l'objet d'un règlement distinct et
séparé. Ch aque règlement est établi comme s'il y avait
autant de polices distin ctes que de voyages. La somme
assurée est. pour chaque voyage , la limite des engagements des assureurs. "
SECTION VII. - De la prime ou co11t de l'assurance.
Nous ne devons pas ici étudier la prime en dehors de
la police, voir comment elle se comporte en cas de faillite de l'assureur ou de l'assuré, examiner s' il est des cas
où elle peut être diminu ée, ou si, au contraire, il y a lieu
à une surprim e. Ces questions et d'autres encore se plaçant naturell ement dans nne élude sur les obligations de
l'assuré seraient en dehors de notre Lhèse. Pour nous, la
seule question qui mérite d'assez amples développements
est celle de savoi r si la mention de la prime est essentielle dans la police d'ass urance. Il faut répondre, à n'en
pas douter, que la prime est de l'essence la plus intime
du contrat. C'est le corrélatif nécessaire des risques. Il
ne peut y avoir d'assurance sans prime, pas plus qu'i l ne
peut y en avoir sans risque . AdmeltrP, qu e le contraire
est possible, c'est admettre qu e le co ntrat d'assurance
peut être à titre gratuit, ce que personne n'a jamais soutenu (une telle convention serait tout simplement une
donation co nditionnelle) .
�-
224 -
Mais la prime peut revêtir diverses formes. En général,
elle consiste en argent, mais elle peut consister aussi en
marchandises. en un service quelconque, on peut décider
qu'elle viendra en compensation d'une dette de l'assureur, elle peut même, si nous en croyons Émérigon et
Pothier, être stipulée sous la condition que le navire arrivera à bon port; c'est alors l'assurance de la prime, car,
au fond , ce contrat renferme une double assurance, \'assurance de l'objet en question et l'assurance de la prime.
On a longuement discuté pour savoir si cette convention
était licite, on a dit et répété souvent que puisque la
prime devait, dans tons les cas, être payée, elle ne pouvait
pas être considérée comme sujette aux risques rie la navigation. l\lais nous répondons avec Émérigon qui a fort
longuement traité celte question en citant des exemples
curi eux où les assurances des primes plusieurs fois répétées et à un taux sup érieur à 50 °/. fin issent par excéder de beaucoup le capital, que la prime est une dépense
maritime, ajoutant que déjà l'ordonnance des consuls de
Barcelone en permettait l'assuran ce, que depuis cet usage
s'est continué, el que le Code enfin ne prohibe nulle part
un tel contrat.
La prime, qu elle que soit la form e qu' elle puisse revêtir, doit donc, à peine de nullité, être mentionnée au
contrat, et tous les auteurs an ciens constatent qu'en pratique, on ne peut pas supposer une es pèce où les parties
aieut oublié de fix er la prime.
Aujourd'hui cependant, il est des jurisconsultes, Locré
et Pardessus sont de ce nombre, qui ont pensé que la
prime pourrait être omise et le contrat rester néanmoins
-
225 -
valable (nous avons dit que, pour nous, c'est un e donation
conditionnelle). Ces auteurs alors veulent que, suppléant
à l'écrit, on détermine la prime.
Mais comment faire Cètte détermination? Chacun propose son système, et pas un ne nous paraît arriver à une
solution satisfaisante.
c· est ainsi qu'on propose de fixer Je chiffre de la prime
par le livre des courtiers. Mais dans une police d'assurance sous seing privé le courtier n'intervient pas,
et même dans une police authentique cette mani ère d'agir
ne perm et aucune détermination, puisque ce livre des
courliP,rs contient la copie littérale de la police, qu e c'est
en quelque sorte un double de la police, au po int que si
l'un des deux titres s' ~gare, l'autre, aux termes de l'article 1 f12 8° du Code de commerce, fait foi.
CoQseillera-t-on la preuve testimoniale? Mais aux termes de \'arti cle 13.4.1 du Code civil, on ne peut pas par
témoin s prouver outre ou contre le contenu aux actes.
Allèguera·-t-on qu e le tribun al pourra imposer cette
fixation aux parties en s'inspirant des circonstances do
procès et du taux des primes, P,t cela en vertu de l'article ·
34.3 du Coùe de comm erce, qui autorise ce procédé au
cas de survenan ce de guerre? Mais c'est un cas excep ·
tionnel et qu'o n ne peut étendre, car exceptio est strictissùnœ interpretationis ; c'est de plus contraire à la
raison et au droit, puisqu e la fixation de la prime es t et
doit être entièrement laissée à l'appréciation de l'assureur
et qu'on ne peut pas lui imposer un risque plus grand
que celui qu'il a voulu courir.
La seule chose qui peul, suivant nous, iu diqu er le
�-
226 -
montant de la prime, et par conséquent permettre de
compléter la police et de suppléer à son silence, est le
billet de prime souscrit par l'assuré (1) ; mais cela n'infirme en ri en ce que nous)von s dit, car le billet de prime fait partie de la police, constate l'engagement de l'assuré, constitue une preuve que le contrat a été formé et
exécuté.
La prime doit donc être mentionnée dans la police.
Toutefois, si l'assuraoce n'était que l'élcr,essoire d'un
autre contrat, la prime pourrait n'être pas indiquée, mais
n'en existerait pas moin s, elle serait implicitement comprise dans la convention des parties.
C'est ce qu'on verrait aisément en décomposant un
affrétemenl dans lequel !'affréteur se chargerait des risques, ou un prêt à la gros~e. L'affréteur payera moins
ch'!r parce qu 'il garde la prime pour lui, l'emprunteur
payera plus cher, parce que, outre l'intérêt de l'argent
qu'il a emprun té, il doit payer au prêteur, so n assureur,
une prime élevée.
(i) Ce billet de prime est négociable. Mais le plas souvent on
convient qu'il ne pourra être négocié qu'après l'arrivée du navire,
lorsqu'il ne peut plus y avoir de con testa lions entre les parties. La
souscription de ce billet n'opère pas novation, car telle n'est pas
l:intentioo des contractants.
Aussi pourra-t-on opposer au porteur du billet les exceptions
qu'on aurait pu opposer à l'assureur, el d'un autre côté, ce porteur
jouira toujours du privilége de la prime.
La constatatio11 de la dette par le billet de prime prouve que ~e
Code a dérogé à l'ancien droit, qui voulait qu e la prime fût payée
comptant, et c'est même de là, s'il faut en croire l'ordonnance des
consuls de Barcelone, que lui vient le nom de prime (prima, la première, ou primum, d'abord, premièrement payée),
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227 -
SECTION VIII. - De la soumission à des arbitres.
Lors de la discussion du Code de commerce, on proposa au conseil d'Etat de rendre l'arbitrage forcé en
mati ère d'assurance, comme on l'avait rendu forcé en
matière de société commerciale. La discussion fut vive
sur cette question. Pour les uns, l'arbitrage forcé aurait
pour effet d'accélérer beau?oup les co ntrats d'assurance.
Un individu isolé, disaient-ils, en procès avec des compagnies d'assurance obtiendra bien lentement et bien
difficilement que justice se fasse; et alors, si on ne vote
pas l'arbitrage forcé on arrivera à cet inconvénient redoutable que les Français ii;ont se faire assurer à l'étranger.
Mais les adversaires du système de l'arbitrage forcé
répondirent que cc la vérité se trouvait plu tôt dans la proposition inverse de celle qu'on venait d'énoncer, que
dans un e contestation, l'avantage est du c(>té de l'individu
isolé, de l'assuré, parce que l'objet assuré in téresse presque toujours sa fortune el qu'il s'en fait une affaire grave
et person nelle, landis que les assureurs n'ont qu'un intérêt très divisé, peu important pour chacun d'eux, que
c'est 1' affaire de Lous et celle de personne, que les Français rortent peu maintenant leurs ass uran ces à l'étranger
depuis que, dang nos places maritimes, il s'est établi des
compagnies d'assuran ce qui présenlenl plus de garantie
et incontestablement plus de loyauté que les assureurs
étrangers que leur éloignement rend d'ailleurs plus difficil es à poursu ivre; que l'arbitrage forcé ne remédierait,
�-
~2 8
-
au surplus , à rien, qu'ainsi ancun motif ne devait empêcher de consacrer la disposition de l'ordonnance qui rendait l'arbitrage purement facultatif. ,,
C'est cette dernière opinion qui a prévaln, d'après ce
que nous montrent les textes mêmes du Code.
L'arbitrage peut être général ou porter seulement sur
certaines clauses de la police, en tout cas les parties
doivent clairement exprimer leurs intentions dans le
contrat. C'est ainsi qu e dans une espèce que nous trouvons exposée en quelques mots dans Je Répertoire de
Dalloz au mot Droit Maritime, où les parties avaient dé ·
cidé que la prime serait augmentée en cas de guerre en
proportion des risq ues courus, et suivant le règlement
qui serait fait par la chambre de commerce, et où on
avait ajouté que les contestations qui pourraient s'élever
entre les parties « sur le fait de l'assurance et dépendances d'icelle pour quelque clause qu e ce fût, seraient
jugées par des arbitres dont ell es · co nviendraient , »
un tribun al décida avec raison qu e les parties avaient
entendu mettre hors de l'arbitrage général le règlement
de l'augmentation de prime en temps de guerre. La Cour
suprême saisie de la question décida Je 14 janvier 1806
que ce jugement ne donnait pas ouverture à cassation.
SECTION IX. - Toutes les autres conditions dont les parties
sont convenues.
La police d'assurance est la constatation d'un contrat,
et un con trat peut renfermer toutes les clauses que les
parties veulent y.insérer, pourvu que, d'un côté, elles ne
-
229 -
violenl pas les principes essentiels de ce contrat et les
dispositions prohibitives du Code, et que, d'autre part,
elles n'aient rien de co ntraire à l'ordre public ou aux
bonnes mœurs (nous savons qu e les parties ne pourraient pas prouver par témoins qu'il est intervenu entre
elles d'autres clauses que celles portées dans la police) .
Tous les auteurs examinent à ce point de vue la question de savoir si la police peut être à ordre ou au porteur.
Nous allons étudier après eux ce tte double question.
Clause payable à ordre. - L'article 3 13 du Code
de commerce autorise cette clause pour le billet de grosse
et, quoique dans notre titre X aucun article ne contienne
formellement une prescription semblable , nous nou s
croyons autorisés à celle assimilation , d'abord par le paragraphe de l'article 332 du Code de commerce que no as
étudion s, et ensuite en vertu de considérations générales.
Les besoins du commerce, la rapidité de la circu lation,
auloriseot cette ·~l ause dans tous les engagements de nature commerciale et même civile.
La doctrine et la jurisprudence (Cass. 18 mars ·1843)
sont fixées en ce sens. Tout le monde reconnaît que le
silence du Code ne doit pas être une raiso n de décider
en sens contraire; et, même si le législateur n'avait pas
autorisé formellement celle solution pom· le billet de
grosse, il aurait fallu néanmoins l'admettre suivant l'opinion la plus accréditée.
On pourrait encore tirer argumen t de ce qui avait lieu
sous l' empire de l'ordonnance, où il était permis de faire
une assurance à ordre, quoique aucun article du document ne l'autorisât formellement.
1
�-
230 -
l\fais, bien entenda , si la police d'assurance est un
effet de commerce qu'on peut transmettre, il faut pour
celle transmission que l'endossement. soit régulier, c'estâ-dire daté, signé et contenant la mention de la valeur
pour laquelle il est fait (Cass . 1.. mai 1843. Amiens,
29juillet1849 entre autres).
Clau.se au porteur. - Nous répondons ici comme
pour la clause à ordre que les nécessités du commerce
doivent faire admettre cette solution qu'aucun texte ne
prohibe.
Celte pratique existait déjà du temps d'Emérigon qui,
aprés avoir constaté que beaucoup de formul es d'assurance contiennent dans l' usage la clause au porteur,
continue en disant : « Les billets payables à ordre furent
défendus par l'édit du mois de mai 1716. L'usage en fut
rétabli par la déclaration du 21 janvier 1721. Nos polices
d'assurance en vertu de la clause banale qu'on y insère
étant payables au porteur srins ordre ni procuration , on
les considère â certains égards comme des papiers négociables, sans même qu'il soit nécessaire d'y observer la
clause de l' endossement. Il suffi t qu'on s'en trouve porteur pour qu'on soit présumé en être propriétaire ...• .
La clause banale que la cc perte sera payée au porteur
sans ordre ni procure», a fait adop ter l'idée de négociabilité; mais cette négociabilité introd uite da ns l'usage
pour facili ter les affaires du commerce et mu ltiplier les
fonds du négociant, ne doit jamais nuire aux assureurs
pour tout ce qui concern e le contrat en lui-même do nt les
régies doivent être respectées par ce lui qui en réclame
l'exécution. ,,
-
23~
-
Si maintenant nous examinons quels seront les droits
de celu i entre les mains duquel se trouve une police à_
ordre ou au porteur, nous dirons que ce porteur aura
les mêmes droits que l'assuré lui-même, pourvu qu'il y
ait en dossement réguli er au cas de police à ordre, et
transfert au cas de poli ce au porteur.
Ce porteur pourra inten ter contre l'assureur toutes les
actions qu'aurait pu lui intenter l'assuré, et l'assureur
pourra opposer au porteur toutes les exceptions qu'il
aurait pu opposer à l' assuré. Le bon sens, le contrat
d'assu rance tel que no us l'avons envisagé, prouvent bien
qu'il ne peut en être autrement. Ne pas autoriser l'assureur à faire valoi r toutes les excep tions qu'il pouvait oppose r lors du co ntrat, c'est augmenter ses risques, c'est
autoriser les frandes, restreindre la portée de l'article 348
du Code de commerce si ind ispensable aux assureurs,
c'est enfin faire. de l'assurance un jeu ou un pari, et
nous avons répété bien souvent que jamais il ne devait en
être ainsi.
Mais le tiers porteur pourrait-il opposer à l'assureur
la compensati on? Et d'abord l'assuré pourrait-il l'oppo ser ? Raiso nnons dans l'hypothèse la plus simple. Le
bill et de prime porte que la prime de 2,000 fr. sera
payée, par exemple, le 1e• janvier, puis le navire périt, et
l'assureur doit 100,000 fr. à l'assu ré, qui, le 2 janvier,
nous Je supposons, demande la réparation du préjudice
qu'il a subi. Ici, bien évidemment, la compensation se
produi t, nous n'avons pas besoin de le démontrer, et
elle se prod uirait tan t à l'égard de l'assuré que du tiers
porteu r.
�-
232 -
Mais supposons que, d'un autre côté, l'assureur s<,it
créancier de l'assuré d'une somme liquide et exigible,
par exemple, pour simplifier, en conservan t notre même
espèc~, de 98,000 fr. Il est encore ici certain que l'assureur pourra opposer à l'assuré la compensa tion, car, il
y a compensation quand deux personnes so nt personnellement et respectivement créancières et débitrices
l'une de l'autre, ét que de plus les deux dettes sont liquides et exigibles, et c'est notre cas. Mais l'assureur ne
pourrait pas exciper de cette exception de compensation
contre le tiers porteur, car il n'est pas son créancier;
pour qu'il n'en soit pas ainsi, il faudrait qu'une novation
se produisît, c'est-à-dire, que le porteur consentît à accepter pour débiteur celui qui a cédé la police au lieu et
place de l'assureur.
Mais souvent cette qu estion viendra enco re se compliquer par la faillite de l'assureur, la chose assurée étant
soumise encore aux risques de la navigation. Est-ce qu'alors la compensation sera possible, ou l'assuré devra-t-il
payer la prime immédiatement, malgré la certitude qu'il
a qae l'assureur, en cas de perle, ne rempli ra pas ou ne
remplira qu'imparfaitemen t son obligation ? Nous n'adoptons ni l'une ni l'autre de ces deux mani ères de voir.
Nous n'admettons pas la compensation, parce que les
deux dettes ne sont pas exigibles ni liqu ides. Nous ne
croyons pas non plus que la prime puisse être imméd iatement exigée, car elle n'est due qu'à la condition que le
navire arrivera à bon port.
Nous pensons que l'assuré aura ici un droit de rétention analogue à celui de l'article 1613 du Code civil
-
233 -
considérant la prime entre les mains de l'assuré
comme la chose vendue entre les mains du vendeur.
Plus tard, si le navire arrive heureusement au lieu de
destination, l'assuré devra payer la prime, car, la condition s'étan t réalisée, il n'est plus que le débiteur pur et
simple d'une failli te et, si, au contrai re, le navire périt, il
déduira sa prime de la somme à lui due, et pour le
surplus, il viendra en co ncours avec les créanciers de la
faillite.
Nous ne voyons rien qui puisse empêcher le cessionnaire de l'assuré d'avoir, à ce point de vue, les mêmes
droits que l'assuré lui-même.
Diso ns maintenant en quelques mots comment doivent
s'interpréter les clauses d' un e police d'assurance maritime. Les règles de celle interprétation sont simples, et,
du reste, conformes aux principes généraux. Ainsi, l'assurance étan t excep ti onn elle, il fant en restreindre les
clauses plu tôLqu e de les étend re.
. La clause stipulée par l'assureur s'in terprète contre lui
dans le doute, il devait en effe t clairement exprimer sa
volonté, s' il ne l'a pas fait, il y a faute de sa part, et il
est juste de lu i en faire supporter les conséquences.
En cas d'obscurité, il appartien t aux juges du food et
non à la Cour de cassation d'interpréter l'intention des
parties. C'est donc à juste ti tre que la Cour suprême a
pensé qu'il n'y avait pas lieu de réform er un arrêt décidant que ces express ion::; d'une police d'assurance d'un
navire, cc destiné à la pêche de la baleine sur la côte du
Brésil et dans les baies» doiven t s' in terpréter non se ule15
�-
23&. - ·
ment de:; baies du Brésil, mais enco re de toutes celles de
la merùn sud (Cass. req. 19 mai 182.4).
Dès qu'une police es t négociée par l'intermédiaire
d'un co urtier ou d'un notàire et signée par )'ass ureur,
les parties oe peuvent pins la révoquer ou la modifier
que par co nsentement mutuel. L'écrit constatant cette
modification ou révocation s'appelle avenant.
Telle esr l'énuméra tion lon gue, et, il fau t bien le
reconnaître, quelquefois un peu co nfuse, de l'article 332
du Code de commerce, et, avec ell e, nous en avons fini
avec la partie essen tielle de notre thèse.
Notre œuvre serait cepe ndan t incom plète, l'étud e de
la police d'ass urance ne serait pas terminée, si nous ne
traitions pas, tout au moins d'une façon sommaire, la
question de la réassurance, et si nous n'examinions pas
1'1Jsage éminemme nt pratique des poli ces flottantes et
des polices d'honn eur. No us auri ons pu traiter, chemin
faisant, ces différents points, mais nous avo ns préféré ne
pas encombrer outre mesure les exp lications, déjà si
con fuses, nous le craignon s, dans lesq uelles nous sommes
entrés, et traiter ces matières à la fin de notre travail.
Nous allons les examiner dans trois chapitres différents .
CHAPITRE IV
De la Réassurance.
Nous avons vu plusieurs fois déjà que pour faire assurer un e chose il faut y avoi r un intérêt quelconque, et
que de plus. il est nécessaire que cette chose soit appréciable à prix d'argent et soumise aux risques mari limes.
Que la dette aléatoire que l'assureur a contractée envers
l'assuré, que les risqu es qn'il a pris à sa charge soient
appréciables à prix d'argent, ce n'est pas douteux, et la
preuve c'est qu'il ne les prend à sa charge que moyenn ant
une prime ; ils sont aussi suj ets à. des fort1fnes de mer
puisque l'assureu r tou chera la prime ou au co ntrai re
paiera à l'assuré la so mm e convenu e, dédudion faite de
cette prime, suivant que le navire péri ra ou arrivera à
bon port. Si donc nous pouvons démontrer que l'assureur peu t avoir intérêt à se faire assurer, nous ~evrons
admettre que la réa.surance est un contrat parfaitement
licite. Cet intérêt est évident, d'abord les risqu es peuvent lui sembler trop lourds, il peut regretter de s'être
engagé et, dans ce cas, il s'adressera trés légitimement à
un réassureur qui, con tre une prime le plus souvent plus
élevée consentira à la réassurance ·
Mai~ même, et c'est le cas le plus fréquent , il peut
�-
236 -
trouver une personne qui veuille assumer les mêmes risques moyennant un e prime moins forte, et dans ce cas,
si l'assureur se fait réassurer, il réalisera immédiatement
un bénéfice certain qui sera représe nté par la différence
des primes. C'estainsi que doit se justifier le S1" de l'article342. « L'assureur peut faire réa ssurer par d'autres
les effets qu'il a assurés. » L'assureur, dit le texte, et
non pas l'assuré, qui serait mal venu à c?ntracter une
seconde assurance. Le motif de cette prohibition est
évident. Si l'assuré pouvait plusieurs fois faire assurer
une même chose, l'immoralité du but qu'i l poursuivrait
apparaîtrait à première vue, il n'aurait plus qu 'un désir,
la perte de l'objet assuré, perte par laqu ell e il réaliserait
un bénéfice d'autant plus consid érable qu 'il aurait contracté plus d'assurances: et, nous le savons, le but dn
contrat pour l'assuré est, et ne doit être, que de lui
éviter une perte et jamais de lui procurer un gain.
L'assureur, au contraire, ne réalise pas un bénéfi ce,
car son prin cipal but quand il fa it réassurer la chose
qu'il a déjà assurée, est de ne pas courir le risq ue de payer
la valeur de cette chose.
Ces deux contrats ne se confon<lent pa·s, il n·y a pas
novation de l'assurance par la réassurance, l'assureur
reste tenu envers l'assuré qni ne peut rien réclamer au
réassureur. Il n'y a pas plus de liens entre ces deu x r.on ventions qu 'en tre deux assurances différen tes, faites en
des lieux et dans des temps différents, entre des assureurs et des assurés qui n'o nt pas les mêmes intérê ts.
Il faut même pour que la réassurance soit valable plus
de cond itions que pour l'assurance ordinaire . D'abord
-
237 -
les deux contrats, sauf en ce qui concerne le tJUX des
primes, doivent être absolument identiques. Il faut, en
outre, que la date de la première assuranee soit indiquée
dan s la réassurance ; c'est qu'en effet l'intervalle de
Lemps qui sépare les deux contrats peut singulièrement
diminuer les chances ù'heureuse arrivée et le défaut de
la mention de cette date dans la police qui constat.e la
réassurance constitue avec raison aux yeux de la doctrine
et de la jurisprudence un fait de réticence bien caractérisé. Mais faut-il encore, à peine de nullité du contrat,
que l'asrnreur fasse savo ir au réassureur qu'il s'agit
d'une réassUl'ance ou peut-il impunément garder le silen ce sur ce point? Ce problème a été l'objet de solutions
coolradictoires de la part de la jurisprudence, d'abord
parce qu Ei la qu estion n' est pas en elle-même bien élucidée, et ensuite, el surtout, parce que les faits jouant
ici Je plus grauù rôle, il est difficile de poser un principe absolu (Marseille, 5 juillet 1841, 2'1 mai 1863.
Aix, 5 avri l 1860 estiment qu'il y a réticence. Contra
Rouen, 12 déceml>re 1863. Bordeaux, 8 mars 1873.
Marseille, 13 avri l 1859).
Dans la doctrine les avis so nt aussi très partagés.
M. Laurin émet sur ce point la théorie que nous
croyons devoir adopter. ''Nous croyons , dit-il, cette opinion trop abso lue ( il est question ici de l'opinion ~e
M. Cresp qui pensait que le silence de l'assureur constitu ait touj ours un fait de réticence)•. ~a r.éas~u~a.nce ~eu t
être du e a d'autres mobiles que celui rnd1que ici (cramte
ou inquiétude sur le risque); elle peut être détermin ée ,
ainsi que M. Cresp va lui-même le reconnaître, par une
�-
238 -
spéculation sur le taux de la prime, elc. En quoi dès
lors ce fait et aulres analogues sont-ils inléressanls à
con naîlre pour le réassureur, el dans quelle mesure la
connaissance qu'il en aurail eue aurai t-elle mod ifié son
opinion sur le risque? Il ne peut donc y avoir réti cence
qu e tout autant que la réassurance aura un e raiso n d·'être
suspecte, telle qu e l'appréhension du risq ue, mais c'est
là un cas tout spécial, qui ne doit pas se présum er. »
Nous savons que le réassuré ne doit pas faire un gain,
mais seu le~ent éviter un e perte. Mais alors peut-il faire
réassurer à la fois et la somme qu'il court le risque de
payer et la prime qui lui est due?
C'est là une grosse et inléressante question. Con tro\'ersée dans l'ancien droit, ell e l'est encore aujourd 'hui.
Sous l' empire de l'ordonn ance, Valin et Pothier soutiennent la négative con tre Emérigon. Après la rédactio n
du Code Estrangin , Boulay-Pa1y, Lemonni er, Boiste!
adoptent la doctri ne de Valin. Dageville, Bédarri de, Laurio professent l'avis d'Emérigo n.
Et cependant la soluti on du problème paraît bien
simple. 11 s'agi t de savoir si en réass uran t la somme
entière d~jà assurée par lu i, sans en dédu ire la prime,
l'assureur peut ou non réaliser nn gain au trement que
par la différence des deux primes. Si oui, il faut absolument le lui interdire, si non , il n'y a pas de motifs pour
ne pas le lui permellre.
Valin et les auteurs qui partagent. sa mani ère de voir
pensent que cet ass ureur réaliserait un bénéfice. Voici
comme nt ils raison nent : la prime est ùéfinitiv ement
acquise à l'assureur uoe fois le ri sque com mencé, le
-
239 -
risque qu'il court ne co mprend don c pas celle prime,
et il ne peut faire assurer que ce risque, si noo , voyez le
résullat qui se produirait: en cas de perte, il ga rderait
la prime qu'il déduirait de la somme qu'il a à payer a
l'assuré, et puis, s'adressant au réassureur, il serait en
droit de lui réclamer la totalité de la somme assurée;
mais dans ce cas il ga1·derait la valeur de la prime et c'est
ce qu 'on ne peut admettre.
Les auteurs dont nous parlons réfutent l'opinion adverse qu e Dagev ille ex prime en ces mots : « L'assureur
ne doit plus compte de la prime à personne, il demeure
soumis au payement entier de la somme assurée, il ne
court aucun risque pour la prime qu'il a reçue, mais il
court le ri squ e enti er du capital assuré. » Mais, répond
Lemonnier : « Ce tte prime ne co nslitue-t-ell e pas pour
lui un bénéfice ou plutôt un e diminution de perte? Là
gîl toute la qu estion ; s'il y a sinistre, l'assureur devra
payer le monta nt de la valeur de la s~ m~.e assurée,
cela est vrai, mais toujours est-il qu'en reahtc, et ~an s
le co mpte qu'il se rendra à lui-même de ~on opéra.lion,
la prime qu'i l a reçue ou qui lui est due vient en deduclion de cette perte. >>
•
Ce dernier jurisconsulte a évidemment raison.; et
cependant nous ne croyons pas devoir nous ran ger~ oo
avis qu elque savamment qu'il soit présen té. Le raison. est v1·c1·elLx ' nous en convenon
s,
nement de Dagev11le
mais, envisagée à un autre point de vu e, la qu estion ~ e u~
se réso udre dans le même sens avec des argum ents d11Té
renls qui nous paraissent irréfutabl es. .
,
.
L'assureur, dit-on,
gagne 1a prime puisq ue, d nn cô té,
�-
240 -
il rembourse à l'assuré la somme assurée, déducr.ion faite
de la prime, et que, de l'autre, il reçoit du réassureur le
montant intégral de cette même som me. C'est un e
erreur. On oublie qu'il paie lui aussi un e prime au
réassureur, que par conséquent il ne peut se faire r<::mbourser intégralement lad ite somme et que, s'il gagne ,
ce ne peut être que sur le taux des primes.
Mais l'assureur ne pourrait pas faire réassurer la prime
des primes à l'infini, si cette clause ne se trouvait pas
dans la premiére assurance. Ici, en effet, le raisonnement de Vali n serai t pleinement justifié, le réassuré
ferait un gain illi ci te, puisqu' il n'aurait pas à payer un e
prime au réassureur et que , d'a utre part, il ne paierait la
somme assurée qu e déduction faite de la prime.
CHAPITRR V
Concours de plusieurs polices quant au même risque
et des polices flottantes.
Cette matière est réglée par l'article 359 du Code de
commerce en ces mots : « S'il existe plusieurs con trats
d'assurance faits sans fraude sur le même chargement, et
qu e le premier contrat assure l'eotière valeur des effets
chargés, il subsistera seul. - Les assureurs qui ont
signé les con trats subséquens sont libérés; ils ne reçoivent que dem i pour cent de la somme assurée. - Si l'entière valenr des effets chargés o'esl pas assurée par le
premier contrat, les assureurs qui ont signé les contrats
subséquens répondent de l'excédant, en ~uivan t l'ordre
de la date des con trats. 11
· Souvent lorsqu'il s'agit d'un risque important il peul Y
avoir µlusie urs polices. C'est ce qui arrivel'ait, par exemple, si l'assuré, pour 4ue son risque soit plus vite couvert , s'était adressé à des courtiers de fl laces différentes,
ou à plusieurs courti ers de la même place. Dans ces cas
et autres semblables, il est possible que le montant des
souscriptions dépasse considérablemen_t la. v~l~ur . du
risque et cela, so it parce que l'assuré attr1bua1t a ~ objet,
assuré une valeur supérid ure à.sa valeur réelle. soit parce
qu' il pensait à tort expédier une quantité Je marchan-
�-
242 -
dises suffisante pour alimenter les souscriptions de tous
les assureurs.
No ns avons étudié avec détai ls la questi on de savoir ce
qui se produirait dans l'hypothèse d'une police un ique .
Voyons à présen t ce qu'il en est quand il y a co nco urs de
pl usieurs polices. On ti ent comp te des dates des diITérents
contraLs, et les assurances so nt annulées, ristourn ées par
d~~aut d'atimeuts en remontan t des dernières aux prem1eres. La question , on le voi t, est bien simple, et sem~l~ n'exiger aucuns développemen ts, car tout se rédui t
a l_examen des dates auxquell es les polices ont été so nscntes.
.li ~ a cependant un e hypothèse où la qu estion de sa-
~01: a quel mom ent l'ass urance s'est réalisée est diffi ci le
a resoudre, c'es t lorsqu' il s'agit d' un e police d'abonn ement ou poli ce flottant e.
, li arrive fréquemment que des n~gociants ex portateurs
s abonnent d'avan ce à des comp agnies el font ass urer
toutes les marchandises qu'ils chargeront dans un laps
de temps et dans des co ndition s déterminés.
Quand pendant ce lle période un nav ire quelco nqu e
porte des marchandises de ces négociants, ils font à leurs
as.su~eur~ une déclaration d'ali ments po ur telle valeur.
Ici c. es t 1as.surance in quo vis sur laquell e nous n'avons
pas a revemr.
S'., par erreur ce correspo ndant avait fait
lesdites marchand ·
assurer
.
ises, son ass urance se rai t ristournée
ca.~ elle. serait fo~c:rnent postéri eure en date, la prern1eri eta~t cons1_derée comme faite, non du jour de
la déclaralton, mais du jour de la po li ce d'abonnement.
-
243 -
Q1Je décider à. présent si la police d'abonnement émanait du correspondant ? Ici le contrat pour le véritable
intéressé n'aura d'effet qu'à la date du paiement de cette
police ou du chargement.
Si donc il avait de son cô té fait assurer la marchandise
en qu estion dans l'intervall e qui s'écoule en lre la police
d'abo nnement et le chargemen t, c'es t cetle dernière assurance qu'il faudrait valider , d'abord parce qu 'elle
émane du véritable intéressé, ensuite et surtout parce
que, eu égard à lui, elle est postérieure en date (Marseille,
17juillet1877).
A défaut d'assurance de la part du propriétaire, le
co ntrat fai t pour son compte par son correspondant ne
serait pas annulé, el cela sans qu'i l y ai t à. distinguer, si
ce tiers agit comme mandataire ou comm e gérant d'affaires , si le véri table intéressé a des relations fréqu entes
avec celui qui a fa it assurer el qui fait habituellement
ass urer pour son compte, ou si c'est un tiers qu elconque
qui, agissan t dans son intèrêt, a co ntracté en son li eu
et place une assurance utile à son insu.
Toutefois un e grav e co ntroverse s' est élevée sur un
point. Supposo ns qu e le propriétaire ait fait assurer,
mais pos térieuremen t à un Li ers, absolument inconnu de
lui , qui l'avait devancé, sïmmisçant sao s motifs da ns ses
affaires. Quel est ce lui des deux contrats qui sera ristourn é?
On peut dans les deux se ns don ner des argum ents
plausibles. Ceux fJUi pensent que l'assuran ce faite par le
ti ers doit être maintenue, in voquent comme principal
argument l'arti cle 359 qui paraît bien formel. Tou t en
�-244-
reconnaissant le bien fondé de leur théorie, nou s prêférons ne pas nous ranger à leur concl12sion.
Comment, voilà une perso nne qui a prudemment fait
assurer sa marchandise à des assureurs qu 'elle connaît,
dont elle a pu apprécier souvent la so lvabilité, avec qui
elle a plusieurs foi s contracLé, elle a payé, supputant les
risques qu'elle courait, la prime co nvenue, elle s'est engagée par écri t daos des conditio ns qui lui paraissaient
avantageuses, et Lou t cela n'aurait pas de sens, serait
annulé, parce qu'un correspondant quelconque au rait
contracté avant elle et pour elle, avec des assure urs
qu'ell e ne con naîl pas; en cas de perte, elle devrait all er
att~quer devanL des tribun aux étrangers un e Compagnie
qo1 est peut-être insolvable, elle serait liée par un e co nvenlion qu 'elle ne vou lait pas faire, dont elle n'avait nul
besoin, et qui sera presq ue touj ours plus onéreuse 1 No1J s
croyons que ce rés ultat n'es t pas admissible et nou s refuso ns de valider cette ges tion d'affaires, devenu e désormais absolument inutile.
~elte ~olulion no us parait d~voir êlre acceptée sans
q~ ri y ait à distinguer entre l'bypothése d'une police
genérale et l'hypolhése d'une police spéciale.
On dit, il est vrai, que la police d'abonnement doit
to~jo~rs être primée par la police spéciale en vertu du
p.ri ~c1pe: ~pecialia gene ralibus derogant. Mais on peut
a1sement refuter cette manière de voir. Lorsqu'une pers?n ne a1 c~n trac.té ~ne assunrnce gé nérale, elle pourrait,
s1 cela eta1 Lvrai, s affranchi r de ses obligations en cont~actant, toutes les fois qu 'ell e expédi erait des marchandises ' une ass urance specia
· · 1e, ce qui. serait
.
contraire
-
2to -
à l'intenti on manifeste des parties et porterait une
alleinte injuste au grand principe de l'irrévocabilité des
conventions. Il n'y a donc pas lieu d'appliquer ici le vieil
adage que nous opposent qu elque.s-uns de nos adversaires.
Cette règle que, hors le cas d'un e réserve spéciale
dans la police flottante, l'assuré n'a pas le droit de distraire de cette police des marchandises quelconques,
pour en faire l'obj et d'une nouvelle assurance, est attestée
par un parère signé d'un grand nombre de courtiers
d'assu rance de Pari~ el qni a été produit dans une affaire
portée devant la Cour d'Orléans. Cette Cour a fort jostemen t adop té cette th éorie, Je 7 janvier 18MS, dans un
arrêt basé « sur le mo tif que si l'assuré ètait maître de
donner en alim ent à un e poli ce fl ottan te tel risque et de
11e pas lui donner tel autre, celte faculté loi permettrait
de choisir toutes les chan ces qui lui seraient favo rables,
et de faire peser sur l'assureu r toutes cell es qui lui seraient contraires. »
Cette diffi culté èlu cidée revenons à notre règle générale qu 'en cas de concours de plusieurs poli ce~ , dans
l'hypothèse où les souscri ptions des assureurs excédent
le ri sque a couvrir, on commence par annuler les dernières en remontant jusq u'à ce que les souscrip ti ons
soient alimenLées.
Il y a à cette règle de l' article 31)9 du Code de commerce une excep tion toute naturelle. Si une des premières polices renfermait un vice qui en permît l'annulati on, elle disparaîtrait et les risques qu' elle couvre
seraient rejetés sur les polices antérieures d'abord, et en
1
�-
2:16 -
cas d'insuffisance sur les autres, d'a près la règle de notre
texte.' ~outefois il faut que les derniers assureurs que le
proces rntéresse au plus haut point soient appelés en
cause et puissent présenter toutes les observations que
bon leur semble pour éviter l'annulation de la police sur
laquelle on plaide, sans quoi il s seraient en droit de
répondre à ce ux qui se prévaudraient co ntre eux du
prmc.1p.e : R~s judicata pro veri tate habetur, q11'ils n'ont
p.as e ~e parties a~ procès et que ce principe n e peut
s appliquer à des tiers : Res judicata aliis, neq ue nocere ,
neque prodesse, potest.
CHAPITRE VI
Des Polices d'honneur.
Le législateur françai s en édictant les règles de l'assuran ce s'est préoccupé d'en resleindre la portée, de l'empêcher de favoriser un lucre immoral sous le couvert d'un
contrat légi tim e, et tous ses efforts, nous l'avons vu, ont
tendu à proscrire une conve ntion qu'on (JOurrait assimiler à un jeu.
La plupart des législations étran gères ne l'ont pas
imité, et en ce la elles ont.eu tort. Mais lui, n'est-il pas
all é trop loi n, n'a-t-il pas enfermé l'assurance dans des
limites trop étroites, et voula nt interdire sévèrement le
pari, n'a-t-il pas. tombant par trop de précautions dans
un excès contraire, empêché l'assuré d'être indemnisé
complètement? En un mot, faut-il, au point de vue de
la législation, accepter sans critique l'article 34.7 du Code
de commerce ? Nôus ne le pensons pas; et dans ce
chapitre nous allons nous altacher à démontrer que cc le
fret des marchandises existant à bord et le profit espéré
des marchandises » devraient pouvoir être assurés au
moins en partie.
En assurant un navire pour ce qu'il vaut avant le
départ, on ne l' assure pas pour sa valeur complète, car
�-
2~8
-
des dépenses importantes onl élé nécessaires pour le
voyage et pendant le voyage. Qu'on n'assure pas le fret
brut, nous le voulons bien, mais en tous cas qu'on autorise l' assurance de la différence entre le fret brut el le
fret nel, c'est-à-dire des charges de ce fret inhérentes à
la navigation , des déboursés qne le propriétaire du navire
a été ob ligé de faire pour payer les matelots. pour réparer les avaries légères et entretenir le navire, pour
acheter des victuailles nouvelles, etc ... Cela nous paraît
conforme au droit et à la logique et nous approuvons
compl étem ent ici le projet de réforme de ~ 865, repris
tln 1873, qu'en 1877 Je sénat a adopté, el auquel , suivant
toutes les probabilités, la Chambre des dépu t<:s donnera
son adhésion quand elle sera saisie de la qu estion, ce que
tous les jurisconsultes attend ent avec une impatience
justifiée .
La pratique s'est rendue co mpte de ces avantages de
l'assuranc_e sur le fret et su r le profit espéré des marchandises où les mêmes raisons peuvent être invoquées et ell e
a donné so n approbation à ces contrats réprouvés par Je
Code .
Les polices par lesqu elles on constate ces co nventions
prohibées s'appellent polices d'hon neur , ainsi nommées
parce que les parties ont une confiance en ti ère en leur
loyauté et en leur bonne foi récip roqu es el qu'aucune
desdeux ne met en doute qu e l'autre co nsidèrera comme
un devoir de remplir ses engagements, fera honneur à sa
signature.
Cependant il ne fallait pas exagérer ce point de vue et
:\Uloriser d' une façon complète l'ass uran ce du fret et du
-
2!ù -
profit espéré des marchandises, car ce profil espéré peut
être exagéré par les commerçan ts, de bonne foi et surtout
à dessein . Aussi les intérêts communs, justes régulateurs
de touttls choses en ces matières, ont-ils fait prendre un
moye~ te~me en tre la loi et la li berté illimitée. La pratique
autorise 1a surance du fret jusqu'à 60 0/0 du fre t total
et l'assurance du profit espéré jusqu'à 1O0/0 seulement.
Tel paraît bien être le bénéfi ce que les armaleurs et les
chargeurs peuvent légitimement espérer. C'est ce qui est
co n5talé en ces mols dans l'arti cle 22 des poli ces d'assurance sur corps, et dans l'arti cle 15 des polices d'assurance sur facull és.
Article 22. cc Les ass urés s'interdi sent expressément:
les assurances sur bonne arrivée des navires.
Les assurances sur le fret excéda nt soixante pour cen t
du fret à justifier.
Cette justification pourra se faire par la charte-partie,
par les connaissements, et si le navire périt en cours de
chargemenl, el n'a pas de charte-parlie, par les prix courants. L'ass urance sur fret pourra stipuler le remboursemen t des soixanle pour ce nt du fret total ainsi justifié
que deva it faire le uavire, quelque so it le nombre des
tonn eaux embarqués au moment du sinistre pourvu
qu'il y ait un commencement de chargement.
Toute assurance fai te par les propriétaires des navires,
par leur ordre, ou ponr leur compte, co ntrairement aux
prescription s dn prése nt arti cle, réduit d'autanl, en cas
de délaissement, la so mme assurée sur le navire. »
Article 1o. « No nobslant toutes valeurs agréées, les
aSSLlrOU rS peuv ent, lors rl'unc l'CClamation de pertes OU
16
�-
250 -
1
d avaries, demander la justification des valeurs réelles et
réduire, en cas d'exagérati on, la somme assurée au prix
coûtant, augmenté de dix pour ce nt, à moins qu 'ils
n'aient expressément agréé uue surélévation supérieure
d'une quotité déterminée.
Le prix coûtant sera établi par les fa ctures d'achat,
et, à défaut , par les prix courants aux temp s et aux lieux
du chargement, le tout augmenté de tous les frais jusqu'à bord, des avances de frtlt non restituables, et de la
prime d'assurance, mais sans intérêt. ,,
M. de Courcy, qui s'est longuement occupé de cette
question, fait des vœux pour qu e cet usage du commerce .
soit sanctionn é par la loi, et il exprime en cela le désir
de tous les jurisconsultes.
Quoiqu'il en soilde ces réfo rmes urgentes, l'arti cle 347
est encore pleinement en vigueur, et si un tribun al était
saisi de la question , il devrait l'app li quer à la lettre, sa ns
résen e aucune. Mais, en pratique, on ne peut guère
admettre que des difficultés de ce genre se présentent,
car les compagnies d'assurance qui ne rempliraient pas
les engagements qu'elles ont contractés dans une police
d'honneur, seraient imméùialement désertées, et, par
conséquent, rainées.
1
Avant de terminer, une remarqu e es t ici nécessaire.
O,n a tou_jo.urs autorisé l'assurance du fret acquis, et on
n a cons1deré comme interdit e qu e l' ass urance du fret à
faire.
Déjà en 1779, une ordonnance royale faisait cette distinction, et c'est un e ,faculté qu'aucun tribun al ne conteste aujourd'hui. Cette distin ction nous paraît cepen-
...
'.251 -
dant incomprèbensible, car, de deux choses l'une : ou
le fret est acquis, c'est-à-dire, payé d'avance et non restituable, oo il est à faire, c'est-à-dire, éventuel, aléatoire,
subordonné aux risqu es de la navigation. S'il est acqui s,
on ne le fera certainement pas assurer, parce qu'il n'est
plus soumis à des risques maritimes ; s'il est à faire, la
loi défend de l'assurer.
Emérigon et les jurisconsultes du siècle dernier ont
renon cé à donner un sens à cette ordonnance, et, depuis
le Code, Estrangin a suivi leur exemple.
La pratique seule, poussée par l'intérêt, a imaginé un
biais en apparence fort plausible.
On a dit, le fréteur (propriétaire, capitaine ou armateur) peut insérer dans sa convention avec le chargeur
qu e le fret loi sera acquis à tout événement. Nous sommes
donc ici en présence d'un fret acquis. Ensuite on impose, par cette même convention, au fr éteur l'olîligation
de faire assurer Je fret àsa charge ; c'est-à-dire qu' en fin
de compte, Je chargeur déduit du montant du fret qu'il
paye la prime d'assurance de ce fret. Voil à, dit-on , un
cas dans lequel se conÇoit fort bien l'assurance du fret
acqms.
Mais, en réalité, celte subtil e hypothèse renferm e l'assurance d'un fret à faire, car cette assurance est faite
dans l'intérêt du fréteur·qui paie la prime, puisqu'il la
déduit du montant du fret qu'il touche; en regardant au
fonds des choses on s'aperçoit aisément qu'en réalité
l'assuré n'est pas le chargeur, car il n'a au cun intérêt à
cette assurance, mais bien le fréteur qui assure un fret
à faire, puisqu e ce n'est qu e par l'assurance, qu'à canse
de l'assuran ce, qu e le chargeur consent à le lui payer.
�-
252 -
On fait la même distinction pour le profit espéré des
marchandises: on admet l'assurance dn profit acquis,
c'est-à-dire, réalisé avant celte assurance, et on défend
seulement de faire assurer le profit espéré.
Ici la question es t encore for t simple ; le profit acqui s
peut être assuré puisqu 'il fai t partie de la chose ellemême, tandis qne pour le profil espéré, aléa toire, n'étant
pas encore dans le patrimoine du chargeur, l'assurance
serait la , péculation.
A notre point de vue donc, celle distinction n'a pas
de raiso n d'être, la ques tion ne peut porter que sur Je
fret à raire et le profit espéré pour lesquels, en droit, il
n'y a pas d'assurances pos ibles.
Tont cependant démontre la légitimité d' un tel contrat,
de quelqu e façon qu 'o n l'enyisage.
On permet bien à un créancier conditionnel de fa ire
des actes co nser..-atoir es de sa créance, mais le fréteur
n'a-t-il don c pas une créan ce conditionnelle co ntre le
chargeur et l'assurance n'est-elle donc pas une mesure
conservatoire ?
On permet de fa im assurer tc.ntes les choses soumises
aux risqu es de la naviga tion, le fret pe reotre-t-il Jonc
pas dans cette catégori e ?
On ne veut pas autoriser l'assurance maritim e du profit espéré des marchandises, et cependant tarit les jurisconsultes que les économistes proclament la validité des
assurances terrestres con tre la grêle et tous les événements qui peuvent an éantir un e réco lte. Cette récolte
n'est-elle donc pas un profit espéré ?
En voilà bien assez, ce nou s semble, pour être en
-
253 -
droit de critiquer la th éorie que le législateur a adoptée
dans l'article 347 du Code de commerce.
Notre tâche est termin ée. Notre intention n'a pas été
d'entrer à propos de la police d'assurance maritime dans
des développements à perle de vue. Notre seul but a été
de metlre, s'il est possible, un peu de clarlé dans ces
mati ères souvent obscures . C'est ce seul motif qui nous
a fait diviser notre travail en plus de chapitres qu'on ne
le fait en général et qui nous a empêché de traiter la
qu estion à un autre point de vue.
Il eut été in téressant, cependant, d'éludier le texte
d' un e police d'assurance articles par arti c~es, de rat.tacher à chacun e de ces productions de la pratique les prmci pes du droit qui s'y rapportent, d'examiner les circonstances nombreuses où les nécessités du commerce ont
fait méconnaître la loi. No us ne l'avons pas fait, préférant
1e Code et nous en teni r à la théorie.,. car nous
.
suivre
vons pensé qu' il serait plus intéressant d'ex ammer cette
:uestion déjà si longne en elle-même en négli geant toutes
les nombreuses branches qu e la pratique est venue y
efier d'autant plus qne trop sourent les usages du
so nt en désaccord avec les règles du Code et
avec les principes ~a in e rn e nt interprétés dn contrat que
nous venon s d'étlldi er.
~~mm:rce
�POSITIONS
DROIT ROMAIN .
1. - Le mariage ne se form e pas par le seul consen-
tement, il fau t en outre la deducti·o in domum rnari ti .
JI. - Le nauticum fœnus est un mutuum.
Ill. - La loi 5 D. De naut. fœn. peut s'expliquer
sans corrections.
IV . - L'action exercitoire est postérieure en date à
l'action quod jussu.
V. - L'ass urance telle que nous la concevons n'é tait
pas connue des Romains.
DR.OIT CIVIL.
Les mots cc erreur dans la personne » de l'arti cle
180 du Code civil ne peuvent s'entendre que de lapersonne ph ysique ou civile.
Il. - Il est possible de co nci lier les articles 692 et
694. du Code civil.
III. - L'indignité de succéder est encourue de plein
droit.
IV. - Le jugement de séparation de biens principal a
un effet rétroactif. Ce n'est pas une déro gation au princip e qu e les jugements ont effet rétroactif parce qu'ils
so nt déclaratifs de droits préexistants, ca r ce principe
1. -
est faux.
�-
-
256 V. - Les termes « frais qu elconques de la dernière
maladie n qui se trouvent dans Je ~ 3 de l'article 2 10·1
du Code civil ne s'appliquent qu'à la maladie dont on est
mort.
PROC~DURE
CIVILE.
Le procès-verbal de conciliation est un acte authentique.
l. -
DROIT CRIMINEL.
La tentative d'avortement n'est pas punie par le
Code pénal.
Il . - L'attaque sur les biens ne constitue pas le propriétaire de ces biens en état de légitime défense.
1. -
DROIT COMMERCIAL.
1. - Les actes de commerce peuven t porter sur des
immeubles.
257 -
Il . - Les cimetières font partie du domaine privé dela commune.
nISTOIRE DU DROIT.
I. -
Quelle est l'ori gine de la comm unauté?
~CONOMJE
POLITIQUE.
1. - La théorie de Montaigne, de Voltaire et de
Proudhon qui pensent qu e ce qu'une personne gagne
une autre le perd nécessairement ne contient qu'une
part restreinte de vér ité.
DROIT DES GENS.
1. - En l'absence d'un traité les ètrangers non
admis à fix er leur domi cile en France, sont privés de
tous les droits civil s qu 'un tex te ne leur accorde pas ~
mais ils ont la jouissance de tou s les droits naturels.
DROIT 111AR1TntE.
La copropriété des navi res consütu e un e véritable société commerciale sui generis .
IJ. - La police d'assurance n'est pas de l'esse nce du
contrat.
III. - Un intérêt qu elconque suffit pour pouvo ir
légi tim ement contracter une a~s urance .
1. -
Vu par le Président de la Thèse.,
A. LAURIN .
Vu par l e Doyen de la Faculté,
Alfred JOGRDAN.
YO BT PERMIS n'rnPRI!IBR :
DROIT ADMINISTIU. TIE.
Le He cteur,
1. - La destruction d'une vigne envahie par le phylloxéra peut donner lieu à une dema nde en déclassemen t.
BELIN.
�TABLE DES MATIÈRRS
DROIT ROMAIN
Notions générales et origine du commerct1 mar1t1 me à
Rome................ .. ... .... .. .. ... .. .....
CHAPITRE I .
Sources du droit maritime romain.
II.
Oe Io mer territoriale chez les Romains. . . .. . . . .. ........ ....
III.
Du n:ivirc. - Sa nature juridique.
- Ce f[u'il comprend.... . ....
IV.
Propriété et copropriété des navires.
V.
De l'exerci tor et du magister . - De
leurs droits e't de leurs obligations.
VI.
Du nauticum fœnus. . . . ....... .
VII.
De l'art ion exercitoire ........ . .
VIII - De!:. assurances. - Etaient- elles
connues des Romai ns? . . . . . . . .
Du
jet et de la con tr!bution. . . . . .
IX.
Des naufrages, abordages, incenx.
dies, etc.. . . . . ... .. . . . . ... .
.\ ppendice . . : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ........ .
DROIT
13
~8
22
27
'1 2
iO
76
90
96
FRANÇAIS
Préliminaires . . ..... .... .. ... . · . · · . · · · · · · · · · · · · ·
CH .\PITRE I.
Historique et gén~ralités ... · · · . · ·
II .
Formes externes de la police .• . . . ·
§ r.
Des polices iniprimées . . . ...•. . ..
•
7
101
rn9
113
H 4.
�-
260 -
Pag~
La police imprimée ou écrite est-elle
de l'essence du contrat. .. . ...... 415
§ 111. - De,; polices par acte au.thentique el
sousseing privé . .. ... •....... 132
CHAPITRE III. - Formes internes. - Des énonciations
que doit contenir la police . .. ... 1t.6
De l'influence des blancs dans la
SECTION 1. police.......... .... .. . ..... . lt.7
De la date . .. ..... • ............ 153
11.
Du nom , domicile et qualité de pro111 . priétaire ou de commi ssionnaire
de célui qoi fa it assurer . . . . . • . 463
Enonciations qui so rapportent à
iv.
l'objet du contrat. ........... n6
nom .. . ...... . . ...... .. . .. 47ï
Du
§ 1. § 11 . - Désigna tion du navire ... . ... .. .. ·. 180
§ m. - Mention de la cô te du Véritas . ... . . 484.
§ IV. - Du nom du· capitaine ... . .... . ... 188
§ v. - De la nature des marchandises et objets que l'on fait assurer ......... 192
§ VI. - De la V3leur ou e~ tim a t ion de l'objet
assuré . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19r1
Du lieu et du temps des risques.. . . 208
S s cTtON v. De la somme assurée . . . • ... ... . . 219
VI. De la prime ou cotll de l'assurance .. 22.1
v11. nu. - De la soumission à des arbitres . . . 227
Toutes les autres conditions don t les
IX. parties sont convenues. . . . . . . . . . 228
CHAPITRE IV . - De la réassurance .... . . . ... .. .. . 235
V. - Concours de plusieurs polices quant
au même risque et des polices flottantes . .. .. ..... ............ . . 241
VI. - Des polices d'honneur . . .. .... .. . 24-7
P o~itions .. . .... . .... .... . . . ... , . t . ÏJ 18·'· ... . . 2ô5
§
11. -
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Esquisse de droit commercial maritime romain en droit romain ; De la police d'assurance maritime en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit maritime
Droit commercial
Droit romain
Description
An account of the resource
Etude du droit commercial maritime romain et de la police d’assurance maritime en droit français du 19e siècle à partir du commentaire de l’article 332 du Code de Commerce
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Dadre, Louis
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-132
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Remondet-Aubin (Aix)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1884
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/240410181
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-132_Dadre_Esquisse-droit-maritime_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
260 p.
24 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/396
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
De la police d'assurance maritime en droit français
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1884
Etude du droit commercial maritime romain et de la police d’assurance maritime en droit français du XIXe siècle à partir du commentaire de l’article 332 du Code de Commerce
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Assurances maritimes -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Droit maritime (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/464/RES-AIX-T-154_Gentile_Nauticum.pdf
68407db3f0b36e72da16a99e371ba015
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Du nauticum foenus en droit romain ; De l'hypothèque maritime (Loi du 10 juillet 1885) en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit maritime
Description
An account of the resource
Du contrat à la grosse aventure (ou prêt à la grosse), en tant que puissant instrument de crédit maritime en Méditerranée à l’hypothèque maritime, dérogation du droit maritime à la règle selon laquelle les meubles ne peuvent pas être hypothéqués...
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gentile, Pierre de
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-154
Publisher
An entity responsible for making the resource available
A. Giard (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1899
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/241864100
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-154_Gentile_Nauticum.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
416 p.
In-8
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/464
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
De l'hypothèque maritime : Loi du 10 juillet 1885 (Publié avec)
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1888-1889
Le nauticum fœnus, également connu sous le nom de contrat à la grosse aventure ou de prêt à la grosse, fut chez les Romains un puissant instrument de crédit maritime, dont on peut retrouver chez les navigateurs de Phénicie, d’Athènes, de Phocée et de Rhodes. « Il y a nauticum fœnus lorsqu’une personne transfère à un armateur la propriété d’une somme d’argent pour acheter un navire ou les marchandises qui doivent lui servir de cargaison, ou bien encore pour être transportée au lieu où ses marchandises seront achetées, à la condition que celui qui a ainsi donné son argent prend à sa charge les risques de la navigation, qui doit avoir lieu à telle époque, de tel endroit à tel autre, en sorte que, si ce navire fait naufrage, il ne lui sera rien dû, tandis que dans le cas contraire on lui devra et la somme donnée et une somme en plus fixée par les parties comme elles l’entendent, somme considérée comme le prix du risque et appelée dans les textes usurae legitimae ».
Cette étude s’intéresse également à l’hypothèque maritime : sur ce point, le droit maritime est venu déroger à la règle selon laquelle les meubles ne peuvent être hypothéqués.
Résumé Luc Bouchinet
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Assurances maritimes -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Droit maritime (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Hypothèques maritimes -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/465/RES-AIX-T-155_Hornbostel_Loi-Aquilia.pdf
97c665d09a671797762276a4442441e5
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
De la Loi Aquilia et plus spécialement du délit d'abordage ; De l'Abordage, en droit moderne. Thèse...
Subject
The topic of the resource
Droit maritime
Droit romain
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Hornbostel, Nicolas
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-155
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J. Remondet-Aubin (Aix)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1889
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/241864488
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-155_Hornbostel_Loi-Aquilia_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
LIII-372 p.
In-8°
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/465
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
De l'Abordage, en droit moderne. Thèse...
Abstract
A summary of the resource.
Cette étude s’intéresse au délit provenant du fait de l’homme et de sa faute, mais n’impliquant chez lui aucune pensée mauvaise et aucune intention de nuire. L’auteur se penche plus particulièrement sur le cas de l’abordage survenu entre deux navires par la faute de l’un d’eux, et que règlent la loi Aquilia dans le droit romain, et l’article 1382 du Code civil dans le droit français.
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
Du délit non intentionnel à travers le cas de l’abordage survenu entre deux navires par la faute de l’un d’eux, et que règlent la loi Aquilia dans le droit romain et l’article 1382 du Code civil dans le droit français du 19e siècle
Abordage (droit maritime) -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Droit maritime -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Droit maritime (droit romain) -- Thèses et écrits académiques